AVR. 2017 NO 1 50 GRATUIT
GET OUT
DE JORDAN PEELE LE RACISME EN HORREUR
ÉDITO Ressort
classique du cinéma d’horreur, l’impératif vital de rester éveillé, de ne pas fermer les yeux, a été bien digéré par le très cinéphile réalisateur de Get Out, Jordan Peele : pour Chris, jeune homme noir venu passer le week-end chez les parents de sa petite amie blanche, et qui s’y trouve au centre de tous les regards, il s’agit de rester lucide, malgré une séance d’hypnose forcée. Mais ce brillant thriller horrifique, qui travaille le motif du regard de multiples manières, s’avance aussi comme un encouragement à rester clairvoyant face au terrible monstre qui, tapi dans l’ombre de sociétés contemporaines assoupies, menace toujours : le racisme. Contrepoint parfait, le documentaire de Raoul Peck, I Am Not Your Negro, reconstitue quant à lui, dans une forme organique et au rythme de la prose sublime de l’écrivain James Baldwin, l’histoire des Afro-Américains et la façon dont le cinéma hollywoodien les a instrumentalisés. De l’esclavage à la ségrégation et aux violences policières, c’est une histoire d’une infinie violence qui est aussi, comme le souligne Baldwin, « l’histoire de l’Amérique ». Deux films décisifs à l’heure où l’Amérique d’Obama a fait place à celle de Trump, que l’on a rassemblés dans un épais dossier à lire page 28. • JULIETTE REITZER
"SUBLIME" "FORMIDABLE" PREMIÈRE
★★★ ROLLING STONE
CHRISTOPHE MAZODIER
PRÉSENTE
ROMAIN DURIS
CÉLINE SALLETTE
GRÉGORY GADEBOIS
CESSEZ-LE-FEU UN FILM DE
LE 19 AVRIL JULIE-MARIE PARMENTIER MARYVONNE SCHILTZ WABINLÉ NABIÉ
www.histoire.presse.fr
© PHO PHOTO PHOT HOTO OT : YAN YANN MARIT YA M MARI AUD AUD D
EMMANUEL COURCOL
POPCORN
P. 8 RÈGLE DE TROIS : LÉONORA MIANO • P. 16 LE FILM-TRACT : L’ÉVEIL DE LA PERMACULTURE • P. 20 LA NOUVELLE : YARA PILARTZ
BOBINES
P. 28 EN COUVERTURE : GET OUT & I AM NOT YOUR NEGRO P. 46 PORTRAIT : SUZAN PITT • P. 50 PORTFOLIO : RICHARD KERN
ZOOM ZOOM
P. 62 THE YOUNG LADY • P. 64 RETOUR À FORBACH P. 68 EMILY DICKINSON
COUL’ KIDS
P. 84 L’INTERVIEW D’ANNA MEI : LA STYLISTE LAETITIA IVANEZ P. 88 TOUT DOUX LISTE • P. 89 FAIS TON CINÉMA : SABLÉS CLAP
OFF
P. 94 SPECTACLES : L’AMICALE DE PRODUCTION • P. 104 SONS : TIMBER TIMBRE • P.108 JEUX VIDÉO : ZELDA. BREATH OF THE WILD
ÉDITEUR MK2 AGENCY — 55, RUE TRAVERSIÈRE, PARIS XIIE — TÉL. 01 44 67 30 00 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ELISHA.KARMITZ@MK2.COM | RÉDACTRICE EN CHEF : JULIETTE.REITZER@MK2.COM RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE : RAPHAELLE.SIMON@MK2.COM | RÉDACTEURS : QUENTIN.GROSSET@MK2.COM, TIME.ZOPPE@MK2.COM DIRECTION ARTISTIQUE : KELH & JULIEN PHAM (contact@kelh.fr / julien@phamilyfirst.com) | GRAPHISTE : JÉRÉMIE LEROY COORDINATION IMAGE : ALICE.LEMOIGNE@MK2.COM | SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : VINCENT TARRIÈRE | STAGIAIRES : OLIVIER MARLAS, JOSÉPHINE LEROY | ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : CHRIS BENEY, HENDY BICAISE, LOUIS BLANCHOT, LILY BLOOM, COLINE CLAVAUD-MÉGEVAND, RENAN CROS, JULIEN DOKHAN, MARIE FANTOZZI, YANN FRANÇOIS, AÏNHOA JEAN-CALMETTES, RAMSÈS KEFI, VLADIMIR LECOINTRE, GRÉGORY LEDERGUE, STÉPHANE MÉJANÈS, JÉRÔME MOMCILOVIC, WILFRIED PARIS, MICHAËL PATIN, JULIEN PHAM, POULETTE MAGIQUE, BERNARD QUIRINY, CÉCILE ROSEVAIGUE, ÉRIC VERNAY, ANNE-LOU VICENTE, MÉLANIE WANGA, HERMINE WURM, ETAÏNN ZWER & ANNA MEI PHOTOGRAPHES : ROMAIN GUITTET, PALOMA PINEDA | ILLUSTRATEURS : PABLO COTS, SAMUEL ECKERT, PABLO GRAND MOURCEL, JEAN JULLIEN, ÉMILIE SETO, PIERRE THYSS | PUBLICITÉ | DIRECTRICE COMMERCIALE : EMMANUELLE.FORTUNATO@MK2.COM RESPONSABLE DE LA RÉGIE PUBLICITAIRE : STEPHANIE.LAROQUE@MK2.COM | CHEF DE PROJET CINÉMA ET MARQUES : CAROLINE.DESROCHES@MK2.COM | RESPONSABLE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : ESTELLE.SAVARIAUX@MK2.COM CHEF DE PROJET CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : FLORENT.OTT@MK2.COM TROISCOULEURS EST DISTRIBUÉ DANS LE RÉSEAU LE CRIEUR contact@lecrieurparis.com © 2017 TROISCOULEURS — ISSN 1633-2083 / DÉPÔT LÉGAL QUATRIÈME TRIMESTRE 2006 — TOUTE REPRODUCTION, MÊME PARTIELLE, DE TEXTES, PHOTOS ET ILLUSTRATIONS PUBLIÉS PAR MK2 AGENCY EST INTERDITE SANS L’ACCORD DE L’AUTEUR ET DE L’ÉDITEUR. — MAGAZINE GRATUIT. NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE.
INFOS GRAPHIQUES
Si
MARS ET C
IE
on vous dit martien, vous pensez petit bonhomme vert à la tête en amande et aux yeux géants. Le septième art a pourtant proposé bon nombre d’autres possibilités. En attendant de découvrir ce qui attend les héros de Life. Origine inconnue de Daniel Espinosa (sortie le 19 avril) à leur arrivée sur la planète rouge, petit bestiaire de nos créatures martiennes préférées. • HENDY BICAISE — ILLUSTRATION : JÉRÉMIE LEROY
Une femme à trois seins dans Total Recall (Paul Verhoeven, 1990)
Des patates, cultivées par Matt Damon dans Seul sur Mars (Ridley Scott, 2015)
Une horde de hardos possédés dans Ghosts of Mars (John Carpenter, 2001)
De grands hommes verts dans John Carter (Andrew Stanton, 2012)
Les ancêtres des Terriens dans Mission to Mars (Brian De Palma, 2002)
Le Dr Manhattan, demi-dieu incompris dans Watchmen. Les gardiens (Zack Snyder, 2009)
ÉMOPITCH
TUNNEL DE KIM SEONG-HUN (SORTIE LE 3 MAI, LIRE P. 81) 6
PISSARRO
«L LE E PREMIER PR E M IE R D DES ES IIMPRESSIONNISTES M P R E S S I O N N I S TE S »
C.Pissarro, Jeune Fille à la baguette, dit aussi La Bergère, 1881, Photo © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) ay) aay yy)) / H He Hervé erv eer rrvvé Lewandowski Lew LLe eew wan andow ando aand ndow ndo nnd dow ddo oow w ssk ski kkii
Musée Marmottan Monet 23 février 02 juillet
2, rue Louis-Boilly 75016 Paris Ligne 9 La Muette RER C Boulainvilliers
RÈGLE DE TROIS
LÉONORA MIANO Trois héroïnes de cinéma qui vous inspirent ? Nana Peazant dans Daughters of the Dust de Julie Dash, l’histoire d’une famille afro-américaine vivant sur une île au large de la Caroline du Sud. Elle a un rapport très fort à l’ancestralité qu’elle a transmis à sa descendance. Elle est un peu sorcière, un peu guérisseuse, sage et pleine d’amour. Ensuite, Cleopatra Jones dans le film éponyme. C’est une justicière, une femme noire qui terrasse les bandits, une figure extrêmement sexy et en même temps un peu virile. Et enfin Karmen dans Karmen Geï de Joseph Gaï Ramaka. On est dans une prison de femmes sur l’île de Gorée, et Karmen est une femme très libre et un peu sulfureuse qui fait du gringue à la directrice de la prison, et qui réussit à la mettre dans son lit. Les trois films qui décrivent le mieux les mécanismes de la violence ? Dans la chaleur de la nuit de Norman Jewison, un très
grand film qui travaille la question raciale aux États-Unis. Mississippi Burning d’Alan Parker. À l’époque, le travail du réalisateur sur la violence raciste était non seulement courageux mais d’une grande profondeur. Et Amok de Souheil Ben Barka, une adaptation du roman Pleure, ô pays bien-aimé d’Alan Paton, un écrivain sud-africain blanc. C’est un film totalement méconnu en France, alors qu’en Afrique c’est un grand classique, le premier film qui montrait la vie des gens dans le contexte de l’apartheid. Le film que vous avez vu trois fois ou plus ? Young Soul Rebels d’Isaac Julien. Je l’ai vu en 1991, alors que je venais d’arriver en France. On y voit deux amis, l’un homo et blanc, l’autre noir, qui vivent dans une Angleterre encore très puritaine et cherchent tout simplement un peu d’air. Mais j’aurais pu choisir La Prisonnière du désert de
© JF PAGA
Alors que vient de paraître le tome 2 de son Crépuscule du tourment, l’auteure franco-camerounaise des ravageurs et puissants Contours du jour qui vient (prix Goncourt des lycéens en 2006) et La Saison de l’ombre (prix Femina en 2013) nous parle de ses films de chevet. John Ford, que j’ai vu plein de fois quand j’étais petite parce que mon père aimait beaucoup les westerns et qu’on s’est mangés tous les westerns de la Terre – ce qui est une grande curiosité quand on grandit au Cameroun, quand même. L’acteur ou actrice qui vous faisait fantasmer à 13 ans ? Ah non, à 13 ans, moi, je fantasmais plus sur des chanteurs ! Mais il y a un personnage qui m’a beaucoup marquée, et que j’aime toujours beaucoup, celui joué par Julie Andrews dans Victor Victoria de Blake Edwards. Elle est chanteuse et elle ne trouve pas de travail ; il faut qu’elle se fasse passer pour un homme pour pouvoir exercer son métier. Toute cette histoire de travestissement donne un petit peu de piquant au personnage. C’est un très bon souvenir de cinéma que j’ai gardé de l’enfance. • PROPOS RECUEILLIS PAR JULIETTE REITZER
— : « Crépuscule du tourment 2 » de Léonora Miano (Grasset, 320 p.)
— 8
LE BRAS CASSÉ
LIBERTÉ, ÉGALITÉ, V.O.S.T. Chaque mois, les aventures d’un bras cassé du ciné. Au boulot, Sébaste, ton collègue, raille ces gens qui consomment encore les séries américaines avec le doublage en français. Il insiste, sans savoir que tu fais partie des déviants. Stress. Ton torse s’humidifie, tes yeux se ferment. Flash-back. Il y a une semaine à peine, tu t’es pris la tête avec un pote, à qui tu venais d’emprunter un disque dur pour mater Prison Break (nostalgie lycéenne). — [Toi] Il y a des sous-titres partout, c’est pas français… — [Lui] C’est Prison Break, pas « Évasion de la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy ». Tu lâches un sourire à Sébaste, en ne montrant qu’une seule dent, comme un communiste biélorusse le ferait dans un meeting de Macron. Pour être sûr de ne pas te griller, tu fais même du zèle : « Liberté, égalité, V.O.S.T. » – avec l’index vers le ciel. Destin d’attardé :
sans VF, tu es paumé. En substance, tu veux que des héros anglo-saxons parlent avec l’accent des Yvelines. Dans le cas contraire, tu décroches. Ta copine est formelle : l’excès de séries B en VF dans ton enfance t’a tué – celles dans lesquelles le policier neutralise un violeur dans un bois en lui jetant sa matraque à travers des baies, celles où il est possible de forcer un coffre avec une noisette de Nivea. Certains intimes ramènent plutôt ça à ton père, bousillé aux séries d’antan aux doublages approximatifs. La légende dit qu’un soir il frotta le mur du salon avec la télécommande après un épisode de Sliders. Les mondes parallèles – « Il y a forcément une faille pour glisser dans l’autre monde. » Là où d’autres te parlent de streaming pour regarder des productions élaborées, toi tu te sers du web pour commander l’intégrale de L’Agence tous risques. • RAMSÈS KEFI ILLUSTRATION : PIERRE THYSS
ALAIN DELOIN
AGENT COMPTANT
POPCORN
© D. R.
ALLEMAGNE En 2004 disparaissait Marika Rökk, star du septième art dans l’Allemagne nazie… dont on vient d’apprendre qu’elle était aussi une espionne russe. Une révélation faite mi-février par le quotidien Bild qui a eu accès à des informations des services secrets allemands récemment déclassifiées. Née en 1913, Marika Rökk avait été révélée par la comédie musicale Leichte Kavallerie de Werner Hochbaum (1935). Elle avait alors attiré l’attention des dignitaires nazis, dont Adolf Hitler, et était devenue une icône de films de propagande – ce qui, après la guerre, lui avait valu deux ans d’interdiction de jouer. Impossible donc d’imaginer qu’elle servait l’ennemi… Sauf que, selon Bild, Rökk avait parallèlement été recrutée par son manager afin de travailler pour le NKVD, les renseignements soviétiques. Si on ignore précisément quels secrets l’actrice leur transmettait, on sait en revanche qu’elle était membre du réseau Krona qui rassemblait des informations sur les projets d’invasion du Troisième Reich par l’URSS – notamment l’opération Barbarossa en 1941, et la bataille de Koursk en 1943. On la soupçonne même d’avoir continué à jouer les agents doubles après avoir abandonné sa carrière d’actrice en 1951 pour ouvrir une boutique de tricot à Düsseldorf… Une vie digne d’un film ! • COLINE CLAVAUD-MÉGEVAND — ILLUSTRATION : JEAN JULLIEN
LEURRE DE GLOIRE OUZBÉKISTAN Morgan Freeman dans un film ouzbek ? C’était la promesse du blockbuster Daydi (« renégat »). Problème : si le comédien figurait en bonne place sur l’affiche et dans la bande-annonce, on ne trouvait, par contre, aucune trace de lui dans le film… Il s’avère que Timur Film, le studio de production, a tout simplement piqué des images de la star dans L’Honneur des guerriers de Kazuaki Kiriya (2015) et les a glissées dans les outils promo, espérant ainsi rameuter le public. Daydi a finalement été privé de diffusion pour publicité mensongère. • C. C.-M.
CENSURE PRISE MALAISIE Le réalisateur de La Belle et la Bête, Bill Condon, a affirmé que son film contenait « le premier moment gay » de l’histoire de Disney. Plutôt qu’une scène explicite, il s’agit d’allusions quant à l’orientation sexuelle du personnage LeFou. C’en fut trop pour certains : le Conseil de la censure de Malaisie (où l’homosexualité est illégale) a voulu couper une séquence de chant jugée gay par son directeur, avant de se raviser face au tollé suscité. La Russie, de son côté, a réussi à faire pire en interdisant le nouveau Disney au moins de 16 ans. • C. C.-M.
10
PAR LE RÉALISATEUR DE
TEL PÈRE, TEL FILS ET NOTRE PETITE SŒUR
"UN FILM INTIME ET BEAU" LIBÉRATION
"FORMIDABLE" "SUBLIME" POSITIF
LE MONDE
APRÈS LA TEMPÊTE un film de KOREEDA HIROKAZU
AU CINÉMA LE 26 AVRIL
SCÈNE CULTE
L’INVASION DES PROFANATEURS
POPCORN
« Il y a des fleurs, les enfants. Allez les cueillir »
Ce
imprécises – de leur planète à la nôtre. En quelques plans expérimentaux mais limpides, on les voit décoller sur un fond caverneux, flotter à travers l’espace, entrer dans un vortex, contempler la Terre puis se mêler à la pluie qui tombe sur San Francisco. Les plans suivants s’attardent sur des plantes qui ruissellent, jusqu’à l’éclosion sur l’une d’elles du discret parasite. La caméra panote jusqu’à une femme qui cueille une fleur, repart dans son sillage tandis qu’elle la porte à son nez, puis suit à contresens une maîtresse d’école au regard étrange. « Il y a des fleurs, les enfants. Allez les cueillir. » En moins de deux minutes, on a intégré le programme redoutable de ce film d’angoisse sur l’angoisse, dans lequel la menace, invisible et insidieuse, se propage parmi les humains comme une mauvaise herbe. • MICHAËL PATIN
n’est pas fréquent qu’un même livre soit à l’origine de deux très grands films. C’est le cas de L’Invasion des profanateurs de Jack Finney, adapté au cinéma avec succès par Don Siegel en 1956 et par Philip Kaufman en 1978 – avant d’être moins bien traité par Abel Ferrara en 1993. Amateurs de fantastique et de science-fiction pour adultes, vous qui souffrez du règne des figurines Marvel et des leçons de métaphysique pour les nuls, ne manquez pas la réédition en Blu-ray de la version de Kaufman, dont la forme hallucinatoire et le ton ambigu sont les promesses de sensations inconfortables. L’histoire est connue : un groupe de personnages prend conscience que les humains sont peu à peu remplacés par des doubles dénués de sentiments après avoir été en contact avec une fleur extraterrestre. Pour nous faire gober ce scénario et diffuser sa sinueuse frousse, le réalisateur compose un générique durant lequel on suit le voyage des aliens – sortes de spores aux formes
— : « L’Invasion des profanateurs » de Philip Kaufman (1978)
—
12
E R U T LEC
E R U T L CU
C’EST ARRIVÉ DEMAIN
POPCORN
2111
L’ANNÉE OÙ L’ON PIQUA BUGS BUNNY
En
invulnérables, excessives en tout, elles avaient rapidement fini par sauter des toits des immeubles, s’entarter sur la voie publique, rouler à contresens sur l’autoroute ou se taper les uns les autres sur la tête avec des marteaux géants. Face à l’anarchie croissante, Hollywood prit la décision d’euthanasier ces bêtes. Pendant que les antispécistes se mobilisaient pour défendre les droits des toons, des charniers colorés se formaient à Los Angeles, dans une bonne humeur revigorante. Les médecins qui avaient piqué Bugs Bunny étaient hilares. Les larmes aux yeux, ils ne se lassaient pas de célébrer l’à-propos de l’ultime réplique du lapin sur le billard : « Quoi de neuf, docteur ? » • CHRIS BENEY — ILLUSTRATION : PIERRE THYSS
direct de l’avenir, retour sur l’épisode le plus douloureux et hilarant de l’histoire des toons. On avait cru à un poisson d’avril. En réalité, c’était un miracle. De Bugs Bunny à Daffy Duck, en passant par Titi et Grosminet, les toons avaient pris vie. Heureux comme des bambins, les vieillards répétaient que ça leur rappelait ce film avec le lapin et la rousse incendiaire – dont ils étaient incapables de se rappeler le titre. Les personnes raisonnables, elles, ne cachaient pas leur surprise d’apprendre qu’il s’agissait là d’un miracle, persuadées qu’elles étaient que Taz et Speedy Gonzales vivaient comme vous et moi… Ravis ou blasés, les gens s’intéressèrent surtout à ces nouvelles créatures lorsqu’elles firent la une des tabloïds. Incontrôlables,
REWIND
AVRIL 1987 C’est la toute première apparition de la famille Simpson, dans un court métrage intitulé Good Night diffusé sur la chaîne Fox. Sollicité par la chaîne pour adapter son comics sur des lapins philosophes Life in Hell à la télé, Matt Groening a préféré proposer une satire sur la famille américaine. Les personnages, très grossièrement dessinés dans ce premier épisode de deux minutes, y portent les noms des membres de sa propre famille. Trente ans plus tard, on en est à vingt-huit saisons et six cent dix-huit épisodes. • Q. G.
14
LE FILM-TRACT FILM-TRACT
L’ÉVEIL DE LA PERMACULTURE Alarmé par la crise écologique, Adrien Bellay tente, avec ce documentaire militant et pédagogique, d’éveiller le babos qui sommeille en nous en prônant la permaculture, un système fondé sur l’agriculture bio qui vise à vivre en autonomie et en harmonie avec la nature.
LE PROGRAMME EN TROIS POINTS : REPRENDRE RACINE
FAIRE UN DESSIN
PUISER DANS LE PASSÉ
Parmi la riche collection de portraits que déroule le film, plusieurs ex-Parisiens ayant cédé à l’appel de la nature. Heureux élèves en permaculture à la campagne, ils apprennent à optimiser espaces de vie et de culture pour économiser les ressources.
Ce n’est pas parce qu’il s’inspire d’écosystèmes naturels que le principe de la permaculture est simple à comprendre : des animations soignées expliquent, par exemple, comment créer une synergie entre plantes et animaux nécessitant très peu d’eau et d’intervention humaine.
Si on nous dit en préambule que toutes les civilisations disparues ont à un moment donné épuisé leurs ressources, le film montre tout de même bien que c’est en creusant dans l’histoire des humains et de la terre que l’on peut trouver les bons plans écolos de demain.
