25 ans !
MODE
Spring in the city & accessoires d’exception
Focus sur
25 faits marquants de ces 25 dernières années FACE-À-FACE
Lang Lang
Olivier Picasso Ellen DeGeneres
LA VIE DE CHÂTEAU
Vestiges croulants, œuvres d’art assurées
Iles Marquises Dans les pas de Gauguin FLASH-BACK
Les dessous de Saint-Gervais
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HAPPY BIRTHDAY ! C’était hier. Sur l’écran de notre jeunesse se projetait déjà une vision futuriste de demain. Mais… y croyaiton ? Commander depuis notre smartphone des courses arrivant toutes mitonnées à notre table, régler la température de notre salon à haute voix tout en écoutant sur notre enceinte sans fil l’histoire du dernier Goncourt… Alors que nos rêves les plus fous sont devenus réalité, arrêtons-nous à la porte de cette nouvelle génération soudain méfiante et débordante d’interrogations. Ne sommes-nous pas allés trop vite ? Peut-être… Mais ce virage-là est devenu inéluctable. Le nouveau monde de la technologie et l’ancien monde que représentent l’artisanat et le savoir-faire (sans lesquels le luxe n’existerait pas) ne s’opposent pas. Au contraire, ils s’enrichissent et doivent cohabiter pour continuer d’exister. Ensemble, ils s’unissent en un univers parallèle de clics, où la claque est parfois tout aussi rapide. Cependant, lorsque tout s’accélère, chez Trajectoire, on aime prendre le temps. Le temps de revenir sur le destin de stars au firmament, de musts bouleversants, de politiques accablantes. Entre eux et nous, ce sont de longues histoires, des photos inoubliables, des confessions en toute liberté... Une autre façon de lire. Aussi, pour ce numéro anniversaire, le choix des sujets ne fut pas chose facile. Un politique, un artiste, un chef d’entreprise ? Le « monstre » Depardieu se glissant dernièrement de façon magistrale dans la peau de Barbara, en donnant à voir la dame en noir telle qu’elle fut, aurait bien fait l’affaire, mais quid des Dalida, Prince, Deneuve, poupon Macron, faquin Fillon ou autre Karl ? Nous avons donc, pour ce flash-back émotionnel, laissé carte blanche à nos journalistes pour revenir à leur façon sur ces artistes, ces pousses, ces inventions, ces folies diverses et avariées, en passant par le savoir-faire et la fulgurance des grandes maisons de mode, d’horlogerie et d’automobile, avec leurs coups de cœur ou leurs coups de gueule. Et pour revenir sur cette grande et tumultueuse épopée, c’est notre Professionnel préféré qui s’est, pour cette cover, révélé A bout de souffle… Les plus belles histoires de vie, ce sont eux, vous, nous, et la vraie vie se moque des modes… Nous continuerons de vous faire rêver ! So, love it ! Merci à notre éditeur, qui continue à faire confiance dans ce monde peu extatique qu’est la presse, et merci à toute mon équipe.
Par Siphra Moine-Woerlen, directrice de la rédaction | Illustration Marc-Antoine Coulon > Galuchat
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IMPRESSUM Éditeur André Chevalley
directrice de la rÉdaction Siphra Moine-Woerlen
enquêteS & rePortaGeS
Finance César Deffeyes, Jérôme Sicard Grand format, photoreportage Romain Veillon Billet d’humeur Julie Masson
horloGerie & joaillerie Vincent Daveau, Aline Lalliard
coVer StorY
Texte Isabelle Guignet Photo Michel Ginfray
culture & art de ViVre Christine Brumm, Gil Egger, Delphine Gallay, Michèle Lasseur
Mode
Direction artistique Christian Ritz Biyiha Assistant styliste Carson Hall Photographes Jonathan Abshire, Nicholas Routzen Décryptage Diane Ziegler
ont contriBuÉ à ce nuMÉro
Textes Céline Aepli Zumwald Arnaud Bosch, Aline Lalliard, Marie-Carine Favre, Caroline Penzes, Melina Staubitz, Christopher Tracy Relecture Adeline Vanoverbeke
coordination Delphine Gallay
PuBlicitÉ & relationS PuBliqueS Olivier Jordan | o.jordan@promoco.ch
tiraGe Tirage vendu : 20'136 exemplaires Certification REMP 2016 Période de relevé : 01.07.2015 – 30.06.2016 Tirage certifié : 23'447 exemplaires
reSPonSaBle artiStique Carine Bovey
rÉdaction weB Aline Lalliard, Melina Staubitz
iMPreSSion Kliemo Printing
PhotolithoGraPhie Kliemo Printing
www.trajectoire.ch Trajectoire, une publication de Promoco SA | Chemin de la Marbrerie 1 – 1227 Carouge – T. +41 22 827 71 01 ©Trajectoire | La reproduction, même partielle, du matériel publié est interdite. Les pages « Event » n’engagent pas la rédaction. La rédaction décline toute responsabilité en cas de perte ou de détérioration des textes ou photos adressés pour appréciation.
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W W W.O L E LY N G GA A R D.COM
SOMMAIRE
N°118 PRINTEMPS 2017
15
L’ÉDITO de Siphra Moine-Woerlen
RENDEZ-VOUS 36
ELLEN DEGENERES L’intarissable
38 42
SORTIES Les rendez-vous de la saison
LITTÉRATURE La sélection de Christine
44
KIRK DOUGLAS 100 bougies
52
OLIVIER PICASSO Dans la famille Picasso, je demande le petit-fils !
60
COVER STORY Jean-Paul Belmondo, belle gueule éternelle
68
RICARDO GUADALUPE Interview croisée avec le CEO de Hublot et son ambassadeur Lang Lang
192 5 MINUTES AVEC…
Virginie Basselot
MAGAZINE 46
FLASH-BACK Saint-Gervais, l’emblématique
86
DOSSIER : 25 ANS DÉJÀ !
Zoom sur les faits marquants de ce quart de siècle
124 URBEX Quand les vestiges urbains deviennent art
138 QUELLE TRAJECTOIRE ! Le parcours de Jean-Marc Tassetto
24
Collection Perlée couleurs, bagues, or jaune, malachite et onyx, or rose et cornaline.
Haute Joaillerie, place Vendôme depuis 1906
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ART DE VIVRE 32
WHAT’S UP ? Alertes printanières
176 WEEK-END À HAMBOURG L’énigmatique cité hanséatique
178 SEA, CORSE & SUN Microcosme de beauté
184 DESTINATION Les îles Marquises, oasis de Paul Gauguin
HORLOGERIE/JOAILLERIE 66
DANS LE RÉTRO L’ horlogerie de ces 25 dernières années
72
SÉLECTION HORLO Coups de cœur au SIHH et à Baselworld
80
PORTRAIT DE CRÉATEUR Rencontre avec le designer de Bulgari
GROSSES CYLINDRÉES 118 DANS MA BENZ
La classe avec un grand C
122 NEW LOOK Opel Mokka, le retour
MODE 140 TENUE CORRECTE EXIGÉE Du classique au scandale
144 SHOOTING MODE Un printemps à New York
BEAUTÉ 166 À LA POINTE
Cellap fête ses 30 ans
168 CHOIX DE SAISON Entre fraîcheur et légèreté
172 Y’A D’LA JOIE ! Nez à nez avec le maître parfumeur Dior
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Nouveau QG face au lac… Baignée de lumière, la nouvelle pièce à vivre du prestigieux Hôtel de la Paix vous invite tout au long de la journée au gré de différents espaces et ambiances. Les cartes et les envies se dessinent du matin au soir pour rythmer les moindres souhaits des convives. Salon boudoir, table d’hôtes, carré bistrot ou cocktails sirotés au comptoir dans un cadre chaleureux et dépouillé. Le chef Alessio Corda s’affaire en cuisine pour proposer 7j/7 des mets d’ici et d’ailleurs, un brin fusion et toujours de saison. LIVING ROOM
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PleATS PLEASE Les fans du couturier japonais toucheà-tout devraient être heureux en ce début de printemps ! Zurich compte désormais une nouvelle boutique aux couleurs d’Issey Miyake. Lignes avantgardistes, déstructurées et fantaisie minimalistes, pour une mode visionnaire dont seul le créateur de génie a le secret. www.isseymiyake.com
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New look | La plus British des boutiques genevoises est de retour. Trois étages entièrement repensés autour des univers so Burberry de la femme, de l’homme et des accessoires. L’ occasion de découvrir l’ensemble des dernières collections de la célèbre maison anglaise et de réviser ses classiques. Les pièces maîtresses de la marque et leurs motifs écossais indétrônables se réinventent et se déclinent à l’infini, avec toujours cette idée du chic et des bons basiques ! bURbERRY
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dolCe VITA Espace de tous les plaisirs, la maison Grauer pourrait bien devenir votre nouvelle destination. Plus de 600 m2 dédiés à l’art du cigare et aux moments précieux. Les passionnés, confortablement installés, s’abandonnent aux millésimes rares dans une ambiance feutrée et peuvent profiter d’une sélection de vins et spiritueux, de thés et cafés aux arômes recherchés. Ode au savoir-faire et à l’évasion, la maison Grauer offre la possibilité de privatiser l’un de ses salons pour des événements privés, ou donne l’accès à un humidor privé à ses habitués. Eveil des sens, dégustation et volupté… le temps peut bien s’arrêter. HOUSE OF GRAUER
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CULTURE Par Aline Lalliard
éChos surréalistes
barres dE RiRE Après avoir triomphé au Théâtre du Châtelet, au Trianon et à Bobino, cet OVNI de la planète humour débarque à Genève pour un spectacle incisif. Armé de ses emblématiques Persol XXL, de son sarouel et de sa veste cintrée, Fary affirme une nouvelle fois sa maestria dans l’art du stand-up et de la vanne subtilement dosée, à travers des sketches actuels tout en finesse. bâtiMent des forces Motrices
Le Museo d’arte della Svizzera italiana de Lugano accueille l’exposition Meret Oppenheim, œuvres en dialogue de Max Ernst à Mona Hatoum, consacrée à la figure iconique des années 1930 et ses œuvres surréalistes. Guido Comis et Maria Giuseppina Di Monte, auteurs du projet, proposent de créer un écho avec d’autres artistes dadaïstes et contemporains renommés, tels que Man Ray, Marcel Duchamp, Max Ernst, Alberto Giacometti, Mona Hatoum ou encore René Magritte. La rétrospective retrace la carrière de la créatrice suisse, de ses débuts à Paris vers 1930 jusqu’à ses expériences non figuratives des années 1970 et 1980. Museo d’arte della svizzera italiana
Du 11 février au 28 mai Piazza Bernardino Luini 6 6900 Lugano T. +41 (0)58 866 42 30
Le 5 avril à 20h30 Place des Volontaires 2 1204 Genève T. +41 (0)22 322 12 20
adieux survitaMinés BijoUx barjots Le Mudac donne carte blanche au créateur David Bielander pour une exposition ludique et décalée. Des bananes aux crevettes en passant par les broches limaces et les colliers saucisses, le créateur transforme les éléments de notre quotidien en pièces joaillières uniques. Ces bijoux atypiques prennent vie autour des poignets, du cou ou sur les vêtements, ondoyant au rythme des mouvements du corps. Surprenant !
Avec 120 millions d’albums écoulés et près de cinquante ans de carrière au compteur, Deep Purple s’inscrit comme une légende incontestée de la sphère hard-rock. A l’occasion de la sortie d’un ultime opus intitulé inFinite, le groupe britannique se lance dans une tournée crépusculaire, estampillée « The Long Goodbye Tour ». Le 20 mai prochain, Ian Gillan, Roger Glover, Ian Paice, Steve Morse et Don Airey vous donnent rendez-vous à Genève pour un dernier tour de piste survolté. arena de genève Le 20 mai à 20h
Musée de design et d’arts appliqués conteMporains Jusqu’au 30 avril
Place de la Cathédrale 6 – 1005 Lausanne – T. +41 (0)21 315 25 30
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Route des Batailleux 3 – 1218 Le Grand-Saconnex T. +41 (0)22 710 90 90
hoMe soviET homE Le Musée des beaux-arts de La Chaux-de-Fonds dédie son exposition printanière à l’un des chapitres marquants de l’histoire : celui de l’Union soviétique. Intitulée L’utopie au quotidien. Objets soviétiques 1953-1991, elle réunit près de 500 objets, dont 400 fournis par le Musée d’ethnographie de Genève. A travers des artefacts typiques des intérieurs urbains ou du domaine public, cette rétrospective retrace le quotidien d’une époque, de l’après-guerre à la chute du mur de Berlin. Musée des beaux-arts Jusqu’au 30 avril Rue des Musées 33 – 2300 La Chaux-de-Fonds – T. +41 (0)32 967 60 77
dU hiP-hoP et de la grâce Pour ses chorégraphies originales, Kader Attou s’inspire de l’univers breakdance et hip-hop, en les saupoudrant d’influences d’art du cirque, de danse contemporaine et d’art visuel. Avec Opus 14, il réinterprète les codes du genre à travers un voyage scénique tout en poésie. Les danseurs, quatorze hommes et deux femmes, promettent une performance d’une virtuosité à couper le souffle. théâtre foruM Meyrin Le 4 avril à 20h30 Place des Cinq-Continents 1 – 1217 Meyrin – T. +41 (0)22 989 34 34
repas dE famiLLE C’est bien souvent autour d’un repas accompagné de quelques verres que les langues se délient le plus aisément. Un soir, Florence et Bruno invitent Alex et Sophie pour le dîner. La réunion de famille entre les deux sœurs et leurs époux va rapidement se muer en règlement de comptes et en projets farfelus. Avec Thierry Lhermitte et Bernard Campan interprétant sur scène Le syndrome de l’Ecossais, promesse d’une soirée irrésistiblement désopilante et volcanique. bâtiMent des forces Motrices
Le 4 avril à 20h30 Place des Volontaires 2 – 1204 Genève – T. +41 (0)22 322 12 20
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LITTéRATURE
Par Christine Brumm
fausse noTE Itinéraire peu banal que celui de George Bridgetower, violoniste surdoué tombé dans les oubliettes. Chaperonné par son père, Frederick de Augustus, un Noir natif de la Barbade qui se prétend prince d’Abyssinie, l’enfant prodige fait une entrée pleine de promesses dans la bouillonnante Paris de 1789. Jusqu’à ce que la Révolution sonne la fin des fantaisies, le duo coudoie les esprits les plus aigus de l’époque. Plus désargentés que jamais – le démon du jeu s’est chargé de désemplir l’escarcelle paternelle –, ils mettent le cap sur Londres. Une fois encore, l’entregent compassé de Frederik est payant. Mais lorsque le prince de Galles supplante son autorité sur George, il perd tout sens de la mesure, et le voici délogé du royaume comme un malappris. Père et fils œuvrent alors en solo, et si l’aîné se livre à une conversion inattendue, le cadet poursuit une ascension dont le point d’orgue sera la rencontre avec Beethoven, lequel composera pour lui une éminente sonate, bien indûment nommée. la sonate à BriDgetower
Emmanuel Dongala, éd. Actes Sud, 332 p.
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VIEs neuves
en chair et en moTs
Comté de San Mateo, Etats-Unis. Isolées dans une maison à la lisière des bois, deux jeunes sœurs aux liens fusionnels s’adonnent jour après jour à leurs occupations : inlassablement, Eva danse, tandis que Nell écrit ou lit. Des existences ordinaires ? Oui, si ce n’est que, depuis des mois, le black-out est permanent, le carburant se raréfie, le garde-manger s’assèche ; un chaos sans précédent embrouille le pays et les deux sœurs sont totalement livrées à elles-mêmes. Alors que les moyens de subsistance s’amenuisent – toute chose naguère négligeable est désormais sans prix –, l’héritage des valeurs parentales se révèle salutaire ; débrouillardes pour lutter contre l’inertie et le dépouillement, Nell et Eva suivent avec une volonté farouche leur fil d’A riane pour atteindre ce à quoi elles se destinaient avant que tout se détraque. De ces conditions de vie radicales, implacables, de plus en plus périlleuses, la situation atteindra-t-elle le seuil crucial où chacune sera amenée à se prémunir de l’autre ?
