Automne 2012 n° 100 – CHF 10.-
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100% collector, 100% tendance, 100% inspirant, 100% iconique, 100% luxe, 100% ... Trajectoire
N°
100
Retour sur 20 ans de talents...
www.chanel.com
© benny-t.com
E DI TO
çA y EsT ! NOUs y sOMMEs ! 20 ans de rencontres, de partage et de création. 20 ans avec les plus grandes maisons de luxe, les créateurs prometteurs et les artisans de demain. 20 ans et 100 numéros à scruter cet univers à travers de nombreux angles de vue, en gardant toujours à l’esprit ces savoir-faire si précieux pour nos lecteurs esthètes et raffinés en quête de perfection et de différence. C’est toute une équipe de passionnés qui vous donne aujourd’hui rendez-vous pour ce numéro Collector. Combien d’heures passées à traquer le luxe le plus époustouflant et à faire rêver nos lecteurs… ? Combien de nuits de découragement devant la page blanche pour trouver des sujets originaux traitant de l’excellence ? Combien d’heures à élaborer des stratégies originales pour obtenir l’interview d’une star ? Combien d’heures à se creuser la cervelle pour rédiger des textes intéressants et aiguiser votre appétit ? Merci, cher éditeur, chers partenaires, chers lecteurs, pour vos encouragements, votre confiance et votre fidélité. Depuis 1992, nous avons persévéré. Nous avons voulu conjuguer, tout au long de ces 100 éditions, les synonymes de qualité, d’élégance et de luxe. Nous continuerons avec cette même passion qui nous anime. Car, dans la mesure où nous avons déjà passé 20 ans ensemble, nous ne voudrions pas que l’habitude vienne éteindre la flamme de notre belle relation. Pour ce numéro spécial, nous avons eu envie de brosser le portrait d’hommes et de femmes qui nous semblaient être des ambassadeurs originaux pour illustrer nos rubriques fétiches horlogère, mode, design, automobile, musique et évasion. Bonne lecture ! Vous trouverez, en page 204, la lettre-anniversaire d’un de nos fidèles journalistes.
Siphra M. TRAJECTOIRE AUTOMNE 2012
13
IMPRESSUM
EDITEUR TIRAGE
André Chevalley Promoco Développement SA Chemin de la Marbrerie 1 CH – 1227 Carouge T. +41 22 827 71 00 www.trajectoire.ch
DIRECTRICE
DE LA RÉDACTION
Tirage vendu : 20’502 exemplaires Certification REMP 2012 Période de relevé : 1.7.11 – 30.6.12 Abonnés payants : 18’222 exemplaires
TIRAGE
IMPRIMÉ
Siphra Moine-Woerlen exemplaires MACH ConsuMer24’000 2010-2 september/Septembre
PUBLICITÉ &
RELATIONS PUBLIQUES
Olivier Jordan | o.jordan@promoco.ch
RESPONSABLE DE LA & SECRÉTAIRE
COORDINATION DE RÉDACTION Nathalie Raneda
KonsuM-MediA-AnAlyse sCHweiz Me thodiK ergebnisse
strAtegy RMA ESPONSABLE
&
ARTISTIQUE
GRAPHISME
AnAlySe-MédiA-ConSoMMAteurS SuiSSe Méthodologie Résultats
Carine Bovey
RÉDACTEURS Mathilde Binetruy, Paul-Henry Bizon, Christine Brumm, Jaques Deschenaux, Fabrice Eschmann | BIPH, Patrick Galan, Saskia Galitch, Bérénice Matthieu, Eric Othenin-Girard, Didier Planche, Vivianne Scaramiglia, Gaëlle Sinnassamy, Christopher Tracy
RELECTURE &
CORRECTIONS
Adeline Vanoverbeke Caroline Penzes
IMPRESSION Vogt-Schild Druck AG
DIFFUSION L’abonnement au magazine Trajectoire est proposé aux clients Mercedes-Benz, Volvo, Rolls-Royce, Bentley, Bugatti et Maybach du Groupe André Chevalley SA. Trajectoire est vendu dans les kiosques Naville, envoyé par abonnement aux médecins, avocats, notaires, agences immobilières de Suisse romande ainsi qu’aux membres des clubs de golf et de polo, dans les établissements les plus prestigieux et les hôtels 5 étoiles à Genève, Crans-Montana, Divonne, Lausanne, Montreux, Gstaad, Verbier et Villars. ©Trajectoire | La reproduction, même partielle, du matériel publié est interdite. Les pages « People » n’engagent pas la rédaction. La rédaction décline toute responsabilité en cas de perte ou de détérioration des textes ou photos adressés pour appréciation.
ABONNEMENTS 4 numéros : CHF 35.– (1 an) | 8 numéros : CHF 65.– (2 ans) info@promoco.ch | T. +41 22 827 71 00
COUVERTURE WEB Collector N°100
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14 TRAJECTOIRE AUTOMNE 2012
LIBRE DE SE RÉINVENTER
RENDEZ-VOUS NIGHT & DAY Calibre Jaeger-LeCoultre 967A La femme a Rendez-Vous avec le temps. Avec son temps. Entièrement fabriquée à la Manufacture Jaeger-LeCoultre, à la Vallée de Joux, en Suisse, la montre Rendez-Vous Night & Day abrite un mouvement automatique qui bat au rythme de la liberté qu’une femme prend à se réinventer. À l’image du savoir-faire sans cesse renouvelé qui jalonne l’histoire de Jaeger-LeCoultre depuis 1833. Plus qu’une montre, un état d’esprit.
VOUS MÉRITEZ UNE VRAIE MONTRE
Boutique Jaeger-LeCoultre 2, rue du Rhône - Genève +41 (0)22 310 61 50
SOMMAIRE Automne 2012
1 2 Repérer...
24
20 ICÔNES, 100 NUMéROS
Flashback sur 20 célébrités qui ont fait la Une de Trajectoire.
32 NEXT IN THE CITY
Dernières nouvelles du luxe à Genève.
34 FASHION’S B-DAY
Louboutin, Fendi, Chanel… Nos marques préférées fêtent leurs anniversaires !
38 NEXT IN THE WORLD
… Ou comment faire le tour du monde en 80 secondes !
92 DESIGN
Les créations iconiques de cinq superstars du design.
Rencontrer...
58 JASMINE AUDEMARS
La présidente d’Audemars Piguet, plus ancienne maison horlogère encore en mains familiales, nous confie ses passions.
136 AMéLIE NOTHOMB
Rencontre avec l’incontournable marronnier littéraire.
142 ANNE-SOPHIE PIC
Cheffe étoilée accomplie, Anne-Sophie Pic nous reçoit dans sa cuisine Lausannoise.
144 OLIVIER KRUG
Entretien à Reims avec le digne représentant de la sixième génération Krug.
158 HENRI GISCARD D’ESTAING
Le président du Club Med dirige une entreprise en pleine expansion.
168 NATALIE DESSAY
Rencontre mélodieuse avec la soprane de légende.
Philosophie d’investissement unique
“Comprendre votre succès et vos attentes: notre priorité N° 1.”
Gestion de fortune indépendante
Tradition bancaire genevoise
depuis 1816
Jérôme Monnier Directeur général Clientèle Privée et PME Genevoises
Franco Furcolo Directeur Private Banking Genève
Bien des patrimoines et des fortunes familiales sont issus d’entreprises et d’initiatives de personnes d’exception. Patiemment construites, transmises de génération en génération, ou fruit d’une cession récente, ces richesses méritent une vigilance et un soin exceptionnels. Une banque sûre, une qualité suisse de gestion, et une conception partagée de l’économie et des marchés financiers. La Banque Cantonale de Genève: une vision différente de la gestion de fortune pour pérenniser vos succès financiers.
Port de Bâle, Suisse, 16h.
Genève
Zürich
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Hong Kong
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Annecy
Paris
www.bcge.ch/privatebanking
SOMMAIRE Automne 2012
3
(s’)Offrir...
40 LITTéRATURE
Nos 3 coups de cœur littéraires.
46 DISqUES
Les meilleurs come-back de la rentrée.
66 HORLOGERIE
Retour sur les modèles iconiques des marques horlogères les plus prestigieuses.
76
MODE
Trajectoire s’est immiscé dans les coulisses des défilés haute couture à Paris… Show garanti !
110 AUTOMOBILE
Nouvelle Mercedes-Benz CLS Shooting Brake : plus qu’un phénomène de mode, le début d’une nouvelle ère.
186 SPA
Zoom sur les temples du bien-être et de la beauté avec quelques-uns des spas les plus originaux.
4
Découvrir...
42 PSYCHOLOGIE
Pervers narcissiques : décryptage d’une pathologie à la mode.
54 ACTION OU SUSPENS ?
Découvrez nos coups de cœur cinéma de la rentrée.
118 ON AIME… OU PAS ?
De Charlotte Gainsbourg à Frédéric Beigbeder en passant par Jean Dujardin, ils font la controverse ou l’unanimité.
162 24 HEURES EN MUSIqUE… Petit détour à Monaco dans le cadre du Monte-Carlo Piano Masters.
194 éVASION
5 bonnes raisons d’aller à Dubaï.
198 DESTINATION
Botswana : Safari d’exception… Emotions garanties !
Du noir naît la lumière
Stars Box Thierry Stern Daniel Craig Guillaume Tetu Cameron Diaz
Jean D’Ormesson Elton John
Olivier Bernheim
Teri Hatcher Thierry Lavalley
Monica Belluci Arnaud Carez
Fawaz Gruosi
Elisabeth Metzger
20 TRAJECTOIRE AUTOMNE 2012
Stars Box Michael Schumacher
Philippe Léopold-Metzger
Jude Law
Alexis Gouten Eric-Emannuel Schmitt Lang Lang
Lana Del Rey
Rosario Dawson
Bernard Pivot
Jean-Frédérique Dufour Caroline Scheufele
Patrick Baudry
22 TRAJECTOIRE AUTOMNE 2012
Benoît de Gorski
www.coco-noir.chanel.com
TRAJECTOIRE
© D.R.
