Des rencontres et des opinions
SUCCESS STORIES
helvétiques
Kudelski, Delarive, Biver, etc...
Face-à-face
Marc Bonnant Angela Gheorghiu Clive Owen Frédéric Mitterrand
Mads Mikkelsen délicieux cannibale MODE Summertime blues MADONNA & ARTHUR nous font de la peine
Jacques,
Eté 2015 N°111 | CHF 6.– 111
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Dans chaque endroit du globe, une différence de marche par rapport à celle de Genève est normale: l’étalonnage du chronomètre change mais pas sa précision. La preuve: lorsqu’un garde temps prend des secondes d’avance par jour et qu’il conserve le même temps d’avance tous les jours, on peut alors apprécier sa précision extrême. Autrefois dans la marine, le capitaine prenait en compte la dérive de son chronomètre et l’intégrait à son calcul pour connaître la position du navire. Si son chronomètre avait une dérive d’une seconde d’avance par jour, il lui suffisait au bout de 30 jours de retrancher 30 secondes pour connaître l’heure exacte, et ainsi pour chaque jour…
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L'ÉDITO Siphra Moine-Woerlen
T’ES DÉTER OU BIEN ? Vous les avez forcément croisés ou vous partagez peut-être leur quotidien… Si vous ne voulez pas définitivement perdre contact avec ces chers dégingandés boutonneux, vous allez devoir apprendre à mélanger sans complexe les mots anglais et arabes tout en abusant du verlan... Que Maître Bonnant (en interview page 52) nous pardonne. Le jour un peu « chelou » (louche) où l’envie leur prendra d’engager une « conversation » – forcément pour demander argent ou nourriture – avec un «wesh, daronne, bien ou bien ?» (Bonjour, Mère, comment vas-tu ?), ne lui répondez pas « mon chériiii, tu as faim ? ». Il répliquera avec la rapidité d’un affamé : « Suis grave dalleux »... Si un beuglement – se situant entre le veau tout juste né et le dahu mâle – contenant un « mais c’est la hess ! » (la galère, l’horreur, la catastrophe !) vient à vos oreilles, c’est que vous aurez oublié de servir du Red Bull… Attention ! Ne répondez surtout pas devant ses copains qu’un faux-filet ne s’accompagne pas de cet immonde breuvage ; il risquerait de « se taper l’affiche » (la honte) et, zou, il retomberait en « bad » (au bord du suicide) en marmonnant « c’est trop poche » (c’est pourri, la vie). Oui, la vision de l’horreur n’est pas la même pour tous, mais restez confiants : l’ado toujours très sûr de lui « gère ». Gère même « grave ». A lire les différents portraits de nos chefs d’entreprise, écrivains ou autres artistes dans ce numéro consacré aux success-stories, on se dit que l’adolescence est un mauvais moment à passer et que beaucoup ont dû dire à leur mère : « Wesh, reum, t’inquiète, j’bosse en soum soum ! » (Je travaille en douce avec mes potes)… Love it ! 11
SOMMAIRE
Jacques Chirac, alors premier ministre, à bord du Concorde, 1987
SUCCESSSTORIES P. 86
30
MITTERRAND BUZZE La France vous dit « Bonsoir ! »
34
LA SUISSE BOUGE A ne pas louper cet été
40
EMMA STONE La nouvelle muse de Woody Allen
42
SUR LA ROUTE DES FESTIVALS Ciré, bière et bottes de pluie
48
CLIVE OWEN Classe intemporelle
52
MARC BONNANT Le prince du barreau
58
BULGARI Comme un livre ouvert
62
RENCONTRE AVEC MADS MIKKELSEN Attention, il acère ses crocs !
72 78
COVER STORY
JACQUES CHIRAC, LE PAPY SWAG HORLO Lumière sur les nouveautés
14
the essence of joy
SOMMAIRE
86
SUCCESS-STORIES
DOSSIER SPÉCIAL SUR LES GRANDS NOMS QUI FONT LA SUISSE
112 AUTO Roulez vert, roulez mieux
116 À PLAINDRE OU À RAILLER ? Arthur, Madonna et Jean-Marc Richard sur le gril
122? SHOOTING MODE Summertime blues
136 BEAUTÉ Entre coquillages et crustacés
146 THALASSO Faites-vous du bien !
150 OÙ BULLER CET ÉTÉ ? Un hôtel, une expo
156 VOL DIRECT Hambourg vs Liverpool
158 ORIENT-EXPRESS Sortir du train-train
168 5 MINUTES AVEC Patrick Rambaud
Combinaison Escada, chapeau Maison Michel, collier en métal feuillage doré Giuseppe Zanotti Design, sac Jimmy Choo, bague Diamantissima Gucci, bague « pieuvre » Schade Jewellery
GAGNANTS DU CONCOURS BULGARI Anne Carnal, Vevey Aurélie Danton, Gstaad Bernadette Guyot, Chéserex Carine Loiseau, Crans Montana Carmela Novel, Crans Montana Catherine Leander, Genève Christine Weber, Genève Elodie Commarieu, Gland Françoise Viret, Versoix Maria Miriello, Genève Martine Richard, Rolle Maureen Elisabeth Smith, Carouge Ornella Barmettler, Cologny Paula Möschinger, Founex Véronique Laurent, Versoix
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IMPRESSUM ÉDITEUR TIRAGE André Chevalley Promoco Développement SA Chemin de la Marbrerie 1 CH – 1227 Carouge – T. +41 (0)22 827 71 01
Tirage vendu : 23’510 exemplaires Certification REMP 2014 Période de relevé : 01.07.2013 – 30.06.2014 Abonnés payants : 21’168 exemplaires
DIRECTRICE DE LA RÉDACTION Siphra Moine-Woerlen
COORDINATION GÉNÉRALE TIRAGE IMPRIMÉ Nicole Degaudenzi
24’000 exemplaires
PUBLICITÉ & RELATIONS PUBLIQUES IMPRESSION Olivier Jordan | o.jordan@promoco.ch
Kliemo Printing
RESPONSABLE ARTISTIQUE DIFFUSION Carine Bovey
RÉDACTRICE WEB Andrea Machalova
RÉDACTEURS CONTRIBUTEURS Christine Brumm, Charles Consigny, Gil Egger, Fabrice Eschmann, Anne Fulda (grand reporter au Figaro), Patrick Galan, Michèle Lasseur, Andrea Machalova, Julie Masson, Didier Planche, Marie-France Rigataux-Longerstay, Jérôme Sicard, Gaëlle Sinnassamy, Alexis Trevor Stagiaire : Jeanne Falda
RELECTURE & CORRECTION Adeline Vanoverbeke
CONTRIBUTEURS ARTISTIQUES Photographe couverture : Derek Hudson > Getty Images Directeur artistique mode : Christian Biyiha Illustrateur : Julien de Preux
Le magazine Trajectoire est diff usé en Suisse, principalement auprès de ses abonnés payants, représentant plus de 90% du tirage. Il est également vendu dans tous les kiosques Naville et disponible chez les médecins, avocats, notaires, dans les agences immobilières de Suisse et les hôtels 5 étoiles partenaires à Genève, Crans-Montana, Divonne, Lausanne, Montreux, Gstaad, Verbier et Villars. ©Trajectoire | La reproduction, même partielle, du matériel publié est interdite. Les pages « Event » n’engagent pas la rédaction. La rédaction décline toute responsabilité en cas de perte ou de détérioration des textes ou photos adressés pour appréciation.
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ONT CONTRIBUÉ
À CE NUMÉRO
DIDIER PLANCHE La finance fait partie du quotidien de ce journaliste économique depuis plus de vingt-cinq ans. Ancien directeur de la publication de La Cote des Affaires et du magazine Banque & Finance, il dirige aujourd’hui la revue Valais Valeur Ajoutée. Auteur de plusieurs ouvrages, il vient de publier Valais économique d’hier, d’aujourd’hui et de demain – 200 ans d’histoire économique en Valais. Il était donc « the right man at the right place » pour signer le dossier « Success-stories » de ce numéro estival de Trajectoire.
CHARLES CONSIGNY Belle gueule pour les uns, grande gueule pour les autres, Charles Consigny porte pour Trajectoire un regard critique sur la politique française. Juriste, écrivain et chroniqueur au Point, à iTélé et à RMC, à 25 ans, il en a déjà fait du chemin... et n’est pas près d’arrêter de faire grincer les dents. Il a rejoint notre équipe de contributeurs depuis l’élection de François Hollande et signe rencontres et portraits de ces personnalités qui font le buzz à Paris. Dans ce numéro, il s’intéresse à un de ses maîtres : Marc Bonnant.
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CHRISTIAN BIYIHA Créer de la beauté en un claquement de doigts, c’est la force de ce styliste français, diplômé de la Chambre syndicale de la couture parisienne et ancien directeur artistique du magazine L’Edito. Elégant, original, provocant parfois, c’est tout son style qui se reflète dans le shooting mode « Summertime Blues », réalisé pour Trajectoire. S’inspirant d’artistes comme Steven Meseil et Merz & Marcus, il nous plonge grâce à son œil aiguisé dans un univers surréel et onirique.
GIL EGGER Quand il ne passe pas ses journées derrière le volant d’une rutilante berline, il écrit sur ces belles mécaniques. Passionné de mobilité, de technologie et de voitures, c’est tout naturellement que Gil Egger se tourne vers le journalisme automobile. Rédacteur en chef du GHI avant de reprendre la direction des revues TCS-Genève et Auto, il livre dans nos pages automobiles ses impressions sur les plus belles nouveautés, après les avoir essayées.
OBJETS DE DÉSIR
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AVALANCHE BLANCHE 1. Inspirée par la surface poreuse de la Lune, la beauté de Seltanica réside dans la contradiction entre son apparence lisse et son intérieur tout en sinuosités. Prix sur demande. www.commonwealth.nu 2. La nouvelle collection Pfister est résolument vintage, comme en témoigne ce vase origami, disponible en différents coloris. Vase Powder. Dès CHF 25.– www.pfister.ch 3. Une lampe en forme de raie, oui, il fallait y penser et Monica Förster l’a fait. Circle Lamp est fabriquée par l’entreprise italienne De Padova. CHF 1’700.– www.depadova.it 4. Un coussin à croquer en coton et lin argenté, parfait pour ajouter une touche chic à son intérieur. Imaginé par La cerise sur le gâteau et disponible chez Fleux. CHF 52.– www.fleux.com 5. S’assoir et ne jamais se relever, c’est la sensation que promet ce siège Katrin, dessiné par le designer italien Carlo Colombo pour la société de mobilier design Arflex. CHF 3’050.– www.arflex.it 6. Inscrire le temps dans le marbre pour qu’il arrête de nous filer entre les doigts, c’est ce qu’a essayé de faire le duo Norm Architect. Objectif non atteint, mais l’horloge, elle, est une réussite. Horloge murale Marbre, Menu. CHF 263.– www.silvera-eshop.com 7. Après le succès incontournable de la chaise About a chair, Hay lance la version canapé, smart et rétro. CHF 2’810.– www.daisyandstanley.com
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TO BREAK THE RULES, YOU MUST FIRST MASTER THEM. POUR BRISER LES RÈGLES, IL FAUT D’ABORD LES MAÎTRISER. LA VALLÉE DE JOUX. DEPUIS DES MILLÉNAIRES, UN ENVIRONNEMENT DUR ET SANS CONCESSION; DEPUIS 1875, LE BERCEAU D’AUDEMARS PIGUET, ÉTABLI AU VILLAGE DU BRASSUS. C’EST CETTE NATURE QUI FORGEA LES PREMIERS HORLOGERS ET C’EST SOUS SON EMPRISE QU’ILS INVENTÈRENT NOMBRE DE MÉCANISMES COMPLEXES CAPABLES D’EN DÉCODER LES MYSTÈRES. UN ESPRIT DE PIONNIERS QUI ENCORE AUJOURD’HUI NOUS INSPIRE POUR DÉFIER LES CONVENTIONS DE LA HAUTE HORLOGERIE.
