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DAF CF Electric

Autonomie doublée

En ce qui concerne le développement des camions électriques, les constructeurs ne se tournent pas les pouces. Ainsi, DAF en est déjà à la troisième génération du CF Electric, avec une autonomie doublée et un bloc-batterie plus léger de plusieurs centaines de kilos, pour une charge utile plus élevée.

Le DAF CF Electric FT est un tracteur dont le moteur électrique développe 210 kW (240 kW en crête) et un couple maximal de 2 000 Nm (3 800 en crête). Sa batterie lithium-ion (LFP) a une capacité de 350 kWh (315 kWh eff ectifs) et son poids a été réduit de 700 kilos par rapport à son prédécesseur . Couplé à une semi-remorque, le CF peut tracter 37 tonnes. La combinaison que nous avons pu tester – un tracteur couplé à un city trailer à deux essieux – affi chait 26 tonnes sur la balance.

24 HEURES SUR 24

Il est temps de s’installer derrière le volant. Nous tournons la clé et découvrons que la batterie est chargée à 100 %, ce qui off re selon le constructeur une autonomie de 200 à 220 kilomètres. Nous passons en mode D et appuyons sur la pédale. Le véhicule se met en mouvement sans bruit et nous profi tons du calme et du silence qui règnent dans la cabine. Cette tranquillité augmente considérablement le confort du chauff eur, surtout à faible vitesse en ville – et c’est précisément ce pour quoi ce camion est fait. Le vendredi après-midi à Eindhoven, à la fermeture des écoles, les rues sont envahies de piétons et de cyclistes. Le camion électrique demande encore plus de vigilance dans les rondspoints et les carrefours, car les cyclistes et les piétons ne l’entendent pas arriver. Dans le trafi c urbain, le DAF CF Electric est comme un poisson dans l’eau. À chaque accélération, le chauff eur profi te du couple élevé, qui est libéré de manière contrôlée dès les premiers mètres. Au freinage – avec la manette du frein moteur à droite du volant –, on récupère de l’énergie qui vient recharger les batteries. On augmente ainsi non seulement l’autonomie du véhicule, mais on évite également de devoir trop solliciter le frein de service, ce qui prévient l’usure des freins.

La combinaison que nous avons testée affi chait un poids total de 26 tonnes au sol.

ERIK ROOSENS

Un chargeur rapide (350 kWh) permet de recharger suffisamment le véhicule en une demi-heure.

1,10 KWH/KM

À la fi n de notre essai, nous avons roulé 1 h 20 et parcouru 31,3 kilomètres à une vitesse moyenne de 23,2 km/h et la batterie affi che toujours une charge de 88 %. Selon le tableau de bord, notre consommation était de 1,10 kWh par kilomètre. Puisqu’on a utilisé 12 % des capacités de la batterie pour couvrir 31,3 kilomètres, on devrait pouvoir parcourir près de 260 kilomètres avec une batterie complètement chargée.

Gammes de camions électriques

Comme une tache d’huile…

On n’en a vendu que… quatre en 2021 dans notre pays et pourtant les camions électriques accaparent une bonne part de la communication des constructeurs. Ceux-ci sont même en train de muscler leurs gammes électriques pour laisser le moins de place possible aux nouveaux outsiders.

Volvo Trucks est le premier constructeur à ouvrir les carnets de commande pour une gamme complète de camions électriques. Dès cette année, les FL, FE, FM, FMX et FH sont commercialisés en version ‘zéro émissions’. Même si les volumes de vente resteront modestes, c’est un signal fort. Chez l’autre constructeur suédois, où les carnets de commandes sont gelés pour toutes les versions à moteur thermique, les gammes hybrides et électriques sont toujours en vente libre. C’est dire si l’année 2022 marquera peut-être le début de la véritable percée du camion électrique. Il est donc temps de décrypter les différences entre les différentes offres.