20 icônes
20 icônes 100 numéros Une Trajectoire
exceptionnelle
20 ans déjà ! Un beau jour de 1992, Trajectoire paraissait pour la première fois en kiosque. Depuis, les plus grandes personnalités s’y sont relayées en Une. Retour sur 20 couvertures mythiques et autant de stars chéries. Texte Mathilde Binetruy
24 TRAJECTOIRE AUTOMNE 2012
Laetitia Casta Elle sort du rôle de Falbala dans « Astérix et Obélix contre César » où elle vampe les hommes avec ses courbes sensuelles. A l’été 2000, Laetitia Casta fait la couverture de Trajectoire et tout le monde succombe à son charme. Elle n’est pas seulement cette femme superbe qui fait fantasmer la quasi-totalité de la population masculine, elle est aussi et surtout une demoiselle pleine d’esprit. Il faut bien l’admettre : une fille au top !
Yves Saint Laurent
© D.R.
C’était en partie à lui qu’elle devait son émancipation. Yves Saint Laurent aura été celui qui a inventé le vestiaire de la femme moderne en lui donnant son accessoire de pouvoir le plus noble : le tailleur pantalon. Sa disparition en 2008 laisse l’industrie de la mode orpheline, Trajectoire se devait de lui rendre hommage. Reste de lui un héritage stylistique unique et cette phrase légendaire : « Le plus beau vêtement qui puisse habiller une femme ce sont les bras de l’homme qu’elle aime ».
George Clooney
© Omega
S’il est aujourd’hui presque plus connu en tant que Nespresso Man qu’en tant qu’acteur, ce serait faire affront à George Clooney que de le réduire à un vendeur de capsules. Son premier métier, c’est tombeur de ces dames. On ne peut que leur donner raison. Quand il nous accorde cet entretien à l’automne 2002, c’est conquis que nous le quittons. Une telle rencontre serait presque impossible de nos jours. George, si tu nous lis, une interview… What else ?
Cameron Diaz
© Tag Heuer
Les Américains parlent de « Girl Next Door ». De ce côté-ci de l’Atlantique, on aimerait que l’expression soit à prendre au sens littéral du terme et croiser plus souvent pareille beauté au coin de la rue. Depuis toujours, Cameron Diaz est cette jolie fille, drôle, naturelle, que les hommes rêvent d’avoir à leur bras et que les femmes souhaitent pour amie. En Une de Trajectoire cet été 2012, elle fait l’unanimité.
FASHION’S B-DAY Texte | Nathalie Raneda
CHRISTIAN LOUBOUTIN 20 ANS DÉJÀ !
FENDI CÉLÈBRE LES 15 ANS DU SAC BAGUETTE Né en 1997, le sac Baguette est devenu instantanément l’un des accessoires les plus populaires et les plus importants de la décennie, permettant à Fendi de recevoir le prix du Fashion Group International pour les accessoires en 2000. Porté sous le bras, à la manière du pain français, ce sac à main a été produit dans plus de 700 modèles. A l’occasion du 15ème anniversaire du mythique sac à main, Silvia Venturini Fendi, directrice artistique de la maison italienne, a réédité ses six modèles préférés et s’est associée aux éditions Rizzoli pour imaginer un ouvrage retraçant l’histoire du sac. Ce livre présente l’étonnante variété des sacs Baguette, du modèle basique aux éditons limitées pensées comme des œuvres d’art. Un must, tant pour les collectionneurs avides, que pour toute personne ayant un intérêt pour la mode et pour le phénomène des accessoires ! —
Ses spectaculaires souliers à semelle rouge ont conquis le cœur de Nicole Kidman ou de Dita Von Teese, enflammé l’imagination des fétichistes ordinaires. Il y a vingt ans, ou plus exactement en 1993, Christian Louboutin badigeonnait les semelles des escarpins Pensée de vernis à ongles rouge. Une marque de reconnaissance qui devint bientôt l’emblème de la maison Louboutin. Pour célébrer son 20 ème anniversaire, le chausseur rend hommage à cette première paire d’escarpins et la place au cœur de la collection Capsule, une ligne réinterprétant les modèles iconiques de la marque. Composée de vingt escarpins et de six sacs, cette collection invite à parcourir les 20 ans de carrière de Christian Louboutin, à travers des thèmes qui lui sont chers. Cabaret, pays lointains, univers parisien se retrouvent dans cette collection… fashion à souhait !—
CHRISTIAN LOUBOUTIN FENDI
Rue du Rhône 17 – 1204 Genève – T. +41 22 310 57 90
Rue du Rhône 62 – 1204 Genève – T. +41 22 319 30 10 – www.fendi.com
www.christianlouboutin.com
MYTHIQUE :
LA PETITE VESTE NOIRE DE
CHANEL
A PLUS D’UN DEMI-SIÈCLE !
Créée dans les années 50 par Mademoiselle Chanel, la petite veste a sans cesse été revisitée par Karl Lagerfeld depuis 1983. Plus de cinquante ans après sa création, elle occupe aujourd’hui une place unique dans le vestiaire planétaire de la mode, de Tokyo à New York en passant par Paris. Il était donc temps de la célébrer ! Au travers du nouveau livre « La petite veste noire : Un classique de Chanel revisité » par Karl Lagerfeld et Carine Roitfeld, le couturier fait la démonstration que cette pièce iconique du XXe siècle est définitivement contemporaine. Elle se transforme, s’ajuste aux plus grandes personnalités. Posée sur les épaules de Vanessa Paradis, transformée en coiffe pour l’actrice américaine Sarah Jessica Parker ou accessoire de la panoplie néo-punk d’Alice Dellal, elle s’adapte à tous les styles… et est tout simplement mythique ! — BONGÉNIE – CHANEL Rue du Marché 34 – 1204 Genève – T. +41 22 818 11 11 – www.chanel.com
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« In 1784, the groundbreaking Pierre Jaquet Droz established Geneva’s first ever watchmaking factory. »
Grande Seconde Quantième, ref. J007030242 Applied dial and ring silvery white. Stainless steel case. Pointer-type date at 6 o’clock. Power reserve 68 hours. WWW.JAQUE T- D RO Z . C O M
Bern: Uhrsachen AG / Geneva: Hour Passion (Airport) - Les Ambassadeurs Interlaken: Kirchhofer AG / Luzern: Embassy Samnaun: Hangl Uhren & Schmuck Zermatt: Chronométrie Stäuble / Zürich: Beyer Chronometrie - Les Ambassadeurs Tourbillon Boutiques: Crans-Montana - Geneva - Lausanne - Lugano - Montreux - St. Moritz
PSYCHO
Pervers
narcissiques...
Attention invasion ! Les ouvrages sur le sujet envahissent les rayons des libraires. Les médias y consacrent des dossiers entiers. Les forums et blogs dédiés prolifèrent. Pas de doute, les pervers narcissiques ont la cote. Décryptage d’une pathologie à la mode. Texte Gaëlle Sinnassamy | Photos Carine Bovey
L
es initiés les appellent les PN. Un acronyme qui en dit long : le sigle, comme la pathologie appartiennent aujourd’hui au langage commun. Absence d’empathie, emprise morale, harcèlement, les pervers narcissiques semblent pulluler, du chef autocratique au collègue psychotique en passant par le conjoint despote ou la mère abusive. Effet d’une médiatisation à outrance ou pandémie sociétale, sont-ils aussi nombreux qu’on le prétend ? Du tyran domestique au sadique, comment les reconnaître ? Portrait-robot d’un nuisible qui défraie la chronique. De Dr Jekyll à Mr. HyDe On a beau avoir lu la littérature afférente et intégré le concept, difficile d’identifier la bête au premier coup d’œil. Car là réside son talent : le pervers narcissique est un séducteur. Homme ou femme, il détient l’art de captiver son auditoire, afin de ferrer sa proie. D’une intelligence affinée, il capte les désirs de l’autre pour s’insinuer dans son existence et se rendre indispensable. Un piège inéluctable que le vampire affectif, patient, tisse à son gré – le processus peut durer des années – avant de révéler à sa victime son véritable visage. Dès lors débute un long cauchemar. Une entreprise de destruction insidieuse. Aux yeux du monde, le prédateur reste l’être charmant et enjôleur dont il s’applique à cultiver l’image. Dans l’intimité, il se métamorphose en despote. Rien de patent néanmoins, le comédien agit avec habileté en
jouant un double jeu. Brillant et affable pour la vitrine. Sombre et dévastateur en privé. Ton sournois, remarques acerbes, culpabilisation, dévalorisation, la victime ne perçoit jamais d’emblée la nocivité et la toxicité de la relation. L’objectif est immuable : sans aucun état d’âme, le manipulateur s’attache à détruire psychiquement sa cible, à l’anémier pour mieux exercer sa « dangereuse étrangeté », selon l’expression du psychanalyste Paul-Claude Racamier, qui, le premier en 1986, définit la maladie et lui donne un nom. « Le mouvement pervers narcissique est une façon organisée de se défendre de toutes douleurs et contradictions internes et de les expulser pour les faire couver ailleurs, tout en se survalorisant, tout cela aux dépens d’autrui et non seulement sans peine mais avec jouissance », écrit-il. Tel un joueur d’échecs, le Kasparov des sentiments anticipe, calcule ses coups et les distille avec subtilité. Ses armes ? Son acuité à manier le chaud et le froid en alternant phase de maltraitance et élan de tendresse pour ne pas épuiser trop
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RENCONTRE Horlogerie
Jasmine TOUTE UNE viE pOUr AssOUvir dEUx pAssiONs
Journaliste durant dix ans, puis rédactrice en chef du prestigieux « Journal de Genève », Jasmine Audemars a vécu sa première vie de passion de 1968 à 1992. Cela fait donc très exactement 20 ans qu’elle préside le conseil d’administration d’Audemars Piguet. C’est sa deuxième vie de passion ! Toutefois, le tic-tac feutré de la belle horlogerie technique n’a pas altéré la liberté de ton de la femme de presse qu’elle fut. Rencontre ! Texte Eric Othenin-Girard | photos Dom Smaz > Rezo.ch
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Audemars Pouvoir vivre deux vies de passion est assez exceptionnel, surtout lorsque l’on passe du domaine virtuel qu’est la presse à la présidence d’une marque de montres de référence. Laquelle est la plus lourde ? Aucune des deux, elles sont tout simplement extrêmement différentes. Il faut assumer ses responsabilités, se montrer à la hauteur, savoir être fière de ce que l’on fait. Et puis, présider Audemars Piguet, si cela suffit largement à remplir la vie, ne me la mange pas du tout. C’est sans aucun doute dû au fait que je suis née au milieu des garde-temps. Depuis ma naissance, j’ai vu mon grand-père et mon père vivre cette passion horlogère très intensément et cela durant les 15 premières années de ma vie que j’ai vécues au Brassus. Pour moi, c’était donc totalement naturel, et l’horlogerie a toujours fait partie de ma vie. Pourtant, vous vous êtes dirigée vers le journalisme… Oui, et j’ai aimé pratiquer avec passion ce métier qui m’a permis de comprendre le monde, m’a donné l’occasion de faire des analyses géostratégiques et d’ouvrir les yeux sur moult autres réalités que celles que nous vivons ici. Ces connaissances m’ont aidé à remplir les fonctions de ma deuxième vie. C’était important de les acquérir car Audemars Piguet a
