Trois Couleurs #140 - avril 2016

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le monde à l’écran

claire simon du 6 avril au 3 mai 2016

La réalisatrice nous raconte Le Bois dont les rêves sont faits

ducastel et martineau

Rencontre avec les réalisateurs de Théo & Hugo dans le même bateau

et aussi

Les frères Nasser, Green Room, MHD…

HUPPERT CULTE www.troiscouleurs.fr 1

no 140 – gratuit


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l’e ntreti e n du mois

Christophe

Stupéfaction, exaltation, vertige. On ressent tout cela en découvrant Les Vestiges du chaos, le nouvel album de Christophe. Après cinquante ans d’un parcours fait de fugues et de résurrections, le septuagénaire fringant à l’allure de dandy voyou est toujours aussi moderne et original. Nous sommes allés le rencontrer dans sa tanière du XIVe arrondissement où s’entassent les synthés, les juke-box, les tableaux et les jouets, dans un désordre organisé qui reflète sa vie tumultueuse. De confidences sur son enfance en digressions obsessionnelles, Christophe n’a pas retenu son flot. Un dialogue sans filet au cours duquel se dessine le portrait d’un homme ivre de liberté. PROPOS RECUEILLIS PAR MICHAËL PATIN

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© stéphane manel

L’indomptable de la variété française


l’e ntreti e n du mois

N

ous sommes mardi. il est 19 heures. je ne vous dérange pas au saut du lit ? Ah non ! en ce moment, je me couche à minuit et je me réveille à 8 heures. Je fais le contraire de d’habitude. Je m’adapte au hasard. C’est le luxe de la solitude et de la liberté. enfant, vous étiez déjà solitaire ? Plutôt. Je crois que j’aimais dessiner. Je sais que je n’aimais déjà pas apprendre. C’est pour ça que je suis autodidacte en tout. Je ne me livre qu’à mes passions, ce ne sont pas des choses qui s’apprennent. De mon enfance, je me rappelle les histoires de famille, les bons moments autour d’une polenta avec mon grand-père italien. En même temps, j’en garde une vision contrastée, liée à la séparation de mes parents ; les malheurs qui durent… Mais c’est la vie, hein. votre amour pour l’art est apparu très tôt. C’est vrai. J’adorais parler de sculpture quand j’avais 10 ou 12 ans. Je voulais tout le temps qu’on m’achète de la pâte à modeler. C’est comme ça qu’après j’ai fait mes premières marionnettes, avec des petits vêtements que je créais avec les tissus de ma mère, qui était couturière [réécouter sa célèbre chanson de 1965, Les Marionnettes, ndlr]. J’ai arrêté les études très tôt. J’ai rendu copie vierge au BEPC, et je me suis tiré. Mes parents l’ont appris des années après, c’est vous dire si j’avais d’autres choses en tête. notamment une passion pour la culture américaine, à travers la musique et le cinéma, elvis presley, james dean. Avant ça, il y a quand même les premiers 45 tours de Gilbert Bécaud, Georges Brassens, Édith Piaf ou Jean Constantin. Ensuite est arrivé le blues, d’abord, Elvis, après. Et j’ai toujours été cramé de films. À l’époque, une de mes idoles était Erich von Stroheim. J’étais très Zorro aussi. Alors que maintenant, ça me fait chier, Zorro. De l’âge de 10 à 15 ans, j’ai vécu en pension. Je me suis adapté à l’inconnu. J’aime l’inconnu, donc je prends du plaisir même dans la punition. Enfin, la punition, je me comprends. (Sourire.) à l’âge de 16 ans, vous débutez la musique avec danny baby et les hooligans, un groupe amateur qui fait des reprises. en quoi consistait ce groupe ? Il y avait un maçon et deux mecs qui travaillaient à la banque. On a commencé à sévir dans la banlieue, du côté de Jouy-en-Josas. Il y avait des noms qui résonnaient alors, comme Eddy Mitchell ou Lucky Blondo. On faisait les premières parties, on était les petits nouveaux.

vous chantiez pas mal en yaourt, un truc qui ne vous a jamais quitté. Encore récemment, j’ai fait un enregistrement pour Jean-Michel Jarre, qui m’a poussé à chanter en anglais, ce qui m’a fait un peu chier. J’aurais adoré chanter en yaourt, pour donner plus de dimension sonore à sa musique. C’est une manière un peu surréaliste d’amener les choses. Mais les gens ont peur de ça. derrière ça, il y a l’idée d’utiliser le chant comme un instrument, ce qui est l’une de vos grandes particularités. Ce qui m’intéresse, depuis le départ, c’est la résonance du son. Projeter sa voix dans l’espace, les échos, les volumes. J’ai enregistré mon premier disque pour entendre la résonance de ma voix, que je n’aimais d’ailleurs pas du tout. Petit à petit, j’ai fait des progrès. Pour être honnête, même sur Aline, je n’étais pas encore à l’aise.

« on a commencé à sévir dans la banlieue, du côté de jouy-en-josas. » cette chanson est sortie en 1965, quand vous aviez 20 ans. difficile d’être prêt pour un tel succès. J’ai eu l’impression de gagner au loto. Après, il y a la façon de recevoir le succès. Je n’ai jamais changé ma façon d’être. À part côté bagnoles. Ce que ça m’a apporté de plus beau, ce sont les voitures et les courses, qui ont fini par me ruiner. vous étiez dans quel état d’esprit en 1968 ? Je vivais une histoire d’amour avec un mannequin, on passait nos journées dans une chambre de bonne du XVIIe arrondissement. Que du cul, pas de politique. La politique est un mot que je n’aime pas prononcer. Dès qu’on me propose de marcher en groupe, je refuse. Je fais des choses quand un sujet me touche, mais je n’en parle pas. en 1970, vous composez la bande originale de la route de salina de georges lautner. quel souvenir gardez-vous de cette expérience ? Je me rappelle de moments grandioses avec Monsieur Lautner. C’était une vraie relation d’amitié, qui a dégagé de belles choses. L’une des musiques s’est même retrouvée dans Kill Bill 2. Par contre, je n’ai pas croisé l’actrice Mimsy Farmer, mais ce n’est pas plus mal… Pour elle.

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© lucie bevilacqua

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c’est aussi à cette période que vous commencez à vous intéresser aux synthétiseurs. Exactement. Les premiers synthés, c’est 1970-1971. Je pars à Londres chez Elton John faire le disque Belle [45 tours sorti en 1973, ndlr]. Ça reste l’une des plus belles matières sonores que j’ai faites au synthé, sur un ARP biphonique que j’utilise encore aujourd’hui. dès lors, vous n’avez jamais cessé d’intégrer les innovations techniques. à cet égard, les vestiges du chaos est assez stupéfiant, car vous vous appropriez les méthodes de production les plus récentes. Je suis toujours dans les nouvelles synthèses, qu’elles soient analogiques ou celles des ordinateurs. J’ai même mis un coup d’Auto-Tune sur l’album. Ça marchait bien. C’est de l’humour aussi. Je suis toujours amoureux de la musique : j’écoute du rap, du punk, du rock, de la musique arabe, la Callas… Je ne suis pas un has been. du début des années 1980 au milieu des années 1990, vous avez un peu disparu des radars. C’est le reflet de ma vie personnelle. Il n’est pas écrit que je suis artiste de variété et que je dois rendre des comptes à une maison de disques. il y a un endroit que vous avez longtemps déserté : la scène. qu’est-ce qui vous a convaincu d’y revenir, au début des années 2000 ? J’ai fait une longue tournée en 1965 qui m’a donné envie d’arrêter directement, parce que j’étais trop exigeant techniquement pour les standards de l’époque. Si je me suis remis à la scène, c’est grâce à David Bowie et à son concert à l’Olympia, en 2002. Comme j’étais au balcon, j’ai pu zoomer sur son

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matos avec ma caméra pour étudier ses méthodes. Si j’avais été en bas, je n’aurais peut-être jamais refait de concerts. Ensuite, mon travail en formation intimiste, centré sur le piano [l’Intime tour en 2013, et les concerts suivants, ndlr], m’a beaucoup apporté. Pendant longtemps, je ne comprenais pas les chanteurs quand ils disaient que leur public les portait. J’ai découvert mon public très tard. sur le nouvel album, vous prenez des directions musicales variées, mais il y a quand même une impression d’unité. comment faitesvous pour créer cette vision d’ensemble ? Un album, c’est comme un film : je fais du montage, de la synchro. Il y a plein de choses qui disparaissent et d’autres qui sont obligées de naître pour aboutir à l’identité finale. en parlant de ciné, l’actrice anna mouglalis pose sa voix sur la chanson « e justo ». avezvous vu baron noir, la série dans laquelle elle joue aux côtés de niels arestrup ? Non, mais j’adore Niels qui, en plus d’être l’un des plus grands acteurs français, est un copain. Vous avez vu mon film Juke-Box [court métrage d’Ilan Klipper sorti en 2013 dans lequel il incarne une version lessivée de lui-même, ndlr] ? On l’a complètement improvisé en huit jours avec Sabrina Seyvecou, qui joue dans Choses secrètes de JeanClaude Brisseau. Ces dernières années, j’ai refusé trois gros films, dont un avec Michael Lonsdale, pour me consacrer pleinement à la musique. Le cinéma demande beaucoup de discipline, c’est pour ça que j’admire tant les acteurs… Ce sont de vrais barjos ! Les Vestiges du chaos de Christophe (Universal) Sortie le 8 avril

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Sommaire

Du 6 avril au 3 mai 2016

À la une… 4

en ouverture

entretien

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pôle emploi

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Christophe

Après cinquante ans d’un parcours fait de fugues et de résurrections, le septuagénaire fringant à l’allure de dandy voyou sort Les Vestiges du chaos. De confidences sur son enfance en digressions obsessionnelles, il n’a pas retenu son flot lors de notre entretien.

© stéphane manel ; vincent desailly ; 2016 disney enterprises, inc. all rights reserved ; sylvie lancrenon ; antoine doyen ; elisa parron

en couverture

Claire Simon Pour son nouveau documentaire, Le Bois dont les rêves sont faits, la réalisatrice a arpenté le bois de Vincennes, caméra à la main, et y a glané mille histoires merveilleuses.

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Rob Legato Dans Le Livre de la jungle de Jon Favreau, le célèbre superviseur des effets spéciaux visuels poursuit son défrichage de la terra incognita de l’imagerie numérique et du tournage virtuel.

Isabelle Huppert

Claude Chabrol, Benoît Jacquot, Michael Haneke… Sa carrière impressionne, mais on a choisi d’évoquer aussi avec elle des moments plus confidentiels de sa filmographie. L’actrice s’est pliée à l’exercice avec entrain et malice, les mêmes qu’elle apporte au personnage de professeure de philosophie qu’elle incarne avec grâce et légèreté dans L’Avenir de Mia Hansen-Løve.

entretien

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musique

Olivier Ducastel et Jacques Martineau Avec Théo & Hugo dans le même bateau, le duo s’essaye à une représentation plus crue de la sexualité gay, sans perdre la sensibilité exaltée qui nous transportait déjà dans leurs précédents films.

hommage

40 Julien Duvivier Alors que quatre de ses chefs-d’œuvre ressortent en salles dans des versions restaurées, on tente de conjurer le sort pour faire sortir de l’ombre ce grand auteur misanthrope qui n’a pas la reconnaissance qu’il mérite.

portrait

44 Tarzan et Arab Nasser Avec Dégradé, un huis clos qui suit treize femmes coincées par des affrontements armés à Gaza, les jumeaux palestiniens prouvent qu’ils n’ont peur de rien – ni des sujets qui fâchent, ni des effets de mise en scène.

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MHD Quinze ans après Bisso Na Bisso, le Parisien réinvente sur son premier album les noces de la musique africaine et du rap français : son afro trap change l’attitude menaçante de la trap originelle en pas de danse endiablés.


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… et aussi Du 6 avril au 3 mai 2016

Édito

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Les actualités

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À suivre

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l’agenda

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histoires du cinéma

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les films

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Les DVD

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cultures

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La voix de la sagesse

Lilly Wachowski, Jean Imbert Cinéma Club Roman Kolinka dans L’Avenir

Les sorties de films du 6 au 27 avril 2016

Le Jouet de Francis Veber p. 32, portfolio p. 54

La Sociologue et l’Ourson d’Étienne Chaillou et Mathias Théry p. 61 // Demolition de Jean-Marc Vallée p. 64 // Visite ou Mémoires et confessions de Manoel de Oliveira p. 64 // L’Académie des muses de José Luis Guerín p. 68 // Paulina de Santiago Mitre p. 68 // Mékong Stories de Phan Đ ng Di p. 72 // Le Fils de Joseph d’Eugène Green p. 74 // Green Room de Jeremy Saulnier p. 78 // Maggie a un plan de Rebecca Miller p. 79 // Les Habitants de Raymond Depardon p. 80 Des figures de guerre 1 et Newsreels expérimentaux de Sylvain George et la sélection du mois

L’actualité de toutes les cultures et le city guide de Paris

trois couleurs présente

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l’actualité des salles mk2

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OX, machine sensible

Rétrospective Gus Van Sant

ÉDITEUR MK2 Agency 55, rue Traversière – Paris XIIe Tél. : 01 44 67 30 00 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Elisha Karmitz (elisha.karmitz@mk2.com) RÉDACTRICE EN CHEF Juliette Reitzer (juliette.reitzer@mk2.com) RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE Raphaëlle Simon (raphaelle.simon@mk2.com) RÉDACTEURS Quentin Grosset (quentin.grosset@mk2.com) Timé Zoppé (time.zoppe@gmail.com) DIRECTRICE ARTISTIQUE Sarah Kahn (hello@sarahkahn.fr) GRAPHISTE-MAQUETTISTE Jérémie Leroy SECRÉTAIRE DE RÉDACTION Vincent Tarrière (vincent.tarriere@orange.fr) STAGIAIRE Paola Dicelli ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO Leslie Auguste, Stéphane Beaujean, Ève Beauvallet, Hendy Bicaise, Louis Blanchot, Renan Cros, Julien Dupuy, Yann François, Claude Garcia, Grégory Ledergue, Stéphane Méjanès, Wilfried Paris, Michaël Patin, Bernard Quiriny, Claire Tarrière, Éric Vernay, Anne-Lou Vicente, Etaïnn Zwer ILLUSTRATEUR Stéphane Manel PHOTOGRAPHES Vincent Desailly, Antoine Doyen, Julien Weber PUBLICITÉ DIRECTRICE MK2 MÉDIA Emmanuelle Fortunato (emmanuelle.fortunato@mk2.com) RESPONSABLE DE LA RÉGIE PUBLICITAIRE Stéphanie Laroque (stephanie.laroque@mk2.com) CHEF DE PROJET CINÉMA ET MARQUES Caroline Desroches (caroline.desroches@mk2.com) RESPONSABLE culture, MÉDIAS ET partenariats Estelle Savariaux (estelle.savariaux@mk2.com) CHEF DE PROJET culture, MÉDIAS ET partenariats Florent Ott (florent.ott@mk2.com)

© pathé distribution ; joe cook ;

Trois Couleurs est distribué dans le réseau le Crieur (contact@lecrieurparis.com)

© 2013 TROIS COULEURS issn 1633-2083 / dépôt légal quatrième trimestre 2006. Toute reproduction, même partielle, de textes, photos et illustrations publiés par MK2 Agency est interdite sans l’accord de l’auteur et de l’éditeur. Magazine gratuit. Ne pas jeter sur la voie publique.

Illustration de couverture © Emmanuel Romeuf pour Trois Couleurs

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é dito

La voix de la sagesse PAR JULIETTE REITZER

u a n d o n r e voit a u j o u r d’ h u i l e s films qui ont marqué ses débuts au cinéma, disons ceux de la décennie 1970 – Les Valseuses de Bertrand Blier, La Dentellière de Claude Goretta, Violette Nozière de Claude Chabrol, voire, en 1980, Loulou de Maurice Pialat et La Porte du paradis de Michael Cimino –, ce qui frappe en premier, chez Isabelle Huppert, c’est sa voix. Épaules frêles, joues rondes grignotées par les taches de rousseur, halo de cheveux bouclés, l’actrice n’a pas 25 ans mais déjà cette voix grave, étonnamment mature, un peu arrogante – diction altière, timbre sec et assuré. Physique adolescent et voix de vieux sage, le contraste est déroutant, presque inquiétant. Il a façonné les plus grands rôles de l’actrice : dans La Cérémonie de Claude Chabrol, dans La Pianiste de Michael Haneke, dans L’École de la chair

de Benoît Jacquot, il y a toujours ce hiatus entre l’innocence, la pureté, la fragilité d’une part, et l’autorité, la sévérité, l’affirmation de désirs troubles et complexes d’autre part. Dans L’Avenir de Mia Hansen-Løve, qui sort ce mois-ci, l’actrice est Nathalie, une professeure de philosophie qui tombe des nues le jour où son mari lui annonce qu’il la quitte. « Moi qui pensais que tu m’aimerais toujours… Quelle conne ! » lâche-t-elle, avec une légèreté déconcertante, presque comique. Stoïque et volontaire, elle tire de la situation plus de bien que de mal, et notamment l’occasion de passer la philosophie de Goethe, de Pascal ou de Rousseau à l’épreuve du réel. Aidée par les dialogues acérés de Mia Hansen-Løve, Huppert prête sa voix si particulière aux textes de ces auteurs d’un autre âge pour en faire jaillir une modernité surprenante. C’est ce talent de l’actrice pour le décalage et le contretemps qui finit d’entraîner le film et son héroïne vers des horizons joyeux et apaisés.

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e n bre f

Les actualités PAR PAOLA DICELLI, JULIEN DUPUY, QUENTIN GROSSET, STÉPHANE MÉJANÈS, RAPHAËLLE SIMON, ANNE-LOU VICENTE ET TIMÉ ZOPPÉ

> l’info graphique

les films au détecteur de mensonge Le passionnant site britannique Information is beautiful, qui transforme en graphiques des données de tout type, a analysé minutieusement (séquence par séquence !) la véracité de dix films hollywoodiens qui prétendent être « inspirés d’une histoire vraie » en fouillant dans les divers livres et articles parus sur le sujet. Malgré son titre, Imitation Game, inspiré de la vie du célèbre mathématicien Alan Turing, se rétame à l’épreuve du détecteur de mensonge, puisque seulement 35,7 % de son contenu concorderait avec la réalité, tandis que The Big Short. Le casse du siècle, qui revient sur la tentative de quatre investisseurs américains de profiter de la crise financière de 2007, ne serait pas loin, lui, de la vérité absolue, avec un score de 88,4 %. T. Z. Taux de véracité

88,4 % 78,9 % 68,8 %

71,1 %

50,3 % 35,7 %

Spotlight

de Tom McCarthy

Le Loup de Wall Street de Martin Scorsese

The Big Short le casse du siècle d’Adam Mc Kay

The Social Network

de David Fincher

Dallas Buyers Club de Jean-Marc Vallée

Imitation Game de Morten Tyldum

Source : http://www.informationisbeautiful.net/visualizations/based-on-a-true-true-story/

> BOX-OFFICE

© d. r.

Chine : le compteur s’affole

The Mermaid de Stephen Show

Ces derniers mois, le box-office chinois a enregistré un sacré coup de fouet. La comédie de science-fiction The Mermaid de Stephen Show, sortie en février, est devenue le plus

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grand succès de l’histoire de l’empire du Milieu, tandis que Zootopie, sorti début mars, y a battu le record de recettes engrangées par un film d’animation. En février, le box-office chinois s’est élevé à 6,87 milliards de yuans (soit 1,05 milliard de dollars), recueillant plus de recettes, et c’est une grande première, que son pendant nord-américain sur la même période. Cette forte croissance de l’industrie depuis quelques années (le box-office a recueilli 44 milliards de yuans en 2015, soit une hausse de 48,7 % par rapport à 2014) peut notamment s’expliquer par le développement de la classe moyenne et par l’urbanisation du pays. Devenu en 2013 le deuxième marché du cinéma au monde après les États-Unis, la Chine pourrait prendre la tête du classement d’ici 2017 selon Hollywood Reporter. Q. G.

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> LE CHIFFRE C’est, en dollars, la somme remise à l’équipe d’ingénieurs qui parviendra à envoyer sur la Lune, d’ici fin 2017, un robot capable de transmettre des images depuis là-bas, dans le cadre du Google Lunar X Price. Produite par J. J. Abrams et disponible sur YouTube, la websérie Moon Shot dévoile les coulisses de ce projet lunaire. R. S.

> DÉPÊCHES

COUP DE GUEULE

EXPOSITION

CYCLE

En réponse au problème du sexisme à Hollywood, plusieurs actrices, dont Juliette Binoche et Jessica Chastain, ont annoncé la création de We do it together, une boîte de production dont les films se donnent pour mission de véhiculer une autre image des femmes.

De nombreux dessins, des extraits de films (dont des inédits), des entretiens, une poignée de noisettes… « L’Art du Studio Blue Sky » dévoile jusqu’au 18 septembre à Art Ludique les coulisses du studio d’animation à qui l’on doit notamment la saga L’Âge de glace.

Du 26 avril au 21 mai, le Jeu de Paume célèbre les quarante ans de création commune autour du corps et du désir féminin des artistes grecques Maria Klonaris et Katerina Thomadaki, au croisement entre cinéma expérimental, performance, et installation.

© sony pictures

La crème de la crème Pour une scène de Grimsby. Agent trop spécial que la pudeur nous interdit de décrire ici, le superviseur des effets spéciaux physiques Steven Warner a écopé de la délicate tâche de concevoir des dizaines de litres de fausse semence d’éléphant susceptible de rentrer en contact avec l’épiderme des comédiens Sacha Baron Cohen et Mark Strong sans risque d’effet secondaire. Au cours de trois journées de tournage, les comédiens, coincés dans un utérus de pachyderme reconstitué en silicone, étaient plongés dans ledit liquide. Après avoir écarté le milk-shake à la vanille, très ressemblant mais trop collant, et périssable, Steven Warner a finalement opté pour de la crème hydratante. Selon Mark Strong, sa peau n’a jamais été aussi belle qu’au terme de ces éprouvantes prises de vue. J. D. Grimsby. Agent trop spécial de Louis Leterrier Sortie le 13 avril

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> LA PHRASE

Lilly Wachowski

« DONC OUAIS, JE SUIS TRANSGENRE. » Après sa sœur Lana (anciennement Larry) en 2012, c’est au tour de Lilly (anciennement Andy) Wachowski d’officialiser son changement de genre. La coréalisatrice de Matrix a écrit une longue lettre au Windy City Times, un journal LGBTQ de Chicago, qui l’a publiée le 8 mars.

© lilly wachowski

> LA TECHNIQUE

© klonaris thomadaki ; rindoff /charriau / getty images ; d. r.

PAR R. S.


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> ÉVÉNEMENT

© d. r.

Silence, on mange ! « Je suis passionné de cuisine et de cinéma depuis tout petit. C’est un rêve de pouvoir lier les deux en créant des plats inspirés de films cultes choisis par des artistes que j’admire. » Jean Imbert, vainqueur de Top Chef en 2012, ne cache pas sa joie. Après une première séance Husbands de John Cassavetes l’an passé, il remet le couvert avec MK2 pour une deuxième édition du Jean Imbert Cinéma Club. Du 11 avril au 30 juin, dans la salle Miss Cinéma du Palais de Tokyo, il officiera avec des invités prestigieux tels Marion Cotillard ou Mathieu Kassovitz, qui présenteront chacun un film culte. Une expérience réservée à vingt-cinq privilégiés, confortablement installés devant un plateau-repas, repose-pieds et appuie-tête en prime. Trois séances sont prévues en avril (100 € par personne) : le 11, avec Guillaume Canet et Husbands de John Cassavetes ; le 22, avec Leïla Bekhti et La Strada de Federico Fellini ; et le 25, avec Cédric Klapisch et Buffet froid de Bertrand Blier. S. M. Jean Imbert Cinéma Club, les 11, 22 et 25 avril à 20h au Palais de Tokyo Programme et réservations : www.mk2.com

> VIDÉO D’ARTISTE

Correspondances

LIVRE

Si sa densité et l’austérité de sa présentation peuvent rebuter, La Vie des productrices se dévore en réalité comme un exaltant roman historique. De la pionnière Alice Guy aux contemporaines Sylvie Pialat ou Julie Gayet, l’ouvrage retrace les destins d’importantes figures féminines de ce métier trop souvent conjugué au masculin. Truffé d’anecdotes, il revisite les coulisses de l’histoire du cinéma selon un point de vue qui manquait cruellement. T. Z. La Vie des productrices de Yonnick Flot et Christine Beauchemin-Flot (Séguier)

© tacita dean jg 2013

EN TOURNAGE

L’œuvre protéiforme de l’artiste britannique Tacita Dean consiste en un portrait sensible du temps et de la disparition, jusque dans l’utilisation récurrente du film sur pellicule argentique, en voie d’extinction. JG (2013) est né de sa relation épistolaire avec l’écrivain de science-fiction anglais J. G. Ballard (auteur notamment de Crash !, adapté au cinéma par David Cronenberg) autour de la mythique œuvre de land art Spiral Jetty, réalisée par Robert Smithson au bord du Grand Lac Salé dans l’Utah en 1970, soit dix ans après que Ballard a décrit un mandala dans le désert dans sa nouvelle Les Voix du temps… Correspondances multiples donc, que l’artiste met non seulement en lumière mais aussi en abyme, via l’analogie formelle entre pellicule et spirale, dans ce film flirtant avec le cinéma expérimental où défilent, pendant vingt-six minutes, paysages hallucinés et autres visions sublimes. A.-L. V. JG de Tacita Dean jusqu’au 25 septembre au musée d’Art moderne de la ville de Paris

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Arnaud Desplechin commencera à tourner cet été, aux quatre coins du monde, un thriller psychologique provisoirement intitulé The Ghost of Ismael • L’ex-chanteur des One Direction Harry Styles rejoint la distribution de Dunkirk de Christopher Nolan, au côté de Tom Hardy. Tourné entre mai et juillet à Dunkerque, ce film historique, dont la sortie est prévue pour juin 2017, relatera l’opération Dynamo, soit l’évacuation vers l’Angleterre, en 1940, des armées alliées prises en tenaille par les Allemands dans le Nord. P. D.


