DESIGN
INTÉRIEUR Par William TÜRLER Photos Thierry PAREL
Duretés diaphanes Entre ses sculptures à base d’albâtre et les murs de roche apparente de sa splendide maison genevoise, l’artiste brésilienne Maria-Carmen Perlingeiro vit entourée de pierre.
O
n y pénètre comme dans une grotte, le long d’un couloir qui se rétrécit jusqu’à se confondre avec la porte d’entrée. La maison de Maria-Carmen Perlingeiro, en région genevoise, ne ressemble à aucune autre dans le voisinage. Son concepteur, l’architecte brutaliste Leonardo Ricci, ancien directeur de l’Ecole d’architecture de Florence, a préféré les pentes douces de rampes transversales aux traditionnels escaliers intérieurs. Seules quelques marches menant à la piscine subsistent à l’extérieur, donnant à l’ensemble une ambiance très «Jacques Tati», selon les mots de l’occupante des lieux.
Dans chaque recoin de cette étonnante propriété de 1’000 m2, bâtie dans la seconde moitié des années 1950, transparaît la personnalité ouverte et généreuse de Maria-Carmen Perlingeiro. Les sculptures en albâtre de l’artiste se mêlent aux plantes d’intérieur et côtoient les œuvres d’artistes divers, notamment celles de son ami Tunga. A cela s’ajoute un mobilier rétro provenant quasi exclusivement de marchés aux puces genevois des années 1980. Née à Rio, Maria-Carmen Perlingeiro décide de se consacrer dès son arrivée en Suisse, il y a vingt-trois ans, au travail exclusif de l’albâtre, une pierre qui la fascine pour ses imperfections, de même que pour sa capacité si particulière à filtrer la lumière. Elle fait venir cette roche par tonnes entières de Volterra, en Toscane. Selon les séries, divers objets de la vie quotidienne se détachent de ses sculptures, des ciseaux aux cols de chemise. Beaucoup sont simplement traversées d’un trou doré, à l’image d’une peau percée. Ses œuvres investissent l’habitat et s’y intègrent parfaitement, un peu comme si l’atelier de travail situé à l’étage inférieur se prolongeait dans toutes les pièces. Ces objets entrent en quelque sorte en compétition avec la maison elle-même. La pierre y est omniprésente, dehors comme dedans, notamment au travers des murs constitués d’une remarquable composition de formes et de couleurs rouillées. «C’est un langage architectural que nous connaissons bien au Brésil, relève l’artiste. Et dire qu’à l’époque où nous avons trouvé la maison, avec mon mari Pavel Urban, elle était sur le point d’être détruite. Les anciens propriétaires la trouvaient trop froide et moderne…» ——
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L’artiste brésilienne dans son lumineux atelier de travail.
Les rampes à l’entrée de la maison. Vers le bas, elles mènent au jardin et à l’atelier. En empruntant celles du haut, on accède au rez-de-chaussée.
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La même rampe un étage plus haut; en haut à droite s’alignent des trophées de chasse de Pavel Urban, mari de Maria-Carmen. A gauche, les peintures sont l’œuvre de Carlos Vergara et d’Elizabeth Jobim.
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