TROISCOULEURS #155 - Octobre 2017

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OCT. 2017

NO 1 55 GRATUIT

THE SQUARE LE CARRÉ MAGIQUE DE RUBEN ÖSTLUND




#LAfriqueDesRoutes

www.quaibranly.fr

Exposition jusqu’au 12 / 11 / 17

GRAND MÉCÈNE

Masque cimier © musée du quai Branly - Jacques Chirac, DR


ÉDITO The

Square, la Palme d’or qui sort ce mois-ci, s’ouvre sur un type qui ouvre les yeux – Christian se réveille d’une sieste sur le canapé de son bureau –, pour ne plus s’employer ensuite qu’à secouer son héros assoupi, à extirper de sa torpeur béate ce conservateur de musée confit dans ses bonnes intentions et ses contradictions. Opposant à la léthargie ambiante et mortifère (le film est ponctué d’appels à l’aide : à trois reprises, on y entend des gens crier au secours) la vivacité de sa mise en scène et de son humour pince-sans-rire, le réalisateur suédois Ruben Ostlünd interdit de même au spectateur de somnoler : mal installé dans ce film qui prend un malin plaisir à se dérober aux tentatives d’interprétations, qui s’amuse à semer le malaise et les situations limites (« la provocation m’aide à interroger certains aspects de nos vies qu’on a tendance à ne plus questionner », nous a confié le cinéaste), il est contraint au qui-vive. « Si vous restez immobile, l’animal ne vous touchera pas », entend-on dans la scène majeure – un spectaculaire happening simiesque – de ce grand film agité. La phrase résonne comme un appel à faire exactement le contraire. • JULIETTE REITZER



POPCORN

P. 10 RÈGLE DE TROIS : VINCENT MACAIGNE • P. 12 SCÈNE CULTE : MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE • P. 22 LA NOUVELLE : AMANDINE GAY

BOBINES

P. 30 ENTRETIEN DU MOIS : JEAN-PIERRE BACRI • P. 34 EN COUVERTURE : THE SQUARE • P. 46 INTERVIEW: CATTET ET FORZANI

ZOOM ZOOM P. 62 HAPPY END • P. 64 CARRÉ 35 P. 66 JEUNE FEMME

COUL’ KIDS

P. 86 LA CRITIQUE D’ÉLISE : DANS LA FORÊT ENCHANTÉE DE OUKYBOUKY P. 88 L’INTERVIEW D’INÈS : LE RÉALISATEUR ARTHUR DE PINS

OFF

P. 94 EXPOS : HARMONY KORINE • P. 104 SONS : NISKA P. 106 SÉRIES : THE DEUCE

ÉDITEUR MK2 AGENCY — 55, RUE TRAVERSIÈRE, PARIS XIIE — TÉL. 01 44 67 30 00 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ELISHA.KARMITZ@MK2.COM | RÉDACTRICE EN CHEF : JULIETTE.REITZER@MK2.COM RÉDACTEURS : QUENTIN.GROSSET@MK2.COM, JOSEPHINE.LEROY@MK2.COM, TIME.ZOPPE@MK2.COM DIRECTION ARTISTIQUE : KELH (contact@kelh.fr) | GRAPHISTE : JÉRÉMIE LEROY | SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : VINCENT TARRIÈRE STAGIAIRE : EDGAR MERMET | ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : CHRIS BENEY, HENDY BICAISE, LOUIS BLANCHOT, LILY BLOOM, RENAN CROS, ADRIEN DÉNOUETTE, JULIEN DOKHAN, JULIEN DUPUY, MARIE FANTOZZI, YANN FRANÇOIS, CLAUDE GARCIA, AÏNHOA JEAN-CALMETTES, WILFRIED PARIS, MICHAËL PATIN, BERNARD QUIRINY, CÉCILE ROSEVAIGUE, RAPHAËLLE SIMON, ÉRIC VERNAY, ANNE-LOU VICENTE, HERMINE WURM, ETAÏNN ZWER & ÉLISE ET INÈS | PHOTOGRAPHES : GUILLAUME BELVÈZE, VINCENT DESAILLY, ROMAIN GUITTET, PALOMA PINEDA | ILLUSTRATEURS : PABLO COTS, SAMUEL ECKERT, PABLO GRAND MOURCEL, ÉMILIE SARNEL, PIERRE THYSS PUBLICITÉ | DIRECTRICE COMMERCIALE : EMMANUELLE.FORTUNATO@MK2.COM | RESPONSABLE DE LA RÉGIE PUBLICITAIRE : STEPHANIE.LAROQUE@MK2.COM | CHEF DE PROJET CINÉMA ET MARQUES : CAROLINE.DESROCHES@MK2.COM RESPONSABLE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : ESTELLE.SAVARIAUX@MK2.COM CHEF DE PROJET CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : FLORENT.OTT@MK2.COM TROISCOULEURS EST DISTRIBUÉ DANS LE RÉSEAU LE CRIEUR CONTACT@LECRIEURPARIS.COM © 2017 TROISCOULEURS — ISSN 1633-2083 / DÉPÔT LÉGAL QUATRIÈME TRIMESTRE 2006 — TOUTE REPRODUCTION, MÊME PARTIELLE, DE TEXTES, PHOTOS ET ILLUSTRATIONS PUBLIÉS PAR MK2 AGENCY EST INTERDITE SANS L’ACCORD DE L’AUTEUR ET DE L’ÉDITEUR. — MAGAZINE GRATUIT. NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE.


INFOS GRAPHIQUES

SALE GOSSE

À

l’occasion de la ressortie en version restaurée de La Famille Addams (Barry Sonnenfeld, 1992), on s’offre une plongée dans l’imaginaire tordu de Mercredi, géniale fillette sadique campée par Christina Ricci, qui s’évertue à tester ses instruments de torture sur son entourage. Inventaire morbide, tiré de La Famille Addams et de sa suite, Les Valeurs de la famille Addams (1993). • J. L . ILLUSTRATION : JÉRÉMIE LEROY

Comme son papa, la jeune goth adore les objets tranchants. Notamment ce couteau de boucher, qu’elle lance à vive allure sur son frère, Pugsley.

Mercredi et Pugsley habillent Puberté, beau bébé moustachu, en Marie-Antoinette, puis l’installent confortablement sous une guillotine.

Avec le jeu Is There a God?, Mercredi propose à son grand frère de tester sa résistance sur une chaise électrique.

En colo, Mercredi joue Pocahontas dans une pièce sur Thanksgiving et met le feu à sa camarade Amanda Buckman.

À une jeune scoute qui veut leur vendre du chocolat, Mercredi et Pugsley proposent une promo sur leurs flacons d’arsenic.

: « La Famille Addams » de Barry Sonnenfeld Splendor Films (1 h39) ressortie en version restaurée le 25 octobre

ÉMOPITCH LAISSEZ BRONZER LES CADAVRES D’HÉLÈNE CATTET ET BRUNO FORZANI (SORTIE LE 18 OCTOBRE, LIRE P.  46) 8



RÈGLE DE TROIS

VINCENT MACAIGNE Trois plans qui t’ont marqué ? Celui du monologue de Veronika dans La Maman et la Putain de Jean Eustache, qui m’a inspiré pour un plan assez frontal de Pauline dans Pour le réconfort. J’ai aussi été fasciné par certaines images très fortes de Gummo de Harmony Korine – des personnages qui dansent devant un miroir dans une cave dégueu, un ado habillé en lapin rose… C’est très théâtral et décadent ; c’est à ça que devrait ressembler une bonne pièce de théâtre. Et sinon, les plans de fin des films de Charlie Chaplin, ceux où il s’en va au loin en faisant tourner sa canne. Trois films sur la lutte des classes ? Germinal de Claude Berri. Enfant, ça devait être la première fois que je voyais des luttes sociales à l’écran. Tout va bien de Jean-Luc Godard et Jean-Pierre Gorin. J’en ai assez peu de souvenirs, mais je me souviens d’une séquestration de patron dans une usine

© D. R.

Cet automne, son premier long métrage, Pour le réconfort, une rugueuse variation sur La Cerisaie de Tchekhov, sort au cinéma, ses deux nouvelles créations théâtrales sont présentées au Théâtre des Amandiers à Nanterre dès novembre, et il est l’affiche de la comédie Le Sens de la fête. On a parlé ciné avec cet hyperactif. filmée comme une maison de poupées. Et puis The Dark Knight Rises de Christopher Nolan. J’avais trouvé ça hyper pro-libéral. En gros, Marion Cotillard joue une Française écolo gauchiste qui veut détruire le monde. Heureusement, Batman, le milliardaire dont l’entreprise est cotée en bourse, vient pulvériser tous ces gauchos. C’est super réac. Trois films méconnus que tu aimerais faire découvrir ? Bah… Pour le réconfort. Sinon Dead Slow Ahead de Mauro Herce, un documentaire très plastique sur un paquebot . Et Pandore de Virgil Vernier, le portrait d’un physionomiste qui recale tout le monde à l’entrée d’une boîte. Trois textes que tu te verrais bien adapter au cinéma ? J’avais commencé à travailler sur un film d’après Un ennemi du peuple, une pièce de Henrik Ibsen. Ça parle d’un docteur qui alerte la population de son village sur le fait que leur station

— : « Pour le réconfort »

thermale est fortement polluée. Mais les habitants se retournent tous contre lui, car régler ce problème aurait une incidence sur l’économie du village. Ça m’aurait permis de parler de la peur de l’empoisonnement, de l’écologie… mais ça n’a pas abouti. Sinon, j’aimerais bien réaliser un film inspiré de Crime et Châtiment de Dostoïevski ou de Hamlet de Shakespeare, même si ça a déjà été fait mille fois. Décris-toi en trois personnages de fiction. Moi ? Heu… même s’ils ne sont pas vraiment fictionnels, Woody Allen, pour son côté un peu névrosé, et Klaus Kinski pour la virulence de sa prise de parole. Et sinon, Leonard, le personnage joué par Joaquin Phoenix dans Two Lovers de James Gray, pour son caractère perdu et indécis – mais, attention, dans mon cas, ce n’est pas sentimental. • PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET

— : « Le Sens de la fête »

de Vincent Macaigne

d’Éric Toledano et Olivier Nakache

UFO (1 h 31), sortie le 25 octobre

Gaumont (1 h 57), sortie le 4 octobre

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LE BRAS CASSÉ

DÉLIT DE FUITE

Chaque mois, les aventures d’un bras cassé du ciné. Sébaste, récemment promu chef de service, raconte l’un de ses hobbys préférés comme on décrirait un shoot : quitter le cinéma en plein milieu d’un film comme si c’était un acte héroïque – « J’emmerde le producteur et le système ». Parce qu’il est populaire, tatoué et végane, tout le monde l’écoute en croyant qu’il possède d’une façon ou d’une autre le mojo. Et parce que tu es un pestiféré injustement mêlé à un vol de Sopalin à la cantine depuis la rentrée, tu redores une partie de ton blason en usant de la flagornerie la plus crasse. Tu dodelines de la tête en disant : « Effectivement, Sébaste, je fais toujours comme toi. » Conneries ! 29 mars 2005, tu décides de claquer la porte une demi-heure après le début d’un long métrage. Une scène t’a littéralement chamboulé : le héros faisait prendre le bain à son chien-loup quelques heures après avoir lourdement chuté

d’une grue la tête en avant. Aucune trace sur le front, juste deux pansements disposés en croix près de l’arcade, comme s’il s’était gouré avec son rasoir. À une poignée de centimètres de la porte, tu as senti une main agripper ta clavicule : ton grand-père, qui t’avait embarqué dans ce bourbier. Le polo et le froc plein de popcorn (accroché comme des petites chauves-souris), il t’avait ramené à ton siège en te menaçant plusieurs fois à voix basse. — Le film est pourri, j’allais t’attendre au café… — Ta gueule (avec le poing dans sa bouche). — C’est un navet… — Ta gueule (avec le poing enfoncé dans tes omoplates, comme un petit revolver). On ne se barre jamais avant la fin, c’est la règle d’or. — Pourquoi ? — Parce que tu ne vois pas la fin. L’évidence a traversé ton cerveau comme une épée. Tu es né ce jour-là. • RAMSÈS KEFI — ILLUSTRATION : PIERRE THYSS

citedelarchitecture.fr #ExpoGlobes

ARCHITECTURE & SCIENCES EXPLORENT LE MONDE Cité de l’architecture & du patrimoine Palais de Chaillot – 1 place du Trocadéro Paris 16e – M° Trocadéro

Maison et observatoire d’Isaac Newton par Thomas Ennis Steele, 1825 / Graphisme : agent M

EXPOSITION 1 0 N OV. 17 26 MARS 18


SCÈNE CULTE

MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE

© D. R.

« Des coupures, des épines, des mauvaises herbes, de la poussière, des cailloux, des insectes et de la souffrance. »

Quoi

plus rapprochés, décadrés et étranges, qui associent la désorientation de la victime et celle de son assaillant. Après un passage dans la maison des horreurs où vivent l’abominable redneck et sa petite famille (la pauvre croyait y trouver refuge), la course-poursuite reprend en extérieur et s’étire jusqu’à l’abstraction. La musique, réduite à un drone nauséeux, prend acte de cette dilatation du temps, tandis que l’utilisation du zoom, qui ne cesse de rapprocher les deux corps, signe la fatalité inhérente au genre, comme si Hopper édictait les règles du jeu en repoussant ses limites – et les nôtres par la même occasion. À bout de force, Sally se réfugie dans une station-service… Cruelle erreur, qui initie le dernier acte outrancier du film. Grâce aux audaces formelles de Hopper, le film d’horreur venait de changer de visage à jamais. • MICHAËL PATIN

que l’on pense de la carrière de Tobe Hooper, qui nous a quittés en août dernier, son nom reste gravé dans les annales cinéphiliques, ne serait-ce que pour les 80 minutes de Massacre à la tronçonneuse. Plus de quarante ans après sa sortie, le plus culte de tous les films culte reste inégalable en matière de brutalité (cette manière d’utiliser toutes les ressources du cinéma pour molester le spectateur), de décorum macabre, d’humour malfaisant et de terreur à l’état pur. « Des coupures, des épines, des mauvaises herbes, de la poussière, des cailloux, des insectes et de la souffrance. » Voilà comment l’actrice Marilyn Burns (Sally) décrit dans le documentaire Autopsie d’un massacre le tournage de sa première grande scène, lorsqu’elle tente d’échapper à Leatherface, tueur psychopathe au masque de peau humaine. Éclairée par la lune, elle se fraye un chemin en hurlant à travers des branchages toujours plus denses, suivie de près par le monstre et le rugissement infernal de sa tronçonneuse. Aux vifs travellings latéraux succèdent des plans de plus en

— : de Tobe Hooper (1974) — 12


Musée Marmottan Monet 14 septembre 2017

14 janvier 2018

2, rue Louis-Boilly 75016 Paris Ligne 9 La Muette RER C Boulainvilliers

MONET

COLLECTIONNEUR CHEFS-D’ŒUVRE DE SA COLLECTION PRIVÉE

VOYAGES SNCF.COM SNC_12_0000_Logo2012 31/08/2012 24, rue Salomon de Rothschild - 92288 Suresnes - FRANCE Tél. : +33 (0)1 57 32 87 00 / Fax : +33 (0)1 57 32 87 87 Web : www.carrenoir.com

ÉQUIVALENCES QUADRI

CYAN MAGENTA JAUNE NOIR

Ce fichier est un document d’exécution créé sur Illustrator version CS3.

FOND BLANC, OMBRE NOIR 30 %

P.-A. Renoir, Jeune fille au bain, 1892 © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN-Grand Palais / image of the MMA

RENOIR MANET CAILLEBOTTE CÉZANNE PISSARRO MORISOT…


C’EST ARRIVÉ DEMAIN

2399

POPCORN

L’ANNÉE OÙ LE BOUCHE-À-OREILLE DEVINT VITAL

En

étaient indispensables au financement des nouveautés, ces dernières se raréfiaient au fil des ans, à mesure que la mémoire faisait de moins en moins défaut au public… Trente ans après l’invention du disque dur crânien, seule une dizaine de longs métrages sortait chaque année en salles, et les jeunes spectateurs n’avaient plus aucun moyen de découvrir les films que leurs aïeux avaient en tête et pas ailleurs. Les exploitants inventèrent alors un nouveau type de séances, sans projection, mais avec des êtres-cinéma. Ces derniers avaient en eux le souvenir précis d’un film. Ils racontaient ce qu’ils avaient vu et entendu, et comme ils ne le faisaient jamais deux fois de la même manière, leurs auditeurs revenaient encore et encore. Les salles ne désemplirent plus jamais. • CHRIS BENEY — ILLUSTRATION : PIERRE THYSS

direct de l’avenir, retour sur la naissance des conteurs de films. Les disques durs crâniens se portaient comme des casquettes. Grace à eux, il suffisait de voir ou d’entendre une seule fois une information pour ne plus jamais l’oublier. Au début, l’effet sur la production cinématographique et la fréquentation en salles avait été tout relatif. Seule la disparition des remakes, susceptibles de rebuter le public par leur déjà-vu trop prononcé, était à déplorer. Par contre, aucun spectateur ne faisait la bêtise d’acheter la copie numérique d’un film adoré au cinéma, aucun réseau ne se risquait à reprendre une œuvre, de peur de réaliser une audience ou des ventes dérisoires. Progressivement, éditeurs et diffuseurs réduisaient leurs achats et leurs investissements. Et comme ils

REWIND

OCTOBRE 1987 Sortie américaine de Barfly de Barbet Schroeder, un film inspiré par la vie et les romans de Charles Bukowski. Dans son livre Hollywood (1991), l’écrivain raconte une anecdote : le producteur ayant suspendu le projet, Schroeder, furax, a carrément menacé de se couper le doigt avec une scie électrique. Dans une interview à L’Express en 2000, le cinéaste a commenté cet épisode : « J’avais pris soin de m’anesthésier. Et puis je ne me serais pas coupé tout le doigt, juste un petit bout. » Tête brûlée, va. • Q. G.

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LES FILMS DU POISSON présente

‘‘ UN POLAR FAMILIAL LABYRINTHIQUE, UN TRÈS GRAND FILM DE CINÉMA ‘‘

Transfuge

‘‘ UN FILM-ENQUÊTE BOULEVERSANT ’’ Télérama

un film de

ERIC CARAVACA

AU CINÉMA LE 1ER NOVEMBRE


TOURNAGE

© D. R.

POPCORN

PASSÉ RECOMPOSÉ

C’est

de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows (dont la traduction française a été publiée par les éditions NiL en 2009), le film de Mike Newell défriche un épisode peu connu de la Seconde Guerre mondiale, l’occupation par les nazis de l’île de Guernesey, à travers l’enquête menée après-guerre par Juliet, une romancière jouée par Lily James (vue dans la série Downton Abbey ou dans le film Baby Driver). Il n’y a qu’à visiter les bureaux de production, garnis de quantité de photos imprimées de l’île, de peintures d’époque, de portraits de dignitaires nazis, pour saisir l’importance de la documentation. Sur le plateau, une maison à l’intérieur à la fois rustique et bourgeois est reconstituée. On y joue une scène de confessions : une femme âgée (Penelope Wilton) raconte à Juliet ses souvenirs de l’occupation, en pleurant à chaudes larmes à l’évocation des fantômes de son passé. De quoi ajouter encore un peu à l’ambiance du lieu, décidément chargé d’histoire. • JOSÉPHINE LEROY

dans les mythiques studios Ealing, mémoire vive du cinéma britannique, que l’on a assisté au tournage du film en costumes d’époque Guernsey de Mike Newell (Donnie Brasco, Harry Potter et la Coupe de feu). Dissimulés derrière une rangée de pavillons du district d’Ealing, à l’ouest de Londres, les studios se dévoilent aux lève-tôt curieux presque semblables à ce qu’ils étaient en 1931, date de leur inauguration officielle – mais le lieu accueillait des tournages depuis 1902, ce qui en fait le plus vieux studio de cinéma au monde encore en activité. Il suffit de faire quelques pas pour lire, inscrits sur une façade, les titres des plus fameux films tournés ici pendant l’âge d’or de la comédie britannique, entre 1930 et 1956 – The Four Just Men (1939) de Walter Forde, Maggie d’Alexander Mackendrick (1954) –, ce qui participe à l’impression d’être dans un lieu hors du temps. L’atmosphère idéale pour le tournage d’une reconstitution historique. « Le plateau sur lequel on tourne est resté tel quel depuis les années 1930 ! » se réjouit Graham Broadbent, le coproducteur de Guernsey, qui nous sert de guide. Adapté du roman Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates

— : « Guernsey » de Mike Newell Sortie prévue au deuxième semestre 2018

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iin n Direction musicale

Gareth Valentine Mise en scène

Robert Carsen

28 NOVEMBRE 2017 – 11 JANVIER 2018

the he Rain R ain

Chorégraphie

Stephen Mear

CHATELET-THEATRE.COM 01 40 28 28 40

AU GRAND PALAIS

Costumes

Anthony Powell Décors

Tim Hatley Dramaturgie

Ian Burton Lumières

Robert Carsen Giuseppe Di Iorio

Scénario

BETTY COMDEN et ADOLPH GREEN

Chansons

NACIO HERB BROWN et ARTHUR FREED

D’après le film de la Metro-Goldwyn-Mayer, avec l’accord spécial de Warner Bros. Theatre Ventures, Inc. Musique publiée par EMI tous droits administrés par Sony/ATV Music Publishing LLC (Chorégraphie originale du film Gene Kelly et Stanley Donen) Produit avec l’accord de Maurice Rosenfield, Lois F. Rosenfield et Cindy Pritzker, Inc. En accord avec Drama-Paris (dramaparis.com) pour le compte de Music Theatre International (Europe). www.mtishows.eu

# singin

Design: Studio Philippe Apeloig 2017

Orchestre Pasdeloup


TENDANCE

FAUX-SEMBLANTS

POPCORN

BIEN VU

Free and Easy (Prix spécial du jury Cinematic Vision au dernier festival de Sundance) du cinéaste chinois Jun Geng s’avance comme une comédie vaudevillesque savoureuse. Diffusé sur SundanceTV en octobre, le film se passe en plein hiver, dans une ville désindustrialisée et morne du nord de la Chine. Deux bonimenteurs sans scrupules abusent de tous ceux qu’ils croisent. L’un prétend être un moine bouddhiste qui cherche à rebâtir un temple incendié et tente de convaincre de généreux donateurs de l’aider – en réalité, il utilise l’argent récolté pour son seul bénéfice. L’autre se présente comme un vendeur de savons, mais les produits qu’il trimballe diffusent un parfum aux vertus soporifiques, et les clients potentiels qui s’approchent de sa mallette pour les renifler sentent finalement de près le bitume – il en profite pour les détrousser. D’abord filmés séparément, les deux hommes se font finalement face et se reconnaissent instinctivement, dans une scène qui ne manque pas de mordant. À cheval entre le cinéma burlesque des années 1920 et le drame social contemporain (la pauvreté se niche en arrière-plan du récit), le film décontenance parfois mais amuse surtout beaucoup. • JOSÉPHINE LEROY

: « Free and Easy » de Jun Geng (1 h 36), le 28 octobre à 21 h sur SundanceTV

VU

PAS VU

Dans Au revoir là-haut d’Albert Dupontel, en salles ce mois-ci, Édouard (Nahuel Pérez Biscayart) est défiguré pendant la Grande Guerre. Les masques farfelus qu’il se fabrique ensuite lui permettent de retrouver le goût de la création et lui inspirent une imposture d’envergure nationale… C’est l’artiste Cécile Kretschmar qui a créé ces pièces, revisitant avec fantaisie tout le champ artistique (Cubisme, Surréalisme…) des Années folles. • Q. G.

