PRIVATE BANKING Mystérieuse Automne 2011 n°96 – CHF 10.96
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Anna Mouglalis
Dossier bancaire : les spécialistes de la finance sous la loupe Les métiers d’art de Vacheron Constantin Portraits de quatre artistes classiques de renom
TRAJECTOIRE n°96
SOMMAIRE Automne 2011
12 RUE DU RHÔNE
Dernières nouvelles de l’artère du luxe.
18 REPéRAGES
Quelques adresses sélectionnées pour vous.
26 INVITéE
Anna Mouglalis, une histoire d’amour entre Chanel et le cinéma.
30 JUAN CARLOS TORRES Le patron de Vacheron Constantin nous parle des métiers d’art.
38 DISQUES
Les meilleurs sons de la rentrée.
56 MODE
Karl Lagerfeld fait revivre la Place Vendôme au Grand Palais lors de son défilé.
66 Dossier bancaire 68 Banque Mirabaud & Cie 70 Banque Cantonale de Genève 72 Banque Privée Edmond de Rothschild 74 HSBC 78 Deutsche Bank (Suisse) 80 UBS 82 Banque Bohnôte & Cie 84 Crédit Agricole 96 SAGA Mercedes :
125 ans d’histoire – 3ème partie.
102 AUTOMOBILE
Smart « Fortwo Brabus Tailormade », la voiture sur mesure.
104 PSYCHOLOGIE Les conduites à risque.
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Automne 2011
HERMÈS SELLIER
–
HERMÈS HORLOGER ARCEAU GRANDE LUNE Boîtier en acier, mouvement mécanique à remontage automatique, phases de lune, bracelet alligator Fabriqué par les horlogers d’Hermès en Suisse www.hermes.com
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TRAJECTOIRE n°96
SOMMAIRE Automne 2011
106 ARTISTES L’univers classique entre danse et musique.
112 INTéRIEUR
Visite guidée d’un havre de paix sur les bords du lac Léman.
116 DESIGN
Zoom sur les pointures du design belge.
124 CIGARE
Quand finance peut aussi rimer avec détente.
126 BEAUTé
Soins intensifs grâces aux crèmes les plus précieuses.
138 Evasion
Berlin belle et rebelle.
142 DESTINATION
Québec, entre Montréal la big city et nature luxuriante.
150 PEOPLE
Retour sur les plus belles soirées. GAGNANTS DU CONCOURS RELAIS & CHÂTEAUX
Miroslav Maťátko (Blonay), Ariel Mouyal (Genève), Philippe Staehlin (Commugny).
Abonnement TRAJECTOIRE
Le magazine de l’axe du luxe
A retourner à Trajectoire Magazine Service des lecteurs Ch. de la Marbrerie 1 1227 Carouge Suisse
Abonnement pour 4 numéros à CHF 35.- (1 an)
Abonnement pour 8 numéros à CHF 65.- (2 ans)
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TRAJECTOIRE
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Automne 2011
Economie réelle
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Les 500 meilleures entreprises au monde dans votre portefeuille Si vous partagez ces convictions, nous devrions nous parler: 1 La finance est un art appliqué et pas seulement une technique quantitative 2 La performance est produite par l’économie réelle et ses entreprises 3 Une bonne allocation d’actifs résulte de choix critiques et éliminatoires 4 Les meilleures valeurs de placement se découvrent grâce à l’architecture ouverte 5 La diversification à haute dose accroît le rendement et réduit le risque 6 La simplicité structurelle d’un portefeuille accroît sa robustesse 7 L’investisseur se doit d’affirmer ses objectifs, son horizon temporel et sa vision du risque 8 C’est la philosophie d’investissement qui détermine la performance d’un portefeuille, pas la taille de la banque ou le talent individuel de ses gérants Les conseillers de la Banque Cantonale de Genève se tiennent à votre disposition pour ouvrir le débat, partager leurs convictions et leurs expériences en gestion de fortune avec vous.
Genève Zürich Lausanne Lugano Lyon Annecy Paris Satellite Galileo: 34°00’13.19”N – 17°25’14.69”E – 23’222 km
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EN VUE
RUE DU RHÔNE Dernières nouvelles de l’artère du luxe
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N°
N°
N°
HEAVENS GENèVE
RENOVATION
HUGO BOSS
La nouvelle collection est arrivée
Bulgari fait peau neuve
Troisième boutique à Genève
La jeune marque suisse Heavens vient de lancer
Le joaillier italien inaugure un nouveau
Les dignes successeurs du petit tailleur alle-
sa collection automne/hiver 2011-2012 et la
concept de boutique historique sur la pres-
mand Hugo Ferdinand Boss, qui ouvrit un mo-
présente, à Genève, chez Bon Génie Grieder
tigieuse artère de la cité de Calvin. De ses
deste atelier dans le Wurtemberg au début du
et chez Basics. Les manteaux, cardigans, pulls,
premières créations des années 20 aux objets-
XXe siècle avant de connaître le succès que l’on
robes et accessoires se déclinent exclusivement
cadeaux modernes en matériaux nobles, en
sait, poursuivent leur expansion en inaugurant
en matières naturelles, telles que le cachemire,
passant par ses best-sellers comme les montres
cet automne une troisième boutique à Genève.
la laine mérinos, le daim et la soie. Ces nouveaux
bracelets en forme de serpent à deux tours, ce
Dès cet automne, dans un magnifique espace
modèles, essentiellement en mailles tissées, ar-
sont pour ainsi dire les œuvres complètes de
de 580 m2 sis à la rue du Marché, on trouvera
borent des motifs de type jacquard, nid d’abeille
Bulgari qui se laissent admirer par la clientèle
quatre lignes de vêtements qui font la part belle
ou double-face. Pour réaliser ses créations, la
dans cette boutique au design architectural no-
aux laines, lins, soies et cotons italiens: BOSS
marque collabore avec des artisans florentins, qui
vateur. On y pénètre soit par la rue du Rhône,
Black (classique et élégante), BOSS Green
travaillent sur des machines à tisser centenaires.
soit par la place de la Fusterie, prélude à une
(sportive, inspirée du golf), BOSS Selection
Tournant dix fois moins vite que les équipe-
visite initiatique – voire à une rétrospective
(costumes et chemises de luxe sur mesure) et
ments modernes, elles préservent l’extraordinaire
didactique – des célèbres créations italiennes.
