le monde à l’écran
cannes 2015 du 6 mai au 9 juin 2015
Le Festival en bref : l’affiche, le jury, les films…
clotilde courau Entretien avec l’actrice de L’Ombre des femmes
et aussi
Stéphane Brizé, Mad Max, La Tête haute…
ARNAUD DESPLECHIN s’offre une deuxième jeunesse
no 131 – gratuit
l’h istoi r e du moi s
Shin Sang-ok
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propagandiste malgré lui
Shin et son épouse Choi, sous surveillance, à Pyongyang en 1983
enlevé par kim jong-il, il reçoit pour ordre de relancer le cinéma nord-coréen. 2
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l’h istoi r e du moi s
Chez lui, en Corée du Sud, Shin Sang-ok était l’un des cinéastes les plus populaires de l’après-guerre. Capturé par la Corée du Nord en 1978, il devient un collaborateur forcé du régime, chargé de redorer l’étoile du septième art pour le compte de Kim Jong-il. Paul Fischer raconte cette incroyable histoire dans Une superproduction de Kim Jong-il, un livre en forme d’enquête qui montre combien le cinéma peut être une arme de propagande massive.
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PAR BERNARD QUIRINY
Affiche de Pulgasari (1985), le dernier film que Shin réalisa en Corée du Nord
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Shin sur le tournage de Mission sans retour (1984)
yongyang, 6 mars 1983. Kim Jong-il, tout sourire, organise une fastueuse réception afin de présenter son nouveau « conseiller en cinéma », M. Shin Sang-ok, ainsi que son épouse, Mme Choi Eun-hee. Il y a des centaines d’invités dans la salle, tous arrivés dans une Mercedes du régime. Les plus étonnés sont M me Choi et M. Shin, qui reviennent de loin. Mme Choi, kidnappée à HongKong en 1978, a passé cinq ans en résidence surveillée. M. Shin, son mari, a été enlevé puis emprisonné en camp de rééducation. En Corée du Sud, leur pays, ils étaient des vedettes : elle actrice, lui réalisateur, ils avaient connu d’immenses succès après la guerre. Shin, directeur d’une société de production employant trois cents personnes, sortait plusieurs films par an. Il avait introduit en Asie l’usage du Cinémascope, du Technicolor et de l’objectif 13 mm ; doté d’une curiosité sans limite, il touchait à tous les genres, adaptant Une vie de Guy de Maupassant un jour, tournant un film de monstres le lendemain. Sa cote avait certes baissé dans les années 1970, en raison de difficultés financières et de démêlés avec l’administration de Séoul, mais jamais il n’aurait imaginé le tournant de sa carrière : enlevé par Kim Jong-il, il reçoit pour ordre de relancer le cinéma national, de
développer les exportations de films et de faire du septième art nord-coréen le meilleur outil de propagande pour le régime. Sinon ? La mort. NAVETS HAGIOGRAPHIQUES
De cette incroyable histoire, le producteur américain Paul Fischer a tiré Une superproduction de Kim Jong-il, une enquête racontée comme un roman, basée sur les témoignages des intéressés et sur de nombreux documents. Kim Jong-il, passionné de cinéma (sa collection a longtemps été l’une des plus riches du globe), s’est toujours cru un producteur génial. À la tête des studios d’État, il a commandé des dizaines de navets hagiographiques exaltant les valeurs patriotiques (Le Destin d’un soldat des forces d’autodéfense, Le Chant de la camaraderie, De retour au front, etc.), obligatoirement projetés à la population et suivis de débats éducatifs. Hélas, la piètre qualité de ces réalisations et leurs contraintes de mise en scène (« Pour les besoins de la propagande, le soleil ne pouvait briller que sur la Corée du Nord, alors que la Corée du Sud et le Japon devaient être invariablement représentés sous une pluie battante et de préférence la nuit », lit-on dans le livre) en faisaient la risée des festivals où ils étaient projetés, même à l’Est. D’où l’idée d’embaucher un professionnel comme Shin pour lui faire réaliser des films le couteau sous la
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Choi aux côtés de Marilyn Monroe à Séoul, en 1954
Shin et Choi entourant Kim Jong-il en mars 1983
Shin et Choi aux États-Unis en 1986, quelques jours après avoir retrouvé la liberté
shin a-t-il été une vraie victime, ou un zélateur à demi-consentant ? gorge. Ce dernier, dont la carrière au Sud commençait à patiner, a pu y voir une aubaine. D’autant que Kim, généreux, lui avait ouvert des crédits illimités… De là l’ambiguïté de son séjour à Pyongyang : Shin a-t-il été une vraie victime, ou un zélateur à demi-consentant ? RÉGIME PARANOÏAQUE
Pour Fischer, la réponse ne fait aucun doute : malgré les rumeurs, Shin et Choi ont bien été forcés de collaborer. Shin tournera sept longs métrages sous la tutelle de Kim Jong-il, révolutionnant le cinéma nord-coréen. Fini les péplums nationalistes et larmoyants ! Grâce à lui, le pays découvre la comédie romantique, la comédie musicale, et même les films d’arts martiaux. À sa manière, Shin contribue à ouvrir sur le monde les yeux de foules jusqu’alors repliées sur elles-mêmes. Miracle, certains films comme Le Sel sont même applaudis par la critique étrangère, et primés dans des festivals ! Pour autant, Shin ne perd pas de vue son objectif : s’évader. Il y parvient, en 1986, à l’âge de 62 ans, lors d’un séjour à Vienne, en échappant à ses gardiens pour se réfugier à l’ambassade américaine. Aussitôt, son nom disparaît du générique de ses films. Brisé par ces
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années de captivité, le cinéaste tentera sans succès une troisième carrière à Hollywood. Sa participation au jury du Festival de Cannes en 1994 sera son dernier moment de gloire, lui qui avait été adulé par des millions de spectateurs dans les années 1960. Le régime nord-coréen l’aura brisé, en transformant son art en outil de propagande. Le plus incroyable, explique Fischer, c’est au fond que la réalité entière, en Corée du Nord, est devenue un film. « Le spectacle a quitté le grand écran pour s’immiscer dans la réalité. Les touristes qui se rendent aujourd’hui en Corée constatent que les métros ne roulent que pour impressionner les visiteurs. Les étals de fruits, de fleurs et de plats qui ornent les trottoirs ne sont que des éléments de décor. » Au-delà de l’histoire de Shin, c’est l’aspect le plus glaçant de ce livre passionnant : un pays entier transformé en décor, comme un film XXL qui durerait depuis soixante-dix ans. « Une révolution est à l’œuvre. Le spectacle doit continuer. L’écran ne peut pas virer au noir. » Une superproduction de Kim Jong-il de Paul Fischer, traduit de l’anglais (États-Unis) par Lucile Débrosse, Thierry Piélat et Isabelle Taudière (Flammarion)
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Sommaire
Du 6 mai au 9 juin 2015
entretien
À la une… 31
compte-rendu
Clotilde Courau
Dans L’Ombre des femmes de Philippe Garrel, présenté en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs, elle joue Manon, l’épouse trompée d’un documentariste fauché. L’actrice irradie dans ce rôle de grande amoureuse, apportant au film une luminosité et une fraîcheur désarmantes.
© philippe quaisse ; antoine doyen ; flavien prioreau ; nord-ouest films - arte france cinema ; © 2015 wv films iv llc and ratpac-dune entertainment llc - u.s., canada, bahamas & bermuda © 2015 village roadshow films (bvi) limited - all other territories ; photo © jasin boland ; photograph credit fiona garden. background image by antonio zarli ; harry gruyaert/magnum photos
en couverture
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Festival de Brive Portée par sa nouvelle déléguée générale, cette 12e édition du précieux festival de moyens métrages a célébré la cinéphilie dans une atmosphère conviviale.
portrait
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Benjamin Crotty Dans Fort Buchanan, le réalisateur américain suit une communauté de maris et d’épouses attendant que leurs chers et tendres reviennent du front.
Arnaud Desplechin
Dans Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle), Paul Dédalus (Mathieu Amalric) traversait une crise dans sa vie et dans son couple avec Esther (Emmanuelle Devos). Dans Trois souvenirs de ma jeunesse, présenté à la Quinzaine des réalisateurs, Paul se souvient : des fantômes de son enfance, de ses frasques adolescentes et de ses amours ardentes. Délaissant son théâtre d’adultes cyniques et névrosés pour explorer celui d’une jeunesse encore pure et exaltée, Arnaud Desplechin trouve un souffle romanesque bouleversant.
décryptage
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portfolio
Mad Max La destinée de la saga Mad Max est une aventure en soi. À l’occasion de sa renaissance sur grand écran avec Mad Max. Fury Road, retour sur le parcours sinueux des aventures du Guerrier de la route.
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entretien
Stéphane Brizé Derrière son titre implacable, La Loi du marché, en Compétition officielle à Cannes, dresse le portrait intime d’un chômeur de longue durée qui tente de trouver sa place dans un système économique vicié.
rencontre
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Django Django Born Under Saturn confirme la place de la formation en première division de la pop actuelle. Rencontre avec quatre garçons dans le vent qui ont convoqué les esprits du passé pour enchanter notre présent.
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Harry Gruyaert Le photographe belge est devenu, dans les années 1970, l’un des premiers artistes à poser un regard critique sur la télévision, mais aussi à s’intéresser à la photographie couleur. Il expose sa série TV Shots à la galerie Cinéma.
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… et aussi Du 6 mai au 9 juin 2015
© 1969 studiocanal - fono roma ; collection christophel ; musée du quai branly, photo gautier deblonde ; raymond voinquel
L’histoire du mois 2 Shin Sang-ok, propagandiste malgré lui Édito 11 La répétition Le Festival en bref 12 L’affiche, le jury, les films qu’on attend, les jeunes acteurs à suivre, les polémiques… Les actualités 16 Peter Watkins, Xavier Dolan, Retour vers le futur, Jackie Chan l’agenda 26 Les sorties de films du 6 mai au 3 juin 2015 histoires du cinéma 31 L’Armée des ombres de Jean-Pierre Melville p. 34, Ce que femme veut p. 42
les films
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cultures
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La Tête haute d’Emmanuelle Bercot p. 61 // Hyena de Gerard Johnson p. 62 // Les Terrasses de Merzak Allouache p. 66 // Titli. Une chronique indienne de Kanu Behl p. 66 // Refugiado de Diego Lerman p. 70 // Los Hongos d’Oscar Ruíz Navia p. 74 // Loin de la foule déchaînée de Thomas Vinterberg p. 78 // Manos Sucias de Josef Wladyka p. 78 // La Porte d’Anna de Patrick Dumont et François Hébrard p. 80 Les DVD 84 M le Maudit de Fritz Lang et M de Joseph Losey, ainsi que la sélection du mois
L’actualité de toutes les cultures et le city guide de Paris
trois couleurs présente 108
« Les Maîtres de la sculpture de Côte d’Ivoire », « Piaf », Rock ’n’ Philo
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é dito
La répétition PAR JULIETTE REITZER
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n prend les mêmes et on recommence. Près de vingt ans après Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle), Arnaud Desplechin retrouve le héros du film, Paul Dédalus, et son interprète, Mathieu Amalric, pour Trois souvenirs de ma jeunesse. En tout, l’acteur et le cinéaste ont fait six films ensemble. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, à lire page 44, Desplechin raconte : « Quand j’ai proposé à Mathieu le rôle pour Rois et Reine, il m’a répondu que si c’était quelque chose que l’on avait déjà fait il refuserait. » Se répéter pour mieux se réinventer, c’est un refrain bien connu des acteurs. À l’affiche du nouveau film de Philippe Garrel, L’Ombre des femmes, Clotilde
Courau nous a détaillé l’approche du réalisateur, adepte des longues répétitions : « Petit à petit, à force d’essayer de mettre les mots en bouche, c’est comme une seconde peau qui s’installe. » Une méthode déjà prisée par Robert Bresson, et qui semble se transmettre, une génération de cinéastes après l’autre : Desplechin et Garrel se disent tous deux disciples de François Truffaut, lui-même fervent admirateur de Jean Renoir. Dans un fascinant documentaire daté de 1968, visible sur Internet et sobrement intitulé La Direction d’acteur par Jean Renoir, ce dernier se prête à une simulation de son travail d’entraînement des comédiens. On y voit un personnage de fiction apparaître progressivement sous les traits de l’actrice Gisèle Braunberger, à mesure que Renoir, inlassable, lui répète : « On va recommencer. Lisez encore une fois. »
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le fe stival e n bre f
cannes 2015 Avant le début des festivités, on vous dit tout ce qu’il faut savoir sur la 68e édition du Festival de Cannes. Et du 13 au 24 mai, on couvrira l’événement, ses films, ses fêtes et ses paillettes, en direct de la Croisette, sur troiscouleurs.fr. par la rédaction
Europe : 11
Cinéma sans frontières ?
Les Français sont les mieux représentés (Jacques Audiard, Stéphane Brizé, Valérie Donzelli, Maïwenn, Guillaume Nicloux), suivis par les Italiens (Matteo Garrone, Nanni Moretti, Paolo Sorrentino). Les autres Européens sont originaires de Grèce (Yórgos Lánthimos), de Hongrie (László Nemes) et de Norvège (Joachim Trier).
Tour d’horizon de l’origine des réalisateurs sélectionnés en Compétition officielle.
compétition
LES FILMS QU’ON ATTEND Dix-neuf films sont en compétition pour la Palme d’or. Louder Than Bombs de Joachim Trier Le réalisateur d’Oslo. 31 août (2011) filme les douloureuses retrouvailles, des années après son décès, des proches d’une photographe de guerre.
The Lobster de Yórgos Lánthimos Dans un futur proche, les célibataires qui ne trouvent pas l’âme sœur sont transformés en l’animal de leur choix. Par le réalisateur de Canine.
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Mountains May Depart de Jia Zhang-ke Jia Zhang-ke (A Touch of Sin) signe une épopée familiale qui nous embarque de la Chine des années 1990 à l’Australie des années 2020.
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The Sea of Trees de Gus Van Sant Dans une forêt du Japon, un homme qui veut se suicider doit venir en aide à un homme qui, lui, veut survivre. Deuxième Palme d’or pour Gus Van Sant ?
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Amérique du Nord : 3
On compte deux cinéastes américains, déjà sélectionnés par le passé, en Compétition : Todd Haynes avec Carol et Gus Van Sant avec The Sea of Trees. C’est en revanche la première fois que le Canadien Denis Villeneuve montera les marches avec Sicario.
Asie : 3
Amérique du Sud : 1
Le Mexicain Michel Franco est le seul Sud-Américain sélectionné en Compétition officielle avec Chronic. Son compatriote David Pablos concourt lui dans la catégorie Un certain regard, tout comme le Colombien José Luis Rugeles Gracia.
Océanie : 1
Après Les Crimes de Snowtown, présenté à la Semaine de la critique en 2011, l’Australien Justin Kurzel est sélectionné pour la première fois en Compétition avec Macbeth. Son compatriote George Miller présentera son Mad Max. Fury Road hors Compétition.
Afrique : 0
Absents de la Compétition, les cinéastes africains sont à chercher du côté des Séances spéciales (Oka du Malien Souleymane Cissé) et de la sélection Un certain regard (Lamb, premier film de l’Éthiopien Yared Zeleke). C’est la première fois qu’un film éthiopien est sélectionné à Cannes.
© dominique charriau / wireimage
Tête d’affiche
La 68e édition du Festival prend les traits d’Ingrid Bergman. Sa fille Isabella Rossellini, également actrice, présidera le jury de la section Un certain regard et assistera à une projection et à un spectacle en hommage à sa mère pour le centenaire de sa naissance.
Les frères Coen à Cannes en 2013 pour Inside Llewyn Davis
Deux pour le prix d’un Pour la première fois dans l’histoire du Festival, le jury de la Compétition officielle est présidé par deux personnes. Les frères Coen, Joel et Ethan, sont des grands habitués de la Croisette. Ils y ont décroché la Palme d’or et le Prix de la mise en scène en 1991 avec Barton Fink, un deuxième Prix de la mise en scène avec Fargo en 1996 et un troisième en 2001 avec The Barber. L’homme qui n’était pas là, avant de recevoir le Grand prix du jury pour Inside Llewyn Davis en 2013. Ils tournent actuellement la comédie Hail Caesar! À leur côté, dans le jury, on trouve la musicienne malienne Rokia Traoré, l’actrice espagnole Rossy de Palma, le réalisateur et acteur canadien Xavier Dolan, l’actrice britannique Sienna Miller, le réalisateur mexicain Guillermo del Toro, l’actrice française Sophie Marceau et l’acteur américain Jake Gyllenhaal.
© fdc / lagency / taste paris / ingrid bergman © david seymour / estate of david seymour - magnum photos ; araya diaz / wireimage
S’ils ne sont que trois en Compétition – le Taïwanais Hou Hsiao-hsien, le Chinois Jia Zhang-ke et le Japonais Hirokazu Kore-eda –, neuf cinéastes asiatiques sont sélectionnés à Un certain regard, dont le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul et le Philippin Brillante Mendoza.
la phrase de…
Xavier Dolan
« JE FAIS DES FILMS QUAND ÇA ME BRÛLE, QUAND ÇA ME CONSUME TROP DE RESTER CHEZ MOI À ME BRANLER DEVANT UNE PHOTO DE JAKE GYLLENHAAL. » À la sortie de Mommy, Xavier Dolan avait déclaré sa flamme dans un entretien aux Inrockuptibles. Cette année,il côtoie justement l’acteur dans le jury.
un certain regard
les films qu’on attend An, de Naomi Kawase, ouvre cette programmation de la Sélection officielle, qui rassemble dix-neuf films. Vers l’autre rive de Kiyoshi Kurosawa Trois ans après sa disparition en mer, le fantôme d’un homme rend visite à sa veuve et l’entraîne dans un long voyage.
Taklub de Brillante Mendoza Le réalisateur de Kinatay (Prix de la mise en scène en 2009) chronique la survie de la population philippine après le passage du typhon Yolanda, en 2013.
Le Trésor de Corneliu Porumboiu Le cinéaste roumain (12h08 à l’est de Bucarest) suit deux hommes en quête d’un trésor dans la Roumanie contemporaine.
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Cemetery of Splendour d’Apichatpong Weerasethakul Palme d’or pour Oncle Boonmee… en 2010, le Thaïlandais revient avec l’histoire d’un soldat souffrant de la maladie du sommeil.
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CANNES 2015 EN CHIFFRES
C’est le nombre d’années qu’il a fallu attendre pour que le film d’une réalisatrice ouvre à nouveau le Festival. La Tête haute d’Emmanuelle Bercot succède ainsi à Un homme amoureux de Diane Kurys.
C’est le nombre de film en 3D projeté lors de cette 68e édition (Love de Gaspar Noé).
En minutes, c’est la durée des Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, plus long film présenté, en trois épisodes, cette année au Festival, en l’occurrence à la Quinzaine des réalisateurs.
C’est le nombre total des longs métrages présentés en 2015, en additionnant ceux de la Sélection officielle, de la Quinzaine des réalisateurs, de la Semaine de la critique et de l’ACID ainsi que les films projetés en ouverture, en Séances spéciales, en Séances de minuit et hors Compétition.
C’est le nombre de réalisateurs en Compétition qui ont déjà reçu la Palme d’or : Nanni Moretti pour La Chambre du fils (2001) et Gus Van Sant pour Elephant (2003).
3 polémiques annoncées Le Fils de Saul de László Nemes, en Compétition officielle, suit un prisonnier juif hong rois forcé de travailler comme supplétif dans un crématorium du camp d’Auschwitz. « Ce film fera parler », a prédit Thierry Frémaux, délégué général du Festival, pendant la conférence de presse. ©d. r.
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G a s p a r No é présentera Love en Séances de minuit. Un film qui, selon son auteur, cherche à « faire bander les mecs et à faire pleurer les filles », ainsi que l’a rapporté son producteur Vincent Maraval dans un entretien au magazine britannique Screen Daily. Les affiches ont déjà suscité de vives réactions.
Sur slate.fr, fin avril, le critique Jean-Michel Frodon a fustigé la présence toujours plus massive des films français dans les différentes sections du Festival de Cannes – ils représentent un quart des films sélectionnés cette année, sans compter ceux de l’ACID. Trop chauvins, les sélectionneurs ?
quinzaine des réalisateurs LES FILMS QU’ON ATTEND
Cette sélection parallèle non compétitive rassemble cette année dix-sept longs métrages. Le Tout Nouveau Testament de Jaco Van Dormael Dieu existe, il est belge, c’est un sale type et il est incarné par Benoît Poelvoorde dans cette comédie diabolique.
Les Mille et Une Nuits de Miguel Gomes Le réalisateur de Tabou (2012) propose une relecture en trois épisodes des fameux contes à la lueur de la crise contemporaine portugaise.
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Yakuza Apocalypse. The Great War of the Underworld de Takashi Miike Kamiura est un chef yakuza, mais c’est aussi un vampire : sa peau est trop sensible pour être tatouée.
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Mustang de Deniz Gamze Ergüven Le premier film de cette cinéaste turque passée par La Fémis suit le parcours initiatique de cinq sœurs en quête de liberté dans la Turquie contemporaine.
© philippe quaisse
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la phrase de… Thierry Frémaux
« CES HORRIBLES SELFIES PROVOQUENT UNE DÉSORGANISATION FORMIDABLE. » Le délégué général a d’abord annoncé l’interdiction des selfies sur le tapis rouge, avant de revenir sur ses propos lors la conférence de presse du Festival.
3 talents à suivre
Antonythasan Jesuthasan
En 2009, Jacques Audiard révélait Tahar Rahim. Dans Dheepan… En sera-t-il de même avec cet acteur non professionnel tamoul ?
Rod Paradot
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Dans La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, il joue un ado à problèmes et devrait s’imposer comme la tête brûlée de ce Festival.
Cosmodrama de Philippe Fernandez
les trips de l’acid
Thomas Bidegain
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l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion projette chaque année à Cannes des films audacieux qui n’ont généralement pas encore trouvé de distributeurs. Neuf films sont en sélection cette année, dont certains qui mettent l’eau à la bouche. Cosmodrama de Philippe Fernandez, sur des scientifiques perdus dans l’espace et emmenés par Jackie Berroyer, s’annonce comme un trip philosophique à la sauce SF eighties. Le pitch de Gaz de France de Benoît Forgeard, avec Philippe Katerine, nous laisse tout aussi rêveurs : dans la France de 2020, une réunion secrète se tient à l’Élysée pour trouver comment remonter la cote de Bird, le président de la République. Le Suisse Lionel Baier présentera La Vanité, annoncé comme une comédie : l’histoire d’un homme malade qui fait appel à une association d’aide au suicide.
Scénariste de Jacques Audiard, il présente son premier long métrage, Les Cowboys, avec François Damiens et John C. Reilly, à la Quinzaine des réalisateurs.
semaine de la critique LES FILMS QU’ON ATTEND
La section parallèle du festival accueille cette année neuf longs métrages. Krisha de Trey Edward Shults Absente depuis dix ans, Krisha retrouve sa famille pour Thanksgiving. La tension augmente à mesure qu’elle lutte pour contenir ses démons.
Ni le ciel ni la terre de Clément Cogitore Chargés de surveiller une zone reculée d’Afghanistan, des soldats occidentaux perdent le contrôle et disparaissent mystérieusement.
Paulina de Santiago Mitre En Argentine, une jeune enseignante est agressée par ses élèves, mais décide de poursuivre la mission pédagogique qu’elle s’est fixée.
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Mediterranea de Jonas Carpignano Arrivé clandestinement en Italie depuis le Burkina Faso, Ayiva fait face à des tensions de plus en plus vives avec la population locale.
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Les actualités Par Julien Dupuy, Quentin Grosset, Julie Michard, Timé Zoppé et Etaïnn Zwer
> l’info graphique
Il n’est jamais trop tard pour bien faire Le site Internet Mentorless a publié en avril dernier une amusante infographie illustrant ce célèbre adage. On y découvre qu’un certain nombre de réalisateurs – et non des moindres – ont pris leur temps avant de révéler à la face du monde toute l’étendue de leur talent. Certains, comme Michael Haneke et Claire Denis, avaient 40 ans passés lorsque leur premier long métrage est sorti (47 ans pour le premier, 42 ans pour la seconde). N’est pas Xavier Dolan qui veut.
Michael Haneke (Le Septième Continent, 1989)
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Maurice Pialat (L’Enfance nue, 1969)
43
Claire Denis (Chocolat, 1998)
42
Ridley Scott (Les Duellistes, 1977)
39
Steven Soderbergh (Sexe, mensonges et vidéos, 1989)
26
Louis Malle (Le Monde du silence, 1956)
23
Xavier Dolan (J’ai tué ma mère, 2009)
20 10 ans Âges des réalisateurs
20 ans
30 ans
40 ans
50 ans
Source : Mentorless
> LIVRE
Peter Watkins
© corina paltrinieri
Réalisateur de Punishment Park (1971), d’Edvard Munch (1974) ou encore de La Commune (Paris, 1871) (2000), Peter Watkins, 79 ans, s’insurge depuis longtemps contre l’hégémonie des mass media audiovisuels (MMAV) qui usent, selon lui, de moyens de manipulation des spectateurs pour asseoir leur domination politique ou économique. Ceux-ci seraient caractérisés par la « monoforme », un langage narratif uniforme qui structure autant la télévision que le cinéma et qui se fonde, par exemple, sur l’accélération constante du montage – pour empêcher le public d’avoir des espaces pour réfléchir. Avec cette nouvelle édition de Media Crisis (paru une première fois en 2004, puis republié en 2007), dans lequel le cinéaste détaille les processus avec lesquels les MMAV étouffent le débat critique, il actualise sa réflexion dans l’introduction du livre. Il revient, par exemple, sur la responsabilité des MMAV dans le désastre environnemental, mais aussi sur les perspectives offertes par les technologies numériques pour développer des formes alternatives. Q. G. Peter Watkins sur le tournage de La Commune (Paris, 1871)
Media Crisis de Peter Watkins, traduit de l’anglais par Patrick Watkins (Éditions L’Échappée)
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> LE CHIFFRE DU MOIS C’est, en milliards de dollars, la somme que devrait rapporter le septième épisode de la saga Star Wars au box-office mondial, selon l’analyste américain Phil Contrino, qui s’est amusé, dans les colonnes du magazine The Hollywood Reporter, à spéculer sur les recettes du film de J. J. Abrams, dont la sortie en France est prévue le 18 décembre. J. M.