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à su ivre

Comme son personnage de thésard en philo qui vrille pour aller vivre dans une communauté libertaire à la campagne (dans L’Avenir, en salles le 6 avril), Roman Kolinka aime emprunter des chemins de traverse.

R

éservé mais souriant, le jeune homme de 29 ans a fait le voyage d’Uzès dans le Gard – où il s’est installé il y a deux ans – jusqu’à Paris pour assister à une avantpremière de L’Avenir. Il y campe Fabien, un ancien étudiant en philo que ses idées révolutionnaires mènent à s’établir dans une ferme, loin des bancs de sa fac parisienne. « Plus le film avance, plus il prend son autonomie. » L’indépendance, c’est aussi le tempérament de Roman Kolinka. Fils de Marie Trintignant – à qui il a donné la réplique dans le biopic télé Colette, une femme libre en 2003, tournage pendant lequel l’actrice est décédée – et de Richard Kolinka, le batteur de Téléphone, il est né dans une famille d’artistes brillants et très exposés . Après quelques apparitions, enfant, à la télé, il a d’abord choisi une profession de l’ombre, celle d’assistant réalisateur sur des pubs et des téléfilms, « tout ce qu’il y avait à prendre ». Une manière de découvrir les ficelles du métier, en attendant de revenir

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© julien weber

Roman Kolinka

sous les projecteurs avec des rôles vraiment intéressants. En 2012, il décroche un petit rôle dans Après mai d’Olivier Assayas, grâce auquel Mia Hansen-Løve le repère. L’année suivante, elle lui propose d’incarner un dessinateur de bande dessinée tourmenté et suicidaire dans Eden, avant de lui offrir la partition plus imposante de Fabien dans L’Avenir, soit deux personnages à la marge. Le jeune homme retrouvera la cinéaste cet hiver pour le tournage de son prochain film, qui se déroulera en Inde. D’ici là, Kolinka n’oublie pas l’essentiel. « Je préfère assurer mes arrières avec quelque chose de concret. Alors, avec ma femme, on monte un bar à vin, qui s’appellera La Famille. » Pragmatique, Roman Kolinka ne se ferme aucune voie, pour éviter de se perdre. L’Avenir de Mia Hansen-Løve avec Isabelle Huppert, André Marcon… Distribution : Les Films du Losange Durée : 1h40 Sortie le 6 avril

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ag e n da

Sorties du 6 au 27 avril 6 avril L’Avenir de Mia Hansen-Løve avec Isabelle Huppert, André Marcon… Distribution : Les Films du Losange Durée : 1h40 Page 46 La Sociologue et l’Ourson d’Étienne Chaillou et Mathias Théry Documentaire Distribution : Dock 66 Durée : 1h18 Page 61

Visite ou Mémoires et confessions de Manoel de Oliveira Documentaire Distribution : Épicentre Films Durée : 1h10 Page 64

Paulina de Santiago Mitre avec Dolores Fonzi, Oscar Martinez… Distribution : Ad Vitam Durée : 1h43 Page 68

Eva ne dort pas de Pablo Agüero avec Gael García Bernal, Denis Lavant… Distribution : Pyramide Durée : 1h27 Page 66

Les Ardennes de Robin Pront avec Jeroen Perceval, Kevin Janssens… Distribution : Diaphana Durée : 1h33 Page 69

13 avril

Desierto de Jonás Cuarón avec Gael García Bernal, Jeffrey Dean Morgan… Distribution : Version Originale / Condor Durée : 1h34 Page 69

A Bigger Splash de Luca Guadagnino avec Tilda Swinton, Ralph Fiennes… Distribution : StudioCanal Durée : 2h05 Page 62

Le Bois dont les rêves sont faits de Claire Simon Documentaire Distribution : Sophie Dulac Durée : 2h26 Page 27

Tout pour être heureux de Cyril Gelblat avec Manu Payet, Audrey Lamy… Distribution : Mars Films Durée : 1h37 Page 69

High-Rise de Ben Wheatley avec Tom Hiddleston, Jeremy Irons… Distribution : The Jokers / Le Pacte Durée : 1h59 Page 62

Le Livre de la jungle de Jon Favreau Animation Distribution : Walt Disney Durée : 1h36 Page 34

Free to Run de Pierre Morath Documentaire Distribution : Jour2fête Durée : 1h39 Page 70

Sky de Fabienne Berthaud avec Diane Kruger, Norman Reedus… Distribution : Haut et Court Durée : 1h42 Page 62

Grimsby. Agent trop spécial de Louis Leterrier avec Sacha Baron Cohen, Mark Strong… Distribution : Sony Pictures Durée : 1h24 Page 66

Marie et les Naufragés de Sébastien Betbeder avec Vimala Pons, Pierre Rochefort… Distribution : UFO Durée : 1h44 Page 70

Truth. Le prix de la vérité de James Vanderbilt avec Cate Blanchett, Robert Redford… Distribution : Warner Bros. Durée : 2h05 Page 62

Hardcore Henry d’Ilya Naishuller avec Haley Bennett, Sharlto Copley… Distribution : Metropolitan FilmExport Durée : 1h30 Page 66

Fritz Bauer. Un héros allemand de Lars Kraume avec Burghart Klaußner, Ronald Zehrfeld… Distribution : ARP Sélection Durée : 1h46 Page 70

Les Visiteurs. La Révolution de Jean-Marie Poiré avec Jean Reno, Christian Clavier… Distribution : Gaumont Durée : 1h50 Page 62

Par amour de Giuseppe M. Gaudino avec Valeria Golino, Massimiliano Gallo… Distribution : Bellissima Films Durée : 1h49 Page 66

Demolition de Jean-Marc Vallée avec Jake Gyllenhaal, Naomi Watts… Distribution : 20 th Century Fox Durée : 1h41 Page 64

L’Académie des muses de José Luis Guerín Documentaire Distribution : Zeugma Films Durée : 1h32 Page 68

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20 avril Adopte un veuf de François Desagnat avec André Dussollier, Bérengère Krief… Distribution : SND Durée : 1h37 Page 69


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ag e n da

Sorties du 6 au 27 avril Everybody Wants Some de Richard Linklater avec Blake Jenner, Glen Powell… Distribution : Metropolitan FilmExport Durée : 1h56 Page 70

D’une pierre deux coups de Fejria Deliba avec Milouda Chaqiq, Brigitte Roüan… Distribution : Haut et Court Durée : 1h23 Page 76

Wonderland Collectif avec Peter Jecklin, Dashmir Ristemi… Distribution : Kanibal Films Durée : 1h39 Page 76

Robinson Crusoe de Vincent Kesteloot Animation Distribution : StudioCanal Durée : 1h30 Page 70

Parfum de printemps de Férid Boughedir avec Zied Ayadi, Sara Hanachi… Distribution : Zelig Films Durée : 1h39 Page 76

Green Room de Jeremy Saulnier avec Anton Yelchin, Imogen Poots… Distribution : The Jokers / Bac Films Durée : 1h34 Page 78

Mékong Stories de Phan Đ ng Di avec Đ Th H i Y n, Lê Công Hoàng… Distribution : Memento Films Durée : 1h42 Page 72

Les Malheurs de Sophie de Christophe Honoré avec Anaïs Demoustier, Golshifteh Farahani… Distribution : Gaumont Durée : 1h46 Page 90

Maggie a un plan de Rebecca Miller avec Greta Gerwig, Ethan Hawke… Distribution : Diaphana Durée : 1h38 Page 79

Granny’s Dancing on the Table de Hanna Sköld avec Blanca Engström, Lennart Jähkel… Distribution : Tamasa Durée : 1h29 Page 72

Un homme charmant d’Ariel Rotter avec Érica Rivas, Marcelo Subiotto… Distribution : Urban Durée : 1h34

Nos souvenirs de Gus Van Sant avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe… Distribution : SND Durée : 1h50 Page 79

Le Potager de mon grand-père de Martin Esposito Documentaire Distribution : Destiny Films Durée : 1h16 Page 72

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Tracks de John Curran avec Mia Wasikowska, Adam Driver… Distribution : Septième Factory Durée : 1h52 Page 79

This Is My Land de Tamara Erde Documentaire Distribution : Aloest Durée : 1h30 Page 72

Théo & Hugo dans le même bateau d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau avec Geoffrey Couët, François Nambot… Distribution : Épicentre Films Durée : 1h37 Page 36

Les Habitants de Raymond Depardon Documentaire Distribution : Wild Bunch Durée : N.C. Page 80

Le Fils de Joseph d’Eugène Green avec Victor Ezenfis, Natacha Régnier… Distribution : Les Films du Losange Durée : 1h55 Page 74

Dégradé d’Arab et Tarzan Nasser avec Hiam Abbass, Victoria Balitska… Distribution : Le Pacte Durée : 1h23 Page 44

Ma meilleure amie de Catherine Hardwicke avec Drew Barrymore, Toni Collette… Distribution : Océan Films Durée : 1h52 Page 80

Blind Sun de Joyce A. Nashawati avec Ziad Bakri, Yannis Stankoglou… Distribution : Pretty Pictures Durée : 1h28 Page 74

Captain America. Civil War d’Anthony et Joe Russo avec Robert Downey Jr., Chris Evans… Distribution : Walt Disney Durée : 2h27 Page 76

Mobile étoile de Raphaël Nadjari avec Géraldine Pailhas, Luc Picard… Distribution : Zootrope Films Durée : 1h59 Page 80

La Saison des femmes de Leena Yadav avec Tannishtha Chatterjee, Radhika Apte… Distribution : Pyramide Durée : 1h56 Page 74

Dalton Trumbo de Jay Roach avec Bryan Cranston, Diane Lane… Distribution : UGC Durée : 2h04 Page 76

West Coast de Benjamin Weill avec Devi Couzigou, Victor Le Blond… Distribution : Mars Films Durée : 1h20 Page 80

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histoires du

CINéMA

THÉO & HUGO DANS LE MÊME BATEAU

Rencontre avec Olivier Ducastel et Jacques Martineau p. 36

ARAB ET TARZAN NASSER

Retour sur le parcours des réalisateurs palestiniens de Dégradé p. 44

ISABELLE HUPPERT

Rencontre avec la comédienne, à l’affiche de L’Avenir de Mia Hansen-Løve p. 46

Claire Simon Alternant documentaires (Coûte que coûte, 800 km de différence. Romance…) et fictions (Les Bureaux de Dieu, Gare du Nord…), Claire Simon trace un rare et passionnant sillon dans le cinéma français, portée par une curiosité inépuisable et un fabuleux talent de conteuse. Pour son nouveau documentaire, Le Bois dont les rêves sont faits, elle a arpenté le bois de Vincennes, caméra à la main, et y a glané mille histoires merveilleuses. Érudite et bienveillante, elle nous a reçus dans son lumineux appartement du XIe arrondissement. PROPOS RECUEILLIS PAR JULIETTE REITZER

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© vincent desailly

« C’est difficile de raconter le bonheur, c’est un vrai défi. »


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es gens que vous filmez racontent leur trajectoire, qui est parfois douloureuse (la prostituée, les SDF, la jeune femme rescapée des Khmers rouges…) Pourtant, il y a dans le film quelque chose de très joyeux. Le bois est un refuge, un temple moderne. Chacun y est maître de ses rêves, qu’il fasse du vélo, qu’il s’occupe de pigeons voyageurs ou qu’il fasse l’amour. C’est ça qui est joyeux. On peut raconter des horreurs, comme le génocide khmer, mais depuis cet endroit où on est bien, où c’est passé. Je pense que c’est faire honneur aux gens que de les rencontrer là où ils sont maîtres. Au début, d’ailleurs, le film s’appelait Le Bien. Il n’y a aucune raison de laisser cette langue du bien, du plaisir, à la publicité. Parce qu’au fond cette langue n’est dite que par la publicité. Marguerite Duras disait que le bonheur, c’est le frigo, la machine à laver ; c’est sûr que c’est un peu plat au niveau narratif… C’est difficile de raconter le bonheur, c’est un vrai défi. Le film montre des moments de lâcher-prise : on voit des danses qui ressemblent à des transes, et le sexe y est très présent, notamment avec le coin des rencontres homo, ou celui des mateurs… Oui, c’est vraiment le territoire du film : qu’est-ce qui arrive au bout du bien ? C’est les bacchanales, le moment où ça vrille. La forêt est le lieu de ça, des rites dionysiaques. Bon, chez Dionysos, les mères mangeaient carrément leurs enfants, mais cette idée du basculement est quand même présente, tout le temps, dans le bois. Je trouve ça très beau. Comment s’est faite la rencontre avec le voyeur ? Elle donne lieu à un plan très large, assez sidérant, dans lequel on le voit s’approcher d’un couple et se masturber en les regardant… Ce jour-là, il nous a téléphoné pour qu’on vienne. Il voulait nous montrer qu’il arrivait à quelque chose, qu’il ne faisait pas toujours chou blanc. On l’avait rencontré quelque temps auparavant parce qu’il avait un vélo, on a cru que c’était un cycliste. Pour moi, ce plan, c’est comme un plan des frères Lumière. C’est l’anti-M6, c’est un plan qui n’est pas fait pour exciter sexuellement le spectateur. C’est peut-être le plan le plus documentaire du film. A contrario, la séquence dans laquelle vous filmez le peloton de cyclistes lancé à toute allure est très stylisée. Comment l’avez-vous pensée ? Je voulais raconter l’effort, la difficulté, la pureté

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des corps, je trouvais ça très beau. Le matin, les pelotons se forment, ça commence doucement, et ça monte jusqu’à midi. C’est un peu comme un orgasme collectif. Il se trouve que c’est la séquence qui suit le travelling de nuit sur les camionnettes des prostituées, c’est au même endroit du bois. Il y a quelque chose dans cette folie du peloton qui est une réponse à ce marché du sexe assez cauchemardesque. Le bois évoque aussi le merveilleux, par exemple dans la scène nocturne des ébats de grenouilles. Le bois a la réputation d’être très dangereux la nuit, or, moi, c’est justement là que je retrouvais le plus le sentiment de la campagne. Comme quand on a filmé les lucioles dans une clairière : c’était vraiment la forêt enchantée. C’est la même impression qu’ont les pêcheurs qui passent la nuit dans une tente au bord du lac alors qu’ils sont à deux cents mètres du métro, c’est notre goût du sauvage qui nous berce. Vous montrez d’ailleurs l’artificialité du lieu avec la scène dans laquelle une équipe réfléchit au tracé idéal pour le chemin qui longe la rivière. Oui, ce sont les metteurs en scène de notre rêve. D’ailleurs, ce jour-là, ce rendez-vous s’appelait « Scénographie de la rivière ». Il fallait les voir s’extasier devant des ronces… L’allée royale, aussi royale soit-elle, date de 1982. Ma mère était anglaise, et en Angleterre il y a une mise en scène systématique des paysages… De toute façon, dans nos pays, il y a très peu d’endroits qui sont réellement sauvages. C’est intéressant, parce que plein de gens, et moi la première, sont victimes de cette illusion. C’est un bois où je ne vais plus beaucoup maintenant, mais où j’allais souvent faire un tour à vélo le dimanche. J’ai grandi à la campagne, j’ai passé beaucoup de temps seule dans la forêt. Et comme le dit l’un des personnages du film, l’homme originaire de Guinée-Bissau qui fait cuire les poissons : « Quand tu as grandi dans la forêt, tu appartiens toujours à la forêt. » Le bois tire les fils de l’enfance. Vous tenez la caméra tout en discutant avec les personnes rencontrées. On entend donc votre voix, hors champ. Souvent, vous réagissez avec étonnement aux histoires qu’on vous raconte : « C’est vrai ? » Votre capacité d’émerveillement est-elle inépuisable ? (Rires.) Oui, je suis étonnée par ce que je rencontre. Dans la fiction comme dans le documentaire, le

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« La caméra est l’instrument du sorcier. C’est elle qui fait que les choses deviennent visibles, compréhensibles, nobles parfois. » cinéaste se projette beaucoup. Mais, dans le documentaire, il y a la conscience qu’on se projette. Je suis étonnée parce qu’il y a un hiatus entre ce que je peux prévoir et projeter de moi sur le monde, et ce que le monde est en réalité. Une cour de récré dans Récréations, une gare dans Gare du Nord, une entreprise de restauration dans Coûte que coûte… Documentaires ou fictions, tous vos films ont pour cadre un lieu unique. Pourquoi ? Le lieu, c’est comme une idée, c’est quelque chose qu’on a envie d’épuiser. Et puis surtout c’est un réceptacle d’histoires. Ce n’est pas juste qu’il y a en plein ; c’est le lieu qui les dessine. Une même personne ne racontera pas son histoire de la même façon dans un bois et dans une gare, par exemple. Évidemment, ce qui est très complexe, c’est qu’au cinéma on ne peut pas raconter un espace, on est forcément en train d’inventer un espace raconté dans un film, ce qui est tout à fait autre chose. Dans le bois de Vincennes, par exemple, il y a quatre lacs ; on ne le sait pas en regardant le film. Reste l’idée du lac, celle de la forêt, celle de la clairière.

Comment décrire votre méthode documentaire ? Par exemple, faites-vous des repérages sans caméra pour établir un premier contact avec les gens que vous allez filmer ? D’abord, il faut apprendre à s’approcher des gens. À chaque film que je fais, j’ai l’impression qu’au début je suis toujours trop loin. C’est ce que disait Robert Capa : si une photo est mauvaise, c’est parce qu’on est trop loin. Donc il faut soi-même s’apprivoiser pour avoir le courage d’aller plus près. Peu à peu il faut amadouer le lieu, c’est long et difficile. Après, effectivement, la plupart des gens que j’ai filmés, je les ai rencontrés une première fois, je leur ai dit que je reviendrais avec une caméra. Mais sans échanger plus que ça, parce qu’il ne faut pas non plus griller ses cartouches. C’est-à-dire que si les gens vous racontent des choses hors caméra, vous ne voulez pas leur demander de les raconter à nouveau face caméra ? Ce n’est pas très bien, non. C’est embêtant quand les gens ont l’impression de devoir répondre à une attente, il faut qu’il y ait une vraie conversation. Et puis, surtout, ça peut m’arriver de rencontrer des

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gens sans caméra pendant les repérages, mais ce n’est pas pareil. Il y a quelque chose que nous faisons, la personne que je filme et moi, à travers la caméra. Nous avons conscience qu’on fait le film. C’est le principe de Jean Rouch, c’est-à-dire que la caméra est l’instrument du sorcier. C’est elle qui fait que les choses deviennent visibles, compréhensibles, nobles parfois. Votre filmographie alterne films de fictions et documentaires. Qu’est-ce qui vous pousse à opter pour l’un plutôt que l’autre ? Ce qui est possible en matière de narration. Ça fait longtemps que le sujet du bois de Vincennes m’intéresse, et en réalité j’ai fait ce documentaire dans l’idée de faire une fiction ensuite, qui serait un film fantastique au bois. Mais je ne sais pas si j’aurai l’énergie, parce qu’entre-temps j’ai fini un autre documentaire, et que j’en attaque un nouveau. Disons que le documentaire est une forme extrêmement libre artistiquement, on a une liberté qui est celle des peintres. On n’est jamais coincé par le système de production de la fiction qui fait que si vous aviez dit que vous tourniez tel truc tel jour, vous ne pouvez pas changer. Mais le documentaire est très dur à financer. Vous avez des difficultés à financer vos films ? Énormes, oui. On a beaucoup de chance en France, on a le CNC. Mais, le problème, c’est que les télévisions principales ne veulent pas de films documentaires d’auteurs dont le sujet n’est pas criant

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« Il faut soi-même s’apprivoiser pour avoir le courage d’aller plus près. » d’actualité. D’ailleurs, les films documentaires dont on parle ces derniers temps ont été financés sans la télé : Homeland. Irak année zéro, Je suis le peuple, le très beau Dans ma tête un rond-point… C’est par nature un cinéma pour lequel il est très difficile de dire avant ce qu’on va faire. Moi, ce qui m’intéresse, c’est vrai, c’est d’être entre la fiction et le documentaire ; mais ce n’est pas pour embêter tout le monde, c’est parce que je pense que parfois le documentaire est plus facile d’accès pour le public, parce que ça intéresse les gens. Après avoir vu Le Bois dont les rêves sont faits, les gens me disent : « Jamais je n’aurais pensé que ce serait comme ça. » Et disons que c’est une forme aussi qui ne sert pas la soupe aux grandes industries. Il y a quelque chose qui est du côté des gens. C’est, entre guillemets, le cinéma du peuple pour lui-même. C’est une grande ouverture. Le Bois dont les rêves sont faits de Claire Simon Documentaire Distribution : Sophie Dulac Durée : 2h26 Sortie le 13 avril

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La réplique :

« N’en faites pas trop, M. Perrin »

©pathé distribution

Le Jouet

Journaliste au chômage, François Perrin (Pierre Richard) trouve une place à France Hebdo, un journal dirigé par le richissime et sans scrupules Pierre Rambal-Cochet (Michel Bouquet). Mais, alors qu’il couvre un événement dans un grand magasin, il se fait acheter comme jouet par Éric, le jeune fils pourri gâté du patron… Une satire sociale excessive et jouissive à redécouvrir ce mois-ci à la Cinémathèque, dans le cadre du cycle consacré à Pierre Richard. PAR MICHAËL PATIN

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remier film réalisé par Francis Veber, mais troisième apparition au cinéma de son personnage François Perrin, après Le Grand Blond avec une chaussure noire et Le Retour du Grand Blond – tous deux réalisés par Yves Robert et scénarisés par Veber –, Le Jouet, sorti en 1976, est l’un des moins connus de la série, mais aussi l’un des plus attachants. Son aura culte, il la doit autant à son outrance satirique qu’à sa brochette de seconds rôles – Michel Aumont, Gérard Jugnot, Jacques François et Michel Bouquet, inoubliable en patron de presse sadique. Le film atteint son paroxysme avec la séquence de la garden-party organisée par Rambal-Cochet, que ses employés fraîchement licenciés décident de gâcher en organisant une manifestation. Déguisé en cow-boy d’opérette, Perrin hésite à rallier les syndicalistes, mais choisit de rester auprès de son « propriétaire », pour

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lequel il est devenu, malgré lui, la seule figure d’autorité. Fendant la foule d’un pas décidé, il rejoint le gamin pour un duel de western et, touché par une balle imaginaire, se lance dans une imitation d’agonie interminable, sous le regard ébahi des invités. « N’en faites pas trop, M. Perrin », siffle Rambal-Cochet. Mais la manif débute, et Perrin en remet une couche, renversant les tables en hurlant des ordres, comme s’il s’agissait d’une attaque d’Indiens… Francis Veber dévoile ici la nature profonde de son personnage fétiche, agent du chaos qui dynamite les normes sociales de l’intérieur et investit l’enfance comme principe de subversion. Le Jouet de Francis Veber avec Pierre Richard, Michel Bouquet… Durée : 1h30 Les 10 et 17 avril à la Cinémathèque française

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Rob Legato, superviseur des effets spéciaux visuels

Faire de l’effet Détenteur de deux Oscars (pour Titanic et Hugo Cabret), collaborateur de James Cameron, Martin Scorsese ou Jon Favreau (pour Le Livre de la jungle, ce mois-ci sur les écrans français), Rob Legato continue de défricher la terra incognita de l’imagerie numérique et du tournage virtuel.