HUGO (créations portant la patte artistique du
douceur et souplesse des fibres. Ainsi, l’étole en
Les objets précieux ne sont pas seulement
designer belge Bruno Pieters). Sans compter
voile de cachemire Heavens, icône de la marque,
exposés mais littéralement « mis en scène »,
les montres, lunettes, bijoux et parfums pour
est fabriquée dans l’un des matériaux les plus
afin de permettre au visiteur « d’entrer dans le
hommes et femmes qui font la notoriété de la
fins et les plus précieux du monde. —
monde de Bulgari ». —
ligne BOSS Accessoires. —
Heavens Geneve
Bulgari
HUGO BOSS
Bon Génie Grieder
Rue du Rhône 30
Rue du Marché 18
Rue du Marché 34 - T. +41 22 818 11 11
1204 Genève
1204 Genève
Basics - Rte de Florissant 55 - T. +41 22 789 13 55
T. +41 22 317 70 70
T. +41 22 311 53 77
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Automne 2011
ETERNITY - THE ULTIMATE LUXURY Pierre Jaquet Droz fait œuvre de pionnier et installe en 1784 la première Manufacture horlogère jamais établie à Genève. Après la Chaux-de-Fonds puis Londres, Genève participe à faire de Jaquet Droz une légende pour l’éternité. Grande Seconde Quantième, réf. J007030242 - Collection LEGEND GENEVA WWW.JAQUET-DROZ.COM Bern: Uhrsachen AG / Geneva: Hour Passion (Airport) - Les Ambassadeurs / Interlaken: Kirchhofer AG / Luzern: Embassy Samnaun: Hangl Uhren & Schmuck / Zermatt: Chronométrie Stäuble / Zürich: Beyer Chronometrie - Les Ambassadeurs Tourbillon Boutiques: Crans-Montana - Geneva - Lausanne - Lugano - Montreux - St. Moritz
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N°
N°
REOUVERTURE
LES AMBASSADEURS
BIJOUX
Burberry is back
Une nouvelle boutique à Genève
Rita Concept s’installe en Vieille-Ville
Après plusieurs mois de travaux, le magasin
Le célèbre détaillant suisse d’horlogerie et de
Quelle bonne nouvelle pour les amateurs de
genevois Burberry a rouvert ses portes à la rue
joaillerie Les Ambassadeurs inaugure une nou-
bijoux! La boutique Rita Concept s’est installée
Céard. La collection haut-de-gramme Prorsum,
velle enseigne sur trois étages et 630 m2 à la rue
au début de l’été en Vieille-Ville genevoise. On
célébrant la passion de l’artisanat et des pièces
du Rhône. On y trouve les montres rares et les
y découvre en grande partie les accessoires de
décoratives faites main, est ainsi enfin dispo-
bijoux exclusifs des plus prestigieuses maisons
la marque maison, Rita & Zia. Sa fondatrice,
nible à Genève. Cet espace remodelé de 265
de la haute horlogerie et de la haute joaillerie
Sandrine Barabinot, s’est lancée en 2006 dans
m fait honneur aux nobles matières et motifs
(Audemars Piguet, Blancpain, Breguet, Breitling,
la création de bracelets, de sautoirs, de boucles
anglais ainsi qu’au design interactif. Des écrans
Cartier, Chanel…). Des soirées mensuelles
d’oreilles et autres pendentifs. Distribuées dans
muraux invitent les clients à assister en live aux
exclusives sont organisées dans un « espace
près de 200 points de vente à travers le monde
défilés internationaux et à découvrir en avant-
connaisseurs » aménagé à l’étage supérieur. Sol
aujourd’hui, les créations en plein essor Rita &
première les nouvelles collections Burberry. Sur
en marbre précieux de Botticino, murs recou-
Zia mêlent bois, pierres précieuses ou semi-pré-
place, il est également possible de se connecter à
verts de bois de palissandre et de stuc vénitien,
cieuses à de l’or et de l’argent. Chaque pièce est
la plateforme Burberry avec un iPad, grâce à un
lustre en verre de Murano confèrent à cette
ornée d’un symbole: le trèfle pour le bonheur, le
équipement wi-fi. L’aménagement du magasin
boutique une atmosphère de salle aux trésors. Le
tigre pour la force ou le serpent pour la fertilité,
est l’œuvre du créateur de la maison anglaise,
Groupe Les Ambassadeurs tourne par ailleurs
par exemple. Et chez Rita Concept d’autres
Christopher Bailey. Outre Prorsum, on y trou-
une nouvelle page de son histoire avec la nomina-
marques sont proposées: les montres multicolores
vera les collections London, Brit, Non Appare,
tion de Joachim Ziegler, diplômé du Gemological
de la marque Ice Watch, les bijoux Morganne
Eyewear, Fragrances et enfin Watches. —
Institue of America (GIA), en tant que CEO. —
Bello et les accessoires Smet et KGB. —
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BURBERRY
Boutique Les Ambassadeurs
Rita Concept
Rue Céard 8
Rue du Rhône 62
Grand-Rue 13
1204 Genève
1204 Genève
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I L Y A DES HISTOIRES QUI MÉRITENT D’ÊTRE ÉCRITES.
La traversée de l’Atlantique à la voile entre amis ou la naissance d’un enfant, ces moments uniques et précieux méritent d’être immortalisés. Choisissez l’instant qui vous appartient. Nos graveurs, émailleurs, sertisseurs feront de votre histoire une légende. Il n’y a qu’une Reverso comme la vôtre. GRANDE REVERSO ULTRA THIN. Calibre Jaeger-LeCoultre 822. Brevet 111/398.
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EN VUE
L’INVITÉE Par Siphra MOINE-WOERLEN Photos Benoît PEVERELLI
Anna Mouglalis, une histoire d’amour entre Chanel et le cinéma
V
ingt heures trente en face du Grand Palais. Nous sommes à une heure trente du très attendu défilé Chanel Haute Couture. On s’agite, mange une assiette, boit une coupe avant le grand show. J’aperçois Alexa Chung puis Elisa Sednaoui, muse de Karl Lagerfeld, mais c’est avec une autre égérie du couturier, décalée et à la beauté fauve que j’ai rendez-vous : Anna Mouglalis. Chez elle, il y a quelque chose de mythique dira le « maître » : « Elle pourrait être une star glamour de l’âge d’or du cinéma. La voix de Jeanne Moreau, la force d’Anna Magnani, la présence d’Ava Gardner ». Elle s’avance, élégante et fragile, on dirait une déesse antique. On s’installe autour d’un verre. Très vite, entre trois bouffées d’une cigarette en douce, sa voix voilée prend tout de suite possession des lieux.
brol. Il m’a regardée d’une drôle de façon… il avait déjà son idée. Je faisais à l’époque un peu de mannequinat, mais c’était une souffrance car j’avais l’impression d’être une arnaque, qu’il fallait que je compose pour correspondre aux critères de la mode. En faisant ma première séance photo avec Karl tout a changé. Il m’a appris à ne plus être dans de faux semblants, mais à être le plus proche possible de ma singularité.
