Trajectoire N°110 Printemps 2015

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Les conseillers en gestion de patrimoines de la Banque Cantonale de Genève se tiennent à votre disposition pour partager leurs convictions et leur expérience avec vous.

La présente annonce est exclusivement publiée à des fins d’information et ne constitue en aucun cas une offre ou une recommandation en vue de l’achat de produits financiers ou de services bancaires. Elle ne peut être considérée comme le fondement d’une décision d’investissement ou d’une autre décision. Toute décision d’investissement doit reposer sur un conseil pertinent et spécifique. Le traitement fiscal dépend de la situation personnelle de chaque investisseur et peut faire l’objet de modifications. Les transactions portant sur les fonds de placement sont soumises à des lois et des dispositions fiscales dans différents ordres juridiques. L’investisseur est personnellement responsable de se renseigner sur les lois fiscales applicables et les dispositions en vigueur et de les respecter s’agissant de la souscription, de l’achat, de la détention, de la vente, de la restitution ou des versements résultant de fonds de placement. Les indications concernant des transactions sur les fonds de placement ne doivent pas être interprétées comme étant un conseil fiscal de la BCGE.

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L'ÉDITO Siphra Moine-Woerlen

P’TIT LIFTING… Angelina Jolie nous a paru incarner au mieux le nouveau visage de Trajectoire. Nouvelles idées, nouvelles ambitions tout en gardant son indépendance, cette édition met en lumière le nouveau visage de la presse écrite : des rencontres et des opinions que l’on prend le temps de découvrir, à l’instar des news quotidiennes lues sur son smartphone le matin devant son café ou écoutées à la radio dans sa voiture. A l’occasion de son nouveau numéro – comme c’est un peu une tradition dans l’histoire des magazines – Trajectoire s’est refait une beauté ! Nos interviews inédites, nos partis pris, notre attachement à l’horlogerie et à la joaillerie, notre regard sur la mode, la mise en lumière des savoir-faire, notre expertise beauté, nos idées d’évasion, l'amour des belles voitures, et, bien sûr notre ADN, nous ont fait repenser sa forme, pour mieux mettre à jour ce qui nous caractérise. Un entretien exclusif du tout-puissant président de LVMH, Bernard Arnault, est retranscrit sous la plume talentueuse d’Anne Fulda ; des pages d’histoire(s) nous en apprennent un peu plus sur quatre fascinantes familles suisses dans ce numéro dédié aux « grandes dynasties » ; Angelina, lors d’un press junket à Paris, nous a parlé de ses films et de ses nouveaux projets politiques et philanthropiques ; et, comme un pied de nez à la liberté d’expression en matière de caricature, PanpanCucul nous a dessiné une scène de vie… Trajectoire, titre de référence en Suisse francophone, nous incite à toujours vous donner le meilleur. Merci à vous, chères lectrices, chers lecteurs. Love it !

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IMPRESSUM ÉDITEUR TIRAGE André Chevalley Promoco Développement SA Chemin de la Marbrerie 1 CH – 1227 Carouge T. +41 (0)22 827 71 01

Tirage vendu : 23’510 exemplaires Certification REMP 2014 Période de relevé : 01.07.2013 – 30.06.2014 Abonnés payants : 21’168 exemplaires

DIRECTRICE DE LA RÉDACTION Siphra Moine-Woerlen

COORDINATION GÉNÉRALE Nicole Degaudenzi

PUBLICITÉ & RELATIONS PUBLIQUES Olivier Jordan | o.jordan@promoco.ch

RESPONSABLE ARTISTIQUE

TIRAGE IMPRIMÉ 24’000 exemplaires

IMPRESSION Kliemo Printing

DIFFUSION

RÉDACTEURS CONTRIBUTEURS

Le magazine Trajectoire est diff usé en Suisse, principalement auprès de ses abonnés payants, représentant plus de 90% du tirage. Il est également vendu dans tous les kiosques Naville et disponible chez les médecins, avocats, notaires, dans les agences immobilières de Suisse et les hôtels 5 étoiles partenaires à Genève, Crans-Montana, Divonne, Lausanne, Montreux, Gstaad, Verbier et Villars.

Paul-Henry Bizon, Arnaud Bosch, Christine Brumm, Charles Consigny, Gil Egger, Fabrice Eschmann, Anne Fulda, Patrick Galan, Michèle Lasseur, Andrea Machalova, Julie Masson, Manon Provost, Nicole Real, Marie-France Rigataux-Longerstay, Natalie Rilliet, Alexandre Schönhaus, Gaëlle Sinnassamy, Alexis Trevor

©Trajectoire | La reproduction, même partielle, du matériel publié est interdite. Les pages « Event » n’engagent pas la rédaction. La rédaction décline toute responsabilité en cas de perte ou de détérioration des textes ou photos adressés pour appréciation.

Carine Bovey

RÉDACTRICE WEB Andrea Machalova

CONTRIBUTEURS ARTISTIQUES ABONNEMENTS Photographe mode : Johann Sauty Illustrateur: Julien de Preux

4 numéros : CHF 25.– (1 an) | 8 numéros : CHF 50.– (2 ans) info@promoco.ch – T. +41 (0)22 827 71 01

RELECTURE & CORRECTION PHOTOLITHOGRAPHE Adeline Vanoverbeke

Aurélio Lasprovata > Seven Style

L'ESPRIT TRAJECTOIRE AU QUOTIDIEN : trajectoire.ch Rejoignez-nous sur

ABONNEMENT  

Abonnement pour 4 numéros à CHF 25.– (1 an) Abonnement pour 8 numéros à CHF 50.– (2 ans)

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SOMMAIRE

Gdynasties randes & mode P. 90 ET 126

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BUZZ Zemmour manque d’humour ?

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LA SUISSE BOUGE News : galeries, boutiques, sites et applis

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ÇA, C’ÉTAIT AVANT ! Place (de) la polémique

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TOM HARDY Gros dur au cœur tendre

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JEUNE TALENT Pierre Niney, l'homme idéal ?

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LIVRES Une nouvelle page se tourne

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LETTRE OUVERTE À MODIANO Cher Patrick, …

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COVER STORY Angelina, diablesse sanctifiée

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PSYCHO Bien dans ses baskets

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RENCONTRE AVEC BERNARD ARNAULT L’empire d’un grand homme

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Très Miss, très Dior


SOMMAIRE

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RETOUR DU SIHH Rattrapés par le temps

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DYNASTIES SUISSES Naville, Rothschild, Odier et Scheufele, histoires de familles

118 AUTO Un carrosse de rêve pour un mariage qui roule !

120 ON CASSE DU SUCRE Sublet, Hanouna et Federer !

126 SHOOTING MODE Paris express

136 DOSSIER MODE Les rendez-vous de 2015 !

144 BEAUTÉ Sortez la palette !

152 24H AUX MALDIVES Vous avez dit mal de vivre ?

156 VOL DIRECT Vienne, la branchée

158 DIRECTION LE MAROC Attention, le bobo débarque !

160 DESTINATION MEXIQUE Entre Mayas, tequila et enchilada

168 5 MINUTES AVEC… Philippe Vuillemin, maître de maison

Gagnant du concours Baume & Mercier

Fabien Fluckiger de Villars-sous-Yens

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ONT CONTRIBUÉ

À CE NUMÉRO

ANNE FULDA Grand reporter au Figaro depuis plus de vingt ans, Anne Fulda a couvert l’actualité du Palais de l’Elysée jusqu’en 2005. Elle connaît parfaitement les arcanes de la politique française et sait en parler avec talent. Elle a signé plusieurs biographies d'hommes politiques. Pour sa première collaboration avec le magazine Trajectoire, Anne Fulda nous livre en exclusivité une interview du magnat du luxe, Bernard Arnault, à découvrir dès la p. 70.

JULIEN DE PREUX A côté de son travail de directeur artistique chez Saatchi & Saatchi, Julien de Preux ressent un besoin vital de dessiner. C’est ainsi que naît en 2012 Panpan Culcul, un personnage humoristique qui rit de tout et surtout de lui-même. Il nous livrera désormais ses points de vue décalés sur l’actualité, la politique, les people et des scènes de la vie quotidienne, pour nous faire sourire encore un peu.

NATALIE RILLIET Historienne de l’art, Natalie Rilliet collabore depuis deux ans avec Trajectoire dans le cadre de la série des grandes dynasties. Elle nous fait découvrir des familles ayant contribué à écrire l’histoire de la Suisse ou qui font rayonner ce pays au niveau international. Elle est également l’auteur du livre Le Reposoir – Histoire d’un domaine genevois, paru en 2012, et coauteur de Histoire et guide des cimetières genevois, paru en 2009.

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FABRICE ESCHMANN Ancien du BIPH sous la direction de Michel Jeannot, rédacteur en chef de Montres Passion, Fabrice Eschmann ne se lasse pas du temps qui passe. A l’aff ût des nouveautés, il dévoile dans les pages de Trajectoire les nouveaux trends horlogers en expliquant la complexité des mécanismes les plus ingénieux. Il réalise également les interviews des grands patrons horlogers, qui le reconnaissent comme un interlocuteur qualifié, et rédige les coups de cœur de la rédaction pour la sélection horlogère.


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CROQUE TRAJECTOIRE Par PanpanCucul

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Un terrarium sur un trépied qui renferme un bonsaï ? Il fallait y penser, Fort Standard l’a fait avec Terra. CHF 6'175.– www.voosfurniture.com

Bake me a cake, tel est le nom de cette lampe de table en bois de chêne et verre fumé dont la forme ressemble étrangement à un gâteau. Ne soufflez pas dessus, elle ne s’éteindra pas ! CHF 390.– On craque pour la Tourbillon Saphir Ultranero, une complication de haut vol réinterprétée dans une approche formelle technique et esthétique. Edition limitée. CHF 200'000.– www.bulgari.ch

Fascinée par les livres animés, l’artiste israélienne Chen Bikovski se lance dans la création de lampes LED inspirées de l’origami, où le métal remplace le papier. Lampe cerf. CHF 275.– www.popuplighting.com

Mais qui a posé ce vase à l’envers ? S’étonnerait un ignorant. Il s’agit en fait d’une table d’appoint du designer Sebastian Herkner. CHF 4’375.– www.madeindesign.com

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OPINION

ZEMMOUR L'INSOUMIS Quand il est invité à Genève en Novembre dernier, nous sommes encore loin de la polémique « Zemmour ». Star médiatique Autant célébrée QUE détestée, son livre

caracole en tête des ventes. Quelques explications pour aider à mieux comprendre

le phénomène. Par Charles Consigny

L'

auteur du Suicide français entre dans le restaurant où il a ses habitudes avec l'air de quelqu'un qui est débordé. Il porte un cartable sous le bras, un imperméable beige et une écharpe verte qui dissipent tout doute sur le nom de son principal employeur, Le Figaro. Pressé, rapide, il avale avec voracité du poisson-purée et vous regarde d'un œil un peu absent, presque médical. Il a une grosse tête posée sur un corps plutôt chétif, il est plus beau qu'à la télé, plus juvénile, et il est très sympathique. Joyeux aussi, d'une manière un peu enfantine. Souvent, les personnalités qui marquent leur temps sont des gens qui ont gardé beaucoup de leur enfance. S'il y a une qualité que l'on ne peut pas lui enlever, c'est le courage. Ceux qui sont contre lui peuvent lui reprocher mille choses, mais pas la lâcheté. Et la réciproque n'est pas tou-