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Par Julien Dupuy

Le Livre de la jungle

u’elle semble loin l’époque où les trucages visuels conçus par Rob Legato pour Entretien avec un vampire ou Apollo 13 n’altéraient qu’une poignée de minutes de ces films. En un quart de siècle, l’impact de son travail sur les longs métrages s’est accru de façon exponentielle, comme en atteste son dernier projet en date, Le Livre de la jungle de Jon Favreau (lire p. 91). « Tous les plans du film comportent des effets spéciaux visuels puisque, à l’exception de l’interprète de Mowgli, Neel Sethi, rien n’a été filmé. Autrement dit, tous les animaux – mais aussi chaque brin d’herbe, chaque grain de pollen – ont

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été créés numériquement. » C’est que la nouvelle adaptation du roman de Rudyard Kipling embrasse pleinement la révolution numérique, un bouleversement auquel Rob Legato n’est pas étranger, notamment de par sa participation aux films de James Cameron (il a mis en place la structure de tournage d’Avatar) ou à ceux de Martin Scorsese (il a initié ce dernier aux vertus des outils digitaux sur Aviator). « Jim [Cameron, ndlr] veut tout faire luimême et est très au fait de toutes les nouveautés. Marty [Scorsese, ndlr], par contre, aime déléguer et se reposer sur ses collaborateurs. Jon [Favreau, ndlr], quant à lui, reste un comédien dans l’âme. D’ailleurs, les animateurs l’ont filmé pour définir les mouvements de certains personnages, l’ours en

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pôle e m ploi

particulier. Bref, ces réalisateurs ont chacun une sensibilité différente à laquelle je dois m’adapter. » L’art et la machine

Cette capacité d’adaptation est précisément l’une des clés de sa réussite. Car, à mesure des progrès de l’informatique, il lui faut constamment repenser sa façon de fabriquer les films, sans perdre dans ce chamboulement les vertus des grands chefs de poste – comme le directeur de la photographie du Livre de la jungle, Bill Pope. « Il était hors de question que l’on se passe du sens du cadre et de l’œil de Bill Pope. Alors, pour exploiter ses aptitudes, nous l’avons plongé dans les décors numériques grâce à une caméra virtuelle, un appareil qui ressemble à une petite caméra, mais qui ne filme pas. Celle-ci est reliée à un ordinateur, et tous ses mou-

« Tous les animaux, mais aussi chaque brin d’herbe, ont été créés numériquement. » vements sont reproduits à l’identique dans notre décor virtuel. Bill peut donc manipuler la caméra pour cadrer, mais également éclairer ce décor en le modifiant en temps réel. À ce stade, l’image s’apparente à celle d’un jeu vidéo, mais on a déjà une très bonne idée de ce que donnera le résultat final. L’un des avantages de cette technique, c’est que Bill et Jon pouvaient affiner aussi longtemps qu’ils le voulaient leurs cadres, et qu’ils ont même pu monter le film avant que la moindre image ne soit tournée. Notre objectif, c’est d’asservir l’ordinateur au savoir-faire des artistes du cinéma. » Et comme pour Gravity, ce brouillon du film a permis d’optimiser la seule partie réellement tournée du Livre de la jungle. « La société londonienne MPC s’est servie de ce brouillon pour nous indiquer comment éclairer le fond bleu sur lequel nous allions filmer le jeune acteur, pour l’incruster ensuite dans le décor numérique. La lumière était l’élément clé de la réussite du trucage : si l’éclairage était correct, nous n’allions pas avoir de grandes difficultés pour donner l’impression que le comédien évoluait vraiment dans la jungle. » Le vrai du faux

Cette section de tournage bouclée, une armée d’infographistes s’est chargée de créer l’univers et les animaux qui peuplent le reste de l’écran. « Pour éviter que les images n’aient l’air artificielles, il ne fallait pas que tout soit idéalisé. Par exemple, nous ne voulions pas avoir des cieux magnifiques sur chaque plan, ils sont parfois tristement blanchâtres. » Et même l’unique personnage réel du

CV 6 mai 1956

Naissance de Rob Legato à Ocean Township, dans le New Jersey.

1992

Il est récompensé d’un Emmy pour son travail sur la série Star Trek. La nouvelle génération.

1994

Il rejoint Digital Domain, la compagnie de James Cameron, pour laquelle il supervise les effets spéciaux d’Entretien avec un Vampire et d’Apollo 13.

2000

Devenu indépendant, Rob Legato conçoit les trucages hitchcockiens d’Apparences de Robert Zemeckis, puis ceux de Harry Potter à l’école des sorciers de Chris Columbus.

2004

Première collaboration avec Martin Scorsese pour Aviator. Rob Legato a depuis travaillé sur tous les films du réalisateur.

film ne fut pas épargné par les infographistes. « Sur certains plans, Neel est lui-même numérique. Parfois parce que son personnage devait effectuer des actions trop dangereuses, et d’autres fois parce que le tournage était terminé et que Jon Favreau avait besoin d’un nouveau plan. Sur certaines images, il est impossible de déceler la supercherie. » Il est donc permis de se demander s’il n’aurait pas été plus simple de concevoir l’intégralité du film en image de synthèse. « On y a très sérieusement pensé, admet Legato, mais c’est encore un peu tôt pour faire un humain numérique totalement photoréaliste. Mais ce jour est imminent, je vous le garantis. Nous allons très rapidement concevoir des personnages qui feront réels, et qui d’ailleurs seront réels, dans le sens où ce sont de “vrais gens” qui sont au centre de tout ce processus. » Car Legato a à cœur de rappeler que, selon lui, les préjugés sur la déshumanisation de l’image numérique sont absurdes : « C’est l’humain qui est au cœur de notre métier. L’ordinateur, lui, ne fait rien tout seul, pas plus qu’un piano sans musicien. Il faut des artistes pour créer les décors, des animateurs de génie pour faire bouger les créatures, et des comédiens pour donner vie aux personnages. Et ça, ça ne changera jamais. » Le Livre de la jungle de Jon Favreau Animation Distribution : Walt Disney Durée : 1h36 Sortie le 13 avril

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© antoine doyen

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THÉO & HUGO DANS LE MÊME BATEAU

DUCASTEL ET MARTINEAU Depuis Jeanne et le Garçon formidable (1998), ils creusent un sillon à la fois grave et fantaisiste. Avec Théo & Hugo dans le même bateau, le duo met en scène les sentiments éperdus de deux jeunes rêveurs qui, le temps d’une nuit, déambulent dans un Paris désert, après être tombés follement amoureux dans un sex-club (filmé de façon très explicite) et s’être rendu compte qu’ils ont eu un rapport non protégé. L’occasion, pour les cinéastes, de s’essayer à une représentation plus crue de la sexualité gay, sans perdre la sensibilité exaltée qui nous transportait déjà dans leurs précédents films.

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PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET

e voudrais vous faire commenter cette réplique dite par Hugo dans le film : « La nuit appartient aux femmes et aux pédés. » Jacques Martineau : Oh ! la vache ! c’est moi qui ai écrit cette bêtise ! Lorsqu’on tournait la nuit à l’hôpital, on s’est rendu compte qu’il n’y a presque que des femmes, principalement noires ou arabes, qui exercent les boulots de nuits ingrats. Quant aux gays, on sait tous qu’ils ont tendance à beaucoup sortir la nuit…

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On relie souvent votre œuvre à celle de Jacques Demy, notamment parce que votre premier film, Jeanne et le Garçon formidable, lui rendait hommage. Ici, on pense plutôt à Agnès Varda, sa compagne, et plus particulièrement à Cléo de 5 à 7 (1962) – on retrouve l’intrigue en temps réel, l’horizon de la maladie… Olivier Ducastel : J’ai rencontré Agnès quand j’étais assistant sur Trois places pour le 26 (1988), le dernier film de Jacques Demy. Ensuite, on a eu l’occasion de la recroiser quand on a fait Jeanne et le Garçon formidable. Elle aimait beaucoup le

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scénario, et elle avait demandé à Mathieu Demy [son fils, qui joue le rôle principal du film, ndlr] si elle pouvait nous faire part de quelques suggestions… Après ça, elle avait choisi de passer sur le tournage le jour où on mettait en boîte une scène de manif d’Act Up. Ça nous avait vachement touchés qu’elle vienne précisément ce jour-là. Pour Théo & Hugo…, une première version du scénario se déroulait le temps d’une nuit ; une autre était très éclatée, sur vingt-neuf jours. En revoyant Cléo…, on s’est rendu compte qu’Agnès avait raison sur

« On se questionnait : “Est-on capables de demander ça à des acteurs ?” » Olivier Ducastel

Qu’est-ce qui a motivé votre envie de filmer le sexe de façon si explicite dans la longue séquence d’ouverture, celle de la rencontre entre Théo et Hugo dans un sex-club ? O. D. : Depuis Jeanne et le Garçon formidable, on filme des histoires d’amour, mais de façon un peu sage. Pour Drôle de Félix, on avait tourné des scènes plus sensuelles, mais elles n’ont pas été retenues au montage – les acteurs étant hétéros, ils ne bandaient pas. Donc on avait une sorte de frustration. Ces dernières années, dans certains films – Week-end d’Andrew Haigh ou L’Inconnu du lac d’Alain Guiraudie, par exemple –, des réalisateurs ont tenté des choses intéressantes, et ça nous rendait un peu jaloux. On se questionnait : « Est-on capables de demander ça à des acteurs ? » Le film est l’un des premiers à évoquer le T.P.E. (traitement post-exposition), une trithérapie d’un mois qui est prescrite en urgence après une exposition au V.I.H. En montrant les démarches à suivre après un rapport sans capote, il prend une valeur pédagogique. J. M. : On s’est rendu compte que cette question n’avait pas encore été montrée concrètement au cinéma. Ce qui nous intéressait surtout, c’est que, lorsqu’un tel accident arrive, les gens ne savent pas pourquoi ils ont pris un risque, ils sont incapables de se l’expliquer. O. D. : Personnellement, j’ai un peu de mal avec l’idée de pédagogie. Je parlerais plutôt de trouée documentaire. J’ai toujours aimé les films de fiction dans lesquels, soudain, le réel s’introduit. Un de mes chocs de cinéma, c’est Mon oncle d’Amérique d’Alain Resnais, quand j’avais 17 ans. J’étais sidéré qu’il soit à la fois aussi romanesque et aussi scientifique. Ce que vivent les personnages est dur. Pourtant, ça ne les empêche pas de tomber amoureux, d’être légers. Cette force de vie est

© epicentre

l’utilisation du temps réel. Avant le tournage, on a été la voir pour lui dire que, cette fois-ci, on penserait plus à elle qu’à Jacques. J. M. : C’est une grande réalisatrice, qui ose aller ailleurs, qui prend le risque de se casser la gueule. Y’en n’a pas tant que ça, des comme elle ! Alain Cavalier peut-être… Elle nous a souvent aidés. Quand on est un peu poussés aux marges de l’industrie cinématographique, un appui comme Varda, ça aide… Vous avez le sentiment d’avoir été relégués à la marge ? J. M. : On a toujours eu du mal à financer nos films. Là, on sort d’une période pendant laquelle on a un peu galéré. On a voulu essayer des choses plus grand public, plus hétéro, mais rien n’a abouti. O. D. : Et on s’est fait jeter par la commission de l’avance sur recettes de manière un peu scandaleuse. Ils avaient une énorme suspicion par rapport à la première partie du film. Ils pensaient qu’on n’allait pas oser la pornographie, parce qu’on les avait habitués à plus de pudeur. Ensuite, ils ont dit que le film était une très petite chose, avec un scénario ennuyeux et un sujet démodé. Il y aurait

même une personne de cette commission qui aurait dit : « C’est si grave d’avoir des rapports à risque aujourd’hui ? »

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une constante dans votre cinéma. Par exemple, vous avez souvent montré des personnages à la fois séropositifs et heureux. J. M. : Contre le marasme, contre la représentation forcément dépressive des séropos et des homos, on essaye de promouvoir une autre image. O. D. : Je me souviens d’une projection de Jeanne et le Garçon formidable après laquelle un jeune homme avait pris la parole. Devant toute la salle, il avait dit : « Je suis séropo, j’ai trouvé votre film un peu déprimant. Pourriez-vous envisager de faire un film sur un séropositif qui le vivrait bien ? » On venait tout juste de finir le scénario de Drôle de Félix, dans lequel on a fait très attention à ce que le héros ait ce rapport épanoui au monde. Le film évoque fortement la Nouvelle Vague : il y a ce romantisme de la flânerie parisienne, le titre qui fait penser à Céline et Julie vont en bateau de Jacques Rivette… Et le générique en bleu, blanc, rouge ressemble à celui de Pierrot le fou de Jean-Luc Godard. J. M. : On assume cet héritage au premier degré. C’est-à-dire qu’on n’est pas dans la référence, ni le clin d’œil. C’est un état d’esprit plus qu’autre chose. O. D. : Quand j’étais étudiant à Censier, je me rappelle un cours de cinéma pendant lequel un élève avait fait une citation très affirmée dans le cadre d’un devoir. Les autres étudiants lui ont reproché d’avoir copié. Le prof leur a dit : « Vous vous trompez : on ne vole que les bonnes idées. » Si une idée est bonne et qu’on a envie de l’adopter, on a le droit. À quoi tient le parti pris de filmer la nuit parisienne de façon quasi onirique ? Il semble n’y avoir personne dans les rues. J. M. : Moi, quand je me balade et que je rentre un peu tard, j’ai cette impression de grande solitude,

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« On assume l’héritage de la Nouvelle Vague. On n’est pas dans le clin d’œil. » Jacques Martineau

même si ce n’est pas tout à fait vrai. On a essayé de représenter ce sentiment. O. D. : On voulait une nuit très sombre. Ce n’est pas nous qui sommes antinaturalistes ; c’est simplement qu’au cinéma on veut toujours trop éclairer. C’était une grosse difficulté pour le chef opérateur, parce qu’il y a des températures de couleurs variables d’une rue à l’autre. L’image est beaucoup retravaillée à l’étalonnage, pour essayer de donner à la nuit un côté plus bleuté. Au fil de leur errance, les deux héros font plusieurs rencontres fortuites. Il y a l’idée de dessiner un portrait de la France contemporaine à travers ces quelques personnages ? J. M. : Les gens qu’ils rencontrent se rendent bien compte que Théo et Hugo sont amoureux, et ça déclenche chez eux un désir de parole, l’envie de se confier sur des choses très intimes. Quand ils passent par un kebab, par exemple, ils tombent sur un Syrien qui laisse entendre qu’il a dû quitter son pays parce qu’il n’était pas libre d’aimer qui il voulait. Ça m’arrive tout le temps d’être confronté à des immigrés qui se mettent à parler d’eux, je trouve ça très émouvant. Théo & Hugo dans le même bateau d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau avec Geoffrey Couët, François Nambot… Distribution : Épicentre Films Durée : 1h37 Sortie le 27 avril

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Le sida à l’écran, une affaire de morale Dans les années 1990, des cinéastes luttent contre les stéréotypes et les confusions à propos du sida (fabulations sur les modes de contamination, rumeur d’un cancer gay…) en proposant des représentations moins stigmatisantes. Par Quentin Grosset

Blue de derek jarman (1993, grande-bretagne)

Les Nuits fauves de cyril collard (1992, france)

L’histoire d’amour entre Jean, chef opérateur séropositif (Cyril Collard), et Laura, actrice de 17 ans (Romane Bohringer)… Trois jours après le décès du cinéaste, le film est couronné par plusieurs Césars (dont celui du meilleur film). Ce long métrage furieux a déchaîné les passions du public français (près de trois millions d’entrées), mais a aussi provoqué la polémique avec une scène dans laquelle le héros a un rapport non protégé alors qu’il se sait séropositif.

Pendant 1 h 17, un écran bleu. La bande-­son mêle des musiques méditatives et différentes voix off lyriques et solennelles (celle de Jarman ou celle de Tilda Swinton notamment) récitant des poèmes ou des extraits de journaux intimes du cinéaste. Dans ce dernier film, sorti juste avant son décès, le réalisateur britannique choisit le néant, l’abstraction pour représenter la maladie, comme s’il n’y avait pas d’image assez juste ni assez parlante pour la figurer.

Philadelphia de jonathan demme (1994, états-unis)

Kids de larry clark (1995, états-unis)

Ce film hollywoodien évoque le syndrome à travers le récit d’une injustice : avocat, Andrew Beckett (Tom Hanks) est licencié au moment même où apparaissent chez lui les premiers symptômes du sida… Si Philadelphia a été important dans la quête de visibilité et de solidarité des gays par rapport au grand public, le film a été grandement critiqué par certains activistes à cause de sa représentation victimisante de la maladie à travers un homosexuel mourant, émacié et rejeté par la société.

Jennie, qui fait partie d’une bande d’adolescents new-yorkais consacrant ses journées au skate, à la défonce et à la biture, apprend qu’elle est séropositive. Elle cherche à retrouver Telly, le seul garçon avec lequel elle a couché. Ce dernier enchaîne les rapports non protégés… En instillant une sorte de suspense sensationnaliste (d’autres jeunes filles vont-elles être contaminées ?), Larry Clark, en cinéaste moraliste, filme l’ignorance et le manque de repères de cette génération face au sida.

Zero Patience de john greyson (1995, canada)

Dans cette comédie musicale très camp, un sexologue du xixe siècle à la mentalité bien rétrograde est transporté au début des années 1990. Il prépare une exposition sur le patient zéro, un steward accusé d’avoir introduit le sida en Amérique du Nord. Celui-ci revient d’entre les morts pour prouver qu’il n’est pas le coupable désigné par les institutions et les médias… Dans le droit fil de ses vidéos réalisées pour Act Up, John Greyson déconstruit les discours stigmatisants et les mythes nauséabonds sur le sida.

Jeanne et le garçon formidable d’o. ducastel et j. martineau (1997, france)

Pensée comme un hommage à Jacques Demy, cette comédie musicale met en scène le désarroi de Jeanne face à la disparition de son amant, mort du sida. Dans le cinéma français, Olivier Ducastel et Jacques Martineau ont été parmi les seuls réalisateurs à filmer la lutte contre le virus du point de vue militant et communautaire. Dans ce film, c’est à travers le personnage joué par Jacques Bonnaffé, qui a perdu son amant et se bat aux côtés de l’association Act Up.

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L’Homme de l’ombre Julien Duvivier en 1937

Frappé d’une étrange malédiction, Julien Duvivier semble condamné à être sans cesse réévalué par une certaine frange de la critique sans pour autant atteindre la reconnaissance plus large à laquelle sa carrière devrait lui donner droit. Alors que quatre de ses chefs-d’œuvre ressortent en salles dans des versions restaurées, on tente à notre tour de conjurer le sort pour faire sortir de l’ombre ce grand auteur misanthrope. Par Michaël Patin

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La Fin du jour

ujourd’hui, ceux, peu nombreux, qui connaissent le nom de Julien Duvivier ont souvent une image peu reluisante de son cinéma, supposé poussiéreux et figé, et associé à un succès populaire vieillot (Le Petit Monde de don Camillo, 1952) ou, au mieux, à un classique de l’entre-deux-guerres au charme défraîchi (Pépé le Moko, 1937). On sait comment a débuté la disgrâce du réalisateur lillois. Au milieu des années 1950, les Jeunes Turcs de la Nouvelle Vague s’opposent au cinéma littéraire et technicien de leurs aînés. Il s’agit de tuer les pères, y compris les grands représentants de la « qualité française » tels que René Clair, Claude Autant-Lara, Marcel Carné et, donc, Julien Duvivier. En théorisant la politique des auteurs, François Truffaut et sa bande disqualifient la conception traditionnelle, industrielle, du cinéma. Duvivier est une cible de choix tant il s’est essayé, au cours de sa très longue carrière (de 1919 à 1967), à tous les genres possibles, du polar à la comédie en passant par le film à sketchs et le récit historique. Une attitude d’artisan pragmatique,

capable de mettre sa personnalité, qui fait alors tâche, en sourdine ; jusqu’à faire oublier qu’il était, avant tout, un artiste visionnaire dont les obsessions traversent toute l’œuvre. Jeux de massacre

Aux suspicieux qui ont besoin de voir pour croire (comme on les comprend), ce cycle de rééditions (lire la frise ci-dessous) est donc l’occasion de découvrir l’un des auteurs les plus corrosifs de notre cinéma national. Difficile, en effet, de trouver un équivalent aux histoires sordides qu’il met en scène, avec çà et là une touche d’humour (noir) et des tombereaux de cruauté, même chez ses rares descendants (Claude Chabrol, et peut-être Yves Boisset période Dupont Lajoie). Même dans La Belle Équipe (1936), qui débute comme l’histoire d’une utopie collective et qui a souvent été perçu comme une métaphore du Front Populaire (la faute à une conclusion heureuse qui avait remplacé la fin pessimiste – aujourd’hui rétablie – souhaitée par Duvivier), rares sont les personnages innocents ou franchement sympathiques, y compris Jean Gabin en chef de bande exalté. Leur descente

JULIEN DUVIVIER : QUATRE FILMS À REDÉCOUVRIR EN SALLES

La Belle Équipe (1936)

Cinq chômeurs qui ont gagné le gros lot retapent une guinguette… En un film au réalisme désenchanté, Duvivier célèbre puis démembre les espoirs de la fraternité virile. Rien ne résiste à la méchanceté des femmes, à la bêtise des hommes, à la malchance et à la mort.

La Fin du jour (1939)

Michel Simon, Victor Francen et Louis Jouvet interprètent trois acteurs en fin de course réunis dans un hospice. Les vieux cabots des planches s’écharpent et révèlent les plaies affreuses de leurs vies. Trois portraits cruels de la folie plus ou moins spectaculaire et meurtrière.

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Les dominants sont des monstres, les dominés, des moutons bons pour l’abattoir. Panique

aux enfers semble programmée, fusant sous les dialogues, envenimant la moindre image. On est loin, au fond, du réalisme poétique auquel on a pu associer le cinéaste – et auquel il règle son compte dans une séquence vertigineuse de Panique (1947), lorsque Michel Simon fait visiter son ancienne maison, abandonnée depuis la perte de sa femme, à celle dont il vient de tomber aveuglément amoureux et qui précipitera sa chute. La bonté, la tendresse, l’amitié virile même restent précaires dans le cinéma de Duvivier, condamnées par les événements, avalées par le malheur et la haine qui courent toujours plus vite. Dans La Fin du jour (1939), il joue ainsi sans ménagement avec nos projections de spectateurs naïfs : si ses personnages d’acteurs en bout de course conservent leur verve, ce n’est que pour humilier leurs congénères plus décatis. Les dominants sont des monstres égocentriques, les dominés, des moutons bons pour l’abattoir, et personne n’accède à la rédemption. La marque d’un grand auteur misanthrope, qui ne cessera de s’assombrir jusqu’à Voici le temps des assassins (1956) et sa sécheresse morale sans retour – « Elle ne fera

plus de mal à personne », grince le personnage joué par Gabin, en trouvant son ancienne amoureuse saignée par un chien. De tels jeux de massacre pourraient laisser de marbre le spectateur du troisième millénaire biberonné à l’ultraviolence si Duvivier n’était également un technicien accompli, capable d’audaces formelles exaltantes (science du travelling, expériences sonores, génie du cadre et du découpage). Soucieux d’opérer des résonances multiples et subtiles entre le fond et la forme, il prend ses distances avec le cinéma littéraire de son époque en plaçant sa croyance dans les artifices du filmage et de la mise en scène. Avec pour point d’orgue Panique qui, en se libérant du roman de Georges Simenon dont il s’inspire, s’affirme comme une dérive hallucinée vers les tréfonds de l’inconscient (individuel et collectif) dans laquelle chaque scène est un nouveau tour de force esthétique. L’occasion de rappeler qu’il était admiré voire révéré par Jean Renoir, Ingmar Bergman et Orson Welles. Il est donc grand temps de faire à nouveau figurer Duvivier au panthéon mondial du cinéma de la cruauté.

JULIEN DUVIVIER : QUATRE FILMS À REDÉCOUVRIR EN SALLES

Panique (1947)

Vieil original mystérieux et impopulaire, M. Hire est accusé d’un crime qu’il n’a pas commis… Plus qu’un chef-d’œuvre du film noir, une exploration de l’âme humaine dans ses infinies teintes de gris, doublée d’une réflexion vertigineuse de Duvivier sur sa propre misanthropie.

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Voici le temps des assassins (1956)

André Chatelin recueille la fille d’une ancienne conquête et succombe à ses charmes… Duvivier épure sa mise en scène pour déployer ses thèmes de prédilection : misère de la jalousie, conflit larvé des générations et amour piétiné par une (double) garce maléfique.

