FLASH-BACK
Quid de Genève la religieuse ? GRAND FORMAT Les morts sont à la fête
ENQUÊTE
TARIQ RAMADAN Et si c’était vrai ? De Sherlock à Patrick Melrose
Benedict Cumberbatch LE NOUVEAU MAÎTRE DU JEU
Sexe, pouvoir et addiction
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BONNE rentrée C’est non sans un pincement au cœur que j’ai abordé cette nouvelle rentrée. Plus de petits à consoler, plus de lunch box sans gluten à concocter, plus de goûter sans huile de palme à glisser dans le sac… la routine s’est installée, mes grands se sont envolés. Je pourrais presque en pleurer. Alors, comme la liste scolaire est déjà dernière nous, troquons-la pour la liste de nos envies, histoire d’appréhender ces mois brumeux en mode warrior. Guettons avec impatience la série Patrick Melrose, dont le rôle-titre est interprété par l’excellent Benedict Cumberbatch. Rencontré à la Mostra de Venise, l’acteur britannique s’est (un peu) livré. Pensons immédiatement à repartir (au moins) en week-end : entre la Provence et la Méditerranée, nos bons plans sont prêts pour vous. Scrutons de près les différents feuilletons judiciaires des affaires Maudet, Weinstein et Ramadan : on vous a d’ailleurs préparé un concentré sur ce dernier. Sortons la jupe plissée XXL et le pull bordeaux, car personne n’échappera pas à LA couleur (mémère) du moment. Suivons Charles Consigny, notre ancienne plume partie pérorer le samedi soir sur l’antenne de France 2 dans On n’est pas couché. « Le réac le plus sympa de Paris » nous promet quelques belles polémiques. Lisons le dernier Julian Barnes, La seule histoire, véritable coup de cœur, en attendant les résultats du Goncourt. Mais surtout, n’oublions pas d’écouter en boucle et de mettre en pratique la chanson Chanter, baiser, boire et manger de Jo Wedin et Jean Felzine ! L’année scolaire n’en sera que plus douce ! So, love it !
Par Siphra Moine-Woerlen, directrice de la rédaction | Photo BN Agency 13
SOMMAIRE
Automne 2018
13 L’ÉDITO
de Siphra Moine-Woerlen
RENDEZ-VOUS 28
LE MOT DU MOMENT
31
LE SUJET QUI DIVISE
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BOUILLON DE CULTURE
64
LE STYLE DE
La nomophobie, kézako ? Bébés tablettes
Rentrée des classes
Sexy Lenny Kravitz
168 5 MINUTES AVEC…
Bastian Baker
MAGAZINE 52
FLASH-BACK
58
COVER STORY
66
L’ENQUÊTE
72
GRAND FORMAT
Benedict Cumberbatch porte ici et en couverture la montre Polaris Memovox de Jaeger-LeCoultre.
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La(ï)cité genevoise Un caméléon nommé Cumberbatch Les dessous de Ramadan Jour de fête au Mexique
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ART DE VIVRE 32
WHAT’S UP ?
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154 SE FAIRE LA MALLE
Dans le Sud
160 TGIF
Munich version Schickimicki
162 VIRÉE À BARCELONE
Belle, fiévreuse et catalane !
AUTO, MOTO, ÉCO ! 110 BELLES MÉCANIQUES
V60, Volvo et écolo Quadruple A pour la classe A ! Nissan Leaf, citadine et branchée
116 24H DU MANS
En voiture, Richard !
120 LES PAGES ÉCO
Ligne de mire de la banque Gonet La déferlante Netflix
HORLOGERIE/JOAILLERIE 82
SUR LA LUNE
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SÉLECTION HORLO
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TAPIS ROUGE
Avec M. Omega Tea time en bonne compagnie Les fastes de Bulgari
MODE 128 PIERRE CARDIN
Empire d’un futuriste nonagénaire
132 CHOC DES CULTURES
Trois drôles de dames
136 LA WORKING GIRL ERRATUM : Une erreur s’est glissée dans le numéro précédent : Natasha Carrion est l’auteure de la photographie de l’article « Tatoue-moi un mouton » | www.carrion-photography.ch
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Si le susurrement d’une berceuse ou le tour du pâté de maisons étaient de mise auparavant, on console désormais les pleurs de nos chérubins à coups d’écrans de smartphones et de vidéos YouTube. Ainsi font, font, font les petits bébés tablettes... Par Manon Voland
qui se passe dans le rectangle brillant, pour éviter que tout ne « Fais dodo, Colas mon p’tit frère, fais dodo, t’auras du s’embrouille dans son esprit. L’idéal, ce serait aussi qu’il puisse réseau ». Voilà ce qu’on promet dorénavant à nos bamle jeter par terre et lui baver dessus afin qu’il comprenne les bins dès leur plus jeune âge, pour qu’ils nous foutent la conséquences de ses actions et explore. Plutôt difficile avec paix. Les écrans envahissent les chaises pour bébés au resun smartphone qui coûte bientôt un salaire… Les profestaurant, les berceaux et même les pots, spécialement équipés sionnels mettent en garde contre une flopée de risques d’un support pour tablette, histoire que notre poupon puisse pour l’enfant : effets sur l’attention (compliqué d’être apprendre à devenir propre en balayant de ses doigts sales la apaisé face à un écran diffusant des sons et des images dernière photo de Mamie. En même temps, qui est à blâmer ? que l’on ne comprend pas), sur le langage (et ça, ce Nos petits têtards à peine capables de distinguer Maman de Papa n’est pas valable que pour les poupons, comme le ou notre addiction pour ces écrans auxquels nous sommes en perconte si bien Soprano : « J’fais plus gaffe à l’orthomanence accrochés ? graphe depuis que je te parle avec mes doigts »), sur la motricité (certains bambins se retrouvent C’est vrai que la tentation est grande de s’offrir un moment de tranempruntés face à un objet plat sur lequel rien ne quillité avec Pirouette, Cacahuète, la promesse d’une heure de chanbouge en glissant son doigt dessus) et sur la sociabisons et de comptines. Sans oublier que la facture de la nounou digilité, car pourquoi se faire des copains quand on a un tale est nettement moins salée que celle de la nourrice Doubtfire. Mickey animé rien que pour soi ? Mais tout le monde n’est pas franchement de cet avis. Pour le psychiatre Serge Tisseron, détracteur de longue date des chaînes TV N’oublions pas qu’il a été prouvé que passer trop de pour bambins, les écrans sont à considérer de façon « diététique », temps devant un écran, qu’importe la taille et l’âge, comme le laitage et l’alimentation des plus petits, afin d’éviter augmente les risques d’anxiété, de stress, d’isolement et, l’overdose. Sa règle ? Celle du 3-6-9-12, hyper facile à se rappeler indirectement, de dépression. Est-ce ce que nous vouen cas de trou de mémoire tout en travaillant les livrets du grand. lons pour nos gosses ? Ils auront bien le temps de s’enPas d’écran avant 3 ans, pas de console de jeux avant 6 ans, pas fermer dans leur chambre pour s’échanger des phod’internet avant 9 ans et pas de web sans surveillance avant 12 ans. tos filtrées sur Snapchat le moment voulu. Alors, Et c’est justement sur ce dernier point que les opposants aux bébés d’ici là, laissons tomber les arguments commertablettes s’offusquent : le non-accompagnement de l’enfant par l’adulte. ciaux des grosses boîtes sur le prétendu « déveEst-ce qu’un marmot apprend à marcher ou à parler tout seul ? Non. loppement cognitif avancé » de nos bébés, et Alors pourquoi le laisser appréhender seul une tablette ? Nonsense. sortons faire du toboggan sous le ciel bleu tant qu’il est encore temps. « Mais là, je deviens fou, En effet, ce n’est pas parce que Charles sait déverrouiller notre téléphone l’impression que mon pouls ralenti. J’ai plus de qu’il comprend le sens de sa démarche et de ce qu’il voit (il a sûrement repères, je suis perdu, depuis que tu n’as plus de saisi par contre qu’il prend trop de place dans notre quotidien, ce bout batterie » (Soprano, Mon Précieux). — de plastique). C’est pourquoi il est important d’expliquer à bébé ce
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What’s up Switzerland ?
L’ART et la manière Envie d’une pièce sur mesure ? Depuis peu, les élégants se donnent rendez-vous dans l’un des ateliers les mieux gardés de Genève, celui de la maison Revenga, dernier maître chemisier à exercer artisanalement en ville. L’adresse est belle et, pour les fins connaisseurs, elle est synonyme de coups de cœur, d’hésitations, de prises de mesures et de jeux de matières… pour laisser libre cours à la liste de ses envies. Rapidement, le dialogue prend place sous le regard complice et expert de Josefa Garcia Lozano. Dans cette chemiserie, on ne lésine pas sur l’excellence et la noblesse des matériaux. Etoffes de coton, soie, cachemire, laine de manufacture suisse ou transalpine, boutons de nacre d’Australie ou de bois d’olivier, patrons sur mesure, baleines amovibles, plastrons ou initiales brodées... autant d’indices qui en disent long sur le savoir-faire de la maîtresse des lieux. Sous ses doigts de fée prend forme la chemise dont vous avez tant rêvé, cette pièce unique qui saura mettre en valeur votre personnalité et souligner votre silhouette en beauté. REVENGA CHEMISIERS GENEVOIS
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Le bon basique
Un je-ne-sais-quoi
Référence absolue en matière de pierres précieuses et de garde-temps façonnés à l’extrême, le « King of Diamonds » a ouvert ses salons du côté de la Bahnhofstrasse. De créations en chefs-d’œuvre, l’adresse compte mille et un trésors pour les inconditionnels du style Harry Winston.
Dans la famille T-shirt, je voudrais la Genevoise ! Le Blanc revisite la pièce phare des garde-robes en y apposant un discret symbole de la Cité de Calvin, accompagné du mot « Genevoise ». Une toute première collection qui a déjà le vent poupe et à laquelle on souhaite beaucoup de succès !
Vous êtes fan des petits créateurs ? A deux pas de la Placette se trouve l’adorable boutique Final Touch. Un ancien garage transformé en concept-store, où se mêlent petite papeterie, lingerie, accessoires déco, pochettes, sacs et fringues dessinés par la crème des créateurs d’ici et d’ailleurs.
