HS TVB 21 - Culture et Santé Mentale

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© Laurianne Ploix

écrivent est fort, à travers l’idée insouciante de l’établissement thermal ils ont inventé tout un tas de soins ». « La pleurothérapie », « la rirothérapie » sont des exemples de soins que les participants ont inventés et qui traduisent les différentes manières d’aborder la maladie et la thérapie. Le projet se conçoit sur le long terme et s’inscrit dans un processus évolutif et expérimental. Chaque année, les personnages et l’histoire sont un peu plus approfondis, développés et traversent de nouvelles problématiques. Cette année est celle de la mémoire et de l'histoire, en témoignent les trois baignoires au style ancien au milieu de la pièce ainsi que le choix du bâtiment datant du XIXe siècle. L’histoire du pays et de la psychiatrie, notamment sous le régime nazi, sont abordées dans la pièce. « On travaille sur les fantômes du passé », explique Fabrice ; les comprendre c’est se rappeler d’où l’on vient et vers où l’on va. Pour beaucoup des participants, l’atelier a permis d’avancer en laissant leurs fantômes au placard le temps de la pièce, ou plus.

« Quand je suis arrivée, j’étais toute tremblante » Si la vocation première de l’atelier théâtre n’est pas thérapeutique, les effets des séances semblent pourtant prouver le contraire. David se souvient avec enthousiasme qu’un spectateur l’avait appelé par son nom de scène à la fin d’une représentation. « On se rend compte qu’on n’est pas que soi, on peut aussi être quelqu’un d’autre », nous confie-t-il. « J’ai appris la violence, la pitrerie et j’ai changé grâce à cet atelier. J’ai même appris la langue des signes pour Claude », continue-t-il. Claude, non-entendant, est le mime de la troupe. Ce dernier nous affirmait « le

théâtre permet d’extérioriser, de créer et de transmettre par le mouvement, le regard. C’est comme une peinture, où chacun ajoute son coup de pinceau ». Manon, la benjamine du groupe, nous raconte la transformation qu’elle a vécue grâce au théâtre. « Quand je suis arrivée, j’étais toute tremblante, j’arrivais à peine à aligner deux phrases. Le théâtre m’a apporté énormément d’assurance », déclare la jeune femme. Le groupe semble tenir une place importante car c’est grâce aux encouragements de Claude et de David qu’elle a rejoint la troupe. Pour le personnel hospitalier qui participe au projet, l’atelier n’est pas un soin officiel mais en devient un, indirectement, et permet à tous de mieux se comprendre, s’exprimer et se rapprocher. Les soignantes s’estiment être des spectatrices directes des évolutions vécues par les patients grâce au théâtre. Anne confie avec émotion : « une fois, après le spectacle, un patient s’est exclamé : "Yes! J’y suis arrivé, je l’ai fait !" ». Ici, « la peau de soignante est en filigrane », déclare Julia, aide-soignante. Elles profitent de l'atelier autant que les patients et se rendent compte de l’utilité de ces sessions. Pour Anne, l’atelier ne devrait pas être limité à quelques jours par mois « cela devrait exister tout le temps et aider à repenser le soin ». Sylvie, infirmière également, voyant les effets bénéfiques du théâtre, a repris des exercices appris pendant les séances avec Fabrice lors de séances avec ses patients. D’un point de vue personnel, participer au groupe de théâtre les a également rapprochées les unes des autres. Elles partagent à présent une relation privilégiée grâce à l’aventure humaine qu’est le théâtre.

Maryam Hamdadi , Laurianne Ploix © LP


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