très vite été une entreprise ouverte sur le monde. Et puis mon père avait épousé une ressortissante anglaise, arrivée de Londres en 1936 au Brassus ! En fait d’ouverture, j’ai donc eu la chance de la vivre en famille depuis ma tendre enfance. Précisément, du fait de votre formation, vos fonctions actuelles vous impliquent-elles dans la gestion de la marque ? Non, pas du tout. Ce n’est pas au conseil d’administration ni à sa présidente de s’occuper des problèmes de management. Ce dernier prend ses responsabilités et nous fonctionnons, en quelque sorte, comme les gardiens du temple. Notre principal travail consiste surtout à transmettre les valeurs de la marque. Je pense que si des administrateurs se mettent à dessiner des montres, c’est une erreur. A chacun son métier ! Transmettre les valeurs de la marque demande beaucoup de disponibilité et de déplacements. J’imagine que cela doit être encore plus intense en 2012, avec le 40ème anniversaire de la Royal Oak… Evidemment, je voyage beaucoup durant cette année, car il convient de célébrer cet anniversaire. Vous savez, pour Audemars Piguet, la Royal Oak a été une formidable opportunité de relance et nous avons vécu, nous continuons encore de le vivre d’ailleurs, l’avènement puis le développement et la déclinaison de ce garde-temps. Au fil du temps, il est devenu une véritable icône horlogère. Avec cette montre, nous avons connu des succès exceptionnels, dont le plus extraordinaire fut le partenariat avec Alinghi, qui remporta la Coupe de l’America à deux reprises. Cela dit, si nous nous réjouissons du succès de la Royal Oak qui ne se dément pas, et que nous continuons à la promouvoir largement, nous devons aussi veiller à ne pas oublier que notre marque ne vit pas que de cette seule famille. Je rappelle que c’est Audemars Pi-
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SÉLECTION Horlogère
Elles traversent le temps sans prendre une ride ! La visite des salons horlogers permet de se faire une idée de la créativité des marques. L’œil exercé passe d’un garde-temps à l’autre, très vite s’il est « banal », plus lentement s’il a un côté « accrocheur ». Quand l’œil s’arrête, il s’agit d’une « icône ». Texte Eric Othenin-Girard
C
elles et ceux qui aiment les montres, mais qui ne connaissent pas forcément bien le domaine, ont très souvent l’impression que tous les gardetemps se ressemblent. S’ils ne manifestent pas un intérêt soutenu pour les aspects techniques, le développement des nouvelles technologies et l’introduction dans la montre de matériaux innovants, il leur est bien difficile de détecter les évolutions. De prime abord, les montres sont rondes, rectangulaires, carrées ou de forme « tonneau ». Ainsi, nombre d’entre eux imaginent que, depuis la popularisation de la montre-bracelet, il y a un peu plus d’un siècle, les marques se contentent de changements mineurs. Eh bien ils ont tort ! Certes, comme dans tous les domaines, il y a des entreprises qui se contentent de suivre le mouvement, de copier les bonnes idées des
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autres en leur apportant quelques modifications mineures afin de ne pas être poursuivies pour délit de contrefaçon. Comme elles sont nombreuses à pratiquer de la sorte, cela crée des masses considérables de garde-temps qui ont allure similaire et cela renforce l’impression de banalité ressentie par une partie du public.
qués. Aujourd’hui, les cadrans des montres de luxe sont devenus de véritables « usines à gaz ». Par leur construction sur plusieurs niveaux, pour faire ressortir les compteurs et autres indications techniques, ils offrent une multitude de possibilités aux designers qui ne se privent pas de les utiliser et d’apporter ainsi une note de diversité.
Et puis il y a les autres sociétés, celles qui investissent dans la recherche et le développement, qui, année après année, apportent une dose de créativité, que ce soit sur le plan du mouvement ou dans le domaine de l’habillage de la montre. Ainsi, par exemple, le formidable développement des cadrans. Autrefois, le cadran d’un garde-temps était constitué d’une plaque de métal, précieux ou non, qui était peinte ou laquée, voire émaillée ou nacrée, sur laquelle prenaient place des index ou des chiffres, le plus souvent décal-
Ce sont ces marques qui, à force de travail, ont créé les icônes. Ces garde-temps, que les connaisseurs nomment ainsi, traversent le temps sans coup férir. Ils sont certes mis au goût du jour, mais sans que jamais celles et ceux qui les portent depuis des lustres aient le sentiment qu’ils possèdent une montre passée de mode. En voici quelques beaux exemples, présentés par ordre alphabétique. —
Royal oak signée AudemArs Piguet Cela fait tout juste 40 ans que le génial Gérald Genta, qui nous a quitté il y a un an, avait imaginé le dessin de cette montre, à l’époque qualifiée de révolutionnaire. Etanche à 100 mètres, dotée d’un calibre mécanique automatique 2121, avec fonction heures, minutes et quantième, elle a traversé le temps et assuré un immense succès à la manufacture du Brassus. Des dizaines de versions ont été développées, mais toutes ont gardé la même allure et, grâce au respect de son identité, la montre de 1972 n’a pas pris une seule ride. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer avec l’édition commémorative sortie en 2012. On retrouve ce cadran à motif « Petite Tapisserie » façonné à l’interne sur des machines anciennes selon la technique du ramolayage.
1972
Aujourd’hui
Breguet TRadiTion Abraham-Louis Breguet avait, au début du 19ème siècle, mis au point une montre mécanique dotée d’un balancier à 4 heures avec le spiral à courbe terminale « Breguet » ainsi que l’échappement à ancre en ligne inversée. Cette montre, de poche à l’époque, a traversé le temps. Toutefois, en 2005, Breguet présentait le modèle 7027 Tradition, le premier garde-temps bracelet à dévoiler les organes de mouvement au-dessus de la platine. Depuis, la collection « Tradition » est devenue l’une des plus emblématiques de Breguet et elle s’enrichit cette année d’une complication GMT qui devrait satisfaire les voyageurs du monde entier. Dotée d’un mouvement à remontage manuel, sa réserve de marche atteint 50 heures et son diamètre est de 40 mm.
2005
Aujourd’hui
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C’est accompagnés de Richard Bord, photographe de mode, que nous avons couru la semaine de la haute couture à Paris pour vous en rapporter quelques images. (Milan, New York, etc...) Ce sera pour une prochaine édition !) Nous avions envie de partager quelques clichés des backstage en vous livrant les temps forts de trois défilés de jeunes créateurs prometteurs. Et puis, célébrer ce numéro sans revenir sur le destin incroyable du « Maître » et du tout aussi excentrique et génial Mr. Jacobs, n’aurait pas été une fête ! —
& MODE
Trajectoires en vogue
COUTURE
K MODE Portrait
Insaisissable
arl
Si vous entendez : « C’est jaune, c’est moche et ça ne sert à rien, mais ça peut vous sauver la vie » Vous penserez, « mais oui, c’est une pub avec Karl Lagerfeld ». Oui. Si le « Maître » occupe une place toute particulière dans la Fashion sphère il est devenu tout aussi familier du grand public. Vogue l’a d’ailleurs joliment nommé « interprète sans pareil de l’air du temps ». Pourtant, il reste un mystère. Le décrire en quelques mots, voilà un exercice périlleux. Documentaires ou reportages, films ou interviews, tous on eu envie de pénétrer dans l’intimité de ce personnage emblématique. Alors, pour ce numéro Collector, nous avons nous aussi essayé d’en savoir un peu plus sur cet homme caméléon, boulimique de travail, ce génie de la couture, haute couture, photographie, design et j’en oublie…
Texte Siphra Moine-Woerlen
76 TRAJECTOIRE AUTOMNE 2012
© D.R.
MODE Backstage
Julien FOURNIÉ Texte Bérénice Matthieu | Photos Richard Bord
M
ardi 3 juillet, 19h30, Paris 8ème. Julien Fournié se retrouve, cette saison également, membre invité au sein du calendrier officiel de la haute couture à Paris, ce qui lui permet de présenter sa collection éponyme aux côtés de noms reconnus comme « grands couturiers » par la Fédération Française de la Couture. Créateur qui donne l’air de ne jamais se prendre au sérieux mais qui sait marier à merveille le savoir-faire traditionnel et l’innovation pour dynamiser sa discipline, Julien Fournié s’amuse ici encore avec les références en proposant une collection couture automnehiver 2012-2013 inspirée par le monde des super-héros de science-fiction et autres comics illustrés notamment par Marvel. Alliant organza et néoprène, transparence des dégradés et énergie des couleurs flashy telles que le vert absinthe, le rose fuchsia ou orange stabilo – le tout surmonté de noir star –, les découpes anatomiques et incrustations sculptent les formes d’une silhouette hyperfemme, sensuelle, qui revendique son point de vue et s’affirme libre de son humeur. Avant d’assister au show de ce créateur qui aime à expérimenter les matières techniques, visite dans les backstages du show, là où s’active
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U ne chose est sûre, durant les deux précédentes décennies, le design a pris dans nos vies une place de plus en plus importante. Des objets de la vie courante aux intuitions hightech en passant par la mode ou la décoration : « design is life » et inversement. Cette évolution, Trajectoire l’a accompagnée, suivie, soutenue, montrée, décryptée… la voici déclinée à tous les temps à travers le travail d’Hervé Van der Straeten inspiré des plus belles périodes de l’histoire des arts, les créations iconiques de cinq superstars du design et les intérieurs d’une villa mêlant avec brio la mosaïque des tendances de notre époque. —
...ET ART
Créations iconiques !
DESIGN
guebelin.ch
Tr a d i t i o n signée Gübelin.