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OBJETS DE DÉSIR
Le Silvan Audio Workshop est un tournedisque qui allie qualité et authenticité, fabriqué en bois brut et sur mesure par un père et son fils, tous deux grands amateurs de musique. A partir de CHF 875.– www.kickstarter.com
Un cerveau qui renferme tout le savoir des livres, vous en rêviez ? Le rêve devient réalité avec ce serre-livres Knowledge, imaginé par le designer égyptien Karim Rashid et produit par Menu. CHF 210.– www.madeindesign.com
POUR RESTER HIGH, SOYEZ TECH Pour ses 10 ans, MB&F lance, en collaboration avec L’Epée 1839, une horloge-robot, Melchior. Une horloge majestueuse, comptant 480 composants et affichant heures sautantes, minutes traînantes, secondes bi-rétrogrades, avec une réserve de marche de 40 heures. Les Transformers n’ont qu’à bien se tenir !
Des boutons de manchettes qui promettent de s’envoyer en l’air... nous, on achète ! CHF 6’000.– www.degrisogono.com
Prix sur demande. www.mbandf.com
Lo-Lo, tel est le nom de cette mini-kitchenette pratique, malléable et extrêmement mignonne. Parfaite pour rendre le coin café au bureau un peu plus attrayant. Imaginée par Tanya Repina et le studio Aotta et produite par lllooch. Prix sur demande. www.lllooch.ru
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Une glacière et une enceinte tout-en-un, c’est le rêve de nombreux fêtards qui se réalise. CHF 930.– www.kubesound.com
INSTANT | ÉTERNITÉ
HORLOGERIE BIJOUTERIE JOAILLERIE Geneva 45, Rue du Rhône & 22, Rue du Mont-Blanc | bucherer.com
WHAT’S UP SWITZERLAND ? Par Andrea Machalova
DES FLEURS DANS UNE BOÎTE À CHAPEAU Soulever le couvercle bleu ciel de la boîte à chapeau Panamy, c’est entrer dans le monde magique des fleurs et de leurs senteurs uniques. Spécialisé dans la livraison de bouquets de fleurs, Panamy est un service en ligne suisse pas comme les autres. Les fleurs les plus belles et les plus fraîches du marché sont liées à la main et soigneusement emballées dans une boîte à chapeau au charme indiscutable. Réservation possible jusqu’à 48 heures à l’avance. PANAMY T. +41 (0)79 723 82 86 – www.panamy.ch BONGÉNIE GENÈVE T. +41 (0)22 818 11 11 – www.bongenie-grieder.ch
{
ÇA A DU KORS Avant la prochaine ouverture en automne à Genève, Michael Kors a inauguré au mois de mars sa nouvelle boutique à Bâle, tout de blanc vêtue. On découvre ainsi sur près de 300 m2 toute la collection casual-chic du créateur américain : des sacs emblématiques au prêt-à-porter en passant par les parfums, les bijoux et les montres. www.michaelkors.com
}
CARASSO Le shop où ça sent bon le café vient de s’équiper d’un espace de dégustation à l’arrière de sa boutique à Rive, l’occasion idéale de tester les grands crus proposés par la maison. Outre le café, on trouve toute une gamme d’accessoires, parmi lesquels des cafetières italiennes ou l’Aéropress. CARASSO Cours de Rive 16 – 1204 Genève
T. +41 (0)22 786 64 80 – www.carasso.ch
SHINE BRIGHT LIKE A DIAMOND Avec près de 550 m2, le troisième point de vente Tiffany en Suisse a ouvert ses portes sur la prestigieuse rue du Rhône à Genève. On retrouve dans la spacieuse boutique, décorée dans un style élégant, les plus beaux diamants du monde, dont ceux qui ornent les bagues de fiançailles qui ont fait la renommée de la marque, ainsi que la toute nouvelle collection de montres, lancée en mai dernier. TIFFANY & CO
Rue du Rhône 21 – 1204 Genève T. +41 (0)22 761 55 50 www.tiffany.com
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COLLECTION 66
TRATTORIA
TOSCANE
© Alex Teuscher
Après une première boutiqueatelier à Lausanne, la créatrice Agnès Boudry a ouvert en mai un nouveau shop Collection 66, mariant rétro et modernisme. Elégance des années 40, couleurs et imprimés flashy des sixties, psychédélisme des seventies… depuis dix ans, les collections de la marque suisse allient le chic et le vintage. Entrer dans la boutique, c’est craquer pour une robe en dentelle ou une jupe à pois.
Des grandes tables en bois, des oliviers en pot, une vieille mappemonde, et c’est parti pour les découvertes culinaires, et plus particulièrement celles qu’offre le climat méditerranéen. Toscane… à lui seul, ce nom évoque des senteurs d’huile d’olive, de vin et de basilic. C’est pour faire connaître les spécialités transalpines que les deux chefs Francesco Gasbarro et Paulo Airaudo ont ouvert en mai une trattoria fine sur les bords du lac Léman. A la carte, on trouve des plats simples mais savoureux, élaborés dans un style contemporain marqué par la recherche de la qualité, comme les cappelletti de pigeon au beurre et au thym, le risotto aux petits pois et calamars ou le tartare de bœuf et sa mayonnaise toscane. Côté dessert, on nous surprend avec la soupe au basilic, sa glace aux fraises et yaourt ou le cacao torréfié au topinambour et mosto cotto. Et dans la cave de la bottega, quelques belles bouteilles de rouge que seul le soleil italien sait offrir. LA BOTTEGA TRATTORIA Grand-Rue 3 – 1204 Genève – T. +41 (0)22 736 10 00 www.labottegatrattoria.com
www.collection66.com
PRÉCIEUX ÉCRIN Après Paris, Hong Kong, Singapour, New York et bientôt Londres, Jaeger-LeCoultre inaugure son nouveau flagship store dans la Cité de Calvin, plus de dix ans après avoir ouvert sa première boutique genevoise. Matériaux nobles, respect du patrimoine et talent artisanal sont autant de valeurs qui se reflètent dans le nouvel écrin, installé au numéro 56 de la rue du Rhône. www.jaeger-lecoultre.com
VICEDOMINI CHOYER SON HOMME EN UN CLIC Ceintures réversibles, boutons de manchette et petite maroquinerie, c’est ce que l’on trouve chez J.Hopenstand, une nouvelle boutique en ligne basée à Lausanne. Remi Defrancesco, son frère designer et leur amie décident de reprendre l’entreprise de maroquinerie familiale créée à Paris en 1925, misant sur la personnalisation des pièces, le sur-mesure et la fabrication locale. Le petit plus : l’option cadeau, qui permet d’envoyer un bon à la personne souhaitée, qui recevra alors un échantillon de cuir et un mètre de couturier dans un magnifique petit écrin. J.HOPENSTAND www.jhopenstand.ch
En avril, la marque italienne a installé son quartier général à Genève, créant ainsi un lieu original, où une boutique, une zone d’exposition et un lounge se mêlent à un espace de travail. Il faut monter au 4ème étage pour découvrir le vaste écrin aux murs poudrés, ainsi que les collections de chaussures et de robes colorées aux coupes vintage. www.vicedomini.ch
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CULTURE Par Andrea Machalova
UN THÉÂTRE CÔTÉ JARDIN
PICASSO A DU C(A)RAN Du 31 mai au 30 août, le musée Kunsthaus Interlaken dévoile les dessins, les découpages, les gravures et les lithographies de Pablo Picasso, élaborées avec les célèbres crayons Caran d’Ache. Un événement exceptionnel puisque la plupart de ces œuvres seront exposées pour la première fois au grand public.
C’est dans cet endroit cosy, au cœur du parc La Grange, que prend place chaque été depuis une trentaine d’années le Théâtre de l’Orangerie. Cette saison, la scène accueillera du 23 juin au 1er octobre huit pièces dont quatre créations. On retrouve des auteurs tels Paravidino (La Maladie de la famille M.), Marivaux (La Seconde Surprise de l’amour), Pinter (Trahisons) ou Williams (Un tramway nommé Désir). Mais ce n’est pas tout, le TO, c’est également des concerts de jazz les vendredis et les soirs de première, une soirée d’ouverture le 23 juin, deux after shows et un bal pour clôturer le tout. Que demander de plus ? Du beau temps, bien évidemment ! THÉÂTRE DE L’ORANGERIE Jusqu’au 1er octobre
Quai Gustave-Ador 66B – 1207 Genève T. +41 (0)22 700 93 63
UN, DEUX, TROIS, CHEESE !
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UNE TOILE À LA BELLE ÉTOILE
Pour la troisième année consécutive, la ville de Vichy consacre son été aux portraits photo. Et pas n’importe lesquels. Ce sont les œuvres de douze artistes qui seront exposées du 12 juin au 6 septembre au Centre culturel Valery-Larbaud, devant l’église Saint-Blaise ainsi que sur l’esplanade du lac de l’A llier. Découvrez les fameux portraits de jumeaux de Martin Schoeller, la « street photography » de Bruce Wrighton, les ouvriers mexicains vus par Alejandro Cartagena, mais également les autoportraits de Kourtney Roy, les œuvres de Mat Jacob, d’Elliott Erwitt ou de l’artiste en résidence cette année, Yusuf Sevinçli.
Sur l’autre rive du Léman, c’est le cinéma open air 100% bonne humeur et 100% gratuit qui étalera ses transats sur le gazon touffu de la Perle du Lac, du 9 juillet au 16 août. Sa 7ème édition nous promet 24 projections sous le ciel étoilé, des courts-métrages suisses, des soirées à thème, des classiques comme Le Père Noël est une ordure, des comédies romantiques pour les amoureux (500 Days Of Summer), La Flûte enchantée pour les adeptes de musique classique, mais également des superproductions américaines comme Matrix, I, Robot ou X-Men.
