Entretiens avec la mer

Page 1

françois chaffin — entretiens avec la mer image latente — théâtre du menteur


Ernesto Timor accompagne les créations du Théâtre du Menteur depuis plus de dix ans. Au-delà de la réalisation graphique de cet ouvrage et du travail photographique lié au spectacle, il a mené en duo avec François Chaffin un side-project singulier en écho aux Entretiens avec la mer : les Black Variations, série de courts films photographiques à retrouver sur le bonus multimédia. Image Latente jette des passerelles de papier et de pixels entre photographie et écriture. ▶ www.timor-rocks.com/image-latente


françois chaffin — entretiens avec la mer

une co-édition image latente et théâtre du menteur


J’ai le goût des homards qui sont tranquilles, sérieux, savent les secrets de la mer, n’aboient pas. Gérard de Nerval

海と — entretiens avec la mer — un spectacle du théâtre du menteur —


の対話 (france) et du théâtre kaze (japon)



Comment faites-vous pour habiter tout seul dans chaque seconde ? Est-ce que votre histoire à vous est capable de supporter le poids du temps ? Est-ce que vous étiez là hier, est-ce que demain ça vous parle ? Est-ce que vous croyez que c’est possible de vivre à plusieurs dans la même seconde ? Alignés au nez de scène, six faisceaux nets pour le spectacle de la parole. Derrière ces lumières, des panneaux d’opaline translucide. Au milieu, une estrade pour l’orchestre. Derrière encore, une salle des fêtes, quelques chaises, un bar.

¦épisode

zéro

Toutes lumières confondues, les spectateurs entrent en salle et prennent place. Les acteurs les accompagnent, circulent, parlent entre eux, s’échauffent, se changent, disposent les accessoires et les costumes, regardent les spectateurs. Parfois ils boxent au nez de scène, contre le vent, l’air du temps. Des essais sonores ponctuent ce prélude. On entend le décompte des talkies-walkies avant le début du spectacle. Round 1 (son de cloche) : — On s’en va casser quelque chose. Pas grand chose peut-être mais tenter de casser sensiblement quelque chose. Durablement ? Qui sait. Pas de retour à la normale, ou le moins possible, pas de plan B, on s’en va tordre le truc qu’il y a là, entre nous, sans qu’on se le dise, politesse et convention, qui nous tient comme une respiration, un réflexe, une distance de sécurité, toi et moi dans la courtoisie, chacun du bon côté, mais là non, on dit stop, on arrête, on se lâche la bienséance, et on s’aborde, oui, toi et moi en direct, face à face. Round 2 (son de cloche) : — On s’en va comme ça, sans carte ni papier, et sans hésiter, il y aura des déçus, des spectateurs dans les choux, des artistes au tapis, ça c’est probable, mais nous tiendrons parole, et vous le choc, ça va swinguer pas mal beaucoup, valser dans nos habitudes, toi et moi, mécréants et compagnie, parce que c’est ­commencé maintenant, toi et moi, c’est tout de suite, ça suffit comme ça, bull shit, fly shit, but only shit, il n’y a plus rien qui nous empêche, quartier libre, on se montre nos bêtes, est-ce qu’on peut quand même essayer ? Une annonce : — Un casier à bouteilles, une vingtaine de verres, du pastis, des chaises, des vêtements de tous les jours, sous-vêtements, peignoir et maillot de bain, quatre squelettes gonflables, un couteau et son fusil, un aspirateur de table, un pupitre, un parapluie, une machine à fumée, une boule à facettes, un flash, un cactus qui fait de la musique, briquets, cigarettes, une machine à café, tout l’kit, un mégaphone et du brouillard, beaucoup de brouillard ! Round 3 (son de cloche) : — C’est sûr qu’il y a toujours quelque chose qu’on peut bouger, déplacer, pour s’en aller chercher le zéro, s’approcher du vide, repartir de lui, du noir et du