DES CHOIX TECHNOLOGIQUES DIFFÉRENTS

Ce qu’il y a de fascinant lorsqu’une nouvelle technologie arrive sur le marché, c’est qu’elle permet divers types d’expérimentation. Le cas de Mercedes-Benz est à cet égard exemplaire : les premiers prototypes d’Actros électriques utilisaient par exemple une architecture héritée des bus électriques de la marque. L’eActros lancé en série en juin 2021 utilise maintenant un essieu moteur dans le plus pur sens du terme. Cet essieu développé et fabriqué en interne par Mercedes-Benz Trucks est pourvu de deux moteurs électriques de 115 kW, accouplés à une boîte de vitesses à deux rapports qui est directement montée sur l’essieu. Mercedes-Benz est d’ailleurs le seul constructeur à utiliser cette technique beaucoup plus compacte et qui permet un gain significatif en termes de charge utile. Le nouveau venu Volta Trucks sera le premier à lui emboîter le pas avec un essieu moteur de Meritor, probablement dérivé du modèle 14Xe dont la production a débuté en décembre 2021 pour le marché nord-américain. On devrait cependant voir apparaître, dès le salon IAA Transportation, d’autres ensembles complets moteur + transmission + essieu chez les fabricants d’essieu. Par ailleurs, DAF et MAN se distinguent de la concurrence en ne montant pas de boîte de vitesses en en appliquant une réduction directement sur l’essieu moteur qui doit permettre d’abaisser le poids à vide. Scania et les deux marques de Volvo Group utilisent eux une boîte à deux rapports. Les choix technologiques diffèrent également du côté des batteries. DAF Trucks, en particulier, se distingue en n’utilisant pas des batteries lithium-ion, mais des batteries LFP (pour lithiumfer-phosphate). Le constructeur néerlandais justifie ce choix en argumentant que les batteries LFP sont plus sûres que les batteries Li-Ion et qu’elles ne contiennent pas de cobalt.

La gamme des véhicules électriques lourds chez Volvo Trucks est amenée à s’étendre rapidement d’ici la mi-2023.

Y VOIR CLAIR DANS LES

BATTERIES

Ce choix a un impact sur la consommation, et donc sur l’autonomie. A ce sujet, il faut apprendre à analyser les chiffres disponibles pour l’instant, chiffres d’autant plus rares que la consommation d’un camion électrique dépend de davantage de facteurs que celle d’un moteur thermique à cause de l’importance des phases de récupération d’énergie au freinage. La manière la plus transparente de communiquer sur la capacité des batteries consiste à donner la capacité nominale (théorique) et la capacité utilisable du pack

APERÇU DE L’OFFRE (MAI 2022)

PORTEURS

PTC Puissance du moteur Capacité des batteries Type de batterie

nominale de crête nominale eff ective t kW kW kWh kWh Puissance de charge maxi Autonomie maxi Empattements

kW km mm

Fuso eCanter 7,5 115 129 81

66 Li-Ion 50 100 3400 DAF LF Electric 4x2 19 260 370 285 252 LFP 150 280 5300, 5800 Mercedes-Benz eActros 300 6x2 19 330 400 336 291 Li-Ion 160 300 5500 Renault Trucks D E-Tech 4x2 16 130 185 264/330/396 212/265/318 Li-Ion 150 400 3800 > 6500 Renault Trucks D Wide E-Tech 6x2 19 130 185 264 212 Li-Ion 150 200 4100 > 6800 Scania BEV 4x2 19 230 295 165/300 115/210 Li-Ion 130 130/250 3950 Volta Zero 4x2 16 -250 225 150 Li-Ion 200 4800 Volvo FL Electric 4x2 16 130 200 264/330/ 396 212/265/318 Li-Ion 150 300 3800 > 6500 DAF CF Electric 6x2 29 210 240 350 315 LFP 250 250 3800, 4000, 4200, 4600, 4800 MAN eTGM 6x2 26 264 350 225 185 Li-Ion 150 190 4725 Mercedes-Benz eActros 300 6x2 26 330 400 336 291 Li-Ion 160 300 4000, 4600 Mercedes-Benz eActros 400 6x2 26 330 400 448 388 Li-Ion 160 400 4900 Renault Trucks D Wide E-Tech 6x2 26 130 185 200/265 156/212 Li-Ion 150 3900 > 6100 Scania BEV 6x2/6x2*4 29 230 295 300 Li-Ion 130 150 3950 > 5750 Volvo FE Electric 4x2, 6x2 26 225 400 200/265 156/212 Li-Ion 150 200 3900 > 6800

TRACTEURS

DAF CF Electric Volvo FM Electric Volvo FH Electric t kW kW kWh kWh kW km mm

4x2 37 210 240 350 315 LFP 250 220 3800 4x2, 6x2, 6x4 44 330/490 400/600 460/540 315/378 Li-Ion 250 380 3800, 3900 4x2, 6x2, 6x4 44 330/490 400/600 460/540 315/378 Li-Ion 250 300 3800, 3900