CENTRE CULTUREL VALERY-LARBAUD Jusqu’au 6 septembre Rue du Maréchal-Foch 15 – 03200 Vichy – France – T. +33 (0)4 70 32 15 33
CINÉ TRANSAT Du 9 juillet au 16 août Rue de Lausanne 126 – 1202 Genève
DE PAYSAGE EN PAYSAGE Quelle est la limite entre réalité et fiction lorsqu’une peinture frise la perfection d’une photographie ? Jusqu’au 30 août, le Kunsthaus de Graz s’intéresse au courant hyperréaliste des années 1960 et au lien que les artistes ont développé avec le paysage américain. Sublimé par le trait du pinceau, celui-ci vient glorifier les EtatsUnis, éternelle terre promise dans l’esprit de nombreux artistes. Parmi les peintres et les photographes exposés : Robert Adams, John Baeder, Lewis Baltz, Robert Cottingham, Rackstraw Downes, Don Eddy ou William Eggleston. KUNSTHAUS GRAZ Jusqu’au 30 août
Lendkai 1 – 8020 Graz – Autriche – T. +43 316 8017 9200
RÉTROSPECTIVE JASPER MORRISON Cappellini, Alessi, Flos, Muji et Vitra ne sont que quelques-uns des éditeurs séduits par son travail. Après trente-cinq ans de carrière à côtoyer les plus grands noms du design contemporain, le designer anglais Jasper Morisson a accepté l’invitation du Centre d’innovation et de design du Grand Hornu pour exposer une partie de son impressionnante œuvre. Des meubles aux ustensiles de cuisine en passant par les appareils électroménagers, cette première grande rétrospective souligne les moments clés de la carrière du designer. Jusqu’au 13 septembre, découvrez son travail au travers des documents d’archives présentés dans une installation spécialement conçue pour l’exposition, fidèle à son principe de simplicité. L’occasion de visiter la ville de Mons, élue Capitale européenne de la culture en 2015. GRAND-HORNU Jusqu’au 13 septembre
Rue Sainte-Louise 82 – 7301 Boussu – Belgique – T. +32 (0)65 61 38 81
ON TAPE DU PIED
LA VIEILLE-VILLE PAS À PAS Après le quartier des Nations, des Tranchées et de Plainpalais, c’est au tour de la Vieille-Ville d’être passée au peigne fin. Le but ? Nous offrir un sentier culturel qui retrace l’histoire de ce quartier genevois, au gré des monuments et des personnalités y ayant vécu. Disponible dès mi-juillet, le parcours reliera six musées, de la cour Saint-Pierre à la Grand-Rue en passant par la place du Bourg-deFour. Savez-vous à quoi la rue de la Pélisserie ou la place du Grand-Mézel doivent leur nom ? Réponse dans le guide…
Pour se déhancher au son de musiques indie, rock et pop, cap cet été sur les Docks de Lausanne. On y (re)découvrira le 20 juin le groupe islandais Of Monsters and Men, qui nous avait fait danser en 2012 avec le fameux Little Talks. Son deuxième album, Beneath the Skin, est dans les bacs depuis le 8 juin et fait déjà un tabac. DOCKS DE LAUSANNE
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SENTIERS CULTURELS sur www.ville-geneve.ch
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PORTRAIT
EMMA STONE Par Alexis Trevor
Que se cache-t-il derrière ce petit visage d’ange au sourire radieux ? Emma Stone, 26 ans dont déjà dix de carrière, 1m68, originaire de l’Arizona, une voix étonnamment rauque, des pattes d’oiseau tatouées sur le poignet gauche, et officiellement la nouvelle muse du grand Woody Allen. Dans le monde du cinéma, rares sont ceux qui réussissent à se hisser aussi rapidement dans les hautes sphères ; Emma en fait partie. Mais qu’a-t-elle de plus que la pléthore de stars montantes à la Mila Kunis ou Shailene Woodley ? Outre son talent, la petite Emily Jean Stone, de son vrai nom, doit sa réussite à sa détermination de fer. Réalisant à l’âge de 15 ans qu’elle veut faire de sa passion pour le théâtre son métier, elle convainc ses parents au moyen d’un Powerpoint intitulé « Projet Hollywood » de déménager à Los Angeles, où elle enchaîne des castings tout en suivant des cours par correspondance. Les efforts finissent par payer. La jeune Emma fait ses débuts dans des séries TV à succès (Medium, Malcolm, Lucky Louie) puis, à coups de seconds rôles dans des comédies romantiques telles que Hanté par ses ex ou Crazy Stupid Love (où elle fait tourner la tête au beau Ryan Gosling), elle se fait rapidement un nom, jusqu’à obtenir le rôle de la petite amie de Spider-Man, dans le dernier remake de l’homme-araignée, signé Marc Webb. Un blockbuster, rien de mieux pour s’attirer la lumière des projecteurs et l’intérêt des réalisateurs, qui ne se font pas attendre. Après son premier Woody Allen (Magic in the Moonlight), elle enchaîne avec Alejandro González Iñárritu et son oscarisé Birdman. Tatouée de la tête aux pieds, elle y prend des airs de junkie squelettique sortant de cure de désintoxication et sa tirade enflammée de plus d’une minute lui vaut même une nomination aux Oscars. Cet été, elle sera à l’affiche de deux films, Welcome Back de Cameron Crowe et Un Homme irrationnel, son deuxième Woody Allen, à qui elle aurait appris, pendant le tournage, à envoyer des SMS. Seule ombre au tableau, sa récente séparation avec Andrew Garfield, qu’elle avait rencontré sur le tournage de The Amazing Spider-Man. La raison ? Un emploi du temps surchargé. Il semblerait qu’à Hollywood, entre vie amoureuse épanouie et carrière au sommet, il faut faire un choix. Emma a fait le sien, et on ne s’en plaint pas. —
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PORTRAIT
CHRIS HEMSWORTH Par Andrea Machalova | Photo David Slijper
« Beau comme un dieu », le dicton n’a jamais été aussi bien placé que pour parler de Chris Hemsworth. Thor à l’écran, super papa dans la vrai vie et élu l’homme le plus sexy de l’année 2014 : tout semble sourire à l’étalon australien. La crinière blond platine, des yeux bleu océan et des muscles à revendre, il faut se rendre à l’évidence, Chris est un mâle, un vrai. On aimerait toutes en avoir un comme lui à la maison, rien que pour nous blottir contre son torse bombé les nuits d’orage ou savoir ce que ça fait d’avoir un bodyguard à ses côtés. Mais ne nous emballons pas, le beau gosse est pris, et plutôt trois fois qu’une. Trois, c’est le nombre d’enfants qu’il a avec l’actrice espagnole Elsa Pataky, qu’il a épousée en 2010. Ex-fiancée de Michaël Youn et d’Adrien Brody, la belle n’a pas hésité à mettre sa carrière en suspens pour élever la progéniture Hemsworth. Car, fonder une grande famille – à l’image de celle où il a grandi avec ses deux frères Luke et Liam, également acteurs –, c’est le rêve de Chris. « Jouer les gros bras devant des caméras, je sais faire. Mais être un bon papa, c’est un apprentissage de tous les jours », confiait le Musclor au cœur tendre. Après une adolescence heureuse dans le bush australien, à surfer les vagues, boxer sur la plage et briser des cœurs innocents, Chris déménage à Sydney pour suivre les cours d’une école de cinéma, enchaînant des soap operas qui lui confirment sa volonté d’être acteur. Il opère alors un virage à 360°, s’installe à Hollywood, court les castings, prend du muscle et, après plusieurs apparitions dans des films comme Star Trek, Escapade fatale ou La Cabane dans les bois, gagne son ticket pour la gloire en enfilant le costume de Thor. Son marteau, il ne va plus le lâcher, car il poursuit avec Avengers, Thor : Le Monde des ténèbres et, récemment, Avengers : L’Ere d’Ultron. Recycler les scénarios qui marchent, Hollywood sait bien le faire, mais Chris ne s’en plaint pas : « Ce qui est cool dans le fait de jouer un dieu, c’est que tu n’as pas de limites, tout t’est permis. Dans la vraie vie, ce n’est pas tellement le cas. » Cet été, il sera à l’affiche de Vacation, un remake nouvelle génération du culte Bonjour les vacances, où il apparaît en caleçon et extrêmement bien gâté par la nature, avant de chasser Moby Dick dans Au cœur de l’océan cet hiver. —
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LEGENDS ARE FOREVER EL PRIMERO
I Chronomaster 1969
BOUTIQUE GENÈVE 3 5 , R U E D U R H Ô N E • + 41 ( 0 ) 2 2 3 11 1 8 6 5 BOU T IQUE .GENE V E @ ZENI T H-WATCHE S.COM
RENCONTRE
CLIVE, GRAND CRU Votre carrière a commencé sur le petit écran il y a vingt-cinq ans. Vous êtes aujourd’hui de retour à la télévision, qu’est-ce qui a changé depuis vos débuts ? La manière dont les gens regardent la télévision. Au début des années 1990, il n’y avait que quatre chaînes qui diff usaient des séries. Chacune avait son impact et on attendait avec impatience la sortie du nouvel épisode. Aujourd’hui, les gens préfèrent acheter le coffret et regarder la saison en quelques jours.
Clive Owen est comme le vin, il se bonifie avec l’âge. A 50 ans, stature imposante et chevelure poivre et sel, il n’a jamais été aussi convoité. A l’affiche d’une série qui cartonne et ambassadeur de Jaeger-LeCoultre, rencontre avec un homme sur lequel le temps ne semble pas avoir de prise. Interview Alexis Trevor | Photo Lorenzo Agius
Dans The Knick, vous interprétez un chirurgien avant-gardiste et sans scrupules. Comment entrez-vous dans ce personnage ? C’est très excitant et difficile à la fois ! Le docteur Thackery est quelqu’un de brillant, certes, mais il est complètement imprévisible. C’est un réel défi de jouer ce rôle.
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Depuis peu, de nombreuses stars de cinéma se mettent à jouer dans des séries. Pourquoi cet engouement soudain ? Je pense que, ce qui a changé, c’est qu’on a d’excellents scénarii dans l’industrie de la télévision en ce moment. On y a moins les mains liées, on nous laisse davantage prendre des risques, ce qui nous permet de construire l’histoire et d’étoffer la personnalité de son personnage au fil des épisodes. Qu’est-ce qui vous décide à accepter un projet ? Le plus important pour moi est la qualité du scénario et le nom du réalisateur. Récemment, vous avez joué dans Last Knights, où vous donnez la réplique à Morgan Freeman. Comment est-il ? Morgan Freeman est un excellent comédien et un homme génial. Il fait partie de ces acteurs qui, quel que soit le rôle, sont toujours crédibles. Quelqu’un de vraiment exceptionnel.
Avec tous ces projets, réussissez-vous à passer du temps avec votre famille ? Ma famille me rejoint sur le tournage lorsque c’est possible. C’est difficile d’être loin, mais j’essaie de faire de mon mieux pour passer autant de temps à leur côté que loin d’eux. Quel genre de père êtes-vous ? Lorsque je ne travaille pas, je passe le plus de temps possible avec mes enfants. C’est extrêmement important à mes yeux. Avez-vous peur de vieillir ? Non, je n’ai pas peur de vieillir. Etre acteur permet de jouer des rôles à tout âge. C’est ce qui rend notre métier exceptionnel.
Je pense que, ce qui a changé, c’est qu’on a d’excellents scénarii dans l’industrie de la télévision en ce moment. On y a moins les mains liées, on nous laisse davantage prendre des risques. C’est très excitant de construire l’histoire et d’étoffer la personnalité de son personnage au fil des épisodes.
Cet automne, vous jouerez à Broadway dans une pièce de Harold Pinter. Etes-vous plutôt excité ou angoissé ? Je suis à la fois excité et nerveux, car cela fait longtemps que je ne suis pas monté sur les planches. J’ai toujours aimé le théâtre – j’ai d’ailleurs étudié à l’Académie royale des arts dramatiques de Londres –, mais je n’ai pas joué dans une pièce depuis si longtemps ! J’y pensais depuis un moment lorsque la proposition est tombée... C’est un texte excellent, avec de super rôles.