TAUX D’ADHÉSION
85 %
Classique dans sa mise en scène, le documentaire mise tout sur la défense de cette révolution autoproclamée, fort d’un attirail pédagogique efficace – voix off, schémas, interviews éclairantes de fervents convertis. Un enthousiasme communicatif qui donne envie d’aller se bâtir une maison en terre cuite dans la Creuse, ou, a minima, de commencer par cultiver son jardin selon ces principes bourrés de bon sens. • TIMÉ ZOPPÉ
16
— : d’Adrien Bellay Destiny Films (1 h 22) Sortie le 19 avril
—
py ra m i d e
un film de
présente
John Trengove
UN SUJET TABOU UN FILM CHOC VENU D’AFRIQUE DU SUD
URUCU MEDIA AVEC LE SOUTIEN DE THE DEPARTMENT OF TRADE AND INDUSTRY OF SOUTH AFRICA, FILMFÖRDERUNG HAMBURG SCHLESWIG-HOLSTEIN, TORINO FILM LAB / CREATIVE EUROPE / AUDIENCE DESIGN, FUND HUBERT BALS FUND OF THE INTERNATIONAL FILM FESTIVAL ROTTERDAM NFF+HBF NETHERLANDS FILM FUND - HUBERT BALS FUND CO-PRODUCTION SCHEMEWORLD CINEMA FUND EUROPE JOHN TRENGOVE, THANDO MGQOLOZANA, MALUSI BENGU CO-PRODUCTEURS MICHAEL ECKELT, TRENT, CLAUDIA TRONNIER, OLAF GRUNNERT, BJÖRN KOLL, MARIE DUBAS, ERIC LAGESSE, BATANA VUNDLA, BIANCA ISAAC PRODUCTEURS ELIAS RIBEIRO & CAIT PANSERGROUW D’APRES UNE IDEE ORIGINALE DE JOHN TRENGOVE & BATANA VUNDLA REALISE PAR JOHN TRENGOVE DISTRIBUTION FRANCE ET VENTES INTERNATIONALES PYRAMIDE
EN ASSOCIATION AVEC THE NATIONAL FILM AND VIDEO FOUNDATION OF SOUTH AFRICA PRESENTE “INXEBA” NAKHANE TOURE, BONGILE MANTSAI & NIZA JAY NCOYINI CASTING CAIT PANSEGROUW MUSIQUE JOÃO ORECCHIA SON MATTHEW JAMES MONTAGE MATTHEW SWANEPOEL IMAGE PAUL OZGUR SCENARIO
AU CINÉMA LE 19 AVRIL
LE NOUVEAU
POPCORN
VINCENT POUPLARD
— : « Pas comme des loups » de Vincent Pouplard Vendredi (59 min) Sortie le 12 avril
—
La
douceur et le regard innocent de Vincent Pouplard cachent bien son penchant pour la marginalité. Dans son vibrant docu Pas comme des loups, le cinéaste angevin de 36 ans suit deux jeunes jumeaux squatteurs qui rappent, entretiennent leurs pecs et philosophent. « Au départ, ils voulaient me montrer leurs gros morceaux de shit. Ils ont vite compris que c’était pas le but… » Déjà, son premier court métrage documentaire, Le Silence de la carpe, plongée un peu morbide dans la pratique de l’apnée, ou son récent Hurry and Wait, chronique brute de la tournée d’un groupe de noise, évacuaient le sensationnalisme au profit du sensoriel. Bouleversé par La Rencontre d’Alain Cavalier à 17 ans, il s’inspire de sa méthode, filmant souvent seul, patiemment (Pas comme des loups s’est tourné sur cinq ans), sans souci du format final. Il a tout de même trois projets de longs métrages en écriture, dont un sur « la notion de minéralité et de pierre ». Vraiment, un cinéaste pas comme les autres. • TIMÉ ZOPPÉ — PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA 18
LA NOUVELLE
POPCORN
YARA PILARTZ
— : « La Belle Occasion » d’Isild Le Besco JHR Films (1 h 19) Sortie le 12 avril
—
Chevelure
rousse flamboyante, teint diaphane, pas décidé : difficile de ne pas la remarquer quand elle nous rejoint au café. Comme l’ado ressuscitée des Revenants, la série qui l’a révélée, Yara Pilartz semble venue d’un autre monde dans La Belle Occasion d’Isild Le Besco. Hypnotisante, elle y fait la rencontre d’étranges frère et sœur auprès de qui elle semble découvrir le monde – les hommes, la sexualité. Un personnage sans prénom, sans passé, et même sans voix. « J’étais hyper surprise de découvrir le montage : sur le tournage, j’avais plein de répliques ! » confie-t-elle, amusée, de son timbre enfantin. Un tournage expérimental et assez impudique (les scènes de sexe sont crues) qui n’a pas effrayé la Parisienne de 22 ans pour qui le cinéma reste un loisir (elle a commencé à 14 ans, dans 17 filles des sœurs Coulin, un peu par hasard). Fan de « cinéma qui fait voyager », l’étudiante en espagnol ambitionne de devenir interprète et rêve de tourner, un jour peut-être, avec Almodóvar. • RAPHAËLLE SIMON — PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA 20
MICHELE RAY-GAVRAS PRÉSENTE
A MON ÂGE JE ME CACHE ENCORE POUR FUMER I STILL HIDE TO SMOKE
Un film écrit et réalisé par RAYHANA
HIAM ABBASS FADILA BELKEBLA NADIA KACI NASSIMA BENCHICOU SARAH LAYSSAC MAYMOUNA LINA SOUALEM FAROUDJA AMAZIT
© RED CREATIVE / KOSTAS KALOGIROU
et avec la participation de
BIYOUNA dans le rôle de Aïcha
PRODUIT PAR MICHELE RAY-GAVRAS – FENIA COSSOVITSA – SALEM BRAHIMI / SCÉNARIO - MONTAGE RAYHANA / RÉGIE TATIANA VERBI / IMAGE OLYMPIA MYTILINAIOU GSC / DÉCORS MAGDALINI SIGA / SON MARIANNE ROUSSY-MOREAU AFSI, JÉRÔME GONTHIER, KAREN BLUM / MUSIQUE ORIGINALE ANNE-SOPHIE VERSNAEYEN / UNE COPRODUCTION France / Grèce / Algérie KG PRODUCTIONS – ARTE France Cinéma - BLONDE - BATTAM FILMS - EURIMAGES / AVEC LA PARTICIPATION DE LA RÉGION PACA, DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE ET DU CENTRE DU CINÉMA GREC ET AVEC LE SOUTIEN DE L’ANGOA / DISTRIBUTION LES FILMS DU LOSANGE MERCI À LAURENCE BOURDIL D’AVOIR DONNÉ L’AUTORISATION D’UTILISER LE CHANT LA PROCESSION DE L’ONCLE MAHMOUD DE TAOS AMROUCHE
LE 26 AVRIL
L’ILLUMINÉ
POPCORN
LE CASANOVA DE FELLINI VU PAR ÉMILIE SETO
Bigarrés
et foisonnants, les dessins d’Émilie Seto ont quelque chose de fabuleux et d’inquiétant, raccord avec l’univers de Federico Fellini à qui elle a choisi de rendre hommage pour notre carte blanche. « Son esthétique baroque et colorée a beaucoup d’influence sur mon travail. J’ai travaillé sur Photoshop avec une technique d’aplat très basique, parce que le film insiste sur l’aspect mécanique et machinal des performances sexuelles de Casanova, d’où découle un fort sentiment d’artificialité. » • R. S. (HTTP://CARGOCOLLECTIVE.COM/EMILIESETO) 22
I N S P I R É
D ' U N E
H I S T O I R E
V R A I E
PAR LE RÉALISATEUR DE PARADISE NOW ET OMAR
UN FILM DE HANY ABU-ASSAD
« LES ACTEURS SONT EXCELLENTS » AUFEMININ.COM « SUPERBE » LES FICHES DU CINÉMA « CAPTIVANT » VARIETY « TOUCHANT » AL HAYAT
« UNE HISTOIRE TRÈS ÉMOUVANTE » FEMME ACTUELLE
ALLER AU BOUT DE SON RÊVE
© 2015 IDOL FILM PRODUCTIONN LTD/MBC D/MB FZ LLC LC /KEYFILM/SEPT /KEYFI M/SEPTEMBER EMBER FILM. FILM. CRÉDITS CRÉDITS NON NON CONTRACTUEL CONTRACTUELSS
LE TEST PSYNÉPHILE
QUEL EST TON LEITMOTIV ?
En avril…
Quel est ton pire défaut ?
Ne te découvre pas d’un fil, ça peut vraiment mal tourner en mai.
Aucun, je suis parfait(e), je n’ai aucune conscience.
La vie ne tient qu’à un fil !
Je suis chauve, obsédé(e), calculateur(rice), taré(e), donc c’est difficile de choisir.
POPCORN
J’ai perdu le fil, on en est où là ? Quel texto pourrait te sortir du lit à 4 heures du mat’ ? « Bitch, bouge tes fesses. Alerte rouge, y a Matthew McConaughey au Macumba. »
Je suis là, je suis pas là. Quel morceau de David Bowie choisirais-tu pour ton enterrement ? « Velvet Goldmine »
« Tout est de la faute de l’androïde. » Aucun. À cette heure-là, tu fais des voyages astraux. Ton mantra matinal en clopant à la fenêtre :
« Life on Mars? » « Space Oddity » Si François Fillon était un personnage de film américain…
Sans amour, la vie passe en un éclair.
Tu le couperais au montage.
Dans l’espace, personne ne vous entend crier…
Tu te dirais que le mec qui l’a inventé est génial.
En général, si un truc a l’air trop beau pour être vrai, c’est que ça l’est.
Tu flipperais dès les premières secondes du générique.
SI TU AS UNE MAJORITÉ DE : TON LEITMOTIV, C’EST UNE CURIOSITÉ INCURABLE. Eh oui, même après une quantité délirante de sequels, prequels, pâles copies, requiems et autres résurrections, tu as encore envie de voir un Alien, c’est plus fort que toi ! Depuis 1979, tu te demandes quelles sont les origines de ces (putain) de xénomorphes et tu auras (enfin !) la réponse le 10 mai dans Alien. Covenant de Ridley Scott. Run!
CE QUI TE RÉVEILLE LE MATIN, C’EST L’ODEUR DE L’OR. Tu vas adorer Gold de Stephen Gaghan (sortie le 19 avril). Comme son personnage principal (Matthew McConaughey), tu es prêt(e) à partir au bout du monde dans une jungle hostile si tu sens qu’il y a de la thune à se faire. Gold, c’est le film fait pour toi, un dimanche de gueule de bois, quand ton DVD du Loup de Wall Street n’est plus dans son boîtier.
TON MOTEUR, C’EST LA SPIRITUALITÉ AVEC UN GRAND H. Va voir Voyage of Time. Au fil de la vie de Terrence Malick (sortie le 4 mai). Les trois retraités et les deux critiques de cinéma éparpillés dans la salle s’ennuieront ferme, mais pas toi, parce que, toi, tu ne t’ennuies jamais, tu voyages dans le temps et l’espace. Voyage of Time, c’est beau comme un coucher de soleil !
• LILY BLOOM — ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL 24
© PPHOTOOTOTTO : EDEDDY BRIÈR RIÈREE
THIBAULT DE MONTALEMBERT
PASCALE ARBILLOT
SARAH SUCO LOU ROY-LECOLLINET
SOPHIE DULAC DISTRIBUTION ET VELVET FILM PRÉSENTENT
É C R I T PA R
JAMES BALDWIN R É A L I S É PA R RAOUL PECK AVEC LES VOIX DE
SAMUEL L. JACKSON JOEYSTARR
RÉALISÉ PAR RAOUL PECK ÉCRIT PAR JAMES BALDWIN, RAOUL PECK AVEC LES VOIX DE SAMUEL L. JACKSON, JOEYSTARR PRODUCTEURS RÉMI GRELLETY, RAOUL PECK, HÉBERT PECK COPRODUCTEURS PATRICK QUINET, JOËLLE BERTOSSA AVEC LE SOUTIEN ET EN COLLABORATION AVEC LE JAMES BALDWIN ESTATE MONTAGE ALEXANDRA STRAUSS DIRECTEURS DE LA PHOTOGRAPHIE HENRY ADEBONOJO, BILL ROSS, TURNER ROSS GRAPHISTE MICHEL BLUSTEIN SON VALÉRIE LE DOCTE, DAVID GILLAIN COMPOSITEUR ALEXEI AIGUI DOCUMENTALISTE MARIE-HÉLÈNE BARBÉRIS ASSISTÉE DE NOLWENN GOUAULT ARTE FRANCE FABRICE PUCHAULT, ALEX SZALAT PRODUCTRICES EXÉCUTIVES POUR ITVS SALLY JO FIFER, LOIS VOSSEN PRODUCTRICE EXÉCUTIVE POUR NBPC LESLIE FIELDS-CRUZ PRODUIT PAR VELVET FILM (FRANCE), VELVET FILM, INC. (ETATS-UNIS), ARTÉMIS PRODUCTIONS (BELGIQUE), CLOSE UP FILMS (SUISSE) EN COPRODUCTION AVEC ARTE FRANCE, INDEPENDENT TELEVISION SERVICE (ITVS) AVEC DES FINANCEMENTS DU CORPORATION FOR PUBLIC BROADCASTING (CPB), RTS RADIO TÉLÉVISION SUISSE, RTBF (TÉLÉVISION BELGE), SHELTER PROD AVEC LE SOUTIEN DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE, MEDIA - PROGRAMME DE L’UNION EUROPÉENNE, SUNDANCE INSTITUTE DOCUMENTARY FILM PROGRAM, NATIONAL BLACK PROGRAMMING CONSORTIUM (NBPC), CINEREACH, PROCIREP - SOCIÉTÉ DES PRODUCTEURS, ANGOA, TAXSHELTER.BE, ING, TAX SHELTER DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL DE BELGIQUE, CINÉFOROM, LOTERIE ROMANDE VENTES INTERNATIONALES ICM PARTNERS, WIDE HOUSE DISTRIBUTION FRANCE SOPHIE DULAC DISTRIBUTION
PRIX DU PUBLIC TORONTO - BERLIN CHICAGO - HAMPTONS
/ IAmNotYourNegro # IAmNotYourNegro www.sddistribution.fr
MEILLEUR DOCUMENTAIRE PHILADELPHIA - LUXEMBOURG - DUBLIN LOS ANGELES - SAN FRANCISCO
N O M I N A T I O N
OSCAR
D O C U M E N T A I R E
AU CINÉMA LE 10 MAI
TRONCHES ET TRANCHES DE CINÉMA
BOBINES
EN COUVERTURE
DEVINE QUI V 28
BOBINES
EN COUVERTURE
Avec des ingrédients très différents – l’horreur a forte portée métaphorique pour Get Out de Jordan Peele, le documentaire historique et poétique pour I Am Not Your Negro de Raoul Peck –, deux films qui sortent ce printemps interrogent la place et l’histoire des Afro-Américains aux États-Unis, et leur représentation dans le cinéma. Deux films puissants sur le regard et sur la peur, qui invitent le sujet du racisme systémique à la table de l’Amérique de Trump.
29
© UNIVERSAL PICTURES
VIENT DÎNER
BOBINES
JORDAN PEELE
PEELE EN P
Connu pour sa carrière d’humoriste au sein du duo Key & Peele, Jordan Peele signe un premier long métrage aussi malin que terrifiant dans lequel Chris, un jeune homme noir, part à la campagne pour rencontrer les parents de sa petite amie blanche, Rose. Énorme succès aux États-Unis, Get Out fait résonner l’angoisse de son héros avec l’histoire douloureuse des Noirs américains – et leur place dans l’Amérique contemporaine. Par téléphone, il nous a parlé de ce brillant thriller horrifique et politique.
On dit toujours que c’est le personnage noir qui meurt en premier dans un film d’horreur… (Rires.) Oui, vous avez raison, il y a ce cliché du type noir qui est toujours le premier à mourir. C’est un peu exagéré, mais l’idée derrière tout ça c’est que, quand
vous regardez un film d’horreur avec cinq personnages, vous savez qu’ils vont sans doute tous y passer mais que le Noir en particulier ne fera pas long feu. Ce sera forcément le premier ou le deuxième à disparaître. Get Out était destiné à coller très fidèlement à la grille des fans de films d’horreur, mais en l’appliquant à un héros noir. Un film qui reflète la vision du monde des Noirs. Disons que l’enjeu du film était de donner la visibilité attendue depuis longtemps aux Noirs dans un genre cinématographique qui ne s’est pas intéressé à eux depuis La Nuit des morts-vivants de 30
George A. Romero [sorti en 1968 aux États-Unis, avec l’acteur afro-américain Duane Jones dans le rôle principal, ndlr]. Get Out est un thriller horrifique sur le racisme, mais il cible un racisme particulier : celui de gens qui, comme les parents de Rose, ont voté pour Obama et « adorent » les Noirs. C’est un racisme plus difficile à identifier et à combattre ? Oui, je pense que l’image qu’on a en tête spontanément quand on pense au racisme, c’est celle d’une haine pure. Mais il existe aussi une certaine fascination des Blancs pour la culture noire, les corps noirs, qui contribue à l’existence d’un racisme systémique. C’est une forme de racisme sournoise car elle nous aveugle, nous donne l’illusion que le racisme n’existe plus. Ce film a été fait précisément pour montrer que, si certains affirment adorer la culture noire, adorer les Noirs, cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas racistes, parfois même au contraire.
dévisagent, une employée de maison se met à loucher… Comment avez-vous travaillé ce motif ? C’est un sujet dont je pourrais parler des heures ! Ce qu’on voit et ce qu’on est empêché de voir : c’est vraiment un des thèmes centraux du film. Il y a bien sûr aussi ce vieil adage, « les yeux sont le miroir de l’âme », autour duquel le film pose beaucoup de questions. Où exactement finit l’âme ? Où commencent le cerveau et le corps ? Mais la question du regard est aussi importante dans ce qui est l’un des sujets principaux du film, l’attention non désirée : quand vous êtes dans une pièce bondée ou dans une fête et que quelqu’un vous dévisage, ou que tout un groupe se retourne pour vous fixer. C’est une angoisse assez universelle. Par son ancrage politique et son ton horrifique, le film rappelle certains thrillers paranoïaques des années 1970, comme L’Invasion des profanateurs de Philip Kaufman (lire p. 12). Quelles étaient vos influences ? J’adore L’Invasion des profanateurs, mais les deux films majeurs pour moi ont été
Le film travaille beaucoup la question du regard : les personnages s’épient, se
31
BOBINES
LEINE FACE
© UNIVERSAL PICTURES
EN COUVERTURE
Les Femmes de Stepford de Bryan Forbes et Rosemary’s Baby de Roman Polanski – tous deux adaptés de romans de l’écrivain américain Ira Levin. Ils partagent une façon très particulière de plonger dans l’horreur progressivement, comme dans une spirale. Ils prennent d’abord le temps d’installer un univers très réaliste, très banal, très crédible, avant de basculer. Ce réalisme est pour moi la grande qualité des Femmes de Stepford, et cela a notamment inspiré le comportement de Walter et Georgina [les deux employés de maison des parents de Rose, ndlr] dans Get Out. Que représente le film Rosemary’s Baby pour vous ? J’ai grandi dans l’Upper West Side [quartier de Manhattan, à New York, ndlr], pas loin du Dakota Building où a été tourné Rosemary’s Baby. Dans le film, il est dit que des générations d’adorateurs du diable s’y sont succédé, et cette mythologie imprègne les lieux. C’est aussi là que John Lennon vivait, et il a été assassiné devant l’immeuble, presque à l’endroit où, au début de Rosemary’s Baby, une femme se tue en se jetant d’une fenêtre. Bref, il y a tout un tas d’horreurs – réelles ou fantasmées – qui imprègnent cet endroit. C’est un très beau bâtiment néorenaissance qui donne sur Central Park, mais, gamin, il me faisait vraiment flipper : pour moi, c’était la maison hantée du quartier. Pouvez-vous citer vos trois films d’horreur préférés de tous les temps ? D’abord, Shining de Stanley Kubrick. Ensuite, Les Dents de la mer de Steven Spielberg. Et pour finir… eh bien, je vais dire Rosemary’s Baby.
Le point de départ de l’intrigue, c’est l’histoire d’amour entre Chris et Rose. Les scènes d’amour sont très réussies, elles dégagent beaucoup de tendresse et de complicité. Comment les avez-vous abordées ? Je savais dès le départ que l’histoire d’amour était une partie cruciale de l’histoire. Si le public n’y croit pas, il ne suit plus Chris dans ses décisions. C’était très important de trouver des acteurs investis, et j’ai eu la chance qu’il y ait une vraie alchimie naturelle entre Daniel Kaluuya et Allison Williams : ils ont le même sens de l’humour et, très tôt, l’histoire d’amour a semblé très réelle, solide. Pour qu’on y croie, il fallait aussi que leur histoire soit plus profonde qu’une simple attirance physique, sexuelle, il fallait qu’il y ait cette connexion mentale, cette complicité dans l’humour. Donc oui, on a accordé à la solidité de leur histoire d’amour autant d’importance, si ce n’est plus, qu’aux autres aspects du scénario. Il y a aussi de l’humour dans le film, notamment grâce au personnage de Chris, qui observe les événements avec distance et lucidité. Cette façon de regarder le monde avec sang-froid et ironie est aussi ce qui faisait la réussite comique des sketches de votre duo Key & Peele, très portés sur la parodie. Hmm… c’est intéressant. C’est vrai que j’ai fait beaucoup de parodies avec Key & Peele, mais je n’ai jamais envisagé Get Out comme une parodie ; davantage comme une satire. Pour moi, la raison pour laquelle Chris est un personnage qu’on aime et auquel on s’identifie, c’est qu’il semble réel. Il n’est pas comme les habituels héros de films d’horreur, qui ne réfléchissent
MIEUX VAUT EN RIRE © COMEDY CENTRAL
BOBINES
JORDAN PEELE
Avant Get Out, Jordan Peele s’est illustré comme la moitié de Key & Peele (avec Keagan-Michael Key). Diffusés sur Comedy Central entre 2012 et 2015, les près de trois cents sketches produits, écrits et joués par le duo sont autant de bijoux (visibles sur YouTube) dans lesquels l’humour, absurde et répétitif, cache souvent une cruelle satire sociale. Le racisme y est bien sûr régulièrement épinglé : morceaux choisis (difficilement). • J. R.
SEX WITH BLACK GUYS Bar à cocktails, lumière tamisée. Deux hommes noirs entendent la conversation de deux femmes blanches avinées. « T’as déjà couché avec un Noir ? — Non ! Mais j’adorerais ! » À mesure qu’elles piaffent des insanités (« les Noirs sont attentionnés… parce qu’ils ont grandi sans père »), les visages des deux héros expriment en alternance consternation… et espoir de tirer leur coup.
32
Daniel Kaluuya et Allison Williams
Simplement parce que ça fait partie de sa routine quotidienne.
SUBURBAN ZOMBIES Des zombies ont pris d’assaut une très américaine et très blanche banlieue pavillonnaire. Nos héros terrorisés, suivis caméra à l’épaule au son du grognement des monstres, s’aperçoivent que les morts-vivants ne les attaquent pas – au contraire, ils les évitent. Le soulagement fait place à l’incrédulité et à la colère : « These are some racists mother fucking zombies! »
© COMEDY CENTRAL
Dans un sketch de Key & Peele, vous imaginiez un brainstorming de film d’horreur dans lequel chacun donnait son avis sur ce qu’il convenait de faire. Avez-vous vécu une expérience de la sorte pour Get Out ? (Rires.) Non, Get Out a été une expérience fantastique, parce que la méthode de mon producteur, Blumhouse Productions, consiste à faire des films à petits budgets, mais
© COMEDY CENTRAL
pas beaucoup et se comportent souvent de façon irrationnelle. Lui se rend très vite compte que quelque chose cloche, et il est suffisamment intelligent et lucide pour, en tout cas on l’espère, agir en conséquence. Et aussi, de façon très réaliste… Eh bien il est Noir ; c’est-à-dire qu’il a parfaitement intégré l’expérience afro-américaine, donc il est naturellement méfiant, et quand les choses deviennent bizarres, ou que quelqu’un dit quelque chose de déplacé, il sait parfaitement analyser la situation et la désamorcer.
NEGROTOWN Dans le tout dernier sketch du duo, Key, embarqué sans raison par la police, prend un coup sur la tête et se retrouve projeté en pleine comédie musicale hollywoodienne, dans la ville merveilleuse de Negrotown. Un monde joyeux, inondé de soleil et de chansons, dans lequel vous pouvez par exemple « porter un sweat à capuche sans craindre de vous faire tirer dessus » ♫ .
