ÉTÉ 2016
NO 1 43 GRATUIT
TONI ERDMANN
LA FUREUR DE RIRE
ÉDiTO Au
début de Toni Erdmann, film allemand de Maren Ade en couverture ce mois-ci, un homme accueille sur le pas de sa porte le facteur, venu délivrer un colis, puis s’éclipse pour laisser la place à son frère, un type à la fois grotesque et inquiétant, qui récupère le paquet. On suit ce dernier à l’intérieur de la maison, et le voilà qui enlève une perruque, se défait d’un dentier : les deux frères étaient en fait un seul et même homme. A-t-on affaire à un fou, façon Norman Bates dans Psychose ? La suite du film s’appliquera à répondre que non : malgré ses déguisements, ses blagues potaches et ses coussins péteurs, Winfried est sans doute le plus sensé des protagonistes en présence. Sa fille Inès, par exemple, trentenaire carriériste, est certes raisonnable et sérieuse, mais aussi complètement à côté de ses pompes… À l’image du personnage de Winfried, Toni Erdmann est un film surprenant, audacieux et très drôle, mais surtout bien plus grave qu’il n’y paraît. Prenant au pied de la lettre l’absurdité du monde moderne (les manigances d’une société pétrolière pour licencier en masse, l’aliénation au travail, l’incommunicabilité entre un père et sa fille), étirant chaque situation jusqu’au malaise, il fait jaillir un rire incontrôlable et enragé, un pur rire cathartique. • JULIETTE REITZER
POPCORN P. 10 P. 16 BRUCE LABRUCE • P. 18 SILENT RUNNING P. 24 OULAYA AMAMRA
BOBINES P. 31
P. 32 ALAIN GUIRAUDIE • P. 38 TONI ERDMANN P. 4 8 BERTRAND BONELLO
ZOOM ZOOM P. 55
P. 6 0 SIERANEVADA • P. 61 DERNIER TRAIN POUR BUSAN P. 62 DIVINES
COUL’ KIDS P. 83
P. 84 LA CRITIQUE D’ÉLISE • P. 86 L’INTERVIEW D’ANNA P. 88 TOUT DOUX LISTE
OFF P. 9 1
P. 9 6 PETIT PSAUME DU MATIN • P. 98 PASSERINI P. 106 UNCHARTED 4
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© PHILIPPE QUAISSE / PASCO
HOMMAGE
HOMMAGE
ABBAS KIAROSTAMI Avec le décès du réalisateur iranien le 4 juillet dernier à l’âge de 76 ans, le cinéma a perdu un poète, un conteur, un regard unique sur le monde. Abbas Kiarostami, qui collaborait avec mk2 depuis 1996, était aussi un grand explorateur, réinventant sans cesse son cinéma, de l’Iran à l’Italie ou au Japon.
Né
remportera le Prix d’interprétation féminine à Cannes). Malicieux et énigmatique, le film ne révèle jamais l’identité de ses deux héros : un vieux couple fatigué ? des inconnus qui se séduisent ? Réflexion esthétique sur l’original et la copie autant que comédie du remariage, il conjugue maîtrise et abandon. Au moment de la sortie, Abbas Kiarostami nous confiait : « À vrai dire, la narration me fatigue. Je n’ai pas envie de raconter une histoire de façon linéaire. » Le cinéaste pose ensuite ses valises à Tokyo pour Like Someone in Love, son dernier long métrage, en compétition à Cannes en 2012. Le long de plans-séquences discrets, il y filme la relation entre un vieil homme, Takashi, et Akiko, une étudiante qui se prostitue pour financer ses études. Une tragédie sans fracas, dont la douceur évoque les chefs-d’œuvre d’Ozu, et dans laquelle l’équilibre poétique cher à Kiarostami fraternise avec le laconisme évanescent des haïkus. Lorsqu’ils se rencontrent pour la première fois, Takashi et Akiko contemplent une estampe qui représente une jeune fille et un perroquet dialoguant ensemble. À ce sujet, le cinéaste nous avait dit : « Le message du tableau serait qu’il ne faut pas se limiter à nos spécificités nationales mais toujours porter son regard plus loin, trouver ailleurs ce qui peut être bénéfique à notre propre culture. » Poussé par cet élan, Abbas Kiarostami travaillait à la production de son prochain film, qu’il devait tourner en Chine.
en 1940 à Téhéran, Abbas Kiarostami est l’auteur d’une cinquantaine de films. Caché en permanence derrière une paire de lunettes noires, le cinéaste cultivait, à la vie comme à l’écran, le goût du mystère et de la poésie, mais aussi celui du voyage, de l’exploration. Il s’est imposé comme l’un des auteurs phares de sa génération avec la trilogie de Koker – du nom du village dans lequel ont été tournés Où est la maison de mon ami ? (1990), Et la vie continue (1992) et Au travers des oliviers (1995) – et surtout avec Le Goût de la cerise, Palme d’or au Festival de Cannes en 1997. Le film met en scène un héros tragique qui sillonne en 4 x 4 la campagne aux alentours de Téhéran, obsédé par sa volonté de mettre fin à ses jours et cherchant une âme charitable pour l’enterrer. Ten, sélectionné en Compétition à Cannes en 2002 et découpé en dix séquences, se déroule tout entier dans l’espace clos d’une voiture sillonnant Téhéran. Au volant, une femme accueille dix personnages pour converser avec eux, prétexte à une saisissante réflexion sur la société et la condition féminine iraniennes. Immense portraitiste de son pays, Kiarostami a aussi le désir de filmer d’autres contrées. D’abord l’Ouganda où il tourne ABC Africa (2001), film documentaire sur les enfants du sida, puis l’Italie pour Copie conforme (2010), sa première fiction hors d’Iran. Il y suit le voyage en Toscane de William Shimell et Juliette Binoche (qui
MARIN KARMITZ, PRODUCTEUR « Le cinéma est une maison en cours de construction. J’attends d’un metteur en scène qu’il apporte des pierres pour compléter la maison. Non pas pour la terminer, mais pour continuer à la construire et pour que d’autres puissent continuer à la construire. C’est mon exigence profonde à l’égard des cinéastes. Certains sont incapables d’apporter la moindre pierre ou déconstruisent la maison. D’autres apportent un simple caillou et c’est déjà beaucoup parce que ça montre qu’ils veulent participer à la construction d’une maison. Mais on ne construit pas seul. On ne peut s’élever que sur des murs bâtis par d’autres. Si l’on n’a pas cette idée de l’histoire du cinéma ou d’une autre forme d’expression, c’est une marque d’orgueil ou de suffisance. La méthode de travail d’Abbas Kiarostami s’inscrit dans l’idée de construire une œuvre personnelle participant à la construction de l’œuvre cinéma. » • EXTRAIT D’UN ENTRETIEN À TROISCOULEURS POUR LA SORTIE DE LIKE SOMEONE IN LOVE (2012)
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INFOS GRAPHIQUES
FAST & ZOMBIE LES MORTS-VIVANTS de Victor Halperin (1932)
LA NUIT DES MORTS-VIVANTS de George A. Romero (1970)
28 JOURS PLUS TARD de Danny Boyle (2003)
WORLD WAR Z de Marc Forster (2013)
DERNIER TRAIN POUR BUSAN de Yeon Sang-ho (2016)
Symptôme
de leur époque ? Patauds et terriblement lents à leurs débuts au cinéma dans les années 1930, les zombies se déplacent de plus en plus vite – mais ils sont toujours aussi cons. Dans le film sud-coréen Dernier train pour Busan (en salles le 17 août, lire la critique page 61), ils courent comme des dératés pour attaquer les passagers d’un TGV. Retour chronologique sur la fulgurante accélération des revenants. • TIMÉ ZOPPÉ
ÉMOPITCH RESTER VERTICAL D’ALAIN GUIRAUDIE (SORTIE LE 24 AOÛT)
POPCORN
BRAINDEAD de Peter Jackson (1993)
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NATHALIE BAYE VINCENT CASSEL MARION COTILLARD LÉA SEYDOUX GASPARD ULLIEL
Sons of Manual
LE 21 SEPTEMBRE JOURNAL CAHIERS DES
CAHIERS CINEMA DU
L’AVIS PUBLIC
#ELLE #VERHOEVEN @PARISMATCH
@VIGGYSIMMONS
"Elle" de Paul Verhoeven fait-il l’apologie du viol ?
@LucileBellan Jamais le film ne dit qu'une victime de viol devrait imiter Huppert. C'est juste le personnage. On est dans l'imaginaire.
@LUCILEBELLAN
POPCORN
@ViggySimmons oui, bien sûr. Mais ce qu'il montre est un fantasme masculin dédié à un public masculin.C'est en ça que le film est perturbant @SLATEFR
@VITALIE_SERGENT
«S’il y a des personnages faibles et médiocres dans ce film, ce sont bien les mâles» (par @JMFrodon)
#Elle de Verhoeven: Huppert magistrale mais je reste mal à l'aise sur le traitement du viol."Thriller féministe" et "jouissif" sûrement pas.
@THIBAULT_L
Vu #Elle le dernier Verhoeven, et en fait il n’y a qu’une seule analyse possible : tous les personnages sont cinglés.
@MIKABUCH
S'en prendre à ELLE de Verhoeven c'est aussi s'en prendre à BELLE DE JOUR ou PARLE AVEC ELLE. Des films qui osent explorer des gouffres.
STRAPOTIN
« Avec des amis, sans trop savoir ce qu’on allait voir, on s’est retrouvés devant un film japonais sadomaso, Fleur secrète de Masaru Konuma. Entre deux scènes bien trash, mon ex a débarqué avec des fleurs. Au moment où il me tendait le bouquet, l’héroïne du film a dit : “Tu veux un lavement ?” On ne s’est pas remis ensemble. MAUD, 28 ANS
»
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SÉANCE DE RATTRAPAGE
LA GUYANE, C’EST LA FRANCE
Chaque mois, notre chroniqueur Halory Goerger s’offre une séance de rattrapage. Impressions à vif après La Loi de la jungle d’Antonin Peretjatko, vu en compagnie d’un ami projectionniste. — Ce que j’ai préféré ? la maquette de TGV où les brocolis figurent des arbres guyanais. — Moi c’est cette France syncrétique, à la fois giscardienne et contemporaine, où les portables côtoient les minitels. — C’est la France, le sujet, non ? Comme dit le film, elle « se loge toujours dans des endroits où on ne l’attend pas. » — Vimala Pons est capable de tout, on le savait depuis le spectacle De nos jours [notes on the circus]. Vincent Macaigne transcende le Coluche de Banzaï, fait son Pierre Richard III. — Quand il joue de l’accordéon avec une chenille, ça devient un film d’idées. — Quelques trouvailles méta : cette injonction,
faite à un acteur s’asseyant dos à la caméra, de « cesser de boucher la vue » ; ce plan répété à l’identique trois fois d’affilée ; ou ce saurien manifestement jeté par un machino devant la caméra. — Pourtant le film est très classique : Macaigne passe de boulet inconséquent à baroudeur rousseauiste. Tarzan (Vimala Pons) devient Jane. Dommage. — Certes, pas toujours fins, les moments limite Coco girls ou la bagarre un peu leste. Mais ça alimente ce plaisir coupable d’avoir été comme transporté devant une télé 36 cm un dimanche soir sous Mitterrand à regarder une comédie d’aventures franchouillarde… —… et mutante. Il s’offre le luxe d’y fourrer une critique de la France alcoolonialiste. • HALORY GOERGER ILLUSTRATION : JEAN JULLIEN
ALAIN DELOIN
L’IRLANDE, TERRE DE CINÉMA POPCORN
Le
pays attire de plus en plus de tournages : revue de presse locale. « L’engagement sans faille des techniciens irlandais, l’enthousiasme et le soutien des habitants du West Cork feront de notre aventure irlandaise un souvenir inoubliable. Que la force soit avec vous ! » lisait-on fin mai dans un encart publié par Lucasfilm dans le quotidien Irish Examiner. Depuis le tournage, au printemps, de l’épisode 8 de Star Wars dans cette région du sud-ouest de l’Irlande, Dingle, notamment, croule sous les visiteurs, comme le rapporte The Irish Times : « C’est tous les jours comme un week-end de pont dans la petite ville qui, il y a un quart de siècle, a développé son tourisme grâce au tournage d’un autre film : La Fille de Ryan [de David Lean, 1970, ndlr]. » Certains sont plus sceptiques et se souviennent que le tournage de la fin de l’épisode 7 de la saga, sur les verdoyantes îles Skellig, un peu plus au sud, avait froissé les archéologues, inquiets des dommages potentiels sur un monastère chrétien du vie siècle, et les écologistes, pour qui « des défaillances de contrôle [concernant
la préservation d’oiseaux rares, ndlr] n’ont pas été signalées » (The Irish Times). Le nombre croissant de tournages qui s’installent en Irlande (citons les récents The Lobster du Grec Yórgos Lánthimos ou Love & Friendship de l’Américain Whit Stillman) s’explique notamment par de généreuses réductions d’impôts et des décors naturels pittoresques, et devrait se poursuivre avec l’ouverture, en juillet, de nouveaux studios à Limerick. Un dynamisme raccord avec celui du cinéma national, comme en attestent le rayonnement récent de Brooklyn de John Crowley et les neuf nominations (record pour le pays) aux derniers Oscars (dont trois pour Room de Lenny Abrahamson). « Un grand jour pour notre petit pays », commentait le site d’information thejournal.ie, avant de nuancer : « Le cinéma irlandais vit une très belle année, mais il ne pourra pas capitaliser sur ses succès s’il n’est pas davantage soutenu par l’État. Les fonds nationaux alloués au cinéma ont chuté de 40 % entre 2008 et 2015. » • ÉRIC VERNAY (AVEC JULIETTE REITZER) ILLUSTRATION : JEAN JULLIEN
« Un dynamisme raccord avec celui du cinéma national. »
JETLAG
Le tout premier cinéma d’Irlande, inauguré en 1909 à Dublin par l’écrivain James Joyce, diffusait principalement des films européens, notamment italiens. En 2015, les films étrangers trustent encore les écrans puisque la production irlandaise ne représente que 4 % des recettes du box-office.
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LA PALME DU PUBLIC ET DE LA PRESSE ! P ET ER S I M O N I S C H E K SANDRA HÜLLER
“UN FILM QUI REND HEUREUX”
TONI L’HUMANITÉ
T
AOÛ
ERDMANN UN FILM DE MAREN ADE
Crédits non contractuels
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RÈGLE DE TROIS © SAAD AL HAKKAK
BRUCE
LABRUCE
Emblème du cinéma queer depuis les années 1990, Bruce LaBruce (Skin Flick) met actuellement la dernière touche à son prochain long métrage, The Misandrists, l’histoire de terroristes féministes, et sort un recueil de ses textes, Porn Diaries, sur les coulisses de ses films troublants et radicaux.
The Misandrists, le film que tu es en train de monter, en trois mots ? Féministe, politique et scandaleux. C’est la première fois que je réalise un film avec une distribution entièrement féminine. Trois films qui ont marqué ta jeunesse ? Ado, j’étais fou de Jodie Foster. Je m’étais carrément fait faire un tatouage à son effigie. Au tout début des années 1980, elle était devenue une icône punk après que John Hinckley a tenté d’assassiner Ronald Reagan dans l’espoir d’attirer son attention. Un vendredi dingue, dingue, dingue de Gary Nelson et La Petite Fille au bout du chemin de Nicolas Gessner étaient mes deux films préférés de Jodie. Sinon, il y a aussi Carrie de De Palma. Carrie était rousse ; j’étais roux. Elle vivait dans un environnement brutal, douloureux ; et moi j’étais dans le placard. Sa rage résonnait pas mal en moi.
:
Le film que tu materais à trois heures du mat’, une nuit d’insomnie ? Quand j’étais petit, je vivais dans une ferme. On n’avait que trois chaînes de télé. Le week-end, la nuit, je zappais au hasard, je restais éveillé jusqu’à cinq heures du matin. Je regardais des films comme The King of Marvin Gardens de Bob Rafelson, des films qui m’ont permis de me rendre compte qu’il existait un cinéma mainstream plus intéressant, plus expérimental. Trois raisons de lire Porn Diaries, ton nouveau bouquin ? Il est à la fois divertissant, sincère et incendiaire. Je reviens sur la manière dont je suis entré dans l’industrie du porno. D’une certaine manière, mon producteur Jürgen Brüning et moi avons été les pionniers d’un porno queer, féministe et politiquement engagé, qui est aujourd’hui assez répandu.
Le film que tu as vu trois fois, ou plus ? Intérieurs de Woody Allen. Je ne m’en lasserai jamais. J’ai trois sœurs, comme dans le film, donc il m’intéresse déjà pour ça. Ensuite, j’ai toujours été fasciné par son atmosphère extrêmement pesante. Les trois films les plus provocateurs, selon toi ? Déjà il y a Salò ou les 120 journées de Sodome de Pasolini – inutile d’expliquer pourquoi. Ensuite, j’adore La Luna de Bertolucci. Ça parle d’une façon très poétique d’un inceste entre une mère et son fils. Et j’aime beaucoup aussi À la recherche de Mr. Goodbar de Richard Brooks. La sexualité est une dimension essentielle de la vie de la protagoniste, qui n’a aucun code moral. C’est inhabituel de voir ce genre de personnage, bien qu’il soit horriblement puni à la fin.
• PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET (AVEC ALRICK MAGNIN)
— « Porn Diaries. How to Succeed in Hardcore Without Really Trying » de Bruce LaBruce (éditions Moustache, non traduit)
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LES FILMS DU WORSO PRÉSENTE
APRÈS L’INCONNU DU LAC LE NOUVEAU FILM D’ALAIN GUIRAUDIE
RESTER VERTICAL
DAMIEN BONNARD
INDIA HAIR
RAPHAËL THIÉRY
CHRISTIAN BOUILLETTE BASILE MEILLEURAT LAURE CALAMY SÉBASTIEN NOVAC
LE 24 AOÛT
SCÈNE CULTE
© D. R.
« Ici, on ne joue pas à la parlante. » Après
le récit d’anticipation. Silent Running brille ainsi par la présence de séquences digressives – voire inutiles à l’action – qui frappent par leur charge émotionnelle. Comme celle dans laquelle le héros joue au poker avec ses amis robots, qu’il vient de programmer pour l’occasion. Le montage alterne les plans serrés sur les joueurs, mettant sur un pied d’égalité les fanfaronnades de l’humain et les réactions mécanisées mais inattendues des drones. Peinant d’abord à intégrer les règles, ceux-ci émettent des sons qui, faute d’être compris, sont perçus par Lowell comme une tentative de tricherie. « Ici, on ne joue pas à la parlante », s’agace-t-il, avant de perdre la partie et d’être pris d’un fou rire. Une scène absurde et attachante qui dénote toute l’originalité du film. • MICHAËL PATIN
un désastre environnemental, Freeman Lowell (Bruce Dern) dirige une équipe chargée de conserver les restes de la biosphère sous des dômes fixés à un vaisseau spatial. Il se passionne pour sa mission, jusqu’au jour où ses supérieurs décident d’y mettre fin… En visionnant Silent Running quarante-quatre ans après sa sortie, on ne peut que constater combien le champ de la science-fiction au cinéma s’est depuis réduit et formaté. En 1972 en tout cas, un spécialiste précoce des effets spéciaux (Douglas Trumbull, connu pour son travail sur 2001 : l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick) pouvait se permettre de réaliser un conte d’anticipation écologique avec un seul acteur principal, des décors et des costumes bricolés, des plans contemplatifs sur un vaisseau pris dans les anneaux de Saturne, des chansons babas cool de Joan Baez et des robots gentils joués par des acteurs, dont le plus proche descendant serait Wall-E. Malgré ses imperfections, le film conserve un charme tenace pour qui accepte de laisser entrer la poésie et l’ambiguïté dans
— : de Douglas Trumbull (1 h 29) en DVD (Wild Side)
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© D. R.
POPCORN
SILENT RUNNING
C’EST ARRIVÉ DEMAIN
2080 L’ANNÉE OÙ POPCORN
MATCHS ET FILMS N’ONT FAIT QU’UN En
direct de l’avenir, retour sur ce qui a assuré la survie et la pérennité des salles de cinéma jusqu’à ce jour. L’annualisation de la Coupe du monde et la semestrialisation de l’Euro avaient multiplié par quarante-trois le nombre de matchs de foot diffusés chaque mois sur les réseaux. Vidés par cette concurrence, les cinémas trouvèrent leur salut dans les casques de réalité virtuelle. On avait retiré l’écran, superflu. Chaque spectateur portait une paire de grosses lunettes opaques dotées d’écouteurs grâce à laquelle il profitait du film. Il pouvait choisir la V.O. ou la VF, avec ou sans 3D. Tout le monde était content, même le cinéphile le plus exigeant, qui pouvait s’extasier sur ses 90 minutes passées dans le noir et dans un silence absolu alors que son casque était en fait débranché. Certaines
REWIND
expérimentations avaient excité les foules, comme celle qui consistait à décaler le visionnage du film de quelques minutes selon le placement dans la salle – le public du premier rang (les places les plus chères) regardait la fin des films vingt minutes avant celui du dernier rang. Il ne se privait malheureusement pas de spoiler à haute voix… La grande idée avait été de laisser le choix au spectateur entre le film et le match de foot du moment. Les membres d’une même famille partageaient ainsi un instant privilégié, se tombant dans les bras à la fin de la séance, casque contre casque, sous le coup d’une même émotion. Et peu importait que ce fut à cause d’une intense séance de tirs au but ou d’une histoire d’amour à l’issue dévastatrice. • CHRIS BENEY ILLUSTRATION : SIMON LANDREIN
L’ÉTÉ 1986 AU CINÉMA Trois films qui cherchent le réel à tout prix sortent en salles. Pour Le Rayon vert, Éric Rohmer veut que ce phénomène rare ne soit pas reconstitué. Il ira donc aux Canaries en choper un. Dennis Hopper, qui a expérimenté pas mal de drogues, suggère à David Lynch que son personnage dans Blue Velvet prenne du nitrite d’amyle plutôt que de l’hélium. Jackie Chan, réputé pour réaliser lui-même ses cascades, fait une chute de dix mètres pendant le tournage de Mister Dynamite qui lui vaut six mois d’hosto. • Q. G.