> DÉPÊCHES
appel à films
tournage
DÉCÈS
L’acteur et réalisateur américain Ryan Gosling sera au casting de Blade Runner 2. Son rôle reste encore inconnu. Il rejoint Harrison Ford dans cette suite réalisée par le Canadien Denis Villeneuve et dont le tournage devrait débuter à l’été 2016.
Le réalisateur portugais et doyen du cinéma, Manoel de Oliveira, est décédé le 2 avril à l’âge de 106 ans. Entre 1931 et 2014, il aura réalisé une cinquantaine de films, dont une trentaine de longs métrages, le dernier en date étant Gebo et l’Ombre.
> LA PHRASE
> LA TECHNIQUE
Lars von Trier
© disney 2015
À la poursuite de demain À l’ère du numérique, des trucages vieux comme le cinéma peuvent encore se révéler efficaces. La scène au cours de laquelle la jeune héroïne d’À la poursuite de demain passe en un clin d’œil d’une prison à un champ de blé a été tournée selon les principes de l’escamotage créés par Georges Méliès. La jeune actrice a d’abord joué la scène en extérieur, dans un champ. Quelques semaines plus tard, elle a dû reprendre l’exacte même position dans un décor de prison reconstitué en studio et interpréter le reste de la séquence. Un simple raccord de montage entre les deux plans a ensuite permis à Brad Bird de donner l’impression que l’actrice était téléportée d’un lieu à un autre. Simple, efficace et économique. J. D. À la poursuite de demain de Brad Bird Sortie le 20 mai
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Lors d’un entretien daté du 20 avril 2015 accordé au quotidien britannique The Guardian, le cinéaste danois Lars von Trier est revenu sur ses problèmes d’addiction, confessant sa récente rechute.
« J’AI RECOMMENCÉ À BOIRE, POUR POUVOIR TRAVAILLER. »
© luca teuchmann / wireimage
Le concours « Les courts. Le retour » sera cette année sur le thème du « pop ». Pour avoir la chance d’être diffusé dans les salles MK2, voire de recevoir un chèque de 5 000 euros, déposez en ligne votre court métrage (de 30 secondes à 2 minutes) avant le 30 septembre.
© d. r. ; esther horvath / filmmagic ; john shearer / wireimage
PAR J. M.
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EN TOURNAGE
> CINÉ-CONCERT
Retour vers le futur Pour fêter les 30 ans du premier volet, sorti en 1985, et l’incursion de nos jours de Marty McFly et Doc (propulsés en 2015 dans l’épisode 2), la trilogie SF culte de Robert Zemeckis s’offre un joli retour. En attendant le documentaire anniversaire Back in Time, une méga boum au Grand Rex à l’automne et la commercialisation des Nike Mag, les fans pourront se jetter sur ce ciné-concert inédit. Retour vers le futur sera projeté sur écran géant, et les quatre-vingts musiciens du Star Pop Orchestra, dirigé par Christophe Eliot, rejoueront la musique d’Alan Silvestri (également compositeur, notamment, des B.O. d’Abyss, de Forrest Gump ou d’Avengers), lors d’un spectacle épique joyeusement régressif. Un petit tour en DeLorean ? E. Z.
Xavier Dolan débutera fin mai le tournage de son prochain long métrage, Juste la fin du monde, avec Marion Cotillard, Léa Seydoux, Vincent Cassel, Nathalie Baye et Gaspard Ulliel. Le film suivra un écrivain de retour dans son village natal pour annoncer à sa famille qu’il va bientôt mourir • Les frères Dardenne ont choisi Adèle Haenel pour le rôle principal de La Fille inconnue, ou l’histoire d’une médecin généraliste culpabilisée par la mort d’une de ses patientes • Haenel rejoindra également Adèle Exarchopoulos et Jalil Lespert dans Orpheline d’Arnaud des Pallières, racontant la lutte d’une femme en quête d’identité. J. M.
LIVRE
Retour vers le futur en ciné-concert le 13 juin à 16h et à 20h au Palais des congrès
> INDUSTRIE
Jackie Chan
© chinafotopress
joue les diplomates
Un accord de coproduction entre la Chine, dont l’industrie cinématographique est en plein essor, et l’Inde a été signé en septembre 2014. Ce qui donnera lieu, selon le magazine américain The Hollywood Reporter, à la première coproduction sinoindienne : Kung Fu Yoga, avec Jackie Chan dans le rôle principal, et Stanley Tong (Jackie Chan dans le Bronx, The Myth) derrière la caméra. Si l’on connaît peu de chose de l’intrigue, on sait que le tournage devrait commencer cet automne. Le contrat entre les deux pays a été conclu pour faciliter leurs relations au niveau des importations et exportations cinématographiques. L’Inde a effectivement des difficultés pour imposer ses productions en Chine, qui limite à trente-quatre le quota de films étrangers pouvant être diffusés chaque année sur son territoire – dont une bonne part échoit aux œuvres hollywoodiennes. Mais la présence au casting de Jackie Chan, très populaire en Inde, devrait également profiter au cinéma chinois. Q. G.
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Godard vif n’est pas seulement un livre sur Jean-Luc Godard. L’ancien critique du quotidien Libération Olivier Séguret va au-delà de la simple analyse de l’œuvre du maître de la Nouvelle Vague en y mêlant sa propre histoire. À travers le spectre du cinéaste, Séguret aborde son parcours au journal Libération et évoque aussi l’évolution du journalisme ainsi que la génération internet. J. M. Godard vif d’Olivier Séguret (G3J éditeur)
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fe stival
Brive
Portée pour la première fois par sa nouvelle déléguée générale, Elsa Charbit, cette 12e édition du précieux festival de moyens métrages a, comme toujours, célébré la cinéphilie dans une atmosphère conviviale. PAR TIMÉ ZOPPÉ
C
m etal d u gro upe G ojira , des dia pora mas fulgurants façon La Jetée de Chris Marker…) le portrait d’une bande d’ados désœuvrés dans la banlieue de Bastia. Si le sujet de l’envoûtant Grand prix Europe, Motu Maeva, semble plus doux (Sonja, une vieille dame rieuse, évoque des fragments de sa vie), le cheminement dans les strates mémorielles qui le composent finit lui aussi par mettre en lumière des recoins bien sombres. Pour reconstituer les souvenirs de son héroïne, la réalisatrice Maureen Fazendeiro a tissé des liens souterrains, sans souci de la chronologie, en associant à la parole de Sonja des vidéos en super 8 tournées au cours de sa vie de grande voyageuse. À la fin du festival, on a pu assister à une riche discussion entre Céline Sciamma et Pierre Salvadori (coprésidents de la Société des réalisateurs de films, organisatrice du festival). Digressant avec humour sur leurs parcours respectifs (et soutenus par les fioles de gentiane, la liqueur locale), ils sont parvenus à retranscrire avec franchise les doutes et les douleurs qui jalonnent leurs carrières. Une édition sans fausse note, qui a fait concorder la fragilité du format dont elle se fait la vitrine (le moyen métrage peine toujours à trouver des canaux de diffusion) avec une programmation vibrante et humaine.
© françois farellacci
e n’est pas faute de prospecter dans toute l’Europe, mais la manifestation briviste reçoit et présente chaque année une majorité de films français. Cette nouvelle édition n’a pas dérogé à la règle. À l’exception de quatre films étrangers, dont Iec Long, poème languide et politique des Portugais João Pedro Rodrigues et João Rui Guerra da Mata, la sélection était hexagonale. Cela ne l’a pas empêché de prendre les formes les plus diverses. Côté fiction, les partis pris stylistiques des films les plus remarquables étaient même opposés. Situant son action dans une station balnéaire déserte, La terre penche de Christelle Lheureux capte avec sensibilité les ondes au point de convergence de deux êtres égarés. Méduses, rêveries et fantômes bienveillants traversent avec élégance ce récit en sourdine. Pour sa part, le trublion Bertrand Mandico explose les cadres habituels avec un conte jubilatoire et flamboyant, Notre-Dame des hormones, concentré inénarrable de références filmiques allant du gore au merveilleux. Le genre documentaire a lui aussi été honoré par des films très libres. L’incandescent Lupino de François Farellacci et Laura Lamanda dresse, à coups de séquences percutantes (une introduction superposant des archives avec un morceau
Lupino de François Farellacci et Laura Lamanda
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à su ivre
Benjamin Crotty Dans Fort Buchanan, qui fait dialoguer culture télévisuelle et cinéma d’auteur, l’Américain Benjamin Crotty suit une communauté de maris et d’épouses attendant sur une base militaire que leurs chers et tendres reviennent du front.
© antoine doyen
PAR QUENTIN GROSSET
« La télé n’est pas une culture honteuse, c’est la culture dominante avec laquelle je travaille. » 24
35 ans, il vient juste de se poser près du canal Saint-Martin, après avoir squatté chez pas mal d’amis. Né à Spokane, dans l’État de Washington, Benjamin Crotty a grandi près d’une base de l’armée de l’air américaine, avant d’arriver il y a une dizaine d’années à Paris, après des études de peinture à l’université de Yale. « Mes deux frères ont été réservistes ; l’un est parti en mission à Djibouti trois semaines après son mariage, l’autre, en Irak. » Ces souvenirs infusent Fort Buchanan, qui évoque la frustration de Roger attendant le retour de son mari, envoyé au front. Après avoir enseigné l’anglais à Tourcoing, Benjamin a intégré l’école du Fresnoy, dans laquelle il a rencontré le réalisateur Gabriel Abrantes. Avec lui, il a coréalisé deux courts métrages : Visionary Iraq (2009) et Liberdade (2011). « Avec Gabriel, on partage le même sens de l’humour. Dans ses films, il a comme moi un lien privilégié avec la télévision. Pour moi, ce n’est pas une culture honteuse, c’est la culture dominante avec laquelle je travaille. » Fort Buchanan ne fait pas exception, puisque tous les dialogues du film sont extraits de feuilletons américains. Crotty les a traduits et remaniés pour aboutir à un langage antinaturaliste. « Ce qui me fascine, dans cette écriture souvent fonctionnelle, c’est que les scénarios sont élaborés à plusieurs. En France, les gens sont attachés à l’idée d’avoir un auteur qui fait tout ; moi, ça m’intéresserait de réaliser le script d’un autre, pour avoir plus de distance. » Les pieds de part et d’autre de l’Atlantique, Benjamin Crotty pourrait bientôt retourner dans son pays natal pour réaliser un long métrage qui se déroulerait au Texas. Avec des dialogues tirés de Plus la belle la vie ? Fort Buchanan de Benjamin Crotty avec Andy Gillet, Mati Diop… Distribution : Norte Durée : 1h06 Sortie le 3 juin
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Sorties du 6 mai au 3 juin Un peu, beaucoup, aveuglément de Clovis Cornillac avec Clovis Cornillac, Mélanie Bernier… Distribution : Paramount Durée : 1h30 Page 64
Certifiée halal de Mahmoud Zemmouri avec Hafsia Herzi, Smaïn Fairouze… Distribution : MLA Films Durée : 1h25 Page 68
L’Armée des ombres de Jean-Pierre Melville avec Lino Ventura, Simone Signoret… Distribution : Sophie Dulac Durée : 2h20 Page 34
Les Terrasses de Merzak Allouache avec Adila Bendimerad, Nassima Belmihoub… Distribution : Les Films de l’Atalante Durée : 1h31 Page 66
Naruto the Last. Le film de Tsuneo Kobayashi Animation Distribution : Eurozoom Durée : 1h52 Page 68
Hyena de Gerard Johnson avec Peter Ferdinando, Stephen Graham… Distribution : The Jokers / Bac Films Durée : 1h48 Page 62
Titli. Une chronique indienne de Kanu Behl avec Shashank Arora, Shivani Raghuvanshi… Distribution : UFO Durée : 2h07 Page 66
Refugiado de Diego Lerman avec Julieta Díaz, Sebastián Molinaro… Distribution : Haut et Court Durée : 1h33 Page 70
L’Épreuve d’Erik Poppe avec Juliette Binoche, Nikolaj Coster-Waldau… Distribution : Septième Factory Durée : 1h57 Page 62
La Tribu des fourmis de Yang Huilong avec Kailin Tang, Shu Yao… Distribution : Jupiter Films Durée : 1h28 Page 68
Girls Only de Lynn Shelton avec Keira Knightley, Chloë Grace Moretz… Distribution : Version Originale / Condor Durée : 1h41 Page 70
Ladygrey d’Alain Choquart avec Jérémie Renier, Claude Rich… Distribution : Rezo Films Durée : 1h49 Page 62
Zaneta de Petr Václav avec Klaudia Dudová, David Ištok… Distribution : Norte Durée : 1h43 Page 68
Goodnight Mommy de Veronika Franz et Severin Fiala avec Susanne Wuest, Elias Schwarz… Distribution : KMBO Durée : 1h39 Page 70
Melody de Bernard Bellefroid avec Rachael Blake, Lucie Debay… Distribution : Damned Durée : 1h32 Page 64
Les Jardins du roi d’Alan Rickman avec Kate Winslet, Matthias Schoenaerts… Distribution : Metropolitan FilmExport Durée : 1h57 Page 68
La Cité muette de Sabrina Van Tassel Documentaire Distribution : DistriB Films Durée : 1h28 Page 72
My Old Lady d’Israël Horovitz avec Kevin Kline, Maggie Smith… Distribution : Zelig Films Durée : 1h42 Page 64
Pyramide de Grégory Levasseur avec Ashley Hinshaw, Denis O’Hare… Distribution : 20 th Century Fox Durée : 1h29
Les Lettres portugaises de Bruno François-Boucher et Jean-Paul Seaulieu avec Ségolène Point, Nicolas Herman… Distribution : Kanibal Films Durée : 1h15 Page 72
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Partisan d’Ariel Kleiman avec Vincent Cassel, Jeremy Chabriel… Distribution : ARP Sélection Durée : 1h38 Page 64
Une femme iranienne de Negar Azarbayjani avec Ghazal Shakeri, Shayesteh Irani… Distribution : Outplay Durée : 1h42 Page 72
13 mai La Tête haute d’Emmanuelle Bercot avec Rod Paradot, Catherine Deneuve… Distribution : Wild Bunch Durée : 2h Page 61
Le Talent de mes amis d’Alex Lutz avec Alex Lutz, Tom Dingler… Distribution : StudioCanal Durée : 1h38 Page 64
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Cycle Melville de Jean-Pierre Melville Distribution : Sophie Dulac Durée : 1h48 / 2h20 / 2h30 / 1h40
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Sorties du 6 mai au 3 juin Particulier à particulier de George Varsimashvili avec Madeleine Pougatch, Camille Coqueugniot… Distribution : Les Films du Saint-André Durée : 1h13
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Un voisin trop parfait de Rob Cohen avec Jennifer Lopez, Ryan Guzman… Distribution : Universal Pictures Durée : 1h31
27 mai L’Ombre des femmes de Philippe Garrel avec Clotilde Courau, Stanislas Merhar… Distribution : SBS Durée : 1h13 Page 31
Mad Max. Fury Road de George Miller avec Tom Hardy, Charlize Theron Distribution : Warner Bros. Durée : 2h Page: 36
Neiges d’automne d’Hugo Bardin avec Armelle Bérengier, Marie Petiot… Distribution : Les Films du Saint-André Durée : 1h35 San Andreas de Brad Peyton avec Dwayne Johnson, Carla Gugino… Distribution : Warner Bros. Durée : 1h47
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Los Hongos d’Oscar Ruíz Navia avec Jovan Alexis Marquinez, Calvin Buenaventura… Distribution : Arizona Films Durée : 1h43 Page 74
Fort Buchanan de Benjamin Crotty avec Andy Gillet, Mati Diop… Distribution : Norte Durée : 1h06 Page 24
À la poursuite de demain de Brad Bird avec Britt Robertson, George Clooney… Distribution : Walt Disney Durée : N.C. Page 18
Dancers de Kenneth Elvebakk Documentaire Distribution : ZED Durée : 1h13 Page 74
Ex Machina d’Alex Garland avec Domhnall Gleeson, Alicia Vikander… Distribution : Universal Pictures Durée : 1h48 Page 76
La Loi du marché de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon, Karine De Mirbeck… Distribution : Diaphana Durée : 1h33 Page 38
Maggie de Henry Hobson avec Arnold Schwarzenegger, Abigail Breslin… Distribution : Metropolitan FilmExport Durée : 1h35 Page 76
Manglehorn de David Gordon Green avec Al Pacino, Holly Hunter… Distribution : The Jokers / Le Pacte Durée : 1h37 Page 76
Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin avec Quentin Dolmaire, Lou Roy-Lecollinet… Distribution : Le Pacte Durée : 2h Page 46
Voyage dans la préhistoire de Karel Zeman avec Vladimír Bejval, Petr Herrmann Distribution : Malavida Durée : 1h20 Page: 92
On voulait tout casser de Philippe Guillard avec Kad Merad, Charles Berling… Distribution : Gaumont Durée : 1h30 Page 76
Irvin Yalom. La thérapie du bonheur de Sabine Gisiger Documentaire Distribution : Sophie Dulac Durée : 1h17 Page 72
L’Arche de M. Servadac de Karel Zeman avec Emil Horváth, Magda Vášáryová… Distribution : Malavida Durée : 1h15
Qui c’est les plus forts ? de Charlotte de Turckheim avec Alice Pol, Audrey Lamy… Distribution : Wild Bunch Durée : 1h43 Page 76
Christina Noble de Stephen Bradley avec Deirdre O’Kane, Sarah Greene… Distribution : Saje Durée : 1h40 Page 74
Le Baron de crac de Karel Zeman avec Miloš Kopecký, Rudolf Jelínek… Distribution : Malavida Durée : 1h23
Loin de la foule déchaînée de Thomas Vinterberg avec Carey Mulligan, Matthias Schoenaerts… Distribution : 20 th Century Fox Durée : 1h59 Page 78
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Manos Sucias de Josef Wladyka avec Christian James Advincula, Jarlin Martinez… Distribution : Pretty Pictures Durée : 1h24 Page 78
La Révélation d’Ela d’Aslı Özge avec Defne Halman, Hakan Çimenser… Distribution : Zootrope Films Durée : 1h48 Page 80
Fin de partie de Sharon Maymon et Tal Granit avec Ze’ev Revach, Aliza Rosen… Distribution : Eurozoom Durée : 1h35 Page 82
La Porte d’Anna de Patrick Dumont et François Hébrard Documentaire Distribution : Gebeka Films Durée : 1h20 Page 80
Casa grande de Fellipe Barbosa avec Thales Cavalcanti, Marcello Novaes… Distribution : Damned Durée : 1h54 Page 82
Walkabout. La Randonnée de Nicolas Roeg avec Jenny Agutter, Luc Roeg… Distribution : Solaris Durée : 1h40 Page 82
Parole de kamikaze de Masa Sawada Documentaire Distribution : Haut et Court Durée : 1h14 Page 80
Graziella de Mehdi Charef avec Rossy de Palma, Denis Lavant… Distribution : KG Productions Durée : 1h38 Page 82
Ymma de Rachid El Ouali avec Rachid El Ouali, Marc Samuel… Distribution : Panoceanic Films Durée : 1h43 Page 82
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histoires du
CINéMA
LA LOI DU MARCHÉ
Stéphane Brizé nous parle de son film, en Compétition officielle à Cannes p. 38
ARNAUD DESPLECHIN
Rencontre avec le réalisateur de Trois souvenirs de ma jeunesse p. 44
PORTFOLIO
Harry Gruyaert commente sa série TV Shots exposée à la galerie Cinéma p. 54
Clotilde Courau Depuis Le Petit Criminel de Jacques Doillon, qui l’a révélée en 1990, l’actrice a cheminé discrètement, au gré de seconds rôles dans des films aussi variés qu’Élisa (Jean Becker, 1995), Mon idole (Guillaume Canet, 2002) ou La Môme (Olivier Dahan, 2007). Dans L’Ombre des femmes de Philippe Garrel, présenté en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs, Clotilde Courau joue Manon, l’épouse trompée d’un documentariste fauché (Stanislas Mehrar). Elle irradie dans ce rôle de grande amoureuse, apportant au film une luminosité et une fraîcheur désarmantes. Rencontre. PROPOS RECUEILLIS PAR JULIETTE REITZER
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© philippe quaisse
« Manon va parfois très loin dans son abandon. »
h istoi re s du ci n é ma
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omment êtes-vous arrivée sur ce film ? Par Louis Garrel. Je l’ai croisé, et nous avons parlé de théâtre. Quelques semaines plus tard, il m’a demandé de venir rencontrer son père. Philippe m’a dit qu’il avait choisi son acteur, Stanislas Merhar, avec qui j’avais déjà tourné dans Un monde presque paisible [de Michel Deville, 2002, ndlr] : « Je vais t’envoyer le scénario. Ensuite, si tu es d’accord, tu feras une lecture avec Stanislas, et moi, avec mon Polaroid, je prendrai des photos. Mes Polaroid me diront si la chimie fonctionne. » Je me suis sentie totalement conquise par Philippe, que je n’avais jamais rencontré auparavant. On a fait cette lecture dans un café, et, deux jours après, il m’a annoncé que je faisais le film. Le film est tourné en pellicule, en noir et blanc. La méthode de travail de Philippe Garrel estelle à contre-courant ? Il fait du cinéma dans une dynamique proche de l’artisanat, de l’orfèvrerie. Une de ses règles, c’est qu’il fait beaucoup de répétitions. Pendant quatorze semaines, une fois par semaine, on se retrouvait pour travailler la matière. Petit à petit, à force d’essayer de mettre les mots en bouche, c’est comme une seconde peau qui s’installe. C’est un grand luxe, à une époque où l’on n’a souvent même plus le temps de faire une demi-journée de lecture ni même de rencontrer ses partenaires avant le premier jour du tournage. Ensuite, on n’a tourné que quatre semaines, avec comme règle la prise unique, et dans l’ordre chronologique, ce qui permet de rentrer progressivement, complètement, dans la vie des personnages. Il a aussi demandé que vous ne soyez ni coiffée ni maquillée. C’était nécessaire au film, et c’est très agréable d’apprendre à travailler dans la confiance. Je ne dirais pas qu’il n’y a pas eu des moments où j’ai essayé de mettre un peu de mascara… Après, je suis devenue obsédée par le costume. Je ne comprenais pas comment mon personnage était habillé. Je me disais : « Ils sont documentaristes, ils n’ont pas d’argent, ils vivent dans un appartement délabré… Qui sont ces gens-là ? » La costumière est intervenue, et j’ai tout compris : Philippe est dans un
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univers poétique, hors du temps, pas du tout sociologique. D’ailleurs, de prime abord, certains spectateurs ne savent pas dans quelle époque se situe l’action. C’est une des grandes qualités du film. Face à la trahison de Pierre et à son incapacité à avancer, Manon fait preuve d’une détermination et d’une sincérité déconcertantes. Comment décririez-vous ce personnage ? Elle va parfois très loin dans son abandon, elle croit en l’homme qu’elle aime. Il y a une séquence dans laquelle ils sortent de leur immeuble pour aller au marché. À ce moment du film, elle a décidé que c’était l’homme de sa vie, jusqu’au bout, malgré son infidélité. Après le « action », Stanislas démarre, il marche vite, et je me retrouve littéralement en train de courir après lui. Et là, je jette mes paquets par terre, je me tourne vers Philippe et je lui dis : « Ah non ! Je ne vais pas, en plus, lui courir après. Je joue ce que tu veux, mais je veux savoir ce que tu racontes. L’amour, c’est le sacrifice ? C’est ça que tu veux dire ? » Il m’a répondu : « Oui, l’amour, c’est aussi le sacrifice. » J’avais très peur de faire de Manon une victime, je ne voulais pas qu’elle soit une pleureuse. Je ne voulais pas de performance, de grandes émotions, parce que moi-même, en tant que spectatrice, j’ai du mal à aimer ce genre de choses. Ce qui m’intéresse, c’est l’authenticité dans le sentiment. La façon dont vous choisissez vos films a-t-elle évolué au fil du temps ? Il y a quelques années, Thierry Frémaux m’a demandé d’animer une master class sur le métier d’actrice au festival Lumière de Lyon. Je me suis enfermée pour réfléchir au sujet. J’ai pris le livre de Bertrand Tavernier qui s’appelle Amis améri cains [un recueil d’entretiens avec de grands cinéastes, ndlr] et c’est devenu ma bible pendant deux mois. J’ai gratté, je suis allée chercher les actrices qui m’ont inspirée : Anna Magnani par exemple, ou Renée Falconetti, dans La Passion de Jeanne d’Arc [1928, ndlr] de Dreyer – Dreyer qui parlait du visage des interprètes comme de paysages… À force de chercher, j’en suis venue à la conclusion qu’un film, c’est un metteur en scène. À partir de là, il devient évident que les choix doivent se faire par le metteur en scène, absolument pas par le rôle – bien sûr, quand je fais Babysitting [de Philippe Lacheau et Nicolas Benamou, 2014, ndlr],
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© d.r.
portr ait
Stanislas Merhar et Clotilde Courau
ça n’est pas la même démarche. Avant, quand j’étais une jeune comédienne gâtée, j’avais tendance à choisir un film en fonction du rôle. Vous dites « jeune comédienne gâtée ». Mais avant de devenir comédienne, vous avez multiplié les cours de théâtre, les petits boulots, on sent surtout beaucoup de travail, d’acharnement. La détermination fait partie de mon caractère. Quand j’ai décidé d’être comédienne, j’ai enchaîné les cours de théâtre, j’avais besoin d’aller jusqu’au bout, c’est une chose. Mais il y a aussi un facteur chance. Il intervient quand je fais mon premier film, Le Petit Criminel, avec Jacques Doillon [en 1990, ndlr]. Avec le temps qui passe, les périodes où il n’y a rien… on ne peut pas ne pas penser au facteur chance. Mais les moments de désert permettent aussi de mettre la détermination à l’épreuve : ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort. Je me rends compte aussi que cette période où j’étais une jeune actrice désirée, c’était fabuleux, mais ça ne me laissait pas le temps de développer mon univers propre. En décembre et janvier derniers, vous avez mis en scène et interprété, au théâtre de l’Œuvre, une pièce basée sur des lettres d’Édith Piaf. Qu’a-t-elle de fascinant ? J’interprétais une correspondance de onze lettres que Piaf a écrites à un homme, huit mois après la mort de Marcel Cerdan. Ce qui m’intéressait, d’un point de vue de metteur en scène, c’est qu’il y avait une vraie dramaturgie, c’est-à-dire une
« Philippe Garrel est dans un univers poétique, hors du temps, pas du tout sociologique. » déclaration d’amour puis une rupture en l’espace de trois semaines, avec l’intensité que l’on connaît chez cette femme. Ce spectacle était le premier d’une trilogie : trois spectacles sur trois femmes absolues, qui ont été à la recherche d’elles-mêmes au travers de l’amour. Piaf, radicale et exclusive ; Anaïs Nin, et ses amours multiples ; et la troisième, que je ne veux pas annoncer pour l’instant, et dont la quête d’absolu était tournée vers Dieu. Ce sont des femmes qui ont été des pionnières dans leur propre construction. Elles ont fini par être dans la lumière, mais elles ont une part d’ombre immense, souvent liée à l’enfance. Ce sont des femmes qui me fascinent, m’interrogent, m’accompagnent. Je suis une femme qui elle aussi est dans la difficulté d’être. En tant qu’interprète, on a tendance à se cacher derrière des mots, des personnages, derrière le désir des metteurs en scène, aussi. Oublier son propre désir, c’est une problématique qui me semble très féminine. L’Ombre des femmes de Philippe Garrel avec Clotilde Courau, Stanislas Merhar… Distribution : SBS Durée : 1h13 Sortie le 27 mai
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h istoi re s du ci n é ma - scè n e cu lte
La réplique :
« Je la garde pour tout à l’heure. »
L’Armée des ombres
En mai, quatre longs métrages de Jean-Pierre Melville, dont L’Armée des ombres (1969), ressortent en salle. Le douzième film du cinéaste, dernier d’une trilogie sur la France de l’Occupation après Le Silence de la mer (1949) et Léon Morin. Prêtre (1961), ausculte les forces et les failles des héros très discrets de la Résistance.