Chez Gübelin, la connaissance des pierres fines repose sur une longue tradition familiale. Aujourd’hui, nos expertises scientifiques et nos estimations de gemmes sont reconnues par les spécialistes du monde entier. C’est ainsi qu’une passion se transmet de génération en génération. À l’instar d’un bijou précieux.
DESIGN
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Les garçons Les vingt dernières années ont connu l’apogée du design en tant que discipline à part entière. Entre production industrielle et décoration de lieux publics, les designers « nouvelle vague » se sont peu à peu approchés de la notoriété des stylistes ou des architectes. Parmi eux, six peuvent aujourd’hui se targuer de les avoir rejoint et gagné la reconnaissance du grand public grâce à quelques créations devenues iconiques :
Philippe Starck, Marc Newson, Tom Dixon KARIM RASHID et Marcel Wanders, entretien avec le sixième : Hervé Van der Straeten Texte Paul-Henry Bizon
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L’homme est exubérant, drôle, malin et, depuis ses débuts inspirés par le groupe Memphis, il n’en finit plus de se réinventer. Dernière marotte, l’environnement, appuyée par un discours de circonstance. Mais, si la planète entière connaît le Français Philippe Starck, c’est plutôt celui des années 1990, prolifique en objets autant qu’en intérieurs, dont les hôtels de Ian Schrager. De la multitude de ses intuitions, certaines sont entrées dans l’imaginaire collectif comme des créations « modées », c’est-à-dire représentatives de cette période de production. En ce sens, la moto 6,5 produite en 1995 par Aprilia et la chaise Marie pour Kartell en 1998 sont sans doute à classer parmi ses grandes réussites.
© D.R
© Kartell
© Alessi
L’ÉCLAIREUR
© Jean-Brice Lemal
Philippe Starck
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DESIGN
L’ÉCLECTIQUE
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HVan der ervé Straeten
Joaillier ou designer, Hervé Van der Straeten est passé maître dans l’art de la surprise. Ce créateur formé aux Beaux-Arts de Paris – célèbre notamment pour avoir dessiné le flacon du parfum J’adore de Dior – expose ses créations, éditées dans ses propres ateliers, sous le titre « Dissonances ». Il nous reçoit dans sa galerie du Marais pour évoquer ses inspirations. —
l’art de la dissonance Texte Paul-Henry Bizon | Photos Cécil Mathieu > Courtesy Galerie Van der Straeten
Que vouliez-vous exprimer sous ce terme « Dissonances » ? Il y a toujours dans mon travail cette notion de mouvement et d’irrégularité. Pour cette exposition, j’ai encore poussé le curseur d’un cran en créant des pièces où tout est en biais. D’habitude, il y a quand même un semblant de verticale ou une horizontale… Ici, on n’a plus de repères au niveau des formes. J’ai plutôt travaillé l’oblique. Et puis, pour les matières, j’ai également poussé le curseur en travaillant les contrastes : la pierre associée à un matériau filandreux, ou très fin ou très coloré… Quelles pièces vous tiennent particulièrement à cœur dans l’exposition ? C’est toujours une question difficile parce que l’exposition est conçue comme un ensemble. L’œil passe d’une chose transparente à une chose très massive. Je tiens à ce rythme un peu musical, surprenant. Mais j’aime particulièrement la console verte parce qu’elle regroupe toutes les caractéristiques de l’exposition, liée aux rapports entre matières et couleurs. J’aime également le lustre et l’utilisation de l’albâtre, à la fois pour sa réflexion et sa transparence. On a vraiment une impression de légèreté avec une lumière qui joue de façon intéressante dans le lustre. Et puis peut-être le meuble bleu. Il est étonnant, un peu mystérieux. Quel est le rôle des tableaux dans l’exposition ? C’est le travail de l’artiste anglais Jason Mar-
tin, représenté par la galerie Thaddaeus Ropac. Je pensais que c’était intéressant de créer un dialogue entre mes pièces, qui sont toujours en mouvement, et sont des géométries, pas agressives, mais pensées sous forme de blocs irréguliers et assez décidés, et ce mouvement ondulatoire, fluide et sensuel. A Bâle, on a pu découvrir votre collaboration avec Ruinart ? Avec Ruinart, je suis resté très libre. Ils voulaient collaborer avec moi et je leur ai proposé
de faire un seau pour trois bouteilles. J’avais envie de réaliser un très bel objet, à la fois festif et généreux. On l’a réalisé avec les ateliers de haute orfèvrerie de Christofle. C’est un jeu sur la lumière et le contraste entre la bouteille, qui est très ronde, très lumineuse, et les facettes très acérées du seau. Il y a également une sorte de petite coupelle avec des ailettes qui captent un peu la lumière et la renvoie pour magnifier la particularité du blanc de blanc. A Bâle, nous avions placé le seau dans une pièce carrée dont les facettes reprenaient le jeu de miroirs. —
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AUTOMOBILE Nouveauté
Mercedes CLS
Shooting Brake :
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Originale, pleine d’assurance, virile et séduisante, la CLS Shooting Brake a été dévoilée dans sa version définitive en juin dernier dans le cadre prestigieux du Festival of Speed de Goodwood. La passion et la puissance que ce coupé aux allures de break parvient à exprimer démontrent une nouvelle fois l’avant-gardisme de MercedesBenz en matière d’innovation et de design. Alliant avec élégance la distinction de la fameuse berline et l’aspect fonctionnel d’un break, la Shooting Brake fait entrer la CLS dans une nouvelle dimension. Texte Jacques Deschenaux
heureux mélange des genres Si ce break, dont le nom « Shooting Brake » fait allusion aux luxueux véhicules anglais qui transportaient les chiens de chasse à courre, hérite logiquement des principales caractéristiques de la CLS, sa conception novatrice a nécessité quelques compromis entre classe, prestige et modularité. Les aménagements ainsi trouvés ont eu entre autres pour conséquence une capacité de chargement allant de 590 à 1’550 litres banquette arrière rabattue, soit légèrement inférieure à celle de la Classe E. Cette formule présente néanmoins
© Media Daimler
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oins de dix ans après le lancement en 2004 du premier coupé quatre portes de la grande histoire de l’automobile, Mercedes-Benz innove déjà en lançant une deuxième génération dans ce style inégalé. Présentée sous forme de concept au Salon de Pékin en 2010, la CLS Shooting Brake est restée très proche de son ébauche initiale qui la différenciait clairement des autres breaks premium du marché. Cela confère une nouvelle fois à la marque à l’étoile, alerte centenaire qui a célébré l’an dernier son 125ème anniversaire, le statut de pionnière du nouveau segment des « berlines-coupés », tant il est vrai que c’est la première fois qu’un constructeur concrétise un projet de ce type à partir d’une carrosserie quatre portes.
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Personnalités intrigantes
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B ertrand Piccard ? C’est « notre aéronaute ». Qu’il soit louangé ou critiqué, il n’empêche que ses exploits ont fait le tour du monde… Charlotte Gainsbourg ? Fille « de »… elle est adorée par l’intelligentsia bobo Germanopratine. Barack Obama ? A peu près aussi intouchable que Nelson Mandela aux yeux du monde libre. Frédéric Beigbeder ? Ce brillant dandy du Café de Flore agace souvent. Pourtant, ses livres, on se les arrachent. Jean Dujardin ? Star franco-française au sourire ultra-brite capable de remporter, en février 2012, un Oscar et, un mois plus tard, de coucher avec son comparse Gilles Lellouche dans une pochade sur l’infidélité. Alors, on aime… ou pas ? Nous, au minimum, on s’interroge… —
OU PAS ?
N°100
ON AIME...
TRANSPHERE SA ’12
JARDIN DE L’AMANDOLIER GENEVA - 16 P.M.
ScHumAcHER MANTEAU VENT couVERT PANTALON CUIR ToRy BuRcH SAC BoNgENiE gRiEdER BOTTINES
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ON AIME... OU PAS?
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Parce qu’elle a intronisé le premier président noir des EtatsUnis, l’élection de Barack Obama a suscité un engouement international. En 2008, la planète avait trouvé son sauveur. Quatre ans plus tard, l’aime-t-elle toujours autant ?
es élections Guerre Mondiale, le monde américaines entonnait « The Star-Spangled se préparent Banner » et… se réveillait avec dans la fièvre. la gueule de bois. Pour ce qui Les Républicains ont achevé leur est du symbole, on en avait pour grand tour et ont choisi Mitt Romson argent. Qu’un président noir ney pour défier le président sortant. âgé d’à peine 50 ans soit élu à la tête Comme toujours, pour peu qu’on s’inde la première puissance mondiale, téresse aux débats – avortement, créavoilà qui avait de l’allure et lui assurait tionnisme, etc. –, l’Amérique nous semble une cote d’amour éternelle. Pour ce qui tellement lointaine qu’on s’étonne que Baest du reste, on avait oublié un détail d’imrack Obama ait pu devenir si unanimement portance : Barack Obama est avant tout un populaire. Il faut se replacer dans le contexte citoyen américain, préoccupé seulement par de l’époque. En 2008, après huit années d’imles intérêts de son pays. Alors quoi ? Et bien bécillité à la sauce texane façon George W. le monde attendra. Retrait des troupes en Irak Bush et de discours va-t-en-guerre, le monde mais renforcement du front afghan, protectionTexte Paul-Henry Bizon entier l’attendait comme un sauveur. Son passage nisme en réponse à la crise des subprimes, recul Photo Brooks Kraft à Berlin déclenchait de grands rassemblements. A sur l’assurance santé universelle… Le monde, en Paris, les jeunes créateurs sentaient la martingale et guise de remerciement, s’est vu offrir une belle leçon vendaient aux bobos leurs déclinaisons tous azimuts de realpolitik ! Pas sûr qu’on l’y reprenne au mois de nodu fameux « Yes, we can ». Les pays arabes mêmes se vembre. Mais si l’enthousiasme autour de sa personne prenaient à rêver… L’homme était beau, élégant, cool et décline, Barack Obama n’en reste pas moins un homme promenait sa silhouette de basketteur au nez et à la barbe très admiré et – ce qui n’est pas rien – le meilleur rempart de nos politiciens anachroniques engoncés dans leurs vicontre l’obscurantisme républicain. On l’aime aussi pour cela lains costumes de croque-morts. Oui, le monde allait changer, et pour une raison qui l’emporte sur toutes les autres : 70 % on en était certain, et ce changement avait un nom : Barack des Américains pensent qu’il est mieux armé que son adversaire Obama – super-héros d’une planète apeurée qui lui décernait en pour faire face à une invasion extraterrestre ! Quand on vous dit 2009 le Prix Nobel de la paix. Comme au sortir de la Seconde qu’il va sauver la planète… —
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D ON AIME... OU PAS ?