A cet aperçu, il faut encore ajouter le Volvo FMX Electric disponible avec les mêmes spécifi cations (moteurs, batteries) que les FM et FH Electric, mais pour lequel la gamme d’empattements disponibles n’était pas encore connue au moment de mettre sous presse.

de batteries. Tous les constructeurs ont mis à profi t les phases de test pour tenter de rapprocher les deux chiff res le plus possible. Comme sur n’importe quel appareil électrique, la durée de vie d’une batterie (que l’on exprime en nombre de cycles de recharge) dépend du moment où l’on recharge la batterie, de la durée des périodes de basse charge, du type de charge utilisée (lente ou rapide)… et de toute l’électronique que le constructeur utilise pour préserver la batterie. Plus le rapport entre la capacité nominale et la capacité eff ective est élevé, plus le constructeur prend de risque (ou en laisse prendre à ses clients). Or, que constate-t-on ? Que DAF annonce un rapport de 90 et ses concurrents un rapport situé entre 70 (Scania) et 86 (Mercedes-Benz). Ces valeurs sont toutefois données à titre indicatif : une fois qu’il y aura davantage de camions électriques en circulation, les constructeurs pourront, par une simple mise à jour à distance, augmenter la capacité eff ective des batteries. Les chiff res offi ciels relatifs à la capacité des batteries ont cependant un impact déterminant sur le plan contractuel. Les conditions d’application d’une garantie sur les batteries, par exemple, vont dépendre de la capacité restante après x kilomètres. Illustrons ceci

D’autres constructeurs vont suivre l’exemple de Mercedes-Benz qui utilise un ensemble essieu + moteur + transmission.

Renault Trucks lancera une gamme lourde électrique en 2023.

L’eActros n’est pour l’instant disponible qu’en version porteur, avec 300 ou 400 km d’autonomie.

par un exemple théorique : si les batteries d’un camion électrique possèdent moins de 70 % de leur capacité initiale (nominale ou effective ?), les conditions d’application de la garantie pourraient ne plus être réunies puisque le constructeur pourrait s’estimer obligé d’installer une nouvelle batterie. Le même raisonnement pourra s’appliquer aux contrats de leasing et au calcul de la valeur résiduelle.

AVEC OU SANS CHARGEUR À BORD

Autre diff érence marquante entre les constructeurs : la puissance de charge acceptée par le véhicule. Ou, pour utiliser une analogie issue du monde des fl uides : le diamètre du goulot. A l’exception de Scania, qui annonce pour l’instant 130 kW, la plupart des constructeurs s’accordent sur 150 kW (160 chez Mercedes-Benz). C’est suffi sant pour les porteurs utilisés en distribution : à cette puissance, une recharge eff ectuée pendant la pause règlementaire de 45 minutes permettra de retrouver facilement 100 kilomètres d’autonomie supplémentaire. Cette puissance est par contre insuffi sante pour un tracteur utilisé en transport régional. DAF (sur son CF Electric) et Volvo Trucks (FM et FH Electric) vont donc jusqu’à 250 kW. Pour rappel, les chargeurs les plus puissants actuellement installés en Belgique (John Cockerill à Seraing) font 350 kW. Les choses vont toutefois évoluer très vite. Pour augmenter l’autonomie des camions électriques et/ou réduire les temps de recharge, les constructeurs et quelques industriels ont développé un standard commun appelé MCS pour Megawatt Charging System. Le nom le dit bien : la norme serait d’un mégawatt, avec tout ce que cela implique au niveau des bornes de recharge. Scania et MAN sont les premiers à communiquer ouvertement sur ce standard, puisque le tracteur TGX électrique en cours d’essai (et promis à la commercialisation en 2024) sera compatible avec le standard MCS, alors que Scania annonce un premier modèle ‘compatible MCS’ pour la même période. Toujours sur le plan de la recharge, Scania se distingue de tous ses concurrents en plaçant la trappe qui cache les prises du côté opposé au poste de conduite. C’est peu sécurisant pour le chauff eur… et là aussi, la norme voudra très rapidement que les prises de recharge soient situées du côté gauche de la cabine (ne fût-ce que pour simplifi er le placement des bornes de recharge). Scania est également un des constructeurs qui ne fournit pas de chargeur embarqué pour la recharge lente en courant alternatif (22 kW). Comme on le voit, passé le temps des premiers balbutiements, le camion électrique se rapproche assez rapidement de la normalisation. Il subsiste néanmoins des diff érences marquées entre les marques dont les choix doivent maintenant être validés ou invalidés par les transporteurs euxmêmes (comme le placement des batteries à l’intérieur ou à l’extérieur des longerons du châssis).