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jours vraie. Ceux qui sont contre lui : la plupart des journalistes, la plupart des responsables politiques, la plupart des intellectuels ou prétendus tels, la plupart des gens de culture ou prétendue telle ; bref, ce grand centre gauche qui gouverne la France depuis trente ans. Ces « élites » qu'Eric Zemmour dézingue volontiers en les accusant de « trahison ». Ces élites qui auraient bradé leur pays à l'Europe, aux Etats-Unis, à la mondialisation, et qui l'auraient ouvert à tous les vents, laissant entrer trop de monde sans s'inquiéter des conséquences – par exemple, la rupture d'une partie de la population française dont on finit par s'apercevoir alors que les gens comme Zemmour la dénoncent depuis longtemps. Lucide, froid même, enfin, disons dur, peu émotif, le polémiste n'est pas vraiment, ni sérieusement contesté sur ses constats. Assez peu de gens lui répondent que ce qu'il décrit n'existe pas, et c'est assez nouveau : depuis les années 1980 jusqu'à une période récente, ce qui n'était pas « politically correct » n'était pas. Aux citoyens anonymes et aux oiseaux de mauvais augure relayant leur désarroi, on rétorquait : « Vous ne voyez pas ce que vous voyez. » L'immigration ne pose absolument aucun problème en France, pas plus que l'intégration, pas plus que la laïcité, etc. « Il n'y a pas d'insécurité, il y a un sentiment d'insécurité », avait dit le premier ministre socialiste Lionel Jospin : « Vous vous croyez en insécurité, mais vous avez tort, vous êtes en sécurité. » Il n'y a pas de problème à l'école non plus, l'école fonctionne très bien ; enfin bref, c'était la France Potemkine. La sociologie et la statistique officielles repeignant le réel dans des couleurs chatoyantes pour qu'on continue de se mentir, c'est tellement plus confortable que la déplaisante réalité ! Et puis, les événements persistant, le voile s'est déchiré et quelques personnalités au verbe haut ont pu émerger, s'accaparant un réel délaissé par le grand mensonge général. Sous un feu nourri d'accusations toutes plus violentes et infamantes les unes que les autres (racisme, antisémitisme, xénophobie, islamophobie, homophobie, stigmatisation, rejet de l'autre, etc.), des mousquetaires médiatiques ont ferraillé très durement avec le politiquement correct qui saturait jusqu'alors le paysage médiatique. Parmi eux, Eric Zemmour crevait l'écran dans l'émission On n'est pas couché, principal talk-show de l'audiovisuel public. Les interviews y viraient souvent à l'affrontement et


© Lancelot Frédéric

S'il y a une qualité que l'on ne peut pas lui enlever, c'est le courage. Ceux qui sont contre lui peuvent lui reprocher

mille choses, mais

pas la lâcheté.

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les responsables politiques comme les people se voyaient contraints de répliquer à des attaques au lieu de répondre à des questions. L'audience est venue confirmer l'appétit des téléspectateurs pour cette émission vivante où, enfin, on a eu le sentiment qu'un peu de vérité émergeait. Pour la première fois, les Français dits « moyens », qui étaient constamment insultés par leur télévision, moqués pour leur prétendue beaufitude, accusés de lepénisme, tancés pour leur fermeture d'esprit présumée, tout ça par des vedettes du cinéma ou de la chanson incultes et méprisantes, ces Français ont vu sur ces mêmes plateaux quelqu'un porter leur parole et rentrer dans le lard de ce Festival de Cannes permanent qui leur faisait la morale à longueur d'antenne depuis des années. Ça a été un grand bol d'air frais. Ils se sont régalés, chaque samedi soir, de voir les chapeaux à plumes du PAF trébucher les uns après les autres sous les coups d'une éloquence efficace. Cultivé par passion, Eric Zemmour connaît l'histoire et les lettres. Il sait quelles sont les forces en présence, quelles idéologies se disputent le pouvoir. Lui-même est un gaulliste à l'ancienne, souverainiste europhobe, admirateur de Louis XIV et de Napoléon : il voudrait bien d'une Europe politique si elle était sous domination française, si elle était un empire dont il pourrait être maréchal. Depuis les attentats à Charlie Hebdo, trois gardes du corps ont été affectés à la protection d'Eric Zemmour par le Ministère de l'intérieur : à tour de rôle, deux le suivent en permanence pendant que le troisième dort. Quelques semaines plus tôt, l'éditorialiste star du Figaro avait été viré d'iTélé après une

© Lancelot Frédéric

OPINION

interview polémique. Voilà le traitement qui est réservé, en 2015, dans le pays de Voltaire, aux hommes de plume courageux : on vous menace de mort et on vous coupe les micros. Beau progrès depuis le XVIIIe siècle. Comme l'a expliqué Michel Houellebecq avec une lassitude immense au Grand Journal de Canal+ à propos de Soumission, qui est un peu au roman ce que le Suicide français est à l'essai (et les deux caracolent en tête des ventes), « l'idée qu'une fiction est une fiction est une idée qui était comprise il n'y a pas si longtemps en France ». Avant d'ajouter : « Si on ne peut plus écrire de fictions... changeons de pays ! » L'un comme l'autre ont stoppé leur promotion à cause du climat post-attentats. L'un comme l'autre ont pu constater que leurs prédictions n'avaient rien de fantasmatique. « Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière ! » —

Sous un feu nourri d'accusations toutes plus violentes et infamantes les unes que les autres, des mous-

quetaires médiatiques ont ferraillé très durement avec le politique-

ment correct

qui saturait jusqu'alors le paysage médiatique. Parmi eux, Eric Zemmour crevait l'écran dans l'émission On n'est pas couché, principal talk-show de l'audiovisuel public.

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Roger Vivier ouvre un écrin à Genève | C’est dans la Cité de Calvin que la maison parisienne d’accessoires de luxe a choisi de présenter ses créations. Du fameux talon Choc de 1959 à l’emblématique boucle en métal et aux stilettos Sphere, inspirés par le talon Boule dessiné pour Marlene Dietrich en 1953, c’est toute une histoire qui se déroulera sous nos yeux dans les 110 m2 de cette nouvelle adresse. Pour marquer le coup, le sac culte Miss Viv’ El Cordobes sera disponible en exclusivité et en édition limitée dans la boutique genevoise. So chic ! ROGER VIVIER

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Shoes / MODE Le mâle à l’honneur | Mesdames, vous avez craqué pour la boutique Temps Forts, à Lausanne, et les précieux conseils de Marisa Zeraschi ? Bonne nouvelle, vous pouvez désormais y emmener votre moitié, qui risque bien d’y trouver son bonheur ! Dans des locaux plus spacieux, la nouvelle boutique habille les hommes grâce à des créateurs de qualité, tels Tramarossa, Seventy, Giovanni Taccaliti, CafèNoir ou Candice Cooper. Et si vous lui offriez un costume Roy Robson ou un gilet Morgano en laine mérinos ?

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JOYAUX ARGENTINS Depuis fin novembre, la boutique de joaillerie française Fred expose fièrement ses joyaux au numéro 90 de la rue du Rhône. Pour sa première boutique, la marque s’est inspirée du nouveau concept architectural du navire amiral de Cannes. Une volonté de recréer l’esprit de la Riviera, très ancré dans les dernières collections joaillières de la maison. FRED

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DU VINTAGE

2.0

NEWS POP Une nouvelle qui réjouira tout geek et fan de culture pop : le 1er février a vu naître un site d’actu pop orienté cinéma, séries, musique, jeux vidéo et pépites du Web. Lancé par un groupe de jeunes Suisses passionnés d’art, The Bergerie tire son nom de leur mode de déplacement préféré : en troupeau. Attention aux embouteillages ! www.thebergerie.net

SWISS BOX Quand le vintage se met à l’ère de l’Internet, ça donne Daisy & Stanley, une boutique en ligne pour les adeptes de déco et de design néo-rétro. Née en 2011 sur les bords du lac d’A nnecy, la boutique se spécialise rapidement dans la vente en ligne uniquement. Et ce n’est pas pour nous déplaire, d’autant que le site, refait à neuf en début d’année, est intuitif et facile d’utilisation. On choisit en quelques clics son luminaire Northern Lighting, son mobilier String et sa petite déco Polaboy parmi une sélection souvent d’inspiration scandinave.

Faire découvrir les délices culinaires des cantons, tel est le credo de la HelvetiBox, une sorte de Smartbox renfermant cinq à huit produits du terroir 100% suisses. Saveurs gourmandes et insolites à la clé, comme des Läckerli bâlois aux pruneaux de Posamenter, du cardon épineux argenté de Plainpalais, des lentilles corail d’Athenaz ou la torta di pane du Tessin.

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UN FITNESS TOUT CONFORT

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Vous voulez vous remettre en forme mais le footing au bord du lac et les salles de sport bondées ne sont pas votre truc ? Pas de souci, le centre de coaching personnalisé Auralys a ouvert ses portes en plein de cœur de Genève au mois de novembre. Séances perso et aquabiking sont au programme, mais pas seulement. On y découvre l’appareil Cobra Royal, à mi-chemin entre un rameur debout et la pratique de squats, avec lequel un entraînement de vingt minutes suffit à faire travailler tout le corps. Le tout dans un espace luxueux car, après l’effort…

WE FOUND IT !

AURALYS Place Saint-Gervais 1 – 1201 Genève – T. +41 (0)22 900 07 66 – www.auralys-usacorp.com

{

HORLO SCOOP Avec l’arrivée du campus horloger Richemont et de ses 22'600 collaborateurs, la zone industrielle de Zimeysaver est en passe de devenir le premier pôle de haute horlogerie du canton de Genève. C’est dans cet écrin que verra prochainement le jour l’Hôtel industriel des cabinotiers. Affaire à suivre…

}

Qui disait que Genève manquait de lieux originaux ? Foound a fait taire les insatisfaits en ouvrant un espace de 500 m2 dédié au pluridisciplinarisme, renfermant buvette, shop de créateurs, coiffeur, tatoueur, ateliers d’artistes et espaces de coworking. L’arcade accueillera également de temps à autre des cours de yoga, des vide-dressing et des marchés de nuit, pour le plus grand bonheur de tous les hispters. www.found.ch

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FLASH-BACK

DELADIEU PLACE DE NEUVE !

Il est difficile, aujourd’hui, d’imaginer que Genève a été, pendant environ trois cents ans, une ville fortifiée. Pour y rien de plus simple : il fallait arriver à l’une des portes AVANT 20H, au risque de voir la grille fermée. L’une de ces portes a laissé son nom dans et la géographie de Genève : la porte Neuve.

entrer,

l’histoire

Par Arnaud Bosch et Alexandre Schönhaus

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L

a porte a été construite en 1564, une période difficile pour Genève. La Savoie catholique avait alors récupéré des territoires perdus quelques années auparavant et entourait désormais la cité réformée. Ces mêmes catholiques, dans une tentative désespérée pour reprendre Genève, s’étaient cachés dans les faubourgs, lesquels avaient été rasés. La place était donc libre pour un système complexe, et complet, de fortifications, dont la porte Neuve faisait partie. Elle remplaçait plusieurs portes de la ceinture médiévale, notamment la Corraterie et Saint-Léger. Il faut dire qu’à cette époque, Genève souffrait d’un manque de liquidité, et la surveillance coûtait cher. Sans compter que la garnison de Genève, qui comptait environ 300 hommes, était dissipée (déjà !), ce qui aurait été dommageable un certain 11 décembre 1602 ! On sait que cette porte existait, mais rien de plus. Aucune gravure ou peinture ne nous est parvenue et tout a été rasé. A vrai dire, seuls quelques textes nous apprennent que, derrière la porte, se trouvait une espèce de boulevard, en contrebas de la Treille et du bastion de l’Oye, l’ancêtre de notre place de Neuve. Plus tard, en 1740, la porte fut remise au goût de l’époque. Sous cette forme majestueuse et massive, nous la connaissons bien : un pont-levis (oui, comme les châteaux-forts) enjambait une fosse remplie d’eau plus ou moins stagnante que l’on appelait la « grande mer ». Cette porte a été restaurée en 1828, avant d’être détruite en 1853, avec le reste des fortifications. Pour la petite histoire, un particulier acheta la porte, vouée à la démolition, et demanda à l’architecte Blavignac de la reconstruire, cette fois en tant que deuxième étage d’une maison d’habitation, sur l’actuel rond-point de Plainpalais. Mais le décès du commanditaire sonna le glas définitif de la porte Neuve. Un petit détail subsistera tout de même jusqu’en 1879 : l’horloge qui avait été posée sur la porte en 1833 fut déplacée sur la façade du théâtre de Neuve, lui-même détruit en 1879, après la construction du Grand Théâtre.

