Trajectoire N°88, Rêver

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Automne 2009 chf 8.– / € 6.–

n°88

RÊVER

L’axe du luxe

genève – Lausanne – gstaad – Verbier

TRAJECTOIRE


rencontre

HORLOGERIE Par Ludovic CHAPPEX Photos Nicolas RIGHETTI/Rezo

«nous résistons mieuX Que LA moyenne» Le Zurichois philippe merk a repris les commandes de la prestigieuse manufacture Audemars piguet en début d’année. il dresse un premier bilan de son action au sein de l’entreprise familiale. rencontre au Brassus.

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ourtois et discret. Philippe Merk, nouveau directeur d’Audemars Piguet depuis le 1er janvier, n’est pas du genre fanfaron. «Le changement dans la continuité», c’est en ces termes mesurés que l’ex-patron de Maurice Lacroix évoque son ambition pour AP. Parachuté en pleine crise économique, le Zurichois a la lourde tâche de succéder à Georges-Henri Meylan, qui a régné sur l’entreprise familiale durant plus de vingt ans, de 1987 à fin 2008, et qui conserve un poste d’administrateur. Mais Merk imposera sa marque. L’ancien directeur, originaire du cru, vivait lui-même au Brassus, en osmose avec les habitants et les employés de maison. L’expatrié Philippe Merk a choisi, pour sa part, de s’établir à Lausanne. Son réveil sonne tous les matins à 5h15, avant qu’il avale les 70 kilomètres le séparant de la manufacture, au volant de sa puissante voiture allemande. Des journées de travail qui démarrent à 7 heures tapantes. Côté jardin, l’homme avoue du bout des lèvres une passion pour le golf et pour… Harley Davidson.

Photo ci-contre Philippe Merk «J’ai été très bien reçu, malgré mon accent zurichois! On m’écoute et j’écoute également.»

Comment se répartissent vos ventes sur les différents continents? Les Etats-Unis représentent notre plus grand marché avec environ 30% des ventes. Or, c’est à cet endroit que la crise se manifeste le plus nettement. Reste que le continent américain dans son ensemble résiste bien, notamment grâce au Mexique. C’est une situation un peu difficile à comprendre… Peut-être que les populations des pays du sud sont davantage habituées à un contexte économique difficile? Il faut dire aussi que la marque Audemars Piguet est très bien établie en Amérique du Sud. Au final, le bilan s’équilibre pour l’ensemble du continent américain. En Europe, les marchés traditionnels restent plus ou moins stables. L’Asie est le marché le plus porteur actuellement.

Dans un contexte encore morose, la nouvelle Manufacture des Forges, inaugurée au Brassus à la fin du mois d’août (un investissement à 35 millions de francs) donne un signe fort de la détermination d’AP. L’entreprise suisse, qui a fêté cette année ses 134 ans d’existence, reste une exception dans l’univers horloger, elle qui parvient à écouler 26’000 montres par année, tout en conservant son indépendance. A ce jour, AP emploie 1’000 personnes à travers le monde, dont 750 en Suisse, sur ses sites du Brassus, de Lussy-sur-Morges, du Locle et de Meyrin.

Comment anticipez-vous les résultats de 2009 et de 2010? Il est très difficile de faire des pronostics. Nous nous attendons au mieux à une légère progression pour le second semestre de 2010. C’est le scénario le plus positif que je puisse imaginer. Nous n’entrerons pas dans

En cette période de crise, comment se porte Audemars Piguet? La valeur de la marque Audemars Piguet garantit une certaine stabilité dans la situation difficile que traverse l’industrie horlogère. Toutefois, la réalité est telle que la crise touche toute l’industrie, tous les segments de prix et pratiquement toutes les marques. Certains ont dans

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un premier temps, évoqué l’hypothèse que le très haut de gamme ne serait pas affecté, cela ne se vérifie pas. D’après nos estimations, nous pouvons néanmoins dire que nous résistons mieux que la moyenne. Nous pensons avoir gagné des parts de marché.

