TROISCOULEURS #160 Mai- Juin 2018

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N 160

O

MAI—JUIN 2018 GRATUIT

FIÈRE ALLURE

VINCENT LACOSTE CHEZ CHRISTOPHE HONORÉ


“MAGNIFIQUE” “REMARQUABLE” “UN SUCCÈS” “PUISSANT” RACHEL

WEISZ

RACHEL

M C ADAMS

ALESSANDRO

NIVOLA

PA R L E R É A L I S AT E U R D E “ U N E F E M M E FA N TA S T I Q U E ” OSCAR DU MEILLEUR FILM ÉTRANGER.

LE 13 JUIN FIFILMLM4 LM4 ETE FILMNMNATATATIION ENENTETETERTRTRTAINMNMENENTT PRRÉSSENE TETENTNT UNUNEEEPRPPRRODDUCCTITONONO ELELEMEMEENTNTPPICTUTURERERESS LC6C6PPRODU ROODUDUCTCTC IONS BRBRAVAVAVENENENFFILMS “D“DÉSÉSÉ OBÉI OBBÉISSSSANANCECECE”” UNU FILMMDEDED SEBBASSTIÁNÁNL ÁN LELLIO RAACHC ELELWWEISZSZ RARACHCHC ELELMMCADDAMMS ALLEESSSSANANANDRDDRRO NIVOVOLA DIDRERER CTC EUEUR DEDELLA PHHOTOTOGOGOGRARARAPHPHPHIIE DANANNYNYNYCCOHOHENENN BSBSCC DIDREIREECTCTRIRIICECEDCE DE PRPRODODODUCUCUCTITIONON RACHE ACCHEHELL DADARGRGRGAVAVA EELL MOMONTNTNTAGAGA E NATA HAN HAAN NUNUGEGEENTT MUMUSISIQUQUEQUE MATATTHTHHEWW HERERBEBEBERTRT DÉD COORSR SARARAHAHAHFFINLALAYY COCOSTSTSTUMUMES UMMES ODILELE DICKSK -MMIREAAUXX CACASTSTSTIING NINA GOGOLDLDL COCOIIFFUFURERREE ETTMAMAAQUQ ILLAAGEGE MARA ESESEE LAL NGGANA PRPRODODDUCUCTETEUR TEEURU S EEXXÉCÉCUTUTTIFS ROSOSEE GAG RNET RNNETE T DANA IELLBABABATTTTTTSESES K BENE BROROWNWNNING GLELENN BAASNER SNSNERR ANNDRDREWEWEWLLOWWE ERIC LALAUFUFUFERERR GIG OVAN OVVANANNANAN RANA DAALLL PRPRODODODUIUIUTTTPAPAP R FRIRDADADATTORO RERESBSBSBLALANCNNCCO,O, P.G.A. ED GUUINEYEY,, P.G.A. RACA HEHELLLWE WEWEIISZZ,, P.G.A. D’D APAPRÈRÈR S LEL ROMMANANDDE NAOAOMIMIM ALDLDERERRMAMANN SCÉN SCCÉÉNNAARRIO DE SEBEBASASASTITIÁNÁN LELLIO REREBEECCCCAA LEL NKN IEWIWICZCZ RRÉÉALLISÉÉPAPAP R SEBEBASASASTITIIÁNÁNL ÁN LELELIIO ©2017 CHANNE NNN L FOUR TELEV ELEVEISIONCORPOR N CORPOR RPP ATITION, CANDLELI CANDLELIGHT PPRODUD CTITIONS, LLCLC


ÉDITO Sitôt

descendu du train qui, de sa Bretagne natale, l’a mené à Paris, le jeune héros du nouveau film de Christophe Honoré se presse au cimetière du Montparnasse pour se recueillir sur la tombe de Bernard-Marie Koltès. Tous les films du cinéaste, qui est lui-même écrivain, baignent dans son amour pour la littérature : quand ils ne sont pas directement adaptés d’œuvres (Ma mère d’après Georges Bataille, La Belle Personne d’après La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette, Métamorphoses d’après Ovide, Les Malheurs de Sophie d’après la comtesse de Ségur…), on y croise des jeunes gens qui aiment autant lire au lit qu’y baiser (Les Chansons d’amour, Dans Paris), des appartements remplis de bouquins, des citations tirées de romans et des dialogues très écrits (mais dits avec légèreté, voire chantés). Situé dans les années 1990, son nouveau film, Plaire, aimer et courir vite, nous plonge dans ses inspirations littéraires d’ado. Aux côtés de Koltès, Hervé Guibert et Jean-Luc Lagarce sont les auteurs que chérit Arthur, étudiant breton (joué par le génial Vincent Lacoste) amoureux d’un écrivain (Pierre Deladonchamps) qu’il rêve de rejoindre à Paris – « Tu vas revenir la queue entre les jambes », lancent ses amis, tristes de le voir partir. Cette figure si attachante, car vouée à la désillusion, du jeune premier impatient de quitter sa province, bien décidé à empoigner la vie, héritée du roman d’apprentissage, finit d’inscrire le film dans une bouleversante, et précieuse, filiation littéraire. De notre côté, on boucle ce numéro alors que l’on s’apprête à faire le voyage inverse : de Paris à la province, direction le Festival de Cannes. Connaîtra-t-on la désillusion ? Réponse au prochain numéro, et pendant le Festival sur troiscouleurs.fr. • JULIETTE REITZER


penélope cruz javier bardeM

everYbodY knows Photo : teresa IsasI • Design : Benjamin seznec / Troïka

Memento films présente

asghar farhadi

ÉCRIT ET RÉALISÉ PAR ASGHAR FARHADI PRODUIT PAR ALEXANDRE MALLET- G UY ET ALVARO LONGORI A AVEC EDUARD FERNÁNDEZ BÁRBARA LENNI E I N MA CUESTA ELVI R A MÍ N GUEZ RAMÓN BAREA CARLA CAMPRA IMAGE JOSÉ LUI S ALCAI N E DÉCORS CLARA NOTARI COSTUMES SONI A GRANDE MONTAGE HAYEDEH SAFI YARI SON DANI E L FONTRODONA GABRI E L GUTI É RREZ BRUNO TARRI È RE 1ER ASSISTANT RÉALISATION DAVI D PAREJA MAQUILLAGE ANA LOZANO COIFFURE MASSI M O GATTABRUSI MUSIQUE ORIGINALE JAVIER LIMÓN DIRECTRICE DE PRODUCTION ANGÉLICA HUETE COPRODUCTEUR ANDREA OCCHIPINTI PRODUCTRICE EXÉCUTIVE PILAR BENITO PRODUCTEUR ASSOCIÉ STEFANO MASSENZI UNE PRODUCTION MEMENTO FILMS PRODUCTION

COFINOVA 14 INDÉFILMS 6 AVEC LE SOUTIEN DE ICAA EURIMAGES AVEC LA PARTICIPATION DE CANAL+ FRANCE TÉLÉVISIONS CINÉ+ MOVISTAR+ VENTES INTERNATIONALES MEMENTO FILMS INTERNATIONAL DISTRIBUTION MEMENTO FILMS DISTRIBUTION