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Par Delphine Gallay
Flower POWER
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YOGI or not to be Si vous avez l’âme d’un « gypset » et que votre deuxième maison se nomme Goa ou Tulum, alors ces tapis de yoga sont faits pour vous ! Des collections capsules, réalisées à partir de néoprène et de matériaux éthiques et écologiques. Chaque tapis a été pensé autour d’un design bohème chic et, détail important, arbore les couleurs des chakras et les différentes lignes de placement pour faciliter vos postures de yoga les doigts dans le nez. Pour des cours de bikram ou d’ashtanga ultra stylés ! DETOX BY PAULINE www.detox-bypauline.ch
CARTE de membre Et si vous repartiez du bon pied en cette rentrée ? Le Spa Lausanne Palace pourrait bien devenir votre nouvel allié ! Au centre de ses priorités : permettre à ses membres de s’évader entre deux rendez-vous ou de terminer la journée en beauté. Au programme, quelques brasses, un peu de cardio, d’exercices ou de détente avec un grand D… dans un cadre privilégié. Votre mission : souffler pour mieux vous recentrer. A votre disposition, une salle de fitness divinement équipée, des cours de yoga et une piscine intérieure chauffée. A grand palace, personnel expert et remise en forme sur mesure ! Une soudaine envie de cocooning ? Au choix, jacuzzi, sauna, hammam ou l’expérience magique d’un soin holistique. Et pour finir sur une note de douceur, une carte de massages et les lignes Menard et Valmont pour des soins d’exception. Sans oublier la table healthy du Yogi Booster. Charmés, vous voici abonnés ! LE SPA LAUSANNE PALACE Rue du Grand-Chêne 7 – 1003 Lausanne – T. +41 (0)21 331 31 61
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SOURIRE aux lèvres Tout, tout, tout, vous saurez tout sur le chouchou ! Depuis que le macaron est devenu has been, les créateurs de gourmandises rivalisent d’idées et de talent. Aux Eaux-Vives, le chou est à l’honneur avec une pâtisserie coffee shop qui ne manquera pas de vous surprendre ! Fève tonka, chocolat-Earl Grey, thé matcha-abricot, crème de marron… l’eau nous vient à la bouche rien qu’en nommant les parfums stars de la maison. Pour accompagner votre chou, une sélection de cafés incroyables. Et à l’heure du déjeuner, les éclairs se dégustent fourrés et salés ! Devise des lieux : « Ici, on aime faire des choux et du bon café ». CHOU
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Glou glou VS
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Dans la jungle des bars à cocktails en vogue, le Voodoo Reyes, perché rue du Cendrier, vous embarquera quelque part entre le Bayou et Haïti le temps d’un verre… et quel verre ! L’esprit vaudou plane et flirte à plein nez. Un voyage initiatique durant lequel vous vous laisserez envoûter par une carte de cocktails diablement ciselés. Parmi les potions stars, le Citrus Paradiso servi dans son totem ou encore le Crocodile Tears. Divin ! VOODOO REYES
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Mange ta soupe ! AU GRÉ des saisons Le boulevard Carl-Vogt est devenu depuis quelques années un lieu prisé pour sortir à Genève, souvent entre amis, afin d’écluser quelques bières et parfois casser la croûte dans les innombrables adresses du quartier. Hélas, sans grande satisfaction culinaire, jusqu’à l’ouverture du Café de la Paix, parfaitement ordonné par le chef Philippe Durandeau, jadis aux commandes d’un grand palace de la rive gauche. Le Café de la Paix propose des plats canailles, des cuissons parfaites, un service professionnel mais jamais pressant et surtout une envie communicative de procurer un vif plaisir. Un lieu idéal qui devrait judicieusement compter parmi les meilleures adresses du canton. CAFÉ DE LA PAIX Boulevard Carl-Vogt 61 – 1205 Genève – T. +41 (0)22 301 11 88 – www.cafe-de-la-paix.ch
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Chez Ukiyo, on ne badine pas avec les nouilles ! Plat national au Japon, le bol de noodles maison se décline au gré des envies. Ainsi, plongées dans un bouillon top secret, udons et ramens se mêlent joyeusement au wakamé, au kamaboko et autres ingrédients stars. Un seul objectif pour le client heureux : faire un max de bruit. Mange ta soupe, lève le coude, et surtout, tâche de ne pas t’éclabousser ! UKIYO
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On lui tire le portrait
Juliette Armanet Armée d’une plume intuitive, d’une voix de velours et d’un piano aérien, Juliette Armanet souffle depuis peu un vent de fraîcheur sur la musique française. Une entrée remarquée, imposant un style singulier, subtil mélange de douceur et d’esprit décalé. Nouvelle coqueluche de la pop, la belle brune fait tourner les têtes partout où elle se produit. Une artiste attachante et familière pour qui un album aura suffi à faire chavirer les cœurs. A la fois doux et amer, Petite Amie dévoile des chansons sensibles et piquantes. Les paroles sont teintées de nostalgie et d’autodérision, à l’image de ses amours déchus. Sacrée Révélation de l’année aux Victoires de la musique, la compositrice et interprète est plus aguerrie que jamais. Celle qui a fait ses classes comme journaliste pendant sept années sur la chaîne Arte n’a cessé de composer dans l’ombre depuis son plus jeune âge, en attendant le jour J. C’est lors d’un passage au concours inRocKs lab 2014 que la jeune femme s’est hissée sur le devant de la scène. Un succès fulgurant, qui lui permet d’assurer bon nombre de premières parties, entre autres au côté de Julien Doré. Mordue de variété française, l’artiste lilloise incarne le visage de ce renouveau, entre ballades exquises et sursauts disco. De Michel Berger à France Gall en passant par Véronique Sanson, Juliette Armanet marche sur les traces de ses illustres prédécesseurs. A 33 ans seulement, elle a une carrière déjà bien lancée. Tour à tour provocatrice, malicieuse et séductrice, sa voix cristalline a conquis les plus grands critiques. Jusqu’à Barack Obama, à qui elle présente sa reprise « olé olé » du titre « I feel it coming » de The Weeknd, chaudement traduit par « Je te sens venir »… Juliette a le verbe franc et parvient à briser les codes et à réunir le public. Une musique populaire qu’elle assume, malgré son image de Parisienne branchée. Longue chevelure, frange sage à la Françoise Hardy, silhouette moderne, elle demeure néanmoins une femme sans ornements ni faux-semblants. Elle ne se sépare jamais de son piano, son éternel complice, et redonne tout simplement le pouvoir aux mots. — Par Marine Pasquier | Photo Erwan Fichou & Théo Mercier
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LA(Ï)CITÉ genevoise La laïcité est un thème plus que jamais d’actualité. Cela fait pourtant bien longtemps qu’elle occupe le terrain, et plus particulièrement à Genève, où
la religion a profondément marqué l’histoire de la cité. Par Arnaud Bosch
P
our bien comprendre la problématique genevoise, il faut remonter à l’époque de la Réforme. En 1535, cette dernière est proclamée et la messe catholique abolie. Dans le sillage de cette abolition, Jean Calvin fait éditer Les Ordonnances ecclésiastiques, qui ont pour vocation de régir le quotidien des Genevois et d’instaurer une nouvelle forme de régime politique à Genève, la théocratie. Le principe est simple : il s’agit d’un régime politique au sommet duquel se trouve Dieu. Présenté comme ça, le système peut paraître anodin, Dieu étant de toute évidence « absent » des débats. Pourtant, en y regardant de plus près, cela signifie que chaque infraction commise à l’encontre de la société ou de la ville s’inscrit comme une infraction contre Dieu lui-même ! Chaque action contraire aux directives fixée par les Ordonnances relève donc du blasphème pur et simple. Que de chemin à parcourir pour arriver à la laïcité… C’est à la fin du XVIIe siècle que l’on observe un premier changement. Depuis sa fondation en 1559, l’Académie est l’un des fondements du système genevois. Tenue par de stricts et fervents réformateurs, tels que Théodore de Bèze, elle veille à fournir une éducation religieuse et une école de pasteurs. Mais avec la révocation de l’édit de Nantes, la tolérance religieuse prend fin en France et donne lieu à une grande vague d’immigration protestante à Genève. Au sein de cette dernière, une nouvelle forme de foi proJean Calvin (1509-1564) par C. de Bornimb.
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testante se propage insidieusement jusqu’aux bancs de l’Académie : le protestantisme cartésianiste. Dans cette nouvelle mouvance, la foi est moins ressentie et davantage analysée, et vient à modifier profondément le quotidien des Genevois. En effet, selon ce courant, la vie ne doit plus seulement être régie par la théologie, mais également par la philosophie, s’éloignant ainsi des théories des réformateurs selon lesquelles l’homme n’aurait pas de libre arbitre, mais serait prédestiné. C’est vers 1700 que cette nouvelle forme de protestantisme devient majoritaire, conduisant l’Académie à un grand bouleversement. Sa direction passe de la vénérable compagnie des pasteurs au Consistoire : une institution formée de pasteurs, mais aussi de laïcs. Un premier pas important est franchi. Il faudra néanmoins attendre la période française de Genève (1798-1813) pour que la messe catholique, et une ouverture sur les religions, fasse son retour. A l’issue de la réunification des communes afin d’adhérer à la Confédération helvétique, la liberté de religion est promulguée. En théorie principalement, car si en 1822 les catholiques représentent déjà 38,7% de la population, ils ne comptent alors que 16 députés. Le sentiment anticatholique est encore très marqué. Jean-Jacques Rigaud, homme politique très important à l’époque et surtout syndic de Genève, s’exprime en ces termes : « Ce n’est pas une Escalade d’une nuit qui ne réussit pas, mais une Escalade de vingt-cinq ans qui réussit. » Malgré tout, la cohabitation se fait tant bien que mal. Au niveau politique, les protestants, traditionnellement conservateurs, continuent de s’opposer aux catholiques, davantage progressistes. D’autant qu’au début des années 1830, deux nouveaux courants religieux apparaissent à Genève : les libres-penseurs (composés en partie de francs-maçons) et le Réveil évangélique, qui souhaite revenir à une foi moins analysée. Puisque l’on ne peut satisfaire tout le monde, cette multiplication des courants de pensée conduit en 1835 à la séparation de l’éducation religieuse et du reste de l’enseignement.
La basilique Notre-Dame.
Lors des révolutions radicales de 1842, et plus particulièrement celle de 1846, James Fazy obtient le soutien des catholiques. De facto, l’avenir politique de Genève n’est alors plus exclusivement entre les mains des protestants. La liberté de religion se fait de plus en plus ressentir à Genève. A la différence que, cette fois-ci, elle se distingue de la précédente : il ne s’agit plus d’une liberté « de fait », mais d’un véritable article constitutionnel. L’article 10 de la Constitution de 1847 énonce : « La liberté des cultes est garantie. Chacun d’eux a droit à une égale protection de la part de l’Etat. » Affirmant cet idéal de tolérance religieuse, James Fazy et son gouvernement octroient des terrains à toutes les minorités religieuses en lieu et place des anciennes fortifications. C’est ainsi que l’on assiste à une série d’édifications avec une nouvelle église catholique, la basilique Notre-Dame (1852-1857), la chapelle anglicane (1853), la synagogue (1859), le Temple Unique franc-maçon (1858) et l’église orthodoxe russe (1862). Les conservateurs, vainqueurs des élections de 1860, ne peuvent alors faire machine arrière et décident en 1868 d’entériner une loi attribuant l’octroi de l’assistance publique à tous les Genevois, de manière parfaitement égale. L’Hospice général voit le jour. Si Genève semble en bonne voie de laïcisation, un événement modifie provisoirement le cours des choses : le Kulturkampf. Lorsqu’en 1868, le pape Pie IX décide d’ériger un nouveau diocèse à Genève et de nommer Gaspard Mermillod, alors abbé de la basilique Notre-Dame, évêque de la cité, il soulève un tollé général ! Le gouvernement est alors accusé de laisser le clergé s’installer et de mettre en péril l’indépendance acquise par Genève. Les radicaux lancent une campagne anticléricale très soutenue, et remportent les élections. En 1873, Gaspard Mermillod est expulsé de la ville. Antoine Carteret, chef de file du parti radical, propose que l’Etat puisse élire librement les prêtres ; seul détail, ces derniers reçoivent son soutien financier… Bien
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Théodore de Bèze (1519-1605) par C. de Bornimb.
James Fazy (1794-1878) par Auguste Baud-Bovy.
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LE 30 JUIN 1907, LA LOI SUR LA SÉPARATION DE L’ÉGLISE ET DE L’ÉTAT EST APPROUVÉE PAR LE GOUVERNEMENT ET ACCEPTÉE PAR LE PEUPLE.
En 1880, un premier projet de loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat est refusé. Une majorité pense encore que l’Eglise fait partie intégrante de l’identité genevoise. Il faudra attendre 1897 pour qu’une initiative populaire propose de supprimer le budget des cultes et de le verser à une caisse de vieillesse. Une fois de plus, le projet est refusé, mais il contribue peu à peu à faire changer les mentalités, puisque le 30 juin 1907, la loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat est approuvée par le gouvernement et acceptée par le peuple, malgré l’opposition des conservateurs protestants, qui ne sont plus majoritaires depuis 1860. Nonobstant l’acceptation de cette loi, il reste un problème à régler : celui de la Faculté de théologie de l’Université. En effet, comment conjuguer une université laïque, gérée par l’Etat et non par une Eglise, et une faculté de théologie protestante, et donc non « neutre » ? La solution est trouvée en 1928, lorsque la
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évidemment, l’Eglise refuse net. En réaction, l’Etat décide la saisie de tous les biens de l’Eglise à Genève et les redistribue à une nouvelle Eglise nationale, l’Eglise catholique chrétienne, qui restera très minoritaire. En 1876, le processus anticlérical continue sur sa lancée. La même année, l’Académie de Genève devient l’Université de Genève, gérée par l’Etat et non plus par le Consistoire. La synagogue Beth-Yaacov, le Temple Unique franc-maçon et le conservatoire.
faculté devient autonome, dirigée par un conseil de fondation comprenant l’Etat, l’Université et l’Eglise nationale protestante. Fin de la problématique. C’est bien la multiplication des courants de pensée et des religions qui a permis de mettre fin à la théocratie, puis à l’hégémonie de l’Eglise protestante à Genève. Ne pouvant contenter tout le monde, il a fallu aux institutions se sortir peu à peu du religieux. La politique a donc dû s’adapter à de nouveaux états de fait. Néanmoins, la laïcité à Genève est somme toute relative ; il s’agit plutôt d’une séparation entre l’Eglise et l’Etat. En effet, l’identité genevoise reste passablement protestante. Preuve en est après chaque élection, lorsque le Conseil d’Etat prête serment à la cathédrale Saint-Pierre, même s’il est vrai que chaque conseiller est libre de prononcer la phrase « je le promets » ou « je le jure », et d’y mettre une connotation religieuse ou non. —
Le saviez-vous ?
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En 1876, lors du Kulturkampf, un événement fut particulièrement marquant : le baptême de Compesières. Un homme, catholique chrétien, voulait faire baptiser son fils dans l’église de Compesières, récemment saisie par l’Etat. Mais, face à la fronde des catholiques romains, l’armée dut intervenir pour que le baptême puisse se dérouler dans les meilleures conditions possibles.
L’église orthodoxe russe, après 1879.
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Cover Story
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L’HOMME
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Alors que son visage atypique failli lui coûter le rôle qui allait le propulser en haut de l’affiche, il est désormais considéré comme l’un des hommes les plus sexy de la planète. Rencontre à l’occasion de la Mostra de Venise avec le phénomène et ambassadeur de la marque Jaeger-LeCoultre, Benedict
Cumberbatch : l’acteur qui a dépoussiéré Sherlock Holmes. Par Manon Voland
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ncore inconnu au bataillon hollywoodien il y a moins de dix ans, le comédien britannique, du haut de ses 42 ans, en est dorénavant la coqueluche. C’est que l’homme a un parcours aussi singulier que son physique, qu’il compare volontiers à celui « d’une loutre vaguement attirante ». Ce ne sont toutefois pas ses caractéristiques animalières qui l’ont propulsé sous les projecteurs, mais bien son talent et sa capacité à s’imprégner de ses rôles comme personne. Alternant entre les planches de théâtre et les caméras des plateaux de tournage, Benedict Cumberbatch a réussi à se faire une place sur les écrans des salles obscures, avec un nom qu’il jugeait pourtant ressemblant à « un pet dans un bain ». Chapeau bas !