DEUX THÉÂTRES, UNE PLACE Alors que l’Europe savoure les airs d’opéra et se rend au théâtre, au XVIIIe siècle, Genève reste soumise à l’interdiction due à la Réforme. C’est sans compter sur un certain Voltaire, récemment installé aux Délices, dans l’actuel quartier de Saint-Jean, mais qui à l’époque était hors fortifications et échappait donc à la censure. L’homme de lettres, en tant qu’amoureux du théâtre et de l’opéra, accueillit donc des représentations dans son domaine, qui connurent un fort succès. Finalement, sous la pression populaire, le théâtre de Rosimond, en bois, fut construit en 1766 à l’angle de la rue de la Croix-Rouge actuelle et du parc des Bastions. Mais, en 1780, un incendie le détruisit et, deux ans plus tard, le théâtre de Neuve le remplaça, au même endroit. D’une capacité de 1'100 places au lieu de 800, ce nouveau théâtre eut fort à faire avec les troubles révolutionnaires de la fin du XVIIIe, qui le forcèrent à fermer jusqu’à l’annexion de Genève à la France, date à partir de laquelle les comédiens français l’utilisèrent. Mais lorsque tous partirent à la Restauration, le théâtre ferma de nouveau jusqu’en 1817, année qui vit la reprise de son activité jusqu’à sa démolition en 1879, lorsque le Grand Théâtre ouvrit ses portes. Avec lui disparut le dernier vestige de la porte Neuve, évoqué plus haut. L’idée du Grand Théâtre apparut dès 1861, plus grand et mieux adapté aux nouvelles exigences. Pourtant, faute de moyens, aucun projet ne démarra. En 1873, l’héritage du duc de Brunswick changea la donne et rendit la construction possible. C’est le 4 octobre 1879 qu’une représentation du Guillaume Tell de Rossini inaugura le Grand Théâtre et ses 1'300 places.

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PORTRAIT

EMILY RATAJKOWSKI Par Alexis Trevor

« Couvrez ce sein que je ne saurais voir », s’étaient écriées les féministes après avoir découvert la pulpeuse Emily Ratajkowski alors qu’elle se trémoussait lascivement, et ce, dans le plus simple appareil, dans le clip Blurred Lines de Robin Thicke. La vidéo la plus controversée de la décennie en a laissé plus d’un bouche bée et a fait couler beaucoup d’encre, propulsant la jolie brune, inconnue au bataillon jusque-là, au rang incontournable de la femme la plus hot du moment. Ses mensurations de rêve (90-61-86), sa poitrine défiant les lois de la pesanteur, son mètre 71 pour 52 kilos et ses lèvres à croquer feraient saliver un saint. Insouciante et effrontée, Emily n’a que faire des critiques et croque sa célébrité à pleines dents. « J’ai la chance de porter ce que je veux, de coucher avec qui je veux, de danser comme je le veux, et de rester une féministe », a-t-elle déclaré, faisant un pied de nez à ses détractrices. On s’est longtemps demandé si ses atouts étaient le fruit d’un habile chirurgien ou un coup de pouce généreux de la nature. Il semblerait bien qu’à 23 ans, la jeune Américaine, née à Londres mais d’origine polonaise, doive sa plastique de rêve à un savant mélange d’ADN, légué par un père peintre et une mère écrivaine. Après avoir fait tourner la tête à Robin Thicke, à Adam Levine de Maroon 5 dans Love Somebody, à Ben Affleck dans Gone Girl et à des millions d’internautes, la top sera à l’affiche, dès le 17 juin, d’Entourage, un long-métrage réalisé à partir de la série à succès du même nom, où elle interprétera son propre rôle. Alors qu’Hollywood lui sourit, Emily assure qu’elle ne pense pas s’éloigner complètement du mannequinat, dans lequel elle s’était lancée à plein temps à 17 ans, abandonnant ses études de beaux-arts à UCLA. En à peine quatre ans, elle a ainsi posé pour des marques comme Forever 21, Nordstrom ou H&M. Emily s’apprête désormais à rejoindre les rangs des fameux anges de Victoria’s Secret aux côtés d’Adriana Lima et de Miranda Kerr et est pressentie pour faire la couverture du prochain Sports Illustrated spécial maillots de bain. Voila qui devrait lui donner des ailes. —

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photographe Iris Velghe

Cuvée Rosé. Inimitable.

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CULTURE Par Alexis Trevor

ILS SONT TROP MIGNONS

BALTHAZAR SE FAIT DÉSIRER Le groupe belge nous annonçait mi-novembre dernier que l’enregistrement de son troisième album venait de prendre fin. On ne connaît ni son nom ni la date de sa sortie, mais si le nouvel album est à l’image du premier extrait, Leipzig, dévoilé il y a un an, on ne devrait pas être déçus. Sorti avant le 8 avril, début de leur tournée, ils feront une halte aux Docks de Lausanne le 21 avril.

On ne résiste pas à leurs petites bouilles craquantes et à leur langage incompréhensible. L’arrivée de l’été signe également la sortie du dessin animé Minions (très attendu par des fans de tout âge). On avait pu découvrir ces organismes monocellulaires jaune pétant dans les deux épisodes de Moi, moche et méchant. Dans le film qui leur est consacré, les Minions partent à la recherche du plus abject des vilains pour le servir corps et âme. Leur périple les mènera jusqu’à Scarlet Overkill, la première super-méchante de l'histoire… MINIONS

Sortie prévue le 8 juillet

LA REINE DES NEIGES, LE RETOUR Björk est de retour avec un album intitulé Vulnicura,qui a fuité sur le Web deux mois avant sa sortie officielle. Incapable de tenir en place, celle que l’on surnomme la Reine des neiges inaugurera au printemps une rétrospective consacrée à son œuvre au MoMA de New York, jusqu'au 7 juin. L’exposition reviendra en détail sur la carrière de la chanteuse à travers des sons, des films, des images, des instruments de musique, des objets, des costumes et des représentations. Produit par The Haxan Coak et surtout Alejandro Ghersi, aka Arca, le nouvel opus est tout aussi fantasmagorique qu’on l’attendait, écrit comme un « journal intime » parsemé de petites perles synthpop puissantes, avec un hommage rendu à la Terre-Mère, comme le laissent entendre les titres de l'album. VULNICURA Sortie prévue en mars

L’ÂGE DE RAISON POUR SELAH SUE ? Son premier album, sorti en 2012, a connu un succès phénoménal et international, on attend donc la petite rousse belge et déjantée au tournant. Après une tournée de trois ans et un EP rassemblant quatre morceaux, sorti fin 2014, le Graal tant attendu devrait arriver dans les bacs le 27 mars. Pour ce disque intitulé Reason, Selah Sue s’est notamment entourée des producteurs Robin Hannibal et Ludwig Goransson. Quand on sait qu’un artiste tel que Prince lui aurait conseillé de ne jamais prendre de cours de chant parce qu’elle respire la musique, on se dit qu’on n’a pas trop de souci à se faire pour la petite Sanne Putseys (oui, c’est son vrai nom) ! REASON Sortie prévue le 27 mars

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SILENCE RADIO POUR JAMES BLAKE Ou plutôt Radio Silence, puisque tel est le nom du prochain opus de l’énigmatique London boy, le troisième déjà à seulement 26 ans. Prévu pour avril, le disque devrait notamment réunir Justin Vernon de Bon Iver et Kanye West (pourquoi ? !) et s’inscrire dans la même veine que le précédent Overgrade, éloge de la lenteur, récompensé par le prestigieux Mercury Music Prize. Lors d’une interview, James Blake affirmait être désormais plus libre, plus concentré, et pouvoir se permettre de s’amuser davantage. On espère tout de même qu’on aura toujours autant envie de s’enrouler dans une couette et de pleurer toutes les larmes de notre corps en l’écoutant. RADIO SILENCE Sortie prévue en avril

UNE TRONCHE DE CAKE ? Après avoir fait le tour des comédies aussi romantiques qu’idiotes et des films à l’eau de rose, Jennifer Aniston évolue ce printemps dans un registre aux antipodes de ce qu’on lui connaît. Dans Cake, elle joue le rôle d’une quadra dépressive qui souffre de douleurs chroniques. Le tout sans make-up, avait applaudi Hollywood ! Quand une de ses amies, rencontrée dans son groupe de soutien, se suicide, le drame la fascine et elle s’immisce dans la vie du mari et du fils qu’elle a laissés derrière elle. Une relation complexe, pas facilitée par les apparitions soudaines de son amie décédée. A ses côtés, on retrouvera également Sam Worthington, Anna Kendrick, Felicity Huffman et William H. Macy. CAKE Sortie en salles le 8 avril

À CHACUN SON VICE

On a admiré son courage et sa force dans Wild, Reese Witherspoon nous revient transformée en ex-petite amie du détective privé Doc Sportello, interprété par l’excellent Joaquin Phoenix, dans Inherent Vice. A côté de l’enquête menée par Doc sur le possible internement en hôpital psychiatrique d’un milliardaire, le longmétrage de Paul Thomas Anderson dresse le portrait d’une Amérique des seventies, émancipée et libérée du conservatisme, flottant entre de lourdes fumées de haschisch et des visions dues à des substances hallucinogènes. Dans cet univers peuplé de surfeurs défoncés, de prostituées et de rockers toxicos, la paranoïa règne en maître, c’est le calme avant la tempête. Il faut être prêt à se perdre dans ce film adapté du roman de Thomas Pynchon et accepter que des questions restent sans réponse. La bande-son n’est pas en reste ; le musicien Jonny Greenwood de Radiohead contribue à exacerber nos émotions pour notre plus grand plaisir. INHERENT VICE En salles depuis le 4 mars

L’ÉTÉ SERA ROCK Et on attend toujours avec autant d’impatience les nouveaux opus de Radiohead, Muse, The xx, The Prodigy et Florence and the Machine… L’été s’annonce bon, bon, bon !

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COVER STORY

FEMMME DE TÊTE En robe Versace sur le tapis rouge de Cannes ou EN SLIM

sur une zone de conflit à l’autre bout du monde, Angelina Jolie

NOIR ET BOTTES

affirme son image de femme aussi combative que sensible. Ces dernières semaines, elle a parcouru le globe pour promouvoir son deuxième film en tant que réalisatrice. A chacune de ses apparitions publiques, s’expriment la femme engagée, la mère aimante et l’épouse comblée. D’ailleurs, Brad et les

« Invincible »,

enfants ne sont jamais loin d’elle. Par Manon Provost

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COVER STORY

À

Rome, en janvier dernier, Angelina Jolie s’est vêtue de sobriété. Dans un complet noir, les cheveux noués, elle traverse l’ovale de la cour de la Casina Pio IV, qui abrite l'Académie pontificale des sciences sociales. Son sourire l’accompagne alors qu’elle franchit le seuil de ce pavillon lové dans les jardins du Vatican. Le pape François sera bientôt là. Angelina est droite sur ses talons. Un doigt posé sur la bouche, elle fait signe à ses enfants de garder le silence lorsque la silhouette drapée du Saint-Père apparaît. Les mains se serrent chaleureusement et le corps de l’actrice s’incline pieusement. La rencontre s’achève déjà. Peu importe la brièveté de l’instant, ce jour est sacré pour l’A méricaine qui, un peu plus tôt dans la matinée, a vu son film Invincible projeté au Vatican. Dans ce deuxième long-métrage qu’elle réalise, Angelina Jolie retrace la vie de Louis Zamperini, un ancien athlète olympique fait prisonnier durant la Seconde Guerre mondiale. Une histoire née d’une rencontre…

UN VOISIN PAS COMME LES AUTRES Car ce Louis Zamperini, Angelina l’a déjà croisé sans soupçonner qui il était. Lui qui, depuis des années, habitait la maison voisine de la sienne, dans un de ces quartiers rutilants de Los Angeles. De sa fenêtre, elle pouvait certainement l'apercevoir : un vieux monsieur au doux regard bleu, un homme discret. Mais c'est finalement en tournant les pages du roman de Laura Hillenbrand Invincible. Une histoire de survie et de rédemption qu'elle le découvre pour la première fois. « Ce livre a changé ma vie, raconte-t-elle. L'histoire de Louis n'est pas seulement importante pour les personnes âgées ; il faut que la jeune génération se souvienne de ce qu'ont fait des gens comme lui. » Mais qui est-il au juste ? En 1936, Louis Zamperini triomphe aux Jeux olympiques dans l’épreuve de la course à pied. Sa carrière s’interrompt brutalement en 1943. Les Etats-Unis étant entrés dans la Seconde Guerre mondiale, Louis est enrôlé dans les forces aériennes de l’armée américaine. Lors d’une mission, son avion sombre dans le Pacifique. Il en sort indemne, dérive sur les eaux de l’océan durant quarante-sept jours, avant d’être fait prisonnier de guerre au Japon. Persécuté, humilié et torturé par ses geôliers, Louis survivra à sa captivité. Une leçon de courage qui a inspiré Angelina Jolie : « On a tous à un moment donné voulu baisser les bras, et Louis a connu ça aussi, mais il a décidé à un stade de sa vie qu'il allait se relever chaque fois qu'on le ferait tomber. » Le film est ambitieux. Adapté pour le cinéma

Angelina a participé à une cinquantaine de missions humanitaires à travers le monde...

