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A CÔTÉ DES TÔLÉS, IL Y A QUOI ?
Lorsqu'on parle de véhicules utilitaires légers électriques, il est surtout question de versions tôlées. L'actualité nous montre néanmoins que les constructeurs élargissent progressivement leurs offres à des configurations carrossables même si celles-ci restent dédiées à des applications spécifiques et sont peu demandées à l'heure actuelle. Le point sur un marché confronté à de fameux défis.
Jean-Michel Lodez
Aucun constructeur d'utilitaires légers n'échappe à la vague électrique. Plutôt timide au départ, elle s'étend désormais aux trois gabarits les plus populaires pour lesquels un nombre croissant d'acteurs du marché proposent aujourd'hui des versions branchées : les fourgonnettes, les fourgons moyens et les grands fourgons. Des configurations tôlées à simple cabine en très grande majorité, mais l'offre a tendance à s'élargir à des versions carrossables. Voyons parmi les acteurs principaux du marché qui ose déjà sortir des sentiers battus ou est en passe de le faire… Avec un core business axé sur l'électrique et des propositions cohérentes qui crédibilisent cette démarche, Maxus est logiquement le premier à attirer l'attention dans cette progressive diversification. Son eDeliver3 se décline en version châssis cabine LWB alors que l'eDeliver9 en propose sur ses châssis L3 et L4 en homologation N1 et N2. Avec une base à 2165 kg bruts, elles peuvent respectivement embarquer jusqu'à 1335 et 1885 kg. « Systématiquement associés à une batterie de 69 kWh, ces châssis cabine sont peu demandés, nous confie-t-on chez Maxus. Nous avons néanmoins des projets par exemple avec Colruyt pour en équiper de caisses frigorifiques afin d'assurer la livraison de denrées alimentaires en ville. Très attentive à s'adapter aux besoins des marchés européens, notre maison-mère développe aussi un eDeliver9 double cabine qui sera commercialisé cette année en Belgique tout comme un Light Truck châssis-cabine d'un PTAC de 7500 kg doté d'une batterie de 129 kWh. »
MA PLACE DANS LE TRAFIC
Et chez les constructeurs « traditionnels » où en est-on ? Eh bien les choses commencent à bouger dans des proportions variables. Chez Renault, le Master E-Tech est livrable en châssis-cabine ainsi qu'en plancher cabine L2 et L3 en 3,5 t de MMA.
« La demande pour ces véhicules n'est pas très importante, nous confie Milan BourgeaisBoon, Product Manager LCV chez Renault Belgique Luxembourg. L'intérêt concerne les plateaux-ridelles mais pas encore les bennes basculantes, même si certains carrossiers le proposent. Il reste une certaine inconnue sur les possibilités de branchement des électro-pompes en interne ou via des batteries externes. Bref, c'est le début. »
Une situation de prémices confirmées chez Ford où l'E-Transit châssis-cabine peut désormais être commandé, la production débutant dans quelques mois.
« Le marché belge pour ce type de véhicules n'est pas encore prêt faute d'incitants fiscaux alors qu'on en trouve dans les autres pays, regrettent Patrick Van der Aa, Directeur Ford Pro Belux, et son collègue Ronny Veireman, Field Manager VU. « Nous pensons néanmoins que ces véhicules auront leur place dans les services publics comme les communes pour l'entretien des espaces verts. Ce marché reste toutefois à créer car les cahiers de charges ne vont pas souvent dans cette direction-là. Mais avec le durcissement des obligations au niveau des émissions de CO², nous sommes pratiquement certains que la demande va s'accentuer. »
PAS DE COM'
2023 est aussi l'année de l'extension de gamme pour l'lveco eDaily qui, en plus des fourgons, arrive en versions plateaux et châssis-cabine avec un panel de configurations à roues simples et jumelées pour des PTAC jusqu'à 7,2 t ainsi que la possibilité d'installer des batteries auxiliaires (ePTO) jusqu'à 15 kW permettant l'alimentation de grues, de nacelles ou d'unités de refroidissement.
De son côté, Stellantis a fait le choix des véhicules frigos que l'on retrouve dans les tarifs usine des fourgonnettes et fourgons moyens. Ces derniers existent également en double cabines L3 tout comme les grands modèles qui proposent en plus des versions grand volume avec caisse fermées polyester ou alu, des châssis cabine simple L2S, L3 et L2, des châssis cabine double L3 et des versions plancher-cabine L3 et L4. Le tout alimenté par une unique batterie de 75 kWh. Seul Fiat échappe à cette logique avec uniquement un double cabine pour l'eScudo et un eDucato dont les 4 variantes de châssis cabine sont proposées avec des packs de batteries de 47 et 79 kWh pour des MMA de respectivement 3,5 et 4t.
A côté des tôlés, l'offre s'élargit donc progressivement mais l'évolution est timide. Manque d'incitants, problèmes de charge utile, voire de conception (voir encadré),
JE T’AIME... MOI NON PLUS
autonomie limitée et prix élevé. Autant de freins qui expliquent sans doute qu'aucun constructeur ne se décide encore à réellement communiquer sur ces versions, en particulier en 3,5 t. Sur les stands du salon de Bruxelles, pas une seule d'entre elles n'était d'ailleurs exposée...
Spécialisé dans les VUL et habitué à travailler avec toutes les marques, le carrossier Cargo Lifting (Villers-le-Bouillet) ne cache pas que les demandes de transformation d'utilitaires légers électriques sont à l'heure actuelle faibles, pour ne pas dire inexistantes.
« Au-delà de l'autonomie et du coût qui restent peu engageants pour les clients, l'un des problèmes majeurs est qu'en Belgique, contrairement aux pays voisins, le pack de batteries reste compris dans la tare du véhicule, explique l'administrateur délégué, Olivier Stankiewicz. De plus, la structure-même de la plupart des VUL actuels n'a pas été développée dans l'optique d'une propulsion électrique. Pour installer, par exemple, une benne basculante, certaines marques refusent que le raccordement se fasse aux batteries d'origine. Cela implique l'ajout de batteries additionnelles. Nous nous retrouvons donc avec des véhicules qui pèsent de 2,4 à 2,6 t pour une MMA de 3,5 t. Si on ajoute une benne basculante et un coffre de cabine, on atteint un poids tel qu'on ne peut plus rien charger... Le raisonnement vaut aussi pour une caisse avec hayon qui va osciller entre 700 kg pour les ultra-légères et 850 kg. Ajoutez le chauffeur, un éventuel passager et le véhicule doit rouler à vide pour ne pas être en infraction. »
Entre les VUL électriques transformés et la classe N1, c'est donc plutôt « Je t'aime... moi non plus ». Reste à voir, d'une part, comment la législation va évoluer et, d'autre part, à quoi ressembleront les propositions que les constructeurs vont devoir mettre sur le marché dans une optique 100 % électrique.