Des rencontres, du mordant et des opinions
MODE
Animal Chic
FLASH-BACK
Expo Nationale Suisse Bedos, Elmaleh & Cosby SUR LE GRIL
HAUTE JOAILLERIE
Passionnément Gemmes ! Hiver 2015 N°113 | CHF 6.– 00113
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FACE-À-FACE
Lagarde, Spielberg et Scott Thomas Un aparté avec SILVIA FENDI
JOHNNY BEEnGOOD ! interview
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L'ÉDITO Siphra Moine-Woerlen
UN PEU DE JOIE ! J’avais préparé un édito où, comme d’hab, vous alliez pouvoir découvrir mes conclusions aigres-douces sur l’année écoulée et suivre les pérégrinations de mes ados chéris... C’était sans compter sur cette fin d’année devenue difficilement supportable. Pendant quelques jours, l’inspiration a laissé place au désarroi... Car si le plus souvent l’humour guide ma plume, il me fut difficile de trouver de la légèreté à tous ces maux. J’ai donc attendu quelques jours, le temps de conclure et d’espérer que, dans ce pessimisme ambiant, la vie et l’humour vaincraient toujours et que nous aurions encore beaucoup de raisons de nous réjouir. Puis la neige est tombée, aussi blanche que dans mes souvenirs. Quel rapport, me direz-vous ? Lorsque j’ai vu dans les yeux de mon petiot cette immense joie à l’idée d’aller se rouler dans ce tapis immaculé, je me suis dit que cette joie-là – cette jolie joie naïve enfantine – devrait réussir à estomper quelque peu tout ce pessimisme. Car cette joie-là ne se décrète pas, elle surgit comme une grâce. Elle ne se commande pas, elle s’invite, innocente et pure. Ce numéro, nous vous l’avions préparé avec la bonne humeur que vous nous connaissez, en vous concoctant plein de surprises. Une interview exclusive du grand Steven Spielberg, une rencontre tout aussi exclusive et plutôt rare de Johnny Depp et un dossier haute joaillerie pour avoir les yeux pleins d’étoiles. Une façon de se dire que la vie continue... Aussi, à l’orée d’une nouvelle année où l’incertitude paraît être le maître mot, prenons le temps de nous reconnecter à ce qui nous élève, nous grandit et nous réjouit, en tournant notre regard vers ce qui est beau et lumineux, en commençant par nous et nos proches. Nous n’en serons que plus rayonnants et nous trouverons la force de voir le monde un peu différemment. Un peu naïf ? Non. Après une année de coups bas et autres vacheries, juste une envie de retrouver cette joie d’enfant, dérobée au fil des obstacles de la vie et des peurs, mais qui finalement sommeille en chacun de nous. Alors, joyeuses Fêtes, joyeuse nouvelle année et merci pour votre fidélité ! Nous aurons encore mille choses à partager ensemble en 2016 ! So... love it ! 15
IMPRESSUM ÉDITEUR TIRAGE André Chevalley – Promoco Développement SA Ch. de la Marbrerie 1 – 1227 Carouge – T. +41 (0)22 827 71 01
DIRECTRICE DE LA RÉDACTION
Tirage vendu : 23’510 exemplaires Certification REMP 2014 Période de relevé : 01.07.2013 – 30.06.2014 Abonnés payants : 21’168 exemplaires
Siphra Moine-Woerlen
COORDINATION GÉNÉRALE Nicole Degaudenzi
MODE Direction artistique : Christian Biyiha
PUBLICITÉ & RELATIONS PUBLIQUES Olivier Jordan | o.jordan@promoco.ch
RESPONSABLE ARTISTIQUE Carine Bovey
RÉDACTRICE WEB Andrea Machalova
RÉDACTEURS CONTRIBUTEURS Arnaud Bosch, Christine Brumm, Charles Consigny, Gil Egger, Fabrice Eschmann, Anne Fulda (grand reporter au Figaro), Patrick Galan, Marliese Hubert, Nathalie Koelsch, Andrea Machalova, Julie Masson, Karine Porret, Nicole Real, Michèle Lasseur, Marie-France Longerstay, Jérôme Sicard, Alexandre Schönhaus, Gaëlle Sinnassamy, Christopher Tracy, Alexis Trevor
RELECTURE & CORRECTION Adeline Vanoverbeke Stagiaire : Pauline Voisin
COUVERTURE Nathaniel Goldberg
TIRAGE IMPRIMÉ 24’000 exemplaires
IMPRESSION Kliemo Printing
DIFFUSION Le magazine Trajectoire est diff usé en Suisse, principalement auprès de ses abonnés payants, représentant plus de 90% du tirage. Il est également vendu dans tous les kiosques Naville et disponible chez les médecins, avocats, notaires, dans les agences immobilières de Suisse et les hôtels 5 étoiles partenaires à Genève, Crans-Montana, Divonne, Lausanne, Montreux, Gstaad, Verbier et Villars. ©Trajectoire | La reproduction, même partielle, du matériel publié est interdite. Les pages « Event » n’engagent pas la rédaction. La rédaction décline toute responsabilité en cas de perte ou de détérioration des textes ou photos adressés pour appréciation.
ABONNEMENTS 4 numéros : CHF 25.– (1 an) 8 numéros : CHF 50.– (2 ans) info@promoco.ch T. +41 (0)22 827 71 01
ILLUSTRATION PHOTOLITHOGRAPHE Julien de Preux
Aurélio Lasprovata > Seven Style
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SOMMAIRE
Le Pont des espions, de Steven Spielberg, 2015
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OBJETS DE DÉSIR Chéri, je t’ai fait une liste
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WHAT’S NEW ? Les coins branchés de Suisse romande
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MICHAEL FASSBENDER A mettre dans son lit !
BRILLANT ! DOSSIER
HAUTE JOAILLERIE P. 80
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DÉCRYPTAGE Bedos, le dinosaure du politiquement correct
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PSYCHO Faire mouiller le cerveau
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FACE-À-FACE Spielberg
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RETOUR EN 1896 Dans les coulisses de l’Expo nationale suisse
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RACHEL MCADAMS Prend du poil de la bête
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COVER STORY Johnny Depp, le pirate des temps modernes
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CE QUI NOUS ATTEND EN 2016 ! A vos agendas !
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KRISTIN SCOTT THOMAS Le combat d’une égérie
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DOSSIER HAUTE JOAILLERIE Ils brillent dans la nuit
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SOMMAIRE
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RENCONTRE AVEC JEAN-CHRISTOPHE BABIN « Bulgari est une marque féminine »
102 SÉLECTION HORLOGÈRE Dans le Carré des Horlogers
108 TALENT ÉMÉRITE Joana Vasconcelos, son œuvre gonflée
112 AUTOMOBILE Trouvez le point G !
120 SUR LE GRIL Maïtena Biraben, Bill Cosby et Gad Elmaleh
126 RENCONTRE MODE La fun fur de Fendi
130 SHOOTING Animal Chic
144 DÉTENTE A deux spas de chez vous
152 BIEN-ÊTRE Retraite spirituelle à Ibiza
154 UN HÔTEL, UNE LÉGENDE Dans les coulisses de l’InterContinental
160 HÔTELS À LA MONTAGNE L’hiver au grand air
168 DESTINATION CHILI Entre océan Pacifique et cordillère des Andes
176 5 MINUTES AVEC… Hélène Darroze
GAGNANT DU CONCOURS N°112 AVEC LE CHALET ROYALP HÔTEL & SPA Pierre Attia, Morges
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CONTRIBUTEURS
ET COMPLICES
NATHALIE KOELSCH
Passionnée de gemmologie et fine connaisseuse des pierres, Nathalie Koelsch, journaliste spécialisée dans la haute joaillerie et l’horlogerie, prête sa plume à plusieurs grands titres parisiens. Pour nous, elle décortique dans ce numéro une dizaine de pièces fabuleuses en mettant en avant leur beauté et leur complexité, développant en toute simplicité le mystère des pierres.
NATHANIEL GOLDBERG Parisien de naissance, New-Yorkais de cœur, Nathaniel Goldberg commence la photographie à 15 ans. Il fait ses classes auprès de Mario Testino, avant de voler de ses propres ailes en publiant ses clichés dans Vogue, GQ, Harper’s Bazaar et de collaborer avec des marques comme Gucci, Nike ou TAG Heuer. Pour ce numéro, il a photographié l’insaisissable Johnny Depp.
GAËLLE SINNASSAMY Son sens aiguisé de l'observation combiné à son goût du décalage font d’elle une touche-à-tout hors pair. Journaliste indépendante, elle prête sa plume à plusieurs titres romands. Pour ce numéro, elle s’est intéressée aux comportements déviants et parfois croustillants d’une partie de la population… qui nous entoure ! Psycho, quand tu nous tiens !
MICHELE LASSEUR Son diplôme en langues orientales en poche, Michèle part faire ses armes… à Tokyo ! Cette journaliste indépendante férue de voyages et auteure d’ouvrages sur la Floride, l’Egypte, le Japon et la Polynésie ne tient pas en place. Pour ce numéro, elle nous a donné rendez-vous à la pointe sud du Chili.
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DÉCRYPTAGE
BEDOS. LE BOLOS G
uy Bedos a été un comique de talent, mais ce talent s’est dissipé sous l’effet d’une mégalomanie stérile. Son cœur « s’est aigri un peu, en prenant de l’âge », dirait la chanson d’A znavour. Souvent, ses apparitions publiques ne sont plus faites que d’invectives désabusées, comme s’il semblait se plaindre de n’être pas assez invité là où on l’invite, pas assez considéré une fois sur place, pas assez louangé, admiré, flatté. Ce grossier personnage qui, reconnaissons-le, manie souvent l’insulte au second degré et peut couvrir d’avanies quelqu’un que, pourtant, il aime, est continuellement présent dans les médias. Il se sait « invité permanent » et en use à l’excès. Rappelez-vous de cette édition du Grand Journal, sur Canal+, durant laquelle le comique avait tourné le dos au plateau pendant qu’A lain Finkielkraut parlait, afin que tout le monde puisse bien s’apercevoir de son mécontentement et que l’on s’intéresse davantage à lui qu’à tous les autres, sacrifiant ainsi toute règle de courtoisie à son égocentrisme. Qu’importe le discours d’un agrégé de lettres, figure intellectuelle majeure de son temps, brillant orateur et courageux tribun, il fallait ce jour-là ne s’intéresser qu’à l’artiste engagé, parce que l’artiste engagé est un des rois de l’époque, une figure que nul n’attaque, une autorité, une statue, même si la statue ne respecte rien et n’est qu’une vanité. J’en ai fait l’expérience un matin d’octobre, lors d’une émission de radio au cours de laquelle mon opinion à propos du livre dont Guy Bedos venait assurer la promotion ne manifestait pas l’extase que l’auteur devait être habitué à accueillir, alors même qu’elle n’était qu’une opinion de façade, une opinion mondaine,
polie, de circonstance. Cette appréciation minimum, loin du désarroi qu’avait causé chez moi l’indigence du texte (Je me souviendrai de tout), n’a guère satisfait son destinataire, qui m’a répondu avec la gentillesse d’un chat dégénéré. Il porte beau, pourtant, Guy Bedos, à 81 ans ! Il en fait dix de moins et c’est un des derniers dinosaures du politiquement correct le plus intransigeant, le plus aveugle, le plus désagréable : pour un paléontologue, il garde un intérêt certain. On devrait l’exposer au Palais de la découverte afin que les enfants puissent venir observer ce qui dominait le débat public en France à une certaine époque et qui subsiste encore en quelque contrée, par exemple dans les pages des Inrocks ou sur France Inter. Le monde vu par ce courant de pensée anciennement dominant, c’est : les immigrés contre les racistes, les socialistes contre les bourgeois, les Palestiniens contre les Israéliens, les dominés contre les dominants, les gentils contre les méchants. Ce prisme binaire est un tamis efficace qui permet à quelques personnalités du spectacle de faire des distinctions avec autorité sur tous les sujets et tous les hommes. Journal mélancomique (!) est une belle illustration de cette méthode : c’est une longue litanie de leçons. Bedos est professeur et nul n’échappe à son auguste examen : élus, ministres, présentateurs de télévision, chefs d’Etat, il saurait mieux faire que tous à leur place et s’estime absolument légitime à les couvrir de quolibets pas drôles. Autrefois, on appelait ce genre de personne un « fat », synonyme de présomptueux, qui est à l’origine un terme provençal pour dire « sot ».