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HORLOGERIE

Philippe Merk

un semestre de croissance avant mi-2010, au plus tôt. Même si la demande reprenait un peu plus rapidement que prévu, il faudra du temps pour relancer la machine et adapter les rythmes de production. Est-ce que certains de vos produits résistent mieux que d’autres à la crise? Ce qui marche aujourd’hui c’est la Royal Oak, notre modèle emblématique. Un constat également valable pour la version femme. A ce propos, Audemars Piguet reste identifié d’abord comme une marque masculine. Souhaitez-vous faire évoluer cette image? Ou cherchez-vous plutôt à renforcer vos points forts? Vu le contexte économique, il faut évidemment investir et miser d’abord sur les produits qui ont du succès. C’est cette direction que nous allons suivre. Dans un deuxième temps, il faudra que l’on se renforce dans le secteur féminin, qui n’est pas forcément notre créneau naturel. Nous avons du potentiel pour nous améliorer. Prévoyez-vous de renforcer vos partenariats avec des égéries féminines, à l’instar de la chanteuse Anggun (lire en p.16)? Nous avons quelques idées… En fait, c’est tout le créneau féminin, du produit à la communication, la perception de la marque, etc., qui doit être retravaillé. Nous devons mieux différencier ces produits de leurs équivalents masculins. Quelle marque considérez-vous comme votre principal concurrent? (Silence).

Photo ci-dessus La Royal Oak, modèle mythique et statutaire d'Audemars Piguet. Une valeur sûre en période de crise, explique Philippe Merk.

Hublot, par exemple, qui courtise une clientèle similaire à la vôtre? Pour l’esthétique et le style de produit, peut-être… Cela étant, je pense que AP reste dans un créneau plus pointu et haut de gamme. Si l’on prend l’ensemble des marques, nous nous situons clairement au sommet de la pyramide, avec un style qui tranche par rapport à des manufacturiers plus classiques.

Vous disposez de 16 boutiques en nom propre. Souhaitez-vous développer ce réseau ou miser sur vos détaillants? Nous cherchons à trouver un bon équilibre. Tout dépend du contexte. Sur un marché saturé comme en Europe, il ne sert à rien d’augmenter le nombre de détaillants.

Quel est le prix moyen des montres vendues par AP? Autour de 23’000 francs. Le fait de ne pas appartenir à un grand groupe change-t-il beaucoup de choses? Souffrez-vous d’un manque de capital par rapport à vos concurrents? Nous profitons d’une certaine indépendance en ce qui concerne le mouvement de nos montres. L’important est de conserver de très bonnes relations avec nos fournisseurs stratégiques. C’est une priorité. Concernant le manque de capital, c’est le prix à payer lorsque

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vous êtes indépendant. Vous ne profitez pas d’autant de synergies. Cela dit, il y a toujours plus d’argent que de bonnes idées, y compris aujourd’hui. Et puis, quand un grand groupe doit gérer une quinzaine de marques, il doit beaucoup investir. De notre côté, nous avons l’avantage de pouvoir nous concentrer sur une seule.

Sur un marché comme la Chine, en plein développement, cela a du sens. Notre intérêt est d’améliorer la relation avec les détaillants. A terme, nous espérons disposer d’un peu plus de 450 détaillants.

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succès mais nous avons pris la décision de ne pas continuer. Pour quelles raisons? Aujourd’hui, AP s’engage simplement vers de nouveaux horizons. Que vous apportera la nouvelle manufacture que vous venez d’inaugurer sur le site du Brassus? Nous avons concentré toutes les opérations de production qui étaient auparavant dispersées dans toute la Vallée de Joux. Nous disposons d’ateliers magnifiques et d’espace. Un outil fabuleux. A titre personnel, comment s’effectue la transition dans votre nouvelle fonction? De façon très fluide. J’aime la marque. Le fait de travailler dans une entreprise de 134 ans me procure de l’énergie et une grande fierté. Je me sens une grande responsabilité de faire fructifier cet héritage historique. J’adore les montres à complication, donc je suis très heureux chez Audemars Piguet. En matière de sponsoring, Audemars Piguet vise les sports masculins, techniques et mécaniques. Vous venez de signer un contrat avec le pilote suisse de Formule 1 Sébastien Buemi. Allezvous poursuivre sur cette voie? Le plus souvent, les gens qui achètent une montre Audemars Piguet en possède déjà une ou plusieurs. Nous disposons donc d’une petite famille, d’une sorte de club. C’est le rapport avec cette clientèle finale que nous voulons consolider en priorité. Nous ne souhaitons pas absolument être associés à un sport, à un événement ou à une personnalité en particulier. Votre partenariat avec Alinghi s’est pourtant révélé extrêmement porteur en termes d’image? Audemars Piguet a supporté Alinghi pendant 7 années, depuis ses débuts jusqu’à sa 2e victoire. Notre partenariat a été un grand

