TROISCOULEURS #146 - Novembre 2016

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PYRAMIDE

présente

un film de BRILLANTE MA MENDOZA

le 30 novembre


É D i TO L’hypothèse

est au cœur de la science-fiction : il s’agit, en général, d’imaginer ce que serait l’humanité – passée, présente ou future – confrontée à des événements ou à des savoirs qui, dans la réalité, n’existent pas – ou pas encore. Et si nous pouvions voyager dans le temps ? Et si une météorite détruisait la Terre ? Et si un vaisseau alien atterrissait dans notre jardin ? Ce monde au conditionnel, qui demande un puissant effort d’imagination et de projection, est l’endroit idéal pour faire pousser le doute, et tout un tas de questionnements métaphysiques – sur le temps, la mort, Dieu, l’amour. Premier contact du Québécois Denis Villeneuve, en couverture de ce numéro, tire magnifiquement profit de cette dimension spéculative : confrontée à des aliens n’ayant pas la même perception de l’existence, du langage et du temps qu’elle, l’héroïne du film, une brillante linguiste chargée de comprendre la raison de leur venue sur Terre, fait l’expérience du relativisme. Dans son sillage, le spectateur est transporté dans un vertigineux univers des possibles qui, au passage, offre un pertinent discours politique sur notre époque, et ce qu’elle pourrait devenir. Et si l’on tenait là l’un des meilleurs films de l’année ? • JULIETTE REITZER


“ UN FILM INTENSE ET BOULEVERSANT DANS LA LIGNÉE DE SPOTLIGHT ET DE ERIN BROCKOVICH. ” LE MONDE

HAUT ET COURT PRÉSENTE

D’APRÈS LE LIVRE DE IRÈNE FRACHON « MEDIATOR 150 MG »

Design : JEFF pour TROÏKA • Photo : Jean-Claude Lother

3 2 NOV.


POPCORN

P. 10 ALAIN DELOIN EN CHINE • P. 12 RÈGLE DE TROIS : BASTIEN VIVÈS P. 22 LA NOUVELLE : MAUD ALPI

BOBINES

P. 28 INTERVIEW : NATALIE PORTMAN • P. 40 EN COUVERTURE : DENIS VILLENEUVE • P.  5 8 PORTRAIT : JUDITH CHEMLA

ZOOM ZOOM P. 72 LE CLIENT • P.  74 SWAGGER P. 76 LE VOYAGE AU GROENLAND

COUL’ KIDS

P. 9 6 LA CRITIQUE D’ÉLISE : GRAINE DE CHAMPION P. 98 L’INTERVIEW DE MILA : RIAD SATTOUF • P. 100 TOUT DOUX LISTE

OFF

P. 106 EXPO : THE COLOR LINE • P.  112 CONCERT : KEVIN GATES P. 126 BD : HIP HOP FAMILY TREE

ÉDITEUR MK2 AGENCY — 55, RUE TRAVERSIÈRE, PARIS XIIE — TÉL. 01 44 67 30 00 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ELISHA.KARMITZ@MK2.COM | RÉDACTRICE EN CHEF : JULIETTE.REITZER@MK2.COM RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE : RAPHAELLE.SIMON@MK2.COM | RÉDACTEURS : QUENTIN.GROSSET@MK2.COM, TIME.ZOPPE@MK2.COM DIRECTION ARTISTIQUE : KELH & JULIEN PHAM contact@kelh.fr / julien@phamilyfirst.com | GRAPHISTE : JÉRÉMIE LEROY COORDINATION IMAGE : ALICE.LEMOIGNE@MK2.COM | SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : VINCENT TARRIÈRE | STAGIAIRE : MARILOU DUPONCHEL ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : STÉPHANE BEAUJEAN, CHRIS BENEY, PIERRE-PHILIPPE BERSON, HENDY BICAISE, LOUIS BLANCHOT, LILY BLOOM, CAMILLE BRUNEL, AÏNHOA JEAN-CALMETTES, MARIE CAMPISTRON, ARTHUR CERF, THOMAS DESTOUCHES, JULIEN DOKHAN, JULIEN DUPUY, MARIE FANTOZZI, YANN FRANÇOIS, HALORY GOERGER, GAËLLE LE SCOUARNEC, GRÉGORY LEDERGUE, STÉPHANE MÉJANÈS, MEHDI OMAÏS, WILFRIED PARIS, MICHAËL PATIN, JULIEN PHAM, POULETTE MAGIQUE, BERNARD QUIRINY, CÉCILE ROSEVAIGUE, ÉRIC VERNAY, ANNE-LOU VICENTE, ETAÏNN ZWER & ÉLISE ET MILA | PHOTOGRAPHES : YANN AUDIC, VINCENT DESAILLY, PALOMA PINEDA | ILLUSTRATEURS : PABLO COTS, SAMUEL ECKERT, PABLO GRAND MOURCEL, THIBAUD HEREM, JEAN JULLIEN, PIERRE THYSS | PUBLICITÉ | DIRECTRICE COMMERCIALE : EMMANUELLE.FORTUNATO@MK2.COM | RESPONSABLE DE LA RÉGIE PUBLICITAIRE : STEPHANIE.LAROQUE@MK2.COM CHEF DE PROJET CINÉMA ET MARQUES : CAROLINE.DESROCHES@MK2.COM | RESPONSABLE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : ESTELLE.SAVARIAUX@MK2.COM | CHEF DE PROJET CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : FLORENT.OTT@MK2.COM TROISCOULEURS EST DISTRIBUÉ DANS LE RÉSEAU LE CRIEUR contact@lecrieurparis.com


INFOS GRAPHIQUES

TOM HANKS, CE HÉROS

Après

les grands dadais sympas (Splash, Forrest Gump…), Tom Hanks s’est mis à jouer les héros. Ce mois-ci, il tente de sauver la planète du déchaînement de l’enfer dans Inferno de Ron Howard (sortie le 9 novembre), et les passagers d’un avion en détresse dans Sully de Clint Eastwood (en salles le 30 novembre). Compile de ses plus beaux sauvetages. • T. Z .

INFERNO Ron Howard (2016) CAPITAINE PHILLIPS

SULLY

Paul Greengrass (2013)

Clint Eastwood (2016)

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IL FAUT SAUVER LE SOLDAT RYAN

LE PONT DES ESPIONS

Steven Spielberg (1998)

Steven Spielberg (2015) APOLLO 13 Ron Howard (1995)

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UNE VIE DE STÉPHANE BRIZÉ (SORTIE LE 23 NOVEMBRE) 6



L’AVIS PUBLIC

#LOUISGARREL #CHEVEUX @YANNICKVELY

POPCORN

Louis Garrel méconnaissable en Jean-Luc Godard dans "Le Redoutable"

@CHIARAMICA84

Aucun cheveu de Louis Garrel n'a été torturé pendant ce tournage.

@VIGGYSIMMONS

Quand soudain ...

@ERICVERNAY

@JONATHAN44LA

les nouveaux ultras du PSG

Louis Garrel adieu Godard #tondeuse

@ERASPIENGEAS

@ViggySimmons Il prépare le biopic d'Ibrahim Maalouf?

STRAPOTIN

«

En 1948, le cinéma de ma belle-mère, Le Majestic, a été inondé. Après que les séances ont repris, une spectatrice sent dans son cou un animal poilu et le caresse, pensant que c’est le chat de la maison. Mais quand elle arrive à la queue, effilée, elle se rend compte, bien sûr, que ce n’est pas un chat… mais un rat d’égout ; et elle tombe dans les pommes. MIMI, 86 ANS

»

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SÉANCE DE RATTRAPAGE

RAPPORT SCÈNE-SALLE

radar anthropomorphique, avec ses deux yeux rouges qui balayent la côte pour localiser les embarcations… — Et ces longs plans-séquences de la vie de ce môme qui, comme la majeure partie des insulaires, paraît ignorer superbement le sujet. Si le film tient, et nous avec, c’est sans doute grâce à la balance entre mise en scène plasticienne et absence de dramatisation. — Ça l’autorise à montrer les cadavres imbibés d’essence. Le deuil. — Et quand ce toubib magnifique se fissure, c’est dignement. À la Primo Levi. On n’a pas été capables de ça. Juste de qualifier d’indécent tout ce qu’on avait à dire après le film. Plus tard, on joue. C’est une comédie. Le public rit, va au restaurant. Jusqu’ici, tout va bien. • HALORY GOERGER — ILLUSTRATION : JEAN JULLIEN

Chaque mois, notre chroniqueur Halory Goerger, par ailleurs metteur en scène de théâtre, s’offre une séance de rattrapage. Impressions après Fuocoammare. Par-delà Lampedusa de Gianfranco Rosi, vu avec une amie comédienne. On vient de répéter dans cette salle, studio de danse le jour, cinéma le soir. Le plateau nous sépare de l’écran, à dix mètres du premier rang. Il fait froid, il n’y a pas foule. Nous avions beaucoup ri, ici même, une heure avant. Les conditions sont optimales pour prendre Lampedusa en pleine tronche. En sortie de salle, on a dix minutes avant de jouer. — Je crois que ce film est un faux ami. Il y a ces échanges radio terrifiants, entre les sauveteurs et les migrants qui implorent pour être arrachés à la mer qui veut les bouffer. Mais à l’image, ce plan absolument pictural d’un

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ALAIN DELOIN

GOOD MORNING

CHINA POPCORN

Les

studios américains s’associent à des groupes chinois pour conquérir l’immense marché de la République populaire, au risque de s’autocensurer. Revue de presse des deux côtés du Pacifique. La razzia a débuté en 2012, quand le groupe chinois Dalian Wanda a mis la main sur la chaîne américaine de salles de cinéma AMC, avant de racheter début 2016 une part majoritaire du studio californien Legendary Entertainment, qui a notamment produit Jurassic World et The Dark Knight. Dernière opération en date : début Pékin octobre, Alibaba, le géant chinois du commerce en ligne, est entré au capital d’Amblin Partners, la société de Steven Spielberg. « L’industrie se donne à Pékin », s’inquiète Robert Daly, ex-attaché culturel de l’ambassade américaine en Chine, qui signe dans le Los Angeles Times une tribune titrée Dangereuse obsession de Hollywood pour la Chine. Tout aussi alarmiste, The Washington Post pointe le risque d’autocensure des studios hollywoodiens : « Des films comme Sept ans au Tibet vont-ils être abandonnés pour ne pas froisser les actionnaires chinois ? » En réaction, le quotidien pékinois Global Times, connu

JETLAG

pour ses prises de position nationalistes, tempère : « Les États-Unis politisent ces rachats », retournant à l’envoyeur l’accusation d’instrumentalisation du cinéma : « L’Amérique utilise ses films pour diffuser ses valeurs dans le reste du monde depuis plus de cent ans. » Mais l’intérêt financier de ces rapprochements met tout le monde d’accord. En collaborant avec des grands cinéastes américains, les groupes chinois espèrent faire progresser la qualité de leurs productions, et donc leurs bénéfices. Du côté des producteurs Hollywood américains, s’associer à des partenaires chinois permet de contourner la censure locale qui n’autorise la diffusion en salles que de trente-quatre films étrangers par an. Et ainsi de percer sur un marché juteux– en 2017, le box-office du pays devrait dépasser celui des États-Unis, d’après une récente étude du cabinet PwC. « [Allié à Alibaba], Spielberg s’offre un accès considérable au marché chinois », souligne The Hollywood Reporter. • PIERRE-PHILIPPE BERSON, À PÉKIN ILLUSTRATION : JEAN JULLIEN

Jia Zhang-ke vient d’annoncer l’ouverture d’un réseau de cent salles Art et Essai en Chine. Alors que les nouvelles salles pullulent dans le pays (dix par jour depuis sept ans, en moyenne), ces écrans, tous situés dans des multiplexes, étaient jusqu’alors dédiés aux blockbusters, à 95 % chinois ou américains.

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LA FRANCE

AVEDON

D’

VIEUX MONDE, NEW LOOK

exposition François-Mitterrand, Paris 13e jusqu’au 26 février 2017 bnf.fr avec le soutien de

dans le cadre de avec le concours de

Réservations FNAC 0892 684 694 (0,34 € TTC/mn) / www.fnac.com Audrey Hepburn with Balloons, Funny Face, 1957. Funny Face © Paramount Pictures. All rights reserved. BnF/délégation à la Communication


RÈGLE DE TROIS

BASTIEN VIVÈS Le film que tu as vu trois fois ou plus ? Il y en a beaucoup, parce que je regarde beaucoup les films en boucle, mais je dirais L. 627 de Bertrand Tavernier – l’histoire d’amour et les personnages sont magnifiques. Les bons films arrivent à faire exister leurs personnages dans ta tête. Pour moi, Lulu [le personnage joué par Didier Bezace, ndlr] existe, j’aimerais trop le rencontrer. Trois actrices sur lesquelles tu as fantasmé ado ? J’ai grandi dans les années 1990, donc pas de secrets : les actrices à grosse poitrine, Raven De La Croix en tête, surtout dans Megavixens de Russ Meyer – j’avais piqué la cassette à mes parents, j’ai tellement fantasmé sur elle… Sinon Jamie Lee Curtis ; et puis Cécile Auclert des Filles d’à côté – je me suis masturbé un nombre incalculable de fois devant cette série.

Tes trois dessins animés préférés ? Premier ex æquo : Bambi et Le Petit Dinosaure et la Vallée des merveilles, qui est un peu un Bambi au temps des dinosaures, tout comme Le Roi lion est un Bambi en Afrique, sauf que Simba, il est tout pourri. Pour moi Bambi, c’est un vrai chef-d’œuvre, c’est magnifiquement écrit et ça va très loin – la question de la mort, de l’abandon… Le Petit Dinosaure, c’est un peu moins dur, on est plus accompagné, mais on va hyper loin aussi. Je pleure à chaque fois. Ensuite Porco Rosso, les persos de Hayao Miyazaki sont hyper forts, avec cette fille qui n’a d’yeux que pour ce gros cochon ; c’est beau et poétique. Et puis Toy Story – le seul film en 3D valable –, avec ce héros qui finit par accepter sa condition de jouet, comme on se rend compte en grandissant qu’on vit tous les mêmes histoires, qu’on n’est pas exceptionnels.

— : « Polina. Danser sa vie »

© MATHIEU ZAZZO

Alors qu’il entame le tome 10 de sa série manga Lastman (adaptée en dessin animé sur France 4 fin novembre), et que Polina. Danser sa vie, le long métrage inspiré de la BD qui l’a révélé au grand public en 2012, sort en salles, le dessinateur français a répondu à notre questionnaire cinéphile. Le film que tu regarderais à 3 heures du mat’, une nuit d’insomnie ? Le Grand Bleu. C’est un film hypnotisant, très tendre, très premier degré : t’as pas besoin de réfléchir, tu te laisses happer. La musique d’Éric Serra est hyper envoûtante, et les voix aussi. Tu es plus V.O., V.O.S.T. ou V.F. ? J’essaie de regarder les films en V.O., mais, comme je suis pas suffisamment fort en anglais, j’ai besoin des sous-titres, et je rate certaines subtilités dans les intonations. Du coup, je regarde pas mal de films en VF, surtout avec certains doubleurs : je suis amoureux de celui de Matt Damon, je regarde tous ses films en V.F. Et puis il y a des madeleines de Proust, comme la voix française de Bruce Willis ou d’Eddie Murphy. • PROPOS RECUEILLIS PAR RAPHAËLLE SIMON

— : « Polina »

de Valérie Müller et Angelin Preljocaj

de Bastien Vivès

UGC (1 h 52)

(Casterman, 214 p.)

Sortie le 16 novembre

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TS Productions présente

Judith Chemla Ch Jean-Pierre Darroussin Yolande Moreau

d’après l’œuvre de

Guy de Maupassant

un film de

Stéphane Brizé

SWANN ARLAUD CLOTILDE HESME NINA MEURISSE OLIVIER PERRIER FINNEGAN OLDFIELD ALAIN BEIGEL UN SCÉNARIO DE STÉPHANE BRIZÉ ET FLORENCE VIGNON PRODUIT PAR MILÉNA POYLO & GILLES SACUTO 1 ASSISTANT IMAGE ANTOINE HÉBERLÉ - AFC ÉTALONNEUR LIONEL KOPP SON PASCAL JASMES, ALAIN SIRONVAL, HERVÉ GUYADER ET EMMANUEL DE BOISSIEU MONTAGE ANNE KLOTZ MUSIQUE OLIVIER BAUMONT RÉALISATEUR EMILE LOUIS CASTING BRIGITTE MOIDON - ARDA ET CORALIE AMÉDÉO - ARDA DIRECTION DE RÉGIE DIRECTION CHRISTOPHE DESENCLOS GÉNÉRALE MARION PIN DÉCORS VALÉRIE SARADJIAN - ADC COSTUMES MADELINE FONTAINE - AFCCA DE PRODUCTION KIM NGUYEN POST-PRODUCTION DELPHINE PASSANT, NICOLAS SACRÉ COPRODUCTEURS JACQUES-HENRI ET OLIVIER BRONCKART, JEAN-LOUIS LIVI ET PHILIPPE LOGIE EN COPRODUCTION AVEC LA AVEC FRANCE 3 CINÉMA, VERSUS PRODUCTION, F COMME FILM, CN5 PRODUCTIONS, VOO ET BE TV PARTICIPATION DE CANAL +, FRANCE TÉLÉVISIONS, CINÉ + DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE UNE PRODUCTION TS PRODUCTIONS AVEC EN ASSOCIATION PRODUIT AVEC DE LA RÉGION HAUTE-NORMANDIE DE LA PROCIREP ET DE L’ANGOA AVEC INDÉFILMS 4 LA PARTICIPATION D’ EURIMAGES ET DU PROGRAMME MEDIA DE L’UNION EUROPÉENNE L’AIDE DU CENTRE DU CINÉMA ET DE L’AUDIOVISUEL DE LA FÉDÉRATION WALLONIE-BRUXELLES AVEC LE VENTES SOUTIEN DE TAX SHELTER DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL BELGE ET D’INVER INVEST INTERNATIONALES MK2 FILMS DISTRIBUTION DIAPHANA E

© TS PRODUCTIONS (PHOTO MICHAËL CROTTO) - AFFICHE NUITDECHINE

SCRIPTE


SCÈNE CULTE

BOULEVARD DU CRÉPUSCULE

POPCORN

« Je reviendrai, je leur montrerai !  »

Scénariste

qui signa la déchéance de Stroheim en tant que réalisateur et faillit ruiner la carrière de Swanson. Wilder va jusqu’à montrer un carton à l’écran, afin de décupler le trouble entre niveaux de représentation. « Chasse ce méchant rêve qui envahit mon cœur », prie la jeune reine Norma, tandis que son double usé et amer peste contre l’aveuglement des producteurs qui l’ont oubliée. « Je reviendrai, je leur montrerai ! » s’exclame-t-elle en prenant une pose théâtrale, main crispée sur son illusion, figeant son visage dans la lumière blême du projecteur. Le méchant rêve aura bientôt raison de ce qui reste de son cœur. Loin des autocitations ironiques qui épuisent le cinéma actuel, Boulevard du crépuscule révèle, par son dispositif, inégalé, la tragédie (et la farce) des destins brisés de Hollywood. • MICHAËL PATIN

aux abois, Joe Gillis (William Holden), rencontre Norma Desmond (Gloria Swanson), ex-star du muet qui vit recluse dans sa villa. Par appât du gain, il accepte de retravailler le script que celle-ci a écrit pour faire son come-back. Critique virtuose et implacable des rouages de Hollywood, Boulevard du crépuscule de Billy Wilder, sorti en 1950 aux États-Unis, est l’un des premiers métafilms de l’histoire. Les acteurs y incarnent des personnages inspirés par eux-mêmes, quand ils ne jouent pas leur propre rôle (Cecil B. DeMille, Buster Keaton…), et la dramaturgie entière carbure aux résonances/dissonances entre réalité et fiction. Comme dans cette scène, aussi brève que vertigineuse, dans laquelle Norma montre à Joe un film de ses années de gloire. Le montage alterne plans sur les deux spectateurs et sur l’écran, avec un insert sur Max, le majordome (Erich von Stroheim), qui fait office de projectionniste et apparaît furtivement derrière le rideau, comme rongé par la pénombre. Le film projeté n’est autre que La Reine Kelly (1932),

— : de Billy Wilder

ressortie le 9 novembre (Splendor Films)

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"LA GRÂCE DE POLINA N’A PAS FINI D’OPÉRER" LE POINT

"UNE DESTINÉE PASSIONNANTE" TROIS COULEURS

LE 16 NOVEMBRE


C’EST ARRIVÉ DEMAIN

POPCORN

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L’ANNÉE OÙ LES GOÛTS ET LES COULEURS NE SE DISCUTÈRENT PLUS

En

les résultats étaient surprenants. Et les applications ne s’étaient pas fait attendre. Adieu les affiches publicitaires et les bandes-annonces, bonjour le popcorn aromatisé aux films. Les mensuels dédiés au cinéma avaient ressuscité sous forme de cornets contenant une centaine de friandises différentes ; une pour chaque long métrage dont la sortie était prévue dans les trente prochains jours. En les goûtant, on savait ainsi par avance si on allait aimer ou pas un film. Peu importe la prise de poids, peu importe que les spectateurs ne prennent pas la peine d’habituer leur palais aux nouveautés, préférant recracher ce dont ils n’avaient pas l’habitude : il n’y aurait plus jamais de déçus à la sortie des salles obscures. • CHRIS BENEY ILLUSTRATION : PIERRE THYSS

direct de l’avenir, retour sur un progrès qui fit simultanément le bonheur des exploitants de salles de cinéma et celui des maïsiculteurs. À force de qualifier les mauvais films de « navets » ou de « daubes », de parler de bon ou de mauvais goût, il fallut se rendre à l’évidence : le cinéma avait une saveur. Tout l’enjeu était de synthétiser celle-ci. Pour cela, les studios avaient embauché les meilleurs scientifiques, et tant pis si l’initiative portait préjudice à la lutte contre les maladies les plus graves. Ces chercheurs avaient mis au point l’équivalent d’un presse-agrumes : versez une copie du film à l’intérieur, appuyez sur le bouton et recueillez le jus. Il y avait des constantes qui n’échappaient pas aux clichés (le jus des westerns spaghettis avait bien le goût de spaghettis), mais, dans l’ensemble,

REWIND

NOVEMBRE 1996 AU CINÉMA

Mois des rencontres  : Carla’s song marque la première collaboration entre Ken Loach et le scénariste Paul Laverty. • Disjoncté marque la première collaboration entre Ben Stiller et Owen Wilson, et le coup de foudre de Judd Apatow pour Leslie Mann. • Space Jam marque la première collaboration entre Michael Jordan et Bugs Bunny. • Tous ces gens avancent toujours main dans la main, sauf les deux derniers (dans Space Jam 2, en 2017, c’est Lebron James qui côtoiera le lapinou). • Q. G.

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TENDANCE

FOLLES NUITS

POPCORN

VU

Mi-octobre, la septième édition du festival international du film de La Roche-sur-Yon a couronné des cinéastes confirmés (Prix spécial du jury international pour Une vie de Stéphane Brizé) et des œuvres hybrides (Prix nouvelles vagues Acuitis pour Kate Plays Christine de Robert Greene et Where Is Rocky II? de Pierre Bismuth). Mais elle fut surtout marquée par des errances nocturnes, comme celles des jeunes garçons bulgares prostitués dans un bar décrépit de Vienne du beau documentaire Brothers of the Night de Patric Chiha (voir photo). Bertrand Bonello, lui, présentait Fantôme, un trip sensoriel composé de son court métrage My New Picture (2007), sombre balade pendant laquelle une jeune fille écoute de la musique comme plongée dans une nuit d’insomnie, et d’une performance sonore réveillant Madeleine d’entre les morts, son remake avorté de Vertigo. De Certain Women de Kelly Reichardt, portrait sensible de femmes dans une petite ville américaine, on retenait l’envoûtante chevauchée silencieuse de Kristen Stewart et Lily Gladstone. On achevait cet entêtant voyage au Papy’s, un rade de La Roche-sur-Yon aux allures d’îlot queer. Au cœur de la nuit, on s’attendait presque à y voir débarquer les héros arrogants du film de Chiha. • MARILOU DUPONCHEL

BIEN VU

BÉVUE

Dans la nuit du 7 au 8 novembre, le jeune Français Loris Gréaud projetait Sculpt, film à durées variables (de 70 à 120 minutes), dans un mk2 Bibliothèque plongé dans le noir. Distribuée clandestinement (projections secrètes ou sur le Darknet), conçue comme une légende urbaine, cette œuvre contemporaine mêle récits graves et images rouge sang. Un trip anxiogène et fascinant, aux frontières de la réalité et du fantasme. • M. D.

