Trajectoire

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Le magazine de la capitale du luxe — Genève

Numéro 86 Printemps 2009 CHF 8.- / € 6.-

JEAN-JACQUES GAUER

LE SEIGNEUR DU LAUSANNE PALACE HUBLOT

JEAN-CLAUDE BIVER MAINTIENT LE CAP CLASSE E

MERCEDES-BENZ RÉINVENTE SA BERLINE ART BASEL

40 ANS DE GRAND ART ÉVASION

&

AU SOLEIL POUR OUBLIER LA CRISE AFTER THE RAIN AUDEMARS PIGUET BEAU-RIVAGE BULGARI CLARINS FAUCHON FRANCK MULLER GIRARD-PERREGAUX GRAFF TIME HACKETT IWC J A E G E R - L E C O U LT R E L.RAPHAEL RALPH LAUREN RICHEMOND VA C H E R O N C O N S TA N T I N V O LV O WOOL & THE GANG

EMMANUELLE SEIGNER

«J’AIME FAIRE RÊVER LES AUTRES»


EN VUE

L’INVITÉ

Par Bertrand BEAUTÉ Photos Nicolas RIGHETTI/REZO

«Nous allons adapter certains prix à la baisse» Directeur général du Lausanne Palace et président des Leading Hotels of the World, JeanJacques Gauer reste optimiste malgré les difficultés du secteur.

Avec le Jet d’eau de Genève, la cathédrale de Lausanne et le château de Chillon, il s’agit de l’une des constructions les plus photographiées de l’Arc lémanique. En faire un hôtel-restaurant idéalement positionné sur les bords du lac représentait pour nous un grand défi. Aujourd’hui, nous sommes très satisfaits de cet investissement (environ 20 millions de francs déboursés par la Loterie Romande, propriétaire de l’établissement, ndlr), d’autant que les premiers chiffres nous ont souri. Nous avions prévu trois scenarii budgétaires: un bas, un moyen et un supérieur. Pour l’instant, nous sommes clairement dans le haut de la fourchette envisagée, même s’il faut se méfier de l’effet de nouveauté. N’est-il pas risqué d’ouvrir cet hôtel en pleine crise économique? En période de ralentissement de la demande, le Château d’Ouchy, avec ses quatre étoiles, apparaît peut-être mieux positionné que les hôtels cinq étoiles. Et puis, tout le monde m’avait dit: «Fais attention, personne ne viendra à Ouchy en hiver!» Finalement, et malgré la crise, décembre et janvier sont les meilleurs mois que nous ayons réalisés depuis l’ouverture!

J

ean-Jacques Gauer traverse le hall en souriant, salue un ou deux clients, rectifie l’agencement d’un bouquet, surveille la qualité de l’accueil. Le Lausanne Palace, c’est un peu chez lui. Il a su en quelques années relancer l’établissement lémanique, aujourd’hui l’un des plus prestigieux du pays. Depuis treize ans qu’il dirige cet hôtel, Jean-Jacques Gauer l’a façonné à son image. Ses deux enfants ne sont pas là, mais sa femme dirige le spa de l’établissement. Il connaît le nom de la plupart de ses clients et aime ce bâtiment Belle Epoque, devenu au fil des ans, «sa maison». Depuis août 2008, Jean-Jacques Gauer l’a même enrichi d’une résidence secondaire: l’hôtel du Château d’Ouchy – propriété de la Loterie Romande – dont la gérance a été confiée au Lausanne Palace. Fraîchement rénové, le Château d’Ouchy a officiellement ouvert ses portes début août. Pouvez-vous tirer un premier bilan? Ce château demeure un bâtiment mythique.

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Vous souhaitiez racheter l’activité de location de pédalos située à proximité. Qu’en est-il? Devant le château, sur la rade, s’étendent des loueurs de bateaux. Leurs pédalos en plastique ne sont pas très esthétiques. J’avais donc imaginé reprendre la location pour en faire une terrasse qui aurait un peu de classe et de style, avec des chaises longues évoquant une certaine nostalgie. Malheureusement, les propriétaires exigent un montant sans rapport avec l’espace en question. Nous avons donc abandonné pour l’instant cette opportunité. En revanche, nous avons racheté, avec la société horlogère Blancpain (lire aussi en p. 66 l’interview d’Alain Delamuraz) un navire datant de 1934, baptisé l’Etoile du Léman. Ce bateau de plaisance nous permettra, dès l’été prochain, d’offrir à nos clients des croisières de prestige sur le lac. Ces dernières années, l’hôtellerie romande a multiplié les investissements. Etaient-ils vraiment indispensables? Durant les années 1980-1990, l’hôtellerie suisse restait à la traîne des standards internationaux. Un effort financier était donc absolument incontournable pour la remettre à niveau. Avec les bénéfices engrangés ces dernières années, les propriétaires ont consenti à de très gros investissements. Nous en sommes un exemple: nous avons dépensé plus de 60 millions de francs, ces quinze dernières années, pour rénover et aménager le Lausanne Palace. Une salle de conférence de dernière génération a ainsi vu le jour en 2004, ainsi que le «Red Club», notre nightclub privé. Mais un hôtel de cet âge est, si j’ose dire,