Jean
J
ujardin
ean Dujardin, c’est le bon pote. On l’aime sans se poser de question. Pour ses blagues potaches, son sourire irrésistible, sa sincère gentillesse… Il a beau être lourd parfois, on sait qu’il serait capable de se mettre en quatre pour réussir à nous faire rire autant que pour nous dépanner à 4 heures du matin. Tout le monde a près de lui son Jean Dujardin. Jusqu’à la success story, son histoire est aussi banale que celle du pitre de notre enfance : c’est celle du petit gars qui se rend compte de son talent après avoir fait rigoler les copains pendant des années. Alors il plaque l’entreprise de son père où il était entré comme serrurier une fois son bac en poche et s’en va tenter sa chance dans les cafés parisiens. Il se trouve des camarades déconneurs, notamment Bruno Salomone, et commence par faire le pitre en bande au théâtre du Carré Blanc. On va le voir de temps en temps pour lui faire plaisir. Puis la télé, chez Patrick Sébastien, et le premier succès, associé à Alexandra Lamy, dans « Un gars, une fille » sur France 2. Sans l’avoir prévu, il devient populaire et le cinéma lui tend les bras pour des rôles comiques – notamment le drôlissime « OSS 117 » – ou plus cyniques comme celui d’Octave Parango dans « 99 francs ». Il va même prendre le risque de développer un film autour d’un de
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Qui aurait pu deviner que le premier acteur français primé par Hollywood serait Jean Dujardin ? Personne, pas même lui. Un Oscar en poche et une notoriété multipliée ont changé notre bon Jeannot en star planétaire. Est-ce qu’on l’aime encore après tout ça ? Texte Paul-Henry Bizon Photo Marcel Hartmann > Contour by Getty Images
ses personnages de sketch : Brice de Nice. A ce moment-là, on craint le pire pour son pote et, contre toute attente, c’est un succès considérable. Jean Dujardin ne cesse d’étonner. Non seulement il est bon acteur, mais c’est aussi un homme agréable, qui sait garder les pieds sur terre autant que sa femme, Alexandra Lamy, avec laquelle il vit depuis plus d’une dizaine d’années. Alors on continue de l’aimer même s’il est de moins en moins disponible pour aller boire des coups. Il tourne « The Artist », un film muet nous dit-il. Un truc rigolo, en noir et blanc. Et puis, soudain, la machine s’emballe. En
voyage à Los Angeles, on découvre le copain Jeannot dans les pages Culture du « LA Times ». On parle de lui aux Golden Globe Awards ! On n’y croit pas au début mais le bruit enfle encore et encore jusqu’au 26 février 2012 et cette phrase qui sonne comme un éclair dans le ciel de Hollywood : « And the winner is… Jean Dujardin ! » Et voilà le vieux pote qui atterrit sur une autre planète. Les bêtises dans le dos du prof de maths ne sont plus qu’un lointain souvenir mais c’est surtout pour cela qu’on l’aime : parce qu’il porte en lui une part de notre enfance. Reste à savoir jusqu’à quand… —
LITTÉRATURE Rencontre
Amélie Nothomb Traditionnellement, l’automne est marqué par deux événements incontournables : les vendanges et la sortie du dernier Nothomb. Certains considèrent Amélie Nothomb comme un génie de la littérature contemporaine, d’autres comme une douce et rêveuse illuminée. Pour en avoir le cœur net, nous l’avons rencontrée chez son éditeur à Paris. Texte Patrick Galan Photos Jean-Baptiste Mondino et Pablo Zamora
En 1992, votre 1er roman (et 11ème manuscrit « Hygiène de l’assassin ») a été refusé par Philippe Sollers chez Gallimard, qui pensait à un canular. Comment l’avez-vous ressenti ? Sur le moment, je l’ai mal ressenti. J’ai pensé que mon livre n’avait pas d’intérêt et je l’ai gardé dans mes tiroirs pendant six mois. Puis je me suis dit que c’était bête de ne l’avoir montré qu’à un seul éditeur et j’ai voulu faire une seconde tentative. Mais je n’en aurais pas fait une troisième. Petite ignorante vivant à Bruxelles, j’ai choisi Albin Michel en croyant écrire à un tout petit éditeur. Vous avez vu comme c’est petit… ! J’ai donc envoyé mon manuscrit à son président en imaginant qu’il devait être un homme simple. Dans mon erreur, j’ai eu raison, et deux semaines plus tard, ce président m’a téléphoné pour me demander l’autorisation de le publier. J’ai eu juste assez de voix pour dire oui, j’ai raccroché et je suis tombée par terre.
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Absolument aucune frustration à garder pour soi une belle chose, c’est ce qu’on appelle un secret. Il y a une jouissance du secret qui est extraordinaire. Au contraire, l’enfer serait d’être forcée de les montrer.
Vous écrivez 3,7 livres par an, vous êtes traduite en 44 langues et vous êtes adorée par les critiques. En 2012, vous écrivez votre 75ème manuscrit. Tous ne sont pas publiés. Qui décide ? Moi, et moi seule ! Je suis la seule à les avoir tous lus et je n’apporte à mon éditeur que celui que je veux faire publier. Mais j’aime tout autant les manuscrits que je ne publie pas. J’essaie juste de me conduire avec mes nombreux enfants comme une bonne mère et de voir ceux qui sont faits pour la lumière et ceux qui sont faits pour l’obscurité. Le critère n’est pas forcément qualitatif, et parmi ceux que je garde et que je trouve très réussis, certains ne s’adressent qu’à moi.
Vous venez d’utiliser le mot «jouissance». Il revient souvent chez vous et vous avez dit un jour : « La publication est un accident, mais l’écriture est une maladie qui me fait jouir. Pourquoi guérirais-je ? » C’est vrai ! Et c’est aussi vrai que c’est une maladie, un besoin absolu qui fait très mal si on ne l’assouvit pas, et j’ai toujours un énorme plaisir à le faire.
N’avez-vous pas une forme de frustration en gardant des ouvrages qui pourraient être des chefs-d’œuvre ?
C’est un plaisir ou un orgasme ? Comme dans tous les plaisirs, il y a des pics. On n’est pas tout le
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Le droit à la gourmandise 140 TRAJECTOIRE AUTOMNE 2012
Gourmandise… C’est une image que chacun porte en soi comme le secret d’un moment de plaisir. L’image d’un soir d’hiver où, seul(e) sous les couvertures, on dévore d’un trait un roman passionnant en même temps qu’une boîte de chocolats. Pour notre bellemère, c’est noyer innocemment son whisky dans « deux doigts » de jus d’orange. Pour nos ados, ce sont des pop-corns au micro-ondes ou une triple portion de frites avec ketchup. Tout cela permet de survoler sans scrupule ces incitations aux régimes en tous genres distillées par les magazines… sauf Trajectoire ! Ici, nous ne prêchons que la volupté des saveurs et l’excellence des adresses. C’est notre droit à la gourmandise. —
ET CHEFS
20 ANS
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Depuis 1875, nous vous accueillons avec le sourire. Le Richemond, Genève. reservations.LRG@dorchestercollection.com lerichemond.com
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SAVEURS
Dame de
Pic
Il y a trois ans, dans le sillage des grandes tables romandes, on a scruté à la loupe l’arrivée de cette jeune cheffe triplement étoilée craignant un prête-nom de luxe. C’était sans compter sur la volonté de cette « petite dame » aussi menue que douée. Aujourd’hui, fort de deux macarons, ASP/BRP est devenu un incontournable. Ce résultat, Anne-Sophie Pic le doit à sa ténacité,à une minutieuse coordination entre ses deux restaurants, à des trajets réguliers de l’un à l’autre et à l’engagement sans faille de son équipe emmenée par son bras droit à Ouchy, Guillaume Rainex. Texte Siphra Moine-Woerlen | Illustration Carine Bovey
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RetouR suR une matinée dans les cuisines du Beau-Rivage Palace de lausanne Il fait un temps superbe, la vue sur le lac est splendide : la juste adéquation pour émoustiller les papilles. Une dizaine de tables sont annoncées. On connaît la plupart des convives et leurs habitudes. De la déco jusqu’à la vaisselle, rien n’est laissé au hasard. Hélène Toupet, directrice du restaurant, règne sur son équipe et surveille chaque détail… C’est déjà dans la salle que commence la signature ASP. Au sous-sol, Anne-Sophie Pic s’affaire en cuisine. Avec son chef, Guillaume Raineix, elle peaufine les plats actuels et imagine la future carte. Aujourd’hui, on s’affaire autour d’un nouveau plat : une féra grillée, fine mousseline de petits pois et fèves, beurre cannelle-café, qui sera peut-être bientôt sur la carte. C’est le coup de feu. Pas d’agitation. Juste des regards qui convergent vers la cheffe en attendant l’approbation suprême...Car aucune des assiettes préparées par sa brigade n’échappe à sa vigilance. Pendant que le poisson mijote doucement au four, Guillaume Rainex propose une première déco de l’assiette : nous sommes quasi devant un tableau. « Comment partagez-vous votre temps entre Valence et Lausanne ? » « J’ai trouvé le bon équilibre. J’ai formé mon bras droit et toute l’équipe lausannoise, de la cuisine jusqu’au restaurant à Valence. Je peux donc déléguer et leur faire entièrement confiance. Et vous savez, il ne se passe pas un jour, si je ne suis pas sur place, où je ne parle pas d’un détail, d’un producteur, d’un plat avec eux. Je commence souvent les essais à Valence et les termine ici. Et, voyez-vous, je travaille de plus en plus les produits du lac ! » Certes, les incontournables de Valence restent la signature Pic mais c’est non sans fierté que les poissons du Léman et autres huîtres à la fondue ont trouvé leurs places sur la carte ! « Je viens en général pour deux ou trois jours. J’ai aussi ma famille sur laquelle je m’appuie beaucoup. »
Héritière avant tout, elle porte sur ses épaules le poids de son grand-père, puis de son père. Autour d’elle, ce sont ses amis, son mari et son fils, qui forment un cocon rassurant. Les premiers plats sont partis. Chaque assiette est une œuvre d’art, l’aboutissement d’un travail géré par une douzaine de cuisiniers. Toujours aucune agitation. La cheffe continue l’élaboration de sa nouvelle recette. « Ha, ça devient pas trop mal » (traduisez : nous sommes à la 5ème tentative, le mélange des saveurs commence à plaire). Alors je remonte au restaurant. Goûter les plats prend une toute nouvelle dimension. Entrer dans l’antre d’une cheffe triplement étoilée, qui plus est dans un palace romand, vous conforte dans l’idée que le luxe, c’est toutes ces petites choses que l’on ne voit pas, mais qui font que le tout est non seulement bon, et beau, mais aussi parfait ! Au café, je demande à Anne-Sophie Pic quels sont ses projets. Grand sourire. « Je suis en train d’ouvrir « La Dame de Pic » à Paris, rue du Louvre. Juste à côté de Duluc, vous savez, l’agence de détectives qu’on voit dans « Minuit à Paris », de Woody Allen ! Ça s’appellera « La Dame de Pic » et ce sera un restaurant gastronomique, l’esprit de ma cuisine, mais simplifié. Une carte courte et ludique. Valence et Lausanne sont orientés très terroir avec une identité forte, Paris devra quant à lui donner un avant-goût de mes deux tables étoilées sans les dupliquer. » — Dernière question : «Nous fêtons notre 100ème numéro, que vous inspire ce chiffre?» « Le chiffre 100 m’inspire la réussite car lorsqu’on parle d’un personnage, d’un édifice, d’une marque centenaire, cela impose le respect ! Mais 100 se prononce aussi sang et a donc tout à voir avec l’essentiel de ce qui nous constitue... Ou encore sans, ce qui signifie que l’on a fait un choix. C’est une fête, une fête que j’ai vécu puisque la maison Pic est elle-même centenaire et ne je ne vous cacherais pas que j’en suis fière. Je vous souhaite à mon tour un beau centenaire ! »
Magnifique expérience que de plonger dans les cuisines d’une grande cheffe. Me voici maintenant en plein bouclage, et c’est non sans amusement que je constate que la féra est aujourd’hui sur la carte. Essais concluants !