© 1969 studiocanal - fono roma
PAR TIMÉ ZOPPÉ
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n quelques scènes d’introduction, la personnalité de Philippe Gerbier (Lino Ventura) est dessinée : autoritaire et taiseux, il n’en est pas moins d’un altruisme à toute épreuve. Des caractéristiques qui l’ont naturellement hissé à la tête d’un réseau de résistants. Ayant lui-même rejoint la France libre en 1942, Jean-Pierre Melville a brassé ses propres souvenirs pour figurer l’ambiance et le fonctionnement de ces réseaux, en plus d’avoir basé sa trame narrative sur le roman du même titre de Joseph Kessel. Traqué sans relâche par la Gestapo, Gerbier est capturé une seconde fois dans le récit. Alors qu’il attend la mort dans une obscure cellule avec ses codétenus, il sort un paquet de cigarettes de sa veste et le fait passer
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de main en main. « Je la garde pour tout à l’heure », déclare naïvement un prisonnier. La dernière cigarette est tirée juste avant Gerbier ; lui-même n’en aura pas. Une situation qui finit de sublimer l’abnégation dont il n’a cessé de faire preuve tout au long du film. Mais devant le peloton d’exécution, alors que des soldats sadiques veulent le forcer à courir pour repousser l’échéance de sa mort, Gerbier, dans un mélange de dignité et de fatalisme, doute. Et s’il ne courait pas ? Les héros ne sont jamais aussi beaux que quand ils sont sur le point de tomber. de Jean-Pierre Melville avec Lino Ventura, Simone Signoret… Distribution : Sophie Dulac Durée : 2h20 Ressortie le 6 mai
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MAD MAX genèse D’UN MYTHE
Initiée comme une série B, puis devenue une œuvre culte avant d’être conduite sur la voie du mythe, la destinée de la saga Mad Max est une aventure en soi. À l’occasion de sa renaissance sur grand écran avec Mad Max. Fury Road, retour sur le parcours sinueux des aventures du Guerrier de la route.
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PAR JULIEN DUPUY
Tom Hardy dans Mad Max. Fury Road
’histoire de Mad Max (1979) tient du miracle. Tout d’abord parce que son réalisateur, l’Australien George Miller, est parvenu à boucler le film avec un budget ridicule. Mais aussi parce que le tournage n’a connu aucun accident grave, alors même que les nombreuses cascades suicidaires qui assurent le spectacle furent conçues dans un amateurisme total. Enfin parce que ce minuscule film, initialement destiné au marché du cinéma d’exploitation, a rencontré à sa sortie un succès fulgurant en Australie, mais aussi à travers le monde. Des États-Unis au Japon, de la France aux pays nordiques, le public s’est rué en masse pour assister à la descente aux enfers de Max Rockatansky, un flic de la route qui perd sa famille, voire son humanité,
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au cours d’une guerre sans pitié contre un gang de motards. Évidemment, la manière de filmer stupéfiante de George Miller, qui rythmait sa mise en scène sur le tempo du rock ’n’ roll, n’était pas étrangère à ce triomphe. De même, le charisme animal de Mel Gibson, qui faisait ses premiers pas sur grand écran, a fait beaucoup pour la notoriété du film. Et il ne faut pas sous-estimer l’aspect politique du scénario, qui dans son nihilisme évoque l’Anthony Burgess d’Orange mécanique, et dont la véhémence fut un formidable défouloir pour des générations de spectateurs enragés. Mais George Miller comprend rapidement que l’histoire de Max dépasse très largement le cadre de l’effet de mode, du film de genre efficace ou du brûlot pamphlétaire. Lors d’une conférence à Sydney en 1996, il observe : « Pour les Français, Max était
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décryptag e
Mel Gibson dans Mad Max (1979), Mad Max 2. Le défi (1981) et Mad Max. Au-delà du dôme du tonnerre (1985)
un desperado à moto. Au Japon, c’était un samouraï rejeté par la société. En Scandinavie, un guerrier viking. Partout, ce film a trouvé une résonnance particulière dans la culture locale. Sans le savoir, nous avions puisé à la source du mythe du héros universel. » jésus christ en pantalon
Dès lors, Miller se passionne pour ce personnage de vengeur en passe de devenir une légende. Pour la suite, mise en chantier deux ans plus tard, le cinéaste et son bras droit de l’époque, Byron Kennedy, se replongent dans les écrits de Carl Gustav Jung et, surtout, dans le travail de Joseph Campbell sur le monomythe. Cet anthropologue américain, dont l’essai de mythologie comparée Le Héros aux mille et un visages a déjà influencé George Lucas pour Star Wars, a dégagé à travers les légendes du monde entier des schémas récurrents qui répondraient à des obsessions, des peurs ou des espoirs universels. Radicalement différent du premier film, Mad Max 2. Le défi, sorti fin 1981, va donc tenter de distiller l’essence du personnage en le débarrassant des oripeaux narratifs du premier opus. Ainsi, alors que le scénario du premier Mad Max multipliait des pistes pas toujours abouties, les péripéties de la suite sont simplifiées à l’extrême : Max doit sauver quelques survivants des griffes d’une horde de barbares. Le héros très humain du premier film (il a des amis, une famille, des soucis au travail) est cette fois un être solitaire, laconique, pour tout dire mystérieux. Et le décor de ses aventures passe de la variété de la campagne australienne (l’action du premier opus se déroule dans des champs, des villages et des forêts) à la simplicité d’un désert traversé par une route. Plus éloquent encore, Mad Max 2. Le défi est narré par un vieillard qui se souvient des exploits de Max comme de ceux d’un héros perdu dans des temps immémoriaux, un justicier qu’il surnomme le Guerrier de la route. Aux États-Unis, Mad Max 2. Le défi sort d’ailleurs sous le titre The Road Warrior. Cinéaste jusqu’au-boutiste s’il en est, George Miller va encore plus loin avec le troisième chapitre de sa saga, Mad Max. Au-delà du dôme du tonnerre, qu’il coréalise et coécrit quatre
ans plus tard, en 1985. Cette fois, la route, qui était le champ d’action du personnage depuis le premier film, est recouverte par un désert qui semble infini, et la très culte voiture noire du héros n’apparaît jamais à l’écran, au grand dam des fans de la première heure. La conceptualisation de Max est si extrême que le personnage arbore une silhouette messianique : il porte les cheveux longs, et une toge en lambeaux recouvre son uniforme élimé. Le coscénariste du film, Terry Hayes, présente d’ailleurs à Mel Gibson cette nouvelle déclinaison comme un « Jésus Christ en pantalon de cuir ». Le film prive également Max de son identité civile. Non seulement personne ne l’appelle par son
« Sans le savoir, nous avions puisé à la source du mythe du héros universel. » George miller
prénom, mais de plus, lorsqu’il devient le sauveur d’une tribu d’enfants sauvages, il écope du surnom de Capitaine Walker, une façon pour Miller de signifier que cette figure héroïque transcende la franchise. Film mal aimé, l’étrange Mad Max. Au-delà du dôme du tonnerre met un coup d’arrêt à la série pendant presque trente ans, jusqu’à un retour inespéré avec Mad Max. Fury Road. S’il semble renouer avec les poncifs des premiers opus (course poursuite, décor désertique, hordes de barbares), ce film marque également la rupture la plus radicale de la saga en donnant le rôle de Max à un nouveau comédien, Tom Hardy. Miller adapte ainsi le personnage à une nouvelle époque (Mad Max. Fury Road devrait amorcer une seconde trilogie) et montre que Max peut survivre à tout, même à son enveloppe charnelle. Le mythe du guerrier de la route est donc bel et bien immortel. Mad Max. Fury Road de George Miller avec Tom Hardy, Charlize Theron Distribution : Warner Bros. Durée : 2h Sortie le 14 mai
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h istoi re s du ci n é ma
La Loi du marché Derrière son titre implacable, le film de Stéphane Brizé, en Compétition officielle à Cannes, dresse le portrait intime d’un chômeur de longue durée qui tente de trouver sa place dans un système économique vicié. Après Mademoiselle Chambon (2009) et Quelques heures de printemps (2012), le réalisateur entoure Vincent Lindon d’acteurs non professionnels pour creuser la veine d’un cinéma social hyper réaliste qui place l’humain au cœur de son projet.
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PROPOS RECUEILLIS PAR JULIETTE REITZER
L
a question sociale a toujours été présente dans vos films, mais vous semblez ici l’aborder de manière plus frontale. Je sentais que j’arrivais au bout de quelque chose, qu’il fallait que j’aille sur un terrain plus social et politique, mais aussi que je change ma mise en scène, ma façon de travailler avec les comédiens, il fallait tout dynamiter. Il y a quelque chose de tellement brutal dans la société actuelle, je commençais à me sentir un peu lâche de ne pas m’y confronter. Il ne s’agit pas de dire ce qui est bien ou mal : ce qui est intéressant, c’est de mettre l’intime en perspective avec
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le social. Thierry, le héros du film, ça pourrait être moi. Quand j’avais 17-18 ans, je faisais des études d’électronique. À cette époque, c’était la voie en or pour avoir du travail. Mais à 40 ans, je me serais retrouvé sur la touche. Et que l’on soit cadre ou ouvrier, après deux ans de chômage, c’est pour tout le monde pareil : 500 euros par mois. Comment l’intrigue s’est-elle mise en place ? J’avais entendu parler, il y a quelques années, d’agents de sécurité placés dans une situation similaire à celle de Thierry [être témoin d’infractions commises par ses collègues et filmées par les caméras de vidéosurveillance, ndlr] et qui
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e ntreti e n
« Il y a quelque chose de tellement brutal dans la société actuelle, je commençais à me sentir un peu lâche de ne pas m’y confronter. » collaboraient activement, presque joyeusement, avec leur direction, jusqu’au moment où ils découvraient le drame que ça pouvait engendrer. Je trouvais plus intéressant de placer dans cette situation un homme dont les valeurs seraient immédiatement ébranlées. Thierry a le choix, ou d’abdiquer, ou de dire : « Je n’ai plus rien, mais je vaux quand même quelque chose. » Face à Vincent Lindon, la distribution n’est composée que de non-professionnels. La seule chose qui m’intéresse, c’est de créer de l’hyperréalisme à l’écran, de gommer au maximum le jeu des comédiens. Il me semblait que, pour accéder à une nouvelle étape de cet hyperréalisme, il fallait que je travaille avec des non-professionnels, souvent dans leur propre rôle, comme la banquière. Le type qui veut acheter le mobile home de Thierry, c’est le directeur de l’hypermarché dans lequel on a tourné. Mais ce qui m’intéresse, c’est de mêler la fiction et le réel, d’où la présence de Vincent Lindon, qui crée par essence de la fiction. C’est aussi pour ça que j’ai tourné en Cinémascope qui, dans l’imaginaire collectif, est un cadre de fiction. Comment avez-vous dirigé ces acteurs non professionnels ? Personne n’avait le scénario. Tous les matins, je donnais une fiche à chacun avec les informations sur la scène, les enjeux, ce qu’ils devaient savoir. Par exemple, pour la scène d’ouverture à Pôle emploi, le gars qui joue est un vrai conseiller de Pôle emploi. Je lui ai donné les informations dont il disposerait face à n’importe quel client. Il sait
depuis combien de temps Thierry est au chômage, son âge, les stages qu’il a faits, sa situation familiale… Pareil pour Vincent. Je pense que ce n’était pas si simple pour lui, au départ, de lâcher le texte, mais dès que la machine s’est mise en marche, dès qu’il a vu que ça fonctionnait, c’était parti. Après, chacun traite ces informations avec ses mots à lui. Ça amène une écoute démente entre eux, et un parfum de vérité incroyable. Ça me demande aussi un certain lâcher-prise : j’organise tout très précisément, mais je ne sais pas tout ce qu’il va se passer. De quelle manière avez-vous adapté le tournage à ces aléas du réel ? Tout s’est fait de manière très tendue. Il y a un an, je n’avais même pas écrit le synopsis. Fin août 2014, le scénario était rendu, mi-septembre, j’étais hospitalisé, je ne pouvais plus marcher, un mois plus tard j’étais debout, et encore un mois plus tard, je tournais. C’est l’énergie du film. Pour l’image, je voulais arracher ma caméra du sol. J’ai choisi un chef opérateur, Éric Dumont, qui n’avait fait que du documentaire. Il a 31 ans, il est né avec le numérique. Il est habitué à tout faire tout seul, le point, le cadre, il est autonome. Le tournage était extrêmement léger en termes de lumière et d’équipe. Vous n’hésitez pas à laisser les séquences se déployer sur la durée, comme dans la scène dans laquelle Thierry négocie le prix de son mobile home avec un acheteur potentiel. Cette scène dure dix minutes. Je donne aux scènes le temps qu’elles auraient dans la vraie vie. Si, à l’intérieur, il y a des choses qui ne m’intéressent
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« La seule chose qui m’intéresse, c’est de créer de l’hyperréalisme à l’écran. » pas, je m’arrange dans le montage, avec des jump cut par exemple, pour faire passer des ellipses, faire sentir que la scène a duré plus longtemps. Dans un jump cut, c’est extraordinaire, on peut faire passer quatre secondes, trois minutes, dix ans, ce que l’on veut. Philosophiquement, je trouve ça dément. Ce qui se joue dans cette scène du mobile home est important. Juste avant, Vincent était à la banque. On sait que ses finances vont mal, il veut vendre ce mobile home pour 7 000 euros, et, avec cette somme, il peut tenir pas mal de mois. C’est bouleversant, à 50 balais, que notre vie tienne à 7 000 euros. Tout ça parce que l’usine où il travaillait a fermé, pour fabriquer dans un autre pays et faire plus de bénéfices. C’est d’un cynisme absolu. Parallèlement à ses démarches professionnelles, vous filmez Thierry en famille, avec sa femme et son fils handicapé. Pourquoi avoir introduit le handicap dans le scénario ? Je ne joue jamais, en termes d’émotion, de son handicap. Ce n’est pas utilisé comme un outil de dramaturgie. Mais avoir un enfant handicapé, ça doit bien secouer le couple. Or on sent qu’ils s’entendent bien, qu’ils baisent encore, qu’ils ont dû beaucoup baiser dans le temps. En voyant la manière dont ils parlent avec ce gamin, on sait que ce sont des gens bien. Le montrer avec son fils handicapé, ça me permettait de faire comprendre très rapidement que Thierry, c’est un homme digne, un mec qui a assuré toute sa vie. Ce n’est pas un branleur. Ça ajoute aussi à l’enjeu financier : il faut qu’il gagne
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du pognon pour que le gamin puisse poursuivre ses études. Quand Thierry devient vigile de supermarché, vous intégrez au montage une séquence composée uniquement d’images de vidéosurveillance. Comment l’avez-vous pensée ? Pour préparer le film, j’ai fait un stage d’agent de sécurité, j’ai passé une journée derrière les écrans de vidéosurveillance, et j’étais fasciné. Chaque personne devient suspecte. Pour la séquence du film, tout est fabriqué. On avait mis des gens partout dans le magasin, qui savaient exactement ce qu’ils avaient à faire, et on les a filmés avec le vrai dispositif de vidéosurveillance. On m’a suggéré d’en couper au montage ; moi, j’aurais pu en mettre une demi-heure. Après la présentation du film à Cannes, quels sont vos projets ? La Loi du marché éclaire complètement la mise en scène et la manière de raconter l’histoire de mon prochain film, que l’on devrait tourner fin août. L’approche ne sera pas aussi documentaire, mais ce sera très mouvant, ce ne sera pas un film installé. Ce sera un film d’époque, une adaptation d’Une vie de Maupassant. La Loi du marché de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon, Karine De Mirbeck… Distribution : Diaphana Durée : 1h33 Sortie le 19 mai
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dĂŠcryptag e
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ÉPISODE 10
collection christophel
Ce que femme veut…
Gene Tierney dans Péché mortel de John Stahl (1945)
Le monstre mangeur d’homme couve sous la lisse apparence d’une fille modèle. 42
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Film noir, mélodrame, road movie… mais encore ? Derrière les dénominations officielles retenues par les encyclopédies, nous partons régulièrement à la recherche d’un genre inconnu de l’histoire du cinéma.
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PAR JÉRÔME MOMCILOVIC
Rosamund Pike dans Gone Girl de David Fincher (2014)
What are you thinking? » Du bout des doigts, le mari caresse les cheveux blonds de la femme, qui se retourne et se fige en un masque glaçant. À quoi tu penses ? À quoi pense-t-elle, derrière le masque ? Le spectateur se le demande en même temps que le mari quand, sur cette image, débute et se clôt Gone Girl (David Fincher, 2014). La caresse du mari est elle-même un masque : ce que voudrait sa main, la voix le révèle. « Quand je pense à ma femme, dit-il sur le ton du secret, je pense toujours à sa tête. Je m’imagine fendre son crâne ravissant, vider son cerveau, en quête de réponses. » Derrière cette tentation d’apparence hitchcockienne (martyriser les blondes) parle bien sûr une peur toute masculine devant l’insupportable énigme du désir féminin. Cet effroi, Hollywood l’a parfois mis en scène comme un objet explicite de film d’horreur – nous l’évoquions justement dans cette même rubrique, il y a tout juste un an, sous le label inventé de l’« horreur gynophobe ». Mais dans ce cas le masque est une grimace, et il n’y a plus d’énigme, plus de crâne à vider puisque la vérité de l’hystérie parle à la surface : sur le masque de harpie, c’est la peur de l’homme elle-même qui est dessinée d’un trait
baroque. Or ici, dans Gone Girl, la surface ne trahit jamais l’énigme : le monstre mangeur d’homme couve sous la lisse apparence d’une fille modèle – Amazing Amy, femme de papier, simulacre parfait de la ménagère idéale. C’est qu’au fond le monstre tapi dans les profondeurs du personnage n’est pas la contradiction de son apparence, mais le fruit du désir malade de s’y conformer. Et c’est un autre genre qui affleure ici, moins bouffon, construit autour de figures bovariennes (Joan Fontaine, autre blonde à la pureté trompeuse, dans Born to Be Bad de Nicholas Ray, en 1950) ou soucieuses d’un bonheur domestique désiré avec une ardeur naturellement meurtrière (le faux angélisme, brun celui-là, de Gene Tierney dans Péché mortel de John Stahl, en 1945). Ici le monstre est une petite fille, qui a pris trop au sérieux son costume de femme. Et la revanche de la profondeur (mystère du regard d’Amy posé sur le spectateur de Gone Girl, de celui de Gene Tierney qui fait de même par l’entremise du miroir de sa chambre) est en fait la revanche de la surface, ce masque dont Hollywood a habillé la Femme sous le nom de glamour pour la transformer en image. En quoi le mari de Gone Girl est décidément impuissant, cherchant sous le crâne délicat de son bourreau un secret qui le nargue en fait sans détour, sur la peau d’Amazing Amy.
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trois souvenirs de ma jeunesse
arnaud desplechin Dans Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle), géniale chronique sentimentale et cérébrale qui a révélé Arnaud Desplechin en 1996, Paul Dédalus (Mathieu Amalric) traversait une crise dans sa vie et dans son couple avec Esther (Emmanuelle Devos). Dans Trois souvenirs de ma jeunesse, présenté à la Quinzaine des réalisateurs, Paul se souvient : des fantômes de son enfance, de ses frasques adolescentes et de ses amours ardentes avec Esther. Délaissant son théâtre d’adultes cyniques et névrosés pour explorer celui d’une jeunesse encore pure et exaltée, Arnaud Desplechin trouve un souffle romanesque bouleversant. Rencontre. PROPOS RECUEILLIS PAR RAPHAËLLE SIMON
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C
Teniez-vous à ce que les comédiens ressemblent à Mathieu Amalric et à Emmanuelle Devos, qui jouaient Paul et Esther dans Comment je me suis disputé… ? Je n’ai pas du tout cherché à coller à Comment je me suis disputé…, je n’ai même pas demandé aux acteurs de regarder le film. Comme l’a résumé Quentin [Dolmaire, qui joue Paul Dédalus, ndlr] à un journaliste, la seule condition pour pouvoir tenir le rôle de Paul, c’était de ne pas être blond aux yeux bleus ! De même, Lou [Roy-Lecollinet, qui tient le rôle d’Esther, ndlr] et Emmanuelle ne se ressemblent pas et ne jouent pas du tout de la même façon. La seule chose qu’elles ont en commun, c’est cette façon de résister à la caméra – leur visage exprime quelque chose d’obstiné sur lequel l’œil vient buter. Pour Quentin, il y a quelque chose dans son élocution qui fait que l’on reconnaît Paul, il parle un peu comme un livre. Il me fait penser à Charles Denner jeune, avec son timbre de voix qui ne marche pas avec son corps. Ça crée un décalage qui est très charmant. Pour l’aider à rentrer dans la musique du personnage, je lui disais de s’accrocher à moi, je lui montrais l’exemple. Mathieu, Quentin et moi, avec nos façons de jouer très différentes, nous imitons tous Paul, ou c’est Paul qui nous imite, mais on a Paul en partage. C’est ce partage qui fait la musicalité de Paul Dédalus. Donnez-vous souvent l’exemple aux comédiens pour jouer des scènes ? Oui. C’est une manière de faire moins violence à leur pudeur. Je trouve que jouer la comédie, c’est accepter d’avoir un peu la honte, parce qu’il faut faire semblant, il faut se déguiser devant un public. Si un acteur appréhende de faire un éclat, je le fais
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Mathieu Amalric
©jean-claude lother / why not productions
omment est née l’idée de faire un prequel à Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) ? Juste après Comment je me suis disputé…, je me disais que l’on connaissait mal les personnages, notamment celui d’Emmanuelle Devos, qui débarquait à Paris de sa province. Le film commençait par cette phrase : « Ça fait plus de dix ans qu’Esther et Paul sont ensemble et ils s’entendent très mal. » Je me demandais : « C’est quoi, ces dix années ? » Et puis ça faisait longtemps que j’avais envie de faire un film avec des jeunes gens, c’était à la fois un désir et une angoisse très vifs. Je sortais du tournage de Jimmy P. Psychothérapie d’un Indien des plaines, avec Benicio del Toro et Mathieu Amalric, deux stars, et j’ai l’habitude d’écrire des textes un peu difficiles, donc je me demandais si je saurais tourner avec des acteurs de 15 ou 17 ans, si je saurais avoir un rapport artistique plein avec eux malgré une telle différence d’âge.