Jean-Jacques Gauer «En janvier, le taux d’occupation des Leading Hotels a diminué de 24% par rapport à 2008. Mais il ne faut pas dramatiser! Ce n’est pas la première crise que je vis, ni la dernière.»

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RENCONTRE

HORLOGERIE Par Gabriel SIGRIST Photos Fred MERZ/REZO

«Je regarde rarement le moteur quand j’achète» Jean-Claude Biver a transformé Hublot en une marque d’envergure internationale. Le légendaire patron tient bon la barre: la vente de l’entreprise au groupe LVMH l’été dernier ne lui fait pas changer de cap. Une manufacture de 5’000 m2 sera inaugurée en juin.

C’

est un grand cube noir que l’on aperçoit depuis l’autoroute derrière Nyon. Le grand H stylisé, logo de la marque, orne déjà la façade de la future manufacture Hublot qui sera opérationnelle en juin. Jean-Claude Biver gare sa Mercedes Classe CL devant le chantier. La morosité économique n’entame pas son énergie et son enthousiasme légendaire: «Ce n’est pas parce qu’il y a une crise que nous allons abandonner la construction de notre avenir!» La surface de 5’000 m2, sur 6 niveaux, abritera bientôt les ateliers avec, au sommet, la direction et l’administration. En quelques années, depuis son arrivée en 2004 à la tête de Hublot, Jean-Claude Biver a réussi à ressusciter la marque, puis à multiplier son chiffre d’affaires par six en trois ans et à l’imposer mondialement comme un concurrent des plus grands acteurs du secteur. L’an dernier, Hublot a été racheté par le géant du luxe français LVMH (Tag Heuer, Zenith, Dior, Chaumet, etc.), pour un montant estimé à près de 500 millions de francs. Une étape de plus, qu’il n’imaginait pas au départ, dans son parcours exceptionnel de serial-entrepreneur horloger. A 60 ans, Jean-Claude Biver aura réalisé la performance de relancer et de vendre deux marques horlogères à des grands groupes (lire l’encadré). Après la visite du chantier, il a répondu aux questions de Trajectoire. En quoi la crise change-t-elle la stratégie de Hublot? Dans ces périodes incertaines, nous devons bien sûr procéder à des ajustements ici ou là sur le court terme, mais il faut faire attention à ne pas déstabiliser le navire. Tout le monde ressent la baisse du vent, alors je fais comme les bons navigateurs: j’évite de bouger et j’optimise la répartition des charges. Avec la nouvelle manufacture, pour laquelle nous avons investi 21 millions de francs, nous envisagions d’engager 30 personnes, et atteindre un effectif de 150 employés à la fin de cette année. Le rythme des recrutements sera probablement un peu ralenti, peut-être qu’il n’y en aura qu’une quinzaine cette année, mais cela ne remet pas en cause la stratégie à long terme. Tous les ac-

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Photo Jean-Claude Biver sur le chantier de la nouvelle manufacture Hublot à Nyon: «La crise ne remet pas en cause notre stratégie à long terme.»

Hublot en quelques dates 1980 Carlo Crocco fonde l’entreprise et crée la montre Hublot en or. Elle est habillée d’un bracelet en caoutchouc, une première dans l’industrie. Hublot en fera une marque de fabrique. 2004 Carlo Crocco cherche un successeur et approche Jean-Claude Biver, qui devient CEO. 2005 Jean-Claude Biver présente une nouvelle collection avec le chronographe «Big Bang», applaudie dans le monde entier et qui remporte une cascade de prix, dont le «Grand Prix d’horlogerie de la Ville de Genève». 2006 Hublot lance HublotTV, une chaîne de télévision sur internet. 2007 Sortie d’une nouvelle Big Bang Plongeur avec un boîtier surdimensionné de 48 mm. 2007 Première Big Bang entièrement fabriquée inhouse. 2008 Rachat de la marque par le groupe LVMH. 2009 Construction et inauguration d’une nouvelle manufacture à Nyon.



est mécanique! Moi, je fonctionne comme ça pour les voitures, je regarde rarement le moteur quand j’en achète une, je fais confiance au constructeur.

