Trois Couleurs #144

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SEPT. 2016

NO 1 44 GRATUIT

GASPARD ULLIEL

NOUVEL AIR



ÉD iTO L’acteur

est-il un auteur ? Oui (parfois), répondait le cinéaste et critique Luc Moullet dans son essai Politique des acteurs, publié en 1993. En étudiant la filmographie de quatre monuments du cinéma classique hollywoodien – Gary Cooper, John Wayne, Cary Grant, James Stewart –, il montrait comment chacun avait développé, au fil de sa carrière, une continuité – dans sa gestuelle, dans sa diction. C’est sans doute la marque d’un grand interprète : apposer sa signature sur chaque film, parfois même plus nettement qu’un réalisateur – pur plaisir cinéphile : regarder en série les films avec (« de », est-on tentés d’écrire) Louis de Funès, Romy Schneider ou Gérard Depardieu. Vaste et passionnant programme, aussi, pour les acteurs eux-mêmes. Ceux que nous avons rencontrés pour ce numéro, Gaspard Ulliel (troublant d’intensité intériorisée dans Juste la fin du monde de Xavier Dolan) et Virginie Efira (qui rencontre avec éclat le jeune cinéma d’auteur dans Victoria de Justine Triet), se situent justement à ce tournant de leur carrière : celui de la maturité. Après s’être pas mal cherchés, tous deux nous ont dit avoir récemment compris la nécessité de tisser une filmographie cohérente et personnelle, pour grandir avec elle. On peut donc se réjouir, ce mois-ci, d’assister à la naissance de deux auteurs. • JULIETTE REITZER


EMMANUEL CHAUMET PRÉSENTE

VIRGINIE EFIRA

VINCENT LACOSTE

MELVIL POUPAUD

“SUPER HÉROÏNE DES TEMPS MODERNES UNE COMÉDIE HILARANTE” TÉLÉRAMA

UN FILM DE JUSTINE

TRIET

Photo : Laurent PONS • Design : TROÏKA

14 SEPTEMBRE BANDE ORIGINALE DISPONIBLE EN TÉLÉCHARGEMENT SUR LES PLATEFORMES LÉGALES


POPCORN P. 6

P. 10 ALAIN DELOIN AU BRÉSIL • P.  1 4 SHOWGIRLS P. 18 WHERE TO INVADE NEXT • P.  20 ALICE DIOP

BOBINES P. 2 5

P. 26 KLEBER MENDONÇA FILHO • P. 30 GASPARD ULLIEL P. 38 VIRGINIE EFIRA • P.  42 FRANÇOIS OZON

ZOOM ZOOM P. 53 P. 56 FUOCOAMMARE • P.  5 8 VOIR DU PAYS

P. 6 0 JEUNESSE • P.  6 4 BROOKLYN VILLAGE

COUL’ KIDS P. 79

P. 80 LA CRITIQUE D’ÉLISE • P.  82 L’INTERVIEW DE MARGAUX P. 84 TOUT DOUX LISTE • P.  85 FAIS TON THAUMATROPE

OFF P.  87

P. 88 RENTRÉE LITTÉRAIRE • P. 92 OLAFUR ELIASSON P. 9 4 LES TROIS MOUSQUETAIRES • P. 98 THE DIVINE COMEDY

ÉDITEUR mk2 AGENCY — 55, RUE TRAVERSIÈRE, PARIS XIIE — TÉL. 01 44 67 30 00 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ELISHA.KARMITZ@MK2.COM | RÉDACTRICE EN CHEF : JULIETTE.REITZER@MK2.COM RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE : RAPHAELLE.SIMON@MK2.COM | RÉDACTEURS : QUENTIN.GROSSET@MK2.COM, TIME.ZOPPE@MK2.COM DIRECTION ARTISTIQUE : KELH & JULIEN PHAM contact@kelh.fr / julien@phamilyfirst.com | GRAPHISTE : JÉRÉMIE LEROY COORDINATION IMAGE : ALICE.LEMOIGNE@MK2.COM | SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : VINCENT TARRIÈRE | STAGIAIRE : MARILOU DUPONCHEL ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : STÉPHANE BEAUJEAN, CHRIS BENEY, HENDY BICAISE, LOUIS BLANCHOT, LILY BLOOM, ADRIEN DÉNOUETTE, JULIEN DUPUY, MARIE FANTOZZI, YANN FRANÇOIS, CLAUDE GARCIA, HALORY GOERGER, AÏNHOA JEAN-CALMETTES, GAËLLE LE SCOUARNEC, GRÉGORY LEDERGUE, STÉPHANE MÉJANÈS, MEHDI OMAÏS, WILFRIED PARIS, MICHAËL PATIN, JULIEN PHAM, PAMELA PIANEZZA, POULETTE MAGIQUE, BERNARD QUIRINY, CÉCILE ROSEVAIGUE, PÉKOLA SONNY, ÉRIC VERNAY, ANNE-LOU VICENTE, ETAÏNN ZWER & ÉLISE ET MARGAUX PHOTOGRAPHES : ÉDOUARD CAUPEIL/PASCO, VINCENT DESAILLY, ANTOINE DOYEN, FLAVIEN PRIOREAU | ILLUSTRATEURS : LOUIE CHIN, PABLO COTS, SAMUEL ECKERT, PABLO GRAND MOURCEL, MARIE GU, JEAN JULLIEN, YANN LE BEC | PUBLICITÉ | DIRECTRICE COMMERCIALE : EMMANUELLE.FORTUNATO@MK2.COM | RESPONSABLE DE LA RÉGIE PUBLICITAIRE : STEPHANIE.LAROQUE@MK2.COM CHEF DE PROJET CINÉMA ET MARQUES : CAROLINE.DESROCHES@MK2.COM | RESPONSABLE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : ESTELLE.SAVARIAUX@MK2.COM | CHEF DE PROJET CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : FLORENT.OTT@MK2.COM TROISCOULEURS EST DISTRIBUÉ DANS LE RÉSEAU LE CRIEUR contact@lecrieurparis.com


INFOS GRAPHIQUES

PLATEAUX RÉGIONAUX 146 55

83 71

2 854

6

34

57

33

109

POPCORN

62

114

43

75 49

37

321

161 432

106 130

32 * NOMBRE DE JOURS DE TOURNAGE PAR AN EN MOYENNE SUR LA PÉRIODE 2005-2013

Le

CNC a publié en juin dernier une étude sur la production cinématographique et audiovisuelle dans les différentes régions françaises sur la période 2005-2013. Sans surprise, dans l’Hexagone, l’Île-de-France se classe largement en tête. Provence-Alpes-Côte d’Azur et Rhône-Alpes complètent le podium, tandis que Champagne-Ardenne ferme la marche. • J. R. & T. Z .

ÉMOPITCH JUSTE LA FIN DU MONDE DE XAVIER DOLAN (SORTIE LE 21 SEPTEMBRE) 6


PYRAMIDE PRÉSENTE

'' Un portrait de l'égypte l'Egypte contemporaine comme on ne l'avait encore jamais filmée. '' Hollywood Reporter

678 s u b u d es Les Femm après

e un film d

Mohamed

Diab

©2016 : Pyramide - Louise Matas

le 14 septembre AVEC

NELLY KARIM HANY ADEL TAREK ABDEL AZIZ AHMED MALEK AHMED DASH HUSNI SHETA ALY ELTAYEB AMR EL KADY MOHAMED ABD EL AZIM

RÉALISATION MOHAMED DIAB SCÉNARIO KHALED DIAB ET MOHAMED DIAB DIRECTRICE ARTISTIQUE HEND HAIDAR PRODUCTION ARTISTIQUE SARAH GOHER IMAGE AHMED GABR MONTAGE AHMED HAFEZ SON AHMED ADNAN MUSIQUE KHALED DAGHER PRODUIT PAR MOEZ MASOUD, MOHAMED HEFZY, ERIC LAGESSE COPRODUIT PAR OLIVIER PÈRE, RÉMI BURAH, NICOLE GERHARDS PRODUCTEURS DÉLÉGUÉS JAMAL AL DABBOUS, DANIEL ZISKIND UNE COPRODUCTION FILM CLINIC (EGYPTE), SAMPEK PRODUCTIONS (FRANCE), EMC PICTURES (EMIRATS ARABES UNIS), ARTE FRANCE CINEMA (FRANCE), NIKO FILMS (ALLEMAGNE) AVEC LA PARTICIPATION DE ARTE FRANCE, AIDE AUX CINEMAS DU MONDE CENTRE NATIONAL DU CINEMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE - MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES ET DU DEVELOPPEMENT INTERNATIONAL - INSTITUT FRANÇAIS DISTRIBUTION FRANCE ET VENTES INTERNATIONALES PYRAMIDE


TENDANCE

ACTION MEN

BÉVUE

DÉJÀ VU

Alors qu’il tournait Fast and Furious 8 de F. Gary Gray, The Rock a insinué que Vin Diesel était une mauviette via Instagram. Mathieu Kassovitz en a profité pour traiter ce dernier de « pompe à vélo » sur Twitter. Sauf que, selon le magazine américain Life & Style, l’embrouille entre les deux acteurs ne serait qu’un coup de pub pour annoncer un combat de catch les opposant, en avril 2017, soit quelques jours avant la sortie du film. • MARILOU DUPONCHEL

8

Présenté mi-septembre à Toronto, (Re)Assignement de Walter Hill scandalise les associations LGBT depuis l’annonce de son pitch : après avoir subi une opération de réassignation sexuelle contre son gré, un tueur à gage devenu femme traque son bourreau. Une version bourrine de La piel que habito (2011) de Pedro Almodóvar ? On n’en demandait (vraiment) pas tant. • MARILOU DUPONCHEL

© MICHAEL OCHS ARCHIVES / GETTY IMAGES

POPCORN

BIEN VU

Schwarzie n’est pas un homme, c’est une apparition. Dans un essai passionnant intitulé Prodiges d’Arnold Schwarzenegger (Capricci), le critique Jérôme Momcilovic (qui dirige les pages cinéma du magazine Chronic’art et collabore à TROISCOULEURS) se souvient d’abord de la sidération ressentie enfant lorsque, à l’aube des années 1990, il découvrit la musculature ahurissante d’un acteur américain d’origine autrichienne qui concentrait tous les fantasmes de surpuissance de l’Amérique reaganienne. C’est ce corps excessif qui sert de point d’entrée à l’auteur pour démantibuler la trajectoire de la star de Terminator, de ses débuts comme Mr. Univers à la série des Expandables. Le parcours de Schwarzenegger à Hollywood est présenté comme un travail visuel sur son physique volumineux, point culminant des rencontres fécondes entre anatomie et cinéma depuis que celui-ci existe. Avec des références qui vont de Descartes à Donna Haraway, Momcilovic le relie brillamment à toute une histoire du corps spectaculaire, des freak shows du xixe siècle au bodybuilding. Schwarzenegger s’est figé sur la pellicule comme une illusion surprotéinée : celle de l’homme augmenté. Un corps de mythe increvable derrière lequel il y a un acteur qui doit affronter le passage du temps. • QUENTIN GROSSET


SÉANCE DE RATTRAPAGE

ÉTÉ POURRI (India Hair, qui interprète fort bien le trouble post-partum). Les hommes, pères ou non, cherchent le réconfort et l’accomplissement dans des intérieurs avec mouches et TV 56 cm. — Il dit quoi déjà ? — Quelque chose comme : « Je vais tout de même pas baiser avec le grand-père de mon bébé… Tu veux pas rentrer à la maison, qu’on discute calmement ? » Rester vertical est un film parfaitement correct, politiquement. Mais pas politiquement correct. Non, le clochard à qui Léo donne au début ne sera pas là pour le sauver de la meute de clodos qui le dépouillera. Tous les personnages y sont multidimensionnels. Guiraudie rééduque notre regard en le rendant disponible – à l’image du héros du film – pour toute expérience. Aussi dure soit-elle. • HALORY GOERGER ILLUSTRATION : JEAN JULLIEN

Chaque mois, notre chroniqueur Halory Goerger s’offre une séance de rattrapage. Impressions après Rester vertical d’Alain Guiraudie, vu avec une amie. L’été, les mauvais films sortent ensemble. On espère qu’ils prennent leurs précautions pour ne pas se reproduire. Au milieu des franchises fatiguées, un film offre consolation. — C’est un peu Théorème à l’envers, ce film. Un bourgeois déboule dans un milieu prolétaire, et séduit son monde. Mais c’est lui qui mute, pas eux. —… — Je sais pas moi, j’essaye. Léo (Damien Bonnard), un scénariste paumé, accomplit la dimension expérimentale de son être en traînant sa bonhomie veule dans ce film qui allie réalisme hardcore et onirisme libertaire. Il trimballe entre Brest et les Cévennes l’enfant que lui a donné Marie

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ALAIN DELOIN

LE PERNAMBOUC A LA COTE POPCORN

La

production de cet État du Nordeste, au Brésil, se distingue par sa vitalité : revue de presse locale. « Le cinéma brésilien se porte bien, merci. Et le cinéma pernamboucain, encore mieux, en dépit de la crise politique et économique que traverse le pays », peut-on lire dans les pages du Jornal do Commercio, quotidien distribué à Recife, capitale de l’État du Pernambouc. Si la fertilité Colombie cinématographique régionale a débuté dans les années 2000 avec des cinéastes comme Cláudio Assis (Amarelo Manga) Pérou ou Marcelo Gomes Bolivie (Cinéma, aspirines et vautours), le très Paraguay remarqué Les Bruits de Recife de Kleber Mendonça Filho a fini Argentine en 2012 d’attirer le regard de la critique internationale sur les réalisateurs du cru. Après avoir été présenté en Compétition à Cannes cette année, Aquarius, son nouveau film, sort en France ce mois-ci (voir p. 26). « Ses deux longs métrages parcourent Recife, sa ville natale, connue à la fois pour sa beauté et sa violence », écrit le quotidien El País, qui souligne par

JETLAG

ailleurs une récurrence au sein du mouvement pernamboucain contemporain : la volonté de filmer des histoires qui s’inscrivent dans les villes ou les campagnes d’un Brésil moins connu, alors que l’industrie du septième art se concentre autour des grandes métropoles du Sud que sont São Paulo et Rio de Janeiro. On retrouve notamment cette ambition chez Gabriel Mascaro (Rodéo, voir p. 72) ou Hilton Lacerda (Tatuagem). Une patte régionale un peu trop systématique ? Recife C’est ce que moque gentiment Piauí, revue connue pour ses sarcasmes, qui a Rio de Janeiro inventé le personnage São Paulo archétypal de Pedro Ivo, réalisateur local Océan Atlantique dont l’inspiration Sud serait « un contexte urbain anonyme et brutal, plein de petits-bourgeois qui tremblent de peur derrière les grilles de leurs résidences de merde alors qu’ils tentent de détourner les yeux des viscères de ce Brésil que mon cinéma dénonce et condamne ». Caricatural, mais pas totalement faux. • PÉKOLA SONNY, À RECIFE ILLUSTRATION : JEAN JULLIEN

87 % des Brésiliens ne sont jamais allés au cinéma (source : INAglobal, 2014). Cela s’explique notamment par l’inégale répartition des écrans sur le territoire : Rio de Janeiro et São Paulo, les deux États les plus riches du pays, concentrent 46 % des salles, alors qu’ils ne rassemblent que 28 % de la population. • Q. G.

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LE NOUVEAU CHEF-D’ŒUVRE

UN FILM DE ALEJANDRO JODOROWSKY

LE 5 OCTOBRE

Illustration : PascALEjandro.

d’ALEJANDRO JODOROWSKY


RÈGLE DE TROIS

SOKO Ton personnage dans La Danseuse en trois mots ? Artiste, passionnée, vulnérable. Le film montre aussi ce que c’est d’être une femme dans un milieu d’hommes. Stéphanie Di Giusto est venue vers moi parce qu’elle pensait qu’on avait des similarités avec Loïe. Comme elle, qui était scénographe, qui faisait ses lumières et ses costumes, je fais plein de choses : je joue dans des films, je réalise mes clips, je compose et j’écris mes chansons. Pour moi, c’est ça, être artiste : avoir le plaisir de toucher à tout. Trois films de guerre qui t’ont marquée ? Disons À armes égales de Ridley Scott, American Sniper de Clint Eastwood et Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg, parce qu’il faut donner des réponses. Mais, en vrai, je déteste les films de guerre et les films violents de manière générale.

© SAAD AL HAKKAK

Musicienne et actrice, Soko est ce mois-ci à l’affiche de deux films, La Danseuse de Stéphanie Di Giusto, dans lequel elle interprète la pionnière de la danse moderne Loïe Fuller, et Voir du pays de Delphine et Muriel Coulin, où elle campe une soldate renfrognée qui revient d’une mission en Afghanistan.

Ça me rend ouf, je fais des cauchemars quand j’en regarde. Trois acteurs ou actrices qui t’ont fait fantasmer quand tu étais plus jeune ? River Phoenix, Leonardo DiCaprio, Winona Ryder. Tes trois héroïnes de cinéma préférées ? Camille Claudel jouée par Isabelle Adjani, parce que c’est une artiste dans toute la souffrance que ça comprend ; et c’est une telle histoire d’amour… Annie Hall, par Diane Keaton, parce que j’adore ce personnage et que Woody Allen me fait mourir de rire. Et Sophie dans Le Choix de Sophie d’Alan J. Pakula, parce que la performance de Meryl Streep est dingue, on ne peut pas l’égaler. Trois cinéastes avec qui tu aimerais dîner ? Todd Solondz, Jane Campion, Drake Doremus.

Trois films à regarder à trois heure du mat’, une nuit d’insomnie ? Forrest Gump de Robert Zemeckis, Bright Star de Jane Campion et Will Hunting de Gus Van Sant. C’est l’un de mes films préférés. Trois rôles que tu serais incapable de jouer ? Une cannibale, parce que je suis végétalienne, que je ne mange pas de viande et que je ne pourrais jamais le faire, même pour un film. N’importe quel rôle dans un film d’horreur, parce que je suis complètement antiviolence et que je prends trop mes rôles à cœur pour pouvoir jouer quelqu’un qui l’est. Un rôle de star du porno, parce que ce n’est pas vraiment ma carrière et que ça ne m’intéresse pas du tout. • PROPOS RECUEILLIS PAR TIMÉ ZOPPÉ

— : « Voir du pays »

— : « La Danseuse »

de Delphine et Muriel Coulin

de Stéphanie Di Giusto

Diaphana (1 h 42)

Wild Bunch (1 h 48)

Sortie le 7 septembre

Sortie le 28 septembre

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LE FILM QUI A FAIT DANSER, RIRE ET PLEURER LA CROISETTE LE F IG ARO

28

SEPT

SONIA BRAGA

AQUARIUS UN FILM D E KLEBER MENDON Ç A F I L H O

JOURNAL CAHIERS DES

CAHIERS CINEMA DU


SCÈNE CULTE

POPCORN

SHOWGIRLS

Au

« Tu peux encore marcher ? » son producteur-amant, Zack (Kyle MacLachlan), arrivent dans le strip club où l’héroïne, Nomi (Elizabeth Berkley), se contorsionne, faute de mieux. Pour humilier Nomi, Cristal propose à Zack de « lui offrir » cette sublime Bécassine. Dans le salon privé, la caméra de Verhoeven épouse le regard des exploitants, pour mieux révéler le pouvoir de l’exploitée, qui se livre à une lap dance torride. Ce sont leurs yeux qui la dévorent en champ-contrechamp, mais c’est son corps à elle qui dirige la cadence et le cadre, dévoilant un angle mort du rapport de domination. « Tu peux encore marcher ? » demande Cristal à Zack à la fin du show… Un film à redécouvrir comme objet théorique, ou pour le plaisir de voir l’agent Cooper (Twin Peaks) éjaculer dans son pantalon avec un sourire béat. • MICHAËL PATIN

mitan des années 1990, Paul Verhoeven est au sommet de sa gloire. Chacune de ses entreprises de subversion s’est révélé un énorme succès au box-office (RoboCop, Total Recall, Basic Instinct). Hollywood marche sur la tête, et rien ne semble pouvoir stopper celui qu’on surnomme le Hollandais violent. Rien sauf Showgirls, le film de l’excès d’excès, victime d’une lapidation symptomatique de la méprise qui réglait le rapport du cinéaste au public, aux critiques et aux argentiers. Le film s’appuie sur l’un des scripts les plus rabâchés et sexistes de l’usine à rêves : une danseuse un peu cruche part à Las Vegas pour devenir une star. La méthode Verhoeven : pousser tous les potars dans le rouge pour surligner la violence anti-érotique de cet érotisme de masse – tiens, une critique mal déguisée de Hollywood. Quitte à provoquer la nausée par son accumulation de couleur, de musique, de mouvement, de nudité crue et de numéros d’acteurs outranciers. La première grosse provoc a lieu quand la danseuse vedette, Cristal (Gina Gershon), et

— : de Paul Verhoeven Pathé (2 h 11)

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C’EST ARRIVÉ DEMAIN

POPCORN

2059

L’ANNÉE OÙ RITA HAYWORTH REMPORTA UN OSCAR

En

avec sa hache entre deux prises… Pour Gilda 2, tout s’était merveilleusement bien passé. Une mèche de cheveux de Rita Hayworth mélangée aux fibres des gants qu’elle portait dans le film de Charles Vidor avait suffi, la magie de l’ADN faisant le reste. Rita/Gilda ne pouvait cette fois retirer son fameux accessoire, solidaire de ses bras, mais le public était conquis. Oscarisée, elle était montée sur scène, sous les yeux d’une assistance se demandant qui était cette intruse. Et pour cause. « Ils s’endorment avec Gilda et se réveillent avec moi », déplorait Hayworth, de son vivant… Après Gilda 2, Gilda avait fini par s’endormir, pour se réveiller en Rita. C’est cette femme, monstrueuse de banalité, qui était sur la scène des Oscars et que le monde entier contemplait, consterné. • CHRIS BENEY ILLUSTRATION : LOUIE CHIN

direct de l’avenir, retour sur le destin d’une actrice dont la mort n’aura marqué qu’une interruption momentanée de la carrière. Quatre-vingt-dix-sept ans après son décès, le nouveau film avec Marilyn Monroe n’avait pas convaincu. Malgré la qualité de sa prestation, générée par ordinateur à partir de tous les rôles de l’actrice, les spectateurs ne croyaient pas à la poupée numérique ainsi obtenue. Pour permettre aux stars mortes de reprendre leur carrière, le clonage génétique avait donc été préféré à la technique informatique. Avec un bonus imparable : on ne ressuscitait pas un comédien, on le ressuscitait dans la peau d’un de ses personnages. Ce n’était pas sans risque. Sur le tournage de Shining 2, il avait fallu se résoudre à abattre Jack Nicholson/ Torrance parce qu’il poursuivait les techniciens

REWIND

SEPTEMBRE 1996 AU CINÉMA Trop piquante : Gena Rowlands, qui vient présenter à Deauville Décroche les étoiles de son fils Nick Cassavetes, répète à longueur d’interview qu’elle kiffe les pâtes à l’ail. • Trop précoce : Victoire Thivisol s’attire les sifflets à la Mostra parce qu’elle décroche, à 5 ans à peine, le prix d’interprétation pour Ponette de Jacques Doillon. • Parti trop tôt : Tupac Shakur, assassiné le 7 septembre à Las Vegas, aurait, avant sa mort, auditionné pour le rôle de Mace Windu dans La Menace fantôme. • Q. G.