C’est souvent dans un train que germent des idées crânes ou originales, à même de nous faire basculer gentiment, et si nous sommes bien disposés, c’est une rencontre avantageuse qui est susceptible de pénétrer en nos champs les plus intimes. Invitée à un rendez-vous littéraire, dont elle se serait peut-être dérobée la veille encore, notre narratrice prend place en première, avec la possibilité de vouer les heures à venir aux réminiscences, à la rêverie ou à l’oubli. Plutôt que de préparer son intervention, elle papote un peu, guigne et réfléchit beaucoup, lit et extravague passionnément. Soudain, là est le sel de l’histoire, elle se retrouve assise à côté de Vila-Matas, un de ses auteurs affectionnés ; et dire qu’elle est justement, à ce moment précis, en train de le lire ! Un pur délice livresque que ce voyage avec Anne Serre et son écrivain catalan ; fourré de citations et de mises en abyme réjouissantes, il est à consommer, comme il se doit, durant votre prochaine échappée sur les rails.
Dans la forêt
voyage avec vila-Matas
Jean Hegland, éd. Gallmeister, 301 p.
Anne Serre, éd. Mercure de France, 145 p.
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PORTRAIT
KirK Douglas Il y a quelques mois à peine, Kirk Douglas soufflait ses 100 bougies. Mais détrompez-vous, ce monstre sacré du 7e art est loin de sucrer les fraises. Lors des dernières élections présidentielles américaines, il a su prouver qu’il n’avait rien perdu de sa verve légendaire, à travers un réquisitoire au vitriol contre Donald Trump. Et pour cause : issu d’une famille d’immigrés biélorusses de tradition juive, il a été confronté dès son plus jeune âge au revers du rêve américain. A l’époque, la future icône d’Hollywood répond au nom d’Issur Danielovitch et pâtit chaque jour d’un antisémitisme corrosif. Il se forge un caractère bien trempé qui le poursuit jusqu’à l’université, où il devient champion de lutte. Afin de propulser sa carrière dans le milieu du cinéma, il adopte un patronyme « made in USA ». Kirk Douglas est né. Sa belle gueule, rehaussée d’une fossette au menton, apparaît pour la première fois sur les écrans en 1946. Mais l’acteur révèle toute sa puissance dramatique trois ans plus tard, en incarnant une star du ring dans Le Champion de Mark Robson. Abonné aux rôles de salauds et d’insurgés, il devient rapidement une référence mondiale. De la comédie (Au fil de l’épée) à l’aventure (Vingt Mille Lieues sous les mers, Les Vikings) en passant par le western (Règlement de comptes à O.K. Corral), le péplum (Spartacus), les films de guerre (Les Héros de Télémark, Sept Jours en mai, Les Sentiers de la gloire) ou encore le drame (La Vie passionnée de Vincent Van Gogh), Kirk Douglas s’illustre avec justesse dans des genres éclectiques. Il réussit même à décrocher deux grands rôles dans d’excellents crus signés Stanley Kubrick, qu’il qualifie toujours de « salopard talentueux ». En 1996, c’est la consécration : il est auréolé aux Oscars pour l’ensemble de sa carrière. Insatiable, il s’essaie également à l’écriture avec quatre ouvrages autobiographiques, dans lesquels il évoque sans détours sa jeunesse et sa carrière, ses unions et ses quatre fils, dont l’enfant prodige Michael, mais surtout la douloureuse disparition du dernier-né du clan Douglas. Avec près de soixante années de carrière et un grand nombre de films d’anthologie au compteur, le doyen Kirk Douglas n’a plus à démontrer qu’il est, et restera, une légende du cinéma. —
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Par Aline Lalliard
Piguet Galland & vous. Vous êtes plus riche que vous ne le pensez. Contactez-nous. Genève Lausanne Neuchâtel Nyon Yverdon-les-Bains Piguet Galland Avenue Peschier 41 1206 Genève T +41 58 310 40 00 vous@piguetgalland.ch piguetgalland.ch
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FLASH-BACK
Rue de Coutance, 1749.
SAint-GervAiS une rive opposée
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Des saints Gervais et protais au château De l’île
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Comme fréquemment dans la région, la colline de Saint-Gervais a tout d’abord été utilisée à des fins religieuses. Si l’on adopte un point de vue « mystique », les collines auraient des ondes telluriques importantes et seraient donc idéales pour accueillir un culte. Mais une version plus pragmatique argue que leur surélévation fait d’elles un lieu de rendez-vous plus visible. Le fait est qu’un monolithe datant du Néolithique a été découvert dans les fouilles du temple de Saint-Gervais. Il témoigne d’une occupation partielle orientée vers les rites funéraires. Mais il faut attendre l’époque romaine pour que la colline, devenue carrefour routier, accueille véritablement un village, construit autour d’un temple, lequel sera détruit par les flammes vers le IVe siècle de notre ère. En lieu et place de ce temple, une vaste église, dédiée aux saints Gervais et Protais, fut construite avec, semble-t-il, une vocation toujours principalement funéraire. Autour de l’église, un quartier se développa le long de l’actuelle rue du Temple, afin de rejoindre ce qui était le seul et unique pont permettant de traverser le Rhône dans la région. Mais, à la fin du XIIe siècle, la lutte entre l’évêque et le comte de Genève – qui verra l’évêque être nommé chef spirituel et temporel de la Cité – amène la création d’un nouveau Tour de l’Ile, 1894.
Rive gauche, rive droite.
Cette distinction peut paraître purement géographique mais, à Genève, elle revêt un aspect beaucoup plus profond et complexe. En effet, si au début de l’histoire genevoise, les deux collines de la ville, à savoir la colline de la Cité et celle de Saint-Gervais, ont connu des situations parallèles, il faut attendre le XIIe siècle pour que les deux rives soient réunies sous une même entité. Par Arnaud Bosch
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rencontre Art
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Pablo vu Par Picasso
Petit-fils de Pablo Picasso, Olivier Widmaier Picasso a consacré plusieurs ouvrages et documentaires à son célèbre aïeul qui fut l’un des plus grands artistes du XXe siècle. Fondateur du cubisme avec Georges Braque, il est l’un des représentants les plus marquants de l’art moderne. Olivier Widmaier Picasso, qui présentera prochainement sur France 2 « Trésors volés », a accepté de nous parler de ce créateur hors norme. Par Nicole Real
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a quel moment avez-vous pris conscience que vous étiez le petit-fils du célèbre peintre Pablo Picasso ? A l’âge de 10 ans, j’ai appris sa mort par un flash spécial à la télévision. Ce fut à la fois un choc et une révélation, car c’est ce jourlà qu’il a commencé à exister dans ma vie. Jusque-là, je connaissais ses tableaux, mais je ne cherchais pas à en savoir plus. Par la suite, passionné par son œuvre, j’ai passé beaucoup de temps à essayer de comprendre l’homme et l’artiste. Que ressentez-vous devant une œuvre de votre grand-père ? A chaque fois, je ressens un sentiment personnel, mais, évidemment, à cause de l’immense impact de Pablo Picasso sur la vie des gens, j’y mets aussi une certaine distance. J’admire, mais je m’interroge toujours sur le fait de redécouvrir ou d’apprendre encore sur cette œuvre. Quelle image gardez-vous de lui ? A travers ma mère Maya, mon oncle Claude et ma tante Paloma, je me suis forgé une image assez précise de lui. Il pouvait être sérieux comme un pape, mais aussi très fantaisiste. Ma mère me racontait qu’avec lui, elle a joué à la marchande ou au professeur de dessin, lui étant l’élève, ce qui est plutôt drôle. Ma mère est la seule à parler de lui en l’appelant « Papa », ce qui me donne le sentiment personnel d’un homme à la fois proche et lointain. Physiquement, retrouvez-vous chez vos proches une certaine ressemblance ? Dans leur simplicité, leur gestuelle, leur façon de parler, ma mère Maya, mon oncle et ma tante présentent certaines similitudes. En outre, lorsqu’on est depuis l’enfance photographié ou peint, qu’on vous a piqué vos jouets pour les transformer en œuvres d’art, on a appris très jeune à se protéger. son image publique, qui fait de Pablo Picasso un homme aux multiples facettes, ne brouille-t-elle pas votre propre regard ? Non, parce que j’ai suffisamment de recul et mes nombreuses études sur lui m’ont appris à peser le positif et le négatif pour retenir, au final, une image à peu près objective. Picasso n’était pas facile, mais une œuvre comme la sienne est absolument exceptionnelle. Il était conscient de son talent hors norme et il a privilégié avant tout son travail. Que pensez-vous de son côté séducteur ? C’était un homme qui était séduit par LA femme, dont le visage changeait environ tous les dix ans parce qu’il lui fallait renouveler son inspiration. Lorsqu’il avait fait le tour du sujet, il allait voir ailleurs. Cela étant, je pense que la plupart d’entre elles ont
bien compris l’univers dans lequel elles entraient, et notamment le fait qu’elles y arrivaient mortelles et en sortaient immortelles. Elles ont toutes compris, en particulier Marie-Thérèse et Jacqueline, que la magie de l’art les rendait éternelles. Qu’est devenu « le Petit Picador jaune », le premier tableau peint par votre grand-père, dont il a toute sa vie refusé de se séparer ? Il me semble que c’est mon oncle Claude qui l’a racheté. Ce tableau reflète les origines espagnoles de Pablo Picasso. C’est son père, professeur de dessin, qui l’a poussé dans cette voie artistique. Il a peint Le Petit Picador jaune en 1888, alors qu’il avait à peine 7 ans. En regardant son œuvre, il est amusant de constater de quelle manière Picasso a traversé deux siècles. Quelle est votre œuvre préférée ? J’aime beaucoup les portraits de ma grand-mère Marie-Thérèse, dont certains sont très célèbres. Sur ces tableaux, elle est souvent en train de dormir, car Pablo Picasso lui disait : « Ferme les yeux, je m’occupe du reste. » Pouvez-vous nous parler d’elle ? J’ai eu la chance de connaître cette grand-mère. Muse de Picasso dans les années 1930, elle était une femme à part. Dès l’âge de 17 ans et toute sa vie durant, elle a été protégée par un « ogre », mais elle vivait totalement hors de la réalité. Elle était autonome, mais cultivait une sorte d’isolement où bonheur et tristesse se côtoyaient. Grâce à elle, Picasso s’est réinventé dans une forme de surréalisme. C’est aussi sa période la plus recherchée sur le marché de l’art. votre maman évoque-t-elle votre grand-père de façon nostalgique ? Oui, parce que je crois que ma mère entretient une énorme tendresse pour son père. Elle lui ressemble et ses souvenirs personnels avec lui reflètent une relation intime unique. Ma mère est nostalgique d’une époque qui a disparu. Elle se sent plus proche de son demi-frère Paul, parce que tous les deux sont nés avant la guerre et qu’ils ont connu le quotidien difficile de Picasso pendant cette période. la célébrité a-t-elle changé sa relation avec lui ? Forcément, parce qu’après la guerre, à travers la presse, les magazines, les photos, Paul et elle ont vu naître la légende Picasso. Avec la célébrité, le regard des autres sur Picasso a changé, tout le monde voulait l’approcher. Pour Paul et ma mère, il continuait juste d’être leur père, un homme qui avait été très présent et pour lequel ils ressentaient du respect, mais aussi une certaine forme de crainte.
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48h
L’Art et la manière… C’était en décembre dernier. Ambiance festive où se côtoient toutes sortes d’énergumènes, formes insolites et autres artistes : bienvenue à Miami Beach ! Dans le prolongement naturel d’Art Basel, grande messe de l’art contemporain, les créations les plus spectaculaires font siège dans la lumière de cette ville magique. Retour sur quelques jours de créativité en compagnie de la maison horlogère Audemars Piguet. Par Siphra Moine-Woerlen
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Reconstruction de l’Univers, Sun Xun.
Partenaire D’art BaSel Depuis 1875, date de sa fondation au Brassus, l’horloger s’intéresse à la créativité et à l’innovation en explorant les rapports entre art et artisanat. Dans cette quête permanente visant à combiner vision artistique, excellence et maîtrise technique, la maison Audemars Piguet s’est depuis quelques années liée à la plus grande foire contemporaine du monde en tant qu’associée d’A rt Basel à Hong Kong, Bâle et Miami. Pionnière de l’art horloger, la manufacture s’installe à chaque édition dans un salon intimiste au cœur de la foire pour présenter ses modèles d’exception en développant un programme d’activités en soutien aux artistes contemporains. C’est ainsi qu’a été créée en 2014 la première Commission d’art Audemars Piguet, invitant les artistes à explorer les thèmes de la complexité et de la précision, en les accompagnant et les soutenant au plus près de leurs projets. L’horloger met à leur disposition les moyens d’accéder aux ressources nécessaires à la production des œuvres, ainsi que son expertise dans ces domaines de pointe. Ainsi, sous la supervision d’un commissaire invité, les œuvres, sélectionnées par un comité international, sont présentées au public à l’occasion des éditions d’A rt Basel à Bâle, Hong Kong et Miami Beach.
SUn XUn Pour cette deuxième commission annuelle d’art Audemars Piguet, c’est Xun Sun, figure majeure de la nouvelle scène artistique chinoise, qui a été choisi. En décembre dernier à Art Basel Miami, il a ainsi dévoilé une extravagante œuvre d’art fondée sur le temps complexe et constituée de films d’animation projetés sur des surfaces planes et sphériques, en utilisant les technologies de film en deux et trois dimensions. Ces derniers étaient présentés aux côtés de bois originaux et de reproductions à plus grande échelle dans une structure ondulée étonnante réalisée par l’artiste lui-même à partir de métal et de bambou, illustrant la reconstruction de l’Univers.
Bio Sun Xun
Né en 1980, Sun Xun compte parmi les artistes chinois les plus estimés de sa génération. Ses dessins, gravures, peintures et images animées, ancrées dans la mémoire personnelle et l’histoire collective, traversent les frontières de l’art. En connectant ce qui est ancien et nouveau, fait à la main et issu de la haute technologie, de l’Est et de l’Ouest, il crée des expériences immersives où tous les sens sont activés.
COVER STORY
UN HOMME QUI NOUS PLAÎT
L’
as des as, cascadeur intrépide et rebelle dans l’âme, aura marqué l’histoire du cinéma français. A son palmarès, 85 films tournés et 32 pièces jouées. Un sacré nombre, pour dire la vérité ! Jean-Paul Belmondo est l’une des plus grandes stars du 7e art de l’après-guerre. Et c’est peu dire. Pour en arriver là, l’acteur a dû se battre, jouer des coudes et envoyer gaiement balader ceux qui ne croyaient pas en lui. Sa belle gueule ou plutôt son bagou légendaire, son arrogance et sa volonté de fer lui ont permis de décrocher ce dont il rêvait depuis toujours : sa place dans le monde du cinéma. Au travers de son autobiographie, Mille vies valent mieux qu’une, Belmondo raconte sans détour son parcours, ses joies, ses peines… les farces et les réussites d’une vie. D’éclats en victoires, tout n’était pas rose à ses débuts.
NOUVELLE VAGUE Après quelques films où il est encore inconnu au bataillon (Les Tricheurs de Marcel Carné, 1958, Un drôle de dimanche de Marc Allégret, 1958, A double tour de Claude Chabrol, 1959), Jean-Luc Godard
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le propulse sur le devant de la scène dans A bout de souffle, sorti en 1960. S’ensuit un enchaînement de longs-métrages d’action, de policiers, de comédies ou de drames, l’emportant au rang de vedette internationale. Celui qui savait que sa seule volonté et son acharnement étaient là pour l’amener au statut d’icône du cinéma peut aujourd’hui regarder en arrière avec sérénité, satisfait d’un si beau parcours cinématographique. Seuls trois regrets figurent sur la « to do list » de Jean-Paul Belmondo mais, comme il se plaît à le dire, « n’écrivez pas le mot « fin » tant que ce n’est pas terminé » !
MÉMOIRES D’UN FILOU Du côté de Neuilly-sur-Seine, Paul et Sarah Belmondo ne rêvent que de vivre de leur art. Sculpteur de profession pour lui, artiste peintre pour elle, les revenus sont difficiles à obtenir en ces temps de guerre. Pourtant, malgré ces temps incertains, Jean-Paul Belmondo voit le jour le 9 avril 1933. Deuxième enfant d’une fratrie de trois, le jeune homme ne doute de rien et fait très tôt savoir à qui veut l’entendre que de grandes choses lui sont destinées.
Il a belle gueule, le Bébel, du haut de ses 84 ans ! Dans le cœur des plus de 25 ans, nous avions notre tête d’affiche toute trouvée pour cette cover anniversaire. Sacré lors de la dernière cérémonie des César, guest-star des plateaux TV, autobiographie percutante… Belmondo
est de retour dans la lumière. Par Isabelle Guignet
Le Mauvais Chemin, 1962.