Un fi lm dans lequel vous aimeriez jouer ? Je suis très content des films que j’ai faits. Etre un acteur, c’est ne jamais savoir ce que le monde va vous offrir. J’aime me laisser surprendre, c’est incroyable !
Le temps est précieux, est-ce pour garder un œil dessus que vous êtes devenu ambassadeur de JaegerLeCoultre ? J’ai toujours aimé Jaeger-LeCoultre. Je portais leurs créations bien avant de collaborer avec la marque. J’admire le savoir-faire des horlogers et la qualité des montres qu’ils produisent. Votre garde-temps préféré ? En ce moment, ma montre préférée est la Master Grande Tradition à Tourbillon en platinum. —
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RENCONTRE
SA MAJESTÉ BONNANT L’
homme est Genevois ; il opère depuis le cœur de l’Europe, ce cœur opaque, fort de son secret bancaire, de sa non-appartenance à l’Union européenne et de sa légendaire neutralité politique. Du monde entier confluent ici des masses d’argent et de pouvoir ; Marc Bonnant y est incontournable, ce qui fait de lui l’un des avocats les plus riches de Suisse. Il a le teint rose des bien-portants. Des cheveux d’argent couvrent sa tête jusqu’aux épaules. Blazer bleu marine où un point rouge rappelle son grade d’officier de la Légion d’honneur, pochette, chemise blanche impeccable, mocassins parfois à pampilles, son œil scintille et
Marc Bonnant est une sorte de prince
qui laisse mille parfums mystérieux dans son sillage. Aux bruits qui entourent cet
avocat, à ce que l’on raconte de lui, aux noms et aux chiffres qu’évoquent la presse et les informés, on devine, ou fantasme, combien d’intrigues ont dû se nouer dans le luxe calfeutré de son bureau, combien de coupables ont pu venir y sauver leur peau et combien de ducs leur honneur. Par Charles Consigny
son sourire est fréquent ; tout, chez lui, n’est qu’exquise courtoisie. Ne faut-il pas trois générations pour faire un gentleman ? Chez Bonnant, le temps se compte
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en siècles, l’aller-retour avec l’Antiquité est constant et la séparation entre morts et vivants n’est pas nette. A coups de citations, de références, d’histoires mythiques, il fait vivre ce que Chesterton appelait « la démocratie des morts ». Une voix basse, profonde comme un violoncelle, monte de ses entrailles et diff use, comme une fumée enveloppante, sa pensée, ses avis et ses réflexions, ses arguments et ses récits. Il y a chez cet « avocat vieillissant » – il se qualifie comme tel – un apparent mélange dont on ne sait ce qu’il cache. Marc Bonnant paraît à la fois gentil et redoutable, puissant et fragile, près de se briser comme du cristal. On se demande ce qui l’emporte chez lui de la rouerie ou de l’intelligence, du vice ou de la vertu, du mensonge ou de la vérité. Cet homme qui semble parler en vers est aussi un squale des grands fonds. Il avance masqué, comme on savait le faire dans les palais de ces époques révolues qu’il habite encore, grâce aux livres. Maître Bonnant ne goûte plus tellement la défense pénale, car il est devenu « rétif aux explications socio-économiques ». En homme de droite, il estime que l’on est responsable de ses actes et que les bavardages d’avocats sur l’enfance malheureuse de leurs clients sont hypocrites. L’idée selon laquelle nous ne sommes pour rien dans ce que nous devenons revient selon lui à la fois à mépriser l’homme et à lui ôter toute espérance. Et puis « on tue peu à Genève, hélas ». Alors, désertant le réel, il invente d’autres procès, au théâtre. En quelques années, il a
improvisé ceux de Jésus, de Socrate ou de Baudelaire. Le 16 avril dernier au Grand Théâtre de Genève, il a d’ailleurs joué celui de Médée, avec le comédien Alain Carré et Bernard-Henri Lévy, dont il est proche. Il y a chez Bonnant un élitisme qui me déplairait fortement si j’étais journaliste aux Inrocks. Il y a un esprit de classe. L’homme se sent aristocrate et ne s’en cache pas, comme par exemple lorsqu’il explique que, constatant que BHL et lui peuvent discuter malgré leurs opinions divergentes, il est heureux d’en conclure l’existence d’un « horizon où les intelligences peuvent se rencontrer ». Sur le plateau de Canal+, où il se rendra après notre entretien, à un chroniqueur émettant la supposition que l’une des filles du maître, parce qu’elle est de gauche, « prend peut-être le métro », il répond n’être pas certain qu’elle « pousse l’exploration ethnologique jusquelà ». Une boutade, bien sûr. Le fait d’armes de Bonnant est de penser non seulement contre l’esprit de son temps (en tout cas, contre celui qui régit les idées dominantes en France), mais, au-delà, contre Rousseau, contre les grands acquis de la Révolution. Contre le principe d’égalité, il plaidera, pour Baudelaire, alors que même l’avocat de ce dernier n’avait pas osé, l’existence de deux catégories de lois : une pour les demi-dieux comme le poète et une pour la masse. A cet argument d’un procès rejoué dans la fiction, n’adhère-t-il pas un peu ? On n’en saura rien : en vrai avocat, l’ancien bâtonnier n’a pas de convictions, mais des idées. La conviction, c’est la pensée à l’arrêt, tandis que la pensée est en mouvement. Tout au plus connaît-il des sincérités successives, puisqu’il faut bien, comme il dit, « banalement vivre ». Même quand on est extraordinaire. —
En homme de droite, il estime que l’on est responsable de ses actes et que les bavardages d’avocats sur l’enfance malheureuse de leurs clients sont hypocrites. L’idée selon laquelle nous ne sommes pour rien dans ce que nous devenons revient selon lui à la fois à mépriser l’homme et à lui ôter toute espérance.
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RENCONTRE HISTORIQUE
BULGARI SE LIVRE 58
© Gaio Bacci
Par Siphra Moine-Woerlen
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aconter 130 années d’une histoire fastueuse dans un seul ouvrage, c’est le défi titanesque que s’est lancé le spécialiste joaillier et écrivain français Vincent Meylan. A partir d’entretiens avec Paolo et Nicola Bulgari, respectivement président et vice-président de la maison, l’auteur raconte dans Rome, passion de la joaillerie la saga d’une famille visionnaire, livrant ses anecdotes et ses secrets, le tout ponctué de splendides images inédites.
« Tout peut être une source d’inspiration, il n’y a pas de règle en matière de créativité. Jamais ! » (Paolo) C’est autour de Jean-Christophe Babin, CEO de Bulgari, et des deux frères Paolo et Nicola Bulgari que se sont réunis en mars dernier une poignée de journalistes venus du monde entier, afin de célébrer la sortie du livre Rome, passion de la joaillerie de Vincent Meylan. L’occasion également de découvrir la « Domus », la nouvelle galerie qui accueille la collection Heritage du joaillier italien, située sur la Via Condotti à Rome. Elizabeth Taylor, Sophia Loren, Anna Magnani, Ingrid Bergman, Anita Eckberg, Gina Lollobrigida, elles ont été nombreuses à pousser la porte de cette maison historique et à contribuer à la faire rayonner dans le monde entier.
Nicola Bulgari, juillet 2008
IL ÉTAIT UNE FOIS Tout commence en 1884, lorsque Sotirios Bulgari, descendant d’une famille grecque fuyant l’Epire, se réfugie en Italie et ouvre à Rome une boutique d’orfèvrerie et d’antiquité. Le savoir se transmettant de père en fils, c’est finalement Georgio, le père de Paolo et Nicola, qui crée ce que l’on définit aujourd’hui comme le « style Bulgari ». S’inspirant des créations réalisées par les écoles parisienne et américaine, il voit la beauté dans les volumes et les combinaisons de couleurs, ce qu’il reproduit dans ses crétions. Mais c’est finalement à l’époque du film La Dolce Vita, lorsque Rome devient le théâtre favori de nombreuses productions hollywoodiennes – et la Via Condotti la passeggiata favorite des stars – que la boutique Bulgari entre à jamais dans l’histoire, et dans celle du cinéma. « Un des plus grands avantages dans le fait de tourner à Rome est la jolie boutique Bulgari. Je rends régulièrement visite à Paolo Bulgari et nous échangeons des histoires », avait confié à l’époque Elizabeth Taylor, qui avait l’habitude de porter les joyaux de la maison dans ses films, comme dans
Paolo et Nicola Bulgari, 1986
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RENCONTRE CINÉMA
MAD MADS
Attention, n’allez pas le froisser, il risquerait d’avoir une dent contre vous et cela pourrait se finir autour d’un festin dont vous seriez le mets principal. C’est en tout cas ainsi que procèderait Hannibal, le plus
célèbre des cannibales, que Mads Mikkelsen incarne en ce moment dans la série du même nom. Par Marliese Hubert | Photos Richard Heiko
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RENCONTRE CINÉMA
P
ommettes saillantes, regard glacial, du haut de son 1m83, l’homme intimide. En tout cas jusqu’à ce qu’un sourire fende ses minces lèvres et qu’une poignée de main chaleureuse accompagne un jovial « Hello ! ». On a beau lui attribuer les rôles les plus terribles de l’histoire du cinéma, Mads Mikkelsen reste un mec cool à la joie de vivre communicative et à l’œil pétillant. Il nous a donné rendez-vous dans les rues de Nørrebro, dans le nord-ouest de Copenhague, où il a passé son enfance. De l’eau a coulé sous les ponts depuis que Mads – prononcez Mas – jouait au ballon et se faisait courser par les gamins de la banlieue. Ici, les nombreux pubs ont cédé la place à des boutiques de créateurs et à des cafés design où le bio est de mise. Aux coins des rues se croisent de jeunes hipsters qui ont pris d’assaut cet ancien quartier ouvrier aux loyers encore relativement bas. Avec une joie presque enfantine, Mads prend plaisir à remonter ces rues, comme on remonte dans ses souvenirs. Il nous montre les aires de jeux où il s’amusait avec son frère aîné Lars, la cour de son ancienne école où il avait l’habitude de sécher les cours. Bagarreur, il se croyait toujours plus fort qu’il ne l’était en réalité, ce qui lui a valu nombre de bleus et jeans troués, se souvient-il. « Enfant, je voulais être comme Bruce Lee ; je voulais marcher comme lui, me battre comme lui et, après, je suis devenu danseur. Je ne sais pas ce qui s’est passé ! » s’étonne-t-il en plaisantant, alors qu’il allume une énième cigarette. « J’ai commencé à fumer très jeune, pour faire comme mon frère. J’ai toujours voulu lui ressembler, c’est peut-être pour ça que je suis devenu acteur comme lui », lâche-t-il pensif. En approchant d’un studio de danse, le Danois évoque sa passion pour le ballet, qu’il découvre sur le tard à 17 ans. Mais, à l’époque, son plus grand souci n’était pas son âge, mais d’éviter d’être la risée de ses amis, plutôt branchés foot. « J’ai dû faire passer le ballet pour un truc super cool. J’ai dit à mes potes qu’il y avait plein de filles en jupe et collants et très peu de garçons. Donc zéro concurrence ! Plusieurs ont commencé à prendre des cours… », se souvient-il en riant. « Sans la danse, je n’aurais jamais commencé le cinéma. »
« J’avais peur de faire de la télé, car ça t’engage à tenir le même rôle pendant plusieurs saisons. Mais la complexité du personnage m’a plu. Hannibal Lecter n’est pas un psychopathe traditionnel : rien dans son enfance n’explique ses actes. Il voit de la beauté là où nous voyons la mort et l’horreur. Il ne pourrait être plus près du Satan. C’est un ange déchu ! »
DE L’OMBRE À LA LUMIÈRE Enfant de banlieue, d'une mère infirmière et d'un père syndicaliste, la comparaison avec Billy Elliot est inévitable. Tout comme le jeune Anglais, Mads s’extrait de la misère par la danse, qu’il pratique professionnellement pendant huit ans. Le cinéma, ni lui ni son frère n’en rêvaient à l’époque. « Mes parents ne m’ont jamais emmené au théâtre, mais on était fascinés par les cassettes de radio-théâtre qu’enregistrait mon père, se souvient Mads. On écoutait du Sherlock Holmes, des histoires d’horreur et des sketches comme ceux des Monty Python. Mais on n’a
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jamais espéré travailler dans ce monde-là. Trop inaccessible.» Il finit pourtant par se lasser de la rigidité et des conventions de la danse. Désirant s’exprimer pleinement, il intègre à 26 ans la Aarhus School of Theater. Alors qu’il est en dernière année, l’assistant d’un certain Nicolas Winding Refn (Bronson et Drive), inconnu à ce moment-là, le repère pour jouer dans Pusher, son premier film. La boule à zéro, Mads Mikkelsen y interprète Tonny, un junkie à l’accent incompréhensible et au débit de parole plus rapide que celui de sa gâchette – nous rappelant quelque part Vincent Cassel dans La Haine. Coup de pouce du destin ou coïncidence incroyable, le film, qui est une réussite, sort alors que Mads obtient son diplôme. Sollicité de toutes parts, l’acteur enchaîne les films danois les plus variés (Bleeder, Open Hearts, Les Bouchers Verts, Adam’s Apples) jusqu’à ce qu’un coup de téléphone vienne chambouler sa vie : à l’autre bout du
fil, Hollywood lui ouvre grand ses portes en lui offrant le rôle du méchant dans le nouveau James Bond, Casino Royale. Mads Mikkelsen devient Le Chiffre, le premier méchant sorti de l’imagination de Ian Fleming, un as des mathématiques et de la torture, comme en témoigne la scène de la chaise sans fond, que les messieurs n’ont certainement pas oubliée. Les critiques sont unanimes: en un film, Daniel Craig et Mads Mikkelsen deviennent des stars planétaires.