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Spike Lee (Do the Right Thing) devrait réaliser cet automne Black Klansman, un thriller qu’il produira avec Jason Peele (auteur de Get Out, sorti en mai dernier). Il s’agit d’une adaptation de l’autobiographie de Ron Stallworth, un policier parvenu à infiltrer le Ku Klux Klan… alors qu’il est afro-américain. John David Washington, le fils de Denzel, devrait incarner ce petit malin. On a hâte. • T. Z .


Un thriller VIRTUOSE, une mise en scène fascinante

Télérama

Entre Michael Haneke et Stanley Kubrick

Paris Match

Vertigineux et MAGISTRAL Le Figaro

Un thriller DÉJANTÉ JDD

COLIN FARRELL crève l’écran Konbini

Venimeux et SPECTACULAIRE Les Inrocks

Film4 et New Sparta Films présentent, en association avec HanWay Films avec la participation de Bord Scannán na hÉireann I the Irish Film Board une production Element Pictures en association avec Limp

Un film de Yorgos Lanthimos

MISE à MORT du

CERF SACRÉ Colin Farrell Nicole Kidman Barry Keoghan Raffey Cassidy Sunny Suljic Alicia Silverstone Bill Camp

Chef opérateur THIMIOS BAKATAKIS GSC Montage YORGOS MAVROPSARIDIS ACE Casting FRANCINE MAISLER CSA Son JOHNNIE BURN Décor JADE HEALY Costume NANCY STEINER Co-producteurs WILL GREENFIELD, PAULA HEFFERNAN, ATILLA SALIH YÜCER Producteurs délégués ANDREW LOWE, DANIEL BATTSEK, SAM LAVENDER, DAVID KOSSE NICKI HATTINGH, AMIT PANDYA, ANNE SHEEHAN, PETER WATSON, MARIE-GABRIELLE STEWART Produit par ED GUINEY, YORGOS LANTHIMOS Écrit par YORGOS LANTHIMOS et EFTHIMIS FILIPPOU Réalisé par YORGOS LANTHIMOS ©2017 Element Pictures Channel Four Television New Sparta Films Limited

LE 1ER NOVEMBRE


TENDANCE

SÉRIEUSES GRAPHIES Auteur d’une affiche pour Le Sens de la fête, en salles ce mois-ci, l’illustrateur Laurent Durieux expose ses posters sérigraphiés de films culte. Son style arty et empli de mystère tranche dans le paysage des affiches de cinéma.

Pour

prendre la mesure de l’art de la suggestion de Laurent Durieux, il faut voir son poster des Oiseaux d’Alfred Hitchcock, représentant Tippi Heddren de dos sur un ponton, ou encore celui des Dents de la mer de Steven Spielberg, sans aucun requin. Son travail s’inscrit dans le courant de l’affiche de cinéma alternative, un mouvement d’artistes qui revisitent les films culte par le biais de créations originales. Depuis quelques années, ils ont la cote : leurs œuvres, tirées à quelques centaines d’exemplaires, sont souvent épuisées quelques minutes à peine après leur mise en vente sur Mondo Tees, un site de vente de produits dérivés relatifs au cinéma fondé en 2004 et qui est depuis devenu une galerie d’art spécialisée en la matière, d’abord à Austin, puis à Paris. « Ces affiches de cinéma sont calquées sur le concept des geek posters, très populaires dans le milieu du rock underground », explique Durieux. C’est en publiant dans le très réputé Lürzer’s Archive, bimensuel autrichien consacré au design, que l’illustrateur, formé dans une école d’art et de design à Bruxelles, s’est fait remarquer par Mondo Tees. À l’époque, ses travel posters évoquent un

monde rétrofuturiste à la H. G. Wells. « Ils m’ont envoyé un mail et, en une semaine, ma vie a complètement changé. Depuis, je ne fais quasiment plus que des affiches de cinéma. » Il y déploie sa patte reconnaissable : un trait clair et ciselé, des teintes bleues et orangées très fifties, d’imposantes machines futuristes, des silhouettes fugaces, une tension qui plane… Récemment, Gaumont lui a commandé une affiche pour Le Sens de la fête d’Éric Toledano et Olivier Nakache : un univers a priori très éloigné de son goût pour la science-fiction. « C’est ma première affiche officielle, et la première fois que je travaille sur une comédie. » Durieux a dessiné les principaux personnages du film, des traiteurs qui organisent un mariage, sous une cloche de restaurant. Minimale et intrigante, l’affiche donne juste envie de voir le film sous le couvre-plat. • CLAUDE GARCIA

— : exposition jusqu’au 17 octobre au mk2 Bibliothèque

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Arbus Bradford Brancusi Calder Cézanne de Chirico Dalí Disney Gonzalez-Torres Hopper Kahlo de Kooning Klimt LeWitt Lichtenstein Magritte Marshall Matisse Mondrian Nauman Picasso Pollock Rothko Sherm an Signac Warhol …

Etre moderne : le MoMA à Paris Roy Lichtenstein

Drowning Girl (Fille qui se noie)

11 octobre 2017 > 5 mars 2018

Création graphique c-album

1963 The Museum of Modern Art, New York Philip Johnson Fund (par échange) et don de M. et Mme Bagley Wright, 1971 © Estate of Roy Lichtenstein New York / Adagp, Paris, 2017

exposition organisée par le Museum of Modern 21 Art, New York et la Fondation Louis Vuitton réservez sur : fondationlouisvuitton.fr et fnac.com | #fondationlouisvuitton | #FLVMoMA |

8 avenue du Mahatma Gandhi, Bois de Boulogne, Paris


LA NOUVELLE

POPCORN

AMANDINE GAY

— : « Ouvrir la voix » d’Amandine Gay Bras de Fer (2 h 02) Sortie le 11 octobre

Elle

déboule au pas de course, au milieu d’une journée qui en contient cent – elle gère seule tous les détails de la sortie de son premier long, le documentaire Ouvrir la voix (lire p. 74). Diplômée de Sciences Po Lyon (où elle a grandi), cinéphile érudite, militante afroféministe infatigable, cette trentenaire hyperactive a d’abord essayé d’être comédienne puis scénariste, à Paris, avant de renoncer face à l’absence de rôles non stéréotypés. Une désillusion qui l’a poussée à s’exiler à Montréal (où elle boucle une maîtrise de socio), mais aussi à réaliser Ouvrir la voix. « L’idée était de filmer plein de femmes noires, en gros plan, pour suivre leur pensée en mouvement et prouver qu’on peut bien éclairer les peaux noires. Comme ça, on pourra se poser la vraie question : pourquoi ces filles-là ne sont pas dans les fictions ? » Question à laquelle elle compte bien répondre en passant elle-même à la fiction, pour un film de gangsters ou un rape and revenge movie, « genre qui se prêterait tellement bien au féminisme ! » • JULIETTE REITZER — PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA 22


EMMANUELLE DEVOS

Quel est le prix à payer pour devenir

NUMERO

UNE UN FILM DE

TONIE MARSHALL

SUZANNE CLÉMENT RICHARD BERRY SAMI FREY BENJAMIN BIOLAY FRANCINE BERGÉ ANNE AZOULAY JOHN LYNCH

SORTIE LE 11 OCTOBRE


L’ILLUMINÉE

POPCORN

ÉPOUSES ET CONCUBINES PAR ÉMILIE SARNEL

Au

sortir des Arts déco de Paris, Émilie Sarnel passe neuf ans en Asie, pendant lesquels elle développe son style graphique. De retour en France, elle continue de travailler la sérigraphie et l’impression riso. Pour notre carte blanche, elle s’inspire d’Épouses et Concubines de Zhang Yimou (1991). « Son aspect psychologique, très fin, dur, cruel, et son esthétique me séduisent énormément. C’est un des seuls films féministes chinois que je connaisse. » • T. Z . (WWW.EMILIESARNEL.COM / INSTAGRAM : @EMILIESARNEL)

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PRODUIT PAR

LE 8 NOVEMBRE


LE TEST PSYNÉPHILE

ÊTES-VOUS UN BON, UNE BRUTE OU UN TRUAND  ?

POPCORN

Tout d’abord, commençons par un choix simple (il est interdit de tous les cocher) :

Votre dernière recherche Google :

Ryan Gosling, vous ne l’oublierez jamais.

Homme qui sait faire le singe, libre tout de suite, pas cher.

Un seul homme, the first, c’est Colin Firth.

Tutorial how to speak like Donald Trump.

Claes Bang, you shot me down, bang bang…

Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?

Votre arme super secrète : Un sens de l’humour à l’épreuve des balles.

Vous pensez acheter une affiche originale de Star Wars et vous recevez une copie honteusement cheap. Ça vous donne envie de… Sortir votre parapluie bazooka.

Distribuer des lettres de menace anonymes. Tu es plus humain que les humains. Dans l’intimité, votre petit nom c’est…

Retourner en 1982. Écouter Justice pour vous rendre justice. Votre forme géométrique préférée :

Agent Tequila.

Le carré.

« Indiiiiiiii ! »

Le rond.

Ma petite Krisprolls.

Le triangle.

SI TU AS UNE MAJORITÉ DE : A. VOUS ÊTES UN(E) BON(NE) (MAIS IL FAUT PAS VOUS CHERCHER) Sauver le monde ? Fastoche. Vous êtes de ceux qu’on envoie sur le terrain dans les situations apocalyptiques. Un brin nostalgique, en recherche de sensations visuelles fortes et friand de science-fiction, vous allez adorer Blade Runner 2049 réalisé par le très inspiré Denis Villeneuve (sortie le 4 octobre).

B. VOUS ÊTES UNE BRUTE (EN COSTUME TROIS PIÈCES) Vous avez toujours rêvé de faire partie d’un club ultra privé de mecs super cools ? Je vous conseille d’aller voir Kingsman. Le cercle d’or réalisé par Matthew Vaughn (sortie le 11 octobre). Plus fou que le premier Kingsman, plus anglais que la reine d’Angleterre, ce blockbuster vous ferait presque oublier le Brexit.

C. VOUS ÊTES UN TRUAND (BIEN SOUS TOUS RAPPORTS) Vous pensiez être quelqu’un de fabuleux et puis, un jour, vous avez réalisé que vous étiez un(e) con(ne). Si vous avez déjà expérimenté ce genre d’épiphanie, The Square de Ruben Östlund (sortie le 18 octobre) va vous faire glousser. Palme d’or à Cannes cette année, The Square est à la fois génial et vain.

• LILY BLOOM — ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL 26



« Une comédie douce-amère, juste et émouvante » POSITIF

S O P H IE D U L A C D IS TR IB U T I ON P R É S E N T E

SUNDANC E 2017

P R I X D U JU RY D E A U V I LLE

BERLIN

2017

2017

BROOKLYN YIDDISH UN FILM DE

D’APRÈS PHOTO © FEDERICA VALABREGA

JOSHUA Z WEINSTEIN

AVEC MENASHE LUSTIG, RUBEN NIBORSKI, YOEL WEISSHAUS, MEYER SCHWARTZ DIRECTION DE LA PHOTOGRAPHIE YONI BROOK, JOSHUA Z WEINSTEIN AARON MARTIN, DAG ROSENQVIST MONTAGE SCOTT CUMMINGS COPRODUCTEURS ROYCE BROWN, MELANIE ZOEY WEINSTEIN, NANCY MEDFORD, DAVID MEDFORD, GAL GREENSPAN, MAYA FISCHER COPRODUCTEURS DÉLÉGUÉS JOHNNY MAC, DAVID HANSEN PRODUCTEURS DÉLÉGUÉS ADAM MARGULES, DANELLE ELIAV, CHRIS COLUMBUS, ELEANOR COLUMBUS PRODUIT PAR ALEX LIPSCHULTZ, TRACI CARLSON, JOSHUA Z WEINSTEIN, DANIEL FINKELMAN, YONI BROOK SCÉNARIO JOSHUA Z WEINSTEIN, ALEX LIPSCHULTZ, MUSA SYEED REALISÉ PAR JOSHUA Z WEINSTEIN

MUSIQUE

/Sophie Dulac Distribution

#BrooklynYiddish

25

OCT


TRONCHES ET TRANCHES DE CINÉMA


CACHE TA JOIE

À l’image de son personnage d’organisateur de mariage débordé dans Le Sens de la fête, Jean-Pierre Bacri n’a pas l’air très à l’aise dans les ors du palace parisien où a lieu notre rencontre. Figure majeure de la comédie française, on l’imaginait installé et assagi. Tout faux ! Bacri est toujours en colère. Et encore plus quand on le lui fait remarquer… Entretien musclé, ponctué de coups de gueule et de punchlines sur l’art exigeant de la comédie. 30

© THIBAULT GRABHERR 2017 QUAD+TEN / TEN FILMS / GAUMONT / TF1 FILMS PRODUCTION / PANACHE PRODUCTIONS / LA COMPAGNIE CINEMATOGRAPHIQUE

BOBINES

JEAN-PIERRE BACRI


INTERVIEW

Vous incarnez aux yeux du public une valeur sûre de la comédie…

avec Eye Haidara

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© THIBAULT GRABHERR 2017 QUAD+TEN / TEN FILMS / GAUMONT / TF1 FILMS PRODUCTION / PANACHE PRODUCTIONS / LA COMPAGNIE CINEMATOGRAPHIQUE

Je vous arrête tout de suite ! Si vous commencez comme ça, ça ne va pas marcher. Je ne comprends pas ce que vous dites. « Une valeur sûre ? » Je fais des films. Ce n’est pas une valeur ! Les gens sont contents de me voir à l’écran… à la rigueur ! C’est sympa… OK… De là à en tirer des conclusions… Mais continuez… En fait, j’allais vous demander quel plaisir vous preniez à mettre votre image aux services d’autres réalisateurs, comme ici Éric Toledano et Olivier Nakache. J’aime mon métier, tout simplement. S’il fallait que je le fasse seulement quand je m’écris des rôles, je ne bosserais pas beaucoup. Alors je travaille. J’ai le luxe financier depuis au moins Cuisine et Dépendances (1993) de pouvoir être exigeant dans mes choix. Je lis un scénar. Il me plaît, il me fait rire, il m’intéresse ; j’y vais. Je ne cherche pas à savoir si ça change ou pas, si je me « mets en danger » ou quoi que ce soit… Ça m’énerve cette expression, d’ailleurs. Ça n’a rien à voir avec le danger ! C’est une question d’exigence. Moi, c’est l’intelligence qui me motive… Les autres, je ne sais pas, c’est peut-être autre chose. Avec Le Sens de la fête, je me sens à la maison. Je ressens un cousinage très proche entre le cinéma de Toledano et Nakache et celui que l’on fait avec Agnès Jaoui. Le public vous identifie beaucoup à vos rôles de râleurs. Est-ce quelque chose contre quoi vous luttez ? Je ne lutte pas, le public me voit d’une certaine façon, je ne peux rien y faire. Mais ça ne veut pas dire que je dois être d’accord ou me conformer à cette image. Les gens trouvent que je joue toujours la même chose ? Tant mieux pour eux ! Je pourrais leur prouver le contraire. Mais j’ai franchement autre chose à foutre. Je connais la névrose des gens, à vouloir tout ranger dans un tiroir. Donc rien d’extraordinaire, il y a des clichés sur moi comme il y en a sur tous les sujets. Je n’ai jamais aimé jouer les héros. Les gars très sympathiques et merveilleux à qui le monde fait des misères, je trouve ça abject. Ça n’existe pas. Pour moi, l’être humain est hyper faillible et vulnérable. Je trouve ça dégueulasse de faire croire aux gens que le monde est binaire. Les gentils d’un côté, les méchants de l’autre… Ça ne m’intéresse pas,

BOBINES

c’est toujours la même chose. Je cherche des personnages humains. Pour certains, quand on n’est pas en train de sourire tout le temps, on est un rabat-joie. Eh bien, soit ! Récemment, que ce soit dans Le Sens de la fête, dans Grand froid (2017) ou dans La Vie très privée de monsieur Sim (2015), vos personnages sont des râleurs, certes, mais fatigués, quasi résignés face à l’époque… Voilà… J’espère que vous êtes content ! Maintenant, tout le monde va me dire que je joue les mecs fatigués… Le problème, peut-être, c’est que je ne suis pas un acteur caméléon. J’aborde les rôles avec ma personnalité. Je ne sais pas faire autrement. Mais ce sont des rôles très différents pour moi. Le seul que je revendique pleinement comme étant un décalque de moi, c’est le personnage de Georges dans Cuisine et Dépendances (1993). Il n’y a pas une réplique que moi, Jean-Pierre Bacri, je renierais. Peut-être qu’aujourd’hui j’aborde les personnages avec un peu plus de lenteur. Inconsciemment, ma manière de les jouer a quelque chose à voir avec une forme de maturité. Je n’aurais peut-être pas joué Max [dans Le Sens de la fête, ndlr] de la même façon il y a vingt ans. En même temps, à cette époque, on ne m’aurait jamais proposé un rôle comme celui-ci. Qu’attendez-vous d’une comédie aujourd’hui ? Pas forcément qu’elle soit constamment drôle. Pour moi, toute bonne comédie est politique. Sous ses airs de joyeuse comédie chorale, Le Sens de la fête est un grand film sur la France. Une métaphore pour consoler la France des attentats et nous rappeler que, si on est tous différents, parfois un peu cons, un peu bizarres, eh bien, on n’a pas le choix, on doit fonctionner tous ensemble. La comédie est donc un genre politique ? Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Si vous me demandez si Le Goût des autres (2000) est un film politique, oui, évidemment. On n’est pas des connauds avec Agnès, on n’écrit pas en l’air. C’est un film


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JEAN-PIERRE BACRI

avec Gabriel Naccache et Jean-Paul Rouve

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« Pour certains, quand on n’est pas en train de sourire tout le temps, on est un rabat-joie. Eh bien, soit ! » qui dénonce les chapelles et la manière dont on met les gens dans les cases. Bien sûr que c’est politique ! Ça ne me dérange pas, les grosses comédies qui font « ha ha ! » et qui n’ont rien à dire. Il en sort toutes les deux semaines. Mais ça ne m’intéresse pas. Au mieux, ça me fait marrer 45 minutes devant ma télé, c’est sympa, mais je m’en fous. Ma vision de la comédie, c’est Lubitsch, pas Jim Carrey. Lui, il m’emmerde. C’est comme Jerry Lewis. Je trouve ça dégoûtant… mais ça plaît à plein de gens. Vous venez d’écrire et de tourner Place publique, votre nouveau film avec Agnès Jaoui. Est-ce que c’est plus compliqué qu’avant de faire rire ? Parce que le monde va mal ? Je crois aux vertus de l’optimisme. Ce n’est pas facile, mais ça ne sert à rien d’être pessimiste. Anticiper le malheur, c’est le vivre deux fois. Mieux vaut croire que les choses vont aller mieux. Tous les mecs comme Finkielkraut et Zemmour ne font que semer la mort avec leur idée que tout était mieux avant. Heureusement qu’il y a des gens comme Toledano et Nakache pour remettre un peu de bienveillance et d’espoir. Eux, ils réussissent à faire rire tout en racontant quelque chose. Quand on sait faire rire intelligemment, on est forcément optimiste. N’imaginez pas pour autant que je suis un demeuré qui se balade

dans un monde tout rose. Crime et Délits de Woody Allen, c’est noir, c’est cynique, c’est très pessimiste, mais j’adore. Ça m’aide à mieux comprendre le monde. C’est en ça que je crois à l’optimisme. Quand les choses ont du sens, forcément, ça tire vers le haut. Vous n’aviez pas l’air d’accord mais avec toutes ces prises de positions fortes, vous comprenez bien que vous incarnez une certaine idée sophistiquée de la comédie pour le public… C’était ça, votre « valeur sûre » ?! Oui, OK… C’est parce que j’ai des exigences ! Tant mieux si les gens s’en rendent compte. Je n’ai juste pas envie qu’on me foute dans un musée. Être un « classique », ça ne m’intéresse pas. Je bouge, je change… Je suis un être humain avec ses contradictions. Je dis un truc puis le contraire… C’est pour ça que les interviews, c’est compliqué. Mais au moins, je vous dis ce que je pense.

• PROPOS RECUEILLIS PAR RENAN CROS

— : « Le Sens de la fête »

d’Éric Toledano et Olivier Nakache Gaumont (1 h 57) Sortie le 4 octobre

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CRÉDITS NON CONTRACTUELS

un film de PETRA VOLPE

RACHEL BRAUNSCHWEIG MARTA ZOFFOLI MARIE LEUENBERGER SIBYLLE BRUNNER BETTINA STUCKY MAX SIMONISCHEK

SORTIE LE 1 NOVEMBRE er


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35 BOBINES

THE SQUARE

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RUBEN ÖSTLUND

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AGENT A

En mai dernier, sur la scène du Grand Théâtre Lumière où il recevait la Palme d’or, Ruben Östlund (Play, Snow Therapy), surexcité, demandait aux milliers d’invités endimanchés de pousser avec lui un cri primal. Le cinéaste suédois parachevait ainsi en live le programme de The Square, son film-fleuve et satirique sur les tribulations d’un conservateur de musée : bousculer les élites du milieu artistique contemporain. On l’a rencontré à la fin de l’été dans le patio d’un hôtel parisien, plus calme peut-être, mais toujours aussi malicieux et provocateur.

Cette Palme d’or, c’est un rêve qui se réalise ? Ça faisait soixante-six ans qu’un cinéaste suédois ne l’avait plus remportée [Alf Sjöberg pour Mademoiselle Julie en 1951, nldr], donc ce fut un grand bonheur, mais aussi un événement pour la Suède. Nous avons voyagé à travers le pays avec la récompense. Les techniciens l’ont même présentée dans leur ville natale, comme le font les vainqueurs de la Stanley Cup au hockey. C’était important, car ce prix peut contribuer à intéresser une nouvelle génération de Suédois au cinéma.