RENCONTRE HORLOGERIE Jean-Claude Biver

L’identité de Hublot se construit dans l’association de matériaux inédits. Allezvous poursuivre dans cette voie même si de très nombreux fabricants jouent désormais aussi cette carte de la fusion? Ce n’est pas parce que beaucoup de musiciens se sont mis à la guitare électrique que Carlos Santana a arrêté de jouer: il reste un musicien exceptionnel qui fait découvrir de nouveaux sons avec son instrument. Nous n’allons pas changer d’identité parce que les autres nous suivent. Au contraire, car s’ils nous suivent, cela signifie que nous sommes leader et c’est une satisfaction!

teurs du marché observent un tassement de la demande, en particulier sur les marchés qui dépendent du prix des matières premières comme la Russie, l’Ukraine ou le Moyen-Orient. Mais il faut relativiser: nous avons connu deux années record, et peut-être que nous reviendrons aux résultats de 2007 cette année. A l’époque, on sabrait le champagne avec de tels chiffres! Quel sera le rythme de production de Hublot avec la nouvelle manufacture? Nous allons à terme verticaliser 60 à 70% de la production, c’est-àdire que sur 30’000 montres produites, 20’000 seront faites chez nous, le reste des mouvements proviendra toujours des fournisseurs actuels. Pour donner une idée, en 2007, nous avions fabriqué 24’000 montres. Nous rêvons d’arriver, à moyen terme, à 35’000 mouvements par an, mais je ne pense pas qu’il faudrait aller au-delà de 40’000, même si la manufacture le permettrait techniquement! Il faut maintenir une certaine rareté dans notre gamme de prix… Ces prix vont-ils d’ailleurs augmenter? Nos modèles vont de 5’000 francs à 1 million, voire plus. Le segment 15’000-20’000 francs représente l’essentiel de nos ventes et nous voulons renforcer la gamme supérieure: les modèles qui vont de 25’000 à 50’000 francs. Cette montée en gamme se fera cependant sans perdre la base, c’est-à-dire que l’on trouvera toujours une Hublot à 5’000 francs. Souhaitez-vous développer les modèles féminins? Actuellement, ils représentent 35% des ventes, mais j’aimerais que cette proportion augmente car les femmes achètent plus souvent que les hommes! Mais elles apprécient moins les montres mécaniques… C’est ce que l’on dit, mais tout évolue: il y a quelques années, les femmes ne pilotaient pas d’Airbus et ne conduisaient pas de trolleybus... Quand une montre est belle, une femme l’achète, même si elle

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Photo Jean-Claude Biver dans sa maison de la Tour-de-Peilz.

Jean-Claude Biver Né en 1949 au Luxembourg, Jean-Claude Biver arrive en Suisse à l’âge de 10 ans avec sa famille. Diplômé de l’Université de Lausanne, il commence son parcours chez Audemars-Piguet en 1975, puis chez Omega, à Bienne, jusqu’en 1981. Il rachète ensuite, avec Jacques Piguet, la marque Blancpain alors endormie. Il table sur la haute horlogerie mécanique alors que toute l’industrie ne parle plus que du quartz. Pari gagnant, et la marque sera vendue en 1992 au groupe Swatch. Jean-Claude Biver reste à la tête de Blancpain jusqu’à fin 2003, puis rejoint Hublot en 2004. Il prend 20% du capital, qui reste en majorité dans les mains de son fondateur Carlo Crocco. Il tentera à plusieurs reprises de racheter les parts du fondateur mais sans succès, l’entreprise ayant rapidement pris une valeur énorme. L’ensemble de l’entreprise est vendu à LVMH en 2008 pour un montant estimé à 500 millions de francs.