Il avait raccroché avec un spectacle au nom explicite, Rideau ! Le voilà pourtant qui revient avec un livre, Je me souviendrai de tout, et une pièce, Moins de 2, écrite et mise en scène par Samuel Benchetrit, au Théâtre Hébertot, à Paris. A 81 ans, Guy Bedos n’a rien perdu de sa
verve – certains diront malheureusement.
Par Charles Consigny
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Que reste-t-il de la gauche caviar ? Un restaurant, au-dessus du célèbre club, Le Montana, qui en pied-de-nez porte ce nom, La Gauche Caviar, ne servant que... du caviar. C’est dire si elle n’existe plus ! Il y a longtemps que même les clients du Flore voisin ont abandonné leurs prétentions morales. Le réel a écrasé cette idéologie aveugle, déconnectée, qui ne servait qu’à permettre les postures valorisantes. Même son représentant le plus pathologique, Bernard Kouchner, a fini par devenir le ministre de l’homme politique le plus bling-bling de son temps, Nicolas Sarkozy. Le porte-drapeau du snobisme off usqué d’un rien, du snobisme cultivé, du snobisme Rive gauche, ministre d’un promoteur de Rolex, détracteur de La Princesse de Clèves et Rive droite en diable, héros du XVIe-Neuilly en mocassins à glands. Que reste-t-il des discours ridicules des acteurs de cinéma, qui de cérémonies en plateaux de télévision distribuaient, autrefois, leur humanisme de façade à longueur de festivals ? Les artistes engagés sont honnis d’un peuple qui sait que, comme l’écrivait La Rochefoucauld, « la vertu n’irait pas si loin si la vanité ne lui tenait compagnie ». Gavés de subventions, ces intermit-
tents du spectacle suscitent désormais davantage le mépris que l’écoute. Les Français sont fatigués qu’on leur dise quoi penser. Le Grand Journal n’a plus de public.
Les artistes ne devraient pas se mêler de politique ; ou bien ils devraient agir vraiment, et humblement, dans un silence anonyme. Déplorer le sort des migrants de Calais ne vaut rien
si l’on ne les aide pas, d’une façon ou d’une autre. Taper sur Nadine Morano, c’est tirer sur une ambulance. Il est devenu tellement facile de s’en prendre aux ministres ! Que ne s’y collent-ils pas ! « La responsabilité peut être un labyrinthe », écrivait Victor Hugo. Les difficultés auxquelles est confrontée l’action publique sont devenues trop complexes pour que quelques comiques s’auto-désignent comme juges des gouvernements. Qui écoute encore les suffisances de Stéphane Guillon, de Didier Porte ou de Guy Bedos ? Les deux premiers ont fini par être virés de la radio publique, le dernier se dit ruiné. Rideau ! —
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PSYCHO
DUPOURPORNO LE CERVEAU L’ASMR ? Un acronyme barbare pour un concept simple : se masturber le ciboulot grâce à des vidéos postées sur YouTube qui diff usent des chuchotements et des sons relaxants. Nouvelle marotte de tordus ou sextrip À EXPÉRIMENTER d’urgence ? Par Gaëlle Sinnassamy | Illustration Carine Bovey
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rendre son pied avec la tête, c’est le principe de l’ASMR (Autonomous Sensory Meridian Response), soit des stimulations, généralement auditives, mais aussi visuelles ou tactiles, qui suscitent des orgasmes cérébraux chez les adeptes. Pour parvenir au nirvana, des millions de vidéos sur YouTube sont à disposition. Rien de X en vue : l’ultime frisson est déclenché par des murmures, craquements, soufflements, tapotements d’ongles, clapotis, frottements de brosses, pages que l’on feuillette ou autres gestes du quotidien. Et les amateurs sont légion. A tel point qu’ils se regroupent en communauté pour mieux partager leurs expé-
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riences de « braingasm », selon le vocable consacré aux Etats-Unis. Zoom sur une pratique qui n’a pas fini de faire du bruit.
L’ASMR OU LE MURMURE DU PLAISIR Que Jacquie et Michel aillent se rhabiller. Les dernières sextapes qui cartonnent sur YouTube ? Les vidéos braingasmiques. Pour le néophyte, le phénomène, dont on a constaté les premières émergences sur le Web il y a moins de dix ans, peut paraître quelque peu déconcertant. Car gémir de plaisir devant un jeune homme qui empile des coquillages dans un saladier en chuchotant des inepties d’une voix à peine audible ne relève a priori pas d’un érotisme des plus torrides. A l’instar du
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PSYCHO
point G, le feu d’artifice cérébral reste du domaine de l’hypothétique, fable pour certains, vérité anatomique pour d’autres. Wikipédia, qui définit l’ASMR comme « une sensation distincte, agréable et non sexuelle de picotements ou frissons au niveau du crâne, du cuir chevelu ou des zones périphériques du corps, en réponse à un stimulus visuel, auditif, olfactif ou cognitif », ne manque pas de préciser que « la nature et la classification scientifique du phénomène font l’objet de controverses ». Le décor est posé. Il n’en reste pas moins que les accros se comptent par millions et que le rayonnement du braingasm est planétaire. Il suffit de taper ASMR sur Google pour s’en convaincre. Qu’y découvre-t-on ? Pas l’ombre d’un organe au-dessous de la ceinture. Ces vidéos homemade sont, en effet, à mille lieues des contenus qui assurent le succès de YouPorn et autres plateformes interdites aux moins de 18 ans. Les « whisperers », comme on les appelle, dispensent des tutoriels de maquillage ou d’origami, susurrent la description du contenu de leur placard, froissent un papier de bonbon, feuillettent avec une lenteur étudiée les pages d’une encyclopédie, grattent diverses textures, simulent des massages de cuir chevelu, invitent à des visites guidées de leur chambre, les fameuses « room-tours », un must semble-t-il, ou encore malaxent des coussins. Cerise sur le gâteau : ces séquences filmées peuvent durer plusieurs heures. Rien de comparable avec les prouesses cathodiques d’une Katsuni, d’une Alexis Texas ou d’un James Deen. Et pourtant… A l’instar du porno, l’ASMR se targue de posséder ses stars. Parmi elles, Dr Dmitri, qui sévit sur sa propre chaîne, MassageASMR, ou encore la très populaire Maria, connue sous le pseudo GentleWhispering, « ASMRtiste » américanorusse au bientôt demi-million d’abonnés et aux 100 millions de vues. On évitera les raccourcis faciles : les blockbusters youtubesques de la blonde venue de l’Est
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restent on ne peut plus chastes. Au fil des clics, la demoiselle se filme caressant une brosse à cheveux, tapant sur son clavier, tripotant un Rubik’s Cube, pliant ses jeans, se manucurant les ongles, détaillant sa collection de bagues... en murmurant bien évidemment. Un ticket pour un orgasme sensoriel garanti ? Pas si sûr.
L’ÉJAC’ MENTALE POUR TOUS ? En effet, si la pratique fait de plus en plus d’émules, nombreux sont ceux que l’Autonomous Sensory Meridian Response laisse de marbre. « Tout le monde ne sera pas réceptif à une vidéo d’ASMR, explique Elodie Joy-Jaubert, auteure et illustratrice française qui produit ellemême ses propres vidéos sur le blog Sirène Bio. D’abord parce que nous n’avons pas tous la même sensibilité, ni la même
« On ne parle pas d’orgasme sexuel, mais bien d’une
stimulation
d’un méridien du système nerveux engendrant une montée de satisfaction
jouissive. »
capacité d’intronisation, mais aussi parce que certaines sonorités ne déclencheront rien chez vous, alors que d’autres y seront pleinement émotifs. » Que ratent donc les frigides de la cervelle ? « Une sensation de plaisir qui peut aller jusqu’à un orgasme senso-auditif, poursuit-elle. La montée du plaisir lorsqu’elle est à son paroxysme se véhicule par l’apparition de picotements,
de chatouillis passant du cerveau jusqu’à d’autres régions du corps. On ne parle pas d’orgasme sexuel, mais bien d’une stimulation d’un méridien du système nerveux engendrant une montée de satisfaction jouissive. » En bref, des guili-guili qui permettent d’atteindre un état de bien-être et de relaxation quasi érotiques. Certains décrivent des fourmillements dans le cerveau qui se propagent jusqu’à la colonne vertébrale, d’autres un frisson intense au niveau du cuir chevelu et des extrémités. A en juger par certains commentaires – « La prochaine fois, frotte la brosse contre le bol, ça sera si bon » ou encore « J’adore quand tu caresses l’aspirateur » –, les fans apprécient. Car, aussi mystérieux que cela puisse paraître, on suppose que le fait de pouvoir atteindre le septième ciel grâce à l’ASMR serait dû à la stimulation des zones du cerveau qui sécrètent l’endorphine, l’hormone du bien-être, et la dopamine, neurotransmetteur lié au plaisir. Diminution du stress, remède miracle contre les insomnies, méthode de relaxation douce, les accros à l’éjaculation mentale n’en finissent pas de vanter ses bienfaits. Pour autant, et en dépit de sa dénomination pseudoscientifique, l’Autonomous Sensory Meridian Response ne dispose d’aucune étude validant ses effets bénéfiques ni même son existence. Arnaque pour barjots en manque de libido ou capacité cérébrale encore inexplorée ? Les chercheurs s’abstiennent à ce jour de se prononcer. Pourtant, en dépit des détracteurs et autres sceptiques, le syndrome gagne du terrain. Et si le Vieux Continent ne semble pas encore massivement converti, les ASMRtistes américains se pressent dans les médias ; deux réalisatrices, Lindsay Ragone et Kate Mull, ont même obtenu des fonds via Kickstarter pour produire des films traitant du sujet. Conséquence directe de cette surexposition, de plus en plus d’aficionados osent le coming out. Pas de doute, la branlette intellectuelle est promise à un bel avenir. —
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FACE-À-FACE
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STEVEN SPIELBERG RENTRE DANS L’ HISTOIRE Depuis quarante ans, les films de Steven Spielberg remplissent les salles de cinéma du monde entier. Le 2 décembre 2015 est sorti sur les écrans suisses « Le Pont
des espions », un thriller de haute volée superbement interprété par Tom Hanks et qui, par sa dimension historique, dépasse largement le cadre du simple film d’espionnage. Rencontre exclusive avec l'iconique réalisateur. Interview Nicole Real
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FLASH-BACK
DANS LES COULISSES DE
L’EXPOSITION NATIONALE SUISSE DE 1896
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eux cents ans en arrière, le 19 mai 1815, Genève faisait son entrée dans la Confédération. Avec ses 30'000 habitants, elle devenait la plus grande ville du pays. Très densément peuplée, figée entre ses fortifications, la cité marchande étouffe. Il faudra attendre trente ans pour que la décision d’abattre ses murailles obsolètes soit prise. Et non sans difficultés. Un combat de longue haleine et une véritable révolution seront menés par le radical James Fazy pour toucher au but. L’ouverture géographique est synonyme d’ouverture à la modernité et au progrès, mais aussi d’ouverture des mentalités. S’ensuit alors une formidable croissance et un développement industriel sans précédent qui relancent l’économie genevoise. C’est dans ce contexte que la Cité de Calvin est désignée pour accueillir la deuxième Exposition nationale en 1896, treize ans après celle de Zurich. Pour Genève, un événement d’une telle envergure arrive à point nommé. La ville étant entrée dans la Confédération depuis quelques dizaines d’années seulement et ayant longtemps été associée à la puissance rivale, l’exposition est un excellent moyen pour elle de faire ses preuves et de démontrer son assimilation à la culture suisse. Et pour le jeune Parti radical, c’est l’occasion de montrer aux yeux de tous que ses idées novatrices, en opposition à celles des conservateurs, sont porteuses de fruits et synonyme de progrès.