Vous avez tourné un petit film à Cannes ce soir-là. Est-il dans la veine de la vidéo où l’on vous voyait pleurer de façon grotesque suite à la non-nomination de Snow Therapy pour l’Oscar du meilleur film étranger, en 2015 ? Oui, nous sommes actuellement en train de monter cette vidéo qui s’appelle What It’s Like to Win the Palme d’Or. Elle sera visible sur YouTube au moment de la sortie de The Square. Des artistes que j’admire, comme Buñuel ou Dalí, jouaient avec leur propre image. Je pense qu’ils m’ont transmis ce désir de ne pas seulement faire partie du milieu de l’art, mais aussi de tenir un discours à son sujet, et si possible avec humour. 36


GITATEUR Au centre du film, il y a une œuvre d’art appelée The Square, nouvelle acquisition du musée dans lequel travaille Christian, le héros. Comment cette œuvre est-elle née ? L’idée de ce « carré » est simple : il s’agit d’un espace physique défini où vous rendre pour être en sécurité ou demander de l’aide. Lorsque j’en parlais autour de moi, les gens trouvaient l’idée naïve et simpliste. Cet échec qui se profilait m’a poussé à m’interroger sur le scepticisme suscité aujourd’hui par un projet commun… Avant le film, j’ai créé cette œuvre pour le Vandalorum, un musée du sud de la Suède, puis dans trois autres lieux, et de nombreuses scènes s’inspirent directement de cette expérience. Quand on me dit que ces œuvres servent à promouvoir le film, je réponds que c’est plutôt l’inverse. Si aujourd’hui la provocation au cinéma se borne souvent au sexe et au gore, la vôtre serait plutôt d’ordre politique et sociale, à l’image des interactions souvent très gênantes de Christian avec les femmes, les étrangers, les pauvres… Quel est votre avis sur le politiquement correct ? Au risque de m’exprimer comme une agence

Ruben Östlund

de communication, il me semble que partager une idée qui met tout le monde d’accord s’avère fondamentalement stérile. Lorsque j’écris mes films, la provocation m’aide à interroger certains aspects de nos vies qu’on a tendance à ne pas, ou ne plus, questionner. Quand on franchit la ligne du politiquement correct, et qu’on dépasse les oppositions politiques et religieuses, c’est toujours plus intéressant. Dans le film, c’est ce qui me plaît avec la fausse vidéo YouTube de l’enfant qui explose, qui est en fait un clip promotionnel. Le prêtre, le rabbin et l’imam se mettent d’accord pour la détester. À force de flirter avec ces limites, vous êtes devenu l’un des rares cinéastes en activité à propos duquel on s’écharpe pour savoir s’il est de gauche ou de droite… C’est intéressant ! Je serais donc soit un marxiste, soit un macroniste ? (Rires.) Cela me fait penser à un projet récent que j’ai initié à Göteborg. J’ai voulu faire déplacer la statue du roi Charles IX pour la remplacer par l’un de mes carrés. L’idée était de l’installer en contrebas de celle de son fils, aussi dans le but de signifier l’absence de statue de

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RUBEN ÖSTLUND femme de la famille royale. Le rejet fut unanime, à droite comme à gauche. Peu importe qui était cet homme, et notamment qu’il avait rétabli la chasse aux sorcières au xviie siècle, personne ne voulait qu’il trébuche de son piédestal. Certains sont même allés jusqu’à me balancer des couches souillées ! Certains voient The Square comme un film à charge contre le milieu de l’art contemporain. Qu’en pensez-vous ? Certains spectateurs pensent que je me moque de ce milieu, et d’autres estiment que je ne franchis pas la limite. Ce que j’estime, moi, c’est que le problème majeur de l’art contemporain est l’utilisation d’un verbiage élaboré pour s’octroyer une position de force et contraindre toute critique. Je suis persuadé qu’un peu d’autocritique et de simplicité serait bénéfique dans le rapport entre l’art contemporain et le public. J’ai le sentiment que le milieu est terrifié à l’idée que même les aficionados le perçoivent comme une escroquerie. Par ailleurs, il y a énormément d’excellentes œuvres d’art contemporain, mais aussi beaucoup d’autres qui sont complètement dénuées d’authenticité et de sincérité. Dans la scène la plus marquante du film, un comédien (joué par Terry Notary, lire p. 42) mimant un grand singe particulièrement agité sème la zizanie dans un dîner mondain. Comment l’avez-vous orchestrée ? On a tourné cette scène en trois jours. J’ai dirigé Terry Notary de façon très précise, en particulier pour définir ses gestes et ses déplacements dans la pièce, qui sont absolument magnifiques. On a passé une journée entière seulement avec lui. En soi, la scène repose sur une structure très simple : le « grand singe » arrive et chasse hors de la pièce le mâle alpha [un artiste joué par Dominic West, ndlr]. Une fois que c’est fait, il est temps pour lui de passer à la reproduction. J’avais envie que tout ceci se déroule au milieu de convives en tenue de soirée. J’ai toujours imaginé que le film serait projeté à Cannes, en séance officielle, dans une salle remplie de spectateurs en smoking et robe de soirée… qui se verraient alors à l’écran.

Penser dès l’écriture que votre film finirait en compétition à Cannes, ça témoigne d’une certaine confiance en soi ! C’est vrai, mais c’est avant tout un objectif qu’on se fixe et qui permet de s’améliorer. Toute l’équipe du film savait qu’on travaillait en commun dans le but de rejoindre la compétition cannoise. Tant pis si ça n’avait pas été le cas : l’objectif commun aurait permis à chacun de devenir meilleur. Pour revenir sur cette scène mémorable, son issue semble réfuter l’une des constantes de votre cinéma, qui est de frôler la catastrophe sans jamais l’atteindre vraiment. En réalité, j’ai coupé la fin de cette séquence qui changeait la donne : Christian rejoignait les invités et enjoignait calmement chacun d’eux à retourner s’asseoir. Mais au regard de la version finale, ce que vous dites est juste. Je vais même aller plus loin avec mon prochain film : je m’étais promis de ne jamais tuer aucun de mes personnages ; eh bien je vais briser cette promesse ! En tout cas, cette envie de raconter des catastrophes finalement avortées se fonde simplement sur ma propre expérience, l’idée que l’écrasante majorité des situations angoissantes dans lesquelles on se retrouve se finit bien, sans bagarre ni violence. L’agression pendant le dîner ici, mais aussi l’avalanche dans Snow Therapy, l’attaque du bus dans Play ou encore le viol en rase campagne dans Happy Sweden… tous vos films posent la question de la non-assistance à personne en danger. Plutôt que de culpabiliser ceux qui ne font rien lorsqu’une personne se fait agresser, de leur reprocher de ne pas avoir joué les héros, il me semble qu’il vaudrait mieux conseiller la population sur la meilleure façon de réagir. L’idéal est souvent d’attraper le bras de son voisin pour briser l’effet de tétanie et comprendre qu’il est possible d’agir en s’appuyant sur la nouvelle dynamique de groupe qui vient de se créer. Votre style a changé au fil des années, délaissant un peu le réalisme pur. Le pensez-vous aussi ? Absolument. Avec Play, j’avais le sentiment d’être arrivé au bout de quelque chose,

« Partager une idée qui met tout le monde d’accord s’avère fondamentalement stérile. » 38


Claes Bang

L’ÉPREUVE DU RÉEL Conservateur d’un musée d’art contemporain, Christian est un homme riche et cultivé qui théorise admirablement sur l’art et ses résonances avec le monde et inculque à ses enfants (en garde alternée) des valeurs humanistes. Mais son quotidien propret s’effrite : le plan de com’ qu’il chapeaute pour accueillir une nouvelle œuvre baptisée The Square (un carré dessiné au sol, « sanctuaire de confiance et de bienveillance ») tourne au vinaigre, et il se fait tirer son portefeuille. Dans les salles maculées du musée, le lit défait d’une conquête et les bâtiments mal famés de la banlieue dans laquelle il traque le voleur, l’insouciance hilare du beau Christian se mue peu à peu en inquiétude diffuse. Pour accompagner ce désenchantement, Ruben Östlund orchestre une succession de happenings aussi drôles que malaisants, parsemés de figurants immobiles plongés dans leurs téléphones et de motifs en trompe-l’œil anxiogènes. Mais derrière les remparts de la satire, comme dans son précédent film, Snow Therapy, c’est bien en réalité une thérapie, douloureuse mais salutaire, qu’il offre à son héros. • J. R.

d’une forme de réalisme dans la direction des comédiens et la mise en scène. Depuis Snow Therapy, je travaille d’ailleurs avec un nouveau chef opérateur, Fredrik Wenzel. Pendant le tournage d’une scène dans un bar de la station de ski, j’ai demandé à un jeune acteur de pousser une sorte de cri primal. J’ai senti que je m’approchais d’une forme de surréalisme, et ça m’a plu. On retrouve ça dans The Square, par exemple quand Christian fouille dans les poubelles de l’immeuble. La scène est tout sauf réaliste, avec sa profusion aberrante de déchets. Elle pourrait devenir la métaphore de quelque chose d’autre, ce que mes films précédents ne permettaient jamais. En revoyant Play, même si je trouve qu’il fonctionne encore, je me suis rendu compte de deux choses : d’abord qu’un film gardant le même rythme

de bout en bout peut être difficile à regarder, et plus encore à monter ; et ensuite que, en s’exprimant avec le même langage visuel tout du long, le réalisateur joue la facilité et baisse hâtivement sa garde. C’est pour ça que j’ai souhaité changer de dynamique. Cette nouvelle direction a enrichi The Square, je pense. • PROPOS RECUEILLIS PAR HENDY BICAISE PHOTOGRAPHIE : VINCENT DESAILLY

— : « The Square » de Ruben Östlund

Bac Films (2 h 31) Sortie le 18 octobre

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DANGER IMMÉDIAT

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Chez Ruben Östlund, plus la tension enfle, plus les personnages se dégonflent. Mais la mécanique de la catastrophe s’enlise systématiquement, au profit d’un discours corrosif et drôle sur la lâcheté humaine. Démonstration sur le fil, en six films.

THE GUITAR MONGOLOID (2004) Filmée en plans fixes, une succession d’actions triviales (bagarres avinées, farces cruelles, roulette russe improvisée) compose la mosaïque sociale de Jöteborg (pendant fictif de Göteborg), où évolue le jeune musicien trisomique du titre. C’est lui qui offrira, dans une scène d’envol de sacs poubelle gonflés à l’hélium, le moment de grâce inespéré dont avaient clairement besoin ses grossiers congénères.

INCIDENT BY A BANK (2009) Ours d’or du meilleur court métrage à la Berlinale en 2010, le film relate le véritable braquage raté d’une banque de Stockholm en 2006. Mais, ce qui intéresse Östlund, c’est surtout la passivité d’une majorité de témoins à l’extérieur du bâtiment. Parmi eux, deux amis qui échangent à propos d’un modèle de téléphone, sans jamais penser à appeler la police.

AUTOBIOGRAPHICAL SCENE NUMBER 6 882 (2005) Avec ce court métrage, Östlund semble vouloir tromper le spectateur, simulant un point de vue de vidéosurveillance et ajoutant des sautes d’images proches d’un home movie. On y voit un homme s’apprêter à sauter du haut d’un pont vers un fleuve en contrebas. Un autre l’arrête et l’informe de la mort récente d’un touriste ayant eu la même idée. Sautera ? Sautera pas ?

PLAY (2011) Un groupe d’adolescents noirs rackette d’autres garçons, un Asiatique et trois Blancs. Le film a suscité la polémique en raison de ce balancier ethnique. Sauf qu’ici, justement, les gamins utilisent sciemment les stéréotypes racistes qui leur sont usuellement associés pour intimider et manipuler leurs victimes… Aucune rixe, que de la rhétorique.

HAPPY SWEDEN (2008) Deuxième long, et nouveau récit composite. Refusant toujours les mouvements de caméra, Östlund observe froidement l’éventualité grandissante, et parfois la réalisation, de multiples catastrophes : une ado inconsciente abandonnée par ses amis, un enfant fessé par un professeur, un homme violé… et, à chaque fois, des témoins qui n’osent intervenir.

SNOW THERAPY (2014) Redoutant une avalanche de neige, le héros s’enfuit à toutes jambes en pensant à sauver son smartphone – mais pas sa famille. Il aura suffi de l’idée de la catastrophe pour que l’homme révèle sa vraie nature. Comme souvent chez Östlund, le mot s’écrit d’ailleurs avec un petit h. La suite du film explore toutes les conséquences de cet accès de lâcheté.

• HENDY BICAISE — ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL 40



TERRY NOTARY

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LA BÊTE HUMAINE Plutôt habitué à l’ombre, Terry Notary, cascadeur et coach d’acteurs, spécialiste du corps en mouvement et de la performance capture (Avatar, La Planète des singes, Kong. Skull Island), crève l’écran dans une scène déjà culte de The Square, pour laquelle il livre un hallucinant happening simiesque.

La

scène se passe lors d’un dîner de gala : habillée d’un simple pantalon de costume, une silhouette aux muscles tendus s’avance, promenant dans la pièce son air menaçant en s’appuyant sur d’étranges béquilles, qui prolongent ses bras pour lui permettre de marcher à quatre pattes. De prime abord, c’est un être humain, pas de doute. Et pourtant, quelque chose dans son port, ses déplacements, son regard et ses expressions nous donne à penser qu’un véritable singe habite cette carcasse d’homme. Comme possédé, l’homme-singe se met alors à pousser des cris ; il bondit d’une table à une autre, renverse la vaisselle, parcourt des yeux les convives. On comprend qu’il est à la recherche d’une victime à terroriser, victime qu’il finit par trouver en la personne d’un artiste de renom dont il se joue, sous le regard d’une assistance figée par la terreur. Une proie que le prédateur cible, isole, accule, tantôt risible, tantôt agressif, appuyant son infériorité jusqu’à l’obliger à quitter précipitamment la pièce. Singe 1 – Homme 0. Impressionnante, perturbante, radicale, la scène est un véritable film dans le film, et n’est pas sans expliquer l’écho retentissant que connaîtra l’œuvre à Cannes, au point de décrocher la Palme d’or.

Pourtant, avant le Festival, personne ou presque ne connaissait ce quinqua californien au corps de bûcheron et à la langue bien pendue. Pas même Ruben Östlund, le réalisateur de The Square, qui est tombé sur lui après avoir tapé sur son clavier cette recherche Google pour le moins interlope : « actor imitating monkey. » « Il m’a prévenu que c’était un petit rôle, mais un rôle essentiel. Je savais simplement deux choses : que j’allais devoir me comporter comme un singe, et que j’allais devoir effrayer tout le monde », nous raconte Notary. Il faut dire que son pedigree faisait de lui la personne tout indiquée pour cette performance animale, à la croisée du happening et du mime.

MONKEY BUSINESS

Après avoir été acrobate pour le Cirque du Soleil, Terry Notary débute à Hollywood en 2000 sur le tournage du Grinch de Ron Howard, qui l’engage d’abord comme consultant, avant d’en faire son movement coach attitré. « Il s’agissait d’apprendre aux acteurs une nouvelle manière de bouger, de sentir, d’interagir avec leur environnement. Ron Howard voulait que tous les figurants aient l’air à moitié fou et qu’ils se comportent comme tels. Mon travail consistait à les

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Comme possédé, l’homme-singe se met à pousser des cris. préparer individuellement, pour lui donner satisfaction. » C’est une réussite et, l’année suivante, Tim Burton fait appel à lui pour son adaptation de La Planète des singes. « Il souhaitait que je forme tous ses acteurs, que je réveille le singe qui était en eux. » Depuis, Notary a travaillé avec Bryan Singer (X-Men 2), James Cameron (Avatar), mais il a surtout affirmé sa place de plus proche descendant du singe au cinéma en supervisant tout le casting simiesque de la trilogie La Planète des singes (dans laquelle il tient même un second rôle), et en interprétant rien de moins que le primate des primates, King Kong, dans le récent Kong. Skull Island de Jordan Vogt-Roberts. Son apparition dans The Square permet à ce spécialiste de la performance capture de franchir une

nouvelle étape. « Pour la première fois, c’est moi seul qui ai dû me transformer. Aucun effet spécial, aucune combinaison : je suis nu face à la caméra, à visage découvert. » L’ironie voudra que, loin de ramener Notary au statut de monsieur Tout-le-Monde, cette nudité révèle encore plus précisément la bête qui hurle en lui, comme si ses différents rôles de créatures avaient progressivement enseveli sa part d’humanité. Un constat qui n’étonne pas l’intéressé. « Les gens pensent que, pour devenir un singe, il suffit d’imiter, de “faire comme”. Mais ça n’a rien à voir : pour devenir un singe, tu dois avant tout te débarrasser de tout ce qui fait de toi un humain. » • LOUIS BLANCHOT

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MICROSCOPE

COUP DE HACHE, COUP DE VENT

Comme le diable, le cinéma se loge dans les détails. Geste inattendu d’un acteur, couleur d’un décor, drapé d’une jupe sous l’effet du vent : chaque mois, de film en film, nous partons en quête de ces événements minuscules qui sont autant de brèches où s’engouffre l’émotion du spectateur. Ce mois-ci : une tornade venue de l’intérieur du cinéma, dans Twister de Jan de Bont.

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Ce

n’est pas vraiment un détail : c’est une idée, la plus belle du film. Idée splendide déguisée en détail, et qui crève l’écran – pour de bon. Détail autour de quoi tout le film s’enroule, comme une tornade. Une tornade, le film nous l’apprend justement, cela peut se chasser comme un animal : Twister (Jan de Bont, 1996) est un safari dédié au vent, une version climatique et dantesque de Hatari. Mais sa vitesse rappelle un autre film de Hawks. Twister est une comédie du remariage jumelle de La Dame du vendredi : un homme et une femme, qui se sont aimés follement puis ont rompu, s’aiment de nouveau parce qu’il y a, pour les réunir, un amour conjoint pour la vitesse – vitesse du journalisme chez Hawks, vitesse ici des vents. Bill (Bill Paxton) et Jo (Helen Hunt – la chasseuse) sont, donc, des chasseurs de tornades, que le film suit au pas de course pour étancher leur soif qui est aussi la nôtre : soif de sublime qui pousse Bill et Jo au-devant des prodiges terrifiants de la nature, soif identique qui nous pousse vers ceux cataclysmiques du blockbuster. Car la tornade, c’est l’expression la plus limpide d’un désir de destruction vers quoi nous pousse l’élan naturellement apocalyptique du cinéma : tout construire (des décors, des scènes, une histoire) pour tout détruire (qu’il ne reste qu’une charpie de couleurs, des images broyées par leur propre vitesse). C’est ce que dit, ici, le détail qui n’en est pas un. Une troisième tornade est annoncée, on est au mitan du film. C’est un écran qui l’annonce, un écran de télé soudain recouvert de neige électrique. Dehors il y a un autre écran : la scène se joue dans un drive-in. On joue Shining, et la tornade approche derrière l’écran sur lequel monte, au diapason, la furie de Nicholson. Idée sublime, qui naît dans un

Sa hache fend la porte de bois, et c’est l’écran du drive-in qui se déchire. champ-contrechamp : quand Bill et Jo lèvent les yeux vers le spectacle qui clignote en reflets sur leurs visages, quel est le spectacle ? L’orage qui gronde au loin avec sa promesse de tornade ? Ou celui de Kubrick sur l’écran du drive-in ? C’est que le contrechamp associe les deux, Nicholson et la tornade, avec une rigueur admirable. Nicholson frappe à la porte de la salle de bain, et des éclairs furieux éclatent au fond du plan pour parler à sa place – plus de « Little pigs, let me comme in! » ici, mais un coup de tonnerre d’éloquence égale. Sa hache fend la porte de bois, et c’est l’écran du drive-in qui se déchire, éventré par la tornade, si bien que la scène déploie à l’extrême la violence de Shining, avalé de l’intérieur par la fureur de son personnage, pulvérisé par lui-même, liquidé par autophagie – l’écran est finalement réduit en miettes à l’instant précis où Nicholson passe la tête à travers la porte. Rien à voir avec la météo. Twister nous demande plutôt : jusqu’où veut-on voir satisfait cet appétit de destruction que Bazin avait désigné comme « complexe de Néron » ? Une fois qu’il a tout détruit, faut-il encore, pour nous plaire, que le film se détruise lui-même ? • JÉRÔME MOMCILOVIC

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BOBINES

MICROSCOPE

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HÉLÈNE CATTET ET BRUNO FORZANI

FEUX D’ARTIFICE

On connaissait les Belges Hélène Cattet et Bruno Forzani pour Amer et L’Étrange Couleur des larmes de ton corps, entêtantes déconstructions du giallo. Ils reviennent aujourd’hui avec Laissez bronzer les cadavres, adaptation d’un roman de Jean-Patrick Manchette et Jean-Pierre Bastid sur des malfrats qui trouvent refuge chez une artiste après s’être emparés d’une cargaison d’or… Teintes bariolées, gros calibres et têtes brûlées : voilà tout ce qu’il faut au couple pour inventer un western halluciné et sensuel lorgnant vers l’abstraction. 46


Hélène Cattet : Il y a une dizaine d’années, je travaillais dans une librairie et j’étais tombée sur l’intégrale de Manchette, qui venait de paraître. Je l’ai fait lire à Bruno en me disant que ce serait génial d’en faire un film. Bruno Forzani : Moi, j’avais un peu plus de réticences qu’Hélène. En général, nos films suivent des narrations gigognes, avec plusieurs degrés de lecture, un peu comme dans les films de Satoshi Kon. Là, dans le livre, c’est raconté de manière beaucoup plus linéaire. Ça m’effrayait. Mais avoir cette appréhension m’a donné envie de la dépasser. Qu’est-ce qui subsiste du style littéraire du roman dans votre mise en scène ? H. C. : L’écriture de Manchette et de Bastid est très béhavioriste : elle se focalise sur les actions des personnages plutôt que de développer leur psychologie. C’est aussi comme ça qu’on fonctionne dans nos films. B. F. : Manchette est très fétichiste dans sa description des armes à feu. Il décrit de manière très factuelle, technique, les différents modèles. Le challenge, c’était de rendre compte visuellement de cette fascination. H.C : On a aussi été confrontés à beaucoup plus de dialogues que dans nos autres films. Donc on a tenté d’en enlever le maximum, pour faire passer les tensions entre les personnages par l’image, tout en essayant d’éviter l’écueil du champ-contrechamp. Après le giallo, vous revisitez ici d’autres genres, le western et le polar. H. C. : Pour nous, ça a toujours été un fantasme de réaliser un western, même si on avait déjà un peu abordé le genre dans notre court métrage Santos Palace en 2006. Mais c’était une sorte de western urbain assez réaliste situé en plein Bruxelles. B. F. : On est imprégnés d’images de westerns spaghettis. Comme Dario Argento avec le giallo, des cinéastes italiens comme Sergio Leone mettaient la mise en scène au cœur de leurs westerns. À leur manière, on essaye de ne pas seulement faire des belles images, de ne pas tomber dans l’ornement ; on veut raconter des histoires de manière viscérale, organique. Le personnage de l’artiste, Luce (Elina Löwensohn), tire au fusil sur des poches remplies de peinture colorée qui éclatent sur

une toile blanche. La série Tirs de Niki de Saint Phalle était-elle une de vos inspirations ? H. C. : Dès qu’on a lu le roman, on a pensé à elle et au mouvement du Nouveau Réalisme. On a fait appel à un plasticien qui s’est inspiré de Niki de Saint Phalle et de Jean Tinguely et on a éparpillé ses œuvres en métal un peu partout dans le décor. B. F. : Dans ce courant artistique, on trouvait un écho avec ce qu’on voulait faire : un film d’action en forme de happening. On a pensé à Yves Klein et à ses corps recouverts de couleurs, à Arman dont l’œuvre tourne autour de la destruction de voitures… H. C. : Du coup, c’est comme si tout le film prenait pied dans l’univers artistique de Luce. Le décor est subjuguant : entre mer et montagne, il fourmille de cachettes, de chausse-trapes. Qu’est-ce qui vous intéressait dans ce village reculé de Corse ? H. C. : On a visité énormément de villages abandonnés, et celui-ci n’était vraiment pas le plus évident quant à la production, parce qu’il était très difficile d’accès… B. F. : On a dû faire amener tout le matériel par hélicoptère. H. C. : Il n’y avait ni eau, ni électricité, ni rien. Il fallait marcher une demi-heure pour l’atteindre. Tous les midis, c’étaient des mules qui nous apportaient à manger. Et, comme il n’y avait pas de route, on a dû démonter et remonter toutes les motos, toutes les voitures, pour pouvoir les transporter… En même temps, ce cadre nous permettait d’avoir à la fois la mer et la montagne. Et, surtout, des couleurs différentes : le bleu de la mer, le gris de la roche et l’ocre du village. Vous multipliez les effets de contre-jour, d’éblouissement ; il y a aussi des jeux sur l’obscurité durant la partie nocturne du film. Vous voulez brouiller les repères du spectateur ? H. C. : Et aussi l’amener vers un ailleurs plus onirique. B. F. : Dans le roman, il y avait déjà tout un segment de l’histoire qui se déroulait

Elina Löwensohn

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© D. R.