LE MÉCHANT IDÉAL Lorsqu’on lui fait remarquer qu’il a l’habitude de jouer des rôles de vilain, Mads s’étonne : « C’est fou ça ! J’en ai joué trois dans ma vie et c’est la seule image que les gens retiennent de moi.» Oui, sauf qu’il le fait tellement bien que, forcément, on s’en souvient. Et les personnages complexes et « un peu tordus
sur les bords », il adore ça. « Quand je joue un méchant, j’essaie de lui trouver un côté attachant qui le rende humain pour que le spectateur puisse s’identifier à lui. C’est cette fêlure, cette contradiction qui feront vivre le personnage », explique-t-il. A 50 ans, Mads en a vu passer des rôles de déséquilibrés : du médecin du roi devenu amant de la reine dans Royal Affair à l’amant bisexuel dans Shake it all about en passant par un mercenaire muet dans Le Guerrier silencieux, un marchand de chevaux en quête de justice dans Michael Kohlhaas ou le compositeur et chef d’orchestre colérique dans Coco Chanel & Igor Stravinsky. Mais c’est son interprétation d’un éducateur injustement accusé de pédophilie dans La Chasse – par le réalisateur du glaçant Festen – qui lui vaut le Prix d’interprétation masculine à Cannes en 2012. Sur la vie personnelle du Danois, on ne sait presque rien. Installé depuis 2012 à Toronto pour les besoins du tournage
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C’était en novembre 1994. Une période sombre pour Jacques Chirac qui, encore maire de Paris, prend conscience – enfin – que son « cher Edouard », son ami de trente ans devenu premier ministre, entend vraiment se lancer dans la course à la présidentielle et semble avoir ses chances. Par Anne Fulda
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e jour-là, dans son immense bureau de l’Hôtel de Ville, dont les fenêtres donnent sur la Seine, le président du RPR reçoit l’un de ses plus anciens fidèles, Bernard Pons, président du groupe RPR à l’A ssemblée nationale. Les deux hommes parlent notamment de cette campagne « qui ne se passe pas bien ». C’est le moins que l’on puisse dire. L’air du temps n’est pas favorable à Jacques Chirac. La droite s’est enamourée d’Edouard Balladur, de son bon sens, de sa pondération, de son humour si british, de son côté si raisonnable, si cultivé, si urbain. Un vent de balladuromania semble même se lever sur le pays. En tout cas chez ce qu’il est coutume d’appeler ses élites. Le patronat a trouvé son candidat, une bonne partie de la presse nationale, écrite et audiovisuelle, et de ses grandes plumes est sous le charme – au point que l’on enverra pour suivre le maire de Paris de jeunes journalistes surnommés « les piouspious » par les chiraquiens. Sans compter tous ces élus qui mangeaient dans la main de Chirac il y a quelques mois encore et qui, les uns après les autres, au vu des sondages, désertent le QG de Chirac pour celui de Balladur, « comme des rats qui quittent le navire », dira Chirac un jour. Parce qu’ils en ont marre de perdre. Parce que, avancent même certains, Chirac porte la poisse. Il est foutu. Mort. « Un tigre blessé ». Parce que, aussi, Balladur a souvent su reconnaître le talent de certains qui ne se sont pas suffisamment sentis reconnus par Chirac, mis « dans une case une fois pour toutes ». Nicolas Sarkozy – oui, l’omniprésent et indispensable Nicolas –, qui a pénétré l’intimité de la famille, fait partie de ceux-là. Avec Balladur, il devient ministre pour la première fois. Et lui en sait gré. Il n’est pas le seul. Concernant Alain Juppé, c’est différent. Même s’il assure que sa loyauté à l’égard du président du RPR n’a jamais flanché en ces jours d’hiver, son soutien à Jacques Chirac est discret dans un premier temps. Et il ne semble pas vraiment croire en ses
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chances de victoire. La meilleure preuve est ce choix qu’il fait de briguer la succession de Jacques Chaban-Delmas à Bordeaux, alors que Chirac lui a promis, s’il arrive à l’Elysée, de le mettre sur orbite pour le remplacer à la mairie de Paris. Et même certains de ses proches amis, comme Jacques Friedmann, le président de l’UAP, qu’il a connu sur les bancs de Sciences Po et qui prend le large, conquis par « le traître majuscule ». Chirac et Pons font la revue des troupes quand, tout à coup, le téléphone sonne. Chirac décroche et, rapidement, son visage se décompose en écoutant son interlocuteur. D’une voix blanche, il explique : « C’était Charles, il voulait me dire que les sondages me mettent à 10%. Il me conseille de retirer ma candidature. Il a peut-être raison. » Charles ? Charles Pasqua bien sûr, « Oncle Charles », devenu le ministre de l’Intérieur d’Edouard Balladur. Chirac accuse le coup. Mais Pons passe à l’offensive : « Pasqua est un salaud. Il veut te démoraliser. Et puis rappelle-toi la phrase d’Edgar Faure : « En politique, ce qu’il y a de déshonorant, ce n’est pas d’être battu, c’est de ne pas se battre. Pense à tous ces députés à l’A ssemblée que je tiens à bout de bras pour qu’ils te soutiennent sans aller voir Balladur… Tu vas lâcher tous ces types ? » Le lendemain, tôt le matin, Chirac appelle son vieux complice, avec qui il récitait par cœur des vers de La Négresse blonde lors de leurs voyages, et lui lance : « On repart, haut les cœurs ! Je t’attends à 9 h. » Des « coups de mou » comme celui-là, Jacques Chirac en a probablement eu d’autres, même si, officiellement, dans la mythologie chiraquienne, et dans cette bataille psychologique que se sont livrés les deux leaders du RPR, lors de ces semaines décisives qui ont précédé le premier tour de la présidentielle de 1995, le Chef n’a jamais douté, n’a jamais envisagé une seconde de ne pas aller jusqu’au bout.