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CRÉDITS NON CONTRACTUELS © CARACTÈRES
UN FILM DE
PAN NALIN
LE 27 JUILLET
www.arpselection.com www.lecinemaquejaime.com
POINTS DE VUE
VU
POPCORN
FESTIVAL CÔTÉ COURT Mi-juin, le festival de courts métrages de Pantin livrait son abondante fournée annuelle (plus de deux cent trente films projetés sur dix jours). Cette 25e édition a été marquée par le motif de l’isolement dans la nature, dans des films souvent inquiets. C’est le cas du Grand prix, le post-apocalyptique Opium de Pablo Dury, qui observe la survie d’un groupe d’hommes dans une station balnéaire désaffectée alors que la nature est soudainement devenue silencieuse. Un peu scolaire, on lui a préféré Le Gouffre de Vincent Le Port, subjuguant Prix du groupement national des cinémas de recherche, un conte parfois terrifiant mais jamais cruel sur une jeune gardienne de camping en bord de mer à la recherche d’une petite fille sourde égarée dans la campagne environnante. Une autre investigation rurale a retenu notre attention : Les Ronds-points de l’hiver (voir photo) réalisé par deux anciens journalistes de ce magazine, Laura Tuillier et Louis Séguin. Soit l’enquête tranquille, dans une petite ville de l’Yonne, d’un policier parisien (Stanislas Mehrar) et d’un gendarme du cru (Serge Bozon) sur un meurtre, et leur rencontre avec une jeune femme troublante (Lola Créton), esseulée dans une maison de campagne. Des mystères dans des cadres champêtres… Une certaine idée du bonheur. • TIMÉ ZOPPÉ
BIEN VU
DÉJÀ VU
STREAMING
INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
Pensé comme une salle de cinéma en ligne, Le CiNéMa Club propose, chaque semaine, de voir ou revoir gratuitement des courts et moyens métrages (documentaires et fictions) de jeunes talents ou de cinéastes confirmés. Cet été, ne loupez pas The Acquaintances of a Lonely John de Benny Safdie et John’s Gone, coréalisé avec son frère, Josh (Mad Love in New York), ainsi qu’Un monde sans femmes de Guillaume Brac, avec Vincent Macaigne. • OLIVIER MARLAS
Début mai, plusieurs médias ont présenté le court métrage Sunspring, réalisé par Oscar Shap et visible sur Internet, comme le premier film scénarisé par un ordinateur. C’était oublier Do You Love Me (2013), un film incompréhensible de trois minutes mis en scène par Chris R. Wilson et coécrit avec une intelligence artificielle. Depuis, les robots ne sont pas devenus de brillantes plumes : Sunspring n’a, lui non plus, aucun sens. • OLIVIER MARLAS
: www.lecinemaclub.com
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APRÈS UNE SECONDE MÈRE, L’HISTOIRE VRAIE QUI A ÉMU LE BRÉSIL.
‘ FAMILLE ’ D’UNE
A
LAUTRE UN FILM DE ANNA MUYLAERT
DEZENOVE SOM E IMAGENS, ÁFRICA FILMES ET CANAL BRASIL PRESENTENT D’UNE FAMILLE A L’AUTRE (DON’T CALL ME SON) UN FILM DE ANNA MUYLAERT AVEC MATHEUS NACHTERGAELE DANI NEFUSSI NAOMI NERO DANIEL BOTELHO LUCIANA PAES HELENA ALBERGARIA JUNE DANTAS RENE GUERRA RENAN TENCA LUCIANO BORTOLUZZI PRODUIT PAR SARA SILVEIRA MARIA IONESCU ANNA MUYLAERT ECRIT PAR ANNA MUYLAERT CONSEIL MARCELO CAETANO IMAGE BÁRBARA ALVAREZ DECORS THALES JUNQUEIRA CASTING PATRICIA FARIA RENE GUERRA MONTAGE HÉLIO VILLELA NUNES SON GABRIELA CUNHA MIRIAM BIDERMAN RICARDO REIS MIXAGE PAULO GAMA ASSISTANTS REALISATEUR LEONARDO ROCHA ZOE GUGLIELMONI MUSIQUE ORIGINALE MARAVILHA 8 BERNARD CEPPAS
AU CINÉMA
LE 20 JUILLET
LA NOUVELLE
POPCORN
OULAYA AMAMRA
— : « Divines » d’Houda Benyamina Diaphana (1 h 45) Sortie le 31 août
—
Elle
irradie dans Divines, premier long métrage de sa grande sœur Houda Benyamina, en ado mue par la rage de réussir. Si son abord est bien plus doux, Oulaya Amamra, 20 ans, partage avec son personnage un regard tour à tour rieur et intense et une fiévreuse ambition. Comme lui, elle a grandi en banlieue, à Viry-Châtillon. « On habite dans une cité, mais mes parents ne m’ont pas laissée traîner en bas. J’ai été dans un lycée privé catholique, j’ai fait de la natation, de la danse classique et de la couture. » Si sa sœur l’a dirigée dans des courts métrages, Oulaya a dû batailler pour la convaincre de la choisir pour Divines : jugée « trop délicate », elle a creusé son « côté rugueux » en se mettant à la boxe, à la muscu et au parkour. Nouvelle recrue du Conservatoire, elle vise la Comédie-Française. « J’aime la rigueur du théâtre, qu’on ne puisse pas tricher. » Rigueur et longueur de temps font plus que force ni que rage. • TIMÉ ZOPPÉ — PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINÉDA 24
L’ILLUMINÉE
POPCORN
INÈS LONGEVIAL
Illustratrice
française de 25 ans, Inès Longevial a répondu à la carte blanche offerte par TROISCOULEURS avec cette réinterprétation en peinture de la rencontre entre l’agent secret (Sean Connery) et l’incandescente Honey Rider (Ursula Andress) dans James Bond OO7 contre Dr. No (Terrence Young, 1962). « L’été, en famille, regarder James Bond était une tradition. J’ai gardé en mémoire la gamme de couleurs très forte de cette scène dans laquelle Ursula Andress sort de l’eau. » • (INSTAGRAM : @INESLONGEVIAL) 26
“UN BALLET VISUEL D’UNE GRÂCE À COUPER LE SOUFFLE” VA N I TY FA I R
FALAB RACK S
E N CO P R O DU CT IO N AV E C
L’O P É R A N ATI O N A L D E PAR IS
E T AVE C LA PA RT I C I PAT I O N D E
CANAL+
P RÉ S E N T E N T
OPÉRA NATIONAL DE PARIS
BENJAMIN MILLEPIED
RELÈVE H I S TO I R E D ’ U N E C R É AT I O N U N
FIL M
DE
PH OTO : E M M A N UE L GU I ON E T / FAL A B R AC K S
TH I E RRY DE M A I ZI ÈRE E T A L B A N T E U R L A I
UNE COPRODUCTION FALABRACKS, OPÉRA NATIONAL DE U N FIL M DE
PARIS AVEC LA PARTICIPATION DE CANAL + DU CENTRE NATIONAL DE LA CINÉMATOGRAPHIE ET DE LA PROCIREP ANGOA THIERRY DEMAIZIÈRE E T ALB AN TEU RLAI PRO D U CT RI C E STÉP HAN I E SCHO RTER M U S I QU E O R I G I N AL E AV I A / E D I T I ON S FA L A B R AC K S I M AG ES A L B A N T E UR L A I GUIONET, CÉSAR M AM O U DY, F RÉD ÉRI C CO M M AU LT, M ATTHI EU TI B I M O N TAG E A L I C E MOI N E ET A L B A N T E UR L A I ETALO N N AG E MAT H I E U CA P L A N N E CO PY RI GHT FALAB RACKS / O P ÉRA NAT I ON A L D E PA R I S
S O N EMMANUEL
AU C I N É M A L E 7 SEPT EMBRE
TRONCHES ET TRANCHES DE CINÉMA
BOBINES
ALAIN GUIRAUDIE
LOUP, Y ES-TU ?
Après L’Inconnu du lac, son thriller exhibo et jubilatoire, l’espiègle Alain Guiraudie revient avec un conte délirant, Rester Vertical. Le réalisateur albigeois y suit Léo (Damien Bonnard), un scénariste qui cherche le loup sur un causse lozérien. À travers les pérégrinations sexuelles de son héros avec une bergère (India Hair), le père de cette dernière ou un vieillard solitaire, Guiraudie offre un concentré tourmenté de ses obsessions : la paternité, la précarité, la gérontophilie et la peur de la page blanche… Rencontre. 32
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FACE À FACE
Léo est un cinéaste sans cesse à court d’argent. Ça sent un peu le vécu, non ? Dans mes films, je parle toujours beaucoup de moi. Entre deux films, je suis libre comme l’air. Mais, en même temps, il faut faire gaffe à ne pas tomber dans la précarité. Ça peut m’arriver, comme Léo, d’appeler mon producteur pour qu’il me fasse un chèque… Je voulais évoquer le moment de bascule où la liberté se transforme en précarité. À travers les tâtonnements de Léo, qui n’arrive pas à écrire son scénario, le film distille une certaine inquiétude relative à la création. Plus j’avance, plus je doute. Quand j’étais jeune cinéaste, à l’époque de Du Soleil pour les gueux ou de Ce Vieux rêve qui bouge,
j’écrivais le scénario en hiver, je préparais le film au printemps et je tournais en été. En général, j’avais seulement une petite aide de la région, mais je faisais avec, je bouclais le financement avec mon propre argent. C’était un vrai geste, quoi. Maintenant, avant d’entamer un long métrage, je consulte des producteurs, des proches, pour savoir si ça vaut vraiment le coup. Léo est en errance, il ne sait jamais où se poser : il déambule entre un causse lozérien, Brest, et le Marais poitevin. Après L’Inconnu du lac, qui se déroulait dans un lieu unique, dans les fourrés près d’un lac, vous aviez envie d’une géographie plus éclatée ? Je voulais que le film soit proche de l’œuvre de David Lynch, avec une narration plus onirique dans laquelle l’espace-temps est incertain. C’est à ça que me sert le cinéma : à déplacer mon quotidien dans une autre dimension. Je fais aussi des films pour être dans des lieux que j’aime. Ces trois endroits 33
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tracent une diagonale que j’emprunte régulièrement en voiture. J’ai l’impression qu’on n’a pas l’habitude de les voir au cinéma. J’ai choisi le Marais poitevin pour son côté bayou ; Brest pour ses belles perspectives ; quant au causse, il me plaisait pour son ampleur mythique, on dirait un paysage de western. On est en France, mais on n’a pas l’impression d’y être. Durant tout le film, une menace plane dangereusement, celle des loups qui déciment les brebis. Cette figure renvoie, comme souvent dans votre cinéma, au folklore du conte, tout en concentrant une dimension plus politique. La base du film, c’est une question indémerdable à laquelle j’ai été confronté en discutant avec des éleveurs drômois. Pour eux qui ont subi des attaques de loups, il ne faut pas que les meutes se développent. Et, en même temps, s’il n’y avait plus de loups en France, moi, ça me poserait problème. J’aime l’idée qu’il y ait des loups à l’état sauvage. C’est un problème inextricable, qui me passionne tellement que j’ai failli en faire un documentaire. Finalement, la fiction m’a permis de fouiller dans des recoins plus existentiels : le loup
Dans L’Inconnu du lac, vous filmiez le sexe de façon pas farouche. Dans Rester Vertical, c’est la naissance et la mort que vous montrez frontalement. Il y a d’abord la séquence de l’accouchement en gros plan. Puis cette scène pendant laquelle Léo sodomise le vieux Marcel tout en l’euthanasiant. Comment avez-vous pensé ces deux séquences très crues ? J’avais envie d’affronter mes peurs dans ce film : la peur du loup, du sexe de la femme, des nouveau-nés, de la mort… J’ai pensé ces deux scènes de sorte que la naissance soit organique, en plan très serré ; tandis que le suicide assisté devait être lyrique, en plan large. En ce qui concerne l’accouchement, j’étais intéressé par l’aspect monstrueux du bébé qui sort du ventre. On dirait un alien, ou une espèce de larve – c’est tout bleu, inanimé… Pour la mort du vieux, je ne me suis pas soucié du caractère pornographique de la scène, mais de rendre beau ce qui aurait pu être glauque. Je voulais aller contre ce qu’on peut voir dans des films comme Quelques heures de printemps (2012) de Stéphane Brizé : une vieille personne condamnée par la maladie à qui l’on fait une injection létale et qui meurt toute seule dans son coin. J’aime bien l’idée que, jusqu’au bout, on a envie d’amour et de sexe.
« J’aime bien l’idée que, jusqu’au bout, on a envie d’amour et de sexe. » souhaite-t-il seulement vivre en paix, ou nous veut-il du mal ? Je crois vraiment à cette nécessité de rester vertical, debout : c’est important de résister face au loup, et même peut-être de s’en faire un ami. Léo rencontre une bergère, avec laquelle il a un enfant, mais qui les abandonne tous les deux. À quoi tient ce rapport anxieux à la paternité ? C’est un film sur l’altérité, et le bébé, c’est l’autre suprême, celui auquel on ne comprend rien et avec lequel on est en empathie totale. Et puis, après tous les débats qu’on a entendus récemment sur la théorie du genre, ça me plaisait de montrer un mec qui trouve ça pas mal de se retrouver seul avec son bébé. Elle part de son plein gré, mais c’est quand même lui qui la fout un peu dehors.
Le vieil homme écoute Pink Floyd à longueur de journée, comme s’il était resté bloqué dans les années 1970. C’est une période qui vous tient à cœur ? Oui, je suis né en 1964, donc ce sont les années de ma formation culturelle. Je me dis qu’un jour je pourrais être ce vieux qui vit au bord de la route et qui écoute Pink Floyd, Deep Purple, les Doors… Politiquement, aussi, je me sens vraiment un enfant de Mai 68, de la lutte du Larzac [mouvement de désobéissance civile pacifique contre l’agrandissement d’un camp militaire sur le causse du Larzac, qui dura de 1971 à 1981, ndlr]… J’ai surtout la nostalgie de mon enfance. Dans le film, il y en a des traces : quand Léo dort avec l’agneau dans la bergerie, ce sont de vieux souvenirs. Je suis né à la campagne, dans une famille
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DAMIEN BONNARD AU FIL DE L’EAU « Mon personnage a des tas d’horizons qui s’ouvrent à lui, il cherche la plus belle vague. » Tout à la fois drôle et inquiet, Damien Bonnard, 37 ans, incarne un cinéaste inconstant dans Rester Vertical. Lui aussi a pas mal papillonné. Originaire de Chalon-sur-Saône, il quitte l’école à 16 ans avant de faire les Beaux-Arts à Nîmes puis à Bruxelles. « C’est un moment où je me suis cherché », dit-il. Pendant dix ans, il multiplie les petits boulots : maçon, assistant d’artistes… Sans attache, il voyage : au Canada, il passe un an à pêcher… C’est en travaillant comme coursier pour des boîtes de production à Paris qu’il a l’idée de passer des castings. On a depuis croisé son air lunaire dans Mercuriales de Virgil Vernier, et on le verra bientôt brièvement dans Dunkirk, le nouveau Christopher Nolan, mais surtout dans 9 doigts de F. J. Ossang, actuellement en tournage. « On va tourner sur un cargo en pleine mer. » Qu’il soit sur un rafiot chez Ossang, ou en barque chez Guiraudie, Damien Bonnard aime voguer au hasard pour découvrir de nouveaux territoires. • Q. G.
d’agriculteurs. Il arrivait qu’on dorme dans l’étable, pour ne pas laisser les vaches toutes seules. C’était vachement bien. On pourrait interpréter l’attraction de Léo pour Jean-Louis, le vieil et rustre agriculteur, qui est aussi le père de la bergère, comme une envie de se rapprocher intimement du monde de la paysannerie traditionnelle, qui tend à disparaître… Oui, j’ai une grande tendresse pour les paysans, les ouvriers, les vieux. En filmant le personnage de Jean-Louis, j’avais vraiment l’impression de parler d’un monde pratiquement perdu. Cette agriculture où on
prend le temps d’amener les brebis au champ, je ne sais pas combien de temps ça va durer… Et puis il faut péter la gueule à cette idée que la sensualité, la sexualité ou l’homosexualité ne concernent que des jeunes gens bien foutus qui vivent en ville. Pour moi, c’est un vrai enjeu politique. • PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET PHOTOGRAPHIE : VINCENT DESAILLY
— : « Rester Vertical » d’Alain Guiraudie
Les Films du Losange (1 h 40) Sortie le 24 août
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© EMANUELLE JACOBSON-ROQUES
FACE À FACE
KAZUHIRO TSUJI
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SANS FARD
Kazuhiro Tsuji et sa sculpture d’Abraham Lincoln
De Men in Black (Barry Sonnenfeld, 1997) à La Planète des singes (Tim Burton, 2001), le prodige des effets spéciaux de maquillage Kazuhiro Tsuji fut une étoile filante qui éblouit le grand écran avec des œuvres d’une perfection et d’un raffinement sans équivalent. Pourtant, le Japonais n’a aujourd’hui que du mépris pour sa carrière cinématographique.
Le
soir du 25 mars 2001, alors qu’il reçoit l’Oscar des effets spéciaux pour Le Grinch, (Ron Howard, 2000), la star des trucages Rick Baker intronise Kazuhiro Tsuji auprès du tout Hollywood : « Si je ne devais remercier qu’une seule personne, déclare-t-il à la tribune, ce serait Kazuhiro Tsuji […] Il mériterait d’être ici, à mes côtés. » En coulisses, Tsuji, qui a conçu et posé la plupart des maquillages prosthétiques (maquillages nécessitant la fabrication de prothèses) du film, a pourtant déjà commencé à déchanter sur l’industrie du cinéma. « Le Grinch est l’un des plus mauvais souvenirs de ma vie, se souvient-il, et Jim Carrey est la personne la plus odieuse que j’ai rencontrée. » Quinze ans plus tôt, le jeune Japonais ne rêvait pourtant que de Hollywood. Bien qu’élevé au pays
de Godzilla, il qualifie les trucages de ses compatriotes d’« embarrassants » et n’a d’yeux que pour les images produites de l’autre côté du Pacifique.
L’ENVERS DU DÉCOR
« Quand j’ai vu La Guerre des étoiles, j’ai su que je voulais travailler dans les effets spéciaux. » Mais celui qu’il vénère plus que tout, c’est Dick Smith, le père fondateur des trucages modernes, auteur du vieillissement de Marlon Brando dans les deux premiers volets du Parrain, ou de la possession de Regan dans L’Exorciste. Tsuji achète à prix d’or le magazine américain Fangoria dans les boutiques spécialisées de Kyōto pour y découvrir les derniers exploits de son idole. Et c’est au bas de l’une de ces pages qu’il aperçoit un beau jour l’adresse de Dick Smith. 36
satisfaisant. » Car Tsuji le perfectionniste est rongé par la frustration. « Je n’ai rien fait d’estimable pour le cinéma », juge-t-il aujourd’hui. Et puis, le 30 juillet 2012, son mentor Dick Smith décède. « Dick était comme un père pour moi. Dans nos ultimes discussions, j’ai compris que les gens qui ont passé leur vie à travailler pour le cinéma n’étaient jamais épanouis. Pour moi, c’est comme si tout l’art des maquillages d’effets spéciaux s’était éteint avec Dick Smith. »
L’ADIEU AU CINÉMA
Depuis ce décès, la vie de Tsuji se déroule loin des plateaux de tournage. Il transmet tout d’abord son savoir dans les écoles. C’est dans ce cadre que nous l’avons rencontré, en mars dernier, alors qu’il éblouissait des élèves en vieillissant un jeune cobaye à l’institut Make Up For Ever à Saint-Denis. Mais surtout, les galeries d’art s’arrachent ses œuvres, des bustes hyperréalistes et surdimensionnés de personnalités. Un changement de vie radicale dont Tsuji continue de se féliciter : « Quand je travaillais pour le cinéma, je ne faisais qu’attendre : attendre qu’on m’embauche ou que le film se fasse… Aujourd’hui, en tant qu’artiste, je suis enfin le moteur de ma vie. » • JULIEN DUPUY
« Je n’ai rien fait d’estimable pour le cinéma. »
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« Je lui ai envoyé des photos d’un maquillage de Lincoln que je m’étais appliqué, avec une lettre dans laquelle je lui demandais conseil. Dix jours plus tard, je recevais une longue réponse. » S’ensuit un échange épistolaire au cours duquel Tsuji progresse à grands pas, tandis que Dick Smith chante les louanges du Japonais auprès de ses confrères américains. Tant et si bien que Tsuji est sollicité pour travailler dans le saint des saints : la compagnie Cinovation de Rick Baker. Un film plus tard – Men in Black –, Kazuhiro Tsuji devient le bras droit de Baker, pour qui il conçoit surtout des trucages réalistes d’une authenticité troublante. Son travail, comme les vieillissements d’Adam Sandler dans Click. Télécommandez votre vie (Frank Coraci, 2006), ou les métamorphoses d’Eddie Murphy dans Norbit (Brian Robbins, 2007), impose de nouveaux standards dans le milieu. Et même quand les effets spéciaux physiques sont noyés dans le raz-de-marée des technologies numériques, Tsuji continue de briller. Ainsi, c’est lui qui conçoit le personnage vieux de Brad Pitt de L’Étrange Histoire de Benjamin Button (David Fincher, 2009). « Avec Akira Kurosawa, pour qui j’ai aussi travaillé, David Fincher est le seul cinéaste qui possède un niveau d’exigence
© KAZUHIRO TSUJI STUDIOS
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LE PROFESSIONNEL
Sur le tournage de La Planète des singes de Tim Burton (2001)
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TONI ERDMANN
Maren Ade
SÉRIEUSEM
Affublé d’une perruque et d’un dentier, Winfried s’infiltre sous la fausse identité de Toni Erdmann dans le quotidien de sa fille, consultante à Bucarest glaciale et carriériste. Avec Everyone Else (2010), autopsie d’un jeune couple en Sardaigne, Maren Ade surprenait par la maturité de son écriture. Elle signe ici une tragi-comédie d’une ampleur ahurissante, à la fois désopilante et bouleversante. Satire d’un monde déshumanisé, comédie de burn-out, jeu de rôle existentiel : la réalisatrice allemande prend dans ce film bipolaire le rire très au sérieux.