7 ×


silence, et tenter de s’inventer quelques inconnus, un dialogue de toi à moi, sans accent circonflexe ni bavardages, simple, la bouche pleine du pastis des mots, le corps en notes, un face à face au vent, de purs instants, des gens qui se disent oui, c’est possible, on s’abandonne, toi et moi, on se laisse aller, on verra bien, tant pis pour nos habitudes, rien à voir avec les conventions, rien ! Une annonce : — « Entretiens avec la mer », c’est le titre ? Est-ce qu’il y aura des effets secondaires ?! Round 4 (son de cloche) : — Je crois qu’il y en a qui ne saisissent pas bien la portée de tout ce que je dis, moi-même je me dépasse, je m’espace, je m’y perds, je m’égaaaaaare. Bon, c’est pas vraiment comme au théâtre, et c’est pas nouveau, non, mais c’est nous, personne d’autre, pas d’histoire avec une grande hache, pas de mouches avec un petit cul, c’est juste un peu de temps qu’on passe ensemble, toi et moi, on est là, au bord, on va essayer ça, le coup du possible, on va… Noir général. Le nez de scène se vide. Une annonce : — J’ai deux nouvelles à vous annoncer : une mauvaise et une mauvaise. Je commence par laquelle ? Le bar est ouvert.

8 ×


¦épisode

un

Un(e) qui semble sorti(e) de la douche : — J’habite chez toi, tu ne le savais pas ? C’est toi mon camping-car. Avec toi je suis toujours à la maison. Je suis à l’abri, je roule avec toi, pas besoin des clés, non merci, je sais par où passer, je fais partie de tes meubles, je me déplace de l’intérieur, avec toi je m’en vais tranquille, démarre, putain, vas-y, démarre ! Un autoradio fait son travail, il ressemble à un cactus. Maintenant tu sais. J’écoute la musique de ton autoradio c’est moi qui choisis l’itinéraire j’avance quand tu je recule quand tu je tourne quand tu je suis de tout ton voyage à la place du passager à la place des paysages toi tu descends ta vitre et le vent passe dans mes cheveux. Maintenant tu sais. Pour toi et moi tu sais… C’est pas rien le camping-car, non ? Une voix au bar : — Il est écrit que cette voix doit se donner comme une image nette qui ferait vibrer une image fantôme ; et que la vibration du fantôme, c’est le texte lui-même. Tu comprends quelque chose à ça, toi ?

9 ×


¦épisode

deux

L’homme/La femme au cactus, comme un lapin dans les phares d’une Mustang 1967 : — Bonjour, ça va ? Bien ? Bien ?? Ah bon. Je… (geste incompréhensible) C’est compliqué pour moi de vous parler. Je veux dire en toute intimité, c’est… (geste incompréhensible) vous voyez ce que je veux dire ? (on l’entend à peine) ILS-SA-VENT-TOUT ! Quoi que je dise, quoi que je fasse, que je pense, que j’éprouve, (on l’entend à peine) ILS-SA-VENT-TOUT ! C’est pour ça que c’est pas facile, toi et moi, dans la même salle d’attente, on se comprend ? (geste incompréhensible) Bon, d’accord, toi et moi, ça n’a peut-être rien à voir, peut-être, mais (on l’entend à peine) JE-CHER-CHE-À-LES-MET-TRE-SUR-UNE-FAUS-SE-PIS-TE ! Denis, coupe le son putain, coupe le son ! J’explique. Il y a quelqu’un, là, probablement dans un fauteuil, il/elle a le même âge que moi, nous avons grandi ensemble et, depuis tout(e) petit(e), oui, depuis tout ce temps, il/elle tapetapetapetape sur sa machine à m’écrire et il/elle note tout ce que je dis, tout ce que je fais, tout ce que pense et que j’éprouve. Il/Elle me saisit comme que je respire ! Me range, m’archive, me tapetapetapetape sur sa connasse de machine à m’écrire ! Tout ce que je suis, ce que je vis, tout ce que j’aime et tout ce que je n’aime pas, je n’aime pas m’énerver par exemple, et bien il/elle l’écrit ! Je ne respire plus que pour dissimuler le bruit insupportable de cette salope de machine à m’écrire tapetapetapetape dans la tête… (geste incompréhensible) vous entendez ? (on l’entend à peine) ILS-SA-VENT-TOUT ! Et même quand je ne dis rien, quand je ne bouge plus, quand j’éteins la lumière, il/elle continue, me rature, me corrige, me jette, me recommence, sale scribe à qui j’ai dit pas plus tard qu’aujourd’hui : « Imposteur, c’est moi qui suis moi, moi et personne d’autre, l’auteur de tous mes jours, sans compter mes nuits, des nuits à bosser, à m’inventer, alors que toi, imitateur/trice, tu me piquais toute l’histoire de ma vie ! » (geste incompréhensible) Pot de pus ! Et c’est pareil pour toi, pour chacun d’entre vous. Il y a quelqu’un qui… Tapetapetapetape… Bon, je t’avais bien dit que c’était compliqué pour moi de tout te raconter, hein, je ne te l’avais pas dit ? (on l’entend à peine) ILS-SA-VENT-TOUT ! Il/Elle s’en va. Tapetapetapetape, tapetapetapetape, tapetapetapetape…