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FINANCE
Banque Privée Edmond
de Rothschild « UN pOiNT D’hONNEUr à rEspEcTEr lEs législATiONs fiscAlEs » Malgré un environnement réglementaire contraignant, la Banque Privée Edmond de Rothschild (BPER) continue à augmenter sa masse sous gestion, preuve de ses atouts en matière de private banking. De plus en plus intégrée au groupe financier éponyme, elle bénéficiera pleinement des compétences de ses spécialistes répartis à travers le monde, afin de mieux répondre aux attentes de sa clientèle internationale. Entretien avec Manuel Leuthold. Texte Didier Planche
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Depuis le début de l’année, l’afflux de « new money » est-il en phase avec les objectifs fixés ? En termes de volume de « new money », la progression semestrielle correspond effectivement à nos attentes et projections. Elle compense ainsi l’amoindrissement de la rentabilité, du fait de la diminution des marges. Celle-ci s’explique notamment par la crise de la zone euro, la volatilité des marchés, l’incertitude régnant sur les taux et les devises, etc. Dans ces conditions, nos clients limitent leurs investissements, préférant rester en liquide. Bien sûr, les pressions sur la place financière suisse les déstabilisent aussi, et pèsent sur ce climat assez morose, si ce n’est même délétère. En plus, les banques helvétiques se trouvent en concurrence directe avec les établissements des pays où sont domiciliés certains de nos clients, lesquels hésitent désormais entre laisser leurs avoirs en Suisse ou les rapatrier chez eux, et comparent davantage les prix des prestations et services entre les banques. Or, les coûts des établissements suisses ont augmenté en raison de l’application des nouvelles exigences réglementaires, qui nécessitent entre autres le recours à de nombreux spécialistes. Votre banque a donc parfaitement réussi à s’adapter à ce nouvel environnement réglementaire, toujours plus contraignant ? Oui, c’est le cas, surtout que la BPER parvient à convaincre ses clients de rester en conformité fiscale dans leur pays d’origine, selon leur nationalité. Cependant, nous ne pouvons pas nous substituer à eux dans cette mise en conformité de leur situation
personnelle. Notre rôle se limite donc à les y encourager vivement, d’autant plus que la BPER se fait un point d’honneur de respecter toute la législation et les règlements des pays où la banque est active, et ceux des pays de domicile de ses clients. Cet axe stratégique suppose des moyens importants en ressources humaines extrêmement qualifiées, et la pratique constante d’une veille sur les différentes législations et systèmes fiscaux en vigueur. Pour l’heure, la BPER développe surtout son activité de gestion de fortune pour une clientèle privée suisse et européenne.
Edmond de Rothschild, une appartenance au nom magique. Cette opération d’envergure vise à mieux profiter des compétences de ses professionnels spécialisés dans une multitude d’activités et à travers son réseau d’entités dans le monde, afin de répondre d’une manière plus efficiente et qualitative aux attentes de notre clientèle internationale exigeante. Cette intégration favorisera aussi des synergies essentielles, par exemple dans le domaine de la technologie informatique bancaire. Elle représente ainsi une véritable valeur ajoutée pour la BPER.
La récente ouverture d’une succursale à HongKong et celle, précédemment, d’un office de représentation à Dubaï signifient-elles que la banque souhaite désormais se positionner davantage en Asie et au Moyen-Orient, ainsi qu’en Amérique du Sud où elle est aussi implantée ? La BPER s’intéresse de très près aux marchés émergents, dont le potentiel de croissance s’avère bien réel, et où se créent beaucoup de nouvelles richesses. De plus, comme le tissu bancaire et financier y est encore en pleine évolution, il offre de nombreuses opportunités de développement pour des banques suisses. Par conséquent, la nôtre a décidé de jouer un rôle important et actif sur ces marchés prometteurs.
Le magazine Trajectoire publie son 100ème numéro. Que vous évoque ce chiffre symbolique ? Tout d’abord, je félicite l’équipe de Trajectoire d’avoir atteint le 100ème numéro de ladite publication, ce qui n’est pas une évidence compte tenu de l’évolution difficile du secteur de la presse écrite. Il s’agit là d’un parcours magnifique, qui s’étire sur vingt ans. Je me suis donc amusé à relire des archives de 1992 pour répertorier quelques événements de cette année, comme le refus d’appartenance de la Suisse à l’EEE, le Traité de Maastricht, l’élection de Bill Clinton, les Jeux Olympiques d’Albertville, etc. Finalement, l’histoire se répète, car certains dénominateurs communs resurgissent constamment. En ce qui concerne le chiffre 100, il m’évoque l’unité et la fin d’un cycle. —
compétences et synergies Quels sont aujourd’hui les grands défis de la BPER, au-delà de l’acquisition de nouveaux clients ? Il s’agit, aujourd’hui, de poursuivre et de finaliser l’intégration de la banque dans le Groupe
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On aura tout essayé, hélas, Mick Jagger n’était pas disponible pour nous recevoir, Prince non plus. Qu’à cela ne tienne... entre les festivals dans la Principauté de Monaco, la sublime ville de Salzbourg et, tout proche, à St-Prex, nous avons croisé les destins de grandes stars de la musique dite classique, tels Natalie Dessay, Roby Lakatos et la toujours surprenante Sol Gabetta. Sir Mick toujours indisponible, nous nous sommes penchés sur le cas de Madonna, en pleine tournée mondiale, sur l’actualité de Prince, légende du funk estampillée 80’s. Pour ce numéro collector, Trajectoire vous propose un tour d’horizon non exhaustif. En voici le mélodieux rapport. —
CULTES
Notes prodigieuses
MÉLODIES
Parlez-nous de votre rencontre avec Michel Legrand... Je chantonne ses chansons depuis toujours ! Mais j’étais surtout, et je reste, sa plus grande admiratrice. La rencontre s’est faite naturellement il y a trois ans avec « Peau d’âne » dont Michel Legrand avait signé la bande originale. Depuis, on ne se quitte plus car, pour moi, il n’y a pas de différence entre Mozart et Legrand, ce sont tous les deux des génies. Chanter avec un micro est une nouvelle étape, mais cela fait trois ans maintenant, et je commence vraiment à y prendre plaisir. Les textes sont forts, les mélodies exceptionnelles, j’essaie de rendre le tout le plus joli possible. Trajectoire fête ses 20 ans, un mot sur vos 20 dernières années ? Il y a 20 ans, étudiante en théâtre, je ne savais pas que je trouverais ma voix (et ma voie)… J’espère qu’elle sera encore aussi belle pendant ces 20 prochaines années ! Ce soir-là, sans conteste, les mélodies de ce répertoire unique, dont une chanson posthume de Nougaro, ont égayé le ciel étoilé du Vieux-Bourg, tamisé par une ambiance des plus romantique. —
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ICÔNES
Rock attitude Le rock est inscrit dans nos habitudes consuméristes depuis notre enfance. Pourtant, contrariant le précepte même de l’idéologie purement rock’n’roll qui sous-entend que cette mouvance libertaire induit la jeunesse et l’idée même de temps limité, certaines
icônes perdurent depuis 30 voire 50 ans.
Ces stars demeurent des légendes incontestables et ce malgré, parfois, des albums discutables voire des concerts décevants. Pourtant, de nos jours, leur aura excelle et, nostalgie oblige, émeut les fans, et ce malgré les générations. Voici quelques exemples significatifs. Texte Elisabeth Guérin
The Rolling SToneS
Cinq décennies. Cela fait, en 2012, 50 ans que le quatuor anglais persiste dans le registre sex, drug and rock’n’roll. Après des albums souvent inégaux, de vrais chefs-d’œuvre estampillés début des années 70 (« Sticky Fingers » et « Exile On Main Street »), le duo machiavélique Mick Jagger et son binôme Keith Richards, auteurs et compositeurs de tous les titres, s’amusent à bientôt 70 ans à se la jouer rebelles malgré les titres de noblesse pour l’un et les consécrations planétaires pour l’autre. 2012 devrait aussi leur permettre de continuer à émerveiller le quidam désormais quinquagénaire via des concerts barnum en stades. On est loin du « (I can’t get no) satisfaction » ânonné par un Jagger à peine trentenaire. Désormais Sir Mick Jagger, riche à millions, plusieurs fois grand-papa, le titre chanté en live prend une tournure parodique mais ce sont les Stones. Les derniers et ultimes dinosaures.