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« Pour amuser les copains et satisfaire les réalisateurs, je me dépasse ; pour entendre le rire de mes gamins, je me surpasse. En donnant, bien souvent, le mauvaise exemple… ou le bon ? »
Rebelle et bagarreur, élève indiscipliné et peu enclin aux études, l’enfant Belmondo s’amuse à faire le pitre. Art auquel il s’adonnera toute sa vie. Pour libérer toute cette énergie qui bouillonne dans ses veines, le jeune homme vague entre le cyclisme, le football et la boxe, qu’il pratique une brève période en tant que professionnel. Mais ce qui l’obsède jour et nuit, c’est de faire rire son public, qui pour le moment se restreint à sa famille, ses voisins et ses amis…, incarner des personnages, les inventer et se jouer des passants dans la rue. UN SURNOM TOUT TROUVÉ Ses camarades le surnomment rapidement Pepel, en référence au vagabond interprété par Jean Gabin dans Les Bas-Fonds de Jean Renoir. Plus tard, Pepel deviendra tout naturellement Bébel ! « Etre gratifié d’un autre nom que celui de ma naissance est signe de ma popularité et de mes aspirations », révèle l’acteur, fier de cette nouvelle appellation. Le jeune homme ne trouve pas sa place dans les travaux manuels et autres emplois mécaniques, redondants et sans vie, que son père et son entourage tâchent de lui trouver. Il est trop souvent considéré comme un bon à rien. Pas évident pour un jeune homme qui ne sait comment utiliser à bon escient cette matière qu’est le talent de comédien. Seul le théâtre l’anime et qu’importe le prix qu’il lui en coûtera, cela l’inspire et le pousse à choisir sa voie. C’est ainsi que le verdict tombe, clair et cinglant : « Papa, je veux devenir comédien ! » QUELQUES COURS ET PUIS S’EN VONT… Bien évidemment, Paul Belmondo voit de suite les difficultés que va encourir son fils dans cette de vie de bohème mais, lui-même artiste, peut-il empêcher son garçon si atypique d’emprunter cette voie-là ? C’est ainsi qu’il incite Jean-Paul à suivre les cours de Raymond Girard. Ce dernier accepte sa candidature pour ne pas contrarier la volonté du jeune élève dans son envie de jouer sur scène. Bébel dira de son professeur : « Il sait que je ne suis pas ce nul incurable, ce jeune homme sans avenir ; il a vu mon énergie, ma volonté décuplée, mon goût immodéré pour les planches ». Raymond Girard formera le jeune garçon pendant six mois afin qu’il tente sa chance au concours du Conservatoire national supérieur d’art dramatique. Car, pour Belmondo, ce sera « le Conservatoire, ou rien ! ».
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LE MAL AIMÉ Manque de chance, ou de talent, Jean-Paul Belmondo sera recalé au concours, accepté toutefois en tant qu’auditeur libre en 1951. Il tentera, tant bien que mal, une deuxième fois sa chance. Recalé encore ! Ce n’est qu’en octobre 1952 qu’il sera enfin admis, ceci sans décrocher pour autant le sourire des professeurs, qui le trouvent bien trop arrogant et continuent à ne pas tenir son talent en haute estime. Ils voient en lui un mauvais comédien, doublé d’une laideur particulière, et ne manqueront pas de le lui faire savoir. Au concours de fin d’année, une fois n’est pas coutume, les professeurs ne peuvent lui attribuer la récompense qu’il estime mériter pour ses prouesses théâtrales. C’est alors que le public l’acclame pour son interprétation de Georges Feydeau et le tire de sa chaise au fond de la salle. Les professeurs boudent l’artiste ? Soit. Le public, lui, le porte en triomphe ! Jean-Paul Belmondo comprend ainsi que, oui, il est bien talentueux ! « Je n’en peux plus d’attendre je ne sais plus quoi, puisque aucun commentaire positif sur mes capacités de comédien ne vient étayer mon choix. […] Je suis résolu à fouetter mon destin pour qu’il se presse un peu de me mener quelque part. » Alors, fini d’attendre, allons donc à l’aventure ! ET VOICI VENIR GODARD Leur rencontre n’a rien d’une évidence, bien au contraire. C’est au beau milieu de la rue que le destin de Jean-Paul Belmondo s’est dessiné, puis scellé, par cette rencontre fortuite. Le réalisateur suisse Jean-Luc Godard partageait tout simplement le même trottoir que le jeune acteur. Dévisageant Jean-Paul Belmondo, le Suisse lui dit, aussi abruptement qu’il soit : « Venez dans ma chambre d’hôtel, on tournera et je vous donnerai 50’000 francs. » Il poursuit son chemin ; persuadé d’être victime d’une proposition douteuse, Bébel hésite, se questionne. C’est sa femme Elodie qui le pousse à accepter, convaincue de son talent et confiante en cette rencontre avec Jean-Luc Godard, célèbre critique des Cahiers du Cinéma. D’autant qu’elle connaît son instinct de boxeur, si la rencontre tournait soudainement au vinaigre ! Et si ce rendez-vous était le fameux coup de fouet du destin que Belmondo attenait en vain ?
L’Aîné des Ferchaux, 1963.
SILENCE, ON TOURNE ! Dans la chambre d’hôtel, pas de traquenard, mais toute une équipe de tournage. Une fois la réalisation du court-métrage terminée, le cinéaste confie à Jean-Paul Belmondo : « Le jour où je ferai mon premier long-métrage, ce sera avec toi ! » Chose promise, chose due : quelques mois plus tard, Godard revient vers le jeune acteur et lui propose le rôle qui le fera entrer dans la légende, celui d’un jeune voyou insolent, Michel Poiccard, joué dans A bout de souffle, sorti en 1960. Dès le lendemain de la sortie du film, la tête de Belmondo s’affiche en première page de tous les journaux. « Désormais, l’on viendra à moi. » Dès lors, les contrats s’enchaînent. Bébel voit sa carrière prendre son envol, tout autant que ses cachets à chaque film produit. Il tourne sans cesse. Et quand bien même on lui reprochera plus tard de jouer continuellement les mêmes rôles, prenant le risque de lasser son public, ce ne sont pas moins de 130 millions de spectateurs qu’il attirera dans les salles en cinquante ans de carrière. Un beau score pour un acteur qualifié trop longtemps de bon à rien. QUOI MA GUEULE ? Très jeune déjà, Bébel en prenait pour son grade et essuyait de nombreuses remarques sur son physique cabossé. Il va sans dire que la boxe n’a en rien aidé à la chose. Ni les quelques bastons de jeunesse. Mais jusqu’à quel point peuton dire de lui qu’il est vilain ? Depuis le conservatoire, l’acteur au charme incompris est gratifié d’épithètes peu élogieux, tels que « jeune premier laid », « débutant aux traits ingrats » ou encore « drôle de gueule ». Son professeur du conservatoire René Simon, lui beau comme un dieu, méprisait la laideur et, de ce fait, méprisait tous ceux qui n’atteignaient pas ses critères de beauté. Belmondo n’échappa pas à la règle : « Il est inconcevable d’être comédien avec une gueule pareille », entend
Le Magnifique, 1974.
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horlo
25 ans dans le rétro de l’horlogerie…
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n parle de résurrection de l’horlogerie mécanique, à l’aube des années 1990, suite à un miracle unique dans l’univers des produits de consommation. En 1976, les instruments de mesure du temps mécaniques, industriels pour la plupart et plus fonctionnels que statutaires, manquaient pratiquement de disparaître en raison de l’arrivée massive des montres à quartz digitales. Ce tsunami devait ébranler les grandes maisons et leur imposer, pour la plupart, de requalifier leurs activités. Durant dix ans, le métier horloger traditionnel est pratiquement exsangue ; il ne redémarre qu’après 1983, suite au lancement providentiel des montres Swatch. Le retour en grâce des affichages analogiques (par aiguilles) devait réveiller le goût de la génération montante d’alors pour les montres d’antan… Cette nouvelle histoire d’amour entre une clientèle en quête d’un objet susceptible de lui permettre de se distinguer dans un univers urbain à forte composante tertiaire et les garde-temps de qualité faisait s’interroger de nombreuses marques sur leur avenir. Il faut dire que la résurrection de l’horlogerie mécanique tenait quand même du miracle, car elle
faisait la démonstration magistrale que rien n’est jamais acquis et qu’il est possible, après une période de progrès techniques, de régresser technologiquement sans que cela ne gêne personne.
statut de symbole En retrouvant leur place de bijoux statutaires qui avait toujours été la leur depuis les origines jusqu’à l’avènement des grandes manufactures suisses au tournant du XIXe siècle, les montres mécaniques s’autorisaient enfin toutes les outrances. Car, devenues fondamentalement superflues, elles échappaient à la pression de la simple fonctionnalité, dont se chargeaient des références à quartz d’une précision sans égale. En 1992, le coup d’envoi d’une nouvelle conquête horlogère était lancé par Jean-Claude Biver – aujourd’hui président de la branche horlogère de LVMH – et Jacques Piguet. Ils revendaient plusieurs millions au Swatch Group la manufacture Blancpain, qu’ils avaient achetée dix ans plus tôt pour une poignée de francs. Soudain et comme par enchantement, le marché semblait de nouveau prometteur. Des patrons
La mémoire individuelle se montre sélective. Elle retient uniquement l’essentiel des événements du quotidien, sans s’embarrasser des détails. Dans le secteur horloger, il y a de cela vingt-cinq ans, la plupart des grandes maisons sortaient tout juste d’une décennie de crise née de l’introduction, sur les marchés, de garde-temps à quartz dotés d’un affichage digital. Retour, top chrono, sur un quart de siècle d’une aventure
industrielle fascinante. Par Vincent Daveau | Illustration Carine Bovey
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visionnaires comme Nicolas Hayek au Swatch Group, Patrick Heiniger arrivé en 1992 chez Rolex ou Philippe Stern chez Patek Philippe ont parfaitement su doper leur production horlogère pour accentuer leur domination sur le marché. Tandis que des hommes comme Günter Blümlein pour IWC, Henry-John Belmont pour Jaeger-LeCoultre ou Alain Dominique Perrin pour Cartier, et une foule d’entrepreneurs restés anonymes, ont su redynamiser les marques de prestige dont ils avaient la charge par le lancement de modèles devenus phares.
Viser l’asymptote A l’aube des années 2000, le marché horloger devenu mature et prospère n’allait pas tarder à être le centre d’enjeux économiques importants de la part des grands groupes de luxe. La vente au Groupe Richemont, en juillet 2000, du groupe Les Manufactures Horlogères (IWC, Jaeger-LeCoultre et A. Lange & Söhne) détenu par Vodafone, devait inciter les entités ayant contribué à faire monter les enchères à hauteur de 2 milliards d’euros (Swatch Group et LVMH) à se rabattre sur les marques de renom encore indépendantes. LVMH, qui avait acquis TAG Heuer fin 1999, se penchait alors sur Zenith et Ebel (revendue rapidement), tandis que le Swatch Group, qui avait acheté Breguet à Investcorp SA en 1999, partait en quête d’autres maisons susceptibles de passer dans son giron. La curée et le dépeçage du secteur allaient générer différentes tensions encore perceptibles aujourd’hui et contribuer à l’apparition de ce que l’on appelle dans le métier la nouvelle horlogerie, des petites entreprises horlogères ultra-créatives occupant la niche technique et contemporaine (Richard Mille, Urwerk, Hautlence, HYT, Greubel Forsey, etc.). Une fois les cartes distribuées, il restait enfin aux protagonistes à faire du monde entier leur terrain de jeu. Les prix des produits, jugés trop bas par ces nouveaux acteurs, ont tous été doublés entre 1999 et
2005. Dans le même temps, les zones de marché étaient multipliées par deux et la communication, en pleine inflation, se cherchait de nouveaux canaux plus globaux et moins onéreux, essentiellement dans les pays émergents à fort potentiel comme la Chine, le Mexique, etc.
le règne du toujours plus Cette dernière décennie, les maisons horlogères ont souvent investi pour atteindre une autonomie de fabrication, condition sine qua none de leur survie face au quasi-monopole de l’édition de calibres du Swatch Group, et pour justifier également des prix toujours à la hausse. Ceux-ci ont assurément permis de garantir durant la précédente décennie des croissances à deux chiffres sans augmenter les volumes de production, mais ils réduisent substantiellement le nombre des clients que l’ouverture des marchés ne peut plus compenser, le monde étant maintenant un village global. Résultat : à force d’en vouloir trop et d’ouvrir des boutiques en propre pour doubler la marge nette, le système a coincé une première fois en 2009. La crise, vite oubliée, a fait suite à une reprise, entretenue à coups de nouveaux rachats (Hublot pour LVMH, GirardPerregaux et Ulysse Nardin pour Kering), d’une croissance partiellement artificielle, soutenue encore une fois en partie par des créations de boutiques et d’importants stockages chez les détaillants asphyxiés par une marchandise devenue trop chère. Aujourd’hui, en conséquence d’un mépris à peine voilé pour la clientèle traditionnelle n’ayant plus nécessairement le pouvoir d’accéder aux produits clés, le marché se sclérose doucement, tandis que les marques optent pour des solutions tous azimuts, des matériaux éphémères au digital (pour la communication et les montres connectées), pour tenter de ré-enchanter un métier face à des consommateurs qui, finalement, espèrent juste pouvoir acheter des montres de qualité au juste prix… Que celui qui a des oreilles entende ! —
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sélection horlo
t’as Pas l’heure ? En deux temps trois mouvements, nous voici à l’heure d’été. L’ occasion de découvrir notre sélection des plus belles pièces révélées lors du dernier SIHH et de Baselworld. Le microcosme horloger vous a une nouvelle fois concocté des garde-temps aux lignes racées, émaillées d’une mécanique à la pointe
de l’excellence.
Par Aline Lalliard | sélection Siphra Moine-Woerlen
Audemars Piguet
Royal Oak Quantième Perpétuel en céramique noire La manufacture étoffe sa collection « Royal Oak » d’un nouveau modèle tout de noir vêtu et relevé d’un quantième perpétuel. Réalisé en céramique, il affiche un cadran ardoise orné d’un motif « Grande Tapisserie », où se dévoilent le jour, la date, le mois, la lune astronomique et les années bissextiles. CHF 85’000.–
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Jaeger-LeCoultre
Van Cleef & Arpels
Ulysse Nardin
A. Lange & Söhne
Dernier-né de l’emblématique collection Geophysic, ce garde-temps fonctionnel a la particularité d’abriter un tourbillon volant tout en proposant de lire l’heure dans près de 24 villes du monde. Doté du nouveau calibre Jaeger-LeCoultre 948, il offre une facilité de lecture et de manipulation inédite. CHF 151’000.–
La maison joaillière s’envole pour une nouvelle odyssée féerique entre poésie et féminité. Au cœur de son cadran chamarré se niche un papillon, dont les battements d’ailes entrent en symbiose avec la gestuelle de son porteur. Les heures et les minutes, quant à elles, s’écoulent discrètement sur la droite du cadran. CHF 315’500.–
L’univers marin incarne l’essence même de l’ADN d’Ulysse Nardin. Initialement révélée en 2016, à l’occasion du 20e anniversaire de la collection Marine, cette édition spéciale se pare désormais d’un cadran en émail « Grand Feu » d’un bleu élégant. Etanche à 100 m, le chronographe s’anime grâce au calibre UN-113. CHF 12’900.–
Ultime modèle issu de la collection « Pour le Mérite », ce garde-temps hors pair réunit cinq complications : un tourbillon, un chronographe avec fonction rattrapante, un quantième perpétuel ainsi qu’une transmission fusée-chaîne. Avec ce Tourbograph, la manufacture allemande signe sa montre-bracelet la plus complexe. Prix sur demande.
Geophysic Tourbillon Universal Time
Lady Arpels Papillon Automate
Marine Annual Calendar Chronometer
Tourbograph Perpetual « Pour le Mérite »
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rencontre horlo
Tailleur ajusté, élégance soignée, allure épurée… Décidément, rien chez Fabrizio Buonamassa Stigliani ne permet de dissimuler ses origines latines. Pas même le garde-temps qu’il arbore élégamment à son poignet : une Octo, célèbre modèle de la maison Bulgari, dont il est le directeur artistique
montres depuis dix ans.