CLAUDE YVENS

LES PROCHAINES NOUVEAUTÉS

• Iveco Daily électrique (2023) • MAN TGX Electric (2024) • Mercedes-Benz eEconic (2023 ?) • Mercedes-Benz eActros LongHaul en version tracteur (2024 ?) • Nikola Tre BEV (2023) • Quantron Qargo 4EV 4,5 tonnes + Quantron tracteur 4x2 (2023 ?) • Nouveaux packs de batteries plus performants chez Renault

Trucks (identiques à ceux que Volvo Trucks utilise sur ses gammes lourdes électriques FM, FMX et FH) : fi n 2022. Les

Volvo FL et FE Electric devraient aussi en bénéfi cier. • Renault Trucks C et T E-Tech (2023) • Scania commercialisera un véhicule acceptant la norme de recharge MCS en 2024 • Porteurs Volvo FM, FMX et FH Electric (à commencer par les 6×2, 6×4 et 8×4) (deuxième trimestre 2023)

Electrification des parcs

Et si on envisageait le rétrofit ?

A l’allure où les camions électriques neufs vont se vendre, il y a un gros risque de ne pas décarboner le transport routier suffisamment vite. Certains envisagent d’accélérer le mouvement en reconditionnant des camions d’occasion en camions électriques, mais le business modèle de cette opération de rétrofit n’est pas encore bien défini.

Les constructeurs de poids lourds estiment qu’ils réaliseront environ 10 % de leurs ventes avec des camions électriques en 2025, les plus ambitieux visent une part de marché de 50 % d’ici 2030 et l’arrêt total des ventes de camions diesel en 2040. D’autre part, l’âge moyen du parc roulant est élevé en Belgique (même si ce chiffre est bizarrement influencé par un très grand nombre de véhicules très âgés, voir infographie). Il est donc illusoire, à politiques égales et au vu du taux de renouvellement de flotte actuel, de réduire les émissions de CO2 du parc roulant belge suffisamment vite pour atteindre les objectifs fixés pour 2030. L’autre argument qui pèse en faveur du rétrofit n’est pas encore pertinent en Belgique : lorsque les véhicules à moteur thermique ne sont plus admis dans les centres-villes, il permet aux petites entreprises de continuer à y exercer leurs activités avec un investissement de départ moindre.

UN CADRE LÉGAL À CRÉER

D’où l’idée toute simple (en théorie) de convertir des camions d’occasion à la propulsion électrique. En utilisant comme base un véhicule partiellement ou totalement amorti, on abaisse le prix d’acquisition du véhicule et on parvient plus rapidement à un TCO favorable par rapport au diesel. Ce principe est déjà largement appliqué aux Etats-Unis mais se heurte à des questions de ré-homologation. Certains étatsmembres ont rendu le rétrofit légal, dont la France depuis le 3 avril 2020. Nos voisins du sud ont même créé une prime (allant jusqu’à à 40% du coût de la transformation, dans la limite de 50.000 euros) pour la transformation d’un poids lourd à motorisation thermique en véhicule électrique. Il est aussi possible d’homologuer des véhicules rétrofités en série.

En Belgique par contre, un véhicule rétrofité doit être à nouveau homologué individuellement à l’étranger avant d’être réimporté dans notre pays, ce qui coûte extrêmement cher. Comme le révélait le journal L’Avenir il y a quelques semaines, les gouver-

E-Trucks Europe propose en location cette benne à ordures ménagères à hydrogène via H2Rent. E-Trucks Europe a cependant cessé le rétrofit et ne livre que des camions neufs..

Le TCO d’un camion rétrofité serait de 20 à 30 % inférieur à celui d’un camion électrique neuf.

AGE MOYEN DU PARC DE CAMIONS EN BELGIQUE

18

16

14

12

10

8

6

4

2

0 Note : Selon les statistiques, l’âge moyen du parc belge est deux fois plus élevé que chez nos voisins. La Belgique semble cependant compter ses camions diff éremment, ce qui expliquerait la forte proportion de véhicules de plus de 16 ans d’âge dans les chiff res.