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La boîte de nuit parisienne Le Social Club, fermée depuis juin, a rouvert fin octobre, avec une programmation electro pointue et underground, sous le petit nom de Salo, référence au film Salò ou les 120 Journées de Sodome (1976) de Pier Paolo Pasolini. Sauf que c’est aussi le nom de la commune dans laquelle Benito Mussolini a installé en 1943 la République sociale italienne, un État fasciste. Oups. • M. D.


18/10/2016 – 15/01/2017

Sublevaciones Sollevamenti

Aufstände

Uprisings

Aufstände Uprisings

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Aufstände

Uprisings


LE FILM-TRACT FILM-TRACT

TRASHED

Emmené par l’acteur Jeremy Irons, ce road movie écolo interroge nos modes de consommation sans prendre de gants, par une exploration méthodique des conséquences d’un consumérisme indomptable, mais aussi des différentes solutions qui s’offrent à nous.

LE PROGRAMME EN TROIS POINTS    : CHANGER DE CASQUETTE

DONNER À VOIR

FAIRE RÊVER

Coiffé d’un ravissant chapeau de paille et chaussé de bottes en caoutchouc, le Britannique donne l’exemple : il troque son image d’acteur classe pour celle de citoyen militant, arpentant le globe, du Liban aux États-Unis, en passant par un village français.

Que deviennent les déchets ? « Vu qu’on ne les voit pas, on n’y pense pas », regrette un pêcheur sur son chalutier. C’est en plongeant au fond des océans et des déchetteries que le film pointe nos mauvaises habitudes et nous tape sur les doigts.

San Francisco est définitivement la ville la plus cool du monde. Avec ses magasins écolos et sa décharge qui privilégie le recyclage et le compostage, The City by the Bay s’est fixé un objectif radical – zéro déchet en 2020 – qui a des chances d’être atteint.

TAUX D'ADHÉSION

80 %

Au-delà de certaines scènes spectaculaires (des enfants jouant dans un amas de déchets, de vastes îlots d’ordures agrégées en pleine mer), le film captive lorsqu’il collecte les témoignages de spécialistes ou de gens ordinaires sur les ravages de la pollution, par exemple quand, lors d’une virée en mer, un pêcheur explique comment l’organisme d’un plancton peut se retrouver gorgé de plastique. • MARILOU DUPONCHEL

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— : « Trashed » de Candida Brady Destiny Films (1 h 38) Sortie le 16 novembre


Musée Marmottan Monet

15 septembre 2016

22 janvier 2017

2, rue Louis-Boilly 75016 Paris www.marmottan.fr Métro ligne 9 La Muette RER C Boulainvilliers

HODLER MONET MUNCH

Edvard Munch, Neige fraîche sur l’avenue (détail), 1906. Oslo, Munch Museet / Photo © Munch Museum

PEINDRE L’IMPOSSIBLE

E XPOSITION ORGANISÉE PAR LE MUSÉE MARMOTTAN MONET E T L A FONDATION PIERRE GIANADDA EN PARTENARIAT AVEC LE MUSÉE MUNCH D’OSLO VOYAGES SNCF.COM SNC_12_0000_Logo2012 31/08/2012 24, rue Salomon de Rothschild - 92288 Suresnes - FRANCE Tél. : +33 (0)1 57 32 87 00 / Fax : +33 (0)1 57 32 87 87 Web : www.carrenoir.com

ÉQUIVALENCES QUADRI

CYAN MAGENTA JAUNE NOIR

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FOND BLANC, OMBRE NOIR 30 %


LA NOUVELLE

POPCORN

MAUD ALPI

– : « Gorge cœur ventre » de Maud Alpi Shellac (1 h 29) Sortie le 16 novembre

RUN

: à l’intérieur du poignet de Maud Alpi, les lettres sont chargées de sens. Sa tatoueuse, Giselle Teulié, tenait dans son quatrième court métrage, Courir (2011), le rôle d’une ado se lançant dans la course à pied pour fuir un traumatisme autant que pour « s’éprouver dans le monde ». La réalisatrice, qui a pris la tangente après des études de philo à l’E.N.S., garde un goût certain pour les marginaux, libres, crades, un peu visionnaires aussi. « Enfants de Thoreau, mais pas enfants modèles. » Avec son coscénariste Baptiste Boulba-Ghigna, elle dresse avec le moyen métrage Drakkar (2015), puis avec Gorge cœur ventre (2016), son premier long, un diptyque où l’énergie contestataire vise moins la société que la lâcheté : courir, c’est prendre le contrôle de sa douleur, saisir à bras-le-corps l’animalité humaine. C’est poursuivre un idéal, et le filmer au passage. Restons dans son sillage : elle pourrait y arriver. • CAMILLE BRUNEL— PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA 22



L’ILLUMINÉ

POPCORN

METROPOLIS VU PAR THIBAUD HEREM

Avec

une minutie extrême, le Français dessine les édifices mythiques de Londres, de New York ou de Tokyo, mais aussi les architectures de fiction : après la façade du Grand Budapest Hotel de Wes Anderson, il a choisi de croquer la tour du Metropolis de Fritz Lang (1927) pour TROISCOULEURS. « Ce film, c’est la découverte pour moi du design, du futurisme, d’un futur qui renvoie une image du présent. Une vision complètement folle pour l’époque. » • R. S. (WWW.THIBAUDHEREM.COM)

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“RARE ET FASCINANT” “UN SOUFFLE DE VIE” LIBÉRATION

POSITIF

WOLF AND SHEEP L’OEUVRE D’UNE CINÉASTE AFGHANE DE 26 ANS UN FILM DE

SHAHRBANOO SADAT PRIX INTERNATIONAL DES CINÉMAS D’ART & ESSAI - CICAE

@PRETTYPICTURES3

PRETTYPICTURESFILMS

LE 30 NOVEMBRE AU CINÉMA LE DEUXIÈME REGARD


TRONCHES ET TRANCHES DE CINÉMA


NATALIE PORTMAN

PLANÈTE PORTMAN

Malgré son assiduité à l’écran depuis les nineties (avec une filmographie mastoc qui va de Léon à V pour Vendetta, en passant par la prélogie Star Wars), on ne connaît pas très bien Natalie Portman. L’actrice américaine de 35 ans, oscarisée pour Black Swan, apparaît ce mois-ci, sombre et incandescente, dans Planetarium de la Française Rebecca Zlotowski. L’occasion d’évoquer avec elle son univers, entre souvenirs d’école, teen movies et musique old school.

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Quel est le premier film que vous avez vu ? Bonne question… Ce qui est sûr, c’est que le premier film que j’ai regardé en boucle, c’est Dirty Dancing. Aujourd’hui encore, quand il passe à la télé, je ne peux pas m’empêcher d’arrêter tout ce que je fais pour le revoir. Quand vous aviez 10 ans, un agent publicitaire vous a remarquée dans une pizzeria et vous a proposé d’être modèle, ce que vous avez refusé, sachant déjà que vous vouliez faire du cinéma. Quels acteurs ou actrices vous ont donné ce désir si fort, si jeune ? Je ne sais pas s’il y avait quelqu’un en particulier que j’avais vu à l’écran… En fait, j’allais plutôt au théâtre. J’adorais les comédies musicales. Je me souviens particulièrement de la fois où j’ai vu Les Misérables : je chantais tout le temps les musiques après ça. Je m’identifiais beaucoup à l’enfant. Ça m’a fait réaliser que c’était possible d’être comédienne, moi qui avais à peu près son âge.

Vous souvenez-vous du premier jour de tournage de votre vie, pour Léon de Luc Besson, en 1993 ? Pas vraiment du premier jour, mais j’ai pas mal de souvenirs de ce tournage. La première semaine, on tournait à l’Hotel Chelsea, à New York. Je me rappelle que mes grands-parents sont venus me rendre visite ; le premier jour de tournage avec Gary Oldman ; moi, faisant semblant de fumer dans les escaliers… Pour Planetarium, vous avez suggéré Lily-Rose Depp à Rebecca Zlotowski pour jouer votre sœur. Pensez-vous que ça soit différent d’être une toute jeune actrice aujourd’hui, comparé au moment où vous l’étiez vous-même, dans les années 1990 ? Complètement. Déjà, il y a les réseaux sociaux. Vous imaginez ? Internet n’existait même pas quand j’ai commencé ! Je me fais vieille… À mes débuts, je pouvais me balader dans la rue incognito, la plupart des gens avec qui j’allais en cours ne savaient même pas que je faisais des films. Alors que Lily-Rose, avant même qu’un de ses films ne soit sorti, avait déjà des hordes de fans. Clairement, c’est différent. Mais je ne sais pas si c’est mieux ou moins bien… Vous avez étudié la psychologie à Harvard de 1999 à 2003. Il paraît que vous avez donné des tuyaux à Aaron Sorkin quand il écrivait The Social Network (David Fincher, 2010)… C’est vrai, mais je n’ai pas connu Mark Zuckerberg : il était en première année quand j’étais en dernière. Aaron voulait plutôt avoir des infos sur l’ambiance de Harvard. En fait, la vie sociale se concentre autour des final clubs, des fraternités huppées et exclusivement masculines. Aux soirées, leurs membres refusent tous les non-membres et laissent seulement entrer les filles avec qui ils sont amis ou qu’ils draguent. C’est super sexiste, mais c’est aussi dur pour les garçons qui ne peuvent ou ne veulent pas faire partie de ces clubs – il n’y a pas de vie sociale en dehors de ces fraternités. Aujourd’hui, Harvard essaye de les rendre mixtes, mais elles sont riches et privées, donc rien ne change. Ce n’est pas encore gagné, question égalité des genres… Bon, je me suis quand même bien éclatée à ces soirées ! Dans Planetarium, vous jouez surtout au côté d’acteurs français (Louis Garrel, Emmanuel Salinger…). Ça a modifié votre manière de jouer ? Quand je parle en français, je sens que ça modifie ma voix et mon allure, mais c’est la même chose avec d’autres langues. Je pense que la vraie différence, sur ce

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INTERVIEW


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NATALIE PORTMAN

FEMMES D’ESPRIT Après avoir consacré Léa Seydoux comme héroïne-phare dans Belle épine (2010) puis dans Grand central (2013), c’est de l’autre côté de l’Atlantique que Rebecca Zlotowski est allée cueillir le tandem d’actrices de son nouveau film, Planetarium. Un duo américain mais francophile (d’un côté, Natalie Portman ; de l’autre, Lily-Rose Depp, fille de Johnny Depp et Vanessa Paradis) composant ici une fratrie de médiums que le film accompagne dans leur vagabondage de cabarets en salles de spectacle, dans la France des années 1930 en proie à la crise et à la paranoïa. Sans cesse séparées puis réunies au gré des péripéties, ces deux sœurs aux caractères contrastés forment un système de pôles dont les variations d’humeur viennent écarteler dans tous les sens ce surprenant Mulholland Drive franchouillard. De quoi faire souffler les vents d’imaginaires idéalement épars sur un récit hybride mêlant rumeurs d’avant-guerre, expérimentations surnaturelles, portrait de femmes et panorama fantasmé du cinéma de l’époque. • LOUIS BLANCHOT

film, c’est plutôt d’avoir travaillé avec Rebecca : c’était la première fois que j’étais dirigée par quelqu’un que je connaissais déjà très bien avant le début du projet. On se faisait confiance dès le départ, elle savait exactement comment provoquer chez moi les émotions qu’elle voulait. C’est la première fois que vous êtes dirigée par une femme pour un long métrage. Pourquoi n’était-ce jamais arrivé auparavant ? Je crois que c’est seulement parce que les femmes ont moins d’opportunités, spécialement aux États-Unis. En France, l’industrie me semble beaucoup plus

féminisée, surtout dans la jeune génération. Dans mon pays, ce n’est pas comme si j’avais refusé plein de propositions de réalisatrices. En fait, en vingt-cinq ans de carrière, je n’en ai jamais eu une seule… Vous avez dirigé Lauren Bacall et Ben Gazzara dans votre court métrage Eve (2008). Il paraît que le courant n’est pas très bien passé entre vous et Lauren Bacall… Disons qu’elle était très professionnelle. Elle n’a pas été dure avec moi, je pense juste qu’elle ne me trouvait pas terrible comme réalisatrice… Mais ça ne l’a jamais empêchée de faire son job à la perfection !

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sens ça a, pour vous, de jouer dans une série, alors que vous avez passé toute votre carrière au cinéma ? La minisérie est en cours d’écriture, et, si ça se fait, ça serait dans un bout de temps. On se rend bien compte que la plupart des gens regardent tout sur leur ordinateur maintenant ; la séparation entre cinéma et télé est plus floue que jamais. Vous-même, vous regardez des séries ? Un peu, mais je ne suis pas une grosse consommatrice. J’ai rarement vingt heures devant moi pour en regarder une. Bon, j’essaye de faire des efforts, sinon j’ai l’impression de ne plus pouvoir parler avec personne – parce que je n’ai pas vu Stranger Things, par exemple. Dernièrement, j’ai adoré Transparent. D’ailleurs, je viens de rencontrer Jill Soloway [la créatrice de la série, ndlr] à une soirée à Toronto. Je me suis jetée sur elle – ça l’a un peu paniquée – en clamant : « Je vous aime ! Vous êtes un génie ! » Elle est incroyable. Quels sont vos trois films préférés de tous les temps ? De tous les temps ? Ça, c’est dur… Est-ce que je peux donner trois films sérieux et trois

« En vingt-cinq ans de carrière, je n’ai jamais eu de proposition de réalisatrices aux État-Unis… » marrants ? OK, alors, les sérieux : Breaking the Waves de Lars von Trier, La Pianiste de Michael Haneke et Les Moissons du ciel de Terrence Malick. Et pour les plus fun : Dirty Dancing d’Emile Ardolino, Seize bougies pour Sam de John Hughes et L’Arriviste d’Alexander Payne. On sait que vous êtes fan de rap. Qu’est-ce que vous écoutez en ce moment ? Je n’écoute quand même pas que du rap ! Ces derniers temps, je suis plutôt Otis Redding ou Nina Simone, ce genre de… eh bien, de musique de vieux. • PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET ET TIMÉ ZOPPÉ

Pourquoi avoir choisi Sławomir Idziak, le directeur de la photographie de Krzysztof Kieślowski, pour éclairer votre premier long métrage en tant que réalisatrice, Une histoire d’amour et de ténèbres (2015) [inédit au cinéma en France, mais diffusé sur Canal+ Cinéma en mai dernier, ndlr] ? Je suis une grande fan de Kieślowski. Mon mari [Benjamin Millepied, chorégraphe rencontré en 2010 sur le tournage de Black Swan de Darren Aronofsky, ndlr] m’a appris à ne pas avoir peur de demander à la personne de mes rêves de travailler avec moi. Avant, je me disais : « OK, c’est délirant, je vais plutôt demander à un jeune talent, j’aurais plus de chance qu’il accepte. » Et puis Benjamin m’a dit : « Demande. La pire chose qu’il puisse te répondre, c’est “non”. »

– : « Planetarium » de Rebecca Zlotowski

Vous êtes annoncée au casting d’une minisérie pour HBO, We Are All Completely Beside Ourselves, adaptée du roman Nos Années sauvages de Karen Joy Fowler. Quel

Ad Vitam (1 h 45) Sortie le 16 novembre

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INTERVIEW


MARIN KARMITZ

© BENOIT LINERO - MK2

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MÉMOIRE VIVE

À la suite de la polémique causée par la nomination en 2009 de Marin Karmitz à la tête du Conseil de la création artistique (voir encadré page 35), la journaliste Caroline Broué a décidé de lui consacrer un livre. Dans Comédies, le producteur, distributeur et exploitant de salles de 78 ans raconte son parcours dense et ses rencontres, de Jean-Luc Godard à Michael Haneke, en passant par Alain Resnais ou Claude Chabrol. On est monté au dernier étage des bureaux de mk2, société qu’il a créée il y a quarante-deux ans et qui édite ce magazine, pour revenir avec lui sur quelques-uns de ses souvenirs de cinéma. 32


À 9 ans, vous fuyez la Roumanie avec votre famille et vous emménagez à Nice. Là, vous êtes fasciné par les lumières des cinémas. À cette époque, je n’avais encore jamais mis les pieds dans un cinéma. Ça m’angoissait de remonter du centre-ville vers l’obscurité des collines où nous habitions. Seuls les cinémas étaient bien éclairés. Pour moi, c’était un lieu qui chassait les peurs. Bien plus tard dans ma vie, j’ai repris cette idée avec les cinémas mk2 Quai de Seine et mk2 Quai de Loire. En éclairant les bâtiments, on éclaire aussi l’eau entre les deux. J’ai pu ainsi donner l’impression d’un espace complet avec des lumières rouges d’un côté, bleues de l’autre, et, au milieu, des reflets blancs dans l’eau. De fait, sans forcément que les gens s’en rendent compte, ils sont dans un drapeau tricolore. En 1955, vous voyez des films au côté de François Truffaut et d’André Bazin à la Cinémathèque. Vous échangiez avec eux ? André Bazin, François Truffaut, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, c’étaient des trublions. J’ai commencé à aller beaucoup au cinéma quand j’ai préparé l’IDHEC [Institut des hautes études cinématographiques, l’ancêtre de La Fémis, ndlr]. On voulait entendre des opinions personnelles sur l’histoire du cinéma. Henri Langlois [fondateur de La Cinémathèque française, ndlr] nous montrait les films qu’il aimait, et il y avait cette équipe des Cahiers du cinéma qui commentait ses choix. Ils attaquaient très violemment l’académisme qu’on étudiait à l’IDHEC – Claude Autant-Lara, Julien Duvivier… – et défendaient d’autres cinéastes – Alfred Hitchcock, certains Américains comme Howard Hawks, ou encore le cinéma italien. On était très fiers d’être dans la même salle qu’eux, même sans jamais leur parler. Puis vous devenez assistant sur des tournages. Après Le Dialogue des Carmélites (1960) de Philippe Agostini et Raymond Léopold Bruckberger, vous avez une aventure de deux ans avec une des actrices du film, Jeanne Moreau. C’est aussi clair que ça dans le livre ?

On le comprend… Vous êtes restés amis après ça ? Non, je l’ai perdue de vue pendant des années. On ne s’est revus que tard, un peu par hasard… Vous dîtes avoir « désappris » les enseignements de l’IDHEC sur le tournage du court métrage La Paresse de Jean-Luc Godard, en 1961. Mais, juste avant cela, vous étiez assistant sur Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda, qui n’avait pas non plus des méthodes conventionnelles… À cette époque, une espèce de baroudeur, Georges de Beauregard, produisait plein de jeunes réalisateurs [il a produit notamment À bout de souffle de Jean-Luc Godard et Lola de Jacques Demy, ndlr]. Quand on est arrivés dans son bureau avec Agnès Varda, il nous a dit : « D’accord, je vous donne 500 000 francs. Partez, je ne veux plus vous voir, revenez avec un film. » On ne l’a pas vu du tournage. Agnès s’est débrouillée avec cet argent. Il fallait penser complètement autrement. C’était devenu possible grâce à des nouveautés techniques : des caméras portables, de nouveaux éclairages, du son synchrone, des pellicules plus sensibles. On a pu tourner en décors réels et pas en studio. Agnès venait de la photographie, elle avait fait un seul film avant [La Pointe courte, 1955, ndlr], dans des conditions invraisemblables… On était effectivement hors système. Vous confiez aussi que vos expériences avec Marguerite Duras, qui a scénarisé votre court métrage Nuit noire, Calcutta (1964), et Samuel Beckett, dont vous avez adapté la pièce Comédie deux ans plus tard, vous ont rendu alcoolique pendant un temps. Pour partager de vrais moments, d’abord avec Marguerite, puis avec Sam, j’ai dû m’attabler avec eux. Mais ce n’est pas eux qui m’ont entraîné à boire, mais mon envie de les côtoyer. Je calmais mon angoisse avec l’alcool. C’est ce qu’ils devaient faire, eux aussi… J’étais un gamin face à ces monuments. C’était assez formidable d’essayer d’être, au moins par l’alcool, à leur niveau ! En 1974, après avoir réalisé votre troisième et ultime long métrage, Coup pour coup (1972), vous ouvrez votre première salle de cinéma, le 14-Juillet Bastille, à côté d’un cinéma porno et d’un autre programmant des films de karaté. J’étais bien entouré, mais ce n’était pas les genres de films qui m’intéressaient. Je voulais faire de ma salle un lieu de résistance au giscardisme, de contre-culture et de confrontation d’idées, l’inscrire

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ENTRETIEN


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MARIN KARMITZ

Marin Karmitz (appuyé contre le mur à gauche) sur le tournage de Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda (au premier plan à droite)

dans la continuité de Mai 68. Le cinéma porno est devenu un cinéma d’art et d’essai, le Majestic Bastille. L’autre salle a plus tard été remplacée par l’Opéra Bastille. Vous êtes passé d’assistant opérateur de Jean-Luc Godard à producteur de son film Sauve qui peut (la vie) (1980). Votre relation a connu beaucoup d’évolutions… C’était comme une relation amoureuse. Notre rupture, quand je lui ai dit que je n’allais pas produire Passion (1982), s’est passée dans les pleurs. J’ai toujours eu une grande admiration pour le Godard cinéaste. Comme James Joyce ou Marcel Proust en littérature, il a changé le langage du cinéma.

Vous évoquez aussi régulièrement la figure du critique de cinéma Serge Daney, que vous sembliez beaucoup admirer. On était voisins pendant un temps, on déjeunait souvent ensemble. Il avait le regard que j’attends des critiques. Dans mes réflexions sur le cinéma, j’ai besoin de discussions contradictoires, qu’on me dise autre chose que ce que je pense. Serge, même quand il n’aimait pas un film, il se prenait la tête, il démontait sa mécanique et proposait autre chose. Je trouve que c’est une façon très positive de penser le monde. Démolir, ça ne sert à rien, à mes yeux. Certaines représentations de la violence, par exemple chez Quentin Tarantino, vous

« Quand on est arrivés avec Agnès Varda, le producteur nous a dit :“Je vous donne 500 000 francs. Revenez avec un film.” » 34


dérangent. Avez-vous déjà refusé de projeter un film ? À partir d’une certaine expérience de l’histoire, en l’occurrence les Allemands et la Shoah, il y a des choses que je ne peux pas accepter, comme l’idée de la violence faite aux corps, du mépris de leur intégrité. Je n’ai pas voulu passer La Passion du Christ de Mel Gibson, parce que je considère que c’est un film fasciste. Après, il y a des films détestables, mais que les gens ont très envie de voir. C’est embêtant de ne pas

leur montrer. Que faire dans ces cas-là ? Et puis, qu’est-ce qu’un film détestable ? C’est compliqué, et je ne suis pas le maître du monde. Mais la question de la contrainte éthique doit se poser en permanence. En 2001, vous maintenez Baise-moi de Virginie Despentes en salles, alors que l’association Promouvoir tente de le faire classer X. Vous reconnaissez avoir pris cette décision avant même d’avoir vu le film… Je ne l’ai toujours pas vu, d’ailleurs ! Cette association d’extrême droite, toujours en activité, a obtenu l’interdiction du film par le Conseil d’État. J’aurais pu me soumettre à la loi, mais là, j’ai choisi la liberté d’expression. C’est le genre de décision instinctive, pas toujours juste, difficile à expliquer. J’ai toujours voulu résister à certains types d’excès de pouvoir ou de loi. Je trouvais la décision du Conseil d’État injuste. Encore aujourd’hui, je suis très content de mon choix. Avant la proposition de Caroline Broué, aviez-vous l’envie d’un ouvrage sur vous, comme un bilan ? Pas du tout, dans la mesure où j’aime bien le silence. C’est le désir très fort de Caroline qui m’a donné envie. Sinon, ça m’aurait été assez indifférent de ne pas raconter. • PROPOS RECUEILLIS PAR TIMÉ ZOPPÉ

– : « Comédies » de Marin Karmitz

et Caroline Broué (Fayard, 272 p.)

REMONTER LE FIL Début 2015, écoutant Marin Karmitz lors d’une table ronde qu’elle anime à la villa Gillet, à Lyon, Caroline Broué se rend compte qu’il ne s’est jamais exprimé sur l’affaire du Conseil de la création artistique. En 2009, l’homme de gauche avait suscité critiques et incompréhensions en acceptant la proposition de Nicolas Sarkozy, alors président de la République, de diriger cette commission chargée de réfléchir au développement et au rayonnement de la création artistique française. Six ans plus tard, Karmitz conseille à la journaliste de « remonter le fil de l’engagement ». Elle s’entretient donc longuement avec lui et rédige Comédies. Ici, pas de questions-réponses, mais un récit qui alterne leurs deux voix, sans distinction marquée. Celle de Caroline Broué offre souvent un contrepoint au récit passionné de Karmitz, qui mêle souvenirs et engagements politiques. « Je voulais faire sentir mes questionnements et mes critiques sur les contradictions de l’homme », explique-t-elle. À chaque lecteur de suivre le fil et de se forger son opinion. • T. Z .