Portrait d’un homme qui a su faire revivre les grands classiques de la prestigieuse maison horlogère. Par Caroline Penzes et Siphra Moine
l’octo par fabrizio En avancE sur son tEmps Fin des années 1990, Fabrizio Buonamassa Stigliani fait ses armes à l’Institut supérieur des arts industriels de Rome, avant de se voir proposer, en 1998, un poste de directeur de design, au Fiat Style Centre de Turin. Jouissant d’un œil éduqué dès son plus jeune âge grâce à un père directeur général de Hertz qui change quotidiennement de voiture, ce Napolitain d’origine passe près de deux ans à affiner son coup de crayon dans le
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design automobile. Une expérience qu’il décrit comme étant la meilleure des écoles, notamment pour la complexité des aspects techniques. « L’univers automobile est régi par des contraintes et des normes qui ne cessent d’évoluer. La clé pour ne pas se noyer ? Toujours être en mesure de garder un temps d’avance. L’ anticipation. » Un maître mot qui explique sans doute aujourd’hui le succès fulgurant de Bulgari.
cap sur l’horlogEriE En 2001, une certaine attirance pour l’univers horloger pousse le designer italien à envoyer des esquisses de son travail à Bulgari. Une démarche audacieuse qui lui ouvrira les portes de l’illustre maison horlogère romaine. Depuis 2007, il est en charge du Centre de design des montres, fonction qui l’amène à superviser l’ensemble des designs conçus pour les collections féminines comme masculines, en préservant le style et la signature de la marque italienne fondée en 1884. C’est désormais depuis Neuchâtel où il s’est installé en 2009, que Fabrizio Buonamassa Stigliani veille au bon fonctionnement de la conception des modèles Bulgari. « Puisque le travail de manufacture est réalisé entre La Chaux-de-Fonds et Neuchâtel, il nous paraissait plus sensé de déménager les studios de design, afin qu’ils figurent au cœur de l’univers horloger de Bulgari », confie-t-il.
© Michele Gastl
l’aDn bulgari Soucieux du respect de l’identité de la marque, Fabrizio Buonamassa Stigliani cherche constamment à retranscrire le style et l’héritage culturel de la maison italienne dans ses designs. « Bulgari symbolise tous les éléments du design et de la culture italienne, que ce soit son architecture, ses formes, son esthétique, ses éléments décoratifs ou encore sa capitale. Ceux-ci doivent être retranscrits de façon subtile et selon l’air du temps dans les nouveaux modèles que nous concevons. » A travers ses modèles emblématiques, la marque met un point d’honneur à rendre ses complications horlogères faciles à porter. « L’idée est de perpétuer une créativité fonctionnelle, chérie par la maison », explique le directeur artistique. De l’« everyday wear » par excellence. Que demander de plus lorsque l’on apprend que Fabrizio Buonamassa Stigliani prône les mêmes valeurs dans son processus de création ? « Mes goûts sont proches de l’esthétique de Bulgari. J’aime concevoir des modèles simples et innovants, sans ajouter de décoration, de manière à ce que mes designs demeurent intemporels et cohérents avec l’A DN de la maison. » La sérénité avec laquelle le directeur artistique aborde ces questions en ferait presque oublier les challenges auxquels il fait face en permanence. Car, en effet, le quotidien de l’homme est truffé de défis. « Je n’arrête jamais d’imaginer le design de nos prochains produits. Pour cela, il me faut rester à l’affût des tendances et connaître les besoins des clients, afin de pouvoir leur proposer des produits uniques. » Dans ce contexte, le designer italien est contraint de mettre ses créations sur papier deux à trois ans avant qu’elles ne sortent sur le marché.
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25 ans, 25 faits marquants
il y a des anniversaires étapes, de ceux qui nous ramènent dans le passé des souvenirs. On se souvient des accomplissements et des fiascos, des événements qui ont pavé le chemin. Les 25 ans sont de ceux-là : et pour cause, un quart de siècle ! trajectoire prend une année et, pour l’occasion, ses pages s’étoffent d’un voyage en arrière, dont les étapes portent les noms de coups de gueule, de coups d’amour, de coups de blues ou de coups de théâtre. Car si nous n’avons pas tous été marqués par les mêmes faits, nous nous accordons dans notre impression globale : ces dernières années nous ont laissé dans la bouche un goût schizophrène, bluffé d’inventions et catastrophé d’événements. C’est pour cette raison que ce dossier se veut, plus qu’exhaustif, émotionnel et pluriel dans son point de vue. Dans l’objectif d’une rétrospective pensée
comme un patchwork, nos journalistes nous parlent, chacun selon sa spécialité et sa sensibilité, des faits qui les ont marqués. n’y cherchez donc pas l’ordre, qui laisse sa place à la mosaïque, tout comme la complétude s’incline devant les choix du cœur.
En guise de préambule, laissons la parole à une date, qui fait écho dans toutes les têtes avec la même force que seize ans auparavant : le 11 septembre 2001. Ce jour-là, Ben Laden est propulsé au rang d’homme le plus traqué de la planète après avoir fait s’effondrer les symboles de la puissance américaine et de la mondialisation : les deux tours du World trade Center. On a à peine le temps de concevoir l’horreur de ces deux avions encastrés dans des gratte-ciel que le Pentagone puis la campagne pennsylvanienne servent à leur tour et à leur corps défendant de piste d’atterrissage. Bilan : des millions d’yeux écarquillés d’incompréhension et de désespoir face à l’attentat le plus meurtrier de l’histoire. Les avis se divisent, on veut déchiffrer le raisonnement derrière cet acte. mais au final, que le responsable porte le nom d’al-qaïda ou qu’il s’agisse d’un complot, quelle importance ? Le résultat est le même : les zones de conflit repoussent leurs barrières et n’épargnent plus les civils, les relations déjà bancales se détériorent et il devient plus facile que jamais de pointer du doigt, derrière un individu, une culture ou une confession. — Dossier réalisé par : Marie-Carine Favre, César Deffeyes, Aline Lalliard, Julie Masson, Jérôme Sicard, Melina Staubitz et Christopher Tracy.
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YEs WE Can !
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Accessible, charismatique, souriant. Le premier président noir des Etats-Unis entre dans l’histoire le 4 novembre 2008. Devançant son rival républicain John McCain de plus de 10 millions de voix, le démocrate devient, à 47 ans, le 44e président de la plus grande puissance mondiale, sous les yeux de milliards de téléspectateurs avides de vivre un fait historique. Ayant réuni autour de son célèbre slogan « Yes we can » toutes les classes sociales dans une ferveur typiquement américaine, il effectue un premier mandat marqué par un plan de relance de l’économie et, notamment, par l’opération débouchant sur la mort de Ben Laden. Succédant au très controversé George W. Bush, Barack Obama marque un tournant dans le style de présidence : désormais, la communication de la Maison-Blanche passe par les réseaux sociaux. Obama est le seul homme politique parmi les dix personnalités les plus influentes sur Twitter, avec 55 millions de followers. Prix Nobel de la paix, il voit ses deux mandats salués par une majeure partie de l’opinion publique. Des avis dissidents s’élèvent néanmoins à la fin de sa gouvernance, rappelant qu’il est le seul président à avoir accompli ses deux mandats à la tête d’un pays en guerre. Malgré un bilan positif, succèdent pourtant à sa classe et à celle de son épouse Michele, le populisme et la grossièreté : alors que la majorité des observateurs européens misaient sur un deuxième fait historique – l’élection de la première femme présidente avec Hillary Clinton –, le milliardaire populiste, misogyne, homophobe et raciste Donald Trump défie tous les sondages et remporte l’élection présidentielle 2016.
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DsK : LE jugEmEnt PuBLiC Jugement public. Déferlante médiatique. Complot politique. Le 14 mai 2011, l’affaire du Sofitel éclate comme une bombe entre l’Europe et les Etats-Unis. Dominique Strauss-Kahn, directeur du Fonds monétaire international, candidat favori à l’élection présidentielle française, est accusé d’abus sexuel par une femme de chambre de l’hôtel new-yorkais. La photo de son arrestation, où il apparaît menotté, fait le tour du monde. En France, l’image choque. La tempête est telle que DSK démissionne du FMI et ne peut se présenter à la primaire socialiste. Si la justice pénale déclare un non-lieu le 23 août 2011, la procédure civile débouche sur un accord financier. Sur TF1, le Français reconnaît une faute morale vis-à-vis de ses proches, mais nie l’agression sexuelle. Ce scandale divise l’opinion publique avec une vigueur sans précédent. Des théories du complot émergent, alors que les féministes dénoncent le comportement libidineux d’un homme dopé par le pouvoir. Mais même au sein de ces courants, les avis divergent. Elisabeth Badinter, féministe engagée, relève qu’on « ne se sert pas d’une possible injustice pour faire avancer une cause ». Eva Joly, candidate à la présidentielle, note : « C’est un homme, il est riche, puissant et connu, face à une femme faible, pauvre et inconnue. Il a perdu. » Qui croire, que penser ? Evidemment, DSK n’est pas un pauvre innocent désintéressé par la chair, en témoigne la naissance en 2010, révélée en 2015, d’un fils conçu hors mariage. Cela fait-il de lui un prédateur sexuel ? Les 150’000 unes de quotidiens nationaux parues n’ont pas réussi à répondre à la question. Et hormis les deux protagonistes de l’affaire, personne n’était présent dans la suite 2806 en 2011.
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PrintEmPs araBE : ErhaL ! Misère, chômage, manque de liberté individuelle. A la fin de 2010, des citoyens du Moyen-Orient et du Maghreb décident de s’élever contre les régimes totalitaires et les dictateurs qui persécutent les populations depuis trop longtemps. Le « Printemps arabe » explose le 17 décembre 2010 en Tunisie, lorsqu’un vendeur ambulant s’immole à Sidi Bouzid : le président Ben Ali, en fonction depuis plus de vingt-trois ans, est obligé de quitter le pouvoir le 14 janvier 2011, après dix jours d’émeutes qui mettent la contrée à feu et à sang. Face à la rébellion des peuples, le président Moubarak est déchu en Egypte. Au Yémen, le dictateur Saleh démissionne. Libye, Bahreïn, Syrie, tous doivent faire face à la révolution… Un seul mot alors, crié avec fureur, dépasse les frontières : « Erhal ! » Dégage, en arabe. Le monde entier est gorgé de l’espoir que ces territoires parviennent à mettre sur pied des régimes démocratiques, dans lesquels chacun pourrait vivre et s’exprimer librement. Aux quatre coins du globe, l’encre coule pour saluer ces révolutions et soutenir le mouvement. Les réseaux sociaux sont pris d’assaut tant par les révolutionnaires locaux que par ceux qui croient en un monde meilleur. Six ans plus tard, le constat est amer. Hormis la Tunisie, qui tente la reconversion en un régime démocratique, les autres contrées, souvent terrorisées par les djihadistes, ne sont parvenues à rien. Ou à pire qu’avant. La révolte a dégénéré en guerre civile en Libye, au Yémen ou encore en Syrie, pays meurtri dont les habitants s’exilent par millions. Etres désespérés qui espèrent, après des jours d’exil, trouver un avenir meilleur, ailleurs.
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POutinE LE tYran
Placé au pouvoir en 1999 pour son image de jeune homme sportif, en bonne santé et issu des services secrets, par des néoconservateurs avides de reprendre la main sur la Russie après Boris Eltsine – qu’ils estiment trop ouvert au monde –, Vladimir Poutine, avec ses muscles et sa vulgarité, y a rapidement pris ses aises. Il ne lui a ainsi fallu que peu de temps pour créer ce que d’aucuns appellent une « démocrature ». Poutine est un manipulateur, tyran moderne aux airs « civilisés » qui regrette, depuis son accession au pouvoir et sans jamais avoir changé d’avis, que l’Union soviétique ait disparu. Après deux mandats présidentiels, il passe sa pause statutairement obligatoire, entre 2008 et 2012, sous le titre de premier ministre. En réalité, il continue à jouer les numéros 1, se mêlant sans vergogne de politique étrangère, au grand dam de Dmitri Medvedev, qui tente de rétablir des relations mal en point avec l’Europe. Derrière son sourire Colgate et ses traits retendus à grands coups de bistouri, se cache un fou. Homme de guerre qui a annexé la Crimée en 2014 et rêve de faire de même avec un certain nombre de pays voisins, il ne tient pas les femmes en haute estime (il vient d’ailleurs de promulguer la loi sur la dépénalisation des violences domestiques !), martyrise les gays, les étrangers et les journalistes. Reporters sans frontières place à ce titre la Russie au 148e rang (sur 180) au classement mondial de la liberté de la presse. Sans amis mais avec beaucoup d’ennemis, Vladimir Poutine peut désormais se consoler : il est respecté par Trump. Tout est dit, tout est résumé.
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© Vincent Jarousseau
5 mOntéE Du POPuLismE Le 11 septembre 2001, notre monde occidental s’est effondré. Après ce jour-là, nous avons compris que, désormais, les zones de guerre pouvaient s’étendre à nos rues. Nous avons intégré l’idée de trembler devant l’inconnu, nous avons considéré acceptable de donner la parole aux leaders de partis politiques vociférant aux masses le repli sur soi, l’exclusion, la peur irraisonnée de l’étranger, en oubliant, très souvent, que nos civilisations se sont fondées sur le sang déversé à l’édification de nos villes, des lieux de vie. Soixante-dix ans après les braillements haineux d’un trublion autrichien à l’aube du plus meurtrier conflit de notre histoire, la haine est revenue insidieusement dans les discours politiques en tentant de réconforter les exclus, les démunis… les « sans-dents » ; ballotés par une politique absurde tentant de mêler social et humanisme de pacotille. Les leaders d’une droite dite extrême ont judicieusement appuyé douloureusement sur l’indécision, le rejet absolu, l’astigmatisme ambiant. L’ingérence de puissances mondiales dans des pays sensibles ayant considérablement augmenté les risques d’attentats aveugles, le populisme décomplexé envahit les cerveaux et lobotomise désormais le réflexe salutaire. Non, l’étranger n’est pas automatiquement un égorgeur d’enfants et, oui, bien entendu, la montée fascisante reste une préoccupation complexe. Reste à trouver l’antidote cohérent en évitant bien entendu l’angélisme, inopérant au vu de l’état actuel de notre monde souffreteux.
CahiErs DE L’ExtrÊmE Au cours des dernières années, le populisme de droite est monté en puissance lors des élections européennes. Les scores au scrutin sont sans appel et ne cessent de progresser sur le Vieux Continent. C’est en Autriche, en Hongrie, en Grèce et en France que la montée de l’extrême droite est la plus forte.
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nOn mais, aLLÔ ! Et si vous suiviez le quotidien d’une poignée d’illuminés aux quotients intellectuels avoisinant ceux d’une bande d’huîtres moribondes ? Voici le pari fou que s’est fixé, il y a près de vingt ans, le mastodonte Endemol. Après tout, comme le disait Michel Audiard, « les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît ». En 1999 donc, la célèbre machine à fric hollandaise lance l’émission Big Brother, premier prodige de la télé poubelle. Le concept ? Sélectionner des candidats jeunes et beaux en mal de célébrité, les enfermer dans une maison et observer ce qu’il se passe. L’émission cartonne et pullule à travers différents pays, dont la France, avec le lancement du cultissime Loft Story en 2001. On se souvient, non sans émoi, de la première fois où nous avons découvert cette horde de joyeux lurons, Loana et ses légendaires obus en tête. Rapidement, le virus se propage avec d’autres émissions du genre, estampillées Secret Story, Les Anges, Les Ch’tis, Les Marseillais, ou encore le monstre hybride issu de ces derniers, Les Ch’tis vs les Marseillais (oui, c’est aussi terrible que ça en a l’air). Peu à peu, les variantes foisonnent. La prod joue les cupidons dans Le Bachelor, Qui veut épouser mon fils ? ou encore Les Princes de l’amour, les chanteurs en herbe poussent la chansonnette dans Star Academy, The Voice et Nouvelle Star, tandis que Super Nanny ou Pascal, le grand frère viennent vous filer un coup de main pour éduquer vos marmots. Toutes s’accordent autour d’un fil conducteur fondamental : il faut provoquer ou exhiber des conflits entre les concurrents, afin de faire grimper l’audience. Ces figures botoxées, aux corps soigneusement plastifiés, sont devenues les icônes d’une génération. Leurs croustillantes répliques, toujours empreintes de profondes réflexions métaphysiques, sont autant de moments de culture. Nous ne remercierons jamais assez Nabilla de nous rappeler « la guerre mondiale de 78 » ou Moundir de nous enseigner le « débarquement de la Bastille ». Voyeurisme, expérience de laboratoire ou culte de la bêtise profonde : la télé-réalité est tristement devenue l’opium du peuple.