© François Lochon > Getty Images
LE RÈGNE DE JACQUES CHIRAC
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Dans la réalité, d’autres que Bernard Pons ont vu l’ancien premier ministre déprimé recevant le dimanche en sweat-shirt Mickey et chaussons, comme s’en souvient Jean-Louis Debré qui, à l’époque, sillonne la France et les fédérations RPR pour porter la bonne parole chiraquienne. Mais c’est dans ces mêmes heures que Chirac, entouré d’un petit carré de fidèles, a trouvé les ressorts de sa reconquête de l’opinion. Un retournement incroyable. Une aventure romanesque en diable. Pleine de rebondissements et qui permit à Chirac de revêtir de nouveaux habits faisant ironiser les balladuriens : « Le Chirac nouveau, c’est comme le Beaujolais, il y en a un chaque année. » Ainsi, lui l’énarque qui avait vécu toute sa vie dans les palais de la République, dont le meilleur ami est le milliardaire François Pinault et sa femme une Chodron de Courcel, lui le libéral, l’ancien « fana mili » se mua en candidat voulant réduire la fracture sociale, en contempteur de la pensée unique, du politiquement correct et des élites. Un renversement spectaculaire qui désarçonna dans un premier temps ses fidèles, sceptiques. Facho Chirac qui devient « le Chi », en référence à Che Guevara, il y a de quoi en perdre son latin, en effet. Qu’importe ! Cette stratégie, née de la lecture d’une note de la Fondation Saint-Simon rédigée par le sociologue Emmanuel Todd (selon qui, « compte tenu de la rupture des élites avec le peuple sur la question européenne », Chirac devenait, de fait, le candidat de la gauche), porte ses fruits. Pour mener ce combat de la dernière chance, Chirac peut compter sur de maigres troupes. Et avant tout sur sa famille. Le noyau dur. Ce clan Chirac uni comme les doigts de la main qui se reconstitue et se soude d’autant plus que les épreuves sont violentes. Un clan dévoré, possédé par la politique, qui protège avant tout ce qui a longtemps été un secret : la maladie de la fille aînée, Laurence, atteinte d’anorexie mentale. Le clan Chirac, c’est, autour de Jacques Chirac, trois femmes qui ont orienté toute leur vie en fonction de leur mari et père. Qui se sont même sacrifiées pour permettre la carrière de Jacques Chirac. Durant ces mois difficiles, Bernadette Chirac, si souvent caricaturée, est pourtant en première ligne. Discrètement, l’héritière Chodron de Courcel organise des réunions publiques pour convaincre des électeurs désorientés que Jacques Chirac doit être élu. Ce n’est pas la première fois. Son mari l’a envoyée au charbon très tôt, en Corrèze. « C’était librement consenti », a-t-elle pour coutume de dire avec un petit sourire. C’était ça ou s’ennuyer. Ou devenir femme de préfet. Evidemment, à première vue, Bernadette, qui aime les mondanités et les soirées chez les Rothschild, ne cadre pas vraiment avec la campagne
sur la fracture sociale, mais elle se démultiplie pourtant. Elle avale des couleuvres, tient le décompte précis des défections et lâchages de tous ces lieutenants qui préfèrent soutenir Edouard Balladur. Une alliée de tous les instants. Car même si, comme elle le reconnaîtra dans son livre Conversation, « les belles filles, ça tournait autour de Jacques Chirac », jamais Chirac ne supportera qu’on l’attaque, pas plus qu’on ne touche à un cheveu de la tête de ses filles. « Ce n’est pas convenable. » Ainsi, lorsque, durant la campagne présidentielle, un article qu’il soupçonne d’être télécommandé par Nicolas Sarkozy accuse sa femme de malversations dans la vente de terrains près de Paris, il est fou de rage. Et ne le pardonnera jamais au maire de Neuilly. Et puis, à côté de Bernadette, il y a Claude. Claude, la fille cadette qui travaille depuis quelques années au côté de son père, à l’Hôtel de Ville de Paris, et qui avait déclaré à Confidences « je ne serais pas capable de me sacrifier pour un homme comme Maman », prend, lors de ces heures difficiles, une place déterminante. Présente à tout instant, relayant discrètement les recommandations de Jacques Pilhan, le conseiller de François Mitterrand, confortant son père dans la stratégie arrêtée, l’aidant à lâcher prise, enfin, face aux caméras. La seule en qui Jacques Chirac a vraiment confiance. La seule qui peut le rassurer, l’apaiser. Et qui ne le trahira jamais. A côté de la famille, il y a tous les autres. Ceux qui sont restés quelles que soient leurs raisons véritables. Il y a l’attelage baroque composé par Philippe Séguin et Alain Madelin. L’alliance improbable du républicain qui partit en guerre contre le Traité de Maastricht et dénonça à l’A ssemblée nationale le « Munich social » de Balladur et l’ancien d’Occident, libéral assumé. Du contorsionnisme de haut vol. Que Chirac accompagne de promesses à la volée, après avoir assuré à ses proches : « Vous verrez, je vous étonnerai par ma démagogie. » Et puis il y a, à côté de Pons, Debré, Toubon, Romani, et de ceux que l’on surnomme les bébés Chirac – de Baroin à Bédier en passant par Copé, Cornut-Gentille, Muselier ou SaintSernin –, cet énarque bouillonnant qui prend de plus en plus de place dans l’entourage de Jacques Chirac, Dominique de Villepin. A l’époque directeur de cabinet d’A lain Juppé au Quai d’Orsay, ce diplomate exalté qui dit avoir « aimé la France avant de la connaître » explique à ses visiteurs éberlués, et alors que Balladur est au sommet des sondages, que « de toute façon, Chirac sera élu car il connaît la France, l’a labourée dans ses moindres recoins, tandis que Balladur gouverne le pays comme s’il tenait une tasse de thé, le petit doigt en l’air. »
Mais c’est dans ces mêmes heures que Chirac, entouré d’un petit carré de fidèles, a trouvé les ressorts de sa reconquête de l’opinion. Un retournement incroyable. Une aventure romanesque en diable. Pleine de rebondissements et qui permit à Chirac de revêtir de nouveaux habits faisant ironiser les balladuriens.
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C’est cet homme-là, couturé de toutes parts, qui a connu deux défaites à la présidentielle, des revers politiques, mais aussi des drames personnels – notamment la maladie de sa fille aînée Laurence, dont il se refusera toujours à parler – qui arrive au pouvoir il y a vingt ans. Pour y parvenir, Chirac a serré des milliers de mains, parcouru des milliers de kilomètres, embrassé des joues fraîches et flétries, écouté les doléances d’obscurs secrétaires de circonscription du RPR, avalé des dossiers et parapheurs par dizaines, prononcé des discours en rafales et répété mille fois sa devise : « Là où il y a une volonté, il y a un chemin. » Il a été tout et son contraire. Le petit-fils d’instituteurs qui a vendu L’Humanité, signé l’appel de Stockholm et prôné le travaillisme à la française a aussi prononcé l’appel de Cochin, a été libéral tendance Reagan, « fana mili » et bonapartiste. Il a trahi, beaucoup : Chaban, Giscard, entre autres victimes. Mais a été trahi aussi. Tout ça pour ça. Pour cet instant unique, ce moment de joie pure, le 7 mai 1995. Ce jour-là, une vingtaine de minutes avant 20 h, son directeur de campagne, Patrick Stefanini, lui annonce la nouvelle : « Je crois que, cette fois, c’est bon. » Chirac devient le cinquième président de la Ve République à 62 ans. Un sacré retournement du destin. L’aboutissement d’une incroyable campagne qui a rassemblé tous les ingrédients de la tragédie. Trahisons et petits meurtres entre amis. Humiliations et revanche. Intrigues et coups de poignard. Une route escarpée à des années-lumière de ce que l’ancien président du RPR avait imaginé. C’est donc un ressuscité qui accède au pouvoir en ce jour de mai 1995. Un homme politique qui avait été donné comme mort. K.-O. debout. Vingt ans après, le vieux chef qui s’est fait réélire en 2002 face à Jean-Marie Le Pen est fatigué et malade. Comme en 1995, seuls les fidèles continuent de lui rendre visite, mais de moins en moins nombreux. Certains, comme Philippe Séguin, le sénateur Maurice Ulrich ou le député Henri Cuq, sont morts. Jean-Louis Debré est devenu président du Conseil constitutionnel. Alain Madelin, le libéral populaire, et Dominique de Villepin se sont retirés de la vie politique. Alain Juppé, le fils préféré, devrait enfin, à presque 70 ans, se lancer dans la bataille présidentielle, tandis que Nicolas Sarkozy, le fils rebelle, entend aussi se représenter. Vingt ans après, les images de 7 mai 1995 du nouveau président roulant fenêtre ouverte et nez au vent dans sa CX Prestige, escorté par un escadron de reporters télé à moto, sont entrées dans l’histoire. Et, ultime pirouette du destin, Chirac le malaimé, Chirac qui a mis en œuvre la première dissolution ratée de la Ve République, en 1997, est devenu la personnalité politique la plus aimée des Français. —
© DR
Balladur a forcé Chirac à sortir de lui-même, du cercle du politiquement correct. Pour se différencier coûte que coûte. Et, à l’arrivée, le réac est devenu l’idole des jeunes, le clientéliste s’est transformé en candidat proche des « vrais gens » et le politique inculte s’est mué en tiers-mondiste éclairé, fasciné par la culture orientale et les arts premiers, soutenu même par le neveu de François Mitterrand, Frédéric Mitterrand, et une partie de la proche Mitterrandie.
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SÉLECTION HORLO
MISE EN LUMIÈRE D Par Fabrice Eschmann
L’équilibre parfait des classiques, l’innovation des compliquées, le design fort des emblématiques, des fonctions inédites spécialement développées pour les femmes ou encore l’arrivée des montres connectées :
les horlogers suisses se surpassent pour offrir le meilleur. 78
ans le milieu de la haute horlogerie, on dit souvent qu’il est plus difficile de réaliser une montre classique, élégante et sans fioritures que de créer une pièce extravagante et jamais vue. Dans cette catégorie, chaque détail compte, chaque choix requiert une intense réflexion. Offrir une alchimie esthétique tout en innovant à chaque instant et en respectant la tradition et les valeurs propres à chaque marque, le défi n’est pas des moindres. Cet été marque l’arrivée dans le paysage helvétique des montres connectées, prouvant encore une fois l’incroyable réactivité des horlogers face aux géants comme Apple ou Samsung. Le temps file, mais le mot d’ordre reste l’innovation. Car, en matière d’heure, même si la ponctualité suisse exige que l’on soit ponctuel, nos horlogers, eux, préfèrent être en avance sur leur temps.
CHOPARD
L.U.C XPS Fairmined L’or de ce nouveau modèle – le deuxième de la maison estampillé « Fairmined » – est extrait de manière responsable par des mineurs dignement rétribués. Le calibre automatique de manufacture L.U.C 96.12-L, certifié Chronomètre, propose les fonctions heures, minutes et petite seconde. Edition limitée à 250 exemplaires. CHF 16’800.–
PATEK PHILIPPE
Chronographe à Quantième Annuel référence 5905P Parmi les complications les plus appréciées chez Patek Philippe, figurent le quantième annuel (qui ne doit être réglé qu’une fois l’an) et le chronographe. Cette nouvelle version en platine de la référence 5905 réunit les deux. Boîtier de 42 mm de diamètre. CHF 69’000.–
JAQUET DROZ
Grande Seconde Morte La seconde morte est un mécanisme qui permet à la trotteuse de se déplacer non pas de manière linéaire, mais par sauts d’une seconde. Véritable complication, elle est ici mise en scène par une grande aiguille centrale. Boîtier en or rouge de 43 mm de diamètre. Edition limitée à 88 exemplaires. CHF 31’350.–
LES CLASSIQUES 79
SUCCESS-STORIES
SUCCESS STORIES... S’ il fallait les classer dans une case, celle-ci porterait le nom « hors pairs ». Sans s’abâtardir dans l’angélisme, la complaisance ou la forfanterie, ces personnalités
nous inspirent et nous donnent envie de nous surpasser au quotidien.