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 +

Porteurs Tracteurs

nements fédéral et régionaux travaillent cependant de concert pour créer un cadre juridique autour du rétrofi t. Selon notre confrère, on se dirigerait toutefois vers une homologation simplifi ée, certes (pas de crash test), mais individuelle. Cela représente un budget de 35.000 à 100.000 euros par véhicule et rendrait très diffi cile toute forme d’industrialisation.

TROIS CONSTRUCTEURS BELGES

En Belgique, le pionnier de cette activité a été E-Trucks Europe à Lommel. En 2012, elle équipait des DAF d’occasion avec sa propre ligne cinématique électrique. Aujourd’hui, après avoir livré dix camions électriques, elle est passée à la pile à combustible. Dix camions ont ainsi déjà été vendus et une trentaine d’autres sont commandés pour 2022.

« Les grands constructeurs se concentreront sur les grandes séries. Nous visons les applications de niche, où la superstructure est une grosse consommatrice d’énergie. C’est pourquoi nous commençons avec des bennes à ordures ménagères, avant de développer des modèles pour le transport frigo ou le secteur de la construction », explique Ben Cornelis (Business Developer chez E-Trucks Europe). Cependant, E-Trucks Europe ne travaille plus qu’avec des DAF neufs, tout comme Hyzon Motors aux PaysBas. « Nous avons arrêté le rétrofi t parce que cela restait cher. Et puis pour attirer les chauff eurs il faut un véhicule neuf, avec une belle cabine », justifi e Cornelis. Roy Campe, directeur technique chez CMB.Tech, n’a pas une opinion aussi tranchée. CMB.Tech s’est fait connaître avec un premier camion bi-carburant (diesel + hydrogène) assemblé sur base d’un Ford F-Max neuf, mais cet autre constructeur belge n’est pas opposé au rétrofi t : « Ce que nous voulons éviter, c’est qu’un transporteur vienne nous trouver avec trois camions de marque diff érente. Nous devons travailler sur des séries, car pour chaque type de véhicule, il faut non seulement travailler avec le constructeur pour adapter notre kit à chaque modèle, mais aussi fournir un dossier pour l’homologation, en démontrant l’eff et de notre kit sur les freins, sur la stabilité du véhicule etc… Nous créerons donc des kits pour des modèles spécifi ques, où il sera possible de travailler sur des séries plus importantes. »

Un troisième projet industriel est en train de se structurer autour de Patrick Collignon, ex-vice président de Volvo AB en Amérique du Nord. Il a fondé Trova Commercial Vehicles aux Etats-Unis et e-Trova en Belgique pour faire passer le système du rétrofi t au stade industriel. « Notre cible est le camion de transport régional, qui parcourt entre 250 et 300 kilomètres par jour. Nous partirons à chaque fois d’un camion âgé entre deux et sept ans, que nous équiperons d’une propulsion électrique soit à batteries, soit à pile à combustible », nous explique Patrick Coulier, responsable de la communication d’E-Trova. « Le camion sera aussi pourvu d’une télématique de dernière génération, mais notre plus gros atout sera le fait que nous travaillons avec des composants existants et notre concept d’industrialisation qui permettra

TCO D’UN CAMION RÉTROFITÉ

Une étude réalisée en France par l’ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) a évalué le bénéfi ce environnemental et le TCO de plusieurs types de véhicules rétrofi tés, dont un camion de 19 tonnes roulant 40.000 km/an et rétrofi té après 10 ans d’utilisation (ce qui semble beaucoup). Si le véhicule connaît une deuxième vie de 10 ans (ce qui semble aussi beaucoup), son coût kilométrique passe de 0,70 à 0,74 euro/km par rapport au maintien en vie du camion diesel sur la même période. Ce calcul part du postulat que le kit de conversion serait vendu autour de 190.000 euros (hors TVA) avec une batterie de 300 kWh.

CMB.Tech envisage le rétrofi t avec son système bi-carburant, mais uniquement pour des séries de véhicules identiques.

E-Trova est en train de développer son premier prototype, a déjà passé des accords avec Flanders Make et recherche aujourd’hui des partenaires pour passer au stade des projets-pilotes.

de réaliser la conversion en une semaine au maximum. »

E-Trova est en train de développer son premier prototype, a déjà passé des accords avec Flanders Make et recherche aujourd’hui des partenaires pour passer au stade des projets-pilotes. En avril 2022, E-trova avait déjà levé un fi nancement d’1,5 million d’euros pour la construction du premier prototype. L’objectif est de passer au stade industriel en fi n d’année 2023 et de développer ultérieurement un business modèle dont on entendra de plus en plus parler dans le monde du transport : le Truck as a Service (TaaS), une notion appelée à remiser au vestiaire la notion de leasing full service tel qu’on le connaît aujourd’hui.