Quentin Dolmaire et Lou Roy-Lecollinet
d’abord, tout en emphase, je me mets à hurler façon Louis de Funès : j’en donne beaucoup, comme ça, j’essuie la honte à sa place devant l’équipe, et il peut ensuite en faire moins, piocher ce qui l’intéresse dans tout ce que j’ai proposé. Quelles indications leur avez-vous données pour préparer leurs rôles ? J’ai un rituel : j’organise toujours la projection d’un film avant le tournage pour toute l’équipe, acteurs et techniciens, pour donner la bonne note. En l’occurrence c’était Les Amours d’une blonde de Miloš Forman, qui est d’une vitalité folle. Le jeu des acteurs m’intéressait beaucoup, mais il y avait aussi une ambition plastique incroyable. Ça permettait d’envoyer un message aux techniciens : ce n’est pas parce que vous filmez des jeunes gens que vous devez les filmer n’importe comment. C’est votre sixième collaboration avec Mathieu Amalric, qui joue ici Paul Dédalus adulte. Comment éviter la routine ? Le défi, c’est justement de ne pas se répéter, surtout pour ce film où l’on reprend un personnage. Quand j’ai proposé à Mathieu le rôle pour Rois et Reine, il m’a répondu que si c’était quelque chose que l’on avait déjà fait il refuserait le rôle. J’étais vexé
« Je me demandais si je saurais tourner avec des acteurs de 15 ou 17 ans. » comme un pou, parce que, avec les frères Larrieu, il joue toujours le même rôle ! Moi, je suis obligé de lui prouver qu’à chaque fois c’est une nouvelle performance. Là, en l’occurrence, il y avait un vrai challenge avec ses trois scènes interminables. De mon côté, ça tient à une admiration infinie pour son art, il est pour moi l’équivalent de Mastroianni ou de Trintignant : ce genre d’acteurs qui, quand vous écrivez des choses que vous ne savez pas comment réaliser, trouvent toujours un chemin. Ça donne une liberté d’écriture inouïe. Vous souvenez-vous de votre première rencontre ? C’était dans un festival de cinéma : moi, je montrais La Vie des morts, et j’ai vu Les Yeux au plafond, le premier film qu’il a réalisé et qui est merveilleux. C’est un film très intime dans lequel il jouait, mais
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Lou Roy-Lecollinet
il avait honte de sa performance, et il cache le film depuis. Je suis allé le voir, éperdu d’admiration, et je lui ai demandé d’apparaître dans La Sentinelle, un peu comme un hommage. Puis il est venu pour faire des essais pour Comment je me suis disputé… Il n’arrêtait pas de me dire qu’il n’était pas acteur. Il a donné la réplique à différentes actrices : Chiara Mastroianni, Emmanuelle Devos… Comme c’est un cinéaste à la base, il n’avait pas d’ego, il admirait complètement ces actrices, et sa façon de dire le texte n’était pas la même en fonction de qui il avait en face de lui ; je me disais que c’était exactement Paul Dédalus : quelqu’un qui aime admirer, qui n’est pas du tout autocentré. Paul Dédalus est apparu dans Comment je me suis disputé…, et on le retrouve dans Un conte de Noël. Est-il toujours le même ? Non, il change. Je dispose de quinze ou vingt personnages, c’est mon théâtre à moi, un peu comme Bergman, qui fait revenir ses personnages, comme les Vogler, ce couple qui se déteste, et dont on voit tantôt la face lumineuse, tantôt la face obscure. L’idée est qu’avec un certain nombre de personnages et quelques oripeaux, on peut inventer une infinité de personnages, dont les noms reviennent comme des rimes musicales. Comment décririez-vous Esther ? Je trouve déchirant son désir d’être unique, exceptionnelle, d’être l’exceptionnalité. Paul lui dit : « Tu existes tellement fort, comme une montagne. » Elle est tellement concentrée sur elle-même que les gens viennent se cogner contre elle, elle est impénétrable. Ce désir d’héroïsme est très enthousiasmant. Comme Comment je me suis disputé…, Trois souvenirs de ma jeunesse est un film de bande. Les héros solitaires à la Sergio Leone, ce n’est pas mon truc. Je n’aime pas les personnages qui se la racontent. Mais il suffit de montrer le poor lonesome cowboy avec sa mère ou sa cousine pour le faire tomber de son piédestal. Mes personnages secondaires sont d’abord là pour lester le héros,
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l’empêcher de crâner, et comme ils sont là, je fais en sorte de les faire exister comme un éclat lumineux au milieu de toute la bande, de leur offrir un peu de solitude. Vos personnages ont souvent l’air de sortir d’un rêve et de se demander où ils sont et qui ils sont. Certains voient des fantômes. Les morts hantent les vivants. Vous aimez mélanger le réalisme et le fantastique… Oui, ça me plaît. Dans ce film, c’est surtout par la structure du récit : au début, Paul Dédalus s’endort dans les bras de sa maîtresse au Tadjikistan. Le film est-il constitué de bribes de souvenirs ou de bribes de rêve ? Comme pour la Nouvelle Vague, l’outil essentiel de mon cinéma, c’est le réel. Je ne pourrais pas tourner en studio : je fabrique de la signification avec des choses qui me préexistent. J’écris des sortes de conte, mais je les fabrique dans la rue. Par exemple, j’ai fait débuter l’histoire au Tadjikistan car le nom me plaît ; j’aime sa logique poétique et son évocation féerique, mais je n’avais aucune idée d’où était le Tadjikistan. Ensuite j’ai été obligé d’y aller, de filmer le vrai Tadjikistan, avec une équipe tadjike. C’est l’affrontement du conte avec le réel qui me plaît. Dans le film, vous jouez de ruptures de tons très marquées. Pendant l’écriture, j’avais envie de coller trois fragments, je voulais créer des chocs. Le film est composé de trois films de genre : un conte fantastique pour raconter l’enfance, avec la mère méchante ; un film d’espionnage ; et une comédie romantique épistolaire. Pendant la préparation de mes tournages, j’établis toujours un corpus de films vers lesquels j’ai envie de tendre. Cette fois, Julie Peyr, avec qui j’ai écrit le scénario, m’a suggéré de mettre mes propres films dans le corpus. Alors on s’en est amusé : la première partie fait penser à La Vie des morts, la partie d’espionnage fait penser à La Sentinelle, et puis la dernière partie à Comment je me suis disputé… Ce regard rétrospectif, que j’espère dynamique, apporte une autre couleur.
Quentin Dolmaire
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« Comme pour la Nouvelle Vague, l’outil essentiel de mon cinéma, c’est le réel. J’écris des sortes de conte, mais je les fabrique dans la rue. » Vous n’avez pas peur d’user d’effets artificiels dans la mise en scène, comme les ouvertures à l’iris ou les adresses à la caméra… J’aime me servir de tous les outils possibles. L’iris, c’est un vieil outil qui fonctionne très bien, dans le cinéma muet, mais aussi chez François Truffaut ou Martin Scorsese. L’iris permet de concentrer l’attention du spectateur sans faire grossir l’objet [en donnant la sensation que l’on observe la scène à travers un judas, ndlr], et sans vous prendre au col car vous restez à la même distance, contrairement au zoom qui est beaucoup plus dans l’emphase. Quant à l’adresse à la caméra, c’est une nudité de l’acteur en face de lui-même qui m’émeut très fort. On ne sait pas s’il parle à nous, à lui-même, à ses propres fantômes, à un autre personnage… Le montage de vos films est toujours très abouti. Est-ce une étape que vous appréciez ? Oui, beaucoup. J’ai été monteur avant. Bon, ce film est un peu à part, j’ai fait une dépression au moment du montage : le tournage était tellement heureux que la chute a été très rude, et, quand je suis arrivé en montage, j’avais l’impression que plus rien n’allait. C’est une étape primordiale, le film se réécrit totalement. J’aime inventer des choses pendant le tournage, faire éclater tous les présupposés que j’avais au moment de l’écriture, en ne sachant pas comment je vais m’en sortir au montage. Truffaut
disait : « Il faut tourner contre ce que l’on a écrit et monter contre ce que l’on a filmé. » On sent d’ailleurs l’ombre de Truffaut planer sur ce film, sans doute votre plus romanesque. Je ne passe pas une journée sans penser à lui. C’est l’un des trois cinéastes qui comptent le plus pour moi, avec Bergman et Scorsese. Ses films sont toujours près de moi, et je les connais tous par cœur, même ceux que j’aime moins, comme Une belle fille comme moi, que j’ai vu une dizaine de fois. Trois souvenirs de ma jeunesse marque un tournant dans votre filmographie. Il y a beaucoup moins de cruauté, de cynisme et de noirceur ; vous vous intéressez, pour une fois, davantage à la vie qu’à la mort. La jeunesse des personnages tendait naturellement vers ce côté incandescent, très pur. Mais je vois aussi une certaine noirceur dans ce combat que Paul mène contre sa mère, et qui l’accompagne à travers les tensions que subit son couple, qui, si jeune, a déjà des problèmes d’argent, de jalousie. Tout cela a des couleurs de paradis perdu. Le premier titre du film, c’était Nos arcadies. Personne ne sait ce que ça veut dire, donc je l’ai changé, mais dans les Arcadies, on voit des bergers, des bergères, un idéal… C’est avant la chute, avant le péché, avant l’âge adulte.
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trois souvenirs de ma jeunesse
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Quentin Dolmaire Roy-Lecollinet et Lou
Dans Trois souvenirs de ma jeunesse, prequel de Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle…), ils reprennent les rôles de Paul et Esther, interprétés à l’origine par Mathieu Amalric et Emmanuelle Devos. Les deux jeunes comédiens s’insèrent parfaitement dans l’univers névrosé du cinéaste. Sans ressembler aux acteurs qui les ont précédés, ils partagent pourtant avec eux cette faculté à tenir un jeu aérien dans un film tourmenté. 50
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PAR QUENTIN GROSSET
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omment reprendre le rôle de Paul Dédalus ? Ce personnage fantasque est partie intégrante de la mythologie de l’œuvre de Desplechin (on le croise dans Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) (1996) et dans Un Conte de Noël (2008), dans lequel il est incarné non pas par Mathieu Amalric, mais par Émile Berling). « J’en ai tellement soupé du Paul Dédalus que, maintenant, je l’appelle Popaul. On est copains comme cochons avec Popaul. » Quentin Dolmaire, 21 ans, a la lourde tâche de s’emparer du rôle dans Trois souvenirs de ma jeunesse. Il semble prendre les choses avec décontraction. Le garçon aux yeux de biche et aux boucles romantiques a une certaine gouaille. Sa façon de bien articuler rapproche son phrasé de celui d’Amalric, mais sa drôlerie n’est pas la même : un côté légèrement maladroit, peut-être. Sur la terrasse ensoleillée du cinéma du Panthéon, Quentin prend un verre avec deux autres interprètes du film : Lou Roy-Lecollinet, 18 ans, qui joue Esther, l’amour de jeunesse qui marquera Paul toute sa vie, et Clémence Le Gall, 19 ans, qui incarne Pénélope, une fille de leur bande. Une belle entente semble les lier, et les trois jeunes gens n’ont pas l’air perturbés par la présence d’Arnaud Desplechin qui, à deux tables de là, donne sa première interview pour le film en leur jetant parfois un œil discret et bienveillant. « Quand je suis arrivée à la première audition, je connaissais juste son nom, je croyais que c’était le directeur de casting. Il était très simple, presque plus effrayé que nous », affirme Lou, d’un air à la fois indolent et assuré. Chevelure blond vénitien, voix claire et moue boudeuse, elle enchaîne Marlboro sur Marlboro. Quentin renchérit : « Même sur le tournage, Arnaud est comme ça. Il te dit : “Ne t’inquiète pas, j’ai bien plus peur que toi.” Parfois, il joue lui-même les scènes pour nous diriger. » Lou, Clémence et Quentin se marrent en se rappelant le moment où Desplechin a fait un baisemain à ce dernier pour répéter une scène. LES MAINS DANS LES POCHES
Clémence, jeune fille aux cheveux courts – et leadeuse du groupe de rock Crimson – avoue avoir atterri un peu par hasard sur le tournage. Quant à Lou, initialement plus attirée par la mise en scène que par le jeu, elle s’est présentée les mains dans les poches à l’audition, sur les conseils du prof de théâtre de son lycée. « Je me suis demandé si je devais être studieuse et regarder tous les films d’Arnaud, au risque de dénaturer un peu ma prestation. J’ai adoré Rois et Reine, mais le reste ne me parle pas particulièrement. Je préfère me pencher sur son œuvre plus tard, quand j’aurai un peu
de recul. » Quentin, qui a entamé une formation au sein du cours Simon après avoir abandonné ses études de physique, avait lui aussi un rapport un peu distant au cinéma d’Arnaud Desplechin avant de tourner sous sa direction. « Moi, mon truc, ce sont les comédies qui tachent ; Les Visiteurs ou Albert Dupontel, je m’en fais des tartines. J’ai regardé les films d’Arnaud avant de commencer à tourner. Ce n’était peut-être pas ce qu’il y avait de plus intelligent à faire, d’ailleurs… » De la même façon, les deux jeunes acteurs ont bien rencontré Mathieu Amalric et Emmanuelle Devos, mais très brièvement, et cela n’a selon eux pas été déterminant pour composer leur personnage.
« J’en ai tellement soupé du Paul Dédalus que, maintenant, je l’appelle Popaul. » Quentin Dolmaire
Entre une histoire familiale compliquée, une mission en U.R.S.S. au cours de laquelle il joue les espions et sa relation houleuse avec Esther, le jeune Paul Dédalus a déjà bien vécu à l’aube de ses 20 ans. Quentin Dolmaire le décrit comme « triste », « ironique », « mystérieux », « intelligent ». « Mais ce qui le caractérise le plus, malgré ses grands discours, c’est sa volonté. C’est ça qui en fait un héros », ajoute-t-il. Au contraire, Lou trouvait Esther un peu fade au départ. « Dans le scénario, elle avait son caractère, des petits rebonds, mais sans vraie complexité. C’est un personnage qui a pris de l’ampleur sur le tournage. Elle joue des seuls atouts qu’elle se connaît, elle se trouve belle mais pense sûrement qu’elle est très bête. Et, surtout, elle est seule. Paul fait des grands discours ; Esther, elle, ne prend pas beaucoup la parole, sauf quand elle lui écrit des lettres. » Quentin Dolmaire rebondit : « C’est vrai que les lettres, c’est libérateur pour ton personnage. Esther, soit elle subit, soit elle s’en fout. » Lou précise : « Les lettres, c’est le seul moment où ce n’est pas Esther du point de vue de Paul, c’est là que j’ai pu la faire exister. » La langue très littéraire propre au cinéma de Desplechin aurait pu être délicate à appréhender pour de jeunes acteurs, qui disent pourtant ne pas en avoir souffert. « Bizarrement, les lettres, c’est ce que j’ai trouvé le plus facile à faire », affirme Lou. « Tout était nouveau et mystérieux pour nous, c’était notre premier tournage. Alors, ça ou les scènes d’intimité, c’était pas plus stressant que le reste », assure Quentin. C’est peut-être cette belle innocence, cette légèreté entretenue par ces jeunes acteurs face aux grands sujets du film, qui donne une véritable ampleur à la passion de Popaul et Esther.
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h istoi re du ci n é ma - e n couve rtu re
CRITIQUE
Trois souvenirs de ma jeunesse Après une escapade américaine inspirée (Jimmy P. Psychothérapie d’un Indien des plaines) en 2013, Arnaud Desplechin revient au chevet de son premier amour avec ce faux prequel de Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle), dans lequel il éparpille la jeunesse de Paul Dédalus aux quatre vents de la réminiscence. Par Louis Blanchot
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vec sa garde-robe eighties empruntée à Camille redouble (Noémie Lvovsky, 2102) et son parfum de teen movie sorbonnard, Trois souvenirs de ma jeunesse avait de quoi susciter quelques craintes. Rapidement balayées en vérité, notamment grâce à un faux départ tonitruant qui lance le film sur les rails tendus du cinéma d’espionnage, genre déjà défriché par Desplechin dans La Sentinelle. Ce démarrage tambour battant permet surtout au réalisateur d’opérer sur la durée un trouble travail de décélération, diluant progressivement son récit dans les eaux tranquilles des années fac de son héros, durant lesquelles celui-ci alternera entre Paris (où se trouve son intellect) et Roubaix (où se trouvent ses sentiments). Suspendus à la mémoire d’un Paul Dédalus joué au présent par Mathieu Amalric, ces trois souvenirs semblent constamment s’éteindre puis se rallumer, à l’image de son histoire d’amour peu à peu embourbée dans un statu quo impossible. Plus truffaldien que jamais, Desplechin fait progresser son drame conjugal au milieu d’une réjouissante pagaille romanesque, toujours optimisée par cette mise en scène instable et ruisselante, profitant de la moindre occasion pour libérer la parole de
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l’image ou oser des parenthèses figuratives expérimentales (ouverture à l’iris, split screen, intrusion fantastique). Un apparent désordre qui n’empêche pas le récit de tendre vers une simplicité et une noblesse de sentiment bouleversantes, réduisant in fine son manège amoureux à une simple oscillation entre présence et éloignement. Mais le prodige de Trois souvenirs de ma jeunesse tient surtout à sa manière de faire vibrer une même corde affective sur plusieurs temporalités. Si la jeunesse se chantonne en comédie angoissée et maladroite, elle résonne à la façon d’une tragédie noire dans la psyché des adultes. Heureuse surprise de constater qu’en signant son film le plus frais et vertueux, Arnaud Desplechin signe en même temps son œuvre la plus désespérée et romantique. L’amour y est cette lame inflexible et profonde qui continue de hanter ses victimes malgré toutes les apparences de dispersion ou d’évanouissement. Comme le souvenir d’une caresse qui, chaque fois, se transformerait en éraflure. d’Arnaud Desplechin avec Quentin Dolmaire, Lou Roy-Lecollinet… Distribution : Le Pacte Durée : 2h Sortie le 20 mai
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HARRY
GRUYAERT PAR TIMÉ ZOPPÉ
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n 1974, la première exposition de Harry Gruyaert, « TV Shots », s’ouvre à la galerie Robert Del pire, à Paris. Plutôt que d’accro cher successivement des photos isolées, il choisit de les imprimer à la file sur des rouleaux qu’il punaise aux murs. Juxtaposées, les bandes forment d’imposants et compacts rectangles de photos qui évoquent les photogrammes d’une pellicule de cinéma. L’effet est saisissant. Certains visiteurs confient au photographe belge ressentir une angoisse diffuse devant ce dispositif. Ce malaise est sans doute à mettre sur le compte de cet accrochage « en bloc », mais peut aussi être lié au sujet même de la série, tout aussi novateur. TV Shots rassemble des photos d’un écran télévisé prises en 1972. À 31 ans, Harry Gruyaert, déjà passé par la Belgique, la France et les États-Unis, s’est installé à Londres et y a trouvé un poste de télévision détraqué. En bidouillant l’antenne et les boutons de réglage, il s’est aperçu que l’écran pouvait générer des couleurs incroyables. Il a shooté le poste des mois durant, aidé d’un assistant chargé de le dérégler. À l’arrivée, la série TV Shots documente pêle-mêle, en les déformant, des événements mondiaux (les Jeux olympiques de Munich, les missions lunaires Apollo) et des programmes
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classiques (séries, journaux télévisés, publicités…). Gruyaert est ainsi devenu l’un des premiers artistes à poser un regard critique sur la télévision, mais aussi à s’intéresser à la photographie couleur. Il reprend la série en 2008 pour le Mois de la photo. Quatre écrans encerclent les spectateurs et diffusent les clichés sous forme de diaporamas au son d’une composition originale, ce qui provoque derechef une sensation d’oppression. Dans un article du Monde, la journaliste Claire Guillot explique alors que « le spectateur est noyé sous les images ». En 2015, Gruyaert reprend à nouveau TV Shots pour l’exposition « Écrans » à la galerie Cinéma. Outre l’accrochage d’une sélection de photographies, un diaporama inédit sera diffusé sur un seul écran accompagné d’une nouvelle bande-son. Plus dépouillé et moins angoissant, le dispositif révèle cette fois davantage la beauté plastique des clichés, sans manquer de réaffirmer la puissance visionnaire de l’œuvre. Retour sur la série avec son auteur, capteur précurseur du pouvoir hypnotique et aliénant de la télévision. « Écrans », avec les séries TV Shots de Harry Gruyaert et Cinémas de Stephan Zaubitzer, du 29 mai au 25 juillet à la galerie Cinéma « Harry Gruyaert » jusqu’au 14 juin à la Maison européenne de la photographie TV Shots de Harry Gruyaert (Steidl) Disponible
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# 11 of Media Tv Shots Series – 1972
« Quand je fais une image, je n’ai pas d’idées préconçues, je suis simplement saisi par quelque chose. C’est après que je me dis : “C’est fort, c’est terrifiant.” Je ne suis pas du tout quelqu’un de conceptuel, ça ne m’intéresse pas. La spécificité de la photographie, comme moi je la conçois, c’est le hasard, la surprise, la découverte dans le déroulement des événements. Je vis les instants plus intensément quand je fais des photos. Je comprends mieux les choses comme ça. »
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#21 of Media Tv Shots Series – 1972.
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« J’étais dégoûté par le pouvoir de la télévision. Je trouvais que ça aurait pu être un vecteur d’éducation formidable. On aurait pu apprendre des choses, expliquer les sciences, la politique… Mais en 1972, la télévision avait déjà pris une tournure très mercantile. Je crois qu’à l’époque [en GrandeBretagne, ndlr] il n’y avait que BBC 1, BBC 2 et ITV, qui était la plus commerciale des trois. Il y avait beaucoup de pubs, ça m’agaçait. L’esprit était déjà très chauvin, aussi. J’avais donc une sorte de relation d’attirance/répulsion qui était assez stimulante. » #15 of Media Tv Shots Series – 1972.
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#22 of Media Tv Shots Series – 1972.
« Il s’agit de la working class typique du nord de l’Angleterre. Dans les années 1960, on sentait plus le poids de la Seconde Guerre mondiale en Grande-Bretagne qu’en France. Je pensais qu’il y avait moyen de faire un portrait du pays à travers sa télé. Bizarrement, moi qui ne suis pas journaliste du tout, ça a été ma série la plus journalistique. Je voulais vraiment, quelque part, démontrer quelque chose. Mais ça a été toute la dualité de ce travail : l’idée de départ était de dénoncer et, finalement, c’est devenu très esthétique. »
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#16 of Media Tv Shots Series – 1972
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#06 of Apollo xiv Serie – 1972
#14 of Media Tv Shots Series – 1972.
#11 of Media Tv Shots Series – 1972.
« C’est une vraie drogue, la télé, je n’avais jamais vu des gens qui en consommaient tellement. Ça commençait déjà à cette époque, plus en Angleterre qu’en France d’ailleurs. La télé était mieux faite là-bas, ils étaient plus professionnels. C’est la télé anglaise qui m’a donné l’idée de la série, parce que les couleurs étaient bien plus intéressantes que le système PAL, moins contrasté. De manière générale, la structure des écrans de l’époque, avec les dots [points lumineux générés par les tubes cathodiques, ndlr], était bien plus jolie que celle qui se fait aujourd’hui, qui donne des images très cliniques. »
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« Avant de m’installer à Londres, j’ai passé pas mal de temps à New York. J’ai été influencé par le Pop Art, qui était nouveau à l’époque : Roy Lichtenstein, qui avait fait aussi tout un travail sur le dot [point de trame d’imprimerie, ndlr], Nam June Paik… J’étais aussi très admiratif du peintre anglais Richard Hamilton. Ce n’était pas du Caravage ni du Monet, mais complètement autre chose. Il y avait une certaine vulgarité, des couleurs criantes… Ce que je trouvais important dans le Pop Art, c’était de regarder la banalité avec humour. C’est la leçon la plus importante dans tout ça. »
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les F I L M S du 6 mai au 3 juin REFUGIADO
Dans ce road movie anxiogène, Diego Lerman met l’angoisse en abyme. p. 70
LOS HONGOS
Oscar Ruíz Navia capte un instantané de la société colombienne p. 74
LOIN DE LA FOULE DÉCHAÎNÉE
Thomas Vinterberg adapte un classique de la littérature anglaise p. 78
La Tête haute Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas à une grosse production hollywoodienne que revient cette année l’honneur d’ouvrir le Festival de Cannes, mais à un film français, social, réalisé par une femme, et avec un jeune inconnu dans le rôle principal.
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PAR RAPHAËLLE SIMON
mmanuelle Bercot se plaît à situer ses récits initiatiques à la marge. Dans La Puce (1999), chronique de la défloraison d’une jeune fille par un homme de vingt ans son aîné, ou dans Backstage (2005), histoire de dévoration entre une fan et son idole, ses héroïnes apprennent la vie et l’amour en décalé, plus tôt, plus fort, et plus dur que les autres. La Tête haute ne déroge pas à la règle, avec son héros à la dérive. Entre deux vols de voitures et deux agressions, Malony (Rod Paradot), 16 ans, élevé par une jeune mère dépassée (Sara Forestier) et un éducateur lui-même ancien voyou (Benoît Magimel), passe son temps dans le bureau d’une juge pour enfants (Catherine Deneuve). « Depuis qu’il sait marcher il est délinquant », se décharge la mère, à bout de nerfs et d’arguments pour justifier les récidives de son fils. Dans une mise en scène naturaliste qui laisse sourdre de pudiques moments de complicité, la réalisatrice filme le chemin de croix que suivent, en faisant quelques faux pas, la juge et l’accompagnateur, pour tenter d’amener Malony vers la rédemption. Mais de foyers en cellule de prison, la route est longue pour ce jeune garçon très immature socialement et sentimentalement. À la moindre contrariété, c’est-à-dire à la moindre émotion, Malony abandonne ses bonnes
résolutions et retourne à la case départ : le bureau de la juge, véritable scène de théâtre, où chacun se lance dans son numéro – la juge autoritaire, la mère à la masse, le délinquant borné. Trouver le point de bascule pour faire pencher la balance : entre la juge et le condamné, tout est affaire de discours, de tchatche, de drague, de mensonges et de vérités. Hormis peut-être Sara Forestier, qui, grimée de fausses dents jaunâtres, en fait un peu trop, les performances sont à la hauteur pour ce film de rôles. Benoît Magimel évite subtilement le registre démago dans lequel pourrait le faire tomber sa fonction d’éducateur, Catherine Deneuve, qu’Emmanuelle Bercot retrouve après Elle s’en va (2013), est absolument magistrale, et Rod Paradot, dont c’est le premier rôle, s’impose comme la révélation du film. Tout en émotion difficilement contenue, avec sa belle gueule toujours froncée, le jeune comédien parvient à retranscrire la versatilité des états d’âme de son personnage sans nous perdre en route. Qu’il soit charmeur ou exécrable, dans les clous ou à la dérive, Malony suscite toujours une profonde empathie. d’Emmanuelle Bercot avec Rod Paradot, Catherine Deneuve… Distribution : Wild Bunch Durée : 2h Sortie le 13 mai
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L’Épreuve PAR MEHDI OMAÏS
La guerre, Erik Poppe l’a vécue de près dans les années 1980. Derrière son objectif de photojournaliste, il en a vu toute la laideur. Trente ans plus tard, il rouvre ses plaies ruisselantes avec L’Épreuve. Juliette Binoche y incarne une photographe grièvement blessée sur le front afghan. De retour en Irlande, son mari lui intime de lever le pied, la mettant ainsi face à un terrible dilemme. d’Erik Poppe avec Juliette Binoche, Nikolaj Coster-Waldau… Distribution : Septième Factory Durée : 1h57 Sortie le 6 mai
Ladygrey PAR QUENTIN GROSSET
Hyena PAR LOUIS BLANCHOT
Plusieurs années, déjà, que l’on n’a plus guère de nouvelles du polar britannique à l’an cienne façon La Loi du milieu de Mike Hodges (1971). C’est qu’aujourd’hui le genre perdure davantage par le biais d’exercices de style qui s’inscrivent en droite ligne d’Arnaques, Crimes et Botanique de Guy Ritchie (1998). Soit des tarantinades potaches qui, sous couvert de moderniser le registre british, cherchent surtout à draguer l’Amérique. Malgré quelques péchés de jeunesse (dont une bande-son techno- atmosphérique un peu ampoulée), Hyena sonne l’heureux retour du genre à une forme rugueuse, sèche comme un coup de trique. Le deuxième film de Gerard Johnson se
focalise sur la descente aux enfers d’un flic ripou jusqu’à la moelle et menacé de toutes parts. On ne met pas très longtemps à comprendre que le compte à rebours est lancé pour ce bad lieutenant au visage creusé par les excès qui jamais ne trouvera d’autre solution pour s’en sortir que de s’enliser chaque fois plus dans le gouffre de la corruption. Un portrait d’un condamné à mort qui en cache un autre : celui d’une cité londonienne gangrenée où le brouillard n’est plus dans la rue mais dans les âmes, rendant définitivement indistincte la frontière entre le bien et le mal.