LE JOUR J Après de longs mois de préparatifs, l’exposition ouvre ses portes le 1er mai 1896. Le jour de l’inauguration, les autorités fédérales et les représentants des gouvernements cantonaux débarquent du bateau La Suisse, accueillis par les salves de 22 coups de canon. La première semaine, l’exposition fait 70'000 entrées, un succès phénoménal, et attirera en cinq mois et demi plus de 2 millions de visiteurs. Genevois et touristes venus de Suisse comme du reste de l’Europe s’empressent de découvrir les quelque 7'000 exposants présents. Science, arts et artisanat, beaux-arts, agriculture, instruction publique, économie sociale, tous les corps de métier sont représentés, jusqu’à l’industrie, à qui on réserve une place de choix. Une nouveauté qui s’explique, d’un côté, par l’industrialisation massive de Genève et, de l’autre, par l’introduction de brevets protégeant la propriété intellectuelle. Seule ombre au tableau, le secteur horloger se fait plutôt discret.
La reproduction grandeur nature d’un village suisse, des nouveautés comme le tramway électrique et l’éclairage artificiel, autant d’animations devant lesquelles les visiteurs se sont émerveillés durant l’Exposition nationale suisse qui se tint à Genève en 1896. Son but ? Dresser le portrait de la société suisse de l’époque et affirmer, par la même occasion, l’ancrage de la Cité de Calvin dans le paysage helvétique, quatre-vingts ans seulement après son entrée dans la Confédération. Par Arnaud Bosch et Alexandre Schönhaus
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DÉCRYPTAGE
CHRISTINE LAGARDE L
a directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), qui a succédé à Dominique Strauss-Kahn à la tête de l’institution financière à Washington en 2011, a du pouvoir. Beaucoup. Elle l’a gagné à force de travail, de ténacité, non sans une certaine habileté aussi, en gardant la tête haute. Elégante toujours, ayant une capacité hors norme à saisir les opportunités quand elles se présentaient. Quitte à prendre des risques, à se mettre en danger. Avec, toujours aux lèvres, un sourire éclatant et énigmatique. Comme une arme de séduction massive, une courtoise carapace derrière l’allure pimpante et étincelante. Ce pouvoir, qui la définit donc, Christine Lagarde n’en tire aucune gloire. Elle ne s’en gargarise pas. La directrice générale du FMI n’est pas du genre à se pousser du col. Même arrivée à ces hautes fonctions, elle reste naturelle. Mesurée. Semble s’intéresser aux autres et n’affiche pas la morgue de certains de ses pairs. Elle ne parade pas non plus en mettant en avant certains signes ostensibles de puissance, comme si la gestion de sa carrière était une démonstration éclatante de cette analyse qu’elle avait livrée, en pleine crise financière : « Si Lehman Brothers s’était appelé Lehman Sisters, si Goldman
Sachs avait été Goldwoman Sachs et s’il y avait eu un peu moins de décharge de testostérone dans les salles de marché et un peu plus de femmes aux commandes, la crise financière n’aurait pas eu une telle ampleur. » Sans testostérone, sa carrière est pourtant indéniablement hors du commun. Un conte de fées républicain. La réussite exceptionnelle d’une enfant du Havre, dont la renommée est désormais internationale. L’émergence d’une femme politique que l’on n’a pas vue venir et qui est devenue une potentielle présidentiable, alors qu’il y a dix ans à peine elle était quasiment inconnue en France. Ses faits d’armes ? De quoi faire pâlir d’envie beaucoup d’ambitieux. Une succession de postes de haut vol dans lesquels elle a fait figure de pionnière. En 1999, à 43 ans, la voici qui devient ainsi la première Française à être élue présidente de Baker & McKenzie, l’un des deux plus grands cabinets d’avocats des EtatsUnis. La récompense d’un parcours commencé dans cette entreprise américaine en 1981, au bureau parisien. Dix ans plus tard, nouvelle promotion. Et virage à 180°. Repérée par Thierry Breton, alors ministre de l’Economie, elle reçoit, un jour de juin 2005, un coup de fil de Dominique de Villepin. Elle est à Chicago,
il est 5 h du matin et, à l’autre bout du fil, le premier ministre lui propose de devenir ministre déléguée au Commerce extérieur. Quelques heures plus tard, elle est dans l’avion qui la mène à Paris. Le début d’une carrière ministérielle en France qui connaîtra son apogée avec sa nomination surprise comme ministre de l’Economie, des finances et de l’industrie dans le gouvernement de François Fillon, un poste qu’elle occupera de 2007 à 2011. Et, là encore, une première, puisqu’elle est la première femme à occuper ces fonctions de grande argentière en France. Une promotion qu’elle doit, comme souvent en politique, à un concours de circonstances : la rétrogradation de Jean-Louis Borloo, coupable, en pleine campagne des législatives, d’avoir évoqué une TVA sociale sur les produits importés, ce qui aurait coûté la perte de quelques sièges à l’UMP. Initialement, en effet, après l’élection de Nicolas Sarkozy, Christine Lagarde avait été nommée ministre de l’Agriculture, choisie à ce poste car on pensait qu’elle ferait merveille dans les délicates négociations internationales de la politique agricole commune (PAC). L’expérience dure un mois. Jusqu’à ce qu’un coup de fil change à nouveau le cours de sa trajectoire. Elle sort du salon Vinexpo, à Bordeaux, et vient d’arriver à un dîner lorsqu’on lui
« L’une des femmes les plus puissantes du monde. » A chaque fois qu’un article lui est consacré, cette qualification revient comme un gimmick. Comme une décoration suprême, une singularité qui définit Christine Lagarde. C’est une évidence. Par Anne Fulda
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© Francois Bouchon > Figarophoto/Dukas
passe le chef de l’Etat. Nicolas Sarkozy lui demande : « Tu es assise ? Je m’apprête à te nommer ministre de l’Economie. » Elle acceptera évidemment, sautant dans le vide à nouveau. Mais, avant d’être distinguée par le Financial Times comme « la ministre des Finances de l’année » en 2009, elle avalera quelques couleuvres. Et connaîtra un bizutage en règle. « Une expérience fantastique et douloureuse », résumera-t-elle, prenant conscience qu’il n’est pas aisé lorsque l’on a été son propre patron de perdre du jour au lendemain son indépendance et sa liberté de parole… Chargée de mettre en musique deux
mesures phares du quinquennat, la loi TEPA (en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat), avec notamment la défiscalisation des heures supplémentaires, et le bouclier fiscal afin de retenir en France ceux qui seraient tentés par un exil fiscal, elle paye en effet cher son inexpérience politique. Elle n’est pas du sérail, ne possède pas les codes de la caste politique, ne comprend pas tout de suite cette règle non écrite selon laquelle, en politique, la franchise n’est pas toujours la bienvenue. Deux jours après sa nomination, elle, l’avocate spécialiste du droit social, estime, sur Europe 1, que « le droit
du travail français est compliqué, lourd, peu flexible » et, à son avis, « un frein à l’embauche ». Patatras, panique à bord : Xavier Bertrand, le ministre du Travail, manque de s’étrangler et elle est « recadrée » par Dominique de Villepin. Autre maladresse : à l’A ssemblée nationale, pour son baptême du feu, elle s’écrie sur un mode ironique : « Cessons donc de penser et retroussons nos manches. » Un discours qui passe très bien outreAtlantique, mais pas du tout en France, où la nouvelle ministre se prend un tir croisé de critiques. « L’A méricaine », « la grande sœur des riches» est montrée du
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LITTÉRATURE Par Christine Brumm
MOTS À
MAUX Nous sommes à Paris, en 1980. Au sortir d’un déjeuner en compagnie de François Mitterrand, l’éminent sémiologue et critique littéraire Roland Barthes est happé par une camionnette et mortellement blessé. A partir de ce fait réel nullement divers, le narrateur de cette détonante fiction conjecture un assassinat. Qui diantre a comploté d’occire Barthes, et pour quel mobile ? Entre intellos vaniteux, mandarins ombrageux et politicards aux desseins douteux, voici une belle brochette de suspects sur le gril. Cette inédite et non moins périlleuse affaire est confiée au commissaire Bayard, un béotien en sémiologie, lequel devra s’aventurer en un terrain des plus minés où il vaut mieux avoir la langue intelligemment affilée, sinon gare aux doigts ! Pour éclairer sa lanterne, Bayard s’adjoint un jeune thésard, dont les lumières égalent celles d’un Sherlock Holmes. Talonné dans ses pérégrinations par des Japonais bien intentionnés, une paire de malabars bulgares qui le sont nettement moins et une Mata Hari en blouse blanche, notre singulier duo va, de joutes oratoires enthousiasmantes (et sanglantes !) en embrouillaminis tragicomiques, appréhender la plus occulte des fonctions du langage. LA SEPTIÈME FONCTION DU LANGAGE
Laurent Binet, éd. Grasset, 495 p.
MAKING OF
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ÉTERNEL RETOUR ? JE COMPTE DOUBLE
Avec la mort suspecte d’A shley Cordova, la fille d’un réalisateur de chefs-d’œuvre cauchemardesques, le journaliste d’investigation McGrath rouvre une enquête qui ravagea jadis sa vie familiale. Flanqué d’une aspirante comédienne farfelue et d’un dealer lunatique, il traque une nouvelle fois ce cinéaste insaisissable, torturé, morbide, et plonge dans un univers glaçant aux relents ésotériques.
Petit Piment est élevé à la dure dans un orphelinat au Congo. Sa vie, adoucie jusqu’alors par un prêtre débonnaire et une employée affectueuse, est bouleversée par la révolution. Sonne l’heure des choix. Des camarades d’infortune, les terribles jumeaux Songi-Songi et Tala-Tala, offrent à Petit Piment l’occasion de fuir avec eux : le début de la libération ou une nouvelle forme d’asservissement ?
Delphine, romancière à succès bloquée par tout acte d’écrire, est au bout du rouleau lorsqu’elle rencontre L. : mystérieuse, insinuante, cette femme étrange prend les brides de sa vie vacillante. Mais qu’est L. au fond, pour Delphine ? Une amie salutaire pour le meilleur ou une présence aliénante pour le pire ? Subtilement, une tension latente s’élève jusqu’au fin mot d’une intrigante histoire.
INTÉRIEUR NUIT
PETIT PIMENT
D’APRÈS UNE HISTOIRE VRAIE
Marisha Pessl, éd. Gallimard, 711 p.
Alain Mabanckou, éd. du Seuil, 274 p.
Delphine de Vigan, éd. JC Lattès, 479 p.
Caran d’Ache. L’excellence du Swiss Made depuis 1915. BOUTIQUES CARAN D’ACHE GENÈVE – Place du Bourg-de-Four 8 • Rue de la Corraterie 10 carandache.com
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LE BAD BOY Récemment qualifié de plus grande star au monde, nouvel ambassadeur du parfum Dior Sauvage et pressenti aux Oscars pour son interprétation du caïd irlandais « Whitey » Bulger dans Strictly Criminal, à 52 ans,
Johnny Depp joue ses plus beaux rôles à l’écran, comme à la vie. Par Marliese Hubert | Photos Nathaniel Goldberg > Christian Dior Parfums
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asé de près, en complet noir et nœud pap, c’est avec une élégance rare que Johnny Depp est apparu au bras de sa jeune épouse, Amber Heard, tout de noir vêtue, à l’avant-première du thriller Strictly Criminal à la Mostra de Venise. Dans le thriller de Scott Cooper, qui se déroule dans les années 1970 au cœur du quartier de South Boston, il entre dans la peau de James J. Bulger, chef du gang irlando-américain Winter Hill, qui, convaincu par son meilleur ami d’enfance, l’agent John Connolly, de collaborer avec le FBI, vient à bout de la mafia italienne faisant rage dans les bas-fonds de la ville. Les cheveux gominés, les yeux translucides, une peau diaphane et les traits enlaidis, Johnny Depp y apparaît méconnaissable et livre une prestation à glacer le sang. Un rôle qui, après quelques flops boudés par le public et la critique, signe le grand retour du bad boy à l’écran.