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BELLES LETTRES MINALIMA

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Malgré une tâche a priori anecdotique – concevoir tous les accessoires comportant de la typographie –, Miraphora Mina et Eduardo Lima ont érigé un véritable petit empire au sein de la saga Harry Potter. À l’occasion de la sortie du spin-off de la saga, Les Animaux fantastiques, le duo londonien à la tête du studio MinaLima nous a ouvert sa boîte à malices.

Miraphora

Mina et Eduardo Lima sont épuisés, mais heureux. Il faut dire que le duo sort à peine d’un véritable marathon, lorsqu’ils acceptent de revenir sur leur dernier projet en date, Les Animaux Fantastiques : « Ça fait un an et demi qu’on est sur ce film, nous explique Eduardo Lima. Notre travail est allé du plus petit accessoire, comme les menus de restaurant, aux choses les plus visibles, comme les devantures des boutiques. Et il y avait énormément de boutiques dans

le New York des années 1920 ! » Adoubé par J. K. Rowling et vénéré par tous les réalisateurs de la franchise (Alfonso Cuarón en tête), le duo est devenu au fil des ans un maillon incontournable de l’univers de Harry Potter, ce qui continue d’étonner Miraphora Mina. « Quand j’ai commencé à travailler sur ces films, en 2000, je n’aurais jamais pensé que cela allait prendre une telle ampleur. Eduardo m’a rejoint sur le deuxième film, et, après le huitième opus, nous avons décidé de concrétiser notre coup de foudre professionnel 36


COUPER-COLLER

Cette préoccupation va de pair avec la qualité artisanale du travail de MinaLima. « Même si l’ordinateur demeure notre outil principal, nous faisons toujours primer le

caractère “fait main” de nos œuvres, explique Miraphora. Pour conférer à nos créations une patine réaliste, nous opérons un travail de découpe et de collage à partir d’archives. Ainsi, quand nous avons besoin d’une ligne droite, nous ne la traçons jamais par ordinateur : nous récupérons une ligne adéquate repérée sur un vieux document et nous l’incrustons sur notre création. » Pour assurer ce travail de patchwork, MinaLima s’est constitué une énorme collection de vieux manuels scolaires, de publicités anciennes et autres livres de médecine séculaires. « Chiner est une grosse part de notre travail, raconte Eduardo. Et comme Les Animaux fantastiques se déroule aux États-Unis et non plus en Angleterre, nous sommes allés à New York pour renouveler notre documentation. » Si MinaLima a été déterminant dans la

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en fondant un studio, MinaLima. C’était le moyen de s’assurer que nous allions poursuivre notre collaboration. Et le travail a continué d’affluer, sur d’autres films, comme Imitation Game, mais aussi sur tout ce qui se rattache à Harry Potter, des produits dérivés aux parcs d’attractions ; tant et si bien que, aujourd’hui, une dizaine de designers travaille en permanence sous nos ordres. Paradoxalement, l’une de nos préoccupations actuelles, c’est de limiter le développement de MinaLima. Nous avons à cœur d’avoir la mainmise sur le pan créatif de notre travail. »

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LE PROFESSIONNEL

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Les Animaux fantastiques

EDUARDO LIMA

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« On se moque d’être catégorisés comme les “designers de Harry Potter”. »

direction artistique de la saga Harry Potter, la franchise leur a en retour apporté la fortune et la gloire – la galerie parisienne Arludik leur consacre ce mois-ci une exposition. Il existe même désormais, dans le quartier de Soho, à Londres, une boutique MinaLima où se bousculent les fans du jeune sorcier. Ce succès a néanmoins un prix : il est aujourd’hui impossible de dissocier le travail de MinaLima de l’univers créé par J. K. Rowling. « On se moque d’être catégorisés comme les “designers de Harry Potter”, précise Eduardo, parce que c’est extrêmement rare que des graphistes aient une relation aussi

privilégiée avec un univers aussi fort. C’est certainement même sans précédent. » Une relation fusionnelle qui, selon Miraphora, va au-delà de simples considérations pratiques ou d’un trivial intérêt financier. « Qu’il s’agisse de mon rapport avec Eduardo, ou de notre relation avec l’univers de Harry Potter, nous partageons les mêmes valeurs. La saga de Rowling a ceci de particulier qu’elle est remplie d’un humour très anglais. Et c’est pour nous deux une chose primordiale que l’on ne trouve dans aucune autre saga cinématographique : il ne faut pas se prendre trop au sérieux. Surtout quand on travaille aussi dur. » • JULIEN DUPUY

— : « Les Animaux fantastiques » de David Yates Warner Bros. (2 h 13) Sortie le 16 novembre

« MinaLima: The Graphic Art of Fantastic Beasts & Where to Find Them & The Harry Potter Films » jusqu’au 4 mars à la galerie Arludik

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PREMIER CONTACT

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MOTS MAGIQUES Très pris par le tournage à Budapest de la tant attendue suite de Blade Runner, c’est par téléphone que Denis Villeneuve (Incendies, Prisoners, Sicario) nous a parlé de Premier contact, vertigineux film de science-fiction sur le langage. Amy Adams y campe une linguiste pressée par la C.I.A. de trouver une solution pour communiquer avec des aliens dont une dizaine de vaisseaux s’est posée sur Terre et dont les intentions troubles menacent la coalition internationale. Épuisé, le cinéaste québécois s’est néanmoins montré loquace.

Premier contact, arrive après Gravity, Interstellar, Midnight Special… Y a-t-il un courant du film d’auteur de SF ? Il ne faut surtout pas oublier Under the Skin ! C’est un film que j’ai adoré… Alors, c’est une bonne question… Je vais y réfléchir, j’y répondrai un peu plus tard dans l’interview.

En plein tournage de la suite de Blade Runner, c’est compliqué de vous replonger dans Premier contact ? Oui… Normalement il y a un processus de digestion à la fin d’un film, où on prend de la distance et où on est capable d’avoir un regard critique sur ce qu’on a fait. Là, je n’ai pas eu le temps du tout, j’ai quitté la salle de mixage de Premier contact pour m’en aller en préproduction de Blade Runner le lendemain matin. Donc, concernant Premier contact, j’ai cet étrange sentiment de rêve éveillé. Où en êtes-vous de Blade Runner ? On est très avancés, il nous reste à peu près un mois de tournage. 42


Premier contact est votre première incursion dans la science-fiction. Cela vous tenait à cœur depuis longtemps ? Oui. Quand j’ai débarqué du Canada à Los Angeles [après le succès de son film Incendies en 2011, ndlr], on me demandait quel type de projet j’avais envie de développer, et je me suis dit que s’il y a une chose que je pourrais faire à Hollywood et pas à Montréal, c’est des films de SF d’une certaine ampleur. Mais il n’y avait pas de projet intéressant, sauf ce petit texte de Ted Chiang, Story of Your Life, que m’ont proposé deux producteurs. C’est un bijou littéraire absolument fascinant, mais sa courbe dramatique n’était pas assez cinématographique. J’étais en début de préparation de Prisoners [sorti en 2013, ndlr] et je n’avais pas le temps de me pencher sur l’adaptation. Les producteurs ont donc demandé à un scénariste américain, Eric Heisserer, de s’en charger. Il y a dans le film une dimension, je dirais, politique, une tension guerrière qui n’existent pas dans la nouvelle. Premier contact est aussi un grand film sur le langage. D’où vient votre intérêt pour les mots ? Je suis vraiment venu au cinéma par les

mots. J’adore leur profondeur, leur aspect ludique. J’ai toujours eu envie d’écrire – je n’ai pas beaucoup de talent pour ça, mais j’adore. Mon livre préféré, c’est probablement le dictionnaire. Ça faisait longtemps que je cherchais un projet qui me permettrait d’approcher cet amour de l’étymologie – enfin, ce n’est pas un film sur l’étymologie, hein ! La figure du palindrome, mot qui reste le même qu’on le lise de gauche à droite ou de droite à gauche, apparaît à différents moments de l’intrigue. Vous en êtes-vous inspiré pour la structure même du film ? Oui, le scénario a été structuré dès le départ comme un palindrome, avec l’idée de porter un regard premier sur des événements, puis de les revoir à la fin, avec une lecture différente après avoir traversé le film. Mais c’est un film qui a demandé un très long travail de montage, parce qu’il fallait trouver le bon rythme. On traite quand même du processus assez long et laborieux qu’est l’apprentissage, puisqu’on suit une enseignante qui va elle-même devoir en apprendre tout autant que ses étudiants. Il fallait trouver le bon dosage pour conserver de la tension. 43

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C’est-à-dire que ça a été compliqué de trouver l’équilibre entre film d’auteur intimiste et film grand spectacle ? En fait, je dirais que ça a été mon film le plus difficile à monter. Aussi parce que c’était la première fois que je travaillais avec des effets spéciaux de cette ampleur-là, et avec deux des personnages principaux [les deux extraterrestres, ndlr] entièrement créés en postproduction. Dans un monde idéal, j’aurais aimé pouvoir travailler avec des êtres tangibles, des marionnettes géantes par exemple… Mais je n’ai pas pu, faute de budget – le budget du film n’était pas énorme. Il a fallu qu’on se rabatte sur des êtres numériques, et ça a été un très long travail de les créer. C’est votre premier film de studio. En quoi était-ce différent de vos expériences précédentes ? C’est-à-dire que, au départ, le film n’était pas supposé être un film de studio… Il a été pensé et financé dans le secteur indépendant. Et, juste avant le début du tournage, les producteurs se sont amusés à aller flirter avec les grands studios pour voir comment ils réagiraient au projet et si on ne pourrait pas avoir un moteur de distribution plus fort. Et il s’en est suivi une sorte de surenchère pour

avoir le film, parce que le scénario plaisait et qu’Amy Adams y était déjà attachée. Paramount a remporté la mise en offrant une somme vraiment importante. Et ils voulaient tellement le film qu’ils nous ont en plus garanti une totale liberté de création, et le final cut. Donc mon rapport à la Paramount en l’occurrence a été simple. Le mode de communication des extraterrestres se fait selon un système qui n’a rien en commun avec ce qu’on connaît. Comment avez-vous créé ce langage ? Dans la nouvelle, il y avait déjà cette idée de logogramme, c’est-à-dire un symbole qui représente une idée ; et cette idée de circularité. Avec le chef décorateur, Patrice Vermette, on avait envie que chaque logogramme ait un impact visuel fort, et aussi quelque chose d’un peu cauchemardesque, qu’on sente une profondeur et une complexité assez aberrantes ; et que ça s’éloigne de toute forme de langage humain. J’ai vraiment essayé d’éviter l’anthropomorphisme pour trouver un système unique et singulier qui retranscrive leur mode de pensée. Pour les signes, Patrice a fait appel à des artistes, et c’est finalement une peintre montréalaise, Martine Bertrand, qui les a dessinés. C’est arrivé assez tôt dans le processus, et ensuite

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du spectateur. Mais disons que, pour ces extraterrestres, le temps se vit différemment. L’existence est comme une pièce de théâtre dont ils connaissent le déroulé et l’aboutissement, et ils ont le choix, soit de l’embrasser et d’essayer de la magnifier, soit de jouer la pièce en pilote automatique. Je ne suis pas quelqu’un qui croit à la prédestination, je crois au libre arbitre, mais je suis sensible à cette idée que connaître sa finalité, être en relation avec la mort, ça amène une humilité, un abandon. Il y a quelque chose que je trouve magnifique dans cet encouragement à simplement embrasser la vie. C’est la grande puissance du film, réussir à incarner des concepts philosophiques et

« Je suis venu au cinéma par les mots. Mon livre préféré, c’est probablement le dictionnaire. » 45

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j’ai trouvé comment les aliens allaient les produire, comme par jets d’encre, un peu à la façon de pieuvres. Trouver le rythme, la sensualité de cette écriture-là, ça a aussi été un long processus. Ensuite, on a fait un petit dictionnaire, un lexique de cent cinquante ou deux cents logogrammes qui représentaient chacun quelque chose. Il y avait vraiment une logique interne, et tout au long du projet l’équipe avait sous la main ce minidictionnaire pour savoir comment écrire quoi à quel moment. La perception que les extraterrestres ont du temps est elle aussi circulaire, très différente de la nôtre. On ne peut pas parler de certaines choses pour ne pas gâcher le plaisir

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PREMIER CONTACT

métaphysiques vertigineux, comme la finitude de l’homme. C’est pour ça que j’ai fait ce film, c’est ce qui m’attirait dans ce projet : une science-fiction poétique, porteuse d’une idée forte et d’une certaine profondeur, qui n’était pas juste une élaboration technologique. Le début du film suit l’héroïne dans les heures inquiètes qui suivent l’annonce d’une invasion extraterrestre. Chaînes d’info allumées en permanence, écrans omniprésents… Cela brosse un tableau assez juste de notre époque. Il y avait cette idée de coller au point de vue de Louise, d’être vraiment juste au-dessus de l’épaule de cette femme, de percevoir cet événement majeur pour l’humanité depuis son intimité, et de voir son impact sur sa vie. Notre rapport aux autres est aujourd’hui dominé par les écrans, et cette idée a

été travaillé dans le film : les écrans des scientifiques, celui des extraterrestres… Mais j’avoue que, s’il y a quelque chose d’ennuyeux pour un cinéaste, c’est de filmer des écrans. Il a fallu que je trouve une manière de m’amuser avec ça. Comment avez-vous eu l’idée de cet écran lumineux à travers lequel les aliens apparaissent ? Dans la nouvelle, il n’y avait pas de vaisseaux spatiaux qui atterrissent sur Terre, mais des écrans qui apparaissent, par lesquels on peut communiquer avec les aliens. Cette idée qu’il n’y aurait pas de contact direct, qu’on allait être dans un rapport d’image, était présente dès le départ. Je me suis posé la question longtemps de comment j’allais faire ça. Finalement, je me suis beaucoup inspiré des installations de l’artiste contemporain James

« Le vaisseau de Premier contact a sûrement quelque chose de Mœbius. » 46


Et donc, cette histoire d’engouement des cinéastes d’aujourd’hui pour la science-fiction ? Oui… Il y a déjà le rapport à la technologie qui a beaucoup changé. Elle est bien plus accessible qu’avant, elle nous permet de faire des choses qui n’auraient pas été possibles il y a vingt ans. Et puis, on

— : « Premier contact » de Denis Villeneuve Sony Pictures (1 h 56) Sortie le 7 décembre

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Thurrell, dans lesquelles il crée des murs de lumière qui provoquent une espèce de profondeur infinie.

est une génération qui a grandi dans la science-fiction : Star Wars, La Planète des singes, Steven Spielberg… j’ai l’impression que ce sont ces vieux amours qui ressurgissent. En tant que Québécois, francophone, j’ai grandi, dans les années 1970, avec le magazine Métal Hurlant notamment, dans la culture extrêmement riche de la bande dessinée européenne. J’ai été baigné par Enki Bilal, Mœbius, Philippe Druillet, et ça a nécessairement eu un impact majeur sur mon imaginaire. Le vaisseau extraterrestre de Premier contact a sûrement quelque chose de Mœbius. Et puis, évidemment, un de mes films préférés, c’est 2001 : l’odyssée de l’espace, et il y a des moments pendant le tournage où, avec le chef opérateur, Bradford Young, on s’en amusait – par exemple quand on filmait des êtres qui, à cause de leur énorme combinaison, ressemblent à des singes, et qui touchent un objet noir. Mais, en même temps, pour créer, il faut faire fi de ce qui a été fait auparavant. Je veux dire que, si 2001 n’avait pas existé, j’aurais quand même fait un vaisseau spatial noir ; et puis, il aurait quand même eu cette texture-là. Je voulais que cela soit comme une représentation inconsciente de la mort. Et le vaisseau est aussi inspiré d’un corps céleste étonnant, qui circule dans le système solaire et qui a cette forme oblongue. Je l’avais trouvé effrayant. • PROPOS RECUEILLIS PAR JULIETTE REITZER

© SONY PICTURES

© SONY PICTURES

EN COUVERTURE


EN COUVERTURE

PREMIERS CONTACTS Retour sur les plus mémorables rencontres entre aliens et humains sur grand écran. Si la communication n’est pas toujours facile, il suffit parfois d’un échange de bonbons.

2001 : L’ODYSSÉE DE L’ESPACE

E. T. L’EXTRA-TERRESTRE

de Stanley Kubrick, 1968 Dans cette œuvre matricielle de la science-fiction, un monolithe noir rectangulaire d’origine inconnue entraîne de grands bouleversements quand il est touché, comme l’invention de l’outil par les australopithèques.

de Steven Spielberg, 1982 Oublié sur Terre par son peuple, un petit alien se réfugie chez un garçon de 10 ans avant de faire une réclamation restée célèbre : « E. T. téléphone maison. » Pour s’apprivoiser, ils s’échangent des bombecs par poignées.

MARS ATTACKS!

CONTACT

de Tim Burton, 1997 Des Martiens piratent les ondes télé de la planète pour diffuser un message indéchiffrable, que les humains interprètent comme pacifique. Raté : dès leur première rencontre, les petits hommes verts explosent les Terriens.

de Robert Zemeckis, 1997 Une astronome têtue (Jodie Foster) parvient à capter des ondes radio extraterrestres grâce à d’immenses antennes paraboliques. Elle découvre les plans de construction d’un vaisseau encryptés dans une vidéo de Hitler par les aliens.

UNDER THE SKIN

PREMIER CONTACT

de Jonathan Glazer, 2014 Sillonnant les recoins malfamés de Glasgow, un extraterrestre ayant pris l’apparence d’une femme sublime (Scarlett Johansson) aguiche des hommes, qui finissent broyés dans un liquide noir poisseux. Brrr !…

de Denis Villeneuve, 2016 Apparus sur Terre dans des vaisseaux oblongs, des aliens accueillent des hommes à bord et tentent de communiquer avec eux à travers un écran translucide sur lequel ils projettent des formes circulaires noires.

• TIMÉ ZOPPÉ — ILLUSTRATION : JÉRÉMIE LEROY 48


TROIS EXPOSITIONS CET AUTOMNE A U P E T I T PA L A I S

MÉTRO : CHAMPS-ÉLYSÉES CLEMENCEAU PETITPALAIS.PARIS.FR

OSCAR WILDE

L’ART DE LA PAIX

ALBERT BESNARD

28 SEPTEMBRE 2016 15 JANVIER 2017

19 OCTOBRE 2016 15 JANVIER 2017

25 OCTOBRE 2016 29 JANVIER 2017

Napoleon Sarony, Portrait d’Oscar Wilde, 1882. ©Library of Congress, Washington Claude Monet, La Rue Montorgueil, à Paris. Fête du 30 juin 1878. © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt Albert Besnard (1849-1934). La Vérité entraînant les Sciences à sa suite répand sa lumière sur les hommes (détail), 1890. Paris, Hôtel de Ville, Salon des Sciences. © Claire Pignol / COARC / Roger-Viollet.

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BOBINES

JOÃO PEDRO RODRIGUES

OISEAU RARE À 50 ans, le réalisateur portugais de Mourir comme un homme (2010) signe un cinquième long métrage, L’Ornithologue, en forme de film-somme. Dans un cadre fantasmatique (une immense forêt au Portugal), João Pedro Rodrigues agrège ses thèmes fétiches (la métamorphose, les mythes et les religions, le BDSM, le rapport Chine-Portugal) en filmant l’errance d’un ornithologue (Paul Hamy, plus érotisé que jamais). Un beau film bizarre, fait du même bois que son auteur, comme nous l’a confirmé cet entretien. 50


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FACE À FACE

D’où vous vient votre passion des oiseaux ?

choses que je fais seul, observer les oiseaux et voir des films. Dans L’Ornithologue, comme dans Mourir comme un homme, des personnages se perdent, puis se fondent dans la nature. Pour L’Ornithologue, j’ai d’abord été inspiré par l’histoire de saint Antoine de Padoue, un franciscain dont l’un des principes était de mener une vie plus proche de la nature, avec presque rien. Au xxe siècle, au Portugal, la religion était l’un des piliers de la dictature. Le régime s’était approprié la figure de saint Antoine pour en faire un symbole de la famille, du mariage. À part sa naissance à Lisbonne et son érudition, on ne sait pas grand-chose de lui. Il a été chassé du Maroc où il voulait évangéliser les « infidèles », et son bateau a échoué sur les côtes du sud de l’Italie. Le film raconte cette histoire d’une façon libre, sans souci de vraisemblance. Mais c’est surtout un film d’aventure, il

Ça remonte à l’enfance. À 8 ans, mon père m’a offert une paire de jumelles, et j’ai commencé à observer les oiseaux. Je faisais un catalogue de tous ceux qui passaient, saison par saison. Je les observe encore parfois, par plaisir. Comment êtes-vous passé des oiseaux au cinéma ? À 15 ans, j’ai commencé à aller beaucoup à la Cinémathèque portugaise, à Lisbonne. Le premier cycle que j’ai vu, c’était sur le cinéma américain des années 1950. C’est devenu une obsession. Quand j’ai entamé mes études de biologie, je savais déjà que j’allais abandonner. Mais les deux disciplines se ressemblent : les jumelles, la caméra, c’est presque pareil. Ce sont aussi des 51


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JOÃO PEDRO RODRIGUES n’y a pas besoin de connaître l’histoire de saint Antoine pour le comprendre. Votre saint Antoine est gay, athée et sensuel. Vous aviez envie de subvertir cette icône chrétienne ? Oui, et aussi de le rendre plus vrai. C’était surtout pour le ramener dans mon univers. Je n’ai pas d’éducation religieuse, j’ai eu accès à cela par la peinture. Souvent, les peintres ont érotisé les corps des saints. Dans beaucoup d’écrits religieux, il y a ce même double mouvement entre le sacré et le profane. Par exemple, les écrits de sainte Thérèse d’Avila évoquent des extases mystiques qui rappellent d’autres extases, plus physiques. Même si la chasteté est un vœu, la chair est faible. Quand vous le montrez ligoté, cela évoque d’ailleurs bien plus les représentations homoérotiques de saint Sébastien, martyr romain du iiie siècle qui a fini attaché à un arbre, que celles de saint Antoine, qui dans l’iconographie chrétienne était plutôt montré comme un moine à la tonsure pas très sexy. Oui, c’est vrai, je n’y avais pas pensé, mais ça me convient. C’est la figure de l’attaché : beaucoup de saints l’ont été de manière bizarre. Quand j’ai commencé à imaginer cette scène, j’ai pensé aux techniques de bondage, particulièrement au shibari. J’ai essayé sur mon corps les différentes positions que Paul Hamy pourrait prendre. D’abord, j’ai pensé qu’il devait être suspendu, mais c’est trop dur, ça serre les veines très fort. Or, Paul devait rester attaché pendant deux ou trois jours pour cette scène. Dans vos films, on a souvent l’impression que les acteurs posent, comme dans des peintures. Que ce soit dans la peinture ou au cinéma, il y a un travail de découpage. Il m’arrive de montrer des peintures à mon chef opérateur ; plus pour des questions de cadrage et de lumière. Je cherche à capter un esprit. Par exemple, pour O Fantasma [son premier long métrage, sorti en France en 2001, ndlr], je lui ai montré beaucoup de toiles d’Edgar Degas, des pastels avec des danseuses qui tordent leur corps. Dans L’Ornithologue ou dans La Dernière Fois que j’ai vu Macao (2013), vous filmez des personnages en ombre chinoise sur des roches. Ça évoque les peintures rupestres des hommes préhistoriques. Un des moments les plus impressionnants que j’ai vécus, c’est quand j’ai vu les peintures de la grotte d’Altamira, en Espagne. Ces

peintures de bisons, c’est presque déjà de l’art religieux, il y a une croyance en quelque chose. Dans L’Ornithologue, comme certains personnages parlent d’esprit, j’ai eu l’idée de filmer leurs ombres comme leurs doubles malfaisants. La forêt paraît sans fin. Comment avez-vous pensé la géographie du film ? On a tourné au nord du Portugal, dans les endroits les plus sauvages du pays. Ça me plaisait bien de filmer des lieux quasi vierges, qui n’ont pas changé depuis des centaines d’années. C’est un peu comme voyager dans le temps. Il y a aussi l’idée de faire un western, qui est mon genre préféré. C’est la première fois que vous filmez en Scope. Ça rejoint cette idée du western ? Oui, le rapport entre le corps et le paysage est vraiment différent en Scope, ça donne à n’importe quel personnage une dimension héroïque. Il y avait aussi le parti pris de faire très peu de travellings, mais plutôt de jouer sur l’alternance entre plans larges et plans serrés, pour donner la même importance aux acteurs et à la nature. Il y a beaucoup de métamorphoses dans votre cinéma. Dans O Fantasma, la combinaison en latex du personnage lui donne un côté super-héros ; dans Odete (2006), l’héroïne prend l’apparence d’un défunt ; dans Mourir

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comme un homme, Tonia meurt en homme après avoir vécu en femme… Peut-être que je voudrais être quelqu’un d’autre… Je suis toujours mes personnages. Pour qu’ils paraissent vrais, je les nourris de mes recherches, mais aussi de mon propre vécu. Les personnages qui m’intéressent sont toujours en évolution. C’est aussi prégnant dans L’Ornithologue où, parfois, le héros n’est plus joué par Paul Hamy, mais par vous-même. Ce brusque changement d’identité est terrifiant. Pourquoi vous mettre en scène de cette manière ? Parce que c’est un film qui a à voir avec moi, mon passé. J’avais peu fait l’acteur avant. Je voulais me frotter à la difficulté de me mettre en scène. Et puis, peut-être que je voulais être Paul. Filmer un acteur, une actrice, c’est toujours désirer son corps. Ça m’énerve beaucoup, les réalisateurs qui ridiculisent les acteurs ou les personnages, comme peut le faire Ulrich Seidl [auteur, notamment, de la trilogie Paradis, ndlr ]. Il a un mépris envers le monde qui me dégoûte. Depuis vos débuts, comment a évolué votre collaboration avec João Rui Guerra da Mata, votre directeur artistique sur L’Ornithologue, avec qui vous avez coréalisé notamment La Dernière Fois que j’ai vu Macao ? On vit et on travaille ensemble. Il a écrit la première version de L’Ornithologue avec

moi ; ensuite, j’ai travaillé tout seul. Il a vécu à Macao quand il était petit et il avait envie d’y retourner, je l’ai suivi, on a fait des films. On s’est dit qu’on cosignerait tous nos films asiatiques. On prépare d’ailleurs un nouveau film à Macao. Le film se clôt avec une chanson d’Antonio Variações. Que représente-t-il pour vous ? Dans les années 1980, c’est la première personnalité dont on a su publiquement qu’elle était morte du sida. Il était coiffeur et chanteur. C’est comme si sa poésie avait été faite pour ce film. La chanson s’intitule « Canção de Engate », ce qu’on peut traduire par « la chanson de la drague ». À la fin du film, il y a un couple qui, peut-être, s’établit, et on entend cette chanson qui semble heureuse mais qui dit : « On va être ensemble, mais on va être seuls. » Ça me parle beaucoup. • PROPOS RECUEILLIS PAR TIMÉ ZOPPÉ ET QUENTIN GROSSET PHOTOGRAPHIE : VINCENT DESAILLY

— : « L’Ornithologue » de João Pedro Rodrigues Épicentre Films (1 h 57) Sortie le 30 novembre

• Intégrale João Pedro Rodrigues au Centre Pompidou du 25 novembre au 2 janvier

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BOBINES

FACE À FACE


ABSOLUTELY FABULOUS

BOBINES

DRAMA QUEER

Plus de vingt ans après le début de leurs aventures à la télé britannique, Edina (Jennifer Saunders) et Patsy (Joanna Lumley), les icônes smart et déglinguées de la série Absolutely Fabulous, font leur grand retour, au cinéma cette fois. On est allé à Londres pour évoquer avec les deux actrices l’univers et les références visuelles du show, de Lucille Ball aux drag-queens, en passant par John Waters.