Du skieur Bode Miller à la chanteuse Alicia Keys, de nombreuses personnalités sont «membres de la famille Hublot», comme vous dites. Est-ce que cela signifie que vous leur offrez des montres? Nous ne donnons jamais de montres car personne ne respecte ce qui est offert. Certaines personnalités nous choisissent, et nous en sommes ravis. Alicia Keys et Lionel Richie ont récemment acheté des montres Hublot dans notre boutique à Monaco. Cristiano Ronaldo en a acheté une aussi. Mais nous ne capitalisons pas publicitairement là-dessus. Vous aviez pourtant lancé le concept, chez Omega, d’associer des marques à des célébrités… Oui, c’était nouveau à l’époque, mais aujourd’hui tout le monde le fait, donc cela a quelque peu perdu de son impact. Si vous voyez George Clooney porter une Omega, vous vous dites que c’est finalement normal puisqu’il travaille pour eux! Par contre, si une célébrité porte spontanément une Hublot, sans être payée pour le faire, c’est beaucoup plus crédible. Par ailleurs, dans notre gamme de prix, nous nous adressons selon moi uniquement à des célébrités: le grand chirurgien, avocat ou architecte, ce sont des célébrités à leur échelle. Cette catégorie de population ne se laisse pas facilement influencer par des «people». Nous préférons nous associer à des projets technologiques ou des exploits qui véhiculent des émotions, comme FusionMan (qui a traversé la Manche avec une aile à réaction, ndlr) ou le team Luna Rossa de l’America’s Cup. Vos investissements en marketing ont-ils augmenté? Ils représentent environ 20% du chiffre d’affaires. Quand les revenus étaient plus faibles, cette proportion était plus importante. Notre notoriété vient aussi des articles écrits sur nous dans les journaux, du bouche-à-oreille, du buzz sur internet, qui fonctionnent beaucoup mieux que la publicité selon moi.


Hublot a inauguré en décembre dernier un nouveau point de vente à Genève. Allez-vous développer ce réseau de boutiques en nom propre? Ces flagship stores sont gérés par nos détaillants et leur appartiennent. Nous n’avons aucune expertise dans la vente de détail et nous confions cette mission aux professionnels. Ces boutiques sont importantes car elles servent de vitrine à la marque, et permettent aux clients de se faire une idée de l’univers de Hublot à travers toute la gamme. Nous avons actuellement 12 boutiques, et nous visons la trentaine d’ici à deux ans. Pouvez-vous bénéficier de synergies avec les autres marques du groupe LVMH? Absolument, c’est l’avantage d’appartenir à une grande famille: on a beaucoup de cousins! Nous pouvons désormais envisager l’ouverture de points de vente à New York, Tokyo ou Shanghai, alors que tout seul cela aurait été difficile.

Mais vous n’aviez pas relancé la marque dans le but de la vendre… En effet, je voulais plutôt l’acheter, mais je n’ai pas réussi. Chez LVMH, nous jouissons d’une grande liberté d’action: je peux développer mon esprit d’entrepreneur au sein du groupe. C’est d’ailleurs leur politique d’une manière générale. N’est-ce pas un regret de ne pas achever votre carrière à la tête de votre propre navire? Je n’ai pas besoin d’avoir ce que j’ai déjà eu. Il y a un âge pour tout… On entend ici ou là que vous pourriez aussi donner des conseils à d’autres marques horlogères du groupe LVMH… Sans doute faites-vous allusion à cette rumeur à propos de Zenith! Vous savez, je n’ai aucune envie de prendre un rôle de consultant. Je n’ai pas l’âme d’un professeur ou d’un conseiller, je suis un créateur. Mais il est évident que si on me demande un avis ou des conseils, je serais heureux de les donner. Mais je ne souhaite pas prendre de responsabilités opérationnelles autres que Hublot. Quelles sont les marques que vous aimez? J’aime bien Greubel & Forsey, Richard Mille. J’admire Patek aussi, comme tout le monde. Il ne faut pas que j’en cite plus sinon ceux que j’oublie vont me le reprocher!

Big Bang rose Boîte en or rouge, lunette en or rouge sertie de 48 baguettes rose saphirs, cadran blanc, bracelet caoutchouc-alligator rose, mouvement HUB 4300 self-winding mouvement chronographe. 32’900 francs

L’appartenance à un grand groupe change-t-elle autre chose? Au préalable, j’étais actionnaire minoritaire et je devais me soumettre à l’actionnaire majoritaire, donc pour moi cela ne change rien sauf que je réfère à quelqu’un d’autre. L’intégration dans un groupe assure une pérennité à la marque, et la protège aussi éventuellement des décisions de son propre management!