SHERLOCK sans Watson Fils d’acteurs, le futur Sherlock a pourtant bien failli rater le coche cinématographique, histoire de faire plaisir à ses parents. Afin de lui éviter les aléas d’un métier qu’ils ne connaissaient que trop bien, ses « darons » l’encouragent à prendre une autre voie, et le jeune Cumberbatch se penche alors sur des études de droit. Mais comme le dit l’adage : « chassez le naturel, il revient au galop ». Le Britannique revient rapidement à ses premiers amours pour la comédie, lui qui avait joué Titania, la reine des fées dans Le Songe d’une nuit d’été, à 13 ans à peine. Scolarisé alors dans l’une des plus prestigieuses écoles de GrandeBretagne – la Harrow School, pour les initiés –, il se démarque déjà à l’époque de ses camarades en étant le « meilleur élève qu’il ait jamais eu » de son professeur de théâtre. C’est d’ailleurs sur ces mêmes planches qu’il entame sa carrière, avant de s’engouffrer dans la brèche du petit écran et de s’y faire remarquer. L’acteur joue en 2003 aux côtés du célèbre Dr House dans la série Fortysomething, avant de se glisser dans la peau du renommé physicien Stephen Hawking (Hawking, 2004). Ce sera le premier d’une longue lignée de biopics pour la belle gueule britannique, qui semble prendre un certain plaisir à redonner vie à des personnalités d’un autre temps. Il y aura William Pitt, le plus jeune premier ministre britannique, et abolitionniste de son ère, dans Amazing Grace (2006) ; un autre William, Carey cette fois, missionnaire anglais, dans Deux sœurs pour un roi (2008), aux côtés de Natalie Portman et Scarlett Johansson ; Vincent Van Gogh (Van Gogh: Painted with Words, 2010) ; le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange (Le Cinquième Pouvoir, 2013) ; William (encore un !) Ford, un prêcheur et propriétaire de plantation durant la guerre de Sécession (Twelve Years a Slave, 2013) ; ou encore le mathématicien et cryptologue Alan Turing, le surdoué parvenu à décrypter le code nazi Enigma dans The Imitation Game (2014), qui lui vaudra sa première nomination aux Oscars, en tant que meilleur acteur (que son comparse Eddie Redmayne lui ravira sous le nez, pour son interprétation de… Stephen Hawking dans Une merveilleuse histoire du temps en 2014 ; ironique.), entres autres. Finalement, le seul personnage qu’il ait interprété qui ne soit pas historique est aussi son rôle le plus connu, le célèbre Sherlock Holmes.
Elémentaire, MON CHER Le manteau du détective du 221B Baker Street a beau être usé jusqu’à la moelle, le personnage ayant été joué et adapté à la pelle, le premier épisode de la série BBC Sherlock, le 25 juillet 2010, rassemble près de 9 millions de téléspectateurs, faisant de Cumberbatch une superstar en 90 minutes. Un succès qui relance l’industrie Arthur Conan Doyle (le créateur et l’auteur de Sherlock Holmes, l’original de 1887), les ventes de livres décollant à chaque nouvel épisode, et développant même un insolite phénomène, la sherlockology. Les fans s’en donnent en effet à cœur joie pour disséquer chacune des séquences de leur héros des temps modernes, qui bat des records d’audience et s’exporte de par le monde, emballant le public comme la critique. On s’arrache le trench-coat du Britannique, les sandwichs du magasin installé en dessous de l’appartement du tandem insolite Watson-Holmes, et les boîtes de Cluedo à l’effigie de la joyeuse bande. Le binôme de producteurs Steven Moffat et Mark Gatiss a su donner à Sherlock la touche de modernité et de connectivité (vive le smartphone pour les recherches en deux temps trois mouvements, et le blog de Watson, très utile à l’ennemi juré du détective, Moriarty) pour séduire au-delà de Baker Street. Mais notre Sherlock 2.0 n’aurait sans doute pas été aussi réaliste si Cumberbatch ne lui avait pas prêté ses traits : jouant à merveille le sociopathe indifférent aux émotions, aux autres et à son cœur de pierre, le détective ne vit que pour ses enquêtes et pour narguer l’ennui. De quoi justifier son excentricité et son arrogance, très justement à la hauteur de son sens de la déduction. Starifié en un épisode, Cumberbatch avait pourtant déjà dix ans de carrière derrière lui, 35 ans à son actif et un pif qui faillit l’évincer de la série, car « rien ne va avec son nez ». Heureusement, son interprétation a mis tout le monde d’accord ; il n’avait que son accent un peu trop snob à gommer et Sherlock était né.
Joue-la comme SHERLOCK Mais alors, qu’est-ce qui a fait de Benedict Cumberbatch un excellent occupant du 221B Baker Street ? Le parcours du Britannique démontre bien son agilité à se glisser dans la peau d’un héros comme personne, et même là où on l’attend le moins. Si vous avez vu Le Hobbit, vous ne vous souvenez sûrement pas de lui, et pour cause : il y interprète le dragon Smaug en « motion capture », une technique bien connue des cinéastes pour faire vivre des êtres imaginaires. Pour ce rôle, notre ami Sherlock est allé observer les reptiles du zoo de Londres afin d’être le plus crédible possible dans son rôle de cracheur de feu. Pour ses autres interprétations, il a aussi lu des dizaines d’ouvrages pour comprendre la psychologie et la manière de parler d’A lan Turing, il a visité le parlement britannique avec le biographe de William Pitt, qu’il interprète, il a rencontré Stephen Hawking pour observer ses tics de comportement, ou il a appris à
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C’EST QUE L’HOMME A UN PARCOURS AUSSI SINGULIER QUE SON PHYSIQUE, QU’IL COMPARE VOLONTIERS À CELUI « D’UNE LOUTRE VAGUEMENT ATTIRANTE ».
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1. Twelve Years a Slave, 2013. 2. Cheval de guerre, 2011. 3. Van Gogh : Painted with Words, 2010. 4. The Imitation Game, 2014.
5. Amazing Grace, 2006. 6. Doctor Strange, 2016. 7. Sherlock, depuis 2010, ici avec son acolyte Martin Freeman.
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monter à cheval pour incarner à la perfection son personnage dans Cheval de guerre (2011) de Spielberg et à jouer du violon pour interpréter son détective fétiche. Un enseignement qu’il épuise jusqu’à la corde, avide de connaissances, comme Sherlock : « Tout le monde était déjà rentré, à part un nettoyeur qui est entré dans la salle dans laquelle nous nous entraînions, en s’excusant de nous déranger. Mais c’est Cumberbatch qui s’est excusé d’utiliser la salle si longtemps ; il l’a fait avec tellement de gentillesse que je me suis sentie fière d’être sa coach », raconte la violoniste Eos Chater. Car en plus d’être un gentleman à la hauteur des standards britanniques, Cumberbatch est un véritable perfectionniste : « Je choisis scrupuleusement mes scénarios parce que je m’implique toujours à fond. » Cet enthousiasme et cette facilité, l’acteur les a développés depuis l’enfance, quand il se baladait avec un dictaphone pour enregistrer et répéter tout ce qu’il entendait. Passé maître dans l’art de l’imitation, il s’est attelé à réhabiliter la mémoire d’hommes que l’histoire a eu tendance à oublier, et à s’y plonger plus que de raison : « J’aime ce personnage [Alan Turing], profondément ; il me bouleverse. J’avoue, j’ai terminé certaines scènes en larmes en pensant à ce qu’il a enduré. » Une ardeur de vivre et de jouer qui trouvent leurs racines dans les tréfonds des souvenirs sherlockiens.
LES CINQ VIES de Sherlock Une première piste tient dans ses deux mots préférés, love (pour ce papa à deux reprises qui est marié avec sa compagne Sophie Hunter depuis 2015, le terme prend tout son sens) et enjoy. Cet état d’esprit, c’est auprès des moines tibétains qu’il l’a adopté, alors qu’il leur apprenait l’anglais lors d’une année sabbatique à 19 ans. « Cette expérience a changé ma vie. » Cumberbatch y découvre le bouddhisme, alors qu’il fut enfant de cœur pendant des années, et y trouve une foi « moins soumise à un dogme, où la puissance de l’esprit peut vous aider à modeler la réalité », à laquelle il adhère philosophiquement. Depuis le Darjeeling, le Britannique pratique régulièrement la méditation, ce qui l’aide à « tout éteindre » et à se concentrer, un peu à la manière de Sherlock, qui ne peut réfléchir que dans sa bulle. Mais cette expérience n’est pas la seule qui ait façonné le tranquille comédien, lui qui a échappé à la mort à quatre occasions. La première fois, pour hypothermie, lorsqu’il était bébé et que sa sœur l’avait « oublié » dehors alors qu’il s’était mis à neiger ; la seconde fois lorsqu’une bombe détonna à côté de chez lui pendant l’attentat contre l’ambassade israélienne à Londres ; une troisième fois au Tibet, lorsqu’il se perdit en randonnée et faillit y passer par manque de nourriture et d’eau ; et enfin, la conjoncture le fit croiser le chemin de la Faucheuse une quatrième fois, bien plus palpable que les autres. Alors en Afrique du Sud pour un week-end de plongée sous-marine, Cumberbatch et deux autres acteurs, Denise Black et Theo Landey, se font kidnapper par six hommes armés, bien décidés à abandonner leurs carcasses après les avoir dépouillés. Mais ce jour-là, Bouddha porta secours au Britannique, qui avait pourtant déjà un pistolet pointé sur la nuque. « Peu importe à quel point vous êtes aimé dans votre vie, vous mourrez seul », se souvient-il avoir pensé. Un brutal rappel de la réalité qui a laissé à l’acteur l’envie de saisir la vie à bras-le-corps.
SHERLOCK-des-bois Benedict Cumberbatch a vraisemblablement su utiliser son stress post-traumatique pour se construire un rôle de superstar, dont les groupies portent le nom de « Cumberbitches ». A partir de cet épisode qui n’aurait pu être qu’un gros titre dans un journal, le comédien s’est appliqué à profiter de la vie, et à en faire profiter les autres. Usant de son image, il s’investit régulièrement aux côtés de plusieurs organisations caritatives et se positionne sur des sujets politiques, comme la guerre en Irak, ou le véganisme, qui lui valut d’être élu « plus belle célébrité vegan 2018 ». Mais, comme à son habitude, le perfectionniste qu’il est ne peut pas s’arrêter à un soutien médiatique : il cofonde en 2013 une association promouvant l’alphabétisation, s’affiche avec des pancartes adressées au gouvernement britannique concernant la crise migratoire actuelle, et crie « Fuck the politicians » sur la scène du Barbican Theatre à la fin de sa performance en Hamlet, collectant plus de 150'000 livres sterling pour aider les réfugiés. Il se prête également quatre fois (et de bon cœur !) au Ice Bucket Challenge pour faire connaître la sclérose latérale amyotrophique. Son rôle dans Imitation Game le place une fois encore en première ligne pour soutenir une campagne afin de gracier près de 49'000 hommes condamnés autrefois pour homosexualité ; de celle-ci naît la loi Alan Turing en janvier 2017, en l’honneur du mathématicien persécuté. Même si ses prises de position dérangent dans certaines sphères, où on lui reproche une vision « simpliste » de questions politiques qu’il ne maîtriserait pas, la reine l’a pourtant élevé au rang de Commandeur de l’ordre de l’Empire britannique pour sa contribution aux arts et aux œuvres caritatives. D’atypique, Benedict Cumberbatch n’a manifestement pas que le physique, lui qui s’amuse à glisser dans son planning chargé de l’animation radio, des enregistrements de livres audio, des voix off dans des documentaires et dans des films d’animation. Mais jusqu’où ira-t-il ? Benedict Cumberbatch est à l’affiche de la mini-série britannique Patrick Melrose, un aristocrate anglais dont la vie semble tourner autour du cliché « sex, drugs & rock’n’roll », mais qui dissimule en fin de compte un bien sombre passé (on l’attend de pied ferme sur nos écrans !) ; il campera aussi Dominic Cummings, l’un des chefs de file du Brexit, dans un nouveau biopic en 2019, et refusera désormais des rôles si l’égalité salariale entre femmes et hommes n’est pas respectée. On serait presque tenté de dire que c’est ironique pour celui qui désigna Harvey Weinstein pour relever le Ice Bucket Challenge et dont le film The Imitation Game était produit par… The Weinstein Company. Mais on ne le fera pas, car c’est un chic type, et que Shakespeare a écrit « Rien n’est bon ni mauvais en soi, tout dépend de ce que l’on pense ». —
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L’interview Par Siphra Moine-Woerlen
(Re)parlez-nous un peu de Sherlock. Vous attendiez-vous au succès planétaire qu’on lui connaît et qui vous a projeté en 90 minutes sur le devant de la scène ? C’est un personnage qui me collera toujours à la peau ! (Rires.) J’ai été très chanceux d’avoir été choisi pour ce rôle, car ce personnage a toujours évolué. Aujourd’hui, ma mère vous dirait qu’il a même un peu déteint sur moi, mais, surtout, j’ai adoré jouer ce personnage. C’est-à-dire ? [Ses yeux bleus perçants plongent dans les miens…] Disons que je deviens parfois brusque, impatient et névrotique ! Jouer Sherlock, c’était comme apprendre une nouvelle langue ou un instrument de musique. Faut avoir le cerveau large ! Il semblerait que vous ayez échappé à la mort à plusieurs reprises : comment pensez-vous que ces expériences aient façonné l’acteur et l’homme que vous êtes devenu ? Ont-elles influencé votre vision de la vie et votre définition du bonheur ? En effet ! J’ai frôlé la mort au moins quatre fois, et dans des circonstances juste incroyables. [Lire notre portrait.] Mais, voyezvous, ces événements extraordinaires vous donnent simplement la perspective de la mortalité et de son caractère sacré. Vous réalisez qu’il ne faut pas tout prendre au sérieux, mais juste profiter du bonheur d’être en vie.