33
BOBINES
© UNIVERSAL PICTURES
EN COUVERTURE
BOBINES
© UNIVERSAL PICTURES
JORDAN PEELE
Il existe une certaine fascination des Blancs pour la culture noire qui contribue à l’existence d’un racisme systémique. en accordant une confiance totale [et le final cut, lire p. 35, ndlr] à l’auteur-réalisateur. Donc je me suis épargné le traditionnel cauchemar des réalisateurs de films produits par des gros studios. À un moment du film, Chris subit une séance d’hypnose qui le projette dans un espace mental nommé « the sunken place » [on peut traduire « sunken » par « englouti », « vide », « creux », ndlr], un univers noir, clos et inquiétant. Comment l’avez-vous pensé ? Le sunken place est une construction de l’esprit dans laquelle Chris se retrouve prisonnier, et qui le renvoie à un traumatisme d’enfance, et à la culpabilité qu’il porte, car il pense qu’il aurait pu sauver sa mère, au lieu de quoi il est resté immobile, hypnotisé par la télévision. En écrivant cette scène, je me disais que ce lieu devait ressembler à la chose la plus terrifiante qui soit. Vous savez, quand vous êtes sur le point de vous endormir, que vous avez l’impression de tomber et que vous vous réveillez en sursaut ? Je me suis toujours demandé ce qu’il se passerait si vous ne vous réveilliez pas, si vous continuiez à tomber. C’était le point de départ. Puis je
suis arrivé à l’idée que le sunken place est en réalité comme une salle de cinéma très sombre. De là, comme un spectateur, Chris peut ressentir la peur, la douleur, il peut voir ce qui est en train de se passer, mais il ne peut pas intervenir sur les événements. Il est mis à l’écart de sa propre histoire, et ça, pour moi, c’est vraiment l’allégorie parfaite de la marginalisation des Afro-Américains, à la fois dans les films et dans la culture, mais aussi dans la société. C’est aussi une allégorie d’un sentiment que les Afro-Américains connaissent bien : celui d’être témoin d’horreurs sans pouvoir y faire quoi que ce soit. Vous avez beau crier, personne ne vous entend. • PROPOS RECUEILLIS PAR JULIETTE REITZER
— : « Get Out »
de Jordan Peele Universal Pictures (1 h 44) Sortie le 3 mai
—
34
GET RICH mars, avec 150 millions de dollars de recettes aux États-Unis (le chiffre est loin d’être définitif), Get Out, qui n’en a couté que cinq, devient le plus lucratif premier long métrage de l’histoire du cinéma américain, devant Le Projet Blair Witch. Derrière ce fulgurant succès financier se cache le producteur avisé Jason Blum, orfèvre d’autres gros succès comme Paranormal Activity, Whiplash ou encore les derniers M. Night Shyamalan. Dynamique quadra à la mâchoire volontaire, Jason Blum a commencé sa carrière dans la production en officiant pour le compte de majors. En 1998, alors qu’il est chargé des acquisitions pour Miramax, il manque de flair et passe à côté du Projet Blair Witch, qui sera finalement produit par d’autres pour 60 000 dollars – et en rapportera 248 millions. Blum retient la leçon. Après avoir fondé sa propre boîte, Blumhouse Productions, il croise en 2004 la route d’Oren Peli qui lui montre son film Paranormal Activity, tourné avec 15 000 dollars et voué à une sortie direct-to-DVD. Cette fois, le producteur saisit sa chance. Il fait distribuer le found footage par une major, la Paramount, et ramasse le pactole : plus de 193 millions de dollars au box-office mondial. En produisant les suites de Paranormal Activity, Jason Blum met au point sa règle d’or : ne pas dépasser 5 millions de dollars de budget, et négocier un intéressement sur les recettes pour toute l’équipe. « Ça met en danger, lance-t-il par téléphone, depuis son
bureau à Los Angeles, on prend des décisions plus osées quand il y a moins d’argent en jeu. Souvent, plus le budget est petit, plus le film est original. » S’il a été récompensé d’avoir misé sur l’outsider Whiplash de Damien Chazelle – et qu’il s’est vautré sur quelques romances et comédies –, c’est avec le cinéma d’horreur qu’il a trouvé sa poule aux œufs d’or, comme avec les franchises Insidious et American Nightmare. « Je pense que les films d’horreur sont plus efficaces quand il n’y a pas de grosses stars ni trop d’effets spéciaux. » En 2015, il produit The Visit, qui relance la carrière de M. Night Shyamalan. « On s’inspire du système français. On produit des films commerciaux à la manière de films d’auteur. Le réalisateur a un salaire minime, mais, en échange, il a le final cut, un contrôle artistique total. C’était notre seul espoir de convaincre des gens comme James Wan ou Shyamalan de bosser avec nous. » Méfiant à l’égard des novices, il a pourtant fait confiance à Jordan Peele. « Le scénario de Get Out était le plus original que j’avais jamais lu. » Quand on avance que l’incroyable succès du film aux États-Unis – le plus rentable de Blumhouse, avec le récent Split de Shyamalan – pourrait être lié au contexte politique, il s’enflamme : « On vit tous les jours dans un film d’horreur avec Trump ! La couleur de peau est devenue un sujet majeur ici, ça n’avait pas eu cette importance depuis quarante ans. Je trouve ça génial. » On sait maintenant comment faire fortune sur le dos de Donald. • TIMÉ ZOPPÉ
« Souvent, plus le budget est petit, plus le film est original. »
35
BOBINES
Fin
© UNIVERSAL PICTURES
EN COUVERTURE
LE CINÉMA PARANOÏAQUE
ATTENTION DERRIÈRE TOI ! Si Get Out est une telle réussite, c’est aussi parce que Jordan Peele connaît ses classiques. Cinéphile revendiqué, ce jeune réalisateur et humoriste américain ressuscite, avec son film d’horreur sur fond de racisme dans l’Amérique post-Obama, les grandes heures du cinéma paranoïaque des seventies. Retour sur un genre dans lequel la flippe est aussi philosophique que politique.
Phénomène
inattendu, Get Out a littéralement retourné le box-office américain. Produit par Jason Blum, le roi des films d’horreur économes et efficaces (lire p. 35), ce premier film sans star, réalisé par l’un des membres du duo comique Key & Peele – certes populaire outre-Atlantique, mais que l’on n’attendait pas là –, avait déjà « remboursé »
cinq fois son budget (moins de 5 millions de dollars) lors du premier week-end de son exploitation aux États-Unis. Face aux Goliath des superproductions américaines, le film propose une équation imparable : du pur divertissement, mais profondément politique et cathartique. Si l’Amérique s’est engouffrée en masse dans les salles pour découvrir ce qui se cache derrière cette histoire d’un 36
EN COUVERTURE
jeune Noir américain qui fait la rencontre des parents de sa petite amie blanche, c’est qu’elle cristallise les tensions et les interrogations du pays. L’Amérique de Black Lives Matter, du nom du mouvement né en 2013 après l’acquittement du meurtrier de Trayvon Martin, devenue en prime aujourd’hui l’Amérique de Trump, est au cœur du film de Jordan Peele. À l’instar du récent Moonlight (Barry Jenkins, 2017), mais aussi de 12 Years a Slave (Steve McQueen, 2014) ou de Selma (Ava DuVernay, 2015), le cinéma de l’ère Obama a beaucoup questionné, grâce à des œuvres résolument politiques, le sort tragique des Afro-Américains dans l’histoire, la culture et la société américaine. Tout aussi engagé, Peele utilise quant à lui un ingrédient imparable : le cinéma de genre.
DANS SA PEAU
Se contenter de définir Get Out comme un film d’horreur, ce serait manquer l’essentiel. Si le film s’amuse évidemment à nous faire sursauter, l’horreur qu’il provoque est beaucoup plus subtile, intellectuelle, et résonne de manière beaucoup plus forte avec notre rapport à l’époque que les autres récents films d’horreur à succès (Insidious et Conjuring. Les dossiers Warren de James Wan, par
exemple). Get Out est un film paranoïaque, au sens noble du terme. C’est-à-dire un film construit sur l’incertitude et le doute persistant, malgré les apparences, que quelque chose ne tourne pas rond. Où héros et spectateurs se font peut-être des films, à moins que… Avec Chris, on découvre ainsi la famille de Rose avec un soupçon d’a priori négatif – « est-ce qu’ils savent que je suis noir ? » lui demande-t-il, inquiet avant même la rencontre à l’idée d’affronter regards insistants et remarques gênantes. Une inquiétude qui ne le lâchera pas, une fois arrivé dans l’imposante demeure bourgeoise isolée en pleine campagne. Tout semble trop normal, trop joyeux. Quelque chose cloche, forcément. Habilement, la mise en scène nous invite à voir le monde à travers les yeux de Chris, et à relever avec lui le moindre détail – un verre qui déborde, un téléphone débranché, un jardinier trop souriant –, comme autant d’indices d’un dérèglement, tapi sous un calme apparent et très flippant. En positionnant ainsi la tension à la surface des choses, en réduisant au minimum les effets, Jordan Peele excite notre imaginaire. Difficile de discerner alors la frontière entre nos peurs, nos fantasmes et la réalité.
LES NÉVROSES DE L’AMÉRIQUE
Si la recette est efficace, c’est parce qu’elle a déjà fait ses preuves. Dans les années 1970, l’Amérique vit une succession de crises politiques et sociales majeures. Outre le scandale du Watergate, qui aboutit en 1974 à la démission du président Richard Nixon, les États-Unis voient l’émergence d’une contre-culture, des mouvements contestataires raciaux, hippies, féministes et gays qui luttent pour donner la parole aux minorités discriminées. En résulte un pays sous tension, divisé entre progressisme et conservatisme, auquel le cinéma américain offre une caisse de résonance en produisant
37
BOBINES
Get Out de Jordan Peele (2017)
© UNIVERSAL PICTURES
Héros et spectateurs se font peut-être des films, à moins que…
LE CINÉMA PARANOÏAQUE
toute une série de films flippés, centrés autour de la figure du « parano » – c’est-à-dire celui qui ne croit pas et qui remet le monde en cause. Politiquement d’abord avec des œuvres comme À cause d’un assassinat (1975) et Les Hommes du président (1976) d’Alan J. Pakula, dans lesquelles des journalistes révèlent de terribles complots au péril de leurs vies. Get Out ravive quant à lui une autre tendance du cinéma des seventies, davantage tournée vers le genre et la série B, mais tout aussi parano : pour décrire les tensions et les mutations sociales de l’époque, le Nouvel Hollywood s’est ingénié à raconter des histoires inquiètes de personnage pris au piège d’une société qui déraille, prête à les dévorer. Influence revendiquée par Jordan
Peele pour Get Out, qui en reprend même certaines scènes, le génial Les Femmes de Stepford de Bryan Forbes (1975) dénonce ainsi le patriarcat par le biais d’une héroïne féministe qui s’étonne puis s’alarme de l’asservissement semble-t-il volontaire des femmes au foyer d’une banlieue américaine. Jouant sur la même multiplication de détails que Get Out (des regards insistants, des gestes inappropriés, de petits dérapages aussi anodins qu’inquiétants), le film dénonce l’asepsie de l’Amérique jusqu’à une folle révélation qui l’embarque vers le fantastique. Car ces films paranos, en donnant raison à leur héros, s’ouvrent à l’impensable. L’étrange et le surnaturel s’invitent comme une explication à la déraison du monde,
© COLLECTION CHRISTOPHEL
BOBINES
Ces films paranos, en donnant raison à leur héros, s’ouvrent à l’impensable.
Les Femmes de Stepford de Bryan Forbes (1975)
38
Get Out de Jordan Peele (2017)
d’Invasion Los Angeles de John Carpenter (1989) qui utilisent le consumérisme pour asservir l’humanité. À chaque fois, des héros en marge découvrent que le calme apparent de la société est un leurre. Une manière ludique et dynamique d’inviter le public à la réflexion politique et philosophique, de dénoncer les impasses et les impostures d’une société apparemment pacifiée. Jouant habilement sur nos préjugés et nos acquis, Get Out, comme ses illustres aînés, imagine ainsi le cinéma de genre comme le meilleur moyen d’ouvrir la discussion, en l’occurence sur le racisme contemporain. Le succès du film outre-Atlantique laisse espérer que l’Amérique est prête à se regarder enfin en face. • RENAN CROS
© D. R.
comme dans la série culte des années 1960 La Quatrième Dimension de Rod Serling, diffusée de 1959 à 1964 par CBS. On retrouve ce procédé en 1968 dans le Rosemary’s Baby de Roman Polanski, adapté, comme Les Femmes de Stepford, d’un roman de l’écrivain américain Ira Levin, avec son héroïne enceinte au cœur d’une machination sataniste. Mais c’est aussi L’Invasion des profanateurs de Philip Kaufman (1979, lire p. 12), avec ses extraterrestres qui clonent et remplacent l’humanité, l’entreprise démoniaque de Seconds. L’opération diabolique de John Frankenheimer (1967) qui change votre identité et transforme votre vie en cauchemar, ou même, plus tardivement, les aliens colonisateurs
BOBINES
© UNIVERSAL PICTURES
EN COUVERTURE
L’Invasion des profanateurs de Philip Kaufman (1979)
39
BOBINES
RAOUL PECK
LE CAUCHEMA
Après le leader indépendantiste congolais Patrice Lumumba (à qui il a consacré un documentaire et une fiction), c’est l’éclairante pensée du défenseur de la cause afro-américaine James Baldwin que Raoul Peck a voulu immortaliser dans I Am Not Your Negro. Avec pour seul commentaire la prose implacable de l’écrivain, qu’il fait brillamment résonner sur des images d’archive d’hier et d’aujourd’hui, le réalisateur haïtien livre un fascinant réquisitoire sur la question raciale.
Vous avez attaqué ce projet il y a plus de dix ans, alors que l’Amérique s’apprêtait à élire son premier président noir… Ce que j’appelle la « parenthèse historique » de la présidence Obama a été importante, symboliquement surtout, et ça a montré qu’un président noir, c’est pas l’enfer. Mais
il faut garder en tête les mots de Baldwin à propos du premier président noir des États-Unis : l’important, ce n’est pas le président, mais le pays dont il sera président. Or rien n’a fondamentalement changé avec Obama : le rapport de force est le même, les Noirs sont toujours surreprésentés en prison, plus touchés par le chômage. Le problème de l’Amérique est très profond ; d’ailleurs je n’arrive pas à m’exciter sur Trump. Il faut le combattre, bien sûr, mais ce n’est qu’un nouveau symptôme de ce qu’il se passe depuis Reagan et Thatcher, Berlusconi ou Sarkozy… On est dans des sociétés complexes qui refusent leur complexité et qui veulent des réponses simplistes. Or 40
R DE BALDWIN
Spider Martin, Two Minutes Warning, Alabama, 1965
rapport entre le fond et la forme, appliquer le discours de déconstruction de Baldwin à la forme du film elle-même. Il fallait chambouler cette iconographie, d’où cette grande liberté vis-à-vis des images : on a mélangé de la vidéo, du 16 mm, du 35 mm, Hollywood et la télé populaire ; on a même passé des photos noir et blanc en couleurs, et inversement. Vous déconstruisez aussi la mythologie hollywoodienne. Baldwin explique que, petit, il s’identifiait à John Wayne, avant de comprendre que sa condition le rapprochait plus des Indiens que des cow-boys. C’est l’histoire de tous les jeunes non blancs… Moi aussi j’ai été nourri par ce cinéma américain dominant – même en Haïti [Raoul Peck y est né et y a passé une partie de son enfance, ndlr], je voyais ces films fascinants avec John Wayne, Doris Day. Et quand je pars vivre au Congo à l’âge de 8 ans, je suis persuadé que je vais retrouver Tarzan et que les sauvages vont danser sur le tarmac à notre descente de l’avion. De l’Afrique, je n’avais que cette image inculquée par les films. C’est la grande force de Hollywood,
ce n’est pas en montant des murs qu’on va résoudre les problèmes.
Par moments, on ne sait plus si c’est Baldwin ou vous qui parlez dans le documentaire. La pensée de Baldwin vous est très personnelle ? Il y a nécessairement beaucoup de moi dans le film, puisque ce moi a été forgé par la pensée de Baldwin depuis mon adolescence. Mais mon objectif c’était de mettre sa parole à lui sur le devant de la scène – ces mots qui m’ont appris à lire le monde et à le déconstruire et qui étaient en train de tomber dans l’oubli. Je voulais rester le plus en retrait possible, pour que Baldwin ait un contact direct avec le public, sans aucun intermédiaire, juste avec ses mots à lui. On a inventé un genre nouveau, en fabriquant un film uniquement avec les mots d’un auteur. Vous avez fait tout un travail de recadrage autour des images d’archives, issues en grande partie de l’iconographie noire des droits civiques des années 1960. Que cherchiez-vous à révéler par cet exercice de déconstruction ? Je voulais aller le plus loin possible dans le 41
BOBINES
© SPIDER MARTIN
EN COUVERTURE
RAOUL PECK
de faire croire à son récit dominant qui a envahi le monde entier. Quand Baldwin dit « on en sait plus sur vous que vous sur nous », il veut dire que les Noirs ont eu à regarder les Blancs, et n’avaient d’ailleurs pas le choix, mais que les Blancs n’ont pas eu à regarder les Noirs – si ce n’est à travers cette construction. C’est la même chose pour les femmes : la société vous renvoie tout le temps à votre condition de femme, dès que vous sortez dans la rue, qu’on vous regarde dans le bus… Ce regard de l’autre qui vous voit comme vous n’êtes pas. Le film dénonce justement « la fabrication du nègre » par Hollywood, qui a été le premier relais de la mythologie américaine, cette histoire officielle écrite par les Blancs. Oui, même les films les plus progressistes de l’époque, comme Devine qui vient dîner… (Stanley Kramer, 1967). Quand j’étais jeune, j’étais plutôt fier de voir Sidney Poitier dans ce film, car pour une fois ça donnait une image valorisante des Noirs. J’ai compris plus tard que cette image était construite pour envoyer un signal aux Noirs : pour escompter l’amour d’une jeune femme et être accepté dans le monde des Blancs, il faut être beau garçon, très bien habillé et avoir une éducation phénoménale.
Un autre exemple frappant avec Sidney Poitier à la lueur du commentaire de Baldwin, c’est l’extrait de La Chaîne de Stanley Kramer dans lequel on voit ce prisonnier noir sacrifier sa chance de s’échapper pour rester avec son camarade blanc… C’est un symbole de réconciliation : ça dit que, malgré leurs erreurs, les Blancs ne méritent pas d’être rejetés, qu’on peut tous être amis. Mais c’est une illusion. On ne peut pas faire la paix sans avoir reconnu ses erreurs, on ne peut pas guérir sans avoir fait le bon diagnostic. Le peuple américain se prélasse dans son immaturité et dans son innocence. De manière plus radicale, James Baldwin dit que le rêve américain est construit sur deux génocides, celui des Indiens, et celui des Noirs, et que, tant qu’on ignorera cette réalité, on ne pourra pas créer un futur commun. Pour tenter de fuir l’homophobie et le racisme des États-Unis, Baldwin s’est exilé en France – de 1948 à 1957. En quoi sa réflexion sur le racisme dans la société américaine fait-elle écho à la réalité française ? Il y a des différences culturelles et politiques, mais l’analyse de Baldwin sur le manque d’empathie et l’aveuglement de l’Amérique est valable aussi pour la France. Les Français sont persuadés que, même si tout ne va pas bien, la République s’occupe de leurs enfants de manière égalitaire ; or il n’y a rien de plus faux. Le fait que les dirigeants français, et en particulier la gauche française, refuse l’idée de quotas, c’est une manière de ne pas voir la réalité des choses, tout comme le fait que, quand ça explose en banlieue, on envoie de l’argent au lieu d’affronter le
© LIBRARY OF CONGRESS
BOBINES
Le peuple américain se prélasse dans son immaturité.
Manifestants anti-intégration, Little Rock, 1975
42
James Baldwin
LA PLUME DES DROITS CIVIQUES C’est âgé de 24 ans, en 1948, que James Baldwin met le cap vers la France, laissant derrière lui une Amérique hantée par la ségrégation. Malgré l’exil, sa réflexion reste tournée vers son pays et une question centrale : comment y être à la fois Noir et homme ? La vie parisienne apporte à l’auteur de La Chambre de Giovanni ce qui relevait de l’inaccessible chez lui : le succès – en France, les Afro-Américains sont américains avant d’être noirs. En 1957, James Baldwin revient au bercail à l’aube de la bataille pour les droits civiques. Il donne des lectures auxquelles assiste Malcolm X, fréquente Martin Luther King et est surveillé par le F.B.I. Aux Blancs qui conjurent la vision d’un monde aveugle aux couleurs, Baldwin oppose l’urgence d’un « danger réel de mort qui guette le Noir essayant de devenir homme ». Disparu en 1987, il aura témoigné d’un moment charnière de l’histoire américaine et laissé un héritage puissant dont se sont réclamées, notamment, les écrivaines Toni Morrisson et Maya Angelou. • MÉLANIE WANGA
fond du problème qui, au-delà du problème de race, est un problème de classe. Martin Luther King est devenu dangereux pour la société américaine dès lors qu’il a abandonné son discours sur le racisme pour dénoncer le vrai problème, à savoir la concentration de richesse et de pouvoir. Aujourd’hui, on célèbre le Martin Luther King pacifique, et on préfère oublier celui des deux dernières années de sa vie, qui était très radical dans sa critique des inégalités – vis-à-vis des Noirs comme des Blancs. En tant que président de La Fémis, sentez-vous une responsabilité particulière dans le fait de donner aux Noirs une plus grande visibilité dans le cinéma français ? Bien sûr, mais pas seulement aux Noirs : on a mis en place différents programmes
pour amener plus de mixité – notamment en allant présenter l’école à des populations qui ne connaissent pas son existence –, et on est fiers, à La Fémis, d’avoir plus de 51 % d’étudiants femmes. Le problème, c’est après l’école, pour entrer dans l’industrie, où le taux chute vertigineusement. Une école ne peut pas changer la société à son insu.
• PROPOS RECUEILLIS PAR RAPHAËLLE SIMON — : « I Am Not Your Negro » de Raoul Peck Sophie Dulac (1 h 34) Sortie le 10 mai
—
43
BOBINES
© DAN BUDNICK
EN COUVERTURE
MICROSCOPE
UNE SŒUR SÉRIEUSE Comme le diable, le cinéma se loge dans les détails. Geste inattendu d’un acteur, couleur d’un décor, drapé d’une jupe sous l’effet du vent : chaque mois, de film en film, nous partons en quête de ces événements minuscules qui sont autant de brèches où s’engouffre l’émotion du spectateur. Ce mois-ci : une nonne imperturbable dans Le Garçu de Maurice Pialat (1995).