CLAUDE YVENS

ET SI LES CONSTRUCTEURS S’Y METTAIENT ?

Renault Trucks est le seul constructeur à proposer une off re de véhicules reconditionnés à neuf.

Etant donné les contraintes liées à la ré-homologation et la non-rentabilité du rétrofi t en trop petites séries, ce business semble taillé pour les constructeurs. A ce stade, ils ne se bousculent pas au portillon, trop occupés, peut-être, à convaincre leurs clients d’acheter des camions électriques neufs. Seul Renault Trucks, bien qu’offi cieusement, semble montrer de l’intérêt pour le rétrofi t d’usine. Il est vrai que le constructeur français a déjà une belle expérience du reconditionnement de camions d’occasion avec sa gamme T X-Road : des tracteurs T entièrement repris en mains par la Used Trucks Factory de Bourg-en-Bresse et reconditionnés en véhicules d’approche chantier, voire en séries spéciales pour le transport routier classique.

ADVERTORIAL John Cockerill Renewables développe un hub de recharge verte et intelligente pour VPD

Le transport et la logistique doivent faire face à la forte hausse des prix des combustibles, mais ils doivent aussi tenir compte du cadre réglementaire visant à réduire les émissions. Dans ce contexte, John Cockerill Renewables - IRS (Integrated Renewable Solutions) accompagne les transporteurs dans la transition vers la mobilité verte en réduisant le coût du km électrique.

John Cockerill teste aussi des véhicules électriques au sein de la plate-forme MiRIS implantée à Seraing. Celle-ci produit et stocke de l’énergie photovoltaïque.

Les Régions, comme l’Europe entière, entendent limiter l’accès des véhicules diesel en centre-ville d’ici 2030 avec une interdiction, dès 2023, des motorisations EURO 0 et EURO 1. La transition verte est en marche et pour la faciliter, John Cockerill propose aux transporteurs une solution à la fois écologique et économique. Spécialisée dans des solutions énergétiques intégrées, la société combine l’installation d’une toiture solaire avec une batterie stationnaire et des chargeurs DC rapides (jusqu’à 350 kW). Un software intelligent (EMS) développé en interne, permet au système de fournir des kWh à un prix intéressant et surtout stable. Ainsi, le transport électrique (notamment pour le Last Mile) est totalement décarboné et plus compétitif qu’un transport basé sur des énergies fossiles.

LE TRANSPORTEUR DE L’ANNÉE EST SÉDUIT

VPD, Transporteur de l’Année 2022, est un pionnier dans le transport non-polluant. Ses clients imposent, il est vrai, des critères environnementaux très stricts et souhaitent réduire leur empreinte carbone en interdisant l’utilisation de véhicules diesel pour distribuer leurs produits. VPD a donc commandé plusieurs camions électriques qui seront livrés début 2023. Il fait aussi appel à John Cockerill qui analyse (avec le propriétaire du site) les besoins énergétiques du site et de la future flotte électrique afin d’optimiser l’infrastructure de recharge. Les camions de VPD consommeront donc de l’énergie verte à prix compétitifs produite par une toiture solaire. Les excédents de cette production, stockés dans une batterie stationnaire, permettront de recharger les camions dès leur retour sur site, et aussi de générer des revenus supplémentaires via des services au réseau.

« LE TRANSPORTEUR VA GAGNER DE L’ARGENT »

Dieter Hasevoets, Directeur de l’équipe IRS : « La transition verte dans le transport est une question écologique ET économique. Ecologique parce que les transporteurs veulent réduire leur empreinte environnementale. Economique parce que cette transition doit être financièrement supportable. Notre solution permet d’alimenter des poids lourds en électricité verte à un coût compétitif, et qui restera très stable à très long terme alors que le prix du pétrole ne cesse de grimper. Si le prix d’achat du véhicule électrique est plus élevé que celui d’un camion diesel, son TCO est plus bas, déjà aujourd’hui. Le transporteur va gagner de l’argent et sécuriser son business modèle. »

Contactez Dieter Hasevoets dieter.hasevoets@johncockerill.com pour tout renseignement complémentaire

Motorisations alternatives

Quid de l’infrastructure ?