Adaptation de deux romans d’Hubert Mingarelli (La Dernière Neige et Une rivière verte et silencieuse), le premier long métrage du chef opérateur Alain Choquart se penche sur les blessures encore ouvertes d’une communauté de Sud-Africains noirs et blancs dix ans après l’abolition de l’apartheid. En prenant le temps d’écouter chacun de ses nombreux personnages, tous ébranlés par le poids du secret, il signe un mélodrame tourmenté et pudique.
de Gerard Johnson avec Peter Ferdinando, Stephen Graham… Distribution : The Jokers / Bac Films Durée : 1h48 Sortie le 6 mai
d’Alain Choquart avec Jérémie Renier, Claude Rich… Distribution : Rezo Films Durée : 1h49 Sortie le 6 mai
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> UN PEU, BEAUCOUP, AVEUGLÉMENT
Melody PAR M. O.
Après un premier long métrage de fiction remarqué en 2009, La Régate (le portrait d’un ado violenté par son père), le Belge Bernard Bellefroid poursuit son exploration des liens filiaux avec Melody. Un titre qui fait référence au prénom de son héroïne, une coiffeuse désargentée rêvant d’ouvrir son propre salon. Pour arriver à ses fins, elle
accepte de porter le bébé d’Emily, une Anglaise nantie. Naît alors une relation émouvante, riche en nondits et soutenue par les interprétations magistrales de Rachael Blake et Lucie Debay.
Une pianiste (Mélanie Bernier) emménage dans un studio. Elle ne se doute pas que son voisin (Clovis Cornillac, aussi réalisateur), un ermite inventeur de casse-tête, est capable de tout pour préserver le silence des lieux… Un premier film léger et romantique. de Clovis Cornillac (1h30) Distribution : Paramount Sortie le 6 mai
de Bernard Bellefroid avec Rachael Blake, Lucie Debay… Distribution : Damned Durée : 1h32 Sortie le 6 mai
> LE TALENT DE MES AMIS Alex travaille avec son meilleur ami, Jeff, dans une multinationale. Mais lorsque Thibaut, son pote d’enfance, débarque dans sa vie, il se rend compte qu’il a laissé ses rêves de côté et s’éloigne de Jeff… Pour sa première réalisation, Alex Lutz s’illustre dans un registre plus dramatique que l’on ne pouvait s’y attendre. d’Alex Lutz (1h38) Distribution : StudioCanal Sortie le 6 mai
My Old Lady PAR R. S.
Mathias (Kevin Kline), un NewYorkais en pleine crise de la cinquantaine, débarque à Paris pour vendre l’hôtel particulier que son père lui a légué en héritage… Sauf que ladite propriété est occupée, en viager, par une vieille dame d’origine anglaise (Maggie Smith) et par sa fille acariâtre (Kristin Scott Thomas)… Le cinéaste et
dramaturge Israël Horovitz n’hésite pas à sortir les accordéons et les bouteilles de Bordeaux pour saouler son héros en plein jetlag culturel dans cette farce romantique pure american juice. d’Israël Horovitz avec Kevin Kline, Maggie Smith… Distribution : Zelig Films Durée : 1h42 Sortie le 6 mai
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> PARTISAN
Alexandre est né dans une communauté à l’écart du monde. Son père, Grégori, a arraché les siens à la société, sous prétexte de protéger ses nombreuses femmes et enfants. Ariel Kleiman invente un univers dystopique dans lequel Vincent Cassel brille en tyran calme et mesuré. d’Ariel Kleiman (1h38) Distribution : ARP Sélection Sortie le 6 mai
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Titli
Une chronique indienne PAR ÉRIC VERNAY
Issu d’une famille de braqueurs de voitures, Titli n’a qu’une idée en tête : s’éloigner de la bruta lité de ses frères et de l’étouf fante autorité paternelle. Mais pour monter sa propre affaire et racheter un parking, il devra encore faire (et prendre) quelques (mauvais) coups. Le premier film de Kanu Behl narre cette tentative d’émancipation en brassant les thèmes classiques du film de mafia. Peut-on s’affranchir des liens du sang sans se renier soi-même ? Quel est le prix à payer ? Refusant l’esthétique sucrée estampillée Bollywood, le style de Behl est réaliste, sobre, rugueux, d’un burlesque sanglant
et très attentif à l’environnement social. Le film s’infiltre en ce sens dans la brèche ouverte par la nouvelle vague du cinéma indien – Anurag Kashyap (Gangs of Wasseypur), Ritesh Batr (The Lunchbox). Venu du documentaire, le cinéaste montre frontalement la pauvreté de zones périphériques de Delhi, la lutte des femmes contre l’oppression patriarcale ou encore l’existence
anachronique du mariage forcé. Le casting est essentiellement constitué de comédiens amateurs. Il révèle Shivani Raghuvanshi, étonnante actrice débutante qui confère à son rôle ambigu une belle aura sensuelle. de Kanu Behl avec Shashank Arora, Shivani Raghuvanshi… Distribution : UFO Durée : 2h07 Sortie le 6 mai
Les Terrasses PAR TIMÉ ZOPPÉ
À Alger, cinq terrasses situées dans autant de quartiers diffé rents sont le lieu d’événements violents qui viennent pointer certains aspects troubles de la société algérienne… La belle idée du réalisateur algérien Merzak Allouache est de ne jamais descendre sa caméra au niveau de la
rue. Elle reste toujours en altitude, sur ces terrasses qui révèlent ici leur caractère paradoxal – qu’elles soient exposées aux regards ne les empêche nullement d’abriter des actes secrets et sordides. Les histoires montrées n’ont a priori rien à voir : une fillette dialogue avec son oncle reclus dans
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un abri de fortune ; un groupe de truands torture ses victimes ; de jeunes musiciens s’interrogent sur leur étrange voisine… Si cette façon de compartimenter les histoires peut rendre le fil du récit difficile à suivre, elle redouble en revanche avec pertinence le constat déjà symbolisé par les terrasses, d’où l’on peut se voir et se parler, mais pas se rejoindre. Suivant ce principe, les trajets des personnages finissent par mener à diverses formes d’isolement. Heureusement, d’encourageantes manifestations de soutien et d’entraide illuminent le chemin et l’empêchent de se conclure en résignation stérile. de Merzak Allouache avec Adila Bendimerad, Nassima Belmihoub… Distribution : Les Films de l’Atalante Durée : 1h31 Sortie le 6 mai
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> LES JARDINS DU ROI
Zaneta PAR HENDY BICAISE
Une famille rom vivant en Répu blique tchèque est confrontée à la précarité, aux tentations criminelles et à la ségrégation. L’espoir de changement est mis en exergue par le titre original du film, Cesta Ven, qui peut se traduire par : « Je m’en sortirai ». L’avoir renommé « Zaneta » pour sa sortie française en fait un hommage manifeste et
justifié à son héroïne. Plus l’intrigue se déploie, avec rigueur et jamais en ligne droite, plus la jeune mère semble porter sa famille et même sa communauté à bout de bras.
Une paysagiste (Kate Winslet) se voit confier la création d’une roseraie au château de Versailles. Après L’Invitée de l’hiver (1997), l’acteur Alan Rickman (Harry Potter) signe un film en costumes académique qui profite d’un angle historique singulier. d’Alan Rickman (1h57) Distribution : Metropolitan FilmExport Sortie le 6 mai
de Petr Václav avec Klaudia Dudová, David Ištok… Distribution : Norte Durée : 1h43 Sortie le 6 mai
> CERTIFIÉE HALAL
Une jeune Française d’origine algérienne, militante féministe, se retrouve droguée, kidnappée et emmenée au bled afin d’y être mariée de force par son frère et son cousin… Après Beur blanc rouge (2006), Mahmoud Zemmouri continue à se jouer des clichés. de Mahmoud Zemmouri (1h25) Distribution : MLA Films Sortie le 13 mai
La Tribu des fourmis PAR JULIE MICHARD
Des travailleurs viennent s’installer par milliers dans le village de Tang Jialing, en banlieue de Pékin, pour fuir les loyers exorbitants de la capitale. Ils sont surnommés la Tribu des fourmis… En filmant cette réalité sociale, Yang Huilong explore les dessous cachés de la croissance économique chinoise. Figeant ses personnages dans une ville en
perpétuel mouvement, il retranscrit la déshumanisation de l’espace urbain tout en interrogeant avec sa mise en scène poétique les rêves d’une communauté précaire. de Yang Huilong avec Kailin Tang, Shu Yao… Distribution : Jupiter Films Durée : 1h28 Sortie le 6 mai
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> NARUTO THE LAST. LE FILM
Naruto et ses amis ninja doivent tout faire pour empêcher l’infâme Toneri Ōtsutsuki de fendre la Lune pour que celle-ci écrase la Terre et détruise le monde. Naruto The Last est le dixième film adapté du célèbre manga, et le deuxième qui sort au cinéma en France. de Tsuneo Kobayashi (1h52) Distribution : Eurozoom Sortie le 13 mai
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Goodnight Mommy PAR M. O.
Des jumeaux de 10 ans attendent leur mère, laquelle revient défigurée par une opération de chirurgie esthétique. Doutant de son identité, les mioches à l’aura angélique vont se transformer en démons pour la tester. Voyage malaisé au cœur de la psyché humaine, cette œuvre des Autrichiens Veronika Franz et Severin Fiala s’articule sur une réalisation au cordeau d’où rien ne dépasse. de Veronika Franz et Severin Fiala avec Susanne Wuest, Elias Schwarz… Distribution : KMBO Durée : 1h39 Sortie le 13 mai
Girls Only Par Q. G.
Refugiado PAR RAPHAËLLE SIMON
Laura quitte sa maison à la hâte avec son fils Matias pour fuir son mari violent. Des refuges, ils en trouveront plusieurs : un hôpital, un centre pour femmes battues, un love hotel sordide… Mais, traqués par un homme désespéré, ils ne seront jamais vraiment à l’abri… Après L’Œil invisible, dans lequel il filmait en huis clos les ravages psychologiques de l’autoritarisme dans l’Argentine totalitaire, Diego Lerman s’applique à mettre l’angoisse en abyme dans ce road movie anxiogène. Il filme ses personnages comme des proies que l’on traque et que l’on épie à travers une porte ou dans le reflet d’un miroir, et nous fait perdre tout repère dans cette course
labyrinthique. La violence est là, mais elle est hors champ. Le danger survient, mais pas toujours d’où on l’attend. Car si l’on craint le châtiment paternel, on redoute tout autant les réactions imprévisibles du fils, qui peuvent faire tout capoter. Matias a 8 ans, il voit les choses avec son regard d’enfant et fuit avec sa mère dans les rues de Buenos Aires comme s’il jouait à chat. Ce croisement des regards apporte à l’univers glaçant du film une émouvante tendresse. Leur refuge, Laura et son fils ne le trouveront qu’au bout de leurs cheminements respectifs.
Megan va bientôt avoir 30 ans, et ses meilleures amies commen cent toutes à se ranger. Pas très enthousiaste à l’idée de se marier avec un petit ami peu aventureux, elle décide de prendre du bon temps avec Annika, une ado de 16 ans chez qui elle se réfugie pour prendre ses distances avec une vie faite d’obligations. Dans un canevas ultra conventionnel, Keira Knightley, assez drôle en slacker irresponsable, livre une performance rafraîchissante.
de Diego Lerman avec Julieta Díaz, Sebastián Molinaro… Distribution : Haut et Court Durée : 1h33 Sortie le 13 mai
de Lynn Shelton avec Keira Knightley, Chloë Grace Moretz… Distribution : Version Originale / Condor Durée : 1h41 Sortie le 13 mai
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Irvin Yalom. La thérapie du bonheur PAR H. B.
À la mort de son père, la réalisatrice Sabrine Gisiger se plonge dans les livres du psychothérapeute américain Irvin Yalom ; une lecture qui l’aide à surmonter sa peine et à réorienter ses priorités. Savoir pardonner à ses proches, leur dire qu’on les aime, c’est plus facile à dire qu’à faire… sauf si le professeur Yalom vous suit. Ce qu’il fait ici durant
près de quatre-vingts minutes, allant jusqu’à laisser régulièrement le silence s’installer pour permettre au spectateur de s’imprégner de ses enseignements.
> les lettres portugaises
Cloîtrée dans une église, une actrice répète sa prochaine pièce, basée sur la correspondance d’une religieuse du xviie siècle avec un soldat… Les cinéastes jouent l’épure avec ce huis clos austère, porté par le jeu magistral de Ségolène Point. de Bruno François-Boucher et Jean-Paul Seaulieu (1h15) Distribution : Kanibal Films Sortie le 13 mai
de Sabine Gisiger Documentaire Distribution : Sophie Dulac Durée : 1h17 Sortie le 20 mai
> UNE FEMME IRANIENNE Pour rembourser les dettes de son mari, emprisonné, Rana s’est improvisée conductrice de taxi. Elle rencontre Adineh, une femme qui veut devenir un homme… Poids des traditions et mutations de la société sous-tendent ce courageux film germano-iranien. de Negar Azarbayjani (1h42) Distribution : Outplay Sortie le 13 mai
La Cité muette PAR Q. G.
Sabrina Van Tassel part à la rencontre des survivants du camp de Drancy où étaient rassemblés les futurs déportés. Ceux-ci reviennent avec émotion sur leurs conditions d’internement. Réhabilités en logements sociaux dès 1947, ces bâtiments pourtant chargés d’histoire donnent depuis l’impression d’une cité HLM comme les autres. L’idée
forte de la réalisatrice consiste à recueillir le point de vue des habitants de la cité (dite la Muette) pour mesurer la place de la mémoire dans leur vie quotidienne. de Sabrina Van Tassel Documentaire Distribution : DistriB Films Durée : 1h28 Sortie le 13 mai
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> À LA POURSUITE DE DEMAIN
Une ado férue de science (Britt Robertson) et un ancien inventeur de génie (George Clooney) tentent de percer le secret d’un endroit situé dans une dimension parallèle : Tomorrowland… Le réalisateur de Ratatouille s’inspire ici d’une attraction du parc Disneyland. de Brad Bird Distribution : Walt Disney Sortie le 20 mai
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Christina Noble PAR H. B.
Christina Noble se rend au Viêt Nam et ne comprend qu’au contact d’orphelins la raison profonde de sa venue. Des flash-back sur sa propre jeunesse misérable en Irlande mettent en lumière les fondements de son action en faveur des enfants esseulés du pays. Quelques choix esthétiques maladroits lors des scènes dramatiques ne sauraient entamer l’affection que l’on porte au personnage, à sa cause, et à l’actrice rayonnante qui les transcende, Deirdre O’Kane. de Stephen Bradley avec Deirdre O’Kane, Sarah Greene… Distribution : Saje Durée : 1h40 Sortie le 20 mai
Dancers PAR É. V.
Los Hongos PAR HENDY BICAISE
Ras et Calvin sont graffeurs. Leurs proches aimeraient qu’ils s’élèvent professionnellement ou spirituellement, mais eux pré fèrent ce milieu underground. Les deux ados doivent se faire remarquer par leurs pairs mais pas par la police, faire leur trou en évitant de s’y retrouver. Avec cette histoire en partie autobiographique, Oscar Ruíz Navia ne cherche pas l’épate ni même la gradation vers la catastrophe que certains éléments laissent imaginer – la grand-mère de Calvin est malade, son père cache une machette sous son matelas. C’est un instantané de la société colombienne que capte le cinéaste, saisissant ses mutations rapides. De quoi songer aux Bruits de Recife
de Kleber Mendonça Filho, sorti l’an passé, qui s’attachait aux transformations et aux contradictions du Brésil d’aujourd’hui. Ici, la rencontre du béton et de la flore est plus violente encore : des plantes sauvages réinvestissent le lycée des ados à peine l’ont-ils délaissé, quand l’appartement de l’aïeule de Calvin est déjà transformé en véritable serre. C’est toute la ville de Cali, au sud-ouest du pays, qui change sous leurs yeux. Que Ras et Calvin y restent ou qu’ils la quittent, ils auront su y laisser leur marque. d’Oscar Ruíz Navia avec Jovan Alexis Marquinez, Calvin Buenaventura… Distribution : Arizona Films Durée : 1h43 Sortie le 27 mai
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Lukas, Syvert et Torgeir veulent être danseurs étoile. Mais pour intégrer l’académie de ballet d’Oslo, les trois amis vont devoir affronter de nombreux obstacles comme le stress des examens et l’érosion des liens d’amitié au gré des résultats et des sacrifices. Boosté par un montage dynamique et une musique tonitruante, le documentaire suit leurs parcours faits de soubresauts, de pas de deux et de cabrioles, dans un style aussi classique qu’efficace. de Kenneth Elvebakk Documentaire Distribution : ZED Durée : 1h13 Sortie le 27 mai
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> MAGGIE
Ex Machina PAR Q. G.
Programmateur dans une entreprise d’informatique, le jeune Caleb gagne un concours pour passer une semaine dans l’imposante propriété secrète de son patron, Nathan. Arrivé sur place, ce dernier l’enjoint de participer à des recherches sur les facultés intellectuelles d’Ava, un robot à l’apparence féminine. Pour Caleb, le trouble ne tarde pas à
s’installer… Ce nouveau film d’anticipation sur l’intelligence artificielle ne renouvelle pas le genre, mais tire son originalité et sa tension narrative de son dispositif en huis clos.
Un homme refuse d’abandonner sa fille alors que cette dernière a été infectée par un virus menaçant de la transformer en zombie… Arnold Schwarzenegger délaisse, le temps d’un rôle, la figure du gros bras pour se glisser dans la peau d’un père au grand cœur. de Henry Hobson (1h35) Distribution : Metropolitan FilmExport Sortie le 27 mai
d’Alex Garland avec Domhnall Gleeson, Alicia Vikander… Distribution : Universal Pictures Durée : 1h48 Sortie le 3 juin
> QUI C’EST LES PLUS FORTS
Après Mince alors ! (2012), Charlotte de Turckheim revient avec une nouvelle comédie légère dans laquelle deux amies se battent pour conserver la garde de la petite sœur de l’une d’elles. Un scénario timide mais porté par deux actrices au comique assuré. de Charlotte de Turckheim (1h43) Distribution : Wild Bunch Sortie le 3 juin
Manglehorn PAR L. B.
Étrange moment, dans la carrière d’une star du septième art, que celui où l’on ne sait plus si l’acteur accuse délibérément son âge pour le rôle ou si, au contraire, le rôle vient révéler une vieillesse devenue impossible à dissimuler. Dans ce nouveau film de David Gordon Green (Prince of Texas), Al Pacino n’a plus de jus et, pour une fois, il
ne fera pas semblant d’en avoir : égaré dans l’Amérique des bourgades croupissantes, l’ancien chien fou de Scarface est ainsi surprenant de sobriété en serrurier solitaire et mélancolique. de David Gordon Green avec Al Pacino, Holly Hunter… Distribution : The Jokers / Le Pacte Durée : 1h37 Sortie le 3 juin
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> ON VOULAIT TOUT CASSER
Kad Merad, Charles Berling, Benoît Magimel, Vincent Moscato et Jean-François Cayrey incarnent cinq hommes amis depuis plus de trente ans. Leurs vieux rêves d’ados ressurgissent lorsque l’un d’eux annonce qu’il s’embarque pour un tour du monde en bateau. de Philippe Guillard (1h30) Distribution : Gaumont Sortie le 3 juin
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Loin de la foule déchaînée PAR ÉRIC VERNAY
Thomas Vinterberg abandonne ses terres danoises pour le Dorset, où il adapte un classique de la littérature anglaise du xix e siècle signé Thomas Hardy. Loin de l’âpreté radicale du Dogme95 qui l’a fait connaître avec Festen en 1998, le réalisa teur choisit ici un écrin à la fois classique et classieux. Du velours pour les yeux, grâce à une photo sublime signée Charlotte Bruus Christensen. Le film conte le destin mouvementé de l’impétueuse Bathsheba Everdene, personnage féminin en avance sur son temps incarné par Carey Mulligan. Le cœur de cette femme vacille entre trois hommes : un modeste berger (le musculeux et mélancolique Matthias Schoenaerts), un ardent sergent (Tom Sturridge) et un vieux célibataire fortuné (Michael Sheen). Vinterberg, qui épouse
le regard libre de Bathsheba, a le bon goût de présenter ses prétendants avec une empathie équilibrée. Chacun d’entre eux a ainsi droit à ses nuances psychologiques, à son épaisseur romanesque et même à sa scène d’anthologie – un troupeau fondant dans l’abîme aux aurores, une initiation
sexuelle bucolico-martiale et une pudique déclaration d’amour fredonnée à la lumière des bougies. Un beau mélodrame. de Thomas Vinterberg avec Carey Mulligan, Matthias Schoenaerts… Distribution : 20th Century Fox Durée : 1h59 Sortie le 3 juin
Manos Sucias PAR ÉRIC VERNAY
Pour quelques liasses de billets, trois hommes transportent à leurs risques et périls une car gaison prohibée dans la jungle sud-américaine. Ce pitch minimaliste évoquera sans doute aux cinéphiles Le Convoi de la peur de William Friedkin (génial remake seventies du Salaire de la peur
d’Henri-Georges Clouzot) ; sauf que, cette fois, l’action se joue non plus dans un camion rempli de nitroglycérine, mais sur une barque tractant cent kilos de cocaïne dans les eaux boueuses de Colombie. Si le premier film de Josef Wladyka n’évite pas toujours les poncifs pour faire grimper la
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jauge du suspense, il tient néanmoins la route grâce à ses solides qualités immersives. Joué par des acteurs débutants et produit par Spike Lee, le long métrage impose une esthétique de thriller tiré au cordeau, grave mais sans excès de sérieux – voir la tchatche cocasse des narcotrafiquants à propos du rap ou du foot. Dans ses meilleurs moments, le rythme cale son pouls sur celui, obsédant et anxiogène, du sonar du bateau. L’intensité de ce polar amazonien culmine dans son dernier mouvement, lors d’une improbable course-poursuite en motos-taxis sur des rails perdus au milieu de la forêt humide. Sec et tendu. de Josef Wladyka avec Christian James Advincula, Jarlin Martinez… Distribution : Pretty Pictures Durée : 1h24 Sortie le 3 juin
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Parole de kamikaze PAR ADRIEN DÉNOUETTE
Revenu d’entre les morts, un fantôme témoigne. S’il n’a pas connu le même destin que ses camarades, Hayashi, 92 ans, semble condamné à une errance éternelle parmi les vivants. Sans artifice, Masa Sawada recueille le testament impossible d’un homme hanté toute sa vie par un rendez- vous manqué avec la mort. de Masa Sawada Documentaire Distribution : Haut et Court Durée : 1h14 Sortie le 3 juin
La Révélation d’Ela PAR J. M.
La Porte d’Anna PAR QUENTIN GROSSET
Dans ce documentaire lumi neux, les réalisateurs Patrick Dumont et François Hébrard posent un regard humaniste sur le quotidien d’un internat thérapeutique pour des enfants présentant des troubles men taux. Dans le pavillon Anna, une section de la Fondation Vallée, l’un des plus grands hôpitaux de pédopsychiatrie en France, une équipe de professionnels (éducateurs, infirmiers, psychologues, orthophonistes…) prend en charge sur plusieurs années une vingtaine de jeunes en vue d’améliorer leur socialisation. Les cinéastes captent la grande patience avec laquelle ils travaillent, tout en prenant le temps d’écouter leurs doutes ou l’exposé
de leurs difficultés. Pour aller au-delà de certains préjugés, cette chronique émouvante se double de quelques séquences pédagogiques assez précises pendant lesquelles des experts expliquent au spectateur que l’autisme a plusieurs degrés, plusieurs visages. La Porte d’Anna se situe dans le droit fil de La Cour de Babel (2014) de Julie Bertuccelli ou d’Être et avoir (2002) de Nicolas Philibert, ces films de classe qui, au-delà de leurs particularités respectives, offrent une réflexion universelle sur l’apprentissage parfois complexe de la vie en société.