BOBINES
Le
Garçu est mort, il faut l’enterrer. Sophie (Géraldine Pailhas) a fait le voyage avec Gérard (Gérard Depardieu), à Cunlhat en Auvergne où Pialat lui-même a grandi : le Garçu, c’est le nom du père de Gérard parce que c’était celui du père de Maurice. Sophie a quitté Gérard et elle est là pourtant, dans la chambre fruste où le Garçu est allongé blanc, dans un linceul de la même couleur, tandis qu’on ouvre à côté le cercueil de pin. Elle est là à continuer de l’aimer, comme on aime les hommes chez Pialat, pour les consoler d’être restés de petits garçons méchants aux cœurs brisés. Face au mort que le cercueil attend avec sa bâche de plastique misérable, Gérard et Sophie sont côte à côte, et encore à côté il y a deux nonnes. Gérard se tient les mains comme on les tient devant les morts, aux enterrements : l’une engloutie dans l’autre,
Admirable nonne, qui prend sur elle le sérieux qu’il faut donner à la scène. à la taille. Sophie cache les siennes dans le manteau trop grand où elle voudrait se cacher tout entière, et les nonnes, elles, les serrent en prière, doigts croisés. Elles chantent. Elles chantent pour le mort : « Sur le seuil de sa maison, notre Père t’attend… » Et Gérard, sitôt la prière entamée, se marre. Il se marre doucement, il pouffe par surprise et ravale poliment son rire et puis le rire revient en faisant aux yeux des larmes qui ne sont pas les bonnes. Il se marre et le rire, évidemment, déteint sur Sophie, qui d’un geste minuscule et d’une voix muette lui dit : « Arrête ! » Il rit parce que les sœurs chantent trop haut, parce qu’elles sont mignonnes et ridicules avec leur petit Jésus et leur bon Dieu, parce que la scène est sordide et que le plastique
est insupportable au fond du cercueil, et que les nonnes, avec leurs voix de petits oiseaux, mettent un sérieux forcément comique à rendre solennel un tableau aussi sinistre. Et on comprend, bien sûr, qu’avant Gérard c’est Depardieu qui rit, Depardieu qu’amusent les vieilles dames, dont on se doute qu’elles sont du cru sans savoir si ce sont, à la ville, de vraies nonnes. D’ailleurs il faut bien les regarder, les nonnes, pour découvrir que celle de gauche finit elle-même contaminée par le rire de Depardieu. Tant bien que mal, elle s’efforce de chanter, mais son visage est au supplice : elle aussi, elle se marre. C’est avec ce détail que la scène bascule, et pas seulement parce qu’elle nous ramène sur cette zone accidentée, entre le cinéma et la vie, qui fait la beauté sans équivalent des films de Pialat. Ce qui est merveilleux à ce moment-là, c’est l’obstination de l’autre, la nonne restante, la survivante du fou rire général, qui continue sans ciller sa petite chanson comme Cissy Houston, choriste d’Elvis, poursuivait ses vocalises en 1969 sur une scène de Las Vegas tandis que le King se noyait dans un fou rire. Admirable nonne, qui prend entièrement sur elle le sérieux qu’il faut continuer de donner à la scène, parce qu’elle est tout à son rôle et que son rôle est tout au mort. Le rire des autres est vrai, qui fait voir les acteurs sous les personnages, mais ce sérieux l’est plus encore, qui est sans distinction possible celui du personnage devant le mort et celui de la vieille dame devant la caméra. Peut-être Pialat ne s’est-il jamais si bien approché qu’ici de ces vues Lumière qui furent tout le long son idéal de cinéaste. En tout cas, il savait bien que le sérieux de la vieille dame était le diamant de la scène : quand Depardieu et Pailhas sortent du champ, la caméra la laisse s’avancer doucement avant de couper, juste assez pour que la lumière du dehors vienne dire sur son visage le miracle infinitésimal qu’elle a laissé entrer dans le film. • JÉRÔME MOMCILOVIC
44
© D. R.
BOBINES
MICROSCOPE
45
SUZAN PITT
© ADVANCED STYLE
BOBINES
DESSINS ALLUMÉS
Depuis les années 1970, l’artiste Suzan Pitt réalise des dessins animés expérimentaux troubles et entêtants. Alors que ses courts métrages sortent en DVD en France, on a voulu rencontrer cette septuagénaire excentrique qui n’aime rien tant qu’à créer des mondes étranges où la lumière finit toujours par surgir des ténèbres. 46
PORTRAIT
Asparagus, 1979
© SUZAN PITT
Joy Street, 1995
de Fernand Léger et Dudley Murphy (1924) (pour le goût de l’abstraction) ou encore le court homoérotique Un chant d’amour de Jean Genet (1950) (pour la représentation à la fois crue et envoûtante de la sexualité). Disney, Léger, Genet… Pitt aime les contrastes qui bousculent : dans ses films, la candeur côtoie le sulfureux, l’enfantin frise le sordide, et le sacré flirte avec le profane. Pas étonnant donc qu’elle ait eu son petit succès dans le réseau underground des midnight movies, ces séances de minuit où, dans les seventies aux États-Unis, on diffusait des films décalés, provocants, fauchés, dans une ambiance survoltée. À sa sortie, Asparagus a d’ailleurs été montré au Waverly Theater de New York en avant-programme du non moins bizarre Eraserhead de David Lynch. « Je me souviens d’un gars qui a vomi sur mes chaussures pendant la première projection. Je ne dis pas que tout le monde était bourré, mais… presque. »
ÉPIPHANIES
Après avoir étudié à la Cranbrook Academy of Art de Bloomfield Hills, dans le Michigan, Suzan Pitt est attirée par les sirènes de New York et s’y installe jusqu’en 1987. « C’était l’époque où, artistiquement, la ville était en ébullition. Plein de petites galeries émergeaient. En tant que peintre, ça marchait bien pour moi. Mais après il y a eu un krach économique, et je ne vendais plus. J’ai dû accepter un poste de prof d’art à Harvard. C’est là que j’ai commencé Joy Street (1995), qui a mis cinq ans à se faire. » Ce court, réalisé avec l’aide de ses étudiants (grande voyageuse, elle a enseigné l’animation expérimentale en Birmanie, aux Pays-Bas, en Allemagne, et aujourd’hui en Californie), commence comme un film expressionniste à l’aspect âpre, voire lugubre, et finit comme un grand tableau verduré du Douanier Rousseau (en plus psyché). Pitt y relate la dépression d’une femme qui vient à se suicider. Un petit jouet prend soudain vie dans son appartement
47
BOBINES
Pitt s’excuse : elle n’a pas eu le temps d’enlever les énormes bigoudis de sa chevelure blonde méchée de violet avant notre interview sur Skype (elle habite à Los Angeles). Avec son visage tout fin, ses lunettes rectangle et sa tignasse colorée, la peintre, performeuse, styliste et animatrice évoque un peu Connie Marble, la méchante cartoonesque de Pink Flamingos de John Waters. Son look baroque et son caractère généreux semblent complètement en phase avec l’univers de ses films, qui paraissent d’abord louches puis s’illuminent. La première fois qu’on a entendu parler d’elle, c’était en février dernier, lorsque le réalisateur Yann Gonzalez (Les Rencontres d’après minuit) a exhumé son court Asparagus (1979) à l’occasion de la carte blanche que lui donnait la Cinémathèque française. On est saisi de ne découvrir son œuvre que maintenant – cela fait pourtant plus de quarante ans que Pitt imagine ses films fantasmagoriques. « J’ai acheté ma première caméra pour 50 dollars, en 1969. Quelques jours après, dans une librairie, je suis tombé sur un guide pour faire des films en amateur. La première chose que j’ai animée, c’est un sac en papier qui se froissait tout seul. » Dans Asparagus, l’un de ses premiers courts, en forme de poème onirique, la cinéaste fait surgir des images surréalistes et cauchemardesques qui hypnotisent puis émerveillent. La plus marquante est celle d’une femme au visage masqué qui suce des asperges dans un mouvement de bouche évoquant une fellation… Dans sa cavité buccale, le légume phallique se transforme en torrent d’eau et en flammes incandescentes. « À travers ce symbole de l’asperge, je voulais parler de la sexualité comme source de créativité. » Dans une esthétique brute, aux couleurs chatoyantes, on sent à la fois l’influence revendiquée par l’artiste d’œuvres telles que Blanche-Neige et les Sept Nains de Walt Disney (pour les teintes passées et bariolées), le film dadaïste Ballet mécanique
© SUZAN PITT
Suzan
© SUZAN PITT
SUZAN PITT
BOBINES
El doctor, 2006
Dans ses films, la candeur côtoie le sulfureux, l’enfantin frise le sordide. et, espiègle et rieur, ramène de la chaleur dans l’environnement plombé. La femme ressuscite alors, souriante, au milieu d’une végétation foisonnante et colorée apparue comme par magie… Cet élan vital qui apparaît de manière mystique et transcende la mort, l’angoisse ou la douleur, c’est le cœur de la filmographie de Pitt. Ses films sont comme de sombres labyrinthes dans lesquels on finit par trouver son chemin. Cette spiritualité qui imprègne son travail, Pitt l’a sans doute héritée de ses nombreux voyages dans son pays de cœur, le Mexique. « Mes grands-parents habitaient à la frontière du Texas et du Mexique. À l’époque, tout le monde me semblait plus ouvert, fun et communicatif là-bas que dans la ville où je suis née, Kansas City. Je me souviens d’avoir assisté à beaucoup de processions, de rituels mexicains. » Son court El doctor (2006), scénarisé par son fils Blue Kraning (lui-même réalisateur de documentaires), a été conçu par Pitt comme une célébration du Mexique et de ses croyances ancestrales. La cinéaste met en scène, dans le Mexico des années 1940, un docteur alcoolique qui, à la suite de sa
rencontre avec sainte Esmeralda, se met à faire des miracles (comme faire pousser des fleurs sur le cadavre d’un enfant) dans un hôpital gris et mortifère. Pour matérialiser le sentiment de stupeur ressenti par le médecin face à Esmeralda, Pitt n’hésite pas à lorgner vers l’abstraction. Les contours réalistes des dessins se brouillent soudain et on passe à un régime d’image différent : l’animatrice utilise du sable disséminé sur une tablette lumineuse, gratte la pellicule, et trempe son crayon à papier dans de l’encre colorée. « C’est vraiment de ce mélange de matières, de textures, que vient mon plaisir. C’est un moyen pour moi de surprendre, de faire germer de nouvelles perspectives. » Cette inflexible optimiste a bien raison de croire aux épiphanies : elle sait faire jaillir ses visions tordues et sublimes comme des herbes folles qui pousseraient sur un tombeau. • QUENTIN GROSSET
— : « Animated Films » de Suzan Pitt (Re : Voir)
—
48
P H I L H A R M O N I E D E PA R I S
Abonnements 2017/18
15 à 25 % de réduction à partir de 3 concerts ....................................................
philharmoniedeparis.fr Porte de Pantin
Licences E.S. : 1-1083294, 1-1041550, 2-1041546, 3-1041547 –
La nouvelle saison est arrivée.
POLA X BOBINES
RICHARD KERN
50
BOBINES
PORTFOLIO
Dans
son livre Polarized, le photographe et cinéaste Richard Kern (auteur notamment des monographies New York Girls et Shot by Kern) exhume ses vieux Polaroid des années 1980-1990. Ces images inédites ont des couleurs aussi saturées que l’époque était intense. On y suit l’évolution d’un photographe aujourd’hui surtout connu pour son travail de portraitiste (particulièrement de jeunes filles dénudées) pour des revues comme Vice ou Purple, mais qui a commencé comme pilier de la scène underground new-yorkaise. De 1984 à 1991, il fut, avec Lydia Lunch et Nick Zedd, l’un des artistes allumés du « cinéma de la transgression », qui proposait, en super 8, une imagerie radicale et cauchemardesque, hybridant sexe chaotique et horreur la plus immorale possible sur fond de no-wave. Il revient pour nous sur ses années de jeunesse en commentant ses clichés, jolis mais pas commodes. • QUENTIN GROSSET 51
BOBINES
RICHARD KERN
« Beaucoup de ces Polaroid sont des tests avant de vrais shootings. Avant le numérique, c’était le seul moyen de voir à quoi ta photo allait ressembler… À droite, c’est une séance que j’ai faite pour Leg Show, un magazine fétichiste autrefois dirigé par la grande éditrice Dian Hanson, qui aujourd’hui s’occupe de la collection “sexe” chez Taschen et publie mes livres, ceux de Terry Richardson, de Tom of Finland… C’est elle qui avait ramené ce ridicule minishort et avait choisi cette chambre d’hôtel bien déprimante, comme sur pas mal de scènes de cul. À gauche, c’est pour une revue de mode. Malgré moi, il y a toujours un côté homoérotique quand je photographie des mecs. Mais je pouvais pas savoir qu’il aurait un aussi gros paquet ! » 52
« Si tu voulais voir des films bien tordus, il fallait aller sur la 42e rue. On regardait des trucs effrayants comme Le Jour des morts-vivants, L’Armée des morts ou La Terreur des zombies. On s’inspirait de ce genre d’atmosphères bizarres et détraquées. Sur la première, c’est Cassandra Stark [icône du cinéma de la transgression, réalisatrice, et musicienne, notamment au sein des groupes Menace Dement et The Trees, ndlr] sur le tournage de mon film Submit to Me Now (1987). Sur la deuxième, c’est un performer qui, avec sa copine, faisait du break dance ensanglanté. On allait chez le boucher s’approvisionner en sang de vache pour trois dollars et hop, ça avait l’air plus vrai que nature. »
53
BOBINES
PORTFOLIO
BOBINES
RICHARD KERN
« Ça, c’est moi, la bite attachée. Je ne sais plus du tout qui est derrière l’appareil. Je me rappelle juste que, deux jours avant, je m’étais fait renverser par une voiture. Comme à l’époque j’étais encore accro à l’héroïne, je m’étais pas rendu compte que j’avais l’épaule cassée. C’est pour ça que je suis tout tordu. Bref, en 1986, j’aimais bien tous ces trucs de bondage. Beaucoup de mes modèles qui étaient dans le “sex biz” en faisaient aussi. L’autre image, je crois que c’est une dominatrice. Je prenais ce genre de photos SM avec des éclairages de couleurs pour ma série New York Girls (1995). J’ai arrêté dès qu’on a commencé à parler de moi comme un photographe fashion, ça m’a pas plu. »
54
BOBINES
PORTFOLIO
55
BOBINES
RICHARD KERN
« C’était en 1986 ou 1987, je traînais tout le temps avec cette photographe japonaise, Madoka. Sur la première image, on est dans mon ancien appart – je le reconnais aux teintes de la photo. Sur la deuxième, je crois qu’on est dans une usine : je ne sais plus comment on a eu l’autorisation de photographier là-dedans, mais il y avait une vraie harmonie à l’intérieur. Tu sais, à l’époque, il y avait très peu de Japonais à New York, donc on la remarquait dans la rue. Elle ne parlait pas un mot d’anglais, mais on avait pris l’habitude de se photographier tout le temps. Elle doit avoir quelques photos de moi l’étranglant avec une chaîne. Le genre de trucs débiles que tu fais pour choquer quand t’es jeune. J’ignore ce qu’elle est devenue. » 56
BOBINES
PORTFOLIO
« Que ce soit chez moi ou chez les autres, je me pose tout le temps à la fenêtre pour regarder le paysage. Là, c’est New York vu de la fenêtre de ma chambre. D’ici, tu peux voir l’East River. Le soleil est en train de se coucher, c’est pour ça que la lumière paraît si jaune sur les volets des immeubles. Je n’ai jamais trop pris de photos de paysages pour mes livres et mes expos. Je me disais, comme il n’y a pas de filles, je vais les mettre de côté. Je les ai retrouvées il y a deux ou trois ans. Bien sûr, je sais qu’il y a des milliards de photos de beaux ciels, avec une jolie lumière et des jolis nuages, mais je peux pas m’empêcher d’aimer ceux-là, avec leurs couleurs hyper saturées. »
— : « Polarized » de Richard Kern, Fortnight Institute et Victoria Press, 2017
—
57
ZOOM ZOOM LES FILMS DU MOIS À LA LOUPE
12 AVRIL
L’Homme aux mille visages d’Alberto Rodríguez Ad Vitam (2 h 03) Page 78
Les Initiés de John Trengove Pyramide (1 h 28) Page 72
Pas comme des loups de Vincent Pouplard Vendredi (59 min) Page 18
Lettres de la guerre d’Ivo M. Ferreira Memento Films (1 h 45) Page 78
Glory de Kristina Grozeva et Petar Valchanov Urban (1 h 41) Page 74
La Belle Occasion d’Isild Le Besco JHR Films (1 h 19) Page 20
La Jeune Fille et son aigle d’Otto Bell ARP Sélection (1 h 27) Page 86
Ikarie XB 1 de Jindřich Polák Les Bookmakers / Capricci Films (1 h 28) Page 75
The Young Lady de William Oldroyd KMBO (1 h 29) Page 62
Taipei Story d’Edward Yang Carlotta Films (1 h 59)
Cessez-le feu d’Emmanuel Courcol Le Pacte (1 h 43) Page 78
À voix haute La force de la parole de Stéphane de Freitas et Ladj Ly Mars Films (1 h 39) Page 70
Un profil pour deux de Stéphane Robelin La Belle Company (1 h 40)
Sous le même toit de Dominique Farrugia EuropaCorp (1 h 33) Page 78
Je danserai si je veux de Maysaloun Hamoud Paname (1 h 42) Page 70
19 AVRIL
11 minutes de Jerzy Skolimowski Zootrope Films (1 h 21) Page 80
Paris est une fête de Sylvain George Zeugma Films (1 h 35) Page 72
L’Éveil de la permaculture d’Adrien Bellay Destiny Films (1 h 22) Page 16
Jonction 48 d’Udi Aloni Paradis Films (1 h 36) Page 80
Bienvenue au Gondwana de Mamane Wild Bunch (1 h 40) Page 78
Retour à Forbach de Régis Sauder Docks 66 (1 h 18) Page 64
L’Affranchie de Marco Danieli Bellissima Films (1 h 41)
Gold de Stephen Gaghan StudioCanal (2 h)
Mister Universo de Tizza Covi et Rainer Frimmel Zeugma Films (1 h 30) Page 77
Album de famille de Mehmet Can Mertoğlu Le Pacte (1 h 43) Page 77
Life Origine inconnue de Daniel Espinosa Sony Pictures (1 h 44)
À mon âge je me cache encore pour fumer de Rayhana Obermeyer Les Films du Losange (1 h 30) Page 80
Bientôt les jours heureux d’Alessandro Comodin Shellac (1 h 40) Page 81
Wedding Doll de Nitzan Gilady Bodega Films (1 h 22)
La Colère d’un homme patient de Raúl Arévalo ARP Sélection (1 h 32) Page 80
De toutes mes forces de Chad Chenouga Ad Vitam (1 h 38) Page 81
Django d’Étienne Comar Pathé (1 h 55) Page 80
26 AVRIL
JHR Films présente
un film de
Noma au Japon (Ré)inventer le meilleur restaurant du monde de Maurice Dekkers Urban (1 h 33) Page 66
La Papesse Jeanne de Jean Breschand Shellac (1 h 31)
Après la tempête de Hirokazu Kore-eda Le Pacte (2 h) Page 67
3 MAI
En amont du fleuve de Marion Hänsel JHR Films (1 h 30) Page 81
Marion Hänsel
On l’appelle Jeeg Robot de Gabriele Mainetti Nour Films (1 h 58) Page 81
Tunnel de Kim Seong-hun Version Originale / Condor (2 h 06) Page 81
Adieu Mandalay de Midi Z Les Acacias (1 h 48) Page 76
Get Out de Jordan Peele Universal Pictures (1 h 44) Page 30
Plus jamais seul d’Álex Anwandter Épicentre Films (1 h 21)
Aurore de Blandine Lenoir Diaphana (1 h 29) Page 76
Emily Dickinson A Quiet Passion de Terence Davies Paname (2 h 05) Page 68
Voyage of Time Au fil de la vie de Terrence Malick Mars Films (1 h 30)
SELECTION OFFICIELLE 2016
CYNTHIA NIXON
SELECTION OFFICIELLE 2016
SELECTION OFFICIELLE 2016
JENNIFER EHLE
SELECTION OFFICIELLE 2016
KEITH CARRADINE
emily dickinson a quiet passion un film de TERENCE DAVIES
GIBSON & MACLEOD, WEATHERVANE PRODUCTIONS et SCREEN FLANDERS, ENTERPRISE FLANDERS AND THE FLANDERS AUDIOVISUAL FUND (VAF) En association avec DOUBLE DUTCH INTERNATIONAL et INDOMITABLE ENTERTAINMENT présentent un film HURRICANE FILMS, POTEMKINO et SCOPE PICTURES PRODUCTION “A QUIET PASSION” avec CYNTHIA NIXON, JENNIFER EHLE et KEITH CARRADINE Producteur délégué PAUL DE RUIJTER Chef décorateur MERIJN SEP Montage PIA DI CIAULA Costumes CATHERINE MARCHAND Casting JOHN HUBBARD et ROS HUBBARD Coiffure FRANK VAN WOLLEGHEM et EVIE HAMELS Maquillage FABIENNE ADAM et MICHELLE VAN BRUSSEL Son JOHAN MAERTENS et PAUL COTTERELL Directeur de la photographie FLORIAN HOFFMEISTER B.S.C. Producteurs exécutifs ANDREA GIBSON, JASON VAN EMAN, ROSS MARROSO, BEN MCCONLEY, RON MÖRING, JASON MÖRING, GENEVIEVE LEMAL, ALAIN-GILLES VIELLEVOYE, DOMINIC IANNO et STUART POLLOK Co-producteur exécutif MARY MACLEOD Co-Producteurs PETER DE MAEGD et TOM HAMEEUW Produit par ROY BOULTER et SOLON PAPADOPOULOS Ecrit et réalisé par TERENCE DAVIES
FILMS
ZOOM
ZOOM
THE YOUNG LADY
Dans
l’Angleterre rurale du xix e siècle, la jeune Katherine, mariée de force à un lord plus âgé qui la délaisse, ne supporte pas d’être enfermée dans sa demeure. Elle se révolte au fil d’un récit magistral, faux huis clos à la tension bien réelle. D’abord, la déconvenue : le soir de sa nuit de noces, Katherine (Florence Pugh, révélation convaincante dans tous les registres) découvre qu’Alexander, homme d’humeur maussade qui la regarde à peine, ne la touchera même pas. Puis vient l’ennui, avec pour horizon inaccessible les vastes étendues de la campagne anglaise, réduites à une fenêtre close. Le premier signe d’abandon survient dans un plan fixe montrant la jeune femme allongée sur le canapé du salon, couverte d’une longue robe bleue, mais les pieds nus. C’est seulement après le départ prolongé du maître de maison que le film
bascule, la mariée découvrant la passion auprès d’un palefrenier entreprenant. Très vite, les barrières sociales se craquellent : le domestique dort dans le lit du mari, porte ses habits ; Katherine, frondeuse, déjeune en robe de chambre, tout sourire devant la servante qui les sert froidement. Dans la course à son bonheur précaire, l’héroïne se mue alors en stratège diabolique. Au sein d’un décor cloisonné où s’imprime une solitude immense, le Britannique William Oldroyd nimbe d’une noirceur non dépourvue d’humour le genre très balisé du film d’époque victorienne. Un premier long métrage aussi maîtrisé qu’ébouriffant. • OLIVIER MARLAS
— : de William Oldroyd KMBO (1 h 29) Sortie le 12 avril
—
3 QUESTIONS À WILLIAM OLDROYD Vous signez un film en costumes inclassable, avec de la tension, de l’humour et des meurtres. Je ne voulais surtout pas réaliser un film en costumes britannique trop sage. J’aime beaucoup, par exemple, la mise en scène pleine de passion et d’énergie de Patrice Chéreau dans La Reine Margot, et je tenais à ce que mon récit prenne une ampleur de ce genre.