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© vincent desailly

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Dans Dégradé, leur premier long métrage, les jumeaux palestiniens filment treize femmes au bord de la crise de nerfs coincées dans un salon de beauté de Gaza par de violents affrontements entre Palestiniens. À mesure que les combats s’intensifient, la tension monte entre ces femmes d’horizons différents (divorcée libérée, musulmane bigote…), et le salon devient la métaphore de la bande de Gaza assiégée. Avec ce huis clos chargé en symboles, Tarzan et Arab Nasser prouvent qu’ils n’ont peur de rien – ni des sujets qui fâchent, ni des effets de mise en scène.

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par raphaëlle simon

ans un épais nuage de fumée, les frères Nasser, colosses barbus à la crinière charbon et au regard pénétrant, nous accueillent à leur table avec une étonnante convivialité. Cigarette à la main, bagues aux doigts, yeux verts soulignés de khôl, dégaine hippie moyen-orientale, les jumeaux chantent, rigolent, parlent beaucoup et très fort. Tarzan et Arab, Ahmed et Mohammed Abu de leur vrai nom, ne sont pas du genre à se laisser intimider. En mettant en scène, dans Dégradé, un groupe de femmes prises au piège par des affrontements armés entre Gazaouis, ils abordent de front un sujet sensible. « Tout le monde est au courant du “gros conflit” entre Israël et la Palestine. Nous, on a voulu parler du conflit entre Palestiniens qui nous prend à la gorge au quotidien. Depuis que le gouvernement islamiste du Hamas est arrivé au pouvoir en 2006 à Gaza, ils ont pris la population en otage, pour montrer qu’ils ont le contrôle », explique Tarzan. Dégradé a pour point de départ un incident réel, en 2007, au cours duquel se sont opposé la milice du Hamas et le chef d’une famille mafieuse qui avait volé un lion au zoo de Gaza. « C’était plus difficile de gérer les actrices que le lion ! s’amuse Tarzan, qui incarne le voleur de lion dans le film. On avait beaucoup de contraintes : un seul décor, neuf miroirs, treize actrices, toutes débutantes en dehors de Hiam Abbass et de Maisa Abd Elhadi… » Mais les frères Nasser ne se laissent pas déborder par si peu, eux qui se sont exilés en Jordanie pour tourner leur film. ÊTRE AUX TÉLÉCOMMANDES

Nés en 1988, un an après la fermeture du dernier cinéma de Gaza (les salles ont fermé les unes après les autres dans les années 1980 sous l’impulsion des fondamentalistes locaux), les deux frères ont attendu leurs 20 ans pour voir un film sur grand écran, profitant d’un voyage au Texas pour visionner leur premier court métrage, Colourful Journey. Avant cela, c’est avec la télévision qu’ils nourrissent leur insatiable cinéphilie. Issus d’une famille plutôt intello (un père directeur d’école amateur d’art, une « super-mère au foyer » avec sept enfants à charge), les jumeaux sèchent l’école à tour de rôle pour voir des films et quittent l’appartement parental à 13 ans. « On ne voulait plus partager la télé

familiale, résume Arab, on en avait assez que notre père décide ce qu’on devait regarder. On a fait des petits boulots, et on s’est acheté une télé en noir et blanc. Et puis on s’est mis à piquer des films sur Internet, parce qu’il n’y a quasiment que des films égyptiens à la télé à Gaza. On regardait de tout, de Tarkovski aux blockbusters ; on disséquait les films, la durée de chaque séquence, les choix de lumières… » CINÉMA AU POING

À défaut d’école de cinéma, les jumeaux passent par les Beaux-Arts et se forment sur le tas, avec des petites caméras, pour éviter d’être repérés, les autorisations de tournage étant quasi impossibles à obtenir à Gaza. Très vite, le cinéma devient l’étendard de leur engagement pacifiste, à commencer en 2010 par Gazawood, leur série d’affiches de films de guerre pseudo-hollywoodiens qui détournent les noms des offensives israéliennes à Gaza et qui leur vaudra une nuit au poste, pour avoir montré une bouteille d’alcool – « remplie d’eau ! » – sur l’une d’elles. Leur témoignage, dans le documentaire de Khalil al Muzayen Gaza 36 mm, qui dresse un accablant état des lieux du cinéma à Gaza et pointe la responsabilité des fondamentalistes, les contraindra à s’exiler en Jordanie en 2012. C’est donc à Amman qu’ils tournent leur deuxième court métrage, Condom Lead, parabole grinçante et facétieuse sur la sexualité en temps de guerre, présenté au Festival de Cannes en 2013. « Le Hamas ne l’a pas vu, mais comme il y a “préservatif” dans le titre, ils ont dit qu’on avait fui Gaza pour faire des films porno ; alors qu’on voit juste deux pieds qui se frôlent ! » s’esclaffe Arab. Après Dégradé, sélectionné à la Semaine de la critique du dernier Festival de Cannes, les jumeaux posent leurs valises et leur caméra en banlieue parisienne, où ils viennent de finir leur deuxième long. Inspiré à nouveau d’un fait réel, mais raconté de manière un peu brumeuse, le pitch reste flou – une histoire de statue antique confisquée par le gouvernement, de pêcheur, de doigt coupé, et d’énorme pénis. Depuis Gaza, Amman ou Paris, rien n’arrête ces ogres de cinéma. Dégradé d’Arab et Tarzan Nasser avec Hiam Abbass, Victoria Balitska… Distribution : Le Pacte Durée : 1h23 Sortie le 27 avril

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Š sylvie lancrenon

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ISABELLE HUPPERT ENTRETIEN

Claude Chabrol, Maurice Pialat, Benoît Jacquot, Michael Haneke... Sa carrière – plus de cent films, en parallèle de son activité au théâtre – impressionne. En marge de ces grands rôles, on a choisi d’évoquer aussi avec Isabelle Huppert des moments plus confidentiels de sa filmographie. L’actrice s’est pliée à l’exercice avec entrain et malice, les mêmes qu’elle apporte au personnage de professeure de philosophie qu’elle incarne avec grâce, légèreté et une certaine drôlerie dans L’Avenir de Mia Hansen-Løve. PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET ET TIMÉ ZOPPÉ

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dolescente, la philo vous intéressait ? Oui, c’est un âge de questionnement, donc j’étais heureuse de l’aborder. Je me souviens juste que j’avais eu une très mauvaise note au bac, alors que j’étais plutôt bonne le reste de l’année. Ce qui m’avait marquée à l’époque, c’était la découverte des livres de Simone de Beauvoir. Dans Mémoires d’une jeune fille rangée, elle est professeure à Marseille. Elle se retrouve à la gare Saint-Charles, elle part se promener dans la montagne et elle décrit son exaltation, son bonheur. Ça avait été une découverte essentielle pour moi, cette idée qu’on peut être heureux seul. Je la relie beaucoup à L’Avenir, qui parle bien de l’absence de dépendance. Peut-être peut-on trouver que Nathalie accepte facilement la séparation

d’avec son mari, mais il est clair qu’elle profite de cette solitude imposée pour la transformer en liberté. C’est l’apprentissage d’une solitude, et ce n’est pas de manière subie, mais joyeuse. Comment Mia Hansen-Løve vous a-t-elle présenté ce rôle ? Elle ne m’a pas dit grand-chose. Elle m’a envoyé le scénario, j’ai décidé de le faire. C’est un univers qui lui est proche. Nathalie échappe à la caricature de l’intellectuelle perdue du matin au soir dans le monde des idées. On la voit donner ses cours, elle fait parler Goethe, Rousseau… Mais toutes les phrases qu’elle cite ne restent pas abstraites, elles résonnent avec l’univers sensible, sensuel du film. J’ai un fils de 17 ans qui a découvert la philosophie cette année. J’ai l’impression qu’à cet âge on peut être hermétique à la littérature, mais totalement

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ouvert à la philosophie, parce que ça rejoint des préoccupations très concrètes. C’est en ça que l’idée de la transmission est si importante pour le personnage de Nathalie. Elle sait qu’à l’âge qu’ont ses élèves, elle va pouvoir les toucher… C’est un des sens de sa vie… Vous avez donc relu tout Goethe et tout Rousseau ? Pas du tout ! Madeleine Renaud disait toujours qu’elle ne comprenait pas un mot des pièces de Samuel Beckett qu’elle jouait. Vous savez, il faut être assez bête pour être acteur, ou disons on peut l’être… de cette bêtise « intelligente » qui vous fait comprendre sans comprendre.

« L’Avenir, c’est l’apprentissage d’une solitude, et pas de manière subie, mais joyeuse. » Nathalie est très attachée à sa bibliothèque, élément clé du décor et de l’intrigue du film. Et vous, quel est votre rapport aux livres ? Une maison sans livre, ça m’angoisse. Pour moi, c’est comme s’il n’y avait pas d’eau ou d’électricité, comme si une fonction vitale essentielle n’était pas prise en compte. En ce moment, je ne lis pas parce que je joue au théâtre [Phèdre(s) de Wajdi Mouawad, Sarah Kane et J. M. Coetzee, mis en scène par Krzysztof Warlikowski, à l’OdéonThéâtre de l’Europe, ndlr]. Depuis que je répète, je m’interdis de lire. Mais autrement, je lis de tout, j’ai des piles de livres qui m’attendent. Ça fait un moment que j’ai envie de lire Le Prince noir d’Iris Murdoch, par exemple. Comme dans L’Ivresse du pouvoir de Claude Chabrol, Abus de faiblesse de Catherine Breillat ou My Little Princess d’Eva Ionesco, votre personnage dans L’Avenir est inspiré d’une personne réelle, la mère de la réalisatrice. Ce qui est drôle, pour la petite histoire, c’est que la mère de Mia [Hansen-Løve, ndlr] était la prof de philo de ma fille. Je ne l’ai jamais rencontrée. Mia le dit elle-même : même si elle s’est inspirée de sa vie, d’un monde dans lequel elle a baigné, un film devient un objet de fiction. C’était pareil pour le film de Catherine Breillat : j’avais le modèle en face de moi, et pourtant la fiction a pris

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le dessus, mon propre imaginaire s’est agrégé. C’est aussi pour ça que je n’ai jamais fait de biopic, ça doit être quelque chose de très entravant. C’est le contraire de l’essence même du jeu, qui est l’imaginaire, l’invention. À certains moments, comme quand Nathalie crapahute dans la boue pour capter du réseau, le personnage frôle le burlesque. Cette impulsion vient-elle de vous ? Oui… Mia dit que j’ai apporté beaucoup de vivacité et d’humour au rôle. Mais j’aurais dessiné un personnage plus méfiant du monde si elle ne m’avait pas guidée vers une sorte de douceur, de gentillesse, à des moments où je n’y aurais pas forcément songé. Cette veine comique a toujours été latente dans votre jeu. Vous l’aviez déjà creusée dans 8 femmes (2002) de François Ozon, mais elle

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Avec Édith Scob dans L’Avenir de Mia Hansen-Løve

s’est réellement libérée dans Tip Top (2013) de Serge Bozon. Je ne crois pas que Tip Top m’ait libérée de quoi que ce soit, c’était juste la matrice de ce personnage : la mécanique de ses gestes, le burlesque. Serge Bozon, c’est quelqu’un de très particulier. Je ne comprends pas tout ce qu’il me dit, mais ce n’est pas grave. Je vais retravailler avec lui sur son nouveau film, Madame Hyde, que je tournerai dans quatre ou cinq mois avec Gérard Depardieu, qui jouera à nouveau mon mari [comme dans Valley of Love de Guillaume Nicloux, sorti en 2015. Ils avaient par ailleurs déjà joué un couple dans Loulou de Maurice Pialat en 1980, ndlr]. Et en tant que spectatrice, qu’est-ce qui vous fait rire ? Un des premiers films qui m’a fait rire quand j’étais enfant, c’est Yoyo de Pierre Étaix [sorti en 1965, ndlr]. J’en ai des souvenirs très précis,

particulièrement d’une scène où le maître promène son chien en laisse alors qu’il est dans sa voiture très luxueuse. C’était très drôle et très mélancolique. Dans un registre plus féroce, vous avez échangé avec l’un des maîtres de l’humour trash, le cinéaste américain John Waters, à l’occasion d’une master class à New York en 2014. Vous aimeriez tourner avec lui ? Il est complètement fou, mais il est aussi adorable et très aigu. J’ai vu deux films de lui, c’est absolument dément. Il connaît bien le cinéma de Werner Schroeter, il adore Michael Haneke, il a une culture très européenne. Je ne me verrais peut-être pas dans toutes les situations de ses films, d’autant plus que ses actrices ont des corps qui ne correspondent pas tout à fait au mien, mais pourquoi pas ? Seulement, je crois qu’aujourd’hui il ne tourne plus ; il préfère écrire.

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stabilisée. Ce qui est remarquable, c’est la diversité des films qu’on a faits : historique, politique, en costumes, drôle ou tragique. Pour La Cérémonie (1995), il vous avait proposé de choisir entre les deux rôles principaux, mais vous avez opté pour le plus secondaire, celui de la factrice. Pourquoi ? L’une était mutique, l’autre était volubile, ça me plaisait cette logorrhée dangereuse, menaçante. C’est le langage qui tue, qui devient arme de destruction, qui tire le personnage de Sandrine Bonnaire de son mutisme et qui distille savamment le poison de la révolte. En 2004, vous avez acquis les droits pour la France de Wanda (1970) de Barbara Loden. Qu’est-ce que ce film représente pour vous ? Au début des années 1980, j’ai rencontré Elia Kazan, marié à Barbara Loden, qui venait de disparaître. Il avait vu La Dentellière [réalisé par Claude Goretta en 1977, ndlr] au festival de New York. Il l’avait aimé. On est devenus assez proches pendant plusieurs années. C’est en voyant Wanda, beaucoup plus tard, que j’ai compris pourquoi. J’ai compris que La Dentellière résonne avec ce que Barbara Loden exprime à travers le personnage de Wanda, fragile mais pas victime. C’est un personnage féminin complètement inattendu dans le paysage cinématographique américain. Ce qui la distingue de l’héroïne de La Dentellière, c’est qu’elle conquiert sa place par l’affirmation de sa fragilité, par sa poésie aussi, qui la rend indestructible.

© les films du losange

Werner Schroeter vous a dirigée dans Malina (1991), Poussières d’amour (1997) et Deux (2002), des rôles pour lesquels vous êtes plutôt dans l’extériorisation, la théâtralité. C’est un cinéaste à part dans votre filmographie ? C’était un personnage exceptionnel, avec un côté no limit. Son cinéma avait une dimension opératique tout en étant absolument cinématographique. C’était un très grand cinéaste. Il n’y avait pas plus différents que lui et moi. Ça ne nous empêchait pas de partir faire la fête tous les deux la nuit entière – enfin, lui peut-être un peu plus que moi quand même… Il m’aimait profondément, et réciproquement. C’est le genre de relation que le cinéma ou le théâtre peuvent vous apporter, un peu comme celle que j’ai en ce moment avec Krzysztof Warlikowski : nos vies sont différentes mais ne s’opposent pas. Werner me rêvait en Frédéric II de Prusse. C’est resté un rêve… Claude Chabrol a aussi été déterminant dans votre carrière : vous avez tourné sept films ensemble, de Violette Nozière en 1978 à L’Ivresse du pouvoir en 2006. Lequel vous a le plus marquée ? Je peux difficilement les dissocier. Ce qui m’a marqué, c’est d’en faire autant avec lui. C’était tellement agréable. Peut-être le premier, Violette Nozière, parce que j’ai eu mon premier Prix d’interprétation à Cannes [elle en a remporté un deuxième pour La Pianiste de Michael Haneke en 2001, ndlr]. Après, on a mis dix ans avant de se retrouver avec Une affaire de femmes, puis notre relation s’est

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© ricardo vaz palma

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Tip Top de Serge Bozon

Malina de Werner Schroeter

La Cérémonie de Claude Chabrol

Vous n’aviez pas vocation à être actrice jusqu’à ce que votre mère vous inscrive au conservatoire de Versailles, quand vous aviez 14 ans. À quel moment est née votre envie d’être comédienne ? Je n’en ai pas de souvenir précis, je n’y avais pas pensé avant le conservatoire. C’est un peu mystérieux la manière dont on devient acteur. Il y a des gens qui vous disent qu’ils ont toujours voulu l’être. Peut-être que ma mère l’a su avant moi. Plus tard, j’ai été reçue au conservatoire de Paris… Une porte qui s’ouvre à ces moments-là, ça a du sens. Ça en donne. Vous vous rappelez du tout premier jour de tournage de votre vie ? C’est drôle, Ursula Meier [qui l’a dirigée dans Home en 2008, ndlr] m’a posé la question récemment et…

non, je ne m’en souviens pas du tout. C’était en 1971, dans une adaptation pour la télévision de Du côté de chez Swann [de Marcel Proust, ndlr] par Claude Santelli. Je jouais Gilberte Swann. Je me souviens juste de la petite toque en fourrure que je portais. Mais en fait, quand j’y réfléchis, le premier qui m’a filmée, c’est mon père. Il nous filmait beaucoup. Pour préparer votre rôle de maquerelle dans La Porte du paradis (1981), il paraît que Michael Cimino vous a demandé de vous immerger pendant quatre jours dans un authentique bordel de l’Idaho. Oui, Cimino nous a envoyés dans une petite maison close, tenue par une Madame Claude locale, très sympathique. Il avait compté qu’on y passe quatre jours, mais au bout de deux jours et demi, je n’en

© mk2 / jérémie nassif

« Le danger, si danger il y a, il n’est pas pour les acteurs, il est pour les spectateurs. »

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© etienne george / rda

La Porte du paradis du Michael Cimino

Loulou de Maurice Pialat

La Pianiste de Michael Haneke

pouvais plus. C’était une expérience incroyable – juste théorique, rassurez-vous –, dans une petite entreprise très familiale, avec cette femme et des filles très jeunes. Nous, on attendait dans la cuisine. Personne ne nous voyait, il y avait un accès pour les clients. C’était des moments très intenses, parce que ces filles étaient contentes de nous voir là, et en même temps c’était assez pathétique, il faut bien le dire. Vous n’avez pas peur de vous jeter à l’eau : par exemple, après avoir vu le film Trust Me (1991), vous décidez d’écrire une lettre au réalisateur, Hal Hartley. Trois mois plus tard, vous tournez ensemble Amateur. J’avais adoré Trust Me, il y avait un ton très européen dans le film, qui était très surprenant. Je crois que je lui avais écrit : « I would trust you. » Et il m’a envoyé un scénario. Ça s’est passé un peu de la même manière avec Hong Sang-soo, avec lequel j’ai tourné In Another Country en 2012. Je l’avais rencontré à Paris, on s’est revus à Séoul, on a déjeuné ensemble et je lui ai demandé : « Quel est votre prochain film ? » Il avait trouvé un hôtel, une petite pension au bord de la mer, qui lui plaisait bien. Il m’a dit : « Je n’ai pas encore l’histoire, mais je veux filmer cette pension. Vous avez envie d’être dedans ? » Il y a pensé sur le moment, en me voyant. Hong Sang-soo a ce goût de l’improvisation. Pendant le tournage, il n’y avait pas de scénario. Il m’envoyait des petites notes par mail au fur

et à mesure de la préparation, il me demandait de réfléchir moi-même sur mes costumes. Dans Passion, en 1982, Jean-Luc Godard vous imagine en ouvrière bègue. Votre diction se fait heurtée, hésitante. Comment avez-vous géré cette contrainte ? J’ai rencontré une orthophoniste qui m’a fait travailler le bégaiement, mais sur le moment, narcissiquement, c’était violent ! Ça présente le corps et le visage d’une manière très désavantageuse. Après, bon, c’était intéressant : il voulait montrer la classe ouvrière qui bégayait, c’était une métaphore. Mais sur le moment, ça m’avait énervée, je n’étais pas contente du tout !… Vous incarnez une femme aux désirs troubles, victime d’un viol, dans le thriller Elle de Paul Verhoeven, qui sort en mai prochain. Un rôle qu’on imagine éprouvant, à l’image de celui à la sexualité tourmentée que vous interprétiez dans La Pianiste. Qu’est-ce qui vous plaît dans ces rôles radicaux ? Pour moi, c’est comme une respiration, une exaltation, une catharsis. Je suis dans l’univers le plus confortable qu’on puisse imaginer. Le danger, si danger il y a, il n’est pas pour les acteurs, il est pour les spectateurs. La vraie zone de confort pour un acteur, c’est l’extrême, le pas de trop… Il n’y a ni souffrance ni masochisme. Je ne suis pas folle, quand même !…

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e n couve rtu re

L’AVENIR CRITIQUE

Après avoir fait résonner le parcours de son frère, DJ et organisateur de soirées garage, dans le mélancolique Eden (2014), Mia Hansen-Løve grimpe d’un cran dans son arbre généalogique. Avec ce cinquième long métrage (récompensé par l’Ours d’argent du meilleur réalisateur à la dernière Berlinale), elle s’inspire de sa mère pour brosser le portrait éclairé d’une prof de philo qui s’émancipe en douceur de sa famille, de son travail et de sa routine parisienne.

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© les films du losange

PaR timé zoppé

algré les années, Nathalie (Isabelle Huppert) prend toujours autant de plaisir à initier ses lycéens aux grands problèmes philosophiques. « Peut-on se mettre à la place de l’autre ? » leur demandet-elle dans un devoir. Elle-même semble prendre celle de sa mère dépressive et fantasque (Édith Scob) quand elle bondit chez elle, de jour comme de nuit, à la moindre fausse alerte – « Je viens d’ouvrir le gaz », feint celle-ci, par téléphone. Bloquée dans ses rôles de fille, d’épouse, de mère et d’enseignante dévouée, Nathalie doit surmonter une série d’épreuves (son mari la quitte pour une femme plus jeune, sa mère est placée en maison spécialisée, son éditeur veut « rajeunir » la collection d’ouvrages

philosophiques qu’elle dirige) pour enfin commencer à faire le point sur sa vie. Ne cédant jamais aux sirènes du pathos, Mia Hansen-Løve s’attache plutôt à saisir le souffle de vie et l’humour qui portent son héroïne. Elle évite les ornières du récit d’émancipation quand elle décrit la relation qui la lie à son ancien élève Fabien (Roman Kolinka), qui l’invite à la campagne et dépasse son statut de disciple, non pas pour la séduire, mais pour la mettre face à ses contradictions. Basculant avec retenue vers d’autres horizons, Nathalie n’a alors plus qu’un grisant champ des possibles devant elle.  de Mia Hansen-Løve avec Isabelle Huppert, André Marcon… Distribution : Les Films du Losange Durée : 1h40 Sortie le 6 avril

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h istoi re s du ci n é ma

LES CHEFS OP S’EXPOSENT

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lumière ! PAR TIMÉ ZOPPÉ

e jour ou de nuit, en couleurs ou en noir et blanc, en petit ou en grand format… À première vue, les clichés présentés dans la première exposition de la Moon Gallery n’ont pas grandchose en commun. Le fil rouge de cette sélection est à chercher de l’autre côté de l’objectif : les photographes ici présentés sont tous des techniciens du cinéma ou de l’audio­ visuel. « Leur imposer un thème, c’était leur redonner une contrainte, explique Sophie Herr. Ce travail n’est pas commandé par un réalisateur, ni au service d’un scénario ou d’un story-board ; c’est leur regard à eux qu’on met en avant. » Elle-même ancienne assistante réalisateur, elle a créé, il y a une quinzaine d’années, une agence regroupant principalement des chefs opérateurs, mais aussi des décorateurs, des costumiers et des monteurs. Avec son associée, Marie Berg, elles constatent vite que beaucoup sont férus de photographie. « Ils nous envoyaient des photos qu’ils avaient prises en dehors des plateaux, en vacances par exemple, détaille Marie Berg. Ces clichés nous ont frappées

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parce qu’ils reflètent bien mieux leur personnalité que ce qu’ils font pour des réalisateurs. » C’est pour que ce travail soit visible qu’elles fondent en 2014 la Moon Gallery. Avant ce premier accrochage, la galerie, qui compte une vingtaine d’artistes, essentiellement européens, exerçait exclusivement son activité sur le Net, puisqu’elle cible un marché international. « On s’est dit qu’une exposition physique permettrait au public de rencontrer les photographes. Aucun d’entre eux ne nous a soumis une série spécialement pour l’occasion. On a trié ensemble parmi les dix à cinquante clichés que chacun nous a proposés pour n’en garder que quatre à six. » Pour ce portfolio, nous en avons choisi quatre, tous pris par des chefs opérateurs. Que ce soit cette tempête de neige ton sur ton figée par l’Anglais Joe Cook, ou l’image d’un réverbère illuminant une nuit bleue (voir page suivante) immortalisée par le Français David Cailley, qui a notamment éclairé le film Les Combattants, réalisé par son frère, cette sélection révèle surtout l’obsession de ces hommes de l’ombre pour la lumière. Petit balayage spectral. jusqu’au 10 avril à l’Espace Beaurepaire

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portfolio

Joe Cook

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David Cailley

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Christophe Guyon

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Daniel Voldheim

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les F I L M S du 6 au 27 avril DEMOLITION

Jake Gyllenhaal en plein burn-out existentiel et ravageur. p. 64

Mékong STORIES

Le réalisateur vietnamien Phan Đăng Di signe un long métrage charnel. p. 72

GREEN ROOM

Le jubilatoire survival ado de Jeremie Saulnier, où s’opposent punks et néonazis. p. 78

La Sociologue et l’Ourson Les débats provoqués par l’examen de la loi sur le mariage pour tous sont racontés par des peluches animées dans ce film singulier et sensible, à mi-chemin entre le documentaire au présent et l’essai intime. Du cinéma poétique, loufoque et intelligemment politique.