10 ×


Deux voix et brouhaha du côté du bar (l’orchestre fait son entrée, applaudissements) : — C’est commencé, là ? — Ah bon ?!

11 ×


¦épisode

trois

Chanson pour orchestre de dos et duo dérangé. L’orchestre : — Aujourd’hui j’ai frappé à ma porte Toc toc toc les trois coups de mon doigt sur le crâne Toc toc toc y a quelqu’un ? C’est moi je suis venu vivre ensemble Ouvre je sais qu’il te reste des chambres Plus on est de fous plus A : — Il y a un Machin qui est en moi. Quelqu’un qui se planque, me laisse faire le boulot, passe toute sa vie dans la mienne. Je vous en parle parce qu’il doit sortir bientôt. Alors je lui dirai bien en face : « C’est quoi ton nom, Machin, c’est quoi ton nom ? » L’orchestre : — Toc toc toc les trois coups de mon doigt sur le crâne Toc toc toc y a quelqu’un ? B : — Mon moi ne me ressemble pas. Mais alors pas du tout. Parfois il fait son intéressant dans la glace, parfois même c’est un garçon mon moi. Alors là, vous vous dites : « C’est du délire, rien de tout cela n’est possible ! » Si. Je sais de qui je parle, des années que je l’observe, je suis la spécialiste de mon moi, sa biographe ! A : — Je crois que ça l’amuse de passer incognito, de se regarder dans mes yeux, et susurrer : « You look like shit, cousin ! » B : — Parfois il arrive un peu en retard dans le miroir, mais souvent il est en avance, et je lui balance : « Tu ne perds rien pour attendre, moi aussi j’ai réfléchi, moi aussi j’ai les moyens de t’arracher les nerfs ! » A : — Parfois mon moi se déguise, en moi ou autre chose. Saviez-vous qu’il adore se déguiser en fruits et légumes ? L’orchestre : — Toc toc toc les trois coups de mon doigt sur le crâne Mais c’est inutile N’insistez pas Je ne suis pas Guignol moi Je déteste les surprises Moi toute ma vie Normalement normale Demandez à mes voisins Tous ils regardent mon jardin