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Vous êtes parti à l’âge de 19 ans enseigner l’anglais à des moines tibétains. Racontez-nous. C’était avant de rentrer à l’université et peu de temps après la publication du livre de Stephen Hawking Une brève histoire du temps, que j’essayais de lire. Je m’étais intéressé à des livres sur la pensée occidentale et le mysticisme oriental. Mais il me fallait autre chose. C’est alors que le Tibet s’est posé là comme une évidence. Tout simplement. J’ai pris une année sabbatique, j’ai enseigné l’anglais et les moines m’ont initié au bouddhisme et à la méditation. J’en suis revenu adepte. Et quand, pour la série Doctor Strange, Marvel a mobilisé durant trois semaines sur le plateau un « conseiller technique en méditation », c’était un besoin vital ? [A nouveau ce regard étrange qui se plante dans mes yeux…] On va dire que c’était une grosse aide, oui. Tilda Swinton, ma partenaire dans la série et qui est également férue de culture zen, m’a proposé l’aide d’un moine tibétain. Et, pour les scènes impliquant la formation de Doctor Strange par l’ancien et où la notion de méditation est cruciale, ces interventions de respiration et de prises de conscience ont été capitales. Vous avez démarré sur les planches, avez explosé sur le petit écran, êtes arrivé à Hollywood avec déjà plus de dix ans de carrière derrière vous… Il était temps d’être l’ambassadeur d’une marque ? Je ne le résumerais pas comme ça, mais plutôt comme un processus naturel. Ma première montre était une espèce d’échantillon acheté dans un duty-free quand j’étais enfant et, très vite, je me suis intéressé aux garde-temps. Mon goût ayant mûri, je me suis tourné vers les montres classiques, simples, élégantes. A l’image de celles conçues par Jaeger-LeCoultre ? Parfaitement. Avant de me décider, j’ai d’abord visité la manufacture et je suis tombé amoureux de ces montres fabriquées et assemblées à la main ! Je ne m’imaginais pas un tel travail d’assemblage, ni autant d’étapes nécessaires pour la réalisation d’un garde-temps. Ces femmes et ces hommes sont de véritables gardiens des traditions, des « compétences vivantes » ! J’ai alors pu comparer la fierté de leur métier avec la fierté du mien ! Et quel est votre modèle de prédilection ? Tout ce qui est sobre et non ostentatoire : vous ne me verrez jamais avec un boîtier couvert de diamants. La Polaris Memovox me convient parfaitement, je ne la quitte jamais.—
Enquête société
L’affaire DE L’ISLAMOLOGUE GENEVOIS...
Depuis quelques mois, impossible d’échapper au nom de Tariq Ramadan, tant il fait la une des médias bien plus régulièrement qu’à l’accoutumée. Et pour cause, le célèbre islamologue genevois est accusé de viol par plusieurs femmes. Retour
sur une chronique qui dérange l’opinion publique. Par Manon Voland | Photos Carine Bovey
Tariq le prédicateur
Tariq le frère
Tariq Ramadan est un personnage bien connu au bout du lac, pour y être né, y avoir grandi et enseigné. Fils d’immigrés comme tant d’autres dans la Cité de Calvin, il traîne derrière lui un héritage bien moins coutumier : fils de Saïd Ramadan, père du Centre culturel islamique de Genève et figure des Frères musulmans, et petit-fils de Hassan el-Banna, fondateur même de ladite confrérie, difficile pour le théoricien de ne pas être assimilé au mouvement. Depuis ses débuts, il s’est pourtant toujours revendiqué indépendant du groupe au slogan éloquent, « le Coran est notre constitution », condamnant leur rigidité face aux enjeux de la société moderne. Le prédicateur se veut donc progressiste, prônant un islam porté par des valeurs traditionnelles, mais qui consent également à des compromis pour s’imbriquer dans le XXIe siècle occidental. Une position qui peine pourtant à convaincre ses détracteurs, qui l’accusent de jouer les escobars pour bien se faire voir de la société, tout en profitant de son affiliation avec les Frères musulmans. Mais ce combat d’opinion ne date pas d’hier. Déjà à l’époque de son doctorat, en 1994 à l’Université de Genève, la question de son incorruptibilité est remise en cause par son directeur de thèse, Charles Genequand, professeur de philosophie spécialiste du monde arabe médiéval. Il faut dire que ledit exposé s’intéresse à Hassan el-Banna, le fameux grandpère controversé de Tariq Ramadan. Selon le juré, la thèse est trop complaisante, dépeignant le papi comme un précurseur du courant réformiste islamique, tout en omettant d’évoquer la violence utilisée par l’homme pour imposer sa vision conservatrice. Charles Genequand est contraint de refuser la thèse, et finalement de démissionner face à « l’arrogance » de son doctorant. Une prétention qui aurait amené son second directeur de thèse, Ali Merad, à faire de même, après avoir été menacé d’une plainte en cas de non-obtention de doctorat : « J’ai été directeur de thèse pendant près de quarante ans. Je n’ai jamais vu un étudiant se conduire de la sorte. » Frère Tariq deviendra docteur après trois démissions de jurés. Cette vision de l’histoire, ce n’est pourtant pas celle du théoricien, qui soutient que Genequand aurait quitté le navire suite à une vexation personnelle. Pis encore, il affirme avoir été victime d’un racisme qui aurait pu lui valoir son doctorat. Aux sources du renouveau islamique : d’al-Afghani à Hassan el-Banna : un siècle de réformisme islamique est finalement publiée en 1998, en pleine ascension médiatique et religieuse de Tariq Ramadan.
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On pourrait croire que la religion a toujours été le cheval de bataille de Ramadan, mais c’est mal connaître l’enfant d’autrefois, qui rêvait plus de foot et de philanthropie que de confession. Enseignant la philosophie au Collège de Saussure au début des années 1990, le théologien en devenir organisait à l’époque des voyages humanitaires pour les jeunes. Il rencontre dans ce cadre le dalaï-lama, Mère Teresa ou encore l’Abbé Pierre, des figures fortes qui le rendent populaire et lui offre une visibilité respectée. Tariq prend alors conscience de l’importance de la religion et des croyances dans les luttes contre les inégalités et dans le façonnement des personnalités publiques. C’est sur ces entrefaites qu’il décide de retourner en Egypte, sonder ses racines et étudier les sciences islamiques, ainsi que le Coran. Il en revient métamorphosé une année plus tard, plaçant désormais l’islam au cœur de son idéologie et s’immisçant enfin dans le rôle qu’on lui connaît, celui d’orateur musulman dans le débat public. Si l’ancien enseignant captivait déjà son auditoire à Saussure, c’est dans les banlieues négligées de France qu’il trouve son public, une jeunesse musulmane en mal de repères identitaires. En 1994, à l’époque de sa fameuse thèse de doctorat, il est présenté comme un « imam » après la publication de son ouvrage Les musulmans dans la laïcité et se fait une place de choix dans les rayonnages des librairies et sur les affiches de conférences. Il séduit par son physique, son charisme et son français impeccable, et devient le porte-parole de toute une génération. Comme à son habitude, Ramadan n’attire pas que les partisans, et l’apparition en grande pompe du prédicateur dérange dans les plus hautes sphères politiques et sociales. En 1995, suite aux attentats islamistes en France, il se voit interdit de séjour sur le territoire français de par sa proximité avec les Frères musulmans et avec le Centre islamique de Genève, soupçonné d’être le point de convergence de plusieurs groupes islamiques radicaux en Europe. Une situation similaire le privera quelques années plus tard d’accéder à une chaire à l’Université NotreDame-du-Lac dans l’Indiana. C’est donc vers la Suisse que se tourne Tariq Ramadan pour continuer à enseigner : il est engagé par l’Université de Fribourg comme « chargé de cours dans le domaine des sciences des religions » à raison de deux heures tous les quinze jours entre 1997 et 2004, et fait grâce de son salaire annuel à l’association Musulmans et musulmanes de Suisse, dont le président n’est autre que lui-même. Une période qui fait actuellement couler beaucoup d’encre, car Ramadan a toujours revendiqué avoir été « professeur de philosophie et d’islamologie », ce que son titre historique contredit, tout comme le communiqué récent de l’université fribourgeoise. Cette « usurpation » de titre universitaire lui a donné les clés pour la suite de sa carrière académique et son CV de crédibilité : en 2005, il obtient sa titularisation auprès de la chaire d’études islamiques contemporaines du St Antony’s College, au sein de
la prestigieuse Université d’Oxford. Le nom de ladite chaire ? Son Altesse Cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, l’ancien émir du Qatar, qui finance donc Ramadan à Oxford. Le prédicateur se défend toutefois d’un quelconque lien avec l’émirat : « Ni le Qatar n’est proche de moi, ni moi je ne suis proche du Qatar ; la chaire d’Oxford est une chaire permanente, que le Qatar a certes financée, mais dont la gestion est sous l’autorité exclusive d’Oxford. » Ses opposants affirment au contraire que le prédicateur Youssef al-Qaradâwî, membre éminent des Frères musulmans au Qatar et en Egypte, a joué de son autorité pour offrir à Ramadan la fonction professorale. Qu’importe, depuis cette controverse, d’autres ont éclaté, et frère Tariq a été suspendu de ses fonctions oxfordiennes en novembre 2017, tout comme il aurait été prévenu qu’il n’était désormais plus le bienvenu au Qatar. Et pourtant, Europe 1 a révélé que l’islamologue continuerait de recevoir son généreux salaire mensuel de 4'000 livres sterling (soit près de 5'200 francs suisses) pour « gérer son affaire actuelle ». « Viols » et « viols sur personne vulnérable », voilà les motifs qui justifient quelques billets verts. Comment Tariq Ramadan, prêcheur réputé et populaire, est-il tombé de son piédestal médiatique dans les abysses de la justice criminelle ?
Tariq l’inculpé
Le 20 octobre dernier, Tariq Ramadan reçoit un premier coup du destin, lorsque Henda Ayari dépose plainte pour viol, agressions sexuelles et physiques, et harcèlement contre le prédicateur suisse. Une semaine plus tard, une seconde plaignante entre dans l’arène ; elle se fait appeler Christelle par les médias et accuse Ramadan de viol et d’humiliation violente en situation de vulnérabilité, puisqu’elle se déplaçait alors avec des béquilles. Rebelote en mars 2018 avec Mounia R., qui dénonce elle aussi des actes sexuels répétés, non consentis et dégradants. Une Américaine et une Suissesse portent plainte à leur suite. « Plus je hurlais, plus il tapait. Il m’a traînée par les cheveux dans toute la chambre pour m’amener dans la baignoire de la salle de bains pour m’uriner dessus » (Christelle).
Ces femmes ne sont pourtant pas les seules à affirmer avoir été abusées par cet homme jouant de son pouvoir et de sa force de persuasion. Bien avant le 20 octobre 2017, des faits graves, mais désormais prescrits, font remonter aux années d’enseignement du prédicateur, ici à Genève : Ramadan est accusé d’avoir séduit, avec plus ou moins de succès, plusieurs de ses élèves de l’époque, âgées de 14 à 18 ans. « Il a mis sa main sur ma cuisse en me disant qu’il savait que je pensais à lui le soir avant de m’endormir. Ce qui était faux. C’était de la manipulation. Il disait qu’il pensait à moi, mais qu’il était marié. J’étais mal, mais je ne pouvais rien dire. C’était mon prof. » Léa n’avait que 14 ans et, pourtant, c’est la seule qui n’a pas plié face aux avances de celui qui lui reprochait d’être « aguicheuse ». Sandra, 15 ans, Claire, 17 ans, et Agathe, 18 ans, ont elles succombé à l’envoûtement et au « charme [qui] rend les filles baba » (L’Hebdo, 1998). Tariq Ramadan semblait alors déjà recourir au même mode opératoire, instaurant une relation de confiance et de proximité avec ses étudiantes avant de les mettre dans son lit (ou plutôt à l’arrière de sa voiture) : « Quand j’avais 18 ans, j’étais, comme d’autres élèves, captivée par le discours de ce professeur charismatique. Il m’a proposé des cafés en dehors des cours. Et puis j’ai eu des relations sexuelles avec lui. Il était marié et père de famille. Cela s’est passé trois fois, notamment dans sa voiture. C’était consenti, mais très violent » (Agathe). La jeunesse et le magnétisme de l’enseignant le rendent populaire auprès des collégiennes, qu’il invite facilement à déjeuner en tête-à-tête, ou à faire un tour en tacot, cachant sous la masse et la sympathie la tristesse d’une présumée autre vérité. Son ancien collègue, le chimiste Michel Roch, se souvient et se confie à la Tribune de Genève :
Ces cinq femmes racontent toute la même histoire : celle d’une admiration pour le théoricien qui s’est transformée en relation virtuelle via les réseaux sociaux, puis en agression sexuelle humiliante. Toutes disent avoir été sous l’emprise du prêcheur : « Je devais rester disponible H24 pour lui, être sa soumise, sa chienne, sa pute » (Mounia R.). Toutes étaient des musulmanes convaincues et, surtout, toutes reconnaissent qu’elles étaient particulièrement fragiles au moment de leur correspondance avec le prédicateur. Mounia venait de divorcer de son mari, tout comme Henda Ayari : « Je sortais du salafisme et je culpabilisais. Je devais retirer mon voile pour trouver un boulot. » Christelle, quant à elle, était handicapée à la suite d’un accident de la route et tombait gentiment dans une dépression, que l’islam et Ramadan lui feront oublier avant de l’y replonger. Brigitte, la Suissesse, traversait alors des difficultés familiales, tandis que l’A méricaine avait besoin des conseils de l’islamologue pour enseigner l’islam et la culture moyen-orientale aux militaires du Département de la défense. Un modus operandi similaire, bien huilé.
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« CE SONT LES FEMMES QUI VIENNENT ME CHERCHER. C’EST MOI QUI SUIS HARCELÉ. » « A Genève à l’époque, le fait que Tariq Ramadan n’avait pas l’éthique professionnelle qu’il prétendait avoir devenait un secret de polichinelle. Ma femme, professeure de latin, et moimême avons recueilli entre 1989 et 1992 les confidences de six élèves de Tariq Ramadan. Elles avaient entre 14 et 18 ans, ont toutes été manipulées, voire plus. Je leur avais dit de porter plainte et de le signaler, mais elles ne voulaient pas le faire. » Et pour cause, le professeur Ramadan semblait exercer une réelle emprise psychologique sur ces jeunes femmes encore adolescentes : « J’avais 17 ans quand on a commencé à s’embrasser et 18 ans quand on a eu des rapports sexuels. C’était très régulier. Je pensais que cela s’arrêterait après ma matu, mais les liens ont perduré. J’étais fascinée, sous son contrôle. Il me prenait, me jetait, instaurait une relation de dépendance. Il a créé les bases d’une relation malsaine » (Claire). Si les secondes accusations ne sont plus recevables, celles des cinq premières femmes le sont et ont fait passer Tariq Ramadan du statut de prêcheur à celui de prisonnier à Fleury-Mérogis, en février dernier. Face à un tel réquisitoire, comment se défend l’ancienne star de l’islam ?
