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© Laurianne Ploix

écrivent est fort, à travers l’idée insouciante de l’établissement thermal ils ont inventé tout un tas de soins ». « La pleurothérapie », « la rirothérapie » sont des exemples de soins que les participants ont inventés et qui traduisent les différentes manières d’aborder la maladie et la thérapie. Le projet se conçoit sur le long terme et s’inscrit dans un processus évolutif et expérimental. Chaque année, les personnages et l’histoire sont un peu plus approfondis, développés et traversent de nouvelles problématiques. Cette année est celle de la mémoire et de l'histoire, en témoignent les trois baignoires au style ancien au milieu de la pièce ainsi que le choix du bâtiment datant du XIXe siècle. L’histoire du pays et de la psychiatrie, notamment sous le régime nazi, sont abordées dans la pièce. «On travaille sur les fantômes du passé », explique Fabrice ; les comprendre c’est se rappeler d’où l’on vient et vers où l’on va. Pour beaucoup des participants, l’atelier a permis d’avancer en laissant leurs fantômes au placard le temps de la pièce, ou plus.

« Quand je suis arrivée, j’étais toute tremblante »

Si la vocation première de l’atelier théâtre n’est pas thérapeutique, les effets des séances semblent pourtant prouver le contraire. David se souvient avec enthousiasme qu’un spectateur l’avait appelé par son nom de scène à la fin d’une représentation. «On se rend compte qu’on n’est pas que soi, on peut aussi être quelqu’un d’autre », nous confie-t-il. « J’ai appris la violence, la pitrerie et j’ai changé grâce à cet atelier. J’ai même appris la langue des signes pour Claude », continue-t-il. Claude, non-entendant, est le mime de la troupe. Ce dernier nous affirmait «le théâtre permet d’extérioriser, de créer et de transmettre par le mouvement, le regard. C’est comme une peinture, où chacun ajoute son coup de pinceau ». Manon, la benjamine du groupe, nous raconte la transformation qu’elle a vécue grâce au théâtre. «Quand je suis arrivée, j’étais toute tremblante, j’arrivais à peine à aligner deux phrases. Le théâtre m’a apporté énormément d’assurance », déclare la jeune femme. Le groupe semble tenir une place importante car c’est grâce aux encouragements de Claude et de David qu’elle a rejoint la troupe. Pour le personnel hospitalier qui participe au projet, l’atelier n’est pas un soin officiel mais en devient un, indirectement, et permet à tous de mieux se comprendre, s’exprimer et se rapprocher. Les soignantes s’estiment être des spectatrices directes des évolutions vécues par les patients grâce au théâtre. Anne confie avec émotion : « une fois, après le spectacle, un patient s’est exclamé : "Yes! J’y suis arrivé, je l’ai fait !" ». Ici, « la peau de soignante est en filigrane », déclare Julia, aide-soignante. Elles profitent de l'atelier autant que les patients et se rendent compte de l’utilité de ces sessions. Pour Anne, l’atelier ne devrait pas être limité à quelques jours par mois «cela devrait exister tout le temps et aider à repenser le soin ». Sylvie, infirmière également, voyant les effets bénéfiques du théâtre, a repris des exercices appris pendant les séances avec Fabrice lors de séances avec ses patients. D’un point de vue personnel, participer au groupe de théâtre les a également rapprochées les unes des autres. Elles partagent à présent une relation privilégiée grâce à l’aventure humaine qu’est le théâtre. Maryam Hamdadi , Laurianne Ploix

La culture comme ouverture au CPA de l'Ain

Au Centre Psychothérapique de l’Ain (CPA), outre une programmation culturelle annuelle bien remplie, deux festivals rythment l’année (en alternance) : la Folle rentrée et la Fête de l’été. Ces deux temps forts sont l’occasion, encore plus que d’ordinaire, de créer des rencontres entre le monde hospitalier et l’extérieur… et de faire tomber les peurs, des deux côtés.

« Le concert du groupe Samarabalouf que nous avions organisé pour la Fête de l’été en 2018, certains patients m’en parlent encore ! », s’enthousiasme Franceline Borrel, responsable des projets Culture NoMad et de l'Espace des usagers au Centre Psychothérapique de l'Ain. Une belle soirée, de l’avis de tous, qui avait regroupé 400 spectateurs « parmi lesquels beaucoup de personnes de l’extérieur, et tout le monde dansait dans le parc du CPA ! » se remémore-t-elle.

Au Centre Psychothérapique de l’Ain à Bourgen-Bresse, la programmation culturelle Culture NoMad (créée en 2009) semble riche : chaque année ont lieu plusieurs projets de création participative, des conférences, des sorties culturelles, des expositions, des spectacles… Points d’orgue de cette programmation, deux temps forts se déroulent en alternance, une année sur deux : la Fête de l’été et la Folle rentrée, créés respectivement en 2014 et 2015. D’abord imaginés comme des temps de restitution des ateliers de l’année avec artistes et participants, le projet a ensuite évolué vers des festivals à part entière avec des expositions, des concerts, des conférences... La Fête de l’été (qui aurait dû avoir lieu en 2020) dure 2 à 3 jours, la Folle rentrée jusqu’à 15 jours. La dernière édition, en 2019, avait même duré plusieurs mois avec de nombreux événements autour de l’histoire de l’hôpital, et attiré jusqu’à 1 500 spectateurs.

Fonctionner comme un centre culturel

Ces deux événements sont en fait un condensé de l’esprit qui anime le CPA en matière d’offre culturelle. Toutes les animations sont accessibles aux patients, soignants et habitants du département. « Notre idée est de fonctionner comme un centre culturel dans l’hôpital et de s’ouvrir sur l’extérieur, indique Franceline Borrel. On se fiche de savoir si l’on a en face de nous patient, famille, soignant ou habitant. Nous prenons la personne telle qu’elle est, citoyenne du monde, venant participer à un projet d’art et de culture. »

Dans le cadre des festivals comme de la programmation annuelle, le mot d’ordre est celui de l’ouverture. C’est pourquoi le CPA organise chaque événement en partenariat avec une structure locale (association, MJC…). Pour beaucoup d’habitants des environs, l’hôpital psychiatrique est encore un lieu effrayant. Alors la culture est un moyen de les y amener et, par là même, d’apporter l’extérieur à l’hôpital. Avec un changement de regard à tous les niveaux. «Cela participe à la déstigmatisation de la maladie psychique et cela permet aux personnes hospitalisées d’affronter leur peur de l’extérieur», ajoute-t-elle encore. Ainsi, une patiente a été si enthousiasmée par un atelier photo qu’elle se rend, depuis, une fois par semaine à un club photo à l’extérieur de l’hôpital. Franceline Borrel résume ainsi : « L’idée est de ne pas s’arrêter au projet, mais d’essaimer une envie artistique, une curiosité, une passion.»

Marie Albessard Inauguration Folle rentrée 2017. En 2017, la Folle rentrée avait été inaugurée avec le vernissage de l’œuvre de land art de l’artiste Myriam du Manoir. © CPA de l'Ain

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