Telle une anthropologue, Aslı Özge observe un couple de quinquagénaires au bord de la rupture à travers les grandes baies vitrées de leur maison, perchée sur les hauteurs d’Istanbul. Cette femme artiste et son mari architecte ont du mal à envisager la séparation… Avec son scénario minimaliste, la réalisatrice turque flirte avec le voyeurisme tout en jouant à dessein la carte du mystère, notamment autour des motifs de la tension au sein du couple.
de Patrick Dumont et François Hébrard Documentaire Distribution : Gebeka Films Durée : 1h20 Sortie le 3 juin
d’Aslı Özge avec Defne Halman, Hakan Çimenser… Distribution : Zootrope Films Durée : 1h48 Sortie le 3 juin
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> YMMA
Graziella PAR Juliette Reitzer
En semi-liberté au terme d’une longue peine de prison pour meurtre, Graziella (épatante Rossy de Palma, ici dépouillée de son habituelle excentricité) tente de se ménager un avenir dans son village d’enfance, malgré l’hostilité de la population locale. Sa rencontre avec un autre ancien détenu (Denis Lavant) l’aide à trouver sa
voie… Porté par une intrigue dense, le film de Mehdi Charef navigue entre le mélodrame et le thriller rural, témoignant d’une belle tendresse à l’égard de chacun de ses personnages.
Boujemâa, célibataire d’une quarantaine d’années, travaille dans une agence de pub au Maroc. En panne d’inspiration et lassé par la mentalité archaïque de ses proches, il décide de partir en Corse, à la recherche d’une femme qu’il a rencontrée sur Internet. de Rachid El Ouali (1h43) Distributeur : Panoceanic Films Sortie le 3 juin
de Mehdi Charef avec Rossy de Palma, Denis Lavant… Distribution : KG Productions Durée : 1h38 Sortie le 3 juin
> WALKABOUT. LA RANDONNÉE
La ressortie de ce film de 1970 permet de (re)vivre la rencontre mystique entre un frère et une sœur abandonnés et un aborigène alors que ce dernier vit son walkabout, une errance initiatique faisant office de passage à l’âge adulte. de Nicolas Roeg (1h40) Distribution : Solaris Sortie le 3 juin
Casa grande
> FIN DE PARTIE
PAR J. M.
Adolescent en crise dans une famille bourgeoise brésilienne, Jean (Thales Cavalcanti) doit soudainement affronter les conséquences de l’endettement de ses parents. Alors qu’il rêve de se consacrer à ses copains et à ses aventures amoureuses, son quotidien se retrouve ébranlé par ce brutal déclassement… Tout en explorant
habilement les profondeurs des clivages sociaux à Rio de Janeiro, Fellipe Barbosa met en scène son film à la manière d’un soap opera, édulcorant ainsi l’austérité du sujet avec une frivolité entraînante. de Fellipe Barbosa avec Thales Cavalcanti, Marcello Novaes… Distribution : Damned Durée : 1h54 Sortie le 3 juin
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À Jérusalem, un groupe de pensionnaires d’une maison de retraite fait face à la souffrance d’un proche, malade. Ils décident d’aider leur ami à mourir… Si ce film sur l’acharnement thérapeutique sent parfois un peu la naphtaline, il oscille avec brio entre drame et comédie. de Sharon Maymon et Tal Granit (1h35) Distribution : Eurozoom Sortie le 3 juin
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©collection christophel
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M de Joseph Losey (1951)
M le maudit et M Le remake américain de Joseph Losey est longtemps resté dans l’ombre de son modèle, le classique de Fritz Lang. Pour la première fois édité en DVD, M peut de nouveau défendre son honneur, mais n’entache en rien celui de son glorieux prédécesseur, réédité lui aussi en version intégrale restaurée. PAR TIMÉ ZOPPÉ
Sorti en 1931, M le maudit trône au panthéon des chefs-d’œuvre du cinéma. Le film de Fritz Lang s’inspire en partie d’un fait divers sordide, l’affaire du Vampire de Düsseldorf, surnom donné à un Allemand reconnu coupable de nombreux viols et meurtres au tournant des années 1920-1930. En circonscrivant les victimes de son personnage – le M du titre – aux enfants, Fritz Lang rend plus nette encore la dichotomie entre vice et innocence. Premier de ses films parlants, M le maudit brille toujours par ses innombrables trouvailles de mise en scène (montage parallèle, plan-séquence, travail sur le son). En 1950, alors qu’il s’est exilé aux États-Unis pour fuir le nazisme, le producteur de M le maudit, Seymour Nebenzal, perçoit un écho entre la paranoïa anticommuniste ambiante et la situation de l’Allemagne en 1930. Il commande alors un remake du film à Joseph Losey. Dans M, les reliquats d’expressionnisme de Fritz Lang laissent place à un style plus fluide et épuré, typique des films noirs hollywoodiens. En
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filmant en décor réel dans les rues de Los Angeles, l’Américain en fait davantage un polar urbain. Mais la grande différence tient au regard posé sur le tueur : là où Fritz Lang et son acteur aux yeux exorbités, Peter Lorre, font du personnage de M un être monstrueux et repoussant, Joseph Losey et David Wayne, dont la performance moins théâtrale est tout aussi saisissante, cherchent davantage à susciter l’empathie pour le personnage. Plus fouillée, la psychologie de M donne à réfléchir sur les circonstances qui peuvent mener à ce type de troubles, alors que la phrase de conclusion de M le maudit traduit uniquement la croyance en un mal intrinsèque et le souci de s’en prémunir : « Maintenant, nous devrons surveiller nos enfants. » M le maudit de Fritz Lang M de Joseph Losey Éditeur : Films sans Frontières Durée : 1h50 / 1h28 Disponibles
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dvd
LES SORTIES DVD
> IT FOLLOWS
> THE SMELL OF US
> FOXCATCHER
David Robert Mitchell fait une entrée remarquée dans le cinéma d’horreur avec son deuxième long métrage, It Follows, sélectionné à la Semaine de la critique l’année dernière. Dans ce film aux influences carpentiennes, il raconte via une mise en scène soignée et anxiogène l’histoire d’une jeune adolescente aux prises avec un mal invisible qui lui a été transmis sexuellement. Soit une allégorie horrifique qui permet à Mitchell, qui était déjà parvenu à rafraîchir le genre du teen movie avec son premier film, The Myth of the American Sleepover (2010), de répandre du sang neuf dans un slasher au thème pourtant éculé. J. M.
Dans le sombre et remuant The Smell of Us, tourné à Paris et en français, Larry Clark s’intéresse à de jeunes skateurs qui se prostituent et offre, comme un autoportrait, un regard rétrospectif sur les motifs qui jalonnent son œuvre. Le film prend même des allures testamentaires : jamais Larry Clark n’avait autant joué de son image, jamais il n’avait parlé aussi crûment de la vieillesse. Le contraste entre la représentation de corps juvéniles et celle de corps flétris laisse deviner sa peur du déclin à lui, le photographe et le cinéaste qui s’est nourri de l’adolescence, de sa fougue, de ses dérives. Q. G.
En abordant Foxcatcher, il ne faut pas se fier à la prothèse nasale et à la contre-performance de Steve Carell, dans le rôle d’un vieux garçon morose, qui peuvent passer pour des astuces typiquement hollywoodiennes visant à détourner l’attention du spectateur des défauts du film. Ici, tout est au service d’une dramaturgie de haute volée. Foxcatcher conte l’histoire vraie des frères Schultz, médaillés d’or olympiques de lutte, qui pactisent avec le riche héritier John du Pont pour poursuivre leur carrière. Aidé de son grand sens du rythme et de son économie narrative, Bennett Miller orchestre une tragédie inoubliable. T. Z.
de David Robert Mitchell (Metropolitan FilmExport)
> BAAL
de Volker Schlöndorff (Carlotta)
Premier film de Volker Schlöndorff, adapté de la première pièce de Bertolt Brecht, avec Rainer Werner Fassbinder dans l’un de ses premiers rôles à l’écran, Baal ne pouvait être qu’un concentré d’expérimentations. Le téléfilm a d’ailleurs tellement scandalisé la veuve de Brecht lors de sa diffusion en Allemagne en 1970 qu’elle l’a fait interdire. La film est resté invisible pendant 34 ans. Sa sortie en salle l’an dernier a enfin permis de découvrir l’errance de Baal, poète maudit et décadent, établissant un étrange parallèle entre son parcours et celui de son interprète, le comédien et cinéaste Fassbinder. T. Z.
de Larry Clark (Jour2fête)
de Bennett Miller (TF1)
> COFFRET WERNER HERZOG VOLUME 2
> L’AFFAIRE SK1
Ce coffret réunit les films du cinéaste de la démesure réalisés entre 1976 et 1982, période qui suit ses grands succès Aguirre, la colère de dieu (1972) et L’Enigme de Kaspar Hauser (1974). À l’apogée de sa carrière, le réalisateur allemand poursuit ses expériences extrêmes : faire tourner ses acteurs sous hypnose dans Cœur de verre (1976), gravir un volcan qui menace d’entrer en éruption dans La Soufrière (1977) ou encore faire le remake d’un film mythique et fondateur du cinéma avec Nosferatu. Fantôme de la nuit (1979). Le tout est accompagné par un très éclairant livret signé par le critique Hervé Aubron. Q. G.
Paris, 1991 : le jeune Franck Magne, nouvelle recrue du Quai des Orfèvres, enquête sur l’assassinat d’une jeune fille. Confronté à d’autres meurtres similaires, il ne tarde pas à faire un lien entre les différentes affaires. Dix ans plus tard, l’avocate Frédérique Pons défend Guy Georges, le violeur et tueur de l’Est parisien… En entrelaçant ces deux trames autour de l’affaire SK1 (pour serial killer n° 1), le réalisateur s’échappe de la simple reconstitution des faits pour faire ressortir tout le trouble et la complexité qui entourent la figure de Guy Georges, interprété de façon nuancée par Adama Niane. C. Ga.
(Potemkine)
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de Frédéric Tellier (M6 Vidéo)
cultures MUSIQUE
KIDS
LIVRES / BD
SÉRIES
ARTS
Django Django ROCK
Succès surprise de 2012, Django Django a posé ses valises après une longue tournée pour mettre en boîte son second album. En treize chansons étincelantes, Born Under Saturn confirme la place du groupe en première division de la pop actuelle. Rencontre avec quatre garçons dans le vent qui ont convoqué les esprits du passé pour enchanter notre présent. PAR MICHAËL PATIN
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© photograph credit fiona garden. background image by antonio zarli
’est à coups de « bonsoir » parfaitement articulés que les membres de Django Django nous accueillent dans l’hôtel parisien où ils ont pris leurs quartiers. Si le nom de leur groupe n’a rien à voir avec Django Reinhardt (ni avec les films de Sergio Corbucci et de Quentin Tarantino), ces Britanniques maîtrisent un français de survie qui révèle leur expérience des tournées sans fin, celles qui occupent la majorité de leur temps depuis la sortie du plébiscité Django Django (2012). « On sait dire “bonsoir”, “merci”, “ça va”, “baguette”, “café au lait”, “parlez-vous anglais” et “bière”, qui par chance est très proche de “beer” », s’amusent-ils. Quelques heures avant leur concert du soir, à l’occasion duquel ils dévoileront quelques chansons de Born Under Saturn à un public conquis, David Maclean (batterie),
XVIIIe XVIIe
XIXe VIIIe
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IIIe
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XIIe
FESTIVAL Villette Sonique du 21 au 27 mai à la Villette p. 90
XIIIe
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EXPOSITION « Icônes américaines » jusqu’au 22 juin au Grand Palais p. 100
MUSIQUE
Anton Newcombe atterrit au milieu d’un film de la Nouvelle Vague fantasmé. p. 88 SPECTACLES
JEUX VIDÉO
KIDS
Voyage dans la préhistoire : la chronique d’Élise, 6 ans et demi p. 92 FOOD
Vincent Neff (chant, guitare), Jimmy Dixon (basse) et Tommy Grace (clavier) affichent une décontraction remarquable. Ce qui, loin d’être une pose de parvenus, signale leur sincère détachement par rapport aux affres du show-business. L’enjeu est pourtant de taille pour ces jeunes gens simples qui ont réussi l’exploit d’écouler deux cent mille copies de leur premier disque, conçu en autarcie dans la chambre de David, et doivent maintenant prouver que leur pop éclectique et dansante n’est pas qu’un joli feu de paille. CONFIRMATION
Ce que Born Under Saturn confirme, bien au-delà du single « First Light » et de sa mélodie vocale imparable. De l’ample et entraînant « Giant » au tendu et mouvant « Life We Know », on retrouve intacte leur faculté à mélanger les sources sans forcer le trait, de l’Angleterre des Beatles ou de Blur à l’Amérique des Beach Boys et de Link Wray, en passant par l’Écosse du Beta Band (groupe dans lequel jouait le grand frère de David). Plus encore, c’est l’attention minutieuse portée à la composition qui les place à nouveau au-dessus de la mêlée. « C’est peut-être lié à l’époque dans laquelle nous avons grandi, commentent-ils modestement. La majorité de la musique qu’on aime n’est pas récente, ça va en gros de l’âge d’or des années 1960 au début des années 1980. On s’intéresse beaucoup aux structures, aux harmonies, aux arrangements, toutes ces petites choses complexes qui font le charme d’une chanson pop. C’est fascinant d’étudier comment Harry Nilsson ou John Lennon écrivent, par exemple. Une mélodie très simple peut ouvrir un large champ de construction. » En ce sens, le travail sonore opéré pendant trois semaines dans une ferme de la région d’Oxford, reconvertie en studio d’enregistrement par
LIVRES
Arsène Lupin est de retour, sous la plume joueuse d’Adrien Goetz p. 94 MODE
« Une mélodie très simple peut ouvrir un large champ de construction. » un ancien claviériste de Jamiroquai, ne saurait être un cache-misère, mais décuple l’éclat et la finesse de leurs chansons. Et pour ne pas succomber au blues des perfectionnistes, ils ont trouvé sur place une méthode de décontraction pour le moins particulière, en faisant appel aux… esprits. « Un soir, on a commencé à boire avec les ingénieurs du son. On avait remarqué une planche de ouija et on leur a demandé si l’on pouvait l’essayer. L’un d’eux l’a donc dépliée, a mis des bougies autour, et on a essayé de contacter les esprits. On est tombés sur quelqu’un nommé Jeff, et quand on lui a demandé s’il était dans la pièce, le vieux piano cabossé qui était à côté s’est mis à jouer une note. La copine de Jimmy, qui était là, a bien failli avoir une crise cardiaque ! Ce n’est qu’après qu’on a appris qu’il s’agissait d’un piano programmable, et que le mec du studio avait fait en sorte qu’il démarre à ce moment précis. » Les Django Django seraient-ils, derrière leur apparence de gentils garçons, des spiritualistes allumés ? « On s’intéresse au mysticisme comme on aimait lire des contes de fée étant enfants ; c’est juste une manière d’être transporté dans des mondes parallèles », nous assurent-ils. En ce qui nous concerne, on se contentera cette année d’un aller simple pour Saturne. Born Under Saturn de Django Django (Because) Disponible
le PARCOURS PARISIEN du mois
DANSE deGeneration jusqu’au 20 mai au Théâtre des Abbesses p. 102
présente
FOOD Papa Sapiens 32, rue de Bourgogne Paris VIIe p. 106
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MODE « Jean Paul Gaultier » jusqu’au 3 août au Grand Palais p. 107
© katy lane
cultures MUSIQUE
Anton Newcombe b.o. imaginaire
Toujours aussi prolifique, psyché et perché, le rocker Anton Newcombe, accompagné de Soko et d’Asia Argento, fait atterrir son Brian Jonestown Massacre au milieu d’un film de la Nouvelle Vague fantasmé. PAR ÉRIC VERNAY
En 2004, le groupe d’Anton Newcombe explosait sur grand écran grâce au documentaire musical Dig! d’Ondi Timoner. On y assistait, stupéfait et parfois hilare, au destin tragi-comique d’un artiste doué mais autodestructeur et allergique au compromis, contrairement à ses collègues des Dandy Warhols, plus pragmatiques. Quinze ans plus tard, le junkie incontrôlable s’est assagi : il ne tabasse plus ses propres musiciens sur scène quand il ne les juge pas à la hauteur et vit désormais retranché à Berlin avec sa famille – loin de San Francisco. Mais il a conservé son côté don Quichotte du rock, indéfectible idéaliste, et l’actualité ne cesse d’apporter de l’eau à ses (nombreux) moulins. « Kim Kardashian ou Madonna au Super Bowl ? Cette merde ne représente pas ma culture. Il ne faut pas faire des chansons comme des Nike dont tout le monde veut le dernier modèle un jour puis se fout le lendemain. Je ne fais pas des chansons jetables, mais de la musique atemporelle. » Voilà pour la pop. La politique américaine ? « Le fascisme est de retour. La N.S.A. vient
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de dire que, dans deux ans, elle ne nous espionnera plus parce que les grandes entreprises le font déjà. C’est violent. Tout le monde est raciste aux U.S.A., ils adorent American Sniper, film dans lequel un Américain fait exploser les têtes de gens comme des animaux pendant deux heures. » Le cinéma actuel est d’ailleurs trop formaté à son goût : « On ne fait plus de films comme en France et en Italie dans les années 1960 et 1970. À l’époque de la Nouvelle Vague, les cinéastes comme Truffaut ou Godard s’en foutaient de Hollywood ! Ils n’avaient pas besoin d’argent, d’autorisations ou de mecs qui réécrivent leur scénario quinze mille fois. » D’où cet album en forme de B.O. imaginaire au parfum psychédélique, essentiellement instrumental, et en français s’il vous plaît. « Je peux enregistrer en suédois, en slovaque ou en russe, il n’y a pas de règles. C’est ma planète, peu importe la langue. » Musique de film imaginé de The Brian Jonestown Massacre (A Records/Differ-Ant) Disponible
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sélection
PAR Éric vernay et Wilfried paris
LÉVIATHAN
de Flavien Berger (Pan European)
Après deux EPs marathoniens (le seul morceau « Gilded Glaze » durait dix-neuf minutes), instrumentaux technoïdes langoureux ou voyages mentaux chantés atones, Flavien Berger sort son premier album, trip synthétique entre tourisme exotique et balades sidérales, des fonds marins jusqu’aux étoiles. Évoquant ici les entrelacs liquides d’Aquaserge (revus par Kraftwerk), là les saillies vocales de Suicide (ou Bruce Springsteen remixé par Trentemøller), il dérive et divague en poésie étrange, vers l’océan qui engloutit tout. W. P.
RATCHET
de Shamir (XL/Beggars)
Comme un diamant dans la boue, Shamir, 20 ans, est un joyau de pure soul grandi dans les marges de la ville du vice et de l’excès, Las Vegas, omniprésente sur ce premier album (après un premier EP buzzé, Northtown). De sa voix transgenre (ni fille ni garçon), transgénérationnelle (innocence du chant et maturité musicale), transcendant les genres musicaux (disco, house, R&B), entre hédonisme et mélancolie, Shamir est la plus belle promesse de la dance music depuis… le jeune prodige Michael Jackson, pas moins. W. P.
I DON’T LIKE SHIT, I DON’T GO OUTSIDE
d’Earl Sweatshirt (Columbia)
Rancœur persistante contre un père absent, difficultés à renouer avec une mère qui l’avait envoyé dans un centre thérapeutique en 2010, méfiance à l’encontre des vautours alléchés par son succès, allergie au monde extérieur en général… sur son caverneux deuxième album, Earl Sweatshirt développe les négatifs de son existence dans la chambre noire de son cerveau, toujours aussi torturé. Propulsé par des beats engourdis (produits par lui), son flow glisse et plonge dans les abysses. En apnée. É. V.
MATIÈRE NOIRE
de Riski (Bad Cop Bad Cop)
Journaliste rap, étudiant en cinéma, MC underground proche des X-Men, braqueur, taulard, adepte de la ride ou encore apprenti écrivain : à 36 ans, celui que l’on nommait encore récemment Metek a eu plusieurs vies. Après un captivant premier album solo sorti l’an dernier, le neveu de Jean-Jacques Goldman enchaîne avec un EP à son image : excentrique, dissolu, halluciné. Cinq morceaux (de bravoure) sertis de synthés cosmiques, de chants sans Auto-Tune et de visions sidérantes. Magnifique franc-tireur. É. V.
© philippe leevy
cultures MUSIQUE
agenda
FESTIVAL
PAR Etaïnn Zwer
Villette Sonique PAR WILFRIED PARIS
Depuis dix ans, le festival Villette Sonique investit le parc de la Villette et propose une offre musicale aussi pléthorique et éclectique qu’aventureuse. En permettant la rencontre des genres (rock, électronique, expérimentale, pop), des générations, des publics, en offrant nombre de concerts gratuits dans ses jardins, enfin en ouvrant ses espaces aux labels indépendants (via le Village Label, avec ses stands et ses miniconcerts), Villette Sonique promeut avant tout la découverte, la surprise, l’« événement » dans sa forme la plus pure de moment hétérogène de partage, de communion, de fête, rompant la continuité temporelle. Moins accumulatrice que qualitative, la programmation de cette dixième édition combine jeunes talents à suivre (la disco-house de Shamir, la techno tribale de Vessel, la bass-music futuriste d’Untold) et têtes d’affiche (les fondateurs de la musique industrielle Cabaret Voltaire, les Texans psychédéliques The Black Angels, les virtuoses math-rock Battles, les maîtres du garage-rock Thee Oh Sees), quand elle ne les fait pas partager une même scène : ainsi avec Carter Tutti Void, soit la rencontre intergénérationnelle entre Carter Tutti (alias Chris & Cosey, également membres de Throbbing Gristle) et Nik Colk Void (du groupe techno anglais Factory Floor), ou avec une soirée en hommage à Arthur Russell, passionnant producteur new-yorkais des années 1980 qui a jeté les ponts entre la pop, la musique contemporaine et la disco. « Dix sonnant », comme le suggère le dossier de presse du festival, Villette Sonique fêtera, dans l’électricité, la danse et la transe, toute la musique d’aujourd’hui. du 21 au 27 mai à la Grande Halle de la Villette, au Cabaret Sauvage, à la Philharmonie de Paris, au Trabendo et dans les jardins du parc de la Villette
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LE 21 MAI
LES 30 ET 31 MAI
HOT CHIP Après le brillant In Our Heads (2012) et son épique morceau « Flutes », la bande à Joe Goddard revient avec un nouvel opus à l’alchimie tubesque, Why Make Sense? (Domino). On peut compter sur ces magiciens du dancefloor pour livrer leur electro-pop mélodique et groovy lors d’un set diabolique. Irrésistible.
WE LOVE GREEN Le festival écoresponsable signe une alléchante 4e édition : Christine and the Queens, Ratatat, la pop new-wave de C.A.R. et celle psyché de Django Django, Nicolas Jaar, le kid lo-fi Shlohmo, Hanni El Khatib, Joey Bada$$, Citizens!, Allah-Las… Deux jours, deux scènes (pop et electro), du bonheur.
à La Gaîté Lyrique
LE 26 MAI
LES 30 ET 31 MAI
TYLER, THE CREATOR En attendant le successeur du tortueux Wolf (2013) et pour fêter ses 24 piges, le génial leader du crew Odd Future s’offre une excitante tournée solo. Entre punchlines provoc et farces délirantes, il délivrera son hip-hop trash et désinvolte lors de cette unique date française. Show bouillant.
JEFF MILLS En miroir d’un week-end dédié au cinéma de science-fiction, le pionnier de la techno from Detroit présentera à la Philharmonie sa création 2001: The Midnight Zone, écho psyché au film culte de Stanley Kubrick. Un show total et virtuose mêlant musique, danse et vidéo, pour un voyage mental sous hypnose.
au Trianon
à la Philharmonie de Paris
LE 28 MAI
LE 3 JUIN
[PIAS] NITES Joli tiercé pour [PIAS], qui convie Unknown Mortal Orchestra et sa pop psyché racée, l’ovni electro-folk Cosmo Sheldrake et les trois fées délurées de Stealing Sheep, dont la pop-folk scoubidou, tissée de mélodies lumineuses et d’harmonies vocales planantes, enchantera cette soirée.
CHET FAKER Adoubé depuis sa collaboration avec le petit génie Flume (« Drop the Game ») et un premier album fort séduisant, Built on Glass, le crooner australien fait fondre le dancefloor avec son electro-soul élégamment lascive : du miel pour les oreilles et une note de cool, parfaitement calibrée pour l’été.
à La Flèche d’Or
mai 2015
au parc de Bagatelle
au Trianon
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cultures KIDS
CINÉMA
Voyage dans la préhistoire
l’avis du grand
À la fois séduite par le charme suranné de ce petit classique du film d’aventure et fascinée par l’histoire de nos ancêtres les dinosaures, Élise s’est laissée emporter par le courant de cette rivière à remonter le temps. PROPOS RECUEILLIS PAR JULIEN DUPUY
Le petit papier d’ Élise, 6 ans et demi « Des copains trouvent une pierre qui s’appelle un fossile : elle ressemble à un insecte, qui est en fait notre ancêtre. Du coup, ils prennent une rivière qui remonte le temps, pour voir à quoi ressemblait l’insecte en vrai. D’abord, ils voient un mammouth à l’âge de glace, un moment où il faisait très froid et qui a duré très longtemps, au moins un an. Ils voient aussi la maison de notre ancêtre. On ne le voit pas, lui, mais je pense qu’il a les cheveux marron et une doudoune en fourrure. Ensuite, ils arrivent à la préhistoire. À cette époque, tous les arbres ressemblaient à des ananas. Il y a des flamants roses, l’ancêtre du lion, qui a deux grandes dents devant, et un
dinosaure carnivore dont le prénom est Tyrannosaure. À un moment, le carnivore veut manger l’autre dinosaure, qui a des cornes sur le dos, et un garçon se fait attaquer par une autruche carnivore. Ah là là ! Quelle époque ! À la dernière étape, ils ne voient que des rochers et ils trouvent un gros scarabée, qui est en fait l’ancêtre qui va devenir humain. Même si on n’apprend rien, c’est passionnant ! Moi aussi, j’aimerais bien remonter le temps. Mais à l’endroit. » Voyage dans la préhistoire de Karel Zeman avec Vladimír Bejval, Petr Herrmann Distribution : Malavida Durée : 1h20 Sortie le 27 mai Dès 7 ans
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mai 2015
Quelque part entre Ray Harryhausen et Gustave Doré, le réalisateur tchèque Karel Zeman s’était spécialisé dans des « films à trucs » remplis d’explorateurs téméraires et de créatures fabuleuses, le plus souvent inspirés des romans de Jules Verne. Même si Le Voyage dans la préhistoire (1955), l’un des trois films de Karel Zeman à bénéficier d’une ressortie ce mois-ci avec Le Baron de Crac (1962) et L’Arche de M. Servadac, (1970), n’est pas à proprement parler une adaptation d’un ouvrage de Jules Verne, il est fortement influencé par Voyage au centre de la Terre, avec ce quatuor d’enfants qui remonte le fleuve du temps à la rencontre d’un bestiaire antédiluvien. Récit pédagogique et édifiant (les enfants sont exceptionnellement studieux et courageux), le film propose quantité de séquences d’une beauté époustouflante, comme ce combat entre un tyrannosaure et un stégosaure éclairé par un soleil crépusculaire. Magique ! J. D.