La question de savoir quels carburants alternatifs peuvent apporter une réelle valeur ajoutée au secteur des camions est aussi pertinente que sujette à discussions. Les arguments pour ou contre sont inextricablement liés à l’aspect ‘offre et infrastructure’. Où en sommes-nous et quel chemin reste-t-il à parcourir ?

Une station à hydrogène devrait voir le jour tous les 150 km sur les routes du réseau transeuropéen du transport (RTE-T) pour les camions.

D’après une étude de McKinsey, les camions électriques deviendront compétitifs en 2029-2031, en fonction du modèle. Une hausse des ventes est attendue, mais l’infrastructure devra se montrer à la hauteur. Les exigences, tant en termes de technique que d’espace, sont tout à fait différentes de celles des voitures particulières.

Pour éviter qu’une infrastructure inadéquate ne freine l’implantation des camions électriques, un règlement spécifique a été élaboré : le règlement sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs (AFIR) a pour objectif de favoriser l’harmonisation et le déploiement de l’infrastructure de recharge (voir article suivant).

Différentes études indiquent toutefois que, dans le secteur du transport spécifiquement, l’offre doit être adaptée à l’utilisation concrète. Le dépôt est ainsi le principal point de recharge. Mais une offre complémentaire doit également être prévue à destination ou sur la voie publique.

LE GAZ COMME ALTERNATIVE

« Le gaz est actuellement l’alternative la plus appropriée pour le secteur du transport », affirme Didier Hendrickx, Public Affairs Manager chez Gas.be. « En ce qui concerne l’offre d’infrastructures, de belles avancées ont déjà été réalisées ces dernières années. Au niveau européen, environ 520 stations LNG sont ainsi disponibles. L’objectif est de franchir le cap des 2000 stations d’ici 2030, avec l’Italie, l’Espagne, la France et l’Allemagne dans le rôle des locomotives. Alors que l’Allemagne accusait encore du retard il y a 5 ans, elle s’est bien ressaisie. Sur le marché belge, nous comptons désormais 20 stations LNG implantées à des endroits stratégiques. Comme ce marché n’est pas très grand, on fait souvent le plein à l’étranger. Les besoins intérieurs en matière de nouvelles infrastructures ne sont donc pas très élevés. Idéalement, nous devrions compter 100 stations en 2030, mais 50 devraient déjà offrir une couverture confortable. » Dans quelle mesure les prix actuels de l’énergie jouent-ils un rôle ? « Le business model de cette alternative est moins attractif qu’il y a deux ans. Mais le vent tournera. N’oubliez pas qu’il faut amortir cela sur 6 à 7 ans mais ne sous-estimez pas non plus l’émergence du biogaz, provenant à 80 % de déchets agricoles. Pensez aussi au biométhane, fabriqué à partir de déchets biodégradables

Moyennant une offre élargie de points de recharge, 95 % des trajets en camion sont électrifiables.

Les prises doivent de préférence être placées du côté du chauffeur.

ou de fumier. Il va sans dire que cela contribue à l’indépendance économique. Il y a quelques semaines, la Commission européenne a annoncé vouloir investir massivement dans ce domaine pour produire un volume de biométhane correspondant à deux fois la consommation totale de gaz de notre pays. »

LE LONG TRAJET DE L’HYDROGÈNE

L’hydrogène a aussi des atouts majeurs, mais la technologie n’est pas assez implantée. La Commission européenne joue ici aussi un rôle de catalyseur en matière de développement de l’offre et de l’infrastructure, notamment à travers le Clean Hydrogen Partnership. Il s’agit d’un partenariat public-privé qui réunit le monde de la recherche, l’industrie et la Commission autour de l’hydrogène. Un programme de recherche à hauteur de 2 milliards d’euros a ainsi vu le jour. Il repose sur plusieurs piliers, notamment la production d’hydrogène et sa distribution dans l’ensemble de l’UE. Les voitures sont visées, mais la valeur ajoutée de l’hydrogène pour les camions est aussi soulignée. Pour cet objectif spécifique, 30 véhicules démo de différentes marques vont rouler sur 13 sites dans sept pays. Trente-cinq ‘vallées de l’hydrogène’ devraient aussi voir le jour dans des aéroports, des ports, des sites industriels, des hubs logistiques, etc. Ces emplacements réuniront un grand nombre de projets et différentes formes d’expertise.

ET LE PAIEMENT DANS TOUT CELA ?