Ce soir, Karl Lagerfeld va présenter sa collection Haute Couture. Assistez-vous toujours à ses défilés ? Quand je ne suis pas en tournage, oui. Je suis toujours impatiente d’admirer ses nouvelles créations, alors j’essaie d’être présente le plus fidèlement possible. Karl possède cet art de nous éblouir et de nous surprendre à chaque défilé en nous embarquant toujours dans un univers différent. J’aime être présente, j’en ressors toujours émerveillée.
… Et de votre relation privilégiée et particulière avec le « maître ». Je le considère comme un maître à penser. Il m’a fait comprendre que lorsqu’on joue, il n’est plus question d’être belle ou moins belle, mais d’être honnête, de ne pas « essayer d’être » mais « d’être », tout simplement. Avec lui, je me suis toute incarnée. C’est quelqu’un de très exigeant et qui a un rapport au travail incroyable. On pourrait parfois penser cet homme et ce milieu superficiels, mais en réalité son cerveau bouillonne sans cesse et ses connaissances sont immenses. C’est aussi et avant tout un artiste d’une grande culture et d’une générosité extrême. Ensemble, nous parlons cinéma, littérature, peinture, c’est l’être le plus curieux, le plus vivant que je connaisse.
Vous dîtes que Coco Chanel était une véritable « punk » pour son époque, qu’aimez-vous chez cette femme ? Être l’égérie de Justement, parlez-nous de votre rencontre avec Karl la maison vous a-t-il aidée à interpréter le personnage ? Lagerfeld... Les femmes qui choisissent, qui travaillent et qui assument, c’est (Grand sourire…) C’était au cours d’une séance photo, il y a neuf elle. Voilà ce que j’admire chez cette femme : d’avoir imposé cette ans, après la sortie du film Merci pour le chocolat, de Claude Cha- vison à l’époque. Elle n’a jamais eu peur.
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EN VUE ANNA MOUGLALIS
Quand Jan Kounen m’a proposé de jouer Gabrielle Chanel, c’était une belle continuité. J’incarnais depuis 2002 l’esprit de la Maison Chanel et la vie de cette femme m’avait toujours passionnée. Son introversion, son féminisme, son altruisme et son goût pour le scandale ont fait d’elle une reine de l’antagonisme. Jouer la vie de cette femme, c’était montrer son côté noir et blanc… Je suis très fière d’avoir, même de façon modeste, lié mon destin à celui de Chanel. Précisément actrice ; en jouant des personnages forts comme Simone de Beauvoir, Coco Chanel et Juliette Gréco, quel regard portez-vous sur leurs vies et leurs passions ? Ce sont des femmes qui ont travaillé pour leur liberté. Leurs inspirations et leurs aspirations ont fait qu’elles ont changé le monde à leur façon. Jouer ces personnages était comme une caresse, cela a enrichi ma vision du monde, m’a ouvert des horizons. Interpréter leur courage, leur héroïsme et leur honneur, c’était raconter quelque chose de fort. On n’oublie pas ces rôles, ils vous poursuivent longtemps encore. Après le film « J’ai toujours rêvé d’être un gangster », Samuel Benchetrit, votre compagnon et père de votre fille Saül, vous a offert le premier rôle dans Chez Gino. Comment est-ce de tourner avec l’homme de sa vie ? Le rôle n’était pas pour moi au départ. Samuel m’a dit : « Je te le propose mais tu n’y arriveras pas ». Ce n’était pas gagné ! On m’avait trop souvent rétorqué que je ne pourrai jamais décrocher un rôle comique à cause de mon physique ou de ma voix. Alors c’est devenu un challenge. Jouer
dans une comédie demande énormément d’abandon de soi. La peur du ridicule, de ne pas faire rire m’a tiraillé, de m’en libérer, ce fut fantastique. Il faut une vraie confiance pour s’y risquer… et je ne pouvais que l’accorder à mon compagnon. En me faisant jouer dans un nouveau registre, Samuel m’a fait un grand cadeau et finalement je n’ai pas eu besoin de prouver quoi que ce soit. Les premières lectures ont suffi, et j’ai fini par ressentir une grande liberté.
qu’ils ressemblent à des caresses ? Le luxe, c’est ce que l’on fait pour soimême, c’est l’exceptionnel, c’est oublier la rugosité du réel.
Vous inversez bientôt les rôles puisque vous allez tourner votre premier film Le gars en tant que réalisatrice avec votre compagnon dans un des rôles. De quoi s’agit-il ? J’ai commencé à écrire le scénario pendant ma grossesse, je n’ai pas encore commencé la réalisation. Cela demande beaucoup de temps, d’investissement et d’énergie. Il s’agit d’un conte populaire russe « Vampire », dont je me suis inspirée et que je vais adapter. L’histoire est celle d’un anthropophage en cavale rencontrant une jeune vierge dans un village du nord de la France. Ebloui par sa beauté, il décide de ne pas la croquer mais l’invite à une initiation amoureuse. Samuel jouera le rôle du gentil vampire, Julie Sokolowski la jeune fille.
BIOGRAPHIE
Avec qui aimeriez- vous tourner ? Jane Campion, Michael Haneke et Paul Thomas Anderson… des réalisateurs aussi différents que magnifiques ! Votre définition du luxe ? Le luxe, c’est la volupté, je l’ai découvert avec Chanel. Coco Chanel tenait à ce que les doublures soient aussi riches que les vêtements. Dès lors, comment s’étonner
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Une devise ? « Ne daigne »… Un secret de beauté ? Aie… du vin rouge et des cigarettes… —
1978 Naissance en France. 1998 Elle étudie au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris. 1997 Débute sa carrière théâtrale et débute également sa carrière cinématographique dans le film de Francis Ford : Terminale. 2000 Elle est découverte par le grand public grâce à son rôle dans Merci pour le chocolat, thriller de Claude Chabrol. 2002 Elle est choisie par Karl Lagerfeld en tant qu’ambassadrice du parfum Allure de Chanel, qui marque le début d’une longue collaboration. 2003 Elle décroche le rôle principal du film d’Asa Mader, La Maladie de la mort, selectionné au festival de Venise la même année. 2007 Naissance de sa fille, Saül, qu’elle a eu avec son compagnon, le réalisateur Samuel Benchetrit. 2009 Elle interprète le rôle de Coco Chanel dans Coco Chanel et Igor Stravinsky. 2010 Elle incarne Juliette Gréco dans le film, Gainsbourg, vie héroïque. 2011 Elle est à l’affiche du dernier film de Samuel Benchetrit : Chez Gino.