LA CHUTE DU PARADIS « Mon moment préféré de la journée est le matin, lorsque le soleil perce à travers les stores. J’adore me plonger dans les pensées et imaginer quelques instants qu’Hollywood n’existe pas. » A 52 ans, le jeune marié et père de deux enfants – Lili-Rose, 16 ans, et Jack, 13 ans, qu’il a eus avec son ex-compagne, Vanessa Paradis – semble s’être assagi. Il est loin le temps où l’ado rebelle saccageait les chambres d’hôtel, sniffait de la coke sur un bout de table avec son amour de jeunesse Kate Moss ou envoyait des droites aux paparazzis un peu trop intrusifs. Aujourd’hui, ses enfants et sa femme passent en premier. « Il n’y a que
deux choses auxquelles je ne peux résister : Amber et le chocolat noir », avoue Johnny Depp, qui semble se plier aux moindres caprices de sa jeune épouse. Dans le couple DeppHeard, la femme propose et l’homme dispose. A tel point que lorsque l’actrice de 29 ans lui demande de tirer un trait sur son passé, Johnny s’exécute jusqu'à décider de se séparer de sa somptueuse propriété – 1'000 m2 habitables tout de même – dans le sud de la France, où il a vécu et élevé ses enfants pendant dix ans avec Vanessa Paradis. Toujours pour Amber, il rebaptisera son yacht Amphitrite, (l’ancien nom renvoyait à celui de son ex), avant de décider de s’en séparer pour de bon. Que ce soit les rumeurs sur son contrat de mariage, ou l'infidélité d'Amber – dont la bisexualité n’est un secret pour personne –, Johnny balaiera le tout d'un air compréhensif… Amour, quand tu nous tiens... ! Une relation donc, en dents de scie, qui contraste avec les années paisibles passées au côté de Vanessa Paradis. Très discret quant à leur rupture, Johnny Depp avoue tout de même être resté en bons termes avec la mère de ses enfants. «Vanessa et moi,
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nous entendons merveilleusement bien. Il n’y a pas de gêne ou d’hostilité entre nous. C’est la vie qui passe, nous sommes restés quatorze superbes années ensemble et avons élevé deux enfants dont nous sommes tous les deux incroyablement fiers. J’aimerai Vanessa toute ma vie! » Une nouvelle page qui s'est tournée, tout comme la nouvelle qu'il a ouverte en prêtant ses traits à la nouvelle fragrance Dior Sauvage. « Je pense que l’âge, l’expérience et la sagesse nous donnent le recul et la capacité à dépasser certaines étapes que l’on n’osait pas franchir auparavant », explique l’acteur. Perdu dans le désert de Joshua Tree, quelque part entre Los Angeles et Palm Springs, la chemise légèrement entrouverte, les manches remontées laissant apercevoir des avant-bras tatoués et du khôl noir soulignant son regard profond… C’est ainsi fidèle à lui-même que Johnny Depp apparaît dans le spot publicitaire, laissant flotter derrière lui comme une aura animale, rappelant les tonalités de la fragrance musquée signée François Demachy : ténébreux et fauve, l’esprit délibérément indépendant.
CASSER L’IMAGE DU BEAU GOSSE Cette image, Johnny Depp se l’est forgée tout au long de sa carrière. Devenu idole des adolescentes à la fin des années 1980 avec le rôle de l’officier Tom Hanson dans la série 21 Jump Street, il a du mal à gérer le passage de l’anonymat à la célébrité et l’étiquette de beau gosse que la production lui colle. « Un jour, t’as de la peine à payer ton loyer et, le lendemain, les filles se jettent sur toi dans la rue. C’était très bizarre », se souvient-il. Un succès soudain qui contraste avec son enfance misérable, les déménagements fréquents, la pauvreté, la violence et des parents au bord du divorce. « A mes débuts, mes héros étaient John Barrymore, Lon Chaney et Marlon Brando, tous ces gars aux mille visages, et moi j’étais coincé dans cette série à jouer les belles gueules. Je voulais offrir au public quelque chose de différent et de nouveau à chaque fois. » Tim Burton sera le premier à lui donner la chance d’exprimer son génie dans le film fantastique Edward aux mains d’argent. « Pour le rôle d’Edward, je cherchais quelqu’un qui sache ce que ça fait d’être incompris. A l’époque où j’ai rencontré Johnny, on sentait ce malaise dans ses yeux », raconte le réalisateur. Un rôle quasiment muet, aux antipodes de ce que le jeune acteur avait pu faire jusque-là, et qui touchera le public par son incroyable sincérité. Reconnu pour son jeu d’acteur, Johnny Depp enchaîne avec des réalisateurs indépendants comme Emir Kusturica (Arizona Dream), Lasse Hallström (Gilbert Grape, Le Chocolat) ou Jim Jarmusch (Dead Man), marquant son attrait pour des personnages sombres (From Hell, Blow) et des univers déjantés à la Las Vegas Parano.
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Johnny Deep grimé en tueur à sang froid dans « Strictly Criminal »
« Bizarrement, je dirais que ce qui me ressemble le plus, c’est un mélange entre Edward aux mains d’argent et Jack Sparrow. » Mais c’est sur le tournage de « La Neuvième Porte » de Roman Polanski que la vie de Johnny Depp bascule à nouveau. Lors d’une soi-
rée, il rencontre Vanessa Paradis, pour qui le coup de foudre est immédiat. « Nous nous sommes rencontrés dans un bar et, trois mois après, nous nous sommes promis de ne plus nous quitter », a confié la chanteuse française. Tombant enceinte peu après leur rencontre, elle donne à Johnny Depp une fille et, par la même occasion, une nouvelle raison de vivre. « J’avais l’impression d’être né ce jour-là. C’est comme si un énorme brouillard s’était dissipé au-dessus de moi et je voyais clair. C’est elle qui m’a repêché. A sa naissance, j’ai dû revoir de fond en comble mon mode de vie. » Seize ans plus tard, Lily-Rose a bien grandi. Elle débute sa carrière dans la mode, pose pour Vogue et tourne déjà son troisième film, Planetarium, où elle donne la réplique à Natalie Portman. Une entrée dans la vie d’adulte qui terrorise son père, plus papa poule que papa cool : « Pour être honnête, je suis très inquiet. Je ne pensais pas que ça arriverait aussi tôt. Mais ce sont ses passions, elle fait ce qu’elle aime. Elle sait que je serai toujours là pour
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elle. » La naissance de sa fille puis, trois ans plus tard, celle de son fils Jack auront un impact décisif sur la carrière de Johnny Depp, désireux de faire des films pour ses enfants. Exit les personnages de freak, l’Américain tourne alors Charlie et la Chocolaterie, Alice aux pays des merveilles, Finding Neverland, mais surtout Pirates des Caraïbes. S’inspirant du chanteur Keith Richards et du personnage de dessin animé Pépé le Putois, Johnny Depp imagine le fameux capitaine Jack Sparrow, un pirate aux mimiques efféminées et égocentrique, mais extrêmement charismatique, qui fera de la franchise de Disney un des plus grands succès commerciaux. C’est d’ailleurs le tournage du cinquième épisode de la saga que Johnny Depp vient de terminer. Troquant le costume de pirate contre celui de rocker, il profite de son temps libre pour retourner à son premier et véritable amour : la guitare. En compagnie du guitariste d’Aerosmith, Joe Perry, et du chanteur de hard-rock Alice Cooper, il écume les scènes de Los Angeles pour faire la promo de son nouvel album de reprises rock, Hollywood Vampires, sorti en octobre dernier. Réalisant à 50 ans son rêve d’adolescent : percer dans la musique à Hollywood. —
L’INTERVIEW... Vous êtes devenu ambassadeur du nouveau parfum Dior. Que représente pour vous le mot « sauvage » ? « Sauvage » signifie beaucoup pour moi. Il évoque une forme d’humanité. Un « sauvage » est quelqu’un qui avance sans compromis. C’est assez amusant de constater que tous les personnages que j’ai interprétés vivent en dehors de la société. Un parfum est quelque chose de très personnel ; il me touche tout particulièrement. Ce qu’est parvenu à faire Dior avec Sauvage est très élégant, mais cette élégance est empreinte d’une certaine gravité. De quelque chose un peu sauvage, un peu « extrême ».
Lequel des personnages que vous avez joués vous ressemble le plus ? Bizarrement, je dirais que ce qui me ressemble le plus est un mélange entre Edward aux mains d’argent et Jack Sparrow. J’adore l’irrévérence de Jack et la pureté d’Edward. Jack est impertinent et les gens rient en le regardant. Edward, quant à lui, est tellement pur qu’il suscite un amour inconditionnel. J’ai eu le même sentiment de sécurité en jouant ces deux personnages. C’est le combat classique entre l’ange et le démon.
Comment s’est déroulé le tournage du spot avec JeanBaptiste Mondino ? Je lui avais dit qu’on devrait faire un film muet dans lequel la bande sonore jouerait le « rôle » principal. Travailler avec JeanBaptiste était sans contraintes, je me sentais vraiment libre. J’avais fait sa connaissance il y a quelques années, car c’est un ami proche de Vanessa. Nous avions déjà parlé de tourner un film ensemble il y a des années. On m’avait dit que lorsqu’on travaille avec lui, on en tombe illico « amoureux ». Moi, je suis tombé sous le charme quelques semaines avant le tournage. Jean-Baptiste est quelqu’un qu’on aime tout de suite parce qu’il reste « pur », authentique.
Est-ce qu’ils reviennent vous hanter de temps à autre ? C’est assez troublant parce qu’ils vivent tous encore en moi. Mais en même temps, je trouve que ce n’est pas normal que toutes ces personnalités cohabitent...
Le métier d’acteur, vous n’en rêviez pas au départ. Je suis devenu acteur par pur hasard... et par nécessité. Je galérais comme musicien et il fallait payer le loyer. C’est le cliché habituel : on arrive à Hollywood en quête d’un contrat avec une maison de disques. Une fois arrivé à LA, on se rend compte qu’on est au mauvais endroit. Il y avait tous ces groupes avec des mecs chevelus, les « hair bands ». C’est ce qui marchait à l’époque. On n’était pas vraiment prêts pour ça ! Le cinéma, je m’en tapais complètement. J’étais un musicien, un guitariste. C’était ce que je voulais faire. Mais je suis entré dans ce business et, trente ans plus tard, je suis toujours là. Vous disiez ne jamais regarder vos fi lms, pourquoi ? On ne peut pas revenir en arrière, donc à quoi ça sert ? On a droit à un certain nombre de prises pour avancer mais, après, c’est la vie... J’adore le processus de création, quel que soit le domaine. Quand j’étais enfant, j’avais tellement envie de jouer de la guitare qu’à l’âge de 12 ans, je m’en suis achetée une à 25 dollars. Je me suis enfermé dans ma chambre pendant un an, j’ai appris en regardant des photos d’accords, en écoutant des disques. C’est sûrement de cette façon que j’ai développé mon oreille musicale. C’est encore quelque chose qui m’aide, lorsqu’il s’agit de saisir les facettes d’un rôle, de façonner les détails d’un personnage. J’aborde mon travail d’acteur de la même manière que lorsque je joue de la musique : il ne faut jamais se répéter, aller plus loin… Ne pas avoir peur de l’inconnu.