MORENA FILMS LUCKY RED EN CO-PRODUCTION AVEC FRANCE 3 CINÉMA UNTITLED FILMS AIE RAI CINEMA EN ASSOCIATION AVEC MEMENTO FILMS DISTRIBUTION

le 9 mai


POPCORN

P. 10 CHAUD BIZ : LE MARCHÉ DU FILM • P. 12 RÈGLE DE TROIS : LIO P. 24 LE NOUVEAU : GRÉGOIRE BEIL

BOBINES

P. 26 EN COUVERTURE : CHRISTOPHE HONORÉ ET VINCENT LACOSTE P. 40 PORTRAIT : JAVIER BARDEM • P. 48 INTERVIEW : STÉPHANE BRIZÉ

ZOOM ZOOM

P. 62 TAKARA. LA NUIT OÙ J’AI NAGÉ • P. 66 COUP POUR COUP P. 68 FOOTBALL INFINI

COUL’ KIDS

P. 86 INTERVIEW : TOMI UNGERER • P. 88 LA CRITIQUE D’ÉLISE : LE CERVEAU DES ENFANTS • P. 90 TOUT DOUX LISTE

OFF

P. 92 ENQUÊTE : L’AGRICULTURE URBAINE P. 102 CONCERTS : MYTH SYZER • P. 112 SÉRIES : FIERTÉS

ÉDITEUR MK2 AGENCY — 55, RUE TRAVERSIÈRE, PARIS XIIe — TÉL. 01 44 67 30 00 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ELISHA.KARMITZ@MK2.COM | RÉDACTRICE EN CHEF : JULIETTE.REITZER@MK2.COM CHEFFE DE RUBRIQUE CINÉMA : TIME.ZOPPE@MK2.COM | RÉDACTEURS : QUENTIN.GROSSET@MK2.COM, JOSEPHINE.LEROY@MK2.COM GRAPHISTE : JÉRÉMIE LEROY | SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : VINCENT TARRIÈRE | STAGIAIRES : GUILLAUME LAGUINIER, EDGAR MERMET ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : JULIEN BÉCOURT, HENDY BICAISE, LILY BLOOM, CHARLES BOSSON, ADRIEN DÉNOUETTE, JULIEN DOKHAN, JULIEN DUPUY, MARIE FANTOZZI, YANN FRANÇOIS, CLAUDE GARCIA, AÏNHOA JEAN-CALMETTES, RAMSÈS KEFI, DAMIEN LEBLANC, VLADIMIR LECOINTRE, GRÉGORY LEDERGUE, MIRION MALLE, STÉPHANE MÉJANÈS, JÉRÔME MOMCILOVIC, WILFRIED PARIS, MICHAËL PATIN, LAURA PERTUY, PERRINE QUENNESSON, BERNARD QUIRINY, CÉCILE ROSEVAIGUE, ÉRIC VERNAY, ANNE-LOU VICENTE, ETAÏNN ZWER & ÉLISE ET LIAM PHOTOGRAPHES : PALOMA PINEDA, ERIOLA YANHOUI | ILLUSTRATEURS : PABLO COTS, SAMUEL ECKERT, ÉMILIE GLEASON, PABLO GRAND MOURCEL, PIERRE THYSS | PUBLICITÉ | DIRECTRICE COMMERCIALE : STEPHANIE.LAROQUE@MK2.COM RESPONSABLE MÉDIAS : CAROLINE.DESROCHES@MK2.COM | ASSISTANT RÉGIE, CINÉMA ET MARQUES : DORIAN.TRUFFERT@MK2.COM RESPONSABLE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : MELANIE.MONFORTE@MK2.COM ASSISTANTE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : LUCILLE.ETCHART@MK2.COM TROISCOULEURS EST DISTRIBUÉ DANS LE RÉSEAU LE CRIEUR contact@lecrieurparis.com © 2018 TROISCOULEURS — ISSN 1633-2083 / DÉPÔT LÉGAL QUATRIÈME TRIMESTRE 2006 — TOUTE REPRODUCTION, MÊME PARTIELLE, DE TEXTES, PHOTOS ET ILLUSTRATIONS PUBLIÉS PAR MK2 AGENCY EST INTERDITE SANS L’ACCORD DE L’AUTEUR ET DE L’ÉDITEUR. — MAGAZINE GRATUIT. NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE.


CANNES 2018

Avant le début des festivités, aperçu à l’aveugle de la 71e édition du Festival de Cannes. Du 8 au 19 mai, on couvre l’événement en direct de la Croisette, sur troiscouleurs.fr. FRANCE En guerre de Stéphane Brizé

SUISSE

JAPON

Le Livre d’image de Jean-Luc Godard

Asako I & II de Ryusuke Hamaguchi

Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré Un couteau dans le cœur de Yann Gonzalez Les Filles du soleil d’Eva Husson

Une affaire de famille de Hirokazu Kore-eda

ITALIE CHINE

Dogman de Matteo Garrone Lazzaro felice d’Alice Rohrwacher

Ash Is Purest White de Jia Zhang-ke

POLOGNE

RUSSIE

Cold War de Paweł Pawlikowski

ÉTATS-UNIS BlacKkKlansman de Spike Lee Under the Silver Lake

Leto de Kirill Serebrennikov

TURQUIE Le Poirier sauvage

LIBAN

de Nuri Bilge Ceylan

Capharnaüm de Nadine Labaki

de David Robert Mitchell

ÉGYPTE

IRAN

Yomeddine d’Abu Bakr Shawky

Everybody Knows d’Asghar Farhadi

Burning

3 visages de Jafar Panahi

de Lee Chang-dong

CORÉE DU SUD

KAZAKHSTAN

PAYS D’ORIGINE DES RÉALISATEURS SÉLECTIONNÉS EN COMPÉTITION OFFICIELLE CETTE ANNÉE.

Ayka de Sergey Dvortsevoy

NOUVEAU MONDE « Il

faut interroger nos pratiques, nos traditions, on veut questionner le futur », a annoncé le délégué général du Festival, Thierry Frémaux, lors de la conférence de presse, le 12 avril. Selfies bannis sous peine d’expulsion du tapis rouge, réorganisation des projections (les avant-premières réservées à la presse sont supprimées)… Le vent nouveau souffle surtout sur la Compétition officielle, qui a déjoué les pronostics en invitant, à défaut de femmes (seules trois réalisatrices sur les vingt et un films sélectionnés), bon lot de cinéastes

quasi inconnus, venus de pays rarement représentés en Compétition (Égypte, Kazakhstan, Liban), et aux castings moins glamour qu’à l’accoutumée. Un désir de faire table rase qui coïncide avec la désertion de Netflix du festival (adieu le pourtant alléchant Roma d’Alfonso Cuarón et le film inédit d’Orson Welles, The Other Side of the Wind), la plate-forme refusant de se plier à la condition sine qua non pour une sélection en Compétition : sortir ses films en salles. Tout ça prouve que, même à 71 ans, il est toujours temps de changer d’air. • J. R. ET T. Z . 6


CANNES 2018

NOUVELLES TÊTES EN COMPÈTE ABU BAKR SHAWKY

EVA HUSSON

En 2016, son sulfureux Bang Gang n’était pas passé inaperçu. Mais personne n’attendait la cinéaste française en Compétition. Son film Les Filles du soleil infiltre un bataillon de soldates kurdes et réunit Golshifteh Farahani et Emmanuelle Bercot.

RYUSUKE HAMAGUCHI

Alors que Senses, sa série en cinq épisodes, sort en salles en mai (lire p. 70), le trentenaire japonais débarque en Compétition avec Asako I & II, l’histoire troublante d’une jeune femme qui se met en couple avec le sosie de son premier amour disparu. • J. L . ET J. R.

© GRETA DE LAZZARIS

© D. R.