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LE FILM-TRACT FILM-TRACT

WHERE TO INVADE NEXT

Le trublion américain Michael Moore (Bowling for Columbine, Fahrenheit 9/11) moque la tradition de conquête des États-Unis en « envahissant », tout seul, plusieurs pays pour leur piquer des idées sociales malignes et les ramener sur ses terres.

LE PROGRAMME EN TROIS POINTS    : VENIR EN AMI :

FAIRE RIRE ET DIVERTIR :

SIMPLIFIER LE MESSAGE :

Après avoir rappelé que l’armée américaine ne cesse d’envahir des territoires mais n’a pas gagné une guerre depuis celle de 1939-1945, Michael Moore prouve qu’il y a beaucoup plus de richesses à trouver en visitant pacifiquement les autres pays.

Le réalisateur de Capitalism. A Love Story n’a rien perdu de son humour. Outre ses punchlines, on retient les longs plans fixes sur ses expressions hagardes, par exemple quand un couple d’Italiens lui annonce son nombre impressionnant de journées de congés payés.

Tous les écoliers français mangent-ils des noix de Saint-Jacques à la cantine ? On en doute, mais c’est le genre de généralisations que Moore utilise pour pointer les défauts du système américain. Au moins, il admet sa posture : « Je cueille les fleurs, pas les mauvaises herbes. »

TAUX D'ADHÉSION

85 %

Si certaines scènes semblent simplistes, le documentariste convainc par l’efficacité de son style. Il passionne littéralement lorsqu’il utilise ses découvertes pour détricoter les mailles d’un système américain vicié, comme quand il explique que, sous couvert de lutter contre la drogue, la police cible davantage les Noirs, alors même que, dans certains États, faire de la prison prive du droit de vote. • TIMÉ ZOPPÉ

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— : « Where to Invade Next » de Michael Moore Chrysalis Films (2 h) Sortie le 14 septembre


Les Insoumises Isabelle Lafon

Seuls

Wajdi Mouawad

Angelus Novus

AntiFaust Sylvain Creuzevault

Disgrâce

John Maxwell Coetzee Jean- Pierre Baro

Timon / Titus Collectif OS’O

au CENTQUATRE-PARIS

Place des héros Thomas Bernhard Krystian Lupa

spectacle en lituanien surtitré en français

Gulliver

Karim Bel Kacem

spectacle tout public à partir de 8 ans

Chunky Charcoal

Sébastien Barrier Benoît Bonnemaison-Fitte Nicolas Lafourest

Le Temps et la Chambre Botho Strauss Alain Françon

Antoine m’a vendu son destin Sony Labou Tansi Dieudonné Niangouna

www.colline.fr 01 44 62 52 52 15 rue Malte-Brun Paris 20e

MayDay

Dorothée Zumstein Julie Duclos

Moi, Corinne Dadat Mohamed El Khatib

Les Larmes d’OEdipe Wajdi Mouawad

Lourdes

Paul Toucang

Baal

Bertolt Brecht Christine Letailleur

Le froid augmente avec la clarté Thomas Bernhard Claude Duparfait

Betroffenheit Crystal Pite Jonathon Young

Jan Karski

(Mon nom est une fiction) Yannick Haenel Arthur Nauzyciel


LA NOUVELLE

POPCORN

ALICE DIOP

Plutôt

que de porter un regard extérieur sur des populations stigmatisées – jeunes de banlieue dans Clichy pour l’exemple (2006) et La Mort de Danton (2011), migrants dans La Permanence (2016) –, la cinéaste franco-sénégalaise leur donne la parole. À écouter de jeunes hommes de banlieue disséquer leur rapport à l’amour dans le captivant Vers la tendresse (2016), montré fin août au festival Silhouette, on prend ainsi conscience des tabous qui pèsent sur la virilité et génèrent parfois de la violence. « J’ai découvert les films de l’anthropologue Éliane de Latour pendant mes études et j’ai compris que le documentaire pouvait permettre de mener une recherche très pointue en sciences humaines », explique-t-elle au téléphone, depuis les états généraux du film documentaire de Lussas. La suite ? Elle prépare un film autour de la ligne B du RER et espère une sortie en salles pour La Permanence. Nous aussi. • TIMÉ ZOPPÉ – PHOTOGRAPHIE : ANTOINE DOYEN 20


MK2

ET

DIAPHANA présentent

Après MOMMY, le nouveau chef-d'œuvre de Xavier Dolan

NATHALIE BAYE VINCENT CASSEL MARION COTILLARD LÉA SEYDOUX GASPARD ULLIEL

AU CINÉMA LE 21 SEPTEMBRE /Justelafindumonde.lefilm Sons of Manual

et

#justelafindumonde

www.diaphana.fr

JOURNAL CAHIERS DES

CAHIERS CINEMA DU


L’ILLUMINÉ

POPCORN

BLUE VELVET VU PAR YANN LE BEC

Dans

les scènes de vie ou les portraits que le Breton de 31 ans saisit à l’encre noire se dégage toujours quelque chose de troublant. À l’image de la scène mythique qui ouvre Blue Velvet de David Lynch, qu’il a choisie de réinterpréter en réponse à notre carte blanche. « Le héros, un jeune homme très débonnaire, presque tintinesque, trouve une oreille coupée dans un champ. C’est comme si le monde hollywoodien se déchirait tout à coup pour laisser surgir un monde plus noir, plus inquiétant. » • (YANNLEBEC.TUMBLR.COM, INSTAGRAM : @YANN_LEBEC) 22


CLAIRE BODECHON, JEAN BREHAT & RACHID BOUCHAREB PRÉSENTENT

« L’HISTOIRE DE CE “MERCENAIRE” VENU DE LA LOINTAINE POLYNÉSIE FRANÇAISE VA VOUS PLAQUER AU SOL ! » PARIS MATCH

« UN FILM SINGULIER, INTENSE ET LYRIQUE » TÉLÉRAMA

PRIX DE LA MISE EN SCÈNE

Photo : Loïs Simac • Design : Benjamin Seznec / TROÏKA

FESTIVAL D’ANGOULÊME

UN FILM DE SACHA WOLFF AVEC TOKI PILIOKO ILIANA ZABETH MIKAELE TUUGAHALA L. PAKI PAKIHIVATAU

AU CINÉMA LE

5 OCTOBRE


SENORITA FILMS ET SOPHIE DULAC DISTRIBUTION PRÉSENTENT

“Une fable qui synthétise toute la géopolitique du monde”

© 2016 - TWENTY TWENTY VISION FILMPRODUKTION - SENORITA FILMS - PIMIENTA FILMS - ZDFARTE.

TÉLÉRAMA

U N

F I L M

D E

R A F I

P I T T S

UNE PRODUCTION TWENTY TWENTY VISION - SENORITA FILMS EN CO-PRODUCTION AVEC PIMIENTA FILMS - PALLAS FILM ET ZDF/ARTE AVEC JOHNNY ORTIZ, RORY COCHRANE, AML AMEEN, DARRELL BRITT-GIBSON, IAN CASSELBERRY, ROSA FRAUSTO, KHLEO THOMAS, ALEX FROST ET MICHAEL HARNEY SCÉNARIO RAFI PITTS, RAZVAN RADULESCU DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE CHRISTOS KARAMANIS DÉCORS MALAK KHAZAI, MAX BISCOE COSTUMES ALEXIS SCOTT SON STEPHAN VON HASE-MIHALIK, DANIEL IRIBARREN, LARS GINZEL MONTAGE DANIELLE ANEZIN MUSIQUE RHYS CHATHAM CASTING LISA ESSARY, HEIDI LEVITT PRODUCTEURS ASSOCIÉS HOLGER STERN, MEINOLF ZURHORST PRODUCTEUR EXÉCUTIF MATTHAIOS VOULGARIS CO-PRODUCTEURS NICOLAS CELIS, GEORGES SCHOUCAIR PRODUCTEURS THANASSIS KARATHANOS, RITA DAGHER, MARTIN HAMPEL RÉALISATEUR RAFI PITTS VENTES INTERNATIONALES

PRODUIT PAR

EN ASSOCIATION AVEC

AVEC LE SOUTIEN DE

AU CINÉMA LE 21 SEPTEMBRE


TRONCHES ET TRANCHES DE CINÉMA


BOBINES

KLEBER MENDONÇA FILHO

ESPACE-TEMPS Dans son solaire deuxième long métrage, Aquarius, Kleber Mendonça Filho brosse le portrait d’une magnifique héroïne sexagénaire qui, après avoir bravé un cancer du sein dans sa jeunesse, reste tenace face aux promoteurs immobiliers qui tentent par tous les moyens de la déloger de son immeuble, l’Aquarius. En mai dernier, à Cannes, on a parlé architecture et temps qui passe avec l’affable réalisateur brésilien. 26


FACE À FACE

C’est vrai que deux de mes courts métrages traitaient déjà de la démolition de quelque chose – soit parce que cette chose est vieille, soit simplement parce que quelqu’un en exprime le désir. Cette idée me perturbe beaucoup, surtout quand il s’agit d’un bâtiment. Dans mon précédent film, Les Bruits de Recife [sorti en France en 2014, ndlr], une femme visite la maison de son enfance, qui va bientôt être démolie, comme si celle-ci était déjà morte ; mais elle parvient encore à voir « la maison à l’intérieur de la maison » en convoquant les souvenirs de ce qu’elle y a vécu. J’ai retrouvé cette idée dans Aquarius, avec un immeuble en danger et un personnage qui souhaite le protéger, comme si c’était une personne.

Une scène revient dans vos deux longs métrages – un personnage qui rêve que des intrus pénètrent la nuit dans son appartement. D’où vient cette peur ? Le cauchemar des Bruits de Recife, qui est de voir sa maison envahie par des gens pauvres et violents, me semble très spécifique à la société brésilienne, même si je pense que les Français peuvent très bien comprendre ce cauchemar aussi. Celui d’Aquarius est plus universel. Le rêve de Clara témoigne d’une menace moins définie qui plane sur elle. La première séquence du film se déroule en 1980, puis il y a une importante ellipse jusqu’à notre époque. Aucun flash-back ne revient sur ce qui s’est passé entre-temps, sans que cela ne manque à l’histoire. Comment avez-vous pensé la construction du récit ? Cette séquence d’ouverture, qui dure plus de quinze minutes, devait donner une image assez forte du passé de l’héroïne pour que je n’aie pas à revenir dessus. La nuit que je montre en 1980 n’a rien de spectaculaire,

« Les humains ne sont pas constitués de lignes droites, alors que l’architecture en est remplie. » Déjà dans Les Bruits de Recife vous sondiez le rapport étroit entre les bâtiments et les personnes qui y vivent. Mon travail se rapproche sans doute de celui de Jacques Tati – sans être aussi drôle. Dans Les Bruits de Recife, je voulais montrer comment la mauvaise architecture crée de la distance entre les gens. On voit beaucoup d’architecture agressive dans les villes brésiliennes, dont Recife. Le besoin de se protéger, de s’isoler, c’est révélateur d’une certaine paranoïa. Les espaces sont mal conçus. En plus, c’est moche. Et puis les humains ne sont pas constitués de lignes droites, alors que l’architecture en est remplie. Ce contraste m’intéresse énormément. Au contraire, l’immeuble d’Aquarius est plein de courbes, loin d’une architecture brutaliste [style architectural issu du Modernisme, ndlr], ce qui m’a permis d’humaniser le bâtiment. C’est vraiment absurde, mais c’est le seul immeuble ancien qui reste à Recife… Tous les autres ont été détruits. Les photographies qui ouvrent le film, sur lesquelles on voit ce type de bâtiments au bord de la plage, datent du tournant des années 1970.

c’est juste une fête de famille, mais c’est un souvenir heureux. L’autre chose intéressante dans cette séquence, c’est le personnage de tante Lucia, qui a 70 ans en 1980, et qui se remémore un souvenir datant de 1945 ou 1950. Ça forme une très longue échelle temporelle. Peut-être que j’aurais dû continuer comme ça jusqu’à revenir au temps des esclaves… Les héroïnes âgées se font rares au cinéma. Pourquoi ce choix ? À vrai dire, je n’ai jamais imaginé une Clara plus jeune. Et dès que j’ai pensé à l’actrice Sônia Braga pour tenir le rôle, ça a été encore plus évident. Pour pouvoir jouer sur une grande période de temps, il fallait une héroïne d’un certain âge, quelqu’un qui puisse avoir environ 20 ans dans les années 1970. Ça ouvrait plus de possibilités en termes de mémoire et de nostalgie, qui sont les thèmes qui portent le film. Je voulais aussi que l’héroïne ne soit pas toute jeune pour que la relation avec le bâtiment soit très forte, qu’ils puissent être un peu comme une sœur et un frère. J’ai mis beaucoup de ma propre mère dans ce personnage, même si ce n’est pas

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La destruction, c’est une idée qui vous passionne ?


KLEBER MENDONÇA FILHO du tout un documentaire. Ma mère est morte il y a vingt ans. C’était une femme très forte. Peut-être que j’ai imaginé Clara comme la femme que j’aurais aimé la voir devenir… Mais j’ai aussi plusieurs amies de l’âge de mon héroïne, très fières de leurs cheveux blancs, et qui sont encore très actives, y compris sexuellement. J’ai beaucoup appris en les écoutant.

souvent. J’ai l’impression qu’on se repose beaucoup sur la technologie et que tous les films se ressemblent. Les films de super-héros, par exemple, sont toujours sombres et gris. La couleur me manque beaucoup. C’est donc la première chose que j’ai dite à mon chef opérateur : « C’est un film en couleurs, non ? Alors tu n’as pas intérêt à le désaturer ! »

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« J’ai aussi plusieurs amies de l’âge de mon héroïne, très fières de leurs cheveux blancs. » Dans une très belle scène, on découvre que Clara a subi une ablation du sein. En quoi ce sujet vous touche-t-il ? Ma mère a vécu cet épisode. Il y a beaucoup de ce qu’elle m’a raconté, beaucoup de ce que j’ai constaté aussi. L’idée de l’ablation mammaire est très troublante. J’ai passé six mois sur le montage du film, mais sur les plans en question, on voyait juste un machin blanc qui couvrait la poitrine de Sônia pour pouvoir faire un effet spécial par la suite. J’ai vu le résultat final il y a seulement trois semaines. Ça m’a retourné. Pas seulement à cause de mon histoire personnelle, mais aussi parce que j’ai pensé que ça allait choquer les spectateurs. En plus de l’image en elle-même, Sônia est un symbole de beauté, alors, la montrer avec un sein en moins… Vous utilisez beaucoup de zooms, un effet que l’on voit peu au cinéma de nos jours. J’adore le cinéma des années 1960 et 1970. Il y a souvent beaucoup de zooms dans les films de Sergio Leone, Brian De Palma ou Robert Altman. Le cinéma actuel m’ennuie

Pour coller à ce cinéma que vous aimez, vous avez tourné en pellicule ? C’est ce que je souhaitais. Ça avait du sens par rapport aux thèmes du film, les archives, l’histoire, mais j’ai dû utiliser une caméra numérique. La pellicule est vraiment devenue un luxe… C’est un peu comme ce que Clara traverse dans le film : le marché veut l’obliger à faire quelque chose, mais elle résiste. J’ai finalement dû céder au numérique, et ça m’a pas mal énervé sur le coup. Mais, au bout du compte, je ne pense pas que ça ait nui à l’énergie du film. Et pour la suite ? Je prépare un thriller horrifique intitulé Bacurau, qui se déroule dans la campagne brésilienne isolée. Un groupe d’extrémistes américains débarque pour organiser un safari humain parmi la population locale, mais sans avoir préalablement étudié l’histoire des lieux – ce que les Américains oublient souvent de faire. Du coup, ça devient vraiment sanglant. • PROPOS RECUEILLIS PAR TIMÉ ZOPPÉ PHOTOGRAPHIE : VINCENT DESAILLY

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Après Les Bruits de Recife (2014), Kleber Mendonça Filho revient dans sa ville natale avec ce portrait de femme doux-amer, à la fois cerné par la mort et rayonnant de vie.

À

l’annonce du palmarès du dernier Festival de Cannes, on regrettait par-dessus tout l’oubli d’Aquarius et de son interprète principale, la star locale Sônia Braga. Il faut dire que le film donnait certainement à voir l’un des plus beaux personnages féminins de l’année : Clara, intellectuelle sexagénaire au tempérament libre et buté, qui a connu la mort de son mari et la maladie mais semble avoir décidé que rien ne devait entraver son existence de femme. Coulant des jours solitaires mais heureux dans son bel appartement de Recife, celle-ci doit faire face aux menaces d’une compagnie immobilière prête à tout pour la faire flancher. Car Clara se trouve être la dernière propriétaire d’une résidence désertée (l’« Aquarius » du titre), petit Olympe au confort bourgeois mais vétuste dont chaque recoin annonce le crépuscule – autant que la résilience du personnage. On retrouve ramassée à une échelle individuelle la gracilité feuilletonesque du premier long métrage de Kleber Mendonça Filho, là encore l’histoire d’un lieu (un quartier de Recife) que le film arpentait comme un espace mental, un laboratoire où mêler intimités, temporalités et affects contradictoires, sans cesse remués par les vents aléatoires de l’existence. Un art du quadrillage et de l’écoulement

quotidien qui permet ici au réalisateur de faire résonner les vies passées, présentes et rêvées de son protagoniste, que la mise en scène n’envisage jamais comme un corps fané mais comme un réservoir inépuisable de secrets et de pulsions, encore disponible à l’assouvissement de ses moindres désirs. Si le Brésilien n’a pas son pareil pour s’introduire dans l’intimité sensible de son héroïne, le film vaut surtout pour sa manière de dessiner un étoilement d’interactions en redéfinition constante : tels des vases communicants à travers les générations, une force mystérieuse semble ainsi circuler d’une femme à une autre dans cette famille (le prologue autour du personnage de la tante, le beau et discret personnage de la petite amie). Une constellation d’individualités solidaires dont Clara serait le cœur fatigué mais toujours vaillant, comme un soleil qui trouverait dans chaque promesse de son extinction le prétexte à un perpétuel rayonnement. • LOUIS BLANCHOT

— : « Aquarius » de Kleber Mendonça Filho SBS (2 h 25) Sortie le 28 septembre

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FIERS VESTIGES

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NOUVEAU MONDE Longtemps, il s’est fait discret, promenant son allure androgyne et délicate et son air lunaire dans des rôles secondaires (Un long dimanche de fiançailles de Jean-Pierre Jeunet, La Princesse de Montpensier de Bertrand Tavernier). Puis est venue la révélation, avec en 2014 le très beau Saint Laurent de Bertrand Bonello, qu’il a vécu comme une nouvelle naissance, et aujourd’hui Juste la fin du monde de Xavier Dolan. Il y incarne, avec une lumineuse sérénité, un écrivain taciturne venu annoncer sa mort prochaine à sa famille après douze ans d’absence.