RENCONTRE
HORLOGERIE Par Fabrice Eschmann | BIPH Par Nicolas RIGHETTI | Rezo.ch
« Notre Atelier Cabinotiers respecte les mêmes règles qu’une banque privée » C’est en 2005 que Juan-Carlos Torres a été nommé à la tête de l’une des marques horlogères les plus prestigieuses au monde : Vacheron Constantin. Une année plus tard, il créait l’Atelier Cabinotiers, cellule unique dans le monde de l’horlogerie, dédiée aux commandes spéciales.
S
es proches l’appellent Charly. Un surnom teinté de sympathie qui colle parfaitement au sourire chaleureux du personnage. Car Juan-Carlos Torres est un personnage. Même s’il s’en défend, il est de ceux qui creusent leur sillon, qui laissent une trace. Fatigué de donner de lui l’image romantique du fils d’immigré espagnol qui a réussi en gravissant tous les échelons, il oppose à la question « quel est votre parcours professionnel » une anecdote : « Il y a quelques mois, j’étais invité par l’Université de Barcelone pour une conférence sur la crise économique, raconte-il. Nous étions quatre grands patrons : un Allemand de l’industrie automobile, un Français représentant le monde des vins prestigieux, un Espagnol actif dans la mode et moi-même. Chacun leur tour, les trois orateurs se sont présentés, insistant sur leurs diplômes et leur parcours. Lorsque mon tour est arrivé, j’ai déclaré à l’assemblée que c’était la première fois que je mettais les pieds dans une aula d’université. Mais je l’ai dit en catalan. A l’heure des questions, il n’y en a eues que pour moi : les étudiants voulaient
en savoir plus sur mon vécu, mes 30 ans d’expérience chez Vacheron Constantin, la longévité exceptionnelle de la marque – 255 ans sans interruption –, notre management de crise, qui consistait en fait à ne rien changer. J’ai parlé pendant une heure après les exposés. Pourtant, mes collègues étaient sensés être les vedettes de la manifestation. » Expérience, apprentissage, formation : des mots qui reviennent souvent dans la bouche de Juan-Carlos Torres. Car bien plus qu’un dirigeant d’entreprise, le Catalan d’origine se considère avant tout comme un passeur. De valeurs d’abord, mais surtout de savoirs. « La chaîne de transmission des gestes du métier n’a jamais été rompue chez Vacheron Constantin », aime-t-il répéter. Une formule qui n’est pas usurpée : peu après sa nomination à la présidence de la marque en 2005, il met en place dans les ateliers un système qui n’en finit pas de faire ses preuves. Il confie les responsabilités opérationnelles aux jeunes – la moyenne d’âge du personnel est de 32 ans –, tandis qu’il charge les plus anciens
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du rôle de formateurs. Résultat : tout le monde y trouve son compte et la manufacture connait moins de 2% de turnover. « J’ai fêté mes 30 ans de boîte avec dix collaborateurs qui étaient entrés chez Vacheron Constantin la même année que moi », se réjouit-il. D’aucuns pourraient croire ce petit univers recroquevillé sur lui-même, plus prompt au rejet défensif qu’à l’ouverture. Il n’en est rien. Privilège des virtuoses qui n’ont plus rien à prouver, Vacheron Constantin se plaît à convoquer les Arts, les Sciences et les Cultures dans quelques-unes de ses collections uniques au monde. Le sillon de Juan-Carlos Torres, même s’il s’en défend… Depuis votre nomination à la tête de Vacheron Constantin en 2005, il y a eu les collections « Les Masques », « La Symbolique des Laques », « Chagall & l’Opéra de Paris » et d’autres. La marque ressemble-t-elle à Juan-Carlos Torres aujourd’hui ? Je vais vous répondre par ce que m’a dit
un horloger le 17 septembre 2005, jour de mon entrée en fonction en tant que directeur général : « Charly, ne réinvente pas Vacheron Constantin, tout existe ! » Pourtant, personne n’avait avant vous osé reproduire un masque tribal sur le cadran d’une montre… Un jour, notre directeur artistique, Christian Selmoni, est arrivé dans mon bureau avec un gros livre. Il l’a posé devant moi et m’a lancé : « C’est ça que nous devons faire ! Toute l’émotion de Vacheron Constantin est là-dedans. » Il s’agissait de « L’Homme et ses Masques », édité par le Musée Barbier-Mueller. Je l’entends encore me dire : « Tu dois te les procurer ! » Jean Paul Barbier-Mueller vous les a-t-il prêtés facilement ? Lorsque je l’ai appelé pour la première fois, on ne peut pas dire qu’il ait été très enthousiaste. A force de persuasion, il a fini par me prêter un masque. Et quand nous lui avons présenté le prototype de la montre, il a été ravi. Tellement qu’il a acheté la première série de quatre montres. Ce fut le début d’une grande amitié. Puis il y a eu la collaboration avec la maison japonaise Zôhiko pour « La Symbolique des Laques »… C’est elle qui nous a contactés après avoir découvert « Les Masques » ! Il y a aussi « Chagall & l’Opéra de Paris », une série qui reproduit en émail grand feu le plafond de l’Opéra de Paris. D’où vient cette idée ? Nous sommes mécène de l’Opéra national de Paris depuis quelques années. Le choix s’est fait presque naturellement.