Audemars Piguet reste une entreprise familiale. Comment avez-vous été accueilli dans la vallée de Joux? J’ai été très bien reçu, malgré mon accent zurichois! On m’écoute et j’écoute également. Je me sens bien, autant dans mes rapports avec l’actionnariat qu’avec le conseil d’administration ou les employés. Cette entreprise rassemble des talents exceptionnels, qui donnent énormément. Nous entrons dans une phase de consolidation après une phase de croissance importante ces dernières années.

Photo ci-dessus Philippe Merk «Vu le contexte économique, il faut évidemment investir et miser d’abord sur les produits qui ont du succès. C’est cette direction que nous allons suivre. »

Bâtiment écologique muni du label Minergie-Eco – une première pour une entreprise suisse – la manufacture des Forges abrite 300 postes de travail. L’administration est restée dans les anciens locaux.

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L’un de vos faits d’armes reste le contrat signé avec Roger Federer pour Maurice Lacroix en 2004… En effet. Tout était absolument parfait au niveau du timing. Nous avions entamé les discussions quand Roger Federer était encore numéro 2 mondial et nous avions signé juste au moment où il est devenu numéro un! ——


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CHANEL Par Siphra MOINE-WOERLEN Photos Karl LAGERFELD – Chanel

GrAphiQues et LéGères La nouvelle collection haute couture de chanel compose une élégance pleine de surprises.

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etour au Grand Palais en ce mois de juillet où Chanel présentait la nouvelle collection Haute Couture Automne-Hiver 20092010. C’est dans un décor blanc quadrillé de métal noir, avec des flacons géants de N°5 s’élevant dans le ciel que Karl Lagerfeld a choisi de présenter une collection d’une extrême pureté, évoquant «des effets graphiques sans encombrements» et la magie des visages voilés de cloches en tulle brodé de clous et de cristaux. «C’est un voile de coquetterie qui crée un mystère... c’est assez agréable quelquefois de voir et de ne pas être vu», souligne le créateur.

Karl Lagerfeld épure donc, concentre l’attention sur les détails comme les pans adossés aux épaules ou à la taille des vestes en tweed et des robes tout en jouant sur le luxe discret de l’opulence des broderies et de la délicatesse des tissus. «Ce sont comme des extensions de la silhouette dans une attitude du soir. Tout est une question de proportions dans un esprit de légèreté»... ––

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CHANEL

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créAtion

DESIGN Par Sylvain MENÉTREY

LA Géométrie foisonnAnte De

peter KnApp Le photographe-peintre-typographe suisse, installé depuis plus de cinquante ans à paris, a révolutionné le monde des images de sa patte avant-gardiste. rencontre.

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perdu son accent zurichois rugueux et chantant. Une voix qui exprime quelques avis acérés ne tolérant aucune réplique. «Dans la presse, le métier de directeur artistique, ça n’existe plus aujourd’hui.» Ah bon?

omme l’écrit une de ses anciennes étudiantes de l’ESAG (Ecole supérieure d’art graphique) de Paris dans un livre rétrospectif paru l’an dernier: «Peter Knapp, c’est un gros morceau.» Un créateur vénéré façon dieu vivant par les graphistes et les photographes de mode du monde entier pour ses maquettes avant-gardistes du magazine «Elle» ou son travail opart avec le couturier Courrèges dans les années 1960. Si cet homme à tout faire n’avait pas cherché en permanence à brouiller les tentatives de classification – en passant par la peinture, la direction artistique, la photographie de mode, la réalisation de film pour la télévision et l’art contemporain – on le considérerait certainement comme l’égal d’un Helmut Newton ou d’un Richard Avedon.

Lui-même, à de rares exceptions – comme lorsqu’il reprenait son procédé de tamponnage développé chez «Elle» pour un numéro du magazine «Magazine» l’an dernier – ne travaille plus pour la presse. Au lieu de cela, il publie des livres, à l’image de cet ouvrage paru cet été consacré à Alberto Giacometti, où il s’est amusé à élever au statut de pratique artistique le processus de maculage (terme qui dans le jargon des imprimeurs décrit l’étape de calage des couleurs de l’imprimante). Knapp a donc «maculé» son livre en surimprimant les pages de dizaines de photographies d’œuvres de Giacometti qu’il avait prises au Musée Reina Sofia de Madrid.