En

vrai, Jennifer Saunders et Joanna Lumley paraissent beaucoup plus posh que leurs personnages. Elles n’ont pas l’air d’être en descente de MD, n’ont pas une haleine de clope toute défraîchie, mais ont au contraire le teint éclatant, et disent courtoisement « lovely » à toutes les phrases. Signe d’un assagissement ? Pas vraiment. Elles reviennent, plus méchantes et plus dépravées que jamais, dans cette adaptation au cinéma des aventures à Londres d’Edina, publiciste à la démarche balourde et à la dégaine plus baroque qu’une pub Desigual, et de Patsy, rédactrice de mode nympho et camée dont l’allure évoque autant Amanda Lear qu’Ivana Trump. Initialement pensée

comme un sketch dans l’émission French and Saunders, diffusée de 1987 à 2007 sur la BBC, Absolutely Fabulous est devenue une sitcom à part entière en 1992 et a connu cinq saisons – leur dernière apparition date de 2012, le temps de trois épisodes hors-série. Depuis sa création par Jennifer Saunders et Dawn French, le show à l’humour très british – n’oublions pas qu’il a vu le jour dans la contrée des très absurdes Monty Python, Benny Hill ou Mr Bean – s’est nourri de diverses influences pour façonner son univers extravagant et le look d’Edina et Patsy, héroines délicieusement loufoques, obscènes, et bien sûr alcoolos – le personnage de Patsy n’a rien avalé de solide depuis 54

© 20TH CENTURY FOX

Jennifer Saunders et Joanna Lumley dans Absolutely Fabulous. Le film


La série Absolutely Fabulous

1973. « Si Ab Fab a eu un impact, c’est sur la vente de bouteilles de champagne Bollinger ! » se marre Lumley en préambule.

HARDCORPS

Avec ses décors très chargés (au fil des saisons, l’appartement d’Edina, le principal décor de la série, évoluera vers un style architectural de plus en plus pompier et criard), ses costumes bigarrés et improbables (dans le film, Bubble, l’assistante débile d’Edina, porte des bouées multicolores un peu partout sur elle), l’univers d’Ab Fab est extrêmement stylisé. Normal, pour une série qui se fascine pour l’industrie de la mode et dont les protagonistes sont obsédés par leur apparence. Leur vie est une course frivole et absurde pour être cool. Pour le rester, il faut être tout sauf raisonnable comme la fille coincée et binoclarde d’Edina, Saffron, que Patsy déteste. Alors, les deux modeuses alcoolos ont opté pour une vie d’excès. « Edina et Patsy sont vieilles, mais elles font tout pour être à la page. Pour Edina, devenir la publiciste de Kate Moss, c’est la clé pour rester dans le coup », explique Saunders. Dans le film, de manière spectaculaire, Edina tue le célèbre mannequin – ce qui les contraint à fuir le Royaume-Uni pour se cacher dans un palace de Cannes. « Le côté hyper maladroit d’Edina tient beaucoup à la façon dont elle s’habille. Tous ses vêtements sont non seulement hyper bariolés mais surtout trop petits, trop serrés pour elle. Ses

chaussures pointent une taille en dessous de ce qu’elle devrait mettre ; du coup, elle s’étale constamment », commente Saunders. La démesure propre à l’écriture de cette grande cinéphile (voir ses hilarantes parodies des films de Federico Fellini ou d’Ingmar Bergman dans French and Saunders) vient peut-être de son goût pour les performances bouffonnes et carnavalesques. L’influence ultime de Saunders pour son jeu théâtral, grimaçant et exubérant dans Ab Fab, c’est l’Américaine Lucille Ball. La comédienne, décédée en 1989, a été la star d’I Love Lucy (1951-1957), toute première sitcom de l’histoire de la télévision, qui met en scène les déboires d’une femme au foyer qui aimerait embrasser une carrière artistique. « C’était vraiment un show centré sur l’amitié entre femmes. Un peu comme Ab Fab, qui a presque exclusivement un casting féminin. Son côté clown me faisait pisser de rire. » Cette admiration pour Lucille Ball, Saunders la partage avec le réalisateur John Waters, qui a notamment lancé la carrière de l’actrice drag Divine et dont l’humour repose, lui aussi, sur l’outrance visuelle et le travestissement. En 2003, Waters parlait d’ailleurs en ces termes de Lucille Ball au quotidien britannique The Guardian : « Elle ressemblait à un travesti qui teignait ses cheveux en orange, portait des faux cils et un rouge à lèvres effrayant ; s’était mariée avec un Cubain, était apparue enceinte à la télévision, traînait la plupart du temps avec ses voisins

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© D.R.

DÉCRYPTAGE

« Ab Fab, c’est comme le derrière de Kim Kardashian : c’est extrême ! »  JOANNA LUMLEY 55


© COLLECTION CHRISTOPHEL

ABSOLUTELY FABULOUS

CRUES ET QUEER

À la fois chic et indécente avec sa parure de cuir ornée de faux diamants, sa crinière blonde et son port altier, Patsy, mélancolique, marche seule dans les rues de New York. Trois drag-queens passent devant elle, la toisent, l’arrêtent et, fascinées, la haranguent : « J’adore tes chaînes, ma grande ! » Cette scène d’un épisode de la saison 3 de la série montre que ces drag-queens ont reconnu Patsy comme l’une d’entre elles. Icônes queer, Patsy et Edina ? Elles ont indéniablement

Joanna Lumley dans Absolutely Fabulous. Le film

des qualités très camp, cette esthétique, née dans la culture gay mais qui a aujourd’hui investi la culture de masse, revendiquant l’exagération, le mauvais goût et l’artifice. Pas étonnant donc qu’Absolutely Fabulous ait un certain succès auprès des communautés gay et queer. Le programme leur a d’ailleurs très tôt donné une grande visibilité – l’ex-mari et le fils d’Edina sont gays, tandis que Patsy, dès la première saison, est présentée comme transgenre. En 1996, Lumley le revendique dans le magazine gay The Advocate : le style de son personnage est fortement inspiré par la culture drag. L’actrice y confesse avoir emprunté une astuce de maquillage aux drag-queens : utiliser un rouge à lèvres sombre au coin des lèvres et un rouge un peu plus clair au centre. Mais c’est surtout dans la théâtralité et l’exagération, ou le détournement des normes de genre, que Patsy se rapproche de la sphère drag. Qu’elle se travestisse en homme dans le film (où son look over-the-top de dandy vintage évoque celui de Julie Andrews dans Victor Victoria de Blake Edwards, 1982) ou qu’elle reste comme on la connaît avec sa parure late sixties et son monticule de cheveux blonds, elle renvoie

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Julie Andrews dans Victor Victoria de Blake Edwards

© RUE DES ARCHIVES

ouvriers et s’était enfuie pour devenir pote avec Rock Hudson. » Si les créateurs d’AbFab ne se sont jamais réclamés de John Waters, comment ne pas voir dans le show l’influence du pape du trash ? Quand, dans la saison 5, Patsy révèle son passé de star du porno dans les seventies sous le doux nom de Nibarella, ses seins démesurés et sa combinaison de cuir rappellent les protubérances du corps hors norme d’Edith Massey rendue glamour par la caméra de Waters dans Female Trouble (1974). « Ab Fab, c’est comme le derrière de Kim Kardashian : c’est extrême ! » pointe Joanna Lumley.

© 20TH CENTURY FOX

BOBINES

Lucille Ball dans la série I Love Lucy


© D.R.

Joanna Lumley dans la saison 5 d’Absolutely Fabulous

© D.R.

DÉCRYPTAGE

Edith Massey dans Female Trouble de John Waters

impressionnante transformation : « Nous avions décidé de rejouer les personnages, mais en plus vieilles, avec beaucoup plus de rides, et des lèvres ultra gonflées, comme si elles avaient abusé du Botox. Pour moi, c’était à peine une performance. Mes manières, ma façon d’être sont déjà si proches de ce qu’elle est. Je n’aspire à rien de plus, je veux être Patsy Stone… Avoir une vie dédiée à être absolument fabuleuse. » • PAR QUENTIN GROSSET (À LONDRES)

— : « Absolutely Fabulous. Le film » de Mandie Fletcher 20th Century Fox (1 h 26) Sortie le 7 décembre

Chris Colfer et Jennifer Saunders dans Absolutely Fabulous. Le film

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© D.R.

toujours des images exacerbées de la féminité et de la masculinité. La culture drag le lui rend bien, à travers de nombreux hommages – hommages qui donnent des complexes à Saunders puisque, dans le même entretien de 1996, elle confie en plaisantant qu’elle trouve les vrais Eddie et Patsy un peu timorées à côté de ces flamboyantes drag-queens. Il suffit d’aller sur YouTube pour voir certaines de ces imitations over-lookées d’Eddie et Patsy, notamment celle de Morgan McMichaels (vu dans le show de télé-réalité américain RuPaul’s Drag Race, un concours de performances drag), ou bien celle, paroxystique, de Ridge Gallagher, maquilleur et drag-queen basé à Los Angeles, qui nous raconte son

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Icônes queer, Patsy et Edina ? Elles ont indéniablement des qualités très camp.


JUDITH CHEMLA

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LA BONNE RÉSOLUTION

On l’avait découverte au cinéma en lycéenne gothique et enragée dans Camille redouble (2012) de Noémie Lvovsky. Dans un autre registre, mais avec la même détermination, on retrouve Judith Chemla en héroïne romantique dans Une vie de Stéphane Brizé (La Loi du marché), librement adapté du roman de Maupassant. 58


PORTRAIT milieu de cette majestueuse chambre d’hôtel aux rideaux lourds, elle a l’air fragile, avec ses grands yeux bleu marine mélancoliques, son teint porcelaine, son air de petit oiseau. Et puis elle commence à parler de son parcours : la voix est posée, le regard soutenu, la nuque droite et fière. Une détermination qu’elle a en partage avec son personnage, Jeanne, l’héroïne de Maupassant dont s’empare Stéphane Brizé, et dont l’optimisme résiste à la cruauté de l’existence – son mari se révélera volage, pingre et insensible ; son fils l’abandonnera dans sa Normandie pour dilapider sa fortune… « Je me reconnais plus dans la Jeanne de Stéphane que dans celle de Maupassant, qui la regardait avec plus d’ironie. Stéphane voit en elle une femme qui a foi dans la vie, même si elle est condamnée à la passivité. Sa Jeanne est un peu plus obstinée. » Depuis toujours, Judith Chemla a été fascinée par les héroïnes volontaires et passionnées. « Petite, j’adorais Scarlett O’Hara, cette femme qui agit sur son destin, même si elle se trompe. Camille Claudel

« Ton prof de français te fait pousser les tables, et, là, c’est la révélation. Avec un texte, une situation, j’avais l’impression de faire bouger les lignes : le cadre explose, on peut faire ce qu’on veut, on devient créateur de sa vie. » Une fois lancée, la comédienne vole de ses propres ailes et s’essaye à tout : une formation au Conservatoire, puis au chant lyrique (on se souvient de l’incandescente soprano dans l’enchanteur Le Crocodile trompeur / Didon et Enée de Samuel Achache et Jeanne Claudel en 2013), un rapide mais remarqué passage à la Comédie-Française, après avoir goûté à la magie du cinéma grâce à Noémie Lvovsky, qui lui confie un rôle dans Faut que ça danse ! en 2007. Animée par son goût de l’expérimentation, elle enchaîne des rôles très différents au cinéma : lycéenne gothique dans Camille redouble de Lvovsky (qui lui vaut une nomination au César de la meilleure actrice dans un second rôle en 2013), trentenaire sensible et tout en retenue dans Ce sentiment de l’été de Mikhaël Hers, ou héroïne

« Petite, j’adorais Scarlett O’Hara ou Camille Claudel. Ce sont des femmes qui brûlent leur vie. » aussi m’a obsédée longtemps. Cette liberté, cette passion, cette folie aussi. Ce sont des femmes qui brûlent leur vie. »

TOMBÉE DANS LA MARMITE

Il y avait de quoi appréhender : pour son premier rôle principal au cinéma, Judith Chemla est de tous les plans. À la manière d’un impressionniste, Stéphane Brizé confine son héroïne dans un format carré et la filme au plus près pour traquer ses états d’âme. La comédienne se souvient du casting : « On improvisait autour d’un poème de Maupassant. Stéphane voulait voir qui j’étais, ma capacité à m’abandonner. J’aime bien les castings, parce que je ne me mets pas une pression folle : si j’ai un beau rôle, c’est merveilleux, mais je n’ai pas l’impression de devoir accéder à quelque chose, je fais déjà ce que j’aime. » Cette assurance, cette force inébranlable, la Parisienne de 31 ans la tire de quelque part : elle est tombée dans la marmite du jeu quand elle était petite. Après sept années intensives de violon, qu’elle pratique dès ses 7 ans pour se rapprocher de son père, violoniste de profession, elle découvre sa propre voie un jour de collège.

romantique chez Stéphane Brizé. « Je suis contente de pas avoir de catégorie. Mon désir d’être actrice, c’était dès le départ une envie de s’inventer, d’être sans limite. » Toujours lyrique et habitée, Judith Chemla parle et respire en grande tragédienne. Elle confie s’épanouir chaque jour un peu plus grâce à son métier, qu’elle vit comme une délivrance. « Enfant, je me sentais adulte. L’insouciance, la beauté de l’enfance, je la découvre en grandissant : aimer chaque instant, avoir le monde à découvrir. » Enivrée par sa dernière performance, dans Traviata. Vous méritez un avenir meilleur, aux Bouffes-du-Nord (« Je ne sais pas ce que je peux faire après ça, il y avait tout : le chant, le jeu, une intensité folle !»), la comédienne semble très haut sur sa passion perchée. On lui souhaite de ne jamais en redescendre. • RAPHAËLLE SIMON — PHOTOGRAPHIE : VINCENT DESAILLY

— : « Une vie » de Stéphane Brizé Diaphana (1 h 59) Sortie le 23 novembre

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Au


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PORTFOLIO

MAUVAIS GENRE

Dès

son enfance, dans les années 1970, le futur réalisateur Sébastien Lifshitz aime chiner des photographies amateurs aux Puces. Le hobby se mue bientôt en obsession, et le jeune homme finit par crouler sous des piles de cartons. Il classe alors sa collection de façon rudimentaire : ici, une boîte « homosexualité » (qui lui donnera l’idée d’un documentaire sur les homos nés dans l’entre-deux-guerres, le délicat Les Invisibles, sorti en 2012) ; là, une sur les travestis, qui a abouti à l’exposition « Mauvais genre », montrée jusqu’en décembre à la galerie du jour agnès b. « Ces images étaient éparpillées à travers le monde et le temps, explique-t-il. Au fur et à mesure que j’identifiais les pratiques, les catégories d’images, je me rendais compte que, par ce geste, je constituais une mémoire. » On a feuilleté avec lui cet album de famille. • TIMÉ ZOPPÉ

Homme maquillé portant une bague de femme, photomaton avec des rehauts de couleur, États-Unis, circa 1920

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MAUVAIS GENRE

À gauche : Femme en habit d’homme, ferrotype, États-Unis, circa 1880 À droite : Deux femmes en habit d’hommes en compagnie de deux femmes en robe, mention manuscrite « Florence Kerr, Mrs Schlatter, Mrs Sallars, Anna Bentzinger », États-Unis, circa 1910 « Je pense qu’à l’époque de la première photo, dans les années 1880, dans ce pays en pleine construction qu’étaient les États-Unis, beaucoup de femmes revêtaient des habits d’hommes pour effectuer certaines tâches, comme les travaux agricoles. En France, la séparation des sexes était au contraire très marquée par le vêtement et la loi. Ce n’était pas qu’une question morale, cela favorisait aussi les hommes en empêchant les femmes d’accéder à certains métiers. Aux États Unis, au tournant du xxe siècle, tout un courant féministe s’est déployé dans les universités. Les jeunes femmes de la deuxième photo en étaient probablement imprégnées, mais on ne peut que supposer. »

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Prisonniers de guerre dans le camp allemand de Königsbrück, mention au dos « Kriegsgefangenen-Sendung », photo-carte, circa 1915 « Pendant les deux guerres mondiales, des théâtres amateurs se sont montés dans les camps de prisonniers, tolérés par les autorités. Les hommes se travestissaient pour interpréter des femmes, et certains continuaient à vivre comme ça hors des spectacles. Ils devenaient les véritables coqueluches du camp, avec une cour de prisonniers qui leur amenait des cadeaux. Évidemment, les autorités militaires n’ont jamais communiqué là-dessus, mais c’était une pratique très courante. On la voit notamment dans La Grande Illusion de Jean Renoir, avec à la fois un jeu sur le burlesque et sur le trouble. » 63


BOBINES

MAUVAIS GENRE

Homme habillé en femme dans un parc, mention manuscrite dans la marge « Poodles », États-Unis, circa 1950 « Une majorité des photos de la collection a été prise en intérieur. Quand il y a des extérieurs, ce sont souvent des endroits isolés, comme des parcs ou des forêts. Je me raconte que, ici, la statue gardait le lieu pour permettre à la photo d’être prise sans que ça pose problème. Au fond, ces images sont toujours une énigme pour moi, je me demande ce qui a motivé ces gens à les faire, qu’est-ce qui était revendiqué. Dans l’exposition, j’ai voulu donner beaucoup de liberté au spectateur. Pour chaque section, on a écrit des petits panneaux explicatifs, mais seulement pour donner un cadre historique et qu’on puisse projeter ce qu’on veut dans les images. »

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BOBINES

© SMITH – SPECTRE PRODUCTIONS – GALERIE LES FILLES DU CALVAIRE – 2016

PORTFOLIO

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BOBINES

MAUVAIS GENRE

Guilda, travesti, série de trois photographies, New York, États-Unis, circa 1950 « Guilda était un Français parti au Canada, où il était devenu une star de cabaret. Il a vécu travesti toute sa vie, mais il s’est marié et a eu plusieurs enfants. Donc, bon, cette idée qu’un travesti est forcément un homosexuel vivant avec sa mère dans un deux pièces cuisine… Ils avaient des vies extrêmement diverses, ils ne correspondaient pas toujours aux stéréotypes. D’ailleurs, le public des cabarets masculins était beaucoup plus mélangé qu’on ne le croit. C’étaient des endroits à la fois à la mode, un peu sulfureux et transgressifs ; et aussi des lieux de rencontre pour les hommes homos. »

— : « Mauvais genre » jusqu’au 17 décembre à la galerie du jour agnès b.