Venant du théâtre, craigniez-vous de tomber dans le piège du théâtre filmé ? C’était le plus grand défi à mes yeux : bien choisir l’emplacement de la caméra, alors qu’au théâtre le spectateur est libre de regarder où il veut. Avec Alice Birch, ma scénariste, on a fait attention notamment à ne pas avoir trop de dialogues, pour atteindre une émotion plus intuitive. 62
Le film évoque la soumission des femmes dans une société patriarcale. Un sujet d’actualité ? Aujourd’hui, le patriarcat est bien sûr moins fort qu’au xixe siècle, mais en bien des façons certaines femmes « appartiennent » encore aux hommes. Et aux yeux d’un public moins occidental, j’imagine que la situation désespérée du personnage aura même plus d’écho.
FILMS
ZOOM
ZOOM
RETOUR À FORBACH
Mosellan
exilé depuis trente ans, le documentariste Régis Sauder revient à Forbach pour renouer avec son passé et comprendre l’engouement de cette ancienne ville minière pour le Front national après sa percée à l’élection municipale de 2014. La démarche du réalisateur (Nous, princesses de Clèves,Être là) s’inscrit dans la droite ligne de celles du sociologue Didier Eribon, dont l’essai Retour à Reims a aussi inspiré le titre du film, et de l’écrivaine Annie Ernaux, qui dans ses livres revient régulièrement sur son enfance dans un village normand. Comment parler de son milieu d’origine quand on l’a quitté, par honte et par désir d’accéder à d’autres possibles ? Alarmé par le score de Florian Philippot à Forbach aux dernières municipales, Sauder a décidé d’y retourner, caméra au poing, assumant la position délicate du déserteur revenu constater les dégâts. Le réalisateur-narrateur filme sa maison d’enfance, pleine d’objets qui n’ont plus vraiment de sens pour lui ; les rues de
la ville, désertées par les commerçants ; les habitants, plus ou moins proches de lui. Formellement, il arrive au même résultat qu’Eribon et Ernaux : un hybride entre journal intime et essai sociologique, qui bouleverse – malgré une certaine distance, comme si Sauder cherchait à résister aux sirènes de la nostalgie – autant qu’il fait réfléchir. Enfermés dans le discours du « c’était mieux avant », la plupart des Forbachois interrogés semblent peiner à avancer, à dépasser le constat du malaise ambiant. Pour dégager son horizon, Sauder choisit lui de vider sa maison d’enfance et de la louer à une famille issue de l’immigration. Rien de moralisateur ou de démonstratif, juste un discret renvoi au fameux adage « le mouvement, c’est la vie ». • TIMÉ ZOPPÉ
— : de Régis Sauder
Docks 66 (1 h 18) Sortie le 19 avril
—
LA MOSELLE EN 3 FILMS Ville à vendre de Jean-Pierre Mocky (1992) Armé de son humour au vitriol, Mocky s’amuse des clichés en caricaturant une Moselle sinistrée, gangrenée par le chômage, la corruption et les meurtres.
Une minute de silence de Florent Emilio Siri (1998) Le futur réalisateur de Cloclo donne des airs de tragédie au parcours de deux mineurs qui aiment draguer, boire et faire des courses de voitures. 64
Party Girl de M. Amachoukeli, C. Burger et S. Theis (2014) Mi-docu, mi-fiction, Party Girl revitalise la vision du 57 avec ce portrait d’une sexagénaire fêtarde qui tente de se ranger avec un homme, à Forbach.
FLÈCHE DE CRISTAL FESTIVAL DES ARCS
ATLAS D’OR
SÉLECTION OFFICIELLE
ARRAS FILM FESTIVAL
FESTIVAL DE LOCARNO
“UN FILM ÉPATANT, ABSURDE ET NOIR.” TÉLÉRAMA
“MAGISTRAL, DRÔLE ET ENLEVÉ.” LIBÉRATION
GLORY
DESIGN GRAPHIQUE :
STEFAN DENOLYUBOV
UN FILM DE
KRISTINA GROZEVA
MARGITA GOSHEVA
&
PETAR VALCHANOV
LE 19 AVRIL
FILMS
ZOOM
ZOOM
NOMA AU JAPON
Sur
les traces du chef étoilé du Noma, qui a mis entre parenthèses son restaurant de Copenhague pour ouvrir une résidence à Tokyo pendant deux mois, ce documentaire saisit à feu vif l’effervescence créatrice de la brigade du « meilleur restaurant du monde ». En 2015, René Redzepi et son équipe ont eu quelques semaines pour créer un menu de quatorze plats en harmonie avec une culture culinaire inconnue et à la hauteur de leur réputation. Dans une mise en scène appliquée, le réalisateur décline les codes du docu food avec efficacité : alternance d’interviews posées en plan américain et de séquences « course contre la montre », musique grave, plans léchés sur les recettes en préparation – pas forcément alléchants, à base de plumage de canard ou de capture de tortue aux allures de prise de judo. Comme dans les comédies romantiques, on connaît la fin, mais on se délecte quand même. D’ailleurs, ce n’est pas le résultat qui intéresse le réalisateur, mais le processus créatif. Si la cueillette de champignons en forêt ou la visite
de l’impressionnant marché aux poissons de Tokyo offrent des échappées réjouissantes, les réunions d’équipe pour composer le menu sont assez stressantes – mais passionnantes. Avec Redzepi, on ne triche pas, et trouver la bonne formule relève de l’énigme existentielle. Visionnaire, le chef danois guide ses cuisiniers comme un vieux sage, les poussant dans leurs retranchements avec des questionnements quasi métaphysiques : s’ils ne sont pas là pour faire ce qu’ils savent faire à Copenhague, s’ils ne sont pas là pour faire ce que les chefs japonais peuvent faire mieux qu’eux (il faut trente ans pour savoir découper un poisson !), pourquoi sont-ils là ? Le génie ne tombe pas du ciel, mais il finit assurément dans les assiettes du Noma. • RAPHAËLLE SIMON
— : « Noma au Japon. (Ré)inventer le meilleur restaurant du monde » de Maurice Dekkers Urban (1 h 33) Sortie le 26 avril
—
3 DOCUS SUR DES CHEFS Jiro Dreams of Sushi de David Gelb (2012) À travers le portrait du chef d’un restaurant trois étoiles situé dans le métro de Tokyo, c’est la tradition culinaire japonaise, fondée sur l’épure et l’abnégation, qui est auscultée.
Entre les bras. La cuisine en héritage de Paul Lacoste (2012) Une histoire d’héritage qui finit bien : celle du chef de l’Aubrac (triplement étoilé), Michel Bras, qui passe la main à son fils Sébastien. Un film tendre et sensible sur la transmission. 66
King Georges d’Erika Frankel (2015) Chronique sur les derniers moments du célèbre restaurant de Georges Perrier à Philadelphie, ce portrait d’un des derniers chefs français « à l’ancienne » résonne comme un chant du cygne.
FILMS
la douceur de Notre petite sœur (2015), l’heure est à la mélancolie pour Hirokazu Kore-eda, qui signe une œuvre émouvante sur la fin des illusions, doublée d’une nouvelle variation sur son thème favori : les liens familiaux. Écrivain autrefois prometteur, Ryota (excellent Hiroshi Abe) gagne tant bien que mal sa vie en tant que détective privé. Mais les séquences de filature, dans la première partie du film, se révèlent vite une fausse piste pour un spectateur qui en déduirait que le réalisateur japonais a viré auteur de polar. Car au-delà de son gagne-pain peu glorieux, Ryota est surtout un père qui aimerait regagner l’affection de son fils de 11 ans et reconquérir son ex-épouse, qui lui reproche d’être immature et accro au jeu. Une réconciliation qui comblerait la mère de Ryota, la fantasque Yoshiko (Kirin Kiki, actrice fétiche du cinéaste). Elle pourrait survenir à la faveur de l’arrivée d’un typhon qui oblige cette famille disloquée à cohabiter dans le modeste appartement de Yoshiko. En réunissant dans une cité HLM des personnages rongés par les désillusions ou la rancœur, Kore-eda signe une œuvre moins aimable que Notre petite sœur ; et une peinture des relations familiales plus ingrate visuellement que le solaire Still
Walking (2009). Pourtant, Ryota, grand enfant et père défaillant, est filmé avec la même délicatesse que Keiko, la mère qui abandonnait sa progéniture dans Nobody Knows (2004), l’un des plus célèbres films du Japonais. Cette bienveillance s’accompagne d’un sens de l’ironie – voire de la cruauté – rarement aussi aigu chez le cinéaste, comme lorsque Shinoda confie à son fils qu’elle préfère renoncer à toute vie sociale car « de nouveaux amis, à mon âge, ça veut dire davantage d’enterrements ». Après la tempête montre comment, face au deuil (d’un amour, d’une ambition, de l’innocence), chacun opère de petits arrangements avec la réalité. Le film est habité par une profonde mélancolie, celle qui pousse Yoshiko à voir dans un papillon l’âme de son défunt mari ; celle qui conduit Ryota à acheter des billets de loterie parce que « c’est du rêve » ; celle qui nous envahit lorsqu’on entend une vieille rengaine à la radio. Le titre original du film, Umi yori mo mada fukaku (« plus profond que la mer »), est d’ailleurs tiré des paroles d’un tube nippon des années 1980. • JULIEN DOKHAN
L’arrivée d’un typhon oblige cette famille disloquée à cohabiter.
— : de Hirokazu Kore-eda Le Pacte (2 h) Sortie le 26 avril
—
67
ZOOM
Après
ZOOM
APRÈS LA TEMPÊTE
FILMS
ZOOM
ZOOM
EMILY DICKINSON
Rompu
à l’exercice du drame costumé (The Deep Blue See, Sunset Song), Terrence Davies nous plonge cette fois dans l’Amérique du xix e siècle, au cœur de la vie d’Emily Dickinson. Un biopic raffiné et funèbre sur la poétesse maudite, porté par une Cynthia Nixon impressionnante. De quoi souffre donc l’élève Emily Dickinson, qui vient de se faire renvoyer d’un pensionnat de jeunes filles huppé du Massachussetts ? « D’un cas aigu d’évangélisation !» répond la future poétesse au caractère déjà bien trempé. Le ton de la première partie du film est donné : lumineux, mordant, enjoué. L’intelligence espiègle d’Emily s’éprouve d’abord par son art de la joute oratoire. En particulier sur les sujets politiques. Dans le salon bourgeois de la maison Dickinson, elle s’insurge ainsi contre le patriarcat, le clergé ou encore l’esclavagisme avec un sens chirurgical de la formule assassine. Et beaucoup d’humour. Loin d’être assommants, ces tunnels dialogués distillent au contraire une forme d’ivresse littéraire délestée de toute pesanteur. Comme si rien ne pouvait refréner ce stimulant torrent de pensées. La mise en scène du cinéaste britannique fonctionne d’ailleurs sur cette idée de pure
cérébralité : les champs-contrechamps se succèdent dans un flux verbal fluide et feutré, sautant parfois d’un espace-temps à un autre sans que l’on s’en aperçoive, pour s’agréger en une seule et même conversation. Mais l’ivresse ne dure jamais éternellement. Le deuxième mouvement du film sera l’antithèse du premier : sombre, chaotique, austère. Il vient documenter le douloureux retour au réel d’Emily, dominé par la maladie, la disparition de ses proches et une profonde solitude. En refusant de se marier – au nom de sa liberté de femme artiste –, l’anticonformiste va peu à peu se couper du monde. Un repli monacal d’autant plus étouffant qu’il n’offre pas de fenêtre épiphanique à cette athée convaincue. Elle continuera malgré tout à écrire un poème par jour jusqu’à sa mort, dans l’anonymat, avec la gloire posthume pour hypothétique lot de consolation. Cynthia Nixon (Sex and the City) impressionne dans le rôle principal : écartelé entre dureté intransigeante et infinie empathie, son regard pétillant fait rayonner ce vibrant portrait de femme. • ÉRIC VERNAY
Emily s’insurge contre le patriarcat avec un sens chirurgical de la formule assassine.
— : « Emily Dickinson. A Quiet Passion »
de Terence Davies Paname (2 h 05) Sortie le 3 mai
—
68
Zeugma films présente
''par les réalisateurs de la Pivellina"
un film de Tizza Covi et Rainer Frimmel
AU CINÉMA LE 26 AVRIL http://misteruniverso-lefilm.com
FILMS
JE DANSERAI SI JE VEUX
— : de Maysaloun Hamoud Paname (1 h 42) Sortie le 12 avril
—
ZOOM
ZOOM
Dans
la ville israélienne branchée de Tel-Aviv, trois jeunes Palestiniennes partagent un appartement… et un même combat contre le patriarcat. La première scène donne le ton : dans un club, des filles et des garçons trinquent, fument, se déhanchent, bravent tous les interdits de la société palestinienne traditionnelle dont ils sont issus. Le film relate ensuite les parcours de Laila, avocate qui refuse toute forme de conformisme, Nour, étudiante pieuse fiancée à un homme violent, et Salma, DJ qui cache son homosexualité à sa famille. Ce premier long métrage de Maysaloun Hamoud, Palestinienne de 35 ans, est produit par Shlomi Elkabetz, qui coréalisa avec sa regrettée sœur, Ronit, Le Procès de Viviane Amsalem. Comme ce dernier, Je danserai si je veux est centré sur des femmes en quête de liberté. Mais là où les Elkabetz revendiquaient une forme de théâtralité, Hamoud lorgne du côté de la série, avec sa manière d’entrecroiser les histoires respectives de ses héroïnes dans une mise en scène très rythmée. Coloré et musical, Je danserai si je veux évite de sombrer dans le catalogue sociologique grâce à l’énergie de ses actrices et à la vigueur de son propos. • JULIEN DOKHAN
À VOIX HAUTE. LA FORCE DE LA PAROLE — : de Stéphane de Freitas
et Ladj Ly Mars Films (1 h 39) Sortie le 12 avril
—
Filmant
la préparation à un concours d’éloquence d’étudiants de Seine-Saint-Denis, Stéphane de Freitas (fondateur de l’épreuve) et Ladj Ly (ancien membre du collectif Kourtrajmé) nous plongent dans l’effervescence des idées et la fournaise du langage. Jamais montrée comme un savoir-faire mécanique, la rhétorique est ici un outil de dépassement pour des jeunes ancrés dans un quotidien pas toujours reluisant. Pour convaincre, le théâtre et le slam sont autant valorisés que les plaidoiries classiques enseignées par de grands avocats parisiens. Grâce à une mise en scène organique dans laquelle l’énergie des scènes de groupes répond parfaitement aux moments plus intimes qui laissent poindre les aspirations (Layla souhaite repenser le féminisme ) et les doutes (Eddy a-t-il le niveau pour être acteur ?), cette odyssée fait l’effet d’un argument magnétique. Au milieu de ce tourbillon de rimes, de jeux de mots, de sourires et d’aisance, les réalisateurs semblent penser que le pouvoir de la parole est une arme suffisante pour enjamber toutes les barrières sociales. Une perspective incertaine mais enchanteresse. • OLIVIER MARLAS
70
Design graphique : Estelle Martin François Lemoine, La Vierge en gloire (Chapelle de la Vierge), 1732. Paris, Église Saint-Sulpice © Claire Pignol / COARC / Roger-Viollet − François Boucher, Femme nue allongée, vers 1740 © Collection Horvitz - Photo : M. Gould
L’ Art du XVIIIe sIècLe 2 eXposItIons Au petIt pALAIs
le baro∆ue des lumières
de Watteau à david
Chefs-d’œuvre des églises parisiennes au Xviiie sièCle
la ColleCtion horvitz
21 mars 16 juillet 2017
21 mars 9 juillet 2017
petit palais
exposition organisée par paris Musées, le petit palais et la Ville de paris, service de la Conservation des œuvres d’art religieuses et civiles
www.petitpalais.paris.fr Métro ChaMps-élysées CleMenCeau
exposition organisée avec la Collection horvitz
FILMS
PARIS EST UNE FÊTE
— : de Sylvain George Zeugma Films (1 h 35) Sortie le 12 avril
—
ZOOM
ZOOM
On
l’avait perçu avec ses précédents documentaires très engagés sur la situation des migrants de Calais (Qu’ils reposent en révolte en 2011, Les Éclats en 2012) ou sur le « mouvement des indignés » en Espagne (Vers Madrid. The Burning Bright en 2014) : pour le cinéaste Sylvain George, les luttes politiques sont indissociables de l’affirmation d’une esthétique radicale. Son dernier documentaire, qui suit et entrelace différentes vagues d’insurrection ayant éclaté à Paris et dans sa banlieue en 2015 et 2016 (contre la loi El Khomri, contre la violence subie par les réfugiés, contre l’état d’urgence…), ne change pas de parti pris. Toujours dans un montage fragmentaire et un noir et blanc tranchant, Paris est une fête interroge brillamment (sans commentaire, c’est au spectateur de faire des liens) ce que ces foyers de révolte disparates ont en partage : l’envie d’inventer de nouvelles façons de vivre, de résister à un État de plus en plus sécuritaire, de se réapproprier l’espace public. Un film lucide mais loin d’être désenchanté, parce que, tout simplement, il nous remobilise. • QUENTIN GROSSET
LES INITIÉS
— : de John Trengove Pyramide (1 h 28) Sortie le 19 avril
—
À
travers l’évocation d’un rituel sud-africain, ce premier film propose une passionnante réflexion sur la masculinité. Comme d’autres adolescents de l’ethnie Xhosa, Kwanda est envoyé par son père sur les montagnes du Cap oriental pour prendre part au rite initiatique qui fera de lui un homme. Encadré par un instructeur, il est soumis à un rituel de circoncision et à d’humiliantes épreuves censées l’endurcir. Mais durant ces cérémonies secrètes, les repères du garçon sont brouillés : Kwanda découvre que son instructeur, Xolani, entretient une liaison clandestine avec Vija, un autre initiateur. Entre ces trois personnages, qui s’appellent « mon frère » ou « mon pote », se noue une relation complexe où se mêlent rapport de domination, désir de possession, sentiment de peur et peur du sentiment. Frontal mais jamais racoleur, John Trengove filme des corps-à-corps qui oscillent entre le combat et l’étreinte, et des êtres qui vacillent, entre conformisme et soif de liberté. Cette puissante réflexion sur la masculinité est remarquablement portée par le charismatique Nakhane Touré, chanteur pop sud-africain ouvertement gay. • JULIEN DOKHAN
72
FILMS
GLORY
— : de Kristina Grozeva et Petar Valchanov Urban (1 h 41) Sortie le 19 avril
—
Deux
ans après The Lesson, le duo Kristina Grozeva-Petar Valchanov poursuit son auscultation de la société bulgare, où la morale individuelle se heurte à la corruption générale, mais avec cette fois-ci une bonne dose d’humour absurde. La cinquantaine, Tsanko, cantonnier atteint d’un bégaiement sévère, trouve par hasard un tas de billets de banque sur la voie ferrée. Pas de faux suspense : intègre, l’ouvrier restitue l’argent à l’État. Au cours de la cérémonie organisée en son honneur par le ministère des Transports, le héros national doit enlever sa montre – une Glory, que son père lui avait offerte – afin d’en recevoir une flambant neuve en signe de reconnaissance. Hélas, la relique familiale disparaît dans l’effervescence générale. Inadapté aux discours de circonstance et aux lumières artificielles, Tsanko se transforme en malaise ambulant, inoculant aux scènes de groupe filmées en plans larges de savoureuses dissonances. Surprenante, la fin du film nous rappelle pourtant à l’évidence, dévoilant derrière une brume légère les contours d’une tragédie manifeste : celle d’un homme souffrant broyé par un système malade. • OLIVIER MARLAS
74
SORTIE LE 3 MAI
FILMS
IKARIE XB 1 — : de Jindřich Polák Les Bookmakers / Capricci Films (1 h 28) Sortie le 19 avril
—
Fleuron
du cinéma tchécoslovaque datant de 1963, Ikarie XB 1 sort pour la première fois en France, après une restauration qui lui permet de retrouver enfin son intégrité – le film était jusqu’alors surtout connu dans une version américaine mutilée, Voyage to the End of the Universe. L’occasion de redécouvrir une œuvre de science-fiction à la croisée des chemins, influencée par les découvertes de l’exploration spatiale de l’époque, mais encore alimentée par un imaginaire technologique très fifties. Sorti cinq ans avant 2001 : l’odyssée de l’espace, ce récit d’une mission à destination du système stellaire Alpha du Centaure s’appuie sur d’élégants décors constructivistes pour offrir une vision du voyage intersidéral étrangement ouatée, à rebours de l’austérité de Stanley Kubrick qui, avec son hyperréalisme, fera basculer le genre dans une nouvelle ère. Au sein de la navette Ikarie, on danse ainsi une valse autour d’un verre de champagne, et on dort dans le confort onctueux de chambres individuelles. Mais, à l’arrivée, les cerveaux se dérèglent pareillement, et, comme dans Alien auquel il fait aussi beaucoup penser, personne ne vous entend crier. • LOUIS BLANCHOT
TUNNEL UN FILM DE KIM SEONG-HUN
CINEMA
COPYRIGHT
© 2 0 1 6 S H OW B OX , A N O T H E R S U N D AY, H I STO RY E & M A N D B . A . E N T ERTA I N M E N T A L L R I G HTS R ES E R V E D.