Buster Keaton © les grands films classiques / théâtre du temple
PAR JULIE MICHARD
Le Mécano de la General Du 22 avril au 1er juin, la Cinémathèque française propose une rétrospective de l’œuvre de Buster Keaton. Pendant plus d’un mois, les longs et courts métrages du roi du burlesque, dont les célèbres La Maison démontable (1920) et Le Mécano de la General (1927), sont projetés dans des versions restaurées. Le parcours permet aussi de revenir sur ses débuts au cinéma, en tant qu’acteur, dans les films de Roscoe « Fatty » Arbuckle. Certaines séances sont programmées l’après-midi, à destination des enfants, avec un accompagnement musical au piano. Des activités ludiques autour de son cinéma sont également proposées, comme un stage d’initiation au bruitage. L’occasion parfaite, pour les petits comme pour les grands, de (re)découvrir ce personnage de casse-cou, toujours hilarant, aux pirouettes et autres cascades millimétrées. Jusqu’au 1 er juin à la Cinémathèque française
et aussi Par J. M.
EXPOSITION
EXPOSITION
La Cité des sciences et de l’industrie consacre une exposition sensorielle et interactive aux chiens et aux chats. À travers des jeux permettant de se mettre dans leur peau tout en comparant leurs capacités physiques aux nôtres, le parcours propose de mieux cerner le comportement de ces animaux en s’amusant et en explosant les idées reçues. Ces boules de poils n’auront plus de secret pour vous. « CHIENS ET CHATS. L’EXPO » jusqu’au 28 février 2016 à la Cité des sciences et de l’industrie
Après les princesses de Disney, la galerie Arludik se tourne vers ses célèbres méchants. Pas de jaloux donc : de Cruella à Jafar, en passant par Mme Médusa et par le Capitaine Crochet, l’exposition compile celluloïds et dessins originaux représentants ces effrayants monstres, sorcières et autres animaux sauvages. Un parcours qui permet de découvrir les coulisses de la création de ses personnages ô combien cruels. « LES MÉCHANTS DE DISNEY » jusqu’au 30 mai à la galerie Arludik
cultures LIVRES / BD
La Nouvelle Vie d’Arsène Lupin POLICIER
© jf paga grasset
Vos données Facebook ? Disparues. Les planches du nouveau manga culte ? Envolées. Pas de doute, Arsène Lupin est de retour, sous la plume joueuse d’Adrien Goetz. PAR BERNARD QUIRINY
Il y a toujours une nouvelle vie pour les héros. Chez les Anglo-Saxons, Sherlock Holmes n’a jamais cessé de ressusciter sous forme de films, de séries ou de pastiches littéraires, les reprises se multipliant depuis qu’il est tombé dans le domaine public américain. James Bond, lui, a commencé l’an dernier une deuxième carrière romanesque sous la plume de William Boyd, de même qu’Hercule Poirot, remis en service par la romancière Sophie Hannah, avec la bénédiction des légataires d’Agatha Christie. Autant dire que l’on attendait que notre Lupin national ressorte de sa thébaïde d’Étretat, ainsi qu’il l’avait déjà fait, grâce, notamment, au duo Boileau-Narcejac. Mais attention : si l’œuvre est dans le domaine public depuis 2012, le personnage, lui, reste soumis au droit moral des héritiers de Maurice Leblanc. C’est ainsi que Lupin III, manga créé au Japon en 1967, a dû être rebaptisé Edgar. Le détective cambrioleur lors de sa diffusion en France, faute d’avoir obtenu l’autorisation de la famille. Adrien Goetz, lui, a reçu le précieux sésame. Il était bien placé : fanatique depuis sa jeunesse des aventures d’Arsène, il a obtenu en 2008 le prix… Arsène Lupin pour Intrigue à l’anglaise, la première aventure de Pénélope, sa fameuse héroïne passionnée d’art. Il remet donc en selle le gentleman cambrioleur dans un petit roman survolté qui, en sept chapitres, nous balade de Strasbourg au
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Japon et de la place des Vosges à Palo Alto en prenant le point de vue de Paul Beautrelet, jeune et brillant biologiste, descendant d’Isidore Beautrelet, le héros de L’Aiguille creuse de Maurice Leblanc, paru en 1908… Tout le récit est rempli de clins d’œil aux livres de Leblanc et de personnages puisés dans son univers, telle la machiavélique Joséphine Balsamo. Quant à l’intrigue, elle est menée tambour battant : après avoir volé les sculptures de la cathédrale de Strasbourg, Lupin fait main basse sur Facebook, chipe les planches du plus grand dessinateur nippon et s’invite en fraude dans le scénario d’une série télé, sans jamais perdre son chic ni sa sportive désinvolture. Comme Leblanc en son temps, Goetz fait de cette aventure un miroir de notre monde, avec ses totems (les smartphones, les réseaux sociaux, etc.) et ses figures, tout en se demandant ce qui, de nos jours, vaut vraiment d’être dérobé. « Nos coffres-forts sont virtuels, nos guerres sont souvent sans armes, nos trésors ne sont plus uniquement des œuvres d’art… » Un joli morceau de littérature populaire, ludique et virevoltant, qui donne envie de lire ou relire les vieux récits du génial Leblanc. Lequel, sans doute, aurait apprécié l’hommage. La Nouvelle Vie d’Arsène Lupin d’Adrien Goetz (Grasset)
mai 2015
sélection PAR B. Q.
DIVIN SCROTUM
de Mark Leyner (Le Cherche midi)
SOUS L’AILE DU CORBEAU
de Trevor Ferguson
Vous avez déjà vu une mitraillette en action ? C’est l’impression que donne la prose saturée de Mark Leyner, véritable feu d’artifice qui voit vannes, gags et explosions s’enchaîner à la vitesse du son dans un incroyable torrent d’humour. Divin scrotum fait suite à quinze ans de silence. Autant dire que Leyner est en forme. La preuve ? Il ne reprend rien moins dans ce roman que l’histoire entière de l’Univers, depuis sa genèse par les dieux antiques. Attention les yeux.
Sous l’aile du corbeau marque la renaissance du Serpent à Plumes, belle maison plusieurs fois disparue et riche d’un superbe catalogue. Le Canadien Trevor Ferguson (Train d’enfer) est l’un de ses auteurs phares. Ce premier roman, paru en 1977, à l’époque où il était taxi de nuit à Montréal, est un rugueux morceau de nature writing en forme de chasse à l’homme, dans une île imaginaire de ColombieBritannique. Un peu confus mais envoûtant.
SAUF DANS LES CHANSONS
AU NOM DE SA MAJESTÉ
(La Table Ronde)
(Le Dilettante)
de Jérôme Leroy Un superbe recueil de poèmes, en vers ou en prose, où se mélangent les atmosphères simenoniennes qu’affectionne Leroy, des petites dystopies qui tirent vers le fantastique, et toute la mythologie nostalgique du Grand Soir et du chambardement général grâce auquel la Terre deviendra enfin vivable… Tantôt drôles ou macabres, tantôt poignants et rêveurs, ces textes brefs sont autant de perles noires.
(Le Serpent à Plumes)
de Laurent Graff Laurent Graff loue une bicoque sur l’île de Houat pour réfléchir et écrire. Un soir débarque chez lui la moitié du conseil municipal, venu vérifier une rumeur : est-il, oui ou non, un agent en repérage pour le tournage du prochain James Bond ? Méprise absurde qui déclenche l’intrigue d’un petit roman inclassable, mélange de comédie, d’éclats poétiques et de confession autobiographique. Le livre le plus surprenant de son auteur.
cultures LIVRES / BD
BANDE DESSINÉE
Cette ville te tuera
sélection PAR S. B.
PAR STÉPHANE BEAUJEAN
LA FOURMILIÈRE
de Marcello Quintanilha
Livre après livre, Michael DeForge s’affirme comme l’un des jeunes auteurs les plus intéressants de ces dernières années. La Fourmilière, lieu de vie aux réseaux tortueux par excellence, lui offre d’ailleurs l’occasion de jouer avec des compositions de pages particulièrement graphiques. La combinaison d’un trait proche de l’art brut et d’un monde de fourmis en proie à la guerre offre de surcroît quelques tableaux d’une beauté hypnotique.
Voici quelques nouvelles d’un auteur brésilien, pleines de souffle et de poésie, portées par une esthétique au charme eighties, techniquement impressionnantes. Tragi-comiques, ces anecdotes s’attachent à dépeindre la vie populaire brésilienne avec le goût du carnavalesque, de l’humour, mais également une certaine violence larvée que le dessin laisse exploser par moments. L’une des très belles surprises formelles de ce début d’année.
(Atrabile)
Au Japon, peu se sont fait l’écho de la disparition de l’inventeur du gekiga en mars dernier. Mais en Occident, où l’écriture de Yoshihiro Tatsumi jouit d’une reconnaissance méritée, l’édition d’un nou veau recueil de ses nouvelles vient confirmer son génie. À une époque où régnait le manga d’aventure pour enfants, Yoshihiro Tatsumi a théorisé au Japon la toute première forme de bande dessinée dramatique pour adultes, bien longtemps avant l’Europe ou les États-Unis, où le medium est longtemps resté un divertissement pour les petits. Dans l’archipel, l’invention de son gekiga (en japonais « images dramatiques », en opposition aux « images dérisoires » du manga) est pourtant injustement oubliée, ou galvaudée, sauf pour quelques anciens qui se souviennent d’une époque où tout était encore à inventer. Comme le soulignait récemment Tatsumi en interview, « aujourd’hui, plus personne ne fait du gekiga, ou plutôt, tout récit adulte peut être considéré comme du gekiga. Ce mouvement a depuis longtemps été absorbé par le manga moderne. » Mais revenir sur ce recueil d’histoires anciennes, c’est mesurer à quel point, au-delà même de la forme, toujours moderne, Tatsumi était habité par les angoisses des classes populaires de son époque. Nouvelle après nouvelle, il témoigne d’une urbanisation dévorante, de relations humaines et sexuelles entamées par l’industrialisation rapide, et d’une humanité impuissante. Son pessimisme n’a d’égal que le désespoir sourd qui émane de chacune de ses pages. Si faire œuvre, pour un artiste, c’est témoigner de son temps, alors Tatsumi a assurément accompli sa mission. Et son inventivité formelle, qui persévère désormais chez des centaines d’héritiers ignorants de ce legs, résonne à l’infini. Cette ville te tuera de Yoshihiro Tatsumi (Éditions Cornélius)
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mai 2015
MES CHERS SAMEDIS
de Michael DeForge
LE CHÂTEAU
de Mathieu Sapin (Dargaud)
François Hollande est depuis longtemps intrigué par le reportage en bande dessinée (Ségo, François, papa et moi d’Olivier Faure, en 2007). Mathieu Sapin, habitué à l’exercice, a ainsi été convié dans les coulisses de l’Élysée et a surtout joui de passe-droits si exceptionnels qu’il fut envié par la plupart des journalistes politiques. Livre événement du mois, le regard de Sapin est bienveillant et sa curiosité communicative.
(Çà et là)
THE KILLING JOKE
d’Alan Moore et Dave Gibbons (Urban Comics)
La plus célèbre des aventures du Joker est rééditée à l’occasion de ses 75 ans. La confrontation avec Batman y atteint des sommets de violence, celle-ci étant amplifiée par l’ambiguïté des relations qu’entretiennent ici les deux adversaires. Les dernières pages constituent un monument d’écriture emblématique du style d’Alan Moore. Rarement la mythologie des comics n’aura été autant mise à mal.
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cultures SÉRIES
COMÉDIE
Unbreakable Kimmy Schmidt Avec sa dernière création, Tina Fey espérait faire perdurer l’esprit d’une certaine comédie « made in NBC ». La chaîne a passé son tour. Dommage pour elle.
© barry king / wireimage
© photo by eric liebowitz courtesy of netflix
Les temps sont durs pour NBC, et sa décision de laisser filer sur Netf lix Unbreakable Kimmy Schmidt, développée en interne, ne risque pas de redorer son blason. Dans sa dernière création hilarante, Tina Fey (30 Rock) célèbre précisément une tradition de comédie à la fois populaire et sophistiquée chère à NBC, la chaîne de Friends et de Seinfeld. Son héroïne, Kimmy (Ellie Kemper), débarque en provenance directe de cette époque : elle a passé quinze ans recluse dans un bunker, aux mains d’un gourou. Quand elle emménage à New York pour repartir de zéro, c’est bardée d’un optimisme à toute épreuve et vierge de tout cynisme. Ce qui, en 2015, fait d’elle
une véritable alien. Le générique de la série plante le décor : l’actu sordide de Kimmy y est détournée façon vidéo virale. On peut juger ringarde la posture de Fey. On peut aussi la trouver salutaire, surtout maintenant que Parks and Recreation, autre sitcom bienveillante de NBC (à découvrir en juin sur Canal+), s’est achevée. Ce type de comédie-là n’a sans doute plus sa place sur les grandes chaînes. Triste. Mais sur Netflix ou ailleurs, Tina Fey et sa complice Amy Poehler (Parks and Recreation) trouveront heureusement toujours à se faire entendre. Unbreakable. Saison 1 sur Netflix
sélection
© e4 ; universal pictrures ; benoit linder
LE CAMÉO BRUCE CAMPBELL DANS FARGO
PAR GUILLAUME REGOURD
GLUE Une bande d’ados désœuvrés, du sexe, des drogues, des jeux stupides et… un cadavre. Difficile de dire ce que Glue renouvelle le plus, du polar rural ou du teen drama. Ce qui est certain, c’est que la capacité de la scène britannique à révéler de jeunes comédiens bourrés de talent est sans égale. Saison 1 sur Canal+
PAR G. R.
TWELVE MONKEYS Adaptée de L’Armée des douze singes, cette série n’en retient que l’arrière-plan post-apocalyptique et les voyages dans le temps, soit une lecture littérale de l’univers imaginé par Terry Gilliam, sans la puissance d’évocation. De la SF standard, pas dépourvue d’efficacité au demeurant. Saison 1 en DVD (Universal Pictures)
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mai 2015
Le comédien, à jamais associé à son personnage de Ash dans la saga Evil Dead, fera une apparition dans la saison 2 de Fargo, l’adaptation sur FX du film des frères Coen. L’action se déroulera dans les années 1970, et Campbell n’incarnera rien moins qu’un Ronald Reagan alors en campagne pour la présidence des États-Unis. Mais parce qu’on ne se refait pas, l’acteur prépare en parallèle Ash vs Evil Dead, une suite en série sur Starz, dans laquelle il retrouvera son rôle fétiche (et son bras tronçonneuse). G. R.
INTRUSION Le fantastique est suffisamment rare à la télé française pour guetter la diffusion de ce thriller en trois parties qui suit un pianiste (Jonathan Zaccaï) se retrouvant projeté dans la peau de son frère jumeau décédé. Son principal atout : la mise en scène, confiée à Xavier Palud (Ils, The Eye), un spécialiste du genre. Intégrale sur Arte
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cultures ARTS
Icônes américaines Blanc, pur, aérien, l’accrochage de l’exposition Icônes américaines est résolument californien. À travers des œuvres phares des années 1960 et 1970, issues de la collection Fisher et du San Francisco Museum of Modern Art, le Grand Palais donne un point à la côte Ouest.
© calder foundation new-york / adagp, paris 2015 © sfmoma / photo ian reeves
EXPOSITION
Alexander Calder, Tower with Painting, 1951
PAR LÉA CHAUVEL-LÉVY
« Non, nous ne sommes pas aux États-Unis », ironise le commissaire de l’exposition Laurent Salomé. Il faudra pourtant s’y reprendre à deux fois tant l’esprit du parcours a des allures de musée typiquement américain. À travers la cinquantaine de chefs-d’œuvre, issus du SFMOMA et de la collection Fisher, c’est tout le rapport de la ville de San Francisco à l’art moderne qui se dégage. « C’est une exposition sur la façon de voir l’art par le prisme d’une ville dans les années 1960-1970. Vous trouverez des Ellsworth Kelly et des Donald Judd comme dans les musées de New York, mais ce ne seront pas les mêmes pièces ! L’accrochage “exotique”, poursuit Laurent Salomé, s’est en effet attaché à la lumière, à la sérénité qui ne traduit pas du tout la même énergie que celle que l’on trouverait à New York. » Traduire : à San Francisco, la culture est hippie, voire punk. C’est que les quatorze artistes représentés allaient à rebrousse-poil de la société. « Chuck Close, Agnès Martin… tous ces artistes sont devenus des icônes, mais ils ont mis du temps à être acceptés. Ils ont durement questionné la société de consommation, la toute-puissance du
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marché de l’art. » En creux, l’exposition fait le portrait d’une ville face à l’art moderne, et sa revendication à exister par rapport à la côte Est ; mais aussi celui des Fisher, Doris et Donald, cofondateurs de la marque Gap et collectionneurs humbles qui « jamais n’ont collectionné des Warhol ou des Cy Twombly pour faire de bons placements ni eu une posture dominatrice par rapport aux artistes. » Une démarche radicale qui transparaît dans le parcours qui place au centre non la lumière mais sa source, se concentrant sur le travail des artistes plutôt que sur leur cote. Ainsi ces belles encres sérigraphiques sur lin d’Andy Warhol, jusqu’alors peu montrées. Ou ce mobile d’Alexander Calder, en début de parcours, qui paraît nous bénir sans imposer une quelconque monumentalité. L’exploit est ainsi d’illustrer le triomphe de l’art américain dans une époque cruciale tout en montrant celle-ci sous une tonalité non triomphaliste. La classe américaine. « Icônes américaines. Chefs-d’œuvre du San Francisco Museum of Modern Art et de la collection Fisher » jusqu’au 22 juin au Grand Palais
mai 2015
agenda PAR ANNE-LOU VICENTE
© courtesey galerie eigen+art leipzig/berlin © flc\adagp
au Beffroi (Montrouge)
JUSQU’AU 6 JUILLET
Olaf Nicolai, International, 2003 RE-CORBUSIER À l’occasion du cinquantenaire de la mort de l’architecte, dont l’œuvre n’a jamais cessé d’inspirer le champ des arts plastiques, la Fondation Le Corbusier présente une exposition qui rassemble les peintures, sculptures et installations de seize artistes contemporains qui tous citent Le Corbusier. à la Maison La Roche
JUSQU’AU 26 JUILLET
LES ÉCRITURES DE ROLAND BARTHES En hommage à l’écrivain et théoricien du langage et de la littérature, qui aurait eu cent ans cette année, la BnF déploie et met en scène les « écritures » de Roland Barthes, nous invitant ainsi à entrer dans l’univers et l’imaginaire de cet intellectuel
français majeur. Toute une section est notamment consacrée aux étapes préliminaires de son célèbre Fragments d’un discours amoureux.
à la BnF – site François-Mitterrand
DU 13 MAI AU 26 JUIL. © mathieu copeland et philippe decrauzat
JUSQU’AU 3 JUIN
SALON DE MONTROUGE Pour son soixantième anniversaire, le salon de Montrouge, rendez-vous devenu incontournable depuis la nomination en 2009 de Stéphane Corréard comme directeur artistique, a invité soixante artistes à montrer leur travail. Une édition spéciale dont l’invité d’honneur est l’artiste Jean-Michel Alberola, qui a lui-même fait ses premiers pas dans ce salon au début des années 1980.
A PERSONAL SONIC GEOLOGY Mathieu Copeland et Philippe Decrauzat poursuivent leur exploration des relations entre son et image à travers un ensemble de films en 16 mm intégrant procédés de surimpression, fragmentation de l’image et collage, coréalisés à partir du travail de plasticiens et musiciens qu’ils ont invités dans le cadre de la programmation que leur a confiée le Plateau depuis mars 2014. au Plateau
DU 21 MAI AU 21 JUIN
EVARISTE RICHER Fondé par des anciens de la prestigieuse galerie Yvon Lambert, Until Then s’est installé dans un spacieux hall sous verrière au cœur des puces de Saint-Ouen. Inauguré le 1er mars avec un exposition conjointe de Jonathan Monk et Rodney Graham plutôt prometteuse, ce nouveau lieu accueille ensuite une exposition personnelle du Français Evariste Richer, nommé pour le Prix Marcel Duchamp en 2014.
« Evariste Richer. Selected Works » à Until Then (Saint-Ouen)
cultures SPECTACLES
DANSE
Hofesh Shechter
agenda
PAR ERICK GRISEL
PAR E. G.
© benedict johnson
deGeneration, jusqu’au 20 mai au Théâtre des Abbesses
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mai 2015
au Bobino
JUSQU’AU 23 MAI
AURÉLIA THIERRÉE Elle est la sœur de James Thierrée et la fille de Victoria ThierréeChaplin, qui la met justement en scène dans ce Murmures de murs. Sacré filiation, qui explique peut-être son goût pour la poésie et le surréalisme. Sur scène, Aurélia disparaît dans des cartons, escalade des façades et ouvre des portes sur des univers fabuleux. Trop évanescents pour certains. Délicieusement oniriques pour d’autres… au théâtre du Rond-Point
JUSQU’AU 14 JUIN © amandine lauriol
Heureux ceux qui ne connaissent pas encore Hofesh Shechter ! Assister pour la première fois à l’un de ses spectacles relève du rite initiatique, de l’expérience sensorielle qui vient tout chambouler sur notre petit autel culturel. Pour le chorégraphe aussi, cette cinquième visite au Théâtre de la Ville a le goût de la première fois : deGeneration reprend les créations de ses débuts à Londres, Fragments et Cult, auxquelles il adjoint une toute nouvelle chorégraphie. Moins tapageur que Political Mother, son dernier spectacle, en forme de concert rock, avec ses milliers de spectateurs debout dans la fosse et ses bouchons d’oreille distribués à l’entrée, ce deGeneration ne fait pas pour autant dans le minimalisme : des filles en robes rouge-carmin surgissent de l’obscurité pour frapper la lumière, des garçons aux costumes froissés semblent lutter contre d’invisibles entités… Et pour scander la bataille, des guitares saturées et une voix caverneuse, celle du chorégraphe, présent à toutes les étapes de la création, de la lumière aux costumes, et dont l’éclectisme prend sa source durant son enfance en Israël. Piano dès l’âge de 6 ans, danse classique et moderne à 15 ans… Hofesh Shechter choisit sa voie en plein service militaire, intégrant la géniale Batsheva Dance Company. Arrivé en 2002 à Londres, il s’impose rapidement dans le monde de la danse et décroche des prix pour des chorégraphies de plus en plus spectaculaires. Aujourd’hui, à tout juste 40 ans, il est le chorégraphe avec qui tout jeune danseur rêve de travailler. Et c’est justement les huit plus jeunes membres de sa troupe qu’il met en scène dans ce spectacle, condensé plein de fougue de ses (déjà !) treize années de carrière.
ALICE La programmation de ce petit théâtre lové dans un recoin de Ménilmontant est toujours singulière et riche en comédies
musicales. Alice revisite, sur des airs jazzy, la chute la plus longue et la plus absurde de la littérature enfantine. Si l’héroïne a l’air godiche de circonstance, la méchante reine de cœur et le chapelier fou ont le look zazou et le swing dans la peau. au Vingtième Théâtre
DU 20 AU 29 MAI
© amador artiga
JUSQU’AU 23 MAI
PHILIPPE LAFEUILLE Les grandes compagnies faisant rarement plus de cinq ou six dates d’affilée à Paris, la présence à l’affiche, cet hiver, durant trois mois, au Bobino, de Tutu du chorégraphe Philippe Lafeuille relève de l’exploit. De retour en mai, cette suite de petits tableaux parodiant le monde de la danse ne nécessite pas de connaître Pina Bausch ou Le Lac des cygnes sur le bout des doigts : voir cinq grandes bringues tournoyer sur elles-mêmes avec des airs de noyées ou de petits cygnes qui s’éclatent sur de la dance music suffit à notre bonheur.
PHILIPPE JAMET Proud Mary de Tina Turner, Les P’tits Papiers de Régine, Smells Like Teen Spirit de Nirvana… Autant de tubes (le spectacle s’intitule d’ailleurs Tubes !) à propos desquels le chorégraphe s’interroge : quel état de corps correspond à ces souvenirs ? Quelle est l’histoire qui fait que cette chanson nous a marqués ? Huit artistes répondent par le biais de la danse, du chant ou du jeu d’acteur. Une madeleine de Proust, légère, légère…
au Théâtre national de Chaillot
DU 27 AU 29 MAI
CECILIA BENGOLEA ET FRANÇOIS CHAIGNAUD Subversifs et rigolards, ils s’amusent avec les genres et avec les académismes de la danse. Dans Dub Love, trois danseurs sur pointes vibrent, telles des membranes d’oreille, devant un mur d’enceintes. Sound System vs pointes : l’effet aurait pu être « épate bourgeois ». Sauf qu’ici la performance technique est impressionnante et l’humour ravageur. au Centre Pompidou
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cultures JEUX VIDÉO
ACTION-RPG
Bloodborne
Spécialiste des expériences hardcore et punitives, le studio japonais From Software récidive avec un nouveau jeu d’action exclusivement conçu pour la PS4. Résultat : un chef-d’œuvre de noirceur qui fera date.