Ce jeune cinéaste austro-égyptien frappe fort : en partie financé sur Kickstarter, son Yomeddine est le seul premier long métrage en Compétition cette année. Il suit un lépreux guéri qui traverse l’Égypte avec le jeune orphelin nubien qu’il a pris sous son aile. Dogman de Matteo Garrone

L’HISTOIRE SANS FIN Les

histoires se conjuguent au passé en Compétition officielle. Outre Cold War de Paweł Pawlikowski, romance entre la Pologne et Paris dans les années 1950, et Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré (lire p. 30), love story gay emplie de spleen entre Rennes et Paris dans les années 1990, le parfum sulfureux des seventies et des eighties imprègne la Croisette : BlacKkKlansman de Spike Lee conte l’histoire vraie d’un policier afro-américain ayant infiltré le Ku Klux Klan en 1978 ; Un couteau dans le cœur de Yann Gonzalez s’ancre dans l’industrie du porno gay en 1979, Leto de Kirill Serebrennikov revient sur un épisode de la vie d’une rock star soviétique à l’été 1981 à Leningrad ; Dogman de Matteo Garrone documente un crime sordide lié à la mafia et perpétré dans la banlieue de Rome en 1988. Guerre froide, tensions raciales, vécus LGBT, crime organisé : autant de revivals qui tendent un miroir au monde actuel. • J. R. ET T. Z .

ZOOM CŒURS BRISÉS FUGA d’Agnieszka Smoczyńska (Semaine de la critique) Une jeune femme amnésique retrouve son mari et sa famille. Mais comment aimer quand on a oublié l’être aimé ? Après l’horrifique The Lure, la cinéaste polonaise dissèque les cœurs.

UN COUTEAU DANS LE CŒUR de Yann Gonzalez (Compétition) Pour reconquérir son ex, une productrice de pornos cheap se lance dans un projet plus ambitieux, mais un de ses acteurs est assassiné. Yann Gonzalez + Vanessa Paradis + Nicolas Maury = .

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MONSIEUR

ASH IS PUREST WHITE

De Rohena Gera (Semaine de la critique) Au pays des intouchables, une employée de maison et le fils de la riche famille qui l’emploie tombent amoureux… Cette romance a priori impossible est au cœur du premier long de l’Indienne Rohena Gera.

de Jia Zhang-ke (Compétition) Baignée dans l’univers de la pègre chinoise, cette fresque suit, sur une décennie, les amours empêchés de Qiao et Bin. Par le surdoué Jia Zhang-ke (24 City, I Wish I Knew). • J. R.


CANNES 2018

LE FESTIVAL EN CHIFFRES

TROIS COME-BACK LARS VON TRIER

La durée, en heures, des Âmes mortes de Wang Bing, présenté en Séance spéciale (soit une journée de travail).

Le nombre de bougies que souffle cette année la Quinzaine des réalisateurs.

Le nombre de coupes de champagne servies pendant ce festival de gens pompettes, d’après Nice-Matin.

Le tout premier film kényan sélectionné à Cannes, Rafiki de la cinéaste Wanuri Kahiu, est un récit d’amour lesbien.

« Pierre Lescure, président du Festival, et son conseil d’administration ont décidé d’accueillir le retour du réalisateur », dit le communiqué officiel. Banni depuis ses propos sur Hitler en 2011, le Danois présente The House that Jack Built, mais hors Compétition.

TERRY GILLIAM

Le cinéaste britannique clôture le festival avec L’homme qui tua don Quichotte, son projet maudit initié en 2000 et rendu mythique par le documentaire Lost in La Mancha, qui aura donc mis près de vingt ans à atteindre les salles (sortie en France le 19 mai).

Le nombre de longs métrages vus par les comités de sélection du festival (21 sont en compète).

Cannes Classics met le cinéaste culte à l’honneur en fêtant les 50 ans de son chef-d’œuvre de 1968. 2001 : l’odyssée de l’espace est présenté en copie neuve 70 mm (conforme à l’originale), et par Christopher Nolan, s’il vous plaît. • G. L a . ET J. R.

ZOOM FLAGRANTS DÉLITS DOGMAN

MON TISSU PRÉFÉRÉ

LE MONDE EST À TOI

SAUVAGE

de Matteo Garrone (Compétition) Italie, 1988. Un toiletteur pour chiens cocaïnomane assassine un ex-boxeur devenu chef de gang… Ce sombre fait divers est porté à l’écran par le réalisateur de Gomorra.

de Gaya Jiji (Un certain regard) À l’aube de la guerre civile, une jeune femme espère quitter Damas, jusqu’à ce qu’une maison close ouvre dans son immeuble… La cinéaste syrienne signe son premier long.

de Romain Gavras (Quinzaine des réalisateurs) Un petit dealer de banlieue voit ses rêves de devenir le distributeur officiel de Mr. Freeze au Maghreb contrariés. Avec Gavras (Notre jour viendra), possible que la cité craque.

de Camille Vidal-Naquet (Semaine de la critique) Léo est un jeune homme de 22 ans qui se prostitue dans les rues tout en rêvant de tomber amoureux… On mise gros sur la sensibilité de ce premier long métrage français. • J. L .

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© IPA / RUE DES ARCHIVES ; RDA / IPA ; STANLEY KUBRICK ESTATE

STANLEY KUBRICK


LES FILMS D’ICI

ET

SAMPEK PRODUCTIONS

PRÉSENTENT

APRÈS

LE NOUVEAU FILM DE

PAOLO ET VITTORIO

TAVIANI

D’après le roman UNE AFFAIRE PERSONNELLE de Beppe Fenoglio

LUCA MARINELLI

LORENZO RICHELMY

VALENTINA BELLÈ

AU CINÉMA LE 6 JUIN


INFOS GRAPHIQUES

ACTEURS CAMÉLÉONS À

l’occasion de la sortie de Manifesto de Julian Rosefeldt (lire p. 83), dans lequel Cate Blanchett incarne pas moins de treize personnages différents (une présentatrice télé, un clochard, une institutrice…), on s’est intéressés à ces acteurs qui, à l’intérieur d’un même film, campent tour à tour plusieurs protagonistes. Gare à la schizophrénie. • JOSÉPHINE LEROY – ILLUSTRATION : JÉRÉMIE LEROY

PETER SELLERS

CHRISTIAN CLAVIER

Docteur Folamour (Stanley Kubrick, 1964) Président des États-Unis, officier britannique et scientifique pro-nazi, Sellers est sur tous les fronts de cette comédie corrosive dans laquelle le gouvernement américain tente d’éviter une guerre avec l’U.R.S.S.

Les Visiteurs (Jean-Marie Poiré, 1993)

LE PRÉSIDENT MERKIN MUFFLEY LE DOCTEUR FOLAMOUR

LE COLONEL LIONEL MANDRAKE

Entre Jacquouille la Fripouille, écuyer au service du comte de Montmirail (Jean Reno), et JacquesHenri Jacquart, son lointain descendant, Clavier passe avec aisance du bouffon médiéval au nouveau riche irascible.

JACQUOUILLE LA FRIPOUILLE

JACQUES-HENRI JACQUART

MIKE MYERS

Austin Powers dans Goldmember (Jay Roach, 2002) Dans ce troisième volet des aventures du loufoque espion Austin Powers, l’omniprésent Mike Myers, grimé aussi bien en méchant chauve qu’en sbire dégoulinant de sueur, combat le mal qu’il provoque.