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© D.R.
BEAUTÉ
Création en ébullition Nouvelles senteurs, nouveaux maquillages, nous avons choisi de mettre en scène les produits phares de cette rentrée. Ils sont beaux comme des objets de design et gardent leurs fonctions initiale : sublimer. Texte Nathalie Raneda | Illustrations Carine Bovey
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Yves Saint Laurent Pure Chromatics Ombres à paupières Harmony N°10. CHF 79.– 2. Offecct Amazonas Table basse dessinée par Yves Saint Laurent Laque Couture Vernis à ongles Rouge Expressionniste N°32. CHF 36.– 4. Aqua di Parma Co-
Eero Koivisto. 3.
lonia Intensa, Prestige Edition, Une fragrance de caractère intensément masculine fondée sur un accord de bois-cuir. Cette eau de cologne s’ouvre sur les traditionnelles notes de bergamote de Calabre et citron de Sicile qui sont traversée par les suggestions épicées de cardamome et de gingembre. 180 ml, CHF 150.– 5. Hermès L’Ambre des Merveilles Eau de parfum. Une odeur chaude, orientale, présentée dans un flacon tout en rondeur et orné d’une pluie d’étoiles… La composition de cette nouvelle fragrance est très gourmande, entre délice et sensualité de l’ambre, de la vanille, du labdanum et du patchouli. 100 ml, CHF 182.– 6. Chanel Coco Noir Eau de parfum dont l’esprit se concentre dans son fond de bois et de notes musquées. Des passages généreux de santal, vétiver, encens, patchouli, vanille, fève tonka et note musquée se mélangent… pour une profusion enveloppante et précieuse. Déjà mythique ! 100 ml, CHF 210.–
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ESCAPADES
Balade en terre balte
Aux confins de l’Europe se trouvent trois pays peu connus et qui ne demandent qu’à l’être. Ils font table rase de leur passé proche pour mieux révéler les trésors de leur histoire ancienne. Texte Patrick Galan
Toute petite avec ses 1,3 million d’habitants, l’Estonie s’est peu à peu transformée après son indépendance en 1991. Fidèle à ses traditions moyenâgeuses, elle offre aux voyageurs un saut dans le temps unique, à des prix redoutablement intéressants. Et c’est en été qu’elle bouillonne le plus avec ses festivals de musique, ses rassemblements païens et ses manifestations folkloriques. Tallinn, nouvelle destination « citybreak » à la mode, reste encore méconnue de nos compatriotes, mais plus pour longtemps. Les amoureux de la Bretagne s’y sentiront comme un hareng dans l’eau. En effet, à l’image de Saint-Malo, cette capitale de poche est un bijou de ville fortifiée médiévale qui sait jouer de ses contrastes et surprend par son architecture chargée d’histoire (les vestiges de la période du XIIIe au XVIe sont intacts). Dans la vieille ville classée au Patrimoine mondial de l’Unesco, les terrasses sont envahies au moment des beaux jours et on y déguste une « kotlett » (côtelettes de porc frites) accompagnée de la traditionnelle bière Saku. Des nuits blanches en juin pour faire la fête et une infrastructure hôtelière de bon niveau avec de charmants boutiques-hôtels en font une destination en devenir. Attention quand même à la saison : l’hiver, on sort la parka et les gants fourrés et la nuit tombe vite. Mais les marchés de Noël sous la neige offrent une ambiance tellement féerique ! Et même si l’Estonie ne se trouve qu’à quelques degrés du cercle polaire, elle ajoute à sa forte personnalité culturelle une grande diversité naturelle attestée par ses quelque 500 îles, dont les plus remarquables sont Saaremaa et Hiiumaa. —
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Tallinn
© D.R.
EstoniE, l’originalE
Château de Trakai en Lituanie
© D.R.
lituaniE, la PoPulairE A la différence de ses voisins baltes, le pays lituanien s’est constitué autour d’un peuplement homogène, sans groupe ethnique étranger très présent. Il en ressort aujourd’hui une fière identité, une appartenance à une terre, dans sa géographie, son histoire et ses produits locaux. Pays le plus grand et le plus visité de la fratrie balte, il est le berceau du catholicisme (et aussi du basket-ball, dont l’équipe nationale est l’une des meilleures d’Europe). Ici, pas de hauts sommets (le point culminant du pays ne dépassant pas les 300 mètres), mais des plaines forestières ponctuées de lacs et de rivières. L’une des destinations de prédilection pour découvrir l’Europe centrale, très différente, de par son histoire et ses traditions de l’Europe occidentale. Dans la baroque Vilnius, capitale de la Lituanie et Capitale européenne de la culture en 2009, la liste des monuments à ne pas rater donne le tournis. Entre ses musées, son palais présidentiel, ses vieux quartiers et ses galeries de peinture, la capitale de la Lituanie est un parfait condensé de la culture balte… et du tempérament de son peuple : démonstratif et explosif. Du site archéologique de Kernavé (classé à l’Unesco) au château fort de Trakai, des lacs émaillant plaines et forêts aux dunes de Courlande, le long des 100 km de littoral sur la Baltique, Vilnius se révèle peu à peu comme une porte ouverte sur l’inattendu. Pour plus de calme, on se rendra dans la ville de Kaunas, perdue entre lacs, forêts et parcs nationaux, écrin de nature parfaitement protégé. —
Un « étage » plus bas se trouve la Lettonie. Moins exaltante que ses sœurs baltes, elle mérite tout de même un détour, ne serait-ce que pour sa drôle de spécificité : l’un des plus plats reliefs au monde. Une partie de son territoire se trouve même à 50 mètres au-dessous du niveau de la mer ! Riga, la capitale trésor de la Baltique, garde les séquelles du passé et tente de renaître de ses cendres, non sans mal. Les tensions ethniques qui la traversent lui valent une mauvaise réputation. Environ 30% de la population est russe et, à Riga, les Lettons sont minoritaires, comme dans sept des huit plus grandes villes du pays. Néanmoins, ces soubresauts mineurs ne doivent pas troubler le voyageur. Ils ne justifient en rien que l’on se prive de la découverte de cette ville fascinante par la splendeur, l’ampleur et la diversité de son patrimoine architectural. De son style Art nouveau au charme des maisons de bois restaurées de l’île Kipsala, sur la Daugava, la visite transporte dans un univers créatif en pleine renaissance. Riga, que l’on nommait « le Petit Paris » dans les années 30, considère encore notre langue comme celle de l’éducation et de l’élégance. L’âme lettone a survécu au « Soviet Time » grâce à son culte de la nature, son savoir-faire artisanal (notamment dans les domaines du lin, du tissage et de la poterie), sa créativité, sa tradition du chant choral et ses célèbres « dainas », ces poèmes chantés. Les amoureux ne manqueront pas de sceller leur union en accrochant des cadenas gravés à leurs noms aux petits ponts enjambant le Pilsetas Kanals (canal du Château). —
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lEttoniE, la sEcrètE
Riga
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DESTINATION
L’Okavango,
jardin d’Eden Cézanne disait à propos de la Provence : « Ici, on respire la virginité du monde ». J’aimerais écrire ceci à propos de l’Okavango, ce fleuve qui ne trouve jamais la mer. Si ce n’est peut-être pas l’Eden, c’est en tout cas une annexe du paradis. Lorsqu’on glisse au milieu des papyrus sur un « mokoro », petite pirogue en bois, on s’attend à chaque instant à croiser Adam et Eve... Nul doute qu’au dernier jour de la création, le décor originel devait ressembler à cette région du Botswana. Texte Patrick Galan et Siphra Moine-Woerlen Photos Jessy
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DESTINATION
C
erné par l’Afrique du Sud, la Namibie, la Zambie et le Zimbabwe, le Botswana ne possède pas d’accès à la mer, ce qui ne l’empêche pas de s’inscrire comme l’un des pays les plus prospères de l’Afrique. L’un des plus sûrs aussi, grâce à son développement économique et à sa stabilité politique. Il est le premier producteur mondial de diamants et son sous-sol regorge de cuivre, de nickel, d’argent, et d’uranium. L’exBechuanaland, devenu indépendant dans le Commonwealth en 1966, constitue l’un des derniers paradis animaliers de la planète, du désert du Kalahari au delta de l’Okavango et aux grands parcs du nord-est sur la rivière de Chobe, de la savane à la prairie et aux marais salants. C’est l’un des plus beaux endroits qu’il soit donné de voir : la plus douce des lumières, le plus prolifique des jardins où s’épanouit une immense arche de Noé africaine. C’est l’Afrique avec ses murmures, ses paysages sauvages, sa lumière étonnante… C’est une Afrique douce.