L’EXPÉRIENCE DU MOIS HOTLINE MIAMI 2. WRONG NUMBER
PAR YANN FRANÇOIS
(Devolver Digital/PC, PS3, PS4, PS Vita, Mac)
Les créations du studio From Software (Demon’s Souls, Dark Souls) sont souvent labellisées à la va-vite comme les jeux les plus méchants du monde. Bloodborne vient nous rappeler que ce sont aussi d’incroyables objets d’esthète. Car Bloodborne, c’est d’abord un cadre, Yharnam, ville imaginaire comptant autant de loups-garous que de cathédrales gothiques, à charge pour le joueur d’éliminer les monstres qui la peuplent. La partie est loin d’être gagnée : l’ennemi est fourbe, la mort rôde à chaque coin de rue, et chaque combat doit être envisagé comme le dernier. Punitif (le moindre faux pas est synonyme de fin de partie), pour ne pas dire sadique,
Véritable électrochoc indé de 2012, Hotline Miami connaît enfin une suite, encore plus barrée que le premier volet. Le postulat est identique (« nettoyer » un lieu gardé par des hommes armés jusqu’aux dents sans se faire toucher par l’ennemi), mais il est poussé à son paroxysme. Le combat y devient une danse de la mort dont il faut maîtriser chaque chorégraphie. Accompagné d’un scénario plus complexe, Hotline Miami 2 n’a plus rien d’un simple défouloir gratuit. C’est devenu un véritable opéra gore et punk, sublimé par une partition electro exceptionnelle, sans doute la B.O. de l’année. Y. F.
Bloodborne n’en reste pas moins une ode sauvage au dépassement de soi qui se double d’une balade hallucinée à travers un espace urbain tentaculaire et hypnotique. Prouesse architecturale, la ville de Bloodborne est un organisme vivant qui s’anime, respire et suinte à chacun de nos pas. Comme sortie d’une fantasmagorie coécrite par Edgar Poe et H. P. Lovecraft, Yharnam a beau être le fruit délirant d’un architecte ubuesque, elle est un chef-d’œuvre dans le chefd’œuvre, la mécanique première d’une expérience immersive inouïe, de celles que l’on ne vit que dans un jeu vidéo. Bloodborne (Sony/PS4)
3 perles indés PROUN+
(Joost van Dongen/3DS, PC)
Une bille, lancée à toute allure sur un rail, traverse d’imposants tableaux faits de formes abstraites. À nous de la guider au mieux pour éviter ces obstacles sans se faire hypnotiser par les décors stroboscopiques. Mélange de jeu de course et d’art contemporain, Proun+ épate par l’effet psychédélique que produit le défilement de ses formes géométriques.
Par Y. F.
THE DETAIL
HAROLD
(Rival Games/PC)
Construit comme un comic interactif, The Detail est un polar urbain qui conduit le joueur à prendre des décisions toujours plus éprouvantes. Superbement dessinée, cette aventure textuelle vaut surtout pour son découpage en cases animées et pour la noirceur de son enquête. Une plongée dans la psyché criminelle qui ne laissera personne indifférent.
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(MoonSpider Studio/PC, PS3, X360)
Réalisé par d’anciens graphistes de Disney, Harold est d’abord une performance graphique digne d’un film d’animation. Mais c’est aussi un jeu diablement technique qui consiste, au long de toute une série de courses d’obstacle, à aider un coureur chétif à dépasser ses adversaires en truffant leur route de multiples pièges magiques. Malin et addictif.
sélection par Y. F.
ORI AND THE BLIND FOREST
CITIES. SKYLINES
(Paradox Interactive/ PC)
Ori and the Blind Forest donne au joueur l’illusion parfaite d’être le héros d’un film d’animation. Mélange de plate-forme et d’exploration, le jeu se fait odyssée merveilleuse et parcours initiatique d’une petite créature sylvestre partie en guerre contre les monstres qui ont envahi sa forêt natale. Malgré son emballage enchanteur, Ori n’a rien d’un jeu d’enfant et s’avère une expérience exigeante, à conseiller à un public d’initiés.
Cousin européen de SimCity, Cities. Skylines reprend tous les codes du city builder classique, mais avec un certain sens de l’épure et de l’ergonomie. Résultat : il n’a jamais été aussi facile, et plaisant, de transformer une ville-champignon en métropole grandiose et surpeuplée. Le plaisir du jeu est encore décuplé par l’outil de création libre qui permet de concevoir ses propres bâtiments, de les partager ou d’intégrer ceux d’autres joueurs dans sa partie en quelques clics.
XENOBLADE CHRONICLES 3DS
(Focus Home Interactive/PC)
(Microsoft Studios/ Xbox One, PC)
(Nintendo/3DS)
De par sa narration fleuve et son contenu gargantuesque, le RPG japonais est souvent considéré comme une spirale chronophage sans fin. Il en va ainsi de Xenoblade Chronicles, déjà sorti sur Wii il y a quelques années : un monument d’écriture et de mise en scène, une histoire bouleversante, un univers immense et encyclopédique, à présent jouable en édition de poche sur 3DS. Si ce voyage demande un temps fou, il n’en est pas moins mémorable.
ÉTHERIUM
Réalisé par un jeune studio français, Étherium redonne vie au jeu de stratégie à l’ancienne. Dans la pure lignée d’un Starcraft, il imagine une guerre entre trois factions se disputant la possession et la défense d’une ressource énergétique extraterrestre, l’étherium. Pur exercice de genre, le jeu brille par sa maîtrise des codes, par l’extrême variété des forces en présence et par son gameplay tactique aussi nerveux qu’exigeant. Du pain béni pour tout fan.
cultures FOOD
Tendance
Fines épiceries Depuis quelques années, des épiceries d’un genre nouveau fleurissent à Paris. Des boutiques contemporaines remplacent les échoppes de grands-mères. Mais, au-delà de l’apparence, c’est l’origine des produits qui révolutionne le genre. Pour le meilleur. PAR STÉPHANE MÉJANÈS
© rina nurra
© ludovic le guyader
AU-DELÀ DU PÉRIPH
Ils en ont fait du chemin, les six amis, depuis que l’on a suivi l’avancée des travaux de leur première boutique, ouverte en décembre 2013 dans le XVIIe arrondissement. Finance, pub, marketing, design, et même agroalimentaire pour la porte-parole de la bande, Alexandra Lepage, ils viennent de tous les horizons mais partagent un slogan : « In goût we trust. » Ils ont repéré plus de deux cents producteurs de produits comestibles pour remplir les étals chics de leurs désormais deux adresses, à mi-chemin entre galeries d’art et primeurs de quartier. Il faut accepter de lâcher quelques euros de plus, mais c’est pour toucher l’excellence de la viande avec Alexandre Polmard, jeune éleveur de blondes d’Aquitaine dans la Meuse, des salaisons
avec Emmanuel Chavassieux, coutelier- photographe bohème, des huiles d’olive avec Cédric Casanova, ancien filde fériste amoureux de la Sicile, ou des eaux-de-vie avec Laurent Cazottes, sorcier de la distillation en terre albigeoise. L’accueil est toujours chaleureux et bienveillant, n’hésitez pas à papoter avec la marchande, elle a toujours une histoire à raconter. Et si vous voulez en savoir plus, leur chaîne YouTube, la Papa Sapiens TV, est une source de découvertes inépuisable, notamment avec de jolis portraits de producteurs. Papa Sapiens 32, rue de Bourgogne – Paris VIIe 7, rue Bayen – Paris XVIIe Tél. : 01 58 57 82 81 www.papasapiens.fr
Terra Gourma 79, rue Voltaire (Levallois-Perret) Tél. : 09 83 85 86 60 www.terragourma.fr
des paniers voyageurs… RAP Le meilleur de l’Italie, le sourire et l’accent d’Alessandra Pierini en prime. On vient et on revient chez RAP avec plaisir, pour les pâtes napolitaines, l’Aceto balsamico tradizionale di Modena, la poutargue ou le pecorino de Toscane. La cave recèle de belles quilles et on ne sort pas sans une douceur sucrée, un panettone ou des cannoli siciliens. 4, rue de Fléchier – Paris IXe Tél. : 01 42 80 09 91
IZRAËL L’épicerie de vos rêves ressemble forcément à celle-ci. Les étagères croulent sous les bocaux, on se fraye un chemin sous des piments pendus au plafond, entre de gros sacs débordant de produits frais ou secs. Pistaches d’Iran, vinaigre de mangue, zaatar (thym libanais), sumac ou cactus tendre émincé… tout un monde d’épices exotiques s’ouvre à vous. 30, rue François Miron – Paris IVe Tél. : 01 42 72 66 23
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DUO GAGNANT Terra Gourma est une histoire de reconversion, une histoire de copains pas forcément prédestinés à devenir épiciers. Guillaume Scarfoglière et Laurent Farges, l’un spécialiste du marketing et du commerce, l’autre de la finance, ont commencé par la vente en réunion, référençant des dizaines de produits, avant d’ouvrir leur boutique, au printemps 2014. Et ils continuent. Dernières merveilles à découvrir : les sublimes huîtres et poissons fumés d’Ismaël Drissi-Bakhkhat, venus de Maldon (Angleterre), et l’exceptionnel jambon du Domaine de Saint-Géry.
PAR S. M.
LES GRANDS D’ESPAGNE Tout est dit dans le nom de l’enseigne ; on est dans l’aristocratie des produits espagnols, du jambon pata negra en particulier. Les boutiques ressemblent à des bijouteries, les produits semblent choisis pour leur packaging élégant. Au final, rien que du bel et bon, charcuterie, vin, bocaux et conserves, dont anchois et ventrèche de thon en majesté. Trois adresses dans Paris (IIe, IXe, XVIIe) Tél. : 09 51 55 66 47
cultures MODE
EXPOSITION
Jean Paul Gaultier
Créations de haute couture et de prêt-à-porter démentes, costumes de scène mythiques, scénographie spectaculaire : pour sa dixième étape, à Paris, l’exposition itinérante consacrée à Jean Paul Gaultier, créée en 2011 à Montréal, n’a pas pris une ride.
FESTIVAL DE MODE ET DE PHOTOGRAPHIE À HYÈRES Il n’y a pas que le Festival de Cannes dans la vie ! Depuis trente ans, le festival de Hyères célèbre la mode et la photographie sur les hauteurs de la villa Noailles. Pour cette édition anniversaire, le jury mode, présidé par Virginie Viard, directrice du studio de création Chanel, a décerné le Grand prix du jury Première Vision à la Franco-Allemande Annelie Schubert pour sa collection Aprons, qui revisite le tablier en jouant sur les volumes et sur les matières. R. S. JOAILLERIE
PAR RAPHAËLLE SIMON
En faisant halte à Paris à peine six mois après que Jean Paul Gaultier a annoncé qu’il arrêtait le prêt-à-porter, l’exposition consacrée au couturier français semble entériner un message : Gaultier est mort et enterré au musée. On pourrait donc s’attendre à une exposition hommage aux airs de funérailles, mais c’est tout le contraire : rarement une installation consacrée à la mode aura été aussi vivante, dynamique, ludique. Ainsi les visages des mannequins sont-ils animés, plus vrais que nature, par des projections vidéos, ou les créations de haute couture défilent-elles sur un podium tournant : « Monsieur Gaultier était ouvert aux idées les plus folles. Le plus difficile, ça a été de faire ce podium en mouvement, qui est très lourd et qui doit rester en mouvement pendant des mois… On a eu recours à de l’équipement de ferme ! »
nous confie le commissaire de l’exposition, Thierry-Maxime Loriot. Une installation à l’image de l’univers joyeusement subversif du créateur : Gaultier aime bousculer les codes (la marinière dos-nu pour homme), repousser les frontières de la bienséance et du bon goût (la robe bénitier sainte-nitouche, une de ses premières créations, en 1971, qui couvre la tête mais pas les seins), brouiller les pistes (la robe léopard, que l’on croit imprimée et qui, en fait, est entièrement brodée de perles de verre ayant nécessité mille six cents heures de travail), faire de la mode spectacle (les costumes des films de Pedro Almodovar ou le célèbre corset à bonnets coniques porté par Madonna lors du Blond Ambition Tour en 1990). Ainsi donc, le show continue. jusqu’au 3 août au Grand Palais
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Marion Cotillard et Caroline Scheufele, coprésidente de Chopard MARION COTILLARD À l’occasion du Festival de Cannes, Marion Cotillard a dessiné une pièce unique pour la collection capsule Green Carpet de Chopard. Ce bijou de main d’inspiration Art Déco est serti d’opales noires extraites de manière durable dans une mine australienne. La comédienne pourrait arborer cette création lors de sa montée des marches pour le film Macbeth de Justin Kurzel, en Compétition officielle, dans lequel elle tient le rôle de l’épouse de Macbeth, incarné par Michael Fassbender. R. S.
© francois berthier / getty images
© rmn-grand palais / photo françois tomasi
© etienne tordoir
PALMARÈS
pré se nte
EXPOSITION
FESTIVAL
Les Maîtres de la sculpture de Côte d’Ivoire En deux cents sculptures et des cartels aussi didactiques qu’inspirés, le parcours de la nouvelle exposition du musée du quai Branly dresse un panorama d’une limpidité éblouissante de la statuaire d’Afrique de l’Ouest depuis le xixe siècle. PAR LÉA CHAUVEL-LÉVY
ASSISES INTERNATIONALES DU ROMAN Fêtant sa neuvième édition, ce festival convie de nombreux écrivains pour de multiples tables rondes (sur la littérature post-communiste notamment). Également au programme, des projections qui permettront d’explorer les liens entre l’écrit et l’image. La romancière Joy Sorman dialoguera par exemple sur ce thème avec le cinéaste Olivier Assayas. C. Ga. Du 25 au 31 mai à Lyon
© musée du quai branly, photo gautier deblonde
SPECTACLE
réside en ce point : faire un pas de côté par rapport à nos représentations occidentalo-centrées. Chez les Gouro, la virilité passe par les cornes ; aussi leurs statues en sont partout affublées. Les masques des Ouan, eux, arborent une tête de buff le, divinité protectrice. Mais tout masque n’a pas vocation à protéger les hommes ici-bas. L’exposition prouve à cet égard de manière grandiose que les statues, masques, figurines valent en elles-mêmes, pour leur beauté formelle. Sous nos yeux, ces œuvres d’art évoquent sans mal celles de Constantin Brâncuși ou de Maurice de Vlaminck, inspirés largement par le primitivisme de l’art africain. C’est même en puisant dans l’art africain une source nouvelle qu’ils sont entrés dans la modernité.
Marc Newson, chauffeuse Orgone II, 1998
jusqu’au 26 juillet au musée du quai Branly
Jusqu’au 16 août à La Gaîté Lyrique
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jusqu’au 14 mai au Théâtre de la Ville
EXPOSITION
© marc newson / cnap
Dense mais bien construit, le parcours se donne une mission et l’accomplit haut la main : rendre l’âme aux artistes qui se cachent derrière les statues, masques et figurines présentés. Se concentrant sur la période qui va du xixe siècle à nos jours et sur une petite portion du continent africain (la Côte d’Ivoire et ses pays limitrophes), l’exposition rend hommage aux artistes, trop souvent pris pour de simples artisans, et ouvre ainsi le rideau sur les maîtres et les écoles de sculpture de différentes ethnies. Chacun a sa façon de travailler le bois, d’étendre ou non le sourire, de percer les yeux au plus profond, d’agrandir le crâne… Ainsi, chez les Dan, les maîtres sculpteurs s’attachent à représenter un canon de beauté bien loin du nôtre : plus la tête est ovoïde, plus la femme est belle. Tout l’intérêt de l’exposition
ANTIGONE Très attendue, cette adaptation de la tragédie de Sophocle poursuit ici sa tournée internationale, après Londres, Anvers, Amsterdam et Luxembourg. Mise en scène par Ivo van Hove, la pièce (jouée en anglais et surtitrée en français) s’offre la comédienne Juliette Binoche dans le rôle de l’héroïne grecque prête à tout pour offrir une sépulture à son frère Polynice. C. B.
Oracles du design Lidewij Edelkoort, « chasseuse » de tendances hollandaise, est invitée par La Gaîté Lyrique et par le Centre national des arts plastiques à poser son regard sur la collection design et arts décoratifs du CNAP. Elle revisite la création des dernières décennies en dix thèmes (« curieux », « gonflé »…) qui expriment les métamorphoses de notre culture matérielle. C. Ga.
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pré se nte
EXPOSITION CINÉMA. PREMIERS CRIMES Avec l’exposition « Cinéma. Premiers Crimes », la Galerie des bibliothèques de Paris propose de (re)découvrir les premiers méfaits retentissants portés au grand écran. Le parcours rassemble affiches, gravures, photos et extraits de films rares restaurés pour l’occasion tels que Fantômas (1913), Barberousse (1917), ou Belphégor (1927), mettant en lumière les grands malfaiteurs des débuts du septième art. J. M. jusqu’au 2 août à la Galerie des bibliothèques de Paris
© jake walters
© raymond voinquel
DANSE
Édith Piaf en 1947
EXPOSITION
Piaf À l’occasion du centenaire de sa naissance, la BnF ressuscite Édith Piaf le temps d’une exposition consacrée entièrement à cette figure mythique de la chanson populaire française. PAR JULIE MICHARD
La petite robe noire en maille qu’elle portait à la fin de sa carrière est là, f lottant au-dessus d’une scène, baignée d’un pâle halo de lumière, comme pour une ultime représentation. À titre posthume et à l’occasion du centenaire de sa naissance, Édith Piaf est à l’honneur avec cette exposition à la BnF. Autour de ce vêtement emblématique se déploie un parcours thématique réunissant des centaines de documents, dont les fameux écrits de Roland Barthes sur la chanteuse, ses correspondances et ses vinyles, en passant par de nombreuses photographies. La femme du peuple, la compositrice et interprète, l’idole et l’éternelle amoureuse : toutes ces facettes de la Môme se retrouvent tour à tour sous les feux des projecteurs. La BnF évite pourtant
une rétrospective classique, s’éloignant ainsi de l’exercice encyclopédique lassant. L’un des deux commissaires de l’exposition, Bertrand Bonnieux, précise : « Piaf n’est pas quelqu’un que l’on enferme dans un mausolée. » Loin de la nécrologie, il s’agit donc de s’intéresser à la modernité de l’icône, décédée en 1963, à travers un parcours ludique et bien vivant, que l’on arpente au son des titres phares de l’artiste, audioguide sur les oreilles – une des salles propose même de s’essayer à l’exercice du karaoké. Joël Huthwohl, l’autre commissaire, rappelle que « Piaf aimait aller à la rencontre de son public ». Cette exposition promet à la Môme d’être à nouveau emportée par la foule. Jusqu’au 23 août à la BnF site François-Mitterrand
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MICHAEL CLARK COMPANY Du 3 au 6 juin, le parc de la Villette présente le dernier spectacle de Michael Clark, Come, Been and Gone, qui, avant de débarquer sur la scène française, avait conquis le public britannique dès 2012. Entre ballet classique et danse moderne, le chorégraphe et danseur plonge avec cette nouvelle production dans l’univers musical rock des années 1970. J. M. du 3 au 6 juin au parc de la Villette
FESTIVAL
WEATHER FESTIVAL Le Weather Festival revient pour une troisième édition. Dédié aux musiques électroniques, ce festival propose, en plein bois de Vincennes, une série de concerts qui raviront les mélomanes, avec une programmation faisant la part belle à la scène allemande. À l’affiche également, quelques pionniers tels Derrick May et Jeff Mills, et des artistes plus jeunes comme Four Tet. J. M. du 4 au 7 juin à la Plaine de jeux du Polygone
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© d. r.
L’actualité DES salles
ÉVÉNEMENT
ROCK’N PHILO À la fois philosophe et musicien, Francis Métivier, auteur de Rock’n Philo, se produira au MK2 Grand Palais à l’occasion de quatre rendez-vous pendant lesquels il questionnera les concepts philosophiques les plus ardus à travers des standards du rock qu’il interprétera lui-même. Rencontre. PAR CLAUDE GARCIA
C’est un lundi matin à 8 heures qu’il a eu la révélation. Ses élèves de terminale S, pas encore remis de leur week-end, semblaient peu enclins à digérer ses divagations pourtant passionnées autour du scepticisme antique. Docteur en philosophie enseignant aujourd’hui en lycée (mais également essayiste, romancier et chroniqueur pour le site de L’Obs), Francis Métivier a alors une idée lumineuse. Le morceau de Led Zeppelin Stairway to Heaven, et plus précisément ses paroles, qui reviennent tel un leitmotiv – « It makes me wonder… » –, traversent son esprit. « Ça m’est venu comme une formule sceptique qui disait : “Ça m’étonne, ça me questionne.” Intuitivement j’ai cité cette chanson en guise d’exemple, et ils sont restés accrochés à l’explication. » Dans son ouvrage Rock’n Philo (dont l’édition poche est parue en 2015 chez J’ai lu, et qui aura une suite prochainement), Francis Métivier analyse la façon dont le morceau met en scène le scepticisme contre le dogmatisme comme jadis le philosophe Pyrrhon. D’autres thèmes tels
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que la conscience ou l’art y sont expliqués à travers les chansons d’artistes pourtant peu réputés pour leur sagesse : les Doors, Marilyn Manson, Nirvana, Pink Floyd… « Je suis convaincu que le rock se prête mieux que d’autres musiques à l’étude de la philosophie, car il touche un public large, transgénérationnel. » Quand il est en tournée, Métivier donne des « philoconcerts » au cours desquels il alterne reprises rock et commentaires sur leur intérêt philosophique. Au MK2 Grand Palais, il déclinera quatre grands sujets (la politique, la vérité, la liberté, le bonheur) au rythme des Who ou des Beatles. Et à ceux qui l’accusent de démagogie, il répond qu’il est courant d’utiliser des œuvres d’art pour clarifier des raisonnements philosophiques, les rendre plus accessibles et attrayants. Alors pourquoi pas du rock ? Si vous êtes sceptiques, vous serez confondus. Cycle Rock’n Philo Tous les vendredi (du 22 mai au 12 juin) à 20h au MK2 Grand Palais
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L’actualité DES salles
CYCLES
AVANT-PREMIÈRES
CONFÉRENCES
07/05
LES RENDEZ-VOUS GOODPLANET Chaque premier jeudi du mois, projection gratuite d’un film sélectionné par Yann Arthus-Bertrand. En mai, La Famille de Nicky de Matej Mináč. >MK2 Quai de Seine à 20h
11/05
LES LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Pourquoi les peuples ne supportent-ils plus leurs dirigeants ? » >MK2 Hautefeuille à 18h15
RENCONTRES
JEUNESSE
réalisatrice, Olivier Besancenot, Daniel Mermet et Edwy Plenel. >MK2 Hautefeuille à 20h
18/05
LES LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Peut-on vraiment “refaire sa vie” ? » >MK2 Hautefeuille à 18h15
19/05
Ciné BD
CINÉMADZ Projection de Girls Only de Lynn Shelton (séance en partenariat avec le site mademoiZelle.com). >MK2 Bibliothèque à 20h
À l’occasion de la sort i e d e l ’a l b u m U n amour exemplaire aux éditions Dargaud, rencontre avec les auteurs Daniel Pennac et Florence Cestac, suivie de la projection du Chat de Pierre Granier-Deferre. >MK2 Quai de Loire à 20h
12/05
jusqu’au 24/05
12/05
SOIRÉE BREF Séance en par tenariat avec L’Agence du court métrage. Projec tion de Palais d’Arash Nassiri, Petite blonde d’Émilie Aussel, Ce qui me fait prendre le train de Pierre Mazingarbe, La Cérémonie de Paul Vecchiali et Juke Box d’Ilan Klipper. >MK2 Quai de Seine à 20h
12/05
ON EST VIVANTS Projection du documentaire de Carmen Castillo et débat avec la
MOYEN ORIENT En partenariat avec le Théâtre 13, à l’occasion du spectacle La Carte du temps, mis en scène par Roland T i m s i t ( j u s q u ’a u 7 juin), projections les samedis et dimanches en matinée du Procès de Viviane Amsalem de Shlomi et Ronit Elkabetz, Iranien de Mehran Tamadon, Omar de Hany Abu-Assad et Après la bataille de Yousry Nasrallah. >MK2 Bibliothèque à 10h
LA BRIGADE Carnivore : viande tranchée fineUN IGLOO DANS LA VILLE Frozen yogur t : glaces au yaourt
à 0 % de matière grasse, à déguster nature ou agrémentées d’une garniture. SEÑOR BOCA Mexicain : tacos, burritos et autres
plats mexicains cuisinés selon des recettes authentiques.
THE SUNKEN CHIP Fish & chips : poisson frais servi
dans une panure croustillante, accompagné de frites maison et de purée de petit pois.
ment sous vos yeux, accompagnée de frites fraîches ou de courgettes et de salade, et d’une sauce maison.
26/05
PIAF
À l’occasion de l’exposition « Piaf » à la BnF, projection de La Môme d’Olivier Dahan. >MK2 Bibliothèque à 19h30
01/06
RENDEZ-VOUS DES DOCS Soirée spéciale « Brouillon d’un rêve », en partenariat avec la SCAM. Projection de Volta à Terra de João Pedro Plácido en présence de Laurence Ferreira Barbosa, coscénariste du film. >MK2 Quai de Loire à partir de 20h
01/06
LES LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Comment accepter ce qui nous blesse ? » >MK2 Hautefeuille à 18h15
02/06
CINÉMADZ Projection de The Hit Girls de Jason Moore (séance en partenariat avec le site mademoiZelle.com). >MK2 Bibliothèque à 20h
08/06
LES LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « “Nul n’est méchant volontairement”, disait Platon. Vraiment ? » >MK2 Hautefeuille à 18h15
LE CAMION QUI FUME Burgers : burgers réalisés avec du
pain de boulanger, de l’authentique cheddar, de la viande hachée menu, accompagnés de frites maison.
KORRIGANS Crêpes : galettes et crêpes réali-
sées à la demande avec une pâte 100 % bio et selon des recettes 100 % bretonnes.
THAÏ LA ROUTE Thaï : padthaï, curry vert, soupes
parfumées et autres plats inspirés de la cuisine de rue thaïlandaise, le tout cuisiné sur place.
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RETROUVEZ LES JOURS ET HORAIRES DE SERVICE DE TOUS LES FOOD TRUCKS SUR WWW.MK2.COM
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