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par les frères Coen – présidents du prochain Festival de Cannes – et produit par Universal, c’est une superproduction hollywoodienne estimée à 65 millions d’euros. Un budget colossal dont elle n’avait pas bénéficié pour son précédent film, Au pays du miel et du sang (2011). Déjà, elle y abordait le sujet de la guerre et ses sévices, portant un regard courageux sur le conflit en Bosnie. Massacres, crimes de guerre, viols, Angelina Jolie donnait à voir l’atrocité de la guerre avec un discernement éprouvé par ses nombreuses missions en tant qu’envoyée spéciale du HautCommissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

ENVOYÉE SPÉCIALE L’ancienne ambassadrice volontaire tient désormais un rôle important dans les campagnes de sensibilisation du HCR. En quatorze ans, Angelina a participé à une cinquantaine de missions humanitaires à travers le monde, se rendant sur des zones de conflit, dans des camps d’exilés ou au cœur de territoires dévastés par la famine. Des terres fracturées et des peuples meurtris dont elle est le témoin. Vous ne la verrez jamais sans un calepin et un crayon. Elle note. Elle a l’humilité de ceux qui savent écouter, l’intelligence de savoir apprendre des autres. Avant de tourner Au pays du miel et du sang, elle a étudié l’histoire de l’ex-Yougoslavie et interrogé des reporters qui avaient couvert le conflit. Un besoin d’authenticité qui sert « l’envie d’honorer la résilience de la nature humaine. C’est en temps de guerre que le meilleur et le pire s’expriment. Et lorsqu’on entre de plain-pied dans des situations extrêmes, on voit des êtres humains révéler leur inhumanité, mais on voit aussi des Louis Zamperini s’élever contre l’horreur. » Avec Invincible, Angelina Jolie honore la mémoire de cet homme qu’elle a accompagné jusqu’à sa mort. C’était l'été dernier, Louis avait 97 ans. Elle se souvient : « Alors qu'il était hospitalisé, je suis allée le voir avec le film inachevé. […] C’était très beau d'être avec cet homme et de lui donner à voir son existence et tout ce qu'il avait accompli quand il était jeune et fort, de voir ses yeux s'illuminer et de le voir sourire, si ému. » L’instant est d’autant plus bouleversant qu’on sait que Louis Zamperini a finalement pardonné leurs actes à ses bourreaux. « Le pardon est important pour pouvoir survivre et continuer à avancer. La haine peut vous dévorer entièrement. Elle peut dévorer non seulement l'individu, mais aussi la famille. » Sa famille, justement, Angelina Jolie la chérit. Dans la tribu qu’elle a fondée avec l’acteur Brad Pitt, on compte Maddox, Zahara, Pax, Shiloh et les jumeaux Vivienne et Knox. Une famille nombreuse qui, quelques semaines dans l’année, prend ses quartiers dans le Sud de la France.

LA VIE DE CHÂTEAU C’est au château Miraval, une propriété acquise en 2008 par le couple et encerclée par 600 hectares de terrain, dont 50 hectares de vignes, que Brad Pitt et Angeline Jolie résident lorsqu’ils viennent en France. Des rumeurs voudraient qu'ils ne soient pas


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COVER STORY

de parfaits voisins. Le couple de stars déserterait Correns, le village voisin de la propriété, habitué à rejoindre sa demeure en hélicoptère avec enfants et provisions. Snobisme ou discrétion, on l’ignore, mais ça fait causer. Surtout lorsque, en août dernier, les 900 habitants de Correns, dont le maire, ont appris dans les journaux que Brad et Angie s’étaient mariés au château. Une

nie Laurent et Niels Arestrup sont au casting. En attendant la sortie du film, prévue cette année, Angie a de nouveaux projets en tête. On l’imagine déjà se glisser à nouveau dans son complet noir. Sa prochaine destination : et pourquoi pas le Sénat ? Elle le dit elle-même : « Quand on fait de l'humanitaire, on sait bien que la politique n'est jamais loin. (…) Si on veut vraiment changer les

L’ancienne ambassadrice volontaire tient désormais un rôle important dans les campagnes de sensibilisation du HCR. En quatorze ans, Angelina a participé à une cinquantaine de missions humanitaires à travers le monde, se rendant sur des zones de conflit, dans des camps d’exilés ou au cœur de territoires dévastés par la famine. cérémonie secrète et un séjour express. A peine les vendanges avaient-elles commencé que le couple reprenait les airs. En guise de lune de miel, le tournage de By the Sea, le nouveau film réalisé par Angelina : une histoire d’amour tumultueuse en plein cœur des seventies. Pour l’heure, on sait qu’elle y joue l’un des rôles principaux, que des scènes sont écrites en français, qu’il y a des séquences torrides entre elle et Brad et que les Français Méla-

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choses, il faut prendre ses responsabilités. » Citoyenne Jolie briguerait-elle une carrière en politique ? A quel poste se verrait-elle être élue ? Elle répond modestement qu'elle ne voit pas dans quel rôle elle pourrait être « la plus utile », consciente de son image de star hollywoodienne et du frein que cela pourrait représenter dans certains cas. Ce qui ne l'empêche pas de conclure dans un sourire : « I am open. » —


L'INTERVIEW... On a rencontré Angelina à Paris, où elle donnait quelques interviews exclusives. Star planétaire, elle n’a pas vraiment besoin de se plier aux exercices promotionnels. Mais ce jour-là, c’est de ses films en tant que réalisatrice qu’elle vient parler, de ses ambitions à venir. L’entretien était à l'inverse de la grande messe qu’est

habituellement ce genre d’interview : une simplicité presque déroutante lorsque l’on rencontre une actrice de ce gabarit… Interview Nicole Real

Invincible, votre deuxième fi lm en tant que réalisatrice, se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi ? Non seulement cette période de notre histoire me fascine, mais, selon moi, elle doit sans cesse nous être rappelée pour ne pas qu'on l’oublie. Comme un grand nombre de personnes, je cherche à comprendre cette continuité. N’avez-vous pas été tentée de vous réserver un petit rôle ? En tant que femme, je ne pourrais jamais jouer le rôle d'un soldat de la Seconde Guerre mondiale. En revanche, réaliser un film m’a permis d’approfondir le sujet et je souhaite à l’avenir me tourner davantage vers la réalisation. Vous semblez, en tant qu'actrice, préférer des rôles qui vous amusent, tandis que la réalisatrice que vous êtes favorise plutôt des sujets graves. Est-ce un choix délibéré ? Je suis passionnée par l'histoire et l'actualité. Lorsque je choisis de réaliser un film qui va accaparer deux ans de ma vie, je privilégie un sujet qui me permet d'élargir mes connaissances et de devenir ainsi une meilleure personne. En tant qu'actrice, mon choix est limité aux films que l’on me propose. En tant qu’actrice, rêviez-vous de tourner dans une production Disney un personnage effrayant comme celui de Maléfique ? Oui, mais j’ignorais que j’aurais un jour cette chance. Enfant, dans La Belle au bois dormant, je ne me suis jamais identifiée aux princesses, mais j’adorais la force, le côté sombre et la grâce de Maléfique. Je me suis vraiment projetée en elle. Comment expliquez-vous que, même dans les fi lms Disney, les sorcières soient devenues plus attirantes, plus sexy ? C'est une question intéressante, car elle est liée à la position des femmes et à leur pouvoir. Une femme peut avoir, de façon superficielle ou pas, des facettes très différentes, dont certaines sont troubles, et parfois noires. Les contes ont-ils une vertu pédagogique pour les enfants ? Oui, car les enfants sont attirés par des choses sombres qui leur font peur et que, souvent, ils ne peuvent pas comprendre.

Lorsque, dans le dessin animé Le Roi Lion, le père meurt, je me souviens que mes enfants ont été fortement peinés. Cette réaction était bénéfique pour eux, car elle les a obligés à s'interroger sur ce qu'ils ressentaient et à se préparer ainsi à affronter les moments plus douloureux de la vie. Pensez-vous que le mal mène le monde ? Oui, malheureusement ; je pense que le mal existe vraiment partout. En regardant les infos, vous voyez tous ces gens souffrir par tant de cruauté. Il relève de la conscience de chacun d’analyser pourquoi le mal existe et comment le combattre. Pourquoi vous êtes-vous engagée dans plusieurs causes humanitaires ? A 20 ans, en voyageant, j’ai pris conscience du monde qui m’entourait. Vivre pour soi ne mène à rien. J’aime rencontrer les gens et essayer de les aider à améliorer les choses. J’aimerais qu’un jour mes enfants suivent cet exemple. Vous arrive-t-il de vous séparer de vos enfants? Brad et moi adaptons nos vies professionnelle et personnelle en fonction de nos six enfants et non l’inverse. Si nous avons fondé une famille, ce n’est pas pour nous en séparer. Dans quelle langue parlez-vous avec vos enfants ? Nos deux jumeaux, Vivienne et Knox, sont nés en France, deux de nos enfants ont vu le jour en Afrique et deux autres en Asie. Ils sont des enfants du monde et, à la maison, nous parlons plusieurs langues. Que pensez-vous de la France ? Avec Brad, nous aimons passer du temps dans notre propriété de Miraval, dans le sud de la France. J’adore ce pays et mes enfants aussi. D’ailleurs, ils apprennent à parler le français. Vous voyagez beaucoup à travers le monde. Comment vous préparez-vous physiquement pour tous ces déplacements ? J'adore monter dans une voiture ou prendre l'avion. Je suis très heureuse de bouger, de voyager. Nous rêvons tous de voler, c’est la liberté ultime. —

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L'EMPIRE DE BERNARD ARNAULT Par Anne Fulda

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© Vincent Capman > Contour by Getty Images

RENCONTRE


Lors de l’inauguration de la Fondation Vuitton en octobre dernier, certains ont cru que la concrétisation de ce projet – ébauché en 1991 ! – était, en même temps que la réalisation d’un rêve, une manière de marquer une pause pour Bernard Arnault. Ils ont imaginé que l’achèvement de ce grand vaisseau aux voiles en verre, dont la construction a « nécessité autant d’acier que la tour Eiffel » et mobilisé plus d’une centaine d’ingénieurs, était pour le président de LVMH comme un aboutissement. Une sorte d’ancrage terrien pour celui qui règne sur le premier groupe mondial du luxe, royaume de l’éphémère s’il en est, bâti en trente ans à peine. Une manière « de s’offrir une parcelle d’éternité » comme François Mitterrand avec la pyramide du Louvre de Pei, relevait alors un proche. Tandis qu’un autre, définitif, assurait qu’il « y aurait un avant et un après Fondation Vuitton. Cette œuvre magistrale le projette dans une nouvelle relation par rapport au temps. »

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uelques mois plus tard, force est de constater que tous ses experts en « BA » – les deux initiales de Bernard Arnault, par lesquelles certains de ses collaborateurs le désignent – se sont bien trompés en croyant que cette réalisation marquerait une phase d’arrêt dans l’ascension de l’empereur du luxe. Evidemment, l’inauguration de la Fondation – qui a été visitée par plus de 400'000 personnes depuis son ouverture au public – eut des allures de sacre. Voire de revanche pour un grand patron qui a toujours entretenu des relations passionnelles avec la France. Un pays où il a ses racines, où il habite la plupart du temps – dans son hôtel particulier du VIIème arrondissement ou dans sa maison de Saint-Tropez –, mais qui ne l’a pas compris quand il a voulu acquérir la nationalité belge. Et qui, surtout, bien que « pleine de talent et de potentiel», estime-t-il, a tendance à voir « ce qui va mal plutôt que ce qui peut s’améliorer » et à considérer avec circonspection les entrepreneurs qui sortent du lot, soit la réussite en général et la sienne en particulier, à la différence d’un pays comme les Etats-Unis où, « quand Warren Buffett ou Bill Gates marchent dans la rue, ils sont reconnus comme un emblème du pays ; les gens leur demandent des autographes ». Evidemment, dans ce contexte, Bernard Arnault, qui a tout de même décidé de construire sa Fondation en France et dont les marques françaises – et, en premier lieu, Dior, emblématique dans le monde entier – constituent le socle de la réussite de son

groupe, a particulièrement apprécié de voir François Hollande qui, en d’autres temps, avait fait de sa détestation des riches un porte-étendard, lui rendre à cette occasion un hommage appuyé. Mais de là à évoquer une éventuelle pause ? ! Allons donc,

Bernard Arnault, incarnation éclatante d’une des rares success-stories françaises de ces dernières années, à la tête d’un groupe de 100'000 personnes présent dans le monde entier, n’a pas du tout l’intention de s’arrêter là. En octobre, lorsqu’on l’interrogeait sur cette fondation perçue par certains comme l’œuvre de sa vie, il lâchait d’ailleurs, un sourire en coin : « Je vais vous dire franchement, cela me passionne, son édification m’a passionné et son inauguration est un grand moment d’émotion, mais je pense déjà au futur. » Le futur ? En l’occurrence, le chantier de la Samaritaine, qui doit permettre de construire l’hôtel Cheval Blanc, qui sera, espèret-il, « l’un des plus beaux hôtels du monde », nous confiait-il. Le seul grand hôtel parisien dont toutes les chambres auront une vue sur la Seine et qui devrait, s’il peut ouvrir fin 2017-début 2018 – en dépit des actions qui freinent les travaux –, employer avec les magasins et les bureaux plus de 3'000 personnes.