Avez-vous une odeur favorite ? Une madeleine de Proust ? Quand je sens une eau de Cologne bon marché et « vieillotte », un truc de supermarché, elle me rappelle mon grandpère et des moments passés avec lui. Pour moi, le parfum joue un rôle primordial. C’est un peu « vieille école » et je l’apprécie, au même titre que le savoir-faire de l’artisan. Est-ce que vous regrettez de ne pas avoir poursuivi la carrière musicale ? Non, j’aime bien avoir cette deuxième vie décalée. Une vie où il n’y a pas de personnages à jouer, pas de mots. Rien sauf ce qui vient de mon cerveau, du cœur ou d’ailleurs, ça passe par les veines jusqu’aux doigts… La guitare reste mon premier amour. Mais si j’avais été obligé de jouer, partir en tournée pendant un an et retrouver des enfants qui ont grandi sans moi en rentrant, ça aurait été différent. Que faites-vous pour vous distraire ? De la musique, surtout en ce moment. J’ai un petit studio d’enregistrement et beaucoup, beaucoup trop de guitares, c’est décadent. Il y a de vrais bijoux, beaucoup de vintage. Elles sont accrochées partout sur les murs. Est-ce qu’on se sent libre en étant mondialement connu ? Ma définition de la liberté est la simplicité. L’anonymat. Peut-être que ce sera à nouveau possible pour moi quand je serai vieux. Quand les gens en auront marre de moi. « Hey, t’étais pas Johnny Depp, toi ? » Ce sera le moment décisif. Est-ce qu’il vous arrive d’avoir peur de la mort ? Je pense que personne n’est vraiment prêt pour mourir. J’espère juste que quand la mort toquera à ma porte, j’aurai dit tout ce que j’avais à dire. Personne n’a envie de mourir en plein de milieu d’une phrase. —
HAUTE JOAILLERIE
Brillant ! Par Nathalie Koelsch | Illustrations Carine Bovey
Imaginative, fascinante, éblouissante, les qualificatifs ne manquent pas pour évoquer la haute joaillerie, qui ne cesse de trouver de nouveaux accords pour séduire. Cette année encore, elle déploie ses atours magnifiques pour mieux plaire, prenant le parti de l’exubérance et du chatoyant. Chaque joaillier avec les caractéristiques qui lui sont propres a imaginé et réalisé une collection qui lui ressemble, qui retrace son histoire et évoque les valeurs qui lui sont chères. La diversité de leur style et leur créativité étourdissent, mais elles se retrouvent toutes dans l’excellence de leur art, la souplesse de leurs emmaillements, la rondeur et la volupté de leurs lignes.
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Véritables sources d’inspiration artistiques, les fleurs ont donné naissance à de magnifiques bouquets de joaillerie. GRAFF DIAMONDS a dompté la nature pour l'une d'elles. Sa précieuse interprétation du carissa, « bien-aimé » en grec, une fleur tropicale exubérante aux cinq pétales longilignes, témoigne de l’expertise du joaillier. Les pétales de diamants taille poire des fleurs s’étalent sur une somptueuse collerette de rubis et de diamants éclatants. Toutes les tailles poire, rondes, coussin se mettent au service du joaillier pour réaliser le plus éblouissant collier, dans lequel chaque pierre délicatement articulée évoque le mouvement des fleurs bercées par le souffle léger du vent. Poire, ronds et ovales, les rubis se déploient en cascade et enchaînent un fascinant ballet pour épouser avec souplesse la forme du cou.
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HAUTE JOAILLERIE
Fasciné par cette gemme mystérieuse, CHOPARD a semé un extraordinaire jardin de fleurs d’opales noires. Opulente, sulfureuse, flamboyante ou vénéneuse, l’opale nourrit les fantasmes et l’imaginaire collectif pour resplendir dans une fantastique collection de haute joaillerie composée de saphirs, d’améthystes, de tsavorites, de rubis, de spinelles et de diamants noirs. Issues de la mine artisanale Aurora Gems en Australie, les opales noires laissent glisser leurs insaisissables reflets sur leur surface iridescente. Montée sur du titane, la flamboyante gemme de la bague Fleur d’Opale trône au centre d’une dentelle de pétales délicatement ciselée et pavés de saphirs violets et d’améthystes, tandis que de pétillantes tsavorites sur or blanc prolongent le corps de bague dans un vibrant accord de verts.
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La légende de HARRY WINSTON se poursuit depuis huit décennies, à travers la beauté et la pureté des gemmes. Facétieux, l’homme avait le culte du secret et aimait dissimuler des pierres fabuleuses au fond de ses poches, mais ne les dévoilait jamais. Pourtant, il a laissé un nom qui résonne d’une incroyable modernité. Sa nouvelle collection lui rend hommage et souligne son goût des secrets. « Secrets par Harry Winston » rappelle que derrière la brillance de chaque création existe plus de splendeurs que ce que les yeux ne peuvent voir. Chaque pièce unique possède son mystère. Le collier Secret Wonder déploie sa cascade de diamants autour d’un étincelant médaillon orné de diamants poire et brillant, de saphirs et d’aigues-marines. Magnétique il cache la douceur et la délicatesse dans une opulente chute de diamants.
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Avec « Soie DIOR », Victoire de Castellane joue sur les mots comme elle joue avec les pierres précieuses. Portée par sa fantaisie et sa liberté d’expression, elle imagine la plus couture de ses collections en nouant un ruban de soie, comme un lien jeté entre couture et joaillerie. Facétieuse, elle l’enroule, le plisse et le fige dans une pose instantanée et gracieuse. Chaque pièce de la collection capture avec spontanéité le mouvement du tissu, l’or se fait rivière pour suivre chaque tombé de tissu. Un plissé retient un saphir, un cordon dénoué ondule et porte un diamant en suspension dans de charmantes compositions, tandis que la souplesse de la soie se glisse dans chaque gemme. Le ruban de saphirs roses de la bague Galon se tourne, se perd dans le bouquet de diamants poire et brillant qui supporte une magnifique émeraude. La beauté et la transparence des pierres évoquent la richesse des tissus et la brillance de la soie, exacerbée par la finesse et l’excellence de l’exécution des bijoux. Le secret de l’inspiration de BULGARI se cache dans la lumière des pierres précieuses aux teintes chatoyantes que le joaillier aime tant. Si l’âme de Bulgari se niche dans les gemmes étincelantes, elle explose dans les luxueuses compositions chromatiques de «Jardins à l’italienne», sa collection de haute joaillerie, qui illustre avec éclat toute la richesse et l’audace de l’école de la joaillerie italienne. Les arabesques à la savante géométrie ensorcellent et réunissent les éléments les plus évocateurs de l’art du jardin, où se côtoient la noblesse graphique des haies et la somptuosité des parterres de fleurs. Ses éclatantes gouttes de jade, montées en boucles d’oreilles, suspendues à des poires de diamants, resplendissent d’une élégance inouïe. Entre ses broderies et ses pampilles de diamants calibrés, elles renouent avec la délicatesse des festons qui soulignent la couleur insolente du jade.
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Emu par la similitude entre l’art de la danse et l’art de la joaillerie, DE GRISOGONO célèbre le ballet dans sa dernière collection de haute joaillerie « Opéra ». Le chemin est long pour transformer la pierre brute en un joyau qui rayonne au centre d’un collier, tout comme le travail d’une danseuse se compte en années d’abnégation et de passion pour accéder à son rêve et devenir étoile. Tel un maître de ballet qui détecte les talents, le joaillier suit son instinct qui le guide vers une pierre ou une composition dans laquelle les gemmes se muent en étoiles. Lumineux pas-de-deux sur une chorégraphie de saphirs et diamants, le collier Variations brille de mille feux entre camaïeu de bleus et opulence de pierres précieuses, comme un éblouissant corps de ballet sur la scène de l’Opéra. Le saphir central rayonne sur une voie lactée de diamants.
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« Etourdissant » n’est pas un vain mot pour décrire la dernière collection de CARTIER, inspirée des lumières brûlantes et des couleurs saturées de la côte méditerranéenne. Sous l’éclat impitoyable du soleil estival, entre le bleu azur, l’ocre des rochers, le velours noir de la mer, le clair-obscur du crépuscule, la palette de couleurs infinie et changeante de la Riviera a envahi l’imaginaire de Cartier, qui l’a transformée en une éblouissante collection de haute joaillerie. La manchette Romanov, ornée d’un fragment d’azur de 197,80 carats d’un bleu pâle nimbé de rose, raconte un passage d’histoire à travers ce fascinant saphir de Ceylan, porté par la tsarine Maria Feodorovna. Cette gemme secrète aux mille facettes et aux mille vies bat aujourd’hui au cœur d’une manchette brodée d’un givre de diamants tissé de rayons et de faisceaux précieux.
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Les Talismans de CHANEL, telles des protections précieuses, répandent leur pouvoir magique à travers leurs éclats hypnotiques, leur forme répétitive et leurs gemmes éblouissantes. Joyaux magnétiques, créations mystérieuses, ils proposent un voyage au cœur de l’émotion. Les motifs quadrilobes qu’ils reproduisent exhalent une étrange alchimie, renforcée par la puissance du diamant et les lignes qui convergent vers le centre de chaque pièce. Le camélia, émaillé, reproduit sur le plateau de la bague Fascinante, concentre les thèmes chers à Chanel, entre un duo chromatique bicolore et la fleur emblématique dont le cœur bat d’un diamant éclatant. Le noir et le blanc s’opposent, se répondent dans un ballet envoûtant et incessant. Les motifs diamants qui encadrent le corps de la bague soulignent de leur blancheur les délicats pétales noirs.
VAN CLEEF & ARPELS a laissé voguer son regard sur la ligne d’horizon pour donner naissance à « Seven Seas », qui se lit comme un récit de voyage. Les reflets de l’Adriatique et de la Méditerranée côtoient ceux de la mer Caspienne et de la mer d’Arabie, les confins de l’Atlantique et de l’océan Indien inspirent des ruissellements de lumière, tandis que les associations de matières évoquent la mer Rouge et la mer Noire. La mer Noire au nom empreint de mystère fascine et inspire un mystérieux sautoir Rose des Vents qui irradie de lumière sous les rayons paisibles de la lune. Perles de culture blanches et boules d’onyx se mêlent pour composer des rangs asymétriques, évoquant les reflets de l’onde endormie. Un motif réversible vient rythmer ce sautoir nocturne, entre serti de diamants d’un côté et dégradé de saphirs et de spinelles de l’autre. 88
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Depuis 1886, la maison ADLER se concentre sur les pièces de haute joaillerie et de joaillerie qu’elle imagine, fabrique et vend, portée par sa passion pour les pierres précieuses d’exception. Traditionnelles mais contemporaines, ses réalisations révèlent le goût du défi et l’amour de la perfection du joaillier, qui puise son inspiration aux quatre coins du monde. La peinture, la littérature, l’architecture ou les cultures nourrissent sa fibre créative, ravivent une histoire, une rencontre, un voyage et véhiculent une idée magique qu’il interprète en pièce de joaillerie. Son solitaire poire, pure merveille d’équilibre et de légèreté, attire tous les regards avec son diamant de 7,75 carats, suspendu en lévitation sur le doigt et protégé par une liane pavée de diamants. Un raffinement qui oscille entre opulence et délicatesse aérienne.
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Avec la collection « Secrets & Lights », PIAGET s’engage sur la Route de la soie. Une collection haute en couleur, à l’image de Venise et de Samarcande, les citées légendaires qui ont fait rêver tant de voyageurs. La Sérénissime et ses canaux envoûtants ont inspiré « Secrets de Venise », une mystérieuse collection de plumes, d’émaux et de gravures inspirée des splendeurs architecturales de la tour du clocher (restaurée par Piaget en 1997) du pont des Soupirs, de la basilique Sainte-Marie et des lions emblématiques. Quant à l’esprit de l’Orient, il se diffuse à travers la dentelle des moucharabiehs et vibre dans les Lumières de Samarcande, inondée par l’éclat des turquoises rehaussé de splendides émeraudes de Colombie. La manchette d’or rose sertie d’une résille de diamants a capturé dans ses perles de turquoise toute cette beauté.