Projet « Oncle Sam » de Laurent Beirnaert, Pierre Bouvier, Paul Tubiana > ECAL Photo Nicolas Genta
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Pas obligatoirement du fait de leurs particularités caractérologiques, dont on sait finalement peu de chose, mais de par leur parcours de vie hors du commun. Dossier, portraits et interviews menés par Didier Planche
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ntrepreneurs, hommes et femmes d’affaires, médecins, banquiers, avocats, scientifiques, chefs d’entreprise, mécènes ou ingénieurs, ils ont tous accordé un peu de leur précieux temps à Trajectoire pour parler de leur parcours professionnel, qui rime souvent avec passion. Ils partagent dans ces pages qui leur sont consacrées leurs sentiments, leurs questionnements, leurs états d’âme, sans oublier d’évoquer et de reconnaître leurs déceptions, regrets ou erreurs, indispensables pour continuer à avancer. Sans compter les heures ni les sommes investies, mettant souvent leur vie privée entre parenthèses, ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour concrétiser un idéal et réaliser un rêve. Des parcours de
« L’inspiration vient en travaillant. »
De Dominique Glocheux
vie impressionnants, jalonnés de réussites et couronnés de succès, que ces personnes rechignent souvent à reconnaître, par trop d’humilité ou parce qu’elles se rappellent peut-être que rien n’est jamais acquis et que seule l’impermanence prévaut. Car il semblerait bien qu’à côtoyer les sommets, la quête de perfectionnement et d’excellence est sans fin. Nous vous invitons à découvrir leurs propos; qu’ils vous inspirent et vous invitent à méditer tout autant que ce fut le cas pour nous. —
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SUCCESS-STORIES
ANTOINE HUBERT
Année et lieu de naissance : 1966, à Sion Profession : Entrepreneur Activité actuelle : Administrateur délégué d’AEVIS Holding
C’est une belle opportunité qui a donné naissance à AEVIS Holding et son groupe de cliniques privées Genolier Swiss Medical Network (GSMN). En effet, alors qu’en 2002 Antoine Hubert rachetait aux banques des objets immobiliers en difficulté financière, Credit Suisse lui a proposé de reprendre la clinique privée Genolier, qui vivait des temps difficiles depuis l’introduction de la LAMal. « Je me suis très vite passionné pour cette nouvelle activité, puis ai progressivement abandonné l’immobilier », se souvient Antoine Hubert. Comme l’ambition cohabitait avec la détermination et un certain goût du risque,
blée réussi à gagner la confiance de ses collaborateurs médecins, en consentant d’importants investissements dans leur outil de travail (plus de 40 millions de francs en 2014), afin d’exaucer leurs vœux de le rendre plus performant et innovant, mais également dans la logistique, l’infrastructure et les équipes. « Il s’agissait bien de nouer un dialogue constructif, favorisant la complémentarité des points de vue, et de bâtir des projets communs ou, en d’autres termes, de tirer à la même corde », raconte-t-il. Le dynamique dirigeant a ensuite élaboré une nouvelle stratégie entrepreneuriale, axée sur la diversification, en particulier l’hôtellerie de luxe. C’est ainsi qu’une participation majoritaire dans Victoria-Jungfrau Collection, une chaîne hôtelière exploitant quatre palaces en Suisse, est venue enrichir le patrimoine d’A EVIS Holding. Aujourd’hui, son administrateur délégué, qui vient de reprendre la direction opérationnelle de la Clinique de Genolier pour consolider son assise et « resserrer quelques boulons », précise-t-il, peut
« La réussite n’est jamais acquise. Et encore moins pour une entreprise qui nécessite un suivi quotidien, beaucoup de travail, des sacrifices personnels et des projets pour assurer son essor. » l’entrepreneur d’origine valaisanne s’est fixé comme objectif de fonder un groupe de cliniques privées en Suisse. Ayant introduit en bourse sa société AEVIS Holding, il s’est alors lancé dans l’acquisition de cliniques et autres structures médicales privées, afin d’alimenter la croissance organique et externe de la filiale GSMN. Le succès s’est rapidement confirmé. Il était d’autant plus au rendez-vous qu’A ntoine Hubert a d’em-
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contempler son œuvre. Toujours cotée à la SIX Swiss Exchange, AEVIS Holding, qui regroupe des investissements dans les services à la personne, le healthcare, les sciences de la vie, l’hôtellerie et le lifestyle, a vu le total de son bilan s’inscrire à 1,3 milliard de francs en 2014, avec des fonds propres en sensible progression (319,2 millions), et son chiffre d’affaires augmenter de 19,2%, à 542,4 millions de francs. Pour sa part, GSMN, qui
contrôle 14 cliniques et emploie quelque 2’700 collaborateurs, a atteint un chiffre d’affaires en hausse de 6,3%, à 461,2 millions de francs. Malgré ces résultats probants, Antoine Hubert caresse d’autres projets d’acquisition de cliniques en Suisse, toujours dans le but d’accroître le périmètre du groupe GSMN et de renforcer ainsi les synergies entre les établissements. Des partenariats entre les secteurs public et privé figurent également à l’ordre du jour, à l’instar de celui mis en place en automne dernier entre Genolier Neuchâtel SA, sa filiale neuchâteloise, et l’Hôpital du Jura bernois à Saint-Imier. Le développement progressif de nouvelles branches d’activité dans le domaine des centres de chirurgie ambulatoire, de radiologie ou de médecine dentaire, ainsi que dans l’hôtellerie ou la parahôtellerie en passant par les résidences médicalisées et les sciences de la vie, titille aussi son esprit, même s’il a conscience que l’heure est plutôt à la consolidation des affaires d’A EVIS Holding. Le parcours professionnel d’A ntoine Hubert, plutôt exceptionnel, constitue une réussite aux yeux du grand public. Et pourtant. « La réussite n’est jamais acquise. Et encore moins pour une entreprise qui nécessite un suivi quotidien, beaucoup de travail, des sacrifices personnels et des projets pour assurer son essor. La remise en question demeure essentielle, tout comme la vision des perspectives d’avenir », insiste-t-il. La réussite, pour cet entrepreneur, se mesure à la pérennité de ce que l’on construit patiemment. Elle désigne encore l’épanouissement dans son activité professionnelle, sans oublier de tirer des leçons du passé, surtout des erreurs commises. « La réussite, c’est encore se montrer humble face à la vie », confie Antoine Hubert. —
L’ INTERVIEW HENRI PLOMB
Date et lieu de naissance : 1935, à Milan Profession : Banquier Activité actuelle : Président de Bondpartners SA Henri Plomb a consacré toute sa vie à la banque et à la finance, quelque soixante-six ans à ce jour ! Cette personnalité vaudoise, un monument à lui tout seul, est l’une des figures les plus emblématiques de la place financière romande. Un banquier comme on n’en fait plus, pragmatique, créatif, visionnaire et profondément bienveillant à l’égard de ses collaborateurs, tel un père. Son parcours sans faute, exceptionnel, a valeur d’exemple pour les jeunes voulant épouser cette profession. Après un apprentissage d’employé de banque chez MM. Hofstetter & Cie Banquiers à Lausanne, Henri Plomb est engagé à la Banque Georg Hauck und Sohn à Francfort, où il devient rapidement l’un des responsables du service de la bourse. Quelques années plus tard, il fonde la société financière Interbourse à Lausanne, ce qui fait de lui l’un des plus jeunes dirigeants du secteur en Suisse. S’ensuit alors toute une série d’exploits pour l’époque, comme l’ouverture d’une représentation d’Interbourse au Liban, puis celle d’une filiale de la banque helvétique Troillet au Luxembourg, ou encore le rachat d’Inkasso und Kreditbank à Lucerne, qu’il transforme en Banque de Titres (Genève). Après l’avoir cédée à des investisseurs avec une magnifique plusvalue à la clé, Henri Plomb s’accorde un congé sabbatique. Mais comme l’inaction ne lui convient pas du tout, il crée en août 1972 Bondpartners à Lausanne, qui s’affirme très vite dans le commerce interprofessionnel d’obligations et d’actions. La société financière, qui a pris ses quartiers dans la majestueuse villa de la reine d’Espagne, gagne alors ses titres de noblesse en étant considérée comme le petit Merrill Lynch de Suisse. Bondpartners, qui fonctionne également comme plateforme d’exécution pour les gérants indépendants, devient ensuite leader dans la tenue d’un marché sur titres de PME non cotées en bourse. Lancé en 1995, HelveticA résulte encore du génie d’Henri Plomb, qui ne s’attribue pourtant aucun mérite. Une belle leçon d’humilité.
La banque et la finance auront été sa passion, presque un sacerdoce, puisqu’il a consenti à de nombreux sacrifices pour pérenniser Bondpartners. Et même s’il se retire à la fin de juin de la présidence de son conseil d’administration pour céder sa place à son fils Christian, administrateur délégué, il continuera imperturbablement à se rendre chaque matin à son bureau. Car son métier le nourrit intellectuellement et l’amuse chaque jour davantage.
Peut-on dire de votre parcours professionnel qu’il est une réussite, disons incontestable ? Je n’ai pas la prétention de dire qu’il s’agit d’une réussite incontestable, tout au plus d’un parcours diversifié et riche en expériences. Cependant, la réussite, est, selon moi, proportionnelle à la chance qui croise votre chemin. Or il est vrai que cette dernière ne m’a jamais quitté sur le plan professionnel. Ainsi, je garde toujours en mémoire un triste épisode, qui m’a néanmoins porté chance : responsable à 23 ans du Département titres de la banque genevoise Intra, je découvre que le directeur financier, mon supérieur hiérarchique, puise dans la caisse. Je le mets en garde en espérant qu’il cesse ses malversations, mais il persévère comme si de rien n’était. Naturellement, le pot aux roses est découvert et mon supérieur est renvoyé séance tenante. Etant le seul sur la poignée d’employés de l’établissement à maîtriser le fonctionnement de la bourse et à connaître les titres cotés, je suis donc nommé à sa fonction. Puis, comme tous mes placements sont couronnés de succès, je poursuis mon ascension dans la hiérarchie.
Quel est votre souvenir professionnel le plus marquant ? Mon plus beau souvenir remonte à mon premier patron, le banquier Hermann Hofstetter, qui avait créé sa propre banque. C’était un professionnel hors pair, un orfèvre de la finance, qui m’a initié au métier de banquier alors que j’étais un simple apprenti, et m’a appris toutes ses ficelles. Il a véritablement été mon maître à penser en matière bancaire.
Que manque-t-il à votre parcours pour que vous le considériez comme abouti ? Le fait de n’être jamais monté sur les planches pour faire du théâtre, alors que de nombreux proches ont été ou sont des artistes. Je regrette aussi de mal maîtriser l’anglais, faute d’avoir sérieusement appris cette langue qui s’avère être primordiale dans la finance.
Quels ingrédients, ou vertus spécifiques, entrent dans la composition de la réussite ? Travailler, écouter, analyser, se montrer audacieux et avoir de la volonté. —
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SUR LE GRIL
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MAMIE RÉSILLE, RHABILLE-TOI ! Par Gaëlle Sinnassamy
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C’est à un savant dosage de tubes interplanétaires impeccablement ficelés et de provocations bien orchestrées que la Material Girl doit son succès. Mais, en 2015, les excentricités de sont-elles toujours au goût du jour ? Le débat fait rage.
a queen de la pop a sorti ce printemps Rebel Heart, son treizième album, trois ans après MDNA. Un rythme de métronome qu’elle respecte scrupuleusement et qui lui permet de squatter le devant de la scène depuis maintenant plus de trois décennies. Plutôt positives, les critiques saluent un opus qui ne dépare pas la discographie de la Ciccone. Il faut dire que la diva des dancefloors a su s’entourer, faisant appel aux lumières de Diplo, Avicii, Nicki Minaj, Kanye West ou Chance the Rapper, VIP guests dans l’air du temps. De toute évidence, à 56 ans bien sonnés, Grand-Mère sait toujours faire de la bonne musique. La question qui nous taraude : si elle maîtrise le beat, pourquoi la blonde platine s’ingénie-t-elle encore à défrayer la chronique à tout prix ? En dépit des années, l’interprète de Like a Virgin défend son trône bec et ongles et se refuse à passer le relais. La provoc, c’est son fonds de commerce attitré, et il est impensable de laisser le champ libre à la première venue. N’est d’ailleurs pas Madonna qui veut : en regard du baiser saphique langoureux qu’elle a échangé en 2003 avec Britney Spears et Christina Aguilera lors de la cérémonie des MTV Awards, le smack de Noémie Lenoir et Shy’m sur Twitter fait doucement rire, voire carrément pleurer. Quant aux Miley Cyrus, Lady Gaga ou Rihanna, elles ont beau donner de leur personne à coups de photos sulfureuses, de twerks plus que suggestifs, d’accoutrements à la lisière du grotesque, de promotion de substances pas totalement licites et autres dérapages adolescents, la recette sous le prisme de ces pâles copies paraît éculée. Difficile en effet de régater avec la reine mère, pour qui toute sortie d’album digne de ce nom s’entend avec son lot d’esclandres, et ce, depuis son premier disque en 1983.