LE DOCTEUR DENFER AUSTIN POWERS

GOLDMEMBER GRAS-DOUBLE

DENIS LAVANT Holy Motors (Leos Carax, 2012)

Monsieur Oscar, un homme d’affaires énigmatique, a plusieurs vies : dans sa limousine, il se transforme en clocharde boiteuse, en père de famille lambda ou encore en cruel tueur.

LE TUEUR MONSIEUR OSCAR

L’OUVRIER SPÉCIALISÉ LA MENDIANTE

DE LA MOTION CAPTURE

MONSIEUR MERDE

ÉMOPITCH EN GUERRE DE STÉPHANE BRIZÉ (SORTIE LE 16 MAI) 10


" UN FEEL-GOOD MOVIE DRÔLE ET MORDANT "

Crédits non contractuels.

UN FILM DE JAVIER

FESSER

AU CINÉMA LE 6 JUIN

PREMIÈRE


FAIS TA B.A.

À chaque jour ou presque, sa bonne action cinéphile. Grâce à nos conseils, enjolivez le quotidien de ces personnes qui font de votre vie un vrai film (à sketches). POUR VOTRE ENFANT QUI PREND VOS MURS POUR UNE TOILE VIERGE Il a un goût certain pour le dessin, en témoignent les personnages difformes qui dialoguent avec force onomatopées sur vos murs. Emmenez cet artiste précoce à l’expo d’Annabel Briens et Stéphane Manel (collaborateur régulier de TROISCOULEURS). Sous leurs crayons, d’élégants duos (Jeanne Moreau et Martin Lamotte, Jean-Pierre Léaud et Anna Karina) papotent et refont le monde.

: « Répliques » d’Annabel Briens et Stéphane Manel

Anna Karina dans Pierrot le Fou de Jean-Luc Godard, 1965

jusqu’au 19 mai à la galerie Cinéma

POUR VOTRE MARRAINE QUI RÊVE D’ALLER AUX OSCARS Dans la garde-robe de cette Marseillaise extravagante gît une robe pailletée qu’elle réserve pour la fois où elle se pavanera sur le tapis rouge « avec un bon pastaga ». Lors de son passage éclair à Paris, conduisez-la en limousine à la rétrospective William Wyler, réalisateur oscarisé pour Madame Miniver, Les Plus Belles Années de notre vie et Ben-Hur.

: « Rétrospective William Wyler » jusqu’au 28 mai à la Cinémathèque française Ben Hur, 1960

POUR VOTRE PROF DE VIOLON QUI RESSEMBLE À MORTICIA ADDAMS Avec sa longue chevelure, son regard hautain et sa silhouette longiligne, cette femme toute vêtue de noir a une aura particulière. Vous l’imagineriez bien dompter des chauves-souris dans son grand manoir. Pour la mettre dans votre poche au prochain cours, offrez-lui ce livre consacré au cinéma fantomatique du cinéaste canadien Guy Maddin.

POUR CET AMI FACEBOOK QUI PARTAGE DES ARTICLES COMPLOTISTES Des dangers mortels du tofu (conçu pour empoisonner lentement les bonnes gens) au trucage de la finale de la Coupe du monde 1998 (pour faire repartir la croissance), ce garçon gobe tout. Mais grâce à l’expo de l’artiste et réalisateur Neïl Beloufa (Occidental, sorti le 28 mars dernier), qui interroge les modes contemporains de propagande, la raison lui reviendra.

: « L’Ennemi de mon ennemi » de Neïl Beloufa jusqu’au 13 mai au Palais de Tokyo Vue de l’exposition

POUR VOTRE BELLE-MÈRE QUI PREND ANDY WARHOL POUR DIEU En 1967 à New York, après un concert du Velvet Underground, elle a baragouiné trois mots à Andy Warhol. Il lui a souri, et le temps s’est arrêté. Depuis, elle a tout lu sur lui. Sauf peut-être ce livre, qui réunit les plus grands textes de Jonas Mekas, ce proche de Warhol qui, en plus d’être un cinéaste expérimental génial, était une grande figure de la critique ciné américaine des sixties.

: « Movie Journal » de Jonas Mekas (Marest Éditeur, 576 p.)

• JOSÉPHINE LEROY 12

© ANNABEL BRIENS 2018 ; FLASH PICTURES ; COURTESY DE L’ARTISTE ET GALERIE BALICE HERTLING (PARIS) – PHOTO : AURÉLIEN MOLE © ADAGP, PARIS 2018

: « Guy Maddin. Un cinéma hanté » de Laura Pardonnet (Marest Éditeur, 100 p.)



CHAUD BIZ

POPCORN

C’EST QUOI, LE MARCHÉ DU FILM ?

Le

– comme le veut la formule consacrée – avec Thierry Frémaux, le délégué général du Festival, il garde son droit de visite au Marché. En effet, avec quelque 1 400 projections organisées et 4 000 films ou projets proposés, cet événement est un incontournable de l’année pour trouver des partenaires pour un futur long métrage, découvrir de nouveaux talents, faire ses emplettes et éventuellement s’emparer du prochain succès du box-office. Netflix peut d’ailleurs en témoigner, c’est là-bas qu’il a, notamment, mis la main sur Divines, repéré bien avant que le film de Houda Benyamina n’obtienne sa Caméra d’or. Mais c’est le buzz critique et ce prix qui ont convaincu le géant de la S.V.o.D. de sortir le carnet de chèques pour l’acquérir et le diffuser dans le monde entier. Festival et Marché fonctionnent ainsi en symbiose. Dans le sous-sol du Palais des festivals, les différents stands des sociétés semblent rejouer la criée du matin sur le port. Cependant, les mains se serrent et les contrats se signent plutôt à l’extérieur, autour d’un verre dans une villa, un appartement ou sur la terrasse d’un café de la Croisette. Car, à Cannes, si le spectacle est sur les marches, le reste de la ville fait office de coulisses. • PERRINE QUENNESSON ILLUSTRATION : ÉMILIE GLEASON

Festival de Cannes, son tapis rouge, ses films, sa Palme, ses soirées… Mais ce chef-lieu du septième art est aussi la plaque tournante d’une industrie avec un chiffre d’affaires qui affiche le milliard de dollars. Cannes, ce sont d’abord des marches recouvertes d’un tapis rouge flamboyant que l’on passe en boucle à la télévision et dans les journaux. Stars et chanceux qui ont pu se procurer une place s’y bousculent pour avoir leurs quinze secondes de célébrité sous le crépitement des flashs et découvrir les films qui alimenteront la discussion du lendemain. Mais ceci n’est que la fraction émergée de l’iceberg cannois. Car, si la Palme d’or peut peser dans le parcours d’un long métrage, la véritable partie se joue sous et autour des marches. À l’instar de celui de Rungis pour les produits agricoles, Cannes est le plus grand marché du film au monde. Fondé en 1959, il réunit aujourd’hui quelque 12 000 accrédités, issus de 118 pays, allant du distributeur au producteur en passant par le vendeur international ou encore le programmateur de festivals. Ainsi, quand Netflix annonce qu’il retire ses films de la sélection cannoise pour cause de « différends irréconciliables »

La véritable partie se joue sous et autour des marches.

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Je t’aime...

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CANNES ET ¢, UNE HISTOIRE QUI ÉTAIT ÉCRITE D’AVANCE ¢, 1er partenaire de la création cinématographique en France, est fier de soutenir ceux qui font rayonner le cinéma. ¢, partenaire officiel du 71e festival international du film de CANNES.