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HAUTE JOAILLERIE
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« Masterpieces 2015 », la nouvelle collection de haute joaillerie de TIFFANY & CO, s’inspire de la ligne d’horizon de New York, qui s’élève jusqu’aux étoiles naissantes. Fascinée par la ville, elle célèbre une vision glamour empreinte d’une modernité extrême. Entre maillons d’or, glands souples et diamants taille rose, les joailliers de Tiffany alternent les textures, qui se complètent avec grâce. Les diamants de taille princesse, coussin, baguette et brillant se succèdent, sertis sur du platine. Les lignes 1930 du collier en or rose orné d’alvéoles dans lesquelles se nichent des diamants rivalisent d’élégance et de modernité. Chef-d’œuvre contemporain, il mêle la souplesse extrême des maillons, l’effet de puissance illustré par les chaînes, la richesse du diamant et la fantaisie des pampilles serties de brillants. Depuis 1888, la maison BUCHERER poursuit son évolution et la création de collections d’exception réalisées dans ses ateliers lucernois. Sensible à la beauté des pierres précieuses et des gemmes rares, le joaillier exprime dans la perfection des détails et l’utilisation des matériaux nobles son goût pour les belles pièces et son amour du travail bien fait. Chacun de ses bijoux reflète sa créativité, sa passion et son savoir-faire. Ses pièces uniques mettent en scène une pierre extraordinaire, montée en solitaire ou entourée d’une profusion de pétales pavés de diamants jaune et cognac, ourlés d’or blanc. Sa bague fleur sertie d’un diamant de 6,5 carats révèle la virtuosité des joailliers qui ont su jouer sur les volumes et l’élégance d’un bijou de caractère.
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HAUTE JOAILLERIE
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C’est en Inde, à la lumière d’une rencontre entre BOUCHERON et l’actuel maharadjah de Jodhpur, qu’est née la collection de haute joaillerie « Bleu de Jodhpur », une audacieuse création qui trace les frontières d’une Inde contemporaine et fascinante où l’innovation accompagne la beauté de la tradition. Entre la Cité du soleil et le joaillier de la Ville Lumière, les affinités et les liens se tissent depuis le XIXe siècle. De nouveaux matériaux comme le marbre et le sable ou encore des jeux sur les volumes et les matières parsèment une collection dont les noms, Jodhpur, Indian Palace, Garden et Cosmos, Maharani, résonnent comme autant de lieux évocateurs et de termes enchanteurs ouverts sur une Inde fascinante. Du jardin paradisiaque, Boucheron a extrait la palette vive que la flore et la faune échappées d’un Eden rêvé s’étaient appropriée. Le collier Fleur de Lotus s’épanouit en rubellites, saphirs jaunes et diamants sertis sur l’or rose et l’or blanc. Joséphine, éternelle muse et femme de goût dont la riche et brillante personnalité veille depuis sa création sur la destinée de la maison CHAUMET, a su cultiver un hédonisme raffiné où le plaisir des sens se conjuguait à la délicatesse. Amoureuse passionnée, elle a donné aux sentiments l’éclat du diamant et la légèreté de la dentelle. Portés par son style tout en finesse, les joyaux et les pierres les plus rares parlent d’amour, illuminent l’existence et s’accordent avec le bonheur. En écho aux élans de son inspiratrice, la collection Joséphine perpétue ce style à l’élégance subtile, où la tradition experte se met au service d’une créativité contemporaine. Rondes de Nuit, imaginé autour d’un diamant poire exceptionnel de 3,34 carats, cerné de brillants et de baguettes ajustées disposés en motifs concentriques, irradie d’une lumière éblouissante que ses volumes sculptés et ses rondeurs adoucissent.
RENCONTRE HORLO
BULGARI SUBLIME LA FEMME Interview Fabrice Eschmann | Photos Guillaume Perret > lundi13
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Nommé à la tête du groupe Bulgari en juin 2013, Jean-Christophe Babin n’a pas perdu de temps : en quelques mois, le nouveau CEO a lancé une nouvelle collection horlogère, une nouvelle collection joaillière et un nouveau parfum. Entretien avec le CEO d'une marque presque entièrement dédiée à la femme.
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SÉLECTION HORLO
INNOVATION & TALENT Avec ses quinze maisons légendaires, le Salon international de la haute horlogerie concentre depuis vingt-six ans la quintessence du savoir-faire helvétique. En 2016, il a décidé d’innover : nouveau décor, mais surtout nouvelle philosophie, avec la naissance du Carré des Horlogers. Cet espace accueillera neuf créateurs indépendants internationalement reconnus. Par Fabrice Eschmann | Photos Carine Bovey
A. Lange & Söhne
1815 « 200th Anniversary F. A. Lange » en or miel A l’occasion du bicentenaire de son fondateur, Ferdinand A. Lange, la manufacture saxonne a choisi de présenter une pièce alliant tradition et innovation : son cadran en argent a reçu un fin placage en argenture grainée, rappelant les montres d’observatoire ; quant à l’or du boîtier, il n’est ni jaune ni rose, mais constitué d’un alliage à la teinte mielleuse. Edition limitée à 200 exemplaires. CHF 30'000.–
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Cartier
Clé de Cartier L’Heure mystérieuse Créée en 2015 et présentée pour la première fois au SIHH, la collection Clé de Cartier voit ici déjà arriver une nouvelle représentante. L’Heure mystérieuse, avec ses aiguilles qui semblent flotter dans le vide, est une spécialité de la maison. Ce modèle en palladium de 41 mm de diamètre arbore tous les codes de la haute horlogerie Cartier : chiffres romains, chemin de fer de la minuterie, aiguilles en forme de glaive. CHF 64'500.–
Jaeger-LeCoultre
Geophysic Universal Time En 1958, pour l’Année géophysique internationale, Jaeger-LeCoultre développa une montre capable de résister au champ magnétique. Cette pièce a hérité de cette ingéniosité : équipée d’un mouvement qui bénéficie des dernières avancées de la marque, elle se manipule avec une simplicité étonnante. En voyage, il suffit de changer l’aiguille des heures, indépendante des autres. Le disque 24 heures suit automatiquement. Boîtier en acier. CHF 14'800.–
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SÉLECTION HORLO
Hautlence
Tourbillon 01 Premier tourbillon pour Hautlence, qui profite ici de synergies avec sa petite sœur H. Moser & Cie, appartenant elle aussi à MELB Holding. Ce calibre de manufacture à remontage automatique offre les fonctions heures, minutes, second fuseau horaire et est doté d’une réserve de marche de trois jours. Le boîtier de 44 mm de diamètre marie or rose et inserts en titane recouverts de PVD noir. CHF 88'000.–
Piaget
Limelight Stella Cette pièce est la première montre à complication dédiée aux femmes, intégralement développée et conçue à l’interne, équipée d’un mouvement à remontage automatique. Sa phase de lune ne nécessite qu’une correction d’un jour tous les 122 ans. Serti de 14 diamants taille brillant, le cadran ovale joue élégamment avec le boîtier rond en or rose de 36 mm de diamètre. CHF 21'300.–
Urwerk
UR-106 « Lotus » Spécialiste des mouvements satellitaires, Urwerk offre ici sa première montre pour femme. Trois satellites portant chacun quatre index des heures forment une fleur de lotus stylisée. Chacun leur tour, les satellites viennent balayer l’arc de cercle des minutes, indiquant le temps de façon analogique et digitale. Une phase de lune en lapis-lazuli et une lunette sertie viennent parachever l’œuvre. Série limitée de 2 x 11 pièces. CHF 89'250.–
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Officine Panerai
Luminor 1950 3 Days Titanio DLC La date 1950 renvoie à l’année de création du boîtier équipé du dispositif protège-couronne. Le cadran fait lui aussi référence à l’histoire de Panerai : la partie supérieure arbore des chiffres romains, alors que la partie inférieure affiche des chiffres arabes. Appelé « California », ce design hyper-lisible est celui de la première Panerai de l’histoire, la Radiomir de 1936. Boîtier en titane. Edition limitée à 300 exemplaires. CHF 10'900.–
IWC
Portofino Automatic 37 Plus petite (37 mm de diamètre), en acier et désormais sertie de 66 diamants, la Portofino s’adapte enfin au poignet féminin. Son mouvement mécanique à remontage automatique propose les fonctions heures, minutes et secondes au centre, ainsi qu’une date à réglage rapide. De plus, pour permettre une mise à l’heure très précise, l’aiguille des secondes peut être arrêtée par le biais de la couronne. CHF 10'200.–
Vacheron Constantin
Maître Cabinotier Régulateur Quantième Perpétuel Au XVIIe siècle, les régulateurs ou horloges mères servaient de référence dans les ateliers de fabrication ou les observatoires astronomiques. Leur affichage dissocié faisait de ces pièces de véritables outils de précision. Ce modèle unique possède de plus un quantième perpétuel affichant la date, le jour de la semaine, le mois, les années bissextiles et une phase de lune. Boîtier en or de 42 mm de diamètre. Prix sur demande.
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SÉLECTION HORLO
Parmigiani
Tonda 1950 Tourbillon Cette nouvelle Tonda possède un mouvement à tourbillon volant et micro-rotor d’une finesse encore jamais vue : 3,4 mm d’épaisseur seulement. L’organe oscillant, dont la cage en titane ne pèse que 0,255 g, a été placé à 7h08 sur le cadran, clin d’œil à l’heure de naissance du fondateur de la marque. Ce modèle existe en cinq versions: cadran jade blanche ou noire, nacre grise, bleu Côte de Genève ou blanc grainé. CHF 130'000.–
Van Cleef & Arpels
Lady Arpels Martin-Pêcheur Azur La maison parisienne s’est faite la spécialiste des « Cadrans Extraordinaires », une marque qu’elle a d’ailleurs déposée. Avec son expertise joaillière, elle revient avec une série de garde-temps qui rendent hommage à la nature. Le cadran en turquoise et lapis-lazuli représente ici l’océan que survole un martin-pêcheur réalisé en marqueterie de pierres et plumasserie miniature. Edition limitée à 22 exemplaires. Prix sur demande
Montblanc
Heritage Chronométrie Exo Tourbillon Minute Chronograph Vasco da Gama Diamonds L’œil est d’abord attiré par le balancier à 6h, placé à l’extérieur de la cage du tourbillon. Cette architecture brevetée permet l’économie de 30% d’énergie. Le second sujet d’étonnement est le cadran en aventurine, référence au ciel étoilé de l’hémisphère Sud. Boîtier en or blanc de 44 mm serti de 76 diamants. Un 77ème, taille brevetée, se trouve sur le cadran. Edition limitée à 25 exemplaires. CHF 52'500.–
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Richard Mille
RM 011 Chronographe Flyback Geneva Boutique Edition La réouverture de la boutique Richard Mille à Genève donne l’occasion à l’horloger de présenter cette série limitée de 15 exemplaires. Usiné dans du titane, le mouvement offre un calendrier annuel, un chronographe flyback et un compte à rebours. Cette pièce se caractérise par un boîtier en céramique TZP et une carrure, une couronne et des poussoirs en carbone NTPT. Livrée à choix sur un bracelet velcro rouge ou jaune. CHF 148'500.–
MB&F
HMX Dix ans déjà que le designer Max Büsser crée des Horological Machines hors du commun. Pour cette étape importante, il a choisi la sobriété d’une pièce plus compliquée qu’il n’y paraît. Deux disques tournant au-dessus du mouvement affichent les chiffres des heures et des minutes. Ils sont ensuite réfléchis à 90° et agrandis par deux prismes en saphir qui les projettent à la verticale sur le cadran frontal. Edition limitée à quatre séries de 20 pièces. CHF 29'000.–
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QUELLE TRAJECTOIRE !
LA CAPSULE REVANCHARDE
A
près avoir quitté Nestlé en 1997, où « il s’ennuyait », passé deux ans aux Etats-Unis et géré d’autres sociétés, Jean-Paul Gaillard décide en 2007 de « revenir dans le café en capsule en étudiant d’abord le marché, l’état de la technique, la concurrence et les lois relatives aux brevets ». Il découvre alors qu’il peut, d’une manière tout à fait légale, développer une capsule compatible Nespresso® biodégradable. C’est ainsi que naît en 2008 Ethical Coffee Company (ECC), dont le siège est à Fribourg et l’usine de fabrication en France voisine, à Ville-la-Grand. Le défi est d’offrir aux amateurs un excellent expresso italien en capsule, tout en respectant l’environnement, « l’A DN d’ECC », selon son créateur.