Classic Fusion Or-céramique, boîte en or rouge, lunette en céramique noire, cadran carbone, bracelet caoutchouc noir, mouvement automatique. 17’900 francs King Power Boîte en céramique noire, lunette en céramique noire et caoutchouc noir, cadran noir, bracelet caoutchouc noir, mouvement HUB 4144 self-winding SplitSecond foudroyante, Edition limitée 500. 24’900 francs

Regrettez-vous la consolidation du marché horloger autour des grands groupes? Cela ne me paraît pas mauvais que des marques qui font 250 millions de francs de chiffre d’affaires soient mises sous toit. Mais c’est par ailleurs excellent qu’il y ait beaucoup de petits horlogers indépendants qui réalisent entre 10 et 100 millions de chiffre d’affaires. Et il y en a beaucoup en Suisse, plusieurs centaines! Qu’appréciez-vous le plus en Suisse et où avez-vous préféré vivre? J’aime la terre nourricière de ce pays, et sa beauté. Il suffit d’aller à Zermatt pour voir le plus beau design terrestre! J’apprécie aussi que le système suisse facilite le travail: il y a très peu d’administration et de lourdeurs. En France ou en Allemagne, on dirait qu’ils font exprès d’empêcher les gens de créer des entreprises. Il y a beaucoup d’entrepreneurs ici, et c’est pour cela que le pays se porte si bien. J’ai habité à Pully, à Cortaillod, à Villette, au Brassus et à la Tour-de-Peilz. J’ai adoré le Brassus, c’est là que j’ai le plus de souvenirs, avec La Tourde-Peilz où j’ai la chance d’habiter aujourd’hui. ——

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GUIDE

BEAUTÉ Par Geneviève RUIZ

Beauté: les meilleures adresses lémaniques Notre sélection commentée des «beauty bars» de la région, afin de démarrer le printemps dans une forme resplendissante. Médecine esthétique

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l’institut Forever, dont le propriétaire est le fameux dermatologue Luigi Polla, la beauté est appréhendée de façon médicale. Si l’on ne pratique pas la chirurgie esthétique dans cet établissement haut de gamme, on fait appel à des méthodes plus sophistiquées que dans des salons traditionnels. Une douzaine de types de lasers différents permettent notamment de traiter la couperose, les taches brunes ou l’acné; des peelings améliorent la qualité de la peau et des injections de Botox luttent contre les rides. Ces soins effectués sous supervision médicale séduisent également la clientèle masculine. FOREVEVER INSTITUT Rue du Rhône 56 1204 Genève T. +41 22 319 09 60 www.forever-beauty.com

Sagesse ayurvédique

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riginaire d’Inde, l’ayurveda est considéré tout à la fois comme l’une des plus anciennes philosophies, médecines et sciences du monde. Au somptueux Spa du Lausanne Palace, on recourt aux préceptes de cette sagesse millénaire pour embellir et relaxer. Les soins sont tous précédés d’un test sensoriel, qui permet de définir quelles huiles essentielles vont rééquilibrer la peau, le corps et l’esprit du client. Quant aux massages, ils procèdent à des mouvements de stimulation spécifiques visant à rétablir les sept chakras, les centres d’énergie spirituelle. LAUSANNE PALACE & SPA Grand-Chêne 7-9 1002 Lausanne T. +41 21 331 31 31 www.lausanne-palace.com

Rituels exotiques

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e Spa des Cinq Mondes du Beau-Rivage Palace est un endroit de sérénité absolue. Sur fond de musique relaxante et de senteurs subtilement aromatiques, ses esthéticiennes proposent de délicieux rituels de soins, inspirés de différentes régions du monde. Parmi ceux-ci, on relèvera le rituel du Siam, qui comprend un bain japonais d’arômes et de fleurs, ou encore le gommage à la purée de papaye, suivi d’un massage balinais. A moins que l’on ne préfère le rituel du Maghreb, qui commence par un gommage au savon noir, suivi d’un enveloppement à la crème de Rassoul, puis d’un massage oriental. Sur réservation, des programmes de bien-être peuvent être organisés sur plusieurs jours. BEAU-RIVAGE PALACE Place du Port 17-19 1006 Lausanne T. +41 21 613 33 33 www.brp.ch

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L’amour des plantes

Massages et acupuncture

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orsque Jacques Courtin-Clarins ouvre le premier institut Clarins à Paris en 1954, il a compris avant tout le monde l’efficacité d’une méthode de soins basée sur les plantes et les huiles essentielles, appliquées à la peau avec des techniques manuelles spécifiques. Cinquante ans plus tard, les clients de ces salons rouge et blanc continuent de profiter de cette combinaison unique de produits d’aromathérapie et de phytothérapie appliqués en massages. Les instituts Clarins sont présents à cinq endroits à Genève, dont deux avec Spa. INSTITUTS DE BEAUTÉ CLARINS & SPA