Tariq le martyr
Pendant des mois, Tariq Ramadan a nié en bloc toutes les accusations portées contre lui, criant à une « campagne de calomnie » de la part de ses détracteurs, et réitérant son discours puritain sur la famille et le mariage fidèle. Mais en juin dernier, le conservateur est revenu sur cette dernière affirmation, admettant des « relations sexuelles consenties » avec la troisième plaignante, Mounia R., et apportant plus de 300 vidéos et 1'000 photos à l’appui de sa défense. Bien connue de la justice, la prétendue victime, ancienne escort girl, était citée dans le dossier de l’affaire du Carlton de Lille, dont le protagoniste n’était autre que DSK. Une histoire qu’elle accuse Ramadan d’avoir utilisée contre elle. « Ta famille, tes enfants n’auront rien à perdre au milieu du scandale de ce qui sera monté contre toi », aurait-il écrit dans un SMS, consulté par Europe 1. Une capture d’écran parmi une centaine d’autres, de photos, de vidéos et de messages vocaux qu’elle a transmis aux juges, dans cette guerre de preuves épistolaires. L’avocat du prédicateur riposte en proclamant que les magistrats de la défense de l’affaire du Carlton ont estimé que la crédibilité de Mounia « était sujette à caution ». En effet, elle avait présenté de nombreuses contradictions dans ses descriptions du rapport violent subi par DSK. Autre procès, même argument. Par ailleurs, la défense a sorti la carte familiale, dans laquelle la sœur et le frère de Mounia déclareraient que ses « intentions ne sont pas honnêtes ». Des arguments qui semblent avoir fait mouche auprès des juges, qui ont décidé de ne pas mettre en examen Tariq Ramadan dans ce troisième cas.
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Même s’il échappe à une inculpation supplémentaire, le bon religieux est atteint dans les bases de son prédicat. En reconnaissant cette relation adultère ainsi que quatre autres, Ramadan a terni à jamais une image et des valeurs qu’il a pourtant défendues d’une façon véhémente tout au long de sa carrière. L’une de ses interventions les plus marquantes à ce sujet date de 1999, lors d’une conférence à l’île de la Réunion, qu’il nomma pour ses enregistrements futurs les « Grands péchés ». Il y appelle à un islam rigoriste et y dénonce les relations extraconjugales, ces « choses qui ne sont pas islamiques ». Le prédicateur déclare aussi que le faux témoignage, « c’est une chose qui amène en enfer », sans toutefois préciser – ce qui aurait pourtant été pertinent actuellement – le chemin à suivre pour un musulman coupable d’adultère et de faux témoignage afin d’échapper aux flammes du feu éternel. Et c’est là que le bât blesse, car les confidences du frère Ramadan font transparaître une certaine hypocrisie entre ses prêches et ses actes, lui qui était admiré et obéi par les foules. Il a par ailleurs affirmé que ces relations étaient consenties, car entretenues avec des femmes « en mesure de dire non », et il a même poussé le vice en déclarant : « Ce sont les femmes qui viennent me chercher. […] C’est moi qui suis harcelé. » Il semblerait donc que ce soit un procès moral qui doive attendre Tariq Ramadan sur ce volet, probablement avec sa femme, et non pas criminel comme celui qui est en train de se jouer. Car, admettons-le, jouer au Don Juan n’a jamais mis Molière derrière les barreaux. Mais alors, pourquoi s’entêter à garder Tariq Ramadan enfermé ?
Tariq l’ambigu
Si l’accusation de Mounia n’a pas abouti comme elle l’escomptait, il reste deux autres cas dans le dossier français, ceux de l’A méricaine et de la Suissesse, chacun étant traité dans des enquêtes parallèles encore très peu médiatisées. D’un côté, il y a Christelle, qui a rendu aux juges la version la plus précise des actes dont elle accuse Tariq Ramadan, soit un viol sur « personne vulnérable » le 9 octobre 2009 à Lyon, en
marge d’une conférence. Pour preuve de son récit, elle décrit une cicatrice située sur l’aine de l’islamologue, qu’il a admis avoir. Néanmoins, il s’est justifié en décrétant qu’elle aurait pu l’apprendre par d’autres femmes, ou qu’il en avait parlé en public. Il reconnaît toutefois l’avoir rencontré ce soir d’automne dans la Ville des lumières, mais nie l’avoir fait monter dans sa chambre, décrivant leur relation comme un simple flirt. Ses avocats avaient également, dans un premier temps, produit une réservation d’avion pour une arrivée à Lyon à 18h35, bien après l’heure de l’agression avancée par la plaignante, soit 12h15. Une affirmation remise en cause par l’actuel président de l’Union des jeunes musulmans, l’organisation ayant organisé la conférence à laquelle le prédicateur participait : « Il était prévu que M. Ramadan arrive au Terminal 1 de l’aéroport de SaintExupéry [de Lyon] le 9 octobre 2009 à 11h15. Moi-même et un collègue [...] avons récupéré M. Ramadan vers 11h35-11h40 à l’intérieur de l’aéroport, avant de le déposer à l’hôtel. » Malgré les protestations de la défense « ramadienne », qui déplorait que l’enquête s’attarde sur un agenda vieux de neuf ans, l’affaire semblait pliée. C’était sans compter les incohérences du dossier qui n’allaient pas tarder à ressurgir, vivement poussées et propagées par le comité de soutien de l’islamologue. Premièrement, Christelle déclare avoir été laissée seule et sous le choc dans la chambre d’hôtel après le viol brutal qu’elle affirme avoir subi, et n’avoir quitté ladite pièce que le lendemain matin. Pour se justifier, elle prétend que Tariq Ramadan serait parti avec ses vêtements et ces quelques mots : « Sois sage. Je donne des instructions. Si tu fais quoi que ce soit, je serai immédiatement averti et ça se passera mal. » Une version que la défense de l’intellectuel dément fermement et assez ironiquement, en la jugeant « invraisemblable ». Deuxièmement, la défense a diffusé une photographie de la conférence où elle affirme reconnaître la plaignante, ce qui décrédibiliserait totalement son alibi. « Absurde », répond l’avocat de Christelle, Me Eric Morain. « Ma cliente [...] n’a pas la même couleur de peau que la personne désignée, qui n’a pas non plus de voile alors que ma cliente le portait à l’époque, à la demande de Tariq Ramadan. » Par ailleurs, le plaidoyer de Ramadan met en cause le handicap de Christelle face à une manifeste absence de preuves médicales d’un accident et de traitement en 2009. Enfin, et c’est une trouvaille du site d’information Muslim Post, il semblerait que Christelle, de son vrai nom Paule-Emma A., aurait échangé des messages avec une amie quelques semaines après l’agression présumée, dans lesquels il est question de faire « tomber sa carrière politique [celle de Tariq Ramadan] à notre façon, lol ». Beaucoup d’éléments qui compromettent le témoignage de Christelle et sèment le doute quant aux vérités et mensonges de ce procès. Les magistrats ont toutefois réitéré leur appréciation, estimant que les éléments matériels fournis par Christelle « se sont révélés exacts » après enquête et ses déclarations « circonstanciées et précises », justifiant le maintien en prison de Tariq Ramadan.
Et pourtant, la déposition de Christelle n’est pas la seule à avoir du plomb dans l’aile : celle de Henda Ayari prend également l’eau. La plaignante est revenue sur sa version initiale des faits, en modifiant la date et le lieu de son agression supposée. Alors qu’elle la situait au départ en avril 2012 près de la gare de l’Est, à Paris, elle a par la suite affirmé avoir retrouvé des documents lui permettant d’avancer une date plus précise : le 26 mai 2012, dans un hôtel place de la République. Problème ? Selon la défense de Tariq Ramadan, elle aurait souligné qu’il pleuvait à cette date, ce que le relevé Météo-France dudit jour a contredit. Par ailleurs, selon les récentes investigations menées, elle se serait trouvée à Rouen, au mariage de son demi-frère, ce même 26 mai 2012. Depuis, Henda Ayari déclare ne plus pouvoir donner de date précise pour les faits présumés, plus de six ans ayant passé. La défense du théoricien a en outre versé au dossier des pièces (plus de 200 messages Facebook) censées démontrer que la présumée victime aurait continué de correspondre avec son client après l’agression. Elle lui aurait fait des avances explicites en 2014, soit près de deux ans après le viol supposé, via un nouveau compte. Par ailleurs, l’équipe de Tariq Ramadan avance que les deux plaignantes Christelle et Henda auraient été en contact et auraient également partagé plusieurs numéros de téléphone en commun, dont celui de l’essayiste Caroline Fourest, connue pour être « l’ennemie jurée » de l’islamologue. Ces dissonances mettent à mal la crédibilité des dépositions des plaignantes et posent des incertitudes dans une affaire qui n’a rien de clair ni de simple. Car c’est sur cela que s’appuie et rebondit la défense de l’homme incriminé, sur ces divagations et contradictions, en brandissant une carte que le frère Ramadan a usé maintes fois, le complot.
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IL APPELLE À UN ISLAM RIGORISTE ET DÉNONCE LES RELATIONS EXTRACONJUGALES, « CES CHOSES QUI NE SONT PAS ISLAMIQUES ».
Tariq le conspirationniste
Tariq Ramadan s’est servi de la thèse conspirationniste dans le cadre des attentats perpétrés par Mohammed Merah, mais également après les attaques des tours du World Trade Center en 2001, les attentats de Londres en 2013 et de Charlie Hebdo en 2015, les renseignements étant toujours dans sa ligne de mire. L’affaire qui le concerne actuellement ne déroge pas à cette règle. L’islamologue a répété à de nombreuses reprises que les plaignantes agissaient assurément sous l’emprise et l’influence de ses détracteurs, et a dénoncé « une campagne de calomnie qui fédère assez limpidement ses ennemis de toujours », nommant sans le faire Caroline Fourest. Leur aversion mutuelle date de 2004, lors de la sortie de Frère Tariq, ouvrage dans lequel la journaliste accuse le prédicateur d’employer un « double discours », soit de présenter une vision de l’islam libérale et moderne au grand public et une autre plus rigoriste à ses fidèles. Un point de vue très discuté et contesté par de nombreux intellectuels, dont Edwy Plenel, fondateur de Mediapart, qui dénonce un cliché dont serait victime Ramadan, celui de « l’arabe un peu fourbe. Ah, l’arabe, il a un double langage. » Alors, qui se moque de qui ? Les présumées victimes nous mèneraient-elles en bateau ? Tariq Ramadan serait-il réellement l’« homme à abattre » ? Ou, au contraire, serait-il celui qui se joue de nous, lui dont les actes qui lui sont reprochés semblent si loin des sermons proférés ? L’issue du procès nous le dira, peut-être. Ce qui est certain, c’est que Tariq Ramadan s’est livré de son plein gré à la justice et croupit en prison depuis, malgré les diverses demandes de remise en liberté de ses avocats. Un autre point indéniable est le soutien affiché par sa femme et sa famille, solidaires depuis le début de l’enquête, et qui dénoncent, comme de plus en plus de personnalités publiques, les conditions d’emprisonnement de l’islamologue. Dans une lettre ouverte, une centaine d’intellectuels réputés dans leur discipline ont réclamé une « procédure équitable » pour le Genevois, remettant en cause l’impartialité des magistrats. « Tariq Ramadan a-t-il bénéficié de l’égalité de traitement tant appréciée par la France, alors que des personnalités politiques de haut rang accusées de faits similaires continuent de bénéficier de leur liberté de mouvement? » C’est également la question que se sont posée les dizaines de personnes qui ont manifesté mi-juillet à Genève et dans d’autres villes, dont Washington, Londres et Bruxelles, pour la libération du théoricien. Même son de cloche du côté de ses proches, qui signalent des conditions de détention non adaptées à son état de santé – neuf médecins ont confirmé que Ramadan souffrait d’une sclérose en plaques nécessitant un traitement particulier,
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non compatible avec la détention – ainsi qu’un droit de visite limité et un isolement quasi incessant. Et c’est également une question qui nous taraude, alors que nous écrivons ces lignes. Un droit à la présomption d’innocence, voilà simplement ce qui est demandé. A l’interrogation formulée par les signataires de cette lettre ouverte, « existe-t-il une forme de justice pour les musulmans en France et une autre pour tous les autres ? », on pourrait s’en poser une autre : « Existe-t-il une forme de justice pour les victimes de Tariq Ramadan et une autre pour toutes les autres ? » C’est en effet une véritable croisade qui est menée par les « ramadiens », soit le nom officiel donné aux admirateurs avides du prédicateur, contre les plaignantes. Insultes, menaces de mort et appels au meurtre sont monnaie courante sur les réseaux sociaux de ces femmes qui ont dénoncé l’islamologue. Tout comme les autres plaignantes, elles dénoncent également des agressions physiques, par des individus bien souvent cagoulés, et se demandent si la justice attend que l’une d’entre elles se prenne un coup de couteau avant d’agir. Des actes et des propos dénoncés par la femme de Tariq Ramadan dans une interview en février dernier : « Cette attitude va à l’encontre de tout ce que nous recherchons dans cette affaire, à savoir plus de sérénité, plus d’apaisement, pour le bon déroulement de la procédure judiciaire. » Une maigre consolation pour les plaignantes. Difficile donc de se faire une opinion dans cette affaire, tant chaque partie se tire dans les pattes, tant les preuves et contrepreuves foisonnent, et tant les sites plus ou moins conspirationnistes pullulent sur le web, chacun y allant de sa propre analyse. Seules deux personnes connaissent la vérité dans chacun des cas présentés à la justice, la présumée victime et Tariq Ramadan. Nous ne sommes que de simples observateurs du jeu juridique et moral qui se déroule. L’avenir et la confrontation avec Paule-Emma A., alias Christelle, prévue le 18 septembre, offriront peut-être enfin les premières bribes de réponse. A suivre. —
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Trajectoire, une sélection de pièces classiques et intemporelles pour parfaire votre look avec élégance, style et authenticité. Zoom sur nos coups de cœur de la rentrée !