Vous vous êtes inspirée de votre propre père pour écrire le film ? Oui, un peu. Il fait beaucoup de blagues aussi, il a un sacré répertoire. Je lui ai offert, il y a quelques années, un faux dentier qu’il portait en public, comme si de rien n’était, avec beaucoup de sang-froid ;
les gens ne savaient pas trop comment réagir… J’avais surtout envie de faire un film sur la cellule familiale : tout est ritualisé, chacun y a un rôle précis et figé, mais personne ne se reconnaît vraiment dans son étiquette. Du coup, j’ai pensé que ce serait intéressant de faire une sorte de jeu de rôle dans une famille, que deux personnes qui se connaissent, ou pensent se connaître très bien, recommencent tout depuis le début. Au-delà du jeu de rôle lancé par Winfried (Peter Simonischek), qui se fait passer auprès
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MENT DRÔLE
travaillent dans le conseil, le pétrole… Et puis, comme je suis mon propre producteur [Maren Ade a fondé la société de production Komplizen Film avec Janine Jackowski en 2000, ndlr], je peux me permettre de prendre plus de temps si je sens que j’en ai besoin, y compris pour le tournage. C’est un vrai luxe.
des collègues d’Inès (Sandra Hüller) pour Toni Erdmann, coach de vie ou ambassadeur d’Allemagne selon les jours, on peut parler d’un échange de rôles entre le père et la fille : lui joue l’enfant farceur et irresponsable, et elle, l’adulte raisonnable et désabusée. L’objectif de Winfried est ambigu : en devenant Toni, il cherche à se rapprocher de sa fille, mais c’est aussi une manière de se décharger de son rôle de père, de dire ce qu’il veut. D’ailleurs, elle ne sait pas bien s’il agit en ami ou en ennemi. Les rôles se sont inversés entre eux : il était son héros quand elle était enfant, mais maintenant elle considère qu’il est à la masse, avec sa vision du monde naïvement humaniste. Sept ans se sont écoulés depuis votre dernier film, Everyone Else. Pourquoi tant de temps ? J’ai eu deux enfants, et la préparation du film a été très longue – j’ai passé deux ans sur l’écriture. J’ai dû faire beaucoup de recherches, car c’est un univers très éloigné du mien. J’ai été en Roumanie, j’ai rencontré plusieurs femmes d’affaires, des gens qui
Durant ces années, vous avez aussi travaillé sur d’autres projets en tant que productrice, notamment sur les films de Miguel Gomes, Tabou et Les Mille et Une Nuits. Qu’est-ce qui vous intéresse dans ce travail ? Déjà c’est un soulagement, parce que je ne suis pas capable de faire un film tous les deux ans, je n’ai pas tant de choses à dire aussi vite. Et puis chaque réalisateur travaille différemment, c’est très intéressant et inspirant à observer. J’admire beaucoup le travail de Miguel, notamment sa manière de créer un univers très réaliste et de savoir s’en défaire pour aller vers des moments de cinéma pur. Il n’a pas peur de l’émotion, de flirter avec le kitsch, c’est courageux. Il a lu le scénario de Toni Erdmann, et son avis a 41
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TONI ERDMANN été très précieux. Il m’a mise en alerte sur certains enjeux délicats, comme l’équilibre à trouver entre l’humour et l’émotion. Il m’a aussi conseillée pour les cheveux de Toni ! J’ai également pu compter sur un autre réalisateur dont j’aime beaucoup les films, Corneliu Porumboiu, qui est un bon ami et qui m’a aidée à rencontrer des gens en Roumanie. Il a beaucoup d’humour et est très analytique. C’est fou comme les bons réalisateurs captent vite les points faibles. Après deux premiers longs métrages très intimistes, cette fois, vous donnez beaucoup d’importance au contexte social. Inès travaille dans une entreprise de conseil qui élabore des plans de restructuration pour la filiale roumaine d’un groupe de pétrole, en procédant à des délocalisations et des licenciements massifs. Pourquoi avoir choisi d’ancrer cette fable qui dénonce l’absurdité d’un monde globalisé et déshumanisé en Roumanie ? J’aime beaucoup ce pays, et le cinéma roumain aussi. Et puis l’Allemagne et la Roumanie sont très liées en matière de commerce, beaucoup de gens parlent l’allemand à Bucarest, donc c’était cohérent. À la chute du communisme, l’Allemagne, tout comme l’Autriche ou la France d’ailleurs, a pris sa part du gâteau dans la région. Il y a un parallèle intéressant entre cette boîte de consulting allemande qui débarque en Roumanie pour expliquer comment restructurer une entreprise et le rapport de supériorité qu’a Inès avec les gens, avec son assistante par exemple. Inès se dit non féministe, mais c’est une femme de pouvoir qui se bat pour avoir les mêmes responsabilités et la même reconnaissance que ses collègues masculins. Elle entretient un rapport de domination avec l’un d’eux avec qui elle couche et qu’elle soumet à de drôles de fantasmes… Diriez-vous qu’elle est néoféministe ? Oui, on peut dire ça ! Comme beaucoup
Sandra Hüller et Peter Simonischek
de femmes de ma génération, elle pense que le féminisme est dépassé, que c’est un vieux truc des années 1960, du moins sous cette acception-là. Au cours du film, elle réalise qu’elle en accepte trop en tant que femme, qu’elle n’a pas à aller faire du shopping avec la femme de son client, et qu’elle ne fait pas complètement partie du cercle des hommes dans sa boîte, qu’ils peuvent la lâcher. Son père et Toni lui donneront le courage de partir travailler ailleurs. En visite avec Inès sur un champ pétrolifère, Winfried utilise les toilettes d’un fermier voisin. Il entre alors dans l’intimité et les entrailles
« Le rire vient beaucoup du drame, comme toujours dans les comédies. Enfin, les bonnes. » 42
de la « vraie » Roumanie. Comment avez-vous pensé cette scène ? Je tiens beaucoup à cette scène, et je me suis battue pour la tourner dans cet endroit précis que j’avais trouvé pendant les repérages. Alors qu’on visitait ce champ de pétrole, on a rencontré un homme qui nous a invités à rentrer chez lui. J’ai été marquée par notre réaction : on venait pour faire des repérages, connaître le pays, et une fois dans cette maison, qui était plus vétuste que ce qu’on avait pu voir jusqu’alors, on ne savait plus trop comment se comporter, on était un peu gênés. Dans cette scène, Winfried, qui contrairement à sa fille est un grand humaniste, est alors renvoyé à ses propres contradictions, à un sentiment dérangeant. Quels cinéastes savent vous faire rire ? Pour ce film, je me suis plus inspirée de comédiens que de réalisateurs, notamment d’Andy Kaufman [comédien de stand-up américain qui se produisait dans des clubs et des émissions de télé, célèbre pour brouiller la frontière entre réalité et fiction dans ses spectacles et autour de sa vie privée, décédé en 1984 à 35 ans, ndlr], que j’aime beaucoup. Il a créé de nombreux personnages, mon préféré étant Tony Clifton, un chanteur de piano-bar complètement outrancier, avec
un look improbable. J’ai passé des semaines sur Google à faire des recherches sur ce personnage qui m’a inspirée pour Toni. Dans l’Amérique des années 1970, Clifton insultait les femmes jusqu’à ce qu’elles le frappent, il les faisait sortir de leurs gonds en leur disant qu’elles n’étaient bonnes qu’à la cuisine. Il voulait faire naître une rage féministe en elles. Votre Toni a un sacré look lui aussi. Vous avez fait beaucoup d’essais avant de trouver la bonne perruque ? C’est drôle, parce qu’il porte finalement la vieille perruque que ma maquilleuse Monika Münnich avait dégotée à l’arrache le jour du casting. Entre temps on en a testé d’autres, pas moins de deux cents, de toutes les couleurs et toutes les formes, parce que cette perruque est encore plus affreuse en vrai qu’à l’écran. On avait opté pour quelque chose de plus réaliste, mais le jour du tournage Sandra m’a dit que les vieux cheveux pourris de Toni lui manquaient… À moi aussi ! Les acteurs sont au premier plan, on sent que leur jeu guide la caméra. L’acteur compte plus que le cadre ? Mon chef op ne serait pas content d’entendre ça ! C’est plus une question d’ordre que d’importance : on place les acteurs, puis la caméra s’adapte. Il y a un long travail de préparation pour la mise en scène : je fais beaucoup de répétitions en décors réels pour que les comédiens s’approprient l’espace et que le caméraman repère comment les suivre au mieux. Ensuite, on établit une sorte de chorégraphie. Vous êtes réputée pour être très exigeante avec vos acteurs et faire beaucoup de prises. Certaines scènes ont-elles été particulièrement difficiles à tourner ? C’est vrai que je fais généralement beaucoup de prises, surtout qu’avec le digital on peut tourner autant qu’on veut… Une scène compliquée à tourner, parce qu’il y avait beaucoup de pression, c’est celle où Toni Erdmann fait son apparition, dans le bar. On a fait une cinquantaine de prises. C’était une scène clé ; si elle ne fonctionnait pas, le film entier n’aurait pas fonctionné. Et puis c’est difficile pour un grand comédien comme Peter Simonischek de jouer un mauvais acteur, il ne devait être ni trop bon ni trop drôle… Une autre scène pivot du film, c’est celle du chant cathartique, pendant laquelle Inès interprète une chanson de Whitney Houston accompagnée par son père au piano. C’est un grand moment d’émotion, qui a
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Sandra Hüller et Peter Simonischek
« Dans la cellule familiale, chacun a un rôle figé, mais personne ne se reconnaît dans son étiquette. » écopé d’une standing ovation pendant la projection de presse à Cannes. On n’a pas pu la faire trop de fois pour ne pas abîmer la voix de Sandra, mais on a beaucoup travaillé en amont. On avait préparé une dizaine de versions différentes de la chanson. On en a tenté plusieurs qui ne fonctionnaient pas, qui étaient vraiment ennuyantes, et j’ai dit à Sandra de tenter la version « Vegas ». Elle en avait marre, c’était très éprouvant pour elle, donc elle a dit : « OK, mais c’est la dernière. » Elle était très tendue, mais elle s’est mise à chanter, et puis elle a eu les larmes aux yeux… C’était la bonne. Le rire est toujours à double tranchant, et, derrière ses postiches et ses blagues potaches, Toni a d’ailleurs un dessein très sérieux : sauver sa fille et réenchanter sa vie. Vous avez approché le film comme un drame ou comme une comédie ? C’est les deux à la fois, et le rire vient beaucoup du drame, comme toujours dans les comédies. Enfin, les bonnes. J’ai plutôt pensé le film comme une comédie, j’avais envie de jouer avec ce genre, même si c’est
très difficile et pas toujours drôle d’écrire une comédie, car il faut toujours veiller à ne rien sacrifier pour faire rire. Par exemple, la naked party [lors d’une fête entre collègues, Inès impose sur un coup de tête à ses invités de se mettre nus, comme elle, pour pouvoir entrer, ndlr], ce n’est pas drôle à la base : c’est un moment existentiel et très violent pour les personnages. Si j’avais cherché à être drôle, ça aurait biaisé les choses, j’aurais perdu l’essentiel, et personne n’aurait ri. Il faut toujours se placer du côté des personnages quand on écrit une comédie, pas du public. On ne peut pas tricher.
• PROPOS RECUEILLIS PAR RAPHAËLLE SIMON PHOTOGRAPHIE : PHILIPPE QUAISSE
— : « Toni Erdmann » de Maren Ade Haut et Court (2 h 42) Sortie le 17 août
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Grandiose dans le rôle d’une consultante autoritaire et débordée dont le quotidien est dynamité par l’irruption de son paternel, l’actrice Sandra Hüller raconte un tournage semé de doutes et d’une fébrilité fertile.
L’actrice
de 38 ans n’est pas du genre à tergiverser. « C’est une ligne droite qui m’a menée à ce métier », glisse-t-elle au téléphone. Originaire d’une petite ville de Thuringe, en Allemagne de l’Est, elle a débuté le théâtre au lycée, avant de rallier Berlin dès ses 18 ans pour intégrer une école de théâtre qui l’a vite propulsée sur les planches et sur les écrans – son premier long métrage, Requiem de Hans-Christian Schmid, lui a valu l’Ours d’argent de la meilleure actrice au Festival international du film de Berlin en 2006. Silhouette frêle et visage poupon, Sandra Hüller apporte une densité troublante à l’héroïne malaimable de Toni Erdmann, saisie à un point de bascule : alors qu’un moment clé se profile dans sa carrière, le burn-out la guette, bientôt précipité par la visite impromptue de son père. Un tressautement du sourcil, une contorsion disgracieuse pour
fermer une robe suffisent à fait sourdre, sous l’apparente froideur, les fêlures. Cette fébrilité s’est construite très concrètement sur le tournage. « Maren fait beaucoup de prises, jusqu’à cinquante, parfois sans raisons évidentes. Souvent, nous n’avions pas la moindre idée de ce qu’elle attendait de nous. C’était déstabilisant, mais aussi positif, parce que c’est toujours difficile de répondre à une attente. C’est bien plus beau de se contenter de jouer, d’être tout entier dans l’instant. » L’intensité et l’humour du film se nourrissent beaucoup des accidents créés par ce jeu en suspension, d’une justesse inouïe. Comme dans la scène centrale d’exutoire par le chant, elle aussi tournée plusieurs fois. « C’était difficile, il faisait très chaud, et tout le monde était épuisé. Bien sûr, c’est aussi ma propre colère qu’on sent dans cette scène… » Impressionnante libération par l’épuisement. • JULIETTE REITZER
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POINT DE SUSPENSION
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TONI ERDMANN
À L’EST,
DU RENOUVEAU BOBINES
Vous vous faites une image morose du cinéma allemand ? Toni Erdmann de Maren Ade la balaiera dans un éclat de rire tonitruant. Romanesque, fantasque et pourtant extrêmement précis sur notre époque, le film est le digne représentant de ce nouveau courant allemand qui dope la critique sociale à l’amour du genre. Décryptage d’un cinéma à la conquête du monde.
Thrillers
paranos et glacés chez Christoph Hochhäusler (L’imposteur en 2006, Les Amitiés invisibles en 2015) ; mélos flamboyants mêlant modernité et charme suranné chez Christian Petzold (Barbara en 2012, Phoenix en 2015) ; teen movie audacieux et graveleux chez David Wnendt (Wetlands en 2013)… À l’image de l’hilarant et névrosé Toni Erdmann de Maren
Ade, le cinéma allemand contemporain se réapproprie de façon délurée les codes du cinéma de genre, mais sans perdre ce qui a fait sa renommée : sa capacité à digérer des problématiques socioculturelles très nationales. « C’est le cinéma historique, notamment sur l’Allemagne pendant les différents conflits, qui s’exporte encore le mieux aujourd’hui », explique Mariette
Everyone Else de Maren Ade
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Victoria de Sebastian Schipper
Rissenbeek, directrice du German Films, un institut œuvrant pour la promotion du cinéma allemand à l’étranger. Le succès hors des frontières de films comme Goodbye Lenin! (Wolfgang Becker, 2003) ou La Vie des autres (Florian Henckel von Donnersmarck, 2007), ou la récente sortie en France du Labyrinthe du silence (Giulio Ricciarelli, 2015), témoignent de l’intérêt du public pour l’histoire complexe et douloureuse du pays. Rissenbeek poursuit : « Mais avec ces nouveaux cinéastes, le public étranger a aussi accès à une vision très contemporaine de l’Allemagne. » Hochhäusler utilise ainsi, dans Sous toi, la ville (2010), les codes du polar pour mieux raconter la mondialisation et les réseaux souterrains qui gangrènent son pays. Le parcours du héros dans Le Braqueur. La dernière course de Benjamin Heisenberg (2010) devient la métaphore à peine déguisée d’une jeunesse en colère qui se radicalise. Et, dans le Toni Erdmann de Maren Ade, le contexte de la crise économique sous-tend la crise de rire et de nerf.
© WHY NOT PRODUCTIONS
GERMAN WIN
Depuis l’émergence, au début des années 2000, des premiers films de Christoph Hochhäusler (Le Bois lacté), Maren Ade (The Forest for the Trees) et Christian Petzold (Contrôle d’identité), cette génération de « jeunes » cinéastes (nés pour la plupart dans les années 1970) est parfois rassemblée par la presse sous l’appellation d’« école de Berlin ». Si ces réalisateurs réfutent appartenir à un même mouvement et nient toute unité de style, leur capacité à faire cohabiter hyperréalisme de fond et recherche de forme tisse bien un lien entre leurs œuvres. Cette ambition, qui s’exporte depuis les années 2000 dans les plus grands
festivals, offre une nouvelle image du cinéma national – il fallait jusqu’alors remonter aux années 1970-1980 pour trouver avec Wim Wenders ou Rainer Werner Fassbinder des cinéastes allemands à l’aura mondiale – et crée une brèche salutaire pour une nouvelle génération d’auteurs comme Baran bo Odar (Who Am I. Aucun système n’est sûr, 2014) ou Tom Sommerlatte (Im Sommer wohnt er unten, 2015). Sortie en France l’été dernier, Victoria, épopée nocturne et noire en un seul plan-séquence, révèle aussi la capacité du nouveau cinéma allemand à conquérir le marché américain : tourné en anglais, le film a permis à son réalisateur Sebastian Schipper de voir son prochain projet, le thriller psychologique Undeniable, être produit par Darren Aronofsky. Capables de concilier exigences d’auteur et cinéma populaire, ces metteurs en scène pourraient bien devenir, à l’instar de leurs illustres aînés des années 1930 (Fritz Lang et Ernst Lubitsch en tête), les prochains rois de Hollywood. Vendu dans le monde entier après son triomphe cannois, et acheté par Sony pour sortir aux États-Unis, Toni Erdmann devrait ainsi, avec ses facéties et son grand cœur, propulser Maren Ade très haut. Après La Vie des Autres en 2007, un nouvel oscar en vue pour le cinéma allemand ? • RENAN CROS
BOBINES
© JOUR2FÊTE / VERSION ORIGINALE / CONDOR
EN COUVERTURE
Cette génération de « jeunes » cinéastes fait cohabiter hyperréalisme de fond et recherche de forme. 47
BOBINES
BERTRAND BONELLO
NUIT PARTOUT
Nocturama, qui suit un groupe de jeunes qui posent des bombes dans Paris, sidère par sa résonance avec les récents attentats. Pourtant, Bertrand Bonello a écrit son nouveau film bien avant les événements. Avec sa réflexion sur le mouvement, son onirisme sombre et ses personnages qui s’attaquent à des symboles du pouvoir et de la finance, le film, glaçant et viscéral, saisit l’angoisse d’une génération désabusée qui ne revendique rien mais espère un sursaut collectif. Rencontre avec un cinéaste préoccupé par son époque. 48
Vous avez commencé à travailler sur Nocturama il y a plusieurs années. J’ai eu l’idée du film pendant que je préparais L’Apollonide. Souvenirs de la maison close, en 2010. J’étais noyé dans mes costumes d’époque, je voulais passer à quelque chose de très contemporain. Je suis parti d’un ressenti : une tension, une sensation très forte que j’ai depuis longtemps quand je marche dans la rue. Et aussi l’envie de faire un film qui soit plutôt du côté de l’action. Pendant la conception de Nocturama, Paris a été frappé par plusieurs actes terroristes – l’attentat contre Charlie Hebdo et ceux du 13 novembre. Comment cela a-t-il affecté le projet ? Au moment de Charlie Hebdo, nous démarrions le financement du film. On a eu des conversations complexes, mais ça n’a pas démotivé les producteurs, ni 80 % des financiers qui, au contraire, voulaient encore plus que le film se fasse. Pour moi, ça a été extrêmement déstabilisant, mais ça n’a pas enlevé le désir. Le 13 novembre, j’avais un premier montage, le film était déjà là, même si on l’a retravaillé pendant deux ou trois mois. Le plus perturbant, ça a été certaines similitudes. Dans la semaine qui a suivi les attentats, on n’entendait plus que les sirènes et les hélicoptères dans Paris, exactement comme dans le film. Les portables jetés dans des poubelles, la simultanéité des attaques, ce sont aussi des choses qu’on retrouve aussi dans Nocturama. Après ça, impossible de travailler pendant
senti vos jeunes acteurs (Finnegan Oldfield, Manal Issa…) concernés par ce sujet ? J’avais à peu près le double de leur âge quand je l’ai écrit. À un moment, j’ai eu peur que ça soit un fantasme personnel et que ça ne leur parle pas. Et en fait, non, ça leur a semblé normal. C’était assez étrange… Et je ne parle pas des dix acteurs que j’ai retenus, mais de la plupart de ceux qui ont passé le casting. Dans le film, on est tout le temps du côté du groupe de jeunes, mais ni leur psychologie ni leurs motivations précises ne sont expliquées. Pourquoi suivre leur point de vue mais ne pas vous positionner ? J’ai la sensation qu’on n’en a pas vraiment besoin. Je n’avais pas du tout envie d’un film de discours, mais que ça passe surtout par l’action, par le geste. Nocturama ne déroule pas un programme. Quand on voit le monde tel qu’il est, on peut se dire, comme le personnage d’Adèle Haenel [une passante qui apparaît dans une scène et commente les explosions, ndlr], que « ça devait arriver ». Le risque, c’est qu’on ait de l’empathie pour des gens qui mettent des bombes. C’est vrai que c’est un film qui a une forme d’ambiguïté, mais je pense que c’est ça qui le rend humain. Difficile de ne pas faire le rapprochement entre Nocturama et Elephant (2003) de Gus Van Sant, qui témoignait lui aussi de l’atmosphère tendue d’une époque, de l’anxiété et du désarroi d’une génération. J’aime beaucoup le film de Gus Van Sant, mais je le trouve plus nihiliste que le mien. Dans Nocturama, le groupe est quand même animé par une espèce de conscience. L’Elephant original, d’Alan Clarke [un téléfilm britannique
« Le risque, c’est qu’on ait de l’empathie pour des gens qui mettent des bombes. » une semaine. À part le titre qui a changé – le projet s’appelait à l’époque Paris est une fête, mais ce titre d’un livre d’Ernest Hemingway est devenu une sorte de symbole après le 13 novembre –, je n’ai pas apporté de modifications au film après ce qui s’était passé. Je crois qu’il faut affirmer la fiction. Le sentiment de révolte des protagonistes contre le système, on devine que c’est d’abord le vôtre. Pendant la préparation, avez-vous
de 1989, ndlr], m’a beaucoup plus marqué. C’est un film hallucinant d’environ trente-cinq minutes, sur le thème de la guerre civile, que lui avait commandé la BBC. Dans chacune des dix-huit scènes du film, on suit une personne marchant dans la rue, encore et encore, et qui, à un moment, voit quelqu’un et le tue. Il m’a beaucoup inspiré sur l’état d’esprit et la concentration des gens qui marchent pour aller faire ce genre de choses.