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#ExhiB #j’étaLEmaviE Si on vous avait dit qu’un jour, vous parleriez à un mur et que vous inviteriez des (presque) inconnus à devenir vos amis, vous nous auriez ri au nez. Et pourtant, c’est le défi insensé qu’a su relever Mark Zuckerberg il y a plus de dix ans. A cette époque, l’éternel ado use ses fonds de culotte sur les bancs de Harvard et lance un prototype du légendaire réseau social, intitulé « Facemash ». Le principe ? Piocher des portraits de jolies poulettes dans le trombinoscope de l’université, afin d’élire la plus « hot » d’entre elles. Quoique suspendu au bout de quelques jours, le site rencontre un succès fulgurant. Avec ses copains d’école Dustin Moskovitz, Eduardo Saverin et Chris Hughes, Zuckerberg fonde « thefacebook.com », un réseau destiné aux étudiants de l’académie. Le concept se développe peu à peu sur d’autres campus, avant de s’ouvrir au public. Un pari gagnant : Zuckerberg a désormais les poches remplies de la modeste somme de 53 milliards de dollars, trônant ainsi à la 6e place des plus grosses fortunes mondiales. Aujourd’hui, Facebook a dépassé le milliard d’utilisateurs quotidiens, et les termes « groupe », « like », « profil » ou «événement» font partie de notre jargon courant. Etalage à qui mieux mieux des photos de vacances ou de la dernière soirée, toutes les occasions sont bonnes pour s’exhiber. Et de préférence sous son meilleur jour, histoire de faire écumer les copains. Peu à peu, le réseau social au « F » bleu a donné naissance à d’autres petits gonfleurs d’ego : Twitter, Instagram ou encore Snapchat. Même concept, mêmes dérives : toute-puissance de la notification, culte du narcissisme, selfies frénétiques et souveraineté totale de l’écran. Quant au respect de la vie privée, vous pouvez vous asseoir dessus. Mais ne soyons pas mauvaise langue, les réseaux sociaux s’inquiètent aussi du bien-être de votre petit cœur. Des sites de rencontre tels que Meetic ou AdopteUnMec aident les âmes esseulées à trouver le grand amour, tandis que le dernier-né Tinder leur livre du prêt-à-consommer. Que demande le peuple ! ?
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8 gOOgLE Was BOrn Ils se sont rencontrés en 1995 sur le campus de l’Université de Stanford où, pour égayer leurs soirées, ils décidèrent d’appliquer au Web, alors bourgeonnant, le principe de l’annuaire, revisité à grandes injections d’algorithmes. En septembre 1998, Larry Page et Sergey Brin lançaient officiellement l’aventure Google Inc. dans un garage de Menlo Park, près de Palo Alto. Google, en référence au gogol en mathématiques, ce nombre qui commence par 1 et aligne une centaine de zéros. Depuis, ils ont multiplié les succès de toutes sortes. Il y eut d’abord AdWords, puis Gmail, le rachat de YouTube, le lancement d’A ndroid, les Google Glass et, dans un passé plus récent, la Google Car. En moins de vingt ans, Google est devenu l’une des marques les plus célèbres au monde, et l’une des entreprises les plus florissantes. L’ascension fulgurante de Google se confond bien évidemment avec la montée en puissance phénoménale de l’industrie du Web et de ses géants. Avec Google, Apple, Facebook et Amazon forment les FabFour du Digital Age. A eux quatre, ils totalisent 250’000 salariés et 316 milliards de dollars de chiffre d’affaires, autant que le PIB d’un pays développé comme le Danemark. Plus encore que ces chiffres record qui n’en finissent pas de justifier la référence au gogol, ces poids lourds se distinguent par l’empreinte qu’ils laissent sur tous les secteurs de l’économie. Des télécoms à la santé en passant par la distribution, les énergies, la finance, les divertissements ou les voyages, il n’est aujourd’hui plus aucun domaine qui échappe à leurs envies de tout chambouler.
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LE CimEnt Du COuPLE Merci Pfizer ! A l’origine de la troisième grande découverte fortuite de la médecine (juste derrière les rayons X et la pénicilline), la société pharmaceutique américaine a sauvé bien des couples. Son invention adulée prend la forme d’une petite pilule bleue qu’on dit miraculeuse. Son nom : le Viagra ! Dès les débuts, la magie se fait sentir. Enfant involontaire de recherches sur le sildénafil, une substance synthétisée en 1992 par Pfizer, qui veut soigner l’angine de poitrine, le Viagra s’incruste dans la fête lorsque les mâles testés remarquent une amélioration prodigieuse dans leur vie sexuelle. Ils refusent de rendre les pilules prototypes, bien trop heureux du résultat non escompté. Pfizer saute sur l’occasion, compensant la médiocrité des conclusions au niveau cardiaque par la promesse qu’incarnent les effets secondaires. Le secret du magicien ? Un accroissement de la capacité de circulation sanguine dans la région pelvienne (ce fameux lieu garant du bonheur conjugal) et, à sa suite, le très attendu écoulement de sang qui rendra à l’homme toute sa dignité. Les recherches débutent en 1993, pour aboutir à une commercialisation aux Etats-Unis en 1998 et en Europe l’année d’après. Le succès est énorme et amène la consécration ultime dès les premiers pas de la panacée en pharmacie : un Prix Nobel en 1998, qu’une dragée contre l’angine de poitrine aurait eu peu de chance de remporter. Car, au-delà de ses effets physiques, le Viagra revigore les esprits : il dorlote ces hommes en les rassurant avec les termes « dysfonction érectile », qui remplacent la gêne d’une « impuissance masculine » très dévirilisante. Merci Pfizer, donc, de permettre à nos vieux de faire des prouesses en toute hardiesse.
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10 Et L’iPhOnE fut !
Ce 9 janvier 2007, sur la scène fortement éclairée du Moscone Center, à San Francisco, Steve Jobs sait tenir son auditoire en haleine. 7’000 inconditionnels d’Apple se sont rendus à la Macworld Expo pour découvrir les nouveautés que la marque leur réserve dans l’année. Jobs en annonce trois devant un public déjà conquis. Un iPod, un téléphone et un appareil connecté à Internet. Il marque une pause, avant d’asséner le coup de grâce : « Je ne vous parle pas de trois appareils différents, mais bien d’un seul et même appareil ! Et nous l’appelons l’iPhone ! » La salle exulte, et Jobs de présenter un prototype encore branlant appelé à devenir sous peu ce même phénomène de société que furent en leur temps le Macintosh et l’iPod. Trois en un. Le Digital Age vient de découvrir son « Swiss knife ». Pour produire cette merveille de technologie, à laquelle Jobs était à peu près le seul à croire au tout début, il a fallu deux ans et demi de développement et une enveloppe budgétaire qui s’est élevée à 150 millions de dollars. « C’était comme la première mission sur la Lune ! » déclarèrent alors les responsables du projet, pour insister sur les multiples défis qu’il avait fallu relever. Sorti en juin 2007, l’iPhone s’est vendu à un million d’exemplaires sur les six derniers mois de l’année. Dix ans plus tard, alors qu’Apple s’apprête à fêter le 10e anniversaire du prodige, elle en a déjà écoulé plus d’un milliard ! En 2016, les ventes d’iPhone représentaient pour Apple environ les deux tiers de son chiffre d’affaires. Toutes marques confondues, 1,5 milliard de smartphones ont été commercialisés l’an passé à travers le monde. En dix ans, cette étrange machine est devenue le meilleur compagnon de l’homme.
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11 LE ChOC DEs haDrOns ! Plus grand accélérateur de particules au monde, il fait la fierté de la Suisse depuis l’approbation de sa construction en décembre 1995. C’est dans un tunnel construit pour le LEP (comprenez collisionneur d’électrons) que le grand collisionneur de hadrons, dit LHC (Large Hadron Collider en anglais), se déploie sur une circonférence de 27 kilomètres, entre le lac Léman et le Jura voisin. Bien plus puissant que son prédécesseur, le LHC génère jusqu’à 600 millions de collisions par seconde. Divisé en huit parties, il est doté de pas moins de 9’593 aimants… Entre 1996 et 1998, quatre expériences nommées ALICE, ATLAS, CMS et LHCb ont débuté à l’intérieur de quatre énormes cavernes souterraines construites autour des quatre points de collision des faisceaux du LHC. ATLAS, le plus grand détecteur construit pour un collisionneur, a entre autres prouvé l’existence du boson de Higgs, valant l’attribution d’un Prix Nobel de physique aux chercheurs François Englert et Peter Higgs en 2013 et permettant ainsi de tester la validité de certaines grandes théories physiques, dont celle des cordes. Le grand collisionneur travaille également à élucider le mystère de l’antimatière. Grâce à ALICE, détecteur spécialisé dans la collision d’ions de plomb, il est désormais possible d’étudier les propriétés du « plasma quark-gluon », un état de la matière dans laquelle les quarks et les gluons ne seraient plus confinés dans les hadrons à température très élevée. Un tel état de la matière aurait pu exister aux premiers instants de l’Univers, immédiatement après le big bang et juste avant la formation des protons et des neutrons. Côté CERN, on n’arrête pas le progrès !
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tuBE DigEstif En 2000, au Musée d’art contemporain d’A nvers, est présentée pour la première fois Cloaca, une bien curieuse machine digestive de 12 mètres de long. Créée par l’artiste belge Wim Delvoye, cette machine a pour but de reproduire biochimiquement la matière fécale humaine. Elle est composée de six cloches de verre contenant des sucs pancréatiques, des bactéries, des enzymes et acides, digérant jusqu’à deux repas par jour. S’inspirant de Merde d’artiste de Piero Manzoni, étrons de l’artiste italien vendus à prix d’or, Wim Delvoye va plus loin en rendant tout le monde complice de son œuvre. Pour concevoir Cloaca, il s’est entouré de plusieurs scientifiques et ingénieurs. Lorsque l’œuvre est présentée à Lyon, son tube digestif a le privilège d’être nourri par les repas gastronomiques de chefs étoilés au Guide Michelin, tels que Christian Têtedoie, alors sacré Meilleur Ouvrier de France. Bien qu’ayant attisé la curiosité de nombreuses personnes, la machine est considérée comme scandaleuse par d’autres. L’ œuvre illustre le système digestif de l’homme – sujet plutôt tabou – et semble dire que nous ne sommes qu’une machine à excréments, le néant. C’est la machine à manger imaginée par Charlie Chaplin dans Les Temps modernes qui lui a inspiré Cloaca. En créant un appareil à première vue inutile, il critique le marché de l’art et l’absurdité de la société de consommation. Chose paradoxale : ce sont souvent les artistes les plus valorisés par le système qui le dénoncent le plus. Et Wim Delvoye ne s’arrête pas en aussi bon chemin : 200 crottes mises sous vide, portant le logo Cloaca, mix entre ceux de Ford et Coca-Cola, sont vendues sur internet 1’000 dollars pièce. Suite au succès de cette première version, neuf autres machines voient le jour et l’artiste crée même un Wim Shop où l’on peut acheter des produits dérivés Cloaca, allant du papier toilette au livre.
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13 hEurE DE gLOirE Sur un tapis rouge sang, gît le pape Jean Paul II, écrasé par une météorite. Vêtu de ses plus beaux habits sacerdotaux, l’homme, le visage crispé, s’agrippe à sa férule pontificale. Cette statue au réalisme saisissant a été réalisée en 1999 par Daniel Druet, sous la direction du très controversé Maurizio Cattelan. Le titre de l’œuvre fait référence à l’Evangile selon Matthieu (27:46) : « Et vers la neuvième heure, Jésus s’écria d’une voix forte : Eli, Eli, lama sabachthani ? C’est-à-dire : mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Pour l’artiste italien, la météorite représente les péchés du monde, que Jean Paul II porte comme « un fardeau sur ses épaules, pour toute l’humanité ». Cette œuvre est d’autant plus provocante qu’elle fait également allusion à l’incident de 1981, lorsque le pape échappa à un attentat par balle. Malheureusement, tous les chrétiens n’ont pas eu la même interprétation de cette œuvre, accusant le plasticien de souhaiter le châtiment au Saint-Père. La sculpture fait également écho au tableau Etude d’après le portrait du pape Innocent X par Velázquez, peint par Francis Bacon en 1953, où l’on découvre un pape hurlant assis sur une chaise électrique. Lors de sa présentation à Varsovie en 2000, la statue créa un tel scandale que la directrice du Musée d’art contemporain, Anda Rottenberg, fut contrainte de démissionner, suite à des pressions politiques. Cela n’arrêta pas pour autant Maurizio Cattelan qui, l’année suivante, exposa Him, sculpture d’Hitler en position de prière au sein de l’ancien ghetto de Varsovie.
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Un plug anal géant en guise de sapin, voici l’un des derniers scandales du monde de l’art. Ce « sapin » gonflable baptisé Tree, œuvre de Paul McCarthy, se dresse tel un membre en érection au milieu de la très chic place Vendôme. Cette saugrenue installation doit son apparition à la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) qui, chaque année, donne carte blanche à un artiste pour décorer la place. Le jeudi 16 octobre 2014, durant le gonflage de l’œuvre, l’artiste américain est victime d’une agression par un inconnu. Quelques heures après l’installation, des mouvements identitaires et catholiques traditionalistes crient au scandale sur les réseaux sociaux : « Un plug anal géant de 24 mètres de haut vient d’être installé place Vendôme ! Place #Vendôme défigurée ! Paris humilié ! » Un homme appelle même la FIAC en menaçant de détruire l’œuvre si elle n’est pas retirée immédiatement. Alors que la sculpture serait sans doute passée inaperçue dans un musée d’art contemporain, elle crée ici la polémique et est vandalisée dès le lendemain de son installation, durant la nuit. L’arbre avait pourtant reçu l’aval de la Préfecture de police, de la Mairie de Paris et du Comité Vendôme.
saPin COquin
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DirtY COrnEr En 2015, Anish Kapoor est l’invité de l’exposition annuelle d’art contemporain à Versailles. Comme pour l’un de ses prédécesseurs, Jeff Koons, le contraste entre les œuvres d’art moderne et l’architecture des monuments historiques n’est pas du goût de tout le monde. C’est un tunnel de 60 mètres dans le jardin de Versailles qui s’ouvre en direction du château. Cette trompe d’acier rouillé partiellement recouverte de terre sablonneuse, entourée de rochers parsemés vers son ouverture, attire les visiteurs. Surnommée le « Vagin de la Reine », Dirty Corner, la sculpture abstraite aux connotations sexuelles suscite la controverse. Les conservateurs estiment que c’est un outrage à la France, jugeant la sculpture obscène et l’intrusion des idées d’un artiste étranger sur la pelouse du parc royal inappropriée. L’œuvre est d’abord maculée de peinture, puis, durant la nuit du 5 septembre 2015, souillée d’inscriptions royalistes et antisémites. L’ artiste britannique d’origine indienne et irakienne décide de ne pas faire retirer ces inscriptions, qu’il estime plus politiques que racistes, car elles témoignent du climat d’intolérance qui perdure malheureusement en France chez une minorité de personnes pour qui tout acte artistique est une mise en danger d’un passé sacralisé à l’extrême. Le scandale autour de cette œuvre a surtout été provoqué par le surnom dont elle fut aff ublée. En artiste éclairé, Anish Kapoor en a profité pour attirer la lumière sur lui, comme il sait si bien le faire. L’homme a en effet pour habitude de se servir des médias pour accroître sa notoriété, atteignant ainsi un public non habitué aux musées. Dernièrement, l’acquisition exclusive des droits d’utilisation du Vantablack a des fins artistiques l’a remis sous le feu des projecteurs.