RENCONTRE HORLOGERIE Vacheron Constantin
Vous n’y êtes donc pour rien dans tout cela ? Vous savez, chez nous, le département Création n’est pas subordonné au marketing, mais à moi. Non pas parce que je m’y connais mieux, mais parce que je garantis, ce faisant, un certain cadre de travail. C’est ma contribution. Le jour où un produit Vacheron Constantin découlera d’un brief marketing n’est pas arrivé ! Vous accordez une grande importance aux métiers d’art… Nous avons une cellule spécialisée dans les métiers d’art. Cela fait partie de la tradition chez Vacheron Constantin, qui utilisait déjà en 1755 la gravure et l’ornement. Sans être arrogant, je peux dire que nous sommes les plus anciens utilisateurs de ces techniques. Aujourd’hui, le département Métiers d’Art occupe un graveur, un guillocheur, un sertisseur et une émailleuse – formée d’ailleurs par Anita Porchet, l’une des émailleuses les plus douées, mais aussi l’une des dernières. Un département également mis à contribution pour votre Atelier Cabinotiers. Qu’est-il exactement ? Il incarne l’esprit de service personnalisé de Vacheron Constantin, une manière de fonctionner qui est à l’origine de la marque. On ne faisait pas de série au XVIIIe siècle. Nous avons décidé en 2006 de rouvrir un atelier dédié, capable de traiter n’importe quel désir d’un client – dans les limites de notre ADN. Les créations de cette unité très spéciale sont en principe tenues loin des yeux du public. Mais ce printemps, vous en avez présenté deux. Comment cela a-t-il été possible ? Il est vrai que nous traitons les clients de ce service comme ceux d’une banque privée. C’est en quelque sorte une Swiss Private Watchmaking ! Pour la mise sur pied de l’atelier, je suis d’ailleurs allé chercher le savoir-faire d’un ami qui dirige une banque privée. Vraiment ? Oui. Ça a été très instructif, et mon ami a également appris pas mal de chose sur notre façon de fonctionner. Nous avons aujourd’hui les mêmes niveaux de confidentialité, qui nous interdisent de dire quoi que ce soit sur nos clients ou sur le travail que nous réalisons pour eux. Mais ce printemps, effectivement, nous avons pu dévoiler au grand public deux créations de l’Atelier Cabinotiers : la Vladimir et la Philosophia, ainsi nommées par leur propriétaire respectif. Avec bien sûr l’autorisation de ces derniers. Vous pouvez nous parler d’eux ? Le propriétaire de la Philosophia est un ami proche. Nous étions en train de siroter en plein après-midi un Château Haut-Brion 1982. Soudain, il me dit : « Tu vois, pour moi, c’est ça la philosophie de la vie ! Tu me fais une montre comme ça ? Qu’elle me dise grosso modo l’heure qu’il est, avec un tourbillon, une phase de lune et le
ciel de Provence. » Et après un temps de réflexion, il a ajouté : « Mais si je le souhaite, il faudrait tout de même qu’elle me donne l’heure précise. » Le résultat, c’est une répétition minutes qui propose une lecture de l’heure sur 24 heures avec une seule aiguille, dotée d’une phase de Lune et de l’indication de la réserve de marche. Combien vaut une telle montre ? On ne parle pas de prix ici, mais de qualité ! Toutes les commandes de l’Atelier Cabinotiers sont réalisées à double, afin d’assurer le service après-vente. Et votre philosophie à vous, quelle estelle ? Les repas entre amis et en famille ! Vous avez monté cet été une grande exposition au Musée National de Singapour, intitulée « Trésors de Vacheron Constantin : un héritage horloger depuis 1755 ». Etait-ce une première pour vous ? A cette dimension, cette exposition fut une première pour Vacheron Constantin. Mais nous ne l’avons pas montée nous-mêmes, la demande provenait du Musée National. Cela a constitué trois ans de travail, avec à l’arrivée la présentation de la montre N° 1 de Vacheron – datée de 1755 – et de quelques pièces de la collection privée du roi Fouad d’Egypte. Au total, 180 montres historiques ont fait le plaisir de plusieurs milliers de visiteurs. Allez-vous réitérer l’expérience ? Pourquoi pas, mais ailleurs, et peut-être différemment. Avez-vous déjà choisi un lieu ? Berlin nous plaît bien : c’est une ville entre deux mondes, pleine d’histoire et d’émotions. Qu’auriez-vous fait si l’horlogerie ne vous avait pas choisi ? Je ne sais pas. Certainement musicien classique ou chef d’orchestre. —
HORLOGERIE
SÉLECTION Par Simone RIESEN | Swiss Watch Makers Illustrations Carine BOVEY
De l’art de compliquer les choses La vie est belle quand elle s’écoule simplement, sauf dans l’horlogerie bien sûr ! Plus c’est compliqué plus cela plaît à de nombreux amateurs. La preuve par ces modèles issus de manufactures parmi les meilleurs faiseurs.
Urwerk
Franc Vila
UR-202S, «Hammerhead»
FV71 Selenity Master Quantième Automatique
50 exemplaires pour ce modèle avec bracelet en acier, une première
Une complication destinée aux femmes avec un mouvement automa-
pour la marque. Le Calibre UR 7.03 automatique pour lire le temps sur
tique (Calibre FV7) pour les heures, les minutes, les secondes, le jour,
trois plots pivotants pour les heures vagabondes, des plots traversés par
le mois, la date et la phase de lune. Cadran en marqueterie pour des
une aiguille des minutes télescopique. Zébrure tridimensionnelle cou-
versions serties ou non de diamants.
rant sur la platine.
Dès CHF 13’500.-
CHF 138’000.-
TRAJECTOIRE
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Automne 2011
HL 2.1
Hautlence
Ulysse Nardin
Jaeger-LeCoultre
HL 2.2
Répétition minutes Alexandre le Grand
Duomètre à Quantième Lunaire
Affichage de l’heure sautante par une chaîne
Une des seules marques à intégrer des Jaque-
Calibre Dual-Wing 381 conçu pour un maxi-
de 12 maillons dans un guichet, avec chan-
marts sur le cadran de ses montres à répétition.
mum d’exactitude avec une seconde fou-
gement d’heure, en quelques secondes, sans
Leurs mouvements sont synchronisés avec les
droyante progressant par sauts d’un sixième
chocs. Un second barillet donne l’énergie né-
gongs des minutes, des quarts ou des heures.
de seconde. Le garde-temps peut être réglé à
cessaire à la complication de ce mouvement
Le carillon Westminster a quatre différentes
l’écoute d’un signal horaire sans avoir besoin
manufacturé.
tonalités. Calibre UN-78 à remontage manuel.
de stopper le régulateur. De l’or gris pour cette
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Or gris.
série limitée à 200 exemplaires.
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HORLOGERIE
MÉTIERS D’ART Par Fabrice Eschmann | BIPH Photos © Vacheron Constantin
Vacheron Constantin convie le génie humain dans ses créations
Pour perpétuer son savoir-faire ancestral, Vacheron Constantin a créé la cellule des métiers d’art. UnE gravEUSE, un guillocheur, une émailleuse et un sertisseur participeNT à la réalisation des montres de la collection.