Ce roman néonoir, vous l’avez découvert comment ?

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INTERVIEW


© D. R.

HÉLÈNE CATTET ET BRUNO FORZANI

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« On veut raconter des histoires de manière viscérale, organique. » la nuit, avec certains instants où les personnages étaient plongés dans le noir total et d’autres où la lune les éclairait. Ça nous a permis de concilier deux approches des nuits et des ténèbres auxquelles on s’était déjà frottés dans nos films précédents. Dans Amer, on avait fait beaucoup de nuits américaines. Dans L’Étrange Couleur…, les noirs étaient beaucoup plus profonds. Là, on s’est dit que, dès que la lune disparaissait, le spectateur perdrait toute notion de décor. Les changements de points de vue participent aussi de cette désorientation. H. C. : Oui, on revoit consécutivement la même action à travers différents personnages. Dans nos précédents films, on aimait déjà jouer à déstabiliser le spectateur par ce biais : par exemple, en passant du point de vue de la victime à celui de l’assassin. B. F. : Mais cette répétition des actions était une dimension déjà présente dans le bouquin. Nous, ce qu’on a vraiment apporté, c’est que, lorsque des personnages sont dans des états seconds proches de la mort, on bascule dans un point de vue qui devient complètement abstrait. En plus de ces visions oniriques qui nous font ressentir ce qu’éprouvent les personnages durant la fusillade, le son est parfois tellement fin et exacerbé qu’on a l’impression de se faire tirer dessus… H. C. : Oui, avec le son, on voulait vraiment que le spectateur ait un ressenti physique.

On a vraiment pensé le film comme un concert, pour la salle. B. F. : C’était un travail énorme, qui a duré six mois. C’était parfois épuisant, parce que tu écoutes des sons agressifs toute la journée. Mais c’était excitant, parce qu’on avait l’impression d’élaborer une partition. On avait une base de données avec des sons de coups de feu qui équivalaient à différentes valeurs de plans, différents types d’armes et de canons… Où en est votre projet de clore votre trilogie giallo amorcée par Amer et L’Étrange Couleur des larmes de ton corps ? H. C. : Cette troisième partie est toujours en projet, mais notre prochain film sera un film d’animation pour adultes, un manga. B. F. : On est fans de Belladonna (1975) de Eiichi Yamamoto et des films de Satoski Kon. L’animation, c’est une direction différente en termes de langage : on pourra aller plus directement vers l’abstrait. Ça peut nous ouvrir des portes.

• PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET PHOTOGRAPHIE : GUILLAUME BELVÈZE — : « Laissez bronzer les cadavres »

d’Hélène Cattet et Bruno Forzani Shellac (1 h 30) Sortie le 18 octobre

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BOBINES

LA COLLECTION MARIN KARMITZ

Å’UVRES INTIMES 50


Johan van der Keuken, Portraits de Marin Karmitz, 1956

« Au

cinéma, j’ai produit des films dont personne ne voulait. En art, j’ai cherché des œuvres dont personne ne parlait. » C’est ainsi que Marin Karmitz, producteur (de Claude Chabrol, Krzysztof Kieślowski ou encore Abbas Kiarostami) et fondateur de la société mk2 (qui édite ce magazine), évoque ce qui l’a guidé dans la constitution de sa vaste collection d’œuvres d’art, commencée au début des années 1980 : un goût pour le défrichage, la découverte. Parmi les près de quatre cents pièces exposées à La Maison rouge (surtout des photos, mais aussi des dessins, peintures, installations et sculptures), on peut ainsi admirer des pépites signées Anders Petersen ou Stanisław Ignacy Witkiewicz, mais aussi des œuvres d’Annette Messager, Christian Boltanski ou Chris Marker. L’exposition est intitulée « Étranger résident ». L’expression, utilisée par Abraham dans un verset de l’Ancien Testament, a pour Karmitz de multiples interprétations. « Chacun peut trouver ce qu’il veut dans cette idée. Que ça soit en rapport avec l’actualité, avec l’histoire, avec soi-même… » Mais elle résonne particulièrement avec son parcours, lui qui est né dans une famille juive en 1938 à Bucarest, avant d’émigrer en France à l’âge de 9 ans avec ses parents, en quête d’un climat politique plus accueillant. Il nous a parlé de quelques-unes de ses pièces, confirmant qu’elles sont autant le reflet d’une histoire collective que de celle, intime, de celui qui les a collectées. • TIMÉ ZOPPÉ 51

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© WILLEM VAN ZOETENDAAL. COURTESY COLLECTION MARIN KARMITZ, PARIS

PORTFOLIO


© MARA VISHNIAC KOHN. COURTESY INTERNATIONAL CENTER OF PHOTOGRAPHY

BOBINES

LA COLLECTION MARIN KARMITZ

Roman Vishniac, Isaac Street, Kazimierz, Krakow, circa 1935-1938 « J’ai découvert Roman Vishniac grâce à un livre de photos intitulé Un monde disparu, préfacé par Elie Wiesel. En l’ouvrant, je suis tombé en arrêt : c’était des images de mon inconscient, dont j’étais à la fois proche et lointain. Ce cliché montre une ville enneigée ; j’ai moi-même vécu dans une ville sous la neige quand j’étais petit, j’ai côtoyé ces silhouettes noires qui errent dans les rues vides. Ce travail résonne avec ma mémoire, mon histoire. Ce sont des images qu’on ne peut plus voir, puisqu’il n’y a quasiment plus de Juifs en Pologne, comme en Roumanie ou en Hongrie. Ce livre m’a donné envie de trouver d’autres photos de Vishniac, mais c’est très difficile. Ma recherche m’a permis de rencontrer un grand passeur, le marchand américain Howard Greenberg, l’homme clé de l’histoire de la photographie américaine, qui m’a fait découvrir tant d’artistes inconnus. »

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PORTFOLIO

BOBINES

© FOTOSTIFTUNG SCHWEIZ. COURTESY COLLECTION MARIN KARMITZ, PARIS

Gotthard Schuh, Grubenarbeiter, Belgique, 1937 « Cette photo de Gotthard Schuh montrant un jeune mineur est à mes yeux celle d’un résistant. Cette évocation du monde des corons me rappelle quelque chose que j’ai connu après Mai 68, notamment avec l’affaire de Bruay-en-Artois [en 1972, l’inculpation d’un notaire pour le meurtre d’une fille de mineur dans le Pas-de-Calais cristallise les tensions entre classes, ndlr] dont j’ai voulu réaliser une adaptation. Simone de Beauvoir avait écrit un scénario, mais le film ne s’est pas fait. J’ai un rapport sentimental avec ce cliché, qui m’en rappelle un autre très important dans ma vie : la fameuse photo de Daniel Cohn-Bendit face à deux policiers, dont on s’est inspiré pour l’affiche du film Une affaire de femmes de Claude Chabrol [qu’il a produit en 1988, ndlr] sur laquelle Isabelle Huppert fait face à deux policiers du régime de Vichy. »

© JULIO GONZÁLEZ ESTATE

Julio González, La Montserrat, 1940 « Après la photo, j’ai commencé à m’intéresser au dessin, en commençant par le xixe siècle français, parce que je trouve qu’il y a des dessinateurs sublimes comme Géricault, Delacroix ou Rodin. Le côté inachevé et la fragilité des dessins me passionnent. Comme avec les photos, il ne faut pas trop les exposer à la lumière ; il faut les ranger de temps en temps pour les laisser reposer. C’est un dialogue physique avec l’œuvre. J’ai ressenti cette fragilité au cinéma, par exemple avec mon premier long métrage, Sept jours ailleurs, tourné en 1969 en noir et blanc avec une pellicule Tri-X qui avait du grain – on voyait la matière se dessiner. Ce dessin de Julio González représente la Montserrat, une héroïne de la guerre civile espagnole qui a dû faire face à la barbarie. Ce rapport à la guerre est un thème récurrent chez lui, comme Picasso avec Guernica. »

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© LEWIS HINE. COURTESY COLLECTION MARIN KARMITZ, PARIS

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LA COLLECTION MARIN KARMITZ

Lewis Hine, Little Orphan Annie in a Pittsburgh Institution, 1909 « Lewis Hine est l’un des piliers de la photo américaine. À New York, j’ai acheté aux enchères un coffret contenant deux cents plaques photographiques, dont celle-ci, sur lesquelles est inscrit « Lewis Hine – social photographer ». Les sujets dont il traite sont l’immigration, le travail des enfants et des femmes, la vie des ouvriers. Je trouve son travail sublime. Le noir et blanc parcourt cette exposition. En 1966, j’ai tourné un court métrage en noir et blanc, Comédie, d’après la pièce de Samuel Beckett. Ce film, qui sera montré dans l’exposition, a fondé mon rapport avec l’art. Dans le noir et blanc, il y a une intensité et une possibilité d’interprétation que l’on a plus difficilement avec la couleur. Ça passe par beaucoup de nuances de gris. Je suis davantage touché par l’ambiguïté. »

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Michael Ackerman, Benjamin with Bird, 1997 « Je pense que Michael Ackerman est le plus remarquable des jeunes photographes actuels. De Lewis Hine à lui, toute une trajectoire se dessine. Cette photo est d’une totale ambiguïté. Qui est ce garçon ? Quel est cet animal ? Comment un si grand oiseau peut-il être si paisiblement posé sur l’épaule d’un garçon, qui d’ailleurs n’est peut-être pas un garçon mais une fille ? Est-ce que c’est l’aigle allemand sur le crâne d’un détenu dans un camp de concentration ? Pour moi, c’est ça la force de la photo : on peut imaginer x histoires dans une seule image, alors qu’il en faut vingt-quatre par seconde au cinéma. Comme je vis au milieu de mes photos, je vis au milieu de plein de possibilités de films. Mais elles ne sont que dans mon imaginaire. »

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© MICHAEL ACKERMAN – AGENCE VU

PORTFOLIO


© MAN RAY, ADAGP, 2017. COURTESY COLLECTION MARIN KARMITZ, PARIS

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LA COLLECTION MARIN KARMITZ

Man Ray, L’Inconnue de la Seine, 1960 « Man Ray a transformé un masque dont on raconte qu’il a été moulé à l’institut médico-légal sur le cadavre d’une femme très belle noyée dans la Seine. Le moulage d’origine a inspiré, notamment, Louis Aragon pour son admirable roman Aurélien. Le héros, qui a ce masque au-dessus de son lit, est amoureux d’une femme, Bérénice. Un jour, il se rend compte que l’inconnue de la Seine et Bérénice sont la même personne. Le masque est donc, d’une certaine façon, le personnage principal du roman. Quand j’étais jeune, j’ai acheté ce masque chez un marchand de plâtres, puis je l’ai accroché au-dessus de mon lit pendant mon adolescence. Pour faire cette œuvre, que j’ai achetée aux enchères, Man Ray a repeint ce masque, l’a redessiné – on voit par exemple les cils –, et il a posé ce triangle. C’est pour moi une façon très agréable d’évoquer la mort. »

— : « Étranger résident. La collection Marin Karmitz » du 15 octobre au 21 janvier à La Maison rouge

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ZOOM ZOOM LES FILMS DU MOIS À LA LOUPE


4 OCT.

Dans la forêt enchantée de Oukybouky de Rasmus A. Sivertsen KMBO (1 h 12) Page 86

Taxi Sofia de Stephan Komandarev Rezo Films (1 h 43) Page 74

Le Sens de la fête d’Éric Toledano et Olivier Nakache Gaumont (1 h 57) Page 30

Capitaine Superslip de David Soren 20 th Century Fox (1 h 29) Page 87

Numéro une de Tonie Marshall Pyramide (1 h 50) Page 82

Happy End de Michael Haneke Les Films du Losange (1 h 48) Page 62

Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve Sony Pictures (2 h 32)

La Passion Van Gogh de Dorota Kobiela et Hugh Welchman La Belle Company (1 h 35) Page 82

QVISTEN ANIMATION & LITTLE KMBO PRÉSENTENT

QVISTEN ANIMATION présente DANS LA FORÊT ENCHANTÉE DE OUKYBOUKY

DESIGN : MARION DOREL

en co - production avec THORBJØRN EGNER AS DYREPARKEN PEDRI ANIMATION SF STUDIOS avec le soutien de THE NORWEGIAN FILM INSTITUTE NORDISK FILM & TV FOND THE NETHERLANDS FILM production INCENTIVE avec les voix de ESPEN BRÅTEN KRISTOFFERSEN WENCHE MYHRE NILS JØRGEN KAALSTAD STIG HENRIK HOFF

Téhéran Tabou d’Ali Soozandeh ARP Sélection (1 h 36) Page 70

studio d’animation QVISTEN ANIMATION direction artistique ARE AUSTNES directeur d’animation TODOR ILIEV direction des effets spéciaux ALVARO ALONSO LOMBA décors HENK BEUMERS poupées PAUL MATHOT compositing MICHA DE GRAAF directeurs de la photographie MORTEN SKALLERUD JANNE HANSEN musique GAUTE STORAAS chansons originales arrangées et interprétées par KATZENJAMMER design sonore TORMOD RINGNES BAARD HAUGAN

INGEBRETSEN line producer HUGO VIEITES CAAMAÑO scénario KARSTEN FULLU adaptation du livre et de la pièce de THORBJØRN EGNER avec les paroles et mélodies de CHRISTIAN HARTMANN THORBJØRN EGNER co-producteurs BJØRN EGNER PER ARNSTEIN AAMOT PAUL MATHOT PETER MANSFELT producteurs OVE HEIBORG ELISABETH OPDAL EIRIK SMIDESANG SLÅEN réalisé par RASMUS A. SIVERTSEN © 2016 QVISTEN ANIMATION AS, THORBJØRN EGNER AS, DYREPARKEN I KRISTIANSAND AS, PEDRI ANIMATION BV, SF STUDIOS AB. ALL RIGHTS RESERVED. HTTPS://SVENSKFILMINDUSTRI.FILMTRACKONLINE.COM/STARCM/APP_THEMES/DEFAULT/BKG/TDOT.GIF

11 OCT.

L’École buissonnière de Nicolas Vanier StudioCanal (1 h 56) Page 87

Kingsman Le cercle d’or de Matthew Vaughn 20 th Century Fox (2 h 21)

Va, Toto ! de Pierre Creton JHR Films (1 h 34) Page 70

Ouvrir la voix d’Amandine Gay Bras de Fer (2 h 02) Pages 22 et 74

Grandeur et décadence d’un petit commerce de cinéma de Jean-Luc Godard Capricci Films / Les Bookmakers (1 h 32) Page 71

À l’ouest du Jourdain d’Amos Gitaï Sophie Dulac (1 h 24) Page 71

Confident royal de Stephen Frears Universal Pictures (1 h 52) Page 82

L’Atelier de Laurent Cantet Diaphana (1 h 53) Page 72

The Square de Ruben Östlund Bac Films (2 h 31) Page 34

Latifa Le cœur au combat d’Olivier Peyon et Cyril Brody Haut et Court (1 h 37) Page 82

Detroit de Kathryn Bigelow Mars Films (2 h 23) Page 72

Laissez bronzer les cadavres d’Hélène Cattet et Bruno Forzani Shellac (1 h 30) Page 46

18 OCT.


1ER NOV.

L’Assemblée de Mariana Otero Épicentre Films (1 h 39) Page 76

Sans adieu de Christophe Agou New Story (1 h 39) Page 78

La Belle et la Meute de Kaouther Ben Hania Jour2fête (1 h 40) Page 76

Au revoir là-haut d’Albert Dupontel Gaumont (1 h 57) Page 83

Carré 35 d’Éric Caravaca Pyramide (1 h 07) Page 64

Tous les rêves du monde de Laurence Ferreira Barbosa Alfama Films (1 h 48) Page 82

Brooklyn Yiddish de Joshua Z. Weinstein Sophie Dulac (1 h 21) Page 83

Jeune femme de Léonor Serraille Shellac (1 h 37) Page 66

Zombillénium d’Arthur de Pins et Alexis Ducord Gebaka Films (1 h 18) Page 88

Corps et Âme d’Ildikó Enyedi Le Pacte (1 h 56) Page 83

Ex Libris The New York Public Library de Frederick Wiseman Météore Films (3 h 17) Page 68

Bricks de Quentin Ravelli Survivance (1 h 30)

Des bobines et des hommes de Charlotte Pouch Rouge International (1 h 07) Page 83

D’après une histoire vraie de Roman Polanski Mars Films (1 h 50) Page 80

Leçon de classes de Jan Hřebejk Bodega Films (1 h 42)

Mise à mort du cerf sacré de Yórgos Lánthimos Haut et Court (2 h 01) Page 80

Logan Lucky de Steven Soderbergh ARP Sélection (1 h 58)

Les Conquérentes de Petra Volpe Version Originale / Condor (1 h 36) Page 83

Opération Casse-noisette 2 de Cal Brunker SND (1 h 31)

Braguino de Clément Cogitore BlueBird (50 min)

Knock de Lorraine Lévy Mars Films (1 h 53)

ET SI TOUT INDIVIDU ÉTAIT PRÉDISPOSÉ À ÊTRE CORROMPU...

Leçon( Thedeteacherclasses ) DARKSTAR

un film de Jan Hřebejk ÉCRIT PAR Petr Jarchovský

Rozhlas a televízia Slovenska, PubRes, Offside Men, Ceská televize présentent un film de Jan Hřebejk et Petr Jarchovský Avec Zuzana Mauréry, Csongor Kassai, Peter Bebjak, Martin Havelka, Ondrej Malý, Éva Bandor, Zuzana Konecná, Richard Labuda, Oliver Oswald, Tamara Fischer, Ina Gogalova, Monika Certezni Scénario Petr Jarchovský Image Martin Žiaran Montage Vladimír Barák Son Jirí Klenka Musique Michal Novinski Décors Juraj Fàbry Costumes Katarína Štrbová Bieliková Maquillage Anita Hroššová Production exécutive Erik Panák Production Tibor Búza, Zuzana Mistríková, Ľubica Ore-chovská, Ondrej Zima, TPS Kateriny Ondrejkové. réalisé par Jan Hřebejk

LEÇON DE CLASSE-AFF-120x160.indd 1

25 OCT. Pour le réconfort de Vincent Macaigne UFO (1 h 31) Pages 10 et 78

06/06/2017 10:55


FILMS

ZOOM

ZOOM

HAPPY END

Joyeux,

certainement pas ; Happy End est bien un film sur la fin. Dans une mise en scène tirée au cordeau et dépouillée jusqu’à l’os, le cinéaste autrichien filme une famille au désespoir, peuplée de héros qui préfèrent en finir quand ils ne sont pas déjà morts. Dès l’ouverture du film, c’est le début de la fin : dans une série, glaçante, de vidéos en format Snapchat, une ado raconte sa haine envers sa mère et son mal-être. Après que sa mère se retrouve dans le coma à la suite d’une overdose de médicaments, la jeune fille de 13 ans est hébergée chez son père (Mathieu Kassovitz), qui vit avec son père acariâtre et suicidaire (magistral Jean-Louis Trintignant), sa sœur impitoyable à la tête de la société de BTP familiale (Isabelle Huppert), son neveu dépressif, et sa nouvelle femme, dans une immense demeure bourgeoise de Calais. Parallèlement à l’arrivée de l’adolescente s’enclenche une série d’incidents qui menace d’éroder l’équilibre familial, et qui commence par un éboulement sur un de leurs chantiers. L’affaissement est capté à travers un dispositif de distanciation sonore – de trop loin pour que l’on entende le son direct –, comme si la scène était filmée par

un observateur impassible. Dans ce film aux allures de jugement dernier, les hommes sont devenus les témoins macabres d’un monde qui part à la dérive – comme lobotomisés, ils observent ce spectacle apocalyptique sans réagir. Haneke filme une société du vide, du creux, du virtuel, un monde purgé de sa substance humaine : dans cette famille, pas de sentiment, pas de communication, pas d’amour. Cet assèchement se traduit magistralement dans une mise en scène et une narration dépouillées, avec des ellipses très brutales qui se succèdent sans ménagement, des indices à retardement, des secrets savamment révélés dans un détail furtif. Si le film est le plus grinçant du réalisateur (on a rarement autant ri – jaune – chez Haneke), c’est aussi son plus désespéré : on ne peut s’empêcher de voir, dans le personnage joué par Trintignant, ce vieillard qui voudrait en finir, un alter ego du cinéaste. Ou l’art d’orchestrer sa propre marche funèbre. • RAPHAËLLE SIMON

Haneke filme une société du vide, du creux, du virtuel, un monde purgé de sa substance humaine.

— : de Michael Haneke

Les Films du Losange (1 h 48) Sortie le 4 octobre

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C I N E T E L E F I L M S , TA N I T F I L M S

ET

JOUR2FÊTE

PRÉSENTENT

« Une œuvre choc... un thriller âpre et féministe. »

TÉLÉRAMA

DOCUMENT NON CONTRACTUEL

PRIX DU JURY DES ÉTUDIANTS

18 OC T


FILMS

ZOOM

ZOOM

CARRÉ 35

Derrière

ce titre énigmatique se cache une œuvre poignante sur le poids d’un secret de famille. À partir du non-dit entourant la mort de sa sœur, l’acteur Éric Caravaca signe un documentaire lumineux. Il y a toujours quelque chose d’émouvant dans le geste d’un comédien qui, en passant derrière la caméra, prend le pouvoir. Dans le cas d’Éric Caravaca, il s’agit surtout de prendre la parole. Troublé par l’absence de photos de sa sœur aînée, Christine, morte à l’âge de 3 ans, il décide un jour d’interroger ses parents afin d’éclaircir cet insoutenable mystère. On ne brise pas si aisément un tabou ancré si profondément. Sa mère, personnage infiniment romanesque, se mure dans le déni. « Quand vous posez des questions à des gens qui vous ont bien fait comprendre qu’il ne fallait pas faire ressurgir cette histoire, vous vous censurez vous-même », nous confie le réalisateur, qui cependant ne lâche pas le morceau, guidé par un objectif, « réhabiliter cette enfant ». Au-delà des séquences d’interviews, d’une troublante intensité, le film est construit comme une enquête. Entre le visionnage de films en super 8 et la lecture de fiches Wikipédia, Caravaca

se rend sur la tombe de Christine, dans le carré 35 du cimetière de Casablanca, au Maroc, le pays où ont grandi ses parents, à l’époque du protectorat français. Le film relie alors subtilement l’intime et le collectif : à l’intérieur d’une famille comme d’un peuple colonisé, on retrouve « les mêmes mécanismes de fabrication de trous de mémoire », note Caravaca. Comme s’il était nécessaire de se nourrir de fiction pour approcher une vérité indicible, le documentaire convoque d’autres formes d’expression artistique : la littérature (le film a été coécrit par le romancier Arnaud Cathrine, que Caravaca appelle son « frère de création ») ; la musique, avec une partition délicate de Florent Marchet ; la photographie... « Il faut de l’imaginaire pour mettre une sorte de filtre entre soi et la dureté du réel », juge le cinéaste, déjà sur le point de s’atteler à l’écriture d’une fiction qui, après Le Passager (son premier long métrage comme réalisateur en 2006) et Carré 35, bouclera une trilogie sur les fantômes. • JULIEN DOKHAN

On ne brise pas si aisément un tabou ancré si profondément.

