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LES ÉTUDES SE POURSUIVENT
Quand verra-t-on circuler des camionnettes autonomes ?
Celles-ci offrent-elles une solution pour les transporteurs confrontés à l’encombrement urbain ?
Des chercheurs des universités d’Anvers et de Bruxelles partagent avec nous leurs observations les plus récentes. Alors que Colruyt et Ziegler procèdent déjà (ou veulent procéder) à des tests grandeur nature.
Leon Goyvaerts
À mesure que la demande de livraisons augmente, la mobilité dans les centres-villes se détériore. Plusieurs chercheurs entendent décongestionner le trafic en imaginant une autre manière d’effectuer le dernier kilomètre. Selon eux, les véhicules autonomes constituent au moins une partie de la solution.
Greenlog
Dans le cadre de projets subsidiés par l’Europe, Joris Beckers, professeur de logistique urbaine à l’Université d’Anvers, étudie les applications potentielles des véhicules autonomes dans des villes telles que Gand, Malines et Louvain. « Ces véhicules prennent les formes les plus variées : des plus petits robots aux camionnettes autonomes que nous voulons par exemple tester dans le cadre de GreenLog », explique J. Beckers. GreenLog est un projet qui, en plus de villes flamandes, implique aussi Athènes, Barcelone et Oxford. Des zones à faibles émissions sont en vigueur dans les grandes villes comme Anvers et Gand. Ces zones obligeront les transporteurs à exploiter des véhicules électriques. En plus des transports plus imposants, il existe tout un groupe de ‘colis à faible densité’ selon la propre terminologie de J. Beckers. « Nous avons identifié environ 20 % du marché qui roule avec ces colis à faible densité », explique-t-il. « Cela signifie soit rouler avec un faible volume en ville, soit avec un volume élevé distribué sur toute la Flandre, mais avec une grande distance entre les arrêts. » Ce sont ces trajets qui, selon J. Beckers, justifient l’utilisation de véhicules autonomes.
ACCEPTÉ OU PAS ?
Valeska Engesser est doctorante à la VUB et a publié début février une étude intitulée Autonomous Delivery Solutions for LastMile Logistics. « L’acceptation des véhicules autonomes est une condition préalable à une implémentation réussie », déclare V. Engesser. « Il faut donc chercher à identifier les choses cruciales que les véhicules autonomes doivent faire pour nous pendant que la technologie continue de se développer. » Colruyt a récemment effectué plusieurs livraisons à l’aide d’un petit véhicule sans chauffeur. Ce véhicule a emprunté la route reliant un dépôt à une zone résidentielle voisine. « Pour le non initié, ce modèle semble être complètement autonome, mais il n’en est rien », souligne V. Engesser. J. Beckers confirme : « Les projets pilotes nécessitent souvent un chauffeur qui peut, en quelque sorte, appuyer sur start. Récemment, un test a été effectué en Espagne avec une personne à bord du véhicule, mais celui-ci a bel et bien roulé sur l’autoroute de façon totalement autonome à 90 km/h. » Il est clair que la technologie existante dans les véhicules autonomes n’a pas encore atteint ses limites.
5 NIVEAUX D’AUTONOMIE
Il faut distinguer cinq niveaux d’autonomie. Le premier niveau nécessite encore beaucoup d’interventions manuelles tandis que le cinquième est le plus avancé puisqu’il suppose une autonomie totale. Steven Soens (expert en sécurité des véhicules chez Febiac) : « Les véhicules de niveau 5 n’existent pas encore. Au niveau 4, un véhicule se débrouille dans certaines circonstances et indique bien à l’avance quand quelque chose risque de ne pas fonctionner. Au niveau 3, un véhicule roule également de manière autonome, mais il peut s’arrêter brusquement lorsqu’il ne voit pas de solution. »
Ce facteur imprévisible est la raison pour laquelle de nombreux constructeurs préfèrent sauter le niveau 3 pour passer au 4. L’autonomie testée aujourd’hui est de niveau 3 ou 2 nécessitant la surveillance permanente du véhicule. Le niveau 1 signifie que le véhicule ne peut effectuer qu’une seule action de conduite par lui-même : réguler la vitesse, accélérer ou freiner.
Comment se fait-il que les véhicules autonomes soient autorisés sur la voie publique ?
S. Soens : « Dans tous les États membres européens, y compris en Belgique, les autorités chargées de l’homologation et de l’immatriculation ont reconnu qu’il était nécessaire d’utiliser des prototypes en conditions réelles et même de les immatriculer sans être homologués. »
Le niveau fédéral et les différentes régions se sont mis d’accord sur un code de conduite qui décrit la façon de procéder avec de tels prototypes en Belgique. En tout cas, les tests avec des prototypes impliquent une sérieuse préparation. « Les tests sont effectués sous haute surveillance », assure S. Soens. « La police, les pompiers et l’administration sont impliqués. Des analyses de risques doivent être réalisées, des plans d’urgence préparés et des campagnes de communication mises en place. »
BUSINESS CASE
J. Beckers attend avec impatience un projet pilote à Oxford. « Là-bas, il s’agira d’une camionnette autonome, mais utilisée comme un hub mobile », explique j. Beckers. « C’est un business case qui peut fonctionner. » Le véhicule circulera d’un parking à l’autre pour y stationner et y être déchargé, via des vélos ou autres. « Si ce véhicule est juste garé pendant deux heures, alors un chauffeur assis à l’intérieur est inutile », explique J. Beckers. « Une solution autonome est évidemment moins chère dans ce cas. Il suffit d’avoir un seul contrôleur qui a, par exemple, quatre camionnettes autonomes sous sa responsabilité. C’est quatre fois moins cher que quatre chauffeurs se déplaçant tous avec une camionnette. »
L’utilité potentielle des véhicules autonomes ne devrait quasi plus faire de doute, selon les chercheurs. V. Engesser : « Les logisticiens veulent livrer les colis à temps et contribuer au respect de l’environnement en adaptant leurs flottes. En outre, les fournisseurs de services ressentent la pression du commerce électronique qui attend des solutions lui permettant de continuer à répondre à la demande. » Ainsi, compte tenu des attentes des clients habitant dans les centres-villes, les véhicules autonomes ne se feront plus attendre très longtemps.
Ziegler Attend
Son Premier Udelv Transporter
Ziegler a hâte de prendre livraison d’une camionnette autonome de fabrication américaine. L'année prochaine, la société bruxelloise en testera une dans plusieurs villes, en collaboration avec la Région bruxelloise, VIAS, Innoviris et la VUB. Tom Verkoelen, responsable de l'amélioration continue chez Ziegler : « Avec cette initiative, nous voulons offrir une alternative à la logistique urbaine tout en améliorant la qualité de vie dans les centres-villes. Investir et rendre nos services plus écologiques, voilà ce en quoi nous croyons chez Ziegler. »