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L’événement, c’est qu’il y en a un par jour

Dès septembre, retrouvez les séances de programmation culturelle mk2 dans l’ensemble de nos cinémas. Cycle de conférences, débats, ciné-concerts, ateliers etc., sur des sujets passi onnants autour d u ciné ma , l’a r t , la musique, les connaissances, la création digitale. . . Billetterie et renseignement sur www.mk2.com/evenements

Toute une vie autour du cinéma


ENVIE DE TEMPÊTE PRODUCTIONS PRESENTE

THOMAS BLANCHARD - THOMAS SCIMECA - FRANÇOIS CHATTOT

UNE COMÉDIE DE SÉBASTIEN BETBEDER

UN FILM DE SEBASTIEN BETBEDER AVEC THOMAS BLANCHARD, THOMAS SCIMECA, FRANCOIS CHATTOT, OLE ELIASSEN, ADAM ESKILDSEN, MARTIN JENSEN, BENEDIKTE ELIASSEN, MATHIAS PETERSEN ET AVEC LA PARTICIPATION DE JUDITH HENRY SCENARIO DIALOGUES ET REALISATION SEBASTIEN BETBEDER DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAHIE SEBASTIEN GODEFROY MONTAGE CELINE CANARD SON ROMAN DYMNY PREMIER ASSISTANT REALISATEUR ANTHONY MOREAU COSTUMES ANNE BILLETTE ACCOMPAGNATEUR DU PROJET NICOLAS DUBREUIL MUSIQUE ORIGINALE MINIZZA DIRECTEUR DE PRODUCTION NICOLAS TRABAUD UN FILM PRODUIT PAR FREDÉRIC DUBREUIL EN COPRODUCTION AVEC BOBI LUX ET UFO AVEC LA PARTICIPATION DE CINE +, DU CNC AVEC LE SOUTIEN DE LA REGION NOUVELLE AQUITAINE EN PARTENARIAT AVEC LE CNC

SORTIE LE 30 NOVEMBRE

Conception graphique : Aksel Varichon (www.aksel-creas.com)

« -35°C, DES OURS, PAS D’INTERNET... LE RÊVE ! »


ZOOM ZOOM LES FILMS DU MOIS À LA LOUPE


9 NOV.

Planetarium de Rebecca Zlotowski Ad Vitam (1 h 45) Page 28

Les Animaux fantastiques de David Yates Warner Bros. (2 h 20) Page 36

Boulevard du crépuscule de Billy Wilder Splendor Films (1 h 50) Page 14

Gorge cœur ventre de Maud Alpi Shellac (1 h 29) Page 22 et 80

Swagger d’Olivier Babinet Rezo Films (1 h 24) Page 74

Le Client d’Asghar Farhadi Memento Films (2 h 03) Page 72

Trashed de Candida Brady Destiny Films (1 h 38) Page 20

Polina Danser sa vie de Valérie Müller et Angelin Preljocaj UGC (1 h 52) Page 80

Dernières nouvelles du cosmos de Julie Bertuccelli Pyramide (1 h 25) Page 78

16 NOV.

Tanna de Bentley Dean et Martin Butler Urban (1 h 44) Page 82

Maman a tort de Marc Fitoussi SND (1 h 50) Page 78

Tu ne tueras point de Mel Gibson Metropolitan FilmExport (2 h 11)

Iris de Jalil Lespert Universal Pictures (1 h 39) Page 88

La Grande Course au fromage de Rasmus A. Sivertsen KMBO (1 h 18) Page 88

Ma famille t’adore déjà de Jérôme Commandeur et Alan Corno Pathé (1 h 24)

Le Petit Locataire de Nadège Loiseau Diaphana (1 h 39) Page 88

L’Histoire de l’amour de Radu Mihaileanu Wild Bunch (2 h 14) Page 88

Inferno de Ron Howard Sony Pictures (2 h 02)

Tour de France de Rachid Djaïdani Mars (1 h 35) Page 88

Graine de champion de Simon Lereng Wilmont et Viktor Kossakovsky Les Films du Préau (1 h 23) Page 96

Les Oiseaux de passage d’Olivier Ringer Chapeau Melon (1 h 24) Page 97

Afectados Rester debout de Sílvia Munt Dissidenz Films (1 h 22)


Louise en hiver de Jean-François Laguionie Gebeka Films (1 h 15) Page 90

Rupture pour tous d’Éric Capitaine Légende (1 h 31) Page 90

Vaiana La légende du bout du monde de John Musker et Ron Clements Walt Disney (1 h 35)

Le Disciple de Kirill Serebrennikov ARP Sélection (1 h 58) Page 90

La Supplication de Pol Cruchten La Huit (1 h 26) Page 90

Le Gang des Antillais de Jean-Claude Barny Happiness (1 h 30)

Abluka Suspicions d’Emin Alper Nour Films (1 h 59) Page 90

Alliés de Robert Zemeckis Paramount Pictures (N. C.) Page 91

La Fine Équipe de Magaly Richard-Serrano Condor (1 h 29)

L’Ultima Spiaggia de Thanos Anastopoulos et Davide Del Degan Arizona Films (1 h 58) Page 84

Seul dans Berlin de Vincent Perez Pathé (1 h 40)

Wolf and Sheep de Shahrbanoo Sadat Pretty Pictures (1 h 26) Page 91

Theeb La naissance d’un chef de Naji Abu Nowar Jour2fête (1 h 40) Page 84

30 NOV.

Sully de Clint Eastwood Warner Bros. (1 h 36) Page 91

La Fille de Brest d’Emmanuelle Bercot Haut et Court (2 h 08) Page 82

L’Ornithologue de João Pedro Rodrigues Épicentre Films (1 h 57) Page 52

Rocco de Thierry Demaizière et Alban Teurlai Mars (1 h 43) Page 91

Une vie de Stéphane Brizé Diaphana (1 h 59) Page 50

Le Voyage au Groenland de Sébastien Betbeder UFO (1 h 38) Page 76

Les Enfants de la chance de Malik Chibane Wild Bunch (1 h 35) Page 91

Ma’ Rosa de Brillante Mendoza Pyramide (1 h 50) Page 86

Sausage Party de Conrad Vernon et Greg Tiernan Sony Pictures (1 h 29) Page 86

23 NOV.


FILMS

ZOOM

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LE CLIENT

De retour à Téhéran après son film français, Le Passé (2013), l’Iranien Asghar Farhadi (Une séparation) dessine finement le parcours d’un couple attaqué dans son intimité. Après une ouverture calme, en plans fixes sur un décor de théâtre figurant l’intérieur d’une maison, Le Client plonge dans la panique des habitants d’un immeuble qui vient de se fissurer et menace de s’écrouler. Parmi eux se trouvent Emad et Rana, jeune couple qui retrouve un logement grâce à un membre de leur troupe de théâtre. Un jour, alors que Rana prend sa douche, un homme pénètre dans leur nouvel appartement… Dans la scène suivante, son mari la rejoint aux urgences alors qu’on lui recoud le crâne et qu’elle est en état de choc. A-t-elle été agressée, ou s’est-elle cognée en sursautant ? Peu importe : pour l’époux enragé, qui

enquête en solo en grattant le passé de l’ancienne locataire, il faut retrouver l’intrus et « l’humilier publiquement ». Farhadi (reparti de Cannes avec le Prix du scénario) distille un suspense de polar (une porte qui s’ouvre lentement, laissant la voie libre au danger ; des traces de sang dans l’escalier) et ménage quelques actions choc. Il décline le motif de l’intrusion, des voisins envahissants aux élèves d’Emad qui le filment alors qu’il est assoupi. Mais c’est le personnage de l’ancienne locataire « aux mœurs légères », jamais montrée mais au cœur de l’attention, qui lui permet de dénoncer le mieux les problèmes de frontière entre public et privé. • TIMÉ ZOPPÉ

— : d’Asghar Farhadi

Memento Films (2 h 03) Sortie le 9 novembre

3 QUESTIONS À ASGHAR FARHADI Après Le Passé, pourquoi avez-vous eu envie de retourner travailler en Iran ? Ce n’était pas prévu. Je devais enchaîner avec un autre film en Europe, coproduit par Pedro Almodóvar, que j’essaye de faire maintenant. Et puis, je ne sais pas… Ça a été quelque chose de très personnel, de très intime. Je ne pouvais pas rester si longtemps loin de chez moi.

Avez-vous connu des difficultés pour obtenir l’autorisation de tourner dans votre pays ? Sans doute en raison du succès de mes précédents films, on m’a donné une autorisation sans restriction. Les problèmes ont commencé à la sortie du film en Iran. Un petit groupe extrémiste très hostile à mes films, qui voit tout sous l’angle de l’idéologie, a tenté de minimiser le succès du Client. 72

Pourquoi donnez-vous autant d’importance aux habitations des personnages ? En effet, la maison est essentielle dans mon cinéma, d’abord parce que je me consacre aux familles et aux couples. Elle représente l’état intérieur des personnages qui l’habitent, comme dans la pièce d’Arthur Miller Mort d’un commis voyageur, que jouent les héros du Client.



FILMS

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SWAGGER

Remarqué en 2011 avec son premier long métrage, Robert Mitchum est mort, Olivier Babinet enchaîne avec ce documentaire plein d’audace et d’énergie pop sur des collégiens en Seine-Saint-Denis. À quoi rêvent les adolescents des cités françaises aujourd’hui ? Quelles sont leurs visions du monde actuel ? du futur ? Plutôt que d’égrener des généralités sociologiques sur fond de faits divers sordides (façon chaîne d’info en continu), Olivier Babinet préfère sonder les particularités, les aspérités, les imaginaires. Bref, les personnalités. Soit onze collégiens d’Aulnay-sous-Bois hauts en couleur qui se confient devant la caméra dans un vivifiant portrait choral. À la timidité maladive d’Aïssatou (qui se déride peu à peu, en douceur) répond l’exubérance de Régis. Le « swag » de ce dernier, selon l’expression consacrée par la jeunesse des

années 2010 pour désigner un look outrancier ou une attitude stylée, irradie tout le film. Le secret ? Sortir des carcans. Comme Paul, élève renfermé qui décide un jour de s’affirmer en venant au collège en costard, Swagger déborde les limites du documentaire pour s’aventurer sur des territoires de fiction. Comédie musicale et science-fiction s’incrustent ainsi dans la grisaille des HLM, tandis que la mise en scène multiplie zooms, ralentis et plans aériens en drone. Autant d’effets clipesques qui, jamais superficiels, dessinent au contraire de riches et poignants intérieurs. • ÉRIC VERNAY

— : d’Olivier Babinet Rezo Films (1 h 24)

Sortie le 16 novembre

3 QUESTIONS À OLIVIER BABINET Comment est né ce projet de documentaire tourné dans un collège de banlieue ? Pendant deux ans, j’ai animé des ateliers au milieu des cités d’Aulnay et de Sevran, où plus de la moitié des familles vivent en dessous du seuil de pauvreté. À partir de leur quotidien, leurs rêves, leurs cauchemars, nous avons créé des histoires qui basculent dans le fantastique.

Comment avez-vous trouvé le dosage entre âpreté du contexte et séduction esthétique ? Ce fut très compliqué : neuf mois de montage à s’arracher les cheveux. Le danger était de tomber dans l’angélisme. Pour l’éviter, il ne fallait rien évacuer. Y compris les choses difficiles à entendre. C’était capital de rester impartial. C’est un sujet trop important. 74

Pourquoi avoir choisi Jean-Benoît Dunckel (du groupe Air) pour composer la B.O. ? Swagger est avant tout un film sur l’enfance et l’adolescence. L’âge des premiers amours, de la mélancolie, de la cruauté, de l’amitié. La banlieue, sa mythologie, le hip-hop, ça vient derrière. La musique de Dunckel me plonge dans des états de rêveries propices à la création.



FILMS

LE VOYAGE AU GROENLAND

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Deux

trentenaires parisiens, rêveurs et immatures, se mettent au vert (enfin, au blanc) au Groenland et se rendent compte que l’aventure n’est jamais là où on l’attend. Dans deux premiers courts métrages (Inupiluk et Le Film que nous tournerons au Groenland), Sébastien Betbeder montrait ces héros patauds (Thomas Scimeca et Thomas Blanchard, dont la complicité crève l’écran) accueillir un duo de chasseurs groenlandais à Paris, puis imaginer l’aventure qu’ils pourraient eux-mêmes vivre au Groenland. Cette fois, il les envoie pour de bon dans le village reculé de Kullorsuaq. Plutôt que de faire de cette terre quasi déserte le cadre d’une épopée grandiose, le cinéaste colle à la tendresse et à l’humilité de son approche en transformant ce décor en grande cour de récré : parties de pêche, veillées nocturnes (sauf que la nuit ne tombe jamais), footing sur la banquise, drague d’une autochtone digne d’une première boum… L’un des deux Thomas en profite pour passer du temps avec son père, exilé dans le village depuis des années, sans pour autant trouver quoi lui dire – ces quelques jours de dépaysement ne suffisent pas à délester le jeune homme de

sa timidité d’ado. Le Voyage au Groenland est ainsi moins un récit d’initiation classique qu’un chapelet d’anecdotes terre à terre et très drôles. Quand les Thomas partent chasser le phoque, ce qui les réveille en sursaut dans la tente n’est pas une attaque nocturne, mais une prise de conscience : acteurs de profession, ils doivent d’urgence faire leur déclaration aux Assedic. S’ensuit l’aventure la plus palpitante de leurs vacances : essayer de se connecter au site de Pôle emploi avec le réseau pourri du village. En désamorçant sans cesse le drame et en évitant la pente du sensationnel, le film est non seulement très amusant, mais inspire aussi un puissant attachement à ces héros en galère. Le fait que ceux-ci portent le prénom de leurs interprètes, tous deux excellents, et qu’ils semblent être inspirés de leurs véritables personnalités renforce encore ce sentiment de proximité. Jamais on n’aurait pensé que suivre un voyage au pôle Nord nous communiquerait autant de chaleur et de réconfort. • TIMÉ ZOPPÉ

— : de Sébastien Betbeder UFO (1 h 38) Sortie le 30 novembre

3 RAISONS DE VOIR LE FILM 1 — Parce que jusque-là on n’avait sans doute jamais vu une fiction se déroulant entièrement au Groenland, alors que c’est un parfait décor de cinéma.

2 — Parce que l’aventure se poursuit sur le Net : on trouve le journal de bord du réalisateur et des pastilles autour du film sur www.levoyageaugroenland.com. 76

3 — Parce que, malgré quelques exceptions comme le très réussi Victoria en septembre, on ne croule pas vraiment sous les comédies françaises malignes et surprenantes.



FILMS

DERNIÈRES NOUVELLES DU COSMOS — : de Julie Bertuccelli

Pyramide (1 h 25) Sortie le 9 novembre

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Ce

documentaire captivant s’avance comme le délicat portrait d’une autiste en artiste. De Depuis qu’Otar est parti à La Cour de Babel, en passant par L’Arbre, le cinéma de la Française Julie Bertuccelli s’apparente à une terre d’accueil pour des êtres confrontés à une forme d’isolement. Elle part ici à la rencontre d’Hélène Nicolas, dite Babouillec, 30 ans. Diagnostiquée autiste très déficitaire, Hélène ne peut s’exprimer qu’en manipulant des lettres plastifiées. Les phrases qu’elle formule ainsi se révèlent d’une troublante puissance poétique – riche en fulgurances et aphorismes, l’œuvre de Babouillec a notamment fait l’objet d’un spectacle créé à Avignon en 2015. Avec pudeur et bienveillance, Bertuccelli filme ces séances d’écriture qui sont aussi des ateliers de création. Au plus près de la pensée d’Hélène, mais aussi de son corps – le temps d’une promenade, d’une baignade, d’une danse –, le documentaire ne prétend pas percer son mystère. Mais le chemin lumineux et hors norme de celle qui se décrit comme une « libre raconteuse d’histoires » invite le spectateur à s’interroger sur les mécanismes du langage et le mystère de la création. • JULIEN DOKHAN

MAMAN A TORT

— : de Marc Fitoussi SND (1 h 50) Sortie le 9 novembre

Spécialiste

de la fiction douce-amère (Pauline détective, La Ritournelle), Marc Fitoussi persiste dans ce registre avec Maman à tort, délicat drame social à hauteur d’enfant qui suit l’enquête d’une petite fille dans le milieu des assurances. Anouk (Jeanne Jestin) a 14 ans et vient de dégotter un stage de quelques jours dans l’entreprise où travaille sa maman (Émilie Dequenne). Alors que sa première journée de stage se termine, elle tombe sur une jeune veuve et ses deux enfants que la compagnie refuse de dédommager pour de troubles raisons contractuelles. Profitant de la négligence de ses supérieures (un duo de pimbêches tout droit sorti d’une sitcom), cette adolescente au caractère bien trempé et à l’esprit vif décide de s’occuper secrètement de l’affaire – et voit sa complicité avec sa mère bouleversée au moment d’apprendre que c’est cette dernière qui a traficoté le dossier pour le rendre caduc. Une belle idée de scénario (amour filial vs injustice sociale) que la mise en scène exploite avec un opportun mélange de bienveillance et de cruauté. • LOUIS BLANCHOT

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«ÉMOUVANT, D’UNE FORCE VIVE, JOYEUSE ET CONTAGIEUSE»

U N

F I L M

D E

O L I V I E R

B A B I N E T

AÏSSATOU DIA MARIYAMA DIALLO ABOU FOFANA NAZARIO GIORDANO ASTAN GONLE SALIMATA GONLE NAÏLA HANAFI AARON N’KIAMBI RÉGIS MARVIN MERVEILLE N’KISSI MOGGZI PAUL TURGOT ELVIS ZANNOU

MARINE DORFMANN / FARO & ALEXANDRE PERRIER / KIDAM COPRODUCTEURS GUILLAUME MARIEN / MATHEMATIC - SAM FONTAINE / CARNIBIRD - DIDIER BARCELO JEAN-LUC BERGERON ET JEAN OZANNAT / ANOMALIE FILMS PRODUCTEUR ASSOCIÉ GUILLAUME DE BARY IMAGE TIMO SALMINEN MONTAGE ISABELLE DEVINCK MUSIQUE ORIGINALE JEAN-BENOÎT DUNCKEL MAUD MATHERY PRISE DE SON GUILLAUME LE BRAZ & CHRISTOPHE PENCHENAT MONTAGE SON VALÉRIE DELOOF MIXAGE CRISTINEL SIRLI CHARGÉ DE PRODUCTION FARO NICOLAS BIANCHI RÉGISSEUR GÉNÉRAL FABRICE GODIN COORDINATEUR DE POST-PRODUCTION KIDAM FRANÇOIS NABOS SUPERVISATION MUSICALE HAMBURGER RECORDS AVEC LE SOUTIEN DU CNC (NOUVELLES TECHNOLOGIES EN PRODUCTION) AVEC LE SOUTIEN DE LA COMMISSION DE LA DIVERSITÉ CNC ET CGET ACSÉ AVEC LE SOUTIEN DE LA RÉGION ÎLE-DE-FRANCE LE DÉPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS A SOUTENU LA CRÉATION DE CETTE ŒUVRE DISTRIBUÉ PAR REZO FILMS PRODUCTEURS DÉLÉGUÉS

Photo : © Magali Bragard • Design : Benjamin Seznec / TROÏKA

PREMIÈRE ASSISTANTE RÉALISATEUR

AU CINÉMA LE 16 NOVEMBRE


FILMS

GORGE CŒUR VENTRE

— : de Maud Alpi Shellac (1 h 29) Sortie le 16 novembre

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Gorge

cœur ventre, sans ponctuation : dans le monde ultra mécanisé de l’abattoir où s’est fait embaucher Virgile, un jeune vagabond toujours accompagné de son chien Boston, pas le temps de s’arrêter pour réfléchir, les animaux à abattre s’enchaînent sans virgules… Le premier long métrage de Maud Alpi, qui suit calmement Virgile au fil de sa descente dans l’enfer des animaux, est de ces fictions plus réelles que la vie. Rugueux et sensuel, il ne quitte la « zone sale » de l’abattoir (où les bêtes portent encore leur peau et peuvent encore gémir) que pour observer son héros rêvasser et baiser dans un squat – pas hyper propre non plus. Cela pourrait être porno ou militant, agressif ou excitant, mais Alpi évite vaillamment les écueils qui la guettent : car il ne s’agit pas de regarder, mais de ressentir. Regards, murs et pelages sont plongés dans un profond bain de clairs-obscurs à faire pâlir Caravage de jalousie – et à faire voler en éclats l’intelligence humaine, habituée à la lumière. L’empathie fait le reste, et nous voilà animaux, le temps d’un film – plus réel que la vie. • CAMILLE BRUNEL

POLINA. DANSER SA VIE

— : de Valérie Müller et Angelin Preljocaj UGC (1 h 48) Sortie le 16 novembre

Polina

a grandi avec la conviction qu’elle deviendrait un grand nom de la danse classique. Pourtant, après qu’elle a intégré le prestigieux ballet du Bolchoï, l’héroïne du long métrage de Valérie Müller et du chorégraphe Angelin Preljocaj va se remettre en question. La rigueur maladive de son professeur, aimable comme une porte de prison, lui ôte graduellement le plaisir du geste. C’est à Aix-en-Provence, aux côtés d’une chorégraphe à l’approche plus contemporaine et instinctive (Juliette Binoche), qu’elle retrouve le goût de son art… Adaptée librement de la bande dessinée de Bastien Vivès, cette destinée passionnante a le mérite de rompre avec l’habituelle grammaire des films sur la danse. Le scénario évite subtilement le piège de certains poncifs – rivalités toxiques, anorexie… – pour épouser, sans manichéisme, une forme plus elliptique. Dans le rôle-titre, Anastasia Shevtsova, repérée sur Facebook, et qui a appris le français pour le film, se révèle aussi impressionnante danseuse que bonne actrice. Sa fragilité donne du poids à un personnage qui, in fine, cherche avant tout sa place dans le monde. • MEHDI OMAÏS

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FILMS

TANNA

— : de Bentley Dean et Martin Butler Urban (1 h 44) Sortie le 16 novembre

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Sur

une île paradisiaque, à une époque indéterminée, un couple fuit son village pour vivre un amour interdit par leur tribu. Tanna a tout d’une version moderne de Tabou (1931), le dernier film de Friedrich Wilhelm Murnau. Même intrigue à la Roméo et Juliette, même épure du récit, qui intègre des rites locaux, même cadre et même volonté de mettre à l’écran des gens du cru. Outre le fossé technique (là où Tabou était muet, Tanna laisse entendre le superbe dialecte de la tribu Yakel et a été tourné avec du matériel ultra léger permettant une approche sensuelle des corps – mais aussi de la nature foisonnante), la différence majeure tient bêtement à la géographie : le volcan de Bora-Bora, où a été tourné Tabou, est éteint depuis des lustres, alors que celui de l’île Tanna crache régulièrement des gerbes de roche en fusion. Rien de tel pour figurer le désir entravé des deux héros, Dain et Wawa, alors que la jeune fille est promise à un membre d’une autre tribu. Surprise, quand on comprend que le récit se déroule dans les années 1980. Il faut croire que les traditions ont la peau dure, et c’est aussi pour cela qu’elles intéressent toujours les cinéastes d’aujourd’hui. • TIMÉ ZOPPÉ

LA FILLE DE BREST

— : d’Emmanuelle Bercot Haut et Court (2 h 08) Sortie le 23 novembre

C’est

Catherine Deneuve qui a soufflé à la réalisatrice Emmanuelle Bercot l’idée d’aller chercher la Danoise Sidse Babett Knudsen pour incarner la pneumologue Irène Frachon dans son thriller médical sur l’affaire du Mediator. Un conseil clairvoyant. Révélée par la série Borgen et César de la meilleure actrice dans un second rôle pour L’Hermine de Christian Vincent en 2015, Knudsen, électrique, fougueuse et emportée, est l’interprète idéale pour raconter le combat de la teigneuse fille de Brest afin d’obtenir l’interdiction de l’antidiabétique, responsable de la mort de plusieurs centaines de personnes depuis sa commercialisation en 1976, et de faire condamner le laboratoire Servier. Grâce à son actrice, Bercot parvient à insuffler des moments de légèreté, de la surprise et une sensibilité essentielles à ce dossier bourré de statistiques, de réunions mornes et de tableurs cafardeux. Ce faisant, la réalisatrice de La Tête haute déroule un film parfois mécanique mais efficace et redoutablement humain, à mi-chemin entre Erin Brockovich. Seule contre tous de Steven Soderbergh et Spotlight de Tom McCarthy. • ARTHUR CERF

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CHANGEZ LE MONDE !

FAITES DU BRUIT !

THE

MUSIC OF STRANGERS

YO-YO MA & THE SILK ROAD ENSEMBLE

UN FILM DE

MORGAN NEVILLE

THE ORCHARD PRÉSENTE EN ASSOCIATION AVEC PARTICIPANT MEDIA THE SILK ROAD PROJECT HBO DOCUMENTARY FILMS AVEC LE SOUTIEN DU NATIONAL ENDOWMENT FOR THE HUMANITIES DE LA PERSHING SQUARE FOUNDATION ET DE JUSTFILMS / FORD FOUNDATION UNE PRODUCTION TREMOLO UN FILM DE MORGAN NEVILLE “THE MUSIC OF STRANGERS” AVEC KINAN AZMEH KAYHAN KALHOR CRISTINA PATO WU MAN ET YO-YO MA CHEF OPÉRATEUR GRAHAM WILLOUGHBY MONTAGE JASON ZELDES HELEN KEARNS PRODUCTRICE EXÉCUTIVE LAURA FREID COPRODUCTRICE EXÉCUTIVE CRISTIN CANTERBURY BAGNALL PRODUCTEURS EXÉCUTIFS JEFF SKOLL DIANE WEYERMANN JULIE GOLDMAN PRODUIT PAR CAITRIN ROGERS RÉALISÉ PAR MORGAN NEVILLE

LE 7 DÉCEMBRE


FILMS

L’ULTIMA SPIAGGIA

— : de Thanos Anastopoulos et Davide Del Degan Arizona Films (1 h 58) Sortie le 23 novembre

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Au

milieu d’une plage de Trieste, au nord-est de l’Italie, s’élève un grand mur blanc qui sépare les hommes des femmes. C’est l’une des dernières plages de ce genre en Europe, sinon la dernière. Et l’occasion, pour Thanos Anastopoulos et Davide Del Degan, de réaliser une charmante tragi-comédie sur les identités, les frontières et l’Europe vieillissante. Le duo de documentaristes gréco-italien n’hésite pas à faire durer les scènes de vie, s’éternisant sur des détails, preuve aussi bien de leur attachement pour ces baigneurs anonymes que de leur volonté de filmer le farniente. Ici, les plagistes jouent aux cartes, se font raser la barbe et se chamaillent pour une chaise en plastique. Avec leurs corps défraîchis, leurs fêlures et leurs souvenirs qu’ils remâchent en boucle. Sans jamais aborder directement la question des migrants, les réalisateurs parviennent à soulever un malaise : en voyant ceux qui s’occupent avec oisiveté sur cette « dernière plage » et qui se baignent pour le plaisir, difficile de ne pas songer à ceux qui se noient dans les mêmes eaux, un peu plus loin. • ARTHUR CERF

THEEB. LA NAISSANCE D’UN CHEF

— : de Naji Abu Nowar

Jour2fête (1 h 40) Sortie 23 novembre

Récompensé

à la Mostra de Venise en 2014 et nommé à l’Oscar du meilleur film étranger en 2016, le premier long métrage du Jordanien Naji Abu Nowar est un western intense et maîtrisé. Un officier britannique s’invite dans un camp de Bédouins. Il a besoin de leur aide pour trouver un puits, au milieu d’un désert truffé de révolutionnaires et de bandits. Le décor sud-jordanien de Theeb évoque immanquablement Lawrence d’Arabie : c’est aussi dans ces majestueux paysages que David Lean a tourné, il y a plus d’un demi-siècle, une partie de son chef-d’œuvre. Si le contexte historique est similaire – on est en pleine Première Guerre mondiale, au moment de la chute de l’empire Ottoman, contre lequel les Bédouins vont se révolter –, on n’en perçoit ici que des éléments parcellaires. C’est la bonne idée du film : son point de vue est celui d’un nomade de 10 ans ignorant tout des enjeux géopolitiques. D’où un récit initiatique viscéral, proche du survival, doublé d’une quête du père lorgnant vers le mythe œdipien. Le tout dans un écrin de western mis en tension par une réalisation élégante, au classicisme épuré. Belle découverte. • ÉRIC VERNAY

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FILMS

MA’ ROSA

— : de Brillante Mendoza Pyramide (1 h 50) Sortie le 30 novembre

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C’est

d’abord un décor : un bidonville sombre et miséreux de Manille filmé caméra à l’épaule avec un hyperréalisme éprouvant. L’autoritaire matrone Rosa (Jaclyn Jose, Prix d’interprétation à Cannes) y tient une modeste épicerie qui lui sert surtout à vendre de la drogue. Quand elle et son mari sont arrêtés, leurs enfants n’ont que quelques heures pour réunir la somme réclamée par des policiers violents et corrompus jusqu’à l’os pour étouffer l’affaire. Après Serbis (2008), Kinatay (Prix de la mise en scène à Cannes en 2009) ou Captive (2012), Brillante Mendoza continue de dépeindre la violence qui gangrène la société philippine. Trafiquants ou policiers, ses personnages sont ici traités équitablement : filmés au plus près, ils sont autant acteurs que victimes d’une immoralité généralisée. Mais de ce tableau pessimiste émerge un espoir : après une première partie en quasi-huis clos dans le commissariat, la seconde partie du film s’attache à suivre la quête des enfants de Rosa dans le dédale du bidonville. En mouvement continu, ceux-ci insufflent au film une énergie salvatrice. • THOMAS DESTOUCHES

SAUSAGE PARTY

— : de Conrad Vernon et Greg Tiernan Sony Pictures (1 h 29) Sortie le 30 novembre

Le

héros est-il une saucisse ou un pénis ? Cette question laconique résume bien l’embarras qu’a dû avoir le comité de classification (le film est finalement interdit aux moins de 12 ans) lors de leur première vision de Sausage Party. Car si les personnages de ce film d’animation écrit par le tandem Seth Rogen-Evan Goldberg (L’Interview qui tue !) et réalisé par Conrad Vernon et Greg Tiernan ont bien des têtes toutes mignonnes de Knacki, les petits futés de la bande à Rogen ont écrit un film à l’humour ultra libidineux. Sausage Party suit les aventures de Frank la saucisse (à qui Rogen prête sa voix) et de son amoureuse Brenda (qui a l’apparence d’un pain à hot-dog et la voix de Kristen Wiig) et de leurs amis aliments dans un supermarché. Tout ce petit monde croit qu’à l’extérieur du magasin la vie est un paradis. La prise de conscience sera rude lorsqu’ils découvriront la nature vorace des humains… Trash et assumant toujours son côté crétin, le film ose tout (par exemple aborder le conflit israélo-palestinien à travers la relation entre une tortilla musulmane gay et un bagel juif) pour le pur plaisir de la régression. • QUENTIN GROSSET

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FILMS L’HISTOIRE DE L’AMOUR

Le héros de cette fresque qui court sur plusieurs décennies est un roman d’amour qui passe de main en main, unissant les personnages et régissant leurs destins devant la caméra de Radu Mihaileanu. L’un d’eux émeut tout particulièrement : un enfant convaincu de « porter le monde sur ses épaules ». Oui, le film possède des prétentions de cet ordre. • H. B.