Le futur, l’avenir, qui passe aussi par la Suisse, où LVMH a acquis dans l’horlogerie – l’un des pôles d’activité les plus récents du groupe – des fleurons du secteur, comme TAG Heuer, Hublot et Zenith. Une activité en développement que le président de LVMH regarde de près. Comme il le fait avec tous les secteurs que son groupe embrasse. Tou-

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RENCONTRES HORLO

LA MINUTE DES

PATRONS HORLOGERS Le SIHH, rendez-vous mondial de la haute horlogerie, a fermé ses portes le 23 janvier dernier à Genève. Pas moins de 12'000 personnes ont pu y découvrir en avant-première

les nouveaux modèles des

16 marques présentes.

Si chacune a su investir un univers qui lui est propre, les dirigeants de ces maisons prestigieuses s’accordent sur un point :

la haute horlogerie est une question de temps. Rencontres

minutées !

Interview Fabrice Eschmann

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FRANÇOIS-HENRY

BENNAHMIAS

CEO d’Audemars Piguet

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ules-Louis Audemars ouvre son atelier d’horlogerie dans la ferme familiale du Brassus, à la vallée de Joux, en 1875. Formé par son père, il prend la direction technique. Mais les commandes affluent et il se tourne vers un camarade de classe, Edward-Auguste Piguet. Les deux jeunes horlogers travaillent ensemble durant six ans pour assurer la direction commerciale et financière, puis officialisent devant le notaire la fondation d’Audemars & Cie le 17 décembre 1881. Plus de 140 ans après, la manufacture est toujours en mains familiales avec, à la tête de son conseil d’administration, Jasmine Audemars, arrière-petite-fille de Jules-Louis Audemars. François-Henry Bennahmias, quant à lui, directeur de la succursale américaine durant treize ans, a pris les fonctions de CEO en 2012. Au SIHH, outre un « concept watch » qui réinvente la sonnerie du mouvement à répétition minutes, la société horlogère du Brassus a présenté la Millenary Quadriennium, dotée d’une fonction très rare : le calendrier quadriannuel, aussi appelé calendrier bissextile. Ce dernier ne nécessite qu’un seul réglage tous les quatre ans.

Si je n’avais plus qu’un mois à vivre – et en admettant que je puisse le vivre pleinement –, j’aimerais pouvoir réaliser deux choses. Premièrement, m’amuser et profiter : bien manger, bien boire, devenir un épicurien au carré. Et, deuxièmement, passer les derniers instants avec mes proches, les gens que j’aime.

Perdre son temps ? C’est la chose qui m’énerve le plus ! Je suis un impatient de nature : je déteste les meetings trop longs, les transports, les gens qui s’écoutent parler… Je suis un fervent défenseur de l’efficacité. J’ai d’ailleurs introduit une nouveauté chez Audemars Piguet : le temps de parole en réunion.

© Audemars Piguet

Si le temps vous était compté ?

Si vous deviez constituer un héritage ? Il ne serait pas matériel. Ce que j’aime, ce sont les gens, quels qu’ils soient. L’héritage que j’aimerais laisser, c’est un souvenir, une trace, un exemple. Que l’on dise après ma mort : « Je veux faire comme lui, je veux suivre son exemple. »

Garde-temps préféré

Millenary Quadriennium

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RENCONTRES HORLO

NICOLAS

BOS

CEO de Van Cleef & Arpels

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la fin du XIXe siècle, la fille d’un négociant en pierres précieuses rencontre le fils d’un diamantaire. Elle se nomme Estelle Arpels, lui Alfred Van Cleef. Le jeune couple partage les mêmes valeurs : un esprit conquérant, un sens profond de la famille et une passion pour les pierres précieuses. En 1906, Alfred s’associe avec le frère d’Estelle, Charles, un vendeur talentueux qui dirige déjà avec succès une boutique installée place Vendôme. Deux ans plus tard, Julien, l’autre frère d’Estelle, les rejoint, puis enfin son troisième frère, Louis, en 1912. Au fil des années, Van Cleef & Arpels devient synonyme de créations joaillières sublimes et la société se taille une réputation mondiale. La maison est rachetée par le groupe Richemont en 1999 et est dirigée par Nicolas Bos depuis 2013. Inventeur des « Complications Poétiques », Van Cleef & Arpels s’est aménagé une place à part dans le monde de la haute horlogerie. Le modèle Heure d’ici & Heure d’ailleurs rend ainsi hommage à Pierre Arpels, grand voyageur qui a donné son nom à une collection. Pour la première fois, cette dernière accueille une montre à complication se distinguant par un affichage double heure sautante et minutes rétrogrades.

© Patrick Swirc

Si le temps vous était conté ? Il le serait par une princesse de conte de fées qui me ferait voyager dans un monde imaginaire et enchanteur. Son récit serait ponctué de créatures bienveillantes, de rencontres magiques et d’espoirs nouveaux avec, au terme de ce périple, le bonheur retrouvé et la promesse d’un amour éternel.

Si l’éternité vous était offerte ? Je la passerais à contempler le mouvement des planètes, la révolution des astres et la fulgurance des étoiles filantes. Chaque jour, je chercherais du regard dans le ciel cette étoile tournant au rythme des heures et des minutes autour d’un Soleil en or rose et de planètes précieuses.

Temps perdu ? Garde-temps préféré

Heure d’ici & Heure d’ailleurs

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Afin de ne plus le perdre, je ferais attention à l’attacher avec un cadenas, qui pourrait peut-être me donner l’heure. Ce gardetemps immortaliserait le souvenir de moments heureux, à jamais gravés dans l’éternité de l’or.


STANISLAS

DE QUERCIZE Président et CEO de Cartier International

F

ondée à Paris en 1847 par Louis-François Cartier, la maison Cartier se distingue dans le domaine de la joaillerie. Reprise par les trois fils du fondateur en 1899, elle prend alors une ampleur internationale. Dans le même temps, elle propose ses premières montres, à commencer par l’iconique Santos, lancée en 1904. Suivront la Tortue, la Tank puis, la Pasha, la Santos 100, la Ballon Bleu et la Calibre. Cartier appartient au groupe Richemont depuis 1999. Et c’est à La Chaux-deFonds, que sont réalisées toutes les collections de montres. Stanislas de Quercize est président et CEO de Cartier International depuis 2013. Cette année, la maison a créé l’événement en présentant une nouvelle collection baptisée Clé de Cartier. Disponible en 40 mm de diamètre pour homme ou en 31 et 35 mm pour femme, cette pièce intègre une clé à la place de la traditionnelle couronne de remontoir. L’ajustement de l’heure et de la date introduit un nouveau geste, qui n’est pas sans rappeler celui que l’on faisait pour remonter les horloges. Le nouveau mouvement de manufacture, le calibre 1847 MC, renvoie à l’année de création de la maison Cartier.

Si le temps vous était compté ?

© Sonia Sieff – Cartier

Il nous est compté, il ne faut pas mettre cela au conditionnel ! Le temps est extrêmement précieux. C’est extraordinaire d’avoir une belle montre mais, le plus important, c’est le temps. Et ce dernier prend tout son sens quand il est égrené par un mouvement mécanique. Il est tellement anonyme, affiché sur un iPhone !

Si vous deviez constituer un héritage ? Une collection de montres, bien évidemment. Une montre est le plus beau cadeau que l’on puisse faire à la génération suivante. Ou, plutôt, aux générations suivantes. C’est ainsi que l’histoire se perpétue, comme encapsulée dans le garde-temps. C’est en fait une capsule d’émotions.

La clé du temps ? C’est notre dernière création. Nous avons, sur la Clé de Cartier, remplacé la couronne par une clé, créant ainsi un nouveau geste horloger. Cela permet de mieux maîtriser le temps. Et, par association d’idées, nous posons les questions : « Comment transformezvous votre temps ? Comment transformez-vous le monde qui vous entoure ? »

Garde-temps préféré Clé de Cartier 40 mm

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GRANDES DYNASTIES

FAMILLE

NAVILLE Par Natalie Rilliet

Jaques Naville obtient la bourgeoisie de Genève. Comme le relate Jean de Senarclens dans « Drapiers, magistrats, savants. La famille Naville, 500 ans d’histoire genevoise », Jaques Naville est tailleur de pierre En 1506,

et originaire de la région d’Annecy. Les constructions de la campagne savoyarde étant alors essentiellement en bois, il cherche du travail à Genève, où il s’installe pour des raisons économiques. Son fils Jean est également tailleur de pierre. sont marchands drapiers et donnent une aisance financière à la famille. Au milieu du XVIIème siècle, quelques-uns de ses membres étendent leurs activités à l’industrie horlogère alors en pleine expansion à Genève.

Ses descendants

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© Centre Iconographique Genevois

Kiosque Naville

A

u XVIIIe siècle, la famille se scinde en deux branches, dont l’ancêtre commun est Jean-Daniel Naville (1679-1748). Les marchands drapiers deviennent hommes politiques, savants et industriels. Certains d’entre eux eurent une renommée mondiale et marquèrent leur époque.

LA BRANCHE AÎNÉE Le fils aîné de Jean-Daniel Naville, Marc (1707-1786), rompt avec la tradition textile et se lance dans le commerce de l’horlogerie et de la bijouterie, plus connu à l’époque sous le nom de « fabrique ». Son petit-fils, François Naville (1784-1846), est pasteur à Chancy. Au début du XIXe siècle, il abandonne sa fonction pour se consacrer à l’enseignement. Dès 1819, il loue une partie de l’ancien domaine Diodati à Vernier pour y installer un institut pour jeunes gens, avant de l’acquérir en 1820. La maison de maître est restée dans la famille jusqu’en 1969, date à laquelle elle a été vendue à la commune de Vernier, qui y a installé la mairie. L’Institut de Vernier représente un lieu modèle pour le développement de la pédagogie moderne au XIXe siècle. François Naville rédige deux ouvrages de référence qui sont édités à plusieurs reprises : L’Education publique et La Charité légale. Son enseignement, basé sur l’expérience et imprégné de morale, s’inscrit dans la lignée des travaux de Pestalozzi.