FILMS
AURORE
— : de Blandine Lenoir Diaphana (1 h 29) Sortie le 26 avril
—
ZOOM
ZOOM
Sous
ses airs de comédie romantique fleur bleue, Aurore est en fait un pertinent précis de féminisme appliqué. Alors que l’horloge biologique d’Aurore (Agnès Jaoui, parfaite) sonne l’heure de la ménopause, cette sémillante quinquagénaire subit une série de chocs : elle perd son emploi, recroise un amour de jeunesse et apprend qu’elle va être grand-mère. S’il n’évite pas quelques scènes caricaturales (comme quand la meilleure amie de l’héroïne humilie publiquement un inconnu parce qu’il sort avec une femme plus jeune que lui), le film dans son ensemble manie adroitement les outils et les réflexions féministes, notamment à travers un riche dialogue entre les générations. Aurore essaye, par exemple, de comprendre pourquoi, malgré les valeurs qu’elle leur a transmises, ses filles rêvent d’une vie de femme au foyer ; plus tard, une vieille dame lui explique, discours de Françoise Héritier à l’appui, que la vie d’une femme est loin de s’arrêter à la ménopause. Blandine Lenoir dose savamment légèreté et émotion, discours et passage à l’acte, pour brosser un portrait complexe de sa fière héroïne. • TIMÉ ZOPPÉ
ADIEU MANDALAY
— : de Midi Z Les Acacias (1 h 48) Sortie le 26 avril
—
Le
film du Taïwanais Midi Z raconte le timide rapprochement, autant que le désenchantement, de deux Birmans passés clandestinement en Thaïlande pour échapper à la pauvreté. Dans un silence étrange, plusieurs personnes glissent furtivement d’une rive à l’autre d’un fleuve, le Salouen, dont une petite partie marque la frontière birmano-thaïlandaise. Se déraciner contre son gré, c’est un peu comme traverser le Styx, semble suggérer le gracieux et mystérieux plan-séquence d’ouverture d’Adieu Mandalay. Cette atmosphère à la fois onirique et tendue donne son ton au film, dont le récit est pris en étau entre l’amitié amoureuse entre ses deux héros, qui se rencontrent lors de leur périple migratoire, et leur mal du pays, accentué par les désillusions qui s’accumulent une fois installés en Thaïlande. S’ils y trouvent une communauté soudée de clandestins, obtenir des papiers et un travail qui soit un minimum lucratif et sans danger relève en effet du chemin de croix. Jamais sirupeux ni pathétique, le film tient vaillamment en équilibre au-dessus des ornières tout en gardant les pieds sur terre. • TIMÉ ZOPPÉ
76
FILMS
MISTER UNIVERSO
— : de Tizza Covi et Rainer Frimmel Zeugma Films (1 h 30) Sortie le 26 avril
—
ALBUM DE FAMILLE
ZOOM
incursion dans le monde baroque des artistes de cirque pour Tizza Covi et Rainer Frimmel, dans la même veine documentaire que leurs deux fictions précédentes (La pivellina, 2010 ; L’Éclat du jour, 2014). La grâce est intacte. Adolescent aperçu dans La pivellina, Tairo a bien grandi. Il est désormais dompteur de fauves dans un cirque itinérant en Italie et joue ici son propre rôle. Désemparé à l’idée d’avoir perdu son fer à cheval porte-bonheur, il part à la recherche de l’homme qui le lui avait plié et offert il y a longtemps : Arthur Robin, ancien bodybuilder, aujourd’hui âgé de 89 ans, mythe et garant des escapades oniriques du récit. Cette quête étrange est en fait un élément constitutif du scénario, donc fictif. Mais comment démêler le vrai du faux quand tout paraît si vraisemblable et fluide, chaque scène ayant été tournée en trois prises maximum par souci de naturel ? La caméra offre d’ailleurs le point de vue des coulisses (soin des animaux, préparation) plutôt que du spectacle. Comme pour nous signifier que ce monde-là n’a nul besoin d’être saupoudré d’actions fantaisistes pour révéler toute sa magie. • OLIVIER MARLAS
— : de Mehmet Can Mertoğlu Le Pacte (1 h 43) Sortie le 3 mai
—
Mehmet
Can Mertoğlu épingle la société turque au détour du parcours d’un couple infertile sur le point d’adopter un bébé et qui met en scène une fausse grossesse. Bahar et Cüneyt se prennent partout en photo : sur la plage, en visite dans un aquarium… Ce qu’il faut remarquer, c’est le ventre bien rond de Bahar, dont on comprend vite qu’il abrite un simple coussin. Un simulacre d’autant plus étrange que le couple, qui ne côtoie pas grand monde, semble avant tout l’organiser pour lui-même, comme si l’œil inquisiteur de la société s’était immiscé si loin dans leur intimité qu’il l’avait déréglée. Montrés comme des êtres apathiques – mais moins que les collègues de Bahar, effondrés sur leur bureau, comme morts –, ils font face à des institutions où règne l’inefficacité : le directeur de l’agence d’adoption feint de compléter leur dossier mais boucle une réussite sur son ordinateur ; un policier saoule Cüneyt d’analyses sur le football au lieu de prendre sa déposition… Filmé en longs plans fixes, Album de famille est en fait un album de la société turque qui pointe sa perte de repères avec un humour grinçant. • TIMÉ ZOPPÉ
77
ZOOM
Troisième
FILMS LETTRES DE LA GUERRE
Mobilisé en Angola en 1971, le futur écrivain portugais António Lobo Antunes a écrit chaque jour à sa femme des missives passionnées, trame de ce premier long métrage. Dites en voix off sur des images d’un noir et blanc stylisé, elles convoquent dans un même élan poétique l’absurdité coloniale et les ravages intimes du sentiment amoureux. • J. R.
— : d’Ivo M. Ferreira (Memento Films, 1 h 45) Sortie le 12 avril
L’HOMME AUX MILLE VISAGES
Pour échapper à la justice et dissimuler sa fortune, Luis Roldán, très corrompu chef de la Guardia Civil, reçoit l’aide rémunérée d’un ancien agent secret espagnol. S’inspirant d’une histoire vraie, Alberto Rodriguez (La isla mínima) distille la tension dans des lieux confinés (appartements, bureaux, banques) où paranoïa et duplicité règnent en maîtres. • O. M.
— : d’Alberto Rodríguez (Ad Vitam, 2 h 03)
Sortie le 12 avril
BIENVENUE AU GONDWANA
Une délégation internationale débarque dans un pays d’Afrique de l’Ouest pour « surveiller » l’élection présidentielle. Avec un grand talent de satiriste, l’humoriste nigérien Mamane épingle tous les acteurs de la corruption, taclant au passage l’ingérence des pays européens, et filme avec tendresse les opposants au pouvoir, menés par l’actrice gabonaise Prudence Maidou. • J. R.
— : de Mamane (Wild Bunch, 1 h 40) Sortie le 12 avril
SOUS LE MÊME TOIT
En pleine crise du logement, Yvan (Gilles Lellouche) retourne habiter chez son ex-femme (Louise Bourgoin), dans les 20 % de la maison qui lui appartiennent toujours. Autour de cette collocation subie, Dominique Farrugia déploie des ressorts comiques parfois un peu prévisibles, mais peut compter sur le jeu survolté et les pitreries de Lellouche. • O. M.
— : de Dominique Farrugia (EuropaCorp, 1 h 33) Sortie le 19 avril
CESSEZ-LE-FEU
Avec ses trois personnages cabossés par le conflit de 1914-1918 – un héros de guerre qui revient en France après un exil en Afrique (Romain Duris) ; son frère (Grégory Gadebois), devenu mutique à son retour des tranchées ; et une ancienne infirmière (Céline Sallette) –, cette fiction réaliste sur le traumatisme ouvre aussi de jolies brèches romanesques. • O. M.
— : d’Emmanuel Courcol (Le Pacte, 1 h 43) Sortie le 19 avril
78
FILMS JONCTION 48
En Israël, Kareem est un rappeur palestinien confronté au rigorisme de sa belle-famille, qui empêche sa copine de chanter avec lui, et à l’ultranationalisme de la scène hip-hop de Tel-Aviv. À mi-chemin entre la chronique sociale et la comédie musicale, ce long métrage dépeint avec un flow percutant le quotidien contrarié d’une jeunesse en mouvement. • O. M.
— : d’Udi Aloni (Paradis Films, 1 h 36) Sortie le 19 avril
11 MINUTES
Un mari jaloux veut empêcher sa femme de le tromper, un réalisateur tente de séduire une actrice, un étudiant projette un hold-up… Jerzy Skolimowski suit onze intrigues différentes en temps réel sans que la nature de leur lien ne soit exposée. Brouillant les points de vue, il met en place un jeu galvanisant sur le caractère illusoire des images. • Q. G.
— : de Jerzy Skolimowski (Zootrope Films, 1 h 21) Sortie le 19 avril
DJANGO
Progressivement, le portrait du guitariste manouche Django Reinhardt fait place à l’évocation du génocide tsigane lors de la Seconde Guerre mondiale. Le film matérialise, par des sons anxiogènes toujours plus envahissants (sirènes, aboiements), la menace de mort qui se rapproche de ce génie, campé par Reda Kateb, à mesure qu’il tente de gagner la Suisse. • H. B.
— : d’Étienne Comar (Pathé, 1 h 55) Sortie le 26 avril
À MON ÂGE JE ME CACHE ENCORE POUR FUMER La patronne (Hiam Abbas) d’un hammam d’Alger interdit aux hommes recueille une femme enceinte battue par son frère et la cache de sa clientèle… Le huis clos captive autant par la tension que génère l’arrivée de la réfugiée que par les discussions entre les clientes – de profils et d’états d’esprits très différents – sur la religion et la place des femmes. • O. M.
— : de Rayhana Obermeyer (Les Films du Losange, 1 h 30) Sortie le 26 avril
LA COLÈRE D’UN HOMME PATIENT
Anéanti par la mort de sa fiancée à la suite d’un braquage, José, avide de vengeance, attend patiemment qu’un des coupables purge ses huit années de prison. Leurs retrouvailles amorcent une spirale infernale de violence… Goya du meilleur film 2017, le premier long métrage de Raúl Arévalo (vu chez Almodóvar) marque par son ton rugueux et réaliste. • O. M.
— : de Raúl Arévalo (ARP Sélection, 1 h 32) Sortie le 26 avril
80
FILMS DE TOUTES MES FORCES
Quand il est placé dans un foyer après le décès de sa mère, Nassim (le nouveau venu Khaled Alouach, très juste) ravale sa tristesse et cache sa nouvelle vie à ses amis du lycée… Porté par la musique planante du talentueux Thylacine, De toutes mes forces rejoue avec pudeur et sensibilité la partition de l’ado rebelle peinant à exprimer sa colère. • T. Z .
— : de Chad Chenouga (Ad Vitam, 1 h 38) Sortie le 3 mai
TUNNEL
En Corée du Sud, cinéma de genre rime souvent avec brûlot politique. La preuve encore avec Tunnel, film catastrophe qui, quelques mois après les zombies de Dernier train pour Busan, brocarde l’inhumanité du capitalisme effréné. Riche en ruptures de ton, cette fable en forme de survival conjugue drame intimiste et grand spectacle avec efficacité. • É. V.
— : de Kim Seong-hun (Version Originale / Condor, 2 h 06) Sortie le 3 mai
ON L’APPELLE JEEG ROBOT
Fuyant la police, un malfrat tombe dans un bidon contenant une substance radioactive. Désormais doté d’une force surhumaine, il prend sous son aile une femme qui est traquée par un dangereux psychopathe… On aurait apprécié un second degré un peu plus marqué, mais la maîtrise des codes de la série B et des effets spéciaux fait son petit effet. • T. Z .
— : de Gabriele Mainetti (Nour Films, 1 h 58)
Sortie le 3 mai
BIENTÔT LES JOURS HEUREUX
Habitant près d’une forêt italienne où un loup aux pouvoirs légendaires aurait élu domicile, des villageois racontent dans des interviews leur vision et leur expérience de la bête. Peuplé de silences et de dialogues cryptiques, cet étrange objet filmique, à la croisée du conte et du documentaire, convoque avec poésie l’écoute et l’imaginaire. • O. M.
— : d’Alessandro Comodin (Shellac, 1 h 40) Sortie le 3 mai
EN AMONT DU FLEUVE
Réunis par la mort d’un père mystérieux, deux demi-frères apprennent à se connaître tout en remontant le cours d’un fleuve, près de l’endroit où leur géniteur s’est éteint… Très peu d’éléments de contexte, un certain sens de la lenteur et une nature filmée comme un personnage à part entière : le voyage est immersif, et le parti pris, audacieux. • O. M.
— : de Marion Hänsel (JHR Films, 1 h 30) Sortie le 3 mai
81
avec Reda Kateb et Cécile de France
GHOST IN THE SHELL
DJANGO
avec Scarlett Johansson
SAGE FEMME
avec Catherine Frot et Catherine Deneuve
LES SCHTROUMPFS ET LE VILLAGE PERDU
avec les voix de Laëtitia Milot et Arié Elmaleh
ORPHELINE avec Adèle Haenel et Adèle Exarchopoulos
avec Chris Pratt et Zoe Saldana
LES GARDIENS DE LA GALAXIE 2
AURORE SOUS LE MÊME TOIT avec Agnès Jaoui
de Dominique Farrugia
de Raúl Arévalo
LA COLÈRE D’UN HOMME PATIENT
CESSEZ-LE-FEU avec Franck Dubosc et Mathilde Seigner
avec Romain Duris
BOULE & BILL 2
C’EST BEAU LA VIE QUAND ON Y PENSE LE PROCÈS DU SIÈCLE
de et avec Gérard Jugnot
avec Rachel Weisz
UGC CINE CITE – RCS de Nanterre 347.806.002 – 24 avenue Charles de Gaulle, 92200 Neuilly-sur-Seine
Seul ou à deux, à partir de 17,90€ par mois
les frais de dossier
Offre valable du 29 mars au 2 mai 2017 Plus de 1000 films par an dans plus de 700 salles Conditions sur ugc.fr et au 01 76 64 79 64
*
LE TROISCOULEURS DES ENFANTS
L’INTERVIEW D’ANNA MEI, 15 ANS
LAETITIA IVANEZ STYLISTE
COUL' KIDS
Tu as toujours voulu être styliste ? Non, pas du tout ! J’ai grandi entourée de pots de teinture, dans une maison où mes parents fabriquaient des jupons en gaz à pansement qu’ils teignaient artisanalement et qu’ils séchaient au soleil de Marseille, la ville où nous habitions. Mes parents travaillaient beaucoup, j’avais le sentiment de ne jamais les voir, et je ne voulais absolument pas faire ce métier qui me semblait très éprouvant. Pour finir, tu es quand même devenue styliste… La société de mes parents a fermé et je me suis installée à Paris avec mon père dans une chambre sous les toits. Je voulais faire du théâtre, je me suis inscrite au cours Florent, mais je trouvais que mon père avait tellement de talent que je l’ai aidé à remonter une société et à vendre ses jupons. Il est ensuite tombé très malade. À sa disparition, j’ai voulu continuer son histoire et j’ai repris sa marque, Les Prairies de Paris, pour créer mes propres vêtements. Mais tu avais une formation de comédienne, pas de styliste ? J’ai tout appris en allant dans les ateliers, en discutant avec les gens. J’étais très curieuse, mais je ne savais pas dessiner avec un crayon, seulement avec mes mots. J’ai fait appel à une modéliste à qui j’expliquais ce que je voulais et qui dessinait les vêtements que j’avais imaginés. Concrètement, comment tu travailles ? Ce qu’il y a de plus important pour moi, ce sont les couleurs et la matière, ce qui sera le socle du vêtement. Mais, parfois, je crée le modèle sans avoir le tissu. Comme je n’ai pas fait d’école, je n’ai pas de méthode prédéfinie.
Qu’est ce qui t’inspire ? Je me balade, je vais voir des expos, j’observe les gens. Le cinéma, c’est aussi très important pour moi : Jean-Luc Godard, pour les couleurs dans ses films comme Pierrot le fou et Le Mépris ; Jacques Tati, pour la géométrie ; et bien sûr Jacques Demy, pour la joie de vivre et la musique de Michel Legrand. Tu t’intéresses beaucoup au cinéma ! J’adorerais dessiner les costumes d’une comédie musicale ; idéalement pour Wes Anderson, le réalisateur de Fantastic Mr. Fox et de The Grand Budapest Hotel. Le rêve ! • PROPOS RECUEILLIS PAR ANNA MEI (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE) PHOTOGRAPHIE : ROMAIN GUITTET
COMME ANNA MEI, TU AS ENVIE DE RÉALISER UNE INTERVIEW ? DIS-NOUS QUI TU AIMERAIS RENCONTRER EN ÉCRIVANT À BONJOUR@TROISCOULEURS.FR
84
PLUS VOUS SEREZ PETIT, MIEUX VOUS COMPRENDREZ
LE DEBRIEF Anna Mei a rencontré Laetitia Ivanez, styliste de la marque Les Prairies de Paris, et fraîchement nommée directrice artistique des collections femme des Galeries Lafayette. « J’ai interviewé Laetitia chez elle, c’est là qu’elle imagine la plupart du temps ses vêtements. Moi, j’étudie la photo au lycée, j’aime faire des portraits, mais la photo de mode m’intéresse aussi. Laetitia m’a raconté beaucoup de choses, elle s’est confiée et ça m’a vraiment touchée. Son parcours et sa gaieté m’ont encouragée à chercher ma propre voie. »
EXPO 29.03 > 30.07.2017 MÔMES & Cie BILLETS FNAC.COM ET CINEMATHEQUE.FR
#MOMESETCIE
AVEC LE SOUTIEN DE
• ANNA MEI
GRANDS MÉCÈNES DE LA CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE
EN PARTENARIAT AVEC
AMIS DE LA CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE
EN PARTENARIAT MÉDIA AVEC
Kirikou © 1998 Les Armateurs / Odec Kid Cartoons / France 3 Cinéma / Monipoly / Trans Europe Film / Exposure / RTBF / Studio O
fonds de dotation
CINÉMA
Titre du film : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom du réalisateur : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Résume l’histoire : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................................................. ................................................................. ................................................................. ................................................................. Ce qui t’a le plus plu : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................................................. ................................................................. Ce qui t’a le moins plu : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . COUL' KIDS
................................................................. ................................................................. En bref : Prénom et âge : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . PRENDS TA CRITIQUE EN PHOTO ET ENVOIE-LA À L’ADRESSE BONJOUR@TROISCOULEURS.FR, ON LA PUBLIERA SUR NOTRE SITE !
IE N D
LY
FR
FR
LY
ARENT
S
P
KIDS
IE N D
À VOIX HAUTE
LA JEUNE FILLE ET SON AIGLE
Réunis par le même espoir de devenir « le meilleur orateur du 93 », de jeunes étudiants de l’université de Saint-Denis participent au concours annuel Eloquentia. Dans ce captivant documentaire, les candidats se surpassent et feuillettent, en compagnie de professionnels de la parole aussi bienveillants que rigoureux, le précieux manuel de la confiance en soi. • O. M.
Aisholpan, jeune Mongole de 13 ans, est la première fille à s’inscrire au concours de dresseur d’aigles, point d’orgue d’un festival incontournable du pays. Malgré la désapprobation des patriarches de sa tribu, elle se prépare assidûment, nous entraînant dans son sillage dans les magnifiques steppes d’Asie centrale, cœur d’un documentaire féministe et vraiment dépaysant. • O. M.
Sortie le 12 avril, dès 10 ans
Sortie le 12 avril, dès 7 ans
: de S. de Freitas et L. Ly (Mars Films, 1 h 39)
: d’Otto Bell (ARP Sélection, 1 h 27)
86
Bastille
LENO HARD
IR
EVAR
EVAR
UE
TT
E
BOUL
RU
AIS
ED
EL
AR OQ
UMARCH
ARD BEA BOULEV
D RIC
HARD
LENO
BOUL
4 Boulevard Beaumarchais
D RIC
Bastille (côté Beaumarchais)
IR
2 adresses, 7 salles, 900 fauteuils
Bastille (côté Fg StAntoine)
RUE SAIN
T-ANTOIN E
M
5 Rue du Faubourg Saint-Antoine
PLACE DE LA BASTILLE
RU
ON NT
RE
HA
EC
ED
RU
ED
UF
AU
BO
UR GS
AIN
T-A N
TO IN
E
Pour plus d’informations, restez connectés
TOUT DOUX LISTE
PARENTS FRIENDLY
RÊVE ÉVEILLÉ
ATELIER
Tout commence par une visite de la collection permanente, qui retrace l’histoire de l’immigration. Puis l’atelier « Capteur de rêves » se poursuit avec la fabrication d’attrapes-rêves inspirés par les parcours d’hommes et de femmes qui ont quitté leur pays dans l’espoir de trouver un avenir meilleur.
: le 22 avril au musée de l’histoire de l’immigration, dès 6 ans
ALLEZ, ZOO !
ANIMATION
Tous les jours, rendez-vous devant les enclos des pandas roux et des orangs-outans pour rencontrer les soigneurs de la ménagerie. Ils vous expliqueront leur métier ainsi que les caractéristiques de ces animaux emblématiques.
: jusqu’au 30 avril à la ménagerie du Jardin des Plantes, dès 5 ans
COUL' KIDS
PETITS SUR GRAND ÉCRAN
CINÉ-CONCERT
En complément de l’exposition « Mômes & Cie », la « Séance à remonter le temps : petites canailles » est un ciné-concert commenté qui revient sur la place des enfants dans les films, du Repas de bébé des frères Lumière au cinéma contemporain. Soit une joyeuse bande de mouflets et une ribambelle de bêtises.
• CÉCILE ROSEVAIGUE
ILLUSTRATIONS : PABLO COTS
: le 7 mai à la Cinémathèque française, dès 6 ans
KIDS FRIENDLY
ANTENNE DANS 5, 4, 3…
ATELIER
S’essayer aux métiers de journaliste, météorologue ou technicien dans le cadre d’un vrai-faux journal de France Info, c’est possible grâce à l’atelier « France Info junior ». Casque sur les oreilles, immersion en famille dans les studios d’enregistrement de la légendaire maison de la Radio.
: le 22 avril à la maison de la Radio, dès 8 ans
C’EST CHAUD
EXPO
Les sapeurs-pompiers de Paris, dont la brigade a été créée en 1811 par Napoléon Ier, sont mis à l’honneur dans l’expo gratuite « Pompiers de Paris. Notre mission : sauver » qui rassemble archives audiovisuelles, photos et impressionnant matériel d’intervention – casques, véhicules, scaphandres.
: jusqu’au 29 avril à l’Hôtel de Ville, dès 6 ans
RESTEZ DANS LE GAME
EXPO
À travers une soixantaine de jeux, dont la moitié auxquels on peut jouer, l’exposition gratuite « Game, le jeu vidéo à travers le temps » vous permet de faire découvrir à vos bambins des antiquités comme Spacewar! et Tomb Raider. Le parcours illustre la spectaculaire évolution du jeu vidéo, de ses débuts jusqu’à ses toutes dernières innovations.
: jusqu’au 27 août à la Fondation EDF, dès 6 ans
88
FAIS TON CINÉMA
SABLÉS CLAP Moteur, ça enfourne ! Ce mois-ci, tu peux jouer les cinéastes et les grands chefs tout à la fois en concoctant des petits sablés en forme de clap de cinéma. 1
INGRÉDIENTS ET MATÉRIEL : 200 g de beurre, 150 g de cassonade, 50 g de sucre roux, 2 œufs, 200 g de farine, 150 g de sucre glace, citron, colorant noir ; feuille de papier (PDF à imprimer), ciseaux, couteau. TEMPS DE RÉALISATION : 30 minutes. À PARTIR DE 4 ANS, avec un adulte. • PAR POULETTE MAGIQUE
2
3
4
TOUTES LES ÉTAPES SUR WWW.POULETTEMAGIQUE.COM/SABLESCLAP 89
OFF CECI N’EST PAS DU CINÉMA
EXPOS
SOIXANTEDIXSEPT — : « Quand Rossellini filmait Beaubourg » jusqu’au 16 juillet à La Ferme du Buisson (Noisiel)
Roberto Rossellini, tournage du film Le Centre Georges Pompidou, 1977, courtesy Fondation Genesium, Jacques Grandclaude
© D. R.
—
OFF
77,
année artistique ! À l’occasion du quarantième anniversaire du Centre Pompidou, SoixanteDixSept regroupe plusieurs expositions et un festival dans trois lieux d’art contemporain du département affublé du même chiffre, la Seine-et-Marne. Comment refléter et réfléchir aujourd’hui l’énergie d’une époque à laquelle a grandement contribué l’ouverture du Centre Pompidou ? Sur un mode quasi oulipien, le choix s’est porté sur des œuvres conçues ou acquises en 1977, ou par des artistes nés ou disparus cette année-là, tout en proposant à des artistes contemporains de produire de nouvelles œuvres venant dialoguer avec celles-ci. C’est le cas notamment de l’artiste Marie Auvity, qui revient sur le dernier film de Roberto Rossellini, Le Centre Georges Pompidou, à travers un ambitieux film-enquête donnant la parole à l’un de ses initiateurs, le producteur Jacques Grandclaude, ainsi qu’à Claude Mollard, alors secrétaire général du Centre Pompidou, et à Alain Bergala, ancien rédacteur en chef adjoint des Cahiers du cinéma. Resté dans l’ombre pendant quarante ans, le documentaire de Rossellini constitue le cœur de l’exposition présentée à La Ferme du Buisson. Le 31 janvier 1977, jour de l’ouverture au public, le cinéaste italien est là avec sa caméra et ses micros cachés pour saisir le lieu et les réactions des visiteurs, médusés voire choqués, révélant ainsi, sur le vif, la portée sociale et politique d’un tel événement. Un inspirant vent d’utopie qu’il s’agit d’insuffler à nouveau. • ANNE-LOU VICENTE
Le 31 janvier 1977, le cinéaste italien est là avec sa caméra pour saisir les réactions des visiteurs médusés.