12 ×


A : — Parce que vous n’allez pas en revenir mais depuis des années qu’il habite en moi, Machin a exactement le même âge que moi, eh bien depuis tout ce temps je ne sais pas son nom. Je l’ai appelé Moi, pour les commodités de notre dialogue, pour en parler aux autres, à mon médecin, à la troisième personne du singulier (singulier mon cul !), pour qu’il arrête de me bousiller l’ordinaire ! B : — Est-ce que vous voulez bien en parler avec moi ? L’orchestre : — Toc toc toc les trois coups de mon doigt sur le crâne Mais toi non Ta vie depuis tout petit Tu résistes Tu serres les dents Tu te bouches du nez des oreilles des yeux Tu coinces la tête dans ton ordinaire Tu ranges tes neurones deux par deux Tu rachètes des cadenas des étagères B : — Alors brusquement je coupe l’électricité, et lui, mon moi, il ne me voit plus, ne me ressemble plus, il fait nuit de son côté, et alors moi je danse, je danse dans ma lumière, je suis seule à danser comme ça, je suis unique, mon moi est mort et moi je danse sur son cadavre ! L’orchestre : — Alors toi oui Précipitamment Tu prends des médicaments Des bombes anti-psy De l’adhésif pour tes pensées Des balais par quantité sécurité Tu les recomptes tu les disposes Derrière ta porte close Dans les coins de ta pièce principale Ça va tu répètes tout le temps ça va pas mal Les gens du bar : — 10, 9, 8, 7… B : — Bien plus tard, quand je rallume la lumière de ma petite salle de bain, je constate que le miroir est vide. A : — N’aie pas peur, mon moi à moi ne te bouffera pas ton toi à toi, je ne lui en laisserai pas le temps. B : — Et de l’autre côté du miroir, il n’y a rien, excepté une baignoire avec à l’intérieur mon cerveau qui prend son bain, crépite dans sa petite mare céphalorachidienne. L’eau froide coule du robinet, bouillonne au contact de mes lobes, s’envole en faisant pschhhht !

13 ×


Les gens du bar : — 6, 5, 4, 3… A : — Quand il m’aura dit son nom, qu’enfin je mettrai un visage sur ce parasite, je le foutrai à poil devant un grand miroir. Mon reflet sera mon épitaphe. L’orchestre : — Toc toc toc les trois coups de mon doigt sur le crâne Alors toi tu ne bouges plus Tu tétanises partout et Le silence en silence est revenu La béance, l’absence Plus rien qui toc toc toc Ça va non mais des fois ça va pas mal B : — Et alors je comprends. Je comprends que mon cerveau se caresse en douce sans rien me dire, qu’il se branle avec de l’eau et de l’électricité, sécrète ses jus imaginaires, qu’il jouit ! B : — Oui, j’ai découvert que mon cerveau nous avait tous inventés, que nous n’existons que dans sa tête et que nous ne sommes en réalité que les vapeurs de sa baise aquatique… A et B : — Du foutre de cerveau. Voilà ce que nous sommes. Du foutre ignorant qu’il est du foutre. Inimaginable ! Les gens du bar : — 2, 1, 0… Zérooooooooo ! Applaudissements, Mesdames et Messieurs, applaudissements ! L’orchestre : — Toc toc toc les trois coups de mon doigt sur le crâne Alors toi ta porte pleine de gonds barbelés Tes combinaisons tes secrets numérotés Tes alarmes sensibles La clé de ton règlement Le paillasson de tes interdits tout Toi si clos félicitations Tu as tenu le coup Toc toc toc Ton fou resté à ta porte Toi tu voudrais fêter ça Crier victoire même un tout p’tit cri Même sauter de joie pourquoi pas hein Même rire aux éclats Mais non pas toi pas chez toi pas comme ça Même sautiller c’est un peu trop « Si quelqu’un me » Tu te dis au fond de ta psyché

14 ×


Il faut raison garder sinon Tu penses derrière tes paupières blindées Qu’en dira-t-on hein qu’en dira-t-on ? Qu’en dira-t-on hein qu’en dira-t-on ? Qu’en dira-t-on hein qu’en dira-t-on ? Noir brutal. Bruit des corps qui tombent. Le divin fait son petit tour. Dieu : — Je cite l’auteur en scène dans son dossier : « C’est la voix exhumée de nos murmures, dérangée, jaillie de nos dédales sensibles, comme autant de petits diables qui tirent la langue hors de la boîte ! Le scandale de notre psyché ! » Bla bla bla… Est-ce qu’il parle du miroir qui nous regarde ? La boîte qu’il évoque est-elle nécessairement crânienne ? Soyons précis, est-ce qu’il y en a un seul parmi vous qui ne voudrait pas être lui-même ? Non ? Rien à cacher ? Bon. Un long temps qui est un long regard. Est-ce que vous aviez prévu d’aller au théâtre, ce soir ? Une annonce : — Les acteurs qui sont morts se relèvent et sortent, la lumière de Dieu s’éteint.