Un des fils de François Naville, Ernest (1816-1909), entreprend des études de théologie. Il défend un protestantisme conservateur et laisse également une œuvre philosophique et politique importante. Il développe la thématique du libre arbitre et compte parmi les pères du système électoral proportionnel. Parmi ses descendants se trouvent des pasteurs, des théologiens, des philosophes et des historiens. Mentionnons également François Naville (1883-1968), le premier d’une lignée de médecins. Actif en médecine légale, il fait partie d’une commission d’experts mandatés par les Allemands pour enquêter sur le massacre de Katyn en 1943. La nièce d’Ernest Naville, Emilie (1843-1896), est une personnalité marquante du combat pour l’émancipation féminine à la fin du XIXe siècle. Elle lutte pour les droits de la femme, contre la prostitution et prône la réhabilitation des femmes « déchues ». En 1889, elle résume sa pensée dans son livre La Mission de la femme. Son frère, Pyrame Naville (1848-1921), épouse Elise Lachaise en 1870. Les origines françaises de cette dernière incitent le couple à s’établir à Paris, une place de choix à l’époque pour le développement des affaires bancaires. Pyrame Naville est à la tête de la Banque impériale ottomane. Parmi ses enfants, Jean-Emile (1871-1958) devient architecte à Paris. En 1911, il fait partie du groupement qui édifie l’église suédoise de Paris, au

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GRANDES DYNASTIES

FAMILLE

ODIER Par Natalie Rilliet

Originaire de Pont-en-Royans, dans le Dauphiné, à 150 kilomètres au sud de Lyon, une branche de la famille Odier émigre à Genève au début du XVIIIe siècle, suite à la révocation de l’édit de Nantes. En 1714, devient bourgeois de Genève. Si certains membres de la famille restent dans la Cité, d’autres s’établissent dans le canton de Vaud (qui dépend alors de Berne). Après avoir obtenu la bourgeoisie de Genève, plusieurs membres de la famille s’impliquent dans le gouvernement de la ville. Au XIXe siècle, ils jouent un rôle de premier ordre aussi bien dans la finance que dans les domaines de la santé. Deux pôles qui continuent d’attirer les

Antoine Odier

générations actuelles.

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Passerelles de l'Île, construites en 1880 par Albert Odier

E

n 1714, Antoine Odier (1698-1775), négociant et agent de change, acquiert la bourgeoisie de la République de Genève. Parmi ses neufs enfants, Louis Odier (1748-1817) fait une brillante carrière scientifique. Ses études de médecine le mènent à Edimbourg, à Londres, à Leyde et à Paris. Actif à Genève dès 1773, il marque l'Europe de l'époque avec ses publications et son enseignement. Il s’intéresse à l’hygiène publique et défend, entre autres, la vaccination mise au point par l’anglais Edward Jenner en 1796. On lui doit le terme de vaccine, désignant le procédé mis au point par Jenner pour lutter contre la variole. Médecin de renommée internationale, Louis Odier est appelé en 1812 pour soigner l’impératrice Joséphine, qui réside non loin de Genève, à Pregny. Il est également actif en politique de 1788 jusqu'à sa mort. Durant cette période, il ébauche un projet de Code pénal. Son neveu, David-Charles Odier (1765-1850), marque la politique genevoise de la première moitié du XIXe siècle. Membre de l’A ssemblée nationale en 1793, il occupe à huit reprises la plus haute magistrature (syndic) entre 1816 et 1832. Tout comme son grand-père Antoine, il est actif dans le domaine des affaires. Il fait un très beau mariage en 1795 en épousant Caroline Eynard (1773-1801), sœur du banquier Jean-Gabriel Eynard (1775-1863), qui fait fortune en Toscane. Après David-Charles Odier, Edouard Odier (1844-1919) entre-

prend également une carrière politique. Dès 1878, il est député au Grand Conseil à Genève. Par la suite, il est à deux reprises conseiller national (en 1897 et en 1902) et il favorise l’extension du réseau diplomatique suisse, notamment en Russie, où il occupe les fonctions de ministre plénipotentiaire dès 1906. Il est à SaintPétersbourg lorsque la révolution russe éclate en 1917. Il met deux ans à regagner Genève ! Edouard Odier s’implique également dans la promotion de la paix. Dès 1874, il est membre du CICR et, en 1899, il représente la Suisse lors de la Conférence de La Haye, première conférence internationale de la paix prônant la prévention de la guerre et le désarmement. Albert Odier (1845-1928), frère d’Edouard, est ingénieur à la compagnie de chemin de fer de la Suisse occidentale et ingénieur municipal de Genève à partir de 1874. Avant de démissionner en 1908, il supervise la construction de l'usine des forces motrices ainsi que le barrage du pont de la Machine. On lui doit également la passerelle métallique reliant les halles de l’Ile au quai de la Poste. Son fils, Max Odier (1879-1969), renoue, lui, avec la médecine. Il est engagé dans une mission humanitaire au Mozambique. De retour à Genève, il fonde, en 1939, les ambulances Odier. En 1956, son fils Yves Odier (né en 1936) le rejoint. Ce dernier est secondé, dès 1964, par son frère François Odier (né en 1943). En 1983, c’est Jean-Marc Odier (né en 1960), fils

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GRANDES DYNASTIES

FAMILLE

ROTHSCHILD Par Natalie Rilliet

Cette famille aux origines allemandes, de la région de Francfort, est connue en Europe pour ses activités bancaires et financières depuis le XVIIIe siècle. A la fin de ce même siècle, la famille se divise en chacune dépendant d’une zone géographique différente : l’Autriche, la France, l’Italie, l’Angleterre et l'Allemagne. La Suisse a la particularité de regrouper des membres des trois premiers pays. Il sera essentiellement question des Rothschild et de la Suisse du XIXe au XXIe siècle. Un bref rappel historique remettra toutefois d’abord en perspective l’arrivée des Rothschild en Suisse, et plus précisément à l’extrémité du lac Léman, à Pregny.

cinq branches,

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James de Rothschild (1792-1868)

DE FRANCFORT AUX QUATRE COINS DE L’EUROPE A la fin du XVIIIe siècle, Mayer Amschel Bauer (1744-1812) décide de changer de nom de famille pour prendre celui de Rothschild, en référence à l’écu rouge (roten Schild) caractérisant la maison de change fondée par son père. Ayant fait fortune, il envoie ses enfants créer des succursales en Europe. Les Rothschild sont désormais présents à Francfort avec Amschel (1773-1855), à Vienne avec Salomon (1774-1855), à Londres avec Nathan (1777-1836), à Naples avec Carl (1788-1855) et enfin à Paris avec James (1792-1868). C’est parmi les membres de trois de ces quatre branches que l’on trouve le rameau « suisse ». Seule la branche anglaise n’a pas de lien direct avec le patrimoine immobilier se trouvant en Suisse. Carl de Rothschild fait beaucoup parler de lui lorsqu’il rencontre le pape Grégoire XVI à Saint-Pierre en 1832. Après le congrès de Laybach en 1821, restaurant les Bourbons en tant que souverains du royaume de Naples, il est envoyé dans cette ville afin d’y établir un nouveau siège de la banque familiale. Sa réception par le pape dix ans plus tard démontrait un changement d’attitude de l’Eglise catholique à l’égard de la communauté juive.

DE NAPLES À PREGNY Le fils aîné de Carl, Adolphe de Rothschild (1823-1900), dirige la banque de Naples jusqu’à l’unification de l’Italie en 1861, qui

entraîne la fermeture de la succursale. Auparavant, en 1850, Carl épouse sa cousine, Julie de Rothschild (1830-1907), qui descend de la branche viennoise. Cinq ans après leur union, ils acquièrent la propriété d’Auguste Saladin de Lubières. Cette dernière se trouve en Suisse, dans le canton de Genève, sur les hauteurs de la rive droite du lac Léman, dans la commune de Pregny. En 1858, l’ancienne maison est rasée et les architectes londoniens Stokes et frères sont chargés d’édifier l’actuelle demeure. Pendant ce temps, Joseph Paxton, à qui l’on doit le Crystal Palace de la première Exposition universelle de 1851, construit une série de serres. Durant trois ans, la propriété fourmille de centaines d’ouvriers, jour et nuit, pour donner à la propriété son nouveau visage. Julie de Rothschild, qui pratiquait la peinture et la photographie, est la créatrice des jardins, dont elle surveille scrupuleusement la réalisation. Ce colossal chantier suscite la plus grande curiosité des genevois. Le domaine est exceptionnellement ouvert au public à la fin des travaux ; en une journée, 12'000 visiteurs se pressent au portail pour découvrir les lieux. Après ces événements festifs, la presse locale doit annoncer l’arrivée du phylloxera, qui ravage la vigne. La Gazette de Lausanne d’août 1875 précise comment le nuisible s’est introduit dans les vignes de Pregny : « A la fin de novembre 1874 l’origine de l’infection fut découverte lorsque l’on constata le point de départ de l’attaque du phylloxera dans des serres à raisins, de provenances anglaises,

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GRANDES DYNASTIES

ARIANEDE ROTHSCHILD

© François du Chatenet

de changer et de questionner le monde comme des valeurs fondamentales; c’est donc une grande responsabilité que de perpétuer cette solidité et cette résilience.

Née Langner, vous épousez en 1999 le baron Benjamin de Rothschild, fi ls d’Edmond de Rothschild. Que ressent-on lorsqu’on entre dans une famille avec une telle histoire ? Lorsque l’on rejoint une famille aussi emblématique, on se sent d’abord investi d’une immense responsabilité: celle de devoir perpétuer les valeurs forgées par une dynastie dont chaque génération a transmis quelque chose. La famille Rothschild a toujours été habitée par la passion d’entreprendre, d’innover et de servir le progrès, c’est pour cela qu’elle a si bien réussi à construire, développer et préserver son héritage en dépit des crises, guerres et autres révolutions. Mes enfants représentent aujourd’hui la septième génération d’une famille qui a toujours considéré le leadership, la capacité

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Parlez-nous de cette tradition de l’entrepreneuriat chez les Rothschild. L’esprit d’entreprise de notre famille est l’une de ses plus anciennes traditions. Il est profondément enraciné dans nos gênes et inscrit dans la devise familiale, «Concordia (unité), Integritas (éthique) et Industria (travail)». Chaque génération a entrepris et innové à sa manière, anticipé les changements du monde, changé de modèle bancaire ou développé de nouvelles entreprises dans de nombreux domaines. Notre groupe n’échappe pas à cette tradition : Benjamin et moimême sommes banquiers et gérons avec autant d’implication nos activités vinicoles, hôtelières et agricoles ainsi que le réseau international de fondations. Nous employons près de 4'000 personnes dans le monde et sommes convaincus que les entreprises ont un rôle majeur dans l’évolution de la société. Avoir de l’impact et accompagner nos clients dans les grandes transformations du monde comptent particulièrement dans notre culture; le profit n’est qu’une part du résultat. Vous venez d’être nommée présidente du comité exécutif du groupe Edmond de Rothschild. Pourquoi est-ce important pour vous de vous impliquer dans la vie de la banque ? Avec mon mari, nous nous sommes engagés il y a près de trois ans dans une nouvelle étape de développement de notre groupe. Après plus de quinze ans d’une croissance remarquable mais sans véritable coordination entre nos banques, nous avons souhaité créer un groupe plus intégré afin d’affronter les défis d’un environnement de plus en plus complexe et concurrentiel. Notre management a dû, d’une certaine manière, devenir plus centralisé afin de favoriser la coopération entre les équipes, établir des procédures communes et encourager la création de valeurs conjointes entre nos banques à Genève, Paris et Luxembourg ainsi que leurs nombreuses filiales de par le monde. Ma nomination est une décision qui s’inscrit dans la continuité de cette stratégie et dans la durée. C’est un changement naturel, dans l’ordre des choses, qui devrait simplifier la gouvernance de notre groupe, et j’apporte surtout plus de vingt ans d’expérience dans le monde de la finance, ce qui m’aidera énormément dans mes futures décisions.