— : d’Éric Caravaca Pyramide (1 h 07)

Sortie le 1er novembre

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N I B A

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N N B E

U F L surA la situation

« Un film précieux israélienne, un hommage au civisme des individus face à la folie des politiques »

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DOCUMENT NON CONTRACTUEL © 2017/ NILAYA PRODUCTIONS / AGAV FILMS / FRANCE TÉLÉVISIONS

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TÉLÉRAMA


FILMS

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JEUNE FEMME

Caméra

d’or à Cannes, le premier film de Léonor Serraille croque le portrait de Paula, une jeune femme sous influence (façon John Cassavetes) incarnée par l’ébouriffante Laetitia Dosch. Abandonnée dans les rues de Paris, Paula a tout perdu : son amour (un célèbre photographe qui vient de la congédier sèchement), son appartement (propriété dudit photographe), ses parents (« perdus de vue »). Et, peut-être aussi, la boule. Quand Paula ne soliloque pas, elle invective des inconnus dans le métro et défonce les portes à coups de tête. Mais la néotrentenaire aux yeux vairons ne se laisse pas totalement aller non plus. Parce qu’elle est « quelqu’un qui s’adapte », l’ancienne muse passive va regarder en face l’angoissante page blanche qu’est devenue sa vie, à sa manière borderline : au hasard

des rencontres, sans peur de l’inconnu ni du ridicule. Paula se pose ainsi en héritière des héroïnes du cinéma américain indépendant des années 1970 telles que Barbara Loden, dans son film Wanda, ou Gena Rowlands, dans Une femme sous influence de John Cassavetes. Courageuse et incontrôlable, elle bute contre les conventions absurdes de la société – souvent de manière comique. Dans le costume tragicomique de cette femme mi-enfant, mi-tornade électrique, Laetitia Dosch brille d’un bel éclat bipolaire. L’actrice aimante la caméra tremblée de Serraille, slalome entre les jump cuts et les ellipses, imprévisible. • ÉRIC VERNAY

— : de Léonor Serraille

Shellac (1 h 37) Sortie le 1er novembre

3 QUESTIONS À LÉONOR SERRAILLE PAR R. S. Quelles héroïnes vous ont inspiré le personnage de Paula ? Sue perdue dans Manhattan d’Amos Kollek a été un repère très fort, même si c’est un portrait très dur et sombre, alors que je voulais que Paula reprenne le fil de sa vie plutôt que de le perdre. Et puis des portraits de femmes seules mais dignes, comme Wanda de Barbara Loden ou les films avec Gena Rowlands.

Comment traduire formellement la libération du personnage ? Pour ma part, j’ai choisi d’épouser son énergie et celle du tournage. On avait beaucoup de décors et peu de temps. La mise en scène était très liée aux contraintes techniques. On était beaucoup dans l’instant, on jouait sur le hasard. J’aime l’idée que tout peut changer au dernier moment, ça rend le film vivant. 66

L’équipe du film est composée principalement de femmes… Ça s’est fait comme ça, sans que je m’en rende compte. Ça a créé un esprit fort, ça nous a donné de la confiance, de l’audace – surtout que c’était, pour la majorité d’entre nous, notre premier long métrage. Après, ça devrait être normal que des femmes soient à des postes clés, on ne devrait pas avoir à en parler.


LES ENRAGÉS PRÉSENTE

“ON L’AIME D’UN AMOUR INCONDITIONNEL” LE MONDE

“FAIT DE TENDRESSE ET DE VIOLENCE” LIBÉRATION

“L’ÉLOGE POIGNANT D’UN MONDE PAYSAN QUI S’ÉTEINT” TÉLÉRAMA

UN FILM DE CHRISTOPHE AGOU

MUSIQUE STUART A. STAPLES (TINDERSTICKS)

MONTAGE VIRGINIE DANGLADES MONTAGE SON & MIXAGE CÔME JALIBERT ÉTALONNAGE & POST-PRODUCTION EMMANUEL JAMBU PRODUCTEURS EXÉCUTIFS AURÉLIE BORDIER PIERRE VINOUR & CALMIN BOREL PRODUCTEURS DÉLÉGUÉS AURÉLIE BORDIER & PIERRE VINOUR LABORATOIRE LES LUMIÈRES NUMÉRIQUES AUDITORIUM DE MIXAGE LES STUDIOS PALACE UNE PRODUCTION LES ENRAGÉS AVEC LE SOUTIEN DE RÉGION AUVERGNE-RHONE-ALPES ET EN PARTENARIAT AVEC LE CNC EN PARTENARIAT AVEC QUARTUS ET LA VILLE SE PARTAGE AVEC LA PARTICIPATION DE TOUSCOPROD & KICKSTARTER

SORTIE LE 25 OCTOBRE


FILMS

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EX LIBRIS

À

égale distance de National Gallery (2014) et de In Jackson Heights (2016), Wiseman revient, avec Ex Libris. The New York Public Library, à ses fondamentaux : cerner l’utopie sur quoi s’érige toute institution démocratique. La méthode de cet infatigable Stakhanov aura eu beau s’exporter avec succès de notre côté de l’Atlantique, les meilleurs documentaires de Frederick Wiseman n’en restent pas moins ceux dans lesquels il se livre à l’exégèse de son pays natal. Car de Titicut Folies (1969) à ce passionnant Ex Libris, à l’exception notable des quatre films tournés à Paris et à Londres, dans l’œil du cinéaste, une petite goutte d’Amérique semble chaque fois refléter le pays tout entier. De même que le quartier new-yorkais de Jackson Heights, riche de sa diversité, prenait sous sa caméra des airs d’Éden multiculturel en péril (menacé par la gentrification), la bibliothèque publique de New York et ses multiples antennes incarnent ici le parfait alliage de partage, de libre expression et d’altruisme qui est l’essence – et l’idéal – de tout service public. Comme toujours chez Wiseman, la grâce du film repose sur la cohérence secrète de ses choix, laquelle se dessine au prix de la patience – Ex Libris dure plus de trois heures, mais ne

donne jamais l’impression de radoter. Des réunions de la direction, durant lesquelles la décision la plus anecdotique en apparence réveille un débat de fond (doit-on se procurer tous les best-sellers, ou consacrer plus d’argent aux œuvres confidentielles et peu accessibles ?), au petit colloque militant organisé dans un site de Harlem dédié à la littérature afro-américaine, Wiseman attire notre attention sur la grande variété des discours et dresse le portrait d’un lieu démocratique, miroir de son public bigarré. Pour autant, si bienveillant soit-il en apparence, Ex Libris n’est pas l’œuvre d’un dupe, et le montage ne manque pas de rappeler, à la faveur d’un raccord subtilement ironique entre une antenne vétuste du Queens et la mondanité d’une réception de donateurs dans le majestueux bâtiment de Manhattan, que, à l’image d’une métropole plus inégalitaire que jamais, l’archipel du savoir n’échappe pas à la cruelle hiérarchie des quartiers. • ADRIEN DÉNOUETTE

Chez Wiseman, une petite goutte d’Amérique reflète le pays tout entier.

— : « Ex Libris. The New York Public Library »

de Frederick Wiseman Météore Films (3 h 17) Sortie le 1er novembre

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FILMS

TÉHÉRAN TABOU

— : d’Ali Soozandeh ARP Sélection (1 h 36) Sortie le 4 octobre

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Dans

les rues de Téhéran, l’air est irrespirable, la surveillance, généralisée, et le dogme religieux régit impérieusement la politique comme la justice du pays. Le film d’animation Téhéran Tabou tente de briser cette chape de plomb en attaquant frontalement l’hypocrisie des autorités iraniennes – le pouvoir camoufle volontiers sous des dehors rigoristes ses propres travers libertins. La technique de la rotoscopie, qui consiste à dessiner un objet ou un personnage à partir d’images en prises de vue réelles, est ici utilisée avec parcimonie : Ali Soozandeh réserve cet effet aux personnages principaux. Ce parti pris permet de jolis contrastes entre leurs physionomies rondes, naturelles, et les visages durs, fermés, de personnages secondaires, dessinés. Parallèlement, le réalisateur ose mêler les catégories sociologiques – couple en apparence pieux, prostituée a priori badine et légère, juge fourbe, jeune musicien frustré… Les parias de la société et les civils dociles se font face, avant de s’apprivoiser. Ce décalage vis-à-vis de l’ordre établi fait de ce film un grand bazar vivifiant. • JOSÉPHINE LEROY

VA, TOTO !

— : de Pierre Creton JHR Films (1 h 34) Sortie le 4 octobre

Le

nouveau film de Pierre Creton (Maniquerville, Sur la voie), est une fiction prenant appui sur le réel : les prises de vues sont documentaires, mais des acteurs (Rufus, Jean-François Stévenin, Françoise Lebrun, Grégory Gadebois…) intervenant en voix off réinventent la matière brute des images. Leurs récits remodèlent sans cesse les trajectoires des trois protagonistes que l’on voit à l’écran, des proches du cinéaste (également plasticien et ouvrier agricole) qui entretiennent tous un lien intime avec des bêtes. Il y a Madeleine, la rebelle, qui élève Toto, le petit marcassin contre l’avis de sa commune ; Vincent, qui part en Inde exorciser sa peur des singes ; et Joseph, qui, sous respirateur artificiel la nuit, fait des songes peuplés des chats qu’il nourrit la journée. En les filmant avec amour, empathie et malice, en les héroïsant en quelque sorte, c’est comme si Pierre Creton conjurait leur solitude. Le cinéaste tisse des liens secrets entre leurs histoires respectives (l’animal comme vecteur de rencontres) et s’autorise des échappées oniriques et inquiétantes qui rendent son film encore plus personnel et audacieux. • QUENTIN GROSSET

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FILMS

GRANDEUR ET DÉCADENCE D’UN PETIT COMMERCE DE CINÉMA — : de Jean-Luc Godard Capricci Films / Les Bookmakers (1 h 32) Sortie le 4 octobre

À L’OUEST DU JOURDAIN

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Blazin (Jean-Pierre Léaud), un réalisateur au bord de la banqueroute, auditionne des figurants et s’affaire au montage financier de son prochain film. Jean Almereyda (Jean-Pierre Mocky), un producteur au passé glorieux, vient à sa rescousse. Diffusé sur TF1 en 1986 et inédit en salles, Grandeur et décadence d’un petit commerce de cinéma a été réalisé dans le cadre d’une commande passée à plus d’une trentaine de cinéastes d’un film en hommage à la Série noire, la célèbre collection fondée par Marcel Duhamel. Pour Jean-Luc Godard, tout cela n’est que prétexte à jeux et détournements. Il tend au téléspectateur un miroir déformé du monde de la télévision, interrompt inopinément la mécanique du récit, lance un faux spot de publicité ou moque la mièvrerie des slogans (« L’essentiel, c’est l’amour »). Derrière cette fragmentation transgressive et jubilatoire se cache surtout une défense acharnée du cinéma artisanal et engagé – on pense à ces séquences volontairement lentes et répétitives, comme poncées par le réalisateur-ouvrier. Ironie du sort, le téléfilm enregistra la pire audience de la série lors de sa première diffusion. • JOSÉPHINE LEROY

— : d’Amos Gitaï Sophie Dulac (1 h 24) Sortie le 11 octobre

Dans

ce documentaire aussi limpide qu’ambitieux, Amos Gitaï (Ana Arabia, Le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin) livre un journal de bord, commencé au début des années 1990, des relations israélo-palestiniennes vues depuis la Cisjordanie. Vaste chantier que de saisir les tenants et les aboutissants d’un conflit aussi emmêlé que celui-ci… C’est heureusement ce que Gitaï ne cherche pas à faire. Le film fait d’abord plus simplement le constat de la souffrance et de l’impuissance partagées par les populations israélienne et palestinienne face aux manigances de leurs dirigeants. Il s’anime bien vite d’un élan très optimiste lorsqu’il montre le réalisateur partir à la rencontre d’associations et d’O.N.G. qui promeuvent le vivre-ensemble. Comme cette organisation qui rapproche des femmes des deux nationalités qui ont perdu un proche à cause du conflit. Si le cinéaste prend parfois trop de place dans ses interventions, il emporte tout de même le morceau, notamment par ses entretiens sans langue de bois avec des journalistes, des personnalités politiques ou même des enfants, et ses immersions très vivantes dans les rues et les écoles de Cisjordanie. • TIMÉ ZOPPÉ

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Gaspard


FILMS

L’ATELIER

— : de Laurent Cantet Diaphana (1 h 53) Sortie le 11 octobre

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Après

Entre les murs, Palme d’or en 2008, il aura fallu à Laurent Cantet près de dix ans, et des détours par l’Amérique du Nord (Foxfire) et Cuba (Retour à Ithaque), pour reprendre son activité de sismographe de la société française. À La Ciotat, un groupe de jeunes en insertion suit un atelier estival d’écriture animé par Olivia, romancière reconnue (Marina Foïs). Un des garçons adopte un discours dont la brutalité nihiliste inquiète de plus en plus Olivia… À proximité des anciens chantiers navals, vestiges de la fierté ouvrière, l’atelier d’écriture représente une autre forme de travail de construction, périlleux mais stimulant. Et le film lui-même a des allures de superbe chantier, avec ce que ce mot suppose d’humilité et d’ambition. Cantet et son complice en écriture Robin Campillo osent plonger les mains dans le cambouis d’une France fracturée et crispée, marquée par les attentats. Jamais donneur de leçons, L’Atelier donne à voir avec subtilité les contradictions, la grâce et la fragilité des ados comme de l’adulte. Si le film multiplie les régimes d’images (du tuto de muscu au jeu vidéo), il fait surtout l’éloge de la conversation et de la fiction. Beau travail. • JULIEN DOKHAN

DETROIT

— : de Kathryn Bigelow Mars Films (2 h 23) Sortie le 11 octobre

L’oscarisée

Kathryn Bigelow s’empare d’un épisode de l’histoire des États-Unis qui résonne violemment avec le regain actuel de racisme dans le pays : les émeutes de Detroit. Le 23 juillet 1967, un raid de la police dans un bar clandestin de Detroit fréquenté par des Noirs déclenche l’ire de cette partie de la population, excédée de subir un racisme institutionnalisé. Au cours des cinq jours de révolte, un motel devient le lieu de cristallisation des tensions raciales : les policiers bouclent le bâtiment et commencent à maltraiter ses occupants, allant jusqu’à en tuer certains – séquestration qui donne lieu à de longues séquences, crues et éprouvantes pour le spectateur. Avec Detroit, scénarisé par Mark Boal comme ses précédents films Démineurs (2009) et Zero Dark Thirty (2012), Kathryn Bigelow semble boucler une trilogie auscultant les rapports de pouvoir et de violence aux États-Unis. Toujours dans un style « sur le vif », caméra à l’épaule, elle insiste sur la façon sidérante dont l’urgence d’une situation peut complètement dérégler l’éthique d’un individu. Et c’est parfaitement glaçant. • TIMÉ ZOPPÉ

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LE COUP DE FOUDRE DU PUBLIC JOUR2FÊTE et MILLE ET UNE PRODUCTIONS présentent

Changer l’école pour que chacun y trouve sa place

Jour2Fête Production PRODUIT PAR

ET Mille et une productions PRÉSENTENT À nous de jouer ! UN FILM DE Antoine Fromental CHEF OPÉRATEUR Nicolaos Zafiriou INGÉNIEURS DU SON ET MONTAGE SON Jean-Barthelemy Velay MONTAGE Cécile Dubois MUSIQUE Samuel « Devol » Nicolas ET Etienne Ollagnier POUR Jour2Fête Production Anne-Cécile Berthomeau ET Edouard Mauriat POUR Mille et une productions

Sarah Chazelle

DISTRIBUTION ET VENTES INTERNATIONALES

anousdejouerlefilm

Jour2Fête

LE 8 NOVEMBRE

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FILMS

OUVRIR LA VOIX

— : d’Amandine Gay Bras de Fer (2 h 02) Sortie le 11 octobre

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Ce

documentaire passionnant, signé par la Française Amandine Gay (lire p. 22), donne la parole à une vingtaine de femmes noires, en France et en Belgique. La réalisatrice a décidé de montrer leur témoignage face caméra pendant une bonne partie des deux heures que dure le film. Aucune lassitude cependant devant ce parti pris radical, pour la simple raison que ces visages, on ne les voit jamais filmés aussi longtemps, d’aussi près et avec autant d’attention. Ce que racontent ces personnes de tous horizons, ce sont les embûches édifiantes qu’elles doivent surmonter au quotidien à cause de leur apparence, des inconnus qui se permettent de toucher leurs cheveux crépus aux discriminations scolaires puis sur leurs lieux de travail, en passant par les présupposés affligeants sur leurs comportements sexuels. En scrutant les différentes facettes de cette violence hallucinante affreusement banalisée, et en intégrant à son panel des femmes noires homosexuelles triplement discriminées, Amandine Gay apporte sa pierre, essentielle, à l’édifice du cinéma documentaire et du féminisme intersectionnel. • TIMÉ ZOPPÉ

TAXI SOFIA

— : de Stephan Komandarev Rezo Films (1 h 43) Sortie le 11 octobre

Dans

la capitale bulgare, un drame impliquant un chauffeur de taxi est prétexte à dérouler une série de saynètes avec cinq de ses collègues, témoins idéals de la déliquescence du pays. Quand un entrepreneur en galère, conducteur de taxi à ses heures perdues, abat en pleine rue son banquier (qui vient de le faire chanter) avant de se suicider, les médias s’embrasent. Outre son aspect sensationnel, l’affaire révèle surtout le désespoir de la société bulgare actuelle, gangrenée par la corruption. Après l’exposition du drame, le film imagine isolément les parcours de cinq chauffeurs de taxi qui subissent de plein fouet l’écart de richesse et de classe aberrant qui les sépare de leurs clients. Chacun déploie une stratégie de compensation différente envers ses passagers : intimidation et humiliation pour l’un, racket pour un autre… De longs plans du point de vue des chauffeurs pendant leurs courses montrent tous les recoins de la capitale et ses éclairages nocturnes aux néons, manière d’apporter une touche plus atmosphérique à ce tableau humaniste mais alarmiste. • TIMÉ ZOPPÉ

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LES INCASSABLES — EN 150 FILMS —

20 SEPTEMBRE 31 DÉCEMBRE 2017

Forum des Halles forumdesimages.fr


FILMS

L’ASSEMBLÉE

— : de Mariana Otero Épicentre Films (1 h 39) Sortie le 18 octobre

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Si

Mariana Otero fait du mouvement citoyen Nuit debout (né en réaction à la première loi Travail, au printemps 2016) le décor unique de son nouveau documentaire, on aurait tort d’y chercher un cinétract pour autant. Placé à distance raisonnable des querelles partisanes, L’Assemblée ne décrit pas le combat des idées, mais celui, moins contingent quoique tout aussi volatile, de la parole. De l’attention silencieuse des foules, idéalement canalisées par un code fait de petits gestes, aux commissions scrupuleusement régies par un ordre de passage, Otero survole le ronron des débats pour mieux porter son attention sur ce qui y préside : le laborieux cheminement d’un verbe citoyen, dans un cadre d’autant plus indifférent à son contenu qu’il ne fait rien pour le protéger, entre les bourdonnements de la circulation et le ratiboisage de ses frêles estrades sur ordre du préfet de police. La beauté du film tient beaucoup à la simplicité de son propos rappelant que sous les cendres des lendemains qui chantent se cachent parfois de plus discrètes révolutions, comme celle d’avoir su libérer une parole publique des palais de l’institution où elle est habituellement confinée. • ADRIEN DÉNOUETTE

LA BELLE ET LA MEUTE

— : de Kaouther Ben Hania Jour2fête (1 h 40) Sortie le 18 octobre

Après

Le Challat de Tunis en 2015, Kaouther Ben Hania continue d’épingler la misogynie rampante de la société tunisienne, ici en saisissant les quelques heures qui précèdent et qui suivent le viol d’une jeune étudiante. Dans un club, Mariam, la vingtaine, rencontre un beau jeune homme, Youssef, qui l’entraîne hors du lieu. Une heure ou deux plus tard, la voilà qui détale dans la rue, en pleurs, décoiffée et bouleversée, Youssef sur ses talons… Les apparences sont en partie trompeuses : si Mariam a, comme on le pressent, été violée, ce n’est pas par cet homme, mais par des policiers. Comment porter plainte, dans un système qui la force à faire une déclaration dans le poste où exercent ses agresseurs ? Pour renforcer le sentiment d’oppression qui étouffe son héroïne, la cinéaste a fait le choix audacieux d’un montage uniquement composé de longs plans-séquences. Prise en étau entre les violeurs et l’absurde interrogatoire moral que chaque interlocuteur – d’une officière de police aux infirmiers – lui fait passer, Mariam n’a que Youssef sur qui s’appuyer. Aussi solide soit-il, pas sûr que cela suffise pour dérégler une machine aussi bien huilée. • TIMÉ ZOPPÉ

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“SOMPTUEUX” L E F IGA R O

“ÉBLOUISSANT” T RA N S F UG E

“UNE ACTRICE IRRÉSISTIBLE” N COLLE

1 DVD

+

1DELIVRE 7 6 PAGES

DISPONIBLE

EN

DVD , VOD ET DVD COLLEC TOR CINEMA

Un premier film enchanteur. LES INROCKS

Drôle et cocasse.