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Travailler avec Xavier Dolan, vous y pensiez depuis longtemps ? Ma première rencontre avec Xavier remonte à 2009, année où il présentait J’ai tué ma mère à Cannes. Niels Schneider est venu me voir pendant une soirée pour me dire qu’il était avec un jeune cinéaste québécois qui avait un film à la Quinzaine des réalisateurs et qui souhaitait me rencontrer, en me désignant Xavier, qui était très très jeune à l’époque. Je pensais que c’était une farce, donc je n’ai pas donné suite. Je me suis aperçu de mon erreur quelques mois plus tard, en découvrant son film… On s’est croisés plusieurs fois par la suite, et il m’a contacté juste après Saint Laurent de Bertrand Bonello pour me parler du projet de Juste la fin du monde. Très vite, on a enchaîné sur le tournage. C’est un projet hors norme qui s’est mis en branle très rapidement, avec une spontanéité assez inhabituelle. Tout s’est fait un peu dans l’urgence, il voulait tourner le film en quinze jours. C’était après la sortie de Mommy. Il voulait faire un petit film pour meubler le temps, en attendant son prochain gros film américain, qu’il tourne en ce moment [The Death and Life of John F. Donovan, avec notamment Jessica Chastain et Natalie Portman, ndlr], et qui mettait du temps à se mettre en place. Il ne voulait pas rester sans tourner. Ça vous plaît, de travailler dans l’urgence ? Cette frénésie, qui tient aussi à la personnalité de Xavier, était assez

déconcertante au début, et finalement ça a été très agréable. C’est parfois pénible, les longs moments d’attente sur le plateau pendant les installations. Xavier ne laisse pas de place à ça, et le dispositif en huis clos nous permettait d’avancer rapidement. Et puis on était sur un rythme de travail à l’américaine, vu qu’on a tourné au Canada : on peut tourner douze heures par jour là-bas,

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« Ce person­nage qui avance inévitablement vers la mort, c’est peut-être le seul qui soit véritable­ment en vie. »

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jouer. C’est assez beau de l’observer sur un plateau, à jouer en même temps que les acteurs derrière son retour vidéo. Il a une idée très précise de son film. C’est assez bluffant, il sait à l’avance comment il va le filmer et même le monter, vu qu’il monte ses propres films. Ça lui arrive de prendre le steadycamer par la ceinture en pleine prise pour le changer de place, parce qu’il sait qu’il a ce qu’il faut dans cet axe… Du coup, le plateau est extrêmement vivant. Contrairement aux autres personnages de Juste la fin du monde, Louis est très taiseux. Comment avez-vous joué l’émotion à travers le silence ? Avant le tournage, Xavier était un peu soucieux du peu de dialogue que j’avais, et il m’a proposé qu’on travaille sur l’écoute. Son dispositif de mise en scène était vraiment propice à ce genre d’exercice, car on était presque tout le temps filmés en très gros plan, il venait fouiller au plus près et au plus profond de nous, capter l’imperceptible, le moindre frémissement, tremblement de lèvre, clignement de cil. Quand on travaille en si gros plan, on a le sentiment d’être sous un microscope, tout est amplifié, et ça permet d’exprimer ces petites choses dans le sous-texte – or c’est justement un film sur l’incommunicabilité. Dans la pièce de JeanLuc Lagarce [dont le film est adapté, ndlr], les personnages ne cessent de parler, mais la parole les empêche d’exprimer leur pensée, ce n’est qu’un frein, une fuite, et au final ils ne se disent rien. Tout ce qu’ils n’arrivent pas à se dire, Xavier parvient à le formuler à travers sa mise en scène. Il y a une nécessité cinématographique dans chacun des plans, alors que c’était loin d’être évident d’adapter une pièce avec un langage si singulier. Votre personnage se sait condamné, tout comme Jean-Luc Lagarce se savait atteint du sida quand il a écrit la pièce en 1990. Au-delà de l’incommunicabilité, Juste la fin du monde est un film sur la mort. Au début, j’ai appréhendé le personnage de manière assez morbide, et finalement j’ai

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alors qu’en France on ne doit pas dépasser les huit heures effectives, avec en plus de longues pauses déjeuner, parce que c’est une tradition et parce qu’on aime manger, mais ce qui réduit encore le temps disponible. Ça peut être frustrant, pour un comédien, de devoir tourner une grande séquence en deux jours parce qu’on n’a pas eu le temps de terminer en huit heures. Comment est Xavier Dolan sur le plateau ? Il est très directif et très précis dans sa direction. Il n’hésite pas à intervenir en plein milieu d’une prise, même dans les scènes d’émotion un peu complexes. Il ne peut pas s’en empêcher, le centre de son attention, c’est l’acting ; et puis il aime beaucoup


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essayé de l’amener vers la lumière. Pour moi, ce chemin vers la mort est lumineux, c’est une libération. Ce personnage qui avance inévitablement vers la mort, c’est peut-être le seul qui soit véritablement en vie. Il revient dans cette maison après douze ans d’absence, comme le nomade qui revient auprès des sédentaires : eux n’ont pas bougé, ils sont restés dans leur monde figé, alors que lui est sans cesse en mouvement, c’est un mort qui avance, un mort debout. Vous aviez déjà tourné en Amérique en 2007 pour Hannibal Lecter. Les origines du mal de Peter Weber, le prequel du Silence des agneaux. Ça vous a plu, cette expérience hollywoodienne ? C’est une tout autre manière d’agencer le travail. On est sur des gros budgets, avec des grosses équipes, mais il y a plus de contraintes. Déjà il y a l’influence des syndicats qui fait que tout est extrêmement encadré, millimétré, et parfois du coup un

peu déshumanisé. Et les corps de métiers sont très compartimentés : un électricien n’a pas le droit de toucher au travelling d’un machino, ça ferait scandale. Ce système m’avait pas mal perturbé, parce que ce qui me plaisait, sur les tournages en France, c’est justement de travailler avec une équipe soudée où tout le monde est tendu vers la réalisation d’un objectif commun et donne le meilleur de lui-même. Votre première grande expérience de cinéma, c’était avec Les Égarés d’André Téchiné, face à Emmanuelle Béart, en 2003. C’était mon premier grand rôle et mon premier vrai travail de composition, ça m’a tout appris, j’en garde un souvenir très fort. André est un réalisateur très centré sur le travail des comédiens, et notamment des jeunes comédiens, avec qui il aime travailler. On parlait longuement après chaque prise pour trouver le personnage. J’ai compris sur ce tournage ce que ça voulait dire qu’être

« Xavier Dolan venait fouiller au plus près de nous, capter l’imperceptible, le moindre frémissement. » 34


acteur, aller chercher des choses nouvelles à chaque prise, inventer son personnage. Après avoir participé à des projets grand public type Hannibal ou Jacquou le Croquant, vous avez fait une pause au début des années 2010, avant de prendre un virage vers le cinéma d’auteur en tournant avec Bertrand Bonello, Xavier Dolan, et bientôt F. J. Ossang. Comment ce recentrage s’est-il opéré ? J’ai commencé un peu par hasard dans le cinéma, grâce à une amie de ma mère qui m’a proposé de passer des castings. J’ai vite décroché des petits rôles, je tournais par-ci par-là pour des téléfilms pendant les vacances, ça m’amusait. Et je suis passé au cinéma, chez Michel Blanc (Embrassez qui vous voudrez, 2002), chez Téchiné… Les propositions se sont accélérées et je me suis un peu laissé porter. J’étais moins lucide qu’aujourd’hui, j’étais très jeune. Je pensais qu’il fallait que je joue dans des films très différents pour ne pas être enfermé dans une case. Ça m’a permis de passer d’une grosse production de Jean-Pierre Jeunet (Un long dimanche de fiançailles, 2004) à un film d’Emmanuel Mouret (L’Art d’aimer, 2011) ou de Rithy Panh (Un barrage contre le Pacifique, 2009). Mais ça a pu en dérouter certains, qui se sont demandé quelle était ma direction.

Au bout d’un moment, les propositions ont été moins nombreuses, et j’en ai profité pour prendre du recul sur ce début de carrière, me remettre en question. C’est là qu’est arrivé le film de Bertrand, Saint Laurent, pile au moment où j’avais besoin d’une impulsion nouvelle. Il y a eu un avant et un après Saint Laurent, j’ai vraiment eu l’impression de recommencer à zéro. Ce nouveau départ correspond aussi au moment où vous êtes devenu égérie pour une marque de luxe. C’était un risque à prendre, et j’en avais conscience. On me parlait beaucoup de mon physique de jeune premier à cette époque, et là j’allais me retrouver placardé en quatre par six dans le monde entier. Ça stigmatise, ça laisse moins de place aux réalisateurs pour projeter leurs fantasmes sur votre image. Mais la contrepartie, c’est que ça me laisse une liberté énorme dans mes choix artistiques, ça m’apporte un confort financier qui me permet d’attendre les bons projets. Vous aviez fourni un travail préparatoire sans précédent pour le rôle de Saint Laurent : vous aviez notamment perdu douze kilos… Le projet a été reculé plusieurs fois, ce qui m’a laissé quasiment un an pour me 35

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« Il y a eu un avant et un après Saint Laurent, j’ai vraiment eu l’impression de recommencer à zéro » préparer, notamment par un travail sur la voix. Pour les premiers essais, Bertrand m’avait demandé de reproduire mot pour mot une interview télévisée de Saint Laurent en se rapprochant au maximum de sa voix et de sa diction, si singulières. J’ai beaucoup écouté les quelques enregistrements télé ou radio que j’ai trouvés. Et puis, dans un second temps, une fois que j’ai été choisi pour le rôle, Bertrand a voulu que je m’approprie le personnage, que j’invente mon Saint Laurent – sa grosse hantise, c’était justement d’être dans la pure imitation. Tout ce travail de préparation a été passionnant et a complètement changé ma manière de travailler. Aujourd’hui, je n’envisagerais pas de ne pas me préparer à l’extrême pour un rôle, même secondaire. Je ne me l’impose pas, ça me stimule énormément, c’est pour moi l’étape la plus exaltante du travail de comédien. Bertrand Bonello jouait les laborantins dans Saint Laurent, avec une mise en scène stylisée, conceptuelle, qui tournait parfois à l’abstraction. Juste la fin du monde est aussi dans une approche très mentale,

expérimentale, ça relève presque de l’exercice de style – aux antipodes de Mommy qui était dans la pure émotion. Ça vous intéresse, la recherche formelle ? Les réalisateurs qui me touchent le plus sont ceux qui tentent de se renouveler, qui tentent des choses, comme Bertrand ou Xavier, qui n’hésitent pas à se mettre en danger et à sortir de leur zone de confort. L’année dernière, j’ai été bluffé par le premier film de Clément Cogitore, Ni le ciel ni la terre, vraiment novateur sur le plan formel. Mais l’audace peut aussi se jouer ailleurs. Par exemple, j’ai vu hier soir Toni Erdmann de Maren Ade, que j’ai beaucoup aimé. En matière de recherche formelle ce n’est pas très riche, mais chaque scène est une surprise. On bascule du pur naturalisme à l’absurde en une ellipse, il y a un ton, un équilibre totalement inédits. Valley of Love de Guillaume Nicloux a été un vrai choc aussi. Il s’est complètement réinventé, ça n’a rien à voir avec ses films précédents. D’ailleurs, on va travailler ensemble l’année prochaine, et je suis très impatient.

• PROPOS RECUEILLIS PAR RAPHAËLLE SIMON 36


COUPS BAS ET VERBE HAUT Avec Juste la fin du monde, adaptation de la pièce du même nom de Jean-Luc Lagarce, auréolé du Grand prix à Cannes, Xavier Dolan nous convie à un fracassant huis clos familial dans lequel tout le monde a son mot à dire mais personne n’est prêt à entendre.

À

l’approche de sa propre mort (on ne sait pas vraiment de quoi il décédera), Louis (Gaspard Ulliel, sobre et fantomatique) rend visite à sa famille qu’il n’a pas vue depuis douze ans. Il n’exprime pas ses motivations : peut-être veut-il tout simplement partir en paix. Louis écoute et regarde, il n’arrive pas à parler. À chaque fois qu’il est sur le point de s’exprimer, on lui coupe la parole. La réunion de famille est source d’un vacarme que Dolan ne cherche absolument pas à brider. C’est comme si la mère très excentrique (Nathalie Baye, à la fois grotesque et géniale), la sœur revêche (Léa Seydoux), le frère au tempérament sanguin (Vincent Cassel) et la belle-sœur effacée (Marion Cotillard) cherchaient tous à noyer le poison. Dolan matérialise le conflit à travers une mise en scène abrupte et très sensorielle. Quand débute le film, le débit de parole est infernal, le montage est haché, les acteurs sont isolés dans des gros plans, tandis que le son paraît cradingue – autant de marqueurs de l’incapacité des personnages à s’entendre. Ici,

personne ne semble accorder d’importance à la substance de ce qui est dit : il faut remplir les blancs, s’agiter le plus possible pour éviter d’aborder l’essentiel. Dolan filme le non-dit, l’incommunicabilité, et, paradoxalement, il charge son film de dialogues qui, sans en avoir l’air, sont tous plus toxiques et insidieux les uns que les autres. Avec une âpreté proche de celle de son Tom à la ferme (qui déjà, en 2013, se déchargeait des effets pop de son cinéma – réduits ici à quelques séquences, notamment des flash-back très stylisés), Dolan, à travers cette famille qui se délite, s’impose une nouvelle fois comme un dialoguiste subtil, mais surtout comme un habile portraitiste d’écorchés vifs hâbleurs ou de perdants au verbe haut. • QUENTIN GROSSET

— : « Juste la fin du monde » de Xavier Dolan Diaphana (1 h 35) Sortie le 21 septembre

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VIRGINIE EFIRA

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NOUVELLE STAR

Animatrice télé en prime time, actrice de comédies romantiques et aujourd’hui égérie du jeune cinéma d’auteur avec le délicieux Victoria de Justine Triet, Virginie Efira aime décidément se soustraire à l’image qu’on voudrait se forger d’elle, maniant comme personne la distance et l’autodérision – y compris en interview. 38


PORTRAIT cossue, jardin avec piscine. On frappe à la porte vitrée de la maison en pierre et on la voit qui s’avance, visage rond et pommettes hautes, regard franc, sourire chaleureux. Quand Virginie Efira nous ouvre sur un convivial « Bienvenue à la campagne ! », on a vaguement l’impression de figurer dans une des comédies légères et enjouées de sa filmographie. Sauf qu’il pleut et que ça sent la clope. La déco, rococo à souhait, surprend un peu, mais l’actrice précise que cette imposante demeure n’est pas la sienne (« Je ne pourrais jamais vivre ici ! »). Elle l’a louée sur Internet pour profiter un peu de l’été sans trop s’éloigner de Paris et du boulot, qui ne manque pas. Sans compter sa géniale apparition en bigote pas aussi cruche qu’elle en a l’air dans Elle du Néerlandais Paul Verhoeven (« Un petit rôle, mais je suis fan de Verhoeven depuis que j’ai vu Starship Troopers à 20 ans. »), Victoria est le troisième film dans lequel elle tient le rôle principal cette année, après les comédies Et ta sœur (avec Géraldine Nakache) et Un homme à

De 2006 à 2008, elle présente notamment la très populaire émission de télé-crochet Nouvelle Star. C’est fascinant d’observer comment elle parvient alors, à grands coups d’humour à froid et d’autodérision, à échapper en permanence au stéréotype de la jolie blonde bien foutue dans lequel le petit écran tente de l’enfermer. « Il y a la musique, des panneaux s’ouvrent et tu arrives en hurlant “Bonjour à tous !”, tu marches comme Naomi Campbell, enfin, franchement, tu ne peux pas le faire sérieusement, même si on te crie “Pas d’humour !” dans l’oreillette. Moi, je pensais toujours que si quelqu’un que je connaissais tombait sur l’émission, il fallait qu’il me reconnaisse un peu. Et puis il y a la grande dramaturgie de la télévision – “Pour l’un d’entre vous, ce soir, tout va s’arrêter !”… Il faut bien faire un pas de côté par rapport à ça, injecter un peu d’ironie, pour essayer d’avoir l’air d’un être humain. » Et parce que l’on n’est pas à une incongruité près, c’est aussi à cette époque que Virginie Efira joue… au poker. Qu’est-ce qu’il s’est passé, au juste ? « Oui, je sais… Je crois que j’aimais cet univers

« Ma vision du métier a changé. Je suis passée de la réticence à l’abandon. » la hauteur (avec Jean Dujardin). Un rôle d’une belle ampleur – une mère célibataire et avocate débordée, entre aplomb et dépression – qui marque un tournant majeur dans sa carrière : celui du jeune cinéma d’auteur. C’est peu dire qu’on ne l’attendait pas ici.

CHAISES MUSICALES

Elle allume une cigarette et raconte que son désir d’être comédienne remonte très loin, à l’enfance. Mais après ses études de théâtre, c’est une carrière d’animatrice télé qui s’ouvre à elle, en Belgique d’abord, d’où elle est originaire. « Quand j’ai commencé à faire de la télé, je me suis défaite de mes envies d’être comédienne. Mais tu oscilles quand même constamment entre complexes d’infériorité et de supériorité. Tu te dis que de toute façon t’es nulle, mais t’aimerais aussi dire aux gens : “Moi je suis plus intelligente que ça, hein.” Un métier exposé, avec des archétypes aussi marqués, c’est pas l’endroit où on t’octroie le plus de neurones… » Embauchée par M6 en 2003, elle s’installe en France et devient rapidement l’animatrice vedette de la chaîne.

très masculin, et l’idée de rencontrer des gens sans que ça passe par le fait de parler de soi. Et comme je ne jouais pas trop mal, on m’a sponsorisée. (Elle pouffe de rire.) Du coup, je partais à Las Vegas toute seule faire des tournois. Enfin, bref, j’ai fait ça un temps, et puis ça s’est éteint très vite. Je ne joue plus du tout. C’est mon côté Patrick Bruel. » Aussi troublante que soit la contradiction entre ces univers à la fois monstrueux et fascinants et l’élégante jeune femme de 39 ans, brillante et drôle, assise en face de nous, on sent bien qu’elle est embarrassée d’en parler trop longuement, et qu’il est temps de changer de sujet. Après quelques expériences dans des fictions télé (un téléfilm, les séries humoristiques Kaamelott et Off Prime), Virginie Efira décroche enfin son premier rôle au cinéma en 2009. Dans l’embarrassante comédie Le Siffleur de Philippe Lefebvre, elle parvient à injecter un peu de sève à son personnage de désespérante ingénue. On lui propose vite des premiers rôles dans des films populaires, et c’est surtout en héroïne de comédie romantique que les réalisateurs la fantasment : L’Amour c’est mieux à deux,

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Banlieue


VIRGINIE EFIRA

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Dans Victoria

La Chance de ma vie, 20 ans d’écart, Caprice, Un homme à la hauteur… « Il y a des scènes que j’ai jouées une quantité de fois… Par exemple, il y a toujours ce moment, dans les comédies romantiques, où le personnage masculin te voit ; et toi t’arrives, tu dois être mignonne mais pas trop bombasse, pour que le type se dise : “Ah vraiment, elle, j’en ferais bien la femme de ma vie.” Et puis il y a le moment où on est séparés et où on pense l’un à l’autre, genre je dessine la tête de Clovis Cornillac [dans L’Amour c’est mieux à deux, ndlr], je suis “absente”. » Le sujet – les stéréotypes attachés aux personnages féminins dans le cinéma populaire français – est grave. Mais difficile de garder son sérieux, parce que Virginie Efira mime chaque scène, prend les voix des différents protagonistes… Son talent pour l’ironie et la distanciation ne se borne pas aux limites de l’écran. Elle poursuit : « J’ai très envie de faire encore des comédies populaires, mais

plus de composer en fonction de ce que les gens attendent ou pas. À la télé, je pouvais entendre des phrases comme : “La solidarité, c’est à la mode en ce moment, on va faire une émission sur la solidarité.” Si t’entends les mêmes choses au cinéma, c’est embêtant. Bon, le cinéma est très rarement un endroit d’une grande radicalité… Mais il y a quand même la possibilité d’avoir accès à des choses plus libres, plus ouvertes, et je savais que je respirerais mieux là-dedans. Sans vouloir aller trop vite non plus, car il faut prendre le temps d’avoir une compréhension de ce que tu es, et de ce que tu représentes. »

L’ÂGE DE RAISON

Elle confie qu’elle a d’abord eu peur de la caméra. Pour désacraliser, elle décide de tourner beaucoup. Mis à part une pause au moment de la naissance de sa fille, en 2013, elle joue dans quatre, cinq films par an. Elle se souvient qu’un déclic s’est opéré en 2012,

« Victoria, c’est un mélange entre Justine et moi. Je ne crois pas trop à la composition, en tout cas au contre-emploi. » 40


PORTRAIT

qui peut se fissurer à tout moment. Mais Justine m’a dit que, justement, Victoria, cette fille qui prend beaucoup de Lexomil, il fallait la prendre de façon très solide, il n’y a pas de fébrilité ni d’hystérie chez elle. Cela va avec le fait qu’elle aimait chez moi un corps plus costaud, elle m’avait même dit : “Si tu peux prendre plus de poids, c’est super.” Elle ne voulait pas quelqu’un de fragile. Ce qui n’empêche pas que le personnage est aussi un peu sexy, et autoritaire, enfin, c’est un mélange, quoi. J’aime que le film ne prône pas une certaine idée de ce que devrait être la femme forte, il n’y a pas d’injonction. » Quand on avance que la description semble assez proche de ce qu’elle est, elle admet volontiers que le personnage lui ressemble beaucoup. « Victoria, c’est un mélange très fort entre Justine et moi. Je ne crois pas trop à la composition en fait, en tout cas au contre-emploi. Quand Benoît Poelvoorde a commencé à jouer des hommes très tristes, on a dit qu’il était à contre-emploi ; mais non les gars, c’est juste l’homme le plus triste de la planète… Peut-être que moi, avec mes joues rondes et mon sourire, on se dit que je suis le dynamisme et la douceur. Et non, en fait, c’est un peu plus large, et Justine le voit et éclaire ce truc-là. » Une mise au jour éclatante et pleine de promesses pour l’avenir – quoique, au rythme où Virginie Efira déjoue les attentes, on se gardera bien de la moindre prédiction. • JULIETTE REITZER

sur le tournage du charmant 20 ans d’écart de David Moreau – dans lequel elle joue une quasi-quadra qui flirte avec un jeunot (Pierre Niney) dans l’espoir de moderniser son image. « Ma vision du métier a changé. Je suis passée de la réticence – “C’est quoi ce truc de docilité et de narcissisme ?” – à l’abandon, quelque chose de beaucoup plus romantique, profond, romanesque. » La voix est grave et posée ; le débit est rapide, mais elle articule chaque mot avec une certaine gravité – à moins que ce soit un reste d’accent belge. Son désir de jouer puise dans un certain idéalisme qui remonte au panthéon de son adolescence – aux murs de sa chambre, des photos de Marilyn Monroe, Kim Novak, Julia Roberts ; plus tard, Simone Signoret et Jeanne Moreau. « Toujours dans cette idée de se défaire de l’idée de la docilité de l’acteur – derrière l’actrice, il y a la femme qui grandit. Chez Signoret, il y a la littérature, chez Moreau, l’écriture, les chansons, ça dessine quelque chose de très large. » Dans Victoria, l’intelligence et la finesse de son jeu impressionnent – un sourcil levé, un imperceptible sourire –, aussi bien dans le drame que dans la comédie. Son charisme tient aussi à une stature, une manière de se tenir solidement ancrée dans le sol. « Au début, j’avais un peu peur, parce que je n’ai pas du tout le même tempérament que l’actrice du premier film de Justine Triet, La Bataille de Solférino. Lætitia Dosch a quelque chose

— : « Victoria » de Justine Triet Le Pacte (1 h 36) Sortie le 14 septembre

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BOBINES

« Des panneaux s’ouvrent et tu arrives en hurlant “Bonjour à tous !”, enfin, franchement, tu ne peux pas le faire sérieusement, même si on te crie “Pas d’humour !” dans l’oreillette. »


FRANÇOIS OZON

ALLEMAND SECONDE LANGUE En 1919, en Allemagne, Anna (Paula Beer) vient fleurir la tombe de son fiancé, mort au combat. Elle y croise un Français, Adrien (Pierre Niney), dont la présence va enflammer son imagination… Deuxième incursion à l’étranger de François Ozon après Angel (tourné en Angleterre en 2007), Frantz est un drame raffiné, en noir et blanc, sur la manière dont la France et l’Allemagne se fantasment.

Quels souvenirs gardez-vous de vos premiers séjours en Allemagne ?

Pierre Niney et François Ozon sur le tournage de Frantz

supplémentaire par rapport à la pièce et au film initiaux.