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Par Renan Cros

ociologue et chercheuse au CNRS, spécialiste des questions relatives à la famille, Irène Théry s’est retrouvée en première ligne quand la France s’est divisée autour du projet de loi sur l’ouverture du mariage aux couples homosexuels. Mandatée par le gouvernement en 2013 pour réfléchir sur les nouveaux modes de filiation, elle a tenté de faire entendre une voix posée et argumentée dans les médias – qui eux privilégiaient plutôt l’invective et le spectacle. C’est cette parole que son fils, Mathias Théry, accompagné de son coréalisateur Étienne Chaillou, a recueillie chaque semaine par téléphone, alors que le sujet embrasait la France. Elle répond à ses questions, s’agace, explique, réexplique, et évoque les manigances politiques et les aberrations de notre époque. Les cinéastes redonnent vie à ces conversations, à la fois intimes et très instructives, par une forme étrange, alternant images documentaires (manifestations, débats à l’Assemblée nationale…) et reconstitutions à l’aide de peluches et de marionnettes. La grande et belle idée de ce film inclassable, c’est ainsi de s’écarter par instant du réel pour le remplacer par ce monde-miroir ludique et farfelu. L’effet comique

est immédiat : Irène Théry en oursonne pas commode, David Pujadas en héron qui pérore, Frigide Barjot en poupée hystérique, un bébé panda dans une famille d’ours pour expliquer l’adoption… On s’amuse de ce monde animalier en laine et en coton. Mais bien plus qu’un Muppet Show sympathique, ce dispositif poétique permet à Mathias Théry et Étienne Chaillou de nous interroger sur la violence des mots, des gestes et des idées, et de questionner la place du politique dans nos foyers. Rivalisant de trouvailles de mise en scène dignes du meilleur de Michel Gondry (maquettes, séquences animées, effets visuels bricolés), les réalisateurs racontent l’évolution de la famille avec une sensibilité rare. Étonnant, émouvant, ce mélange entre l’âpreté du réel et la douceur loufoque de l’imaginaire de l’enfance finit par nous réconcilier avec la réalité. Peut-être parce qu’avant d’être un film sur les égarements politiques de notre époque, La Sociologue et l’Ourson raconte le regard d’un cinéaste sur l’héroïne intrépide de son imaginaire, sa mère. d’Étienne Chaillou et Mathias Théry Documentaire Distribution : Docks 66 Durée : 1h18 Sortie le 6 avril

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> LES VISITEURS LA RÉVOLUTION

A Bigger Splash PAR ÉRIC VERNAY

Luca Guadagnino (Amore) s’empare de l’équation brûlante de La Piscine – un carré amoureux autour d’un carré bleu – pour le revisiter avec style et décontraction. À la langueur étouffante du film de Jacques Deray, A Bigger Splash préfère la nervosité d’un montage jalonné de zooms rapides, de flash-back secs et d’embardées

burlesques. Ralph Fiennes excelle en cabot incontrôlable, tout comme Tilda Swinton est parfaite en rock star aff ligée d’une extinction vocale. Un savoureux bonbon acidulé à l’arrière-goût amer.

Jacquouille (Christian Clavier) et Godefroy de Montmirail (Jean Reno) reprennent leurs aventures là où ils les avaient laissées dans le deuxième opus de la saga, sorti en 1998, soit en plein cœur de la Révolution française. Parmi les nouveaux venus dans le marasme de la Terreur, Sylvie Testud et Karin Viard. de Jean-Marie Poiré (1h50) Distribution : Gaumont Sortie le 6 avril

de Luca Guadagnino avec Tilda Swinton, Ralph Fiennes… Distribution : StudioCanal Durée : 2h05 Sortie le 6 avril

> SKY

En vacances avec son rustre de mari dans l’Ouest américain, Romy l’envoie bouler pour prendre la route toute seule et faire une série de rencontres improbables… Diane Kruger joue une partition tout en nuances, et Lena Dunham est surprenante en femme au foyer redneck. de Fabienne Berthaud (1h42) Distribution : Haut et Court Sortie le 6 avril

High-Rise PAR R. C.

Un gratte-ciel haut de gamme s’embrase dans une lutte des classes dantesque et absurde, jusqu’à l’inévitable apocalypse… Adapté du roman métaphorique de J. G. Ballard (auteur de Crash !, notamment), High Rise ose le film choral grotesque et grandiose avec un casting indé luxueux (Tom Hiddleston, Jeremy Irons, Sienna

Miller, Elisabeth Moss). Sous inf luence kubrickienne évidente (Orange Mécanique en tête), High Rise déborde d’idées et d’effets. Pas toujours maîtrisé, mais étonnamment grisant et curieux. de Ben Wheatley avec Tom Hiddleston, Jeremy Irons… Distribution : The Jokers / Le Pacte Durée : 1h59 Sortie le 6 avril

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> TRUTH LE PRIX DE LA VÉRITÉ

Pour sa première réalisation, le scénariste de Zodiac, James Vanderbilt, mène tambour battant le récit d’un scandale politico-médiatique impliquant un célèbre journaliste télé (Robert Redford), sa productrice (Cate Blanchett) et le président George W. Bush. de James Vanderbilt (2h05) Distribution : Warner Bros. Sortie le 6 avril


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Demolition PAR LOUIS BLANCHOT

Alors qu’il vient de perdre sa femme dans un accident de la route, Davis se surprend à n’éprouver aucune émotion. Au point de se demander : l’aimait-il vraiment ? L’occasion, pour ce cadre de la finance, d’une remise en question existentielle en forme de burn-out ravageur – le

titre renvoie ainsi à la démolition, littérale et progressive, de l’opulente maison du veuf, d’abord à coups de barre de fer, puis à l’aide d’une tractopelle commandée sur eBay. Si le pitch du nouveau film de Jean-Marc Vallée n’a rien pour surprendre, avec ses considérations sur les apories de la réussite,

du couple et du deuil, l’étrange calme avec lequel le récit installe les symptômes de cette prise de conscience étonne. Un pétage de câble à retardement, tout en aléas absurdes et progression feutrée, qui attise une vraie curiosité pendant la première moitié du film, avant de retrouver des ornières plus conventionnelles. Reste Jake Gyllenhaal, jamais plus brillant que lorsqu’il donne l’impression de s’absenter de ses personnages pour progresser dans la fiction en somnambule. Grâce à ce rôle taillé sur mesure, l’ancien Donnie Darko continue de prouver qu’à 35 ans il n’a pas encore la carrière que son talent mérite.  de Jean-Marc Vallée avec Jake Gyllenhaal, Naomi Watts… Distribution : 20th Century Fox Durée : 1h41 Sortie le 6 avril

Visite ou Mémoires et confessions PAR QUENTIN GROSSET

Dans ce film testamentaire que l’on découvre de façon posthume, le réalisateur portugais Manoel de Oliveira (1908-2015) se confie sur sa vie intime et évoque son art. Ayant déposé une copie du film à la Cinémathèque portugaise juste après sa réalisation en 1982, le cinéaste souhaitait que ce long métrage ne soit vu qu’après sa mort. Alors âgé de 73 ans, Manoel de Oliveira ne s’attendait certainement pas à vivre encore plus de trente années et à réaliser une vingtaine d’autres longs métrages. Choisissant de faire de sa maison de Porto (qu’il doit alors quitter pour des raisons financières) une allégorie de sa propre vie, il y fait entrer le spectateur à travers les voix off de deux personnes indiscrètes qui visitent sa demeure

vide, comme s’ils avaient forcé la porte en son absence. Cette flânerie recueillie et rêveuse est ponctuée de moments durant lesquels Manoel de Oliveira, face caméra, parle de sa femme, de ses enfants, mais surtout d’architecture ou de son cinéma. Tout au long de cette visite, le spectateur a beau fouiller

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dans les placards, les tiroirs, il ne touche jamais réellement à l’intimité du cinéaste. Insaisissable, il est comme un fantôme qui aurait juste laissé une trace.  de Manoel de Oliveira Documentaire Distribution : Épicentre Films Durée : 1h10 Sortie le 6 avril


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> GRIMSBY AGENT TROP SPÉCIAL

Eva ne dort pas PAR É. V.

Morte en 1952, Eva Perón, Première dame d’Argentine pendant six ans, demeure présente dans le cœur du peuple, et ce malgré les efforts des dictatures qui ont succédé à son mari pour étouffer son souvenir. D’où l’idée, un quart de siècle plus tard, de faire disparaître le corps de l’icône Evita, afin d’éteindre la f lamme contestataire du pays…

De cet épisode historique surréaliste, Aguero tire un polar étrange où se succèdent les tableaux tragi-­ comiques, captés en clair-­obscur façon Rembrandt. Captivant.

Dans la lignée de ses personnages déjantés de Borat ou Brüno, Sacha Baron Cohen incarne ici Nobby Butcher, un père de famille gentiment paumé qui, après trente ans de recherches, retrouve son frère dont il a été séparé à la naissance. Ce dernier se révèle être le meilleur agent du MI6. de Louis Leterrier (1h24) Distribution : Sony Pictures Sortie le 13 avril

de Pablo Agüero avec Gael García Bernal, Denis Lavant… Distribution : Pyramide Durée : 1h27 Sortie le 6 avril

> PAR AMOUR

Assistante sur des tournages, Anna fait la connaissance d’un bel acteur qui lui donne la force de se détourner de sa vie terne et de son mari violent… La prestation subtile de Valeria Golino contraste avec la mise en scène très esthétisée qui alourdit parfois le récit. de Giuseppe M. Gaudino (1h49) Distribution : Bellissima Films Sortie le 13 avril

Sauvages

> HARDCORE HENRY

PAR HENDY BICAISE

Le postulat est succinct, pour ne pas dire rêche : soit le quotidien d’un couple de marginaux vivant au cœur de la forêt. Quelques notes d’electro signées BEAK> viennent d’abord bousculer le mode de vie primitif des deux « sauvages ». Puis, comme dans Red Road d’Andrea Arnold, lui aussi porté par la merveilleuse Kate Dickie, une trame

de thriller se greffe à l’étude sur la solitude et le dénuement composée jusqu’alors, charriant avec elle quelques rebondissements parfaitement inattendus. de Tom Geens avec Paul Higgins, Kate Dickie… Distribution : Eurozoom Durée : 1h45 Sortie le 6 avril

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Alors qu’il se réveille dans un laboratoire et qu’il apprend que son corps a été en partie robotisé, Henry est attaqué par une bande de mercenaires… Entièrement tourné en vue subjective, Hardcore Henry enchaîne les scènes de castagne délirantes à un rythme inhumain. d’Ilya Naishuller (1h30) Distribution : Metropolitan FilmExport Sortie le 13 avril


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Paulina PAR QUENTIN GROSSET

Après El estudiante ou Récit d’une jeunesse révoltée en 2011, le cinéaste argentin Santiago Mitre revient avec un deuxième long métrage qui séduit et intrigue par son ambiguïté. Malgré l’incompréhension de son père et de son petit ami, Paulina choisit de partir enseigner dans une région pauvre et reculée du pays, laissant derrière elle une brillante carrière d’avocate. Sur place, elle est victime d’un viol. Tombée enceinte, elle décide non seulement de ne pas porter plainte contre son agresseur mais aussi de garder l’enfant. Personne n’arrive à tirer au clair ses motivations… À première vue, le propos du film, en mettant en scène ce personnage qui refuse de se défendre contre celui qui lui a porté atteinte, apparaît problématique. Mais

le réalisateur déjoue ce postulat suspect en présentant Paulina comme une femme déterminée à ne pas se laisser dicter sa loi par les figures masculines qui l’encouragent à faire une déposition et à avorter. Mitre signe ainsi un

film opaque et équivoque, mais surtout un vigoureux portrait de femme forte.  de Santiago Mitre avec Dolores Fonzi, Oscar Martinez… Distribution : Ad Vitam Durée : 1h43 Sortie le 13 avril

L’Académie des muses PAR QUENTIN GROSSET

Le cinéaste espagnol José Luis Guerín (En construcción, Dans la ville de Sylvia…) s’est souvent distingué par ses documentaires à l’écriture très libre qui se laissent volontiers contaminer par la fiction. Il poursuit dans cette veine avec ce nouvel

essai dense et hybride. A l’université des Lettres de Barcelone, il filme Raffaele Pinto, un professeur de philologie qui se livre à une expérience pédagogique pour le moins intrigante avec ses étudiants (surtout des femmes) : créer une communauté littéraire qui

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théorise et questionne le concept de « muse »… Le film est certes érudit, mais aussi très voluptueux : Guerín filme très près des visages, comme pour mieux capter les jeux de séduction secrets au sein du groupe. Car, à force de disserter ainsi sur l’inspiration féminine des poètes qui placent le discours amoureux au centre de leurs œuvres, le prof et ses élèves finissent par sortir du cadre strictement pédagogique pour se laisser porter par le désir. Exaltant la dimension sensuelle de la poésie, comme si elle avait un réel pouvoir aphrodisiaque, Guerín filme la vie et la création qui se croisent avec un lyrisme certain.  de José Luis Guerín Documentaire Distribution : Zeugma Films Durée : 1h32 Sortie le 13 avril


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Les Ardennes PAR JULIEN DUPUY

Après avoir passé quatre années derrière les barreaux, Kenneth retrouve son ancien complice, son frère, Dave. Mais la violence et la jalousie ne tardent pas à envenimer leur relation… Si la mise en place s’appuie sur les archétypes du film noir, l’histoire bifurque ensuite vers des territoires inattendus. Quand les conflits larvés explosent, les

frangins quittent le décor urbain pour la glaciale campagne belge, et le polar devient dès lors surréaliste, ironique, voire opératique. Robin Pront signe là un premier film d’une grande originalité. de Robin Pront avec Jeroen Perceval, Kevin Janssens… Distribution : Diaphana Durée : 1h33 Sortie le 13 avril

Desierto PAR TIMÉ ZOPPÉ

Comme son père, Alfonso Cuarón, avec lequel il a scénarisé Gravity, Jonas Cuarón aime à observer les comportements des êtres humains quand ils se retrouvent isolés et en danger. Dans son deuxième long métrage, mi-survival, mi-western, il braque sa caméra sur le désert de Sonora, en Californie, et orchestre la traque d’un groupe de clandestins

mexicains (au sein duquel se distingue le toujours impeccable Gael García Bernal) par un Américain nationaliste, alcoolique et solitaire (Jeffrey Dean Morgan). de Jonás Cuarón avec Gael García Bernal, Jeffrey Dean Morgan… Distribution : Version Originale / Condor Durée : 1h34 Sortie le 13 avril

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> TOUT POUR ÊTRE HEUREUX

En pleine crise de la quarantaine, Antoine quitte sa femme pour une histoire sans lendemain. Au contact de ses deux filles, il prend conscience de tout ce qu’il a perdu dans l’affaire… Un joli film, porté par un Manu Payet tout en sensibilité. de Cyril Gelblat (1h37) Distribution : Mars Films Sortie le 13 avril

> FRITZ BAUER UN HÉROS ALLEMAND

En 1957, le juge Fritz Bauer se lance dans la traque d’Adolf Eichmann, un criminel de guerre nazi en fuite en Argentine, pour le faire condamner dans une Allemagne qui préfère oublier son passé… Le film rend hommage à ce héros oublié avec une mise en scène soignée. de Lars Kraume (1h46) Distribution : ARP Sélection Sortie le 13 avril


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> ADOPTE UN VEUF

Marie et les Naufragés PAR Q. G.

Siméon (Pierre Rochefort), un trentenaire adulescent et romantique au chômage, trouve par hasard le portefeuille de Marie (Vimala Pons), une jeune femme à l’air lunaire. Il la rencontre, tombe amoureux et la suit en excursion sur l’île de Groix, en Bretagne. Quand Antoine (Éric Cantona), l’ex de Marie, l’apprend, il veut prévenir Siméon que la jeune

fille est dangereuse et les rejoint sur l’île… Pour son quatrième long métrage, Sébastien Betbeder (2 automnes, 3 hivers, Inupiluk) signe une élégante fantaisie au ton doux amer.

Fraîchement veuf, Hubert (André Dussollier) nage dans la déprime, jusqu’à ce que la pétulante Manuela (Bérengère Krief) déboule dans son grand appartement… François Desagnat (La Beuze) reconfigure le film de potes en imaginant une coloc’ intergénérationnelle. de François Desagnat (1h37) Distribution : SND Sortie le 20 avril

de Sébastien Betbeder avec Vimala Pons, Pierre Rochefort… Distribution : UFO Durée : 1h44 Sortie le 13 avril

> EVERYBODY WANTS SOME

Fraîchement débarqué à la fac, Jake découvre les joies de la vie sur un campus, avec son lot de beuveries et de bizutages… Après la veine intimiste de Boyhood, Richard Linklater sert son récit initiatique à la sauce « teen déglingue » en plein cœur des eighties. de Richard Linklater (1h56) Distribution : Metropolitan FilmExport Sortie le 20 avril

Free to Run PAR T. Z.

Le footing dominical au bois de Vincennes ou à Central Park n’a pas toujours été aussi couru. Free to Run rappelle combien le phénomène était mal perçu quand, il y a une cinquantaine d’années, une poignée d’originaux a commencé à faire des foulées dans la rue, pour le plaisir. Difficile de décrocher les yeux de cet instructif documentaire,

qui souligne notamment le caractère misogyne de cette pratique longtemps réservée aux hommes, même s’il ne donne qu’une envie : chausser ses baskets et se lancer dans un jogging effréné. de Pierre Morath Documentaire Distribution : Jour2fête Durée : 1h39 Sortie le 13 avril

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> ROBINSON CRUSOE

L’intrigue du roman de Daniel Defoe – adaptée pour la première fois en film d’animation – est ici relatée du point de vue d’une joyeuse bande d’animaux menée par Mardi, un perroquet fantasque qui devient le nouvel ami du héros échoué sur une île déserte. de Vincent Kesteloot Distribution : Studio Canal Sortie le 20 avril


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Mékong Stories Le réalisateur vietnamien Phan Đ ng Di (Bi, n’aie pas peur !) s’inspire de ses années d’études à Hanoï pour composer un deuxième long métrage charnel, qui plonge un apprenti photographe dans un bain de virilité. PAR TIMÉ ZOPPÉ

Au tournant du nouveau millénaire, le Viêt Nam savoure les retombées de la levée de l’embargo américain en 1994 : l’économie redémarre, les discothèques fleurissent et la jeunesse se projette dans son avenir avec optimisme. Le sensible Vu, dont le père finance les études de photographie, prend du bon temps avec sa bande. Il en pince secrètement pour son meilleur ami, le charismatique Thang, qui travaille comme serveur dans une boîte branchée dont il fréquente l’une des danseuses. Exerçant son regard de photographe, Vu ose progressivement contempler les corps masculins qui se dénudent sous l’effet de la chaleur écrasante et qui se baignent dans le fleuve Mékong. Le cinéaste ne filme pas uniquement cette facette sensuelle et passive de la virilité : comme les coqs que l’on voit s’affronter dans la rue, les camarades de Vu déchaînent parfois leur violence, que ce

> GRANNY’S DANCING ON THE TABLE

La jeune Eini, qui n’a connu que le joug de son père, cherche à s’émanciper en prenant exemple sur sa grand-mère… Ce premier long métrage suédois tire sa force de la poésie des séquences en animation en volume qui retraçent la vie de cette joyeuse aïeule. de Hanna Sköld (1h29) Distribution : Tamasa Sortie le 20 avril

soit contre les caïds locaux ou pour protéger le frêle étudiant d’une attaque injustifiée de la police. Si la troupe se préoccupe finalement peu des codes classiques de la masculinité (l’un de ses membres avoue avoir accepté de se faire stériliser pour gagner de quoi acheter un téléphone à sa petite amie), il n’en est pas de même pour le père de Vu, qui voit d’un très mauvais œil la tension érotique grandissante entre son fils et Thang. Servi par des images somptueuses, qui rappellent que Phan Đăng Di a lui aussi étudié la photographie, Mékong Stories laisse les désirs de ses personnages se transformer au fil de l’eau. de Phan Đ ng Di avec Đ Th H i Y n , Lê Công Hoàng… Distribution : Memento Films Durée : 1h42 Sortie le 20 avril

> THIS IS MY LAND

Avec ce documentaire éclairant, la cinéaste franco-israélienne Tamara Erde propose une exploration intimiste du conflit israélo-palestinien en interrogeant avec justesse le rôle de l’éducation, et en montrant comment, d’un côté comme de l’autre, la haine de l’autre peut être instillée dès l’école. de Tamara Erde (1h30) Distribution : Aloest Sortie le 20 avril

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> LE POTAGER DE MON GRAND-PÈRE

Martin Esposito filme son grand-père lui présentant les secrets de son immense et très fertile potager. Peut-être un peu trop enclin aux bons sentiments, ce tendre portrait d’un amoureux de la nature porte un discours engagé en faveur de l’agriculture bio. de Martin Esposito (1h16) Distribution : Destiny Films Sortie le 20 avril


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Blind Sun PAR É. V.

La Grèce, dans un futur proche. Un immigré doit garder la luxueuse demeure d’une famille de Français. Dehors, l’eau manque et la population gronde. À l’intérieur de la villa, le calme aseptisé se voit bientôt perturbé par d’inquiétantes apparitions. Simples visions paranoïaques ou menace réelle ? Un fascinant cauchemar caniculaire, dont le personnage principal est la lumière.  de Joyce A. Nashawati avec Ziad Bakri, Yannis Stankoglou… Distribution : Pretty Pictures Durée : 1h28 Sortie le 20 avril

Le Fils de Joseph

La Saison des femmes PAR T. Z.

PAR ÉRIC VERNAY

À Paris, Marie élève seule son fils, Vincent, qui veut connaître l’identité de son père. Lorsqu’il découvre que ce dernier est un exécrable éditeur parisien, l’ado décide de se venger de lui. Mais sa rencontre avec un sympathique inconnu prénommé Joseph va perturber son funeste dessein… Dans cette relecture moderne et personnelle du mythe du sacrifice d’Abraham, on retrouve avec plaisir le style délicieusement atemporel d’Eugène Green (La Sapienza, Le Pont des Arts) : souveraineté du dialogue, théâtralité de la diction – aucune liaison n’est oubliée – et plans en aplats symétriques. Même si l’aspect comique du film paraît parfois un peu forcé lors de scènes satiriques épinglant le ridicule du

milieu littéraire, il fait mouche ailleurs ; notamment lors d’une désopilante scène de sexe menée hors champ du point de vue d’un personnage caché sous un fauteuil. Sinon, Eugène Green distille avec toujours autant de doigté ses épiphanies musicales et picturales ; non pour charger sa partition d’assommants cours magistraux ni même digresser, mais au contraire pour mieux nourrir son récit sur la paternité (inversée) d’un souffle biblique. De même que, dans la Bible, le Christ, né de la Vierge Marie, « adopte » son tuteur Joseph, c’est du fils que naît ici le père.

Dans l’ouest de l’Inde, de nos jours, quatre villageoises subissent le joug du patriarcat et des traditions ancestrales. Mariages arrangés, interdiction pour les veuves de se remarier, viols… L’inventaire de Leena Yadav, d’autant plus accablant qu’elle pointe le renforcement de la misogynie chez les hommes de la nouvelle génération, serait insoutenable si elle n’insistait pas aussi sur la vitalité de ses héroïnes.

d’Eugène Green avec Victor Ezenfis, Natacha Régnier… Distribution : Les Films du Losange Durée : 1h55 Sortie le 20 avril

de Leena Yadav avec Tannishtha Chatterjee, Radhika Apte… Distribution : Pyramide Durée : 1h56 Sortie le 20 avril

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le s fi lm s

> DALTON TRUMBO

D’une pierre deux coups PAR Q. G.

Zayane, 75 ans, ne sort jamais de sa cité. Quand elle reçoit une lettre lui annonçant qu’un homme qu’elle a connu il y a bien longtemps en Algérie lui a légué une mystérieuse boîte, elle s’absente le temps d’une journée sans prévenir ses onze enfants. Ceux-ci se réunissent et découvrent peu à peu le passé caché de leur mère…

Construit comme une réjouissante enquête, ce film a l’audace de faire d’une personne âgée issue de l’immigration – figure plutôt absente de nos écrans – une héroïne dotée d’un certain panache.