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Sélection Siphra-Moine Woerlen | Par Marie-Carine Favre
Vacheron Constantin Fiftysix automatique
La manufacture horlogère présente Fiftysix, une collection composée de trois modèles d’inspiration historique au style résolument cosmopolite. Son nom est un clin d’œil à la référence 6073, pièce emblématique présentée en 1956. La version automatique est proposée dans un diamètre de 40 mm. Son boîtier en acier 18 carats 5N accueille un mouvement mécanique à remontage automatique inédit, tandis que son calibre 1326 dispose d’une réserve de marche de 48 heures. Son ADN : on retrouve tout l’esprit des années 1950 grâce à un cadran rythmé par une alternance de chiffres arabes et d’index bâtons.
Laurent Ferrier
Galet Square Régulateur Black La manufacture genevoise lance le Régulateur avec un boîtier carré en or rose et un cadran en nickel opalin noir. La combinaison du rouge et du noir, chère à Laurent Ferrier, est signe d’élégance et d’équilibre. Son originalité : un affichage avec trois indicateurs : les minutes avec la grande aiguille au centre, les heures au-dessus à 12h et le cadran des secondes en dessous à 6h.
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Piaget
Extremely Lady Les textures ornant le bracelet en or de la nouvelle Extremely Lady sont le fruit d’un travail d’orfèvrerie minutieux. Grâce à son boîtier ovale serti de diamants, la montre a conservé tout le glamour des années 1960. Cette version revisitée de la First Lady jadis portée par Jackie Kennedy a conservé son bracelet en or gravé et ses lignes ovales. Infidélité : le jade a été remplacé par des tons davantage dans l’air du temps.
Breguet
Reine de Naples 8908 Breguet présente une merveilleuse variante du modèle Reine de Naples 8908. Cette nouvelle déclinaison se caractérise par l’association d’une boîte en or rose sertie de 128 diamants à un cadran en partie composé de nacre de Tahiti, ravivant la phase de Lune et l’indicateur de réserve de marche positionnés à 12h. Nota bene : Ce modèle rend hommage à la première montre-bracelet de l’histoire, réalisée par A.-L. Breguet entre 1810 et 1812 pour Caroline Murat, reine de Naples.
Audemars Piguet
Millenary Frosted Gold Cadran Opale Grâce à son design raffiné et à sa grande technicité, la Millenary s’est frayée un chemin dans le cœur et dans l’esprit des femmes. Chaque cadran en opale blanche est totalement unique et la boîte en or rose est agrémentée d’une finition Frosted Gold pour un effet irrésistiblement givré. Son petit plus : le bracelet à maille dite polonaise en or rose 18 carats donne à l’ensemble une touche vintage caractéristique de ce sublime garde-temps. Guerlain, La Petite Robe Noire. 36 €
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IWC
Portofino Remontage Manuel Huit Jours La manufacture schaffhousoise enrichit sa gamme Portofino avec deux variantes attrayantes de la Portofino Remontage Manuel Huit Jours. Ici, le bracelet en daim gris s’accorde avec douceur au cadran couleur ardoise et offre un confort absolu. Destinée aux amateurs exigeants, la montre est équipée d’un calibre manufacture 59210, qui lui assure un fonctionnement fiable de 192 heures. On craque pour : l’affichage de la réserve de marche, qui indique le moment opportun pour la remonter.
Zenith
Pilot Type 20 Chronograph Cohiba-Maduro Fruit d’un partenariat avec Cohiba, Zenith crée une édition limitée à 150 exemplaires de son modèle Pilote Type 20, rendant hommage à Maduro 5, la collection haut de gamme du fabricant de cigare. Son boîtier en bronze renferme un mouvement El Primero 4069, automatique Calibre 13 ¼. Son atout charme : parée de nuances chaudes, cette montre rappelle le soleil de Cuba ! Sa version automatique est limitée à 50 exemplaires.
Ulysse Nardin
Marine Torpilleur Farfetch L’horloger loclois présente ici une édition spéciale de la Marine Torpilleur bleue vendue exclusivement sur le site du célèbre détaillant Farfetch. Pour cette nouvelle version, l’or rose vient se poser par petites touches, flattant ainsi le bleu iconique du cadran. Habituellement rhodiées, les aiguilles sont déclinées en or rose, tout comme l’indicateur de réserve de marche à 12h et la date de création de la maison. On aime : la subtilité des index gris clair, qui permet d’adoucir l’allure globale du cadran. Newby, Crown Assortment, CHF 35.–
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Girard Perregaux
Cat’s Eye Day & Night High Jewellery Métamorphosée en pièce de haute joaillerie, la Cat’s Eye Day & Night se réinvente sous de nouveaux traits. Ce merveilleux garde-temps doté de la complication Jour/Nuit est animé par le mouvement de manufacture aux 218 composants GP330-00900 à remontage automatique. Sa réserve de marche est de 46 heures. Duo gagnant : un mix réussi entre complication poétique et haute joaillerie.
Van Cleef & Arpels
Montre Lady Arpels Jour Féerique Un nouveau garde-temps vient s’ajouter à la collection Cadrans Extraordinaires. Une exquise déclaration au plus brillant des astres : le Soleil. Source de vie et de lumière, l’étoile déploie ses rayons et anime tout en délicatesse la fée virevoltante. Celleci s’étire en une attitude légère, tendant ses ailes de diamants vers les nuages diaphanes. Autre détail de taille : cette pièce unique est accompagnée d’un cabinet en sycomore.
Harry Winston
Harry Winston Emerald Elaborée pour rayonner jour après jour, la gracieuse Harry Winston Emerald est animée par un mouvement à quartz suisse haute précision, qui lui assure une étanchéité jusqu’à 3 bars. A la fois sophistiqué et stylisé, son bracelet en satin rose épouse le poignet en deux tours. Marque de fabrique : fidèle à l’exigence de soin du détail apporté à chacune de ses pièces, la maison Harry Winston a souhaité, pour ce modèle, apposer onze diamants taille brillant sur la boucle ardillon.
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Bovet
Récital 11 « Miss Alexandra » La manufacture horlogère s’empare de la couleur bleue pour habiller ses montres Récital et signe des garde-temps automatiques d’une finition très ouvragée. Le cadran des heures est taillé dans l’aventurine, rehaussée d’index en diamants. Le bleu est travaillé dans deux palettes, l’une chaude, l’autre froide, créant ainsi un contraste entre le design des heures et celui de la phase de Lune. Le détail qui tue : la couronne est sertie d’un diamant taille briolette.
Christophe Claret Mecca
Christophe Claret n’en finit pas de surprendre ! Au cœur de ce garde-temps, une image micro-gravée de la Kaaba, mise en valeur grâce au mirascope, un procédé inventé voilà une trentaine d’années par l’Université de Californie. Deux mois de calcul et plusieurs prototypes auront été nécessaires pour obtenir l’effet optique espéré, soit placer les aiguilles au centre du cadran. Sa philosophie : rendre hommage à la religion musulmane dans un message de paix et de tolérance.
Gucci
Le Marché des Merveilles Kingsnake Gucci ajoute de nouvelles montres unisexes à son emblématique collection Le Marché des Merveilles. L’essentiel du design de la ligne repose sur des motifs animaliers. Le corps du serpent royal, signature de la célèbre maison, ondule le long du bracelet, tandis que l’abeille, autre symbole fort de Gucci, est représentée en tant qu’index à 12h. Signe particulier : le cadran et le bracelet sont réalisés avec un cuir vert pastel. Des créations divines et audacieuses.
MB&F
Legacy Machine Perpetual La maison MB&F et l’horloger indépendant irlandais Stephen McDonnell sont partis d’une feuille blanche pour entièrement réinventer le traditionel calendrier perpétuel. Ce précieux garde-temps se caractérise par un calibre de 581 composants pleinement intégrés et doté d’un système révolutionnaire pour calculer le nombre de jours de chaque mois. En extra : son mouvement a été conçu pour une utilisation sans risque ; fini les dates sautées et les rouages grippés ! Mariage Frères, Tokyo Mojito. CHF 47.–
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Réalisation Siphra Moine-Woerlen
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Montre Lucea Tubogas en or rose et acier, sac Serpenti Hypnotic en cuir.
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Montre Serpenti Spiga en céramique noire, or rose et diamants. Page de droite : Sautoir Serpenti Seduttori en or rose et malachites, bracelet Serpenti en or jaune et diamants, sac Serpenti Forever en python rayé.
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Montre Lucea en or rose et diamants, sac à dos Serpenti Forever en cuir nappa matelassé couleur émeraude. Page de gauche : Collier, bracelet, bague et boucles d’oreilles Serpenti Seduttori en or blanc, émeraudes et diamants, bracelet Serpenti en or blanc et diamants.
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Bague B.zero1 Design Legend en or rose et blanc, bagues Serpenti Viper en or rose, nacre et diamants. Page de gauche : Bracelets Serpenti en or rose et cornalines, bague B.zero1 en or rose et diamants, lunettes de soleil Serpenti.
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Bague Bulgari Bulgari Gelati en or rose, diamants et malachites, montre Serpenti en or rose et diamants avec bracelet en cuir violet, montre Serpenti Spiga en cÊramique noire, or rose et diamants. Page de droite : Collier, bracelets, bagues, boucles d’oreilles Serpenti en or rose, nacre et diamants. 104
Collier Diva Haute Joaillerie en or blanc, turquoises et diamants. Page de gauche : Montre Serpenti en acier, diamants avec bracelet en cuir bleu, foulard Shelleys Drop Art en soie. Maquillage Carole Lasnier @B Agency Coiffure Frédéric Kebbabi @B Agency Manucure Audrey Chéri @B Agency Mannequins Priscilla et Kristel @MP Paris
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Shooting mode
A
CLASSE
ffaire
Féminine toujours. Escarpins, trench, chemise ou robe cintrée… La wor-
king girl cultive irrésistiblement les codes et les essentiels. Signe
particulier : ne jamais tomber dans l’ennui de la panoplie.
Direction artistique et photographie Vincent Alvarez, assisté de Gabrielle Vigier | Réalisation Siphra Moine-Woerlen Stylisme Juliette Blondel | Maquillage Jolanta Cedro @B Agency
Coiffure Frédéric Kebbabi @B Agency | Mannequin Natasha @Karin Models Agency
Nos remerciements à Léna Le Goff et toute l’équipe du Grand Hôtel du Palais Royal, Paris 1er.
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Manteau et pantalon Hugo Boss, chemise Cerruti, sac Létrange, chaussures Francesca Mambrini, gants Georges Morand, créoles Tiffany & Co., chaîne Orphée, lunettes de soleil Etnia Barcelona.
Tunique et pantalon Tod’s, sous-pull Falke, manteau Escada, sac et escarpins Christian Louboutin, créoles et bagues Tiffany & Co. Page de gauche : Trench Michael Kors, chemise Valentine Gauthier, jupe Paule Ka, bottes Vic Matié, cabas et sac bandoulière Moreau Paris, casquette Xenia Biegler, bague Hélène Zubeldia.
Robe Paule Ka, pochette Roger Vivier, sandales Giuseppe Zanotti, bracelet et bague HÊlène Zubeldia.
Veste, pull, jupe et collants Dior, sac Essentiel Antwerp, escarpins Francesca Mambrini, Gants Georges Moreau, chapeau Xenia Biegler, bague Bulgari, collier Dior. Page de droite : Robe, collants et sandales Versace, sac Paule Ka, montre et bagues Tiffany & Co., carnet Thibierge.
Robe Elisabetta Franchi, sac Tod’s, montre et bagues Bulgari, crÊoles Tiffany & Co., lunettes de vue Alexander McQueen.
Robe Fendi, gants Georges Morand, sac Roger Vivier, escarpins Francesca Mambrini, collants Falke, bracelet Chanel, boucles d’oreilles Hélène Zubeldia. Page de droite : Culotte et soutien-gorge I.D. Sarieri, porte-jarretelles Morgan Lane, bas Falke, jonc et bagues Bulgari. Sur le lit : robe Roland Mouret, cabas Paule Ka, étole Weekend Max Mara, gants Georges Morand.
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Veste, pantalon et chaussures Chanel, ceinture Tod’s, pochette LÊtrange, collants Wolford, bague et collier Bulgari, montre Vacheron Constantin.
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Histoire de mode
CRÉATEUR
organique « Quand on aime créer des formes, il est normal qu’un jour ou l’autre on s’intéresse au meuble. » Couleurs variées, formes rondes… Pierre Cardin a conjugué ses concepts au futur aussi bien dans la sphère mode que dans le domaine des arts décoratifs. Tour d’horizon de 70 années de créations en tous genres. Par Diane Ziegler
Hypnotique Pierre Cardin
De benjamin à doyen de la couture
Mai 68. Une image, celle de Pierre Cardin avec Lauren Bacall. Ce couple hors norme est bien le reflet des changements radicaux qui se trament. Un créateur français, alors âgé de 46 ans, habille une actrice américaine, la protégée d’Hollywood, de ses fameuses robes thermoformées « Cardines ». Un pavé dans la mare de la fashion sphère, alors que les rues de Paris se déchaînent et que le mouvement hippie bouscule les codes réglementaires du style. Dans son atelier du très chic quartier Saint-Honoré, Pierre Cardin garde son calme olympien mais se sent pousser des ailes. A l’instar de la jeunesse engagée, il bouillonne d’inventivité et d’audace… Car après le triomphe des « robes bulles » en 1954 et de sa collection masculine « Cylindre » qui fait fureur quelques années plus tard, il voit encore loin et rêve de matières synthétiques, de coloris argentés, de palettes aliens, de bulles, de cerceaux et de découpes hublot… Débordant d’énergie créative, il avait déjà une longueur d’avance en menant, dès 1950, sa révolution de la mode tournée vers de grands idéaux et des valeurs qui seront plus tard celles de ses créations de mobilier. Janvier 2018. Alors que Jean-Paul Gaultier rendait un vibrant hommage à son « parrain de la mode », la prestigieuse maison Sotheby’s réalisait une venteévénement d’objets d’art signés Pierre Cardin, signant le (nouveau) retour sur le devant de la scène du doyen des couturiers.