Mon père, qui était biologiste, s’était lié d’amitié avec un professeur de médecine allemand ayant des enfants d’à peu près mon âge. Eux venaient parfois en France, nous dans leur maison près de Hambourg. C’était ma première véritable immersion en dehors de France. Une chose m’avait marqué : les Allemands sont très intéressés par la culture française, mais c’est loin d’être réciproque. Frantz est inspiré de Broken Lullaby (1932) d’Ernst Lubitsch, film qui est lui-même adapté d’une pièce de Maurice Rostand publiée en 1930. Quelles libertés avez-vous prises par rapport à ces œuvres ? Aussi bien dans la pièce que dans le film de Lubitsch, les événements sont racontés du point de vue du jeune Français. J’ai choisi, au contraire, d’être du côté des perdants de la Première Guerre mondiale, les Allemands, et donc de cette jeune fille, Anna. Je trouvais intéressant que le spectateur, comme elle, ne sache rien sur la venue d’Adrien et se demande pourquoi celui-ci vient poser des roses sur la tombe de son fiancé. Cela permettait d’apporter un suspense

En épousant le point de vue d’Anna, votre mise en scène prend parfois une tournure très fantasmatique. Oui. Adrien, par exemple, est idéalisé. Anna est une jeune fille très jeune, qui est pleine d’espoir et vit dans l’imaginaire. Le film raconte sa désillusion. Elle a fantasmé sur la France, sur Frantz, mais la réalité est plus cruelle. Elle l’a rêvée en couleurs, et finalement elle est en noir et blanc. Elle doit aussi mentir à ses beaux-parents pour les protéger. On est dans une période de transparence, de vérité à tout prix, et il me semblait intéressant de dire que, dans certaines circonstances, le mensonge peut adoucir, apaiser les âmes. Selon vous, comment un film sur les relations franco-allemandes pendant la guerre résonne-t-il aujourd’hui ? Quand j’ai commencé à parler du projet autour de moi, les réactions ont plutôt été sceptiques. C’est surprenant, parce que j’ai tout de suite pensé que cette histoire parlait d’aujourd’hui, de l’Europe, de la fraternité entre la France et l’Allemagne. C’est une ode à la culture comme lien entre ces deux pays – Anna et Adrien échangent sur la littérature, la musique. Pour avoir déjà fait des débats publics après des projections du film, je sais aussi que le film a un écho très fort chez les

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personnes âgées, qui ont encore beaucoup d’histoires à raconter sur la période. Quelles œuvres de culture germanique ont été importantes pour vous ? La découverte de Rainer Werner Fassbinder a été capitale. Son goût pour l’expérimentation ou pour le mélange des genres, son travail avec sa troupe… Quand j’étais étudiant à La Fémis, tout cela m’a touché et m’a légitimé dans mon désir de cinéma. Pour le cinéma allemand, Fassbinder est un poids tel que, depuis les années 1970, on a du mal à voir émerger un nom aussi important. Lorsque j’avais fait la promotion de mon film Gouttes d’eau sur pierres brûlantes [en 2000, ndlr] qui était adapté de l’une de ses pièces, les Allemands étaient dans une forme de rejet, peut-être parce qu’ils avaient connu Fassbinder. Je pense que la nouvelle génération est plus réceptive.

son point de vue sur le scénario de Frantz : il m’a donné avis sur des dialogues, m’a suggéré des choses à simplifier… Quand j’étais juré au Festival de Berlin, je m’étais battu pour qu’il ait un prix pour Barbara (2012). Il fait de très beaux portraits de femmes. Je suis impressionné par son travail avec l’actrice Nina Hoss. Avec elle à l’écran, il instaure une distance, un sentiment de froideur, on sent une vie intérieure très forte. J’aime surtout sa sécheresse, la manière franche qu’il a de se confronter à l’histoire de son pays. • PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET

— : « Frantz » de François Ozon Mars (1 h 53) Sortie le 7 septembre

Suivez-vous un peu ce qui se passe dans le cinéma allemand contemporain ? Dans les auteurs récents, j’aime beaucoup Christian Petzold. D’ailleurs, j’ai voulu avoir

« Les Allemands sont très intéressés par la culture française, mais c’est loin d’être réciproque. » 43

BOBINES

INTERVIEW


BOBINES

PORTFOLIO

NOLLYWOOD 44


BOBINES

PORTFOLIO

Avec

une production moyenne de mille films par an, l’industrie cinématographique du Nigéria est la deuxième au monde, derrière Bollywood et devant Hollywood. Après le festival Nollywood Week, qui s’est tenu comme chaque année début juin à Paris, les Rencontres d’Arles en proposent, jusqu’à fin septembre, une approche par le biais de la photographie avec l’exposition Tear My Bra, qui réunit les travaux de treize artistes. « Dans le cinéma de Nollywood,explique le commissaire de l’exposition, Azu Nwagbogu, les films ont souvent des budgets très limités, mais l’esthétique est capitale. Elle véhicule des thèmes récurrents, comme la rédemption et l’aspiration, et l’idée qu’on peut façonner son propre destin. » Morceaux choisis, entre hommages et remises en question, commentés par Nwagbogu. • TIMÉ ZOPPÉ

: « Tear My Bra », jusqu’au 25 septembre aux Rencontres d’Arles 45


BOBINES

NOLLYWOOD

Pages 44-45 : Antoine Tempé, (re-)Mixing Hollywood, « Thelma & Louise », Abidjan, 2013 Ci-dessus : Antoine Tempé, (re-)Mixing Hollywood, « The Shining: Come Play With Us! », Dakar, 2013

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BOBINES

PORTFOLIO

« Cette série est un hommage à Hollywood autant qu’une protestation silencieuse. À Hollywood, les acteurs noirs sont souvent nommés pour des prix quand ils incarnent des victimes. En 2014, Lupita Nyong’o a décroché l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle pour avoir joué une esclave brutalisée et flagellée dans 12 Years a Slave de Steve McQueen, alors que Cate Blanchett a gagné celui de la meilleure actrice pour un rôle de femme frivole détachée de toute réalité dans Blue Jasmine de Woody Allen. C’est un exemple assez parlant. »

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BOBINES

NOLLYWOOD

Ci-dessus : Nicolas Henry, Worlds in the Making, « The Indians and the Cowboys » À droite : Nicolas Henry, Worlds in the Making, « A Bus to Take Us to School »

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PORTFOLIO

BOBINES

« Comme d’autres artistes de l’exposition, Nicolas Henry est français. L’idée, c’est aussi de montrer l’influence culturelle de Nollywood au-delà de l’Afrique. Cette série traite de la créativité dans les productions de cette industrie. Les artistes que nous avons choisis tentent de raconter des histoires selon une esthétique singulière qui pousse les spectateurs à réfléchir à ce qui est habituellement considéré comme allant de soi. »

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ZOOM ZOOM LES FILMS DU MOIS À LA LOUPE


7 SEPT. Frantz de François Ozon Mars (1 h 53) Page 42

Voir du pays de Delphine et Muriel Coulin Diaphana (1 h 42) Page 58

Jeunesse de Julien Samani Alfama Films (1 h 23) Page 60

Victoria de Justine Triet Le Pacte (1 h 36) Page 38 et 62

Les Démons de Philippe Lesage Paname (1 h 58) Page 70

Where to Invade Next de Michael Moore Chrysalis Films (2 h) Page 18

Free State of Jones de Gary Ross Metropolitan FilmExport (2 h 19) Page 72

Showgirls de Paul Verhoeven Pathé (2 h 11) Page 14

Mr. Ove de Hannes Holm Paradis Films (1 h 56) Page 72

14 SEPT.

Clash de Mohamed Diab Pyramide (1 h 37) Page 73

Comancheria de David Mackenzie Wild Bunch (1 h 42) Page 72

La Nuit et l’Enfant de David Yon Survivance (1 h)

Simshar de Rebecca Cremona VisioSfeir (1 h 41) Page 73

Infiltrator de Brad Furman ARP Sélection (2 h 07) Page 72

Mandorla de Roberto Miller Wayna Pitch (1 h 40)

La Taularde d’Audrey Estrougo Rezo Films (1 h 40) Page 73

Rodéo de Gabriel Mascaro Damned (1 h 41) Page 72

Éternité de Tr n Anh Hùng Pathé (1 h 55)

Toril de Laurent Teyssier La Belle Company (1 h 23) Page 73

Relève. Histoire d’une création de Thierry Demaizière et Alban Teurlai KMBO (2 h) Page 82

Ben-Hur de Timur Bekmanbetov Paramount Pictures (2 h 03)

War Dogs de Todd Phillips Warner Bros. (1 h 55) Page 73


Tout va bien d’Alejandro Fernández Almendras Arizona Films (1 h 35) Page 70

Cézanne et Moi de Danièle Thompson Pathé (1 h 56) Page 74

Radin ! de Fred Cavayé Mars (1 h 29)

Soy Nero de Rafi Pitts Sophie Dulac (2 h) Page 66

Vendanges de Paul Lacoste Jour2fête (1 h 19) Page 74

Nola Circus de Luc Annest Destiny Films (1 h 25)

Brooklyn Village d’Ira Sachs Version Originale/ Condor (1 h 25) Page 64

Kubo et l’Armure magique de Travis Knight Universal Pictures (1 h 41) Page 80

Morgane de Luke Scott 20 th Century Fox (1 h 31)

Juste la fin du monde de Xavier Dolan Diaphana (1 h 35) Page 30

Blair Witch d’Adam Wingard Metropolitan FilmExport (1 h 30)

L’Étoile du jour de Sophie Blondy Wide (1 h 39)

21 SEPT.

28 SEPT.

Ivan Tsarévitch et la Princesse changeante de Michel Ocelot Septième Factory (53 min) Page 81

Chronique d’une vie de Mauricio Cuervo Tucuman Films (1 h 25)

Aquarius de Kleber Mendonça Filho SBS (2 h 25) Page 26

Les Sept Mercenaires d’Antoine Fuqua Sony Pictures (2 h 12) Page 74

Confusion de Yacine Brahem et Dario Cerruti Dissidenz Films (1 h 12)

Fuocoammare. Par-delà Lampedusa de Gianfranco Rosi Météore Films (1 h 49) Page 56

The Sea Is Behind de Hicham Lasri Les Films de l’Atalante (1 h 28) Page 74

Ainsi va la vie de Rob Reiner ACE Entertainment Films (1 h 34)

La Danseuse de Stéphanie Di Giusto Wild Bunch (1 h 48) Page 68

Dogs de Bogdan Mirică Bac Films (1 h 44) Page 74


FILMS

ZOOM

ZOOM

FUOCOAMMARE PAR-DELÀ LAMPEDUSA

Ours

d’or à Berlin, Fuocoammare de Gianfranco Rosi (Sacro GRA) est un portrait plein d’humanité de l’île de Lampedusa dont on sort abasourdi. Suivant l’arrivée des migrants et la vie tranquille des locaux, le documentariste fait le dur constat d’un fossé entre deux mondes. C’est un appel de détresse, en pleine nuit, destiné aux garde-côtes. Une voix de femme supplie que l’on vienne secourir les siens ; le bateau coule, et ils sont nombreux. La radio grésille, la femme donne les coordonnées de l’embarcation, qui ne sont pas audibles. Tout ce que l’on entend, c’est un son saccadé, heurté, un cri d’impuissance qui secoue et terrifie. Le lendemain matin, à Lampedusa, une mamma italienne prépare le repas dans sa cuisine en écoutant les infos sur sa chaîne hi-fi. Le journaliste annonce que, à 60 miles de là, un naufrage a eu lieu. 34 morts ont été dénombrés. La vieille dame, coupant ses tomates, maugrée un vague « Pauvres gens ! » avant de remuer les oignons qui cuisent dans la poêle. Elle y pense et puis elle oublie, vite. À la radio, on est déjà passé à autre chose.

À Lampedusa, il y a d’un côté les migrants qui débarquent, de l’autre les locaux qui vivent leur vie dans une quasi-indifférence envers les premiers. « Ce sont deux mondes qui n’interagissent jamais. Avant, les bateaux arrivaient à Lampedusa. Depuis le naufrage du 3 octobre 2013 [qui avait coûté la vie à 366 migrants et provoqué une vague d’émotion internationale, ndlr] et l’opération Mare Nostrum [qui consiste à renforcer la surveillance des eaux italiennes à travers un déploiement militaire accru pour secourir les immigrés clandestins, ndlr], la frontière a été déplacée en mer. Les sauveteurs y interceptent les naufragés avant de les conduire dans un centre dans lequel les autochtones ne viennent jamais », détaille le cinéaste. Sur une île pourtant peu vaste, ce fossé entre ceux qui restent et ceux qui passent évoque plus généralement, dans un contexte de montée des nationalismes en Europe, le problème du repli sur soi face à l’arrivée des migrants. Le film de Rosi intervient pour agiter les consciences. En alternance avec les images du marasme vécu par les réfugiés qui arrivent par centaines sur

À travers cette jolie parabole, Rosi veut nous montrer qu’au regard des migrants, les mentalités doivent évoluer. 56


FILMS

MAL DE MER

La mer, c’est peut-être ce qui relie les deux espaces étrangers dans lesquels évoluent les habitants de l’île et les réfugiés. La famille de Samuele raconte au jeune garçon des histoires de marins échoués, de vagues indomptables, de bateaux engloutis. Son père, qui a été marin, le prévient que, la mer, c’est une triste vie. Quand il l’accompagne à

la pêche, Samuele, lui, a un peu mal au cœur. Ses aînés lui conseillent de passer du temps sur un ponton pour s’habituer. Comme nous devons apprendre à vivre avec ces naufrages qui donnent la nausée. Il y a une séquence qui donne particulièrement le vertige. Gianfranco Rosi filme des cadavres entassés, morts d’étouffement, dans une cale de bateau. « C’était un devoir de montrer ces images. J’ai construit tout le film autour : il fallait trouver comment y amener le spectateur, et puis comment il allait en sortir. » Ce qui suit, c’est le recueillement ; pas l’abattement. Dans le silence, Rosi suit Samuele la nuit, avec une lampe torche, cherchant des oiseaux. Une scène qui fait écho à une autre, dans laquelle un faisceau lumineux essaye de trouver une épave dans l’abîme noir. Dans le chaos, c’est une lueur qui aide à mieux voir, mais qui porte aussi peut-être un peu d’espoir. • QUENTIN GROSSET

— : de Gianfranco Rosi Météore Films (1 h 49) Sortie le 28 septembre

57

ZOOM

À la radio, on est déjà passé à autre chose.

ZOOM

des rafiots étriqués, le réalisateur filme la transformation d’un regard à travers Samuele, Lampedusien casse-cou et gouailleur de 12 ans. Le jeune garçon se rend chez l’ophtalmologiste pour corriger son « œil paresseux », et Rosi l’observe apprendre à voir. Au début, Samuele chasse les oiseaux armé de sa fronde en bois ; à la fin, il préfère leur parler en sifflotant. À travers cette jolie parabole, Rosi veut nous montrer qu’au regard des migrants, les mentalités doivent évoluer. Le film est construit sur ce mouvement d’approche, de compréhension progressive. Le spectateur voit d’abord arriver les migrants comme un groupe anonyme. À mesure qu’avance le documentaire, la relation du réalisateur avec eux se fait plus intime. « Je préfère travailler seul, sans équipe technique, pour créer un rapport de proximité. Avant de commencer le tournage, j’ai passé trois mois à faire des rencontres. Mais nouer un rapport fort avec les migrants est difficile car ils restent peu de temps. » Dans le centre d’accueil de Lampedusa, le cinéaste enregistre un chant déchirant : un homme raconte son périple semé d’embûches, du Nigeria à l’Italie en passant par le Sahara et la Lybie. « La mer n’est pas une route », clame-t-il, comme pour insister sur la sinuosité du chemin parcouru.


FILMS

ZOOM

ZOOM

VOIR DU PAYS

Cinq

ans après leur beau premier long métrage, 17 filles, les sœurs Coulin reviennent avec un autre saisissant portrait de groupe. Voir du pays fait le récit anxiogène du retour de soldats français d’Afghanistan en s’intéressant particulièrement à la marge de cette armée de revenants : les femmes. Deux amies (Ariane Labed et Soko, duo parfaitement équilibré) et leur régiment ont achevé une mission sur le front afghan. Avant de rentrer en France, il leur faut séjourner dans un « sas de décompression », un hôtel de luxe à Chypre. Lâchés au milieu des vacanciers, ils ne sont pas censés oublier la guerre en un mojito, mais au contraire la ressasser dans une « thérapie de réalité virtuelle » : interrogé par un psychiatre, chacun raconte, devant les autres, ses souvenirs, recréés en images de synthèse qu’il voit à travers un casque de réalité virtuelle… Une force tranquille émane de l’écriture précise du film, rythmée par ces sessions dans lesquelles les points de vue alternent.

On regrette un peu que la forme soit autant au diapason du fond, la mise en scène ne faisant jamais vraiment tressauter ce déroulé d’émotions contenues. Mais l’enfermement en cascade (les militaires ne peuvent pas sortir de l’hôtel, ni de leurs souvenirs) est suffisamment étouffant pour maintenir nos sens en éveil, à l’image des héroïnes qui ne doivent pas baisser la garde parmi des hommes avec qui elles ont pourtant presque tout partagé, mais dont certains peinent à les considérer comme leurs égales. Comme dans 17 filles, sur un groupe de lycéennes qui décidaient de tomber enceintes en même temps, Delphine et Muriel Coulin décrivent une amitié féminine pudique mais soudée, ici rempart précaire contre la lie de la troupe. Preuve qu’il reste encore bien des conflits à résoudre. • TIMÉ ZOPPÉ

— : de Delphine et Muriel Coulin Diaphana (1 h 42) Sortie le 7 septembre

3 FILMS RÉCENTS SUR LE RETOUR DU SOLDAT Brothers de Jim Sheridan (2010) Un Américain torturé par des talibans retrouve sa femme et son frère, qui le croyaient mort… Jim Sheridan ajoute la jalousie au fardeau déjà insoutenable du soldat.

The Master de Paul Thomas Anderson (2013) En suivant un vétéran de la guerre du Pacifique manipulé par un gourou, en Californie, le cinéaste trouve un angle passionnant sur le stress post-traumatique. 58

Des hommes et de la guerre de Laurent Bécue-Renard (2014) Aux États-Unis, le documentariste français recueille patiemment la parole de vétérans d’Irak et d’Afghanistan qui doivent braver la honte pour se livrer.


« Une histoire passionnante » Libération

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28 SEPTEMBRE

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FILMS

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JEUNESSE

Zico,

jeune Havrais insatiable, embarque comme mousse sur un vieux rafiot de la marine marchande. Mais sa fougue et son désir d’aventure se heurtent à la désillusion de l’équipage. Aussi, du déchaînement brutal des éléments aux visages fatigués de ses semblables, tout l’incite à regagner la terre ferme du réel au détriment de ses fantasmes de jeunesse… Après trois documentaires remarqués, dont La Peau trouée (2004), qui suivait des pêcheurs de requins au large de l’Irlande, Julien Samani franchit le cap de la fiction avec Jeunesse, adaptation contemporaine d’une nouvelle de Joseph Conrad. Tantôt rêveur, tantôt en prise directe avec les contingences de l’époque (comme quand le travail vient à manquer, jetant l’équipage au chômage), le film semble tirer les fruits de ce double héritage romanesque et

documentaire. Bornant l’évasion au cadre réaliste d’une petite société qui prend l’eau, le récit grève la ligne claire du voyage intérieur de Zico par un chapelet d’épreuves. Tempêtes, explosions et naufrages viennent ainsi continuellement retarder le rendez-vous de ce petit Sisyphe avec son destin de héros. Pour autant, jamais Jeunesse n’inspire la résignation, Kévin Azaïs s’employant à convertir la frustration de son personnage en carburant pour la fiction. De plus, le contraste entre les traits émaciés de l’acteur et l’azur de ses yeux candides offre l’écrin parfait au symbole d’une innocence appelée à se flétrir trop vite. • ADRIEN DÉNOUETTE

— : de Julien Samani Alfama Films (1 h 23) Sortie le 7 septembre

TROIS QUESTIONS À JULIEN SAMANI L’œuvre de Joseph Conrad est réputée difficile à adapter. Pourquoi ce choix ? La Peau trouée (2007) a beaucoup plu à l’une de ses descendantes, laquelle m’a recommandé ses écrits. Jeunesse, qui traite de thèmes qui me sont chers, était suffisamment abstrait pour faire l’objet d’une libre mise à jour. Le point de départ, c’est la liberté que cette nouvelle m’autorisait à prendre.

Comme dans les livres de Conrad, la fiction brûle à l’énergie des rêves de Zico. L’objectif était de trouver un équilibre entre les fantasmes de Zico et une réalité moins grisante. Je tenais à ne pas déroger à son point de vue à lui, car plus la faillite devient une évidence pour les autres, moins elle est envisageable à ses yeux. C’est une odyssée de l’échec. 60

Zico cherche à prendre le large, mais le film ne quitte jamais des yeux le monde réel. Cet équipage désabusé est à l’image d’une société qui fait naufrage. Or Zico continue de croire en son destin. Lui seul n’a pas perdu la capacité de rêver. Un siècle nous sépare de Conrad, mais le romanesque des illusions n’a pas changé. Le film raconte la résistance de ce sentiment.



FILMS

VICTORIA

ZOOM

ZOOM

On

l’avait senti avec sa pétaradante Bataille de Solférino : Justine Triet ne manque pas de chien. Elle signe ici une délicieuse comédie dépressive, maligne et déglinguée, portée par la rayonnante Virginie Efira. Si la comédie est cool aux États-Unis, avec des productions à la fois auteur et mainstream à la Judd Apatow, le genre est traditionnellement plus snobé en France. C’était sans compter l’arrivée en force, il y a trois ans, d’une gaillarde nouvelle garde venue redorer le blason de la comédie française. Alors aux côtés de Yann Gonzalez ou Antonin Peretjatko, la trentenaire Justine Triet confirme avec son deuxième long métrage qu’en France aussi un film peut être à la fois drôle et intelligent, grand public et hyper maîtrisé. Avocate, Victoria Spick (Virginie Efira, devenue la figure chic de la comédie d’auteur avec son jeu élégant et mesuré, lire portrait p. 38), accepte de défendre un ami (Melvil Poupaud) accusé de tentative de meurtre par sa petite amie et qui a pour seul témoin son dalmatien. Mère célibataire, Victoria accepte à contrecœur d’embaucher un ancien client accusé de trafic de drogue (Vincent Lacoste) comme baby-sitter. De mauvais choix en coups du sort, la jeune femme sombre dans une drôle de dépression. Après La Bataille

de Solférino, tourné à l’arraché le jour du deuxième tour de l’élection présidentielle de 2012, Victoria s’inscrit dans une autre dynamique : gros budget, gros casting, scénario très (bien) écrit – les personnages, aussi secondaires et timbrés soient-ils, sont tous d’une consistance rare, et les dialogues, impeccablement ciselés. Peaufinant son sens du rythme et de la formule, Justine Triet livre une délicieuse comédie d’introspection, avec son héroïne allenesque qui se remet en (mauvaises) question(s) à coup de séances ubuesques chez le psy (« J’aimerais comprendre là où ça a merdé chimiquement dans ma vie »), la voyante, ou l’acupuncteur. Mélangeant les genres (le film de procès, la satire, le drame, la romance), renversant les codes et les clichés (la femme a le pouvoir et l’argent, l’homme est maternel et sentimental), sa comédie dépressive a le même esprit de contradiction que son héroïne des temps modernes (« Tu as le sens du drame, tu me fais peur », lui confiera son prétendant) – et nous charme tout autant. • RAPHAËLLE SIMON

En France aussi, un film peut être à la fois drôle et intelligent.