C’est donc un monument, plus qu’un petit bonhomme de 78 ans, à la barbe blanche et aux yeux pétillants, que l’on attend calé dans une banquette du Café de Flore à Paris, où il nous a donné rendez-vous. Premier étonnement: cette petite voix qui, après plus de cinquante ans aux côtés des mannequins et des rédactrices de mode, n’a pas

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à VoIR «The Last Waltz» Exposition de Peter Knapp, Musée Nicéphore Niépce, Chalon-sur-Saône, jusqu’au 27 septembre. EN LIBRAIRIE «Maculage» De Peter Knapp, éditions Atlantica.


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BAnQue privée

RENCONTRE Par William TÜRLER Photo Thierry PORCHET

JeAn BerthouD, un Destin neuchâteLois Le directeur général de la banque Bonhôte passera en janvier le relais à son successeur patrick Bédat. il continuera d’œuvrer au développement de l’établissement en tant que président du conseil d’administration. récit d’une étonnante aventure humaine et financière.

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l aurait pu poursuivre sa carrière à Wall Street ou retourner s’installer à Paris, ville de son enfance. Jean Berthoud a choisi de réaliser son rêve en reprenant au début des années 1990 la vénérable maison Bonhôte, dernière banque privée de Neuchâtel. Une aventure plutôt risquée, puisque l’établissement n’employait à l’époque qu’une poignée de collaborateurs et n’était muni d’aucun système informatique. A tel point que certains n’hésitaient pas à le qualifier de «musée vivant». Vingt ans plus tard, l’effectif total de la banque s’élève à près de 70 personnes pour un bénéfice qui atteignait l’année dernière 3 millions de francs. Depuis le début de la crise, l’établissement profite en effet des difficultés rencontrées par les grandes banques suisses et étrangères. Bien que la masse en dépôt ait diminué en raison de l’évolution des marchés boursiers, d’importantes quantités d’argent frais continuent d’affluer dans ses comptes.

BIo ExPRESS Jean Berthoud

1961 Naissance de Jean Berthoud à Neuchâtel. 1984 Licence en sciences économiques à l’Université de Neuchâtel. 1985 Formation au département «Sales & Trading» chez Salomon Brothers à New York 1986 MBA à la Columbia University Business School, New York.

De son côté, la clientèle – qui provenait traditionnellement de la région neuchâteloise et romande – s’internationalise, notamment grâce à la filiale spécialisée en fiscalité internationale Bonhôte Trust. Présente à Neuchâtel et Londres, ses revenus ont progressé de 12% l’année dernière. Enfin, la banque compte sur ses deux succursales à Bienne et Genève – et bientôt sur une troisième à Berne – pour asseoir sa croissance en Suisse. C’est précisément dans le but de se consacrer au développement de la clientèle helvétique et internationale que Jean Berthoud, 48 ans, marié et père d’un fils, transmettra les rênes de la direction opérationnelle à Patrick Bédat, avocat de formation et ancien de Pictet, dès le mois de janvier de l’année prochaine. Il endossera pour sa part le rôle de président du conseil d’administration et conservera le statut d’actionnaire principal (le reste de l’actionnariat se composant des directeurs et collaborateurs de la banque, ainsi que de membres de sa famille.)

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1987-1990 Exerce la fonction de sous-directeur, gestionnaire de portefeuille et responsable de la clientèle privée latino-américaine, moyen-orientale et grecque chez J.P.Morgan à Genève et Zurich. Dès 1990 Directeur général et actionnaire principal de la banque Bonhôte à Neuchâtel. Président des sociétés du groupe Bonhôte Trust à Neuchâtel et Londres.