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16 quEEn mErCurY Somebody to love, un classique du légendaire groupe anglais Queen. Un band de quatre membres complètement amalgamé par les glorieuses années 70. Tandis que la France s’engluait dans du disco moisi à la Sheila, nos voisins insulaires s’ébaudissaient en écoutant des chefs-d’œuvre, et pas des moindres. L’ Angleterre, définitivement le pays de la grande musique pop avec, en vrac et pardon du désordre, les Rolling Stones, les Beatles, Bowie, Elton John… et donc les Queen. Leader charismatique, Freddie Mercury, un hybride de Zanzibar, dents en avant, fine moustache et tendance cuir, mais quelle voix, cristalline, puissante, mélodieuse, enchanteresse. Une grande tessiture et une maîtrise quasi divine de l’opéra. Un artiste rare. Un quart de siècle après son tragique décès suite à une maladie qui allait ravager la planète entière, on se souvient que Freddie Mercury a hypnotisé les foules dans des stades pleins comme des œufs lors de tournées mondiales féeriques. Encore maintenant, alors que l’univers global de la musique s’est effondré dans un conformisme aphasique (Adele est la plus grande star mondiale, c’est dire !), écouter un album des Queen relève, sinon d’un plaisir jubilatoire, au moins d’un salvateur sursaut d’orgueil. Bohemian Rapsody, I Want to Break Free, Another One Bites the Dust, We Will Rock You, parmi de nombreux autres classiques instantanés, figurent, pour toute personne dotée de sens commun et d’oreilles en bon état de fonctionnement, au panthéon de l’histoire de la pop. Fêtard et provocateur, le génialissime et insubmersible Freddie Mercury a vaillamment lutté les dernières années de son existence contre l’immonde maladie en continuant de poser sa voix sur d’innombrables nouveaux titres de son groupe. Personne n’a pu et su remplacer cet immense performeur.
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granDEur Et DéCaDEnCE Billie Jean, Say Say Say, Man in the Mirror, Bad, Smooth Criminal... Tous ces tubes gigantesques, très estampillés années 80, paillettes et dance-floor endiablé, ont un point commun : Wacko Jacko, l’un de ses innombrables surnoms. Propulsé star mondiale à 24 ans après le triomphe historique de son album Thriller en 1982, le petit dernier des Jackson Five a commencé une carrière solo, vendu des vinyles par wagons entiers, squatté le Top 1 des hit-parades du globe et considérablement perdu la raison. Rapidement autoconsacré dieu vivant, aussitôt multimillionnaire, l’ancien Afro de la middle-class a pété une durite en rabotant son nez, en affinant son visage et en blanchissant sa peau. Autre souci, un éventuel intérêt malsain pour de jeunes adolescents. S’en est suivi un monstrueux barnum médiatique mondial lorsque la star iconique a dû faire face à de très sérieuses accusations de pédophilie répétée et de subordination de témoins. Traqué par les pires journalistes, conspué par l’A mérique blanche, ruiné par son armada d’avocats assoiffés de notoriété, malade, décharné, vidé de toute substance, Mickael Jackson a tenté de faire bonne figure, refusant de comprendre que son génie, l’image parfaite du plus éblouissant rêve américain, s’est effondré, quitte à en crever, à quelques semaines d’un hypothétique retour sur scène dans l’immense O2 Arena londonienne. Tandis que l’artiste annonçait ce retour pour quelques soirs, les promoteurs, une fois encore avides d’argent, négociaient secrètement cinquante dates. Ereinté, disloqué par une décennie d’opprobre, de vilénies, effondrés par sa propre image, Michael Jackson a préféré la fuite en avant. La définitive. Sous le feu de milliards de projecteurs un soir d’été 2009...
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BOn PuBLiC Comment expliquer qu’une aimable comédie ponctuée de scènes comiques et de bons sentiments ait pu réussir le tour de force d’enthousiasmer, rien qu’en France, plus de 20 millions de spectateurs ? Il est peu évident de comprendre le mécanisme inexorable de ce raz de marée rassembleur et générationnel qu’est Bienvenue chez les ch’tis, pourtant, à chaque fois que le film repasse à la télévision, on se surprend à le regarder de nouveau, à apprécier les personnages, souvent plus tendres que foncièrement méchants, à se satisfaire de la petite musique finement proposée par Dany Boon. Depuis, une autre comédie, elle aussi rassembleuse avec de bons sentiments, a suscité un vif engouement, Intouchables, faisant d’Omar Sy une star bankable. Hélas, revers de la médaille, les producteurs ont compris que le feel-good remplissait les porte-monnaie et, depuis, moult productions ont tenté de (re)créer, souvent artificiellement, la même magie. Autre coup dur, Dany Boon, ici acteur-réalisateur-scénariste-coproducteur, a touché le jackpot avec sa comédie ; on parle de plusieurs dizaines de millions d’euros. La France n’aime pas le succès, surtout s’il est aussi flagrant, et le comédien est suspecté et souvent vilipendé par une certaine presse. Pourtant, sauf preuve irréfutable, son succès, et la rémunération qui en découle, est le fruit d’un travail. Pour la petite histoire, il permet notamment à Dany Boon de s’adonner à sa passion pour la belle horlogerie helvétique, en collectionnant depuis des années les créations de F.P. Journe. Vous voyez, il y a toujours une justice !
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19 hOuELLEBECq L’insOumis A première vue, le gaillard, 1m60, déplumé, le visage anguleux et la pensée de traviole, n’avait pas grand-chose pour convaincre l’acheteuse moyenne des Fnac et autres Payot. Loin de l’image idéalisée du romancier propre sur lui, petit minois de cureton, pull en cachemire et idées bien-pensantes à la Marc Levy, voire David Foenkinos, Houellebecq, avec son faciès circonspect, son dentier interchangeable et sa prose féroce, a creusé littéralement la tombe de l’édition française en assassinant méticuleusement toute comparaison. A côté de lui, les faiseurs germanopratins font pâle figure. Le Prix Goncourt 2010, le plus gros vendeur européen, le multi-édité à travers le monde et l’habitué des louanges d’une certaine presse bobo est devenu en une petite vingtaine d’années une icône absolue. Son art est célébré, ses textes étudiés, le personnage starifié au possible. Reste qu’à l’aube d’une soixantaine rongée par une consommation frénétique de tabac et d’alcools en tout genre, Michel Houellebecq a très largement le temps de continuer à creuser un vaste et problématique champ d’investigation entre sa littérature et le tout-venant, forcément moins ambitieux. La (re)lecture en 2017 de son premier opus, Extension du domaine de la lutte, nous rappelle que rien n’a foncièrement changé depuis 1994. Rien hormis l’intense solitude dans laquelle nos existences nous obligent à nous emmurer. Houellebecq a une écriture éloquente. Effectivement, nous sommes loin, très loin d’un Guillaume Musso.
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20 suCCEss-stOrY Nous sommes tous d’accord, ce n’est pas le meilleur film du réalisateur canadien James Cameron. Jadis responsable, pardon du peu, d’Aliens, de Terminator 1 et 2, d’Abyss, le self-made-man a réussi à trouver 200 millions de dollars pour tourner un mélo grand spectacle mettant en scène deux amoureux transis issus de deux mondes bien distincts (la bourgeoise et l’ouvrier) s’aimant follement sur un gros paquebot, avant de vivre le plus grand naufrage de l’histoire. La gageure n’était pas d’en faire une histoire si romantique, universelle, ambitieuse, épique – James Cameron sait tourner de grands films –, mais plutôt de comprendre ce que le public du monde entier voulait absolument voir en ce mois de décembre 1997. De fait, Titanic est devenu un monstrueux succès mondial, le film de tous les records, largement battus à travers les quatre coins du globe. Succès numéro 1 dans à peu près tous les pays. Evidemment, Kate Winslet, alors toute jeune, est devenue une grande vedette, et Leonardo DiCaprio le fantasme de centaines de millions de jeunes filles, ainsi qu’une star internationale. Reste le spectacle, forcément époustouflant, et la chanson de Céline Dion. On peut néanmoins, sur ce dernier point, avoir une petite crispation. Depuis, le réalisateur a réitéré le bluff en nous contant l’odyssée de grands bonhommes tout bleus dans un univers parallèle dans le très surfait Avatar. A ce propos, on parle d’une séquelle depuis plus de huit ans. En même temps, soyons clair, James Cameron n’a strictement aucun besoin de ressources, ni même l’impérieuse nécessité d’ajouter une pierre à une filmographique hautement respectable. Alors, Avatar II, on peut tranquillement s’en passer, non ?
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L’èrE tarantinO En 1992, Quentin Tarantino n’est alors que le réalisateur débutant d’un polar ultra violent tourné pour quelques dollars avec une poignée de comédiens investis : Reservoir Dogs. Auréolé d’un buzz évident lors de sa présentation dans des festivals à travers le monde, ce film qui mélange dialogues interminables et scènes à la limite du gore ne laissait pas encore poindre l’ambition démesurée de son réalisateur, un Californien féru de vidéo, cinéphile acharné et iconoclaste provocateur. Pourtant, en mai 1994, son second film, un ambitieux drame en plusieurs chapitres mêlant des saynètes souvent absurdes, mais toujours ponctuées d’une violence bigrement marquante, remporte rien de moins que la Palme d’or du Festival de Cannes. Un véritable coup de poing en pleine tronche magnifiant éternellement son réalisateur-scénariste et l’escouade de comédiens (des stars sur le déclin tels que Bruce Willis ou John Travolta, des wannabe évidents comme Samuel L. Jackson, etc.) complètement investis dans ces deux heures trente de dinguerie, de sauvagerie pop et rock complètement déjantées. Il y a, à n’en pas douter, un avant et un après Pulp Fiction. L’ avant fut plus innocent, l’après plus coloré. Reste une évidence : il n’y a qu’un seul Tarantino et son deuxième film reste un chef-d’œuvre inclassable, donc complètement immortel. Bravo l’artiste !
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22 hELP uBs ! Voilà maintenant dix ans, la crise financière commence à pointer le bout de son nez. Au printemps 2007, les premiers courtiers hypothécaires américains, englués dans les impayés, piquent du nez et quelques mois suffisent aux subprimes pour menacer le système financier d’effondrement total. Globalisation oblige, le choc se propage à l’ensemble de la planète, sans que la Suisse puisse s’y soustraire. En octobre 2008, il faut sauver cette vénérable institution qu’est UBS d’un désastre irrémédiable, pour s’éviter la faillite d’un Lehman Brothers à la sauce helvétique. Dans le courant de l’année, UBS a accumulé des milliards de pertes et vu son cours de bourse chuter de plus de 60%. Le bilan de l’établissement trahit une exposition irraisonnée à ces subprimes qui valaient désormais moins que le papier sur lequel ils avaient été rédigés. Les dégâts se chiffrent en dizaines de milliards de dollars. Le 16 octobre 2008, le Conseil fédéral et la Banque nationale suisse interviennent donc en force pour remettre droit UBS, selon les lois du « too big to fail » qui prévalent à l’époque. Le Conseil fédéral prête 6 milliards de francs pour que la banque puisse consolider ses fonds propres. Quant à la BNS, elle reprend près de 40 milliards de créances douteuses, qu’elle place sur un fonds de stabilisation, dit « StabFund » chez les initiés. Cinq ans plus tard, après avoir réussi à écouler la plupart de ces actifs, apparemment moins toxiques qu’il n’y paraissait, la BNS a réussi à générer un bénéfice d’un peu plus de 5 milliards de dollars. Une belle acrobatie en conclusion d’un triste dérapage.
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23 PassagE à L’EurO Officiellement créé le 1er janvier 1999, c’est le 1er janvier 2002, soit trois ans plus tard, que l’euro envahit les tiroirs-caisses et les portemonnaie de 300 millions d’Européens. Pour ses douze pays membres, l’Union européenne a mis en circulation 8 milliards de billets et 40 milliards de pièces. Valeur totale : 371 milliards d’euros. Les billets, dessinés par l’Autrichien Robert Kalina, mettent en scène des éléments architecturaux, sans qu’il soit possible d’identifier le pays d’origine. Il fallait des fonds neutres pour éviter de froisser quelques sensibilités. Les Etats se consolent avec les pièces, sur lesquelles il leur est possible de représenter un symbole national. Entre le Traité de Bruxelles en 1948, le Traité de Rome en 1958 et enfin le Traité de Maastricht en 1992, le temps a parfois semblé long avant que l’Europe puisse se doter d’une monnaie unique, capable d’asseoir son bloc économique, de faciliter les échanges et de dynamiser la croissance. Quinze ans plus tard, force est de reconnaître que les euros n’ont pas fait que des heureux. Sur cette période, la France et l’A llemagne ont vu leur PIB progresser de plus de 25%, l’Espagne et l’Irlande s’en sortent encore mieux, mais pour des pays comme le Portugal, l’Italie ou la Grèce, l’euro a semblé une monnaie plus trébuchante que sonnante. Fragilisé de surcroît par le Brexit, l’euro paraît cependant d’autant moins menacé qu’il a largement fait la preuve de sa robustesse aux pires heures de la crise financière.
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La ChinE OuvrE BOutiquE Dans l’histoire récente, l’économie mondiale a connu deux accélérations majeures. La première remonte à la chute du mur de Berlin en 1989, avec l’ouverture débridée du bloc soviétique aux délices de la civilisation occidentale. La seconde date de décembre 2001 et de cette journée mémorable, le 11, où l’OMC, Organisation mondiale du commerce, a daigné accepter l’adhésion d’une Chine bien décidée à monter en volume. La République populaire ne pèse alors pas bien lourd. Malgré ses 1,2 milliard d’habitants, elle ne produit pas plus que l’Italie ou la France. En échange de son entrée à l’OMC, elle accepte de tempérer ses ardeurs protectionnistes et de réduire ses tarifs douaniers. Quinze ans plus tard, la Chine a multiplié par huit son PIB, qui dépasse désormais les 10’000 milliards de dollars. Devenue deuxième économie au monde derrière les EtatsUnis et premier exportateur, elle soutient quasiment à elle seule la croissance mondiale. Les tweets assassins de Donald Trump laissent cependant planer quelques ombres sur cet envol spectaculaire. Si les consommateurs ont su profiter des prix bas pratiqués par les fabricants chinois, de nombreux pays occidentaux ont dû supporter à la marge le coût de la désindustrialisation. En décembre 2016, l’Union européenne a finalement accordé à la Chine le statut d’économie de marché. Les Etats-Unis ont refusé, jugeant que la Chine avait un peu trop tendance à subventionner ses entreprises, à fixer les prix sur son marché ou encore à manipuler les taux de change. Bref, il lui reste encore quelques détails à régler.
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mOnEY mOnEY « L’argent dirige le monde », dit-on quand on ne lui préfère pas l’amour, perspective plus réjouissante, mais tout aussi caricaturale. Il est néanmoins vrai que les occasions de constater la cupidité désormais sans limites de certains n’ont pas manqué ces 25 dernières années ! Inutile de s’être ennuyé poliment cinq années sur les bancs de HEC pour saisir l’ampleur de ces récurrentes dérives. Allumer sa télévision, sa radio ou ouvrir un journal, fût-il gratuit, suffit. L’inénarrable financier new-yorkais Bernard Madoff en est un excellent exemple. Sans doute le meilleur. Au début des années 2000, ce triste sire profite de sa notoriété pour escroquer 50 milliards de dollars à des clients aussi riches que candides. Il promettait le plus sérieusement du monde à ces malheureux des profits de 14%. Aveuglés qu’ils étaient par leur propre cupidité, ces derniers le croyaient. Autre exemple avec un « petit » poisson breton cette fois, pourtant le symbole de la pourriture de tout un… banc du système : le trader Jérôme Kerviel. Entre 2005 et 2008, le Français fait perdre 4,9 milliards d’euros à la Société Générale. Et ce, notamment en introduisant de fausses données dans le système informatique de la grande banque. Etrangement érigé en héros par certains depuis, le Français était du genre à tout oser. Et apparemment, cela n’a pas changé. En 2014, celui qui se définit volontiers comme « l’homme le plus endetté que l’humanité ait jamais porté » réussit à improviser une improbable rencontre avec le pape place Saint-Pierre. Pas sûr que ses péchés lui soient pardonnés pour autant au jour du Jugement dernier ! Troisième exemple d’une liste malheureusement pléthorique : Enron. Cette entreprise fut l’une des plus grandes du monde par sa capitalisation financière. Loin de lui conférer une éthique à toute épreuve, ce statut a permis à la société texane d’enchaîner les spéculations hasardeuses. Suite à sa faillite en 2001, les retraites de milliers d’A méricains partirent en fumée et leur foi aveugle dans le système « cacapipitaliste » états-unien avec. Que dire enfin de ces traders de l’ombre qui, le plus légalement du monde cette fois, spéculent sur les matières premières comme s’ils jouaient à un jeu vidéo et qui, en quelques clics, plongent périodiquement des régions entières d’A frique dans la famine et la pauvreté ? Pas grand-chose de constructif, à part ce que Gandhi écrivait de gredins de leur genre en son temps : « Il y a assez de tout dans le monde pour satisfaire aux besoins de l’homme, mais pas assez pour assouvir son avidité… »
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Vitamine C !