Beau voyage. ÀVOIR-ÀLIRE

PREMIÈRE

Superbe. LA SEPTIÈME OBSESSION

Délicieusement aristocratique. LE MONDE

DISPONIBLE

EN DOUBLE

DVD COLLECTOR ET VOD

OR

ÉD

IO

CT

IT

PR E MIÈ R E


FILMS

POUR LE RÉCONFORT

— : de Vincent Macaigne UFO (1 h 31) Sortie le 25 octobre

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Plus

connu comme acteur (Tonnerre de Guillaume Brac, Les Deux Amis de Louis Garrel), Vincent Macaigne (lire p. 10) réalise une dramédie campagnarde à partir des impros de sa bande de potes comédiens. Il y a quelques années, il a réuni ses acolytes (dont les tordantes Joséphine de Meaux et Laure Calamy) à la campagne, près d’Orléans, et a filmé leurs impros inspirées de La Cerisaie d’Anton Tchekhov. Il en a tiré une histoire, celle d’un frère et d’une sœur qui, après un exil à l’étranger, reviennent dans le Loiret pour décider du sort de leur héritage, un petit château dans la forêt. Tout se complique quand ils retrouvent de vieilles connaissances et découvrent qu’ils sont considérés par celles-ci comme des bourgeois. Si certains monologues face caméra sont un peu solennels, le film trouve son souffle dans les dialogues acides et certaines joutes verbales hallucinantes. La caméra choisit toujours la juste distance, et les acteurs, la phrase, la mimique ou le geste hilarant. On retrouve sans peine la personnalité intense et bouillonnante de Macaigne dans ce récit plein d’aspérités, et sa direction d’acteur, très brute. • TIMÉ ZOPPÉ

SANS ADIEU

— : de Christophe Agou New Story (1 h 39) Sortie le 25 octobre

Après

une décennie passée à New York, le photographe français Christophe Agou est revenu dans son Forez natal en 2002 pour filmer, sur treize ans, une poignée de paysans qui résiste tant bien que mal aux assauts du capitalisme. Au centre, il y a Claudette, sorte d’incarnation de la Carmen Cru (le personnage de bande dessinée) de Lelong ; une petite vieille dame qui, sous ses airs attendrissants, cache un caractère de feu – il n’y a qu’à voir comme elle aboie sur ses grands chiens ou sur un employé de la banque au bout du fil. À 75 ans, elle s’occupe seule de sa grande ferme et refuse de la céder à un exploitant plus jeune auquel elle ne fait pas confiance. Les petits paysans voisins galèrent tout autant à se faire entendre des institutions, qui leur suppriment progressivement des primes vitales ou embarquent brutalement leurs précieuses vaches pour leur faire un dépistage de la maladie de la vache folle. Une des grandes réussites de ce documentaire hyper émouvant est de parvenir à faire sentir l’angoisse sourde dans laquelle sont plongés ces vaillants résistants, alors même que leur cadre de vie apparaît parfaitement paisible. • TIMÉ ZOPPÉ

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PAULO BRANCO PRÉSEN TE

Conception graphique : Joachim Touitou

UN FILM DE LAURENCE FERREIRA BARBOSA

AV E C

SORTIE LE 18 OCTOBRE PA M É L A R A M O S - R O S A D A CO STA - AN TO N I O LI MA - MÉLAN I E P E R E I R A - L O L A V I E I R A -

A L E X A ND R E P R I NC E - D AV I D M U R G I A

Scénario LAURENCE FERREIRA BARBOSA et GUILLAUME ANDRÉ Image RENAUD PERSONNAZ Montage MARIE DA COSTA Son FRANCISCO VELOSO, BENJAMIN LAURENT Musique originale NOISERV Premier assistant réalisation CARLOS DA FONSECA PARSOTAM Décors MATHIEU LAZARE FROMENTEZE et MARTA DO VALE Costumes et maquillage HÉLÈNE PATAROT Direction de production THIERRY CRETAGNE Chargées de production (Portugal) ANA PINHÃO MOURA et DANIELA LEITÃO Responsable production et post-production RAOUL PERUZZI Produit par PAULO BRANCO Une coproduction ALFAMA FILMS PRODUCTION et LEOPARDO FILMES Avec la participation du CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE et le soutien du FONDS IMAGES DE LA DIVERSITÉ Avec la participation du INSTITUTO DO CINEMA E DO AUDIOVISUAL et de RTP - RÁDIO E TELEVISÃO DE PORTUGAL En association avec CINÉVENTURE 2 Avec le soutien de CINÉMAGE 11 DÉVELOPPEMENT Avec le soutien de CÂMARA MUNICIPAL DE BOTICAS et de CÂMARA MUNICIPAL DE MONTALEGRE

WWW.ALFAMAFILMS.COM/FILM/TOUS-LES-REVES-DU-MONDE


FILMS

D’APRÈS UNE HISTOIRE VRAIE

— : de Roman Polanski

Mars Films (1 h 50) Sortie le 1er novembre

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Roman

Polanski filme l’acte créatif comme un processus douloureux dans ce jeu de miroirs aux réjouissants accents parodiques et horrifiques. Delphine, une romancière à succès, peine à trouver l’inspiration pour son prochain livre. Elle tombe sous la coupe d’une admiratrice (campée par Eva Green) qui s’installe bientôt chez elle et la vampirise jusqu’à lui pomper toute sa vitalité (Emmanuelle Seigner excelle en artiste vidée). Qui est donc cette jeune femme tirée à quatre épingles, au sourire carnassier et aux yeux diaboliques, qui se fait appeler Elle ? Une écrivaine ratée jalouse du succès de Delphine ? Ou une projection née de sa créativité malade ? L’ambiguïté ne fait pas long feu, et Polanski plonge dès qu’il en a l’occasion, avec délices et sans aucune retenue, dans le face-à-face schizo et horrifique, montant continuellement en tension jusqu’à une dernière demi-heure cloîtrée dans une maison de campagne isolée (et on connaît la passion du cinéaste pour les huis clos flippants). Aidé par une B.O. spectaculaire signée Alexandre Desplat, l’exercice de style est impeccablement réalisé. • JULIETTE REITZER

MISE À MORT DU CERF SACRÉ

— : de Yórgos Lánthimos

Haut et Court (2 h 01) Sortie le 1er novembre

Après

Canine, Alps et The Lobster, dans lesquels il détricotait déjà les conventions sociales, le Grec Yórgos Lánthimos triture cette fois les liens entre virilité et pouvoir à travers la persécution d’une riche famille par un ado. Steven (Colin Farrell), cardiologue réputé que son élégance et sa réussite sociale érigent en modèle de masculinité traditionnelle, a pris sous son aile Martin (Barry Keoghan, glaçant), 16 ans. Mais quand il le présente à sa famille, son fils fait remarquer au jeune homme qu’il a « trois fois moins de poils » que son père… Un signe ostentatoire de virilité est-il vraiment la marque du pouvoir ? Loin de là, répond le cinéaste, en renversant soudain les rôles. Le père de Martin ayant récemment trouvé la mort sous le bistouri du chirurgien, l’ado rebelle exige que Steven perde un proche en retour. Alors que Martin maudit littéralement la famille du médecin, le pouvoir change plusieurs fois de mains entre Steven et Anna (impeccable Nicole Kidman), épouse jusqu’ici effacée. Si Lánthimos orchestre une tragédie plus programmatique qu’à son habitude, il poursuit sa louable quête : dérégler un monde trop normatif. • TIMÉ ZOPPÉ

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FILMS CONFIDENT ROYAL

Ce biopic, tour à tour décoiffant et émouvant, retrace la relation platonique mais ambiguë que la reine Victoria (Judi Dench) entretenait à la fin de sa vie avec l’un de ses serviteurs indiens. Alors que certaines scènes démystifient, par un humour osé, la famille royale, le récit prend de l’ampleur quand il aborde sans ambages l’histoire de la colonisation. • J. L .

— : de Stephen Frears (Universal Pictures, 1 h 52) Sortie le 4 octobre

LATIFA. LE CŒUR AU COMBAT

Le 11 mars 2012, Imad Ibn Ziaten est assassiné par le terroriste Mohammed Merah. Depuis, la mère d’Imad sillonne la France pour propager un message d’unité dans les écoles, les prisons, ou par le biais de conférences. Le documentaire enregistre son courage et sa dignité, mais aussi la réalité d’une société fragile, rongée par la peur et les amalgames. • E. M.

— : d’Olivier Peyon et Cyril Brody (Haut et Court, 1 h 37) Sortie le 4 octobre

LA PASSION VAN GOGH

À Paris, à la suite du suicide de Vincent Van Gogh, le facteur Joseph Roulin charge son fils, Armand, de retrouver le frère du peintre pour lui remettre une lettre… Derrière cette trame d’enquête passionnante, le film dessine un portrait sombre de l’artiste et impressionne par son ampleur formelle, mélangeant animations peintes à la main et prises de vue réelles. • E. M.

— : de Dorota Kobiela et Hugh Welchman (La Belle Company, 1 h 35) Sortie le 11 octobre

NUMÉRO UNE

Un réseau de femmes d’influence repère une brillante ingénieure (Emmanuelle Devos) et monte une stratégie afin qu’elle prenne la tête d’une entreprise du CAC 40… Dénonçant la mainmise des hommes dans la finance, Tonie Marshall reproduit – et c’est jouissif – l’atmosphère asphyxiante qui y règne par un rythme saccadé et des dialogues incisifs. • J. L .

— : de Tonie Marshall (Pyramide, 1 h 50) Sortie le 11 octobre

TOUS LES RÊVES DU MONDE

Pamela a échoué deux fois au bac et se sent perdue. Ses parents, immigrés portugais, s’en inquiètent… Grâce au regard doux et sensible de la réalisatrice, ce récit initiatique rend compte avec justesse des aspirations d’une jeunesse d’origine portugaise qui n’est ni nostalgique du pays perdu, ni tout à fait au clair sur son avenir en France. • J. L .

— : de Laurence Ferreira Barbosa (Alfama Films, 1 h 48) Sortie le 18 octobre

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FILMS DES BOBINES ET DES HOMMES

En 2014, les ouvriers de l’usine textile Bel Maille apprennent que leur entreprise est placée en redressement judiciaire. Alors qu’entre eux ils désamorcent par l’humour l’anxiété engendrée par l’attente d’un repreneur, ils placent leur patron face à ses contradictions… Ce documentaire poignant offre un éclairage bienvenu sur les enjeux ouvriers actuels. • E. M.

— : de Charlotte Pouch (Rouge International, 1 h 17) Sortie le 25 octobre

AU REVOIR LÀ-HAUT

Deux survivants de la Grande Guerre qui peinent à se reconstruire, l’un artiste, l’autre comptable, montent une arnaque qui consiste à vendre des monuments aux morts fictifs à l’État… Avec cette adaptation du roman de Pierre Lemaître (prix Goncourt 2013), Albert Dupontel tire son cinéma vers la fantaisie sombre des œuvres de Jean-Pierre Jeunet. • Q. G.

— : d’Albert Dupontel (Gaumont, 1 h 57) Sortie le 25 octobre

BROOKLYN YIDDISH

Dans un quartier juif ultra-orthodoxe de Brooklyn, un veuf tente de retrouver la garde de son fils, que la tradition hassidique lui interdit d’élever seul, tout en obéissant au grand rabbin… Peut-on retrouver sa dignité et sa liberté en embrassant les règles qui nous étouffent ? C’est la belle idée de cet âpre portrait aux accents documentaires. • É. V.

— : de Joshua Z. Weinstein (Sophie Dulac, 1 h 21) Sortie le 25 octobre

CORPS ET ÂME

Un directeur d’abattoir vieillissant et la contrôleuse qualité psychorigide de son établissement se rendent compte qu’ils se retrouvent dans leurs rêves, l’un incarnant un cerf, l’autre une biche… La Hongroise Ildikó Enyedi, perdue de vue depuis Mon xxe siècle, Caméra d’or en 1989, a décroché cette année l’Ours d’or avec cette fable épurée sur la compassion. • T. Z .

— : d’Ildikó Enyedi (Le Pacte, 1 h 56) Sortie le 25 octobre

LES CONQUÉRANTES

En 1971, dans un petit village suisse, une mère au foyer s’engage dans le mouvement local de libération des femmes, qui lutte, non sans peine, pour que le droit de vote leur soit accordé… Dynamisé par des dialogues piquants, ce drame engagé, qui montre que la Suisse avait du retard sur d’autres pays en matière d’égalité, prend des allures de feel-good movie. • J. L .

— : de Pietra Volpe (Version Originale / Condor, 1 h 36) Sortie le 1er novembre

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LE TROISCOULEURS DES ENFANTS


LA CRITIQUE D’ÉLISE, 9 ANS

« C’est une forêt habitée par des animaux qui sont habillés – ce qui est plus confortable pour eux – et qui chantent tout le temps. Moi aussi, j’aimerais bien chanter tout le temps, mais je ne peux pas. Déjà, à l’école, ça me ferait des problèmes. Ensuite, le soir, j’aurais la voix toute cassée. Dans le film, les animaux font une loi pour ne plus se manger entre eux et qu’ils soient tous amis. Par exemple, le renard ne mangera plus que des légumes et des graines, ce qui adoucira son caractère. Pour nous, les humains, cette loi n’est pas possible. Déjà, je ne peux pas devenir amie avec des petites filles qui seraient, par exemple, à New York : il faudrait que j’apprenne leur langue, puis toutes les langues du monde. Ensuite, moi je mange plein, plein de jambon. Donc devenir amie avec les cochons qui deviennent ensuite le jambon, ce serait très difficile pour moi. Bref, dans la forêt, ils peuvent, parce qu’il y a une population limitée, alors que nous, les humains, c’est trop dur. Surtout qu’on fait trois repas par jour. » cochons

COUL' KIDS

DANS LA FORÊT ENCHANTÉE DE OUKYBOUKY

LE PETIT AVIS DU GRAND Dénuée de l’ironie référencée qui sous-tend la majorité des films d’animation américains, cette comédie musicale pacifiste confirme que le studio norvégien Qvisten possède un style bien particulier. Avec ses figurines en latex évoluant dans des décors ciselés, Dans la forêt enchantée de Oukybouky semble sorti tout droit d’un fabuleux coffre à jouets. Un principe esthétique qui renvoie au monde de l’enfance, tout en optimisant le caractère tactile de cette forme très particulière du cinéma d’animation. • JULIEN DUPUY

LIS L’ARTICLE ET RETROUVE LE MOT ÉCRIT À L’ENVERS !

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— : de Rasmus A. Siversten (KMBO) Sortie le 4 octobre dès 4 ans


CINÉMA

Titre du film : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom du réalisateur : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Résume l’histoire : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................................................. ................................................................. ................................................................. ................................................................. Ce qui t’a le plus plu : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................................................. ................................................................. ................................................................. ................................................................. En bref : Prénom et âge : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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PRENDS TA CRITIQUE EN PHOTO ET ENVOIE-LA À L’ADRESSE BONJOUR@TROISCOULEURS.FR, ON LA PUBLIERA SUR NOTRE SITE !

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CAPITAINE SUPERSLIP

L’ÉCOLE BUISSONNIÈRE

Georges et Harold, deux élèves de CM1, surmontent l’ennui en créant une BD avec leur propre super-héros, le capitaine Superslip, qui prend bientôt vie… Créatif, irrévérencieux et bourré de références, le film fera marrer petits et grands. • E. M.

En 1930, Paul, un jeune orphelin turbulent, quitte Paris pour la Sologne. Il y fait l’expérience de la liberté et du contact avec la nature auprès d’un braconnier attachant et solitaire, campé par l’impeccable François Cluzet… Un beau film sur la filiation. • E. M.

(20th Century Fox, 1 h 29)

(StudioCanal, 1 h 56)

Sortie le 4 octobre

Sortie le 11 octobre

dès 5 ans

dés 7 ans

: de David Soren

: de Nicolas Vanier

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COUL' KIDS

Ce qui t’a le moins plu : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


L’INTERVIEW D’INÈS, 12 ANS

ARTHUR DE PINS AUTEUR ET RÉALISATEUR

COUL' KIDS

Tu aimes beaucoup les monstres ?

J’adore les monstres ! Quand j’étais ado, je m’identifiais à eux, sans doute parce qu’ils sont mis à l’écart et incompris. C’est souvent ce qu’on ressent à l’adolescence. J’ai lu tes bandes dessinées Zombillénium. On retrouve certains personnages dans le film, mais ce n’est pas la même histoire. Non, on souhaitait vraiment écrire un scénario original, mais on peut quand même imaginer que le film est une sorte de prequel aux BD. Est-ce que tu t’inspires de gens qui existent pour tes personnages ? Steven, le méchant vampire, est un clin d’œil à Edward Cullen, le vampire de Twilight. Gretchen, la sorcière stagiaire, est très inspirée d’une copine qui donne l’impression de toujours faire la tête. Et le directeur du parc ? Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite, mais Francis ressemble à mon père, à qui il est arrivé la même histoire. Quand j’étais ado, il s’est fait licencier. On le trouvait trop proche de ses ouvriers. Il a été remplacé par un jeune aux méthodes plus dures. Combien de temps avez-vous mis pour faire tout le film ? Ça nous a pris cinq ans. On a travaillé pendant près de deux ans sur le scénario et les dialogues, ensuite on a créé les décors, les personnages, le story-board, puis on est passé au travail d’animation, et enfin à l’enregistrement des voix. Comment faites-vous pour choisir les voix ? On a fait un casting, on a décidé de ne pas prendre de comédiens connus. On les a sélectionnés juste pour leur voix, pas pour leur notoriété.

En arrivant dans vos bureaux, j’ai vu une société dans la même rue qui s’appelle Hector Saxe, comme le héros de Zombillénium. Alors là, bravo ! Tu es hyper observatrice, et tu as percé le secret du nom d’Hector Saxe. En fait, on s’est pris la tête pendant des mois. C’était hyper dur de trouver un nom à notre personnage. Et puis, un jour, alors qu’on discutait dans la cour, on a vu cette enseigne d’un fabricant de jeux de société, Hector Saxe, là, juste devant nous. On a décidé que ce serait le nom de notre héros. L’inspiration peut venir de n’importe où, il faut la saisir quand elle est là. • PROPOS RECUEILLIS PAR INÈS (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE) PHOTOGRAPHIE : ROMAIN GUITTET

— : « Zombillénium » d’Arthur de Pins et Alexis Ducord (Gebeka Films, 1 h 18) Sortie le 18 octobre Dès 6 ans

COMME INÈS, TU AS ENVIE DE RÉALISER UNE INTERVIEW ? DIS-NOUS QUI TU AIMERAIS RENCONTRER EN ÉCRIVANT À BONJOUR@TROISCOULEURS.FR

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LE DEBRIEF Inès a rencontré Arthur de Pins, auteur et réalisateur (avec Alexis Ducord) du film d’animation Zombillénium, une folle aventure dans un parc d’attractions peuplé de monstres. « Pour me détendre, je lui ai tout de suite parlé de son tee-shirt AC/DC. Il était plutôt étonné qu’à mon âge je connaisse ce groupe de hard-rock des années 1970. Arthur adore ce groupe. Moi, c’est mon oncle qui est fan, mais j’aimerais beaucoup les voir en concert. Arthur aussi. Ça nous fait un premier point commun. »


TOUT DOUX LISTE

PARENTS FRIENDLY

HOMMAGES ANIMÉS

ATELIER

Parmi les nombreux événements programmés à l’occasion de la 16e Fête du cinéma d’animation, voici deux ateliers pour les apprentis animateurs : l’un est inspiré par le travail du génie russe Iouri Norstein ; le second, par le maître du grattage et de la pixilation, Norman McLaren. La barre est haute !

: les 7 et 14 octobre à la bibliothèque Colette-Vivier, dès 11 ans, et le 11 octobre à la médiathèque Françoise-Sagan, dès 8 ans

OURSON ET LUMIÈRE

SPECTACLE

Petit Ours brun prend vie pour la toute première fois sur scène. Entièrement interprété en live, le show s’articule en douze segments, pour autant de décors directement inspirés par les remarquables illustrations naïves de Danièle Bour.

: à partir du 14 octobre au Théâtre du Gymnase Marie-Bell, dès 2 ans

DANSEUSE... ET TOI ?

DANSE

COUL' KIDS

Le centre d’art et de danse Éléphant Paname invite les futurs petits rats de l’Opéra à suivre un stage exceptionnel pendant les vacances de la Toussaint. Ou comment vivre un véritable rêve de ballerine sous la houlette de la danseuse Fanny Fiat.

: du 23 au 27 octobre à Éléphant Paname,

• HENDY BICAISE ILLUSTRATIONS : PABLO COTS

de 8 à 10 ans

KIDS FRIENDLY

TÊTE EN L’AIR

EXPOSITION

Cet automne, une pluie de météorites s’abat sur le Muséum national d’histoire naturelle. Au cœur d’une installation immersive, ce ne sont pas moins de trois cent cinquante pierres tombées du ciel qu’il sera possible d’observer.

: du 18 octobre au 10 juin à la grande galerie de l’Évolution, dès 6 ans

DUO DE CHOC

GASTRONOMIE

Rendez-vous dans deux salons, sans canapés mais avec d’autres mets : une multitude de douceurs venues des cinq continents au Salon du chocolat, et d’autres sucreries encore, mais pas seulement, à #BON, le salon de la gastronomie pour les enfants – l’entrée leur est offerte.

: du 28 oct. au 1er nov. à Paris Expo porte de Versailles, et les 21 et 22 oct. aux Esselières (Villejuif), dès 3 ans

YOUPI, C’EST MERCREDI !

SPECTACLE

Alors que le film ressort en salles le 25 octobre, le Palace reprend le succès de Broadway La Famille Addams et offre ainsi une chance de retrouver ses personnages extravagants sur scène et en musique : Gomez, Morticia, Pugsley, la Chose, Fétide et… et… oh ! et puis Mer… credi !

: depuis le 15 septembre au Palace, dès 8 ans

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JEU

7 SUR 7 Affûte ton sens de l’observation avec ce jeu des sept erreurs, version septième art.

: « Un conte peut en cacher un autre » de Jakob Schuh, Jan Lachauer et Bin-Han To (Les Films du Préau, 1 h 11), sortie le 11 octobre

1 : Yeux de la petite fille • 2 : Bouton du gilet du loup • 3 : Dessin des enfants dans le cadre de gauche 4 : Bandes sur la serviette • 5 : Tableau du coq • 6 : Titre du livre • 7 : Tableau du milieu 91


SAISON CULTURELLE CINÉMA CONNAISSANCE MUSIQUE CRÉATION DIGITALE ART EUNESSE

Programme disponible dans vos cinémas et sur www. .com


OFF CECI N’EST PAS DU CINÉMA


EXPOS

HARMONY KORINE — : jusqu’au 28 octobre à la galerie © COURTESY COLLECTION AGNÈS B.

du jour agnès b. • jusqu’au 5 novembre au Centre Pompidou

OFF

Le

Harmony Korine, Orange Ghost (1/4 et 4/4), 2010

saviez-vous ? Marcello Mastroianni en est une fois venu aux mains pour une bouteille d’encre invisible qui avait disparu, Kirk Douglas collectionne les distributeurs de bonbons PEZ, Tupac Shakur entretenait une relation épistolaire dense avec sa maman… Voici quelques-unes des rumeurs fumeuses compilées dans un des ouvrages de Harmony Korine édités en français (Craques, coupes et meutes raciales, Al Dante, 2001). Vous en voulez encore ? C’est le bon moment : deux expositions, à la galerie du jour agnès b. et au Centre Pompidou (où des extraits de ces écrits sont notamment montrés), permettent d’appréhender l’œuvre totale du cinéaste underground (Gummo, Spring Breakers). Agnès b., qui fût sa productrice (Mister Lonely, Trash Humpers), présente des œuvres de 1998 à aujourd’hui, comme la pièce Devil Goat, qui met en scène l’enfant-star Macaulay Culkin dans une installation reprenant des images captées lors du tournage du clip de « Sunday » de Sonic Youth en 1998. À Pompidou, en plus d’une rétrospective de ses films, un parcours thématique retrace l’ensemble de l’œuvre de Korine : poèmes, dessins, peintures, hantés par l’histoire de la contre-culture américaine, et toujours bouleversants. Comme le dit l’artiste dans la présentation de l’événement, « ce que j’essaie d’obtenir est davantage une expérience physique : une sensation de malaise, de confusion, de transcendance, de stupéfaction, de gêne, d’humour. J’aime que ces sensations arrivent les unes après les autres, très rapidement de façon à ne jamais vous laisser en paix. » Vous êtes prévenus. • HERMINE WURM

« Ce que j’essaie d’obtenir est une expérience physique. »

THE HOUSE OF DUST BY ALISON KNOWLES

ÊTRE PIERRE

L’exposition, la première dans les nouveaux locaux du Cneai, invite dix-neuf artistes à interpréter les quatrains en forme de programme architectural de The House of Dust, l’un des premiers poèmes générés aléatoirement par ordinateur conçu par l’Américaine Alison Knowles en 1967. Instructif rappel – à double titre – quant aux modes de construction et d’habitation du langage comme de l’œuvre et de l’exposition, où s’invitent le hasard et l’autre. • ANNE-LOU VICENTE

À l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort du sculpteur Ossip Zadkine, le musée qui lui est dédié présente les œuvres d’une trentaine de ses pairs, de Picasso à Rodin en passant par des artistes contemporains comme Évariste Richer ou Katinka Bock. Sculptures, mais aussi photographies, dessins, vidéos et films, intègrent de multiples façons le minéral, retraçant l’histoire de ce matériau fondamental de l’écosystème de l’artiste comme de l’homme. • A.-L. V.