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AMBITION ET CULOT

Une nouvelle page se tourne ainsi dans la belle histoire qui lie étroitement la destinée de ce fils d’avocat, issu d’une longue lignée de banquiers, à l’établissement fondé en 1815. A l’âge de 22 ans, de retour de Paris, alors qu’il termine ses études en économie à l’Université de Neuchâtel, Jean Berthoud approche pour la première fois Claude Bonhôte. Plein de culot, il propose au directeur d’alors la reprise pure et simple de sa banque. «Alors qu’il ne disposait d’aucun successeur direct, il a très clairement décliné mon offre en me disant que j’étais trop jeune, se souvient un brin amusé le banquier, depuis son bureau qui offre une vue imprenable sur le lac de Neuchâtel. Je l’ai conjuré de ne pas céder la banque à un groupe étranger afin qu’elle demeure en mains neuchâteloises, ce qu’il m’a garanti.» Le jeune homme part à New York, où il termine un MBA à l’Université de Columbia, puis fait ses armes chez Salomon Brothers et J.P.Morgan. Etabli à Zurich pour le compte de cette dernière, son obsession de racheter le petit établissement neuchâtelois ne le quitte pas. Il apprend alors que Claude Bonhôte s’apprête à céder le bien tant convoité à un groupe de la région, Cortaillod Holding. Il saisit l’opportunité et approche


Photo ci-dessus Jean Berthoud «Je suis fier de contribuer à renforcer la vitalité de notre région grâce à l’effet multiplicateur de notre banque.»

avec conviction le futur acquéreur, qui le nomme directeur général. Prévoyant, le banquier négocie un droit d’option sur le capital, clause qui lui permet peu à peu d’accumuler ses parts dans la banque. Le jeune PDG dépoussière l’établissement et l’oriente vers la gestion de fortune, permettant ainsi à la société – dont les bureaux abritaient jadis le siège régional de la Banque nationale suisse – de commencer son envol. Le vif attachement de Jean Berthoud pour la banque qu’il dirige depuis bientôt vingt ans est indissociable de l’importance qu’il accorde à ses racines neuchâteloises, profon-

dément ancrées dans le passé économique et politique de la région, aussi bien du côté de son père que de sa mère. Un intérêt qui relève de l’acte citoyen, pour ne pas dire de la mission: «J’ai été élevé en France, un pays extrêmement centralisé et j’ai toujours trouvé cette structure contre-productive, au contraire du fédéralisme suisse qui m’attire bien plus. Je suis fier de contribuer à renforcer la vitalité de notre région grâce à l’effet multiplicateur de notre banque.» Précisément, que pense-t-il de la situation délicate dans laquelle se trouve le canton de Neuchâtel, au moment où certains observateurs prévoient que le taux de chômage y dépassera bientôt celui de Genève, lanterne rouge en la matière depuis des lustres? «La situation se complique, mais il faut rappeler que Neuchâtel a connu ces dix dernières années une très forte croissance liée à l’industrie du luxe, tempère Jean Berthoud. Il s’agit donc surtout d’un tassement conjoncturel passager. Raison pour laquelle nous devons absolument continuer à développer et diversifier le tissu économique local, notamment au niveau des services.» En ce qui concerne la sortie de la crise du secteur financier mondial, il se montre optimiste, mais juge sévèrement les responsables: «Nous avons frôlé l’implosion du système.

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Cette correction comporte cependant quelque chose de sain: les investisseurs avaient poussé trop loin les limites dans la recherche de gains à court terme.» Du côté de la place financière suisse, le banquier neuchâtelois souligne la réduction progressive de ses avantages comparatifs par rapport à la concurrence internationale, d’où une nécessité vitale pour le secteur de miser sur ses compétences en matière de gestion de fortune. Dans les mois à venir, Jean Berthoud continuera de siéger au sein de divers organes financiers officiels, comme le Comité des sanctions de la bourse suisse ou le Comité des banques suisses de gestion. Dans un autre registre, ce passionné d’héraldique poursuivra ses activités au sein de plusieurs conseils d’administration tiers, dont celui d’Hermès. Mais sa tâche principale consistera à veiller au maintien de l’indépendance de la banque Bonhôte. Pour ce faire, il n’hésitera pas à miser sur la «particularité» géographique de l’établissement: «Notre position décentrée par rapport à Genève ou Zurich nous permet de voir les choses différemment. Comme le disent les Américains, de penser out of the box.» Un avantage non négligeable par les temps qui courent... ——


hiGh-tech

AUDIO

Par Melinda MARCHESE

LA hi-fi suisse Qui soiGne son LooK Le fabricant zurichois GenevaLab développe du matériel hi-fi haut de gamme, aux formes particulièrement soignées. Déjà présente dans 35 pays, la marque poursuit son expansion.