Vous travaillez côte à côte avec votre mari, comment vous répartissez-vous les rôles ? J’ai la chance d’avoir un mari qui partage avec moi sa vision des affaires et ses responsabilités. Aujourd’hui, Benjamin est président du conseil d’administration de notre groupe et je suis, depuis le 1er février de cette année, présidente du comité exécutif. Nous nous soutenons énormément et prenons rarement une décision importante sans en parler ensemble. Je suis donc plutôt sur le terrain avec les métiers et voyage à l’international pour développer notre présence à l’étranger tandis que Benjamin veille à la stratégie. Dans un article de Bilan, vous qualifiez sa vision des affaires d’« originale ». Dites-nous en plus… Benjamin est le président du groupe depuis 1997. A la mort de son père, le groupe financier employait 600 personnes, contre 2'800 aujourd’hui. La masse d’avoirs sous gestion a été multipliée par cinq, le nombre d’implantations par trois. Je crois que les chiffres parlent d’eux-mêmes. Je suis effectivement admirative de mon mari pour son côté avantgardiste et visionnaire, mais c’est un trait de caractère qu’il partage avec beaucoup de ses aïeux! Sa création de la Compagnie de Trésorerie Benjamin de Rothschild dès l’âge de 24 ans, avec cette conviction que la gestion des risques devenait primordiale dans toute gestion financière, était un coup de génie. Je considère mon mari comme surdoué et intuitif. Vous êtes fortement engagée dans la philanthropie, notamment dans le domaine de la santé, de l’art et de la formation. Pourquoi cet engagement ? La philanthropie, au même titre que la banque, fait partie des traditions de la famille Rothschild. Administrer des fondations est constitutif de notre ADN familial, cela nous connecte à la réalité de la vie et aux changements du monde. Ces dernières années, nous avons profondément transformé cet héritage en développant des initiatives en faveur de l’éducation, du dialogue interculturel et de l’entrepreneuriat social. Nous avons fait muter un héritage de fondations historiques avec des projets très diversifiés vers une philanthropie moderne qui concentre ses actions, apporte des méthodes et structure des projets autant qu’elle les finance. Nos fondations ont d’ailleurs récemment été distinguées par l’OCDE. Nous nous efforçons de professionnaliser la philanthropie en mesurant l'efficacité de notre travail et en vérifiant si les objectifs recherchés ont été atteints.

Quels sont, selon vous, les défis de demain pour votre dynastie ? Notre défi sera surtout de comprendre les évolutions d’un monde toujours plus complexe, rapide, global tout en étant de plus en plus émietté, pour offrir des solutions innovantes et profitables à la société et rester, en cela, fidèles à l’héritage et à l’histoire Rothschild. Je pense que nous vivons une véritable révolution. Le monde change très vite et nous n’avons vu pour l’instant que les prémices de ce que la technologie apportera et changera au XXIème siècle. Sous l’effet des nouvelles contraintes et de sa propre prise de conscience, le secteur financier a dû, plus qu’aucun autre secteur, changer lui aussi. Nous considérons que la banque de demain reste encore à inventer et nous souhaitons être prêts pour de nouvelles conquêtes, en étant capables de nous déployer sur nos marchés traditionnels, de dynamiser notre croissance sur les marchés émergents de l’A sie ou du Moyen-Orient et de ne pas craindre d’être pionniers en Amérique latine ou en Afrique. Vous avez quatre fi lles ; la relève chez les Rothschild sera donc féminine… Je leur montre la voie et c’est très important, mais elles choisiront librement dans quels domaines elles ont envie de se réaliser. Toutefois, la révolution est bien en marche. Quatre filles, c’est une bénédiction ! Nous quittons une tradition qui veut que seul un garçon assure la continuité d’une dynastie. Et je suis heureuse que Benjamin leur offre la possibilité de participer à nos affaires le temps venu, tout en partageant aujourd’hui ses responsabilités avec moi. C’est aussi une démonstration de la capacité de réinvention et d’adaptation au monde contemporain de notre famille. La question de la pérennité du nom Rothschild ne constitue plus un problème dorénavant : en effet, les héritières peuvent très bien décider de conserver leur nom de jeune fille et le droit suisse permet à leurs futur(e)s descendant(e)s de prendre le nom de leur mère ! Est-ce que vos fi lles souhaitent marcher dans vos pas ? Nous leur laissons le temps de décider de leur route et elles sont encore très jeunes ; l’aînée vient de démarrer des études supérieures alors que la plus jeune n’a que 12 ans. L’essentiel est qu’elles développent leurs passions et leur engagement dans les valeurs de notre famille. —

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GRANDES DYNASTIES

FAMILLE

SCHEUFELE Par Fabrice Eschmann

Difficile de dire quel est le domaine, de

la haute horlogerie ou de la joaillerie, où la maison Chopard brille le plus. Ses montres L.U.C, entièrement conçues, développées et réalisées à l'interne, et ses parures, portées par les plus grandes Stars à Cannes, font à part égale le succès de cette entreprise familiale mondialement connue, rachetée en 1963. Cette réussite

descendants

est l'œuvre de la discrète famille Scheufele, originaires de Pforzheim dans le sud-ouest de l'Allemagne, venus s'installer en Suisse, dans la région de Genève.

d'horlogers-orfèvres

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Karl Scheufele II sur le bateau pour New York dans les années 1920

F

ondée en 1860 par Louis-Ulysse Chopard à Sonvilier, dans le Jura bernois, la maison Chopard possède aujourd'hui son siège à Meyrin (GE), des unités de production à Fleurier (NE) et à Pforzheim (D), des filiales dans treize pays, plus de 150 boutiques en propre et quelque 1'500 points de vente sur les cinq continents. Près de 2'000 collaborateurs travaillent à la réalisation et à la vente de 80'000 montres et 70'000 bijoux par an. Cette réussite, on le sait moins, c'est à la discrète famille Scheufele qu'on la doit. Originaire de Pforzheim, dans le sud-ouest de l'Allemagne, celle-ci est venue s'installer en Suisse, dans la région de Genève, en 1963. Cette année-là, Karl Scheufele III reprenait la maison Chopard des mains de Paul-André Chopard, petit-fils du fondateur. A l'agonie, n'employant plus que trois personnes, la marque va alors connaître une véritable résurrection. Elle est aujourd'hui dirigée par Caroline et Karl-Friedrich Scheufele, les deux enfants de l'acquéreur. Madame est co-CEO pour la branche joaillerie, Monsieur co-CEO pour la division horlogerie. Le conseil d'administration, quant à lui, est toujours présidé par Karl Scheufele III. Avant lui, son père, Karl Jr., et son grandpère Karl Sr. avaient eux-mêmes œuvré dans la fabrication de montres et de bijoux.

RETOUR À LA SOURCE Nous sommes en 1877 au cœur de la Forêt-Noire, dans le Land du Bade-Wurtemberg. Dirigée par le Kaiser Wilhelm I, l'Allemagne est alors en paix. La région de Baden, libérale et prospère, accueille nombre de petites industries et d'artisans. Parmi ces derniers, Johannes Scheufele, menuisier, s'est installé avec sa femme Sophie dans la petite ville de Pforzheim. C'est là, dans leur maison, que naît le 6 août le petit Karl Gotthilf. Les premières années du jeune garçon sont synonymes d'insouciance, mais sa mère décède brusquement en 1881, à l'âge de 40 ans. Son père, Johannes, ne s'en remettra jamais. Il meurt à son tour sept ans plus tard, laissant Karl orphelin. A 11 ans, l'enfant est placé dans l'orphelinat de Pforzheim. Un lieu lugubre et sombre dans lequel le jeune Karl va cependant trouver son destin. Construit à l'origine pour être un asile de fous, l'établissement sera par la suite un hôpital, une prison et une maison de correction. Ainsi, à la fin du XIXe siècle, il n'abrite pas que des orphelins. C'est d’ailleurs dans ces murs que, un siècle plus tôt, le margrave Carl Friedrich de Baden avait installé une fabrique de montres et de bijoux, afin de donner aux pauvres une occupation rémunérée qui les rendrait autonomes.

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EN VOGUE

PARIS EXPRESS

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Veste et pantalon Jean Paul Gaultier, boucles d'oreilles et bracelet Chanel Joaillerie, chaussures Musette Page de gauche : Body Maison Lejaby, montre et bague Dior Joaillerie, boucles d'oreilles Outhouse

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EN VOGUE

LES GRANDS MODE 2015

RENDEZ-VOUS

Par Alexis Trevor

HOMMAGE SAUVAGE À ALEXANDER MCQUEEN Jusqu’au 19 juillet, le Victoria and Albert Museum de Londres rend hommage au créateur de génie Alexander McQueen, disparu tragiquement il y a quatre ans, avec la rétrospective Savage Beauty, présentée pour la première fois en 2011 au Met de New York. L’occasion de faire revivre l'ensemble de ses créations, de sa collection de fin d'études en 1992 – repérée par la journaliste Isabella Blow, avec qui le couturier se liera d’amitié et dont le suicide en 2007 précipitera le sien – à sa toute dernière collection automne-hiver 2010-2011, inachevée. Chaque silhouette, présentée dans une mise en scène spectaculaire, recrée ainsi l’univers onirique de ses défilés. Savage Beauty, au Victoria and Albert Museum jusqu’au 19 juillet.


AUJOURD’HUI, HYÈRES EST LA MODE

Du 23 au 27 avril, la petite ville de Hyères prendra des airs de capitale de la mode avec son festival consacré aux jeunes créateurs et stylistes. Ils sont dix à avoir été sélectionnés parmi plusieurs centaines. Anna Bornhold, Christina Braun, Yiyu Chen, Sophie Harand, Heini-Maria Hynynen & Elina Aarela, Elina Maattanen, Guillem Rodriguez Bernat, Sophie Salekari, Annelie Schubert et Wieke Sinnige feront défiler leurs créations sous l’œil attentif de Karl Lagerfeld, directeur artistique de cette 30ème édition anniversaire, et de Virginie Viard, directrice du studio de création de Chanel, invité d’honneur du festival. Ce rendez-vous fait également la part belle à la photographie contemporaine : dix photographes seront départagés par un jury de spécialistes, présidé cette année par Eric Pfrunder, directeur de l’image de Chanel Mode. Une exposition collective qui se tiendra jusqu’au 24 mai à la Villa Noailles réunira par la suite les meilleurs clichés. www.villanoailles-hyeres.com

LE RETOUR DE GALLIANO

L’enfant terrible de la mode présentait au mois de janvier à Londres sa première collection pour la maison Margiela en tant que nouveau directeur artistique. Une collection très attendue puisqu’elle signait le retour de John Galliano. C’est donc devant un petit comité d’une centaine d’invités, parmi lesquels Kate Moss ou Anna Wintour, venues témoigner de leur soutien, que Galliano a présenté ses premières créations MMM. Le résultat ? Un savant mélange entre les codes gallianesques et la sobriété de la maison belge. Du noir, du rouge, des robes déconstruites, tout en mousseline et voilures, avec des mannequins perchées sur des chaussures à plateforme haute. Le monde de la mode semblait conquis.

VANESSA SEWARD LANCE SA LIGNE DE VÊTEMENTS La créatrice parisienne d’origine argentino-britannique lance ce printemps sa propore marque de vêtements. Une collection très attendue, car celle qui a fait ses armes chez Chanel, Yves Saint Laurent et Azzaro avant de lancer plusieurs collections capsules chez A.P.C. est appréciée pour ses créations tout en élégance et en finesse. Pour sa nouvelle ligne, elle souhaite « faire un prêt-à-porter juste et accessible pour les femmes, un peu dans l'esprit d'Yves Saint Laurent Rive Gauche dans les années 1960 ». Des boutiques sont également prévues courant septembre.