INSTITUTS DE BEAUTÉ CLARINS

A l’hôtel Intercontinental Chemin du Petit-Saconnex 7-9 1209 Genève T. +41 22 740 46 27

Rue du Rhône 50 1204 Genève T. +41 22 311 05 30

Centre commercial Manor Chemin Neuf 4 1222 Vésenaz T. +41 22 752 05 50

Rue de la Terrassière 23 1207 Genève T. +41 22 735 80 74 Centre commercial de La Praille Route des Jeunes 10 1227 Carouge T. +41 22 301 38 67 www.clarins.ch

E

légantes orchidées, lumière tamisée et mobilier minimaliste, l’équipe de thérapeutes et d’esthéticiennes de l’espace Spa du Président Wilson veille à embellir ses clients à l’intérieur comme à l’extérieur. Spécialité de la maison, les traitements anti-cellulite à l’aide de massages spécifiques et de drainages lymphatiques. Les soins du corps et du visage, dont certains sont conçus pour les hommes, utilisent les cosmétiques de la marque australienne Sudashi, entièrement à base d’huiles essentielles naturelles. Un soin spécial d’acupuncture du visage permet également de fortifier et de rajeunir les muscles du visage.

SPA DU PRÉSIDENT WILSON Quai Wilson 47 1201 Genève T. +41 22 906 66 66 www.hotelpwilson.com

Griffe internationale

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ous pouvons faire des miracles, à condition que nos clients nous réservent une à deux heures de leur temps.» C’est ce que l’on peut lire sur le site de L. Raphael, l’incontournable espace de beauté genevois. Cette griffe internationale de l’esthétique a développé depuis vingt ans toute une gamme de produits sophistiqués en collaborant étroitement avec des médecins. Au programme: traitements revitalisants pour le corps et les cheveux, thérapies antiâge, épilation laser ou encore maquillage haute définition. Rénové en automne dernier, ce salon situé à la rue du Rhône évoque l’ambiance feutrée d’une boutique de luxe. INSTITUT L. RAPHAEL Rue du Rhône 15 1204 Genève T. +41 22 319 28 28 www.l-raphael.com

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DESIGN

INTÉRIEUR Par William TÜRLER Photos Thierry PAREL

Duretés diaphanes Entre ses sculptures à base d’albâtre et les murs de roche apparente de sa splendide maison genevoise, l’artiste brésilienne Maria-Carmen Perlingeiro vit entourée de pierre.

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n y pénètre comme dans une grotte, le long d’un couloir qui se rétrécit jusqu’à se confondre avec la porte d’entrée. La maison de Maria-Carmen Perlingeiro, en région genevoise, ne ressemble à aucune autre dans le voisinage. Son concepteur, l’architecte brutaliste Leonardo Ricci, ancien directeur de l’Ecole d’architecture de Florence, a préféré les pentes douces de rampes transversales aux traditionnels escaliers intérieurs. Seules quelques marches menant à la piscine subsistent à l’extérieur, donnant à l’ensemble une ambiance très «Jacques Tati», selon les mots de l’occupante des lieux.

Dans chaque recoin de cette étonnante propriété de 1’000 m2, bâtie dans la seconde moitié des années 1950, transparaît la personnalité ouverte et généreuse de Maria-Carmen Perlingeiro. Les sculptures en albâtre de l’artiste se mêlent aux plantes d’intérieur et côtoient les œuvres d’artistes divers, notamment celles de son ami Tunga. A cela s’ajoute un mobilier rétro provenant quasi exclusivement de marchés aux puces genevois des années 1980. Née à Rio, Maria-Carmen Perlingeiro décide de se consacrer dès son arrivée en Suisse, il y a vingt-trois ans, au travail exclusif de l’albâtre, une pierre qui la fascine pour ses imperfections, de même que pour sa capacité si particulière à filtrer la lumière. Elle fait venir cette roche par tonnes entières de Volterra, en Toscane. Selon les séries, divers objets de la vie quotidienne se détachent de ses sculptures, des ciseaux aux cols de chemise. Beaucoup sont simplement traversées d’un trou doré, à l’image d’une peau percée. Ses œuvres investissent l’habitat et s’y intègrent parfaitement, un peu comme si l’atelier de travail situé à l’étage inférieur se prolongeait dans toutes les pièces. Ces objets entrent en quelque sorte en compétition avec la maison elle-même. La pierre y est omniprésente, dehors comme dedans, notamment au travers des murs constitués d’une remarquable composition de formes et de couleurs rouillées. «C’est un langage architectural que nous connaissons bien au Brésil, relève l’artiste. Et dire qu’à l’époque où nous avons trouvé la maison, avec mon mari Pavel Urban, elle était sur le point d’être détruite. Les anciens propriétaires la trouvaient trop froide et moderne…» ——

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L’artiste brésilienne dans son lumineux atelier de travail.