LIO

RÈGLE DE TROIS

Décrivez-vous en 3 personnages de fiction. Insupportable et intrépide comme Scarlett O’Hara (dans Autant en emporte le vent de Victor Fleming, 1939). Naïve et humiliée comme Carrie (dans Carrie au bal du diable de Brian De Palma, 1976). Amoureuse et invincible comme Cléopâtre (dans le film de Joseph L. Mankiewicz, 1963). Le film que vous avez vu 3 fois ou plus. Dona Flor et Ses deux maris, un film brésilien de Bruno Barreto sorti en 1976, d’après le roman de Jorge Amado. Avec la brûlante Sônia Braga dans le rôle-titre et les chansons de Chico Buarque sur la bande-son. Et surtout avec la ville de Bahia. L’acteur ou l’actrice qui vous faisait fantasmer à 13 ans. Tomás Milián, un génial acteur cubain abonné aux rôles de révolutionnaires mexicains dans les westerns spaghetti.

Un film que vous avez arrêté au bout de 3 minutes. Je fais les choses à fond ou je ne les fais pas. Le pire des navets ne me fait pas peur. J’en rirai ou j’enragerai, mais j’en aurai pour mon argent, croyez-moi. 3 leçons de vie apprises grâce au cinéma. Les leçons de vie ne vont pas par trois. Il faut savoir au contraire choisir la bonne. Je prendrai la phrase prononcée par Sean Connery dans James Bond 007 contre Dr. No de Terence Young : « Shaken, not stirred. » Ce que James veut dire, c’est qu’un martini vodka doit être secoué, mais pas mélangé. Moi qui ai été secouée par la vie, je vous dis : secouée, OK, c’est nécessaire parfois, mais rien ni personne ne me mélangera. J’espère que vous comprenez. 3 réalisateurs morts ou vivants pour un dîner en tête-à-tête. Non, non, c’est à eux de se

© JANE WHO / CRAMMED DISCS HIRES

Dans un disque enchanteur, elle interprète en portugais, sa langue maternelle, des chansons douces et mélancoliques du compositeur brésilien Dorival Caymmi. Lio a répondu à notre questionnaire cinéphile par e-mail, mais sans se départir de son franc-parler. manifester et de m’inviter à dîner, pas à moi à minauder devant eux. Pour qui me prenez-vous ? 3 films qui ont marqué votre jeunesse. C’est une obsession, ce chiffre trois ? Vous m’énervez à la fin ! Allez, je vous donne trois héros de mon enfance : Charlot et Laurel & Hardy. Le film que vous regarderiez à 3 heures du matin une nuit d’insomnie. Casablanca de Michael Curtiz (1942). Mais pas à trois heures du mat’. À quatre heures, juste pour vous embêter. 3 films impertinents selon vous. J’en ai marre de votre questionnaire thématique. Il me donne envie de vous coller trois baffes.

• PROPOS RECUEILLIS PAR JULIETTE REITZER

— : « Lio canta Caymmi » (Crammed Discs)

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LE BRAS CASSÉ

TOFU CLANDESTIN

Chaque mois, les aventures d’un bras cassé du ciné. Lundi soir, en dépit de vives protestations, ta copine n’a rien lâché : samedi, tu l’accompagneras au cinéma mater un film japono-bulgaro-néo-zélandais. Au vrai, elle t’a fait une proposition impossible à refuser : soit la suivre dans cette aventure (à son nouveau boulot, tout le monde en parle comme d’un chef-d’œuvre), soit faire une croix sur le pyjama rose à l’effigie d’Oncle Xian (mentor légendaire de Jean-Claude Van Damme) en vente sur eBay (viré de ton travail, tu en es réduit à quémander des cadeaux pour assouvir tes passions secrètes). Dans ce cas-ci, il est question d’un effort mental hors norme : tu ne supportes que les films de 90 minutes, sans suspense aucun, avec un héros capable d’abattre une guêpe à Louisville (Kentucky) en tirant, à la sarbacane, d’une terrasse à Bezons (Val d’Oise). Au

moment d’aller se coucher, ta douce t’a balancé sur le front un journal encensant le film. La critique cosmique – certaines phrases étant uniquement composées d’adverbes et d’autres, simplement de conjonctions de coordination – parle de relativisme, de Bourdieu et de déterminisme : énorme suée, qui t’a poussé à t’enduire de lait demi-écrémé pour refroidir. Le jour J est arrivé à grande vitesse. Immense surprise : entré dans la salle comme un gamin promis à une circoncision, tu en es ressorti des étoiles plein les yeux. Le film : un couple de notaires aveugles qui cultive du tofu clandestinement dans son cabinet. Ta dulcinée, qui n’a rien compris, a crié à l’escroquerie la plus crasse. Tu lui as répondu qu’elle n’y connaissait foutrement rien et qu’au contraire le scénariste était un génie – ce dernier a nommé son héros, le maire du village, Xian. • RAMSÈS KEFI ILLUSTRATION : PIERRE THYSS

CINÉMA INDÉPENDANT FRANÇAIS ET AMÉRICAIN / DU 12 AU 19 JUIN LE BALZAC - GAUMONT MARIGNAN - LE LINCOLN PUBLICISCINÉMAS - UGC GEORGE V

2018

ÉQUIVALENCE QUADRI

CYAN 30 % MAGENTA 40 % JAUNE 70 %

NOIR 100 %


RÈGLE DE TROIS

PHOTO : ASTRID DI CROLLALANZA © FLAMMARION

JACK PARKER

Après un essai sur les menstrues (Le Grand Mystère des règles, Flammarion, 2017), l’auteure et blogueuse Jack Parker invite, dans Lettres à l’ado que j’ai été, une trentaine de personnalités à écrire leur missive au profit d’une association de lutte contre le harcèlement scolaire. 3 films que tu montrerais à l’ado que tu as été ? Je veux citer des films avec des meufs, parce que je n’en ai pas vu assez quand j’étais ado. The Lure d’Agnieszka Smoczyńska, une comédie musicale horrifique polonaise, avec des sirènes mangeuses d’hommes. Tragedy Girls de Tyler MacIntyre, un slasher avec deux gamines obsédées par la présence d’un tueur en série dans leur ville, et qui veulent en profiter pour passer à l’acte et se faire mousser sur les réseaux sociaux. Et It Follows de David Robert Mitchell, qui réunit tout ce que j’aime dans le cinéma d’horreur. L’acteur ou l’actrice qui te faisait fantasmer à 13 ans. Ce n’est pas original : Leonardo DiCaprio. Roméo + Juliette… ah… ça m’a cassé la gueule. Je pleurais la nuit devant son poster tellement j’étais triste de savoir que jamais je ne pourrais l’embrasser. C’était vraiment une souffrance

viscérale. Bon, quand je le vois aujourd’hui, ça va mieux. Avec sa petite gueule de minet et ses cheveux un peu gras. 3 films trop méconnus que tu aimerais faire découvrir. Nowhere de Gregg Araki. Je l’avais téléchargé à 16 ans, j’avais une insomnie, je n’étais pas bien, j’ai lancé ce truc-là, et ça m’a retourné la tête. Depuis, je l’ai vu une centaine de fois. Ensuite Ginger Snaps de John Fawcett, un film de loups-garous avec des femmes, une métaphore de la puberté. Et Jawbreaker, un film de Darren Stein avec Rose McGowan, qui fait partie de ces films culte des années 1990 que je remate sans m’essouffler. Avec trois meufs qui kidnappent leur meilleur ami pour son anniversaire, pour lui faire une blague, sauf que ça tourne mal. Le nom de mon blog perso, que je ne mets plus à jour, c’est une réplique de ce film : « I killed the teen dream. »