— : de Radu Mihaileanu (Wild Bunch, 2 h 14) Sortie le 9 novembre

LA GRANDE COURSE AU FROMAGE

Après De la neige pour Noël, les héros imaginés par le Norvégien Kjell Aukrust sont de retour pour de savoureuses aventures. Cette fois, l’intrépide Solan embarque Féodor, le vieil inventeur, et Ludvig, le hérisson peureux, dans une course contre un village voisin. Animé en 3D image par image, le résultat est un enchantement multigénérationnel. • M. O.

— : de Rasmus A. Sivertsen (KMBO, 1 h 18) Sortie le 9 novembre

IRIS

L’épouse (Charlotte Le Bon) d’un riche homme d’affaires engage un garagiste endetté (Romain Duris) pour la kidnapper. Le début d’une implacable machination… Si Jalil Lespert ne révolutionne pas le thriller, il s’y confronte avec une certaine élégance et joue pleinement la carte des faux-semblants pour mieux révéler les vices de ses personnages. • T. D.

— : de Jalil Lespert (Universal Pictures, 1 h 39) Sortie le 16 novembre

LE PETIT LOCATAIRE

Quand Nicole, mère d’une famille déjà nombreuse, tombe enceinte à 49 ans, elle se retrouve face à un épineux dilemme : avorter, ou pas ? Si le scénario faiblit parfois, le film trouve son souffle à travers le portrait attachant de cette famille fantasque (mention spéciale à Hélène Vincent, particulièrement drôle dans le rôle de la grand-mère). • M. D.

— : de Nadège Loiseau (Diaphana, 1 h 39) Sortie le 16 novembre

TOUR DE FRANCE

Rachid Djaïdani (Rengaine) organise la rencontre entre un jeune rappeur et un vieux raciste, lancés ensemble sur les routes de France. Le film ne fait pas vraiment dans la dentelle (Serge parle des « peintres du xviiie », Far’Hook comprend XVIIIe arrondissement), mais le duo d’acteurs l’emporte : face au désarmant Sadek, un Gérard Depardieu en forme. • J. R.

— : de Rachid Djaïdani (Mars, 1 h 35)

Sortie le 16 novembre

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design HartlandVilla — photos : Diamond Island © Les Films du losange, Hedi © Bac Films, Lantouri © D.R., Qui vive © La Vie est Belle - Oriflamme films

18 - 27 17 28 NOVEMBRE 2016

Forum des Halles forumdesimages.fr

UN ÉTAT DU MONDE… ET DU CINÉMA

8e ÉDITION

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FILMS ABLUKA. SUSPICIONS

En Turquie, un homme condamné à vingt ans de prison est libéré sous conditions. Il retrouve l’un de ses frères dans le bidonville dont ils sont originaires et devient indic… Emin Alper fait monter la parano des frangins en s’appuyant sur un climat oppressant de guerre civile fictive, qui fait immanquablement écho à l’actualité turque. • T. Z .

— : d’Emin Alper (Nour Films, 1 h 59) Sortie le 23 novembre

LA SUPPLICATION

Sur les images d’un paysage désolé, les témoignages en voix off des habitants de Tchernobyl se mêlent : une femme pleure son mari, des enfants inertes sont étendus au sol… Adapté de l’essai éponyme de Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature 2015, le documentaire, par sa mise en scène hyper stylisée et décharnée, dit un drame intime et collectif. • M. D.

— : de Pol Cruchten (La Huit, 1 h 26) Sortie le 23 novembre

LOUISE EN HIVER

Abandonnée par les siens dans une petite ville balnéaire, Louise ne se laisse pas abattre pour autant. L’octogénaire fait vite fonctionner son système D, façon Robinson Crusoé… Derrière la ligne claire de ce film d’animation aux avenantes rondeurs pastel se cache un paysage intérieur plus accidenté, révélant un touchant portrait de femme. • É. V.

— : de Jean-François Laguionie (Gebeka Films, 1 h 15) Sortie le 23 novembre

RUPTURE POUR TOUS

Un trentenaire désabusé monte une start-up qui propose à ses clients de rompre à leur place. Les choses se corsent quand sa mère fait appel à ses services… Ce premier long métrage inégal s’en tire grâce à son humour et à son ingénieux casting, notamment féminin – la géniale Brigitte Roüan, la trop rare Aïssa Maïga et la révélation Elisa Ruschke. • J. R.

— : d’Éric Capitaine (Légende, 1 h 31) Sortie le 23 novembre

LE DISCIPLE

En Russie, Veniamin s’acharne à coup de sermons à remettre son lycée aux mœurs « dépravées » sur le droit chemin. Seule sa prof de bio, athée, essaie de le ramener à la raison… Tout comme son héros, le réalisateur part en croisade : contre l’obscurantisme, mais aussi contre un système éducatif abruti par l’emprise de la religion et de valeurs régressives. • R. S.

— : de Kirill Serebrennikov (ARP Sélection, 1 h 58)

Sortie le 23 novembre

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FILMS ALLIÉS

En 1942, un espion allié (Brad Pitt) en mission à Casablanca avec une résistante française (Marion Cotillard) en tombe amoureux. Mais si elle roulait en fait pour les Allemands ? N’ayant pu voir le film avant d’imprimer ces pages, on ne peut qu’imaginer l’ampleur que le réalisateur de Retour vers le futur, Forrest Gump ou Flight a dû insuffler à cette romance. • T. Z .

— : de Robert Zemeckis (Paramount Pictures, N. C.) Sortie le 23 novembre

LES ENFANTS DE LA CHANCE

En juillet 1942, Maurice, 12 ans, se casse la jambe. Bien qu’anodin, cet incident lui permet d’éviter la rafle qui emporte sa famille. À l’hôpital de Garches, un médecin fait tout pour le garder le plus longtemps possible… Le parfum des Choristes (2004) embaume ce film : on y retrouve ambiance de colo et chansons françaises d’antan. • T. Z .

— : de Malik Chibane (Wild Bunch, 1 h 35) Sortie le 30 novembre

ROCCO

Le duo derrière Relève. Histoire d’une création, documentaire sur le chorégraphe Benjamin Millepied sorti en septembre, s’attelle ici au portrait d’une star à la carrière beaucoup plus atypique : le roi du porno Rocco Siffredi. Scruté dans ses failles et ses doutes, le hardeur se livre au moment de mettre fin à sa carrière, alors qu’il vient d’avoir 50 ans. • T. Z .

— : de Thierry Demaizière et Alban Teurlai (Mars, 1 h 43)

Sortie le 30 novembre

SULLY

Clint Eastwood se penche sur l’histoire vraie d’un pilote de ligne parvenu, en 2009, à amerrir sur le fleuve Hudson, à New York, après une collision avec des oiseaux. Si le portrait verse un peu dans l’hagiographie, Tom Hanks campe avec nuance ce commandant troublé par l’événement et par l’enquête de la compagnie aérienne qui tente de rejeter la faute sur lui. • T. Z .

— : de Clint Eastwood (Warner Bros., 1 h 36) Sortie le 30 novembre

WOLF AND SHEEP

Le quotidien de bergers afghans : à la somptuosité des paysages montagneux de ce long métrage récompensé à la Quinzaine des réalisateurs répond la trivialité de leurs discussions. L’art du récit est ici l’occupation sociale principale : l’imaginaire infiltre leurs conditions d’existence rudimentaire, tout comme il nourrit ce film à l’écrin minimaliste. • É. V.

— : de Shahrbanoo Sadat (Pretty Pictures, 1 h 26) Sortie le 30 novembre

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LE TEST PSYNÉPHILE

DANS QUELLE RÉALITÉ VIS-TU ?

Quelle dimension préfères-tu ?

Tu serais prêt(e) à tout pour :

La 2D, tant que tu peux rire avec tes dudes préférés.

17 millions de dollars. Les ailes du désir.

ZOOM

ZOOM

La 3D, même quand ça ne sert à rien. La quatrième, une coupe de champagne à la main, of course ! Si tu étais un vol aller, quel serait-il ?

Une place au premier rang du défilé Marc Jacobs. En quelques mots, tu es qui ? Je suis le fils de Jésus et de Catwoman.

Los Angeles-Vegas, en jet privé. Londres-Monaco, en classe éco. Paris-Texas, emmitouflé(e) dans une robe angora. Dans l’affaire du vol des bijoux de Kim Kardashian, tu es :

I’m fabulous, sweetie darling! Je suis un air de Nick Cave. Ta dernière bêtise ? Excès de piña colada. Glisser un flingue chargé dans ton pantalon.

Kim Kardashian, absofuckinlutely !

Oops ! tuer Kate Moss par accident.

Les cambrioleurs qui débarquent en Vélib’. Mais qui est Kim Kardashian ?

SI TU AS UNE MAJORITÉ DE : TA RÉALITÉ EST SCANDALEUSE ET SO À LA MODE Avec toi, c’est tous les jours la Fashion Week. Tu peux sabrer le champagne, c’est le grand retour d’Edina et Patsy, en cavale après avoir tué accidentellement Kate Moss. Absolutely Fabulous. Le film, réalisé par Mandie Fletcher (sortie le 7 décembre), est ta grande bouffée d’irrévérence glam’.

TA RÉALITÉ EST HORS DU TEMPS, HORS DU MONDE Tu te laisseras joyeusement emporter par les mots de Peter Handke dans Les Beaux Jours d’Aranjuez de Wim Wenders (sortie le 9 novembre). Aussi essentiel que le bonheur, aussi ennuyeux aussi, le film est une réflexion sur le désir, les souvenirs, la vie quoi ! Mais en mieux, parce qu’il y a Nick Cave.

TA RÉALITÉ, C’EST LE RÊVE AMÉRICAIN, SAUCE BARBECUE Les blagues sur le caca te font rire, et tu assumes. Pour te convaincre d’aller voir Les Cerveaux (sortie le 23 novembre), je n’ai qu’une chose à te dire : Zach Galifianakis, Kristen Wiig et Owen Wilson jouent dans cette comédie potache réalisée par le mec qui a fait Super Nacho – a.k.a. Jared Hess. T’es in ?

• LILY BLOOM — ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL 92



-26 ANS

ABONNEZ-VOUS

DANS VOTRE CINÉMA OU SUR UGC.FR


LE TROISCOULEURS DES ENFANTS


LA CRITIQUE D’ÉLISE, 8 ANS

COUL' KIDS

GRAINE DE CHAMPION

« C’est l’histoire de trois enfants qui pratiquent chacun un sport : le fleuret, la danse et le sumo. Le film est très réel et très instructif. Mon seul regret, c’est qu’ils auraient mieux fait d’alterner les trois personnages, alors que là ils sont à la suite. Mon histoire préférée, c’est la première, avec un garçon qui fait du fleuret. Avec lui, on voit bien qu’on gagne plus quand on a un sang froid. Ensuite, on demande à une petite danseuse une chose qui est carrément impossible : il faut une mémoire incroyable pour se souvenir de tous ces mouvements, c’est pour les gens d’au moins 30 ans. Le sumo est un sport un peu brusque, et ils ont des vêtements étranges ; on dirait qu’ils portent des couches-culottes. Je pense que c’est pour éviter d’avoir trop de sueur. À mon avis, il faudrait modifier les règles du sumo, parce que les combats sont un peu trop courts. À chaque fois, les enfants pleurent beaucoup, alors que ça n’est pas si grave. Le film montre que ça n’est pas bien de faire du sport tous les jours, les enfants ne sont pas heureux, ils ne sourient presque jamais. »

LE PETIT AVIS DU GRAND Le très beau Graine de champion est le portrait de trois jeunes athlètes de haut niveau confrontés à leurs propres défaites. Il est peu probable que quiconque reste de marbre face aux larmes de l’impulsif bretteur danois, de la frêle danseuse russe ou du renfrogné sumotori nippon. Mais chaque échec s’accompagne de victoires humaines, façon de dire qu’au-delà de l’obsession de la compétition, l’intensité de ces épreuves permet aussi à ces enfants de grandir. • JULIEN DUPUY — ILLUSTRATION : PABLO COTS

— : « Graine de champion » de Simon Lereng Wilmont et Viktor Kossakovsky Les Films du Préau (1 h 23) Sortie le 9 novembre Dès 5 ans

COMPOSE LE MOT MYSTÈRE À PARTIR DES LETTRES DE COULEURS CACHÉES DANS LE TEXTE :

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CINÉMA

Titre du film : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom du réalisateur : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Résume l’histoire : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................................................. ................................................................. ................................................................. ................................................................. Ce qui t’a le plus plu : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................................................. ................................................................. ................................................................. ................................................................. En bref : Prénom et âge : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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PRENDS TA CRITIQUE EN PHOTO ET ENVOIE-LA À L’ADRESSE BONJOUR@TROISCOULEURS.FR, ON LA PUBLIERA SUR NOTRE SITE !

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TANNA

LES OISEAUX DE PASSAGE

Sur une île de l’archipel océanien du Vanuatu, deux membres d’une tribu traditionnelle tentent de vivre leur amour, interdit car la jeune fille est promise à un autre… C’est d’abord depuis le point de vue de Selin, petite sœur rigolarde de celle-ci, que l’on suit cette douce romance baignée dans une nature luxuriante. • T. Z .

Un caneton naît sous les yeux d’une fillette qu’il prend dès lors pour sa maman. Mais les parents de Margaux refusent de garder l’oiseau… La naïveté assumée de cette fable minimaliste et animalière va de pair avec la volonté de réenchanter le monde du réalisateur, auteur en 2012 du joli À pas de loup. • H. B.

Sortie le 16 novembre

Sortie le 9 novembre

Dès 10 ans

Tous publics

: de B. Dean et M. Butler (Urban, 1 h 44)

: d’Olivier Ringer (Chapeau Melon, 1 h 24)

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COUL' KIDS

Ce qui t’a le moins plu : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


L’INTERVIEW DE MILA, 15 ANS

RIAD SATTOUF AUTEUR DE BD

COUL’ COUL' KIDS

On peut se tutoyer ?

Ah oui, si tu as envie, on se tutoie ! Quand as-tu décidé d’être auteur de BD ? Enfant, j’habitais un petit village en Syrie et je lisais les Tintin – c’étaient les seuls livres qu’on avait à la maison. Je croyais que Tintin était une chose qui existait naturellement, au même titre que le soleil, le ciel, le vent. Quand on m’a expliqué que quelqu’un dessinait et écrivait l’histoire, ça m’a ébloui, et j’ai décidé que je ferais ça de ma vie. Je devais avoir 5 ou 6 ans. Dans L’Arabe du futur, on voit que, petit, tu dessinais très bien, mais après tu as pris des cours ? J’ai appris les techniques de dessin dans une école d’arts appliqués, puis j’ai étudié l’animation à l’école des Gobelins. Pourquoi as-tu adopté un style de dessin pas très réaliste ? À ton âge, j’aimais les dessins « parfaits », « bien faits », et puis, en grandissant, je suis allé vers des dessins plus expressifs. Les dessins réalistes, c’est comme une sorte de compétition entre dessinateurs, et ça, je n’aime pas trop, parce que j’ai pas vraiment le niveau. Pour moi, ce qui est important, c’est l’histoire à lire, avant la performance du beau dessin. Combien de temps mets-tu pour faire une BD ? Pour L’Arabe du futur, j’ai mis à peu près un an par volume. Je dessine tout le temps, du matin au soir, et quand je suis en train de terminer un album je travaille même la nuit, mais toujours avec une grande joie. Qu’est-ce que tu préfères dans ton métier ? L’autre jour, je dédicaçais L’Arabe du Futur 3 à une mamie, et elle m’a confié : « La dernière fois que j’ai lu une BD, c’était Bécassine, quand j’étais petite. » Ce genre de rencontre, j’adore !

J’aime l’idée que mon travail touche des gens qui lisent très peu – ou même jamais – de BD. Est-ce que tu racontes la pure vérité dans tes BD ? Je dessine souvent des gros nez à mes personnages, j’augmente leurs expressions ; eh bien, je fais la même chose avec les histoires. Je les tords, je tourne les choses de manière comique, mais cela vient toujours d’histoires vraies, ou de mes souvenirs. Et cette passion pour les bananes que tu as dans L’Arabe du Futur, elle est réelle ? On me demande tout le temps si je me sens plus syrien ou plus français. J’ai envie de dire que je me sens plutôt banane. Je fais partie intégrante du peuple banane. J’en ai tellement mangé, je leur dois beaucoup ! • PROPOS RECUEILLIS PAR MILA (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE) PHOTOGRAPHIE : YANN AUDIC —

: « L’Arabe du futur 3 » de Riad Sattouf

(Allary Éditions, 150 p.)

COMME MILA, TU AS ENVIE DE RÉALISER UNE INTERVIEW ? DIS-NOUS QUI TU AIMERAIS RENCONTRER EN ÉCRIVANT À BONJOUR@TROISCOULEURS.FR

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LE DEBRIEF Mila a rencontré Riad Sattouf, auteur de BD et réalisateur (Les Beaux Gosses). Il vient de publier le tome 3 de L’Arabe du futur, qui raconte son enfance passée entre la Syrie, le pays de son père, et la France, le pays de sa mère. « J’ai lu les trois tomes de L’Arabe du futur, Les Cahiers d’Esther, Retour au collège, et même un Pascal Brutal que j’ai piqué à ma mère. À travers mes lectures, j’avais l’impression de le connaître déjà un peu, mais discuter avec lui, c’était vraiment quelque chose de fort. » • MILA


TOUT DOUX LISTE

PARENTS FRIENDLY

SOYEZ FERME

NATURE

Fabriquer du pain et du beurre, presser des pommes, nourrir les animaux, découvrir le métier d’apiculteur, jardiner, cueillir des fruits et ramasser des légumes de saison dans les champs : autant d’activités à faire en famille, dans une véritable ferme, à quelques kilomètres de Paris.

: Ferme de Gally (Saint-Cyr-l’École), dès 1 an

RACHMANINOVEZ  !

CINÉ-CONCERT

Sur l’écran, de très beaux courts métrages d’animation russes ; sur scène, Vadim Sher (piano) et Dimitri Artemenko (violon), qui interprètent des thèmes de Rachmaninov et leurs propres compositions aux accents slaves. Rachmanimation est un régal pour les petits yeux et les grandes oreilles.

: les 26 et 27 novembre à la Philharmonie de Paris, dès 5 ans

COUL' KIDS

COPAINS COMME COCHONS

SPECTACLE

Peppa Pig et toute sa famille de cochons montent sur les planches pour Le Grand Splash, un spectacle de marionnettes géantes très immersif. Personne n’est épargné : petits et grands sont pris à partie et risquent fort de finir éclaboussés par ces sacrées bestioles qui ont un péché pas très mignon : les flaques de boue !

• CÉCILE ROSEVAIGUE

ILLUSTRATIONS : PABLO COTS

: jusqu’au 21 décembre au Casino de Paris, dès 2 ans

KIDS FRIENDLY

NEW YORK, NEW YORK

COMÉDIE MUSICALE

Juste après la crise de 1929, un producteur monte une comédie musicale à Broadway ; la vedette se blesse et est remplacée par une choriste. 42nd Street, c’est une immersion dans les coulisses d’un spectacle, des chansons et des numéros de claquettes dans la pure tradition de Broadway.

: jusqu’au 8 janvier au Théâtre du Châtelet, dès 9 ans

PLIÉ ET GRAND JETÉ

DANSE

Les élèves de l’école de danse de l’Opéra de Paris investissent les planches du palais Garnier. L’occasion de découvrir le travail quotidien des futurs danseurs et les méthodes des professeurs. Des assouplissements aux grands sauts, il n’y a qu’un pas, de deux.

: les 3, 10 et 17 décembre à l’Opéra Garnier, dès 7 ans

UNE VISITE ANIMÉE

EXPO

Plus de trois cent cinquante dessins et peintures tirés des dessins animés Disney : des premiers Mickey (1928) au très récent Zootopie (2016), en passant par des crayonnés de Bambi (1942), on suit l’évolution des techniques d’animation, et l’on réalise que les dessins Disney reflètent les grands courants artistiques et graphiques de leur époque.

: jusqu’au 5 mars au musée Art ludique, dès 8 ans

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FAIS TON CINÉMA

MASQUE DE SUPER-HÉROS Toi aussi, tu as un super-pouvoir : celui de fabriquer un masque en deux temps trois mouvements avec tes petites mains, pour te transformer en ton super-héros préféré. 1

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OFF CECI N’EST PAS DU CINÉMA


EXPOS

© MARK GEFFRIAUD - PHOTO MARTIN ARGYROGLO

MARK GEFFRIAUD — : « Deux mille quinze »

jusqu’au 11 décembre au Plateau

OFF

Entre

Vue de l’exposition

science et croyances, réalité et fiction, passé et futur, l’exposition « Deux mille quinze » nous invite à une fabuleuse déambulation dans les méandres du temps. C’est au pays des Aymaras, en Amérique du Sud, que l’artiste français Mark Geffriaud s’est rendu pour réaliser un film mettant en résonance plusieurs phénomènes « locaux » : la construction, sur les hauteurs du mont Armazones, du plus grand télescope du monde, qui permettrait d’observer a posteriori la formation de l’univers ; la présence de piedras cansadas (littéralement, « pierres fatiguées ») destinées, il y a plus de mille ans, à l’érection d’un monument toujours en devenir ; le fait que le peuple Aymara se représente le futur – inconnu, donc caché – derrière lui et le passé – connu, donc visible – devant lui… Accompagné d’une bande-son qui emplit tout l’espace, le film s’y diffracte en six projections de tailles différentes, décalées de quelques secondes. Lors du parcours auquel nous incite ce dispositif fragmenté, nous croisons, à même le sol, plusieurs pots en céramique au contenu mystérieux, ainsi que des tubes transparents qui, tels un fil d’Ariane, nous conduisent vers la dernière salle où trône une cuve métallique. Pendant les quatre-vingts jours que dure l’exposition y fermentent légumes et bière, ingrédients d’un buffet qui tiendra lieu de finissage le 11 décembre. Un festin partagé dont on peut d’ores et déjà imaginer qu’il nous laissera l’arrière-goût d’un éblouissant voyage – peut-être à venir. Plus que parfait. • ANNE-LOU VICENTE

Le peuple Aymara se représente le futur – inconnu, donc caché – derrière lui.