— : de Justine Triet Le Pacte (1 h 36) Sortie le 14 septembre

— 62


GRAPHISME JÉRÔME LE SCANFF

E N R E D É F I N I S S A N T L A P R AT I Q U E D O C U M E N TA I R E , G I A N F R A N CO R O S I N O U S P O U S S E À VO I R AU T R E M E N T. UN FILM PHÉNOMÈNE QUI S’ADRESSE À L’EUROPE. TÉLÉRAMA


FILMS

BROOKLYN VILLAGE

ZOOM

ZOOM

Deux

ans après Love Is Strange, Ira Sachs poursuit son interrogation sur la précarité à New York. Avec une quiétude et une délicatesse désarmantes, il filme une belle amitié entre deux jeunes garçons qui transcende la lutte de classes qui déchire leurs parents. Au-delà de leur simplicité et de leur finesse, Love Is Strange et Brooklyn Village partagent tant qu’ils peuvent être vus comme les volets d’un précieux diptyque dans lequel Ira Sachs observe la dégradation d’une relation soumise à des impératifs économiques. Dans Love Is Strange, deux New-Yorkais, en couple depuis quarante ans, se retrouvaient soudainement sans logement et squattaient chez leurs familles, dont ils envahissaient doucement la sphère privée. Ici, dans Brooklyn Village, il s’agit encore d’un conflit à propos d’espace – ne pas empiéter sur le terrain de l’autre tout en se ménageant une place. C’est le dilemme auquel fait face Brian, un père de famille venu s’installer à Brooklyn dans l’appartement de son père tout juste décédé. Ce dernier possédait une petite boutique qu’il louait pour trois fois rien à Leonor, une couturière latino-américaine. Alors que Brian hérite du petit commerce, Leonor n’a aujourd’hui plus les moyens d’en payer le loyer au prix du marché. À mesure que Brian et Leonor se crispent, leurs enfants

respectifs, Jake et Tony, cultivent une amitié très forte. Pour marquer cette cassure entre le monde des adultes et celui des enfants, qu’il met en scène sereinement, sans drame, Ira Sachs filme les premiers dans des lieux clos, les seconds en extérieur. Brian et Leonor surgissent l’un chez l’autre pour régler leurs comptes, et chaque nouvelle intrusion semble les figer, comme s’ils étaient tétanisés par le malaise. Jake et Tony, au contraire, sont toujours en mouvement, sur leurs trottinettes, visitant les recoins secrets de leur voisinage. C’est un autre point commun de Brooklyn Village et Love Is Strange, dont les protagonistes revenaient avec nostalgie aux alentours de Greenwich Village, le quartier de leur jeunesse. Les deux films ont chacun l’ambition d’entretenir la mémoire d’un New York qui peu à peu disparaît. Dans ce Brooklyn où la gentrification finit par marginaliser les communautés les plus pauvres, Ira Sachs tente de préserver, à travers la camaraderie de Jake et Tony, un îlot d’innocence. • QUENTIN GROSSET

Il s’agit de ne pas empiéter sur le terrain de l’autre tout en se ménageant une place.

— : d’Ira Sachs Version Originale/Condor (1 h 25) Sortie le 21 septembre

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“UN FILM PUISSANT ET TROUBLANT SUR LES RACINES DU MAL” HOLLYWWOD REPORTER

“UNE ODE À L’INNOCENCE TRAVERSÉE DE MOMENTS DE PURE TENSION” CLAP

“UNE VISION AUDACIEUSE DE LA PSYCHOLOGIE ENFANTINE” VARIETY

COMPÉTITION OFFICIELLE

FESTIVAL INTERNATIONAL DE SAN SEBASTIAN

MEILLEUR NOUVEAU RÉALISATEUR

FESTIVAL INTERNATIONAL DE SAN FRANCISCO

ÉDOUARD

TREMBLAY-GRENIER

MEILLEUR FILM

PRIX DE LA CRITIQUE

FESTIVAL INTERNATIONAL DE BUDAPEST PASCALE

BUSSIÈRES

FESTIVAL DU NOUVEAU CINEMA DE MONTRÉAL PIER-LUC

FUNK

MEILLEUR FILM

RENDEZ-VOUS DU CINÉMA QUÉBÉCOIS

LAURENT

LUCAS

LE 14 SEPT.

GRAPHISME JÉRÔME LE SCANFF

UN FILM DE

PHILIPPE LESAGE

BE FOR FILMS PRÉSENTENT UNE PRODUCTION LES FILMS DE L’AUTRE EN COLLABORATION AVEC UNITÉ CENTRALE AVEC ÉDOUARD TREMBLAY-GRENIER, PIER-LUC FUNK, PASCALE BUSSIÈRES, LAURENT LUCAS, VASSILI SCHNEIDER, SARAH MOTTET ET VICTORIA DIAMOND DIRECTION PHOTO NICOLAS CANNICCIONI DIRECTION ARTISTIQUE MARJORIE RÉHAUME CRÉATRICE DES COSTUMES CAROLINE BODSON MONTAGE MATHIEU BOUCHARD-MALO SON MARCEL CHOUINARD, PASCAL VAN STRYDONCK, LIONEL GUENOUN ET OLIVIER CALVERT MUSIQUE PYE CORNER AUDIO PRODUCTION DÉLÉGUÉE DOMINIQUE NOUJEIM PRODUIT PAR PHILIPPE LESAGE ET GALILÉ MARION-GAUVIN ÉCRIT ET RÉALISÉ PAR PHILIPPE LESAGE


FILMS

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SOY NERO

Interdit

de tournage dans son pays natal, le cinéaste irano-britannique Rafi Pitts (The Hunter, 2011) transpose son cinéma politique et stylisé aux États-Unis pour mieux travailler un thème intime : le déracinement. Il n’est question que de frontières dans Soy Nero. Qu’elles soient géographiques ou intimes, il s’agit de les franchir, de s’en affranchir, sans se perdre en chemin. Nero se sent américain : logique, le jeune héros latino du film a été élevé en Californie. Mais ses papiers disent qu’il est mexicain ; d’où son expulsion. Pour obtenir la nationalité américaine, il lui reste néanmoins une solution, risquée : s’engager dans l’armée américaine. Nero devient l’un de ces green card soldiers, chair à canon cyniquement sacrifiée sur les fronts afghan et irakien. Comme son héros, le film est déphasé, déraciné, apatride. Scénarisé par un Roumain (Răzvan Rădulescu, révélé au sein de la nouvelle vague locale : Cristian Mungiu, Cristi Puiu, Radu Muntean…), photographié par un chef opérateur grec et incarné par des comédiens mexicains ou afro-américains, Soy Nero a été tourné aux États-Unis et au Moyen-Orient par

un réalisateur irano-britannique ayant grandi entre Paris et Los Angeles. Ce cosmopolitisme affleure à l’écran, procurant à force de télescopages elliptiques un certain vertige du dépaysement. Il y a, par exemple, ces soldats américains se chamaillant, face à un ennemi invisible, sur les mérites comparés des rappeurs Tupac et Notorious B.I.G. Ou bien cette ligne de frontière entre Mexique et États-Unis, tour à tour illuminée par des feux d’artifice et convertie en improbable filet de volley-ball. Scruté d’un œil étranger, décalé, chaque lieu s’offre au spectateur dans toute son étrangeté – rarement les rues ombragées de Beverly Hills nous ont paru si tranquillement menaçantes. Le film change aussi rapidement de décor que de ton. Tel un cauchemar éveillé, il oscille entre absurde guerrier, humour noir et tension de thriller. Une versatilité qui donne à cette fable moderne toute sa vigueur poétique. • ÉRIC VERNAY

Comme son héros, Soy Nero est déphasé, déraciné, apatride.

— : de Rafi Pitts Sophie Dulac (2 h) Sortie le 21 septembre

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E V ERYBODY ON DECK PRÉSENTE

PRIX «LIEUX DE TRAVAIL SAINS» FESTIVAL DOK LEIPZIG

FIFE 2015 - COMPÉTITION FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM D’ENVIRONNEMENT

MEILLEUR LONG-MÉTRAGE FESTIVAL OENOVIDEO 2015

VENDANGES UN FILM DE

PAUL LACOSTE

UN FILM DE PAUL LACOSTE IMAGE YVAN QUEHEC MUSIQUE ORIGINALE OLIVIER CUSSAC SON FRANÇOIS LABAYE FLORIAN DELAFOURNIÈRE CHRISTOPHE GIROD OLIVIER GUILLAUME MONTAGE ANTHONY BRINIG DIRECTEUR DE PRODUCTION SYLVAIN RAPAUD DIRECTEUR DE POST-PRODUCTION PHILIPPE AUSSEL PRODUIT PAR GAËLLE BAYSSIÈRE ET DIDIER CRESTE PRODUCTEUR ASSOCIÉ PIERRE-FRANÇOIS PIET AVEC LE SOUTIEN DE LA RÉGION MIDI-PYRÉNÉES AVEC LA PARTICIPATION DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE EN ASSOCIATION AVEC INDÉFILMS

Vendanges

AU CINÉMA LE 21 SEPTEMBRE


FILMS

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LA DANSEUSE

Stéphanie

Di Giusto s’attelle au biopic de Loïe Fuller, artiste qui a secoué le music-hall à la fin du xix e siècle en inventant une danse dans laquelle elle tournoie avec de grands voiles. Née aux États-Unis en 1862, cette autodidacte a façonné une technique inédite, mais aussi des mises en scène d’une ambition folle, basées sur des jeux de lumières complexes qui donnent à ses prestations une beauté quasiment abstraite. Dépassement de soi, désir et frustration fondent ce premier film fiévreux – savamment éclairé par Benoît Debie, le chef opérateur de Gaspar Noé – qui restitue l’ambiance fin de siècle éthérée des années parisiennes de Fuller durant lesquelles elle a monté avec succès sa Danse serpentine. L’aspect ultra physique des chorégraphies donne l’occasion à Soko de se mettre dans des états limites qui lui vont

toujours comme un gant (on se souvient de son incarnation habitée d’une femme atteinte d’hystérie dans Augustine d’Alice Winocour). Car, pour manipuler les immenses bâtons qui tendent ses voiles, son personnage doit s’entraîner comme une véritable boxeuse. Mais cet investissement hallucinant, pointe en creux la cinéaste, pallie peut-être à sa difficulté à vivre d’autres désirs, comme le suggèrent ses rapports ambigus avec un dandy défoncé à l’éther (Gaspard Ulliel) ou avec Isadora Duncan (la jeune et déjà magnétique Lily-Rose Depp), danseuse aussi attirante qu’ambitieuse. À chaque grand combattant son talon d’Achille. • TIMÉ ZOPPÉ

— : de Stéphanie Di Giusto Wild Bunch (1 h 48) Sortie le 28 septembre

3 QUESTIONS À STÉPHANIE DI GIUSTO Qu’est-ce qui vous a attirée dans l’histoire de Loïe Fuller ? Elle ne correspondait pas aux codes de beauté classique. Je pense qu’elle ne s’aimait pas, mais elle a réinventé son corps sur scène, de manière inconsciente. Au cinéma, j’ai besoin de voir d’autres féminités. Soko a ce double jeu incroyable, elle peut être à la fois sublime et ingrate.

En quoi son travail, relativement peu connu, a-t-il été révolutionnaire ? Quand ils l’ont vue danser, les grands critiques de l’époque, comme Stéphane Mallarmé et Jean Lorrain, ont cru à une apparition mystique. On n’était qu’au début de l’électricité mais elle parvenait à des effets incroyables. Certaines thèses affirment même qu’elle est précurseure du multimédia. 68

Comment avez-vous pensé les scènes de danse ? Il était impensable de refaire le spectacle en studio. Vingt-cinq techniciens ont donc recréé les lumières dans une salle de théâtre. À l’écriture, j’ai cherché à rendre compte de la dureté de sa vie, pour qu’on sente ensuite ce poids s’envoler quand elle danse.


Version Originale Condor présente

"Un regard aussi tendre qu’aiguisé" Les Inrocks

Greg Kinnear

Jennifer Ehle

Paulina García

Un film de Ira Sachs

AU CINÉMA LE 21 SEPTEMBRE ILLUSTRATION PIERRE-JULIEN FIEUX - MILKWOOD. CRÉDITS NON CONTRACTUELS.


FILMS

LES DÉMONS

— : de Philippe Lesage Paname (1 h 58) Sortie le 14 septembre

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À

10 ans, Félix est un petit garçon discret. C’est l’été, et, comme beaucoup d’enfants, il partage ses derniers jours d’école entre sa classe, sa maison et celle de son meilleur ami. Mais Félix est un enfant particulièrement anxieux, pour qui tout semble constituer une menace : la femme séduisante qui rôde autour de son père, ses étranges voisins ou encore la rumeur d’un kidnappeur qui sévirait dans le quartier. Ses inquiétudes sont-elles fondées ? Pour aborder les peurs de l’enfance, Philippe Lesage place son film sous le regard de son jeune héros. Le cinéaste parvient à mettre en scène l’ambiguïté, entre fantasme et réalité, en faisant évoluer ses personnages (tous d’une inquiétante beauté) dans un univers d’une quiétude asphyxiante (une calme banlieue pavillonnaire de Montréal). Cet îlot aseptisé recèle en vérité un mal qui se concrétise dans la deuxième partie du film – ce qui semblait n’être que le fruit de l’imagination de Félix prend corps et la violence jaillit enfin. Si ce changement de registre peut déconcerter, Les Démons convainc par sa grande maîtrise formelle, empruntant avec autant d’aisance aux codes du teen movie qu’à ceux du thriller. • MARILOU DUPONCHEL

TOUT VA BIEN

— : d’Alejandro Fernández Almendras Arizona Films (1 h 35) Sortie le 21 septembre

Le

nouveau long métrage d’Alejandro Fernández Almendras (Tuer un homme) interroge habilement les mécanismes du pouvoir en mettant en scène une affaire qui a révolté la population chilienne en 2013. Dans la maison de vacances de ses riches parents, le beau Vicente passe l’été entre fête et alcool. Au cours d’une virée nocturne, ses amis et lui renversent et tuent un homme. Le conducteur, fils d’un célèbre avocat et politicien, tente de faire accuser Vicente, qui s’enlise en livrant un faux témoignage, déclarant qu’il n’était plus dans la voiture au moment de l’accident… À travers une mise en scène étonnamment aérienne, le cinéaste montre comment la justice chilienne peut être corrompue par des jeux de pouvoir entre avocats (le père du héros l’est aussi). Mais son film, en épousant le regard attendri de la mère de Vicente sur son fils, à qui l’on a appris à jouir de la vie dans la plus parfaite insouciance, ne recrache pas textuellement une sale affaire ; il en saisit les nuances de l’intérieur, pour ne pas bêtement accabler les puissants mais engranger plutôt une réflexion sur la reproduction de la domination. • TIMÉ ZOPPÉ

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OD ON Théâtre de l’Europe

10 SEpTEMBrE – 16 oCToBrE / 17e

14 SEpTEMBrE – 4 NoVEMBrE / 6e

Julien Gosselin

Molière Jean-François Sivadier

2666 Roberto Bolaño

avec la Cie Si vous pouviez lécher mon cœur

DOM JUAN

avec Marc Arnaud, Nicolas Bouchaud, Stephen Butel, Vincent Guédon, Lucie Valon, Marie Vialle

THEATRE-ODEON.EU / 01 44 85 40 40

@TheatreOdeon

2666 © Simon Gosselin / Dom Juan © Jean-Louis Fernandez

direction Stéphane Braunschweig


FILMS INFILTRATOR

Affublé d’une ravissante permanente, Bryan Cranston incarne Robert Mazur, un agent fédéral américain qui, dans les années 1980, est parvenu à infiltrer le vaste réseau du plus puissant baron de la drogue de l’époque, Pablo Escobar… Un peu long au démarrage, le thriller se tend quand le héros commence à nouer des liens sincères avec ses cibles. • T. Z .

— : de Brad Furman (ARP Sélection, 2 h 07) Sortie le 7 septembre

COMANCHERIA

Dans une bourgade paumée du Nouveau-Mexique, deux frangins se lancent dans une série de braquages. À leurs trousses, un attachant ranger à l’article de la retraite (Jeff Bridges)… Non sans habileté, David Mackenzie adopte le mélange des genres – comédie, western, road movie… – pour raconter l’agonie d’une Amérique oubliée. • MEHDI OMAÏS

— : de David Mackenzie (Wild Bunch, 1 h 42) Sortie le 7 septembre

RODÉO

Fiction aux allures de documentaire, Rodéo suit la vie des préparateurs de taureaux de vaquejada, un jeu taurin pratiqué dans le Nordeste brésilien. Au milieu de paysages sublimes filmés en travellings caressants, on se laisse hypnotiser par la vie d’un vacher, couturier à ses heures perdues, aussi heureux avec les animaux que parmi les humains. • T.  Z .

— : de Gabriel Mascaro (Damned, 1 h 41) Sortie le 7 septembre

FREE STATE OF JONES

Pendant la guerre de Sécession, en plein Mississipi, un groupe de déserteurs aux idéaux anti-esclavagistes, mené par le fermier Newton Knight, combat avec de menus moyens les confédérés… Gary Ross se concentre autant sur la guerre que sur ses conséquences pour mesurer, avec une violence crue, le poids du racisme dans son pays. • Q. G.

— : de Gary Ross (Metropolitan FilmExport, 2 h 19) Sortie le 14 septembre

MR. OVE

Vieil homme acariâtre, Mr. Ove tyrannise ses voisins. Veuf depuis peu et fraîchement licencié, il n’aspire qu’à une chose : la mort. Mais l’arrivée dans le voisinage d’une jeune Iranienne et de sa famille bouleverse son quotidien. Une comédie douce-amère qui parvient à distiller une tendre émotion dans cette rencontre incongrue mais attendrissante. • M. D.

— : de Hannes Holm (Paradis Films, 1 h 56) Sortie le 14 septembre

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FILMS CLASH

Quatre ans après Les Femmes du bus 678, l’Égyptien Mohamed Diab poursuit l’étude sociologique de ses contrées avec un saisissant huis clos sur fond de révolution arabe. L’action de Clash se déroule à l’été 2013 et prend racine dans un fourgon où sont enfermés des manifestants de tous bords. Un panel sociétal explosif pour un film tendu. • M. O.

— : de Mohamed Diab (Pyramide, 1 h 37) Sortie le 14 septembre

LA TAULARDE

Par amour, Mathilde se sacrifie : en aidant l’homme de sa vie à s’évader, cette prof de lettres atterrit en prison où la malheureuse est obligée de batailler pour sa survie. Au sein d’un casting inégal, Sophie Marceau tire son épingle du jeu en faisant montre d’une foi totale dans son personnage. Son abnégation finit par emporter l’adhésion du spectateur. • M. O.

— : d’Audrey Estrougo (Rezo Films, 1 h 40) Sortie le 14 septembre

TORIL

Philippe met un point d’honneur à rembourser les dettes astronomiques de son père, agriculteur, qui a tenté de se suicider. Il ne trouve pas d’autre solution que de lancer un trafic de stupéfiants au cœur de l’exploitation familiale… Un thriller social sec, brutal, pas toujours très subtil, que Vincent Rottiers adoucit par la grande intensité de son jeu. • Q. G.

— : de Laurent Teyssier (La Belle Company, 1 h 23) Sortie le 14 septembre

WAR DOGS

Todd Phillips (Very Bad Trip) s’est inspiré de l’incroyable histoire vraie de deux vendeurs d’armes maladroits et malhonnêtes pour ce film d’une ironie cinglante sur l’Amérique de George W. Bush. War Dogs offre également l’occasion à Jonah Hill de sortir de ses emplois habituels, en composant un méchant à la fois fascinant et repoussant. • JULIEN DUPUY

— : de Todd Phillips (Warner Bros., 1 h 55) Sortie le 14 septembre

SIMSHAR

À Malte, un bateau, le Simshar, avec à son bord trois pêcheurs et le fils de l’un d’entre eux, fait naufrage. Non loin de là, un cargo recueille une poignée de migrants… En prêtant égale attention à ces deux récits parallèles, la cinéaste fait du Simshar la métaphore d’une tragédie humaine contemporaine et livre un récit d’aventure poignant. • M. D.

— : de Rebecca Cremona (VisioSfeir, 1 h 41) sortie le 14 septembre

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FILMS VENDANGES

Avec tendresse, le documentariste Paul Lacoste capte l’esprit bon enfant qui règne pendant les vendanges. Son film n’est pas naïf pour autant, car, en témoignant de la diversité des parcours des travailleurs saisonniers d’une exploitation du sud de la France, le cinéaste fait aussi l’inquiétante chronique d’une instabilité économique grandissante. • Q. G.

— : de Paul Lacoste (Jour2fête, 1 h 19) Sortie le 21 septembre

CÉZANNE ET MOI

Paul Cézanne rend visite à Émile Zola. Les deux hommes ne se sont pas vus depuis deux ans, et ces retrouvailles teintées d’aigreur (Zola est reconnu tandis que Cézanne peine à vendre ses peintures) sont l’occasion de revenir sur leurs vies passées. Si le jeu des comédiens est parfois appuyé, le film est très instructif sur le parcours de ces deux figures majeures. • M. D.

— : de Danièle Thompson (Pathé, 1 h 56) Sortie le 21 septembre

LES SEPT MERCENAIRES

Antoine Fuqua propose une adaptation du mythique western de John Sturges (1961), lui-même inspiré des Sept Samouraïs d’Akira Kurosawa (1955). La barre était haute, mais l’Américain s’en tire bien : s’il n’a pas la virtuosité de ses modèles, son film, mené par un Denzel Washington très en forme, convainc par son sens du rythme et du spectacle. • M. D.