RIEN NE NOUS APPARTIENT : OFFRIR EMMANUELLE LAINÉ Ici, il faut ne plus penser par binarité, mais vivre l’exposition comme à demi éveillé, avancer dans un espace sans lumière artificielle dans lequel notre perception évolue en fonction de l’atmosphère ambiante. Ce temps mouvant a été pensé collectivement par la commissaire et les artistes afin de prendre en considération l’environnement, les conditions de production et les visiteurs. Un moment durant lequel nous explorons notre rapport à l’altérité – comment la différence nous construit. • HERMINE WURM
Avec « Incremental Self. Les corps transparents », Emmanuelle Lainé déploie, dans une installation faite d’un habile Tetris de tables d’écoliers, un ensemble de témoignages de vie d’ouvriers, d’artistes, d’étudiants. Au fil de ces films qui regroupent des expériences qui n’ont à première vue rien de commun, c’est une histoire politique collective qui se dessine et laisse apparaître une conscience commune, jusqu’à rendre l’individualité transparente. • H. W.
à la Fondation d’entreprise Ricard
à Bétonsalon – Centre d’art et de recherche
: jusqu’au 6 mai
: jusqu’au 1er juillet
92
ART COMPRIMÉ Tous les mois, notre chroniqueuse vous offre un concentré des dernières réjouissances du monde de l’art.
Après une longue absence, Banksy est de retour : il a ouvert début mars à Bethléem l’hôtel « avec la pire vue du monde » – c’est-à-dire donnant sur le mur de séparation construit par Israël. Il faut compter minimum 30 dollars pour passer une nuit dans l’une des neuf chambres décorées par le mystérieux trublion. • Les scientologues auraient infiltré la maison des Arts, l’un des principaux musées de Munich. Les services de renseignement allemands semblent avoir pris au sérieux la plainte d’une élue locale puisqu’une enquête a été ouverte début mars. • Les selfies sont décidément la plaie du siècle : aux États-Unis, un visiteur a reculé d’un pas de trop devant une installation de la pétulante artiste japonaise Yayoi Kusama, piétinant l’une de ses célèbres citrouilles de verre valant la bagatelle d’un million de dollars. • Dénonçant le mécénat du Louvre par Total, des militants écologistes de l’ONG environnementale Zéro Fossile ont mis en scène une marée noire devant la Victoire de Samothrace le 5 mars dernier, en déversant des vêtements sombres aux pieds de la statue ailée. • Toujours au Louvre, la grande exposition dédiée à Vermeer a été victime de son succès : le jour de l’inauguration, certains visiteurs sont restés à la porte après avoir fait quatre heures de queue, alors qu’ils avaient payé leur place. Il faut être prêt à enfiler des perles avant d’admirer La Jeune Fille à la perle… • MARIE FANTOZZI ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL
96 expositions 32 villes
SPECTACLES
ON TRAVERSERA LE PONT UNE FOIS RENDUS À LA RIVIÈRE — : de l’Amicale de production © DEFOORT, VIAL, FOURNET, MAILLARD, HACKWILL
du 27 avril au 13 mai au Centquatre (environ 1 h 30)
—
OFF
L’Amicale
de production est de retour. Après Germinal, leur pièce best-seller qui remontait aux origines du langage avec un goût prononcé pour l’absurde, les joyeux artisans des scènes sont partis en exploration solitaire. Antoine Defoort – et son obsession pour Les Parapluies de Cherbourg – s’est illustré dans une conférence performée sur la propriété intellectuelle (Un faible degré d’originalité), Halory Goerger a envoyé des artistes dans l’espace pour une expérience scientifique (Corps diplomatique), et Julien Fournet a inventé le tourisme de proximité artistique dans ses Petits cours à l’usage des spectateurs du xxie siècle. Ils reviennent en formation collective, quoique recomposée – Halory Goerger s’est éclipsé. Pièce de théâtre radiodiffusée en live, On traversera le pont une fois rendus à la rivière met en scène ANTOINE DEFOORT Méthode, Réalité, Fiction et Ergonomie dans une sorte de jeu de société théâtral et collaboratif. Comment imaginer de nouvelles circulations entre les spectateurs et la scène ? Comment fabriquer ensemble ? Comment inventer quand les disques durs de la société semblent s’être arrêtés au « there is no alternative » de Margaret Thatcher ? « J’ai des pulsions politiques de plus en plus explicites, nous expliquait Antoine Defoort au moment des prémices du spectacle. On doit se sentir acculés par un système économique et la frustration est grandissante. On a besoin de reformuler le politique dans notre travail. » Un peu d’air en période électorale. • AÏNHOA JEAN-CALMETTES
« J’ai des pulsions politiques de plus en plus explicites. »
LE SYNDROME IAN
FINIR EN BEAUTÉ
Dans la veine des pièces-clubbing en vogue actuellement, Christian Rizzo livre une nouvelle création en clair-obscur. Sur Le Syndrome Ian plane le spectre du chanteur de Joy Division, Ian Curtis, de ses crises d’épilepsie et de sa mort violente. Et si l’énergie des corps reste flottante, c’est que le chorégraphe préfère tenir l’euphorie de la fête à distance pour réveiller la mélancolie qui guette. • A. J.-C.
Seul en scène, Mohamed El Khatib raconte la disparition de sa mère. Pour saisir le tourbillon du deuil, il propose une écriture fragmentée qui assemble différents matériaux : définitions du dictionnaire, vocabulaire médical, souvenirs de conversations intimes, mails et SMS de condoléances. Une parole buissonnante dans laquelle les détails triviaux, parfois absurdes, se frottent à l’émotion la plus brute. • A. J.-C.
au Théâtre national de Chaillot (55 min)
de Saint-Quentin-en-Yvelines (50 min)
: du 26 au 28 avril
: du 26 au 29 avril au Théâtre
94
La Cité des sciences et de l’industrie et les Inrockuptibles présentent
RESTOS
MÉTRO, BOULOT, BISTROT
OFF
© STÉPHANE MÉJANÈS
La bistronomie a été inventée dans les années 1990 par des chefs, venus de palaces, désireux de retrouver liberté et simplicité. Le bistrot, lui, n’a jamais cessé d’exister, avec ses plats rassurants et roboratifs. Aux Arlots comme ailleurs, on se moque des labels, on mange et on boit bon.
LES ARLOTS Cheveux gominés, petite moustache, sourire mutin et verbe franc, Thomas Brachet a tout de l’Apache, mauvais garçon du début du xxe siècle. C’est pourtant la gentillesse même, et surtout un sacré bon cuisinier. Avec son associé, Tristan Renoux, grand duduche beau gosse féru de vin naturel, il tient avec bonhomie les Arlots, bistrot pur jus qui vient de fêter son premier anniversaire. Les arlots, ce sont à la fois des raisins de floraison tardive, et des coquins, des fripons, des ribauds – on y revient. Mais c’est avant tout un resto de quartier qui n’a d’autre ambition que de toucher le cœur et l’estomac de ses clients, à des tarifs doux. Thomas a connu la clientèle chic de la Maison Blanche et les hipsters du Beef Club ; ce jeune papa aspire à autre chose. Sur l’ardoise, on peut trouver (mais ça change tout le temps) : poireau vinaigrette revisité (photo), « volupté de potimarron » au lard et noisettes, amour de boudin noir à la tête de cochonne, la meilleure saucisse-purée maison de Paris, et un bien nommé batifolage tout choco. Pour faire glisser tout ça, on s’en remet à Tristan, qui a toujours quelques quilles bien planquées derrière un fagot dont vous n’avez jamais entendu parler. Formules déjeuner : 18-21 €. Carte : environ 40 €. • STÉPHANE MÉJANÈS
: 136, rue du Faubourg-Poissonnière, Paris Xe
CHEZ LA VIEILLE
ODETTE
Daniel Rose (Spring, la Bourse et la Vie), cuisinier américain fou de tradition française, a repris cette institution parisienne. Il se fait plaisir à coups de hareng pommes à l’huile, de blanquette, de demi coquelet à la diable, de riz au lait pralines roses et de poire au vin rouge. Carte : environ 30 €. • S. M.
Caroline et Sophie Rostang ont encore frappé, cette fois dans le registre de l’auberge urbaine. Le chef Yannick Lahopgnou, formé notamment par Yannick Alléno, sublime les produits en jeunes carottes au citron et à la bergamote, côte de veau à partager (44 €) et crème brûlée au café. Marché du jour : 22 €. Carte : environ 35 €. • S. M.
: 1, rue Bailleul, Paris Ier
: 25, rue du Pont-Neuf, Paris Ier
96
C’EST DOUX ! Notre chroniqueur @phamilyfirst décloche pour vous l’actualité food au centre de la table. Nouveaux restos, mercato et tuyaux à gogo dans ce rendez-vous flash info.
| BASTA | Fini Liberté pour le chef pâtissierboulanger Benoît Castel qui vole désormais de ses propres ailes. Ses fameuses tartes à la crème et son pain du coin se trouvent maintenant dans ses adresses de la rue de Ménilmontant (XXe) et du bd Haussmann (IXe). | SOUPES | Le Dauphin (XIe) d’Iñaki Aizpitarte nous met le bouillon tous les midis : une minicarte de noodle soups d’une efficacité redoutable. | FEU | Brutos, près du square Gardette (XIe), joue la viande grillée à la braise à la brésilienne avec accord vins nature. | NON-STOP | En attendant l’ouverture de son deuxième bébé rue Lucien Sampaix, le spécialiste du breakfast Holybelly (Xe) monte la cadence en ouvrant sept jours sur sept. | FRITTA | Pour une véritable pizza fritta napolitaine et une version au chocolat, c’est chez Da Graziella (Xe) et son magnifique four à bois. | COLLECTIF | Le journaliste gastronomique Sébastien Demorand ouvre son épicerie-cave-table, Le Bel Ordinaire (Xe), avec l’aide de son associé et de copropriétaires bons mangeurs, grâce à une campagne de financement participatif. | FULGURANT | la cheffe Céline Pham est la nouvelle résidente de Fulgurances (XIe). Six mois pour goûter sa cuisine d’inspiration vietnamienne, dont le fameux ph à la sarde. | FILET-O-FISH | Filez goûter le burger au poisson pané du Clamato (XIe), le restaurant spécialiste des fruits de mer de l’équipe de l’étoilé Septime. • JULIEN PHAM (@PHAMILYFIRST) ILLUSTRATION : JEAN JULLIEN
MOFO
CONCERTS
— : du 21 au 23 avril à Mains d’Œuvres (Saint-Ouen)
© SERGIO ALBERT
—
The Parrots
OFF
Le
« plus petit des grands festivals » revient avec une programmation 100 % indé, rock et electro, répartie dans les 4 000 m² de Mains d’Œuvres. Plutôt « MOre FOlk » que « Mother F... », le festival initié en 2001 par le groupe parisien Herman Düne a toujours su privilégier des concerts à taille humaine, depuis les concerts-résidences des débuts, avec la fine fleur du courant américain anti-folk (Kimya Dawson, Jeffrey Lewis, The Wave Pictures), jusqu’aux dernières prestations, plus électriques (The Vaselines, Teenage Fanclub, Television Personalities), qui se répartissaient entre plusieurs espaces de l’ancienne bâtisse industrielle de Saint-Ouen. Après deux ans de hiatus, cette treizième édition annonce le renouveau de Mains d’Œuvres et affiche une vingtaine de groupes sur trois jours, en un beau mélange de valeurs sûres (l’electro-pop surréaliste de Grand Blanc, le prog-rock dadaïste d’Aquaserge, le kraut électronique de Fujiya & Miyagi), de groupes en développement (FAIRE, Il Est Vilaine, Oko Ebombo) et d’invités internationaux (la pop psyché et ludique des bruxellois Robbing Millions, le garage-surf des madrilènes The Parrots). Également au programme, le fantasque électronicien parisien Jacques, le vieux briscard de l’italo-disco Bernard Fèvre, ou encore Arnaud Rebotini, Marietta, Halo Maud, Barbagallo…. Un MOForum permettra enfin de rencontrer labels et disquaires indépendants. More MOFO, donc. • WILFRIED PARIS
Plutôt « MOre FOlk » que « Mother F... », le festival a toujours su privilégier des concerts à taille humaine.
BLONDINO
THE NECKS
Elle porte un nom de héros romanesque suédois, cite volontier Sylvia Plath ou Cat Power, et aurait sûrement ravi Alain Bashung. Fille de l’air, Blondino fait frissonner la french pop de sa mélancolie éclairée avec Jamais sans la nuit, premier album aussi diaphane qu’habité, tissé de poèmes aux lignes pures et à la grâce mélismatique (« Bleu »), d’une puissante fragilité. Un disque comme une étreinte, et un live qui invite, délicatement, à s’abandonner. • ETAÏNN ZWER
Génie de l’improvisation, auréolé d’une vingtaine d’albums (depuis Sex en 1989) et d’innombrables collaborations (de The Ex à Brian Eno), le trio australien compose de sidérantes pièces alchimiques, aux confins du jazz, de l’ambient et de la musique minimaliste. Un art piano-contrebasse-batterie fait de microvariations obsédantes, qui s’expérimente sur scène pour glisser subtilement vers l’hypnose, en un voyage atmosphérique et sublime. Unique. • E. Z.
: le 27 avril aux Étoiles
: le 9 mai à la Dynamo
de Banlieues Bleues (Pantin)
98
RÉALITÉ VIRTUELLE
INVASION COURT MÉTRAGE
— : (Baobab Studios) dès 6 ans
© D. R.
—
OFF
On
enfile l’Oculus Rift pour se retrouver dans l’espace. Au milieu des étoiles. Mais trêve de contemplation : la voix d’Ethan Hawke nous annonce qu’une menace pèse sur la Terre. Un vaisseau spatial glisse justement devant nos yeux : à son bord, on distingue deux aliens d’allure patibulaire. Ils se dirigent droit vers notre planète… Invasion est un court métrage d’animation signé Eric Darnell. Auteur de Fourmiz et surtout de la saga Madagascar, le réalisateur américain applique à la réalité virtuelle son sens de la comédie animalière durant six minutes. Avec un penchant pour les personnages cartoonesques et le burlesque. Avant que ne débute l’invasion extraterrestre à proprement parler, nous sommes parachutés au milieu d’un lac gelé. Tout paraît calme et enchanteur. En scrutant le paysage à 360 degrés, on finit par distinguer un lapin blanc sortant de son terrier. Pourquoi vient-il donc nous renifler ? On se rend compte en baissant les yeux que notre corps est également celui d’un petit rongeur ! Mais un cri perçant vient perturber ces politesses… Déjà les martiens ? Non : un aigle ! Qui fond sur notre congénère, le manquant de peu. Les aliens ne surgiront qu’après, se révélant aussi doués en zigouillage de rapaces que maladroits sur la glace. Drôle et hyper rythmé, Invasion fait du spectateur le faire-valoir du héros grâce à sa mise en scène ludique. Il se murmure qu’il pourrait bientôt être adapté en long métrage par Hollywood : une première pour un court métrage en VR. • ÉRIC VERNAY
On se rend compte en baissant les yeux que notre corps est celui d’un petit rongeur.
VR KALEIDOSCOPE
FESTIVAL
Deuxième édition du festival trimestriel qui propose une sélection mondiale de contenus VR tout frais. 21 programmes présentés par leurs créateurs, dont l’une des premières expériences collectives de VR, l’immersif Life of Us, qui conte l’histoire de la vie sur Terre, ou encore The Price of Freedom, une plongée dans la peau d’un agent de la C.I.A. chargé d’éliminer un extrémiste. Rendez-vous les 28 et 29 avril pour tester la marchandise. • T. Z .
: le 28 avril de 17 heures à 22 heures et
le 29 avril de midi à 22 heures, dès 6 ans
HOLODIA
SIMULATEUR D’AVIRON
Jeu vidéo ou sport en salle ? N’hésitez plus : Holodia pourrait bien à la fois combler vos mirettes et votre ceinture abdominale. Cette simulation d’aviron permet de griller des calories (vous ramez pour de vrai, en tirant des manettes et en poussant avec vos pieds) tout en admirant des décors exotiques virtuels : à vous la cité antique de Babylone ou les anneaux de Saturne ! En solo pour les contemplatifs, ou en mode multijoueur pour les compétiteurs. • É. V.
: (Holodia) dès 6 ans
PROGRAMMES À DÉCOUVRIR À L’ESPACE VR DU mk2 BIBLIOTHÈQUE INFOS ET RÉSERVATIONS SUR MK2VR.COM
PLANS COUL’ À GAGNER
STUDIO BLUMENFELD EXPO
© THE ESTATE OF ERWIN BLUMENFELD
— : « Studio Blumenfeld. New York, 1941-1960 » jusqu’au 4 juin aux Docks – la Cité de la mode et du design
—
Erwin
Erwin Blumenfeld, Rage for Color, dans le numéro daté du 15 octobre 1958 du magazine Look
des caricatures d’Adolf Hitler. Installé à New York, il se consacre à la photo de mode, sans toutefois renoncer aux jeux de déconstruction de l’image, comme nous le confie Nadia Blumenfeld Charbit, sa petite-fille : « Il tentait toujours de détourner les exigences du monde de la mode. Armé de colle, de ciseaux, d’agrafes, il décomposait et recomposait ses négatifs. » La conviction intime que l’image ne doit pas être prise au sérieux, c’est le fil rouge de l’œuvre de ce grand artiste qui a fait de la photographie de mode un manifeste dada. • JOSÉPHINE LEROY
OFF
Blumenfeld (1897-1969) a su insuffler un vent dadaïste à l’univers glacé de la mode féminine. Harper’s Bazaar, Vogue, Glamour : tous s’arrachent l’œil incisif du photographe. À travers un parcours chronologique assez dense (deux cents clichés, dont trente inédits), l’exposition attire d’emblée par une explosion de couleurs qui dissimule une réalité plus sombre : celle de l’exil aux États-Unis de ce Juif d’origine allemande qui commença sa carrière avec le collage, les montages photos et le dessin, expulsant sa rage dans
CINÉMA ET POLITIQUE
CYCLE
Sur la chaîne Ciné+, quatre fictions et un documentaire inédit retracent les liens équivoques entre cinéma français et politique. L’occasion de redécouvrir la vision de Raymond Depardon sur le candidat VGE (1974, une partie de campagne, censuré jusqu’en 2002) ; ou l’allégorie de l’enfant caché de Mitterrand dans Le Bon Plaisir (Francis Girod, 1984). • O. M. Le Bon Plaisir de Francis Girod
: sur Ciné+ du 21 au 28 avril
LE BAROQUE DES LUMIÈRES
EXPO
De la Régence (1715-1723) à la Révolution, des peintres d’histoire traditionnels aux représentants du Néoclassicisme (David), la richesse de la peinture religieuse parisienne est ici rassemblée. Près de deux cents œuvres au total, dont des toiles et esquisses de musées provinciaux qui complètent l’imposante collection de tableaux d’autel des églises de Paris. • O. M.
: jusqu’au 16 juillet au Petit Palais
TROIS, PRÉCÉDÉ DE UN ET DEUX
THÉÂTRE
Répondant à un questionnaire de Mani Soleymanlou, dramaturge et acteur iranien vivant au Canada, trente-huit comédiens se présentent sur scène. D’origines diverses, ils esquissent les contours d’une question complexe : qui sommes-nous vraiment ? Fin ouverte, échanges plus que monologues : l’humour et l’écoute escortent la réflexion autour d’une France plurielle. • O. M.
: du 18 au 22 avril au Théâtre national de Chaillot
102
© 1984 MK2 PRODUCTIONS / FILMS A2 / SFP ; AGATHE POUPENEY
Jacques-Louis David, Christ en croix, 1782
JARDINS EXPOS
© RMN-GRAND PALAIS / PHOTO DIDIER PLOWY
— : jusqu’au 24 juillet au Grand Palais
—
Intimement
Vue de l’exposition
en herbe. Au fil de son parcours, le marcheur promène son regard sur les quelque quatre cent cinquante tableaux de maîtres, herbiers exotiques, extraits de films et sculptures qui ornent les salles conçues sur le modèle d’un jeu d’échelle immersif et ludique. Dans la partie « bosquets », découvrir les œuvres cachées dans les renfoncements donne la sensation étrange d’errer dans le labyrinthe de Shining. Sur un mur blanc résonnent alors les mots du latiniste Pierre Grimal : « Jardin, compagnon des instants d’abandon… » • OLIVIER MARLAS OFF
lié à la terre, le jardin est aussi une représentation mentale, un idéal inspirant à la fois peintres, poètes, sculpteurs et cinéastes. Flânerie champêtre au Grand Palais parmi six siècles d’esquisses et de senteurs, de la Renaissance à nos jours : passer devant Les Pots de fleurs de Cézanne avant d’observer des sécateurs appartenant à la plus grande collection au monde d’outils de jardin anciens, puis les cisailles magiques d’Edward aux mains d’argent taillant sous nos yeux un dinosaure
BARBET SCHROEDER
RÉTROSPECTIVE
Figure incontournable de la Nouvelle Vague – notamment producteur des films d’Éric Rohmer –, Barbet Schroeder a réalisé vingt-quatre films entre fiction et documentaire, dont le culte More en 1969 (B.O. signée Pink Floyd). Le cinéaste suisse introduira plusieurs séances de cette rétrospective intégrale et donnera une masterclass le 13 mai. • O. M. More de Barbet Schroeder (1969)
: du 21 avril au 11 juin au Centre Pompidou
PULP FESTIVAL
BD
© FILMS DU LOSANGE ; FHEL 2016 PHOTO ARGYROGLO ; GALERIE ARGENTIC
La poésie du dessinateur français Nicolas de Crécy, l’humour corrosif de la star de la BD suédoise Liv Strömquist… Durant un week-end de rencontres, le public est invité à découvrir l’œuvre des talents contemporains du neuvième art, à saisir la place du dessin au cinéma (diffusion de séries et de courts métrages) et à picorer dans la librairie éphémère le Magic’Salon. • O. M. Nicolas de Crécy
: du 21 au 23 avril à La Ferme du Buisson (Noisiel)
LE MOIS DE LA PHOTOGRAPHIE
EXPOS
La plus grande manifestation photographique de la capitale s’élargit au Grand Paris. Au programme, une centaine d’expositions riches et variées : collection de clichés de mode de Robert Doisneau ; photographies du Paris des années 1930 de Roger Schall ; saisissants autoportraits de Josef Koudelka ; ou encore rétrospective de l’œuvre de l’Américain Harold Feinstein, décédé en 2015. • O. M. Roger Schall, Gare de Lyon, 1935
: jusqu’au 30 avril,www.moisdelaphotodugrandparis.com
SUR TROISCOULEURS.FR/PLANSCOUL
SONS
TIMBER TIMBRE — : « Future, Sincerely Pollution » de Timber Timbre (City Slang)
© CAROLINE DESILETS
OFF
—
La
disparition des héros a parfois du bon. C’est ce qui s’est passé pour Taylor Kirk quand il a appris la mort de Prince et de David Bowie. « Ces artistes ont toujours été des références pour moi, mais ils sont revenus au premier plan quand je me suis attelé à l’écriture de Sincerely, Future Pollution. J’ai beaucoup pensé à la façon dont ils concevaient leurs enregistrements. Bowie, en particulier, n’a jamais tenté de perfectionner son identité ; au contraire, il a toujours proposé quelque chose de différent, étrange et totalement honnête. J’ai décidé d’adopter la même attitude, plutôt que d’essayer de faire toujours la même chose en un peu mieux. » Une prise de risque réjouissante de la part du leader de Timber Timbre, dont le succès a augmenté de manière exponentielle à chaque album (déjà le sixième en dix ans) sans qu’il ne s’éloigne d’une ligne folk-rock/americana gravée dans le marbre par
SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM ? « Je pense à deux films. Le premier, le plus évident selon moi, c’est Blade Runner de Ridley Scott, pour sa vision dystopique d’un futur au bord de l’implosion. Le second, c’est Les Ailes du désir de Wim Wenders, qui à sa manière tourne aussi autour de terrains vagues dévastés.