Le grand C pourrait bien représenter l’initiale du mot cœur. Celui de la gamme, puisque cette lettre figure sur des millions de voitures. Mais aussi celui de celles et ceux qui s’approchent, parfois pour des motifs très raisonnables, et dont la poitrine se met à résonner plus fort. Par Gil Egger
L
e talent des designers est simple à mesurer : quand une silhouette suscite des moues dubitatives, cela incite à se demander où est l’erreur. Quand, au contraire, les sourcils se haussent pour exprimer un sentiment d’admiration, la preuve de la réussite est faite. La Classe C a toujours représenté pour Mercedes-Benz la pointe de flèche de sa conquête d’une clientèle extrêmement variée. Dans cette catégorie soumise à une forte concurrence, les breaks ornés de l’étoile à trois branches se voient partout. De nos jours, une tendance submerge tout, celle des véhicules hauts sur pattes, les crossover et les SUV. Cela n’enlève rien aux mérites des breaks, qui conservent intacts tous leurs atouts. Dont celui d’un design marquant et fluide.
Le voLume sans Contrainte Les partisans de cette forme de carrosserie savent ce qu’ils veulent. Certes, les voitures plus hautes sont tentantes, mais quelques qualités reviennent aux breaks. Ils ont en effet un volume généreux, dont l’accessibilité basse simplifie tous les chargements. Leur base provient d’un châssis de berline taillé pour assurer deux choses indispensables aux grands rouleurs exigeants : le confort et la tenue de route. Il y a fort à parier que, au-delà des modes, cette carrosserie réservant une place importante et facilement modulable derrière les sièges avant continuera à attirer une large clientèle. Pour donner une réponse adéquate aux désirs les plus divers, MercedesBenz n’a pas lésiné sur la multiplication des motorisations et des équipements, en ajoutant des accessoires pour tous les goûts.
Les Châssis de référenCe assurent La séCurité En Suisse, année après année, la proportion de véhicules dotés de la transmission sur les quatre roues ne cesse de croître. Si cela continue, près de la moitié des ventes concerneront ce mode
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GRAND FORMAT
Buzludzha. Inaugurée en 1981, la maison du Parti communiste bulgare est devenue le symbole de la chute de l’Union soviétique. Bulgarie, 2014.
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DEMANDE à LA POUSSIÈRE
Quelque part ici-bas, renaissance de l’au-delà... De vestiges en lieux paisiblement endormis, le photographe français Romain Veillon cristallise l’émotion et le souvenir, offrant un dernier tour de piste aux fantômes de l’oubli. Reportage. Par Delphine Gallay | Photos Romain Veillon
Requiem for a dream. Château, Pologne, 2014.
Gentleman thief. Manoir en apesanteur, France, 2015.
Sonatine. Château, Belgique, 2013.
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R
« Memento Mori ». Eglise, France, 2015.
omain Veillon a de magique et de précieux son regard et son objectif, qu’il se plaît à poser sur le passé. Des clichés qui en font le narrateur d’un monde figé, quelque part oublié. Témoin du temps qui passe et de l’absence, le photographe explorateur utilise pour seules clés la patience et le respect des joyaux abandonnés. Sa mission : capturer le contraste de l’instant présent, la poésie des lieux, l’usure et le spectacle d’une nature triomphante au travers de ruines teintées de nostalgie indélébile. Se rendre là où personne ne se rend, là où personne ne l’attend.
DE PASSAGE « Si les morts ne parlent pas, il en va autrement des lieux qu’ils ont habités. » Palais désertés, villes fantômes, églises et unités délaissées sont les terrains de jeu préférés du photographe. Aussi loin qu’il s’en souvienne, Romain Veillon a toujours été fasciné par cette notion d’abandon. Derrière l’image, le photographe dépeint avec fracas la question existentielle : et après ? Quelles traces laisse-t-on de notre passage sur terre ? Une œuvre brute et profonde renvoyant intrinsèquement à notre propre histoire et à la vision d’un patrimoine somme toute voué à la ruine, malgré nos rêves d’éternité. Projection et parallèle troublants.
On découvre alors, stupéfaits, la démesure de l’homme, l’emprise du temps et le retour à l’état sauvage patiemment observés, contemplés, traqués, jusqu’au clic parfait.
TIC-TAC Un travail de passion, nécessitant en amont des heures de recherches et plusieurs repérages avant de laisser place à la patience et à l’action contemplative du jour J. A la question « vous arrive-t-il d’avoir peur ? », Romain Veillon vous répondra, sourire en coin, que passé l’excitation et les palpitations, l’atmosphère n’a jamais été aussi calme et paisible. Muni de son appareil, il s’accompagne de la lumière naturelle pour insuffler une présence au vide, au néant. Comme si, pris au piège entre l’obscurité et la lumière divine, il avait le pouvoir d’offrir une dernière danse aux déserteurs de ces lieux avant de refermer la porte de l’oubli. Des décombres, une structure peu à peu effacée qui laissent entrevoir l’effervescence et les fastes d’une époque, bercés par l’imagination et le calme ambiant percé au grand jour.
INCONNU à CETTE ADRESSE Après des débuts en région parisienne, dans le nord de la France et en Europe de l’Est, à la recherche de friches industrielles,
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QUELLE TRAJECTOIRE !
NO PLANE NO GAIN
«N
e jamais faire l’économie de la démarche ! » Telle est la devise que Clément Lauriot-Prévost s’est choisie. Cinq minutes d’entretien suffisent pour comprendre que ce Français de 37 ans l’a souvent mise en pratique pour forcer sa chance ! Au fond de ses yeux brille une lueur malicieuse le rendant d’emblée sympathique. Commercial de formation et de nature, ce jeune papa officie comme Associate Director de NetJets Europe depuis 2012. La compagnie américaine, leader mondial incontesté sur le marché de niche ultra-lucratif de l’aviation d’affaires, l’a recruté voici dix ans. Par un de ces hasards qui n’en sont pas, Clément LauriotPrévost avait croisé son futur employeur dans les travées d’un stade de foot de Kiev. Le courant était passé et des cartes de visite avaient été échangées... Ses études en école de commerce avaient amené le Parisien à évoluer dans la pub. « Sans connaissance ni réseau », il a rebondi dans l’aviation d’affaires. Et ce, au point de nous faire face aujourd’hui, installé au bar du prestigieux hôtel genevois La Réserve, dans la peau du responsable NetJets pour le sud de l’Europe et l’A frique. Une belle occasion
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pour faire le point sur la success-story d’une compagnie qui a, de longue date, fait de Genève un de ses fiefs incontournables ! Nombre de sociétés d’aviation d’affaires ont du mal à se remettre de la crise de 2009. NetJets pas. Pourquoi ? Parce que nous avons les reins solides grâce à la force de frappe du groupe Berkshire Hathaway de Warren Buffett, auquel nous appartenons. En 2009, le secteur a enregistré –15% d’activité. De notre côté, nous affichions –7% et, dès 2012, nous recommencions à croître. Depuis 2010, nous avons passé commande pour plus de 12 milliards de dollars et, actuellement, environ un tiers des 700 jets sont neufs. Les autres compagnies, de leur côté, n’exploitent bien souvent que quelques appareils dans une seule ville. Notre premier concurrent est par exemple vingt fois plus petit que nous ! Puisqu’on en est au rayon chiffres, NetJets c’est… Une flotte de 700 jets biréacteurs (dont 100 en Europe) de sept à quatorze places, dont l’autonomie va de 3,5 à 13 heures.
Leader mondial de l’aviation d’affaires, NetJets a fait de Genève l’un de ses fiefs. De passage en ville, Clément Lauriot-Prévost, responsable de la compagnie pour le sud de l’Europe et l’A frique, lève le voile sur un secteur aussi lucratif que fascinant. Interview César Deffeyes
en 1996. Aujourd’hui, nos clients sont assurés d’avoir un avion de la flotte dans les dix heures, où qu’ils se trouvent dans notre zone de couverture. Les vols de positionnement, c’est-à-dire ceux qui consistent à acheminer l’appareil jusqu’au lieu où ces clients se trouvent, ne leur sont pas facturés. Et nous garantissons le rachat des parts d’avion quand le client veut s’en séparer. Aucun concurrent ne s’aligne sur ces deux atouts. Votre société investit énormément dans la sécurité. Pourquoi ? Le moindre problème dans ce domaine ternirait gravement notre réputation. Et puis nos clients, qui profitent de leur droit de faire voyager leurs proches et leurs collaborateurs, y tiennent. Résultat : on investit par exemple 750 millions d’euros tous les cinq ans dans la formation de nos pilotes. Notre training center à Lisbonne dispose notamment d’un simulateur de vol. Et la moyenne d’âge de notre flotte n’est que de deux ans, contre seize en moyenne européenne !
Quelque 5'000 pilotes salariés (dont 1'000 en Europe). Un maillage de 5'000 aéroports dans plus de 120 pays. Environ 6'000 clients (dont 1'000 en Europe), parmi lesquels 70% de sociétés et 30% de particuliers, dont Bono, Nico Rosberg ou encore Roger Federer, une aubaine pour l’ancien aspirant tennisman pro que je fus ! On comptabilise près de 300'000 vols annuels (dont 45'000 opérés par NetJets Europe). Et un chiffre d’affaires… confidentiel, que l’on peut toutefois essayer d’estimer quand on sait qu’une heure de vol se facture entre 4'000 et 10'000 euros selon l’appareil. Le « time-sharing » est au centre du succès de votre compagnie. De quoi s’agit-il ? NetJets a été fondée sous sa forme actuelle en 1986, en partant du constat que posséder son propre avion n’est quasiment jamais rentable. Il faudrait en effet 400 heures de vol par an pour espérer que cela le soit, ce qui est énorme. D’où l’idée de vendre une portion d’un même avion à plusieurs clients. Aux Etats-Unis, où le « No plane, no gain » [« Pas d’avion, pas de profit »] est roi, cela a cartonné d’emblée. L’Europe a suivi
Vos clients exigent aussi du luxe. Que leur proposez-vous ? Des avions dont l’aménagement intérieur a été pensé sur mesure pour atteindre des niveaux d’insonorisation exceptionnels, et dans lesquels la pressurisation a été optimisée pour minimiser la fatigue. Nos clients peuvent ainsi travailler efficacement ou jouir d’un sommeil de qualité. A côté de cela, ils ont accès au wi-fi, aux journaux et à de la gastronomie de qualité. Notre personnel est également parfaitement polyglotte. Que représente Genève pour NetJets ? Nous sommes le plus grand opérateur privé à Cointrin. Genève est notre troisième aéroport de départ après Londres et Paris. Cela s’explique par le fait que Genève est centrale en Europe et reste un haut lieu de la place financière. Nous avons une centaine de clients suisses ; par nature, ils sont assez exigeants, mais tout en étant sympathiques. Que vous apporte votre métier ? J’apprécie l’ouverture d’esprit typiquement américaine qui y règne. Via mon travail, je rencontre des gens qui raisonnent plus vite que moi et cela me booste. Mon activité aiguise l’intuition, et il en faut beaucoup pour se faire respecter ou entendre par nos clients, qui ont souvent peu de temps et vous jugent très rapidement. Cela m’oblige à m’adapter sans cesse et au mieux à l’âge, à l’histoire et à la culture de mes interlocuteurs. —
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EN VOGUE
© Gaultier Paris
© photo Gérard Pataa – Fondation Pierre Bergé Yves Saint Laurent
TENUE CORRECTE EXIGÉE !
Jean Paul Gaultier, prêt-à-porter printemps-été 2012.
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Yves Saint Laurent, haute couture automne-hiver 1966, mannequin Ulla.
© Jean Moral
© Guy Marineau
Thierry Mugler, haute couture automne-hiver 1997-1998.
Gabrielle Chanel et Serge Lifar, 1937.
Dries van Noten, automne-hiver 2013-2014.
Jean troué et robe vichy n’ont pas toujours été si sages !
Ces grands classiques ont frôlé le mauvais goût avant d’entrer dans l’histoire. C’est cette épopée de plus de sept siècles que raconte l’exposition « Tenue correcte exigée » qui se tient actuellement au Musée des arts décoratifs de Paris. Retour sur les plus grands outrages des règles de l’étiquette. Par Diane Ziegler
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NEWS BEAUTÉ
CHOIX DE SAISON Place au printemps
et, pour l’accueillir, les produits de saison nous offrent un teint frais et un sillage de velours. Par Melina Staubitz
GORGÉE D’EAU D’un bleu alléchant, le Bi-sérum intensif Hydra-Essentiel de Clarins donne soif. Et pour cause : il agit sur l’épiderme comme un grand verre d’eau. Désaltérant à souhait, il tombe à pic après des mois de temps froid et sec. Clarins, Bi-sérum intensif « anti-soif » Hydra-Essentiel, CHF 80.– les 100 ml.
GOURMANDISE LÉGÈRE Quand les températures grimpent, nos soins quotidiens gagnent en légèreté. Matin et soir, la texture poids plume du gel-crème Hydra Life de Dior se dépose sur le visage pour lui donner une seconde vie. Hydratée, repulpée, la peau accueille cet élan de fraîcheur avec appétit. Dior, Sorbet Crème Hydra Life, CHF 83.– les 50 ml.
MULTITASKING
Quelle femme n’a jamais rêvé d’une palette magique renfermant tous ses secrets beauté de la journée et de la nuit ? Shiseido exauce nos souhaits en imaginant un nuancier polyvalent aux sept éclats et aux quatre fonctions : poudre lumière, poudre sculptante, blush et fard à paupières, tout tient dans une main. Shiseido, Poudre Lumière 7 Couleurs, env. CHF 51.–
EN GARDE ! On entre dans le printemps en mode warrior avec une chevelure qui défie les lois de la nature et qui met la chute au placard. La dernière formule Dercos de Vichy se pare de nouvelles couleurs pour reprendre son combat capillaire anti-chute avec une efficacité redoublée. Attention devant ! Vichy, Dercos Aminexil Clinical 5, 21 monodoses de 6 ml, env. CHF 69.–
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POÉSIE OLFACTIVE En un battement de cœur, les effluves mystiques de Love Story Eau Sensuelle de Chloé nous transportent sur le pont des Arts au coucher du soleil. A l’horizon, la nuit parisienne porte les promesses d’un amour naissant… Chloé, eau de parfum Love Story Eau Sensuelle, CHF 103.– les 50 ml.
MANGER DES BAISERS Les concessions ? So 2016 ! Pour satisfaire à la fois nos envies d’hydratation et de couleur longue durée, Yves Saint Laurent signe un soin nourrissant qui fond sur la bouche comme un baiser en y déposant des pigments discrètement audacieux. La belle saison s’annonce fougueuse. Yves Saint Laurent, baume éclat Volupté Tint-In-Balm, CHF 48.–
LA ROSE AU CORPS La nouvelle eau de Nina Ricci réunit, dans un accord presque érotique, la rose, la framboise et les muscs. Dans un frisson au goût de plénitude, ses effluves se déposent sensuellement sur la peau… On le respire comme une addiction. Nina Ricci, eau de toilette Rose Extase, CHF 88.– les 50 ml.
NUIT LÉGENDAIRE
La légende veut que, dans la Rome antique, les femmes aristocrates adoucissaient les irritations de leur peau grâce à l’application de cold cream, une émulsion composée de cire d’abeille et d’huile d’amande. Aujourd’hui, Lancôme réinvente le mythique onguent avec son soin de nuit Absolue Night, en l’étoffant des bienfaits de la rose, emblème de la maison. Lancôme, Soin nuit réparateur Absolue Night, CHF 295.– les 50 ml.
MANUCURE CAPILLAIRE A l’approche des beaux jours, les bonnets valsent et les chapeaux disparaissent. Ce sont les cheveux qui sont sur le devant de la scène, et on les soigne avec le spray bi-phasé de Valmont, qui agit comme un top coat en déposant un voile de lumière sur la chevelure. L’éclat de la couleur se fait immédiatement vibrant. Valmont, Beautifying Mist pour cheveux, CHF 108.– les 125 ml.