: jusqu’au 19 novembre au Cneai (Pantin)

: jusqu’au 11 février au musée Zadkine

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ART COMPRIMÉ Tous les mois, notre chroniqueuse vous offre un concentré des dernières réjouissances du monde de l’art.

Stupeur et tremblements dans le milieu du photojournalisme : un certain Eduardo Martins, qui se faisait passer pour un photographe brésilien au service de l’ONU, volait en réalité des images faites par d’autres. BBC Brasil a dévoilé la supercherie le mois dernier : le petit malin modifiait légèrement les clichés avant de les vendre à des médias internationaux, tels la BBC, Al Jazeera ou Vice. Depuis, l’escroc a disparu dans la nature. • Autre affaire de vol : deux hommes déguisés en employés de la mairie de Paris ont été vus, en août dernier, en train de décrocher et d’embarquer dans une Mercedes noire une dizaine de mosaïques du street artist français Space Invader. Les internautes mènent l’enquête. • La fameuse œuvre d’Yves Klein Pigment bleu profond a de nouveau fait les frais d’un maladroit. Après avoir été piétinée au musée d’art moderne et d’art contemporain de Nice en avril dernier, une autre version de ce bac de pigments a été endommagée au Palais des beaux-arts de Bruxelles. • Les tests ADN réalisés en juin dernier à partir du corps exhumé de Salvador Dalí ont révélé leur secret. Comme on s’y attendait un peu, ils attestent de l’absence de parenté entre Pilar Abel, une cartomancienne espagnole de 61 ans, et le maître surréaliste, dont elle clame haut et fort depuis dix ans être la fille illégitime. Pas sûr que cela calme celle qui affirme être le portrait craché de son fameux « géniteur » – la moustache en moins. • MARIE FANTOZZI ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL


SPECTACLES

LA FAMILLE ROYALE — : de William T. Vollmann, mise en scène de Thierry Jolivet, du 5 au 10 octobre au Théâtre de la Cité internationale (3 h 30)

© SIMON GOSSELIN

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La

compagnie La Meute ne fait pas dans le théâtre propret. Après avoir parcouru les ruines des guerres yougoslaves dans Belgrade, c’est à une autre violence, celle des bas-fonds de l’Amérique contemporaine, qu’elle se confronte aujourd’hui. Adapté du roman de William T. Vollmann, La Famille royale met en scène la quête du détective privé Tyler. Missionné par un homme d’affaires véreux, il doit retrouver la Reine des putes, promise à devenir l’attraction majeure du casino Feminin Circus. Il lui faut alors plonger dans un monde inconnu, royaume de la rue et de la nuit hanté par les fumeurs de crack et les prostituées, les minables et les ratés. Sur le plateau, huit comédiens, changeant de rôle plus vite que leur ombre, incarnent toute la diversité de cette faune, dans sa cruauté et son humanité criante, et donnent corps à la langue de Vollmann dans de puissants monologues. Pour le metteur en scène, l’enjeu est de rester fidèle à l’esprit de l’auteur. Romancier et journaliste fasciné par les multiples visages de la barbarie contemporaine, ce dernier ne se contente pas de dessiner une fresque réaliste. Documentariste compulsif, il tire les récits vécus vers le conte et la légende. Critique acerbe du mythe du self-made-man et de la société néolibérale, prête à tout vendre, La Famille royale est aussi une histoire de rédemption. • AÏNHOA JEAN-CALMETTES

Un monde inconnu, royaume de la rue hanté par les fumeurs de crack et les prostituées.

NON C’EST PAS ÇA ! (TREPLEV VARIATION)

BALANCHINE / TESHIGAWARA / BAUSCH

La mine déconfite, les comédiens s’avancent pour annoncer que, à la suite du suicide du metteur en scène, ils ne pourront jouer la « vraie » pièce. Puis, sans prévenir, ils explosent de rire. L’enjeu est posé : quoi qu’il arrive, continuer à jouer, à vivre, aimer et rigoler. Et puisqu’il faut rater, autant le faire avec panache. • A. J.-C.

Quand il présente les œuvres contemporaines de son répertoire, le ballet de l’Opéra de Paris le fait en trois temps. Les pas de trois chorégraphiés par Balanchine sur Agon ouvrent le bal ; Le Sacre du printemps de Pina Bausch clôture la soirée sur une apothéose : un écrin tout trouvé pour la nouvelle création de Saburo Teshigawara • A. J.-C.

du 5 au 14 octobre au Centquatre (1 h 15)

à l’Opéra de Paris (2 h 20)

: du collectif Le Grand Cerf bleu,

: du 24 octobre au 16 novembre

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RESTOS

FAST GOOD

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© TOUGH BURGER

La folie burger crée une saine concurrence qui se joue sur la qualité des ingrédients, de la viande aux buns et autres sauces maison. Tough Burger, qui vient d’ouvrir à Montreuil, mais aussi Steak ’n Shake et Ellis Gourmet Burger sont dans la course.

TOUGH BURGER EAST SIDE Il y avait Tough Burger à Boulogne Billancourt, voici Tough Burger East Side, à Montreuil. Pour sa ruée vers l’Est, le cofondateur de l’enseigne, Bertrand Amar, journaliste spécialisé dans les jeux vidéo et grand fan de culture américaine, a trouvé un nouveau comparse en la personne de Thierry Moreau, directeur de la rédaction de Télé 7 Jours, chroniqueur médias dans la matinale de CNews, mais aussi fin palais et solide cuistot. Ce dernier avait déjà créé son « burger des copains » (pain jaune au curry, guacamole, houmous et haricots rouges) pour la première adresse, il est cette fois entré au capital. Dans un quartier qui monte (le siège d’Ubisoft est tout près), on retrouve la touche Tough Burger, des produits frais savamment sourcés (viande de chez Metzger, buns du MOF Thierry Meunier) et bien cuisinés. Alexis Mauger supervise la carte des deux lieux, Alexis Hervieu l’exécute à Montreuil avec maîtrise. Dans une vaste salle, où des artistes exposent et où un barbier va s’installer, dotée d’une petite terrasse sur rue, on pioche, sur place ou à emporter, dans une carte de treize burgers (tous à 13 € avec coleslaw, frites ou salade). On retient le 93100 (en réponse à son cousin le 92100), au brie, aux noix et aux champignons de Paris, et le vegan (steak maison de quinoa rouge et blanc, boulgour, épinards et betterave). En starters, on se jette sur les mozzarella sticks, au dessert sur les pâtisseries d’Adria Adams (Poppy Bakery), dont un fameux carrot cake (6 €). Formules : 16 € (avec boisson), 10 € (pour les kids). • STÉPHANE MÉJANÈS

: 7, rue de Valmy (Montreuil)

STEAK ’N SHAKE

ELLIS GOURMET BURGER

L’enseigne créée à Indianapolis dans les années 1930 a ouvert coup sur coup deux restaurants à Paris cet été. Particularité : les burgers sont préparés à la commande devant le client, sur le gril. Les frites sont fraîches, cuites en deux fois. Mention spéciale au jalapeño crunch (double steak, pepperjack fondu, salsa fraîche, jalapeños et mayonnaise chipotle). Prix : entre 8 et 9 €. • S.vM.

Sur le créneau haut de gamme, la société belge créée en 2011 tire son épingle du jeu. Elle se distingue par sa créativité, notamment en matière de burgers végétariens, tels le crazy red veggie, composé d’un steak de poivron rouge et soja, avec tomates, pousses d’épinards, roquette, noix de pécan et mayonnaise au citron vert. Prix : entre 11,50 et 13,50 €. • S. M.

: 74, boulevard Rochechouart, Paris XVIIIe

: 58, rue du Fg-Saint-Antoine, Paris XIIe

25, boulevard Sébastopol, Paris Ier

62, rue Césaria-Évora, Paris XIXe

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CONCERTS

JOHN MAUS — : le 6 novembre à La Maroquinerie • « Screen Memories » (Ribbon Music) Sortie le 27 octobre

© STEVE MULLENBACH

OFF

Six

ans déjà que le tumultueux We Must Become the Pitiless Censors of Ourselves de John Maus s’est imposé comme marqueur rétrofuturiste, pépite de pop philosophie new-wave, pendant gothique des dérives rêveuses d’Ariel Pink. Après une bondissante tournée (Maus est connu pour ses performances spectaculaires qui tiennent autant de la messe que de la crise d’épilepsie), l’Américain est retourné à ses études de philosophie politique (littéralement) et nous revient, diplôme en poche, pour un nouvel album et des concerts inespérés. Produit, enregistré et mixé chez lui au Minnesota, Screen Memories est, comme son nom l’indique, une (re)collection de souvenirs d’écrans, ou souvenirs-écrans, images surtout télévisuelles des années 1980 mises en musique sur des synthétiseurs et des boîtes à rythmes du même âge. La manière unique de Maus est pourtant irréductible à la seule nostalgie tant son phrasé est singulier, saccadé, parfois martial, parfois profondément romantique, autant que sa musique est inimitable et immédiatement identifiable. Cet étrange et foisonnant mélange entre la new-wave, donc, mais aussi les polyphonies baroques de la Renaissance ou les expérimentations dansantes du post-punk invoque ici Star Trek (« Edge of Forever »), Buffy contre les vampires (« Teenage Witch ») ou Gilles Deleuze (« The People Are Missing »). Maus chante dans un écho d’outre-tombe et danse, tel un fantôme sur un champ de bataille, au milieu des images VHS, comme autant de décombres dans une mémoire en ruine. Aussi violemment moderne que parfaitement intemporel. • WILFRIED PARIS

Maus est connu pour ses performances qui tiennent autant de la messe que de la crise d’épilepsie.

ST. VINCENT

PRINCESS NOKIA

Trois ans après le radioactif St. Vincent, la charismatique Annie Clark réinvente son art-rock sophistiqué sur un cinquième album mystère hanté par le sexe, la drogue et la mélancolie. Indices : la ballade « New York » – désarmante –, un décor de silhouettes SM et une tournée baptisée Fear the Future. Entre espièglerie et génie, la guitar heroin devrait dévoiler cette nouvelle mue dans une fascinante mise en scène dont elle a le secret… • ETAÏNN ZWER

Célébrer la culture afro-portoricaine, chérir sa nature sorcière, botter les fesses du patriarcat et inciter les filles à vivre sans peur (et sans soutif) : la riot grrrl de Harlem honore sa mission avec une classe effrontée, à coups de rap féministe D.I.Y., tapageur et décomplexé. 1992, son EP publié l’an dernier, est une bombe (« Tomboy »), et ses shows façon battles de rue impressionnent. À ceux qui en douteraient : the future (of rap) is female. • E. Z .

: le 24 octobre au Trianon

: le 4 novembre

à la Grande Halle de la Villette

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RÉALITÉ VIRTUELLE

LIFE OF US HISTOIRE DE L’ÉVOLUTION

— : (Within) dès 7 ans

commencement était le verbe, et ce même en VR. Car les premiers mots que l’on entend dans Life of Us, ce sont les nôtres. Mis en scène comme une longue course ininterrompue, cette expérience connecte deux joueurs casqués pour leur faire vivre, en accéléré, l’histoire de l’évolution. Tout commence à l’état de simple cellule flottant dans l’eau, qui ne fait que trembler quand on bouge ou cracher des bulles quand on dit un mot. Puis la caméra avance, et nous voilà transformés en poisson préhistorique remontant le courant pour atteindre la berge et devenir… un ptérodactyle, qui prend son envol au-dessus d’un volcan en éruption. Puis viendront des gorilles, des hommes d’affaires courant comme des dératés à travers New York en pleine expansion, et… vous verrez. En une dizaine de minutes, Life of Us se fait synthèse de la vie sur Terre, de ses origines jusqu’à son futur éventuel, sur le mode d’un zapping incarné. Ce n’est pas juste notre enveloppe qui évolue, mais notre voix aussi, qu’un vocodeur s’amuse à tordre de l’aigu vers le grave à mesure de notre progression. La bonne idée de cette course inexorable vers l’horizon entièrement en vue subjective, c’est qu’elle implique un deuxième participant, dont l’avatar évolue au diapason du nôtre, comme un reflet. Outre le fait de pouvoir parler à cet autre joueur au moyen d’un micro, l’on peut faire des gestes à son avatar, voire le toucher pour l’aider sur certaines phases de jeu. C’est à la fois simple et vertigineux, rigolo et bouleversant de lucidité. • YANN FRANÇOIS

Life of Us se fait synthèse de la vie sur Terre sur le mode d’un zapping incarné.

CHOCOLATE

TRIP MUSICAL

Adaptation d’un morceau de Giraffage, Chocolate se situe au carrefour de la VR et du clip. Réincarné en droïde danseur, nous sommes face à un décor psychédélique qui évolue à chacun de nos gestes. Tandis que le ciel passe d’une couleur fluo à l’autre, un gros chat jaune vient se trémousser à nos côtés ; puis ce sont nos bras qui se mettent à cracher des confettis, et des têtes de chatons qui saturent l’écran. Un trip sous opiacés épatant de folie douce. • Y. F.

: (Gentle Manhands), dès 7 ans

FRUIT NINJA

RÉFLEXE ÉCLAIR

Après son succès sur mobiles et consoles, Fruit Ninja fait à nouveau merveille en VR. Il s’agit toujours d’incarner un ninja expert… en découpage de fruits. Alors que les projectiles nous sont jetés au visage, il faut jouer du katana pour les trancher au plus vite, voire (classe ultime) les empaler pour en faire une brochette. Derrière un concept gentiment débile, le jeu n’en demeure pas moins accrocheur, grâce à sa difficulté croissante. • Y. F.

: (Halfbrick Studios), dès 7 ans

PROGRAMMES À DÉCOUVRIR À L’ESPACE VR DU mk2 BIBLIOTHÈQUE INFOS ET RÉSERVATIONS SUR MK2VR.COM

OFF

Au


PLANS COUL’ À GAGNER

LE JARDIN SECRET DES HANSEN EXPO

© ANDERS SUNE BERG

— : jusqu’au 22 janvier au musée Jacquemart-André

Après

Camille Corot, Le Moulin à vents Ordrupgaard, 1835-1840

de quatre cents œuvres, quarante-six toiles de maîtres de la peinture moderne française ont fait le voyage depuis le Danemark dans leurs lourds cadres d’origine pour habiter les huit salles colorées de l’ancien hôtel particulier, témoignant du flair de l’homme d’affaires et de son épouse au fil de l’évolution picturale de l’époque. On y va pour admirer notamment les baigneuses de Cézanne, cette grande scène de chasse de Courbet ou la recherche du paradis terrestre de Gauguin, à qui une pleine salle est consacrée. • MARIE FANTOZZI

OFF

la collection Chtchoukine à la Fondation Louis Vuitton cet hiver ou celle d’Alicia Koplowitz ici même la saison dernière, les expositions mettant à l’honneur le goût de riches esthètes font recette. C’est aujourd’hui au tour des Hansen avec la collection Ordrupgaard – du nom du coquet manoir que ce couple danois a fait bâtir au nord de Copenhague au début du xxe siècle pour abriter leur trésor soigneusement acquis. Monet, Corot, Pissarro, Manet, Matisse, Degas, Renoir, Courbet, Cézanne, Gauguin : parmi plus

LES TROIS SŒURS

THEÂTRE

Pour adapter l’œuvre de Tchekhov, Timofeï Kouliabine bannit la parole pour restreindre l’expression à la seule langue des signes russe – accompagnée de surtitres. Ce parti pris radical, qui bouscule et interroge les conventions théâtrales, promet au spectateur une expérience unique. • E. M.

: du 5 au 15 octobre à l’Odéon-Théâtre de l’Europe RENCONTRE

Le célèbre documentariste américain se livrera, lors d’un échange privilégié ponctué d’extraits de films. L’occasion de revenir sur près de cinquante ans de carrière, de Titicut Follies à Ex Libris. The New York Public Library, qui sort ce mois-ci (lire p. 68) et d’explorer sa vision, son approche et sa méthode. • E. M.

: « Frederick Wiseman par Frederick Wiseman »,

le 9 octobre à 20 h à l’Odéon-Théâtre de l’Europe

MARIANO FORTUNY

EXPO

Espagnol installé à Venise, où il établit en 1888 son entreprise de textile, Mariano Fortuny a révolutionné la mode du début du xxe siècle avec ses créations alliant confort et innovations techniques (plissés, teintures, imprimés). Sa fameuse robe en soie Delphos, inspirée de la Grèce antique, est notamment exposée. • E. M

: « Fortuny. Un Espagnol à Venise », jusqu’au 7 janvier

Mariano Fortuny, Robe Delphos

au Palais Galliera – musée de la Mode de la ville de Paris

102

© FROL PODLESNY ; ERIK MADIGAN HECK ; L. DEGRÂCES ET P. LADET / GALLIERA / ROGER-VIOLLET

FREDERICK WISEMAN


ANDERS ZORN EXPO

— : « Anders Zorn. Le maître de la peinture suédoise » © PHOTO LARS BERGLUN

jusqu’au 17 décembre au Petit Palais

Entre

Anders Zorn, Minuit, 1891

sa baignoire et fixant l’objectif avec aplomb nous prouve qu’avec lui il n’y a pas d’antinomie entre authenticité et audace. Son regard saisit les modèles sur le vif et recouvre toute la complexité de leurs mouvements. À Mora, la ville où il a vu le jour et a fini son existence, il peint ses plus beaux tableaux : les portraits à l’huile sur toile de travailleuses acharnées (les boulangères de Pétrir le pain, 1889) et ceux de femmes libérées, se déshabillant naturellement au bord de rivières. On plongerait volontiers dans ses toiles. • JOSÉPHINE LEROY OFF

ses portraits appliqués du monde politique et artistique européen et sa façon de saisir avec une précision monstre les reflets zigzagants de cours d’eau, l’énigme Anders Zorn persiste. Heureusement, le Petit Palais consacre une expo au peintre et sculpteur suédois. Dès l’entrée, les deux facettes de son œuvre fusionnent : côté pile, une maison en bois rouge typiquement scandinave nous accueille, rappel des origines nordique et agricole de Zorn. Côté face, une photo de l’artiste posant nu dans

GLOBES

EXPO

Quand elles ont uni leurs forces, l’architecture et les sciences ont fait des merveilles. Des premiers observatoires aux volumes sphériques, l’exposition « Globes. Architecture et sciences explorent le monde » creuse ces liens tissés par une pensée humaniste commune. • J. L .

: du 10 novembre au 26 mars

à la Cité de l’architecture et du patrimoine

POP ART

EXPO

© AGENT M ; WHITNEY MUSEUM, N.Y. - ALEX KATZ ; VALÉRIE REMISE

Les lèvres pulpeuses de Marilyn, des frites gonflables géantes… Le musée Maillol nous présente un florilège d’œuvres (soixante-cinq, pour certaines jamais exposées en France) de figures majeures (Andy Warhol, Roy Lichtenstein…) ou moins connues (George Segal, John Wesley…) du Pop Art issues des collections du Whitney Museum. WHAAM ! • J. L .

: « Pop Art. Icons that matter », Alex Katz, Alex, 1968

jusqu’au 21 janvier au musée Maillol

CIRKOPOLIS

CIRQUE

Inspirés par le film Metropolis de Fritz Lang, les dix acrobates de la troupe québécoise du Cirque Éloize mélangent joyeusement théâtre, danse et cirque (trapèze, mât chinois, roue allemande…) dans un décor rétrofuturiste animé de projections vidéo et de musique. Pour le plaisir de toute la famille. • E. M

: du 5 au 29 octobre au 13ème Art

SUR TROISCOULEURS.FR/PLANSCOUL


NISKA

SONS

— : « Commando » (Capitol)

OFF

© KORIA

Deux

mots collent à la peau de Niska : « Charo » et « Internet ». Le premier résume bien la mentalité de charognard (celui qui ne lâche rien) du rappeur d’Évry. Crasseux mais efficace. Niska en a fait son mantra, avec le désormais fameux clip de « Freestyle PSG », dont la danse de vautour a été reprise par le footballeur parisien Blaise Matuidi puis par la superstar Neymar. Les réseaux sociaux ne s’en sont toujours pas remis. D’où le deuxième mot clé : Internet. Les vidéos de Niska affolent les compteurs YouTube. En seulement deux mois, son dernier hit, « Réseaux », effaçait déjà les 70 millions de vues de « Freestyle PSG ». Mais le MC de 23 ans prend ces chiffres avec philosophie. Depuis les résultats décevants de sa première mixtape, il sait bien que la gloire 2.0 « ne se traduit pas forcément dans les ventes ». Le nerf du rap game ? « Avoir de l’impact. » Rester dans l’état d’esprit hargneux et débrouillard du charo. Ce n’est pas pour rien que l’album s’appelle Commando. « Sur la

SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM ? « Ce serait un film d’action. Le héros et ses associés sont au milieu d’une guerre. Leur objectif : prendre le pouvoir. On n’est pas dans de la science-fiction, ni dans un film ultra violent avec des fusillades sanglantes. Plutôt dans une sorte de Game of Thrones

pochette, je tiens dans la main un téléphone de l’armée, parce qu’avec mon équipe on était en mode combat. On voulait atteindre un maximum de personnes, il fallait qu’on réussisse. » Ce cocktail d’agressivité et de séduction fait l’alchimie du disque. On y fredonne presque autant qu’on y rappe. On y parle de bicrave au Champtier-du-Coq – le quartier d’Évry où Niska a grandi – comme de drague sur Snapchat. On y hume autant l’air chargé en électricité hardcore du 91 qu’on y remue les hanches sur des rythmiques afro, voire electro – sur l’imparable « B.O.C ». « C’est quoi cette instru : de l’afro ? de la pop ? On ne sait pas ! Je me suis dit “allez on essaie”, et j’ai mis mes empreintes dessus. » Résultat, un morceau pétaradant, parfait pour dynamiter les dancefloors et les bars à chicha avec son arsenal de gimmicks et son flow char d’assaut. « J’utilise ce flow depuis trois ans. J’aime l’interprétation, changer ma voix. Je suis un rappeur ambianceur, je peux te faire danser ! » • ÉRIC VERNAY

revisité qui se passerait en France, à Paris, avec des décors réalistes. Les grandes scènes sont consacrées aux manigances, à la stratégie, aux plans d’attaque. Je jouerais le rôle principal. Mais, s’il faut le donner à quelqu’un d’autre, ce serait à mon manager… ou bien à Denzel Washington. » NISKA

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films/vidéos d’artistes

BAXTER DURY

: « Prince of Tears » (Heavenly)

Trois ans après It’s a Pleasure, Baxter Dury revient avec une question rhétorique : pourquoi changer une formule qui marche ? Spoken word tabagique adossé à une voix de femme, basse hypnotique, guitare minimale, arrangements de synthé vibrionnant, et toujours ce sens de la mélodie de poche et une nonchalance chevillée au corps, jusque dans les gouffres du désespoir. • MICHAËL PATIN

JOEL HENRY LITTLE : « Great Kills

Friendship Club » (Microcultures)

D’abord il y a la stupeur, en découvrant cette voix et ces chansons qui semblent échappées d’un incunable folk-pop des années 1960, quelque part entre Montage, Van Dyke Parks, Harry Nilsson et Scott Walker. Puis un second coup sur la tête, en apprenant que l’auteur et interprète de ces merveilles baroques est un Américain de 19 ans. Il faut l’entendre pour le croire, ne vous en privez surtout pas. • M. P.