PROVOKE

EVA ET ADÈLE

Noire, la première pièce est dédiée au contexte socio-politique en fusion duquel jaillit en 1966 la revue culte japonaise Provoke. La seconde, blanche, présente la réponse d’une avant-garde artistique. Photos, documentaire, revue ou performances filmées, les différents médias se solidarisent en un même prisme politique et poétique, résolument subjectif et rebelle. La tristesse et la révolte stigmatisent l’image d’accidents, de flous, de chaos. • GAËLLE LE SCOUARNEC

Autoproclamées œuvre d’art et jumelles hermaphrodites, Eva et Adèle accomplissent des performances depuis 1991. Rasées, pailletées, vêtues de tailleurs à la fois classiques et excentriques, descendent-elles d’un bouddha queer ou d’une Margaret Thatcher sous acide ? L’exposition « You Are My Biggest Inspiration » présente costumes, Polaroid, vidéos expérimentales et peintures : une œuvre pop et médusante entre futurisme, patine punk et revendication « no gender ». • G. L. S.

:

jusqu’au 11 décembre

au BAL

: jusqu’au 26 février

au musée d’Art moderne de la ville de Paris

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ART COMPRIMÉ Tous les mois, notre chroniqueuse vous offre un concentré des dernières réjouissances du monde de l’art.

Au Guggenheim, depuis le 16 septembre, une queue impressionnante s’étire devant les commodités. Pas d’incontinence chronique chez les visiteurs, mais une installation un peu particulière, America, signée Maurizio Cattelan : des WC en or massif – fonctionnels, évidemment. • Pour l’édition 2016 de la Nuit blanche à Paris, Abraham Poincheval a élu domicile cinq jours durant sur une plate-forme de moins de deux mètres carrés juchée à vingt mètres au-dessus du parvis de la gare de Lyon. L’intrépide Marseillais avait déjà testé sa performance La Vigie urbaine au début de l’année à Rennes. • Dans un article du Guardian, le directeur de la Tate Modern, Nick Serota, a conseillé aux résidents (mécontents) des luxueux appartements de la tour Neo Bankside, en vis-à-vis direct de la nouvelle extension du musée londonien, d’investir dans des rideaux. • Plusieurs centres d’art de Moscou ont essuyé des attaques cet automne en raison des expositions qu’ils hébergeaient. Le centre de photographie des Frères Lumières a été bloqué par des paramilitaires dénonçant les clichés « pédophiles » de Jock Sturges, tandis que des photographies de soldats ukrainiens de Sergueï Loiko ont été éclaboussées de liquide rouge au centre Sakharov au motif qu’elles montraient « des fascistes souriants ». • Le Centre Pompidou va ouvrir une antenne en Belgique, dans un ancien garage Citroën à Yser – ouverture prévue au plus tard pour 2020. • MARIE FANTOZZI ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL


EXPOS

THE COLOR LINE — : jusqu’au 15 janvier au musée du quai Branly – Jacques Chirac

© ADAGP, PARIS, 2016

OFF

Malgré

Reginald A. Gammon, Jr, Martin Luther King, Jr, 1968

l’abolition de l’esclavage engagée dès 1865 aux États-Unis, une ligne de démarcation raciale perdure, marquant au fer rouge l’histoire de la société américaine. Depuis cette date, des artistes et penseurs africains-américains n’ont cessé de faire entendre leur voix, tentant chacun à leur manière d’estomper cette color line. Rassemblant près de six cents œuvres et documents originaux, le musée du quai Branly – Jacques Chirac offre une plongée savoureuse à travers la richesse créative de cette contestation noire. Des premières affiches stigmatisantes de « blackface » datant du milieu du xixe siècle aux toiles colorées de Claude Clark, en passant par le jazz de Billie Holiday, le visiteur traverse près de cent cinquante ans d’histoire culturelle. L’exposition explore les premiers combats contre la ségrégation, illustrés par l’ambitieuse étude de W. E. B. Du Bois, sociologue et militant qui se pencha sur la condition sociale des descendants d’esclaves aux États-Unis ; un travail qui bouleversa le jury de l’Exposition universelle de Paris en 1900. S’ensuit la Grande Guerre, pudiquement racontée sous les croquis d’Albert Alexander Smith, et l’effervescence culturelle du mouvement Harlem Renaissance, marquée, dans les années 1930, par les toiles sombres d’Aaron Douglas ou les poèmes de Claude McKay. L’activisme noir s’illustre enfin à travers les portraits de figures plus familières telles Rosa Parks ou Martin Luther King. Œuvres, photos d’archives et coupures de presse dessinent ainsi la révolte et l’affirmation progressive de cette identité noire, riche et complexe. Une lutte qui reste toujours cruellement d’actualité, comme le souligne la présence de plusieurs unes récentes du magazine Time mettant à l’honneur le mouvement Black Lives Matter. • MARIE CAMPISTRON

Une plongée savoureuse à travers la richesse créative de la contestation noire.

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Hippomène (détail) © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle. Création visuelle : Corinne Geney et Julie Richard / musée du Louvre.

Du 6 octobre 2016 au 3 juillet 2017 exposition au musée du Louvre Billets sur ticketlouvre.fr - Adhérez sur amisdulouvre.fr

http://petitegalerie.louvre.fr


SPECTACLES

ZVIZDAL — : du collectif Berlin du 30 novembre au 17 décembre au Centquatre (1 h 10)

© FREDERIK BUYCKX

OFF

Après

la catastrophe nucléaire, tous les habitants des alentours de Tchernobyl ont été évacués, mais Pétro et Nadia ont refusé de quitter Zvizdal, leur village. Depuis 1986, ils vivent seuls dans la forêt ukrainienne, dans le danger silencieux d’un environnement ultra radioactif, sans eau, sans électricité, sans lien avec l’extérieur. Pour raconter cette histoire, le collectif Berlin – formé par Yves Degryse et Bart Baele, accompagnés pour la première fois de Cathy Blisson – a commencé par passer du temps avec ce couple de plus de 80 ans, bravant au départ l’interdiction de se rendre sur cette zone à risque. Et puis, cinq ans durant, ils sont revenus les filmer sur de courtes périodes, apprenant de leur quotidien, les interrogeant sur leur vie et leur rapport au temps. Alors, ils ont imaginé un dispositif d’écrans et de maquettes pour spatialiser ces images, leur donner corps et créer le cadre de réception qui leur semblait le plus juste. La touche Berlin, c’est ça : créer pour chaque histoire une forme qui lui est propre. À la frontière de l’installation visuelle et du théâtre, ce collectif originaire d’Anvers réalise depuis 2003 des portraits de ville. Après Jérusalem (trois écrans en frontal et musique live), Iqaluit (sept écrans statiques dans un igloo de métal) et Moscow (cinq écrans en mouvement sous un chapiteau de cirque), Zvizdal apporte une pierre de plus à la collection « Holocène », avant que celle-ci ne s’aventure vers de nouveaux horizons. • AÏNHOA JEAN-CALMETTES

À la frontière de l’installation visuelle et du théâtre, le collectif réalise des portraits de ville.

LISBETH GRUWEZ DANCES BOB DYLAN

POIL DE CAROTTE

Sans son acolyte de toujours, le musicien Maarten Van Cauwenberghe, Lisbeth Gruwez n’aurait jamais aimé Bob Dylan, encore moins eu l’idée de danser sur sa musique. À force de s’échauffer sur les vinyles du tout nouveau prix Nobel de littérature, l’idée de Dances Bob Dylan, petite forme intimiste brillant de sobriété, a germé. Seule en scène, la chorégraphe fait à nouveau preuve de l’intensité de sa présence et de son talent d’interprète. • A. J.-C.

Silvia Costa travaille ses créations théâtrales pour jeune public comme des installations immersives. On y entre pour vivre des expériences sensorielles qui activent autant le regard que l’ouïe ou l’odorat. Pour le Festival d’automne, elle s’empare du classique de Jules Renard. Poil de Carotte déroule, par petites saynètes, l’histoire de ce gamin aux cheveux roux, et c’est toute la complexité des sensations de l’enfance qui se met en mouvement. • A. J.-C.

:

de Lisbeth Gruwez

du 28 novembre au 3 décembre

:

au Théâtre de la Bastille (45 min)

à la Villette (45 min)

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de Silvia Costa du 18 au 21 novembre


SOIRÉES

CULTURE G AUDITORIUM DU LOUVRE Animées par Ali Rebeihi Un regard inédit sur l’art et les œuvres du Louvre pour parfaire votre culture générale Mercredis 23 novembre et 7 décembre 2016, suivis d’un rendez-vous mensuel jusqu’à l’été 2017

Ali de Michael Mann © D.R.

http://petitegalerie.louvre.fr


RESTOS

LIAISONS DANGEREUSES

© D. R.

OFF

La cuisine est toujours une affaire d’association de produits, de plus ou moins bon goût. Loin du jambon-purée, du steak-frites ou du poireaux-pommes de terre, certains chefs proposent des mariages en apparence incongrus. Il suffit d’oser les suivre pour s’ouvrir les portes de saveurs inédites.

HOMARD & BŒUF Mathilde et Pascal Favre d’Anne aiment les défis. Le couple, basé à Angers, a décroché une étoile Michelin dès 2008 pour son élégant restaurant, alors installé au bord de la Maine. Après un minitour du monde de presque un an, ils sont revenus en Anjou, dans un loft culinaire intimiste aussitôt récompensé par le guide rouge. Jamais rassasiés, ils viennent de débarquer en octobre à Paris, à L’Edmond hôtel, avec une association audacieuse : homard et bœuf. Un accord que Pascal, savoyard naturalisé angevin, aime travailler depuis des années et qu’il veut faire découvrir, avec en tête l’idée de le décliner dans d’autres lieux. En attendant, dans un lieu chic et design, il surprend avec sa côte sauvage, un carpaccio de bœuf charolais assaisonné d’un bouillon de homard, escorté d’un tartare de homard et d’une trilogie de purées maison (pommes de terre, céleri, carottes). Un vrai plat terre/mer qui s’assume et explose en bouche. On peut aussi déguster le homard seul (en version « tempête », par exemple, avec des ravioles), et le bœuf à l’état pur, grillé avec une sauce Lizette morilles, au hasard. Grâce à Mathilde, l’une des plus brillantes sommelières de sa génération, capable de convaincre les vignerons d’étiqueter des bouteilles qu’ils gardaient juste pour eux, on boit bon et sain. Elle a aussi conçu une carte de cocktails colorés et de mélanges de thés inédits. Menu déjeuner : 34 €. Carte : environ 45 €. • STÉPHANE MÉJANÈS

: 22, avenue de Villiers, Paris XVIIe

CANARD & CHAMPAGNE

MERGUEZ & PASTRAMI

Volaille de France, champagne le plus souvent bio : on fonce ! Nouveauté, le brunch du dimanche, de 12 heures à 17 heures (29 €). Formules midi : de 17,50 à 26 €. Formules champagne : de 32 à 62 €. • S. M.

L’union de la Méditerranée et de l’Europe de l’Est, du fait maison : on valide ! Pita burger ou shakshuka, œuf, merguez, tout fait ventre. Formules : 14 €. Carte : environ 30 €. Brunch : 26 €. • S. M.

: 57, passage des Panoramas, Paris IIe

: 57, rue Rodier, Paris IXe

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C’EST DOUX ! Où manger ? Quoi commander ? Suivez le régime alimentaire de @PhamilyFirst sans prendre un Instagram de gras. Ce mois-ci : mangez végétarien autour du canal Saint-Martin.

Pour vous faciliter la mâche et éviter que la planète ne se fâche, adoptez, le temps de cette colonne, le régime végétarien. La quête du sain des sains peut commencer. Un Graal pas dépourvu de gras, pour éviter que les amateurs de gros râlent. Pour commencer, ce n’est pas le Tāj Mahal, mais une solution à la grosse dalle : la cantine indienne Saravanaa Bhavan vous sert des dosa et du dal, le tout sans qu’aucune bête ne perde de poils. Chez Ima, aux abords du canal, on vous raconte des salades fraîches et goûtues, comme on les fait à Londres et comme on les aime à Jérusalem. À quelques coups de pagaies, Siseng, spécialiste du bao burger, lance sa recette au tofu – fondue de poireaux, shiitake et épinards – pour une prise de panard antiviandard. Rue Bichat, Tien Hiang bichonne un plan veggie-pirate de plats d’Asie du Sud-Est. Faux poulet ou protéines de soja texturés, appelez-les comme vous voudrez. Au Café Oberkampf, le fromage dégouline de plaisir dans son grilled cheese à la confiture de piment, et chez Holybelly on participe à la lutte avec chaque jour une option meat free. Pour finir sur un petit coin de paradis, Le Tricycle sert toujours les hot-dogs les plus veggie de Paris. Premiers arrivés, premiers servis par les patrons, Coralie et Daqui. Et pour devenir végé-terrien jusqu’au bout des pieds, shoppez en ligne leur paire de shoes 100 % vegan. • JULIEN PHAM ILLUSTRATION : JEAN JULLIEN


CONCERTS

KEVIN GATES — : le 26 novembre à La Maroquinerie

© JIMMY FONTAINE

OFF

Islah,

c’est le nom de la fille aînée de Kevin Gates et de son album sorti en janvier, certifié platine aux États-Unis. En arabe, le mot signifie « réformer », au sens d’améliorer, de perfectionner. De fait, en dépassant le million de ventes dès son premier essai officiel, le rappeur de Baton Rouge a franchi un cap, intégrant un cercle restreint qui compte des stars telles que Drake ou Kendrick Lamar. Mais ce fut un combat éreintant. Depuis une décennie, le Louisianais enchaîne les mixtapes (deux livraisons par an) et les passages en prison – trente et un mois entre 2008 et 2011. Un séjour pénible mis à profit pour décrocher un master en psychologie : le néo-trentenaire n’est pas du genre à se décourager. Il a même fait de sa combativité un argument marketing en lançant une boisson énergisante nommée « I Don’t Get Tired », d’après un de ses morceaux. Cette hyperactivité affleure aussi bien sur scène que dans les lyrics du natif de La Nouvelle-Orléans, qui se targue par exemple d’avoir deux téléphones (« un pour les filles, l’autre pour le fric »), en bon play-boy dealer. Le style du bonhomme est au diapason, armé de beats agressifs, typiques de la trap sudiste. Mais ce proche des légendes locales Boosie et Webbie sait s’adoucir pour émouvoir. Ou séduire. Car Kevin Gates est de la caste des MC-crooner à la Drake, en plus guttural et rugueux. Les ritournelles de « Kno One » et « Hard For » impriment ainsi nos tympans tels des tatouages pop, témoignant de son sens de la mélodie qui tue. Imparable. • ÉRIC VERNAY

Kevin Gates est de la caste des MC-crooner à la Drake, en plus guttural et rugueux.

DUCHESS SAYS

ZOMBIE ZOMBIE

Réputé depuis 2003 pour ses concerts electro-rock explosifs pendant lesquels la chanteuse Annie-Claude a pris l’habitude de sauter (et de chanter) au milieu (ou au-dessus) de son public, le quatuor montréalais vient fêter son troisième album, Sciences Nouvelles, soit une excitante combinaison de beats punk, de basses bondissantes, de guitares fuzz et de Moog saturés, entre Moroder (disco machine) et Devo (autodérision). Un rêve de stage-diving. • WILFRIED PARIS

Étienne Jaumet (synthétiseurs, saxophone), Cosmic Neman et Dr Schonberg (batteries et percussions) ont trouvé en trio la formule magique entre primitivisme (transe, psychédélisme, vibrations) et modernité (danse, futurisme, techno). Ils viendront envelopper les clubbers du Badaboum dans les rituels krautrock et électroniques de leur dernier album, Slow Futur (sans les jongleurs 2.0 du spectacle du même nom), entre Kraftwerk et Sun Ra. Cosmique intérieur. • W. P.

: le 18 novembre au Petit Bain

: le 23 novembre au Badaboum

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P H I L H A R M O N I E D E PA R I S

18 - 20 novembre

Photo : plainpicture / Kniel Synnatzschke

Licences ES : 1-1041550, 2-041546, 3-1041547.

F E S T I VA L

Orchestres en fête! Le mythe Beethoven Concerts - Performances Activités en famille - Expositions

Tarifs concerts à partir de 8 € Et des activités gratuites Concerts de 20h30 de 10 € à 40 € philharmoniedeparis.fr - 01 44 84 44 84 -

Porte de Pantin


BONS PLANS À GAGNER

© PHOTOGRAPHIE STÉPHANE DABROWSKI - CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE

DE MÉLIÈS À LA 3D EXPO

— : « De Méliès à la 3D. La machine cinéma » jusqu’au 29 janvier à La Cinémathèque française

Jean-Luc Godard, Raoul Coutard avec le Caméflex, Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo sur le tournage d’À bout de souffle (1959)

Dans

ou de Sergio Leone. Bien plus qu’un inventaire technique, ce cabinet de curiosités se révèle passionnant lorsque ses rouages s’animent et que les images prennent vie sur l’écran. Face à l’immensité de la plage filmée en Scope foulée par un petit garçon au trottinement mal assuré dans la séquence finale des Quatre Cents Coups de François Truffaut, à l’univers tridimensionnel vertigineux de Gravity d’Alfonso Cuarón, on entend palpiter le cœur du cinéma, et la machine à créer du mouvement devient machine à rêve. • MARILOU DUPONCHEL

OFF

une grande salle aux allures de chambre noire, les projecteurs martèlent l’atmosphère de leurs ronronnements mécaniques. Immersif, le parcours se vit comme un voyage dans le temps retraçant l’évolution des « machines cinéma ». Du Kinétoscope d’Edison en 1894 (premier appareil diffusant des images en mouvement) aux dernières trouvailles technologiques en réalité augmentée (comme le Kinoscope), une fascinante expérience virtuelle à 360 degrés nous plonge dans les univers de Stanley Kubrick, d’Alfred Hitchcock

LES FRANGLAISES

SPECTACLE

Après plusieurs tournées et un Molière du théâtre musical en 2015, les Tistics reviennent sur les planches avec leurs Franglaises et un lot de nouvelles chansons. Le principe : triturer avec humour et malice les plus grands tubes du répertoire anglo-saxon en les traduisant tout simplement en français. • M. D.

: jusqu’au 14 janvier à Bobino

EXPO

Intitulée « Le Voleur de fleurs », la rétrospective souligne l’oscillation de l’artiste chinois entre tradition orientale calligraphique et courants modernes occidentaux, Expressionnisme abstrait et Pop art. De l’encre aux pigments fluo, des giclées de peinture – expressivité du geste pictural – éclaboussent la femme, sujet de son désir. • G. L . S. Walasse Ting, Love Me Love Me, séries 10, 1975

: jusqu’au 26 février au musée Cernuschi

BERNARD BUFFET

DVD

Qui était Bernard Buffet : escroc ou génie ? En rencontrant ses proches (de son premier amour, Pierre Bergé, à son fils, Nicolas), ce beau documentaire brosse le portrait public et intime d’un maître de l’art figuratif et d’une œuvre âpre et mélancolique née dans les années noires de l’après-guerre. • M. D.

: « Bernard Buffet. Le grand dérangeur » de Stéphane Ghez

(Arte Éditions)

© EMMANUEL LAFAY ; THE ESTATE OF WALASSE TING/ADAGP, 2016/ PHOTO JEFFREY STURGES

WALASSE TING

SUR TROISCOULEURS.FR/BONSPLANS



BONS PLANS À GAGNER

MEXIQUE 1900-1950 EXPO

— : « Mexique 1900-1950. Diego Rivera, et les avant-gardes » jusqu’au 23 janvier au Grand Palais

Le

Diego Rivera, La Rivière Juchitán, 1953-1955

pour se rendre accessible au peuple. En marge fleurit une création foisonnante – en témoignent les quelque deux cents peintures, sculptures, photos et films présentés – marquée par l’élaboration d’une identité culturelle nationale. Ne loupez pas les saisissants portraits d’Indiens de Ramón Cano Manilla et d’Alberto Garduño, ou les poignants (mais trop peu nombreux !) autoportraits de Frida Kahlo. On ressort un peu étourdi par la profusion de cette exposition-fleuve, mais avec l’envie de sauter dans le premier avion pour Mexico. • MARIE FANTOZZI

OFF

Mexique se résume pour vous aux temples aztèques, aux calaveras et à Frida Kahlo ? Allez donc faire un tour au Grand Palais, qui met à l’honneur l’art mexicain du début du xx e siècle. Certes influencé par l’art européen (Pablo Picasso, Salvador Dalí), le pays, en pleine révolution, développe dès les années 1910 un courant artistique singulier : le Muralisme. Porté par José Clemente Orozco ou Diego Rivera (voir sa gracieuse fresque La Rivière Juchitán), cet art engagé au style naïf grave dans les murs des lieux publics l’histoire du Mexique

© JORGE VERTÍZ GARGOLLO ; 2016 BANCO DE MÉXICO DIEGO RIVERA FRIDA KAHLO MUSEUMS TRUST, MEXICO, D.F / ADAGP, PARIS

Frida Kahlo, José Clemente Orozco

CAS D’ÉCOLE(S)

CYCLE

En ce début d’année scolaire, le Forum des images célèbre l’école sur grand écran à travers une rétrospective. De la grise mine du pauvre Antoine Doinel au marivaudage de L’Esquive, en passant par la passion inavouable de Noce blanche, le cycle met en lumière les « cas d’école » les plus vibrants du cinéma. • M. D.

: jusqu’au 18 novembre au Forum des images

ESPÈCES D’OURS !

EXPO

Rassemblés dans la grande galerie de l’Évolution, vingt-cinq ours naturalisés et trois squelettes complets, mais aussi de nombreuses photos et objets, vous permettent d’approcher cet animal sauvage, son évolution, son mode de vie. Ne ratez surtout pas l’ours Koguma, spectaculaire animation en réalité augmentée. • M. D. Jeunes ours à collier

: jusqu’au 19 juin au Muséum national d’histoire naturelle

TOUS À LA PLAGE !

EXPO

L’exposition retrace l’histoire de la conquête des bords de mer, du xviiie siècle à nos jours, et l’évolution architecturale des lieux, passés d’un usage curatif à récréatif. Témoins de la démocratisation des loisirs de plage, les affiches, photographies, illustrations, costumes de bain offrent au voyage un délicieux charme désuet. • G. L . S.

: jusqu’au 12 février à la Cité de l’architecture La plage et le casino d’Ostende, vers 1890-1900

et du patrimoine

© LOLA FILMS ; KHRUSHCHEV GEORGY / SHUTTERSTOCK.COM ; RETRIEVED FROM THE LIBRARY OF CONGRESS

L’Esquive d’Abdellatif Kechiche (2004)

SUR TROISCOULEURS.FR/BONSPLANS



SONS

FRUSTRATION — : « Empires of Shame » (Born Bad)

© BLAISE ARNOLD

Dans

la jungle post-punk, Frustration est roi. Acoquinant depuis quinze ans cold-wave martiale et rock raide avec une grâce viscérale, le quintet français affirme son malaise et sa liberté sur un troisième album incisif, vrillé de tubes rageurs. Taulier du label Born Bad et héraut de l’underground working-class, le groupe cultive rigueur éthique et esthétique obstinée. Celles des héritiers et des braves, élevés aux meilleures sources – Joy Division, New Order, Killing Joke, The Fall – dont ils tirent une musique élégamment hargneuse, des concerts flamboyants et des disques uppercuts : Relax (2008), Uncivilised (2012), et le dernier né, Empires of Shame. Un retour ultra musclé qui réjouit Fabrice Gilbert, leur chanteur. « Cet album est moins dramatique et introspectif. On écoutait beaucoup de groupes australiens comme Human Race, et notre nouveau bassiste, plus jeune, vient du hardcore. Ça a changé nos prestations scéniques et notre façon de composer. » Sur la pochette, une scène de tribunal. « Tout le monde s’en fout,

SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM ? « Ce serait la scène du restaurant dans Playtime, où les clients déchirent leurs fringues sur les chaises en forme de couronnes, avec le décor qui s’écroule : un bordel épouvantable, mais un faux bordel, organisé au cordeau par Jacques Tati. Et puis la scène d’Inglourious Basterds

mais on est en fin de civilisation, et, ce qui arrive, c’est un juste retour de bâton. On a des rêves, on veut des droits, mais on oublie qu’on a des devoirs. Vivre dans la cité, et plus généralement sur la petite boule bleue, ça te force à considérer l’autre. » Dont acte. Du brûlot autodisciplinaire « Dreams, Law, Rights and Duties » aux larsens d’« Excess », de la harangue baroque « Mother Earth in Rags » à « Arrows of Arrogance » – ballade dark-folk surprise à la Death in June –, entre morgue et mélancolie, crachats cockney et déhanchements froids, Frustration se collette avec le monde dans un cri noir, brutal, « vigilant », qui invite à la tangente (« Cause You Ran Away ») et au pogo monstre (« No Place »), jouissif. « On ne donne pas de leçons. On reste attentifs et on chante des trucs tristes parce que la vie est pas marrante, mais on aime faire les cons, on est vachement normaux. Et, c’est indéniable, les concerts sont pleins : le public nous respecte énormément, et la raison est simple : on le respecte. Tu donnes, tu reçois. » • ETAÏNN ZWER

de Quentin Tarantino dans la taverne allemande : le calme absolu et, en une seconde, tout le monde se pète des coups de fusils. Le moment où ça éclate, c’est cet effet-là qu’on aime dans la noise et dans nos morceaux – un break et, BAM !, ça se rebarre. Avec nous, les gens s’en prennent plein la gueule, mais c’est bon. » • FABRICE GILBERT

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JUKEBOX

mise en scène

Sylvain Creuzevault

THE LEMON TWIGS

du 2 novembre au 4 décembre 2016

: « Do Hollywood » (4AD/Beggars)

Si vous trouviez assez frustrant que les merveilleux Beatles aient pu générer une descendance aussi peu excitante qu’Oasis, voici les frères D’Addario, géniaux multi-instrumentistes new-yorkais de 17 et 19 ans reprenant le tour magique et mystérieux là où il s’est arrêté (en 1970), soit la synthèse glam, baroque et 2016 des Kinks, de Left Banke, des Beach Boys et autres Fab Four, enrobée de bubble-gum pop. Tasty. • W. P.