«L’
aventure humaine nous correspond bien ! » Christian Selmoni a le sens de la formule. Le directeur artistique de Vacheron Constantin n’aurait pu mieux résumer la mission que se donne la manufacture genevoise depuis sa création : restituer la place qu’ils méritent aux métiers d’art. Car l’émaillage, le sertissage, la gravure ou encore le guillochage participent de ce génie humain que jamais aucune machine ne pourra remplacer. Corollaire, ces savoir-faire précieux et complexes tendent à disparaître si rien n’est fait pour les perpétuer. Le temps, d’ordinaire si conciliant avec ses gardiens, joue cette fois contre eux. Pour ne pas briser la chaîne du savoir, pour que cet héritage continue de susciter des vocations, Vacheron Constantin a créé la collection Métiers d’Art. Une « aventure humaine » bâtie sur la culture, dans les sens du terme qui définissent l’Homme : l’art et la civilisation. Les coffrets « Métiers d’Art – Les Masques », « Métiers d’Art – La Symbolique des Laques » ou encore « Métiers d’Art – Chagall & l’Opéra de Paris » sont ainsi devenus autant de ponts jetés entre les peuples et à travers les siècles. Dernière création en date : la
Montre Colombes, une pièce unique qui réunit sur le même cadran quatre techniques ancestrales de décoration. Réalisée pour la vente aux enchères caritative Only Watch, elle préfigure une nouvelle ligne : « Métiers d’Art – Perspectives d’Art ».
leurs visions. Un univers créatif qui va devenir un véritable terrain d’expression pour la manufacture. Car, à la dimension traditionnelle des métiers d’art, elle en ajoute une seconde : la dimension culturelle. Bien plus que la démonstration déjà impres-
Les arts de l’ornementation ont fait la réputation de Genève dès le XIe siècle. Orfèvres, graveurs et émailleurs sont parmi les premiers à établir leurs ateliers dans le quartier de Saint-Gervais, l’un des plus anciens de la ville. Ils prennent rapidement le nom de cabinotiers, car installés dans d’étroits mais lumineux cabinets, aux derniers étages des immeubles. Ce n’est donc pas un hasard si les horlogers, dès le XVIIIe siècle, élisent domicile dans ces mêmes murs. La création y est foisonnante, l’ambiance électrisante. C’est ce terreau qui donnera naissance, en 1755, à ce qui deviendra Vacheron Constantin. « L’horlogerie a toujours vécu à travers les métiers d’art », se plaît à rappeler Christian Selmoni. Dans sa bouche, la phrase prend une signification particulière. Car derrière ces techniques, le directeur artistique voit d’abord des femmes et des hommes, leurs doutes et leurs émotions, leurs repères et
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sionnante des savoir-faire de Vacheron Constantin, la collection devient le témoin de l’ingéniosité humaine. L’Homme à travers l’Art.
Perspectives d’Art Terrain d’expression pratiquement infini, la collection « Métiers d’Art » n’a pas fini de surprendre. Pour la vente aux enchères caritative Only Watch, au bénéfice de la lutte contre la myopathie de Duchenne, Vacheron Constantin a réuni sur un seul cadran tous les savoir-faire de sa cellule métiers d’art. Quatre professionnels – une graveuse, un guillocheur, un sertisseur et une émailleuse – ont ainsi pour la première fois travaillé sur le même objet, l’un après l’autre. Inspirée de la technique du pavage périodique, ou tessellation, cette Montre Colombes représente un dessin de Maurits Cornelis Escher, dessinateur et graveur hollandais célèbre pour ses trompe-l’œil. Une volée de colombes sont ici imbriquées les unes dans les autres. « Nous cherchions depuis longtemps à faire quelque chose avec Escher, relève Christian Selmoni. Les « Métiers d’Art » nous l’ont permis ! » —
Les Masques Quel objet de culture autre que le masque tribal pouvait mieux cristalliser cette ambition ? Présent dans toutes les civilisations, à toutes les époques, il incarne parfaitement ce génie humain à l’origine de la beauté. Rétrospectivement, cela apparaît comme une incroyable évidence. La réalité est plus complexe : « Nous avons commencé par étudier les costumes, poursuit Christian Selmoni. Puis une de nos stagiaires, qui venait des Etats-Unis, est arrivée avec des images de totems. Jusqu’au jour où je suis tombé sur le livre « L’Homme et ses Masques», présentant la collection du musée genevois Barbier-Mueller. » «
Dévoilé au Salon International de la Haute Horlogerie en 2007, « Métiers d’Art – Les Masques » inaugure une collection hors du commun. Pour le premier coffret, quatre masques sont choisis : l’un provenant d’Asie, l’autre des Amériques, le troisième d’Océanie et le dernier d’Afrique. Scannés, ils sont ensuite miniaturisés, gravés dans de l’or massif avant d’être artificiellement vieillis à l’aide d’anciens traitements galvaniques et chimiques. Pour obtenir l’effet du vert-de-gris par exemple, le maître graveur a l’idée de déposer une fine poudre de cuivre sur l’or, puis de l’oxyder. Le résultat est plus que réaliste.
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LE POINT DE VUE
FINANCE Par Didier PLANCHE
soutenir Le secteur bancaire ! Les banques suisses ploient sous les réglementations et les attaques tous azimuts. Elles méritent donc le soutien des Confédérés, d’autant plus qu’elles participent à la croissance du pays et... à la prospérité de ces derniers.