15 ×


42 ×


l’aventure d’une création

43 ×


concert de mots, des noirs et puis des blancs Né des complicités qui relient le Théâtre Kaze (Japon) et le Théâtre du Menteur (France), Entretiens avec la mer [ Umitonotaiwa ] est un spectacle qui s’est créé le 20 août 2014 à Tokyo. Il a été recréé sous une autre forme (en français cette fois) à La Ferme de Bel Ébat, théâtre de Guyancourt (78) en novembre de la même année.

Entre­tiens avec la mer est un texte qui travaille deux axes : l’incer­ti­tude où nous sommes de percevoir unanime­ment la réal­ité qui nous entoure et nous façonne d’une part, et la cohab­i­t a­tion que nous entretenons au sein de notre psy­ché avec l’anormalité d’autre part ; notre part d’ombre, tout ce qui con­stitue notre inavouable jardin secret… Pour le dire sim­ple­ment, la ques­tion que tente de for­muler le spec­t a­cle serait : sommes-nous ce que nous pen­sons être ? Mais alors, qu’est-ce qui remue en nous, qu’est-ce qui nous trou­ble et nous dévie, nous penche ? Qui est cet autre qui nous habite, le mon­stre fam­i­lier que nous avons apprivoisé, plus ou moins habilement ? Com­ment racon­ter cette part du chaos qui danse avec nous ? Il faut voir et enten­dre Entre­tiens avec la mer comme le grand chahut de nos jardins secrets, la parade inquié­t ante et joyeuse de nos mon­stres intimes. Alliage de mots et de gui­t ares, le spec­t a­cle se joue à la manière d’un ora­to­r io débraillé et sen­si­ble, jailli de nos human­ités ban­cales, de nos dédales sin­guliers, comme autant de petits dia­bles nus qui tirent la langue hors de la boîte ! Un tollé au regard des con­ve­nances, des usages, de la morale ? Le scan­dale de notre psyché ?

44 ×


Texte : François Chaf­fin Tra­duc­tion japon­aise : Mai Ono Musique : Ben­jamin Cour­sier Mise en scène : François Chaf­fin avec la com­plic­ité de Ehara Sayaka Comé­di­ens pour la ver­sion française : Serge Barba­gallo, Thierry Barthe, Rebecca Bon­net, François Chaf­fin, Julien Defaye, Céline Liger, Kozo Nishi­gaki, Ai Shibuya, Yumiko Tsuji Gui­t ares sur scène : Ben­jamin Cour­sier Esthé­tique sonore : Denis Malard Esthé­tique visuelle : François Chaf­fin et Manu Robert Scéno­gra­phie et cos­tumes : Théâtre du Menteur et Théâtre Kaze Com­mu­ni­ca­tion graphique, vari­a­tions pho­tographiques : Ernesto Timor Mon­t age du pro­jet au Japon : Mino Shibazaki, Ai Shibuya Chargée de dif­fu­sion : Élodie Couraud Administration : Clément Pichard Un pro­jet coproduit par le Théâtre du Menteur, le Théâtre Kaze, l’Institut Français de Tokyo, La Ferme de Bel Ébat (théâtre de Guyancourt) et La Friche / Amin Théâtre de Viry-Châtillon. Avec les sou­t iens de la SPEDIDAM, du Théâtre Vic­tor Hugo de Bag­neux, du Théâtre Le Colom­bier / Cie Lan­gajà de Bag­no­let et du fes­t i­val Textes en l’air de Saint-Antoine-l’Abbaye. Le Théâtre du Menteur est sub­ven­tionné par la DRAC Ile-de-France, le Con­seil régional d’Ile-de-France et le Con­seil général de l’Essonne.

Répétitions photographiées en mai 2014 par Ernesto Timor à la Cavalerie, lieu de résidence du Théâtre du Menteur en Val d’Essonne. Extrait de Black Variation #3.