Les rampes à l’entrée de la maison. Vers le bas, elles mènent au jardin et à l’atelier. En empruntant celles du haut, on accède au rez-de-chaussée.

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La même rampe un étage plus haut; en haut à droite s’alignent des trophées de chasse de Pavel Urban, mari de Maria-Carmen. A gauche, les peintures sont l’œuvre de Carlos Vergara et d’Elizabeth Jobim.

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Le salon, au rez-dechaussée, avec des meubles vintage. Contre la fenêtre, on distingue les «Ardoises» de Maria-Carmen Perlingeiro.

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Intitulée «Calistemon», cette œuvre a été réalisée en 1980 par l’artiste brésilienne.

En haut, l’œuvre en cuivre est signée Tunga. Sur l’étagère, on distingue diverses créations de M.-C. Perlingeiro: «Montagne percée» en albâtre et or, «Lips» en marbre, ainsi que des ardoises en plexi et en fil doré. La sculpture en marbre noir est de Sergio Camargo. A côté, celle en fer «Amilcar» est l’œuvre de l’artiste brésilien Castro.

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La maison en hiver.

Mèche de cheveux et peigne de Tunga. La chaise est une M. Breuer.

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«Piercings» en albâtre et or, un classique de Maria-Carmen Perlingeiro. Détail sur les «Ciseaux».

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PLAISIRS

CIGARE Par Véronique ZBINDEN Photo Fred MERZ/REZO

Alain Delamuraz: «Partagas m’a scotché» Formé dans l’hôtellerie de luxe, il est devenu l’une des éminences de Blancpain, fou de bonne chère et de complications, ami de quelques stars et à jamais fils de... Il vit, surtout, une histoire d’amour avec la moiteur torride et les parfums de La Havane.

B

uena Vista? Non, Lausanne Habana Club. C’est le nom du petit groupe de passionnés qui se retrouvent régulièrement au Lausanne Palace, entre deux volutes bleutées, pour sacrifier à leur passion commune. Alain Delamuraz, vice-président de Blancpain, a allumé la première étincelle, en compagnie de son vieux complice, le directeur de l’établissement Jean-Jacques Gauer (lire en page 12). Un club de cigares, pourquoi donc? Tout est parti d’une envie de convivialité entre amateurs de bonne chère et de bons cigares, en 2006. Nous sommes aujourd’hui une soixantaine de membres et nous nous retrouvons régulièrement au Lausanne Palace

dans la bonne humeur, autour de nos goûts communs. Racontez-nous votre première fois… Tout d’abord, précisons que je n’ai jamais fumé la cigarette et que celle-ci est au cigare ce qu’est la montre à quartz à la haute horlogerie, le coca au bordeaux ou le MacDo au saucisson vaudois. Voire le sexe tarifé à l’Amour! J’ai trouvé dans les grands cigares la même âme et la même authenticité que dans la haute horlogerie. On parle dans les deux cas de manufacture, de rareté, de luxe, d’artisanat, de noblesse… Ma toute première fois remonte à mes années d’études à l’Ecole hôtelière de Lausanne. Nous avions eu la chance d’assister à une présentation de Zino Davidoff. Sa démarche m’a fasciné, j’ai aimé le travail de l’homme, l’idée de déguster des cigares à la manière des vins, l’influence des tabacs, des terroirs et du savoir-faire… Et par la suite? L’une de mes tantes – l’écrivain Noémi Favre – est partie vivre à Cuba en 1970. C’était pour elle une histoire de convictions. Politiquement, c’est vrai, nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde, mais si l’on se met à parler d’architecture, d’art de vivre, que de merveilles à découvrir! Je suis retourné plu-

sieurs fois à Cuba, toujours avec le même éblouissement. Parmi les différentes manufactures que j’ai visitées, celle de Partagas m’a complètement scotché. J’y ai relevé tant de points communs avec l’art horloger. Toutes les étapes de la production d’un cigare, à partir de la sélection des feuilles, sont le fait d’un seul torsador, de même que l’on assemble entièrement un mouvement de la même main. Quels sont vos goûts en matière de cigares? Mes premiers cigares étaient des Partagas et mon module préféré aujourd’hui est le Churchill – Upmann ou Roméo et Juliette. C’est un double clin d’œil à mon histoire, car mon père fut un grand admirateur de Churchill, figure mythique dans la famille, et j’ai travaillé pour ma part plusieurs années au Savoy, à Londres, qui fut le QG de Churchill pendant la guerre. Le cigare se marie-t-il bien avec un alcool ou certaines saveurs? Je l’associe volontiers à un vieux rhum brun. Ou au goût du chocolat noir, les grands crus d’Equateur, par exemple, où j’ai vécu. Qu’évoque pour vous le cigare: est-il lié à certains lieux ou atmosphères? C’est d’abord un art de vivre. Il y a une pa-