Madonna
Iconographie chrétienne revisitée à la sauce YouPorn – un blasphème choquant à souhait pour l’Amérique puritaine des eighties –, biopic exhibo, lancer de petite culotte dans la foule, poses érotiques, voire simulation de coït sur scène, elle a émaillé sa carrière de faits d’armes qui lui ont garanti le buzz avant Internet et les réseaux sociaux. En avance sur la tendance, la Madone ? Indéniablement. Sauf qu’en 2015, les prouesses cathodiques de la superstar sont entachées de déjà-vu. Invitation à boire un verre adressée à Marine Le Pen en direct du Grand Journal, masturbation face caméra, strip-tease public, tenues aux relents BDSM, l’experte des scandales est à court d’imagination. Et on ne mentionne pas son Instagram, où elle se plaît à publier un best of de ses selfies : Madonna déguisée en Khaleesi, Madonna exhibant ses aisselles velues, Madonna sous une burqa, Madonna aff ublée d’un élégant chapelet anal ou, must des musts, Madonna dialoguant avec une chaussette noire. Mémé serait-elle en passe de devenir gâteuse ? La station Radio 1 de la BBC, destinée aux 15-29 ans, a tranché et a carrément éradiqué la chanteuse de sa playlist, l’artiste étant désormais considérée comme « à côté de la plaque et vieille ». Il semblerait que l’icône de l’ère Reagan ait atteint sa date de péremption… à moins que les débordements de la quinqua ne tiennent de la provocation ultime. Avec son visage sans âge et ses toyboys en mal de notoriété, la cougar à la rebelle attitude est peut-être finalement en train de faire sauter les derniers tabous d’une société que plus rien ne saurait choquer, excepté l’image d’une femme qui, passée la fleur de l’âge, ose jouer de son corps et assume une libido décomplexée. Rendre la géronto sexy, le dernier trait de génie de la hit mamie ? —
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EN VOGUE
SUMMERTIME BLUES Un lieu qui pourrait être partout et nulle part à la fois, où la seule limite est celle de votre imagination. Libérées des conventions et des contraintes, de la couleur aux imprimés, superposez, variez. Osez, simplement !
Réalisation & direction artistique Christian Biyiha Photographe Urivaldo Lopes | Assistant lumière Thomas Clotilde-Florent Assistante styliste Gaëlle Novak | Coiffure et maquillage Laure Dansou Mannequin Jennifer Messelier > Women Management Paris
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Maillot de bain Greta Constantine, ceinture Bally, chapeau Laurence Bossion, collier, manchette et bague en métal feuillage doré Giuseppe Zanotti Design, montre G-Chrono en acier Gucci. Page de droite : Bomber Longchamp, short en dentelle Roseanna, bague Diamantissima Gucci, bague argentée And I, boucles d’oreilles Prada.
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EN VOGUE
Manteau tweed brodé Chanel, maillot de bain Costa Maya, doigt doré Alexandre Delma.
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Maillot de bain Agent Provocateur, jupe Harmony, lunettes Etnia Barcelona, montre Diamantissima en acier et bracelets Bambou or jaune et or blanc Gucci. Page de droite : Maillot de bain Tsumori Chisato, top Versace, baskets Bally, collier et bague Chanel, bandeau en coton et plume d’oie vert canard Donia Allegue, sac Vivienne Westwood.
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BEAUTÉ
PRENDRE SOIN DU MÂLE
Bien sûr, il y aura toujours des récalcitrants, ces machos qui, confondant virilité et absence de soins, ricanent à la seule vue d’un tube de crème. Mais, pour les nouvelles
générations masculines,
la séduction est aussi affaire de cosmétiques et de parfums. Par Marie-France Rigataux-Longerstay
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RAYON SOINS Légèreté et raffinement Les hommes ont le cuir « délicat » : ils fuient les textures qui leur semblent trop lourdes et trop collantes. Leur préférence se porte donc sur des gels, des protections solaires light et des hydratants corps à pénétration instantanée. S’ils investissent assez peu dans les soins corporels dits amincissants, c’est qu’ils préfèrent fréquenter les salles de gym et les instituts spécialisés dans les massages – massages énergétiques, déstressants ou tonifiants. Parfois plus tracassés par leur âge que leurs compagnes, les quinquas s’informent régulièrement au sujet de la médecine anti-âge et de ses derniers développements. Le sujet du tout dernier essai de Didier Van Bruyssel, longtemps journaliste médical avant de diriger une clinique spécialisée en médecine fonctionnelle et anti-âge.
Hydratation optimale. De l’hyaluronate de sodium pour un maximum d’hydratation et un mélange d’actifs pour le maintien de la couche cornée. Clinique, Maximum Hydrator. CHF 49.– les 50 ml. Peau fraîche. Gel nettoyant au charbon, purifiant, et au menthol rafraîchissant, il est efficace contre les excès de sébum, pores encrassés, boutons. Noir, il se transforme en mousse sur la peau. L’Oréal Paris, Men Expert. CHF 13.– les 100 ml. Rasé de près. Pour jouer les apprentis barbiers, un objet chicissime en wengé, traité pour résister à l’eau, et en laiton bruni. Etudié dans les moindres détails pour un rasage parfait. Acqua di Parma, lame Fusion Proglide. CHF 866.– 72 heures d’hydratation. Un record qui en dit long sur l’expertise de Biotherm, n°1 en cosmétique pour homme, que garantit la présence d’actifs ultraperformants : extraits d’algue et de plancton et acide hyaluronique. Biotherm, Aquapower 72H. CHF 65.– les 50 ml. Vitalité garantie. Un gel revitalisant, anti-pollution, comme savent en créer les laboratoires Clarins. A base de ginseng et de baie de goji, dans une de ces textures dont ils ont le secret. Clarins, Gel Revitalisant. CHF 69.– les 50 ml. Une ration d’énergie. Ginseng, guarana, vitamine B... un gel douche intégral corps-cheveux, à base de lavande végétale, sans savon, qui nettoie, hydrate, rafraîchit et, surtout, donne la pêche ! Lierac Homme. CHF 17,60 les 200 ml. Rester jeune. Et si l’âge n’était plus vraiment un critère ? Si une bonne gestion de la seconde partie de vie suffisait à optimiser son capital santé ? Cet ouvrage très intéressant, signé Didier Van Bruyssel, aborde en profondeur tous les aspects du vieillissement. Ed. Robert Laffont, collection Réponses. 460 pages.
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BEAUTÉ
CÔTÉ PARFUMS Entre peps et séduction A en croire Yann Auberval, directeur marketing de Biotherm, l’histoire d’amour qui lie l’homme à son parfum reste marquée par la fraîcheur, un terme assez galvaudé, souvent synonyme d’énergie, de coup de fouet, de propreté. «Inféodé à l’hygiène dès l’adolescence, le parfum se choisit ensuite en fonction des fragrances familiales. Il se réfère aux valeurs sûres qui ont bercé l’enfance, au point que certains ados empruntent le parfum paternel. Il faut attendre 20-25 ans pour que l’eau de toilette se fasse séductrice ou signale l’appartenance à un groupe. Choisi en grands magasins, selon des critères classiques (message véhiculé, pub, etc.), le parfum subit aussi l’influence d’une petite amie ou d’une copine.» Epices, bois, mais surtout agrumes, notes de tête dans la majorité des eaux, il rassure celui qui s’en vaporise ou, mieux, ajoute à l’allure. Telle une ponctuation raffinée pour celui qui a un peu d’imagination. Oui, en 2015, on trouve aussi au rayon masculin des senteurs audacieuses.
Le goût du citron. Mais quel citron! Un agrume qui offre sa pulpe et son écorce à cette eau divine et addictive, à porter à toute heure du jour... L’Occitane, Eau de Cédrat. CHF 69.– les 100 ml. Capiteux. Dans son flacon évoquant le noir ébène des roches volcaniques, un parfum envoûtant, néo-oriental, mêlant le tabac et le rhum à un cœur de tubéreuse, d’iris et de cuir. Bulgari, Man in Black. CHF 129.– les 100 ml. Casual chic. Présenté comme un «boisé, épicé, frais», il présente tous les codes de la virilité. Mais qu’on ne s’y trompe pas: son trio d’épices – cardamone, genièvre, gingembre – lui donne un caractère singulier. Givenchy, Gentlemen Only. CHF 68.– les 50 ml. A l’abordage. Pour les marins des villes, l’édition limitée de ce champion de la parfumerie masculine, fait de lavande, de vanille et de menthe. Humour et volupté. Jean Paul Gaultier, Le Mâle. Edition collector. CHF 125.– les 100 ml. Brut de bleu. Infusée d’essence de racine de vétiver, une eau aux accents mentholés et aux arômes boisés de réglisse. Cartier, Eau de Cartier, Vétiver Bleu. CHF 106.– les 100 ml. Mythique. Un grand classique bousculé. Une eau de Cologne née en 1968 et réinterprétée avec panache: plus de bergamote, de pamplemousse et de petit grain. Dior, Eau Sauvage Cologne. CHF 95.– les 50 ml. Grand format. La chicissime eau Bleu de Chanel s’offre une version king size. Les aficionados de ce parfum aux herbes aromatiques, aux racines de vétiver et aux vibrations ambrées et boisées apprécieront. CHF 157.– les 150 ml.
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UN HÔTEL, UN STYLE
OÙ
BULLER CET ÉTÉ...?
Rien au théâtre, rien au ciné, rien à la télé, et c’est tant mieux. Car, cet été, on a envie de bouger. A la montagne, en bord de mer ou au centre-ville, voici quelques destinations qui allient
dépaysement et découvertes culturelles. Par Andrea Machalova
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DU DESIGN AU MILIEU DES OLIVIERS Se ressourcer dans un environnement naturel, confier ses soucis aux oliviers centenaires et emplir ses poumons de senteurs méditerranéennes, c’est ce que promet cette masseria moderne, logée au cœur des Pouilles. Dix chambres seulement, de la standard à la suite familiale, pour assurer aux hôtes la tranquillité que ce havre de paix inspire. Les murs immaculés de Masseria Alchimia brillent tel un diamant brut au milieu d’une nature verdoyante, qui a su préserver son caractère sauvage. Alchimie, c’est le mot qui vient en tête lorsque l’on pénètre à l’intérieur de cette villa de trois étages après avoir emprunté une longue allée bordée d’arbres. Ici, chaque chose est à sa place, le moderne se mariant à l’ancien tout en douceur. La Suissesse Caroline Groszer, heureuse propriétaire de cette demeure et passionnée d’art, s’est associée avec une galerie d’art pour apporter la touche finale à la décoration des chambres, où la lampe Arco côtoie la chaise Panton. MASSERIA ALCHIMIA Contrada Fascianello 50 72015 Fasano – Italie – www.masseria-alchimia.it
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DESTINATION
UN TRAIN DE LÉGENDE En trois jours, l’Eastern & Oriental Express, train pour nostalgiques de l’Empire britannique, relie Singapour à Bangkok via Penang, en Malaisie. 1’800 km de côtes, des rizières, des villages, le train musarde à la vitesse de 45 km/h, idéal pour contempler le paysage de la voiture Observatoire. Reportage Michèle Lasseur | Photos Belmond
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