MATIAS AGUAYO & THE DESDEMONAS : « Sofarnopolis » (Crammed)

Figure de la techno minimale, le DJ et producteur germano-chilien se fait ici chanteur d’un groupe de rock ’n’roll sombre et lancinant pour conter une histoire rétrofuturiste de monde dystopique. Entre surf, new-wave et exotica, parsemée de kicks et claps techno, cette « ville qui jusqu’ici n’existe pas » est aussi onirique et vénéneuse qu’un inédit tropicaliste de Coil ou de Throbbing Gristle. • W. P. ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT

9.12 NOV 2017 GRAND PALAIS

Performance: Vanessa Beecroft, VB62, Santa Maria dello Spasimo / Palermo, 2008 Courtesy Galleria Lia Rumma, Milan/Naples & Caroline Smulders, Paris

JUKEBOX


SÉRIES

THE DEUCE © PAUL SCHIRALDI

— : saison 1 sur OCS —

OFF

Dans

la foulée de sa légalisation, le porno connut un boom retentissant aux États-Unis dans les années 1970. Dans The Deuce, David Simon (The Wire, Treme) raconte la mainmise qu’exerça la mafia, à New York, sur ce marché naissant. Après l’échec de Vinyl, la fastueuse série rock produite par Martin Scorsese, HBO était sans doute quelque peu échaudée par la perspective d’une nouvelle reconstitution seventies de la Grosse Pomme. On a assez reproché à la chaîne à péage de courir après l’esthétique des films du Nouvel Hollywood tournés sur place à l’époque, mais David Simon a toujours eu ce cinéma-là dans le viseur, et il paye ici enfin explicitement son dû au Panique à Needle Park de Jerry Schatzberg. Dans The Deuce, putes, macs et camés jouent les

REVOIS

premiers rôles. Car au-delà de l’essor du X, ce sont avant tout ses conséquences sur la faune nocturne d’un Times Square alors miteux qui intéressent l’ex-journaliste. Associé à la crème des écrivains du roman noir américain – George Pelecanos et Richard Price, pas là pour racoler ni pour s’abaisser à un tourisme nostalgique de la misère –, Simon insuffle humour et empathie à cette fresque polyphonique dans laquelle se fondent sans heurts stars – James Franco, (dans le rôle de jumeaux), Maggie Gyllenhaal –, habitués de ses productions et inconnus. Comme toujours formidablement dialoguée, richement documentée et nourrie d’anecdotes de première main, The Deuce ne dépareille pas au sein de l’inégalable somme sur l’Amérique urbaine que façonne patiemment le créateur de The Wire et de Treme. • GRÉGORY LEDERGUE

VOIS

PRÉVOIS

PATRIOT

FATALE-STATION

MANIAC

Ce show d’espionnage a de quoi déstabiliser, avec ses fréquents décrochages vers la comédie noire, façon frères Coen. Mais pour peu que l’on soit sensible à cette forme d’humour, le numéro d’équilibriste offert par son héros, agent secret dépressif qui élimine ses cibles avec détachement, vaut le coup d’œil. • G. L .

Twin Peaks partout, même au Québec ? C’est ce qu’on se dit d’abord devant Fatale-Station et sa bourgade aux mille secrets. Surprise, la série lorgne plutôt vers Deadwood pour proposer un drôle de western contemporain, où tout le monde n’a qu’une envie : dégainer le premier et flinguer son voisin. Malgré quelques longueurs, le charme, rustique, finit par opérer. • G. L .

Netfix a définitivement soufflé le talentueux Cary Fukunaga à HBO. Après le film Beasts of No Nation, le réalisateur de la première saison de True Detective mettra en scène pour le service de vidéo à la demande les dix épisodes de Maniac, une comédie avec Jonah Hill dans le rôle d’un patient d’hôpital psy se réfugiant dans un univers fantastique imaginaire. Excitant. • G. L .

: saison 1 sur Amazon Prime Vidéo

:

saison 1 sur Arte

106

:

sur Netflix en 2018


LES CONFÉRENCES FRANCE INTER

Cycle « Bien vivre ensemble »

Les bienfaits de la bienveillance

Crédit photo : Radio France, Christophe Abramowitz – © Illustration : Anne-Hélène Dubray

Séance unique au MK2 Bibliothèque en direct simultané de Radio France lundi 16 octobre 20 h

Une conférence animée par

ALI REBEIHI CHRISTOPHE ANDRÉ Ailleurs en France : La liste des salles de cinéma sur franceinter.fr

débats, échanges et séances de méditation


LIVRES

J’AI DÉCOUVERT QUE J’ÉTAIS MORT

Imaginez :

vous avez affaire à la police pour une histoire banale, et celle-ci vous apprend que, d’après ses fichiers, vous êtes mort depuis des années. Un rapport d’autopsie a été établi à votre nom, votre corps a été officiellement mis en bière. Tout est consigné sur un procès-verbal… C’est la mésaventure authentique arrivée à J. P. Cuenca (J. P. pour João Paulo), l’étoile montante de la littérature brésilienne. Comment un tel pataquès kafkaïen est-il possible ? Accompagné d’un ami journaliste, Cuenca mène l’enquête. Il interroge la police, remonte la piste de l’inconnue qui a identifié son cadavre, déambule à la recherche d’indices dans Rio de Janeiro, arpentant les quartiers sans âme nés lors des restructurations urbaines des Jeux olympiques de 2012. Comme il est bavard, égocentrique et déluré, Cuenca profite de ses investigations pour vider son sac et donner son avis sur tout : sur la corruption qui a gangrené l’organisation des Jeux, sur la gentrification de la ville qu’ils ont provoquée, sur sa vie d’écrivain d’avant-garde un peu fumiste qui passe plus de temps à jacasser dans les festivals autour du monde qu’à écrire, ou sur les nouveaux hipsters fortunés de Rio qui s’enivrent dans des fêtes chics, entourés de filles sublimes. « Elles étaient designers, productrices, stylistes de mode ou galeristes, dit-il, accordaient la plus haute importance aux apparences et portaient des prénoms monosyllabiques comme Bi ou Lou. » Tout ceci paraît un peu bordélique et, en un sens,

ça l’est ; c’est en même temps la force de ce roman-ovni, qui tient de l’autofiction, du pamphlet social et du polar halluciné, avec un finale psychiatrique grandiose au cours duquel tous les repères se brouillent. Le style percutant de Cuenca, adepte des longues phrases à tiroirs, s’harmonise à merveille avec son humour sarcastique ; quant à son narcissisme débridé, il est tempéré par une

OFF

Égocentrique et déluré, Cuenca profite de ses investigations pour donner son avis sur tout. bonne dose d’autodérision. Inclassable et brillant, ce livre hybride et un peu fou s’achève sur une mise en abyme à la Roland Barthes, avec une vraie-fausse exégèse écrite par une prétendue chercheuse brésilienne de l’université de Brown. Laquelle, du reste, existe peut-être pour de bon. De même que Cuenca, si ça se trouve, est vraiment mort. Avec lui, il faut s’attendre à tout. • BERNARD QUIRINY

— : de J. P. Cuenca, traduit du portugais (Brésil) par Dominique Nédellec (Cambourakis, 188 p., 20 €)

MANIFESTE INCERTAIN 6

ÉLÉPHANT

LA PRINCESSE DE BAKOUNINE

Sixième volet du Manifeste incertain, l’étonnant récit dessiné de Frédéric Pajak : trois épisodes d’une enfance bousculée dans les années 1960, où texte et dessin se répondent à la façon d’un contrepoint. • B. Q.

Sur les bords d’une rivière près de Zurich, un clochard trouve un minuscule éléphant rose luminescent, vivant… Une fable policière et engagée sur le thème des manipulations génétiques, par l’auteur de Small World. • B. Q.

(les Éditions Noir sur

: de Martin Suter

Aristocrate russe en exil, Zoé Obolenskaïa devint une figure de l’anarchisme après sa rencontre en 1866 avec Mikhaïl Bakounine. Une enquête captivante sur cette femme qui inspira l’Anna Karénine de Tolstoï. • B. Q.

Blanc, 144 p.)

(Christian Bourgois, 360 p.)

(Quai Voltaire, 224 p.)

: de Frédéric Pajak

108

: de Lorenza Foschini


BD

OFF

LES ENFANTS DE L’ARAIGNÉE

Enfants-Araignée.indd 345

01/08/2017 11:44

: de Mario Tamura, traduit du japonais par Wladimir Labaere (Casterman, 408 p., 27 €)

Ils

sont trois ados, soudés par leur condition carcérale : Soroa, plein de colère et d’énergie, Mita, tout à sa nonchalance narcissique, et Kenji, le jovial camarade. Ils ont été capturés et placés dans un centre de redressement et incarnent différentes facettes de la rébellion dans ce futur dystopique post-catastrophe nucléaire. Comme souvent dans les cauchemars urbains, c’est dans les profondeurs qu’il faut chercher des perspectives… Espoirs et menaces s’y trouvent en égales proportions. En cavale dans les souterrains, les trois amis découvrent donc une autre ville, refuge des résistants et des marginaux, et les traces d’un complot destructeur. Ici, les araignées grouillent à la fois dans les âmes et dans les corps, en une danse qui rapproche sexe, mort et addiction. Face aux volontés nihilistes d’une caste dirigeante gangrenée par la folie et la drogue, l’individualisme de la jeunesse se révèle force de vie. Les amateurs d’inquiétante étrangeté ne doivent pas manquer cette première œuvre d’un inconnu plein d’entrain et de créativité fiévreuse. • VLADIMIR LECOINTRE 109


JEUX VIDÉO

OFF

© D. R.

OBSERVER

Balade

— : PC, PS4, One (Bloober Team) —

horrifique en vue subjective sur fond de cyberpunk, Observer est un sommet de poésie macabre. Dans un futur sombre, un flic cyborg est appelé sur les lieux d’une affaire de meurtres en série. Alors qu’il collecte ses premiers indices, la sécurité boucle le périmètre. Le voilà enfermé dans un dédale de couloirs et de portes jumelles, tandis que l’assassin rôde toujours dans les parages. Désarmé, notre super-flic n’a pour seul outil que sa vision bionique, qui lui permet de faire apparaître les indices planqués dans le décor ou de se connecter au réseau neuronal des cadavres qu’il trouve en chemin, pour fouiller leur inconscient. Le thriller se transforme alors en une promenade psychédélique au cours de laquelle notre héros, perdu entre rêve et

UNCHARTED. LOST LEGACY Campé par un nouveau duo d’héroïnes, ce spin-of reprend le flambeau d’Uncharted avec brio. Menée tambour battant, l’aventure alterne morceaux de bravoure et saynètes narratives, dans un décor de cité antique indienne d’une beauté époustouflante. • Y. F.

: PS4 (Sony)

réalité, voit ressurgir les démons de son propre passé, qui le hantent comme dans le pire des films d’horreur. Expérience intense pour les nerfs (déconseillé aux cardiaques), Observer se révèle aussi être une fable étonnamment lucide sur notre devenir face aux technologies – et leur impact sur notre psyché. Un récit crépusculaire, à l’ambiance saumâtre et malaisante, mais teinté d’une belle mélancolie à laquelle la performance de Rutger Hauer, inoubliable droïde replicant dans le film Blade Runner et qui campe ici le détective, n’est pas étrangère. De sa voix rauque et fatiguée, l’acteur donne un souffle unique à ce Thésée des temps futurs, égaré dans un no man’s land mental dont il est difficile de s’extraire sans séquelles émotionnelles. • YANN FRANÇOIS

MARIO + LAPINS CRÉTINS. KINGDOM BATTLE Cette alliance improbable entre les mascottes de Nintendo et d’Ubisoft accouche d’un jeu de combat tactique de haute volée. Entre stratégie finaude et gaudriole, ce Kingdom Battle est à savourer en famille. • Y. F.

: Switch (Ubisoft)

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EVERYBODY’S GOLF Cela faisait longtemps que le jeu de golf n’était pas sorti de son carcan élitiste. Pédagogue et bon enfant, Everybody’s Golf n’en reste pas moins très complet, débordant d’activités en solo ou en ligne, le tout sur un immense parcours ouvert. • Y. F.

: PS4 (Sony)


REPARTEZ À L’AVENTURE !

INDÉ À JOUER

®

© 2017 Rubén Pellejero & Juan Díaz Canales / Cong S.A., Suisse

L’automne n’a pas commencé que The Long Dark (Hinterland | PC, PS4, One, Mac) me jette en plein hiver meurtrier. Rescapé d’un crash aérien, je dois vite trouver de quoi faire du feu. À peine ai-je retrouvé mes forces qu’une meute de loups se met à m’encercler, l’air affamé… Jouant la carte du réalisme, le jeu, tout en tension, a l’efficacité d’un redoutable film d’horreur. Je pars ensuite coller quelques mandales dans Absolver (Sloclap | PC, PS4, One), un jeu de combat post-apocalyptique où les rares survivants doivent s’affronter à mains nues, jusqu’à la mort. Je place quelques uppercuts bien sentis, mais j’en reçois le double à force de précipitation. J’ai l’impression de sentir chaque os de mon corps craquer, mais l’expérience m’hypnotise par son énergie bestiale. Je bascule dans une Préhistoire imaginaire avec ARK. Survival Evolved (Studio Wilcard | PC, PS4, One). Dans ce monde ouvert et multijoueur, je dois me fabriquer un abri, et des armes pour chasser les dinosaures qui rôdent. Je peux ensuite les apprivoiser pour en faire une monture de combat et partir en guerre contre les joueurs adverses. Pour finir, j’enfourche une moto supersonique avec Hyperun (Concrete Games | PC, Mac). Lancé à tombeau ouvert sur des tracés tortueux, mon engin ne peut tourner qu’à quarante-cinq degrés. Plus la vitesse augmente, plus le risque de se prendre un mur est grand. Fort heureusement, mes réflexes insoupçonnés me permettent de me tirer d’affaire. En fin de parcours, je suis à plat – mais béat. • YANN FRANÇOIS ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT

© Cong S.A., Suisse © Casterman 2017

Manette dans une main, carnet de notes dans l’autre, notre chroniqueur teste chaque mois une sélection de jeux indés.

NOUVEL ALBUM EN LIBRAIRIE


mk2 SUR SON 31 JEUDI 5 OCT. ARCHITECTURE ET DESIGN « Art et artisanat : la beauté du geste. » Séance gratuite.

: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h

LA PHOTOGRAPHIE « L’invention de la photographie. » Séance gratuite.

: mk2 Quai de Loire à 20 h

LA MODE, UNE HISTOIRE DE STYLE « Aux origines de la mode : quand le style s’impose. » Séance gratuite.

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 20 h

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Avoir un idéal nous fait-il du mal ? »

: mk2 Odéon (côté St Germain)

: mk2 Bastille (côté Faubourg

à 18 h 30

St Antoine)

SCIENCES SOCIALES ET CINÉMA « L’individu face au système. » Projection d’Aquarius de Kleber Mendonça Filho, suivie de son commentaire par un enseignant-chercheur de l’EHESS.

: mk2 Bibliothèque à 19 h 45

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « La fabrique du pouvoir : la capitale des grands monarques. »

: mk2 Grand Palais à 20 h

UNE HISTOIRE DE L’ART « Les prémices de l’art médiéval. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

SAMEDI 7 OCT. L’ART CONTEMPORAIN « Lucio Fontana et le Spatialisme. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

DIMANCHE 8 OCT. LE PHOTO LIVE DE 6MOIS Des photojournalistes racontent en images un de leurs reportages au long cours publié dans la revue 6Mois. Ce mois-ci : « L’autre Japon ». Avec Marie-Pierre Subtil, rédactrice en chef de 6Mois ; Léna Mauger, journaliste, et Stéphane Remael, photographe, coauteurs du livre Les Évaporés du Japon ; Pascal Meunier, photographe, auteur du reportage « Le péril gris » ; Chloé Jafé, photographe, auteure du reportage « Femmes de yakuzas ».

SÉANCE SPÉCIALE Projection de Grandeur et décadence d’un petit commerce de cinéma de Jean-Luc Godard, présentée par Serge Bozon.

: mk2 Beaubourg à 20 h

MARDI 10 OCT. CINÉMADZ Avant-première de La Belle et la Meute de Kaouther Ben Hania.

JEUDI 12 OCT. LA SORBONNE NOUVELLE FAIT SON CINÉMA « Qu’est-ce que le cinéma asiatique ? » Avec Frédéric Monvoisin, docteur en études cinématographiques et audiovisuelles.

: mk2 Bastille (côté Fg St Antoine) à 12 h 30

ARCHITECTURE ET DESIGN « Chicago : l’invention du gratte-ciel. »

: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h

LA PHOTOGRAPHIE « La photographie et l’Impressionnisme : une rencontre déterminante. »

: mk2 Quai de Loire à 20 h

UNE HISTOIRE DE L’ART « L’art roman. »

: mk2 Bibliothèque

: mk2 Beaubourg à 20 h

HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE « L’humanisme : une nouvelle image de l’homme. »

: mk2 Parnasse à 20 h

SAMEDI 14 OCT. L’ART CONTEMPORAIN « Dubuffet et l’art brut. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais)

SÉANCE SPÉCIALE Projection de Grandeur et décadence d’un petit commerce de cinéma de Jean-Luc Godard, présentée par Jean Narboni.

: mk2 Beaubourg

à 20 h

à 20 h

LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « La Frick Collection de New York. »

à 20 h

à 20 h

: mk2 Quai de Seine

LUNDI 9 OCT.

PITCHFORK PARIS CINÉ-CLUB En partenariat avec le Pitchfork Music Festival Paris, diffusion d’American Honey d’Andrea Arnold.

UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Le cinéma comique : du rire muet aux hurlements de rire. »

: mk2 Odéon

: mk2 Bastille

(côté St Michel)

(côté Beaumarchais)

à 20 h

à 12 h 30

112

à 11 h

FASCINANTE RENAISSANCE « Les Primitifs italiens : Cimabue, Giotto, Duccio. » Séance gratuite.

: mk2 Beaubourg à 11 h

VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « À la découverte du monde quantique. »

: mk2 Quai de Loire à 11 h



mk2 SUR SON 31 LUNDI 16 OCT. LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « La Barnes Foundation de Philadelphie. »

UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « À la loupe ! Charles Chaplin, Ernst Lubitsch, les frères Farrelly. »

: mk2 Odéon

LUNDI 6 NOV. LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « La National Gallery de Washington. »

: mk2 Bastille

(côté St Michel)

: mk2 Bastille

(côté Beaumarchais)

à 20 h

(côté Beaumarchais)

à 12 h 30

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Pouvons-nous choisir ce que nous devenons ? » Avec Albert Moukheiber.

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

à 12 h 30

JEUDI 19 OCT.

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Est-il bon d’avoir un maître ? »

ARCHITECTURE ET DESIGN « L’Art nouveau : penser l’architecture comme un tout. »

(côté St Germain)

: mk2 Bibliothèque

à 18 h 30

: mk2 Odéon

(entrée BnF)

NOS ATELIERS PHOTO ET VIDÉO « Composition et lumière. » Apprenez les règles de la composition, à choisir le bon cadre, à composer avec la lumière et à soigner vos expositions. Familiarisez-vous avec les basses lumières comme avec les hautes, la photo de nuit, le mode HDR…

à 20 h

: mk2 Bibliothèque

LA PHOTOGRAPHIE « Le Naturalisme et la photographie de presse : l’engagement du photographe. »

à 19 h 30

CYCLE « BIEN VIVRE ENSEMBLE » Conférence « Les Bienfaits de la bienveillance » animée par Ali Rebeihi et Christophe André, en partenariat avec France Inter.

: mk2 Bibliothèque à 20 h

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Une ville dévote. »

: mk2 Grand Palais à 20 h

RENDEZ-VOUS DES DOCS « Histoires de l’œil. » Projection d’Une sale histoire de Jean Eustache et de Sylvia Kristel – Paris de Manon de Boer, suivie d’un débat avec la cinéaste et Philippe Azoury, critique de cinéma.

: mk2 Quai de Loire à 20 h

MARDI 17 OCT. AVANT-PREMIÈRE L’Assemblée de Mariana Otero, en présence de la réalisatrice.

: mk2 Beaubourg à 20 h

HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE « Le Baroque, exubérance et fantaisie. »

: mk2 Parnasse

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « François Ier et ses artistes. »

LA MODE, UNE HISTOIRE DE STYLE « La naissance de la haute couture. »

: mk2 Grand Palais à 20 h

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 20 h

: mk2 Quai de Loire à 20 h

DÉJÀ DEMAIN En partenariat avec L’Agence du court métrage, projection de Tourette et Péroné de Justine et Germain Pluvinage, d’À la chasse de Akihiro Hata, de Lupus de Carlos Gómez Salamanca et d’Iceberg de Mathieu Z’Graggen.

: mk2 Odéon (côté St Michel)

UNE HISTOIRE DE L’ART « L’art gothique. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

PITCHFORK PARIS CINÉ-CLUB En partenariat avec le Pitchfork Music Festival Paris, diffusion de Mistaken for Strangers de Tom Berninger et d’un concert à emporter de La Blogothèque.

: mk2 Bastille (côté Faubourg St Antoine) à 20 h

à 20 h

MARDI 7 NOV. HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE « Le Classicisme : un retour à l’ordre. »

: mk2 Parnasse à 20 h

UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Le cinéma policier : du suspense à l’angoisse. »

: mk2 Odéon (côté St Michel)

DU 25 AU 31 OCT. MON PREMIER FESTIVAL Dans le cadre du festival dédié au jeune public, projections de films (dont Rita et Crocodile de Siri Melchior et Belle et Sébastien 3 de Clovis Cornillac, en avant-première), ciné-musique avant la séance de Cadet d’eau douce de Buster Keaton et Charles Reisner avec les élèves violoncellistes du CRR, et ciné-débat avec une intervenante d’Enfances au cinéma après la séance de Rara de María José San Martín.

: mk2 Quai de Seine à 10 h 15, 14 h 15 et 16 h 15

à 20 h

114

à 20 h

RETROUVEZ TOUS LES ÉVÉNEMENTS DES SALLES mk2 SUR MK2.COM/EVENEMENTS


Là où le paradis se cache derrière la porte.

La Barbade détient les clefs de votre villa privée.

www.visitbarbados.org/fr



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