Neil Young, Lee Hazlewood ou Bill Callahan. Pour effectuer ce pas de côté, le Canadien ne s’est pas contenté de poser ses valises dans le Val-d’Oise, au château de La Frette ; il a radicalement changé d’outils. « Je me suis tourné vers les instruments qui, jusque-là, ne m’avaient jamais intéressé, comme les boîtes à rythmes et les vieux synthétiseurs. Je pensais que ça serait amusant d’essayer de faire danser les gens. Bien sûr, ça n’a pas marché, mais quelque chose d’autre est apparu. » Cette autre chose, c’est une version régénérée et scintillante de la musique de Timber Timbre, qui évite les clichés des années 1980 grâce à sa solidité mélodique et sa sobriété d’exécution (chaque note, chaque son, chaque détail est à sa place), portée par la voix profonde et hantée du capitaine Kirk. Qui, ayant dit adieu à ses modèles, semble plus libre que jamais. • MICHAËL PATIN
Il y a quelque chose, dans le rythme et la manipulation des couleurs, qui fait écho à ma manière de composer. J’ai été frappé en revoyant la scène dans laquelle le groupe Crime & the City Solution joue dans un club à l’allure de caverne. Je me suis dit : c’est comme ça que mon groupe devrait sonner ! » TAYLOR KIRK
104
JUKEBOX
EL MICHELS AFFAIR : « Return to the 37th Chamber » (Big Crown Records)
Producteur et multi-instrumentiste prisé (Norah Jones, Aloe Blacc), Leon Michels nourrit une véritable obsession pour le Wu-Tang Clan. Huit ans après l’album Enter The 37th Chamber, il rend à nouveau hommage au mythique groupe de rap de Staten Island en treize relectures psyché-soul, façon polar de Blaxploitation enfumé. Avec, au casting, deux légendes : la diva R&B Nicole Wray et le soulman Lee Fields. • ÉRIC V ERNAY
THE BLAZE
: « Territory » (Animal 63)
Dans les clips viraux du duo de producteurs-réalisateurs The Blaze, de jeunes hommes pleurent, fument des joints, s’étreignent et dansent pour oublier leurs peines. Qu’ils soient confinés dans une tour HLM ou sur une terrasse surplombant les toits d’Alger, ils semblent partager la même transe mélancolique : un spleen électronique et soul qui donne le la intimiste de ce premier EP galvanisant. • É. V.
L.O.A.S
: « Tout me fait rire » (DFHDGB)
Toujours les mêmes thèmes : sexe, défonce et mort. Toujours la même haine du confort également. Accro aux acronymes et aux comptines droguées, le Français L.O.A.S poursuit sa trajectoire (déviante) sur un deuxième album de haute volée. Avec en sus un sens aigu de la rengaine chantonnée entre deux coulées de rap acerbe sur des beats acides : « Viens te mettre au courant, deux doigts dans la prise ! » • É. V. ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT
TABOO
SÉRIES
— : Saison 1 sur Canal+ Séries à partir du 15 avril
© SONAR ENTERTAINMENT
—
OFF
Acteur
avare de mots, qui à l’écran grommelle plus qu’il ne parle, Tom Hardy (Mad Max. Fury Road), se débrouille pourtant pour parler de lui à travers chacun de ses rôles. Dans la fable gothique Taboo, son personnage est une tête brûlée rétive à toute forme de règle, dans l’Angleterre corsetée de 1814. Revenu d’Afrique bardé de tatouages, James Delaney n’a que faire de la bienséance et des lois. On lui prête des pouvoirs chamaniques – et même une liaison avec sa sœur. Ce franc-tireur va bousculer les règles du jeu politique en refusant de céder un lopin de terre – stratégique – en Amérique, hérité de feu son père. Parmi les factions candidates à l’en déposséder : la Couronne, le gouvernement des États-Unis et l’influente Compagnie britannique des Indes orientales. La partie d’échecs peut
REVOIS
commencer, grisante à regarder, ne serait-ce que pour les images signées Anders Engström et Kristoffer Nyholm. Débauchés de la télé danoise, les deux réalisateurs filment les faubourgs de Londres à la manière des tableaux de William Turner. Visuellement, c’est éblouissant. Mais la vraie attraction demeure Tom Hardy, carrure de buffle enserrée dans un incroyable ensemble redingote-haut de forme de croque-mort. Le Britannique a cocréé la série avec son complice Steven Knight (Locke, Peaky Blinders). Également producteur, investi comme jamais, Hardy ne s’est pas offert ce rôle au hasard : un pied à Hollywood, l’autre en Angleterre, refusant de choisir entre blockbusters ciné et séries d’auteur, ce qu’il proclame avec Taboo, c’est que l’insoumis, c’est lui. Même marmonné, message reçu. • GRÉGORY LEDERGUE
VOIS
PRÉVOIS
FLEABAG
THE LEFTOVERS
REINAS
En ce début d’année, Amazon lance en France son offre de séries originales, Prime Video. À ne pas rater, dans son catalogue encore à étoffer, Fleabag, ahurissant portrait tragi-comique d’une jeune Londonienne très cash. Un sommet d’humour grinçant, écrit et interprété par la nouvelle star de la scène et de la télé britanniques, Phoebe Waller-Bridge. • G. L .
Gros coup pour le festival Séries Mania (13-23 avril) qui, après David Chase (le créateur des Soprano) l’an passé, accueille le scénariste vedette de Lost, Damon Lindelof. Lequel présentera en exclusivité mondiale deux épisodes de la saison 3 de son chef-d’œuvre dépressif The Leftovers. Une immense série sur le deuil qui s’achèvera cette année, à suivre sur OCS en U.S.+24. • G. L .
Pablo Larraín se met aux séries. D’après le site du magazine américain Variety, le réalisateur chilien de Jackie et de No travaillerait avec son frère Juan à une série dédiée aux violences faites aux femmes en Amérique du Sud, Reinas. Une fiction complémentaire d’un autre projet de série, documentaire celle-là, consacrée à des activistes de la cause féministe sur le continent. • G. L .
: Saison 1 sur Amazon Prime Video
: Saison 3 sur OCS City
106
: Prochainement
SAISON 8
SÉRIES MANIA 13 - 23 AVRIL 2017 ENTRÉE GRATUITE réservation sur series-mania.fr
JEUX VIDÉO
OFF
ZELDA. BREATH OF THE WILD
Même
— : Switch, Wii U (Nintendo) —
si on ne présente plus la saga vidéoludique The Legend of Zelda, la sortie de ce nouveau volet constitue un événement à plus d’un titre. Tout d’abord, c’est lui qui inaugure la Switch, la nouvelle machine de Nintendo, dont le (brillant) concept permet d’alterner entre console de salon et portable. Surtout, Breath of the Wild arrive à point nommé pour nous rappeler que Nintendo demeure le maître incontesté du jeu d’aventure. Et ce même si, après six ans d’absence, Zelda se met tardivement au jeu en monde ouvert, avec son royaume d’Hyrule grandeur nature, ses grandes plaines, ses lacs, ses villages, ses donjons… bref, ses centaines de kilomètres carrés à parcourir librement de long en large. Sauf que, là où d’autres aiment à baliser
l’exploration avec quantité d’indicateurs et de garde-fous, Zelda. Breath of the Wild parie sur l’épure et sur l’intuition de ses joueurs. D’une beauté sidérante, Hyrule tire sa poésie de ses paysages placides, de ses changements climatiques qui nous transportent d’une atmosphère à l’autre, ou encore de la vie qui fourmille dans chaque décor. Poursuivre sa quête héroïque et aller aider la princesse Zelda ? Pourquoi pas. Flâner à dos de cheval, chasser ou cueillir ses victuailles avant d’aller se cuisiner un bon petit plat ? C’est tout aussi bien. Plus qu’un jeu d’aventure, Zelda. Breath of the Wild devient la définition de l’aventure elle-même : une épopée où tout n’est que dépassement de soi, découvertes émues et perpétuel mouvement vers l’horizon. • YANN FRANÇOIS
HORIZON. ZERO DAWN
SNIPPERCLIPS
STYX. SHARDS OF DARKNESS
Dans un monde futuriste revenu à la préhistoire où les animaux ont été remplacés par des machines, une jeune chasseresse tente de protéger sa tribu. Entre survie et odyssée guerrière, Horizon. Zero Dawn fait de l’apocalypse une toile de maître. • Y. F.
Parfait exemple du potentiel convivial de la Switch, Snipperclips demande à deux joueurs de coopérer et de résoudre une série de puzzles en dirigeant des petits personnages qui peuvent se découper entre eux. Aussi mignon que diablement malin. • Y. F.
Le gobelin chapardeur est de retour dans une suite qui fait la part belle à l’infiltration. Après s’être introduit dans des forteresses bien gardées, il faut user de malice pour réaliser le parcours parfait sans se faire repérer. La tension est à son comble. • Y. F.
: PS4 (Sony)
: Switch (Nintendo)
108
: PC, PS4, One
(Focus Home Interactive)
INDÉ À JOUER NICOLAS DE CRÉCY
Manette dans une main, carnet de notes dans l’autre, notre chroniqueur teste chaque mois une sélection de jeux indés.
Le RPG Torment. Tides of Numenéra (inXile Entertainment, PC, PS4, One) me projette un milliard d’années dans le futur. Errant dans un monde gouverné par la magie et l’ésotérisme, je passe mon temps à dialoguer avec les autochtones et à voyager de dimension en dimension, ivre de découvertes bizarroïdes. Splasher (Splash Team, PC) m’arrache à la rêverie pour mieux me clouer au sol, dans un jeu de plate-forme filant à cent à l’heure. Dans une usine constellée de robots tueurs et de scies circulaires, je bondis de mur en mur sans jamais m’arrêter, de peur de mourir d’épuisement. Retour au calme (trompeur) avec Stories Untold (No Code, PC), un jeu textuel teinté d’épouvante. Sur l’écran fictif d’un vieil ordinateur, je dirige mon personnage en tapant sur un clavier le déroulé de ses actions. Peu à peu, la lecture me plonge dans une ambiance morbide qui prend un malin plaisir à torturer mon imaginaire. Horreur toujours avec 2Dark (GloomyWood, PC, PS4, One), nouveau jeu de Frédérick Raynal, le créateur mythique d’Alone in the Dark. Dans la peau d’un détective, je sillonne la ville pour sauver des hordes d’enfants qui ont été kidnappés par des tueurs psychotiques. Passant de la pénombre à la lumière, je dois guider mes ouailles sans éveiller le moindre soupçon, sous peine de nous faire tous égorger. Heureusement, dans le noir, personne ne m’entend claquer des dents. • YANN FRANÇOIS ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT
la bande dessinée au croisement des arts 21/22/23 avril 2017 expositions jusqu'au 14 mai
lafermedubuisson.com
avec la complicité
rer a noisiel
LIVRES
IRVINE WELSH Pour
exercer comme coach sportif, il faut être un peu sadique. Torturer les clients, les houspiller comme à l’armée pour qu’ils perdent du poids, tel est le job de Lucy Brennan. Obsédée par l’apparence physique, Lucy gère son corps – et celui des autres – comme une mécanique de précision ; elle méprise les faibles, les laids, les obèses, comme Lena Sorenson, sa nouvelle cliente, une jeune artiste en dépression qui noie son spleen dans la malbouffe. La mission de Lucy : « Redonner forme humaine à ce gros tas particulièrement coriace. » Elle ne reculera devant rien pour y parvenir, quitte à flirter avec l’ultraviolence. En même temps, les sculptures de Lena la fascinent. Bientôt, le dédain caustique qu’elle éprouve pour sa cliente se transforme en haine, puis en attirance équivoque… La critique anglo-saxonne a rapproché le nouveau livre d’Irvine Welsh de Trainspotting, son roman culte de 1993, à cause de leur thème commun, l’addiction. Mais on serait plutôt tenté de le comparer à Recettes intimes de grands chefs, un conte fantastique de 2006 qui reste l’une de ses grandes réussites. Dans les deux cas, Welsh met en scène la relation d’êtres opposés qui se complètent et se détruisent, dans un jeu de miroirs cruel et subtil. La Vie sexuelle des sœurs siamoises tire son efficacité de la faconde hilarante de Lucy, jamais à court d’une vanne ou d’une insulte scabreuse – son discours est un véritable festival, joliment rendu par la traduction de Diniz Galhos. Welsh est plus à
la peine en revanche avec les sous-intrigues qu’il injecte dans le récit, qu’il s’agisse des traumas sexuels passés de Lucy ou de l’histoire superflue des jumelles siamoises qui donnent son titre au livre, métaphore insistante pour lecteurs malcomprenants. Cette construction
OFF
La mission de Lucy : « Redonner forme humaine à ce gros tas particulièrement coriace. »
boiteuse fait du roman une demi-réussite, un pavé pop à la fois sympathique et bancal. On le dévore d’une traite malgré tout, avec une sorte de plaisir régressif et coupable, comme quand on plonge la main dans un paquet de chips à haute teneur calorique : on est loin de la grande gastronomie, mais c’est irrésistible. • BERNARD QUIRINY
STATION TERMINALE
LE LIVRE DES LIVRES PERDUS
Un dandy suicidé laisse derrière lui un journal inédit. Son frère, qui le détestait, découvre le texte et le commente… Roland Jaccard s’exerce au dédoublement de soi dans ce roman philosophique plein d’ironie. • B. Q.
Les mémoires brûlés de Lord Byron, la valise égarée remplie de récits d’Ernest Hemingway… Huit microenquêtes sur des livres disparus, comme le catalogue borgésien d’une bibliothèque inexistante. • B. Q.
(Serge Safran, 150 p.)
(Actes Sud, 170 p.)
: de Roland Jaccard
: de Giorgio van Straten
110
— : « La Vie sexuelle des sœurs siamoises » d’Irvine Welsh, traduit de l’anglais (Écosse) par Diniz Galhos (Au diable vauvert, 505 p.)
—
AU PALAIS DES IMAGES LES SPECTRES SONT ROIS Ami de Magritte, pilier de la revue Les Lèvres nues, Paul Nougé (1895-1967) fut la cheville ouvrière du surréalisme belge. Ce magnifique volume d’œuvres complètes lui donne enfin la visibilité qu’il mérite. • B. Q.
: de Paul Nougé
(Allia, 928 p.)
BD
OFF
UT. LES VENELLES DE LA FIN
— : « Ut. Tome 1. Les Venelles de la faim » de Corrado Roi et Paola Barbato (Mosquito, 200 p.)
Des
—
silhouettes inquiétantes projettent leurs ombres dans les rues désolées d’une cité labyrinthique. Plusieurs clans rivaux s’y tapissent, dont une congrégation dominée par un certain Caligari… Ce sont plus que des échos du cinéma expressionniste et de ses déclinaisons ultérieures qui traversent les trois épais volumes de la saga Ut (tome 2 à paraître en juin, et tome 3 en août). De Fritz Lang à Orson Welles, de Franz Kafka à Edgar Poe, d’Alberto Breccia à Dino Battaglia, c’est tout un pan de l’art qui est ici rassemblé pour bâtir cette cathédrale. Un cauchemar dans lequel Ut, une brute sentimentale rappelant le Marv de Sin City, se taille un chemin à la serpe. Ce héros possède étonnamment tous les attributs extérieurs d’un méchant de film d’horreur. Il ne faut pas se fier aux apparences, et dans ce monde peuplé de clones, comment reconnaître les originaux ? Car, en définitive, le sujet d’Ut, c’est la création artistique et ses mécanismes : peut-on produire de l’émotion par l’imitation et la déclinaison ? En l’occurrence, le pari est réussi. • VLADIMIR LECOINTRE 111
mk2 SUR SON 31
SUSAN MEISELAS
OFF
Les forces populaires commencent une offensive finale. Masaya. Nicaragua. 8 juin 1979.
Intriguée
par l’insurrection grandissante menée par les révolutionnaires sandinistes, Susan Meiselas, membre de l’agence Magnum, se rend au Nicaragua en 1978, un an avant l’exil du dictateur Somoza. Le mk2 Bibliothèque propose une master class avec cette photographe et documentariste aussi attentive aux images qu’aux histoires qu’elles dissimulent. Née à Baltimore en 1948, Susan Meiselas, ancienne de Harvard, s’est d’abord fait connaître grâce à son travail auprès de stripteaseuses de foire (Carnival Strippers, 1976). Mais c’est bientôt sur les terres d’Amérique latine (Salvador, Mexique, Chili) que sa démarche la guide, vers des individus aux droits souvent bafoués. Quand Pedro Joaquín Chamorro, directeur du journal d’opposition nicaraguayen La Prensa, est assassiné le 10 janvier 1978, Meiselas découvre qu’une dynastie anticommuniste, les Somoza, s’enrichit en contrôlant le pays depuis presque cinquante ans. En 1981, elle publie Nicaragua. June 1978 – July 1979, un recueil de photos aux lignes de fuites saisissantes dans lesquelles le chaos, épargnant une portion du cadre (ciel bleu limpide, chien rassurant…), semble prêt à s’étendre à tout moment. Dix ans plus tard, Meiselas retourne au Nicaragua pour retrouver les insurgés de ses photos et enregistrer leurs souvenirs, sous la forme d’un documentaire,
Pictures from a Revolution. « La photographie déclenche la vidéo, qui permet d’accroître le sens des images de l’époque, puis d’en révéler des niveaux de lecture enfouis sous la surface », nous explique l’Américaine. Elle retrouve par exemple Augusto, immortalisé juste avant d’affronter les tanks du régime, hors-champ menaçant désigné par son index inquiet. Il raconte face caméra que sa situation économique ne s’est pas améliorée après la chute de Somoza ; au contraire, il en est réduit à devoir rationner le riz de ses enfants. «Au-delà de la parole individuelle de chaque rescapé, recueillir leurs témoignages était très émouvant, car cela consistait à enregistrer les conséquences de la guerre. » L’émotion et la transmission sont d’ailleurs au cœur de son travail. En juillet 2004, à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire du renversement du régime de Somoza, la photographe prend à nouveau l’avion afin d’orner les murs et les espaces publics de ses photos. En contemplant ces lieux de mémoire, images parlantes gravées dans son documentaire Reframing History, la distance qui nous sépare du Nicaragua semble déjà moins grande. • OLIVIER MARLAS
— : Master class Susan Meiselas au MK2 Bibliothèque le samedi 15 avril à 11 h
— 112
mk2 SUR SON 31 VENDREDI 14 AVRIL SOIRÉE-DÉBAT AVEC ISILD LE BESCO Projection du nouveau film d’Isild Le Besco, La Belle Occasion. Séance suivie d’une rencontre avec la réalisatrice.
: mk2 Beaubourg
CYCLE « L’ESPRIT FRANÇAIS » En parallèle de l’exposition « L’esprit français. Contre-cultures, 1969-1989 » (à La Maison rouge), projections de Change pas de main de Paul Vecchiali.
: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h
à 20 h
SAMEDI 15 AVRIL MASTER CLASS La photographe américaine de l’agence Magnum Susan Meiselas évoquera lors d’une conférence son travail au Nicaragua depuis la fin des années 1970. Rencontre suivie d’une séance de dédicace de son livre Nicaragua. June 1978 – July 1979 récemment réédité par Aperture.
: mk2 Bibliothèque à 11 h
MARDI 18 AVRIL CONNAISSANCE DU MONDE « Ces châteaux qui font la France. »
: mk2 Nation à 14 h
UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Séance introductive : vertige du détail ! »
: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h
JEUDI 20 AVRIL NOS ATELIERS PHOTO ET VIDÉO « La retouche avancée. » Apprenez à retravailler vos photos, à les recadrer et à en corriger les éléments gênants, et à faire une utilisation adaptée des filtres.
: mk2 Bibliothèque à 19 h 30
UNE HISTOIRE DE L’ART « Derain et Vlaminck, l’aventure fauve. »
: mk2 Beaubourg à 20 h
SAMEDI 22 AVRIL VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « Que savons-nous de la naissance de la Terre ? »
LUNDI 24 AVRIL LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Pourquoi l’ennui est-il parfois si délicieux ? »
: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30
UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Le geste burlesque. La mécanique du gag. »
: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h
SOIRÉE BREF Programmation thématique autour d’un court métrage de Christian Rouaud.
: mk2 Quai de Seine à 20 h
JEUDI 27 AVRIL UNE HISTOIRE DE L’ART « L’Expressionnisme en Allemagne. »
: mk2 Beaubourg à 20 h
AVANT-PREMIERE Projection du film One Kiss d’Ivan Cotroneo (sortie le 26 avril) suivie d’un débat avec le réalisateur. Séance organisée en partenariat avec Chéries-Chéris.
: mk2 Quai de Seine à 19 h 45 SCIENCES SOCIALES ET CINÉMA « Les figures du pouvoir. » Venez discuter avec le sociologue Cyril Lemieux (directeur d’études à l’EHESS) autour de la projection du film Spotlight de Tom McCarthy.
: mk2 Bibliothèque à 19 h 45
LES RENDEZ-VOUS DES DOCS « Retours à la terre. » Projection de Wild Plants en présence du cinéaste Nicolas Humbert.
: mk2 Quai de Loire à 20 h LÀ OÙ VA LE CINÉMA À LA DÉCOUVERTE DES ARTISTES DU FRESNOY « Rituels. » Bakary Diallo, Abtin Sarabi, Laura Gozlan. Et si la grandeur du cinéma était de filmer le moindre geste ? De ne pas s’en emparer, mais de le saisir un instant pour le laisser filer ensuite.
MARDI 2 MAI UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Le geste créatif : l’art et la manière. »
: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h
JEUDI 4 MAI UNE HISTOIRE DE L’ART « Le Cubisme ou la décomposition des formes. »
: mk2 Beaubourg à 20 h
SAMEDI 6 MAI CYCLE « L’ESPRIT FRANÇAIS » En parallèle de l’exposition « L’esprit français. Contre-cultures, 1969-1989 » (à La Maison rouge), projections des Intrigues de Sylvia Cousky d’Adolfo Arrieta en présence du réalisateur.
: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h
MARDI 9 MAI UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA Le geste parodique. Copie conforme !
: mk2 Beaubourg
: mk2 Odéon
à 20 h
(côté St Michel)à 20 h
MARDI 25 AVRIL AVANT-PREMIERE Projection du film La Papesse Jeanne de Jean Breschand (sortie le 26 avril) en présence de l’équipe du film. Séance suivie d’un débat.
: mk2 Quai de Loire
: mk2 Beaubourg
à 11 h
à 19 h 45
114
RETROUVEZ TOUS LES ÉVÉNEMENTS DES SALLES mk2 SUR MK2.COM/EVENEMENTS