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La nature est éterneLLe Descendu des hauts plateaux de l’Angola, le fleuve Okavango achève sa course au nord du pays où il s’épanche en une inextricable mosaïque de lacs et de brousse, avant de s’évaporer dans le désert. On dit qu’il se jette dans le ciel, mais cette incroyable masse d’eau qui disparaît mystérieusement dans le sol serait suffisante pour inonder, sur 20 mètres de haut, une superficie égale à 47 fois la ville de Genève… ! L’esthétique entre les herbes et les méandres des eaux est juste incroyable. Le delta est encore l’un des derniers endroits de la planète restés vierges, où la nature se développe selon ses propres lois millénaires. Les îlots semblent flotter comme sur une peinture sur soie. Enfin, ce jardin de paradis à l’orée des sables est aussi le terrain de prédilection des « big five », les cinq grands seigneurs du bush : le lion, le léopard, le buffle, le rhinocéros et l’éléphant. Pour avoir le plaisir de tutoyer les grands fauves et le bonheur de séjourner dans l’un
des campements d’un rare raffinement (le Botswana privilégie le tourisme de luxe en même temps qu’il poursuit une politique environnementale exemplaire), le voyage se mérite. Oui, se retrouver au milieu de « nulle part » a un prix : la patience. Après votre atterrissage à l’« aéroport international » de Maun, vous continuerez votre voyage à bord d’un six-places pour arriver à votre camp. Tubu Tree Camp, du groupe Wilderness Safaris, est le premier de nos trois coups de cœur. La maîtresse des lieux vous accueillera comme un membre de la famille. La conception de l’hébergement est en parfaite harmonie avec le paysage qui vous offre d’entrée un fabuleux spectacle de la faune et de la flore africaines… Le lieu est isolé, romantique à souhait, et le lodge, qui ne propose que cinq tentes luxueuses surélevées sur des plateformes en bois, se cache sous une canopée d’arbres séculaires. « Attention, ne bougez pas, laissez passer le troupeau d’éléphants » – ambiance –. Vous
avez beau être exténué par vos 16 heures de voyage, vous restez sans voix… et ce n’est pas la première nuit en Afrique qui vous reposera. Mélange d’orage et de bruits d’animaux, le tout vous semble surnaturel… Vous restez sous la couette en attendant qu’on vienne vous réveiller, le spectacle commence. Takeno, notre guide, maîtrise admirablement son véhicule qui plonge dans d’immenses flaques. Il faut dire qu’il est né ici, sur l’île de Hunda, dans le nord-ouest. On roule… Une famille de phacochères nous accueille, alors qu’une aigrette ardoisée et un oiseau à gorge rose nous souhaitent une bienvenue prometteuse. Le concierge des marais Le monde des safaris a ses rites, ses rythmes. Le cérémonial est toujours le même. Il est 5 heures du matin, un guide frappe à votre porte tandis que la savane résonne déjà de vie. C’est en « mokoro », longue pirogue traditionnelle à fond plat creusée dans un tronc d’arbre, que nous nous enfonçons
entre des murs de papyrus faisant osciller leurs plumets soyeux. Nous surfons sur une eau transparente, l’embarcation, fragile et silencieuse, chassant les jacanas, ces petits échassiers qui trottent sur les nénuphars. Takeno, qui aime passionnément « son » delta, la dirige adroitement de sa longue perche dans des lacets sinueux. Comment se retrouve-t-il dans ce labyrinthe ? Soudain, un grognement puissant nous sort de notre délicieuse torpeur. Nous sommes au cœur de la réserve privée de Jao, véritable arche de Noé, et Monsieur l’hippopotame nous rappelle que c’est lui le concierge des marais de l’Okavango, où se côtoient éléphants, girafes, impalas, koudous, buffles, lions et gazelles uniques au monde. Le mokoro tangue un peu et oblique à l’abri vers une langue de terre assez vaste. Ne jamais provoquer un hippopotame si l’on veut éviter de transformer en rodéo une paisible promenade en pirogue ! Sur le chemin du retour, nous surprenons un léopard dans sa pose favorite, nous observant, allongé sur une branche d’arbre mort. Il
semble attendre patiemment notre passage pour apaiser sa faim. Nous sommes bien loin de la « jungle urbaine » de nos villes… Mais entre manger et se faire manger, notre choix se porte sans hésiter vers le dîner autour d’un feu, qui nous attend en contrebas du lodge, dans le « boma », cet enclos où, autrefois, les fermiers mettaient leurs bêtes à l’abri des prédateurs. A défaut de tam-tam, un coup de gong nous invite à passer à table. Un soupçon de frisson nous parcourt, les fauves ne sont jamais très loin. Puis l’obscurité tombe brutalement, comme un rideau de théâtre, et la lune dévoile une étrange rougeur inquiétante. Dans la fraîcheur de l’aube, tourterelles et aigrettes se livrent à leur concours de chant matinal, de sifflements moqueurs et de gazouillis stridents. Au somment des ébéniers et des acacias, une famille de babouins a déjà entamé sa sarabande de branche en branche. Encore trempée de brumes, la plaine est zébrée de marécages et de végétation touffue. Nous sommes tristes de devoir quitter ce lieu
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ANNIVERSAIRE
C’était en
1992…
Vingt ans de Trajectoire ! Certains m’ont dit : « Quoi ? Vingt ans déjà ? » Eh oui, déjà… ! Ils avaient l’impression d’avoir adopté Trajectoire hier. D’autres ont osé : « Vingt ans seulement ? » Ils pensaient nous lire depuis plusieurs décennies. Texte Patrick Galan | photo Carine Bovey Dans chacun des 100 numéros de Trajectoire, depuis 1992, nous voulons vous transporter au cœur du rêve, du raffinement, du luxe et de l’émotion que suscitent nos coups de projecteur sur des marques célèbres, des produits haut de gamme ou des escapades insolites. L’année 1992 a été ponctuée d’événements palpitants : ce furent les Jeux olympiques d’hiver à Albertville, la victoire des « Simpsons » sur le « Cosby Show » à la télé américaine, le début de la guerre en Bosnie-Herzégovine, l’inauguration d’Eurodisney, le dramatique accident au stade de Furiani en Corse, la sortie au cinéma de « Basic Instinct », l’assassinat du juge Falcone par la Mafia, l’ouverture du Sommet de la Terre à Rio, l’or de Marie-José Pérec aux J.O. de Barcelone et la première victoire en F1 de Michael Schumacher, l’élection de Bill Clinton comme 42ème président des Etats-Unis, la nomination de Rigoberta Menchu comme Prix Nobel de la paix, et le refus de la Suisse d’intégrer l’Espace économique européen. Mais ce fut aussi, nec plus ultra, la naissance de qui vous savez… Et pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître ! D’habitude, on éprouve du plaisir en trichant un peu sur son âge. Cette fois, c’est la fierté qui nous envahit dans ce monde de l’édition où l’on assiste à plus d’enterrements que de mariages. Pourquoi dis-je « mariage » ? Mais parce que, dans votre magazine préféré, nous avons choisi un axe particulier : celui de marier vos envies avec les plus luxueuses propositions dans tous les domaines : joaillerie, horlogerie, art, mode, beauté, gastronomie, automobile ou voyages. La notion de
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luxe n’est pas systématiquement associée à une dépense excessive et futile, et chacun en a sa propre définition. Le luxe peut se cacher dans la qualité des détails de l’art de vivre plutôt que dans l’importance du budget. Coco Chanel disait : « Le luxe, ce n’est pas le contraire de la pauvreté, mais simplement le contraire de la vulgarité ». Nous avons toujours fait en sorte que vous tourniez nos pages comme l’on ouvre une fenêtre sur une grande bouffée d’oxygène, sur des découvertes de rêve ou des coups de cœur émus. Et dans cette optique, nous n’avons jamais changé de… trajectoire ! Nous souhaitons que, pour vous, le temps s’arrête l’espace d’une lecture de Trajectoire, que vous vous immergiez avec délice dans nos lignes comme dans un rêve éveillé, que vous vous laissiez entraîner avec volupté dans des sites magiques ou insolites, que vous soyez admiratif ou envieux des montres, bijoux, vêtements ou adresses dénichés pour vous. Nous voulons continuer à partager avec vous tous ces délicieux moments de grâce qui mettent l’esprit en fête, vous faire rencontrer les personnages les plus inaccessibles de l’actualité, du show-biz, de la mode ou de la finance, et ce, malgré la morosité ambiante. Et puis, zut à la crise… ! Plutôt que de nous laisser déprimer par une conjoncture devenue folle, levons notre coupe aux 20 ans de Trajectoire… Et nous comptons sur vous pour bien fêter, en 2032, nos 40 ans ! —
5 MINUTES AVEC
André Chevalley La qualité prime ! CCette année, le Groupe André Chevalley fête ses 40 ans. Un jubilé qui exprime le parcours sans faute et exemplaire, de son fondateur,
André Chevalley.
Texte Didier Planche
« Swiss Finish »
Le permet-il à la Suisse de tirer son épingle du jeu sur le plan économique ? Si le « Swiss Finish » signifie qualité et excellence de nos produits, de nos services et de notre manière de travailler, alors oui, clairement, il est une nécessité pour que notre économie continue à progresser et à être toujours plus compétitive. Ilot au sein de l’Europe avec un coût de la vie élevé, la Suisse n’a aucune autre alternative que d’être performante dans tous les secteurs de son économie.
secteur automobile
dans notre pays ? Comment évolue le Il se porte assez bien compte tenu de la qualité du travail des garagistes suisses, reconnue loin à la ronde. J’en veux pour preuve, à titre d’exemplaire, le fait que dans le seul secteur des réparations, notre garage réceptionne aussi des véhicules de clients européens et de nombreux pays lointains, en plus de ceux de nos clients helvétiques. En ce qui concerne les ventes de véhicules neufs en Suisse, elles s’élèvent en moyenne à 300’000 par année, un quota satisfaisant, malgré les marges des garages qui fléchissent à l’image de certaines autres activités économiques. En outre, de nombreux petits ateliers de mécanique éprouvent des difficultés à s’adapter à la nouvelle vocation des garages, à savoir d’être des généralistes s’occupant certes de mécanique, mais également de marketing, d’informatique, de finance, etc. Ces douze derniers mois, 50 petites enseignes ont ainsi disparu.
Groupe André Chevalley
, qui repréImplanté à Genève et à Nyon, le sente entre autres les marques Mercedes-Benz, Bentley, Volvo, Maybach, Bugatti, Fiat, Alfa Romeo et Riva, vient d’acquérir un nouveau garage représentant Opel, Chevrolet et Cadillac. Jusqu’où ira sa croissance ? Le groupe vient en effet de reprendre le garage Grimm Frères SA, au Petit-Lancy, dans lequel nous allons investir quelque 3 millions de francs. Pour l’anecdote, j’ai effectué mon apprentissage de mécanicien dans ce garage, avant d’acquérir le nôtre avec mon épouse, en 1972. Cette acquisition est donc aussi symbolique et sentimentale. Notre groupe ne cherche pas la croissance, en tout cas pas à n’importe quel prix, mais reste ouvert à toute opportunité. « Travailler à l’établi et traire dans le bidon » demeure, cependant, notre objectif essentiel.
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numéro
ème . Une belle réussite éditoLe magazine Trajectoire publie son riale. Quelle satisfaction vous apporte votre publication? Celle de constater la qualité de chaque édition et la pérennité du titre créé jadis en colaboration avec Denis Grobet. Grâce à une équipe professionnelle et motivée, en 20 ans, Trajectoire a toujours eu pour but premier d’apporter à ses lecteurs une part de rêve et d’évasion, au travers d’articles pointus sur les voyages, l’art, l’horlogerie, la gastronomie, la mode ou encore le 7ème art... et bien entendu l’automobile ! —
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