— : d’Antoine Fuqua (Sony Pictures, 2 h 13) Sortie le 28 septembre

THE SEA IS BEHIND

Tarik erre dans un monde dystopique où l’eau est contaminée et les libertés, bafouées. Depuis la mort de sa famille, il est tel un fantôme, indifférent aux violences qui l’entourent. Quand enfin il s’éveille, l’étonnement qui prévalait dans cette fable surréaliste venue du Maroc fait place à l’émotion. Longtemps réprimée, elle n’en est que plus intense. • HENDY BICAISE

— : de Hicham Lasri (Les Films de l’Atalante, 1 h 28) Sortie le 28 septembre

DOGS

Enlisé dans une campagne roumaine écrasée par la chaleur, le récit s’articule autour d’un jeune citadin qui se trouve confronté à l’hostilité d’une bande de rednecks. Dogs n’emprunte pas que son titre aux Straw Dogs de Sam Peckinpah : il est traversé par une même rage latente ponctuée d’éclats de violence sèche. Un premier film très maîtrisé. • JULIETTE REITZER

— : de Bogdan Mirică (Bac Films, 1 h 44) Sortie le 28 septembre

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LE TEST PSYNÉPHILE

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ES-TU PRÊT(E) POUR LA RENTRÉE ?

Ton été s’est-il bien passé ? Aucune idée, j’ai attrapé un Pokémon, puis un autre, puis j’ai vaguement le souvenir d’avoir arraché la chemise d’un touriste chinois, puis plus rien, le trou noir… Sexe, sexe, sexe, je suis écœuré(e). Comme un feuilleton où l’on ne se pose pas de questions… Laquelle de ces trois couleurs exprime le mieux ton sentiment à cet instant ? Bleu. Blanc. Rouge. Revoir tes collègues, retrouver ton agrafeuse là où tu l’avais laissée, ça t’inspire quoi ? « C’est juste la fin du monde. » « La vie est un éternel recommencement. » « J’aimerais comprendre à quel moment ça a commencé à merder chimiquement dans ma vie. »

La fée de la rentrée te chuchote un truc à l’oreille, c’est quoi ? « J’ai peur de toi, tu as le sens du drame anormalement développé. » Tu ne te souviens plus, parce qu’il a fallu que tu lances une Pokéball. « Tu vas mourir. » Ton fruit préféré ? Une papaye verte. Une bonne poire. Le fruit défendu, pardi ! Quelle phrase te parle le plus ? Ce sont toujours les bons nageurs qui se noient. Dis-toi une chose, c’est que ta force, c’est ta beauté ! La vie, la garce !

TU AS UNE MAJORITÉ DE : ÉVIDEMMENT, COMME CHAQUE ANNÉE Tu vas glisser sur la rentrée avec l’élégance d’un cygne. Comme les héroïnes d’Éternité, réalisé par Tr n Anh Hùng (sortie le 7 septembre), tu fais face à la vie et ses détours tragiques avec dignité et force. Beau portrait de femmes, lyrique à souhait, le film est un méga-mélo qui te procurera 1 h 55 de totale félicité.

À BLOC, TU VAS METTRE LA RENTRÉE K.-O. Tu vas follement te reconnaître dans l’héroïne du deuxième film de Justine Triet, Victoria (sortie le 14 septembre). Comme elle, tu es grandiose et pathétique et tu préfères toujours commencer par le dégueu. Victoria est une comédie furieusement réussie, portée par une Virginie Efira en très grande forme.

BOF, LA RENTRÉE TE DONNE DES PALPITATIONS Tu es un personnage complexe, exigeant et anxieux. Te plonger dans les tourments de Louis, le héros de Juste la fin du monde (sortie le 21 septembre) t’aidera à relativiser tes angoisses. Le dernier film de Xavier Dolan retrace le retour dans sa famille d’un fils prodige après douze ans d’absence.

• LILY BLOOM — ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL 76


photo : Hairspray © Collection Christophel

EN 35 FILMS

QU’EST-CE QU’ON ATTEND POUR ÊTRE HEUREUX !

21 SEPTEMBRE 2 OCTOBRE 2016

Forum des Halles forumdesimages.fr


L’événement, c’est qu’il y en a un par jour

Dès septembre, retrouvez les séances de programmation culturelle mk2 dans l’ensemble de nos cinémas. Cycle de conférences, débats, ciné-concerts, ateliers etc., sur des sujets pa ssi onnants autour d u ciné ma , l’a r t , la musique, les connaissances, la création digitale. . . Billetterie et renseignement sur www.mk2.com/evenements

Toute une vie autour du cinéma


LE TROISCOULEURS DES ENFANTS


LA CRITIQUE D’ÉLISE, 8 ANS

COUL' KIDS

© 2016 LAIKA, INC / FOCUS FEATURES

KUBO ET L’ARMURE MAGIQUE

« Le film se déroule à une époque lointaine – il n’y a pas du tout d’électricité – et se situe au Japon – on le voit bien au teint des personnages et au style des décorations. Kubo est un petit garçon qui raconte des histoires en se servant d’une guitare spéciale : au son de sa musique, des feuilles de papier se plient et font apparaître des choses. Ça s’appelle l’origami. En fait, sa magie sert à illustrer ses histoires, un peu comme on le fait pour un film. À la toute fin, ils nous montrent qu’ils ont fabriqué le film avec des marionnettes. Je suis camembert contente de savoir comment ils ont fait. Ça rend le film encore plus magique, et puis je trouve que c’est mieux de fabriquer de vrais personnages plutôt que de tout faire sur Internet. C’est un film pour un spectateur assez âgé qui ne tremble pas facilement, parce que c’est violent. Il y a beaucoup de peur, de colère, de morts, de combats, d’angoisse. Mais ça rend le film encore plus intéressant, parce qu’il y a plein de suspense. C’est pour ça que j’ai autant aimé. »

LE PETIT AVIS DU GRAND Laika (Coraline, Les Boxtrolls) est l’un des très rares studios à perpétuer l’art de l’animation image par image. Marquant les débuts de réalisateur de l’un des fondateurs de la compagnie, Travis Knight (par ailleurs héritier de l’empire Nike), cette fable initiatique est visuellement un ravissement de tous les instants, ainsi qu’une jolie ode aux contes et légendes – présentés dans un dénouement surprenant comme l’un des piliers fondamentaux de l’humanité. • JULIEN DUPUY ILLUSTRATION : PABLO COTS

— : « Kubo et l’Armure magique » de Travis Knight Universal Pictures (1 h 41) Sortie le 21 septembre Dès 7 ans

RETROUVE LE MOT INTRUS QUI S’EST GLISSÉ DANS LA CRITIQUE D’ÉLISE C________

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CINÉMA

Titre du film : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom du réalisateur : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Résume l’histoire : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................................................. ................................................................. ................................................................. ................................................................. Ce qui t’a le plus plu : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................................................. ................................................................. ................................................................. ................................................................. En bref : Signature et âge : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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PRENDS TA CRITIQUE EN PHOTO ET ENVOIE-LA À L’ADRESSE BONJOUR@TROISCOULEURS.FR, ON LA PUBLIERA SUR NOTRE SITE !

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BROOKLYN VILLAGE

IVAN TSARÉVITCH ET LA PRINCESSE CHANGEANTE

Deux copains de 13 ans sont contraints de composer avec le désaccord qui oppose leurs parents. Le titre original, Little Men, évoque déjà la maturité des deux garçons, que le réalisateur de Love Is Strange décrit ici avec la délicatesse qu’on lui connaît. • HENDY BICAISE

Quatre volets inédits des Contes de la nuit de Michel Ocelot (2011) sont ici rassemblés. Des bijoux d’animation et d’imagination qui, comme toujours avec le papa de Kirikou, célèbrent la beauté des costumes et des décors, des visages et des âmes. • H. B.

: d’Ira Sachs

(Version Originale/Condor, 1 h 25)

: de Michel Ocelot (Septième Factory,53 min)

Sortie le 21 septembre

Sortie le 28 septembre

Tous publics

Dès 6 ans

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COUL' KIDS

Ce qui t’a le moins plu : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


L’INTERVIEW DE MARGAUX, 12 ANS

LETIZIA GALLONI DANSEUSE

COUL’ COUL' KIDS

Quel âge as-tu ? J’ai 25 ans. Moi, j’ai 12 ans. À mon âge, tu voulais être danseuse ? Oui, j’étais déjà à l’école de l’Opéra de Paris. Tu as l’air un peu timide. J’essaie de le cacher, mais ça se voit quand même ! Pourtant je me suis améliorée, c’était pire à ton âge. Danser m’a aidée à m’ouvrir, la danse est au-dessus de cette timidité. Qu’est-ce qui t’a poussée à danser ? Le hasard. À 6 ans, j’ai vu un ballet à la télé, je crois que c’était Le Lac des Cygnes de Tchaïkovsky. Ça fait un peu cliché mais c’était magnifique. Par chance, il y avait un cours de danse juste en face de chez nous, et ma mère m’y a inscrite. Ça a été le coup de foudre ? Au tout début je m’ennuyais, je trouvais ça répétitif, les exercices à la barre, et j’ai déserté le cours. La prof a appelé ma mère pour lui dire qu’elle trouvait ça dommage, que j’étais douée. Du coup, j’ai persévéré, et c’est devenu une passion. Je dansais toute la journée à la maison, je ne pensais plus qu’à ça. Est-ce que tu as un modèle de danseuse ? Depuis toujours, j’adore Aurélie Dupont. Elle a une technique incroyable, une manière de danser qui me parle, et puis sur scène elle est magnifique. Dans le film on vous voit ensemble ! Oui, j’ai de la chance, c’est elle qui m’a fait travailler mon premier rôle de soliste. C’était super de l’avoir pour coach, grâce à elle je me suis sentie prête le jour de la première. Tu as eu le trac ? Avant de monter sur scène, je ne sens plus rien dans mon corps, mes jambes sont molles, j’ai une boule au ventre et, bizarrement, quand

j’entre sur le plateau, tout disparaît, tout se dénoue. C’est une sensation très agréable. Dans le film, une danseuse se fait mal au pied, toi tu reçois un coup dans le nez… Est-ce que tu souffres beaucoup quand tu danses ? Souffrir, non, quand même pas, mais on travaille beaucoup, alors on a des douleurs. Moi, ce sont surtout les courbatures que je crains. Vous avez l’air d’être amis entre danseurs. Oui, pour certains on se connaît depuis qu’on est petits, on est rentrés en même temps à l’école de danse de l’Opéra de Paris, vers l’âge de 9 ans. En plus des cours de danse, on a l’école « normale » le matin. On est toujours ensemble, et depuis longtemps. Ça crée des liens forts. • PROPOS RECUEILLIS PAR MARGAUX (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE) PHOTOGRAPHIE : FLAVIEN PRIOREAU

: « Relève. Histoire d’une création » de Thierry Demaizière et Alban Teurlai KMBO (2 h) Sortie le 7 septembre

COMME MARGAUX, TU AS ENVIE DE RÉALISER UNE INTERVIEW ? DIS-NOUS QUI TU AIMERAIS RENCONTRER EN ÉCRIVANT À BONJOUR@TROISCOULEURS.FR

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ANTIQUITÉS / BROCANTE ART DU XXème SIÈCLE PRODUITS DU TERROIR

Partenaires septembre 2016

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Margaux a rencontré la danseuse Letizia Galloni à l’occasion de la sortie du documentaire Relève. Histoire d’une création, qui suit la préparation d’un ballet dirigé par Benjamin Millepied à l’Opéra Garnier. « Quand j’ai vu arriver Letizia dans sa robe blanche, je l’ai trouvée très belle. Elle a l’air jeune, on dirait qu’elle est au lycée. Elle avait une voix douce, très timide. Moi aussi j’étais intimidée. Je veux devenir journaliste, et c’était ma première interview. » • MARGAUX

Cr é a t i on :

LE DEBRIEF

23 SEPTEMBRE/ 2 OCTOBRE 2016


TOUT DOUX LISTE

PARENTS FRIENDLY TOUS EN SEINE On en compte plus de cent et, pourtant, on les connait très mal. L’exposition gratuite « Îles de la Seine » se fait fort de nous aider à combler nos lacunes ! Évoluant au fil d’un parcours ludique, petits et grands pirates ont notamment pour mission de déchiffrer une carte pour trouver un trésor caché sur une île mystérieuse.

: jusqu’au 2 octobre au Pavillon de l’Arsenal

FORTE EN CONCERT Sur scène, Sophie Forte incarne une petite fille de 9 ans. En plein déménagement, elle doit dire adieu à sa chambre et replonge dans ses souvenirs. L’occasion d’aborder, en chanson et avec humour, les petits et gros tracas de l’enfance : l’Alzheimer de la grand-mère, la peur de l’école…

: « Je déménage » de Sophie Forte, le 21 septembre au parc floral de Paris

COUL' KIDS

THÉÂTRE D’OMBRES Cette animation en temps réel nous entraîne dans la nuit et les rêves des habitants d’un quartier en pleine mutation. À la façon d’un décor de cinéma, bâtiments et figurines en papier prennent vie grâce aux marionnettistes et aux musiciens, et à un impressionnant jeu d’ombres et de lumières.

: « Les Somnambules », du 1er au 5 octobre à La Ferme du Buisson (Noisiel), dès 7 ans

• CÉCILE ROSEVAIGUE

ILLUSTRATIONS : PABLO COTS

KIDS FRIENDLY

COURSE SOLIDAIRE

En selle pour une course en binôme au bois de Boulogne : deux coéquipiers, l’un à vélo, l’autre à pied, devront parcourir 10 km. Chaque kilomètre sera transformé en dons au profit du Secours populaire. Et comme il n’y a pas d’âge pour être solidaire, des parcours simples et plus courts sont proposés pour les enfants.

: La Run & Bike Solidaire, le 18 septembre au bois de Boulogne, dès 6 ans

STREET ART Avant qu’il ne soit transformé en immeuble, visitez ce hangar de 2 000 m2 investi par une cinquantaine d’artistes, de Mademoiselle Maurice et ses origamis multicolores à M. Chat, père du célèbre matou jaune souriant.

: « Le Grand 8 de l’art urbain », jusqu’au 30 octobre à La Réserve Malakoff, dès 4 ans

CENDRILLON Loin du dessin animé de Disney se joue sur les planches une réinvention du célèbre conte. Signée Joël Pommerat, cette adaptation s’interroge sur les malentendus et les chagrins de l’enfance. L’occasion de faire découvrir un auteur contemporain à votre progéniture.

:

du 23 septembre au 1er octobre

au Théâtre Gérard-Philippe (Saint-Denis), dès 10 ans

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OFF CECI N’EST PAS DU CINÉMA


RENTRÉE LITTÉRAIRE

SUR LA PAGE ABANDONNÉE OFF

C’est parti pour le grand rendez-vous de l’année littéraire : une avalanche de nouveaux romans vous attend. Vedettes françaises et étrangères, premières œuvres, écrivains confirmés, OLNI en tous genres, sans compter quelques navets de saison… Petit tour d’horizon subjectif d’un événement incontournable.

Chaque

année, la question revient : combien de romans à la rentrée ? Cette fois, les compteurs affichent 560. Un chiffre en léger retrait par rapport à 2015, mais qui demeure considérable. Comment tout lire ? D’autant que le programme est alléchant : outre des vedettes comme Jean-Paul Dubois, Véronique Ovaldé, Tonino Benacquista, Luc Lang ou Lionel Duroy, on découvrira une soixantaine de premiers romans, l’automne restant par excellence la saison des révélations. Autant d’auteurs qui espèrent sortir du lot et qui, pour les plus connus, lorgnent déjà sur les traditionnels prix littéraires remis en novembre… En attendant, chaque lecteur a sa méthode pour s’orienter dans ce maelström. Le bouche-à-oreille. Le conseil du libraire. Le hasard. Ou les dix choix de TROISCOULEURS, tout simplement. • BERNARD QUIRINY ILLUSTRATION : MARIE GU

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LIVRES COMME UN POLAR Crime à Annecy : une mère de famille baigne dans son sang sur le palier. Le capitaine Brun, chargé de l’enquête, remonte la piste d’un vieux flirt… Tout démarre comme une comédie policière en province, terrain de jeu idéal pour les acrobaties stylistiques de François Bégaudeau. Mais le livre ne se limite pas à ça : changeant peu à peu de direction, il se teinte de gravité dans la deuxième partie et mijote pour la fin un beau coup scénaristique. Piégé, imprévisible, surprenant, Molécules oscille sans cesse entre second et premier degrés. Le meilleur roman de Bégaudeau ?

: « Molécules » de François Bégaudeau (Verticales, 256 p.)

EN IMMERSION Trois flics lambda du XIIe arrondissement, ces « tâcherons aux mille besognes qu’on appelle au bout du bout quand l’école n’y arrive plus, que les assistantes sociales baissent les bras », sont appelés pour reconduire un clandestin à Roissy… Quelques heures en immersion dans la vie des flics de terrain, au plus près de la réalité. Sans lourdeur, sans pathos, Boris signe un roman compact et nerveux, façon huis clos, dans lequel une simple opération de routine sert de révélateur à l’exaspération des personnages. Une fois commencé, on ne le lâche plus.

« Son ordinaire est un bras-le-corps avec l’humain et ses odeurs, un pot-pourri de procurations à enregistrer, de divagations d’animaux sur la voie publique, d’enfants oubliés à la maternelle… » VERS LE GONCOURT ? L’histoire d’une famille de paysans des années 1890 aux années 1980, voilà un sujet peu glamour. Règne animal n’en est pas moins l’un des plus beaux romans de la rentrée. Avec son écriture raffinée, maniérée, voire maniériste, Jean-Baptiste Del Amo décrit la dureté de la vie, la misère de la condition humaine, la violence omniprésente, et s’interroge sur la frontière qui sépare l’homme et la bête. Puissance des images, précision du vocabulaire, finale grandiose : un roman splendide, qui pourrait connaître un beau destin cet automne.

: « Règne animal » de Jean-Baptiste Del Amo (Gallimard, 432 p.)

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: « Police » de Hugo Boris (Grasset, 288 p.)


RENTRÉE LITTÉRAIRE

PUR OLNI Charles Yu exerce un métier pas comme les autres : il répare des machines à voyager dans le temps. Un job à sensation qu’il raconte dans ce Guide, loufoque et virtuose, mélange de Philip K. Dick, de Douglas Adams et de Retour vers le futur, avec une grosse touche de métafiction et beaucoup de jargon cyberpunk. On s’y perd, mais ça décoiffe pas mal…

: « Guide de survie pour le voyageur du temps amateur » de Charles Yu, traduit de l’anglais (États-Unis) par Aude Monnoyer de Galland (Aux forges de Vulcain, 300 p.)

SO CHIC Jonathan Galassi est loin d’être un anonyme dans le milieu littéraire : il dirige Farrar, Straus & Giroux, un mastodonte de l’édition américaine ; mais il est aussi poète, traducteur, et désormais romancier, avec ce récit mélancolique qui porte, je vous le donne en mille, sur… le monde de l’édition. Non sans virtuosité, il invente une galerie de faux auteurs plus vrais que nature et parsème son récit de références subtiles à Henry James ou Philip Roth. Un régal pour les amateurs qui, grâce à lui, ajouteront de nouveaux noms à leur liste d’écrivains imaginaires.

: « Muse » de Jonathan Galassi, traduit de l’anglais

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(États-Unis) par Anne Damour (Fayard, 272 p.)

TABLEAU D’ÉPOQUE Les destins croisés d’une fratrie d’adultes dans la France de 2013, sur fond de Manif pour tous. À 34 ans, Solange Bied-Charreton réactive la tradition des fresques réalistes et donne un portrait satirique de notre époque, entre mondialisation, nouvelle économie, débats sociétaux et perte du sens de l’histoire. Parfois brouillon mais captivant.

: « Les Visages pâles » de Solange Bied-Charreton (Stock, 392 p.)

PREMIER ROMAN Les aventures sentimentales et esthétiques d’un trentenaire désabusé dans le Paris d’aujourd’hui… Pour son premier roman, Romaric Sangars s’inscrit dans la tradition néo-hussarde et donne une critique de la bien-pensance doublée d’une célébration des valeurs chevaleresques. Un livre programmatique, mordant, illuminé par ses passages en grand style.

: « Les Verticaux » de Romaric Sangars (Éditions Léo Scheer, 228 p.)

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LIVRES

« On apprend plein de choses quand on a un boulot comme le mien. Par exemple : si jamais vous vous voyez sortir d’une machine à voyager dans le temps, courez. » LE GRAND MACABRE Certains disent de Régis Jauffret qu’il écrit toujours le même livre, et c’est vrai. Ce n’est d’ailleurs pas un reproche, plutôt un constat : celui de l’éternel retour chez lui des mêmes motifs, dans le même style. Précisément, Cannibales tient un peu de l’exercice de style – ce roman est entièrement composé de lettres entre une mère et sa belle-fille, liguées contre le fils. Un duo comique et macabre, dans une langue virtuose, pleine d’images improbables et d’aphorismes un peu fous. « Et qu’est la vie, sinon la viande par-dessus l’os qui nous distingue des défunts ? »

: « Cannibales »

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de Régis Jauffret (Seuil, 192 p.)

LEÇON D’HISTOIRE Tout le monde sait ce qui s’est passé, le 14 juillet 1789. Mais se figure-t-on la cohue, l’ambiance, les bruits et les odeurs, le fourmillement du petit peuple anonyme autour de la Bastille ? Éric Vuillard reprend l’histoire de cette journée au ras du sol, « depuis la foule sans nom », dans un mélange inclassable de fiction et de réalité.

: « 14 juillet » d’Éric Vuillard (Actes Sud, 208 p.)

UPPERCUT Tout commence par une scène de viol racontée comme un reportage. Après quoi on assiste à la dérive d’une femme en chemin pour la mer, à la fois sauvageonne et obsédée par l’hygiène. Zéro psychologie, des phrases comme un halètement : on croirait un film des frères Dardenne, dans une lumière crue. Une expérience de lecture, façon coup-de-poing.

: « Au pays de la fille électrique » de Marc Graciano (Éditions Corti, 160 p.)

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EXPOS

ELIASSON — : jusqu’au 30 octobre au château de Versailles

Olafur Eliasson, Deep Mirror (Yellow), 2016, vue de l’exposition

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Depuis

2008, les grands noms de l’art contemporain sont invités à faire dialoguer leurs œuvres avec le château de Versailles. Un pari auquel a répondu, après Anish Kapoor, l’artiste islando-danois Olafur Eliasson. Soyez attentifs en parcourant le château et ses jardins, en vous faufilant entre les touristes enivrés par la folie des grandeurs du Roi-Soleil ; certaines des installations d’Eliasson ne manqueront pas de vous impressionner, telle Waterfall, immense cascade artificielle dans le Grand Canal, reprise d’une création à New York en 2008, ou Solar Compression, paire de miroirs ronds pendue dans la salle des Gardes du roi, hypnotisante vision d’éclipse solaire ou de phases lunaires. Pourtant, d’autres peuvent passer inaperçues. Ne manquez pas The Curious Museum – des miroirs, encore, face au salon d’Hercule, donnant la délicieuse illusion de croiser son double – ou Glacial Rock Flour Garden – des résidus de glacier du Groenland, dans le bosquet de la Colonnade, dénonçant le réchauffement climatique, tout comme les icebergs échoués d’Ice Watch qu’il avait déposés à Paris au moment de la COP21 en 2015. Fidèle à ses thèmes de prédilection (la perception, le mouvement, l’environnement), l’artiste de 49 ans a refusé la surenchère. Il a préféré faire du visiteur un explorateur, au risque que ses œuvres soient éclipsées par la profusion de dorures du château. On regrette seulement de ne pas avoir, comme un monarque, les lieux rien que pour soi, afin de goûter paisiblement à la grâce qu’Eliasson y fait naître. • MARIE FANTOZZI

Eliasson refuse la surenchère et préfère faire du visiteur un explorateur.