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BOBINES
INTERVIEW
BOBINES
© WILD BUNCH
BERTRAND BONELLO
Comment avez-vous travaillé les deux énergies opposées du film : le mouvement, dans la première partie, essentiellement constitué par les trajets des personnages qui préparent leurs actions, et l’attente, dans la deuxième, alors qu’ils sont retranchés toute une nuit dans un grand magasin ? Pour la première, j’ai beaucoup réfléchi à la manière de rendre intéressant le fait de voir quelqu’un prendre le métro, comment travailler les tensions, les axes… J’ai encore plus préparé la mise en scène que pour mes autres films. J’avais très envie de montrer un ballet de gens isolés, et qu’après ils se retrouvent. Ce moment où ils arrivent dans le grand magasin, c’était pour moi le plus gros enjeu de mise en scène. Toujours recontextualiser les séquences, pour que les acteurs soient dans la bonne énergie, était le travail le plus difficile. C’est une génération que j’aime beaucoup, mais qui peut être un peu… (Il mime une posture avachie.) Il fallait toujours trouver la tension, y compris dans l’attente, dans le rien. Les héros s’animent souvent dans l’obscurité, comme des vampires ou des zombies… Ça donne à Nocturama un côté film de genre. Oui, c’est complètement assumé. Pour les scènes dans le métro, par exemple, ce ne sont pas des figurants mais de vrais voyageurs, et les Parisiens peuvent reconnaître leurs repères ; mais, tout à coup, quand il y a une nappe de synthé, ça ramène de la fiction et ça pousse vers le genre. J’essaye toujours de trouver un équilibre entre le réel, amené notamment par les comédiens, et la fiction. Certains effets de montage aussi, comme la
répétition de la même scène sous plusieurs angles, permettent d’exploser, de dilater au maximum le réel. Dans le magasin, il est beaucoup question de déguisements : certains personnages mettent des masques, se retrouvent face à des mannequins habillés exactement comme eux, l’un d’eux se travestit pour faire un numéro de cabaret… Dès que le groupe entre dans le grand magasin, la fille qui porte la tenue d’employée de la ville dit : « J’en ai marre » et prend un autre vêtement sur un portant. C’est un lieu de tous les possibles, un peu irréel. Tout le monde devient quelqu’un d’autre. Par deux fois, un personnage fait face à un mannequin vêtu comme lui. La première fois, c’est la possibilité de la consommation, le consumérisme. La deuxième, c’est la mort, la disparition de soi-même, qui peut être la conséquence du consumérisme absolu. Diriez-vous de votre film qu’il est politique ? (Il hésite longuement et sourit.) Je crois que c’est Godard qui affirmait qu’il ne faut pas faire de films politiques, mais qu’il faut faire politiquement des films.
• PROPOS RECUEILLIS PAR TIMÉ ZOPPÉ PHOTOGRAPHIE : VINCENT DESAILLY – : « Nocturama » de Bertrand Bonello Wild Bunch (2 h 10) Sortie le 31 août
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ZOOM ZOOM LES FILMS DU MOIS À LA LOUPE
Colonia de Florian Gallenberger Rezo Films (1 h 50) Page 74
Elvis & Nixon de Liza Johnson Warner Bros. (1 h 26) Page 74
Sparrows de Rúnar Rúnarsson ASC (1 h 39) Page 64
Independence Day. Resurgence de Roland Emmerich 20 th Century Fox (2 h) Page 73
Parenthèse de Bernard Tanguy Jour2fête (1 h 35) Page 74
Florence Foster Jenkins de Stephen Frears Pathé (1 h 50) Page 73
Man on High Heels. Le flic aux talons hauts de Jang Jin Zootrope Films (2 h 05) Page 65
Une nouvelle année d’Oksana Bychkova Norte (1 h 47) Page 74
La vie est belge de Vincent Bal Paradis Films (1 h 40) Page 73
D’une famille à l’autre d’Anna Muylaert Version Originale/ Condor (N. C.) Page 65
American Nightmare 3 : Élections de James DeMonaco Universal Pictures (1 h 45)
Lea de Marco Tullio Giordana Paname (1 h 35) Page 73
Le BGG. Le bon gros géant de Steven Spielberg Metropolitan FilmExport (1 h 57) Page 64
13 JUIL.
L’Olivier d’Icíar Bollaín Haut et Court (1 h 38) Page 73
20 JUIL.
27 JUIL. Carmina ! de Paco León Bodega Films (1 h 33) Page 66
L’Âge de glace Les lois de l’univers de Mike Thurmeier et Galen T. Chu 20 th Century Fox (1 h 35) Page 85
Débarquement immédiat ! de Philippe de Chauveron UGC (1 h 30)
The Wave de Roar Uthaug Panorama Films (1 h 50) Page 66
Juillet août de Diastème Diaphana (1 h 36) Page 85
Bastille Day de James Watkins StudioCanal (1 h 30)
Black Stone de Roh Gyeong-tae Outplay (1 h 32) Page 68
Sieranevada de Cristi Puiu Wild Bunch (2 h 53) Page 60
3 AOÛT
La Chanson de l’éléphant de Charles Binamé KMBO (1 h 50) Page 76
Dernier train pour Busan de Yeon Sang-ho ARP Sélection (1 h 58) Page 61
Bad Moms de Jon Lucas et Scott Moore Metropolitan FilmExport (N. C.)
Toni Erdmann de Maren Ade Haut et Court (2 h 42) Page 38
Genius de Michael Grandage Mars (1 h 44)
Ma révolution de Ramzi Ben Sliman Memento Films (1 h 20)
Comme des bêtes de Yarrow Cheney et Chris Renaud Universal Pictures (1 h 27) Page 84
Ma vie de chat de Barry Sonnenfeld EuropaCorp (1 h 27)
Jason Bourne de Paul Greengrass Universal Pictures (2 h 03)
Guibord s’en va-t-en guerre de Philippe Falardeau Happiness (1 h 44) Page 76
Suicide Squad de David Ayer Warner Bros. (2 h 17)
The Endless Summer de Bruce Brown Carlotta Films (1 h 35)
Déesses indiennes en colère de Pan Nalin ARP Sélection (1 h 43) Page 76
10 AOÛT
17 AOÛT
C’est quoi cette famille ?! de Gabriel Julien-Laferrière UGC (1 h 39)
La Couleur de la victoire de Stephen Hopkins La Belle Company (1 h 58) Page 76
S.O.S Fantômes de Paul Feig Sony Pictures (1 h 56) Page 68
Parasol de Valéry Rosier Bodega Films (1 h 13) Page 76
À tous les vents du ciel de Christophe Lioud DistriB Films (1 h 47) Page 74
L’Économie du couple de Joachim Lafosse Le Pacte (1 h 40) Page 69
Stefan Zweig Adieu l’Europe de Maria Schrader ARP Sélection (1 h 46) Page 69
17 AOÛT Moka de Frédéric Mermoud Pyramide (1 h 29) Page 78
El Acompañante de Pavel Giroud Happiness (1 h 44)
Divines d’Houda Benyamina Diaphana (1 h 45) Page 24 et 62
31 AOÛT
Nocturama de Bertrand Bonello Wild Bunch (2 h 10) Page 48
Olmo et la Mouette de Petra Costa et Lea Glob Épicentre Films (1 h 25) Page 72
Incouchables de Jake Szymanski 20 th Century Fox (1 h 38)
Nerve d’Ariel Schulman et Henry Joost Metropolitan FilmExport (1 h 36)
Blanka de Kohki Hasei ASC (1 h 15) Page 78
Peter et Elliott le dragon de David Lowery Walt Disney (N. C.)
Instinct de survie The Shallows de Jaume Collet-Serra Sony Pictures (1 h 27)
Fronteras de Mikel Rueda Outplay (1 h 28) Page 78
Star Trek Sans limites de Justin Lin Paramount Pictures (N. C.)
Agents presque secrets de Rawson Marshall Thurber Universal Pictures (1 h 48)
Un petit boulot de Pascal Chaumeil Gaumont (1 h 37) Page 78
Dans le noir de David F. Sandberg Warner Bros. (1 h 20) Page 78
Blood Father de Jean-François Richet SND (1 h 28)
Rester vertical d’Alain Guiraudie Les Films du Losange (1 h 40) Page 32
Le Fils de Jean de Philippe Lioret Le Pacte (1 h 38) Page 72
Iqbal L’enfant qui n’avait pas peur de Michel Fuzellier et Babak Payami Eurozoom (1 h 20)
Hôtel Singapura d’Eric Khoo Version Originale/ Condor (1 h 44) Page 70
Mimosas d’Oliver Laxe UFO (1 h 36) Page 70
Méchanic Resurrection de Dennis Gansel Metropolitan FilmExport (N. C.)
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FILMS
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SIERANEVADA
Le
Roumain Cristi Puiu (La Mort de Dante Lazarescu) signe un film de deuil hivernal, huis clos familial soutenu par une mise en scène virtuose, présenté en Compétition au dernier Festival de Cannes. Opiniâtre, le cinéaste procède au dévoilement patient et captivant du réseau complexe de liens et de tensions qui unissent une quinzaine de personnes d’une même famille réunies dans un appartement vieillot pour commémorer un défunt. Le plus souvent postée dans le vestibule, autour duquel les différentes pièces sont distribuées, la caméra virevolte au rythme des allées et venues incessantes, pivot d’une mise en scène brillante qui installe une belle montée en puissance à mesure que la journée, organisée autour d’un repas constamment retardé, progresse péniblement, filmée en quasi plan-séquence. La maîtrise du rythme est époustouflante, tout comme la capacité du cinéaste à faire d’une cuisine bordélique et éclairée au néon le cœur battant de cette édifiante famille monde. Si l’intrigue est minimale et emprunte beaucoup au répertoire théâtral (engueulades de couple vaudevillesques et retournements de situation tragi-comiques), elle n’oublie
cependant jamais d’épingler au passage, grâce à ses personnages de tous âges et à leurs féroces joutes verbales, les multiples contradictions de la Roumanie d’hier et d’aujourd’hui (Ceaușescu et le communisme, l’influence de l’Église orthodoxe…) et les tourments du monde moderne (on y évoque même l’attentat contre Charlie Hebdo). Épouses au bord de la crise de nerfs, maris renfrognés, enfants neurasthéniques, le film force un peu trop sur l’air du « familles, je vous hais », n’épargnant personne à l’exception peutêtre du quadra Lary, fils du défunt et parfait alter ego du cinéaste, qui, sourire narquois aux lèvres, observe à distance raisonnable chaque porte qui claque, chaque montée de violence et chaque crise de larmes. Jusqu’à être finalement à son tour terrassé par l’émotion, dans une scène remarquable où l’atmosphère confinée de l’appartement cède la place à celle, tout aussi intime et étouffante, d’une voiture aux vitres embuées. • JULIETTE REITZER
La caméra virevolte au rythme des allées et venues incessantes
— : de Cristi Puiu
Wild Bunch (2 h 53) Sortie le 3 août
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FILMS
l’individualisme et de la vitesse associé au capitalisme contemporain. Les différentes strates de la société sud-coréenne s’y trouvent synthétisées, et rapidement cloisonnées, comme dans le récent Snowpiercer de Bong Joon-ho. Tandis qu’un riche PDG se terre bien en sécurité dans la locomotive, les moins vernis héritent des wagons subalternes, plus exposés à la contamination. Parmi eux, un yuppie égoïste dont le réalisateur a la bonne idée de faire son antihéros : son parcours rédempteur pour regagner l’amour de sa fille, jusqu’alors sacrifiée sur l’autel de son stakhanovisme aveugle, offre à la parabole sociale son émouvante poche de résistance au milieu de la sauvagerie. Pour le reste, la mise en scène fluide et nerveuse assure le shoot d’adrénaline requis avec inventivité. Chaque recoin de l’espace clos est ainsi exploité, toilettes et porte-bagages compris. • ÉRIC VERNAY
d’une poignée de longs métrages d’animation restés inédits en France, le Sud-Coréen Yeon Sang-ho parvient enfin à passer nos frontières avec ce film de genre dans lequel des zombies s’invitent dans un train. Féroce et ébouriffant. Une biche se fait écraser par une voiture puis se relève, telle un pantin désarticulé. De cette vision inaugurale d’une forme de résistance, Yeon tire un film de zombies au puissant accent politique. Pour échapper à un mystérieux virus ravageant la Corée du Sud, les rares survivants se réfugient dans un train en direction de Busan, la seule ville encore prémunie. À chaque station, les passagers font face aux attaques brutales de créatures malvoyantes mais ultra véloces et contorsionnistes dont la morsure entraîne une irrémédiable transformation en mort-vivant. Bref, c’est un peu comme si le Zombie de George A. Romero avait troqué son centre commercial contre un chemin de fer. La satire de la société de consommation dégainée en 1978 par le classique du cinéma gore mute ici en une charge tout aussi violente contre le culte du profit, de
— : de
Yeon Sang-ho
ARP Sélection (1 h 58) Sortie le 17 août
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3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1 — Parce qu’à sa manière, gore, la première scène du film venge tous ceux qui, durant leur enfance, ont été traumatisés par la mort de la mère de Bambi.
2 — Parce que, du Mécano de la General à Runaway Train en passant par Snowpiercer ou À bord du Darjeeling Limited, les films de train offrent toujours de beaux voyages. 61
3 — Parce que Yeon Sang-ho, qui vient du cinéma d’animation (The King of Pigs, sélectionné à Cannes en 2012), prouve ici qu’il est tout aussi à l’aise avec le cinéma d’action.
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Auteur
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DERNIER TRAIN POUR BUSAN
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DIVINES
Puissant
et rageur, traversé par un sentiment d’urgence, le premier long métrage d’Houda Benyamina est un portrait de jeunes filles de grande ampleur. Tout le projet de la cinéaste est contenu dans le titre. Appeler son film Divines, c’est d’abord un geste, qui consiste à mettre ses héroïnes Dounia (Oulaya Amamra, qui apporte beaucoup de panache [lire notre portrait page 24]) et Maïmouna (Déborah Lukumuena) sur un piédestal, de montrer qu’elles aussi peuvent contempler de haut les petits-bourgeois, les profs, ou même les dealers les plus dangereux de leur quartier. Entre réalisme et onirisme, avec une mise en scène aérienne et sensuelle qui les érigerait presque en idoles, Benyamina valorise ces deux filles de cité qui laissent tomber leur B.E.P. pour suivre la trace de la charismatique Rebecca (Jisca Kalvanda), une dealeuse qui se fait respecter
comme nul autre dans leur quartier… En commençant par des petits vols, elles sont entraînées malgré elles à commettre des délits bien plus importants. Cette escalade vers la criminalité étonne dès le début par sa fraîcheur, sa drôlerie, tandis que, dans la deuxième partie de l’intrigue, la comédie se charge d’une grande noirceur et bascule sans crier gare dans la tragédie. Ce changement de ton amène la réalisatrice à développer un discours féroce sur l’isolement des jeunes de cité. Mais cela n’a rien de plombant tant elle les représente dignes et conquérants. • QUENTIN GROSSET
— : d’Houda Benyamina Diaphana (1 h 45) Sortie le 31 août
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3 QUESTIONS À HOUDA BENYAMINA Le film devait à l’origine s’intituler Bâtarde. Pourquoi avoir changé de titre en cours de route ? Je voulais parler du sacré. Ça s’incarne notamment par les versets du Coran, cités dans l’ouverture, qui évoquent l’idée d’un chemin vers la rectitude. Pour moi, « rectitude », ça ne veut pas dire « droiture », mais « idéal », « ouverture d’esprit ».
Vous filmez la banlieue et ses grands ensembles comme un décor de western. Oui, je voulais donner une grande ampleur aux décors. Et puis, dans le western comme dans mon film, il y a souvent des contrastes très prononcés entre le lumineux et l’obscur, le profane et le sacré, le bas et le haut… 62
D’où vient la séquence onirique dans laquelle les deux héroïnes se fantasment au volant d’une voiture ? Un jour, mon petit frère m’a joué cette scène. Ce passage pose la question des valeurs et des aspirations de notre jeunesse. Je voulais aussi décoller de la réalité, les sublimer toutes les deux. Les travellings, c’est pas que pour Bonello !
FILMS
SPARROWS
— : de Rúnar Rúnarsson ASC (1 h 39) Sortie le 13 juillet
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ZOOM
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Remarqué
pour ses nombreux courts métrages, l’Islandais Rúnar Rúnarsson s’était intéressé à la vieillesse dans son premier long, Volcano, en 2011. Il revient avec un teen movie suave et sensible, Sparrows, dans lequel il dépeint le mal du pays d’Ari, un ado de 16 ans qui doit quitter sa mère et Reykjavik pour s’installer avec son père dans la région des fjords. Le film suit l’isolement d’un personnage qui semble tout droit sorti d’un film de Gus Van Sant, ayant du mal à renouer avec ses amis d’enfance et à communiquer avec son père qui ne sait pas trop lui-même comment s’y prendre avec ce fils qu’il n’a pas vu depuis longtemps. Chronique d’un passage douloureux à l’âge adulte et variation sur l’exil, cette fiction séduit surtout par son ambiance feutrée. Privilégiant les plans qui durent pour installer un rythme alangui, le cinéaste filme le protagoniste perdu dans des paysages vastes et désolés qui s’imprègnent de sa vaporeuse mélancolie. La lumière ouatée et le grain du super 16 leur donnent une ampleur nostalgique, passée, qui en dit beaucoup sur le rapport ambigu qu’entretient le réalisateur avec son propre pays d’origine. • QUENTIN GROSSET
LE BGG. LE BON GROS GÉANT
— : de Steven Spielberg
Metropolitan FilmExport (1 h 57) Sortie le 20 juillet
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Cinq
ans après Les Aventures de Tintin. Le secret de La Licorne, Steven Spielberg s’installe à nouveau aux commandes d’une fantaisie numérique avec cette adaptation du Bon Gros Géant de l’écrivain britannique Roald Dahl. Sauf que, ici, le récit d’action pur et délesté de toute pesanteur laisse place à un conte pour enfants plus classique (le film est produit par Disney), amidonné de fantasmagories délirantes, de leçons de vie bienveillantes et d’un humour sympathiquement potache. Sans atteindre les récents sommets de l’auteur, Le BGG. Le bon gros géant confirme l’état de forme ahurissant du maître du divertissement dont la maestria tranquille trouve matière à s’épanouir à chaque séquence. Rivé à l’amitié naissante entre un monstre gigantesque et une fillette intrépide, le film donne sa pleine mesure dans sa manière de faire cohabiter plusieurs échelles et réalités au sein d’un même plan. Il dessine surtout, en filigrane, un tableau essentialisé du cinéma de Steven Spielberg – deux créatures orphelines croisent leur regard et s’emportent l’un l’autre dans un puits sans fond d’aventures. • LOUIS BLANCHOT
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FILMS
D’UNE FAMILLE À L’AUTRE
— : d’Anna Muylaert Version Originale/Condor (N. C.) Sortie le 20 juillet
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MAN ON HIGH HEELS
ZOOM
en France l’année dernière avec Une seconde mère, tendre chronique sur les rapports complexes entre une famille brésilienne aisée et sa domestique, Anna Muylaert explore de nouveau la cellule familiale mais délaisse la comédie pour une forme plus sobre et intimiste. À São Paulo, la vie de Felipe, 17 ans, bascule quand il apprend que celle qu’il croit être sa mère l’a volé à la naissance à ses parents biologiques. Catapulté dans sa « vraie » famille, plus riche mais surtout plus normative, l’ado nonchalant au look grunge s’accroche tant bien que mal à la douce liberté dans laquelle il a été élevé… Si elle s’inspire d’un véritable fait divers, la réalisatrice élude les explications sur les rapts (la fausse mère de Felipe a aussi enlevé celle qu’il pensait être sa petite sœur) et les dialogues psychologisants. Le chamboulement se perçoit de façon plus organique, dans les actes et le beau regard de son héros, lui qui se trouve justement à l’âge où tout est encore souple (en particulier, chez lui, la sexualité et le genre), mais où l’intensité de chaque événement est décuplée. • TIMÉ ZOPPÉ
— : de Jang Jin Zootrope Films (2 h 05) Sortie le 20 juillet
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En
dépit de nombreux films à son actif, le Sud-Coréen Jang Jin ne s’était jamais ouvert les portes des salles obscures françaises. C’est maintenant chose faite grâce au percutant Man on High Heels. Le flic aux talons hauts, Grand prix du dernier festival du film policier de Beaune. L’occasion de faire (enfin) la connaissance de ce cinéaste inspiré et de son protagoniste Ji-wook (épatant Cha Seung-won), un flic meurtri dans sa chair. L’épicentre de son mal-être ? Son désir impérieux de libérer la femme qui roupille dans ses entrailles. Maniant avec flamboyance la grammaire du polar, le scénario de cet objet loufoque survolté s’attache surtout à retranscrire la quête identitaire de son héros. Les mafieux qu’il poursuit à coups de parapluie ou de couteau aiguisé ne sont en effet que les petits maillons d’une lutte plus intestine consistant à éventrer une virilité encombrante pour être en harmonie avec luimême. Jamais un policier n’avait porté de talons aiguilles avec une telle classe. Bong Joonho, Park Chan-wook ou Kim Jee-woon n’ont qu’à bien se tenir, le cinéma coréen a un nouvel ambassadeur furieusement poétique. • MEHDI OMAÏS
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ZOOM
Révélée
FILMS
CARMINA !
