est mécanique! Moi, je fonctionne comme ça pour les voitures, je regarde rarement le moteur quand j’en achète une, je fais confiance au constructeur.
RENCONTRE HORLOGERIE Jean-Claude Biver
L’identité de Hublot se construit dans l’association de matériaux inédits. Allezvous poursuivre dans cette voie même si de très nombreux fabricants jouent désormais aussi cette carte de la fusion? Ce n’est pas parce que beaucoup de musiciens se sont mis à la guitare électrique que Carlos Santana a arrêté de jouer: il reste un musicien exceptionnel qui fait découvrir de nouveaux sons avec son instrument. Nous n’allons pas changer d’identité parce que les autres nous suivent. Au contraire, car s’ils nous suivent, cela signifie que nous sommes leader et c’est une satisfaction!
teurs du marché observent un tassement de la demande, en particulier sur les marchés qui dépendent du prix des matières premières comme la Russie, l’Ukraine ou le Moyen-Orient. Mais il faut relativiser: nous avons connu deux années record, et peut-être que nous reviendrons aux résultats de 2007 cette année. A l’époque, on sabrait le champagne avec de tels chiffres! Quel sera le rythme de production de Hublot avec la nouvelle manufacture? Nous allons à terme verticaliser 60 à 70% de la production, c’est-àdire que sur 30’000 montres produites, 20’000 seront faites chez nous, le reste des mouvements proviendra toujours des fournisseurs actuels. Pour donner une idée, en 2007, nous avions fabriqué 24’000 montres. Nous rêvons d’arriver, à moyen terme, à 35’000 mouvements par an, mais je ne pense pas qu’il faudrait aller au-delà de 40’000, même si la manufacture le permettrait techniquement! Il faut maintenir une certaine rareté dans notre gamme de prix… Ces prix vont-ils d’ailleurs augmenter? Nos modèles vont de 5’000 francs à 1 million, voire plus. Le segment 15’000-20’000 francs représente l’essentiel de nos ventes et nous voulons renforcer la gamme supérieure: les modèles qui vont de 25’000 à 50’000 francs. Cette montée en gamme se fera cependant sans perdre la base, c’est-à-dire que l’on trouvera toujours une Hublot à 5’000 francs. Souhaitez-vous développer les modèles féminins? Actuellement, ils représentent 35% des ventes, mais j’aimerais que cette proportion augmente car les femmes achètent plus souvent que les hommes! Mais elles apprécient moins les montres mécaniques… C’est ce que l’on dit, mais tout évolue: il y a quelques années, les femmes ne pilotaient pas d’Airbus et ne conduisaient pas de trolleybus... Quand une montre est belle, une femme l’achète, même si elle
22 TRAJECTOIRE Printemps 09
Photo Jean-Claude Biver dans sa maison de la Tour-de-Peilz.
Jean-Claude Biver Né en 1949 au Luxembourg, Jean-Claude Biver arrive en Suisse à l’âge de 10 ans avec sa famille. Diplômé de l’Université de Lausanne, il commence son parcours chez Audemars-Piguet en 1975, puis chez Omega, à Bienne, jusqu’en 1981. Il rachète ensuite, avec Jacques Piguet, la marque Blancpain alors endormie. Il table sur la haute horlogerie mécanique alors que toute l’industrie ne parle plus que du quartz. Pari gagnant, et la marque sera vendue en 1992 au groupe Swatch. Jean-Claude Biver reste à la tête de Blancpain jusqu’à fin 2003, puis rejoint Hublot en 2004. Il prend 20% du capital, qui reste en majorité dans les mains de son fondateur Carlo Crocco. Il tentera à plusieurs reprises de racheter les parts du fondateur mais sans succès, l’entreprise ayant rapidement pris une valeur énorme. L’ensemble de l’entreprise est vendu à LVMH en 2008 pour un montant estimé à 500 millions de francs.
Du skieur Bode Miller à la chanteuse Alicia Keys, de nombreuses personnalités sont «membres de la famille Hublot», comme vous dites. Est-ce que cela signifie que vous leur offrez des montres? Nous ne donnons jamais de montres car personne ne respecte ce qui est offert. Certaines personnalités nous choisissent, et nous en sommes ravis. Alicia Keys et Lionel Richie ont récemment acheté des montres Hublot dans notre boutique à Monaco. Cristiano Ronaldo en a acheté une aussi. Mais nous ne capitalisons pas publicitairement là-dessus. Vous aviez pourtant lancé le concept, chez Omega, d’associer des marques à des célébrités… Oui, c’était nouveau à l’époque, mais aujourd’hui tout le monde le fait, donc cela a quelque peu perdu de son impact. Si vous voyez George Clooney porter une Omega, vous vous dites que c’est finalement normal puisqu’il travaille pour eux! Par contre, si une célébrité porte spontanément une Hublot, sans être payée pour le faire, c’est beaucoup plus crédible. Par ailleurs, dans notre gamme de prix, nous nous adressons selon moi uniquement à des célébrités: le grand chirurgien, avocat ou architecte, ce sont des célébrités à leur échelle. Cette catégorie de population ne se laisse pas facilement influencer par des «people». Nous préférons nous associer à des projets technologiques ou des exploits qui véhiculent des émotions, comme FusionMan (qui a traversé la Manche avec une aile à réaction, ndlr) ou le team Luna Rossa de l’America’s Cup. Vos investissements en marketing ont-ils augmenté? Ils représentent environ 20% du chiffre d’affaires. Quand les revenus étaient plus faibles, cette proportion était plus importante. Notre notoriété vient aussi des articles écrits sur nous dans les journaux, du bouche-à-oreille, du buzz sur internet, qui fonctionnent beaucoup mieux que la publicité selon moi.