« Utiliser une borne de recharge, c’est autre chose que régler ses achats à la caisse », explique Bas Bullens, Sales Manager e-Mobility chez DKV. « Le prix est rarement affiché à côté de ces bornes parce qu’il y a plusieurs parties concernées. Il y a une tierce partie entre le point de recharge et le client. Dans le cas des voitures de société, la personne qui reçoit la facture n’est généralement pas la même que celle qui a rechargé le véhicule. Tout comme le propriétaire de la borne n’est pas toujours le fournisseur d’électricité. Le prix finalement payé dépend de différents facteurs, à commencer par le type d’abonnement. Quel est le tarif appliqué ? Et quelle est la différente de coût entre une recharge rapide et une recharge normale ? Le lieu où est réalisée la recharge peut aussi avoir une influence. Jusqu’il y a 3 à 4 mois, les prix étaient relativement stables, mais ils se sont envolés avec la crise énergétique. L’électricité n’est pas sujette à des fluctuations et à des prix journaliers comme le diesel et l’essence. C’est la conséquence des contrats à long terme qui sont conclus.

En ce qui concerne le gaz, le modèle se rapproche davantage de celui d’une pompe classique. Nous achetons et vendons au client, et le prix du marché est ici déterminant. Il en va de même pour l’hydrogène, même si compte tenu de l’offre limitée, ce modèle n’en est encore qu’à ses balbutiements. »

MICHAËL VANDAMME

AFIR

Quatre lettres pour des réseaux alternatifs

C’est normalement fi n 2022 que les négociations devraient s’achever autour d’AFIR. Ce futur règlement européen est la pierre angulaire de la décarbonation du transport routier, puisqu’il fi xera des objectifs contraignants en matière d’infrastructure de recharge et de stations à hydrogène aux états-membres.

AFIR signifi e Alternative Fuels infrastructure Regulation. L’objectif de ce règlement européen est d’établir combien de bornes de recharge et de stations à hydrogène il faudra pour que la mobilité à zéro émission soit possible en Europe.

TIMING SERRÉ

Le règlement AFIR fait l’objet d’un lobbying intense de la part des diff érentes industries concernées et des organes de lobbying, chacun essayant d’obtenir davantage pour sa propre chapelle. Plusieurs lobbys semblent toutefois d’accord pour dire que la proposition mise sur la table par la Commission n’est pas assez ambitieuse et n’anticipe pas suffi samment les futures ventes de camions à zéro émissions : cette analyse est partagée à la fois par les constructeurs de poids lourds (ACEA), par le lobby environnementaliste (Transport & Environment) et par le secteur logistique (European Clean Trucking Alliance, dont on lira le blog en fi n de ce magazine, ainsi que l’IRU). Une fois que les négociations en trilogue (Commission, Parlement et Conseil) auront débouché sur un accord fi nal, chaque étatmembre saura exactement combien de stations et de bornes de recharge il devra (faire) installer sur son territoire. Et le timing sera serré, puisque la première deadline interviendra à peine trois ans plus tard. En Belgique, la situation se compliquera encore puisque ce sont les régions qui devront exécuter leur part du règlement européen, en agissant notamment sur les nouveaux appels d’off res pour l’exploitation des aires d’autoroute. Le temps va passer très vite…

Chaque état devra (faire) installer suffi samment de bornes de recharge de grande puissance.

CLAUDE YVENS

LA PROPOSITION DE LA COMMISSION

Bornes de recharge pour camions

• Réseau transeuropéen central (TEN-T) : un pool avec au moins 5 mW de puissance de charge tous les 60 km d’ici 2025, 6,5 mW d’ici 2030 ; • Réseau transeuropéen complet : un pool d’au moins 3 mW tous les 100 km d’ici 2030, 5 mW d’ici 2035 ; • Nœuds urbains du réseau TEN-T (il y en a actuellement 424 en

Europe) : 1,2 mW par centre urbain en 2025 et 3,5 mW en 2030 ; • Parkings sécurisés : au moins deux bornes d’au moins 100 kW dès 2025 et au moins cinq d’ici 2030 ; • Equiper chaque hub logistique et chaque terminal de bornes (semi-)publiques en courant continu à d’ici 2025.

Stations de ravitaillement en hydrogène

• Couverture du réseau transeuropéen central d’ici 2027 et du réseau transeuropéen complet d’ici 2030. Maximum 150 km entre les stations ; • Une station par nœud urbain d’ici à 2030.

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