L
es éditorialistes, commentateurs et autres chroniqueurs oublient trop souvent d’insister sur le nécessaire soutien du peuple suisse à l’endroit de son secteur bancaire. Surtout, qu’aujourd’hui, les banques helvétiques vivent des temps difficiles avec les nouvelles réglementations fiscales et de régulation, souvent tatillonnes et parfois même coercitives, auxquelles elles sont bien évidemment obligées de se plier. Sans parler des attaques multiples d’origine politique, en général sans aucun fondement, donc injustifiées. Heureusement, cependant, pour l’économie nationale et l’ensemble des Confédérés, les banques suisses évoluent favorablement en comparaison avec certains établissements étrangers, européens en particulier. Il faut dire que la crise financière de 2008 a plutôt épargné la place helvétique, laquelle est restée intacte (et le demeure), grâce à sa stabilité monétaire (malgré un franc fort) et politique, à la qualité de ses infrastructures et services, et bien sûr à la performance de ses banques qui continuent à protéger, coûte que coûte, la confidentialité de la sphère privée de leurs clients. Leur compétitivité et attractivité se confirment d’ailleurs par l’afflux constant de capitaux. Oui, c’est une chance que les banques suisses se portent bien, car leur bonne santé va de pair avec celle de la population. Faut-il rappeler que le secteur bancaire emploie plus de 140’000 collaborateurs, que sa productivité atteint 36,7 milliards de francs, et qu’il verse chaque année 11,2 milliards d’impôts à la Confédération ? En dépit des crises financières à répétition, et qui deviennent presque monnaie courante, il s’inscrit toujours comme le principal moteur de croissance, jouant un rôle capital pour le développement de l’économie globale et la prospérité des habitants. En parallèle, le secteur financier suisse (marchés, intermédiaires et l’ensemble des acteurs), fort et concurrentiel sur le plan international, génère
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530’000 emplois directs et indirects, fournit une part substantielle (88 milliards de francs) de la création de valeur de la Confédération, et apporte des recettes fiscales directes à hauteur de 14 milliards. S’il fonctionne bien, ce qui est le cas en Suisse, il constitue en tout cas le fondement de son économie florissante. Car il représente un pivot important, en assurant notamment la fonction d’allocation et celles de transformation, en plus des prestations de services financiers qu’il procure à la population et à l’économie (approvisionnement monétaire, gestion de fortune, activités de conseil, exécution d’opérations pour les PME et les grandes entreprises, etc.). Et la lumière jaillit Une excellente nouvelle vient d’illuminer le ciel de la place financière helvétique et, partant, de ses banques. Il s’agit bien sûr des deux accords fiscaux que la Suisse a signé en août avec l’Allemagne, puis avec le Royaume-Uni. D’une part, ils établissent un pont vers la probité fiscale pour les clients domiciliés dans ces deux pays, tout en préservant leur sphère privée en matière financière. Pour la régularisation du passé, leur taux d’imposition est fixé à 34% au maximum de la fortune, mais leur charge fiscale ef-
fective se situera toutefois entre 20 et 25% de la fortune totale, pour la plupart des clients. D’autre part, les établissements helvétiques pourront mettre en œuvre leurs stratégies proactives et se focaliser désormais sur l’acquisition et la gestion d’avoirs conformes fiscalement. Leur décriminalisation et celle de leurs collaborateurs créent ainsi une solide base de croissance pour les futures activités transfrontalières avec ces deux Etats. Par ailleurs, les deux accords avec l’Allemagne et le RoyaumeUni prévoient que les banques suisses s’engagent à effectuer un paiement anticipé, respectivement de deux milliards et de 500 millions de francs, pour la régularisation des avoirs non fiscalisés dans le passé. In fine, cet accord prouve que ces deux partenaires européens reconnaissent sans équivoque que la retenue à la source libératoire représente une solution durablement équivalente à l’échange automatique de renseignements. Comme quoi, des avancées significatives comme la signature de ces deux accords démontrent à l’envi que l’orientation suivie avec ténacité et pragmatisme par les autorités fédérales, en pleine concordance avec les responsables bancaires, s’avère être pertinente. Ces négociations fiscales mettent aussi en lumière la clairvoyance de certains gouvernements étrangers. Puisse leur exemple être suivi... —
r e i s Dos e t a v i Pr g n i k Ban TRAJECTOIRE
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DOSSIER
PRIVATE BANKING Par Geneviève BRUNET
Banque Mirabaud & Cie Responsable du Portfolio Management de Mirabaud & Cie, elle deviendra associée le 1er janvier. Son père, Thierry Fauchier-Magnan, se retirera alors du collège et Yves Mirabaud sera le nouvel associé senior.
A
33 ans, titulaire d’un Master en mathématiques de L’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) avec une spécialisation dans l’analyse numérique et la modélisation, mariée et bientôt mère d’un troisième enfant, Camille Vial rejoindra le 1er janvier le cercle très restreint des femmes associées chez un banquier privé. Entrée chez Mirabaud en 2001, elle s’est intéressée à la sélection de hedge funds, à l’analyse macroéconomique et aux ressources humaines, avant d’intégrer le bureau de la banque à Londres. La nouvelle associée - qui a été analyste chez Lloyd George Management et Tim Tacchi International - rejoint le collège dans une période difficile. Il suffit pour s’en convaincre de constater que les 25 milliards de francs sous gestion affichés par Mirabaud à la fin 2010, auraient une valeur de plus de 30 milliards au cours du franc suisse de décembre 2007. Engagé dans une phase de croissance, le banquier privé entend toutefois continuer à investir et Camille Vial veut s’inscrire dans la tradition d’une gestion de fortune avant tout soucieuse des intérêts du client.
Vous serez le 1er janvier associée de Mirabaud et deviendrez ainsi la première fille d’associé à accéder à cette fonction. Est-ce un symbole important ? Je suis la première femme associée et fille d’associé chez Mirabaud : c’est effectivement un symbole et il y a sans doute des attentes des autres femmes face à celles qui occupent des postes à responsabilités. J’ai eu le choix de ma carrière et quand j’ai rejoint Mirabaud il y a bientôt dix ans, cela n’a jamais été dans mes plans d’être à tout prix associée. A mes yeux, cette nomination est un immense challenge ; après celui de la responsabilité du Portfolio Management de la Clientèle Privée depuis 2009.
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Cette crise induit-elle une remise en cause de certains indicateurs de risque ? Il ne faut pas tout remettre en question parce que les modèles de gestion du risque n’ont pas permis de prévoir les graves turbulences sur les marchés de 2008. Quelques hypothèses de certains modèles pourraient peut-être être revues. Chez Mirabaud, nous nous efforçons de maintenir un équilibre entre l’utilisation d’outils mathématiques et la qualité de la relation avec nos clients. L’objectif prioritaire étant de répondre à leurs besoins. Définir le profil de risque d’un client et lui proposer une allocation d’actifs adaptée ne nous dispense pas de suivre l’évolution de son portefeuille en tenant compte de ses besoins et de sa sensibilité. Les portefeuilles gérés en franc suisse ont-ils obtenu du rendement en 2011 ? Il est objectivement difficile d’obtenir du rendement en franc cette année. Notre stratégie pour la clientèle privée favorise la monnaie de référence dans la composition du portefeuille, notamment pour sa partie obligataire. De ce fait, les portefeuilles gérés en franc suisse comportent une part importante d’obligations en franc. Pour les actions, l’essentiel des titres sont également cotés en franc; mais nous misons aussi sur une diversification aux Etats-Unis, en Europe et dans les marchés émergents. Pour tenter de réaliser une performance en franc, tout en cherchant en priorité à préserver la fortune de nos clients, nous travaillons sur la sélection des titres. Certaines actions suisses - comme Nestlé ou Roche - distribuent un dividende offrant un rendement supérieur à celui d’obligations suisses. Notre longue expérience des placements alternatifs nous conduit aussi à proposer des fonds de fonds; essentiellement des produits maison, surtout des proxy actions. Pour un portefeuille équilibré, nous
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misons en ce milieu d’année sur 42 % d’actions, 42% d’obligations, 5% d’or et un peu de cash. Quelles sont vos prévisions pour le deuxième semestre ? En janvier, notre comité d’investissement était plutôt positif sur les actions et, a contrario, plutôt négatif sur les obligations ; avec une position neutre sur l’or. Notre scénario a changé depuis. Nous sommes légèrement sous-pondérés en actions, en étant un peu plus positifs sur les EtatsUnis et la Suisse ; et plus négatifs sur les marchés émergents, l’Asie et l’Europe. En matière obligataire, Mirabaud privilégie la prudence avec des durations courtes. Nous sélectionnons des titres de qualité, en favorisant actuellement plutôt les débiteurs privés que les Etats.