DES MILLIARDS DE CAPSULES Les premières dosettes font leur apparition en 2009 sous des marques de distributeurs avec le groupe Casino (Casino, Leader Price, Monoprix, Franprix). L’appui d’un groupe fort est une décision stratégique et, immédiatement, la courbe du
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succès est exponentielle grâce à l’innovation et à la qualité du café. Et comme le précise avec malice Jean-Paul Gaillard, « si, malgré la libre concurrence, Nestlé a concentré tous ses efforts contre nous, c’est qu’on proposait un produit dangereux pour eux». Dans un marché où se pressent plus d’une soixantaine de concurrents et où se vendent environ 10 milliards de dosettes rigides haute pression type Nespresso®, on comprend que la bataille soit rude. Mais le président d’ECC n’hésite pas une seconde à affirmer que, « sans les entraves et les dégâts inestimables de l’affaire Nestlé, nous aurions déjà notre deuxième usine et nous produirions au minimum 1 milliard et demi de capsules ! Nous disposons du seul produit qui soit supérieur en qualité à Nespresso®, lequel tient toujours 80% du marché. Mais notre objectif, c’est quand même 3 à 4 milliards de capsules. »
PHILOSOPHIE ET ÉTHIQUE RESPONSABLES Le développement durable est une question qui a interpellé le fondateur d'Ethical Coffee Company dès le début. En
Lorsqu’il crée Ethical Coffee Company en 2008, Jean-Paul
Gaillard n’imagine pas encore qu’il va provoquer un tsunami chez Nestlé, le géant de la capsule Nespresso®. Aujourd’hui, avec une production annuelle de 350 millions de dosettes compatibles, il prévoit de dépasser rapidement son célèbre concurrent. Reportage Patrick Galan
effet, les milliards de dosettes en plastique ou aluminium sont responsables d’une empreinte carbone déplorable et représentent des tonnes de déchets qui étouffent la planète. De plus, leur recyclage n’est pas efficace. Après deux ans d’études pour créer une capsule préservant l’arôme du café tout en minimisant l’impact sur l’environnement, le service R&D d’ECC est parvenu à mettre au point un produit à base de fibres végétales et d’amidon qui se dégrade rapidement. La formule, « entièrement biosourcée, ne comporte aucun polymère issu du pétrole, puisque même les colorants sont tirés de la nature ». La première capsule expresso compatible Nespresso® entièrement biodégradable est née.
ne servent à rien ! Notre usine est fonctionnelle, elle n’a pas de marbre, de pièce d’eau, ni d’œuvre d’art. Nous avons juste choisi de mettre en valeur le goût du véritable expresso à l’italienne : une légère amertume, agrémentée de quelques notes acides et fruitées. Nos capsules incarnent un mode de consommation intelligent, moins coûteux et responsable. » Un conseil, pour terminer ? « La prochaine fois que vous dégusterez l’expresso d’une de nos capsules, faites surtout très attention à le boire en petite tasse, remplie idéalement aux deux tiers. En effet, et c’est la beauté du café en capsule, la conception de ce type d’expresso a été, à la base, exclusivement dédiée au vrai expresso à l’italienne. »
MODE DE CONSOMMATION INTELLIGENT
Tout à son succès, Jean-Paul Gaillard rêve d’une future implantation en France (du côté de Viry) et du jour où, comme dans certains Etats américains, un produit non biodégradable sera interdit s’il existe un produit équivalent biodégradable. Et, là, ses concurrents auront du souci à se faire ! —
Meilleur café, dosette biodégradable moins chère, comment l’équation est-elle possible ? Le volubile Jean-Paul Gaillard a la réponse : « C’est simple, nous avons peu de frais généraux, pas de boutiques, pas de publicité avec des stars de cinéma qui
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SUR LE GRIL
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VIENS VOIR LE DOCTEUR… Par Gaëlle Sinnassamy
R
Embourbé dans un déluge d’accusations de viol, Bill Cosby, le plus célèbre gynécologue de la télévision américaine, alias le docteur Heathcliff Huxtable, risque le trou. Cosby, le show, serait-il enfin fini?
ègle numéro un pour tout acteur qui se respecte : savoir se glisser dans la peau de son personnage. Par excès de zèle, certains jouent les prolongations en dehors des plateaux. C’est le cas de Bill Cosby, qui se plaît à dégainer son speculum à tout ce qu’Hollywood compte de wannabe starlettes. Mais où le bât blesse-t-il ? Dans sa fougue, le gynécologue du petit écran ne se contenterait pas d’ausculter des demoiselles consentantes. Son modus operandi : assommer ses « patientes » à coups de sédatifs pour mieux les abuser. Une anesthésie générale pas tout à fait raccord avec la déontologie de la profession. Stakhanoviste de l’exploration vaginale sans accord préalable, le comique septuagénaire à la bonhomie affable ne serait donc rien de moins qu’un violeur en série. Et quand on aime, on ne compte pas : à son palmarès, plus d’une cinquantaine de femmes. Trente-cinq d’entre elles ont même posé pour la une du New York Magazine en juillet dernier pour dénoncer les faits. Judith Huth, Sharon Van Ert, Pamela Abeyta, Lisa Christie, Donna Barrett, le tableau de chasse du pervers pépère n’en finit pas de s’allonger… sans qu’il s’en inquiète outre mesure. Marié depuis un demi-siècle à Camille, mère de ses cinq enfants, l’époux modèle garde le silence. Seule une déposition de 2005 rendue récemment publique fait état d’une déclaration où il admet avoir administré des narcotiques à une jeune fille avant un rapport sexuel. Pas de quoi fouetter un chat selon lui, mais largement assez pour semer le doute, si doute il y avait encore. Moche. Surtout pour une superstar érigée en symbole du rêve yankee. Premier Noir à avoir créé une sitcom à son nom composée d’un casting exclusivement afro-américain, William Henry Cosby Jr. a mis en scène, huit saisons durant, le quotidien d’une famille aisée vivant à Brooklyn. Il y interprétait le fameux Dr. Hea-
thcliff Huxtable, un gynécologue qui coulait des jours heureux avec Claire, sa femme avocate, et leurs cinq rejetons. On se souvient encore – il faut dire que les rediff usions n’ont pas manqué – des mimiques forcées, des cabrioles incessantes, des pulls improbables et de l’humour lourdingue du papa gâteau de Sondra, Denise, Theo, Vanessa et Rudy. Pendant des décennies, le Cosby Show caracole en tête des séries les plus populaires des Etats-Unis, tandis qu’au sommet de sa carrière, le monstre sacré de la télévision empoche jusqu’à 4 millions de dollars par mois. Une success-story qui sent désormais le soufre à plein nez. Car si les procédures contre celui que tout désigne comme un prédateur sexuel peinent à aboutir, manque de preuves et prescription des actes obligent, la sanction médiatique, elle, est sans appel. Exit projets télévisuels et one-man-show, le docteur est invité à fermer son cabinet. Et pourtant… Aujourd’hui encore, l’idole déchue se classe au top des humoristes américains les mieux payés. Selon le magazine People with Money, le businessman aurait empoché l’an dernier 108 millions de dollars, soit une hausse de près de 70 millions par rapport à l’année précédente. Fort de placements boursiers juteux, d’un patrimoine immobilier XXL, de contrats publicitaires lucratifs, il possèderait en outre une chaîne de restaurants à Washington, « Chez l’Gros Bill », et un club de football dans sa ville natale à Philadelphie, et prêterait son nom à une ligne de vêtements, « Cosby Seduction », ainsi qu’à un parfum, baptisé « L’Eau de Bill ». Une manne colossale qui n’empêche pas Bill d’avoir les boules. Une plainte pour agression datant de 2008 vient juste d’être déposée. Des faits qui peuvent donc encore donner lieu à des poursuites. Une première. Bien que défendu par une armada d’avocats, le Doc Gynéco chéri de l’Amérique pourrait bien enfin avoir à jouer de son spéculum en solo… et derrière les barreaux. —
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EN VOGUE
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Ani-mal chic Des bottes à
la chapka, Sa fourrure comme seconde peau, Réveille la louve qui sommeille en elle.
Réalisation et Stylisme Christian Biyiha | Photographe Yan Senez Assistante styliste Gaëlle Novak | Coiffure Kevin Rajsavong > B-Agency | Assistant photographe Laurent Amiel Maquillage Monica Bibalou > B-Agency | Mannequin Tiffany Johnson > VM Models
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Robe et chaussures Elie Saab, collier Chopard haute joaillerie, bague et bracelet Chanel haute joaillerie, montre Chaumet. Page de gauche Robe Azzaro Couture, gants Sprung Frères, collier plastron vintage Thierry Mugler PhylÊa, bracelet Chanel haute joaillerie.
Robe Alexis Mabille Couture, fourrure Sprung Frères, collier et bague Chanel haute joaillerie. Page de gauche Fourrure Sprung Frères, cuissardes Phyléa.
Brassière et jupe longue asymétrique Karoline Lang Couture, fourrure Sprung Frères, plastron création Damien Laturaze pour Phyléa.
DÉTENTE
À DEUX (S)PAS DE CHEZ VOUS Une piscine extérieure chauffée à 35°C, une vue à couper le souffle, des soins aux diamants, un hammam en marbre et de la musique diff usée sous l’eau, les spas, ces temples du bien-être, se muent en palaces cinq étoiles pour nous chouchouter jusqu’au bout des pieds. On a choisi les meilleurs pour vous. Par Andrea Machalova
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LUCERNE VILLA HONEGG Perchée à 914 m d’altitude, la Villa Honegg jouit d’une situation géographique exceptionnelle. Coupée de l’agitation citadine, elle se déploie tel un joyau au-dessus du lac des Quatre-Cantons et ne se trouve qu’à vingt minutes du centre de Lucerne. L’hôtel, construit en 1905 et entièrement rénové en 2011, compte 23 chambres et suites au confort cinq étoiles. Il est reconnu pour son spa, qui renferme un sauna, un bain à vapeur, une fontaine à glace, un fitness et propose une gamme de soins et de massages lâcher-prise. Il compte également deux piscines, une intérieure, chauffée à 26°C avec courant à sens contraire et diffusant de la musique sous l’eau, l’autre extérieure, chauffée à 34°C, dotée d’un jacuzzi et offrant une vue incroyable. Un must, lorsque le soleil se couche et colore les eaux du lac de teintes vermeilles. On craque également pour son restaurant, récompensé de 14 points par Gault & Millau et son petit déjeuner à la carte, servi jusqu'à 14h. Villa Honegg
www.villa-honegg.ch
GSTAAD LE GRAND BELLEVUE
LAUSANNE BEAU-RIVAGE PALACE
Niché dans un vaste parc au seuil de la promenade de Gstaad, Le Grand Bellevue offre le summum du luxe. Son spa de 3'000 m2 est un sanctuaire de bien-être, alimenté par une source née au cœur des Alpes. Il est équipé d’une piscine intérieure, d’un jacuzzi, d’un sauna finlandais, d’un sauna bio, d’une grotte de glace, d’un bain turc à vapeur, d’une grotte saline et d’un laconium. Des retraites de yoga ou de gym Pilates et divers programmes de soins s’adaptent aux besoins des clients les plus exigeants. Pour ceux qui aimeraient prolonger le plaisir en séjournant sur place, l’hôtel dispose de 57 chambres, dont neuf suites, décorées avec goût, qui gardent le charme d’une maison de campagne. Quant au restaurant Leonard’s, une étoile au Guide Michelin et 14 points au Gault & Millau, il propose une cuisine bistronomique dans un cadre décontracté.