— : de Paco León Bodega Films (1 h 33) Sortie le 27 juillet
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ZOOM
ZOOM
Pour
son deuxième long métrage (le premier n’a pas été distribué en France), le réalisateur espagnol Paco León signe une comédie macabre qui séduit par son atmosphère trouble et son humour grinçant. Dans son appartement sévillan, Carmina, femme au foyer dont l’apparence évoque l’icône Divine dans les films de John Waters, fait face à la mort soudaine de son mari. Malgré l’incompréhension de sa fille, Maria, elle décide d’attendre quelques jours avant de déclarer le décès. Elle espère ainsi empocher le dernier salaire de son époux. Carmina laisse donc le cadavre pourrir dans le salon écrasé par la chaleur et doit inventer de nombreux stratagèmes pour le cacher aux voisins… La drôlerie narquoise et agréablement nauséeuse du film tient beaucoup à l’interprétation de Carmina Barrios, mère du cinéaste, dont le jeu charismatique mêle douceur et autorité. On sent que, pour Paco León, cette fiction apparaît avant tout comme un prétexte pour la magnifier. C’est aussi une manière vibrante d’exprimer, à travers les scènes plus sombres de la fin du film, sa peur de la perdre. • QUENTIN GROSSET
THE WAVE
— : de Roar Uthaug Panorama Films (1 h 50) Sortie le 27 juillet
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Franc
amateur de films catastrophe, le Norvégien Roar Uthaug installe le sien dans une enclave naturelle pour mieux entretenir l’effroi et soigner le réalisme. La famille de Kristian, géologue chevronné, s’apprête à déménager quand les premiers signes d’un glissement de terrain se font sentir à Geiranger, le fjord où ils vivent. La population commence un exode bien trop lent face à la déferlante promise par les spécialistes, eux-mêmes absorbés par leur amour pour la nature environnante – une problématique très scandinave. Si le format rappelle grandement les productions d’outre-Atlantique (Armageddon, Le Jour d’après), l’ancrage dans des lieux réellement menacés par ce type d’événement amène une belle ampleur dramatique, renforcée par la sobriété des personnages (dont le héros ordinaire, campé par Kristoffer Joner). Plébiscité par le public norvégien, The Wave joue sur l’angoisse larvée quant à une potentielle catastrophe. Et c’est finalement plus dans le silence terrifiant de la montagne et des eaux calmes – réminiscence des Revenants – que dans ses effets spéciaux que le film parvient à convaincre. • LAURA PERTUY
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FILMS
BLACK STONE
— : de Roh Gyeong-tae Outplay (1 h 32) Sortie le 27 juillet
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ZOOM
ZOOM
Le
long métrage du cinéaste sud-coréen Roh Gyeong-tae déploie d’abord la noirceur de son titre avant de se parer d’un onirisme réparateur et apaisant. Black Stone commence par deux récits parallèles : celui des déboires de Shon Sun, un jeune homme qui se fait violer par un supérieur et contracte le sida pendant son service militaire, et celui de la dure vie de ses parents adoptifs, exploités dans une sordide usine d’agroalimentaire à Séoul. Si, a priori, ce regard très sombre a de quoi rebuter, on se laisse malgré tout gagner par le rythme languide et l’étrangeté de l’épopée de Shon Sun. Devenu meurtrier puis déserteur, il tente de retrouver ses parents. Alors que le récit se resserre sur lui, Shon Sun quitte la capitale pour la jungle d’où son père est originaire et où la pollution a laissé sa désolante empreinte, à l’image du virus qui l’a contaminé. Roh Gyeong-tae, marchant sur les traces de son homologue thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, insuffle une grande bouffée de merveilleux lorsqu’il invoque le pouvoir régénérant de la nature et jette des ponts salutaires entre les générations. • TIMÉ ZOPPÉ
S.O.S FANTÔMES
— : de Paul Feig Sony Pictures (1 h 56) Sortie le 10 Août
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Ce
nouvel S.O.S. Fantômes n’est pas le troisième volet de la saga, mais son reboot. Autrement dit : la franchise prend un coup de jeune pour conquérir un nouveau public, mais l’intrigue reste sensiblement la même. En l’occurrence, quand des fantômes débarquent à New York, une poignée de scientifiques passionnées de paranormal prennent les choses en main. Rencontré à Paris, Paul Feig raconte : « Avec Katie Dippold, ma coscénariste, nous aurions été tristes de ne pas retrouver la voiture Ecto-1, le slim [fameuse substance visqueuse, ndlr] ou encore les Proton Packs qui servent à combattre les fantômes, alors on les a gardés tout en ajoutant notre patte. » Celle du réalisateur de Mes meilleures amies, des Flingueuses et de Spy repose toujours sur un humour grinçant et une revalorisation des personnages féminins. Critiqué par certains pour avoir choisi de confier les rôles des célèbres chasseurs de fantômes à des femmes (irrésistibles Kristen Wiig, Melissa McCarthy, Kate McKinnon et Leslie Jones), Feig distille dans son film quelques délicieuses piques aux haters, à l’image d’une scène dans laquelle l’héroïne vise le méchant… à l’entrejambe. • HENDY BICAISE
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FILMS
L’ÉCONOMIE DU COUPLE
— : de Joachim Lafosse Le Pacte (1 h 40) Sortie le 10 août
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STEFAN ZWEIG. ADIEU L’EUROPE
— : de Maria Schrader
ARP Sélection (1 h 46) Sortie le 10 août
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Divisé
en six chapitres de 1936 à 1941, le long métrage de Maria Schrader s’intéresse au déracinement progressif de l’auteur autrichien, séparé de sa terre puis dépossédé de son idéal européen, brisé par le nationalisme. L’Amérique du Sud étant le continent d’adoption de l’écrivain, l’action se déroule principalement en Argentine, au congrès des romanciers et poètes du PEN club de Buenos Aires, et au Brésil, de Rio de Janeiro à Petrópolis, ville de son suicide. Toute la mise en scène de la réalisatrice allemande souligne le décalage entre la sensibilité du protagoniste, perceptible grâce au jeu nuancé de Josef Hader, et les attentes constantes de son entourage. Sollicité par des journalistes pour condamner le régime nazi, sommé par sa mère d’aider ses confrères restés en Europe, convié à diverses cérémonies nationales par les autorités brésiliennes, Zweig, au temps où littérature et politique se confondent, aimerait juste écrire. Emporté par un désastre culturel dont il a longtemps sous-estimé l’ampleur, il semble prisonnier du cadre, comme si la moiteur tropicale étouffait peu à peu ses illusions pacifistes. • OLIVIER MARLAS
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des comptes a sonné pour Marie et Boris. Après quinze ans de vie commune, le couple s’entre-déchire. Fruit de la discorde ? La maison dans laquelle ils ont élu domicile avec leurs deux filles. Madame en a héritée de ses parents fortunés, mais monsieur, sur la paille, réclame la moitié des parts au motif qu’il l’a entièrement rénovée. Incapables de trouver un terrain d’entente, les héros du nouveau long métrage de Joachim Lafosse vont alors plonger dans une agonie lancinante, faite de gestes dédaigneux, de mots assassins et de souffles désenchantés. Sans jamais quitter les murs d’une demeure aux allures de prison mentale, Lafosse orchestre la dissection en règle d’une séparation. Sa (dé)marche funèbre, dépourvue de sensiblerie, montre avec une finesse bienvenue que le sel de l’amour se mue parfois en poivre de Cayenne. Il n’y a qu’à voir les yeux humides de rage et de tristesse de Bérénice Bejo et de Cédric Kahn, convaincants dans la peau des anciens amants. On n’oubliera pas de sitôt l’émouvante et fragile séquence dans laquelle leurs filles les sollicitent le temps d’une chorégraphie des regrets sur le tube « Bella » de Maître Gims. • MEHDI OMAÏS
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L’heure
FILMS
HÔTEL SINGAPURA
— : d’Eric Khoo Version Originale/Condor (1 h 44) Sortie le 24 août
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Enfermé
entre les murs d’un hôtel, le nouveau film d’Eric Khoo traverse les époques et glisse d’une chambre à une autre pour constituer une sorte de kaléidoscope du désir. Comme son précédent film, sur Yoshihiro Tatsumi, dans lequel le parcours de l’œuvre du mangaka permettait de tricoter ensemble des petits morceaux de désespoir individuel et absolu, Hôtel Singapura joue de la fragmentation de son récit pour mettre en résonance une série d’anecdotes douces-amères où le plus discret chagrin d’amour résonne comme une fin du monde intime. Le réalisateur n’a pas son pareil pour venir amplifier le moindre émoi et lui donner le retentissement d’un coup de tonnerre, même si le film peine à retrouver la sentimentalité sèche et nue de ses plus belles réussites, en raison d’une mise en scène et d’une construction narrative un peu artificielles éloignées de cette âpreté documentaire qui, dans Be with Me et dans My Magic notamment, parvenait à froisser le tissu lisse de la fiction. Reste un huis clos sensuel aux inspirations parfois bouleversantes, qui a pour mérite de faire résonner en creux l’histoire tumultueuse de Singapour. • LOUIS BLANCHOT
MIMOSAS
— : d’Oliver Laxe UFO (1 h 36) Sortie le 24 août
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Chevauchée
hypnotique et mystique dans le majestueux Atlas marocain, le second long métrage en forme de western existentiel d’Oliver Laxe a amplement mérité son Grand prix de la Semaine de la critique à Cannes. Un groupe de Marocains a pour mission de transporter un cheikh à l’agonie à travers le Haut Atlas pour l’enterrer près des siens, de l’autre côté des montagnes infinies et hostiles. Lâchés par le reste de la caravane une fois le vieil homme trépassé, deux types sans scrupule ni morale et un fervent et valeureux musulman (fascinant Mohamed Shakib Ben Omar, avec son visage émacié et son regard halluciné) se retrouvent avec la dépouille sur les bras. Guidés par des valeurs contraires, les trois hommes se mettent en quête de leur chemin, dans cette parabole sur la foi et le salut - mais pas seulement religieux. Le réalisateur franco-espagnol nous entraîne au milieu de paysages grandioses et inquiétants, sublimés par la photo du film, et qui semblent renvoyer ces humains à leur finitude et leur humble condition, dans une balade méditative aride et mystérieuse mais totalement envoûtante. • RAPHAËLLE SIMON
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“L’histoire de ce héros têtu, colérique et persuadé d’être entouré d’abrutis va vous faire fondre !” VARIETY
“Un feel good movie à l’humour surréaliste.” GQ magazine
IL VOUS DETESTE. VOUS ALLEZ L’ADORER.
PRIX DU PUBLIC
UN FILM DE HANNES HOLM ROLF LASSGÅRD BAHAR PARS FILIP BERG IDA ENGVOLL CHATARINA LARSSON BÖRJE LUNDBERG KLAS WILJERGÅRD SIMON EDENROTH POYAN KAMIRI JOHAN WIDERBERG STEFAN GÖDICKE
SCÉNARIO HANNES HOLM D’APRÈS LE ROMAN DE FREDRIK BACKMAN IMAGE GÖRAN HALLBERG FSF DÉCORS JAN-OLOF ÅGREN COSTUMES CAMILLA OLAI-LINDBLOM MAQUILLAGE EVA VON BAHR & LOVE LARSON DIRECTION DE PRODUCTION KAROLINA HEIMBURG MONTAGE FREDRIK MORHEDEN MUSIQUE GAUTE STORAAS PRODUCTEURS EXECUTIFS FREDRIK WIKSTRÖM NICASTRO ET MICHAEL HJORTH PRODUCTEURS ANNICA BELLANDER ET NICKLAS WIKSTRÖM NICASTRO RÉALISATION HANNES HOLM PRODUIT PAR TRE VÄNNER PRODUKTION EN CO-PRODUCTION AVEC FILM I VÄST SVT NORDISK FILM NORDSVENSK FILMUNDERHÅLLNING FANTEFILM FIKSJON A/S AVEC LE SOUTIEN DE SVENSKA FILMINSTITUTET NORDISK FILM & TV FOND ET NORSKA FILMINSTITUTET
FILMS
LE FILS DE JEAN
— : de Philippe Lioret Le Pacte (1 h 38) Sortie le 31 août
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Un
trentenaire français apprend que son père, qu’il n’a jamais connu, vient de mourir et qu’il était québécois. D’un canevas simple, le réalisateur de Welcome tire un beau mélo en terres canadiennes, porté par des acteurs sobres et puissants. C’est sûrement autant pour changer d’air que pour rencontrer ses demi-frères que Mathieu (Pierre Deladonchamps, taillé pour le rôle avec son jeu sans fioritures), à l’étroit dans son job de bureau, prend illico son billet pour Montréal quand un coup de fil l’informe du décès de son père. Mais sur place, Pierre (Gabriel Arcand, aussi intense que dans Le Démantèlement de Sébastien Pilote), un ami du défunt, refuse de présenter Mathieu comme le fils de celui-ci… Dans les scènes où le héros tente d’approcher l’entourage de son père, le mélodrame lorgne vers d’autres genres (le thriller, quand il échange enfin avec ses frères, alors qu’ils cherchent le corps du père dans une rivière pour pouvoir l’enterrer deux jours plus tard ; la romance, lors d’une soirée qu’il passe avec la fille de Pierre). Au-delà de ces embardées, le film captive par son entreprise même : déterrer des secrets simples mais enfouis depuis des lustres. • TIMÉ ZOPPÉ
OLMO ET LA MOUETTE
— : de Petra Costa et Lea Glob Épicentre Films (1 h 25) Sortie le 31 août
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Durant
les répétitions de La Mouette, un couple de comédiens se découvre futurs parents. Serge part en tournée, laissant sa compagne Olivia dans leur appartement, assignée à résidence par une grossesse compliquée. Ce déchirement entre vie familiale et vocation artistique est filmé du point de vue féminin. Comme dans la pièce d’Anton Tchekhov, le désir de l’actrice est frustré, sa liberté et sa carrière, sacrifiées. On retrouve également le jeu sur la représentation à l’œuvre dans le classique de la littérature russe (théâtre dans le théâtre), cette fois réactivée sous la forme hybride, très contemporaine, d’une oscillation entre documentaire et fiction : les deux réalisatrices font jouer leur propre rôle au (vrai) couple d’acteurs Serge Nicolaï et Olivia Corsini, en leur donnant des indications parfois devant la caméra, tandis que la grossesse d’Olivia, bien réelle, nous est décrite de sa voix off inquiète. Ainsi, l’argument premier du film sur la porosité réalité-fiction, ludique mais finalement assez convenu, se double d’une singulière plongée dans l’esprit d’une artiste à la fois enceinte et « avortée ». • ÉRIC VERNAY
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FILMS FLORENCE FOSTER JENKINS
À New York, dans les années 1940, Florence Foster Jenkins, une mondaine fortunée, pense qu’elle est une grande cantatrice alors qu’elle chante particulièrement faux… Après Marguerite (2015) de Xavier Giannoli, inspiré de la même histoire vraie, ce film a un goût de déjà-vu mais séduit grâce au jeu outrancier de Meryl Streep. • Q. G.
— : de Stephen Frears (1 h 50)
Sortie le 13 juillet (Pathé)
LA VIE EST BELGE
Lorsqu’un trompettiste wallon quitte la troupe dirigée par son frère pour intégrer une fanfare flamande, la situation dégénère en une hystérie symphonique… Cette comédie musicale enjouée, empruntant au répertoire belge des chansons francophones et flamandes, œuvre malicieusement pour la réconciliation des peuples. • O. M.
— : de Vincent Bal (1 h 40)
Sortie le 13 juillet (Paradis Films)
L’OLIVIER
Alma hérite de l’exploitation agricole de son grand-père et se lance dans une bataille quasi insurmontable pour ramener sur ses terres l’olivier millénaire que ce dernier avait dû vendre à une multinationale… La réalisatrice espagnole Icíar Bollaín signe un film parfois manichéen, mais la vitalité et l’idéalisme du scénario finissent par charmer. • Q. G.
— : d’Icíar Bollaín (1 h 38)
Sortie le 13 juillet (Haut et Court)
LEA
Calabraise, Lea vit entourée par la mafia. Son frère et le père de sa fille en sont de puissants dirigeants. L’histoire, linéaire, s’inspire du sort de Lea Garofalo, assassinée en 2009 par son ex-compagnon. Malgré une intrigue policière sans surprise, le personnage éponyme, peu aidé par la passivité du système judiciaire, touche par son courage inébranlable. • O. M.
— : de Marco Tullio Giordana (1 h 35) Sortie le 13 juillet (Paname)
INDEPENDANCE DAY. RESURGENCE
Vingt ans après leur première invasion, les aliens sont de retour. Heureusement, les meilleurs scientifiques et militaires américains, représentants de l’humanité, font bloc pour empêcher l’ennemi visqueux de détruire notre planète… Au-delà des combats spatiaux ou terrestres, les nombreux gags sont les vrais canons plasma de ce pop-corn SF. • O. M.
— : de Roland Emmerich (2 h)
Sortie le 20 juillet (20 th Century Fox)
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FILMS UNE NOUVELLE ANNÉE
À Moscou, Zhenia et Igor, unis par un amour fusionnel, forment un couple heureux. Mais leur relation se délite quand la jeune femme intègre la rédaction d’un journal à la mode. Igor, taxi clandestin, supporte très mal ce changement qui le renvoie à son statut précaire… Bien qu’un peu prévisible, le scénario offre des moments assez poignants. • O. M.
— : d’Oksana Bychkova (1 h 47)
Sortie le 20 juillet (Norte)
COLONIA
Après le coup d’État du général Pinochet en 1973 au Chili, Daniel, un opposant politique, est incarcéré dans la Colonia Dignidad, un camp secret dirigé par l’ancien nazi Paul Schäfer. Pour le sauver, Lena, sa petite amie, pénètre dans la colonie… Le cinéaste revient sur un lieu d’horreur ayant réellement existé et montre un héroïsme au féminin galvanisant. • T. Z .
— : de Florian Gallenberger (1 h 50) Sortie le 20 juillet (Rezo Films)
ELVIS & NIXON
En 1970, Elvis Presley (Michael Shannon, parfait en King hyper grotesque) veut soudainement devenir agent fédéral. Il décroche un rendez-vous avec le président Nixon (Kevin Spacey) pour le convaincre de lui accorder ce statut… Dans cette comédie raffinée, la drôlerie repose sur la gêne et le malaise induits par cette rencontre cocasse. • Q. G.
— : de Liza Johnson (1 h 26)
Sortie le 20 juillet (Warner Bros.)
PARENTHÈSE
Trois amis quinquagénaires prennent des vacances dans le sud de la France. Très vite, trois jeunes femmes grimpent à bord de leur voilier et bouleversent la traversée… Hissant le mât des stéréotypes (le dragueur invétéré, l’homme marié, le timide accro à son boulot), la croisière se savoure à condition de ne pas craindre la houle de l’humour potache. • O. M.
— : de Bernard Tanguy (1 h 35)
Sortie le 20 juillet (Jour2fête)
À TOUS LES VENTS DU CIEL
Seule rescapée d’un accident survenu lors d’un voyage familial en Afrique du Sud, Claire, 17 ans, décide ne pas rentrer en France. Isolée et rongée par la culpabilité, la jeune fille s’invente une nouvelle vie… Le regard de Christophe Lioud, producteur de La Marche de l’empereur, est âpre et parfois appuyé, mais son voyage initiatique nous emporte. • O. M.
— : de Christophe Lioud (1 h 47)
Sortie le 27 juillet (DistriB Films)
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FILMS LA COULEUR DE LA VICTOIRE
Bien avant Usain Bolt, la star de l’athlétisme mondial eut pour nom Jesse Owens, Noir américain qui fut le meilleur sprinteur de l’entre-deux-guerres. Des préjugés racistes de l’Amérique profonde à l’Allemagne nazie, cette course aux médailles olympiques de Berlin retrace, de manière efficace mais un peu convenue, le parcours d’un homme hors du commun. • O. M.
— : de Stephen Hopkins (1 h 58)
Sortie le 27 juillet (La Belle Company)
GUIBORD S’EN VA-T-EN GUERRE
Un modeste député québécois se retrouve sous le feu des projecteurs quand son vote devient décisif. Le Canada doit-il entrer en guerre ? Il décide de consulter ses électeurs. L’occasion d’un attachant road movie politique à travers les routes de la Belle Province, carburant au détail cocasse et à l’humour absurde. • É. V.
— : de Philippe Falardeau (1 h 44)
Sortie le 27 juillet (Happiness)
DÉESSES INDIENNES EN COLÈRE
Miroir de la misogynie généralisée de la société indienne, cette fiction met en scène les parcours croisés d’une bande d’amies réunies quelques jours dans une maison… Basculant à la fin vers un registre plus sombre, cette thérapie de groupe aux aspects manichéens est néanmoins bercée par le courage des personnages et l’énergie des comédiennes. • O. M.