Porté par Bryan Cranston, ce biopic du scénariste de Vacances romaines rend compte de l’atmosphère délétère qui régnait à Hollywood après-guerre, en pleine chasse aux sorcières. Inscrit sur la liste noire et contraint de s’exiler au Mexique, Trumbo dut attendre 1960 pour être réhabilité. de Jay Roach (2h04) Distribution : UGC Sortie le 27 avril

de Fejria Deliba avec Milouda Chaqiq, Brigitte Roüan… Distribution : Haut et Court Durée : 1h23 Sortie le 20 avril

> WONDERLAND

Ce n’est pas un, mais dix jeunes cinéastes helvétiques qui cosignent ce Wonderland. Le film, qui entend faire taire les préjugés sur l’inertie du pays, raconte le destin de plusieurs personnages face à un nuage menaçant de détruire la Suisse. Collectif (1h39) Distribution : Kanibal Films Sortie le 27 avril

Parfum de printemps PAR PAOLA DICELLI

Zizou, un jeune homme naïf et au chômage, quitte son village natal pour Tunis. Il se laisse d’abord inf luencer par les partisans de Ben Ali, puis par les islamistes, avant de se retrouver malgré lui au cœur de la révolution tunisienne… En instillant de la légèreté à un contexte grave, Férid Boughedir (Halfaouine. L’enfant des terrasses)

offre une comédie subtile sur les prémices du printemps arabe, portée par un héros idéaliste qui passe ses journées à rêver sur les toits des quartiers huppés et semble tout droit sorti d’un conte. de Férid Boughedir avec Zied Ayadi, Sara Hanachi… Distribution : Zelig Films Durée : 1h39 Sortie le 20 avril

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> CAPTAIN AMERICA CIVIL WARS

À la suite d’un désaccord, les Avengers se divisent en deux camps, l’un dirigé par Iron man (Robert Downey Jr.), et l’autre par Captain America (Chris Evans). Leur affrontement, dans cette suite d’Avengers. L’ère d’Ultron, promet à nouveau un bon lot d’actions. d’Anthony et Joe Russo (2h27) Distribution : Walt Disney Sortie le 27 avril


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Green Room Attendu au tournant après le brillant Blue Ruin, Jeremy Saulnier enfonce le clou avec Green Room, un jubilatoire survival ado opposant de jeunes punks à des néonazis. Brutal, drôle et attachant. PAR ÉRIC VERNAY

À première vue, voici un film de genre tout ce qu’il y a de plus classique – pour ne pas dire basique –, avec d’un côté les gentils (un inoffensif groupe de punk-rock adolescent, forcément très sympathique) et de l’autre les gros méchants (des skinheads nostalgiques du IIIe Reich), amenés à s’étriper dans un lieu unique (un rade paumé au fin fond de l’Oregon) durant 1 h 34, pour la plus grande joie des accros à l’hémoglobine. Si Jeremy Saulnier, grand amateur de cinéma estampillé B, respecte en apparence ce cahier des charges, il ne peut s’empêcher de le subvertir de l’intérieur pour en faire un cinéma estampillé A, comme « anarchie ». Son côté rebelle, sans doute – le réalisateur ne cache pas qu’il a lui-même été biberonné à la culture punk-hardcore. On a donc droit au huis clos efficace dans la pure tradition du slasher américain, mais qui est dynamité par d’imprévisibles

tressautements comiques liés à l’amateurisme de nos antihéros, qui font dissoner la brutalité ambiante tel un larsen de guitare sur une mélodie connue. Et puis il y a la tendresse. Invitée plutôt inopinée sur un champ de bataille, elle s’incruste pour humaniser les protagonistes des deux camps. Chez Jeremy Saulnier, chacun mérite un regard attentif, qu’il soit punk ou néonazi. Comme dans Blue Ruin – dans lequel face à l’adversité, un homme clochardisé se révélait en redoutable machine à tuer –, le manichéisme attendu est ainsi battu en brèche par la situation de crise : c’est la guerre, les caractères se révèlent dans la survie. de Jeremy Saulnier avec Anton Yelchin, Imogen Poots… Distribution : The Jokers / Bac Films Durée : 1h34 Sortie le 27 avril

3 questions à Jeremy Saulnier PROPOS RECUEILLIS PAR É. V. Pourquoi être resté dans le circuit indé après le succès de Blue Ruin ?

Au lieu d’enchaîner rapidement avec un blockbuster, j’ai préféré faire ce que je voulais, un film de transition, en retournant à mes racines : le film de genre. L’idée de Green Room m’est venue avant Blue Ruin, c’était une manière parfaite pour moi d’évoquer mes jeunes années dans un groupe punk-rock.

Comme vos héros punks, avez-vous eu affaire à des gangs de néonazis ? J’ai eu ma première cassette de punk en 1985, à 9 ans. Puis, avec mes potes au lycée, on a formé un groupe. Pendant les concerts, à Washington D. C., on pouvait croiser des skinheads néonazis, avec leurs bottes et leurs croix gammées. Une fois, il y a même eu un mec poignardé. J’étais ado, c’était flippant.

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Green Room est brutal mais plein d’empathie, distillée équitablement. C’est facile de croquer un gang de mauvais garçons. Le défi était de les humaniser. Et d’être équitable dans notre traitement, comme vous dites, pour éviter le manichéisme simplet. Je voulais casser les lignes d’affiliations à des groupes reconnaissables, au profit de la complexité émotionnelle.


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Nos souvenirs PAR Q. G.

Pour mettre fin à ses jours, Arthur se rend dans la forêt d’Aokigahara, au Japon. Il se remémore sa vie de couple avec sa femme, décédée. On s’attendait à une errance méditative façon Gerry ou Last Days, autres films de Gus Van Sant. Mais Nos souvenirs s’impose comme un survival tendu (Arthur veut finalement sortir de cette forêt immense) qui séduit grâce à quelques fulgurances plastiques, notamment la façon dont est filmée la nuit.  de Gus Van Sant avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe… Distribution : SND Durée : 1h50 Sortie le 27 avril

Tracks PAR T. Z.

Maggie a un plan PAR ÉRIC VERNAY

Maggie est une sorte d’Amélie Poulain à la sauce Woody Allen. Le but de cette célibataire trentenaire est simple : s’évertuer à ce que tout le monde soit heureux autour d’elle tout en glanant au passage un peu de bonheur pour sa pomme. Mais pour mettre son plan Bisounours en pratique, c’est plus compliqué. Comment faire, par exemple, lorsque l’on veut avoir un bébé toute seule, que ce faisant on tombe amoureuse d’un professeur d’anthropologie certes charmant mais marié, et que l’on finit par découvrir, une fois installée avec lui, qu’il n’est pas l’homme de sa vie et qu’il va falloir le recaser avec son ex-femme sans faire trop de dégâts ? C’est que, loin

de se laisser dompter, la facétieuse réalité lui joue des tours. Irrésistible de drôlerie dans le rôle de Maggie, Greta Gerwig développe ici son personnage habituel de fausse ingénue (vue chez Noah Baumbach, notamment) en lui conférant une touche plus névrotique de control-freak qui s’ignore. Cette hystérie latente, également présente chez le personnage de Julianne Moore, hilarante en épouse intello castratrice, fait tout le sel de cette comédie sur le méli-mélo sentimental de la famille recomposée, dans laquelle les femmes mènent la danse.

En 1977, la jeune Robyn Davidson a parcouru 2 700 kilomètres à pied dans le désert australien avec pour seule compagnie son chien et des chameaux qu’elle avait dressés pendant deux ans en vue de ce défi… Mia Wasikowska, poils aux jambes et tête sur les épaules, incarne avec une puissance contenue cette aventurière profondément sceptique envers la civilisation, qui fait preuve d’une ascèse galvanisante.

de Rebecca Miller avec Greta Gerwig, Ethan Hawke… Distribution : Diaphana Durée : 1h38 Sortie 27 avril

de John Curran avec Mia Wasikowska, Adam Driver… Distribution : Septième Factory Durée : 1h52 Sortie le 27 avril

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le s fi lm s

> MOBILE ÉTOILE

Les Habitants

Le cinéaste franco-israélien Raphaël Nadjari (Tehilim, Apartment # 5 C) choisit pour toile de fond le Canada pour s’intéresser aux divergences artistiques des membres d’une petite chorale dirigée par la passionnée mais trop rigoureuse Hannah (l’excellente Géraldine Pailhas). de Raphaël Nadjari (1h59) Distribution : Zootrope Films Sortie le 27 avril

Après Journal de France (2012), Raymond Depardon repart sur les routes de l’Hexagone avec sa caravane pour glaner ici ou là des conversations d’inconnus qui donnent matière à un saisissant portrait de la France citadine. PAR TIMÉ ZOPPÉ

Comme l’explique d’emblée en voix off, de son timbre éraillé, Raymond Depardon, il lui a suffi, pour capter des paroles aussi libres et spontanées, d’inviter des personnes rencontrées dans les rues de Sète, Nice ou Cherbourg à poursuivre leur conversation autour d’une table à l’intérieur de sa caravane, devant la caméra, sans jamais intervenir. Par ce dispositif d’une désarmante simplicité, qui rappelle celui de son césarisé Délits Flagrants (1994) – soit deux personnes qui se font face et sont cadrées de profil en plan fixe –, il offre à nouveau au spectateur la captivante place de témoin. Devant son objectif défilent ces Français aux préoccupations tout aussi ordinaires que navrantes : des amies pansent les blessures causées par leurs relations sentimentales ; des copains immatures évoquent leurs conquêtes avec vulgarité ; des mères pressent leurs

> WEST COAST

enfants de leur donner une descendance ; des retraités se réjouissent de leurs privilèges tout en médisant des jeunes d’aujourd’hui... Depardon teinte d’humour ce tableau plutôt morose, contredisant par exemple le discours haineux d’une dame qui catalogue les gens de couleur comme bruyants en montrant dans la séquence suivante deux amoureux noirs qui se chuchotent des mots doux. Mais, comme à son habitude, le réalisateur humaniste n’est jamais méprisant – il s’agit au contraire d’être attentif à la parole de chacun. Les habitants de la France qu’il donne à voir confessent tous des doutes et des peurs, mais c’est aussi ce qui est rassurant : aucun ne cesse de se poser des questions. de Raymond Depardon Documentaire Distribution : Wild Bunch Durée : N.C. Sortie le 27 avril

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Quatre collégiens bretons qui se rêvent en bad boys du gangsta rap s’embarquent dans une galère quand, pour faire les malins, ils volent l’arme à feu du père de l’un d’entre eux, gendarme… Avec son lot de situations cocasses, West Coast ravira les 12-15 ans. de Benjamin Weill (1h20) Distribution : Mars Films Sortie le 27 avril

> MA MEILLEURE AMIE

Jess (Drew Barrymore) et Milly (Toni Collette) sont inséparables depuis toujours. Alors que Milly apprend qu’elle a un cancer, Jess tombe enfin enceinte de son premier enfant… Catherine Hardwicke (Thirteen) signe une ode à l’amitié tendre et émouvante. de Catherine Hardwicke (1h52) Distribution : Océan Films Sortie le 27 avril


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le s fi lm s – dvd

Sylvain George Avec les deux coffrets Des figures de guerre 1 et Newsreels expérimentaux, Potemkine édite l’intégrale des documentaires du cinéaste engagé Sylvain George. Pour lui qui filme les migrants de Calais ou le mouvement des Indignés en Espagne, la contestation politique commence par l’affirmation d’une esthétique radicale.

© potemkine films

PAR QUENTIN GROSSET

Dans ses différents courts et longs métrages, Sylvain George filme des voix dissidentes qui se réapproprient une parole qui leur est confisquée par les médias. Pour Qu’ils reposent en révolte (2010) et Les Éclats (2011), le documentariste a passé trois ans à Calais auprès des migrants. Dans les deux films, on voit ces derniers griffonner des graffitis ; comme si ces personnes de passage voulaient laisser une trace, se constituer un espace propre pour diffuser une parole de résistance à la stigmatisation, à l’amalgame. Dans Vers Madrid. The Burning Bright (2014) – où le cinéaste filme le mouvement des Indignés en 2011 sur la Puerta del Sol à Madrid –, une démarche similaire est recueillie : pour contester les politiques de rigueur, des citoyens espagnols occupent l’espace public et inventent une nouvelle façon de faire la politique. Dans tous ses films, Sylvain George s’exprime dans une forme très stylisée (noir et blanc,

surexposition, montage fragmentaire heurté par de nombreux ralentis, fondus ou coupes brutales…) dans un but de distanciation, pour amener le spectateur à réfléchir sur le statut artificiel des images. Contre la prétendue objectivité journalistique, pourtant toujours porteuse d’un discours orienté, il faut affirmer un point de vue personnel, semble proclamer le réalisateur, qui n’hésite pas à embrasser le réel à travers l’abstraction. Comme il l’écrit dans le livret d’un des DVD, c’est un moyen pour lui de créer « des images en crise, des images-béance qui vont donc à l’encontre de toutes images-policières qui délimitent, contrôlent, surveillent, assignent… » Des figures de guerre 1 et Newsreels expérimentaux de Sylvain George (Potemkine) Disponible

LES SORTIES DVD

> MY LIFE DIRECTED BY NICOLAS WINDING REFN de Liv Corfixen (Wild Side)

Liv Corfixen suit chaque étape de la fabrication d’Only God Forgives, neuvième long métrage de son mari, Nicolas Winding Refn. Pendant dix mois, elle documente leur quotidien tendu, alors que le cinéaste danois se débat avec son film, craignant de ne pas atteindre le niveau de Drive, Prix de la mise en scène à Cannes en 2011. P. D.

> THE LOBSTER

> BACK HOME

Dans un futur proche dans lequel le célibat n’est pas toléré, un jeune veuf (Colin Farrell) dispose d’un temps limité pour trouver l’âme sœur, sous peine d’être transformé en animal… Avec son grand sens de l’esthétique et son habituel humour noir, Yórgos Lánthimos (Canine, Alps) continue de secouer les normes sociales et les comportements humains pour mieux les interroger. T. Z.

Le mari et les deux fils d’une célèbre photoreporter, décédée trois ans auparavant, se réunissent à l’occasion d’une rétrospective de son œuvre et tentent de communiquer à nouveau… Le Norvégien Joachim Trier éclate sa narration pour mieux décortiquer les traumas de cette famille minée par l’absence de la mère, déjà bien avant son décès. T. Z.

de Yórgos Lánthimos (Blaq Out)

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de Joachim Trier (Memento)


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cultures MUSIQUE

KIDS

LIVRES / BD

SÉRIES

SPECTACLES

MHD RAP

Quinze ans après les Franco-Congolais de Bisso Na Bisso, le Parisien MHD réinvente sur son premier album les noces de la musique africaine et du rap français : son afro trap change l’attitude menaçante de la trap originelle en pas de danse endiablés.

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© elisa parron

PAR ÉRIC VERNAY

XVIIIe XIXe

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CONCERT Katerine les 11 et 12 mai au Flow p. 88

XIIIe

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THÉÂTRE Bovary du 11 avril au 26 mai au Théâtre de la Bastille p. 96


MUSIQUE

Le quatuor Parquet Courts enrichit sa palette p. 86

ARTS

KIDS

Les Malheurs de Sophie : la chronique d’Élise, 7 ans et demi p. 90

JEUX VIDÉO

MODE

C’est mort pour l’interview. » Le texto cinglant de MHD vient de faire vibrer le smartphone de son producteur qui nous le lit à voix haute, d’un air dépité. Nous sommes à Paris, fin février. Le premier album de Mohammed Sylla, alias MHD, n’est pas encore sorti, mais le jeune homme est déjà un phénomène. Sur la foi des myriades de vues qu’il a engrangées sur YouTube – plus de 29 millions en six mois avec sa série de vidéos Afro Trap –, le rappeur du XIXe arrondissement a été débauché par Booba en personne pour assurer la première partie de sa tournée française en janvier. Le jeune loup de 21 ans a ensuite enchaîné, à l’invitation de Black M (Sexion d’Assaut), avec un concert en Guinée, dans un stade de Conakry, devant 60 000 personnes. Leur clip commun, célébrant leurs racines guinéennes, doit sortir le jour de notre rencontre, quelques heures avant un showcase prévu tard dans la nuit à Bruxelles. Bref, MHD a une actualité plus que chargée. Tandis qu’on se dit que, après tout, une annulation de dernière minute est un risque à prendre avec un artiste en pleine hype (certains joueurs du PSG ont célébré leurs buts en reproduisant une des danses de ses clips !), la porte s’ouvre. Entre un grand échalas en hoodie noir pailleté, pouffant derrière ses lunettes de soleil. C’est MHD, ravi de sa petite blague. RESTER SIMPLE

Un garçon simple, plutôt timide. Le casque audio sur la tête, et la tête sur les épaules. MHD réside toujours dans une cité du XIXe arrondissement surnommée « la cité rouge », à cause de la couleur des immeubles en briques. Il y a quelques mois encore, il livrait des pizzas à Saint-Lazare, tout en rappant au sein du collectif 19 Réseaux. Sans grand succès. Le coup d’accélérateur est venu en août 2015. « On était en vacances à Montpellier avec mes potes, à danser sur « Shekini »

JEU VIDÉO

Californium rend un vibrant hommage à Philip K. Dick p. 100

FOOD

présente

« Je préfère faire un clip avec des gamins de mon quartier qu’avec des stripteaseuses. » de P-Square [duo de hip-hop nigérian, ndlr]. À la fin du morceau, l’instru continuait. Je me suis amusé à rapper dessus, mes potes ont kiffé direct. Ils m’ont conseillé de mettre le son sur les réseaux. Je me filme en selfie et poste la vidéo sur Facebook. On sort le soir et, au retour, je me connecte : 3 000 partages. Et, parmi les commentaires : “Il sort quand, le son ?” C’était pas du tout prévu, c’était juste un délire ! » Le clip d’« Afro Trap (part. 1) » ne tarde pas à suivre, avec l’engouement 2.0 que l’on sait. Si les thématiques développées dans ses paroles sont typiques du rap français (bicrave, foot et fierté du quartier), l’atmosphère détonne. Les basses lourdes et agressives de la trap importée des États-Unis s’acoquinent avec une vibe afro saccadée et festive. En un mot : conviviale. Car MHD est là pour « faire plaisir aux gens » avec ses gimmicks accrocheurs ; pour « ambiancer », comme il le dit. Son visage n’apparaît d’ailleurs qu’à la moitié de sa première vidéo, faisant d’abord honneur aux petits de sa cité, qui se passent la caméra comme on jonglerait avec un ballon, en une joyeuse chaîne dansante. Pas de grosse cylindrée ni de villa à l’horizon. « Je préfère faire un clip avec des gamins de mon quartier qu’avec des stripteaseuses et des gamos [voitures de grosse cylindrée, ndlr]. Le côté bling-bling ne me plaît pas, on n’a rien à prouver. On reste simple. Entre nous. Pour le prochain clip, comme d’habitude, il n’y a pas de recrutement. Ceux qui veulent venir viennent ! » Convivial, on vous dit. MHD de MHD (Artside/Universal) Sortie le 15 avril En concert le 15 avril à La Maroquinerie

le PARCOURS PARISIEN du mois

EXPOSITION « Carambolages » jusqu’au 4 juillet au Grand Palais p. 98

Mode « Fashion Forward. Trois siècles de mode » du 7 avril au 14 août au musée des Arts décoratifs p. 102

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FOOD Sauvage 60, rue du Cherche-Midi Paris VIe p. 103


cultures MUSIQUE

ROCK

Parquet Courts PAR WILFRIED PARIS

sélection

© rough trade records

PAR MICHAËL PATIN

En six ans, quatre albums et deux EPs, ce jeune quatuor originaire de Brooklyn a tout à la fois enrichi et simplifié sa palette d’expression. S’inscrivant dans une explicite filiation new-yorkaise (The Velvet Underground, The Modern Lovers, Television), recyclant le passé pour produire sa propre version du présent, Parquet Courts a su marier efficacité power-pop et intensité post-punk avec un art de la synthèse et du laisser-aller qui rend leurs compositions de plus en plus évidentes (frontales), faciles (gracieuses) et souriantes (en coin). Malins et gamins, distillant astuces mélodiques (Pavement), énergie paranoïaque (Wire) et logorrhées d’allusions à la vie de tournée (The Fall), ces Fab Four de Williamsburg ont aussi développé leur écriture en un curieux voyage de l’extérieur vers l’intérieur, depuis le récit de la vie quotidienne des jeunes slackers à Brooklyn (Light Up Gold, en 2012), en passant par la colère (Sunbathing Animals, 2014) ou l’angoisse existentielle (Content Nausea, sous le pseudo side-­ project Parkay Quarts, 2014), jusqu’aux affres de la subjectivité et du sentiment amoureux sur ce nouveau Human Performance, leur album le plus abouti, le plus pop aussi. Ces nouvelles chansons, qu’elles soient déclaratives (« Wherever you may stay, that’s where I’ll return », chante Austin Brown, sur le très velvétien « Steady on My Mind »), simplement enlevées (« One Man, No City »), ou les deux (Berlin se floutant sous les larmes de la séparation dans « Berlin Got Blurry »), s’avèrent moins cérébrales que sentimentales – et pourtant toujours terriblement entraînantes, excitantes. On n’aime jamais tant les histoires tristes que chantées sur des airs joyeux. Human Performance de Parquet Courts (Rough Trade/Beggars) Sortie le 8 avril En concert le 27 juin à La Gaîté Lyrique

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CITY SUN EATER IN THE RIVER OF LIGHT

PLAISIRS AMÉRICAINS

de Woods

de Bernardino Femminielli

Neuf albums en dix ans, qui dit mieux ? Pourtant, Woods reste la forêt cachée par quelques arbres (Real Estate, Mac DeMarco) de la scène indie pop de Brooklyn. Métaphore aisée, qui colle parfaitement à Jeremy Earl et ses compagnons que rien ne semble intéresser en dehors des chansons amples et élégantes qu’ils couchent sur bandes. N’en déplaise aux hipsters de New York et d’ailleurs.

Avec son patronyme qui désigne les transgenres efféminés de la tradition antique napolitaine, le Canadien Femminielli brille par son dégoût des étiquettes. On le connaissait trublion techno au sein de Femminielli Noir, le voilà qui revient en sosie de Serge Gainsbourg. Susurrations érotomanes, mélopées décadentes : ces Plaisirs américains invitent à la plus suave des overdoses.

(Woodsist/Differ-Ant)

DIX-MILLE YEUX

(Mind/Bethlehem XXX)

LOIN

d’Ueno Park

d’Alex Beaupain

Saluons la naissance du microlabel Tropāre d’Amaury Cornut, éminent spécialiste de Moondog, qui choisit pour première référence un disque entièrement joué à la guitare nylon, sans ampli ni effets. Derrière ces dix instrumentaux frugaux et spacieux se cache le guitariste Manuel Adnot, qui trouve dans l’improvisation in situ un véhicule idoine pour ses voyages intérieurs, encordant avec grâce le charnel et le spirituel.

Vers tristes et mélodies entraînantes : une formule qui a fait ses preuves et court encore tout au long du sixième album d’Alex Beaupain. Le chanteur préféré de François Hollande (« Au Départ » a servi d’hymne de campagne au candidat socialiste en 2012) et de Christophe Honoré (il a composé la B.O. de huit de ses films) reste lui-même un musicien normal, partageant les maux de son existence avec mesure et pudeur.

(Trop re)

(Capitol)


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cultures MUSIQUE

agenda PAR ETAÏNN ZWER

CHANSON

© éric garault

Katerine PAR ETAÏNN ZWER

Deux ans après Magnum, l’extravagant Philippe Katerine troque la moustache electro-virile pour le minimalisme de ses débuts avec Le Film, dixième album intime, burlesque et touchant.
 Depuis 1991, le chanteur mélo-dadaïste aux tubes louches et brillants (« Louxor, j’adore ») s’offre toutes les mues, tous les rôles – dessinateur, acteur, réalisateur. À l’image de son nouvel opus, retour aux sources imbibé de son amour pour le septième art. « Tout homme est le réalisateur de son film », confie celui qui jadis posait en famille (sur la pochette de l’album Philippe Katerine, 2010), mais qui a depuis perdu son papa. Disparition qu’exorcise Le Film, tour de France en voiture d’un homme, hanté par une envie de meurtre, qui trouve l’apaisement en chansons. « J’aime épier les gens, les conversations. Si je puise dans mon histoire, le disque est surtout fait de ces observations. C’est le plus beau film du monde, mais sans cape ni DiCaprio. Il est aussi fou que la vie, c’est-à-dire… complètement banal. » De comptines philosophiques (« Les Objets ») en virées à la Tati (« Automobile »), notre antihéros liste les aléas et la beauté de l’existence, s’émerveille d’une plante, danse ou croise un président, pour aboutir au « Moment parfait », réconciliation grave mais contée avec légèreté. « J’ai écrit ce disque vite, seul, au piano. Ça a été mon refuge. Le fond est parfois violent, marécageux, mais l’album est très doux, épuré », à nu, écho au lyrisme de fortune des Mariages chinois – chœurs enfantins, chants d’oiseaux, percussions lointaines assurées par l’ami Julien Baer. Faussement naïf, intime et universel, le cinéma-vérité de Katerine a le charme des évidences. Sa magie ténue opère, et on se laisse bercer. Le Film de Katerine (Cinq 7/Wagram) Sortie le 8 avril En concert les 11 et 12 mai au Flow

LES 7 ET 9 AVRIL

DU 15 AU 17 AVRIL

SOURDOREILLE Concerts, surprises, le collectif et webzine malin fête ses 10 ans en grand et en excellente compagnie avec Troy Von Balthazar, la fée An Pierlé, Nosfell et sa pop ovni, le magicien electro Chapelier Fou, l’histrion techno The Driver (alias Manu le Malin), Maud Geffray (Scratch Massive)...