— : « Lettres à l’ado que j’ai été » sous la direction de Jack Parker (Flammarion)

— 18

Tes 3 scènes sanglantes préférées au cinéma ? Celle qui m’a le plus marquée, c’est la scène d’ouverture de Scream de Wes Craven, un de mes films préférés. Drew Barrymore se bat comme une démente pour s’en sortir, mais elle finit éventrée, pendue à un arbre. Ensuite, dans Hellraiser de Clive Barker, la résurrection de l’amant de la belle-mère de l’héroïne : le squelette sort du parquet, et au fur et à mesure il y a les ligaments, la chair et les muscles qui repoussent ; la scène est vraiment dégueulasse, dans le meilleur des dégueulasses qu’on puisse espérer quand on est fan de films d’horreur. Et ensuite, je dirais la scène d’ouverture de Blade de Stephen Norrington. Une vampire attire un humain dans une soirée. Il pense juste qu’il va pécho une bonne meuf, et il se retrouve entouré de vampires.

• PROPOS RECUEILLIS PAR JULIETTE REITZER



SCÈNE CULTE

POPCORN

NOUS NOUS SOMMES TANT AIMÉS  !

« Cela fait une éternité. »

C’est

un film sur le temps. Ce temps qui passe inexorablement, nouant et dénouant les destins d’Antonio, Gianni, Nicola et Luciana, érodant les utopies politiques et les illusions amoureuses. Pour imprimer ce passage des ans, Ettore Scola a recours à plusieurs méthodes : le noir et blanc fait place à la couleur, le maquillage vient rider les visages, chaque ellipse sonne le rappel de la fatalité. Et puis il y a le cinéma lui-même, qui rythme l’existence des personnages et cristallise leur rapport au monde dans une société en mutation. Entre une projection fondatrice du Voleur de bicyclette de Vittorio De Sica et un clin d’œil à L’Éclipse de Michelangelo Antonioni, on assiste au tournage de La dolce vita de Federico Fellini. La scène débute quand l’ambulance d’Antonio (Nino Manfredi), qui gagne sa vie comme brancardier, se fait arrêter aux abords de la fontaine de Trévise, où se prépare une autre scène culte du cinéma italien. Un mouvement de grue nous installe en surplomb : Antonio aperçoit Luciana

(Stefania Sandrelli) qui converse avec Marcello Mastroianni ; elle le remarque à son tour et sourit. « Cela fait une éternité », dit-elle. « Cinq ans en octobre », répond-il. Instant suspendu où les regards s’embuent, tandis que le beau Marcello s’efface dans le flou de l’arrière-plan. La caméra suit ensuite Fellini et sa cour de flatteurs, dont un colonel qui le confond avec Roberto Rossellini – une percée comique méta comme le film en regorge –, avant de revenir aux vieux amants, qui vont s’asseoir à l’écart. Ils se donnent des nouvelles, prévoient de se revoir, mais l’agent de Luciana arrive et une bagarre éclate entre les deux hommes. Sonné, Antonio se réveille à l’arrière de son ambulance. Le temps est écoulé, l’espoir s’est amoindri ; reste l’ironie du souvenir pour continuer à vivre… Jusqu’à la prochaine rencontre. • MICHAEL PATIN

— : d’Ettore Scola (1974), Tamasa (1 h 55) Sortie en version restaurée le 30 mai

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PHOTO : KARL COLONNIER © 2018 NORD-OUEST FILMS

NORD-OUEST PRÉSENTE

AVEC JACQUES BORDERIE, BRUNO BOURTHOL, GUILLAUME DRAUX, JEAN GROSSET, VALÉRIE LAMOND, OLIVIER LEMAIRE, MÉLANIE ROVER, SÉBASTIEN VAMELLE SCÉNARIO AVEC LA CHRISTOPHE ROSSIGNON ET PHILIP BOËFFARD CO-PRODUIT PAR VINCENT LINDON ET STÉPHANE BRIZÉ ET DIALOGUES STÉPHANE BRIZÉ ET OLIVIER GORCE COLLABORATION DE XAVIER MATHIEU BERTRAND BLESSING EVE FRANÇOIS-MACHUEL ÉRIC DUMONT ANNE KLOTZ ÉMILE LOUIS MARION PIN VALÉRIE SARADJIAN (ADC) ANNE DUNSFORD EMMANUELLE VILLARD, HERVÉ GUYADER

PRODUIT PAR MUSIQUE ORIGINALE

PRODUCTRICE EXÉCUTIVE

EN ASSOCIATION AVEC

IMAGE

MONTAGE

ASSISTANT RÉALISATEUR

SCRIPTE

DÉCORS

COSTUMES

SON

DIRECTION DE RÉGIE DIRECTION DE PRODUCTEUR UNE AVEC LA ASSOCIÉ PIERRE GUYARD COPRODUCTION NORD-OUEST FILMS, FRANCE 3 CINÉMA PARTICIPATION DE OCS, CINÉ+, FRANCE TÉLÉVISIONS CASTING CORALIE AMÉDÉO (ARDA) PRODUCTION CHRISTOPHE DESENCLOS GÉNÉRALE KIM NGUYEN POST-PRODUCTION JULIEN AZOULAY AVEC LA AVEC LE EN PARTENARIAT EN ASSOCIATION DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE SOUTIEN DE LA RÉGION NOUVELLE-AQUITAINE, DU DÉPARTEMENT DE LOT-ET-GARONNE, AVEC LE CNC AVEC DIAPHANA, MK2 LA BANQUE POSTALE IMAGE 11, COFINOVA 14 PARTICIPATION © 2018 NORD-OUEST FILMS – FRANCE 3 CINÉMA

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#EnGuerre

@diaphana

diaphana.fr


LE TEST PSYNÉPHILE

QUEL(LE) CONTESTATAIRE ES-TU ?

La dernière fois que tu as vu ton patron…

Ton dernier cauchemar ?

C’était derrière un rideau de fer, on ne sait jamais ce qui pourrait arriver…

Des fous déstabilisaient l’ordre mondial. Ah non, pardon ! c’est la réalité.

Ça ressemblait à l’attaque d’un ours, violente et abrupte.

Tu te transformais en mouche et tu te faisais gober par un T. rex.

POPCORN

C’est aussi rare que de croiser un dinosaure au Starbucks, alors bon… Quand tu es d’humeur volcanique…

Tu avais une barbe de hipster roux et tu chassais des phoques. Que penses-tu du monde actuel ?

Ben, boum ! tu exploses.

C’est un royaume déchu.

Tu perds le nord et tu restes prostré(e).

Tu ne sais plus, tu es à l’ouest.

Tu te tais et ça devient une affaire d’État. Les relations avec tes collègues sont…

Tu préfères t’en tenir éloigné(e). Quel effet te fait le printemps ?

Polaires, ils t’ignorent…

Il te ramène à tes instincts primitifs, grrrr !…

Dignes du Cercle des poètes disparus.

Il te fait fondre dangereusement.

Unilatérales, tu en as marre d’avoir toujours raison.

Il a le doux parfum de l’insurrection.