JEAN TINGUELY

MIROIR DU DESIR

Vingt-cinq ans après sa disparition, la galerie Vallois rend honneur à cette figure majeure du mouvement des Nouveaux Réalistes, compagnon de Niki de Saint Phalle. L’artiste suisse a laissé une œuvre colossale peuplée de sculptures en mouvement à géométrie variable construites à partir de matériaux hétéroclites. Évoquant tantôt la sérénité, tantôt un certain chaos, la mécanique sonore qui les anime continue de résonner. • ANNE-LOU VICENTE

Le musée Guimet dévoile une sélection de ses estampes japonaises représentant les femmes comme l’objet d’un désir voyeur et contrasté. On les voit entre elles, chastes ou assaillies d’une violente convoitise masculine sur les fameuses shunga, ces estampes pornographiques dont le commerce était clandestin. La dominance des tons or et carmin incarne l’adoration et la crainte inspirées par ces beautés idéales. • GAËLLE LE SCOUARNEC

Georges-Philippe et Nathalie Vallois

des arts asiatiques – Guimet

: du 9 septembre au 29 octobre à la galerie

: jusqu’au 10 octobre au musée national

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© 2016 OLAFUR ELIASSON ; PHOTO : ANDERS SUNE BERG

OLAFUR


ART COMPRIMÉ Tous les mois, notre chroniqueuse vous offre un concentré des dernières réjouissances du monde de l’art.

7

sept

30 oct

En 2016, il est encore possible de dénicher dans une brocante des œuvres de maître pour quelques dizaines d’euros. En Moselle, un inconnu s’est ainsi procuré une gravure d’Albrecht Dürer, célèbre artiste allemand du xve-xvie siècle. Philanthrope, il l’a retournée à la Staatsgalerie de Stuttgart, où elle avait été volée pendant la Seconde Guerre mondiale. • Affaire kafkaïenne entre l’agence Getty Images et Carol M. Highsmith : la première a réclamé à la seconde des frais d’utilisation pour une de ses propres photos – qui appartiennent au domaine public, comme l’a voulu la photographe américaine. Du coup, celle-ci réclame à la banque d’images un milliard de dollars de dommages et intérêts pour exploitation frauduleuse de ses photos et violation de son copyright. • Après avoir contaminé les réseaux sociaux, la censure des tétons sévit maintenant dans la presse. En août, le magazine d’art australien Vault s’est vu demander par son distributeur de cacher les seins de la femme enceinte nue qui ornait sa couverture – une peinture de Lisa Yuskavage. • En Russie, ce sont des attributs masculins qui ont fait pousser des cris d’orfraie. Et pas n’importe lesquels : ceux du David de Michel-Ange, dont une copie trône depuis mai dernier sur une place de Saint-Pétersbourg. Après avoir reçu la plainte d’une habitante, les autorités proposent de voter pour ou contre le rhabillage de David. • MARIE FANTOZZI ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL

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5/7 rue de Fourcy 75004 Paris Téléphone: 01 44 78 75 00 Web: www.mep-fr.org M Pont-Marie ou Saint-Paul

Ouvert du mercredi au dimanche inclus, fermé lundi, mardi et jours fériés.

© Herb Ritts Foundation

HERB RITTS EN PLEINE LUMIÈRE Exposition réalisée en collaboration avec la Fondazione Forma per la Fotografia, Milan et la Herb Ritts Foundation, Los Angeles En partenariat média avec


SPECTACLES

© AURÉLIEN GABRIEL COHEN – COLLECTIF PÉRISCOPE

LES TROIS MOUSQUETAIRES — : les 11 et 25 septembre

à la mairie du IVe et le 18 septembre à la mairie du XIe (1 h 30)

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Si

vous croisez d’Artagnan, Portos ou Aramis dans les rues de Paris fin septembre, ne soyez pas surpris, c’est que vous venez de tomber sur Les Trois Mousquetaires. La série. En 2011, fraîchement sorties de leur école de théâtre, Clara Hédouin et Jade Herbulot ont eu envie de monter un projet qui serait « un peu plus qu’un simple spectacle », en adaptant le feuilleton d’Alexandre Dumas à l’espace public sous la forme d’une série théâtrale. Après un été 2012 passé à arpenter les villages du Gard avec leur épisode pilote, elles montent à Paris, comme le célèbre Gascon. « Certains lieux parisiens sont magiques, et pourtant on ne fait que les traverser, on n’a rien le droit d’y faire. On voulait se réapproprier la ville », explique Clara. Bercy Village, le musée Carnavalet, ou, pour cette quatrième saison, la mairie du IVe : pour dérouler les aventures de la bande de soldats portés sur la bagarre, les metteuses en scène exploitent les moindres recoins et possibilités des lieux qui leur sont confiés et transforment, presque malgré eux, les spectateurs en figurants. Talentueux et d’une énergie folle, les comédiens changent de rôles et de registres plus vite que leur ombre, mêlant la langue de Dumas à celle d’aujourd’hui. Et si la France de Louis XIII peut sembler lointaine, les clins d’œil à la situation politique actuelle se multiplient intelligemment. Dans le contexte de prolongement incessant de l’état d’urgence, le retour à ce xviie siècle marqué par la naissance de la police d’État offre de troublants échos et n’a rien d’anodin. • AÏNHOA JEAN-CALMETTES

D’une énergie folle, les comédiens changent de rôles et de registres plus vite que leur ombre.

2666

NOBODY

Après Les Particules élémentaires de Michel Houellebecq, Julien Gosselin s’attaque à 2666 de l’écrivain chilien Roberto Bolaño. L’œuvre, longue de 1 300 pages, explore les divers visages de la violence au xxe siècle. Autant dire que l’adapter au théâtre relevait presque de l’impossible. En 11 h 30 d’urgence absolue, à travers des codes esthétiques ultra contemporains et sur fond de musique live, le metteur en scène de 29 ans relève pourtant le défi brillamment. • A. J.-C.

Entre le théâtre et le cinéma, Cyril Teste refuse de choisir. Il vous invite donc au tournage d’un film éphémère, retransmis en direct au-dessus de la scène. Adapté d’un texte du metteur en scène et dramaturge allemand Falk Richter, Nobody suit le destin de Jean Personne, brillant consultant qui commence à étouffer dans le monde lisse et cruel de l’entreprise. Derrière les grandes vitres qui le séparent des gradins, l’open space devient une représentation de l’enfer moderne. • A. J.-C.

– Odéon-Théâtre de l’Europe (11 h 30)

au Monfort théâtre (1 h 30)

: du 10 sept. au 16 oct. aux Ateliers Berthier

: du 21 septembre au 8 octobre

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MISE EN SCÈNE DE

CATHERINE

HIEGEL AGNÈS

JAOUI

JEAN-PIERRE

LES

BACRI

FEMMES SAVA N T E S DE

MOLIÈRE

PHILIPPE

DUQUESNE CATHERINE

FERRAN BAPTISTE

ROUSSILLON

EVELYNE

BUYLE CHLOÉ

BERTHIER

BENJAMIN

JUNGERS JULIE-MARIE

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Location

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En coproduction avec le théâtre Montansier de Versailles.


RESTOS

QUI L’EÛT CRU ? © THOMAS DUVAL

Raw food ou crudivorisme, les Californiens ont montré la voie, les Français s’y mettent. Les chefs aussi, et pas les moins talentueux. Chez Raw, William Pradeleix apporte la preuve que le cru ne manque pas de raffinement, n’en déplaise à Claude Lévi-Strauss.

RAW Naissance au Pays basque, apprentissage à Londres, perfectionnement à Bora Bora, crochet par le Maroc, nouveau détour par l’Angleterre, avant de débarquer à Paris… William Pradeleix a roulé sa bosse ! En chemin, il a rencontré Marie, ancienne étudiante en économie devenue sa femme et une parfaite directrice de salle doublée d’une fine gâchette des accords mets-vins. Deux ans après l’ouverture d’un premier restaurant, Will, dans le XIIe arrondissement, ils se sont lancés dans l’aventure Raw, une adresse qui sublime les produits bruts, sans cuisson. Ou presque – un ou deux plats chauds sont proposés aux frileux. Mais qui dit cru ne dit pas absence de cuisine. William a rapporté de ses voyages des techniques de marinades, des herbes, des épices, et cultive un tropisme asiatique qui a fait le succès de Will. Tataki, sashimi, ceviche, carpaccio, tartare, on ne s’ennuie jamais dans ce bistrot à la déco épurée, entre bois clair et ardoise, où l’on peut choisir chaise, banquette, comptoir ou terrasse selon son humeur et la météo. Dans l’assiette, c’est vif comme un carpaccio de dorade, fenouil, pamplemousse rose mariné et cédrat, ou plus doux comme un tartare de thon à la tahitienne, concombre, poivron et lait de coco au citron vert. Les fidèles de Will retrouveront le tartare de bœuf, condiment sésame et pomme verte, et le dessert tout choco, sésame et glace sésame noir. Le tout arrosé de vins majoritairement bio, soigneusement choisis par Marie. Entrées/Plats : de 5 à 18 €. Desserts : 9 €. • STÉPHANE MÉJANÈS

: 57, rue de Turenne, Paris IIIe

42 DEGRÉS

CRU

Ici, on est crudivore, bio, vegan et sans gluten. Au menu : tartine aux pickles de légumes et crème de cerfeuil, lasagnes végétales aux saveurs provençales et cheesecake citron. Formule midi : 15 ou 19 €. Menus : 34 ou 48 € (85 € en duo). • S. M.

Avant que le cuit ne grignote la carte d’hiver, on se précipite au cœur du Village Saint-Paul, dans une charmante cour pavée, pour déguster le ceviche du jour ou l’assiette de trois tartares, bœuf, veau et canard. Menus : 19 € (midi), 24 € (brunch). • S. M.

: 109, rue du Fbg-Poissonnière, Paris IXe

: 7, rue Charlemagne, Paris IVe

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C’EST DOUX ! Un mois fou food à Paris avec notre chroniqueur. Où manger ? Quoi commander ? Suivez le régime alimentaire de @PhamilyFirst sans prendre un Instagram de gras.

C’est doux = c’est bon. Une expression qui dit que votre estomac a toujours raison. Excités à l’idée de plaquer l’été au profit d’une bonne adresse de rentrée ? Frayez-vous un chemin chez The Beast (IIIe), spécialiste parisien du BBQ texan. Petit tuyau au boyau croquant : goûtez une fois, et une fois de plus, sa délicieuse saucisse de bœuf Angus. Montez d’un étage à La Tour de Belleville (Xe), où les nouilles sont tirées à vue. Un refuge pour amateurs de soupes chinoises, où prendre le bouillon sans perdre le sou. Plus loin, pour un bon plan à trois, la pizza de chez Tripletta (XXe) se laisse croquer sans graissage de pâte. Fondante et croustillante, elle est la plus bonne des plus bonnes de ses copines, et pourtant, parmi elles, il y a la savoureuse Popine (XXe). Les mamies et papilles excitées, rejoignez Muscovado (XIe), à deux pas du mk2 Bastille, notre QG de cet été parisien en cure de rabougrissement. La carte de « breakfast food » servie en continu toaste un sandwich cubano digne d’un lunch de flic à Miami. Côté potins, l’excellent Caffè dei Cioppi est rebaptisé Osteria Ferrara (XIe), du nom de Fabrizio, chef et proprio. Il faut s’y faire, les vacances sont finies, vos Instagram stories vous ont trahis. Avec la rentrée des mines dorées, le retour de la baguette décente à Paris. Et les chefs signent leur come-back, de quoi accélérer les bips de mon rythme cardiaque. • JULIEN PHAM — ILLUSTRATION : JEAN JULLIEN


CONCERTS

THE DIVINE COMEDY — : le 12 septembre à La Maroquinerie © RAPHAEL NEAL

OFF

Pourvoyeur

de pop orchestrale depuis un bon quart de siècle avec The Divine Comedy, Neil Hannon donne une nouvelle leçon de songwriting avec son nouvel album, Foreverland. Au départ, le Nord-Irlandais avait prévu une escapade synthétique. « The Human League, Orchestral Manœuvres in the Dark, Soft Cell, les premiers Depeche Mode… J’avais 9-10 ans quand ces groupes ont débarqué au Royaume-Uni, confie Hannon. C’était dangereusement nouveau, d’où mon obsession pour cette époque. » Mais il a changé d’avis, le climat glacé et électronique des années 1980 ne convenant pas à son écriture plus sixties héritée de Scott Walker et des Kinks. « Ma musique est un anachronisme. Si j’étais plus styliste au niveau des paroles, si je racontais des trucs ésotériques comme des histoires de Japonais avec des Polaroïd, alors peut-être que les synthés m’iraient mieux. Mais j’évoque toujours des choses plus triviales, des gens réels, ce qui va mieux avec des instrumentations réalistes. » Portraitiste hors pair, il n’hésite pas à croquer son couple sous la forme de personnages d’inspiration historique comme Napoléon ou l’impératrice Catherine II. « Je suis moins anxieux, plus apaisé depuis que j’ai rencontré ma compagne », confie le dandy, désormais installé dans une ferme peuplée d’animaux recueillis à la SPA. Parmi ceux-ci, un âne baptisé Wayne. Les plus attentifs peuvent même distinguer son improbable participation sur le morceau « How Can You Leave ». • ÉRIC VERNAY

« Ma musique est un anachronisme. » NEIL HANNON

LAS AVES

RED BULL MUSIC ACADEMY FESTIVAL

Mutation coup de poing pour les ex-Dodoz. Affranchi du punk à gratte(r), le gang toulousain invente l’electro-pop du futur – féroce, foldingue et savamment stylisée – avec Die in Shangai, premier album brûlant produit par Dan Levy de The Dø, entre riffs de synthés, rock de stade et R&B vicié (« Gasoline », « Leo »). Une bombe taillée pour la scène que ces quatre-là dégoupillent à coups de prestations exaltées dans une électrisante communion. • ETAÏNN ZWER

Retour de la RBMA dans la capitale avec ce festival. Au menu : exposition sous la houlette de Thurston Moore (Sonic Youth) ; battle de rap français sous la coupe d’Oxmo Puccino à La Cigale ; créations ovnis à La Gaîté Lyrique mêlant techno martiale, rock bruitiste (Sister Iodine) et projections ; nuit épique à Pigalle, entre DJ sets et curiosités – le dandy Jarvis Cocker, la reine du cool OK Lou et la créature Mykki Blanco. Foisonnant, pointu et diablement excitant. • E. Z

: le 21 septembre aux Étoiles

: du 19 au 24 sept. dans divers lieux à Paris

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BONS PLANS À GAGNER

TONI MORRISON LIVRE

— : « Délivrances » de Toni Morrison © MATHIEU BOURGOIS

(10/18)

Fille

Si encore le sort s’en tenait là… Car Bride, dont les mensonges sont désormais mis à nus, entame une mue : ses seins disparaissent et son corps rétrécit, jusqu’à refaire d’elle une enfant. Est-ce le prix de la rédemption ? Chez la nobélisée Toni Morrison, s’affranchir du passé est un processus douloureux mais vital. Récit d’une indispensable réinvention, Délivrances se fait l’écho d’une souffrance profondément afro-américaine, avec l’intensité bouleversante propre aux grands contes universels. • PAMELA PIANEZZA

OFF

de « mulâtres au teint blond », Lula Ann Bridewell naît « noire comme la nuit ». Voilà pourquoi son père a foutu le camp, conclut sa mère, dégoûtée par sa progéniture. Pourtant, Lula Ann s’en tire bien. On la retrouve à l’âge adulte – sublime, tout de blanc vêtue et rebaptisée Bride –, directrice régionale d’une société de cosmétiques. Mais son rêve américain bascule lorsque son fiancé s’évapore et que sort de prison son ancienne institutrice, condamnée pour agression sexuelle sur la foi du témoignage de Lula Ann.

HERB RITTS

EXPO

La MEP célèbre le photographe de mode américain disparu en 2002 avec une rétrospective de ses portraits noir et blanc les plus emblématiques qui rend hommage à son génie de la composition – gorgés d’une lumière californienne irréelle, ses clichés s’inspirent de l’architecture grecque antique. • GAËLLE LE SCOUARNEC

: jusqu’au 30 octobre Herb Rits, Madonna (True Blue Profile), 1986

à la Maison européenne de la photographie

LES FEMMES SAVANTES

THÉÂTRE

Catherine Hiegel met en scène le classique de Molière, satire sociale d’une drôlerie féroce qui brosse le portrait d’une famille et narre un désastre provoqué par la bêtise et l’intérêt des sots. La comédie de mœurs est ici portée par un casting prestigieux : Agnès Jaoui, Jean-Pierre Bacri, Évelyne Buyle… • MARILOU DUPONCHEL

: à partir du 10 septembre

au Théâtre de la Porte Saint-Martin

SPECTACLE

À partir du 27 septembre, la trépidante compagnie Cirque Le Roux investit la capitale. Composée de quatre artistes (comédiens et acrobates) et traversée par des influences diverses, du film noir au théâtre burlesque, la troupe présentera The Elephant in the Room, son premier spectacle, créé en janvier 2015. • M. D.

: jusqu’au 31 décembre à Bobino

© HERB RITTS FOUNDATION

CIRQUE LE ROUX

100 SUR TROISCOULEURS.FR/BONSPLANS


Faut-il débattre de l’amour… Fort, malin, drôle, élégant, inattendu. The New York Times Book Review 360 pages – 7,50 € - Disponible le 15 sept embre en 10/18 -

... Ou se battre pour lui ? Le plus beau livre que j’aie lu ces dernières années. 432 pages – 8,40 € - déjà Disponible en 10/18 -

Augustin Trapenard, Le Grand Journal, Canal +

www.10-18.fr

Rencontrez les deux auteurs au festival Am erica du 8 au 11 septembre - vincennes


SONS

EXPLODED

VIEW — : « Exploded View » (Sacred Bones)

OFF

© ANDREA MARTINEZ

En

2010, Annika Henderson reprenait des chansons de Bob Dylan, de Yoko Ono ou des Kinks sur un premier album simplement intitulé Anika qu’elle avait enregistré avec BEAK>, le nouveau trio de Geoff Barrow (Portishead). À la façon d’une Nico sous codéine, elle posait sa voix grave, lointaine et hantée sur des rythmiques dub, post-punk ou motorik, et son regard, grave, lointain, et tout aussi hanté, sur les publics transis des meilleures scènes mondiales. Après un EP de reprises en 2013, la chanteuse à la beauté aussi intense que glaciale revient avec un groupe, moins aguerri mais pas moins vintage, dégoté au débotté lors d’une tournée mexicaine ; et avec qui le courant, électrique, est si bien passé qu’ils ont décidé d’enregistrer tout un album, sur bandes analogiques, en une session de prises uniques, et de brillantes, quoique fragiles, improvisations psychédéliques. À propos de cette nouvelle formation, elle dit : « J’apprécie pouvoir jouer avec des gens sans avoir d’attentes particulières, sans me

SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM ? « Ce serait Répulsion de Roman Polanski, un film dans lequel la beauté est aussi la bête. De l’extérieur, cet album peut sembler inoffensif, même s’il est rempli de démons prêts à être relâchés – mais qui sont toujours contenus. Ces chansons parlent beaucoup de mes peurs, parce

soucier de si ça sonne bien ou de comment ça va être reçu, ou même de si le disque va sortir. C’est un album sincère, spontané, qui vient du cœur. » Du titre « Orlando », inspiré par le roman de Virginia Woolf (« J’aime l’idée que ce personnage, Orlando, change de corps à travers le temps. Ça questionne aussi le fait que nous sommes sans cesse accaparés par des choses insignifiantes, et comment vivre en fonction de ce qui est vraiment important. ») à des chansons plus politiques (« Je ne veux pas délivrer des messages militants ou “gauchistes”, même si, dans un certain sens, oui, je suis de gauche. Mais je ne veux pas dire aux gens ce qu’ils doivent penser, j’aimerais juste les voir plus conscients de ce qu’ils font. J’exprime d’abord mes peurs et mes préoccupations. »), le chant d’Anika, aussi cérébral qu’instinctif, aussi spectral qu’habité, se pose sur des musiques oniriques et enlevées, aux textures chaudes et subtiles, entre Silver Apples, Can et Broadcast. Comme le chœur battant d’une pythie de 2016. • WILFRIED PARIS

que je pense que c’est important, parfois, de partager ses peurs. Ça permet de réaliser qu’on n’est pas seuls à les vivre, qu’on n’est pas fous. Les exprimer me permet de les mettre à distance, et, en les partageant, j’espère aider d’autres gens à vaincre ces peurs, à les dépasser également. » ANIKA

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JUKEBOX

ELECTRIC ELECTRIC : « III »

(Murailles Music)

Electric Electric n’est pas un groupe, c’est une machine. Intelligente, infatigable et surpuissante. Son programme : la transe (doublement) électrique. Chaque album en est l’update, toujours plus dénué de repères et de pitié, toujours plus jubilatoire. Il y a du carnaval chinois et de la boxe antillaise dans III, entre autres événements inouïs malaxés par cet engin qui ne cesse de (nous faire) tourner. • MICHAËL PATIN

GUCCI MANE

: « Everybody Looking » (Atlantic)

La sortie de taule de Gucci Mane a eu pour effet d’asseoir définitivement sa position d’artiste rap le plus audacieux et influent des dix dernières années. Et ce ne sont pas Drake, Young Thug ou Kanye West, featurings en or massif de cet album des retrouvailles, qui diront le contraire. Son art du flow narcotique et de la punchline imprévisible atteint de nouveaux sommets sur ces quinze titres. • M. P.