COMMUNIQUÉ

AUTOUR DU CIGARE

Winston Churchill – Blenheim En hommage à Sir Winston Churchill, ancien premier ministre britannique, aficionado de cigares corsés, comptant parmi les plus illustres fumeurs de cigares de l’Histoire mondiale. Winston Churchill est né en 1874 dans le cadre historique de Blenheim Palace – cadeau de la Nation reconnaissante à son ancêtre John Churchill, premier duc de Marlborough, pour les éclatantes victoires qu’il remporta sur les ennemis de la Couronne. Jouant ou rêvant dans le labyrinthe baroque des couloirs sans fin de Blenheim, le jeune Winston puisa sans doute l’inspiration qui allait guider ses propres actions sous les portraits et les tapisseries relatant les nombreux faits d’armes de son glorieux ancêtre. Il déclarera plus tard: «J’ai pris deux décisions importantes à Blenheim. D’abord celle de naître, ensuite celle de me marier. Je suis très satisfait des résultats de chacune de ces décisions.»

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«Winston Churchill» Cigars est l’unique marque, autre que Davidoff, produite dans sa manufacture en République dominicaine; elle comprend quatre modules, baptisés d’après des lieux symboliques de la vie de Churchill: «Blenheim» est l’un de ces prestigieux modules. Chaque cigare séduit par le mélange épicé et très aromatique qu’il doit à la sélection des tabacs utilisés. Ces tabacs sont issus de plantations sélectionnées en République dominicaine, au Pérou, au Nicaragua et en Equateur; ils partagent tous des origines cubaines. Nourrie au soleil équatorien, la cape souligne par sa couleur sombre et ses multiples arômes le caractère unique de ce cigare corsé. Davidoff – Rue de Rive 2, Genève – T. 022 310 90 41 – www.winstonchurchillcigars.com


renté évidente entre la gastronomie, le goût des beaux produits et l’excellence horlogère. Blancpain est proche des Relais & Châteaux et des Leading Hotels of the World: chaque année, nous récompensons les meilleurs établissements en leur offrant des montres. Nous sommes partenaires du Bocuse d’Or, concours international prestigieux de cuisine, et comptons de nombreux chefs étoilés Michelin parmi nos fidèles clients, de Ducasse à Philippe Rochat. Je crois que tout cela participe d’une même passion, de l’exercice d’arts cousins, horlogerie et gastronomie. Passion, émotion, authenticité: pas de réussite sans que ces trois critères soient réunis… Cela dit, j’associe bien sûr le cigare à Cuba, cet humidor permanent à ciel ouvert, où l’on fume en mangeant et où l’on mange comme on vit et comme on crée. A défaut de Cuba, j’apprécie une température agréable, des palmiers et tout ce qui correspond au pays

d’origine des cigares: une terrasse ou un bateau. Le cigare est synonyme pour moi de temps libre et d’agrément, idéalement d’extérieur ou de lieux aérés. Nous (Blancpain et le Château d’Ouchy) avons racheté un vieux bateau de sauvetage des années 1930 refait à neuf et créé une table d’hôtes flottante, idéale à cet égard, qui nous attend dans le port d’Ouchy. Dès les beaux jours, je me réjouis d’emporter quelques étuis à bord… Une petite anecdote, pour conclure? Je me souviens d’une période tendue à Berne où tout le Conseil fédéral avait été prié de se déplacer à bord de voitures blindées. Mon père avait raccompagné Elisabeth Kopp dans la sienne et par courtoisie avait éteint son cigare. Après l’avoir ramenée à bon port, il a voulu rallumer son cigare, mais s’est trompé de bouton: au lieu d’appuyer sur l’allume-cigare, il a déclenché l’alarme et rameuté toutes les sirènes et voitures de police à des lieues à la ronde... ——

Alain Delamuraz «J’associe bien sûr le cigare à Cuba, cet humidor permanent à ciel ouvert, où l’on fume en mangeant et où l’on mange comme on vit et comme on crée.»

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