— : de Pan Nalin (1 h 43)
Sortie le 27 juillet (ARP Sélection)
LA CHANSON DE L’ÉLÉPHANT
Pour lever le mystère sur la disparition soudaine d’un psychiatre de la clinique qu’il dirige, le docteur Green interroge le dernier patient à l’avoir vu, un jeune homme perturbé qui ouvre de nombreuses fausses pistes… Ce huis clos psychologique tendu offre à Xavier Dolan un rôle de fragile manipulateur dans lequel il semble jubiler. • T. Z .
— : de Charles Binamé (1 h 50) Sortie le 3 août (KMBO)
PARASOL
Un adolescent anglais en vacances avec ses parents ; une septuagénaire à la recherche de l’amour sur Internet ; un conducteur de bus souhaitant passer du temps avec sa fille… Majorque est le théâtre surprenant d’une triple conception de la solitude. Ici, les protagonistes ne se croisent jamais; ils attendent, faisant écho à nos propres rêveries. • O. M.
— : de Valéry Rosier (1 h 13)
Sortie le 10 août (Bodega Films)
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EPICENTRE FILMS PRÉSENTE
LA RÉALITÉ COMMENCE… QUAND LE JEU SE TERMINE
Festival du film de Locarno Sélection officielle
OLMO E T LA MOUETTE UN FILM DE
PETRA COSTA ET LEA GLOB
AU CINÉMA LE 31 AOÛT JOURNAL CAHIERS DES
CAHIERS CINEMA DU
FILMS MOKA
À la recherche de ceux qui ont renversé et tué son fils, Diane (Emmanuelle Devos) s’immisce dans la vie du couple qu’elle considère coupable, une esthéticienne et son mari (Nathalie Baye et David Clavel)… Frédéric Mermoud adapte le roman de Tatiana de Rosnay avec pudeur et grâce et aborde, en creux, un passionnant sujet : la peur de vieillir. • T. Z .
— : de Frédéric Mermoud (1 h 29) Sortie le 17 août (Pyramide)
DANS LE NOIR
Volets fermés, rideaux tirés, le jeune Martin vit reclus avec sa mère dépressive qui parle toute seule derrière la porte de sa chambre. À moins qu’un monstre inconnu et allergique à la lumière n’y demeure… Angoissant jeu d’ombres dans lequel les liens familiaux sont à la fois l’origine et la clé des maux, le film brouille la frontière entre fantasme et réalité. • O. M.
— : de David F. Sandberg (1 h 20)
Sortie le 24 août (Warner Bros.)
FRONTERAS
Lycéen espagnol, Rafa a l’habitude de traîner avec ses copains et de parler des filles ; mais son monde s’effondre quand il croise Ibrahim, un jeune clandestin marocain qui l’attire… Besoin d’affirmation empêtré dans des conventions établies, éveil au désir happé par la violence migratoire : le film parvient à rester léger sans survoler ses sujets. • O. M.
— : de Mikel Rueda (1 h 28)
Sortie le 31 août (Outplay)
BLANKA
Blanka est une jeune orpheline de 11 ans qui passe ses nuits dans les rues de Manille. Malmenée par une bande d’enfants voleurs et menacée par plusieurs proxénètes, elle peut compter sur le soutien de Peter, un musicien aveugle à la naïveté attachante… L’ambiance de la ville est magnifiquement restituée, et l’intrigue, sans le moindre pathos. • O. M.
— : de Kohki Hasei (1 h 15)
Sortie le 31 août (ASC)
UN PETIT BOULOT
Romain Duris et Michel Blanc sont parmi les détonateurs de cette comédie acide dans laquelle un employé d’usine fraîchement licencié devient tueur à gages. Dépassant les codes du genre, l’ultime projet de Pascal Chaumeil, décédé en août dernier, se plaît à mêler drôlerie absurde et sujets graves (la mort, le chômage). • O. M.
— : de Pascal Chaumeil (1 h 37)
Sortie le 31 août (Gaumont)
ERRATUM : dans notre article sur le documentaire Ce qu’il reste de la folie de Joris Lachaise, en page 76 de notre numéro de juin, nous avons écrit par erreur que Khady Sylla avait « mis fin à ses jours en 2014 ». La cinéaste sénégalaise est en fait décédée en octobre 2013 des suites d’un cancer. Toutes nos excuses aux personnes qui ont pu être blessées par cette erreur.
LE TEST PSYNÉPHILE
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QUEL(LE) ANXIEUX(SE) ÊTES-VOUS ?
Pourquoi faites-vous ce test ? Pour que le policier qui passe à côté de vous ne vous repère pas. Vous aviez un stylo dans la main, vous n’avez pas réfléchi. Vous êtes dans un bunker depuis 1986, le temps vous semble long. Sur la plage de Pampelonne, vous êtes plutôt du genre à… Envisager toutes les options de repli en cas de tsunami. Tenter de gagner la guerre contre les grains de sable, l’un après l’autre. La plage ? La nuit alors, avec un album de Nick Cave qui tourne en boucle. Le livre avec lequel vous allez passer dix heures debout dans le train bondé des vacances… Glamorama de Bret Easton Ellis. La Montagne magique de Thomas Mann. J’ai perdu ma montre au fond du lac de Rémi Tremblay et Diane Bérard.
Le coup de folie qui vous ressemble le plus… Accueillir vos invités nu(e) comme un ver. Appeler à votre bureau dans la nuit pour partager une théorie fumeuse avec vos collaborateurs. Vous laisser enfermer dans un grand magasin à la fermeture. Des sirènes retentissent en bas de chez vous… Vous lancez un compte à rebours de dix minutes sur votre montre et vous vous barrez fissa. Vous êtes en conf call avec Singapour, vous fermez la fenêtre en pestant. Vous savez que vous êtes cuit(e), ils viennent pour vous. Votre pire cauchemar… Votre père qui débarque sur votre lieu de travail armé d’un coussin péteur. Une montagne qui s’effondre. Le monde actuel.
VOUS AVEZ UNE MAJORITÉ DE : UN(E) ANXIEUX(SE) VISIONNAIRE Vous avez sans cesse le pressentiment d’une catastrophe imminente, et pas du genre accident de culotte sur tapis rouge, mais plutôt tsunami ? Vous allez adorer The Wave, le dernier long métrage de Roar Uthaug (sortie le 27 juillet). Inspiré de faits réels, ce film catastrophe vous donnera (enfin !) raison. Ne ratez pas la vague.
UN(E) ANXIEUX(SE) EN COLÈRE Vous ressentez une furieuse envie de vous révolter à tout prix ? Je vous invite à suivre la horde de jeunes de Nocturama (sortie le 31 août) dans le décor grandiose de la Samaritaine de nuit, tandis qu’à l’extérieur Paris explose. Thriller ultra stylisé et hypnotique, le dernier film de Bertrand Bonello vous tiendra éveillé(e) jusqu’au bout de la nuit.
UN(E) ANXIEUX(SE) QUI S’IGNORE Vous êtes une machine de guerre et n’avez plus accès à vos émotions primaires. Je vous conseille d’aller voir Toni Erdmann de Maren Ade (sortie le 17 août). Ce film drôle et émouvant va vous faire l’effet d’un électrochoc et va réveiller en vous joie et folie douce. Si vous n’y allez pas, je viens vous rendre visite au travail déguisée en yéti.
• LILY BLOOM — ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL 80
LE TROISCOULEURS DES ENFANTS
LA CRITIQUE D’ÉLISE, 7 ANS
COUL' KIDS
COMME DES BÊTES
« On pourrait appeler ce film “Animaux domestiques à tous les étages”, parce que c’est l’histoire de bêtes qui vivent dans les grandes tours de New York où il y a des animaux partout. Les héros sont deux chiens qui appartiennent à la même maîtresse et qui ne s’aiment pas. Mais ils s’aident chacun leur tour dans leurs aventures et, à la fin, ils deviennent amis. Donc, en fait, c’est un peu une histoire d’amitié. Dans la réalité, on ne comprend pas les animaux, alors que dans le film on comprend tout ce qu’ils disent. Donc, à mon avis, les gens qui ont fait le film ont demandé de l’aide à des dompteurs : j’ai vu dans un documentaire que les dompteurs du cirque regardent bien les animaux dans les yeux et que du coup ils arrivent à comprendre ce qu’ils pensent. Dans le film, c’est pareil, la maîtresse ne comprend pas ses chiens, mais nous on les comprend. En tout cas, c’était très drôle : à un moment, j’ai tellement ri que j’ai demandé de l’aide, sinon j’allais me mettre à pleurer de rire ! »
LE PETIT AVIS DU GRAND Depuis le triomphe de Moi, moche et méchant, le savoir-faire de la société franco-américaine Illumination Mac Guff en matière de dessin animé n’est plus à démontrer. Une spécificité que confirme sa dernière production, Comme des bêtes. L’intrigue, plutôt convenue, est surtout un prétexte à enchaîner gags délirants et personnages folkloriques dont les plus hilarants rappellent les grandes heures de Chuck Jones, le père de Bugs Bunny. Il y a pire référence. • JULIEN DUPUY – ILLUSTRATIONS : PABLO COTS
— : « Comme des bêtes » de Yarrow Cheney et Chris Renaud Universal Pictures (1 h 27) Sortie le 27 juillet Dès 5 ans
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COMPOSE LE MOT MYSTÈRE À PARTIR DES LETTRES DE COULEURS CACHÉES DANS LE TEXTE :
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CINÉMA
Titre du film : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom du réalisateur : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Résume l’histoire : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................................................. ................................................................. ................................................................. ................................................................. Ce qui t’a le plus plu : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................................................. ................................................................. ................................................................. ................................................................. En bref : Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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PRENDS TA CRITIQUE EN PHOTO ET ENVOIE-LA À L’ADRESSE BONJOUR@TROISCOULEURS.FR, ON LA PUBLIERA SUR NOTRE SITE !
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JUILLET AOÛT
L’ÂGE DE GLACE
Diastème signe une attachante chronique estivale en suivant les vacances de Laura et de sa sœur, Joséphine, d’abord chez leur mère, puis chez leur père. Avec tendresse, le cinéaste dépeint admirablement les premiers émois adolescents. • QUENTIN GROSSET
Dans cette cinquième aventure préhistorique, alors que Scrat est propulsé dans l’espace, Sid, Manny, Diego sont menacés par une pluie de météorites… Le scénario surprend peu, mais les gags sont toujours tordants. • TIMÉ ZOPPÉ
: de Diastème (1 h 36)
LES LOIS DE L’UNIVERS
: de Mike Thurmeier et Galen T. Chu (1 h 35)
Sortie le 13 juillet (Diaphana)
Sortie le 13 juillet (20 th Century Fox)
Tous publics
Dès 5 ans
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COUL' KIDS
Ce qui t’a le moins plu : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’INTERVIEW D’ANNA, 12 ANS
TATIANA LEVHA CHEF CUISINIER
COUL’ COUL' KIDS
Tu étais gourmande quand tu étais petite ? Oui, très. Mon plat préféré, c’était le poulet frit avec du riz que me préparait ma maman. Jusqu’à mes 14 ans, je n’ai mangé aucun légume. Pas un seul haricot vert ! Tu as toujours voulu être chef ? Non, j’ai commencé à m’intéresser à la cuisine vers 15 ans, mais j’ai vraiment eu envie de devenir chef à 21 ans. Avant, je voulais être avocate, comme mon grand-père. J’ai fait des études de lettres, puis d’anglais, et puis j’ai tout arrêté. Qu’est-ce qui s’est passé ? J’avais beaucoup d’énergie, j’avais envie d’action ; et puis j’adorais manger, alors je me suis orientée vers la cuisine, j’ai fait l’école de cuisine Ferrandi à Paris. Pourquoi il y a autant d’hommes dans ton métier ? C’est traditionnellement un métier masculin. Travailler en cuisine, c’est très physique. Il y a beaucoup de choses lourdes à porter, comme des casseroles, des grosses gamelles d’eau, des cageots de légumes, d’énormes morceaux de viandes. Je ne suis pas Musclor, mais, heureusement, j’ai eu la chance de travailler avec des gens intelligents qui ne m’ont pas freinée dans ma vocation. Comment démarre ta journée au restaurant ? J’arrive à 9 heures, on passe les commandes de poissons pour le lendemain. Ensuite, on décharge ce qui vient d’arriver pour le jour même. Quand tout est rangé dans la chambre froide, on allume les fourneaux, et c’est parti ! Toi, tu manges quand ? On passe à table avant les services. J’essaie de ne pas avoir le ventre plein, parce que, quand on cuisine, on goûte beaucoup les
assaisonnements, on teste les cuissons, et, pour que ce soit agréable, il ne faut pas avoir trop mangé avant. On parle de « brigade » en cuisine, qu’est-ce que c’est ? La brigade, c’est toute l’équipe. C’est un terme militaire, parce qu’en cuisine tout est très hiérarchisé, chacun a une tâche précise : les sauces, la cuisson, les desserts… Dans mon restaurant, on est une petite dizaine. On est beaucoup plus souple, mais on utilise quand même le mot « brigade », c’est une tradition. Tu travailles jusqu’à quelle heure ? Après le service du midi, je fais une pause. Le soir, je finis vers une heure du matin. Je suis très fatiguée, mais ce n’est pas facile de décompresser et de s’endormir tout de suite. C’est comme si toi tu sortais de l’école à 16 h 30 et qu’à 17 heures tu devais te coucher directement. Pour me détendre, je lis. • PROPOS RECUEILLIS PAR ANNA (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE) PHOTOGRAPHIE : RICHARD BANROQUES ILLUSTRATIONS : PABLO COTS
COUL’KIDO EST CACHÉ 3 FOIS DANS CETTE DOUBLE PAGE… SAURAS-TU LE RETROUVER ?
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LE DEBRIEF Anna est en sixième, elle habite le XIe arrondissement. Quand elle passe devant le restaurant Le Servan, elle voit travailler la chef Tatiana Levha. Un soir, après les cours, elle est allée l’interviewer. « Avec Tatiana, on a beaucoup parlé de nourriture. Du coup, en sortant, j’avais très faim. La séance photo, c’était marrant. Il fallait faire semblant de se regarder, mais en regardant ailleurs : pas évident ! Heureusement, on a fait ça après l’interview, on avait déjà fait connaissance. » • ANNA
TOUT DOUX LISTE
PARENTS FRIENDLY ATELIER PHOTO Célèbre pour ses portraits grand format collés aux quatre coins du monde, JR transforme la galerie des enfants en cité aux mille visages. En immersion, les petits sont invités à déambuler dans les paysages urbains du monde entier et à s’initier à la méthode du street artist (cadre, prise de vue, collage…)
: jusqu’au 19 septembre au Centre Pompidou, dès 4 ans
THÉÂTRE DE L’ABSURDE Grâce à une mise en scène dynamitée par une troupe de jeunes comédiens explosifs, les enfants pourront découvrir La Cantatrice chauve, pièce incontournable d’Eugène Ionesco, pendant que les adultes trouveront là une belle occasion de réviser leurs classiques.
: à partir du 24 août au Lucernaire, dès 9 ans
COUL' KIDS
EXPO L’ART ET LE CHAT Le nouveau professeur d’histoire de l’art de votre enfant est un chat, et pas n’importe lequel. Au milieu d’œuvres originales (Pierre Soulages, César…), dessins et sculptures du matou de Philippe Gelluck éclairent avec second degré les œuvres des plus grands, du bleu d’Yves Klein au trait de Jackson Pollock, en passant par la « Vénus de Mulot ».
: jusqu’au 31 août au Musée en herbe, dès 4 ans
• CÉCILE ROSEVAIGUE
ILLUSTRATION S: PABLO COTS
KIDS FRIENDLY
EXPO JAMES BOND
Venez souffler les 50 bougies de 007 et ouvrir ses malles aux trésors. Costumes, gadgets, photos de tournage : au milieu de décors reconstitués, faites découvrir l’univers du célèbre espion à votre progéniture à travers plus de cinq cents objets, de l’Aston Martin au pistolet d’or de Scaramanga.
: jusqu’au 4 septembre à la Grande Halle de la Villette, dès 6 ans
CIRQUE D’un côté, de la danse contemporaine pointue ; de l’autre, du jonglage de haute voltige avec des pommes. Avec Smashed, les neuf membres de la compagnie anglaise Gandini proposent un hommage rieur à la chorégraphe allemande Pina Bausch à travers un spectacle jubilatoire et poétique pour grands et petits.
: du 15 au 29 juillet dans différents lieux, dès 4 ans
JARDIN ÉPHÉMÈRE Sucombez à la fleur d’oranger ou au jasmin dans les allées enchanteresses du jardin éphémère. Les studieux profiteront de l’expo sur l’histoire des jardins d’Orient, pendant que les plus romanesques improviseront une chasse au trésor botanique à la recherche des plantes des Mille et Une Nuits.
: jusqu’au 25 septembre à l’Institut du monde arabe, dès 2 ans
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FAIS TON CINÉMA
VISIONNEUSE Avec une boîte d’allumettes, du papier coloré et une paille, construis ta minivisionneuse, idéale pour admirer en boucle les photos de tes vacances. 1
MATÉRIEL : boîte d’allumettes, crayon gris, feutre à pointe fine, règle, ciseaux, papier cadeau ou papier origami, colle à papier, paille en carton coloré, bande imprimée de six photos de 2 cm de haut. TEMPS DE RÉALISATION : 15 minutes. À PARTIR DE 4 ANS, avec un adulte. • PAR POULETTE MAGIQUE
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TOUTES LES ÉTAPES SUR WWW.POULETTEMAGIQUE.COM/VISIONNEUSE 89
OFF CECI N’EST PAS DU CINÉMA
EXPOS
SE SOUVENIR
© JOANA HADJITHOMAS ET KHALIL JOREIGE. GALERIE IN SITU – FABIENNE LECLERC.
DE LA LUMIÈRE — : jusqu’au 25 septembre
au Jeu de Paume
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OFF
Joana
Hadjithomas et Khalil Joreige, nés en 1969 à Beyrouth, ont entamé leur travail artistique dans les années 1990, au lendemain de la guerre civile qui a frappé le Liban, interrogeant son impact sur l’image et le regard, l’histoire et le récit. Reposant sur une écriture fragmentaire, leurs films, photographies, textes, installations, et performances n’ont jamais cessé depuis de donner à (sa)voir des histoires tombées dans l’oubli ou maintenues dans le secret, s’attachant ainsi moins à relever qu’à révéler les traces du passé, oscillant entre apparition et disparition, construction et destruction, réalité et fiction. Des photographies d’affiches de victimes de la guerre érodées par le temps (Faces, 2009) aux photogrammes sculptés dans le plexiglas montrant le sillage de fumée des fusées Cedar lancées dans les années 1960 (Dust in the Wind, 2013), en passant par les ombres (é)mouvantes et fantomatiques qui transparaissent dans un film super 8 découvert (non développé) en 2001 dans les archives de l’oncle de Khalil Joreige, porté disparu depuis son enlèvement dans les années 1980 (Images rémanentes, 2003), l’image, qu’elle soit latente, rémanente ou manquante, est ici omniprésente. Manifestement poétique – et subtilement politique –, l’art de Joana Hadjithomas & Khalil Joreige nous incite à nous « souvenir de la lumière », à l’image du plancton qui dans les fonds sous-marins révèle sa bioluminescence. Alchimie photosensible de la mémoire vive. • ANNE-LOU VICENTE
Les œuvres oscillent entre apparition et disparition, réalité et fiction.
JEF GEYS
BEAT GENERATION
Il faut marcher quelques minutes au bord de l’eau pour gagner l’île des impressionnistes, où le CNEAI propose un retour sur l’expérience de l’artiste belge Jef Geys qui, durant le Tour de France 1969, a suivi le triomphe d’Eddy Merckx. On découvre des images furtives parfois floues, à la limite de l’hologramme, celles d’un voyeur qui saisit, au travers d’un grand événement sportif, la ferveur d’une culture populaire. • HERMINE WURM
« Beat », c’est, en argot américain, « cassé », ou « pauvre ». La Beat Generation, c’est la génération de l’après-guerre, celle qui s’attelle à la reconstruction d’une Amérique très puritaine… L’exposition du Centre Pompidou propose une relecture de ce mouvement de libération qui privilégiait le décloisonnement des pratiques artistiques, des expériences de vie commune où l’utopie était le mot d’ordre dans un système économique restreint. • H. W.
au Centre national édition
San Francisco, Paris »,
art image (Chatou)
jusqu’au 3 octobre au Centre Pompidou
: jusqu’au 2 octobre
: « Beat Generation. New York,
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ART COMPRIMÉ Tous les mois, notre chroniqueuse vous offre un concentré des dernières réjouissances du monde de l’art.