TRENTEMØLLER

: « Fixion » (In My Room) Héraut du spleen electro, le Danois creuse le romantisme rock du sublime Lost (2013) avec Fixion, quatrième opus studio très noir et désarmant. Cordes apprêtées, synthés clairs, basses hypnotiques et percussions glacées forment une balade nocturne énigmatique au cours de laquelle bruissent des halos de voix féminines, l’écho des Cure, des scènes de contemplation et de soudaines pulsions. Un bijou, à apprivoiser… • E. Z . ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT


JEUX VIDÉO

OFF

INSIDE C’est

— : One, PS4, PC (Playdead) —

l’histoire d’une course sans fin. Celle d’un petit garçon qui, pour échapper aux nervis d’une dictature imaginaire, court à perdre haleine vers un horizon inconnu. Pas le temps de se poser des questions, il lui faut esquiver tous les obstacles et menaces qui se dressent sur son chemin (ou surgissent de l’arrière-plan en 2D) sans jamais s’arrêter. Plus il avance, plus la mort rôde, plus le décor dévoile la cruauté de ce régime tyrannique dont les cerbères mécanisés transforment les sujets en pantins dociles. Repéré avec Limbo, son premier coup de maître, le studio Playdead accouche d’une nouvelle référence du jeu de plate-forme. Parfaitement huilé, le gameplay y suit une mécanique rigoureuse

– voire implacable, pour tout joueur traînard ou maladroit. Mais c’est surtout son décor, et l’effroi qu’il inspire, qui rend l’expérience inoubliable. Bourré de détails et d’animations, chaque niveau est une fresque vivante dans laquelle premier plan et profondeur de champ dialoguent dans une symbiose parfaite. Habillé de rouge face à la grisaille ambiante, l’avatar incarne la dernière lueur d’espoir venue défier l’autorité mortifère de ce monde orwellien. Au-delà de sa parabole politique (Brazil revisité par Buster Keaton), Inside se veut aussi un portrait cauchemardesque de l’enfance et de ses hantises. Pour résister à ce monde uniformisé et désincarné, un seul salut : prendre ses jambes à son cou. • YANN FRANÇOIS

ABZÛ

MONSTER HUNTER GENERATIONS

DEUS EX. MANKIND DIVIDED

Ondulant avec grâce au milieu des myriades de poissons et des ruines englouties, notre plongeuse sonde les abysses d’un océan plein de mystères. Ni combat ni quête imposée : juste la magie poétique du moment présent et de l’exploration émerveillée. • Y. F.

Sorte de best-of des épisodes précédents, Monster Hunter Generations ravira les néophytes comme les fans par son accessibilité et son bestiaire diablement exhaustif. L’occasion de (re)découvrir les joies de la chasse aux monstres géants. • Y. F.

Sommet du RPG cyberpunk, Deus Ex revient pour nous plonger au cœur d’une société déchirée entre humains organiques et augmentés, dans un futur où les implants cybernétiques sont devenus la norme. Un monde dystopique et effrayant, d’une rare crédibilité. • Y. F.

: PC/PS4 (505 Games)

: 3DS (Capcom)

: One, PC, PS4 (Square Enix)

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INDÉ À JOUER Manette dans une main, carnet de notes dans l’autre, notre chroniqueur teste chaque mois une sélection de jeux indés.

Grâce à Starbound (Chucklefish, PC), les vacances deviennent une errance spatiale sans fin. Errant à bord de mon vaisseau de fortune, je m’arrête sur chaque planète pour faire le plein de ressources et bricoler de nouveaux gadgets qui me permettront d’aller plus loin. Parfois, je croise d’autres civilisations, primitives ou avancées, avec lesquelles je dialogue, commerce ou combats jusqu’à la mort. • Exténué par cette robinsonnade stellaire, je m’accorde une pause détente avec Zombie Night Terror (NoClip, PC), combo détonnant entre Lemmings et nanars de l’épouvante. À la tête d’une horde de zombies, je dois contaminer chaque niveau tout en escortant mes revenants écervelés hors des précipices et des zones piégées. • Ragaillardi d’avoir anéanti l’humanité, je m’attaque à Furi (The Game Bakers, PC, PS4), curieux mélange entre combat au sabre, shoot ’em up, bande-son electro et esthétique manga, le tout orchestré par un studio français. Derrière ce gloubi-boulga improbable se cache une ode somptueuse et extatique au duel chorégraphié. • Soucieux de finir sur une note de convivialité, je rameute des amis autour d’Overcooked (Team 17 Digital, PC, PS4), jeu coopératif à quatre qui s’invite dans la cuisine d’un grand restaurant. Chaque joueur/cuisinier doit coordonner ses tâches (épluchage, découpe, cuisson…) avec les autres pour servir un maximum de plats en un temps record. Un festin riche en marrades, parfait pour entamer la rentrée. • YANN FRANÇOIS ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT


SÉRIES

AU-DELÀ DES MURS © THIBAULT GRABHERR

— : en septembre sur Arte —

OFF

Créée

par le duo Hervé Hadmar-Marc Herpoux (Pigalle, la nuit, Signature…), cette minisérie en trois parties sur Arte assume son parti pris fantastique. Osé en prime time, d’autant que l’on y flirte même avec l’épouvante… Tout commence avec un testament : Lisa, jeune femme effacée, hérite d’une étrange demeure bourgeoise. Attirée par un bruit derrière la cloison, elle se retrouve prisonnière du monde immense et effrayant que les murs de la bâtisse renferment. Entre horreur gothique (belle apparition de Geraldine Chaplin qui semble tout droit sortie d’un film de la Hammer) et conte psychanalytique, Au-delà des murs évoque, par son jeu de va-et-vient temporels et spatiaux, des objets littéraires aussi déconcertants que La Tour sombre de Stephen King ou La Maison des feuilles de

REVOIS

Mark Z. Danielewski, références incongrues pour une production française, mais qui ne dénotent pas trop chez Hervé Hadmar et Marc Herpoux. Ces deux-là bâtissent ensemble depuis une dizaine d’années une œuvre télévisuelle cohérente qui a toujours été tentée par une forme d’onirisme, et a toujours lorgné vers ce qui se fait de mieux en matière de fiction – la Scandinavie (pour Les Témoins) ou, ici, la Belgique, via l’actrice Veerle Baetens. La révélation d’Alabama Monroe passe avec aisance de frêle Alice perdue de l’autre côté du miroir à conquérante Thésée se frayant courageusement un chemin dans ce dédale. Le guide idéal pour se garder des quelques trous d’air que connaît le récit et se laisser porter par l’atmosphère singulière qui se dégage de cette surprenante odyssée. • GRÉGORY LEDERGUE

VOIS

PRÉVOIS

OUTCAST

22.11.63

BLACK FLAGS. THE RISE OF ISIS

Après le succès monstre de The Walking Dead, Robert Kirkman a développé sa dernière BD avec en tête sa déclinaison en série télévisuelle. Diffusée cet été sur OCS, cette dernière suit un duo d’exorcistes dans le sud profond des États-Unis. Peu d’effets de manche, un malaise savamment distillé pour mieux préparer les moments de terreur… Diaboliquement efficace. • G. L .

Un homme renvoyé au début des années 1960 pour prévenir l’assassinat de JFK voit ses plans systématiquement contrecarrés. Le passé, en effet, refuse d’être changé. Belle idée, inégalement exploitée. Mais la série, d’après Stephen King, a un autre atout, James Franco se glissant avec une aisance inattendue dans le costume du monsieur Tout-le-Monde promu héros qui seyait tant à James Stewart. • G. L .

Aux antipodes de l’univers de Very Bad Trip, leur plus emblématique collaboration, le réalisateur Todd Phillips et la star Bradley Cooper vont produire une minisérie sur la création et l’ascension de Daech comme force terroriste internationale de premier plan. Le projet s’annonce sérieux : il sera basé sur une enquête du journaliste Joby Warrick, récompensée par le prix Pulitzer. • G. L .

: Saison 1 en V.O.D. sur OCS

: En septembre sur Canal+

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: Prochainement sur HBO



BD

OFF

MARTHA ET ALAN

Une

— : d’Emmanuel Guibert (L’Association) —

vie tout entière peut-elle s’articuler autour d’un seul événement, une rencontre ou un accident ? Dans l’œuvre d’Emmanuel Guibert, la question apparaît d’autant plus pertinente qu’il consacre depuis presque vingt ans tout son temps ou presque à l’écriture de la biographie en plusieurs volumes d’Alan Ingram Cope, inconnu de l’histoire, ami rapidement disparu. Soldat américain débarqué en Normandie en 1945, Alan a raté le gros des batailles mais s’est installé dans notre pays. Avec Martha et Alan, Emmanuel Guibert fait un pas de côté en abandonnant le fil normal de son récit. Il dessine pour la première fois d’immenses images en couleurs et tente de synthétiser l’entièreté de cette vie en un livre construit autour d’un amour d’enfance avorté, recroisé à plusieurs occasions. Traverser subitement cette vie en un livre, en un souffle, porté par des tableaux en couleurs d’une beauté prodigieuse et un amour palpable à chaque image est exaltant. La mélancolie qui s’en dégage n’en est que plus éprouvante. • STÉPHANE BEAUJEAN 108


H.F.THIÉFAINE JEANNE CHERHAL YOUSSOUPHA HYPHEN HYPHEN MICKEY 3D CLARIKA KACEM WAPALEK BOULEVARD DES AIRS BIGA*RANX CLARIKA MATHIEU BOOGAERTS CARMINHO FRÉDÉRIC FROMET LA YEGROS ARNO CARMEN MARIA VEGA FAADA FREDDY ANNE SYLVESTRE ROVER ALEX BEAUPAIN HEYMOONSHAKER ALEXIS HK BERTRAND BELIN & BIEN D’AUTRES !


LES ACTUS mk2

LA RENTRÉE DES CINÉMAS MK2 DES RENDEZ-VOUS CULTURELS AU CROISEMENT DU CINÉMA, DES ARTS ET DE LA CONNAISSANCE

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR CONNAISSANCE L’agence de médiation culturelle Des Mots et Des Arts organise, au mk2 Grand Palais, un cycle sur l’histoire de la Ville Lumière de l’Antiquité à nos jours. L’historien Guillaume Peigné revisite la capitale en décryptant l’évolution de ses structures et du mode de vie de ses habitants (« À la conquête de la nature : les jardins parisiens » le 30 janvier) et en évoquant quelques-unes des grandes figures qui ont marqué son histoire (« Paris et ses dames, de Louise Michel à Coco Chanel » le 6 mars). • CLAUDE GARCIA OFF

: mk2 Grand Palais, tous les lundis soir dès le 26 sept.

POP CORNER CRÉATION DIGITALE Chaque mois, les soirées Pop Corner permettent à la toute jeune (entre 15 et 25 ans) génération des Youtubeurs de projeter son travail sur grand écran. Pour inaugurer le concept, le comique agité Sébastien Frit (alias Seb la Frite) présentera ses vidéos et le passionné de cinéma Sofyan Boudouni (Sofyan fait du cinéma) dévoilera son nouveau court métrage en avant-première, lors d’une séance présentée par la blogueuse Adèle Castillon (Adèle ta chérie d’amour), du haut de ses 15 ans. • C. G.

: mk2 Bibliothèque, un jeudi soir par mois dès le 29 sept.

HISTOIRE DE L’OPÉRA MUSIQUE Après le succès, l’an dernier, de ses cours d’histoire de l’art, Des Mots et Des Arts propose cette saison un cycle sur la riche histoire de l’opéra. Au mk2 Bastille, la musicologue et dramaturge Pauline Lambert alternera, d’un lundi soir à l’autre, entre un cours sur un aspect général (comme « L’âge d’or de l’opéra italien : de Rossini à Puccini » le 21 novembre) et un focus sur une œuvre en particulier (comme « Lumière sur Carmen de Bizet » le 6 mars). • C. G.

: mk2 Bastille, deux lundis soir par mois dès le 3 oct.

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LES ACTUS mk2

VENEZ DÉCOUVRIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD CONNAISSANCE Les extraterrestres existent-ils ? Qu’est-ce qu’un trou noir ? Un samedi matin par mois, le physicien Christophe Galfard perce les mystères de l’univers. Auteur d’ouvrages de vulgarisation (L’Univers à portée de main, Flammarion), habitué des conférences grand public (il a aussi livré de passionnantes petites chroniques sur les ondes de France Inter cet été), ce jeune docteur en physique théorique de 40 ans veille à ce que ces séances restent accessibles et ludiques. « Je raconte des histoires, sans terme technique, et en interaction avec le public. Ce sera surtout des voyages. » Premier embarquement, en image satellite, en septembre, autour du thème « Notre univers est-il infini ? ». « On partira de la Terre, pour s’engouffrer dans l’univers et explorer ses limites. On va décrypter son passé en allant toujours tout droit. » De quoi entamer la rentrée sens dessus dessous. • RAPHAËLLE SIMON OFF

: mk2 Quai de Loire, un samedi matin par mois dès le 10 sept.

SCIENCES SOCIALES ET CINÉMA CONNAISSANCE L’École des hautes études en sciences sociales s’associe à mk2 pour s’interroger, à travers le cinéma, sur les figures du pouvoir en cette période d’élection présidentielle. Directeur de la communication de l’institution, Philippe Velozzo explique le choix de cette thématique : « Dans les sciences sociales, on conçoit le pouvoir comme un rapport entre des individus, tandis que dans le sens commun c’est un attribut attaché à quelqu’un. Il sera fécond d’interroger le contraste entre ces deux visions. » Par le biais de discussions avec des enseignants-chercheurs qui relieront leurs recherches aux différents films projetés, les multiples formes d’incarnation du pouvoir (pouvoir royal, pouvoir des statistiques…) seront ainsi étudiées à partir d’œuvres telles que Les Adieux à la reine de Benoît Jacquot, La Question humaine de Nicolas Klotz ou encore Pater d’Alain Cavalier. • QUENTIN GROSSET

: mk2 Bibliothèque, un lundi soir par mois dès le 19 sept.

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LES ACTUS mk2

UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA CINÉMA Mk2, en association avec Des Mots et Des Arts, investit le champ cinématographique pour un programme réparti en trimestres de dix cours chacun. De septembre à novembre, il s’agit de bousculer les idées reçues, en se demandant par exemple si le dessin animé n’est que pour les enfants, ou si le cinéma japonais se résume à des sabres et des geishas. Le critique Fernando Ganzo, corédacteur en chef de So Film, décortique chaque sujet pendant 1 h 30, en commençant le 22 septembre par « La recette du bon scénario : une femme et un flingue ». Les deux trimestres suivants sonderont les grandes règles de la mise en scène (« Jamais de regard caméra ! Don’t look at me » ; « Un montage parfait. Accords et faux-raccords »…) et les détails qui tuent (« Le geste burlesque. La mécanique du gag » ; « Le geste érotique : corps à corps »). C. G.

OFF

: mk2 Odéon (côté St Michel), tous les mardis soir dès le 22 sept.

LES RENDEZ-VOUS DES DOCS CINÉMA Pour cette saison 2016-2017, marquée par l’élection présidentielle, le cycle Les Rendez-vous des docs dédie sa programmation mensuelle aux contre-pouvoirs. « Après le succès public de documentaires comme Merci patron ! de François Ruffin, le cycle répond à une demande des spectateurs pour des films porteurs d’espoir », explique Annick Peigné-Giuly, présidente de l’association Documentaire sur grand écran, organisatrice de l’événement. « Nous avons cherché des films qui soient comme des lucioles, au sens où Pasolini l’entendait, c’est-à-dire des moments de résistance qui illuminent un monde confus. » Seront donc projetées des œuvres qui, chacune à leur façon, incarnent une forme de lutte : Fuoccoammare de Gianfranco Rosi, Les Vies de Thérèse de Sébastien Lifshitz ou encore Orlando Ferito de Vincent Dieutre. • Q. G.

: mk2 Quai de Loire, un lundi soir par mois dès le 26 sept.

BILLETTERIE  : WWW.MK2.COM


LES ACTUS mk2

CINÉ-JAM D’EDGAR SEKLOKA MUSIQUE Poussiéreux, le cinéma de Charlie Chaplin ? Accompagné de son groupe et d’invités pointus (FM Laeti, Lou Marco, Blick Bassy…) le musicien, rappeur et écrivain Edgar Sekloka souffle chaque mois un peu de groove sur le monument du cinéma muet. « Chaplin fait rire sur des sujets graves. Ma prétention, c’est d’ambiancer sur des sujets graves. » Sekloka et son invité interprètent en live des titres inédits pendant la projection d’un court métrage de Charlot, qui laisse place à un showcase. « L’idée, c’est d’ouvrir un dialogue entre l’artiste et le public à la fin de la séance. Et si on n’a plus le temps, on l’entame dans la salle et on le poursuit au café d’à côté. » Rendez-vous le 6 octobre à 20 heures pour la première, avec L’Émigrant (1917) réinterprété par la douce chanteuse canadienne Mélissa Laveaux. • JULIETTE REITZER

OFF

: mk2 Gambetta, un jeudi soir par mois dès le 6 oct.

Ce qui me fait prendre le train de Pierre Mazingarbe, 2013

© PRODUCTION LE FRESNOY – STUDIO NATIONAL DES ARTS CONTEMPORAINS

LÀ OÙ VA LE CINÉMA CINÉMA João Pedro Rodrigues, Hee Won Lee, Gregg Smith : un lundi soir par mois, projection de films produits par des cinéastes du Fresnoy, le Studio national des arts contemporains, qui invite les jeunes artistes du monde entier à réaliser des œuvres en décloisonnant les moyens d’expression. « Ces œuvres renouvellent le cinéma de l’intérieur, faisant de lui autant un art plastique qu’un art narratif, et réinventant les genres historiques comme le cinéma underground, les films d’artistes ou les documentaires d’art », observe Alain Fleischer, directeur de l’école. Des films audacieux (courts et moyens métrages pour la plupart), à découvrir au cours de séances thématiques, qui interrogent à la fois ce qu’est le cinéma (« Changements de rythme : vitesse, lenteur et répétition »), et ce qu’est le monde (« Longtemps après la fin des colonies »). • C. G.

: mk2 Beaubourg, un lundi soir par mois dès le 17 oct.

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mk2 SUR SON 31 SAMEDI 10 SEPT. CYCLE JAZZ À LA VILLETTE Man No Run de Claire Denis.

: mk2 Quai de Seine à 10 h 30

SAMEDI 10 SEPT. VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « Depuis la Terre, regardons les étoiles : notre univers est-il infini ? »

: mk2 Quai de Loire à 11 h

DIMANCHE 11 SEPT.

MARDI 20 SEPT.

LUNDI 26 SEPT.

UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « La recette du bon scénario : une femme et un flingue », par Fernando Ganzo, corédacteur en chef de So Film.

LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « Le Metropolitan Museum de New York. »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

JUSQU’AU 20 SEPT. CYCLE MK2 BOUT’CHOU Au programme : La Petite Fabrique du monde, Maison sucrée, jardin salé et Les Petits Canards en papier.

: mk2 Nation, Quai de Loire

CYCLE JAZZ À LA VILLETTE Retour à Gorée de Pierre-Yves Borgeaud.

et Bibliothèque

: mk2 Quai de Seine à 10 h 30

et dimanches en matinée

DIMANCHE 11 SEPT. CYCLE ALAIN GUIRAUDIE L’Inconnu du lac.

: mk2 Quai de Loire à 10 h 45

LUNDI 12 SEPT. LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Que veut dire “je t’aime” ? »

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

MARDI 13 SEPT. SOIRÉE BREF Programmation thématique autour d’un court métrage de François Ozon.

: mk2 Quai de Seine à 20 h

LUNDI 19 SEPT. LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « A-t-on besoin de se planter pour savoir qui on est ? », à l’occasion de la sortie, le 22 septembre, de l’essai de Charles Pépin Les Vertus de l’échec (Allary Éditions).

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

LUNDI 19 SEPT.

les mercredis, samedis

JUSQU’AU 20 SEPT. CYCLE MK2 JUNIOR Au programme : Pinocchio, Bambi et Dumbo.

: mk2 Quai de Seine, Gambetta

: mk2 Grand Palais à 12 h 30

LUNDI 26 SEPT. LES RENDEZ-VOUS DES DOCS Soirée d’ouverture de la thématique « Contre-pouvoirs » avec l’avant-première de Fuocoammare. Par-delà Lampedusa de Gianfranco Rosi.

: mk2 Quai de Loire à 20 h

MARDI 27 SEPT. SOIRÉE PREMIERS PAS Avec le magazine Bref, soirée pour les 30 ans de La Fémis avec La Vie selon Luc de Jean-Paul Civeyrac, Dis-moi oui, dis-moi non de Noémie Lvovsky, Des filles et des chiens de Sophie Fillières, Victor de François Ozon, Bien sous tous rapports de Marina de Van et Il n’y a pas de mal d’Emmanuel Mouret.

et Grand Palais

: mk2 Odéon (côté St Michel)

les mercredis, samedis

à 20 h

et dimanches en matinée

JEUDI 22 SEPT. UNE HISTOIRE DE L’ART « L’Antiquité, berceau de l’histoire de l’art. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

DU 22 AU 25 SEPT. PARIS SURF & SKATEBOARD FILM FESTIVAL

: mk2 Bibliothèque et Grand Palais www.pssff.fr

LUNDI 26 SEPT. LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « La vie intense est-elle la meilleure des vies ? »

JEUDI 29 SEPT. POP CORNER Avec les Youtubeurs Sofyan Boudouni, Sébastien Frit et Adèle Castillon.

: mk2 Bibliothèque à 20 h

JEUDI 29 SEPT. UNE HISTOIRE DE L’ART Les prémices de l’art médiéval.

: mk2 Beaubourg à 20 h

LUNDI 3 OCT. LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Faut-il être intelligent pour être créatif ? »

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

LUNDI 26 SEPT.

SCIENCES SOCIALES ET CINÉMA Présentation du film Les Adieux à la reine de Benoît Jacquot par Fanny Cosandey, historienne spécialiste de la question du pouvoir royal dans l’Ancien Régime.

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Le Paris antique », par l’historien Guillaume Peigné.

: mk2 Bibliothèque à 20 h

à 20 h

: mk2 Grand Palais

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JACQUES CHIRAC ou le dialogue des cultures

#ExpoJacquesChirac

www.quaibranly.fr

Exposition jusqu’au 09/10/16

m-ticket - FNAC Tick&Live - Fnac 0 892 684 694 (0,34 ¤/minute) www.fnac.com - Ticketmaster 0 892 390 100 (0,34 ¤/minute) www.ticketmaster.fr - Digitick 0 892 700 840 (0,34 ¤/minute) www.digitick.com Photographie © Derek Hudson.com / Statuette anthropomorphe. Afrique. Côte d’Ivoire © musée du quai Branly, photo Claude Germain



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