45 ×


balade pour un tayo* Nous sommes restés trente-six jours à Tokyo… Comme trente-six lanternes qu’il fallait allumer chaque matin, travaillant jusqu’au soir pour les souffler l’une après l’autre et s’en aller vers demain, qui toujours nous rapprochait un peu plus de la création de Umitonotaiwa, le terme japonais pour signifier Entretiens avec la mer. Six Français venus se conjuguer à une dizaine de Japonais issus de la troupe permanente du Théâtre Kaze, dans ce beau bâtiment du quartier de Higashi Nakano, proche de Shinjuku, le centre des affaires de la capitale nipponne. J’ai mis en scène ce spectacle, avec la bienveillance complice d’Eraka Sayaka et la confiance d’Asano Yoshinari, le directeur du Kaze, dans cette constante hybridation de nos langages, de nos cultures, de nos expériences humaines et professionnelles, cherchant sans relâche les moyens de créer une œuvre commune, laissant à nos corps, nos voix, nos rythmes, nos mélodies, notre semblable façon de respirer, toutes libertés pour inventer et partager un même souffle de vie. Nous n’avions que trois semaines et demie de répétitions, de onze heures à vingt heures, mais autant de « pastis time » pour conclure nos labeurs et nous retrouver chaque soir au bar du théâtre, le sourire en l’air, comme une bande qui se sentait jaillir ensemble, faire corps et cœur ensemble. * Tayo [ 太陽 ] veut dire soleil en japonais.

46 ×


Trois semaines et demie de répétitions pour s’affranchir de nos habitudes et de nos pratiques, se reconnaître peu à peu au fond de nos jardins secrets et faire un même voyage des Entretiens avec la mer ; nous, les dix Japonais et les cinq Français, en quête d’unisson dans le débraillé de nos langues emmêlées. Et puis, au bout de cette équipée, nous avons joué. Cinq représentations pour accueillir le public et sortir nos bêtes jusque dans l’escalier d’accès au plateau, pour tenter encore de secouer quelques ombres, pour montrer la peau, les dents, nos chaos intimes, à des spectateurs qui ne s’attendaient pas à cela. À des spectateurs qui se sont demandé où étaient passés l’histoire, les personnages, les costumes, le quatrième mur, tout l’kit, qui se sont interrogés sur la forme et sur le fond, mais qui sont restés longtemps avec nous après le spectacle, qui ont parlé, qui sont revenus, qui ont écrit, qui ont aimé sans comprendre, compris sans se rassurer, applaudi en se posant des questions, en se perdant un peu avec nous qui nous tenions si proches, en acceptant le verre de bienvenue que nous leur offrions… Cinq représentations et trois semaines et demie de répétitions nous ont fait aimer encore un peu plus ce théâtre que nous avons emprunté à nos existences, cet alliage Est-Ouest que nous avons forgé dans l’apprentissage d’une respiration synchrone, dans notre désir renouvelé de raconter ce qui a brûlé, ce qui brûle et brûlera longtemps au creux de nos vies. Arigato à tous ceux qui ont rendu cela possible, à Asano le directeur artistique du Kaze, à Sayaka pour m’avoir accompagné dans cette mise en scène, à tous les membres de la troupe, aux Menteurs qui ont fait le voyage, à l’Institut Français de Tokyo et aux partenaires japonais… et au tayo qui était du voyage ! François Chaffin, août 2014.

Répétitions à Tokyo photographiées en avril et en août 2014 par François Chaffin et par le Théâtre Kaze.

47 ×


48 ×


Création à Tokyo en août 2014 photographiée par le Théâtre Kaze.

Les photos de la création de la version française en novembre 2014 par Ernesto Timor sont à retrouver en ligne… ▶ www.theatre-du-menteur.com/entretiens-avec-la-mer/bonus

49 ×


La première édition de cet ouvrage comporte un tiré à part, dépliant ou affiche selon le bon vouloir du lecteur. Cette variation visuelle libre autour d’Entretiens avec la mer est à prolonger sur le web, avec les Black Variations (ensemble de 7 courts films photographiques co-signés François Chaffin et Ernesto Timor). ▶ www.theatre-du-menteur.com/entretiens-avec-la-mer/bonus

Co-édité par le Théâtre du Menteur ▶ www.theatre-du-menteur.com et Image Latente ▶ www.timor-rocks.com/image-latente Texte © François Chaffin. Édition, réalisation graphique, photographies (sauf mention contraire) © Ernesto Timor. Dépôt légal : octobre 2014. ISBN N° 978-2-910805-21-0. Achevé d’imprimer en France en octobre 2014.


