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MARNIX VAN HOE, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA FEMA

« PAS BESOIN DE GRETA THUNBERG POUR METTRE LE DÉVELOPPEMENT DURABLE À L’ORDRE DU JOUR »

Pour les négociants en matériaux de construction, le transport et la logistique ne sont pas des concepts vides, mais font partie intégrante du service au client. Pour Marnix Van Hoe, directeur de la Fédération belge des négociants en matériaux de construction, la période actuelle est passionnante avec le débat sur la durabilité à l’agenda.

Michiel Leen – michiel.leen@transportmedia.be

« Le secteur des matériaux de construction a bien traversé les années Covid : les Belges ont transformé et rénové massivement, et les mesures Covid ont obligé nos clients à planifier plus précisément, ce qui a simplifié notre travail », explique d’emblée Marnix Van Hoe. « La crise ukrainienne a surgi dans la foulée et causé quelques maux de tête, notamment dans la logistique. Nous avions déjà eu un avant-goût des problèmes logistiques lorsque le porte-conteneurs géant Ever Given a bloqué le canal de Suez, et donc l’approvisionnement en matériaux de construction, pendant plusieurs jours. L’Ukraine, c’est encore autre chose. C’est incroyable la quantité de matériel provenant d’Ukraine. Les prix élevés de l’énergie constituent également un problème pour les producteurs : pour fabriquer des briques ou du ciment, il faut d’énormes quantités d’énergie, en l’occurrence du gaz. L’impact sur les prix est donc à l’avenant. Actuellement aucun produit ne présente une certitude tarifaire de plus de 24 heures, alors que nous avions l’habitude de travailler avec des contrats annuels. » « La chaîne logistique est désorganisée, les produits arrivent avec du retard. Mais je veux aussi tempérer. Que je sache, aucun chantier n’a été paralysé par une pénurie aiguë. On peut toujours trouver une alternative. Le secteur prévoit toutefois un recul à l’automne. Néanmoins, je conseille à ceux qui en ont les moyens de s’atteler rapidement à leurs projets de construction : les prix ne vont pas baisser rapidement, bien au contraire. »

En attendant les premiers camions électriques, la durabilité est au cœur des préoccupations.

FLOTTE PROPRE

Transport & Van Management : L’organisation du transport et de la logistique sont des défis plus importants que l’impact de la crise ukrainienne elle-même ?

Marnix Van Hoe : Nous ne sommes pas des transporteurs, mais avant tout des commerçants. Néanmoins, la gestion logistique fait aussi partie de notre travail. En Belgique, de nombreux grossistes ont leur propre flotte. Contrairement à nos voisins, cela semble normal chez nous. Néanmoins, l’aspect transport s’accompagne, dans la construction, de certaines spécificités.

TM/VM : Comme ?

M. Van Hoe : Tout qui transporte pour son propre compte effectue, en principe, de nombreux kilomètres à vide. Par définition, vous ne pouvez pas transporter des charges pour quelqu’un d’autre. Ainsi, 20 à 30 % de nos chauffeurs pour compte propre roulent structurellement à vide. Il n’est pas possible dans ce système d’aller chercher du fret en cours de route pour des collègues. Dans la construction, un chauffeur gagne plus que son collègue du secteur du transport. Il bénéficie des mêmes avantages que les ouvriers de la construction, tels que l’aide au prêt au logement, l’assurance hospitalisation, … Nos membres ne rechignent pas à bien payer les gens : les chauffeurs sont souvent le visage de l’entreprise et ont plus de responsabilités que leurs collègues du transport routier régulier. L’arrimage du chargement, par exemple, est beaucoup plus compliqué

Marnix Van Hoe : « En Belgique, le commerce des matériaux de construction représente un chiffre d’affaires annuel de 4 milliards d’euros. »

QUI EST MARNIX VAN HOE ?

• Diplômé en psychologie d’entreprise en 1981 • Master en Management Général,

Vlerick School en 1982 • Dès 1990, directeur commercial chez

Desimpel Bakstenen, puis directeur export chez Hanson Bricks • Administrateur de Fema/Feproma et d’Ufemat depuis 2003.

Le secteur de la construction opte de plus en plus pour la création de filiales de transport propres.

que pour le fret ordinaire. En même temps, les membres commencent à créer des sociétés de transport spécifiques afin d’organiser plus efficacement leurs transports. Mais les - rares - chauffeurs sont généralement bien au courant de la différence au niveau des avantages extralégaux.

DURABILISATION

TM/VM : La durabilisation du transport et de la logistique dans la construction estelle à l’ordre du jour ?

M. Van Hoe : Le débat sur la propulsion du futur, par exemple, anime le secteur. Mais les camions électriques sont-ils adaptés à la distribution de matériaux de construction lourds ? Et à quelle vitesse évolue la propulsion à l’hydrogène ? Nous y travaillons, mais ce n’est pas évident. Le transport fluvial est intéressant pour nous. Un grand nombre de nos itinéraires vont d’est en ouest, il y a donc du potentiel pour le transport par voies navigables. Pas moins de 6.000.000 t de matériaux de construction palettisés pourraient être transportés de cette manière. Un producteur comme Coeck à Niel traite 5.000 t de matériaux par jour dans son terminal intérieur situé près du Rupel. Cela fait beaucoup de camions. Nous sommes donc très concernés par le verdissement de nos secteurs. Même si les camions seront toujours nécessaires pour le transport vers et depuis les terminaux. La distribution urbaine évolue aussi. Il est toujours plus difficile pour les poids lourds de pénétrer dans les centres-villes. L’utilisation de vélos-cargos apporte une réponse. Mais le secteur affiche un certain conservatisme. La ‘citybox’, par exemple, n’a pas encore percé. Ce concept est emprunté à la logistique militaire, avec l’exploitation de conteneurs multifonctionnels de petit format. Une telle citybox peut également être livrée sur site avec un camion plus petit. Cela me semble convenir à la distribution urbaine, notamment parce que les rénovations par exemple ne nécessitent pas de très gros volumes de matériaux.

TM/VM : Les constructeurs de sites logistiques demandent-ils des matériaux durables ?

M. Van Hoe : Nous n’avons pas besoin d’une écolière suédoise pour savoir que nous devons être plus durables, ni d’une certification BREEAM (voir cadre). L’industrie du ciment sait que quelque chose doit changer : la production d’une tonne de ciment génère 800 kg de CO2. L’industrie de la brique expérimente actuellement des briques fabriquées à partir de CO2 et d’autres déchets. Le volume total des emballages plastiques sur le marché professionnel s’élève à 60.000 t par an, et FEMA (en collaboration avec Valipac) s’efforce de les récupérer et de les réutiliser. Notre secteur fait donc des efforts. Malheureusement, le grand public n’en est pas toujours conscient.

BREEAM ? NON, MERCI !

Les opérateurs en immobilier logistique aiment brandir la certification BREEAM lors de la réception de nouveaux projets. Marnix Van Hoe n’est pas très enthousiaste quant à ces certificats. « Le questionnaire très fin qu’implique ce certificat est un peu exagéré. Les certificats de durabilité sont devenus un modèle commercial en soi. Au fond, ce n’est pas notre affaire. ‘Achetez local’, tel est notre conseil. Vouloir être durable avec des matériaux qui viennent de Patagonie n’a pas de sens. Nous travaillons aussi à une numérisation poussée, afin que les matériaux de construction puissent être sélectionnés sur la base de leur durabilité et de leur empreinte. »

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