Vous ne vous remettez pas de la disparition des grilles du pont des Arts sur lesquelles était fixé le cadenas scellant la promesse d’amour éternel faite à votre moitié ? Pour vous consoler, la ville de Paris a lancé une série d’installations artistiques sur le pont, inaugurée le 25 mai avec des sculptures de Daniel Hourdé qui n’ont pas fait l’unanimité. • Grande première : le Vatican a autorisé la réplique de sa célèbre chapelle Sixtine, décorée par Michel-Ange. Une reproduction à taille réelle s’est installée à Mexico en juin, avant d’entamer une tournée mondiale de trois ans. • Le Statens Museum for Kunst de Copenhague, inspiré par le Rijksmuseum d’Amsterdam, a remplacé le mois dernier le mot « nègre » par « africain » dans le titre de peintures danoises de sa collection. • Hé les touristes, c’est pas bientôt fini de faire n’importe quoi dans les musées ? Après les gosses incontrôlables, les adultes qui ne peuvent pas s’empêcher de toucher les œuvres, voire de grimper dessus, le 2 juin, un visiteur du Museum of Modern Art de San Francisco a trébuché et est tombé sur le Triple Elvis d’Andy Warhol. La toile n’a heureusement été que très légèrement éraflée. • La citation du mois revient à Damien Hirst, artiste britannique parmi les plus cotés sur le marché de l’art contemporain, qui a déclaré à la BBC le 18 mai dernier : « On ne peut pas faire d’art sans fric. » Tout est dit. • MARIE FANTOZZI ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL
EXPO
JACQUES
CHIRAC OU LE DIALOGUE DES CULTURES
— : « Jacques Chirac ou le dialogue des cultures », jusqu’au 9 octobre au musée du quai Branly
OFF
© ERIC LEFEUVRE
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Jacques Chirac recevant des Amérindiens Haidas à l’Hotel de ville de Paris en août 1989
Le
musée du quai Branly fête ses 10 ans en rendant un vibrant hommage à son fondateur, Jacques Chirac. La croisade pour la reconnaissance des cultures oubliées et mal considérées en Europe menée par l’ancien président de la République, passionné par les civilisations lointaines et extra-occidentales, est le fil conducteur de l’exposition. Projet ambitieux, la création du musée du quai Branly en 2006, mise en lumière ici, sonne comme une révolution dans le paysage culturel français : des milliers d’objets des peuples autochtones d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques, issus pour la plupart des collections du musée de l’Homme et du musée des arts d’Afrique et d’Océanie, intègrent cet écrin qui rend enfin justice au génie de ces civilisations. Déroulées par des textes affichés sur de grands panneaux lumineux, très bien contextualisées et documentées (correspondances, photos, traités), la trajectoire de l’homme (touchante lettre de Chirac, enfant,
à sa mère) et l’action publique du militant sont intelligemment mises en perspective dans un parcours chronologique. L’exposition livre ainsi en parallèle le récit de l’évolution des consciences occidentales qui se délestent de leurs œillères ethnocentriques. Plus de cent cinquante œuvres – issues de collections publiques et privées, dont celle de Chirac – de toutes époques et de toutes origines, illustrent à la fois les goûts éclectiques de l’esthète et son combat pour la mixité et l’abolition de la hiérarchie dans l’art. La scénographie sobre célèbre un magnifique métissage où se répondent des pièces maîtresses des arts premiers (statuettes africaines, totems amérindiens, masques inuits) et des œuvres contemporaines témoignant d’une appréhension humaniste des arts comme le Massacre en Corée de Pablo Picasso (1951) ou L’Homme qui marche d’Alberto Giacometti (1960), son buste engagé dans l’avenir pacifié du dialogue des cultures. • GAËLLE LE SCOUARNEC
L’exposition livre le récit de l’évolution des consciences occidentales.
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Petit jeu entre adultes non consentants Vous vous réveillez dans une piscine abandonnée avec votre petit(e) ami(e). Vous ne pouvez pas vous échapper. Entre vous deux, un pistolet chargé d’une seule balle. Une voix sur un téléphone vous explique la seule règle de ce jeu de massacre : l’un des deux doit mourir pour offrir à l’autre la chance de survivre. Le téléphone s’éteint, plus de batterie. Vous restez dix jours sans boire ni manger, avec des questions plein la tête et rien d’autre que le silence pour vous répondre. Fermez les yeux et posez vous la question : que faites-vous ? Helen Grace, en charge de l’enquête, doit reconstituer le lien entre les différentes victimes pour retrouver le psychopathe caché derrière ces meurtres sordides. Célibataire endurcie, adepte de grosses motos, de kick-boxing et de sadomasochisme, voilà un commandant de police au passé plus que trouble…
Paris Match
Les histoires sorties de l’esprit d’Arlidge nous glacent jusqu’aux os. Daily Mail
Mise en scène macabre à Southampton Qui est le tueur déchaîné qui fait frémir tout Southampton ? Deux corps atrocement mutilés ont été retrouvés la semaine dernière. Comble du macabre, leurs cœurs, arrachés, ont été envoyés à leurs proches. Faut-il craindre un nouveau Jack l’Éventreur ? Une véritable course contre la montre attend le commandant Helen Grace.
SPECTACLES
PETIT PSAUME DU MATIN — : de Josef Nadj
© SEVERINE CHARRIER
et Dominique Mercy du 18 au 23 juillet au Centre culturel irlandais (1 h)
—
OFF
On
l’admet, ce n’est pas une pièce d’été. Petit psaume du matin (grand prix de la critique en 2001) a la mélancolie pluvieuse, le charme étrange et cafardeux de toutes les pièces de Josef Nadj, chorégraphe kafkaïen originaire d’ex-Yougoslavie, obsédé de théâtre oriental, de mime et de masque – autant de pratiques qu’il fond dans des scénographies outrenoir où gesticulent des corps-insectes engoncés dans des costards élimés. Cette parenthèse automnale et introspective dans la programmation du festival Paris quartier d’été nous donne l’occasion de réapprécier, quinze ans après la création de la pièce, la rencontre de deux corps expressionnistes complémentaires : celui de Josef Nadj, dos inlassablement voûté, cheveux plaqués au gel, visage sorti d’un film de F. W. Murnau, et celui de Dominique Mercy, danseur star du Tanztheater de Pina Bausch, clown et tragédien sélectionné ici dans le rôle du double, du jumeau (obsession artistique de Nadj). À l’origine, un solo commandé par le second au premier, dans le cadre du dispositif Sujet à vif organisé par la SACD à Avignon. À l’arrivée, un duo au rythme pianissimo qui célèbre l’amitié et le partage d’univers entre deux des plus grandes figures de la danse, un voyage insolite au cours duquel les deux amis convoquent des corps de vieillards et de bébés, des figures chimériques inspirées de dessins celtiques, des postures de lutte puisées dans des gravures égyptiennes, des réminiscences du cinéma muet et des séquences fantasmagoriques durant lesquelles on se demande « comment ça va ? » en vingt-quatre langues. • ÈVE BEAUVALLET
Un duo pianissimo qui célèbre l’amitié et le partage entre deux des plus grandes figures de la danse.
FARY
WILLIAM FORSYTHE
Sa prof d’histoire-géo l’a aidé à écrire son premier spectacle, et elle a bien fait puisque ce jeune humoriste ultra looké rebuté par la veine du stand-up communautariste a fait salle comble au Point-Virgule pendant deux ans et remplit aujourd’hui le Châtelet ou le Grand Point-Virgule. Un engouement mérité, vu la façon dont son personnage de dandy bitchy et hautain détonne face aux punchlines formatées de ses collègues. • È. B.
Projeter le corps le plus loin possible dans ses quatre dimensions, le plier au-delà du pliable, pousser les mouvements à l’extrême, désarticuler le vocabulaire du ballet en déconstruisant son lexique, dans des pièces culte depuis trente ans. « Le vocabulaire ne sera jamais vieux, c’est l’écriture qui date », avait déclaré William Forsythe à propos du classique. Un projet passionnant à voir, en trois œuvres, à l’Opéra de Paris. • È. B.
au Grand Point-Virgule (1 h)
à l’Opéra Garnier (1 h 50)
: du 26 août au 10 septembre
: jusqu’au 16 juillet
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DOUZE
RESTOS
À TABLE © MICKAEL A; BANDASSAK
À deux pas des bureaux de votre magazine préféré, la gastronomie palpite. À Table, de l’ancien rédacteur de cette page, ouvert en 2013, sont venus s’ajouter récemment Tondo et Passerini, tenus par deux chefs italiens copains comme cochons.
PASSERINI Il y a plus de dix ans, la banque a perdu un cadre de talent, mais la cuisine a gagné l’un de ses plus brillants chefs. Giovanni Passerini a un jour rendu sa thèse d’économie, a tourné les talons, enfilé un tablier et empoigné une casserole. Il avait 26 ans. Un parcours atypique qui fait de ce Romain pur jus un cuisinier à part, à la fois respectueux de son terroir mental et de ceux qui lui ont tout appris, tel Petter Nilsson (ex-La Gazzetta), mais aussi totalement libre dans sa tête. Pendant quatre ans, il a fait courir les gourmets dans son resto de poche de la rue Trousseau, Rino (devenu l’excellent Les Déserteurs du chef Daniel Baratier). Fatigué, il a fermé, pris son temps, fait un bébé, et vient d’ouvrir avec sa femme, Justine, la trattoria du xxie siècle que tout le monde attendait. Sur une charmante petite place, le lieu est grand, clair et lumineux, le trottoir est accueillant aux beaux jours, et la carte des vins donne soif, grâce au talent de Cécile Macé, grande prêtresse du vin nature. Dans l’assiette, ça vibre, cuissons et accords parfaits. Tripes à la romaine, plats à partager (grosses pièces de viande ou de poisson servies entières), pâtes sèches ou farcies du jour, tels les sublimes raviolis que l’on peut acheter dans l’épicerie voisine, Pastificio Passerini, tortellini cochon de lait, petits pois ou ravioli maquereau, petits pois, fèves. Et LE meilleur baba du monde pour terminer. La vita è bella. Menus : 24 et 34 € (midi). Carte : environ 50 €. Fermé du 7 au 29 août. • STÉPHANE MÉJANÈS
: 65, rue Traversière Paris XIIe
TONDO
TABLE
Moins d’un an après avoir cédé Roseval à Michele Farnesi (Dilia), Simone Tondo donne son nom à l’ex-Gazzetta de son maître Petter Nilsson. Décor chic mais chaleureux, assiettes vives et colorées, la relève est assurée. Menu : 25 € (midi), 60 et 110 € (soir).
En 2013, Bruno Verjus, entrepreneur, auteur, journaliste et érudit de la fourchette, a franchi le Rubicon pour défendre une vraie cuisine de produits sourcés avec passion. Le tout est juste, sain et goûteux. Menu : 29 € (midi). Carte : environ 60 €.
: 29, rue Cotte Paris XIIe
: 3, rue de Prague Paris XIIe
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C’EST DOUX ! Un mois fou food à Paris avec notre chroniqueur. Où manger ? Quoi commander ? Suivez le régime alimentaire de @PhamilyFirst sans prendre un Instagram de gras.
C’est doux = c’est bon. Le cours de langue ingéré et vos bouches fin prêtes, voici une petite liste d’adresses que vous validerez prochainement d’un hochement de tête. Pendant papa pas là ou pas, passez donc voir Bánh Mì Angela (IIIe) et son divin sandwich vietnamien toasté à la bouffée d’herbes fraîches. Sa croûte dorée vous brûlera la paume et son piment, l’œsophage. Pas encore repu ? Passé Répu, attablez-vous à La Taverne de Zhao (XIe) et commandez ses Liang Pi illico presto. De quoi rendre baba n’importe quel gogo. Plus haut, réfugiez-vous au comptoir de La Cave à Michel (XIe) et optez pour son œuf mayo. Du baume au cœur à deux euros chez les proprios Tischenko & Co. Petites assiettes, bouillon, petits canons, et la playlist pas triste du sommelier Fabrice Mansouri. Et si Fabrice vous sourit, considérez faire de beaux rêves toute la nuit. Vous rêvassez debout ? Oubliez la plage et votre ligne imaginaire et descendez au niveau de L’Équateur (XIe) savourer son poulet braisé comme jamais. Chez Sauvage (VIe), un ex-décorateur de ciné officie en chef opérateur de cette cave à manger pour gueuleton impeccable. Du ciné à la table, il n’y a qu’un pas, ou un trottoir, celui qui sépare le mk2 Quai de Loire de Koko (XIXe), taverne japonaise où l’on peut diviser les rangées de makis avec les amis sans pour autant partager leurs avis. Une bonne application de la food démocratie. • JULIEN PHAM ILLUSTRATION : JEAN JULLIEN
CONCERTS
ANDERSON
.PAAK © JABARI JACOBS
— : le 26 août
au festival Rock en Seine
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Un
collage moderne mêlant le groove de Stevie Wonder et une pincée de funk hérité de James Brown, le grain vocal d’un Bilal et une touche de psychédélisme façon OutKast, le tout trempé dans une vibe West Coast à la Kendrick Lamar : le style développé par le chanteur, rappeur et producteur Anderson .Paak est ensoleillé, suavement soul et hyper coloré, à l’instar de ses pochettes de disques kaléidoscopiques. Pourtant, l’hédonisme du Californien de 30 ans est faussement insouciant. Sa musique évoque plutôt la lumière qui vient après l’orage ; contrastée, elle se nourrit des nuages qui ont précédé l’embellie. Avant de devenir le protégé de Dr. Dre (et de voler la vedette au producteur-star du gangsta rap sur l’album Compton en apparaissant sur six morceaux), Brandon Park Anderson en a bavé. Enfant, il voit peu ses parents, qui se relaient derrière les barreaux, sa mère sud-coréenne pour paris frauduleux, son père afro-américain pour violence conjugale. Brandon grandit ainsi « dans une bulle, solitaire », chante-t-il sur l’émouvant « The Bird ». La musique gospel lui offre une respiration quand il découvre la batterie, à 11 ans, au sein de l’église baptiste locale. Deux décennies plus tard, pour nourrir sa femme et son fils, il travaille dans une plantation de marijuana à Santa Barbara. Viré du jour au lendemain, il devient SDF. On est en 2011. Un ami de la scène hip-hop alternative de L.A. l’aide à remettre le pied à l’étrier. Aujourd’hui, Anderson .Paak peut jouer les crooners en rescapé. • ÉRIC VERNAY
Sa musique évoque la lumière qui vient après l’orage.
BADABOUM AIRLINES
LA STATION – GARE DES MINES
« Faire du dancefloor le plus bel endroit de la terre » ? Le Badaboum joue les voyagistes en invitant chaque week-end un club, un label ou une soirée parmi les plus hot de la planète electro. Entre spécialités locales et turbulences exotiques, explorez le Marseille nu-disco de La Dame noir, découvrez Southampton et sa tech-house, zonez à Berlin ou filez au D.Edge de São Paulo, avant d’atterrir à Casablanca chez Les Patrons du vertige. Welcome aboard. • ETAÏNN ZWER
Tout l’été, le hardi collectif MU troque son QG du XVIIIe arrondissement pour une friche SNCF de 400 m2 située porte d’Aubervilliers et transformée en un « laboratoire festif et hors format dédié à la scène émergente » – traduisez : en un pop-up club à ciel ouvert, noisy et excitant. Foule de labels cool (Tigersushi), queer party, soirées disco baléaric, techno vaudoue (Compadre) ou post-gabber, et afters à gogo (Berlinons Paris)... La périphérie is the place to be. • E. Z .
: jusqu’au 20 août au Badaboum
: jusqu’au 23 octobre
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BONS PLANS À GAGNER
JOAQUIM PAÏVA EXPO
© JOAQUIM PAIVA
— : « Joaquim Païva. Photo instantanée, souvenirs de Brasilia », jusqu’au 28 août à la Maison européenne de la photographie
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Quand
documentariste, il immortalise, souvent dans de belles couleurs chaudes, les maisons aux airs de Far West, le sol rouge mangé par le soleil, et surtout les gens – dans la rue, au carnaval, en sortie, comme dans cette belle série de portraits au marché artisanal de la tour de télévision. La cinquantaine de clichés pris dans les années 1970 et 1980 réhabilite avec tendresse, par touches, au gré de séries variées, une facette moins connue de Brasilia et un photographe qui pense aussi son travail « comme une autobiographie ». • MARIE FANTOZZI OFF
il arrive à Brasilia dans les années 1970, Joaquim Païva est « surpris de découvrir une ville satellite autour de la nouvelle capitale brésilienne ». Le jeune homme de 24 ans n’est alors pas encore photographe et vient d’entamer une carrière de diplomate. Durant son temps libre, il s’éloigne des constructions modernistes qui feront la renommée de la métropole pour parcourir ses faubourgs qui regroupent les habitations provisoires des ouvriers venus des quatre coins du pays. Autant artiste que
Série Photos de photos
LA PEAU
EXPO
Mise en scène à travers une centaine de films (des Beaux Gosses de Riad Sattouf à Crash de David Cronenberg) et de multiples ateliers et conférences autour du tatouage, du maquillage ou du plaisir, la peau est ici l’objet fascinant qui unit et transforme les corps au cinéma. • O. M.
: jusqu’au 29 juillet Alabama Monroe de Felix Van Groeningen
au Forum des images
LES UNIVERSALISTES
EXPO
Pensée comme le prolongement d’une culture à la fois globale et locale, l’architecture portugaise, du colonialisme des années 1960 à la mondialisation actuelle, est ici racontée en photos et en croquis, et mise en lien, notamment, avec le cinéma et la littérature du pays. • O. M.
: jusqu’au 29 août © BODEGA FILMS ; FERNANDO GUERRA ; FRANCK TOMPS
Musée Ibere Camargo
à la Cité de l’architecture et du patrimoine
LE VOYAGE À NANTES
EXCURSION
Parcours aux dizaines d’étapes, suggérant aussi bien des visites culturelles (Le Pendule de Roman Signer, le musée des beaux-arts…) que des instants de détente (le restaurant éphémère La Cantine du Voyage), cette excursion estivale nous invite à découvrir les plaisirs de la cité de la Loire. • O. M.
: jusqu’au 28 août, La Cantine du Voyage, Nantes, 2015
dans divers lieux à Nantes
SUR TROISCOULEURS.FR/BONSPLANS
SONS
LE SAULE — : www.lesaule.fr —
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Gaspar Claus et Marion Cousin
Une
des clés de compréhension du Saule, label et boisée oisellerie de chanteurs voyageurs qui glane un public grandissant dans les marges de la chanson d’ici, se niche peut-être dans cette réflexion du musicien Jean-Daniel Botta : « Le Saule est l’arbre le plus identifiable qui soit, tout comme la chanson est la forme musicale la plus reconnaissable entre toutes. De l’arbre inconsolable nous ne gardons qu’un petit bout de bois tendre pour faire un sifflet comme le faisaient les enfants autrefois. » Ce petit appeau fédérateur réunit notamment Léonore Boulanger, June & Jim, Borja Flames, Antoine Loyer, Philippe Crab ou Aurélien Merle, dans cette façon de ne prendre d’un grand arbre – une chanson folk francophone et lettrée, d’Areski et Brigitte Fontaine à Dick Annegarn, ou, plus près de nous, d’Arlt à Bertrand Belin – que l’essentiel, ou peu de mots, quitte à bégayer sa langue natale et à s’en inventer une propre, mineure mais pas moins précieuse, dans celle commune, majeure, maternelle… « Produire, c’est réduire », dit
SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM ? « Ce serait, pourquoi pas, La Vie d’Adèle. Chapitres 1 et 2, mais dans son titre anglais, Blue Is the Warmest Colour, notamment pour le vertige d’Adèle en fin d’adolescence, le désir illimité et sans nom qui finit toujours par buter sur le réel. Sur Fructidor, certaines chansons remuent
Léonore Boulanger, qui sort cet été Feigen Feigen, une collection de chansons joueuses et joyeuses, devinettes, énigmes, histoires à compléter ou à colorier, où l’essentiel se cache parfois dans des silences mallarméens ou des bégaiements troublés. Dans bégayer, il y a égayer, et ces « exercices de joie » sont aussi logiciens et merveilleux que les miniatures précises et virtuoses de son alter ego d’écriture, Jean-Daniel Botta (Dévotion pour la petite chameau), ou que la traversée du miroir de Philippe Crab dans Fructidor. Soit Marcel Proust, Virginia Woolf ou Lewis Carroll « épiphanisant » Frank Zappa, Ornette Coleman et Robert Wyatt, chantés en « idiolectes » aussi savants que débridés mariant français, allemand, anglais, espagnol et occitan. Car Le Saule est babélien, et on citera comme dernier fruit Jo Estava Que M’Abrasava, chants traditionnels de Minorque et Majorque, collaboration entre Marion Cousin (June & Jim) et le violoncelliste Gaspar Claus, en catalan tournoyant, ondes profondes, et sans doute langue des oiseaux. • WILFRIED PARIS
à leur façon ces choses intenses, enchevêtrées, impossibles. Il faudrait peut-être rajouter l’inquiétante (et drôle) étrangeté de Blue Velvet, les moments limite où sens et sensation se défont, se liquéfient. David Lynch et Abdellatif Kéchiche ; quelque chose de bleu, en tout cas. » • PHILIPPE CRAB (FRUCTIDOR / LE SAULE)
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JUKEBOX
SUMMER 08
: de Metronomy (Because)
L’été 2008 est celui qui a changé la vie de Joseph Mount, leader omnipotent de Metronomy. Celui qui précède la sortie de Nights Out et sa montée vers les cimes de la hype. Depuis, il s’est réorienté vers un format instrumental et imposé comme l’un des grands orfèvres pop modernes. Dans la lignée de Love Letters, Summer 08 est un disque concis et économe dont les audaces et les saveurs se renouvellent à chaque écoute. • MICHAËL PATIN
SIDERATION
: de Mohini Geisweiler (Columbia)
Depuis 2010, la voix de Sex in Dallas se réinvente sous son nom de baptême, nouant quelques paradoxes dans un tendre mouchoir de poche synthétique. Simples mais profondes, mélancoliques mais consolantes, ses dix nouvelles chansons sidèrent par leurs arrangements (cordes, chœurs, vaste palette électronique) et la maturité de ce chant qui, débarrassé du besoin de convaincre, semble éternellement juvénile. • M. P.
VENEZUELA 70 : Collectif
(Soul Jazz)
Pas d’été réussi sans une compilation de merveilles du (reste du) monde, comme ce fabuleux coup de projecteur sur le Venezuela psychédélique des années 1970. Une plongée en terre (presque) inconnue tant les groupes d’alors, jamais entendus de ce côté-ci de l’Atlantique, se permettaient toutes les hybridations possibles, dévoyant les traditions latines et caribéennes à coups de synthés déments et de guitares acides. • M. P. ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT
SÉRIES
MR. ROBOT
© D. R.