ARTE CONCERT FESTIVAL Soirée pop-rock (The Divine Comedy, Nada Surf, l’hypnotique Anna B Savage) ; nuit electro (Carl Craig, les doux Islandais Kiasmos, HVOB, Chloé) ; et session piano feutrée (Patrick Watson, Bruce Brubaker, Lubomyr Melnyk et son jeu fascinant) : un week-end aussi pointu qu’alléchant.

à Mains d’Œuvres (Saint-Ouen) et au Petit Bain

8 AVRIL

29 AVRIL

XIU XIU Le trio expérimental californien, artisan noise à la noirceur fêlée, rend hommage à l’univers de David Lynch et à son compositeur Angelo Badalamenti en réinterprètant la B.O. de la série culte Twin Peaks le temps d’une nuit mêlant chaos et bizarrerie. Frissons garantis.

JULIETTE & THE LICKS Dissous en 2009, le killer band de l’explosive Juliette Lewis se reforme et s’offre une tournée et un album, encore tenu secret. On espère retrouver la formule d’antan : du rock ’n’ roll énervé égratigné de blues, des tubes volcaniques (« Hot Kiss », « Sticky Honey ») et une folle alchimie sur scène...

14 AVRIL

3 MAI

STEREO TOTAL Entre Jacno et Brigitte Fontaine, esprit punk-yé-yé, electro-pop fantasque et poésie désinvolte, le duo franco-berlinois revient avec Les Hormones et un live jouissif : l’occasion de bûcher votre allemand (« Zu schön für dich »), de harceler Yoko (« I Love You, Ono ») ou de faire « L’Amour à trois ».

THE KILLS Cinq ans après l’immense Blood Pressures, les fiévreux (et bien sapés) Jamie Hince et Alison Mosshart dévoilent leur cinquième opus, Ash & Ice, plus intimiste, discrètement tumultueux, mais toujours aussi hanté, rugueux, sexy et classe. Promesse d’excitants débordements live. Rock ’n’ roll, bébé.

au Centre Pompidou

au Point Éphémère

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à La Gaîté lyrique

au Trabendo

à La Cigale


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cultures KIDS

CINÉMA

© jean louis fernandez

Les Malheurs de Sophie

l’avis du grand

Secouée mais conquise par les aventures parfois éprouvantes de ces fillettes d’un autre temps, Élise s’est interrogée, à l’issue de la projection, sur l’évolution des mœurs et sur la nécessité (ou pas) de choquer (gentiment) les jeunes spectateurs. PROPOS RECUEILLIS PAR JULIEN DUPUY

Le petit papier d’ Élise, 7 ans et demi « Cette histoire a aussi servi à faire des livres – j’en ai déjà lu avant de voir ce film. C’est très bien, parce que maintenant je saurai quelle tête a Sophie. Sophie est une petite fille qui fait beaucoup de bêtises hors du commun : elle vole, elle fait du thé qui n’est pas du thé, et elle coupe même des poissons en deux ! Je n’aimerais pas l’avoir comme copine. On voit que ça se passe “à l’époque” : leurs moyens de transport ne sont que des calèches, ils ont des cuves à la place des baignoires, et il y a plein de serviteurs, ce qui n’est plus possible aujourd’hui, sauf pour les présidents, les rois ou à l’hôtel. Et puis, “à l’époque”, nous, les enfants, on était traités avec

des coups de fouet quand on faisait une bêtise. C’est quand même mieux aujourd’hui. Dans la réalité, il y a beaucoup de gens et d’animaux qui meurent, mais pas dans les films pour enfants. Mais dans Les Malheurs de Sophie, c’est comme dans la réalité. Du coup, c’est un film hyper brusque qui va choquer les enfants. C’est pour ça que je pense que c’est surtout un film pour les collégiens qui font de l’histoire. » Les Malheurs de Sophie de Christophe Honoré avec Anaïs Demoustier, Golshifteh Farahani… Distribution : Gaumont Durée : 1h46 Sortie le 20 avril Dès 7 ans

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avril 2016

Adaptation des écrits de la comtesse de Ségur (Les Malheurs de Sophie, mais aussi Les Petites Filles modèles), le film de Christophe Honoré détonne au milieu des productions très formatées à destination de nos chères petites têtes blondes. Tourné majoritairement en caméra portée et avec une lumière naturaliste, Les Malheurs de Sophie n’adoucit jamais les aspects les plus âpres des romans – Sophie y découpe en deux des poissons rouges vivants, des fillettes découvrent les victimes bien amochées d’un accident de carriole –, et l’identification à l’héroïne éponyme n’a rien d’évident. C’est pourtant par ce refus d’adoucir les histoires de la comtesse de Ségur que Christophe Honoré rend le mieux justice à l’œuvre originale : son film est, à l’image des romans, un récit formateur qui pousse son jeune public à réfléchir et à se confronter aux réalités parfois douloureuses de la vie. J. D.


Lili à la découverte du monde sauvage Par Paola Dicelli

Un caneton dont les parents ont été tués par une belette est adopté par Lili, une poule pondeuse. En grandissant, il en vient à avoir des doutes concernant sa filiation… Lili à la découverte du monde sauvage est un joli film d’animation sud-coréen qui ne tombe jamais dans la facilité, en évitant notamment le happy-end. Le message semble clair : ce n’est pas parce qu’un film s’adresse en priorité aux enfants qu’il doit éluder les problèmes de la vie. Lili et la galerie de personnages qui l’entourent les invitent au contraire à s’y confronter en douceur. Porté p a r d e b e ll e s i m a g e s r a p p e l a nt d e s p e i ntu r e s impressionnistes, le film propose une parabole subtile qui interroge l’identité, le sacrifice et le lien qui outrepasse le sang. d’Oh Seong-yun (1h29) Éditeur : Arte éditions Sortie en DVD le 5 avril Dès 6 ans

SPECTACLE

CINÉMA

Parallèlement à sa programmation classique, l’Opéra de Paris met en place des spectacles lyriques destinés au jeune public. L’adaptation française de La Petite Renarde rusée, un opéra du compositeur tchèque Leoš Janáček, revient ainsi sur la scène de l’amphithéâtre Bastille où elle a été créée en 2009. Par le biais d’animaux chanteurs et danseurs, ce réjouissant voyage musical interroge le rapport entre l’homme et la nature. P. D. La Petite Renarde rusée

Mowgli, un enfant abandonné, est recueilli et élevé par des loups. Avec ses nombreux amis animaux, il fait de la jungle son nouveau territoire… Près de cinquante ans après le succès du dessin animé, les studios Disney offrent un remake spectaculaire du Livre de la Jungle à grand renfort d’effets spéciaux et d’images de synthèse ultra léchées. Pour la version française, Lambert Wilson prête sa voix à l’ours Baloo. P. D. Le Livre de la jungle

du 9 au 16 avril à l’amphithéâtre Bastille Durée : 1h Dès 7 ans

de Jon Favreau Animation Distribution : Walt Disney Durée : 1h36 Sortie le 13 avril Dès 8 ans

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© xavier pinon

et aussi


cultures LIVRES / BD

ROMAN

Le Fracas du temps © jacques sassier

Julian Barnes raconte les démêlés du compositeur Dmitri Chostakovitch avec le pouvoir soviétique. Un superbe roman sur la folie totalitaire et l’asservissement des artistes. PAR BERNARD QUIRINY

« Formalisme », « cosmopolitisme », « déviationnisme gauchiste »… Il faut avoir l’oreille fine pour découvrir ce genre de défauts dans un opéra. C’est pourtant ce que reprochèrent les musicologues soviétiques au Lady MacBeth de Mtsensk de Chostakovitch, un opéra en quatre actes créé en 1934 et joué avec succès à deux cents reprises… jusqu’à ce que Staline y assiste et fasse la moue. Résultat : la Pravda descendit aussitôt l’opéra en f lammes, menaçant même le compositeur en termes à peine voilés. Pour Chostakovitch, c’est la douche froide. Lui qui jusqu’alors était passé entre les gouttes et avait conservé une relative indépendance fera désormais l’objet d’une surveillance stricte et de critiques virulentes signées Andreï Jdanov, le secrétaire du Parti, qui voue sa musique aux gémonies au même titre que celle de Sergueï Prokoviev, d’Aram Khatchatourian ou de Vissarion Chebaline. L’art de ces compositeurs, selon cet homme qui n’aime que les grosses scies conformes aux dogmes du réalisme socialiste, est comparable au « bruit d’un marteau-piqueur »… Que peut faire un artiste comme Chostakovitch face à l’hostilité d’un État entier ? Tel est le sujet du Fracas du temps, beau roman dans lequel l’écrivain anglais Julian Barnes met en scène l’enfer vécu par le compositeur, avec tous les raffinements dont l’U.R.S.S.

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était capable – interrogatoires, intimidations, chantage, infantilisation (on lui assigne un tuteur « pour l’aider à comprendre les principes du marxisme-­ léninisme »…), mais aussi injonctions contradictoires et alternance de critiques et de flatteries. Tout en l’attaquant, le régime lui décerne en effet des trophées (ordre de Lénine, prix Staline) et lui assure un train de vie confortable. Alors ? Face à tant d’arbitraire, Chostakovitch tient grâce à une idée simple : « La bonne musique sera toujours la bonne musique, et la grande musique est invulnérable. » Subtilement construit, rythmé en paragraphes brefs, Le Fracas du temps se distingue des romans biographiques actuellement en vogue chez nos voisins britanniques (Henry James, E. M. Forster, H. G. Wells…) en déplaçant l’accent de l’intime vers le politique et en prenant Chostakovitch comme un archétype de l’incompatibilité entre le fanatisme et la liberté créatrice, le totalitarisme et la beauté. Un thème qui n’est pas qu’historique, hélas : soixante-dix ans après le fin du stalinisme, les délires de Daech contre les œuvres de l’art témoignent de l’actualité du sujet. Le Fracas du temps de Julian Barnes, traduit de l’anglais par Jean-Pierre Aoustin (Mercure de France)

avril 2016


sélection Par b. q.

RURAL NOIR

de Benoît Minville (Gallimard)

Retour au pays pour Romain, après dix ans passés à courir le monde : il retrouve son frère Chris dans leur petit village de la Nièvre, frappé de plein fouet par la crise économique. Or, le jour de son arrivée, leur ami Vlad est tabassé à mort par des inconnus. Il faut dire que Vlad trempait dans des affaires assez louches… Ce polar attachant et bien mené révèle une facette méconnue de la vie rurale : le trafic de drogue, impliquant des réseaux parisiens dont les tentacules plongent jusque dans les campagnes.

33 CHAMBRES D’AMOUR

de François Emmanuel (Seuil)

La dompteuse, la couturière, la sacristine, la directrice… Ce sont trente-trois femmes que le narrateur de ce recueil portraiture amoureusement dans leur environnement quotidien, filant les métaphores pour frôler l’érotisme. L’écrivaine, par exemple : « J’ignore encore si notre histoire sera une short story ou un grand roman russe, me dit-elle en insinuant sa main sous sa jupe… » Un exercice de style élégant et inventif, servi par une plume virtuose et assaisonné d’un zeste d’humour badin.

SANS OUBLIER LA BALEINE

LA GRANDE DANSE DE LA RÉCONCILIATION

(Stock)

(Le Tripode)

de John Ironmonger Un trader londonien se réfugie dans un village des Cornouailles. Là, son flair lui indique qu’une crise mondiale approche, et qu’il vaudrait mieux faire des réserves de vivres… John Ironmonger mélange satire de la finance et survivalisme dans ce roman captivant, son deuxième traduit dans notre langue, après l’excellent Génie des coïncidences. « Toute société n’est qu’à trois repas de l’anarchie », répète le héros. Pensez-y avant d’examiner votre garde-manger.

de Jacques Abeille

Après des années d’anonymat, l’œuvre de Jacques Abeille sort enfin de l’ombre : le cercle de ses admirateurs grandit, ses livres sont réimprimés, les universitaires commencent à s’intéresser à son monde imaginaire. Le Tripode frappe un grand coup avec plusieurs rééditions et un inédit, La Grande Danse de la réconciliation, beau récit, illustré par Gérard Puel, où l’on en découvre un peu plus sur les Contrées, le territoire fictif qui sert de décor à tous ses livres.


cultures LIVRES / BD

BANDE DESSINÉE

La Légèreté

sélection

PAR STÉPHANE BEAUJEAN

par s. b.

AU CŒUR DE FUKUSHIMA

de Kazuto Tatsuta Le site de la centrale de Fukushima Daiichi est interdit à la presse. Et, jusqu’à la publication de ce manga, peu d’images de l’endroit étaient accessibles. Cet auteur au chômage a donc eu une idée brillante en se faisant engager parmi les travailleurs du nucléaire, afin de dessiner ce documentaire qui lui a amené le succès. Pragmatique, technique, et finalement assez partisan, Kazuto Tatsuta produit un récit probablement trop bienveillant mais assurément fascinant.

Antonio Altarriba aime partir de son histoire familiale pour brosser le portrait de l’Espagne du xxe siècle. Ouvrant sur le suicide de son père, L’Art de voler dépeignait ainsi l’impossibilité de s’épanouir pour les hommes issus des classes populaires. L’Aile brisée dénonce le machisme de la société, en prenant comme symbole une blessure qui fut infligée à la mère de l’auteur à sa naissance. En partie invalide, elle dut cacher son handicap toute sa vie, même à son mari et à ses enfants.

(Kana)

Catherine Meurisse était en retard le jour où deux terroristes sont entrés dans les locaux de Charlie Hebdo pour exécuter une partie de ses journalistes, réunis en conférence de rédaction. Avec La Légèreté, elle expurge le mal par l’écriture. Peu d’exercices sont aussi délicats que celui de coucher un traumatisme sur papier. Pour l’artiste, il s’agit de ne pas se laisser emporter par les débordements du pathos et de réintégrer cette confession dans le sillage plus resserré d’une œuvre et d’une recherche formelle. Catherine Meurisse, consciemment ou non, l’a compris. La Légèreté n’est pas qu’un geste cathartique, c’est aussi et surtout une double déclaration qui renvoie à ses précédents livres : la littérature, la peinture, le dessin sont des refuges ; et la mémoire est – au sens le plus proustien de sa conception – un engagement ou une recherche. Car Catherine Meurisse, submergée de douleur au lendemain du drame, sent qu’elle perd à la fois la mémoire et son dessin. C’est donc l’histoire d’une reconstruction – du trait et de l’identité – que raconte cet ouvrage. Un trait qui, malgré la recherche d’expressivité qui le caractérise, se fait plus jeté que d’habitude et surnage par-dessus un grand nombre d’expériences graphiques, comme s’il semblait, lui aussi, devoir lutter pour conserver sa cohérence et son identité dans l’éclatement et le désordre. Peut-être est-il aussi à la recherche d’une solution graphique pour capturer cette beauté qui obsède Catherine Meurisse et paraît conditionner sa convalescence. Une quête pour la vie qui n’est finalement rien de moins que celle d’une forme aboutie d’écriture en bande dessinée. La Légèreté de Catherine Meurisse (Dargaud)

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L’AILE BRISÉE

d’Antonio Altarriba et Kim

VIVRE À FRANDISCO

de Thierry Van Hasselt et Marcel Schmitz (Frémok)

La peinture de l’utopie a toujours été l’une des préoccupations majeures de la bande dessinée. Entre l’imaginaire urbain de Marcel Schmitz, qui confine à l’art brut, et le trait au contraire maîtrisé de Thierry Van Hasselt, qui évoque les mondes futuristes moebiussiens, l’utopie baroque de FranDisco offre une nouvelle fois l’occasion d’une déambulation onirique et personnelle.

(Denoël Graphic)

PANDORA

Collectif

(Casterman)

Voici une revue dont le premier numéro risque de faire beaucoup de bruit. Un casting sans précédent, avec les plus grandes stars de la bande dessinée de tous les pays, de tous les genres, mais également avec quelques-unes des plus belles jeunes plumes du médium. Un mélange des cultures, des générations, des esthétiques, avec pour seule contrainte d’épouser la fiction. Beau pari.


cultures SÉRIES

décryptage

HBO, fin de règne ?

Sur le point d’entrer dans sa sixième saison, Game of Thrones, la fresque fantasy adaptée des romans de George R. R. Martin, n’a jamais été aussi populaire. Son diffuseur, HBO, n’en traverse pas moins une sérieuse zone de turbulences. PAR GRÉGORY LEDERGUE

le caméo

© macall b. polay - hbo

© daniel zuchnik / wireimage

SARAH MICHELLE GELLAR DANS CRUEL INTENTIONS

Alors, vivant, Jon Snow ? HBO garde jalousement le secret sur le sort réservé au personnage avant la diffusion de la saison 6 de Game of Thrones. Avec plus de 20 millions de téléspectateurs cumulés en moyenne, la chaîne peut se le permettre. Cette foi absolue dans son hit planétaire masque mal la panique qui règne en son siège. La filiale de Time Warner n’est plus le grand prescripteur de tendances qu’elle fut. Le blockbuster Vinyl a monumentalement raté son lancement en février. Les comédies de la chaîne souffrent de la concurrence de Netflix et d’Amazon. Et les déconvenues de production s’amoncellent. À la

trappe, les projets de David Fincher et de Steve McQueen. Pire, la coûteuse saga Westworld a pris du retard à cause de « divergences artistiques » avec le show runner Jonathan Nolan. Or, cette adaptation du film Mondwest de Michael Crichton est censée succéder à Game of Thrones, dont la fin pourrait survenir dès 2018. « Winter is coming » pour HBO ? On prédisait déjà son déclin post-Soprano en 2009. À l’époque, la chaîne avait toutes les peines du monde à monter son premier show de fantasy : un certain Game of Thrones… Game of Thrones saison 6, en simultané avec les États-Unis dès le 25 avril sur OCS City

sélection

Saison 1 sur Arte

PAR G. L.

SECTION ZÉRO Première incursion d’Olivier Marchal du côté de l’anticipation, Section Zéro imagine un futur madmaxien dans lequel les multinationales font la loi. Soit une toile de fond exotique pour un remake officieux de Braquo resservant les mêmes flics borderline, la même violence poisseuse, le même langage ordurier. Saison 1 sur Canal+

SÉRIES MANIA SAISON 7 Le festival parisien dédié aux séries rempile pour une nouvelle saison. Au programme, des conférences et des rencontres – notamment avec le créateur des Soprano, David Chase, président du jury –, mais surtout de nombreuses projections publiques gratuites de séries inédites en provenance du monde entier. du 15 au 24 avril au Forum des images

© d. r.

OUR GIRL Pour sa première mission comme médecin de l’armée britannique, la jeune Molly est expédiée en Afghanistan. Sur place, elle doit composer avec la méfiance de ses frères d’armes et des autochtones. La caméra ne la quitte pas d’une semelle, et la série trouve le juste équilibre entre naturalisme et romanesque.

Non, il ne s’agit pas d’une actualité datant de 1999. L’iconique interprète de Buffy reprend simplement son rôle de Kathryn Merteuil dans l’adaptation télévisée du film Sexe Intentions – qui était lui-même une relecture teen des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. Sarah Michelle Gellar, dont la carrière végète ces dernières années, revient donc, faute de mieux, à un film qui l’a fait connaître. Elle finira bien par retrouver un jour la tueuse de vampires de Sunnydale… G. L.

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cultures spectacles

Tiago Rodrigues THÉÂTRE

Portugais gourmand, lecteur passionné et poète vivifiant, le jeune directeur du Théâtre national Dona Maria II de Lisbonne occupe le Théâtre de la Bastille pendant deux mois pour un chantier théâtral hors norme.

© sylvainduffard

PAR ÈVE BEAUVALLET

« Je ne me souviens pas avoir rencontré un artiste doté, aussi jeune, d’une telle intensité, d’un tel sens poétique. » D’accord, le compliment peut paraître partial, puisqu’il vient de Jean-Marie Hordé, soit le directeur qui lui confie pendant deux mois les clés de son théâtre. Mais on est curieux de rencontrer le spectateur qui n’aurait pas été frappé par le magnétisme de l’auteur, acteur et metteur en scène portugais Tiago Rodrigues, nommé directeur, à seulement 39 ans, du Théâtre national Dona Maria II de Lisbonne. Peut-être parce que, sur un plateau, il parvient à rendre sensibles, drôles et diablement vivantes les théories de Roland Barthes, d’Umberto Ecco ou de Jorge Louis Borges sur l’œuvre « ouverte » et sur l’activité du lecteur. Peut-être parce que, a contrario d’un théâtre docte, dévot et soporifique, il envisage les monuments du répertoire – William Shakespeare, Jean Racine – non plus comme des auteurs à vénérer, mais comme des « bibliothèques, comme des villes où l’on peut aller habiter ». C’est-à-dire une matière collective que l’on peut transformer, oublier, fantasmer et distordre. Ça a donné Antoine

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et Cléopâtre (triomphe à Avignon en 2015), une pièce de Shakespeare qu’il a réécrite « comme un lecteur qui finit un roman et essaie de se le remémorer ». Ça a donné By Heart, une performance collective pendant laquelle des spectateurs apprenaient par cœur le « Sonnet 30 » de Shakespeare. Aujourd’hui, à l’heure où les procès artistiques et les affaires de censure sont en recrudescence dans toute l’Europe, cette approche ludique de la littérature donne naissance à Bovary, une œuvre composite fabriquée à partir du procès intenté à Gustave Flaubert en 1857, de l’œuvre romanesque Madame Bovary et de lettres imaginaires envoyées par Flaubert à une maîtresse. Une pièce recréée en français, avec Jacques Bonnaffé, David Geselson, Grégoire Monsaingeon, Alma Palacios et Ruth Vega-Fernandez, collège d’acteurs avec qui il inventera pendant deux mois et avec une centaine de spectateurs mobilisés au jour le jour des rencontres originales avec le public. Incontournable. Bovary, mis en scène par Tiago Rodrigues, du 11 avril au 26 mai au Théâtre de la Bastille

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agenda PAR È. B.

© nhu xuan hua

LES 8 ET 9 AVRIL

NICOLAS MAURY ET ROBERT CANTARELLA Dans La Réplique, toute personne qui le souhaite peut, sur le texte de son choix, devenir le partenaire de jeu de l’acteur Nicolas Maury. Et que vous ayez les qualités dramatiques de Guillaume Gallienne ou que vous articuliez comme un manche ne changera rien à l’affaire ; c’est l’acte même de donner la réplique qui importera. à la Ménagerie de verre

LES 9 ET 10 AVRIL

DU 25 AVRIL AU 3 MAI

MAGUY MARIN Moins minimale et hypnotique que ses pièces Turba ou Umwelt, Les applaudissements ne se mangent pas fait son entrée au répertoire de l’Opéra de Paris. Une chorégraphie au rythme millimétré, inspirée des révoltes populaires d’Amérique latine contre les régimes autoritaires. à l’Opéra Garnier

JUSQU’AU 13 MAI

KRZYSZTOF WARLIKOWSKI Pour répondre aux questions fondatrices de la puissance du désir et de la terreur du vieillissement, Warlikowski a compilé les textes des multiples auteurs qui ont travaillé la figure de Phèdre à travers les siècles – d’Euripide à Sarah Kane, en passant par Sénèque ou Wajdi Mouawad –, le tout porté par Isabelle Hupert.