Allez-vous réduire vos coûts en Suisse, en raison de la hausse du franc ? Etant engagés dans une phase de croissance, nous allons plutôt être amenés à investir, également en Suisse. Quelles sont vos principales actions de sponsoring ? Nous sommes très engagés dans le soutien à la voile, ce sport illustrant des valeurs qui nous sont chères comme la performance,
Et dans le domaine culturel ? Outre l’organisation de concerts privés de musique classique destinés à nos clients, nous soutenons depuis bientôt dix ans les conférences de la Société de Lecture. Avec des auteurs conférenciers tels qu’Amélie Nothomb, Eric-Emmanuel Schmitt ou Fred Vargas, la Société de Lecture a fait de Genève un rendez-vous européen de la littérature. Mirabaud a également sponsorisé le scénario d’un film relatant l’histoire des
Le franc va-t-il encore se renforcer ? Même si tout le monde s’accorde à dire que le franc est une valeur refuge et que l’on constate qu’il séduit autant, voire plus, que l’or ; notre maison estime que son cours actuel est excessif et voit l’euro remonter dans la deuxième partie de l’année. La crise bouscule-t-elle la pratique de la gestion de fortune ? Créer de la valeur est sans doute plus difficile depuis 2008 qu’au cours des dix années précédentes. Reste que la préservation de la fortune du client demeure essentielle ; même si cela passe par une gestion plus prudente, moins profitable pour la banque. Un banquier privé n’étant pas tenu d’afficher des résultats financiers trimestriels, il peut se permettre d’avoir une vision à long terme.
l’éthique, l’excellence et l’esprit d’équipe. Nous accompagnons le marin Dominique Wavre et finançons le Bol d’Or Mirabaud. Cette course sur le Léman est quasiment devenue une manifestation internationale, de par les différentes nationalités des équipages.
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camisards protestants des Cévennes. Le tournage devrait commencer en 2012, avec Jean Dujardin et Alexandra Lamy qui sera scénariste et réalisatrice. —
DESTINATION
QUÉBEC Par Patrick GALAN Photos © Bonjour Québec
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Au pays des cabanes à sucre Le Québec, c’est tout le romantisme d’une région bercée par la culture européenne. Au rythme du Saint-Laurent, la « Belle Province » coule des jours paisibles en protégeant ses multiples secrets.
D
es paysages grandioses, des villages d’autrefois, la gentillesse des habitants, une Amérique exaltante et familière dont la version originale demeure un savoureux français, un canot orange sur un lac bleu, une maison au toit rouge dans une forêt verte et des cieux noirs brodés d’étoiles, vous êtes au Québec. Fascinant, déconcertant Québec ! Montréal Je marche aujourd’hui sur les traces de Maria Chapdelaine ou de Diane Tell, et hier j’arpentais les rues d’une ville futuriste, à température et humidité constantes, hors d’atteinte des caprices du climat, de la neige ou du froid qui descend, l’hiver, jusqu’à moins 20° C. C’était à Montréal, dans la ville souterraine, une mini-ville de trois cents hectares, qui double en partie la ville de surface : 43 km de rues bordées par deux mille boutiques et centres commerciaux, treize stations de métro et deux gares ferroviaires, des banques, des théâtres et cinémas, des parkings, des hôtels, le Palais des congrès et des bureaux du Gouvernement. Vous pouvez y faire tout votre « magasinage » et y passer votre vie sans voir la couleur du ciel… ! Émergez malgré tout, de préférence au panneau « Rue Sainte-Catherine ». C’est la principale artère commerçante de Montréal, longue de quelques 15 km. Ici s’alignent les magasins de luxe et des bâtiments dont l’audace et la beauté n’ont rien à envier à ceux de New York, notamment la Maison des Coopérants, sorte de cathédrale gothico-postmoderne en pierre grise et verre rose, qui dresse ses pans coupés au-dessus de la victorienne Christ Church Cathedral, et le Place Montreal Trust, base de marbre grenat et tour de verre bleutée dont les rondeurs et l’insolite coupole assouplissent les lignes. Fini, décidément, le provincialisme de la « Belle Province ».
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Bien plus qu’un recul craintif, le « Je me souviens » qui s’inscrit sur les plaques d’immatriculation traduit la volonté d’inventer un avenir intégrant les valeurs du passé. À commencer par la langue française. Même si l’on sourit en entendant un homme d’affaires québécois négocier avec l’accent d’un paysan picard, il sait, lui, comme les sept millions de ses compatriotes, que sa langue maternelle constitue l’ultime rempart contre l’engloutissement dans la masse anglophone. Et tous les Québécois le savent : c’est dans leur passé que leur dynamisme puise sa source. Québec City Cette survivance du passé, vous ne la trouverez nulle part plus vivante que dans la vieille ville de Québec, à 270 km en aval du Saint-Laurent : une ville-musée dont chaque maison, chaque pierre, rappelle la fantastique épopée de ces marins et paysans français, contemporains de Louis XIII, venus par-delà l’Atlantique créer une « nouvelle France ». Tout a commencé avec la batterie de canons surveillant le fleuve, et la première maison, toujours intacte, que Champlain fit construire en 1608 sur l’actuelle Place Royale. Le rêve s’acheva un siècle et demi plus tard lorsque le général anglais James Wolfe défit l’armée de Montcalm,