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eneva» n’est pas uniquement la traduction anglaise de la plus internationale des villes suisses: depuis 2005, il s’agit aussi d’une marque d’équipement hi-fi haut de gamme, qui s’est rapidement forgé une réputation de qualité à travers le monde. «Un son excellent et un look épatant… les autres stations d’accueil pour iPod risquent d’en être jalouses», écrit le «New York Times» à propos de ces chaînes stéréo.

Présents dans 35 pays et dans plus de 1500 points de vente, les appareils Geneva, comme leur nom ne l’indique pas, sont conçus à Zurich. Leur point fort: une technologie de pointe alliée à un design original et soigné. «J’ai créé la société GenevaLab car je voyais un énorme potentiel dans le secteur de la hi-fi, qui ne se renouvelait plus depuis longtemps, explique Jan-Erik Lundberg, entrepreneur d’origine suédoise, installé en Suisse depuis près de quinze ans. La plupart des produits en magasins étaient identiques!»

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Mais au fait, pourquoi Geneva? «Nous cherchions un nom associé à la Suisse, sans toutefois utiliser le drapeau helvétique ni le mot Switzerland, déjà surexploité pour toutes sortes de gadgets. Comme le nom de Zurich était déjà enregistré, le choix s’est porté sur Geneva. C’est une ville connue partout dans le monde, les gens la situent facilement et l’apprécient.» Fin visionnaire, Jan-Erik Lundberg – qui auparavant avait déjà lancé sept entreprises dans le domaine du software notamment – s’entoure d’ingénieurs spécialisés dans l’acoustique pour réaliser ce projet. «Nous sommes actuellement une équipe de 24 personnes qui travaille à pleintemps au développement de nos produits. Nous nous concentrons en priorité sur les performances sonores, et seulement dans un second temps sur le design. La hi-fi est l’un de ces secteurs où la fonction détermine la forme.» Les différents modèles sont baptisés selon leur taille: M, L et XL (de 1290 à 3490 francs). Le XXL fait aussi office de meuble-télé (4690


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francs). Chaque modèle comporte une station d’accueil universelle pour iPod, un lecteur CD et une radio FM, ainsi qu’une entrée permettant le raccordement d’autres sources telles que MP3, platines, DVD et TV. «Il était important pour nous de créer une chaîne stéréo «all in one», précise le directeur. Grâce à une technologie brevetée appelée «embracing sound», les deux haut-parleurs sont intégrés dans le même meuble. Ainsi, l’utilisateur n’a pas à se demander comment les positionner dans une pièce: le son est uniforme, où que se place l’auditeur.»

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dent à la tendance actuelle: une surface lisse et sobre, symbole de simplicité. Pour la diffusion de ses appareils audio, GenevaLab choisit un distributeur par pays. En Suisse, la société tessinoise Parna en détient l’exclusivité. Son directeur, David Gubbay, se dit très satisfait par les ventes. «En une année environ, nous avons vendu 3500 pièces – sans compter les accessoires – alors qu’on espérait atteindre les 1500!» Leur stratégie: éviter la grande distribution et cibler les points de vente. «Nous avons proposé nos modèles à des boutiques telles que Portier ou Rond Rouge à Genève, ou même Globus, qui savent les mettre en valeur et qui, surtout, assurent un service de qualité».

Esthétiquement, les Geneva Sound Systems, disponibles en rouge, blanc et noir, arborent des lignes minimalistes. Ils se posent sur le sol ou sur un meuble, et peuvent aussi se fixer sur un pied en aluminium. «Nos meubles sont en bois laqué et fabriqués de manière artisanale. Il faut compter jusqu’à dix-huit heures pour déposer les huit couches de laque.» Si les chaines hi-fi des années 1970 plaisaient par la multitude de touches qu’elles affichaient – tels des studios d’enregistrement professionnels –, les produits Geneva correspon-

GenevaLab souhaite à l’avenir diversifier sa production. «Nous avons comme objectif de sortir chaque année deux produits qui apportent quelque chose de nouveau au marché actuel, affirme Jan-Erik Lundberg. Nous songeons également à nous lancer dans l’audiovisuel. Notre diffusion va s’élargir. D’ici aux six prochains mois, nous distribuerons nos modèles dans dix pays supplémentaires.» ——

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