— : bientôt sur France 2 —
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Série
sensation de l’été 2015, lancée sans tambour ni trompette sur la petite chaîne USA Network, et dont la réputation n’a fait qu’enfler depuis, Mr. Robot a réussi ce dont peu de shows peuvent se targuer : inventer une star. Rami Malek, à l’aube d’apparaître dans la saison 2, reçoit aujourd’hui proposition sur proposition. À 35 ans, cet Américain explose enfin grâce à ce rôle principal, le premier d’une carrière entamée il y a plus de dix ans. En 2010 déjà, il crevait l’écran dans The Pacific, la série HBO sur la Seconde Guerre mondiale, en soldat tête brûlée. Ses faux airs de Benicio del Toro juvénile, sa démarche chaloupée et sa diction nonchalante lui promettaient une carrière stellaire, qui aura mis du temps à se dessiner, d’apparition dans La Nuit au musée en petit
REVOIS
rôle dans la saga Twilight. C’est camouflé sous une capuche qu’il triomphe enfin dans Mr. Robot, en hacker débauché par un groupuscule anarchiste pour déstabiliser une multinationale. La série, évocatrice du feuilleton Profit ou d’American Psycho, pour sa dénonciation virulente du libéralisme, lui offre un rôle en or : de toutes les scènes ou presque, Elliot, son personnage, est la voix (off) de la série. Celle, monocorde, d’un génie tourmenté, pas toujours digne de confiance. Sous l’impulsion du Danois Niels Arden Oplev (Millénium), réalisateur du pilote de la série, la caméra joue à l’image de ses états d’âme. Mais même soigneusement décadré pour souligner la personnalité borderline d’Elliot, Rami Malek dévore l’écran. Anonymous ? Plus maintenant. • GRÉGORY LEDERGUE
VOIS
PRÉVOIS
PARKER LEWIS NE PERD JAMAIS
STRANGER THINGS
PURITY
Culte chez les trentenaires d’aujourd’hui qui la regardaient ados, Parker Lewis ne perd jamais avait pour singularité d’apporter à la télé des années 1990 un peu de l’insolence méta de La Folle Journée de Ferris Bueller. Sa coolitude d’époque, bigarrée, a vieilli. Reste une énergie dans la réalisation et le montage dont peu de séries jeunesse peuvent se targuer, même à l’heure actuelle. • G. L .
Nostalgiques d’E. T. et des Goonies, les frères Duffer (Hidden) voulaient rendre hommage avec Stranger Things aux productions du studio Amblin. Leur histoire de phénomènes surnaturels auxquels se trouve confrontée une bande de gamins intrépides se déroule en 1983. Le pilote ne carbure heureusement pas qu’au clin d’œil et assure niveau suspense. La bonne surprise de l’été ? • G. L .
Clairement passé à autre chose après 007, Daniel Craig enchaîne les projets. Il s’est engagé pour les deux saisons de la série Purity, adaptation par Showtime du dernier roman de Jonathan Franzen, soit l’histoire d’une jeune femme à la recherche de son père. Si la malédiction Franzen ne frappe pas à nouveau : en 2012, HBO avait renoncé à porter à l’écran Les Corrections. • G. L .
: Saison 1 en DVD (Condor)
: Saison 1 sur Netflix
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: Saison 1 en 2017 sur Showtime
JEUX VIDÉO
UNCHARTED 4
OFF
A THIEF’S END
C’est
— : PS4 (Sony) —
l’heure des adieux. La franchise Uncharted raccroche les gants, pour un final à la hauteur de sa réputation. Pour sa dernière aventure, Nathan Drake retrouve son frère, après des années de séparation, et l’aide à mettre la main sur le trésor légendaire d’un pirate. Fidèle à sa réputation d’excellence, le studio Naughty Dog organise une chasse au trésor d’anthologie à travers le monde, des châteaux embrumés d’Écosse aux jungles de Madagascar. Comme toujours, le jeu alterne séances de varappe dans des décors monumentaux, fusillades, courses-poursuites, ou encore découvertes de tombeaux ancestraux truffés de pièges, à un rythme qui laisse pantois. Aussi à l’aise dans le registre du spectaculaire que dans celui de l’intime, Naughty Dog construit une narration
exemplaire de maturité, faite de morceaux de bravoure et de dialogues qui sonnent toujours juste. Mais si Uncharted 4. A Thief’s End mérite son statut de chef-d’œuvre, c’est grâce à sa capacité à réfléchir sur son héritage, avec sagesse, sérénité et même une certaine mélancolie. Comme ses fans, Nathan Drake a vieilli et il le sait. Partagé entre ses aspirations à mener une vie rangée et son addiction à l’adrénaline, l’aventurier fait de cette expédition une quête de sens traversée de doutes et de phases d’introspection. Comme un miroir tendu par son héros, Uncharted 4. A Thief’s End sonde notre amour des jeux d’aventure, notre capacité à nourrir une empathie inoxydable pour un être de fiction. On ne pouvait pas rêver conclusion plus honnête pour une saga promise au firmament. • YANN FRANÇOIS
OVERWATCH
GRAND KINGDOM
DOOM
FPS tourné vers le multijoueur, Overwatch oppose deux équipes qui se disputent des points stratégiques. La recette : une technique d’animation digne de Pixar, vingt et un personnages à la jouabilité unique et une action sans temps mort. Équation parfaite. • Y. F.
De facture assez classique, Grand Kingdom se distingue par sa profondeur stratégique. Grâce à un mélange détonnant (mais maîtrisé) de jeu d’échecs et de jeu de baston, ainsi qu’à une narration-fleuve, Grand Kingdom a tout du gouffre chronophage de l’été. • Y. F.
Reboot du plus célèbre des FPS, ce Doom nouvelle génération tient autant de l’hommage que du rajeunissement de son modèle d’origine. Défouloir aussi régressif qu’hypnotique, le jeu est un concentré de fureur qui, étonnamment, tient la route. • Y. F.
(Activision Blizzard)
(NIS America)
(Bethesda Softworks)
: PC, PS4, One
: PS4, PS Vita
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: PC, PS4, One
INDÉ À JOUER Manette dans une main, carnet de notes dans l’autre, notre chroniqueur teste chaque mois une sélection de jeux indés.
Alors que l’année scolaire tire tranquillement à sa fin, Alienation (Housemarque, PS4) m’annonce l’impensable : la Terre est envahie par une armée extraterrestre. Envoyé au front avec d’autres joueurs connectés à ma partie, je repousse des vagues de xénomorphes de plus en plus énervés. • Après avoir sauvé l’humanité, je m’autorise tout de même quelques vacances avec BOXBOXBOY! (HAL America, 3DS). Aux commandes d’un cube ambulant capable de se démultiplier, j’utilise mes clones pour enjamber des obstacles de plus en plus complexes. Sous ses airs gentillets, ce jeu est un monstre de logique : farniente interdit. • Pour me détendre (à peine), je passe sur Space Run Galaxy (Passtech Games, PC). Catapulté coursier spatial, j’escorte un transporteur bourré de marchandises. Face aux pluies de météorites et autres pirates de l’espace qui me foncent dessus, j’équipe mon vaisseau de tourelles automatiques pour faire le ménage. Mon tas de rouille prend cher, mais les colis arrivent à bon port. • Puisque le tourisme spatial a du bon, je lance Stellaris (Paradox Entertainment, PC). À la tête d’une confédération galactique, je dois coloniser les systèmes solaires alentours et trouver de nouvelles planètes habitables pour exploiter leurs ressources. Contrairement à Alienation, seules la diplomatie et les manœuvres politiciennes ont ici voix au chapitre. Et, cette fois, c’est moi l’envahisseur. La boucle est bouclée. • YANN FRANÇOIS ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT
LIVRES
SORBONNE PLAGE Quel
rapport y a-t-il entre la presqu’île de l’Arcouest, en Bretagne, et Hiroshima ? À première vue, aucun. C’est pourtant à Arcouest, paysage paradisiaque non loin de Paimpol, que s’est peut-être joué le destin de l’arme qui a anéanti la ville japonaise en 1945. Pour le comprendre, il faut remonter au début du siècle, à l’heure des grandes vacances. Tous les ans, une escouade d’universitaires parisiens, la crème de l’intelligentsia de l’époque, vient prendre ici ses quartiers d’été : les historiens Charles Seignobos et Georges Pagès, le médecin Louis Lapicque, le sinologue Édouard Chavannes, et surtout trois familles d’éminents scientifiques : les Auger (Victor et son fils Pierre, respectivement chimiste et physicien) ; les Perrin (Jean, prix Nobel en 1926, et son fils Francis) ; et les Curie (Marie, sa fille Irène et son gendre Frédéric Joliot, prix Nobel en 1911 et 1935 pour leurs travaux sur… la radioactivité). Nous y voilà ! Lors de leurs flâneries sur la plage et de leurs parties de canotage, ces savants parlaient-ils de leurs expériences de laboratoire ? Devinaientils qu’elles conduiraient à la plus terrible invention militaire de tous les temps ? Telle est la question soulevée par Édouard Launet dans Sorbonne Plage, étonnant récit qui mélange l’étude sociologique (mœurs des intellectuels en villégiature), le récit scientifique (de la fission de l’atome à la mise au point de
la bombe) et la réflexion sur l’histoire, avec ce paradoxe : ces savants engagés, tous pacifistes et progressistes, militants de la Ligue des droits de l’homme, croyaient contribuer à l’amélioration de la condition humaine mais œuvraient sans le savoir à l’invention de l’arme destructive par excellence, fracassant leur utopie scientiste contre la réalité. « La science pensée comme force libératrice alliée
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Ces savants œuvraient sans le savoir à l’invention de l’arme destructive par excellence. aux belles lettres et au socialisme va bientôt apparaître pour ce qu’elle est, soupire Launet : une illusion. » Et de suggérer que, s’ils avaient su, leurs vacances à l’Arcouest auraient sans doute été moins gaies. • BERNARD QUIRINY
— : d’Édouard Launet (Stock)
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HISTOIRES ET GÉOGRAPHIES
LA VIE (PRESQUE) VRAIE DE L’ABBÉ LAMBERT
LE DERNIER LIVRE DE JEAN GRÉGOR
L’imperméable de Columbo, le rugby semi-pro dans les années 1950, l’ermitage de Samuel Beckett en Seine-et-Marne… Antoine Piazza saute du coq-à-l’âne dans ce recueil de textes brefs, microexercices de style où l’on retrouve son ton sobre, fin et décalé. • B. Q.
Curé défroqué devenu sourcier, l’abbé Gabriel Lambert, accompagné de sa maîtresse, devint maire d’Oran durant l’entre-deux-guerres… Djemaï s’inscrit dans la veine des biopics littéraires avec le destin bizarre de cet homme de Dieu dans la France coloniale d’hier. • B. Q.
Décidé à disparaître, Jean Grégor imagine un dernier livre : le récit de la réhabilitation d’un clochard, raconté à la fois en roman et au théâtre… Un jeu étrange autour de l’autofiction, dans lequel Grégor médite sur la place du père dans la construction de l’identité. • B. Q.
(Éditions du Rouergue)
(Seuil)
(Mercure de France)
: d’Antoine Piazza
: d’Abdelkader Djemaï
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: de Jean Grégor
BD
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COQUELICOTS D’IRAK
— : de Brigitte Findakly et Lewis Trondheim (L’Association)
Avec
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un souci de pudeur évident, Brigitte Findakly et Lewis Trondheim racontent la jeunesse en Irak de l’auteure avant son arrivée en France. S’y expriment à demi-mot la nostalgie d’un paradis perdu et les ravages de l’exode. Comme dans Persepolis, l’esthétique de Coquelicots d’Irak repose sur un langage savamment calculé. Mais là où Marjane Satrapi conjuguait les motifs traditionnels perses avec le langage de la bande dessinée franco-belge pour signifier sa double identité, Findakly et Trondheim optent de leur côté pour une esthétique plus sensitive dans laquelle le défi semble être de ressusciter une atmosphère et une époque évanouies tout en désarmant toute tentation de sentimentalisme. Le texte est souvent placé dans des récitatifs assez factuels, le dessin évite toute stylisation et exploite les avantages du minimalisme. Photos d’époque et mise en couleur se chargent enfin d’incarner pudiquement le récit. Ce sentiment d’une tristesse sourde, à peine murmurée, touche à son apogée avec la rupture formelle de la conclusion. Un témoignage réservé qui puise toute sa force dans sa retenue. • STEPHANE BEAUJEAN 109
LES ACTUS mk2
LA RENTRÉE DES CINÉMAS mk2 DES RENDEZ-VOUS CULTURELS AU CROISEMENT DU CINÉMA, DES ARTS ET DE LA CONNAISSANCE UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA CINÉMA Avec Des Mots et Des Arts, découvrez chaque mardi soir l’histoire du cinéma sous toutes ses coutures en trois cycles de dix conférences. Des cours théoriques (avec projections d’extraits de films) menés par des historiens du cinéma.
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mk2 Odéon (côté St Michel), dès le 20/09
LES LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN CONNAISSANCE Charles Pépin propose des sujets philosophiques variés, traités sous un angle existentiel et concret.
: mk2 Odéon (côté St Germain), dès le 05/09
NOS ATELIERS PHOTO ET VIDÉO CRÉATION DIGITALE Avec la galerie Mobile Camera Club, découvrez des astuces de pro pour améliorer vos photos et vidéos, un jeudi par mois.
: mk2 Bibliothèque, dès le 13/10
PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR CONNAISSANCE Chaque lundi, des cours sur les grandes périodes qui ont transformé le visage de Paris, avec Des Mots et Des Arts.
: mk2 Grand Palais, dès le 26/09
PREMIERS PAS CINÉMA Leurs longs métrages sont à l’affiche, venez découvrir leurs courts ! En collaboration avec le magazine Bref.
: mk2 Odéon (côté St Michel), dès le 27/09
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LES ACTUS mk2
mk2 BOUT’CHOU ET mk2 JUNIOR
VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD
CINÉMA
CONNAISSANCE Un samedi matin par mois, une conférence du physicien Christophe Galfard pour être à jour sur ce que nous savons du monde. Au programme, par exemple, « Qu’est-ce que le Big Bang ? », « Au-delà de l’infini, qu’est-ce qu’un trou noir ? » et « Les extraterrestres existent-ils ? »
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mk2 Quai de Loire, dès le 10/09
LE RENDEZ-VOUS DES DOCS CINÉMA À l’approche des élections, des films, des débats sur la thématique des contre-pouvoirs, avec Documentaire sur Grand Écran.
: mk2 Quai de Loire, dès le 26/09
TRIBUNAL POUR LES GÉNÉRATIONS FUTURES CONNAISSANCE Un jeudi soir par trimestre, une conférence-spectacle pour débattre des enjeux d’avenir, avec le magazine Usbek & Rica.
: mk2 Bibliothèque, dès le 06/10
SOIRÉE BREF CINÉMA Un mardi par mois, programmation thématique autour d’un court métrage d’un auteur phare, avec le magazine Bref.
: mk2 Quai de Seine, dès le 13/09
CINÉMADZ CINÉMA Films culte, avant-premières : un mardi par mois, une programmation concoctée par le site madmoiZelle.com.
: mk2 Bibliothèque, toute l’année
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Vivez le cinéma en famille les samedis et dimanches matin ! Les séances Bout’chou, ce sont des films de moins d’une heure pour les enfants de 3 à 5 ans, présentés avec une lumière tamisée et un niveau sonore tout doux. Un éveil au cinéma dans les meilleures conditions.
LES ACTUS mk2
CINÉ-JAM D’EDGAR SEKLOKA
POP CORNER
MUSIQUE
Un jeudi soir par mois, c’est le premier rendezvous qui célèbre la création digitale. Pour la première séance, Sofyan Boudouni, Sébastien Frit alias Seb la Frite et un invité surprise (et pas des moindres !) viendront présenter leurs œuvres.
Un jeudi soir par mois, le chanteur, poète et écrivain Edgar Sekloka, accompagné des musiciens Simon Chenet (guitare) et Xavier Hamon (percussions) et d’un invité de renom, propose une création musicale originale revisitant un film de Charles Chaplin.
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mk2 Bibliothèque, dès le 29/09
mk2 Gambetta, dès le 06/10
CONNAISSANCE DU MONDE CONNAISSANCE À l’écran : un film. Sur scène : l’auteur. Un mardi par mois, partagez des aventures captivantes avec ceux qui les ont vécues.
: mk2 Nation, dès le 04/10
HISTOIRE DE L’ART ART Chaque jeudi, des cours d’histoire de l’art, de l’Antiquité à 1945, avec Des Mots et Des Arts.
: mk2 Beaubourg, dès le 22/09
BILLETTERIE : WWW.MK2.COM VOUS NE VOULEZ RIEN MANQUER DE NOS ÉVÈNEMENTS ? SUIVEZ-NOUS SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX ET RESTEZ INFORMÉ ! @mk2 WWW.MK2.COM/EVENEMENTS
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© COURTESY NATIONAL GALLERY OF ART, WASHINGTON
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CRÉATION DIGITALE
LES ACTUS mk2
SCIENCES SOCIALES ET CINÉMA LÀ OÙ VA LE CINÉMA CONNAISSANCE
CINÉMA
Un lundi soir par mois, projection d’un film, suivi de son commentaire par un enseignant-chercheur de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales à partir d’une clé de lecture particulière reliée au thème général du cycle « Les figures du pouvoir ».
Un lundi soir par mois, projection de films des artistes du Fresnoy, qui renouvellent le cinéma de l’intérieur, faisant de lui autant un art plastique qu’un art narratif, et redessinant les marges de l’underground et de l’expérimental, du documentaire et des films d’artistes.
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mk2 Bibliothèque, dès septembre
mk2 Beaubourg, dès le 17/10
HISTOIRE DE L’OPÉRA MUSIQUE Deux lundis par mois, des cours sur l’histoire de l’opéra, avec Des Mots et Des Arts.
: mk2 Bastille, dès le 03/10
LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE ART Un lundi par mois, des cours pour découvrir les collections des plus grands musées, avec Des Mots et des Arts.
: mk2 Nation, dès le 26/09
ET AUSSI, DANS VOS SALLES, DE NOMBREUX ÉVÉNEMENTS PONCTUELS : avant-premières, master class, cartes blanches, rencontres-dédicaces, cycles en matinée, séances exclusives, ateliers pour les enfants, festivals (Chéries-Chéris, Beaubourg mon amour, Paris Surf & Skateboard Film Festival…).
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© PRODUCTION LE FRESNOY – STUDIO NATIONAL DES ARTS CONTEMPORAINS
Ce qui me fait prendre le train de Pierre Mazingarbe, 2013
mk2 SUR SON 31 DIMANCHE 10 JUIL. AVANT-PREMIÈRE Le BGG. Le bon gros géant de Steven Spielberg.
: mk2 Gambetta, mk2 Quai de Loire, mk2 Bibliothèque en matinée
JUSQU’AU 21 AOÛT
JUSQU’À FIN OCT.
LES SUCCÈS DES QUAIS Cet été, découvrez ou redécouvrez les films qui ont marqué l’année : Fatima, Mustang, Au-delà des montagnes, Marguerite, The Revenant, Mad Max. Fury Road, Demain, Carol.
KIOSQUE DÉBROUÏ-ART Le collectif Débrouï-art investit Le Limelight. Rebaptisé Kiosque Débrouï-art, le bar du mk2 Bibliothèque devient LE spot pour les week-ends entre amis – où l’on peut profiter de cocktails en terrasse, de musique, d’un dancefloor ou d’un terrain de pétanque.
: mk2 Quai de Seine
JUSQU’AU 9 AOÛT mk2 BOUT’CHOU Des séances pour les enfants de 3 à 5 ans, avec lumière tamisée, niveau sonore adapté et film de moins d’une heure : En promenade, Monsieur et Monsieur et Le Petit Gruffalo.
: mk2 Quai de Loire, mk2
et mk2 Quai de Loire
: mk2 Bibliothèque
MARDI 30 AOÛT
du vendredi au dimanche de 16 heures à 2 heures
AVANT-PREMIÈRE Divines d’Houda Benyamina, en présence de l’équipe du film.
: mk2 Bibliothèque à 20 h
Nation, mk2 Bibliothèque en matinée
JUSQU’AU 9 AOÛT mk2 JUNIOR Des séances pour les enfants à partir de 5 ans : Pocahontas, La Reine de neiges et Raiponce.
: mk2 Grand Palais,
RETROUVEZ TOUS
JUSQU’AU 10 SEPT. SOIRÉES DANSE En partenariat avec le Paris université club, venez danser sur le parvis du cinéma. Les lundis et samedis : swing ; les mardis et vendredis : rock.
LES ÉVÉNEMENTS DES SALLES mk2 SUR MK2.COM/EVENEMENTS
: mk2 Bibliothèque à 19 h 30
mk2 Gambetta, mk2 Quai de Seine en matinée
JAZZ À LA VILLETTE — : Jazz à la Villette, du 30 août au 11 septembre au Parc de la Villette « For Ever Lives Africa », les 3, 4, 10 et
Le
festival, qui célèbre la Great Black Music, s’associe au mk2 Quai de Seine pour vous proposer une sélection de cinq documentaires sur l’Afrique et sa musique. Intitulé For Ever Lives Africa, ce cycle réunit Come Back, Africa (1960), docufiction de Lionel Rogosin qui a révélé la chanteuse sud-africaine Miriam Makeba ; Man No Run (1989) de Claire Denis, sur le groupe de bikutsi camerounais les Têtes brûlées ; Retour à Gorée (2008) de Pierre-Yves Borgeaud, épopée jazz de Youssou N’Dour à travers le monde ; Soul
© JOHANN SAUTY
Seun Kuti
11 septembre à 10 h 30 au mk2 Quai de Seine « Finding Fela », le 6 septembre à 20 h au mk2 Quai de Seine
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Power (2009) de Jeffrey Levy-Hinte, sur le mythique festival Zaïre 74 de Kinshasa ; et enfin Finding Fela ! (2016) d’Alex Gibney, sur l’inventeur de l’afrobeat, Fela Kuti, qui sera projeté lors d’une séance exceptionnelle en présence de son fils Seun Kuti. Celui-ci sera d’ailleurs la tête d’affiche de la soirée Tribute to Fela, le 8 septembre, à La Philharmonie de Paris, accompagné de l’orchestre de son père, Egypt 80, mais aussi de Tony Allen, Ibeyi, Talib Kweli et Cheick Tidiane Seck. De quoi rester chauds pour attaquer la rentrée. • CLAUDE GARCIA
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