« Auteur en scène » (mais aussi créa­teur lumière et pas­sionné par la musique et l’architecture sonore), François Chaf­fin a créé en 1987 le Théâtre du Menteur pour faire écho à son tra­vail d’écrivain de plateau, et pro­poser à qui voudrait bien les partager ses créa­tions comme ses ate­liers de pro­duc­tion de petites formes sen­sibles. Poé­tique autant que poli­ tique, son goût pour une langue baroque, à la croisée des usages argo­tiques, métaphoriques et quo­ti­di­ens, s’accompagne du désir aven­ tureux de révéler son écri­t­ure par sa musi­cal­ité autant que par la façon d’établir avec les spectateurs un rapport frontal et dynamique. Con­juguant l’écriture textuelle avec les arti­fices les plus tech­nologiques (vidéo, photo, MAO, cap­teurs…), l’auteur et le met­teur en scène se retrou­vent et se confondent dans une recherche où l’osmose entre le sens et la forme s’invente et se régénère par friction. ▶ www.theatre-du-menteur.com

Du même auteur La mor­sure du cit­ron, éd. Brocéliande, coll. Les Petits plis, 1994 (sélec­tion cat­a­logue Entr’acte SACD). Fig­ure aussi dans les édi­tions col­lec­tor du DVD du film de Jean-François Amiguet, Pitrerie productions, 2007. Auteurs de garde, éd. Brocéliande, 2002 (co-écriture avec Filip Forgeau et Sabine Mal­let). Les grandes bouches : petit Mec­cano prophé­tique à l’usage des mal-vivants, éd. Lans­man, 2003. Le chant des brise-si, éd. Ville de Palaiseau, 2003. Jack, éd. Le bruit des autres, 2006. La pre­mière fois que la nuit est tombée, éd. Le bruit des autres, 2007. Ni bleu ni blouse, éd. Oso­lasba, 2011. Prométhée, poème élec­trique, éd. Théâtre du Menteur, 2011 (com­prend un CD audio). À six heures, avec six sexes dans six sacs, éd. Théâtre du Menteur, 2013 (lau­réat des journées des auteurs de Lyon 2004). Richard-le-Trois, éd. Théâtre du Menteur, 2013.


海との対話 Aujourd’hui j’ai frappé à ma porte

Toc toc toc les trois coups de mon doigt sur le crâne Toc toc toc y a quelqu’un ?

Sommes-nous ce que nous paraissons ? Mais alors, qu’est-ce qui remue dessous, qu’est-ce qui nous trouble et nous dévie ? Comment raconter cette part du chaos qui danse avec nous ? Il faut voir et entendre Entretiens avec la mer comme le grand chahut de nos jardins secrets, la parade inquiétante et joyeuse de nos monstres intimes. Alliage de mots et de guitares, le spectacle se joue à la manière d’un oratorio débraillé jailli de nos humanités bancales, de nos dédales singuliers, comme autant de petits diables nus qui tirent la langue hors de la boîte ! Un tollé au regard des convenances, des usages, de la morale ? Le scandale de notre psyché ? Entre­tiens avec la mer a été créé en complicité avec le Théâtre Kaze à Tokyo à l’été 2014. François Chaffin se définit comme « auteur en scène ». Auteur de nombreux textes, dont La morsure du citron et Prométhée poème électrique, il dirige depuis plus de vingt-cinq ans le Théâtre du Menteur. Il poursuit ici son exploration sensible d’une écriture baroque, notamment par le maillage des voix et de la matière sonore, dans lequel se conjuguent les paysages visuels et l’engagement des corps.

▶ texte intégral de la pièce ▶ carnet de la création ▶ contient un poster des "Black Variations" (avec des photographies d’Ernesto Timor) ▶ accès à bonus multimédia sur Internet

Prix : 12 €

Dépôt légal : octobre 2014.


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.