À PAS DE VELOURS Pour laisser derrière soi les derniers frissons de la saison froide, on plonge, avant ou après le bain, dans le sillage de patchouli et de vétiver de l’Huile Velours pour le Corps Coco Mademoiselle. On en ressort avec une peau satinée et douce, grâce à la texture sèche et veloutée de l’huile. Chanel, Huile Velours pour le Corps Coco Mademoiselle, CHF 75.– les 200 ml.
LIBERTÉ EXQUISE La femme est changeante, surprenante. Narciso Rodriguez rend hommage à cette liberté féminine en imaginant un jus à la fois charmeur et passionné, sensuel et ardent. Indomptable, son cœur de musc est enlacé d’un bouquet somptueux de fleurs roses, tandis que des notes de patchouli et d’ambre rendent la fragrance addictive. Narciso Rodriguez, eau de parfum Fleur Musc For Her, CHF 117.– les 50 ml.
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rencontre BeAUté
Y’A D’LA JOIE !
Les « Fontaines Parfumées », nouveau bastion des parfums Dior à Grasse.
Son nom ne vous dit peut-être rien, et pourtant, sa signature est portée derrière plus d’une oreille. François Demachy, homme aussi discret qu’élégant, compose les eaux de parfum de demain qui deviendront un jour légendes. Parfumeur-créateur Dior, il insuffle, de la fleur au flacon, une nouvelle dimension, une nouvelle émotion. Par Delphine Gallay | Photos Parfums Christian Dior
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D
e passage à Grasse, privilège rare et exclusif, François Demachy nous a reçus dans son atelier de création « Les Fontaines Parfumées », nouveau bastion des parfums Dior, et nous a présenté le dernier-né : J’adore in Joy. Une fragrance décuplée, soulignée de contrastes et de subtils accords fruités-salés, imaginée autour d’une fleur de sel et d’un ylang-ylang sur mesure. Lumineuse et joyeuse, elle est à l’image du comptoir grassois retrouvé. L’occasion pour nous de revenir sur l’essence même de ses créations – l’appel au savoir-faire, aux matières premières et aux métiers d’hier et d’aujourd’hui –, mais aussi sur le retour engagé de la maison Dior au berceau de la parfumerie. Lumière sur un patrimoine bien en vie ! Pour ce nouvel opus de J’adore, vous avez façonné, ici, à Grasse, une essence sur mesure d’ylang-ylang, baptisée Ylang Dior… Quelles dimensions nouvelles apporte-t-elle au parfum ? J’avais envie d’une fragrance qui crée la surprise et d’une note qui ressource sans dénaturer le parfum d’origine. L’ ylang-ylang de Nosy Be est une essence florale qui offre des notes de tête très intéressantes. Certaines notes de cœur sont similaires à celles du jasmin… des salicylates de basile, des notes très légèrement orangées, et puis une note de fond salée, appelée salicylate d’ylang-ylang. C’est cette note-là que je voulais précisément pour J’adore in Joy. Je souhaitais gommer les notes pharmaceutiques et conserver simplement le côté floral. L’ylang-ylang a une odeur extraordinaire et c’est exactement ce qui m’intéressait de mettre en avant. Ce qui m’amusait, c’était de proposer un jeu d’opposition. Un peu comme quand vous rajoutez du beurre salé en cuisine : cette association-là a pour intérêt de pousser d’autres effets, c’est ce genre d’accords fruités-salés que je voulais faire ressortir. Pour cela, nous avons mis au point avec la maison Robertet un ylang-ylang épuré grâce à un long processus de fractionnement, afin d’épouser au mieux les nouvelles facettes du bouquet J’adore in Joy. L’association de fleurs et de salé rappelle la fleur de sel, une idée olfactive… L’idée de la quintessence.
On imagine que le nom, l’univers et l’histoire donnés par l’équipe marketing délimitent la composition du parfum… Quelle a été votre marge de liberté pour J’adore in Joy ? Je pars toujours d’un brief, mais je ne suis jamais conditionné dans la composition. Je n’ai pas de contraintes, je choisis les ingrédients suivant ma lecture ou mon interprétation du brief. D’ailleurs, le nom « J’adore in Joy » est né du parfum, de la fragrance, parce qu’il y avait une dimension de plaisir, de sensation, de joyeux… C’est ce qui a inspiré le nom, ce n’est pas le nom qui a fait la fragrance. Avec l’équipe marketing, nous sommes dans l’échange. Je leur donne les essais, plusieurs directions, et après ils commentent, ils me disent s’il faut rendre le parfum plus fleuri, plus léger ou plus confortable, plus puissant, mais ils ne rentrent jamais dans la formule. Ce qui m’intéresse dans
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éVASION
HAMBOURGEZ-VOUS !
Souvent dans l’ombre de son aînée berlinoise, Hambourg regorge de trésors et de contrastes. De ses quartiers sulfureux à ses résidences soignées, la dame hanséatique joue des coudes pour se faire une place au soleil. Souillée, élégante, vernie ou dépolie, la cité portuaire réunit le cachet et l’énergie d’une destination décalée. Par Delphine Gallay
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LA BRANCHÉE
Nouvelle adresse en vogue de la cite hanséatique, Nikkei Nine, repère branché des Hambourgeois, a ouvert ses portes à l’automne dernier et fait déjà grand bruit pour l’originalité de sa carte et la finesse de ses mets. Après s’être essayé côté bar à l’art d’un cocktail bien fait, place à une expérience gustative de haut vol dans une ambiance intimiste résolument stylée. Le Japon part à la rencontre du Pérou, avec une dimension nouvelle et des associations aussi surprenantes que créatives. Dans la lignée de son prédécesseur, le Doc Cheng (14 points au Gault et Millau), Nikkei Nine signe la renaissance de cette table prisée, propriété du célèbre Vier Jahreszeiten. En proposant une gastronomie d’inspiration Nikkei, le chef Ben Dayag (Nobu) et son sushi master Yuki Hamasaki s’attachent aux contrastes des saveurs d’exception, à l’instar du saumon (à se damner !) et du thon rouge venu tout droit des eaux nippones : ceviches, sashimis et nombreux plats sont tour à tour revisités, parfumés de touches de sésame, de citron vert, et d’ingrédients phares de ces deux cuisines du bout du monde, pour un métissage unique.
Neuer Jung fernstieg 9/14 – 20354 Hambourg – Allemagne T. +49 (0)40 3494 3399 – www.nikkei-nine.de
© Maxine Schulz
© Leifhelm –Fairmont – Nikkei Nine
NIKKEI NINE
LA BOURGEOISE
Véritable institution, le Fairmont Hotel Vier Jahreszeiten témoigne des fastes de la Belle Epoque. Logé sur les rives du lac Alster, l’hôtel, classé parmi les plus beaux d’Europe, est le passage obligatoire des amoureux de vieilles pierres et d’héritage. Classique et intemporel, ce 5-étoiles centenaire nous séduit grâce à l’esprit des lieux et à son décor de caractère. Offrant une vue imprenable sur le cœur de ville, les chambres ont su au fil des années se réinventer tout en préservant l’élégance et l’ambiance cosy recherchée. Mention spéciale pour le lobby, qui conserve ses charmes d’antan et est le point de rendez-vous de la jeunesse dorée et de la gent distinguée. L’établissement offre des petites attentions de chaque instant et, pour les gourmands, propose une sélection de tables soignées, avec pas moins de deux étoiles au Guide Michelin pour le légendaire Haerlin, promesse d’un moment mémorable, un brin hors du temps. FAIRMONT HOTEL VIER JAHRESZEITEN*****
Neuer Jung fernstieg 9/14 20354 Hambourg – Allemagne T. +49 (0)40 3494 3151 www.fairmont.de/vier-jahreszeiten-hamburg
LA DÉCADENTE
Crochet par les docks et les bas-fonds de la ville, avec pour toile de fond les containers « Lego » et un dédale de grues à ciel ouvert. Le cœur de Hambourg bat au rythme de la mélancolie de ces friches et du quartier emblématique du Red Light District, comptoir des marins. Détour par Reeperbahn, pour un aperçu de la vie nocturne, animée par la férocité des néons et des enseignes tapageuses. Une succession de bars, de cabarets et de maisons closes, entremêlés à de nombreux lieux de concert et une scène alternative qui fait sa renommée. Pour mémoire, c’est ici que les Beatles ont démarré !
LA BOBO
Du côté de St. Pauli, le vintage règne en roi et les cafés bobos fleurissent un peu partout. Un petit déjeuner dans ce quartier prisé des hipsters vous permettra de découvrir la jeunesse hambourgeoise et le fooding avec un grand F, bien connu de nos voisins allemands. Ode au bio, aux vélos et aux
jolies ruelles à proximité du quartier de Karoviertel. Galeries, artistes, friperies, concept-stores et boutiques pointues se côtoient et laissent exploser la crème des créatifs et de la culture alternative. Laissez-vous séduire par l’ambiance bourgeois-bohème.
LA CULTURELLE
Deux incontournables si vous passez par Hambourg : le Miniatur Wunderland et le très médiatisé Elbphilharmonie. Le premier est un must en matière de miniatures et de maquettes, un rêve éveillé pour petits et grands épris de modélisme. Le second, surnommé Elphi, est devenu l’icône de la ville. Cet édifice hors norme réalisé par le célèbre duo bâlois Herzog & de Meuron trône majestueusement sur le fleuve tel un vaisseau et offre une vue époustouflante sur la ville. Une prouesse architecturale pour illustrer la grandeur de la Philharmonie de l’Elbe et faire le plein d’émotions. www.miniatur-wunderland.de www.elbphilharmonie.de
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DESTINATION
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Les Monts d’Ua Pou
SOMEWHERE OVER THE RAINBOW
Cent quatorze ans après sa mort, Paul Gauguin est revenu dans les eaux turquoise du Pacifique Sud, mais sous la forme d’un paquebot de croisière raffiné et moderne. Belle occasion de découvrir
Tahiti et les îles Marquises.
© GIE Tahiti Tourisme – Philippe Bacchet
Reportage Michèle Lasseur
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Archipel des Tuamotu, berceau de la perle de Tahiti.
G
auguin déclara après son arrivée à Tahiti en 1891 : « Tout m’aveuglait, m’éblouissait dans le paysage. » Le visiteur de 2017, constructions modernes et voitures en plus, retrouvera le même jardin d’Eden : roses de porcelaine, tiarés, bougainvilliers, hibiscus et frangipaniers à profusion. Il n’en fallait pas plus pour qu’un luxueux paquebot de croisière, baptisé Paul Gauguin (avec l’accord des descendants du peintre), croise en Polynésie... Lorsque cet hôtel flottant cinq étoiles de 156 mètres gagne le large, le voyage de rêve vers les paysages immortels découverts par Bougainville et Cook commence. Le rythme tranquille du périple ressuscite un art oublié, la croisière des années 1920. Elle conjugue raffinement, découverte, plaisirs du farniente et de la gastronomie. Sans négliger les joies sportives : plongée sous-marine avec cours d’initiation, kayak, planche à voile (une marina est située à la poupe). Palmes, masque et tuba font partie de la panoplie du touriste en Polynésie. Le lendemain matin à 9 h, premier cours de plongée libre dans la piscine, inscription obligatoire. Avant d’atteindre les Marquises, le « scuba diving » aura livré ses secrets aux débutants. Une feuille de route déposée chaque soir dans la cabine donne l’emploi du temps du lendemain. La vie à bord est réglée comme du papier à musique : petit déjeuner, étirements, gymnastique, cours de danse, conférences et… ambiance musicale au grand salon. Tout est compris dans le prix de départ, sauf les excursions. Les dîners sont servis dans trois restaurants, dont L’Etoile, au pont 5 : menus servis à l’assiette et choix à la carte de mets
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sélectionnés par Jean-Pierre Vigato, chef du restaurant parisien Apicius (deux étoiles au Michelin). Si, autrefois, les paquebots plaçaient leurs voyages sous le signe du luxe et de la fête, rivalisant d’élégance, le style décontracté est aujourd’hui de rigueur. Les hôtesses tahitiennes, les « Gauguines », affichent une bonne humeur inaltérable. Maîtres d’hôtel, sommeliers, femmes de chambre philippines, coiffeurs, agents de sécurité, animateurs, photographe, moniteurs de plongée, musiciens… un personnel nombreux et attentionné veille à rappeler aux 332 passagers qu’ils sont tous des rois authentiques. Les Américains, qui ont en commun de ne parler qu’américain, côtoient des Suisses polis, des Brésiliens bruyants et des Français unanimes pour ne pas parler américain. Je quitte le confort de ma cabine spacieuse et lumineuse pour aller savourer la première coupe de champagne sur le pont supérieur… Le lendemain, je délaisse la salle à manger du pont 6 (La Véranda) pour aller déjeuner au Grill, au pont 8. Nous sommes arrivés sur l’atoll de Fakarava, dans l’archipel des Tuamotu. Cet anneau de corail posé sur l’océan possède un environnement vierge unique. A tel point que l’Unesco l’a classé Réserve de biosphère en 2006. A 450 kilomètres au nord-est de Tahiti, c’est un bout du monde qui sait nuancer les teintes de lapis-lazuli et les humeurs du Pacifique. Un bateau dépose les passagers sur une plage de sable blanc à proximité de la passe de Garuae. Munis d’un masque, d’un tuba et de palmes, on frôle les massifs de coraux branchus et des poissons colorés de toutes tailles : mérous, raies manta, tortues et même des poissons-perroquets !
Cette croisière de seize jours demande une bonne condition physique pour les excursions : débarquements, certes avec l’assistance des marins-hercules, marche jusqu’aux cascades, randonnées en 4x4… Sans oublier que l’océan n’est pas toujours pacifique ! Après une journée de mer, nous arrivons aux Marquises, archipel d’îles volcaniques perdu au milieu de l’océan Pacifique, à mi-chemin entre l’Australie et l’Amérique du Sud. Landes battues par les vents, côtes sculptées par les tempêtes, les douze sentinelles montagneuses du Pacifique sont la demeure des dieux maoris. Six îles seulement sont habitées.
© Michèle Lasseur
Autoportrait au Christ jaune, Paul Gauguin, 1890.
FATu HIVA Un nom magique pour une nature sauvage miraculeusement préservée. La baie des Vierges est en vue. Des gendarmes taillés dans le basalte gardent la cocoteraie de la plus belle baie du monde. Pics abrupts, cascades de verdure tropicale, chutes d’eau… mythes et dieux sont tapis dans la montagne. Comme pour l’Espagnol Mendana, le découvreur des îles en 1595, ou pour Cook, qui y resta quatre jours en 1775, vingt pirogues entourèrent le navire, frêles esquifs à balancier chargés de fruits et de « tapas » aux noirs desseins… Deux siècles plus tôt, les navigateurs éberlués voyaient venir à la nage des filles habillées de leurs seuls cheveux longs… Les pirogues étant réservées aux hommes par un tabou incontournable.
GAuGuIN dANs sON dERNIER décOR Cavaliers sur la plage (II), Paul Gauguin, 1902.
L’émotion la plus forte est l’arrivée à Atuona, dans l’île de Hiva Oa. La plage noire de fin sable volcanique est presque entièrement cachée par l’îlot d’A naké, tout en granit, qui surgit au milieu de la baie. Dans cette vallée repose Paul Gauguin. Sa tombe se trouve sur une petite colline avec, en toile de fond, les eaux bleues de la baie des Traîtres qui scintillent au soleil. L’impie iconoclaste repose sous les galets de basalte noir qui font tache dans un paysage de ciment blanchi. Au chevet de Gauguin, Oviri, la réplique d’une divinité tahitienne qu’il a sculptée, et un frangipanier qui dispense son ombre et égrène ses fleurs blanches sur la pierre noire. « 1903 », épitaphe laconique d’un peintre mort l’année de naissance du mythe. A la sortie d’Atuona, la Maison du Jouir est une reconstitution de l’atelier du peintre, une grande case maorie reconstruite suivant les plans initiaux avec les matériaux du pays (toit recouvert de feuilles de cocotier tressées, murs faits de lattis de bambou). L’atelier d’origine avait été édifié en 1901, mais la nature marquisienne phagocyte a tout digéré. La brousse recélait les traces d’une margelle, le puits que le peintre fit creuser. Grâce à une pompe électrique, on a remonté ce qu’il y avait au fond : des fragments de peinture rouge, jaune, ocre, des morceaux de faïence de Quimper ou de Pont-Aven, des fioles, des dents cariées et une seringue à morphine. De Koké (surnom du peintre), il reste aux Marquises quelques descendants anonymes et indifférents qui mènent une existence simple.
Femme à l’éventail, Paul Gauguin, 1902.
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