Source intarissable d’inspiration
Une mode futuriste, un style pop, des motifs psychédéliques… Pierre Cardin, c’est tout cela à la fois. Créateur, gestionnaire, comptable, superviseur en chef, il ne s’est jamais économisé. Comme son idéal de femme forte, libre et ne se laissant pas faire, il est toujours resté maître de lui-même, résolument affirmé et entreprenant. Son œuvre a changé l’histoire de la mode et bouleversé le destin de nombreux créateurs : la liberté totale de Pierre Cardin a poussé tous les génies de la mode à se surpasser. L’ère « Space Age » avec ses allures d’extraterrestres, ses blousons de super-héros, ses coupes ultra graphiques et ses dessins en origami a marqué les esprits. Autant en Occident qu’en Orient, Pierre Cardin est admiré pour sa couture géniale, qui n’a pas pris une ride depuis des décennies : ses fameux pantalons en jacquard uni pourraient parfaitement convenir à une impératrice Ming d’aujourd’hui.
« Je crée les yeux fermés, une passion qui ne m’a jamais quitté »
Dans les sixties, Pierre Cardin assume son ouverture d’esprit, sa modernité électrique. Il dévoile des collections épurées, expressives et virevoltantes, avec l’art optique comme fil rouge. Une seule idée à la fois : Pierre Cardin ne s’éparpille jamais. Chaque collection est le reflet d’un « travail pur », comme il le dit lui-même. A cette époque, le créateur est animé par des références écliptiques et magnétisantes pour donner vie à des silhouettes gracieuses et audacieuses. L’extravagance chicissime devient son mot d’ordre. Les accessoires géométriques ou spirales en métal couronnent le spectacle de ces collections.
A la poursuite du futur
Homme de liberté et amoureux des couleurs, Pierre Cardin a été « le premier en tout ». Inspirant à Christian Dior le tailleur New Look alors qu’il n’est qu’un simple collaborateur de la maison française, Pierre Cardin présente son premier défilé
Voilà 70 ans que Pierre Cardin fait la pluie et le beau temps de la mode. En effet, cet homme qui disait que « faire des manches de robes ou des pieds à une table, c’est la même chose » fut le premier à créer un lien entre la mode et l’art. Il dessinait dans l’absolu, sans contraintes d’angles, de couloirs, de pièces ou de murs. Ce fut au côté de Jean Cocteau qu’il trouva son terrain : le mélange de l’art et de la mode. Et le créateur compose encore aujourd’hui ses images comme des tableaux. Ses modèles ne posent pas, elles jouent. Car Pierre Cardin pense la mode comme le design : il construit les plans de ses robes et sculpte des lignes fonctionnelles aux formes originales comme un architecte.
CE FUT AU CÔTÉ DE JEAN COCTEAU QU’IL TROUVA SON TERRAIN : LE MÉLANGE DE L’ART ET DE LA MODE. Pierre Cardin et Lauren Bacalll qui porte ici une robe Cardines, 1958.
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dès 1953. Car, après son passage express chez Dior, son esprit critique s’aiguise et s’éveille. Cette expérience lui a été bénéfique. Evidemment. Car c’est à ce moment précis que Pierre Cardin a appris à bien coudre, à jouer avec les tissus, les couleurs, les bijoux. La mode devient ainsi une discipline à laquelle il essaie de trouver des lignes nouvelles. Sa manière de ne jamais être statique, de décider d’une minute à l’autre de tout chambouler, de reléguer un chiffon au rayon chaussures, de remonter un tissu pour le glisser dans une prochaine collection est du jamaisvu ! Avec Pierre Cardin, tout devient possible ! Et son succès très précoce, il le doit à ses robes bulles, incarnations parfaites d’une mode futuriste, mais également au style cosmonaute des années 1970. Sans avoir forcément besoin de références culturelles, Pierre Cardin s’est souvent contenté d’observer ce qui se passait autour de lui. C’est sa façon à lui de trouver des idées géniales, de fuir l’anecdotique.
Combinaisons Cosmocorps, 1965.
L’audace d’un homme aux doigts d’or
A l’aube des années 1960, Pierre Cardin sort la hache de guerre contre la haute couture, bastion élégant réservé à une élite de plus en plus inexistante. Il propose des modèles à des prix plus abordables. Le prêt-à-porter est né. Les formes nouvelles s’adaptent aux besoins de la vie moderne. Quant aux matériaux,
nouveaux eux aussi, ils drapent les belles de nuit. Pierre Cardin déroute avec ses idées hors du temps. Pour certains, sa mode fouette les époques. Pour d’autres, il construit une esthétique postmoderne. Pour d’autres encore qui ragotent, Pierre Cardin est importable ! Soit. Mais Pierre Cardin rêve d’une mode qui casse les clichés. Pour fabriquer son style, il va chercher là où ça se trouve et n’hésite pas à dépasser les frontières pour côtoyer l’A sie. Il suit ses envies, ses engouements, ses passions. Il décide tout ; il dirige tout.
« Ce qui vient en premier, c’est la forme, puis la couleur »
Autant ses meubles aux accents futuristes que ses collections cosmogoniques ont marqué le paysage de la mode et de l’art. Amateur de matériaux précieux – ébène, macassar, wengé –, mais aussi de caoutchouc, d’acier brossé ou de polyuréthane, Pierre Cardin les a utilisés pour ses collections de mode et de mobilier. La conception d’objets utilitaires est une source de créativité permanente. Faire que l’objet devienne sculpture, conjuguer fonction et esthétique, quel beau programme ! Cette dynamique a accompagné sa création dans la mode tout au long de sa carrière. Car, pour Pierre Cardin, la création de mode se définit comme la conception de sculptures portables. Aussi a-t-il imaginé dès les années 1960 des robes préformées et, plus tard, de nombreux autres vêtements très « sculpturaux ». Et comme il était son propre maître, il n’imposait aucune limite à son imagination ! Une seule exigence : que ses œuvres ne soient pas comme les autres, qu’elles aient un impact, une véritable présence.
Robe Bulle, 1954.
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Robe Cible, 1966.
Cabinet Champignon en bois laqué, 1979.
Cabinet Nicolas en bois verni, 1978-1979.
Œuvres sculpturales OU VIVANTES ? La table Vague vs la robe Cible Dans les années 1960, Pierre Cardin se met en phase avec son époque. Ses robes très élancées aux couleurs vives s’inspirent de l’art optique alors très en vogue. Sur les traces de Vasarely et Tinguely, il contribue à la conception de nouveaux volumes et met au point une robe « cible » emblématique de la décennie, qui fit de nombreuses couvertures de magazines. Une destinée comparable à cette table Vague en bois laqué noir agrémentée de bandes de lapis-lazuli, dont les étonnants alliages de matériaux rappellent les volumes amples et ergonomiques des collections couture.
Le cabinet Nicolas vs la veste Cylindre C’est au cœur des sixties que Pierre Cardin inspire le look légendaire des Beatles et revendique un nouveau style de vestes « avec lesquelles on peut dévisser un boulon de voiture, mais aussi aller au Windsor ». Ces vestes sans col, nommées « Cylindre », font écho au cabinet Nicolas, dont l’architecture fit également longtemps débat... Incarnations de la simplicité et de l’élégance, ces deux créations chargent de jeunesse les épaules des garçons rebelles et apportent de la personnalité au mobilier des intérieurs. Dans un parfait équilibre entre l’ancien et le nouveau, Pierre Cardin réussit à faire communiquer deux mondes qui honorent l’art. L’art de la douceur et de la fluidité des traits et des mouvements. L’art qui « convient » littéralement à une génération d’hommes et de femmes branchés, tournés vers l’avenir et en pleine mutation.
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Table Vague en bois laqué ornée de bandes de lapis-lazuli, vers 1978.
Commode Tête de Lune en bois laqué, 1978.
Le cabinet Champignon vs la robe Bulle Les formes trapézoïdales ou tubulaires avec extrusions ou rondeurs d’ovnis : tel est le vocabulaire (presque) ubuesque de ce « couturier que l’on adore détester ». Obsédé par le rond et les formes organiques, Pierre Cardin cultive l’arrondi depuis le succès de sa fameuse robe Bulle en 1954. Une robe scandaleuse et chic, qui fit polémique de par sa forme novatrice qui déforme les courbes de la femme. Mais Pierre Cardin, touche-à-tout, ne s’arrête plus et déplace ses prises de position radicales dans le domaine du mobilier en créant un cabinet aux allures sculpturales.
La commode Tête de Lune vs la combinaison Cosmocorps La tête dans les étoiles, mais les pieds sur terre. Pierre Cardin voue en effet une admiration sans bornes à l’astronomie. En 1965, le Marco Polo de la mode poussa encore plus loin sa passion pour la conquête de l’espace avec « Cosmocorps ». Une ligne unisexe – l’une des toutes premières – de combinaisons et de justaucorps synthétiques très près du corps. Inspirée par l’esthétique futuriste des séries comme Star Trek, cette collection est composée de vêtements aux couleurs solaires et utilise des matières étonnantes comme le vinyle. Quant au mobilier, les éclats de bois brut et les reflets chatoyants des commodes reprennent les lignes futuristes d’une soucoupe volante. Mais ce qui est et restera fascinant avec Pierre Cardin, c’est qu’une paire de collants autant qu’une commode racontent une certaine manière d’imaginer la mode et de toujours regarder vers le futur. —
On dirait le Sud
Ebelles ! CHAPPÉES Week-end prolongé ou escapade improvisée ? En cette rentrée, que di-
riez-vous d’une parenthèse en Provence ? Art de vivre, découverte et farniente… Visites guidées et plus si affinités. Par Christopher, Delphine, Jade et Marine
BAUMANIÈRE LES BAUX-DE-PROVENCE,
un état d’esprit Héritage provençal
Des terres de Cézanne à celles de Van Gogh, des ferias de Picasso aux monastères romans, le Baumanière Les Baux-de-Provence ouvre ses portes sur un trésor bien gardé. Niché à l’ombre des platanes et des allées de cyprès, le domaine incarne sans ostentation l’art de vivre en Méditerranée. Nature généreuse et paysages époustouflants, c’est sur ces terres que le domaine de Baumanière a élu domicile, il y a plus de 70 ans. Pionnier dans l’aventure Relais & Châteaux, l’établissement réunit aujourd’hui plusieurs demeures de style et de charme. En son sein, la bâtisse de l’Oustau, un manoir et trois mas inscrits dans la tradition, avec des ambiances variées et un goût certain pour l’épure. A l’écart de l’agitation, le domaine marque une étape privilégiée.
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A la folie, passionnément !
L’établissement est un repaire prisé des hommes de lettres, des peintres et des têtes couronnées... Frédéric Dard, épris des lieux, en parlait ainsi : « Baumanière n’est pas une hôtellerie, c’est une récompense. Un lieu d’exception qu’il faut mériter. Je plains de toute mon âme ceux qui s’y rendent en « clients », uniquement parce que la table y est somptueuse, le cadre magnifique et le service d’une rare perfection. J’éprouve une grande mélancolie en songeant que des gens […] viennent y chercher les traces de la reine d’A ngleterre, du Général de Gaulle et de cent autres illustrissimes qui glissèrent leurs augustes pieds sous la meilleure table de France. Car pour moi, l’Oustau est une philosophie : celle du raffinement poussé jusqu’au sublime ; pour moi, l’Oustau est un endroit secret, en marge de la vie, résultant de la rencontre d’un site et d’un homme aussi exceptionnels l’un que l’autre. »
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Parfums d’excellence
Etoilé à deux reprises par le Guide Michelin, le restaurant L’Oustau de Baumanière séduit par sa gastronomie fine et authentique et donne vie à des saveurs ensoleillées. A la tête de cette institution, Jean-André Charial. En homme passionné, le petit-fils du fondateur du domaine perpétue l’esprit de la maison tout en apportant un vent de modernité à ses créations. Un héritage bien gardé, et qui a su se renouveler. Excellence et noble simplicité que l’on doit en partie à sa grande fierté : son potager. Pour accompagner la beauté de ses mets, une cave d’exception. Classée plus belle carte des vins de France en 2005, l’adresse renferme un véritable trésor : 50'000 bouteilles des meilleurs crus, parmi lesquelles des flacons précieux inestimables. Autre rendez-vous gourmand, La Cabro D’Or. A la table d’hôtes ou à l’ombre des mûriers platanes, l’instant se savoure et fleure bon la nature sauvage des Alpilles.
BAUMANIÈRE LES BAUX-DE-PROVENCE***** www.baumaniere.com
D’hier et d’aujourd’hui
Comme dans une vaste maison de famille, les espaces de vie sont nombreux et les recoins variés ! Bibliothèque, cabinet de lecture ou d’écriture… les moments de tranquillité savent aussi s’apprécier à l’ombre d’un pin parasol ou d’un cèdre du Liban bicentenaire. Des chambres aux salons, on craque pour les tomettes lustrées, les gypseries provençales, les cuirs de Gênes ou les papiers peints chinois anciens… Des éléments de caractère sublimés par une touche contemporaine et le confort absolu d’un 5 étoiles français.