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RENCONTRE SAVEUR

MICHELROTH Au Bayview du Président Wilson à Genève, il n’aura fallu qu'une année à Michel Roth pour obtenir une étoile au Michelin et rejoindre les tables de prestige. On prétend que l’air des cimes ouvre l’appétit. Cet artiste de la gourmandise, mille fois récompensé, nous conduit vers des sommets qui frôlent la Pour Trajectoire, il a bien voulu se mettre à table.

perfection. Interview Patrick Galan

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TRENTE ANS AU RITZ À PARIS

L’ALIMENTATION DES ANCIENS

« En acceptant, à l’automne 2012, de diriger les cuisines du Président Wilson après trente années derrière les fourneaux du Ritz, j’ai pensé au Suisse César Ritz, qui disait : « Je rêve d’une maison à laquelle je serais fier d’attacher mon nom. » Comme le palace parisien fermait pour deux années de travaux de rénovation, j’ai sauté sur cette proposition. Il était temps que je regarde ailleurs. Ici, la direction m’a fait confiance et j’ai pu arriver avec ma brigade, mes casseroles, ma patte et mes recettes. Avec mes complices Franck Meyer et Laurent Wozniak, je me suis tout de suite senti chez moi au bord du lac, dans « ma maison » ! Même si j’ai obtenu les plus grandes distinctions de la profession, avec le Premier Prix Taittinger en 1985, le Trophée Escoffier en 1986, le Bocuse d’or et le titre de Meilleur Ouvrier de France en 1991, je sais que rien n’est définitivement acquis et, pour cette raison, j’essaie toujours d’évoluer avec l’inspiration et l’environnement. C'est comme ça qu’on s’améliore et qu’on reste jeune ! Et, à Genève, je retrouve une vraie jeunesse, car j’ai une totale liberté; je suis toujours dans la réflexion, la créativité, même en revenant à des concepts plus traditionnels, plus classiques, concernant les bases et les produits. Il ne faut jamais oublier ses racines et, si j’ai toujours une tendresse particulière pour le pâté lorrain, c’est parce qu’il me rappelle mon enfance et les fêtes de village. Je sens aujourd’hui encore l'odeur du vin blanc mariné, sans parler de la convivialité. Malgré cela, il y a toujours des plats « signature », qui sont marqués pour un cuisinier, et les clients les réclament. »

« Je suis un toqué hyperactif. Je n’ai jamais cessé d'apprendre, que ce soit au Crocodile à Strasbourg, chez Haeberlin à Illhaeusern ou chez Ledoyen à Paris. Ensuite, avoir été consultant pour la classe affaires d’A ir France, pour Nespresso, pour des maisons de retraite ou pour des émissions de télévision… toutes ces expériences ont été un bonheur et un enrichissement pour moi. Par exemple, j’ai retravaillé les menus de six maisons de retraite durant six mois. Au début, j’étais sceptique, puis je me suis dit qu’on parlait souvent de l’alimentation des gamins dans les cantines, mais jamais des personnes âgées, alors qu'elles pourraient être nos parents, nos grands-parents. Et j’ai découvert que ces anciens aiment les plats traditionnels, ceux qu’ils connaissent bien. Comme l’ouïe ou la vue, leurs capacités gustatives diminuent. Il faut pouvoir réveiller des souvenirs en eux, proposer des textures conservant la saveur, la couleur et la valeur nutritionnelle des aliments pour qu’une pomme ait le goût d'une pomme et non d’une compote. Ils peuvent encore nous apporter leur expérience. »

LE RESTAURANT EST UN SPECTACLE « En fait, si je me suis autant dispersé, c’est parce qu’à L’Espadon, le restaurant deux étoiles du Ritz, on ne s'ennuyait jamais ; chaque jour était différent, les demandes étaient très variées et on pouvait faire plein de choses. J’aime bien la diversité des activités accomplies avec passion et motivation. Un cuisinier doit d'abord


se sentir bien pour que ses clients soient heureux. Le fait d’aller au restaurant doit être une fête. C’est comme aller à l'opéra ou au musée. Il faut en retirer une grande émotion. Par ailleurs, je conçois très bien qu’un chef doive être présent dans sa maison, car les clients veulent le voir ; mais il doit aussi quitter son monde, éviter de se cloisonner et avoir une ouverture d’esprit, en oubliant de temps en temps son piano pour s’aérer. Ici, c’est le lieu idéal ! On sait bien que, dans une cuisine, le chef ne fait pas tous les plats et que l’équipe fonctionne même s’il est absent. »

UNE MONTAGNE DE SOUVENIRS « Je n'aime pas trop parler de mes clients, mais je peux vous dire que j’ai été impressionné par la prestance et l’élégance de la princesse Diana. Elle et Dodi Al-Fayed aimaient bien le Ritz et sur-

tout la bonne cuisine. Je les voyais souvent dans les cuisines, tout comme Dustin Hoffman, qui s’amusait à se mettre une cloche sur la tête, Michael Jackson, Zidane ou Kate Moss, une habituée. Mais il y avait tellement de personnalités… Je préfère évoquer le souvenir de mon maître Guy Legay, un grand monsieur de la gastronomie, de Pierre Gagnaire, le Picasso de la cuisine, ou de Paul Bocuse. Je respecte tous les chefs et j’adore tout ce qu'ils font, car ils sont tous différents. J’aime bien dire aussi que j’ai été cuisinier avant de le savoir, en étant dans la cuisine avec ma mère, ma grand-mère et ma tante. Mais c’est mon père qui a décidé un jour de mon métier en me plaçant chez Charles Herman, à l’auberge de la Charrue d’or, à Sarreguemines. J’avais 15 ans, j’étais timide… et je ne le regretterai jamais. » —

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BEAUTÉ

CES NUDES COLORENT QUI

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Douze tons, dont un jade et un émeraude bluffants, pour ce fard qui dépose sur les paupières un film extrafin, confortable, à l'adhérence parfaite. Giorgio Armani, Eye Tint. CHF 52.– Huit nuances dans une poudre insensible aux frottements et au ternissement. Clinique, Everywhere Neutrals. CHF 75.– Un crayon contour des yeux à utiliser en trait fin pour souligner l’ourlet de la paupière ou esquisser un œil charbonneux. Estée Lauder, Double Wear Stay-In-Place Eye Pencil. CHF 30.– Dans ces dix nuances en camaïeu, légères ou intenses, brillantes ou mates, on retrouve la maîtrise d'une marque qui fut parmi les premières à inventer le nude. L'Oréal Paris, Color Riche. CHF 27.–

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Dans une texture poids plume aux divers effets, des ombres au toucher velouté, artistiquement travaillées en plissés. Sisley, Phyto 4 Ombres. CHF 89.– Vernis jade. Chanel, Paradisio. CHF 35.–

teinte

645,

Trois tons irisés, des autres mats dans des teintes suaves, puis, sous le couvercle, deux liners dans les tons verts et une couleur plus soutenue. Le parfait exemple du « prêt à emporter ». Lancôme, My French Palette. CHF 79.–

145


48H

SEUL AU MONDE Reportage Marliese Huber

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Vingt ans après leurs premières ouvertures aux Maldives, c'est un tout nouveau concept de Villas de luxe que le

Club Med

a inauguré en grande pompe fin janvier. Trajectoire a suivi

cet événement

magique

pendant quarante-huit heures.

I

l venait de tomber 30 cm de neige, le franc s'écroulait et l'Europe se remettait encore mal de ce début d'année... Alors, l'idée de se retrouver à l'autre bout du monde pour oublier cette morosité ambiante tombait à point nommé.

Prise en charge dès la sortie de l'aéroport de Malé par un yacht; le ton est donné. Quarante minutes de bateau depuis l’aéroport plus tard, en plein cœur de l'océan Indien, les 52 villas perchées au-dessus des eaux turquoise et cristallines et le sable blanc qui fait des Maldives l'une des destinations les plus idylliques et enviées vous attendent. On m'indique ma chambre, ou plutôt ma villa. « Beach Villas », « Lagoon Villas » sur pilotis avec accès direct à la mer, villas « Sunset » ou « Sunrise » avec vue sur le coucher ou le lever du soleil… un avant-goût du paradis ? Ça commence à se bousculer dans mes neurones, le jetlag se fait sentir.

Waouh ! Nous sommes loin des clichés Thierry Lhermitte en bandana et Christian Clavier en maillot de bain minimaliste. L'ambiance est feutrée, chic et élégante. Le Club Med n'a pas lésiné sur le choix de ses prestataires de services. Construites selon les normes écologiques, les villas sont l'équilibre parfait entre le luxe moderne et le charme naturel des Maldives, permettant à tout un chacun de se prélasser dans sa piscine privative face à l'océan ou de se ressourcer dans le jardin d'Eden environnant. Je m'écroule, épuisée par tant de belles étoiles, juste le temps que mon majordome ait terminé de préparer mon dîner. Le majordome… Voilà la clé de ces vacances magiques ! Check-in et check-out facilités, bagages rangés en chambre, repas sur mesure selon vos humeurs et vos horaires, dîner privé préparé par

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VOL DIRECT

Le quartier des musées

VIENNE BRANCHÉE LA FACE JEUNE ET

Par Andrea Machalova

Q

ui n’a jamais entendu parler du faste de cette ville impériale ? De ses bals, de ses opéras et de la beauté de son architecture ? La réputation de Vienne la précède. Se balader sur les artères du Ring, qui fête cette année ses 150 ans, boire un café viennois (un Einspenner) au Kleines Café, déguster la traditionnelle Sacher-Torte au Café Landtmann, dormir au luxueux Hotel Imperial, se laisser emporter par des envolées lyriques au Musikverein, valser le temps d’une soirée et découvrir l’histoire tragique de la plus célèbre des impératrices au Musée Sissi… Oui, Vienne, c’est tout cela, mais pas seulement. Car, der-

rière la face traditionnelle, se réveille une scène alternative, disséminée un peu partout dans la ville. Des quar-

© Marco Pauer

Le café Phil

tiers entiers grouillent de centres d’art, de galeries associatives et de jeunes artistes. Pour s’en rendre compte, il suffit de faire un tour à la BrotFabrik, une ancienne fabrique de pain réhabilitée en ateliers d’artistes, ou de descendre les rues Schleifmühl et Eschenbachen. Au MuseumsQuartier, après la visite du Mumok et du Leopold, on finit à la boutique-souvenir, qui met à l’honneur des créateurs locaux. Dans le quartier étudiant Neubau, on découvre des lieux d’inspiration bohèmes, comme le charmant café Schadekgasse 12 ou le Phil, qui fait également office de librairie. Côté vie nocturne, les clubs underground pullulent ; parmi eux, le Flex, le Fluc ou le Pratersauna, ancien sauna des années 60 réaménagé en boîte de nuit. Pour une pause gourmande, on s’arrête au marché Naschmarkt, surnommé « l’estomac de Vienne » et on prend le soleil le dimanche sur la terrasse du Palmenhaus, à l’A lbertina. Pour plus d’informations, on recommande le site de l’Office de tourisme de Vienne. —

COMMENT Y ALLER ?

BrotFabrik

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Depuis le mois de novembre, un vol direct de la compagnie EasyJet relie Genève à Vienne en 1h30.


Mettons de la couleur dans la vie des enfants malades

Les Pinceaux Magiques offrent aux enfants malades hospitalisés ou à domicile des moments colorés grâce à la peinture sur soie. Si vous désirez faire un don : ccp 17-610190-8 Les Pinceaux Magiques / Avenue de la Fusion 84 / 1920 Martigny / Tél. +41 (0) 79 465 53 64 www.pinceauxmagiques.ch / secretariat@pinceauxmagiques.ch


DESTINATION

CAP ... SUR LE YUCATÁN

Trajectoire part à la découverte du Yucatán, vieux pays maya et musée vivant des traditions indiennes. Ses joyaux cachés tels Tulum, Chichen Itza, Coba et Uxmal,

la jungle et ses dolines remplies d’eau transparente ou

ses plages de sable blanc encore peu fréquentées font le bonheur des

voyageurs les plus exigeants.

Reportage et photos Michèle Lasseur

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Q

ui étaient donc ces Indiens, cultivateurs de maïs et de haricots, soumis à un clergé et à un roi représentant leurs dieux sur terre ? Antonio parle espagnol et… maya. Profession : chiclero. Il habite le pueblito de Muyil, dans la région de Sian Ka’an (en maya, « là où le ciel est né »), qui abrite plus de 4'500 km2 de jungle et de marais. Une réserve au bord de la mer des Caraïbes protégée par l’Unesco. Son profil de bronze évoque les têtes sculptées dans les pierres des temples mayas. Il travaille dans la forêt pendant la saison des pluies d’août à décembre pour recueillir la sève de l’arbre,

le latex du chicozapote (sapotillier), utilisé dans la fabrication du chewing-gum. Palmiers, cèdres, acajous et ceibas (kapokiers) s’élèvent dans un inextricable fouillis de lianes et d’arbustes. Dans les cimes, toucans, oiseaux de paradis et perroquets tiennent de longues conversations. « Nous récoltons 350 tonnes de résine de copal par an. » Celle-ci est ensuite revendue aux Japonais pour en faire du chewing-gum. « Nos ancêtres l’utilisaient comme remède contre les maux d’estomac. Ils la mastiquaient aussi en marchant pour se désaltérer et s’en servaient comme mastic pour joindre les pierres des pyramides. »

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