Thèse Baudouin Jurdant

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Article publié le mercredi 1er septembre 2010 dans

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Les problèmes théoriques de la vulgarisation scientifique Un ouvrage de Baudoin Jurdant, (Editions des archives Contemporaines, coll. "ERSTU", 2009) Par Edouard Kleinpeter [1] Cette réédition de la thèse de Baudouin Jurdant, soutenue en octobre 1973, est l’œuvre de jeunesse de l’un des premiers penseurs français à avoir posé la question de la vulgarisation scientifique (VS) avec une approche théorique. Et elle est à lire et à savourer comme telle. Car, si le jeune Jurdant se laisse parfois aller à une emphase caractéristique d’un certain style universitaire des années 70, si quelques-unes des problématiques abordées (comme la scientificité de la psychanalyse ou du matérialisme historique), très « chaudes » à l’époque, n’agitent plus guère le monde académique, on décèle néanmoins au fil des pages les fondements d’une pensée profonde, servie par une acuité intellectuelle parfois naïve, certes, mais manifeste. Trente-cinq ans plus tard, nous sommes en mesure d’apprécier la portée de cet ouvrage, de retracer la percolation des arguments de Jurdant à travers les diverses strates de l’université française, jusqu’au champ disciplinaire aujourd’hui connu sous le nom de « sciences de l’information et de la communication ». Dans ce court compte-rendu de la lecture des Problèmes théoriques de la vulgarisation scientifique, deux des idées centrales du livre seront présentées. La première car elle fait aujourd’hui partie des acquis fondamentaux de toute théorie de la vulgarisation, la seconde car, en dépit de son intérêt théorique évident, elle commence tout juste à être prise au sérieux par le monde académique. Très tôt dans l’ouvrage, Baudouin Jurdant entame une entreprise de déconstruction du discours des vulgarisateurs. Et le diagnostic qu’il dresse est sans appel : alors que la plupart d’entre eux considèrent que leur activité participe à combler un hypothétique fossé entre la science et le public, la réalité est que, au contraire, ils contribuent à le creuser. En effet, note Jurdant, la VS fonctionne essentiellement sur une dichotomie entre savoir et non-savoir. D’un côté ceux qui savent, les scientifiques, de l’autre ceux qui ignorent, le public, et le vulgarisateur qui agirait comme un passeur entre ces deux rives (conception que l’on appellera, des années plus tard, le « modèle du déficit »). Derrière un idéal démocratique, hérité des Lumières, de culture scientifique universelle se cacherait donc en réalité une entreprise de fixation des connaissances scientifiques dans un état achevé et, partant, des normes sociales régissant la distinction entre savants et ignorants. Car, si le contenu du savoir vulgarisé est une sorte de traduction dans la langue vernaculaire des productions de la science, jamais ne sont explicitées les conditions de cette production [2]. La VS présente dès lors la démarche scientifique comme une suite de moments fragmentaires, tendue vers un idéal de vérité (alors qu’une recherche critique de l’erreur serait une définition plus appropriée). Elle tente, par diverses techniques rhétoriques, de rendre « appétissants » les savoirs scientifiques, en fonction d’une représentation que le vulgarisateur se fait de son public. Pourtant, la science, pour sa part, ne répond qu’aux questions qu’elle se pose, et qui ne correspondent pas (ou rarement) à celles du public. L’entreprise de VS se heurte donc à une incompatibilité de fait entre ces différentes préoccupations et son discours en devient forcément discordant, d’un côté comme de l’autre. Par ailleurs, la vocation universaliste de la VS (qui entend s’adresser à tous, « de la maternelle au prix Nobel ») a pour effet principal de gommer le particularisme des ignorances, l’éloignant encore de son public et de ses attentes. Pour tenter de remédier à cela, les vulgarisateurs découpent la société en « niveaux », définis en dernière analyse par le degré de proximité avec le monde scientifique, et proposent des publications adaptées à chacun de ces niveaux.

01/09/2010 10:38


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