Lever le pied
CHÂTEAU DE FONSCOLOMBE,
lettres de noblesse La vie de
château
Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre… Le Château de Fonscolombe se dévoile sous un nouveau jour. Trois siècles d’histoire, des jardins à la française, une bâtisse et un parc classés… le séjour s’annonce heureux. Entre charme d’antan et art de vivre dans l’air du temps, la demeure du XVIIIe siècle a été restaurée dans le respect de son patrimoine, s’offrant dans le même temps une cure de jouvence. Un beau défi, relevé avec succès. Une atmosphère qui laisse entrevoir la légèreté et la douceur de vivre de ses anciens résidents : fastueuses réceptions, chassés-croisés d’invités, parties de billard ou rires d’enfants… la demeure des marquis de Saporta et de Fonscolombe a su garder son âme.
Et prendre le temps de respirer. Ce n’est pas l’incroyable parc de Fonscolombe qui vous fera passer l’envie de vous mettre au vert. Le domaine compte en effet 180 espèces d’arbres et de plantes, un héritage laissé par l’illustre botaniste Gaston de Saporta. Ce n’est pas non plus la quiétude des jardins ou de la piscine chauffée qui vous dissuaderont de paresser au soleil ou de prendre un verre de vin de la propriété. Autre option libre pour les heureux châtelains : se faire pomponner au Salon Boudoir ou simplement bouquiner au coin d’une table en fer forgé. A l’heure du souper, rendez-vous dans la salle à manger historique du château pour un dîner aux chandelles. A la table de L’Orangerie, la mise en scène est parfaite : légumes du potager, producteurs locaux, saveurs régionales et le goût du fait maison. Aux beaux jours, L’Orangerie s’invite à l’ombre du cyprès chauve, à la recherche d’un peu de fraîcheur sous les branches majestueuses.
Tout à côté Le Château La Coste : 125 hectares de vignes face aux œuvres des plus grands noms de l’architecture et de l’art contemporain. Parmi elles, un chai futuriste conçu par Jean Nouvel, un centre d’art signé Tadao Ando, le Pavillon de musique de Frank Gehry ou les sculptures de Calder et de Louise Bourgeois. Exceptionnel. www.chateau-la-coste.com
CHÂTEAU DE FONSCOLOMBE***** www.fonscolombe.fr
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LE MAS DES HERBES BLANCHES,
exil de charme Oubliez tout
Un nom qui laisse rêveur, le Luberon pour seul décor... L’échappée s’annonce belle ! Perché sur les hauteurs du village pittoresque de Joucas, la carte postale est divine. Sur fond de garrigue et de pierres sèches, le mas et ses huit petites bastides se dessinent en toute discrétion comme pour ne pas réveiller la nature qui sommeille tout autour. Récemment repensée, l’adresse se plaît à mêler les charmes d’un établissement hors du temps et des modes. Un pari réussi grâce à l’accent mis sur les volumes et les savoir-faire ancestraux. Pierre de Bourgogne, charpente apparente, peintures à la chaux, voilages, camaïeu grège, le tout souligné de quelques touches nobles : pièces design, boutis provençaux, consoles ou bergères d’époque... D’un chic absolu ! Les chambres et les suites vous mettront vite dans la confidence d’une maison de caractère au luxe discret, à moins que vous ne succombiez aux charmes du spa baigné de lumière, de la piscine bleu cobalt, du jardin suspendu ou du bassin privatif de l’une des bastides que compte le parc. Philosophie du mas : savoir apprécier à sa juste valeur la quiétude et l’authenticité des lieux. « Pour vivre heureux, vivons cachés », une règle d’or dont la collection Relais & Châteaux a le secret.
LE MAS DES HERBES BLANCHES***** www.herbesblanches.com
Les pianos du mas
Dans les parages Amateurs de design et de bons vins ? Ne manquez pas de visiter le Musée du tirebouchon. Situé au cœur du domaine viticole, cette collection privée peu commune rassemble plus 1'200 tire-bouchons du XVIIe siècle à aujourd’hui. www.domaine-citadelle.com
Une cuisine au diapason avec l’A DN des lieux. Arrivé en début d’année, Cyril Mendes fait rayonner l’héritage gastronomique de cette belle Provence et son goût des horizons variés. Grâce à une partition subtilement travaillée, le chef signe avec talent une cuisine moderne et créative. Ancien élève de Michel Roth (Ritz, Paris), il décline les produits stars de la région autour d’herbes aromatiques, offrant un véritable répertoire d’émotions. A déguster à ciel ouvert ou à la table du restaurant pour un moment de détente étoilé !
Nuancier et
villages classés
Imaginez avoir pour seuls voisins le massif du Luberon, les ocres de Roussillon et les falaises de Lioux. Et puis, à vol d’oiseau, entourés de champs de lavande et de cèdres centenaires, la crème des sites médiévaux... Avec, à la clé, le palmarès des plus beaux villages de la région : Gordes, Roussillon, Bonnieux, Lacoste, Goult et Ménerbes.
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DOMAINE DE MANVILLE,
sweet escape Eldorado
Le Domaine de Manville, c’est avant toute chose une histoire d’amour de la famille Saut, de Maussane-les-Alpilles, pour la terre, l’écologie, l’environnement, le patrimoine et la culture. Il y a dix ans de cela, la famille choisit de réveiller la belle endormie en investissant sans compter, afin de redonner au domaine la noblesse de cette sublime région provençale. Derrière la façade de pierres blanches, l’hôtel compte 30 belles chambres confortables. L’établissement a été construit autour d’une place carrée, avec au centre, la fontaine, à proximité d’une immense piscine pierreuse… Il paraît impensable de ne pas immédiatement succomber. Le Domaine de Manville, aujourd’hui somptueux complexe 5 étoiles, fut autrefois un domaine agricole, conçu pour réunir tous les membres d’une famille pour profiter des merveilles de cette Provence enviée dans le monde entier. Cette adresse hautement recommandable rassure et réconforte au-delà de vos espoirs.
Nature et découverte
Cinq cabines de massage, dont une double, un jacuzzi, un hammam, une fontaine de glace et – ô bonheur – une piscine intérieure, le tout baigné de lumière dans un cadre de marbre dépoli noir et blanc du meilleur effet. Le spa propose également des soins signatures et olfactifs. Un bonheur.
DOMAINE DE MANVILLE***** www.domainedemanville.fr
Provence et traditions
Aux commandes des cuisines du Domaine, un jeune chef, Lieven Van Aken, a repris en septembre l’heureuse destinée des deux tables que compte l’établissement : le restaurant L’Aupiho face à la fontaine, un gastronomique ambitieux d’une vraie délicatesse, et Le Bistrot, qui propose une cuisine faussement canaille particulièrement bien exécutée. Aujourd’hui, le nouveau chef compte perpétuer l’excellence de la belle et honorable cuisine tricolore tout en rendant hommage à son ancien mentor, Michel Guérard, chez qui il a fait ses armes durant quatre années, à Eugenie-les-Bains. Nous nous réjouissons de revenir déguster sa cuisine.
A ne pas manquer Les Carrières de Lumières. Dans un format XXL, Les Carrières de Lumières offrent des expositions numériques immersives déployées sur 7'000 m2 de parois calcaires. Dernier spectacle multimédia en date, Picasso et les maîtres espagnols (jusqu’au 6 janvier 2019). www.carrieres-lumieres.com
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LE PRIEURÉ,
à vol d’oiseau Douce Provence
Avec son jardin de curé et ses treilles de glycines au cœur de la ville médiévale, Le Prieuré se distingue par une authenticité singulière. Cet établissement 5 étoiles est un ancien couvent, qui réunit désormais 39 chambres et suites, réparties sur trois bâtisses : le Prieuré, le bâtiment principal, le Chapitre et, depuis peu, l’Atrium. Chacune de ces suites ou chambres offre une vue imprenable sur la piscine. Autre atout charme de l’établissement, une décoration soignée, élégante et typique de la région, sans jamais (et c’est suffisamment agréable pour être relevé) tomber dans l’ostentatoire tape-à-l’œil de certains hôtel renommés qui semblent estimer indispensable d’ajouter de la dorure et du marbre pour justifier le prix des chambres. Ici, on s’adresse à une clientèle certes élégante, mais aimable. L’établissement de JeanAndré Charial, propriétaire des lieux depuis 2007, reste et demeure une adresse absolument délicieuse. Difficile de résister, on retourne toujours au Prieuré !
LE PRIEURÉ BAUMANIÈRE***** www.leprieure.com
Tour d’horizon
En cuisine, on retrouve le jeune chef Marc Fontanne. Après avoir fait ses armes dans de grandes cuisines étoilées, il a su se nourrir de cette expérience méditerranéenne pour proposer une carte dans laquelle il met en avant les valeurs chères à l’institution de Baumanière. Difficile de ne pas garder un souvenir ému de la langoustine saisie marinée à la citronnelle et au basilic ou du ris de veau gourmand en croûte d’anchois et au citron confit. Entre autres merveilles gustatives… Quant au dessert, le chocolat noir amer à l’abricot et au jasmin reste un régal absolu.
Et aussi Une activité ? Vraiment ? Je suggère de ne rien faire du tout : farniente absolu, détente au bord de la piscine, balade bucolique dans le charmant village voisin et pastis siroté sous un parasol tout en appréciant le bonheur du silence. Pour les téméraires, Avignon et ses hordes de touristes, toujours agréable à visiter, à moins de trois arrêts de bus.
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Evasion munichoise
SCHICKIMICKI !
Exit
LES CLICHÉS
En plein boom de l’Oktoberfest, le tableau d’une belle Bavaroise figée dans le temps et les traditions vire rapidement à la caricature. La bière coule à flots, la tendance est au dirndl et les hommes arborent librement leurs culottes courtes en cœur de ville, mais on aurait tort de s’arrêter à l’éternelle carte postale et de continuer de s’accrocher à la seule partie visible de l’iceberg. On ne saurait vous déconseiller la découverte de cet incroyable patrimoine culturel, de cet héritage néo-gothique et des nombreux charmes que compte la capitale des ducs de Bavière, néanmoins, toujours en quête d’idées nouvelles, nous avons penché pour une version schickimicki de Munich. Parce que le schickimicki (littéralement « bon chic bon genre »), c’est trendy, chic, et so bavarois !
Si, comme nous, vous penchez davantage pour un Moscow Mule que pour une chopinette ambrée et que vous boudez le brouhaha folklorique et les schnitzels à l’heure du déjeuner,
le sujet qui suit devrait vous inspirer lors d’une prochaine virée à Munich. Par Delphine Gallay
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Sweet dreams
ARE MADE OF THIS
Pour continuer sur la note chic & choc, que diriez-vous d’élire domicile dans l’un des hôtels les plus en vue de la ville ? Véritable refuge urbain, le Roomers Munich allie tous les charmes d’un boutique-hôtel de caractère et d’esprit. Dans cet établissement résolument contemporain, l’art du détail, le minimalisme et la fantaisie règnent en maître au travers de lignes élégantes subtilement dépouillées, ponctuées ici et là d’objets design décalés et agrémentés d’une irrésistible touche arty. Membre de la prestigieuse Autograph Collection (Marriott International), le Roomers Munich est un lieu chaleureux et sexy. Parmi ses atouts charme, un lobby qui en jette un max et se la joue cabinet de curiosités, avec sculptures, livres d’art, bonbons à foison et cocktails sur mesure… Et les chambres restent dans le ton. Elégantes et racées, elles invitent à la détente et offrent le luxe d’une sublime baignoire ronde dans le prolongement de la chambre et d’équipements dernier cri. Le design mêle le marbre et le cuivre poli, rehaussés de teintes dans l’air du temps. La botte secrète du Roomers ? Son restaurant Izakaya et ses deux bars, dont la fameuse Hidden Room. Une adresse vivement conseillée.
ADN urbain Décontractée et dynamique, la cité regorge de charmes et détonne par sa cool attitude, sa nature éclatante et sa scène artistique. Cité arty par excellence, le street art y est roi, inattendu, et s’invite intra-muros pour le plus grand bonheur des passants égarés. L’art contemporain fait désormais partie intégrante du paysage urbain. Pour preuve, passage par le Schlachtofviertel et son étonnante Tumblingerstrasse, pour découvrir en un seul et même lieu les facettes d’une Munich alternative, ponctuée de musées, de galeries d’art et d’adresses branchées. Autres visites à ne pas manquer : l’incontournable Neue Pinakothek et le petit nouveau dont tout le monde parle, l’original MUCA. Parmi les expositions éphémères de ce musée dédié au street art, les pointures JR, Banksy, Invader et Shepard Fairey.
ROOMERS MUNICH
Landsberger Strasse 68 – 80339 Munich – Allemagne – T. +49 (0)89 452 20 20 www.roomers-munich.com
NEUE PINAKOTHEK www.pinakothek.de MUCA www.muca.eu
The place TO BE Pour goûter à la tendance schickimicki, rien de tel que de se rencarder là où se retrouve la gent huppée. Dans le désordre, nos coups de cœur culinaires vont au Burger & Lobster Bank (mais, attention, qui dit adresse prisée dit difficulté pour réserver !), au Cochinchina et sa cuisine vietnamienne de haute volée pour une touche d’exotisme, ou encore au chicissime et excellentissime Izakaya Asian Kitchen & Bar de l’hôtel Roomers… Autres spots et QG des Munichois pour un drink entre amis : le Hutong Club et ses cocktails signatures, le somptueux Trisoux et le Lucky Who, dont la devise n’est autre que « eat, drink and dance ». Et si, par chance, vous avez encore un peu de place dans votre schickimicki marathon, direction le Hungriges Herz ou l’Occam Deli, pour goûter aux plaisirs d’un brunch à Munich le dimanche.
Burger & Lobster Bank
Izakaya
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