MR. OIZO

: « All Wet » (Ed Banger)

www.colline.fr 01 44 62 52 52

A priori, ce sixième album de Mr. Oizo posséde tous les attributs pour rebuter les vieux fans, orphelins des jeux de massacre de Moustache (Half a Scissor) (2005). Pourtant, si l’on peut contester la pertinence des nombreux featurings internationaux, force est de constater que certains d’entre eux produisent des étincelles (Peaches, Siriusmo), et que l’on retrouve intacte l’étrangeté familière typique du réalisateur de Wrong Cops. • M. P.

BUTTERING TRIO : « Threesome » (Raw Tapes)

Quatre notes tenues d’un violon aigu, une basse huilée au funk de qualité : cela suffit au Buttering Trio pour nous engouffrer dans son meilleur album. Un fantasme de beat music contemporaine, perfectionniste et cinégénique, qui sous couvert de nonchalance (le côté jazz) laisse filtrer une incurable mélancolie (le versant pop). Et si les effets spéciaux occupent les premiers rôles, c’est bien la voix de KerenDun la star. • M. P. ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT

d’après le roman de

John Maxwell Coetzee mise en scène

Jean-Pierre Baro du 3 novembre au 3 décembre 2016


SÉRIES

WESTWORLD

© HBO

— : Saison 1 sur OCS City —

OFF

Mi-western

mi-récit d’anticipation, la dernière superproduction de la chaîne HBO dissimule sous le vernis du grand spectacle une fable morale à la mécanique délicate. À l’origine de Westworld, il y a Mondwest, une série B réalisée en 1973 par Michael Crichton, dont l’histoire a retenu la composition de Yul Brynner en pistolero sanguinaire. On en retrouve ici l’argument principal : un parc d’attractions du futur, d’inspiration Far West, dans lequel les figurants robots se mettent à bugger. À la différence de Crichton, néanmoins, les show runners de la série, Jonathan Nolan et Lisa Joy, se rangent du côté des androïdes, exploités jusqu’à l’insoutenable. Car le vrai modèle avec lequel dialogue cette production à la fois chatoyante et aride,

REVOIS

violente et mélancolique, c’est Blade Runner. Comme le film de Ridley Scott sorti en 1982, Westworld contient cette proposition atypique de blockbuster d’auteur. Dans la série, un bras de fer oppose le Dr Ford (Anthony Hopkins), démiurge vieillissant soucieux de préserver la magie originelle du parc, à ses actionnaires, promoteurs d’une approche industrielle, usinant scénarios et personnages à la chaîne pour satisfaire les vils instincts des consommateurs. Westworld, Hollywood, même combat… De lourds retards dans la production de la série avaient d’ailleurs fait craindre que le torchon soit en train de brûler entre HBO et les créatifs, l’obligation de succès devenant plus pressante avec la fin annoncée de Game of Thrones. Qu’on se rassure : la machine a une âme. • GRÉGORY LEDERGUE

VOIS

PRÉVOIS

LES MONSTRES

JOUR POLAIRE

ALIAS GRACE

Inédite chez nous, cette sitcom américaine de 1964 met en scène une famille de monstres – le père a les traits de la créature de Frankenstein, le grand-père, ceux de Dracula… Diffusée au même moment que La Famille Addams, sa notoriété est moindre aujourd’hui, alors qu’elle était plus regardée à l’époque. Une curiosité à découvrir en DVD. • G. L .

Les Suédois Måns Mårlind et Björn Stein, créateurs de la série Bron, nous refont le coup de la coopération policière internationale. Coproduction Canal+ oblige, ils embarquent cette fois une flic française (Leïla Bekhti) au cercle polaire pour faire équipe avec un procureur local. Paysages à couper le souffle et scénario retors assurent le spectacle, très efficace. • G. L .

Dans cette minisérie actuellement en développement, Sarah Gadon jouera une employée de maison accusée, en 1843, du meurtre de son patron. Une histoire vraie qui inspira à Margaret Atwood le roman Captive, adapté ici par Sarah Polley (Take This Waltz). Le réalisateur fétiche de Gadon, David Cronenberg, sera de la partie, mais pour une simple apparition dans un rôle secondaire. • G. L .

(Elephant Films)

sur Canal+

: Saison 1 en DVD

: Saison 1 en novembre

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: Prochainement sur Netflix


Exposition réalisée avec la Fondation d’entreprise Hermès

Exposition

Musée des Arts décoratifs

107 rue de Rivoli, Paris 1er

Réservation : lesartsdecoratifs.fr – fnac.com

« Construire une scène », spectacle d’Oskar Schlemmer, 1927. Photographie d’Erich Consemüller - © Bauhaus-Archiv Berlin. conception graphique : Atelier Bastien Morin

19.10.2016 26.02.2017


JEUX VIDÉO

OFF

VIRGINIA Derrière

— : One, PS4, PC, Mac (Variable State) —

son récit à la première personne, Virginia cache une belle prouesse narrative. Le joueur y incarne Ann Tarver, jeune recrue du FBI qui, pour sa première enquête, doit résoudre une affaire de disparition mystérieuse dans une bourgade de Virginie. En vue subjective et dépourvu de dialogue (une musique orchestrale se charge de rythmer l’action), le jeu commence comme un thriller classique, alternant scènes du quotidien et de la vie professionnelle de l’héroïne. Sauf que, plus l’enquête progresse, plus notre perception se brouille. Les doutes s’accumulent, les fausses pistes aussi, le personnage devient sujet à des cauchemars si tangibles qu’ils brouillent progressivement la ligne entre réalité et fantasmes. Parfois, c’est la continuité

même du récit qui se voit malmenée par des ellipses ou des sautes de montage qui nous font brusquement passer d’un décor ou d’une temporalité à l’autre. Bercé par le cinéma expérimental et lynchéen (la bourgade, partagée entre americana placide et mystère macabre, évoque beaucoup Twin Peaks), Virginia se vit comme une odyssée mentale traversée de béances et de raccourcis. Très court, sans aucune difficulté ni enjeu, il ressemble à peine à un jeu vidéo au sens strict. Peu importe, c’est le lien interactif qu’il tisse entre nous et l’avatar qui le rend inoubliable. Un lien qui se construit sur l’intimité du regard, et l’inquiétante étrangeté d’un mystère que l’on n’arrive jamais à percer totalement. Le plus beau des paradoxes. • YANN FRANÇOIS

GEARS OF WAR 4

PAPER MARIO. COLOR SPLASH

FORZA HORIZON 3

À défaut de se réinventer, Gears of War assure le spectacle. Si vous cherchez un jeu d’action riche en fusillades hollywoodiennes et en morceaux de bravoure ubuesques, vous ne serez pas déçu. Assurément on tient là notre montagne russe automnale. • Y. F.

Coincé dans un monde devenu monochrome, le plombier moustachu va devoir tout faire pour lui redonner ses couleurs d’antan. Entre RPG light, conte bon enfant et esthétique papier mâché, Paper Mario trouve ici son plus bel écrin et son meilleur gameplay. • Y. F.

Le jeu de course en monde ouvert tient enfin son bijou. Dédié à l’Australie et à ses divers décors (ville, désert, forêt…), ce troisième Forza Horizon multiplie les épreuves d’anthologie mais n’oublie jamais l’essentiel : le plaisir hypnotique de la route. • Y. F.

: Xbox One, PC (Microsoft)

: Wii U (Nintendo)

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: One / PC (Microsoft)


INDÉ À JOUER Manette dans une main, carnet de notes dans l’autre, notre chroniqueur teste chaque mois une sélection de jeux indés.

Redoutant l’arrivée du froid, je fuis sur les routes italiennes avec Wheels of Aurelia (Santa Ragione, PC, PS4). Téléporté dans les années 1970, je conduis, prends des voyageurs en stop, débats avec eux des bouleversements sociaux et politiques qui agitent le pays. Avec ClusterTruck (Landfall Games / PC, PS4, Mac), le road trip est radicalement différent. Dans chaque niveau, je dois sauter de toit de camion en toit de camion (ceux-ci roulant évidemment à tombeau ouvert) sans jamais toucher terre. Le pitch est idiot, mais le jeu devient vite addictif. Comme je n’ai pas eu mon compte de débilité, je me rue sur Shadow Warrior 2 (Flying Wild Hog, PC, PS4, One) qui remplit parfaitement son rôle de FPS provoc. Dans la peau d’un samouraï à l’humour aussi tranchant que son katana, je découpe du démon et du yakuza dans un festival de viscères et de bonnes vannes. Lessivé par ce carnage, je m’éjecte dans l’espace pour souffler un peu. Mon vaisseau atterrit sur la station spatiale d’Event [0] (Ocelot Society, Mac). Entièrement désert, l’endroit est régi par Kaizen, une intelligence artificielle polyvalente avec laquelle je peux dialoguer. D’une repartie hallucinante, l’ordinateur adapte sa conversation à la mienne. S’engage alors un bras de fer épistolaire pour la convaincre de m’aider à rejoindre la Terre. Le cinéma avait son HAL 9000, le jeu vidéo a désormais son Kaizen. • YANN FRANÇOIS ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT

ENFIN LE GRAND RETOUR DE

NOUVEL ALBUM DISPONIBLE AU RAYON BD

© Lucky Comics 2016 – Achdé / Jul


LIVRES

DAVID FOSTER

WALLACE

On a beaucoup parlé de David Foster Wallace l’an dernier lors de la parution française de L’Infinie Comédie, son monumental roman de 1996. En même temps, on sait peu de chose sur ce météore de la littérature américaine, suicidé en 2008 à l’âge de 46 ans. Même les photos sont rares, comme pour ajouter au mystère… L’excellente biographie de D. T. Max arrive à point nommé : plaisante à lire, bien documentée, cette étude ne se contente pas de retracer le parcours de Wallace, mais s’efforce d’analyser son œuvre et de la resituer dans le paysage littéraire américain. On y apprend toutes sortes d’informations, des plus anecdotiques (Wallace a chanté avec Albert de Monaco dans la chorale de l’université d’Amherst) aux plus décisives (la passion de Wallace pour Ludwig Wittgenstein, Jacques Derrida et la french theory). L’enquête oscille sans cesse entre le portrait de l’homme, avec ses lubies, ses failles, et celui de l’écrivain, hyper conceptuel et obsédé par la question du langage. Toujours vêtu de sa sempiternelle chemise à carreaux, de boots délacées et d’un bandana sur le front, Wallace ne s’arrête jamais de penser, quitte à perdre le contact avec le réel. Cette cérébralité exubérante s’ajoute à de graves problèmes dépressifs, jamais résolus, malgré les médicaments et les séjours à l’hôpital… Les pages les plus passionnantes sont toutefois celles qui concernent l’écriture de Wallace : Max dévoile les coulisses de tous ses livres, en s’appuyant notamment sur sa

correspondance. On découvre ainsi comment furent fabriquées les nouvelles de L’Oubli, son dernier recueil, ou son essai sur le rap, Rappeurs de sens, coécrit avec son ami Mark Costello, deux livres, traduits ces jours-ci, qui témoignent du talent multiforme et de la curiosité de l’auteur. Dernier bon point : sans verser dans le panégyrique, Max réfléchit aussi

OFF

Bandana sur le front, Wallace ne s’arrête jamais de penser. aux limites de l’œuvre de Wallace, voire à ses échecs. Des échecs qui n’ont peut-être pas compté pour rien dans sa décision d’en finir avec la vie, alors que la gloire littéraire lui était d’ores et déjà acquise. • BERNARD QUIRINY

— : « David Foster Wallace. Toute histoire d’amour est une histoire de fantôme » de D. T. Max, traduit de l’anglais par Jakuta Alikavazovic (Éditions de l’Olivier, 440 p.)

LE SILENCE

HÔTELS D’AMÉRIQUE DU NORD

SACHS

Cette incroyable saga familiale traverse toute l’histoire allemande contemporaine dans une langue avant-gardiste unique, truffée de signes et de néologismes, déroutante et fascinante. La traduction, signée Martine Rémon, est époustouflante. • B. Q.

Ce roman est entièrement composé de… commentaires (fictifs) d’hôtels, déposés sur le Net. Leur vrai-faux auteur, Reginald Morse, s’y dévoile peu à peu, jusqu’à faire de ses billets un autoportrait… Rick Moody expérimente la variante 2.0 du roman épistolaire. • B. Q.

Écrivain, escroc, trafiquant, prêtre défroqué, Maurice Sachs (1906-1945) reste un personnage fascinant du monde littéraire d’avant-guerre. Henri Raczymow, son biographe, lui consacre un riche numéro dans les prestigieux Cahiers de L’Herne. • B. Q.

(Quidam, 610 p.)

(Éditions de L’Olivier, 240 p.)

Raczymow (L’Herne, 260 p.)

: de Reinhard Jirgl

: de Rick Moody

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: sous la direction d’Henri


La vie d’adulte est un monde

merveilleux !

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BD

OFF

HIP HOP FAMILY TREE

Alors

— : d’Ed Piskor (Papa Guédé, 112 p.) —

que la bande dessinée documentaire prolifère, très souvent portée par des esthétiques effacées sous leurs sujets, l’exubérance formelle de cette petite histoire du rap américain est un bol d’air frais. Ed Piskor est un fan de la première heure, et chaque case – ou presque – exprime cet amour. Généreux, le dessin et plus encore la mise en scène débordent d’inventivité et rendent hommage aux grands classiques de la BD américaine, super-héros et Mad Magazine en tête. D’où un style, un peu maniéré mais très agréable, qui confère au récit un souffle parfaitement adapté au portrait de cette scène musicale. Les origines du rap à nos jours sont retracées avec précision dans cette série prévue sur six volumes. Ed Piskor est en effet en contact avec la plupart des fondateurs historiques et recoupe les témoignages avec sérieux – la série télé The Get Down a d’ailleurs largement puisé dans cette manne d’informations inédites. Jouissif et édifiant, Hip Hop Familly Tree est un objet inclassable qui réussit à conjuguer travail journalistique de premier plan et excentricité plastique. Une gageure. • STÉPHANE BEAUJEAN 126


Je ne suis pas fou. Je suis 100% coupable.

© 2016 Éditions Soleil

No Body – Saison 1 Épisode 1 LA PREMIÈRE SÉRIE D’ANTHOLOGIE EN ROMAN GRAPHIQUE PAR L’AUTEUR DES ADAPTATIONS DE “SHUTTER ISLAND” ET “AU REVOIR LÀ-HAUT”.

DISPONIBLE AU RAYON BD

Le générique de la série, réalisé par l’auteur


mk2 SUR SON 31 JEUDI 10 NOV. UNE HISTOIRE DE L’ART « Les Primitifs italiens : Cimabue, Giotto, Duccio. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

LUNDI 14 NOV. LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Qu’est-ce que vieillir ? »

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

VENDREDI 18 NOV. RENCONTRE-DÉDICACE Avec Samuel Hercule et Métilde Weyergans à l’occasion de la sortie du livre Blanche-Neige ou la Chute du mur de Berlin (éd. La ville brûle).

: mk2 Quai de Loire à 19 h

SAMEDI 19 NOV. UNE HISTOIRE DE L’ART « La naissance des abstractions. »

: mk2 Odéon (côté St Michel) PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « La face cachée du pouvoir, le temps des grands cardinaux. »

: mk2 Grand Palais à 20 h

MARDI 15 NOV. CONNAISSANCE DU MONDE « Islande. »

: mk2 Nation à 14 h

UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Le cinéma japonais : des sabres, des geishas, du saké. » Projection du Goût du saké de Yasujirō Ozu.

: mk2 Odéon (côté St Michel)

à 11 h

VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « Que se cache-t-il dans le monde minuscule ? »

: mk2 Quai de Loire à 11 h

LUNDI 21 NOV. LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « La National Gallery de Washington. »

: mk2 Nation

: mk2 Quai de Seine à 20 h

JEUDI 17 NOV. NOS ATELIERS PHOTO ET VIDÉO « La gestion de la lumière. » Apprenez à composer avec la lumière et à soigner vos expositions. Familiarisez-vous avec les basses lumières comme avec les hautes, avec la photo de nuit, le mode HDR…

: mk2 Bibliothèque à 19 h 30

UNE HISTOIRE DE L’ART « Le Quattrocento à Florence : Donatello, Masaccio, Fra Angelico. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

RENCONTRE-DÉDICACE « Avec Camille Louzon à l’occasion de la sortie de L’Animagier (L’Agrume). »

: mk2 Quai de Loire à 16 h 30

JEUDI 24 NOV. UNE HISTOIRE DE L’ART « Le temps des génies : Vinci, Raphaël. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

SAMEDI 26 NOV. UNE HISTOIRE DE L’ART « Marcel Duchamp l’inclassable. »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 11 h

LUNDI 28 NOV. LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « L’infini existe-t-il ? » Avec Christophe Galfard, auteur de L’Univers à portée de main (Flammarion).

: mk2 Odéon (côté St Germain)

à 12 h 30

à 18 h 30

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « De quoi rire nous libère-t-il ? »

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

à 20 h

SOIRÉE BREF Programmation thématique autour d’un court métrage de Cédric Klapisch.

MERCREDI 23 NOV.

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Noblesse oblige, les plus beaux hôtels particuliers parisiens. »

: mk2 Grand Palais

LÀ OÙ VA LE CINÉMA. À LA DÉCOUVERTE DES ARTISTES DU FRESNOY « Imaginaire de la ville. » Hee Won Lee, João Vieira Torres, Arash Nassiri, Anri Sala, Peter Downsbrough, Zhenchen Liu.

: mk2 Beaubourg à 20 h

à 20 h

HISTOIRE DE L’OPÉRA « L’âge d’or de l’opéra italien : de Rossini à Puccini. »

: mk2 Bastille à 20 h

LES RENDEZ-VOUS DES DOCS Projection d’Orlando ferito de Vincent Dieutre.

: mk2 Quai de Loire

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Luxe et vanité, le Paris du Roi-Soleil. »

: mk2 Grand Palais à 20 h

MARDI 29 NOV. UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « La comédie, juste pour rire. »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

à 20 h

MARDI 22 NOV. UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « La science-fiction : le monde de demain en Technicolor. »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

SOIRÉE PREMIERS PAS Maladie de Paul Vecchiali, Il est des nôtres de Jean-Christophe Meurisse, Courir de Maud Alpi, La Traversée de l’Atlantique à la rame de Jean-François Laguionie.

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

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mk2 SUR SON 31 JEUDI 1ER DÉC.

LUNDI 5 DÉC.

UNE HISTOIRE DE L’ART « La Renaissance française : l’école de Fontainebleau. »

LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « Le Rijksmuseum d’Amsterdam. »

CONNAISSANCE DU MONDE « Birmanie. »

: mk2 Beaubourg

: mk2 Nation

à 14 h

à 20 h

à 12 h 30

CINÉ-JAM D’EDGAR SEKLOKA Charlot musicien de Charlie Chaplin, avec Radikal MC.

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « La solitude, enfermement ou libération ? »

: mk2 Gambetta

: mk2 Odéon (côté St Germain)

à 20 h

MARDI 6 DÉC. : mk2 Nation

UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Le dessin animé, c’est que pour les enfants ! » Projection de Des idiots et des anges de Bill Plympton.

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

à 18 h 30

SAMEDI 3 DÉC.

HISTOIRE DE L’OPÉRA « Lumière sur La Traviata de Verdi. »

UNE HISTOIRE DE L’ART « Entre provocation et humour : Dada. »

: mk2 Bastille

: mk2 Odéon (côté St Michel)

à 20 h

à 11 h

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Lumières sur le Paris de Voltaire. »

DIMANCHE 4 DÉC. AVANT-PREMIÈRE Norm de Trevor Wall.

: mk2 Grand Palais à 20 h

: mk2 Bibliothèque

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à 11 h

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PARIS COURTS DEVANT Du

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MK2 Bibliothèque / BnF 29 nov. › 6 déc. 2016 Festival International de Courts Métrages www.courtsdevant.com

— : du 29 novembre au 6 décembre au mk2 Bibliothèque et au mk2 Bibliothèque (entrée BnF) / www.courtsdevant.com

29 novembre au 6 décembre, le festival international Paris Courts Devant, consacré au court métrage, prend ses quartiers au mk2 Bibliothèque, au mk2 Bibliothèque (entrée BnF) et à la Bibliothèque Nationale de France. Au programme de cette douzième édition : des rencontres avec les équipes des films sous le chapiteau dressé pour l’occasion sur l’esplanade, des lectures publiques de scénarios, et bien évidemment des projections, abondantes et éclectiques (animation, fiction, documentaire, mais aussi web-série et œuvres transmédia). On se réjouit de découvrir, notamment, le nouveau court métrage d’Hubert Viel, Le Féminisme médiéval expliqué aux enfants (2016), mais aussi Réveiller les morts (2015) de Morgan Simon, avec Kévin Azaïs, ou encore L’Enfance d’un chef (2016) d’Antoine de Bary, Prix Canal+ du court métrage à la Semaine de la critique du dernier Festival de Cannes. Autres festivités en perspectives : une carte blanche confiée à Houda Benyamina, réalisatrice du puissant Divines ; un focus sur les courts métrages belges ; et un ciné-concert pour la soirée d’ouverture. • MARILOU DUPONCHEL

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mk2 SUR SON 31

© D. R.

FESTIVAL CHÉRIES-CHÉRIS

Hustler White de Bruce LaBruce et Rick Castro, 1996

Pour

sa vingt-deuxième édition, le festival Chéries-Chéris fait le pari de la maturité en se penchant sur l’histoire des luttes LGBT. L’objectif : faire réfléchir sur le sens de l’engagement aujourd’hui, en revenant sur les combats passés à travers vingt longs métrages en compétition et des soirées spéciales. Parmi cellesci, une carte blanche est confiée à Lionel Soukaz, figure du cinéma underground des années 1970. Le réalisateur a choisi de montrer Guy and Co (2015), film coréalisé avec René Schérer, sur Guy Hocquenghem, fondateur du FHAR (Front homosexuel d’action révolutionnaire). Sébastien Lifshitz présente quant à lui en compétition son documentaire Les Vies de Thérèse (2016), portrait bouleversant de la militante féministe Thérèse Clerc, décédée au début de l’année. Le radical Bruce LaBruce, qui lui aussi a réfléchi sur le combat minoritaire (en critiquant les franges bourgeoises et assimilationnistes du mouvement

gay dans ses films pornos queer), est invité pour une rétrospective de ses trois premiers films ainsi qu’une master class. Ces œuvres et ces cinéastes très politiques sont garants d’une mémoire LGBT qui doit inspirer et faire avancer les débats contemporains. Selon le président du festival, Cyril Legann, il faut encore se battre pour plus de visibilité à l’écran, surtout en France. « Il faut savoir que très peu de films français nous ont été proposés pour la compétition. Les producteurs, les régions qui garantissent des aides, ou les télévisions : tous craignent encore d’aborder ces thématiques. » Chéries-Chéris entre dans la force de l’âge et reste tout aussi utile et vigoureux qu’au temps de son éclosion. • QUENTIN GROSSET

— : du 15 au 22 novembre au MK2 Beaubourg et au MK2 Quai de Loire

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© UNE COPRODUCTION ROUMANIE - FRANCE - BELGIQUE 2016. CRÉDITS NON CONTRACTUELS.

07

DÉC

CRISTIAN MUNGIU

ÉCRIT ET RÉALISÉ PAR



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