© philippe savoir

à l’Odéon-Théâtre de l’Europe

JUSQU’AU 26 JUIN

MICKAËL PHELIPPEAU Concepteur de portraits scéniques et de docu-théâtre originaux, Phelippeau a sélectionné une lycéenne originaire de Guinée adepte du coupé-décalé. Dans un dispositif minimal, Anastasia nous conte son histoire : ses désirs d’ado, ses loisirs et l’éloignement de sa famille, repartie vivre en Afrique. à la Villette

BLANCHE GARDIN Contre l’hystérie, la coolitude et le punch de milliers de ses collègues du stand-up, la presque quadragénaire Blanche Gardin impose dans Je parle toute seule placidité et rigidité de sous-préfète. « Quitte à ne pas se faire baiser, autant ressembler à une femme de lettres », prévient cette petite-cousine de Louis C.K. en pleine ascension. à La Nouvelle Seine


cultures ARTS

EXPOSITION

Carambolages Par Leslie Auguste

agenda PAR Anne-Lou Vicente

© didier plowy rmn grand palais

© 2016 courtesy

jusqu’au 30 avril

Vue de l’exposition Matthieu Saladin L’œuvre de Matthieu Saladin explore les seuils de visibilité et travaille l’art jusque dans son système économique afin d’éprouver conjointement les notions de production et de valeur. Avec « La Promesse de la dette », l’artiste donne à voir et à entendre la ritournelle de la dette en tant que principe régisseur d’un déséquilibre socio-économique globalisé.

Vue de l’exposition

à la galerie Salle principale

jusqu’au 14 mai

Emmanuel Lagarrigue À la fois galerie et maison d’édition, Dilecta présente un ensemble de sculptures et d’installations que le plasticien Emmanuel Lagarrigue a produit à partir de textes de l’écrivaine Hélène Bessette, disparue en 2000 et tombée dans l’oubli malgré une œuvre conséquente publiée entre 1953 et 1973. Sa parole refait ici surface et, littéralement, prend forme(s). à la galerie Dilecta

jusqu’au 17 juil.

© math bass

D’Alberto Giacometti à Rembrandt ou Man Ray, l’exposition « Carambolages » joue sur le principe de l’association d’idées pour réunir pêle-mêle cent quatre-vingt-cinq œuvres d’artistes issus de tous les courants, toutes les époques et toutes les cultures. La règle du jeu est affichée dans l’entrée : l’exposition met en scène une suite d’œuvres très variées, guidée par la seule action du regard et de l’imagination. Cela, « en dehors des logiques et des catégories de l’histoire de l’art ». Comme on tire un fil, chaque œuvre reprend un élément de la précédente et annonce la suivante, un détail alimente la suite possible de la traversée. Ainsi se succèdent un Crucifix avec charge magique en bois venant de République du Congo (xix e siècle) et la sculpture en bronze Double Helix Crossed Crucifix du Belge Wim Delvoye (2008) ; ou encore, une aquarelle d’Albrecht Dürer, Tête de cerf percée d’une flèche (1504), et un Crâne décoré provenant des Îles Salomon (vers 1900), lui-même suivi d’une estampe japonaise de Hokusai figurant un crâne humain, Le Fantôme de Kohada Koheiji (vers 1831-1832). À la façon d’un jeu de dominos, l’aspect ludique de ce parti pris scénographique provoque chez le visiteur un élan de vitesse contre lequel il faut essayer de lutter pour profiter pleinement du parcours, intuitif et surprenant. S’ouvre alors un passionnant dialogue interactif et une réflexion sur la manière dont sont aujourd’hui consommées les images et les œuvres. Le Grand Palais propose d’ailleurs de poursuivre l’expérience en ligne avec le jeu Carambolez dans lequel on peut inventer ses propres séries d’œuvres. Soit une manière inédite d’aborder la représentation de l’art, guidée par la liberté du regard. Jusqu’au 4 juillet au Grand Palais carambolez.grandpalais.fr

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Vue de l’exposition Wasteland Répartie sur deux lieux, l’exposition rassemble

quatorze artistes qui ont tous en commun de vivre et de travailler à Los Angeles – ville mythique et inspirante s’il en est. Convoquant par son titre le poème de T. S. Elliot The Waste Land (La Terre vaine, 1922), elle entend montrer la diversité de la scène artistique angeline tout en parlant d’un monde qui, au fil du temps, connaît la crise.

au Mona Bismarck American Center et à la galerie Thaddaeus Ropac (Pantin)

jusqu’au 24 juil.

Michel François Depuis 1994, à l’occasion de chacune de ses expositions, Michel François fait réaliser une affiche grand format reprenant une de ses photographies. Recouvrant toute la surface d’un mur ou présentées en piles en mode « servez-vous » (vraiment), ces affiches, à leur tour, font pleinement œuvre et exposition. Un médium parmi d’autres de la pratique foncièrement sculpturale de l’artiste.

au château de Rentilly (Bussy-Saint-Martin)

du 24 avr. au 9 oct.

Kapwani Kiwanga Intégrant la recherche anthropologique d’un point de vue expérimental, l’artiste Kapwani Kiwanga étudie et met en lumière les systèmes de croyances qui (dé)construisent les sociétés culturelles humaines, sur fond d’afro-futurisme, de panafricanisme ou de post-colonialisme. L’exposition « Ujaama » nous propulse à la croisée des chemins, entre documentaire et fiction, science et magie.

à la Ferme du Buisson (Noisiel)



cultures JEUX VIDÉO

EXPLORATION

Californium

Balade hallucinée dans des décors inspirés des romans de Philip K. Dick, Californium rend un vibrant hommage à l’auteur de Blade Runner. Une expérience métaphysique et déstabilisante. PAR YANN FRANÇOIS

L’EXPÉRIENCE DU MOIS SUPERHOT

(SuperHot Team/PC, One, Mac)

Écrivain médiocre au quotidien sordide, Elvin Green est soudain sujet à de violentes hallucinations. Non seulement sa télé commence à lui parler (le texte en voix off est dit par Michael Lonsdale), mais les objets de son appartement se mettent à clignoter, ou à changer de forme aussitôt qu’il s’en approche. En appuyant dessus, il ouvre une faille dimensionnelle qui fait apparaître un pan de décor d’un autre univers. À force de fouiller son quartier et de découvrir de nouvelles failles, il finit par être aspiré dans ce monde jumeau. En vue subjective, le voyage de Green traverse ainsi quatre décors : une Californie sixties aux couleurs psychédéliques, un état policier uchronique, une station minière

sur Mars et… surprise ! Bourré de clins d’œil aux romans et aux personnages cultes de Dick, l’espace mental de Californium a des allures de mausolée à la gloire du maître de la science-­f iction. Porté par une direction artistique et sonore remarquable, le jeu réussit même à rendre tangibles des thématiques et des abstractions qui lui sont chères : les univers parallèles, l’effet des drogues, la paranoïa, la métempsychose… Dans ce monde-cerveau, le joueur devient acteur d’une réalité qui se dérobe sous ses clics. Un beau concept immersif que n’aurait pas renié le grand écrivain américain. Californium (Arte/PC, Mac)

sélection STREET FIGHTER V Le roi de la baston revient dans un nouvel épisode qui, à défaut d’être révolutionnaire, bénéficie d’un lifting admirable. Comme toujours avec Street Fighter, tout le monde, du néophyte au pro, s’y retrouve – certains apprécieront la technicité vertigineuse, d’autres se pâmeront devant le festival de bourre-pifs ou l’exceptionnelle animation. (Capcom/PC, PS4)

Par Y. F.

PLANTS VS. ZOMBIES. GARDEN WARFARE 2 Dans la guerre qui oppose zombies et plantes de jardin, libre à chacun de choisir son camp, d’incarner un des quatorze avatars proposés (un zombie super-héros, un cactus mitrailleur…) et de partir au front. Gentiment débile, ce nouveau Plants vs. Zombies cache un excellent jeu tactique, particulièrement réjouissant en mode multijoueur. (Electronic Arts/One, PC, PS4)

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Éviter les balles qui vous arrivent dessus au ralenti, tout en essayant d’éliminer de nombreux ennemis avec les armes qui vous tombent sous la main : dans ce jeu de tir en vue subjective, le temps est figé et ne défile que quand vous bougez votre avatar. Plongée dans un monde uniquement fait de décors blancs et de personnages rouges au graphisme très stylisé, l’action de SuperHot réunit le fantasme de jouer à Matrix et l’exigence d’un jeu de stratégie. On tient là le concept de l’année. Y. F.

FAR CRY PRIMAL Changement radical pour Far Cry, qui troque son cadre exotique habituel pour celui du Mésolithique. Son héros, un homme des cavernes capable de maîtriser le feu et d’apprivoiser les animaux sauvages, doit sauver sa tribu de l’extinction. Au cœur de cette nature sublime, Far Cry Primal nous offre une expérience primitive au réalisme renversant. (Ubisoft/PS4, One, PC)


4 perles indés Par Y. F.

THE FLAME IN THE FLOOD Accompagnée de son chien, une jeune femme descend la rivière qui a inondé sa région sur un radeau de fortune. En chemin, elle s’arrête pour récolter des ressources qu’elle peut combiner, afin de confectionner du matériel de survie ou des armes contre les animaux sauvages qui rôdent. Bercé par une somptueuse B.O. folk, The Flame in the Flood construit son expérience de survie comme une éternelle fuite en avant sur les flots dont la mélancolie nous fait souvent chavirer.

WONDERSHOT Dans des arènes, quatre guerriers, en vue de dessus, s’affrontent au moyen de flèches, de marteaux ou encore de boomerangs. Ils peuvent aussi se servir de pièges ou de téléporteurs pour surprendre leurs adversaires. Il faut redoubler de réflexes et d’astuce pour éliminer ses concurrents tout en esquivant leurs attaques, chaque touche étant fatale. Dans la famille des jeux de soirée entre amis, Wondershot s’impose comme un joyeux défouloir dans lequel toutes les crasses sont permises.

SHARDLIGHT Les survivants d’un conflit nucléaire vivent dans des bidonvilles. Une nouvelle aristocratie a émergé, qui détient les vaccins antiradiations. Le reste de la population doit remplir des missions dangereuses, dans l’espoir d’accéder enfin au précieux remède… Malgré la modestie de ses moyens, ce point ’n’ click réussit, en quelques tableaux pixellisés, et grâce à des dialogues d’une grande finesse, à sublimer ce scénario postapocalyptique d’une belle part d’humanité et de sagesse.

BLACK DESERT ONLINE Depuis le triomphe de World of Warcraft, il est devenu bien difficile pour les autres jeux de rôle en ligne de se faire une place au soleil. C’est à ce défi que s’attaque ce nouveau prétendant sud-coréen. Si son univers, entre heroic fantasy et Renaissance italienne, n’a rien de très original, Black Desert Online a deux atouts pour lui : une réalisation technique très maîtrisée, qui magnifie chaque décor de son immense univers, et un gameplay brutal et varié, qui fait de chaque duel un spectacle martial.

(The Molasses Flood/PC, One)

(Wadjet Eye Games/PC)

(Leikir Studio/PC, PS4, One)

(Pearl Abyss/PC)


cultures MODE

Rouje JEUNE CRÉATION

© d. r.

© jean tholance les arts decoratifs paris collection mode et textile

EXPOSITION

À tout juste 24 ans, l’égérie parisienne Jeanne Damas s’apprête à lancer début avril sa marque de vêtements, Rouje, vintage dans l’esprit, mais résolument moderne dans le plan de com. PAR RAPHAËLLE SIMON

Petite robe à motif, jean taille haute, tee-shirt ajusté : les vingt-cinq pièces de cette première collection fleurent bon les seventies. « C’est l’esprit soixantedix simple et chic, à la Lauren Newton ou à la Jane Birkin. Je me suis inspirée de ma mère aussi, qui tenait un restaurant avec mon père, square Trousseau, dans le XIIe arrondissement, et qui restait toujours hyper chic… » Proximité et spontanéité, voilà les mots d’ordre de la toute jeune créatrice, qui vendra ses pièces uniquement en ligne, à des prix accessibles (115 € le jean), et communiquera à la cool, directement sur Instagram. « Je veux rester près des gens qui me suivent, et qui préfèrent voir des photos de moi – ils s’en fichent des campagnes. Là, je vais dans le Sud avec des copines, on va faire des photos de la collection entre nous… », explique la fille aux 168 000 abonnés (contre déjà plus de 5 000 pour l’Instagram de Rouje, avant même son lancement).

C’est via son Skyblog que Jeanne Damas s’est fait connaître pendant ses années lycée, avant de se faire un nom dans la mode au gré des rencontres, en parallèle de ses études de théâtre. Incarnation de la Parisienne (« un peu comme Inès de La Fressange, en plus jeune ! »), la jolie frimousse à la mine boudeuse et au physique « normal » joue les égéries pour son ami d’enfance Simon Porte Jacquemus (propulsé depuis aux sommets de la jeune création), puis pour Purple Magazine ou pour Comptoir des cotonniers, avant de signer des collections capsules (La Redoute) et de se décider à lancer sa propre marque. « J’y pensais depuis longtemps, mais je ne me sentais pas légitime. J’ai passé le cap en faisant un truc simple, avec des potes. » On est prêt à parier que le lancement sera simple comme bonrouje. www.rouje.com @rouje #lesfillesenrouj

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avril 2016

FASHION FORWARD Robe à la française en taffetas de 1760, cape Jeanne Lanvin de 1923, robe du soir « Picasso » Yves Saint Laurent de 1979 (photo) : le musée des Arts décoratifs sort le grand jeu pour célébrer les trente ans de sa collection de mode. Quelque trois cents pièces, de 1715 à aujourd’hui, sont ainsi exposées, selon un parcours chronologique joliment scénographié – les mannequins prennent la pose dans une posture caractéristique de l’époque pour mieux donner vie aux vêtements. R. S.

« Fashion Forward. Trois siècles de mode », du 7 avril au 14 août au musée des Arts décoratifs

LIVRE

50 ROBES / 50 FILMS À DEVINER Saurez-vous reconnaître quels films se cachent derrière ces toilettes ? Après les décors, les festins et les créatures, les éditions Milan et demi proposent de retrouver un film à partir d’une tenue dans un beau-livre miniature et pop. Soit cinquante silhouettes culte du cinéma mises en scène par l’illustratrice de presse Mélanie Deyme alias Chez Gertrud (Le Monde, L’Obs, XXI), et une bonne raison de regarder sous les jupes des filles. R. S.


cultures FOOD

spot

La rue de la faim

À midi, rue du Cherche-Midi, on ne cherche pas, on trouve. Jusqu’à 14 heures – et bien plus tard –, on se régale dans cette artère du VIe arrondissement, devenue, avec la rue du Nil (IIe), le repaire des gourmands. Le bistrot Sauvage en est l’un des phares, vivant et vibrant. PAR STÉPHANE MÉJANÈS

© d. r.

© geraldine martens

L’AUTRE GAGNAIRE

Le cinéma mène à tout, à condition d’en sortir. C’est un peu culotté d’écrire cela dans ce magazine, mais c’est l’aventure à peine résumée de Sébastien Leroy. Ancien décorateur de plateau, ce gaillard barbu à la mine réjouie ne fait plus dans le factice, mais dans le terre à terre. Il y a moins de deux ans, il a ouvert en loucedé un épatant bistrot à vin d’où l’on peut repartir avec, sous le bras, des quilles saines de vin libre, du fromage et de la charcut’. Mais on peut aussi s’y attabler pour partager sa popote, personnelle et inspirée. Avec des produits savamment sourcés, qui font du bien à l’âme et au corps, il mitonne de petits plats pas bégueules mais non sans

finesse : foie gras, rhubarbe fermentée et céleri (16 €), Saint-Jacques, brioche et mélilot (15 €), lieu jaune, betterave et poire (17 €), cochon, tomme et coriandre (22 €), citron, bergamote et sésame (8 €) – le plaisir vient toujours par trois. Et si l’on veut se contenter d’une assiette de fromages ou de salaisons (10 à 14 €), on est aussi les bienvenus. Une bonne façon d’apprécier un verre de pinot gris de chez Jean-Pierre Rietsch (16 €), ou un Irancy de chez François Ecot, assemblage rare de six cépages (50 € en magnum). Sauvage, quoi.

Anicia 97, rue du Cherche-Midi Paris VIe Tél. : 01 43 35 41 50

Sauvage 60, rue du Cherche-Midi – Paris VIe Tél. : 06 88 88 48 23

du goût jusqu’au bout LA CANTINE DU TROQUET Et de quatre pour Christian Etchebest ! L’ex-juré de MasterChef (on ne confond pas avec Philippe de Top Chef) décline ici son concept de bistrot authentique et sans réservation. Ardoise, pierre apparente et terroir dans l’assiette : axoa de veau, couteaux à la plancha et riz au lait au caramel laitier d’anthologie. On salive. Carte : 35 €. 79, rue du Cherche-Midi – Paris VIe Tél. : 01 43 27 70 06

CAFÉ TRAMA Un comptoir, des tabourets hauts, des banquettes, du carrelage et de bonnes odeurs de cuisine, on coche ici toutes les cases du bistrot parisien. Ambiance cool pour cuisine roborative et 100 % maison : rillettes, burger avec viande d’Hugo Desnoyer et pain de Jean-Luc Poujauran, tartare aux petits oignons, tout pour plaire. Carte : 40 €. 83, rue du Cherche-Midi – Paris VIe Tél. : 01 45 48 33 71

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AUVERGNAT CŒUR FIDÈLE Aucun lien de parenté entre François et Pierre Gagnaire, mais une longue amitié entre deux Auvergnats, le premier ayant travaillé chez le second. Monté à Paris pour diriger la restauration de l’Hôtel du collectionneur, François vient d’ouvrir son bistrot nature, Anicia (nom latin de la lentille). Il y magnifie sa terre – la lentille du Puy, bien sûr, mais aussi les couteaux Laguiole Arbalète Genès David – dans un décor épuré. Gambette de Vianès, pintade fermière, crème brûlée à la lentille verte, tout fait ventre. Formule en semaine : entrée-plat ou plat-dessert, 29 € ; et entrée-plat-dessert, 35 €.

PAR S. M.

JOSÉPHINE – CHEZ DUMONET Il faut pousser jusqu’au bout de la rue pour trouver cette institution parisienne qui fonctionne toujours sur l’appétit des mangeurs impénitents. Cadre et service à l’ancienne, cuisine aussi, mais on ferait des kilomètres pour un canard au sang, une andouillette 5A ou un soufflé au Grand Marnier. Menu midi : 24 €. Carte : 50 €. 117, rue du Cherche-Midi – Paris VIe Tél. : 01 45 48 52 40


pré se nte

© josep aznar

DANSE

Voronia Derrière La Veronal, compagnie espagnole créée en 2005, se cache le chorégraphe Marcos Morau. Après les spectacles Russia et Portland, il porte un regard plus introspectif sur l’humanité, dont la grotte la plus profonde du monde, Krubera-Voronja, en Géorgie, se fait ici l’allégorie. Constituée de gestes désincarnés rappelant L’Après-midi d’un faune de Vaslav Nijinski, sa chorégraphie nous entraîne dans un envoûtant voyage métaphysique. P. D. du 13 au 15 avril au Théâtre national de Chaillot

© boris allin

© elisabeth carecchio

THÉÂTRE

clubbing

OX, MACHINE SENSIBLE PAR CLAUDE GARCIA

S’il pratique le VJing et le mapping (projection d’images sur des surfaces autres que des écrans) depuis de nombreuses années (il a notamment collaboré avec Jay Z), l’artiste Romain Tardy a voulu pousser plus loin encore sa réflexion sur les liens entre la musique et l’image. Assisté par des ingénieurs, il a imaginé une installation lumineuse et cinétique, créée à l’initiative de The Absolut Company Creation, qui utilise l’intelligence artificielle. Baptisée OX, la machine réagit aux émotions de la musique. Elle s’allume en bleu lorsque le morceau est calme, en rouge quand il est énergique… Imposant, prévu pour être placé derrière l’emplacement du DJ, le dispositif se compose d’un écran principal sur lequel sont diffusés

des motifs abstraits, et de colonnes lumineuses. « J’ai créé deux cents motifs, des formes géométriques qui se combinent de manière aléatoire selon l’analyse de la musique effectuée par le logiciel. C’est ce moment où Ox échappe au contrôle de l’humain qui m’intéresse », affirme Tardy. L’appareil, qui égaiera de nombreuses fêtes ces prochains mois (au Badaboum le 26 mai, à La Gaîté Lyrique le 30 juin), a pour l’instant été testé avec des pointures de la scène electro comme Alejandro Paz ou Sven Väth. « Ça me fait plaisir de voir OX dans le contexte pour lequel il a été pensé. Ce n’est pas un objet de contemplation. Il a besoin de l’énergie d’une salle pour prendre vraiment vie. » www.theabsolutcompanycreation.com

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avril 2016

Nos Serments Après y avoir été créée en 2015, la pièce revient sur la scène du théâtre de La Colline. Écrite par Julie Duclos, avec le scénariste Guy-Patrick Sainderichin, et à partir de l’improvisation des acteurs de sa compagnie, l’In-quarto, Nos Serments réactualise La Maman et la Putain de Jean Eustache (1973). Le décor, semblable à un plateau de cinéma, devient le théâtre des jalousies du mythique triangle amoureux. P. D. du 7 au 22 avril au théâtre national de La Colline

Exposition L’art et l’enfant La Béquée de Jean-François Millet, La Leçon d’Auguste Renoir ou Le Portrait de Pierre d’Henri Matisse sont autant de chefs-d’œuvre figurant des enfants. Concentrés, boudeurs, rieurs, immortalisés dans une scène de vie ou en de simples portraits, les sujets de ces tableaux de maîtres, peints entre le xve et le xxe siècle, résonnent avec la jeunesse actuelle, en même temps qu’ils questionnent son évolution au fil des époques. P. D. du 10 mars au 3 juillet au musée Marmottan Monet


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L’actualité DES salles Rétrospective

Gus Van Sant Alors que Nos souvenirs, le seizième film de Gus Van Sant, sort ce mois-ci (lire la critique page 79), et que la Cinémathèque française met à l’honneur le cinéaste américain à travers une exposition et une rétrospective, MK2 ressort certaines de ses œuvres les plus emblématiques en version numérisée : Mala Noche (son premier long métrage, sorti en France en 1986), Gerry (2004), Last Days (2005) et Paranoid Park (2007). Si l’auteur sait aussi s’adapter aux conventions hollywoodiennes (Will Hunting, Promised Land…), il s’exprime dans ces films dans un style plus radical – voire parfois expérimental – autant inspiré par Chantal Akerman que par la Beat Generation. Montage éclaté, caméra aérienne, temps suspendu y sont déployés pour saisir les motifs phares de sa filmographie : l’adolescence en marge, l’errance ou encore l’homosexualité. Q. G. © snd

du 13 au 26 avril aux Mk2 Parnasse et Mk2 Bibliothèque (entrée BnF), horaires sur www.mk2.com Nos souvenirs

CYCLES

07/04

AVANT-PREMIÈRES

LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE L’âge d’or de la peinture hollandaise : le Rijksmuseum d’Amsterdam. >MK2 Quai de Loire à 12h30

CONFÉRENCES

09/04

09/04

UNE HISTOIRE DE L’ART La Renaissance française : l’école de Fontainebleau. >MK2 Odéon (côté St Michel) à 11h

NOS ATELIERS PHOTO « Paris au smartphone 2/2 », animé par Yann Lebecque (smartphone uniquement). Réservation : 06 95 28 78 10 / contact@mobilecameraclub.fr >MK2 Bibliothèque

musiquE

11/04

LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE Du moderne et du contemporain : la Tate Modern de Londres. >MK2 Nation à 12h30

11/04

08/04

LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE L’âge d’or de la peinture hollandaise : le Rijksmuseum d’Amsterdam. >MK2 Bibliothèque (entrée BnF) à 12h30

RENCONTRES

LES LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « La chance se provoque-t-elle ? » >MK2 Odéon (côté St Germain) à 18h15

11/04

LE RENDEZ-VOUS DES DOCS Séance en partenariat avec Documentaires sur grand écran : projection en avant-première de L’Académie des muses de José Luis Guerín, en présence de Gaëlle Jones, coproductrice, et de Michel David, distributeur. >MK2 Quai de Loire à 20h

12/04

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12/04

SOIRÉE BREF Autour de L’Île aux fleurs de Jorge Furtado, projection des courts métrages Le Facteur humain de Thibault Le Texier, Il y a une guerre de Damien Gonzalez, Journal animé de Donato Sansone, Le Bruit du gris de Stéphane Aubier et Vincent Patar, Samsung Galaxy de Romain Champalaune et L’Invention du désert de Thibaut Le Texier. >MK2 Quai de Seine à 20h

15/04

LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE Du moderne et du contemporain : la Tate Modern de Londres. >MK2 Bibliothèque (entrée BnF) à 12h30

02/05

LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE Vienne 1900 : le Leopold Museum. >MK2 Nation à 12h30

02/05

CONNAISSANCES DU MONDE Le Québec. >MK2 Nation à 14h

avril 2016

LES LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Pourquoi les chansons tristes nous font-elles tant de bien ? » >MK2 Odéon (côté St Germain) à 18h15


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avril 2016


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