SI TU AS UN MAXIMUM DE : TU ES UN MOUSTACHU ÉNERVÉ Au premier bourgeon, ton esprit révolutionnaire s’éveille, et l’envie de paralyser le pays te démange. Tu es comme les jeunes héros de La Révolution silencieuse (sortie le 2 mai) : idéaliste, épris(e) de liberté, bombardé(e) par des afflux massifs d’hormones. Tu vas adorer le dernier film de Lars Kraume. Beau, fort, romanesque, il est une magistrale piqûre de rappel sur la nécessité de s’engager. À voir et à montrer.

TU ES UNE PLANTE VERTE Tu ne te poses pas trop de questions dans la vie. Anders, le héros morne d’Une année polaire (sortie le 30 mai) est comme toi. Pour lui, l’insurrection est une idée vague. Lorsqu’il décide de prendre une année sabbatique, où part-il ? Dans un petit hameau inuit, et ça ne se passe pas tip top. Tu seras charmé(e) par ses aventures dans les fjords immaculés, parce que le film de Samuel Collardey trace un sillon fragile et gracieux.

TU ES UN REBELLE MUSCLÉ La révolte, c’est ton truc. Tu as des convictions, des muscles, une jolie pépée à tes côtés. Des T. rex ? Même pas peur. Une île remplie d’animaux préhistoriques en liberté ? Pfff ! Sérieux, peut mieux faire. Allez… Un petit indoraptor, un volcan qui entre en activité ; que diable, donnez-moi du challenge ! Antonio Bayona a fait Jurassic World. Fallen Kingdom (sortie le 6 juin) en pensant à toi, toujours d’attaque pour en découdre.

• LILY BLOOM — ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL 22


LE 16 MAI


TROIS IMAGES

LA MORT DANS LA PEAU Avec Death Wish, remake d’Un justicier dans la ville (Michael Winner, 1974), Eli Roth fait ressurgir la figure de l’ange de mort. Retour sur quelques-unes de ses apparitions au cinéma.

© D. R.

© D. R.

Willis en capuche grise dans Death Wish succède à Charles Bronson dans le rôle de Paul Kersey, ce père de famille que le deuil métamorphose en vigilante. Après Hostel et Green Inferno, Eli Roth poursuit sa traversée des enfers via le cinéma d’autodéfense, mais son nouveau film sort dans un climat peu propice à l’apologie de la vente libre des armes à feu (deux mois après la tuerie de Parkland, en Floride, et ses dix-sept lycéens morts). Projet sulfureux qui a effarouché Sylvester Stallone et Liam Neeson, pur hommage au cinéma viscéral des seventies, Death Wish se délecte à produire, à vide, un incessant spectacle de mort. Dans Le Septième Sceau (1957), une créature inventée par Ingmar Bergman et l’acteur Bengt Ekerot personnifie la mort : un homme avec un maquillage de clown blanc dans une tenue d’inspiration monacale. Ciel nuageux, récifs, mer agitée, pèlerine et voile noirs d’où se détache la blancheur immaculée d’une figure. Avec une brutalité désarmante, le plan suivant nous le révèle ridé et cerné. Car la mort, chez Bergman, arpente un monde sans Dieu. Et l’acteur qui porte ce masque a le temps de jouer aux échecs avant d’effectuer sa mission funeste. La troisième image, comme combinaison des deux premières, est celle d’un adolescent dans un déguisement de squelette recouvert d’un hoodie gris, hanté par des visions d’apocalypse. Jake Gyllenhaal joue Donnie Darko (2001) et il affronte les angoisses collectives d’un nouveau siècle. Richard Kelly, comme David Lynch avec Twin Peaks, transforme le lycée en un théâtre hanté par la pulsion de mort et nous rappelle que, dans la mythologie grecque, Thanatos est le fils de Nyx, la déesse de la nuit, et le frère jumeau d’Hypnos, le dieu du sommeil. • CHARLES BOSSON

— : « Death Wish » d’Eli Roth

(Paramount Pictures, 1 h 49) Sortie le 9 mai

© D. R.

POPCORN

Bruce

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L’ŒIL DE MIRION MALLE

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LA VIE REPREND TOUJOURS SES DROITS

LE 6 JUIN JurassicWorld-lefilm.com

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LE NOUVEAU

POPCORN

GRÉGOIRE BEIL

Accoudé

au comptoir d’un bar, Grégoire Beil affiche une mine pensive. Il a réalisé Roman national, un documentaire présenté fin mars au festival Cinéma du réel qui montre des ados se filmant en direct via l’application Periscope avant, pendant et après l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice. « Ça a été une vraie question de montage : si tu mets ces images trop tôt, ça contamine le film ; en conclusion, ça ne sonne pas juste. » Quand on lui demande ce qui l’a mené à ce premier film, il se dérobe, presque rétif à l’idée de parler de lui (« J’ai rien fait d’important, que des petits boulots alimentaires… »), puis confie stocker sur son ordi des images chopées sur

le Net : « J’archive pas mal. Sur Periscope, j’enregistrais ce que je voyais machinalement, jusqu’à ce que les jeunes m’apparaissent comme des personnages. » Emballé par les réseaux sociaux, scènes de théâtre 2.0 (« Tout le monde ne peut pas faire un monologue de 30 minutes rythmé et cadré »), ce trentenaire n’imaginait pas passer d’un écran d’ordinateur à ceux des cinémas. Désormais, il s’autorise à rêver septième art. • JOSÉPHINE LEROY PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA

— : « Roman national »

de Grégoire Beil

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GEKO FILMS PRÉSENTE


BOBINES

EN COUVERTURE

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LACOSTE CHEZ HONORÉ

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BOBINES

FIÈRE ALLURE

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LACOSTE X HONORÉ Christophe Honoré revisite ses années 1990 en imaginant la relation fiévreuse, à distance et tout en allers-retours Rennes-Paris, d’Arthur, un étudiant breton épris de littérature (Vincent Lacoste, double fantasmé d’Honoré, qui tient ici son plus beau rôle), avec un écrivain parisien qui se sait condamné par le sida, Jacques Tondelli (intense Pierre Deladonchamps). Plaire, aimer et courir vite, en Compétition à Cannes, en est une nouvelle preuve éclatante : le cinéma de Christophe Honoré sait avoir le cœur lourd tout en restant toujours leste, vif, ardent. Dans le café où ils se sont rencontrés pour la première fois, on a réuni le cinéaste et son alter ego.

Vincent Lacoste : À vrai dire, je ne les connaissais pas vraiment, ou alors seulement de nom. Je les ai découverts grâce à Christophe. Pendant le tournage, j’ai surtout lu Hervé Guibert, et j’ai trouvé ça très sombre. J’ai vu ses livres comme un témoignage de cette époque que j’ai à peine connue. Moi, en 1993, j’étais dans le berceau. Christophe m’a ouvert à eux sans m’en parler frontalement : je voyais bien que ces auteurs faisaient partie de l’imaginaire d’Arthur parce qu’il a des affiches dans sa chambre, il se rend sur leurs tombes… Il y a un rapport d’admiration que je trouve assez joli. Le personnage, en fait, c’est un peu toi… Christophe Honoré : Ce qui est marrant, c’est que ça n’a jamais été vraiment explicite entre Vincent et moi. Ça aurait été atroce si je lui avais dit : « Mon petit gars, tu vas être moi à 20 ans. » D’une, je pense qu’il aurait refusé le rôle ; et ensuite, comme on ne se connaissait pas, je ne me serais pas permis cette proximité. Ce qui était plus étonnant, c’était de l’amener sur les lieux de ma jeunesse, à Rennes et à Paris. C’était plus intéressant, car je ne voulais pas lui faire porter le poids de ces œuvres-là. Moi, je n’avais pas un rapport solennel avec elles, c’était plutôt sentimental. Quand je suis bien dans un livre ou dans un film, j’ai l’impression d’être aimé par le livre ou le film en question. Christophe, dans votre dernier livre, Ton père (lire l’encadré p. 36), vous évoquez le moment de votre arrivée à Paris en ces termes :

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BOBINES

Hervé Guibert, Bernard-Marie Koltès… Vincent, avant le tournage, ces écrivains vous étaient familiers ?