Découvrir ce palace majestueux, niché dans un jardin de 4 hectares sur les rives du lac Léman, c’est revivre le faste de la Belle Epoque. En arpentant ses larges couloirs, on s’attendrait presque à croiser Victor Hugo, Charlie Chaplin ou Coco Chanel, des habitués de l’établissement cinq étoiles. Le palace vaudois a toutefois su se renouveler au fil du temps, comme en témoignent ses 168 chambres, dont 34 suites, entièrement rénovées et équipées des dernières technologies. Un confort princier que l’on retrouve dans son Spa Cinq Mondes, se déployant sur plus de 1'500 m2. Ici, on se laisse initier aux rituels du monde entier, tels les fameux massages taoïste, ayurvédique ou balinais. Une promenade de pluie tropicale, une piscine intérieure de 18 m, une piscine extérieure chauffée en hiver, un sauna, un hammam, un jacuzzi et un fitness complètent l’offre.
www.bellevue-gstaad.ch
www.brp.ch
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BEAUTÉ
L’HIVER EN DOUCEUR Si on les classe SOUVENT parmi les produits « cocoon », c’est que tous sont conçus pour nous PROTÉGER, nous réhydrater, nous réparer. La nouveauté, c’est qu’ils le font en toute discrétion. Dans des textures LIGHT dopées en actifs réparateurs. Par Marie-France Longerstay | Photo Oriana Layendecker
Anti-radicalaire par excellence, le resvératrol, issu des sarments de vigne, est ici associé à l’acide hyaluronique pour stimuler la production du collagène et de l’élastine. Caudalie, Resveratrol [Lift], Tisane de Nuit. CHF 49.– les 50 ml. Pour lutter contre les problèmes d’inconfort et de tiraillements liés à la sécheresse, rien de tel que l’extrait de camélia Alba, associé à l’huile précieuse de camélia. Chanel, Hydra Beauty Nutrition. CHF 103.– les 50 ml. Inspirée par la médecine régénérative, une crème sensorielle, enrichie en protéine dite d’« immortalité », en acide hyaluronique, en extraits de fleurs noires nutritives et anti-oxydantes. Lierac, Premium, La Crème Voluptueuse. CHF 161.– les 50 ml. Véritable sur-mesure par sa combinaison crème-sérum personnalisable (huit sérums à choix, dont cinq ultra-régénérants), une technologie qui, sur la base d’un diagnostic pointu, permet de s’offrir le soin le mieux adapté à sa peau. Ioma, Ma Crème. CHF 149.– les 50 ml. Certifiée bio et surtout exceptionnelle par ses qualités régénérantes, l’orchidée Gold est au cœur de ce masque que l’on compare à un bain d’énergie. Guerlain, Orchidée Impériale. CHF 470.– les 50 ml. Difficile de trouver plus globale que cette crème sensuelle aux précieuses molécules de rose. La rose de Granville décryptée grâce à la collaboration de Dior avec le CNRS et l’Institut de chimie organique et analytique de l’Université d’Orléans. Dior Prestige, La Crème. CHF 415.– les 50 ml. En mimant les effets de la DHEA, ce soin permet de corriger les signes les plus apparents de la ménopause, grâce à une très forte concentration en Pro-Xylane, en acide hyaluronique et en actifs hydratants. Vichy, Neovadiol. CHF 45.– les 50 ml.
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UN HÔTEL, UNE LÉGENDE
DANS LES COULISSES DE LA 154
Bill Clinton et Herbert A. Schott en 1999
Au premier abord, la cathédrale paraît froide, austère, désuète. L’immeuble massif de 18 étages, répertorié au patrimoine architectural genevois des années 1960, n’a pas l'air très accueillant. Mais l’histoire et la curiosité
incitent néanmoins à pousser les magistrales portes en bronze de 7,80 mètres de hauteur qui protègent le sanctuaire. Et là, la magie opère… Reportage Patrick Galan
V
ous venez de pénétrer dans le lobby d’un lieu mythique : l’hôtel InterContinental de Genève ! Immédiatement, Ahmed Kelay, le chaleureux doorman en poste depuis plus de trente-cinq ans, vous éclaire de son éternel sourire. Vous vous sentez déjà chez vous tant sa gentillesse et ses attentions sont naturelles. Même si vous ne faites que passer, il vous reconnaîtra en toute discrétion à votre prochaine visite. Car la discrétion est le maître mot dans ce palace que l'ancien et légendaire directeur, Herbert Schott, qualifia ironiquement de « dortoir de l’ONU » au moment de sa prise de fonction en 1967 et en découvrant une clientèle de groupes qui arrive en autocar. « Nous avons commencé à accueillir des personnalités importantes en 1969, mais avant, les palaces étaient réservés à une élite qui avait du savoir-vivre et le sens du protocole. Les femmes changeaient de tenue trois fois par jour. Les gens avaient la culture des mets et du vin. Ils commandaient la bouteille de vin au moment de la réservation, pour que nous l’ouvrions deux ou trois heures avant le repas », explique-t-il.
DIX ANS DE RÉNOVATIONS Depuis le début des années 2000, sous la baguette magique du cabinet new-yorkais de design d’intérieur Tony Chi & Associates, cette tour en verre emblématique s’est offert une nouvelle
jeunesse. Les rénovations, sous une influence zen, ont duré une dizaine d’années pour s’achever en 2013. Aujourd’hui, dans le hall, la décoration est chaleureuse. Les murs sont parés d’une pierre aux tons chauds de la région de Genève, la même qui a été utilisée pour construire les bâtisses de la Vieille-Ville et, de chaque côté de l’espace, trônent deux imposantes cheminées. Des fauteuils, des œuvres d’art originales et des lampes sur pied complètent cette ambiance intimiste propice aux négociations. « L’objectif était d’offrir un tout nouveau regard sur cet hôtel – moderne, mais classique également – en lui conférant une beauté naturelle et en rappelant la dimension internationale et sophistiquée de Genève », expliquent Tony Chi et son associé William Paley. Au bout du hall, l’accueil est assuré par Nicola Genuardi, l’incontournable concierge, lui aussi au service de la maison depuis trente ans. C’est dire combien il a de choses à raconter. Et pourtant, non, il ne dira rien ! Muet comme une carpe ! Vous devrez beaucoup insister pour obtenir quelques anecdotes sur les puissants de ce monde, mais vous n’aurez pas les noms… Encore cette fameuse discrétion qui fait honneur à l’établissement, le plus ancien cinq-étoiles de la ville. Vous arriverez cependant à savoir qu’un jour, un Américain s’est aperçu brusquement, après le check-in, qu’il avait oublié sa femme à l’aéroport, ou qu’un
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48H
WHISKIES ET
TEMPÊTE, BIENVENUE
EN ÉCOSSE! Si l’Irlande et l’Ecosse se disputent encore la primeur de cette « eau bénite », il y a bien longtemps que le whisky ne connaît plus de frontières. Des rencontres des terres américaines et du maïs pour le bourbon au Japon où sont distillés quelques-uns des meilleurs single malts actuels, la distillation de whisky se pratique un peu partout dans le monde. Pourtant, l’Ecosse reste toujours la référence. Petit tour
à Talisker, la seule distillerie de l’île de Skye, au nord-ouest du pays.
Par Siphra Moine-Woerlen
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DESTINATION
TERRES ETGLACES DU
DU BOUT
MONDE...
Sur la carte, la pointe effilée de l’Amérique du Sud avec des lieux mythiques appelés Terre de Feu ou Ushuaia. Du redouté Cap Horn à Valparaiso, une poignée de touristes ne résistent pas au privilège d’embarquer pour une des croisières les plus époustouflantes de la planète : la remontée des
canaux et des fjords glacés du sud chilien via le détroit de Magellan et le canal de Beagle. Entre océan Pacifique et cordillère des Andes, un goût d’aventures extrêmes. Moteur ! Reportage et photos Michèle Lasseur
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L
e voyage commence dans une Europe où le temps se serait arrêté, à Buenos Aires. Je file au Café Tortoni, une institution qui joue dans le théâtre de la notoriété universelle un rôle équivalent à celui de la tour Eiffel ou de la statue de la Liberté. A quelques pas de là, j’assiste au changement de la garde présidentielle devant le Palais : des grenadiers d’opérette qui marchent comme des soldats de plomb. Un air de tango dans la tête, on tangue dans un petit avion jusqu’à la ville la plus australe de la planète, Ushuaia. A 3'580 kilomètres de Buenos Aires, le navire Boréal est à quai, dans cette petite ville plantée entre le détroit de Magellan au nord et le cap Horn au sud, mais déjà aux prises avec le froid. Les commerces de l’artère principale sont dédiés au manchot, le volatile nageur dont les ailes se sont transformées en pagaies. Le commandant Erwan Le Rouzic, en cette fin d’après-midi, accueille en veste blanche les passagers.
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Nous appareillons vers l’extrême pointe du continent américain. Une sorte de bout du monde où la cordillère termine sa course dans l’océan. Le lendemain matin, la mer moutonne et le commandant annonce : « Chers passagers, un moment rare, nous allons doubler le cap Horn. » Jusqu’au début du XXe siècle, le passage d’est en ouest était la fierté d’une vie de marin. Sur cette pointe sud de l’A mérique, la colère noire des « quarantièmes rugissants » déploie ses déferlantes monstrueuses. Les Zodiac nous déposent côté ouest sur un caillou rocheux et noir, l’île d’Horn, la dernière terre ferme avant le monde gelé de l’A ntarctique, plus au sud. Une centaine de marches et un sentier de planches mènent vers un albatros géant en acier. Haut de 7 mètres et large de 6, l’Oiseau des tempêtes veille sur le cap mythique. Il rend hommage aux marins disparus. Une petite maison en bois surmontée d’un phare héberge un couple à l’année. Déjà, les petits groupes sont entrés dans la boutique de souve-
nirs à la recherche d’autres frissons : bonnets siglés « Cap Horn », cartes postales, gants… 500 mètres plus bas, les eaux de l’Atlantique et du Pacifique se mélangent. Et vogue le navire ! Le Grand Sud est le pays des glaciers éternels, qui s’enfoncent dans une mer saupoudrée de milliers de petites îles, Patagonie et Terre de Feu légendaires. Le bateau fait route au nord, sur le canal de Beagle long de 240 kilomètres, vers le Parc national de la Terre de Feu. Deux belles journées de navigation au cœur des canaux chiliens. Le mont Darwin, le sommet le plus haut de la Terre de Feu, culmine à 2'438 mètres. Les montagnes forment la fin de la cordillère des Andes, aux confins du monde. Le paysage se morcelle en milliers d’îles, d’îlots, de canaux. Tierra del Fuego ! Les feux étaient ceux des Indiens. Magellan n’ayant aperçu que de la fumée l’avait appelée « Tierra del Humo », terre de la fumée, mais Charles Quint décréta qu’il n’y avait pas de fumée sans feu et changea le nom. Les Fuégiens sont morts et les feux sont éteints. C’est en se faufilant entre îles et canaux que Magellan découvrit en 1520 le delta qui porte désormais son nom. Il permet de relier l’Atlantique et le Pacifique sans avoir à affronter les eaux déchaînées du cap Horn. Le Chili, qui s’étend sur plus de 4'300 kilomètres, de la Terre de Feu jusqu’à la frontière péruvienne, ne s’est intéressé à ses terres gelées du sud qu’à partir du milieu du XIXe siècle. L’avantage du bateau est de pouvoir s’engouffrer dans les fjords les plus inaccessibles, au pied de murailles ou de glaciers qui tombent dans la mer. Avec pour toute compagnie des lions de mer, des otaries et des dauphins. Au premier glacier sculpté par la nature, dédié par elle aux passagers, ce ne sont que cris d’admiration et cliquetis des appareils photographiques. On observe telle une œuvre d’art ce monument passé au bleu clair phosphorescent et couronné de pics à la Gustave Doré. La meilleure recette est de se la jouer classique. Gilet de sauvetage. Chacun est sur le pied de guerre pour monter dans le Zodiac et s’approcher du glacier Pia. Qui se donne en spectacle. Une muraille de glace bleu cobalt longue de 3 kilomètres, large de 1'200 mètres et
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