BOBINES

EN COUVERTURE

« L’époque où je croyais que je venais voir, alors que je venais m’abandonner. » C. H. : Quand j’étais étudiant à Rennes et que je rêvais de monter à Paris pour faire du cinéma, mon adoration pour certains écrivains ou cinéastes dépassait le simple fait de bien aimer leurs livres ou leurs films. J’ai l’impression que, bien que ça paraissait impossible, j’espérais qu’ils tombent amoureux de moi. Quand on a 20 ans et qu’on se passionne pour des œuvres, on ne sait jamais dans quelle mesure c’est l’expression de notre goût ou bien si ça révèle une identification très forte avec les artistes qui les ont conçues. On a cette envie un peu folle d’appartenir à leur vie. Vous avez aussi écrit que vos modèles artistiques de l’époque (Jean-Luc Lagarce, Hervé Guibert, Jacques Demy…) se rangeaient tous du côté de la mort – ils ont été emportés par le sida. Comment cela a marqué votre existence et votre rapport à la création ? C. H. : C’est très étrange de s’attacher à ces gens-là. Quand vous les lisez ou voyez leurs films à 15-20 ans, que vous êtes homosexuel, provincial, et qu’ils vous initient à la fois à la littérature et au théâtre, vous rêvez de leur vie plus libre, plus séduisante. Puis, très vite, vous apprenez leur mort. C’est comme si l’énergie, l’élan qu’ils vous donnaient, on vous en privait brutalement. On peut le vivre comme un rappel à l’ordre, ou bien on pense que c’est une destinée qu’on va partager avec eux d’une manière presque inéluctable… Quand je suis arrivé à Paris et que j’ai commencé à publier, vers 1995-1996 [il est auteur de livres pour la jeunesse – Tout contre Léo, Bretonneries… –, de romans – L’Infamille, Le Livre pour enfants –, mais aussi dramaturge – Les Débutantes, Nouveau roman –, ndlr], j’aurais tellement aimé pouvoir payer ma dette envers ces gens qui m’avaient donné le désir de créer – même s’ils n’auraient pas forcément été bienveillants envers moi ; si ça se trouve ils auraient trouvé ça abominable, ce que je faisais. V. L. : Je pense pas, quand même… C. H. : À l’inverse, quand on commence à travailler, on a parfois besoin de se construire contre ses modèles de jeunesse. Là, comme ils étaient morts, je ne pouvais même pas. Cette absence, j’ai le sentiment qu’elle marque très fortement l’identité et la valeur de mon travail, en littérature ou en cinéma. Quand Arthur débarque pour la première fois à Paris, il veut assister à une réunion d’Act Up, et visiter une expo à Beaubourg. Vous,

Pierre Deladonchamps et Vincent Lacoste

Christophe, vous vous souvenez des premières choses que vous vouliez y voir ou y faire ? C. H. : Je suis arrivé à Paris à 24 ans. C’est une chance : tous les excès de l’adolescence, je les ai vécus en Bretagne où on est assez protégé. Donc j’étais surtout boulimique de musées… J’étais fasciné et intimidé, je me demandais si j’étais vraiment légitime pour entrer dans tous ces lieux de culture… Le tout premier jour, je suis aussi allé aux Cahiers du cinéma pour déposer un CV. V. L. : Direct, en sortant du train ? C. H. : Oui, j’avais tellement mal au ventre, je suis passé dix fois devant avant de me décider. Serge Toubiana m’a contacté peu de temps après, il voulait bien me rencontrer… [Il a ensuite écrit aux Cahiers pendant plusieurs années, ndlr.] Quand on a une vingtaine d’années, vous pensez qu’on vit Paris différemment selon qu’on y soit né ou qu’on vienne d’ailleurs ? V. L. : Par rapport à ce que tu viens de dire, pour le coup, moi qui suis né à Paris, c’était très différent. Petit, j’avais des sorties scolaires à Beaubourg, à l’Opéra Garnier…

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BOBINES

LACOSTE X HONORÉ

FOUS DE VINCENT Dans Plaire, aimer et courir vite, Vincent Lacoste met son humour distrait et sa voix grave au service des dialogues ciselés de Christophe Honoré. La rencontre fait des étincelles et propulse l’acteur de 24 ans, qui a décidément bien grandi depuis sa révélation dans Les Beaux Gosses de Riad Sattouf en 2009, en bonne place pour le Prix d’interprétation à Cannes. Cheveux coupés court, veste en cuir près du corps, il est exceptionnel dans le rôle d’Arthur, un étudiant breton pressé de vivre, impatient surtout de monter à Paris pour rejoindre l’écrivain dont il est amoureux. Les choses s’accéléreront dès la rentrée pour le comédien, que l’on retrouvera dans Deux fils de Félix Moati, et surtout les très attendus Première année de Thomas Lilti (qui l’avait déjà dirigé dans le très bon Hippocrate en 2014) et Amanda de Mikhaël Hers (Memory Lane, Ce sentiment de l’été). Vincent à la cote et va la garder. • J. R.

Très tôt, mes parents m’ont beaucoup emmené dans les musées, au cinéma. Il y a un éveil culturel énorme… Je pense qu’aujourd’hui, mine de rien, c’est plus la littérature qui est difficile d’accès, s’y intéresser demande un vrai effort. Vincent, dans le film, il y a l’idée de la jeunesse qui vit avant tout pour des moments intenses. Ça vous parle ? V. L. : Oui, carrément. C’est un peu ça qui caractérise la jeunesse : l’envie de vivre vite. C’est aussi mon cas. En tournage, on vit

énormément de choses pendant deux mois, et ensuite ça s’arrête. Le temps passe très vite. Surtout pour un acteur, par rapport à un réalisateur qui passe parfois plus d’un an à écrire. C. H. : Surtout toi, ta jeunesse a été transformée par le fait de faire du cinéma. Avant d’aborder le tournage, vous aviez quelles images des années 1990 en tête ? V. L. : Ma naissance, uniquement. C. H. : C’est l’événement le plus important des années 1990.

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BOBINES

EN COUVERTURE V. L. : Ça fait peu de temps que cette période est représentée au cinéma. J’avais plutôt à l’esprit des images de films américains, de David Lynch et de Jim Jarmusch notamment. C. H. : On commence à y arriver, parce que des auteurs qui ont aujourd’hui 40 ans se mettent à raconter leur jeunesse… En tout cas, ce ne sont pas des années faciles à fétichiser : elles sont peu marquées par les modes vestimentaires ou des styles architecturaux. Pour recréer cette époque, je ne voulais pas passer par la reconstitution : je pensais qu’une couleur suffirait à en évoquer l’ambiance. Je ne sais pas très bien pourquoi mais c’était ma période bleue. Donc avec le chef opérateur, Rémy Chevrin, on a décliné toutes les atmosphères autour du bleu. V. L. : C’est marrant d’attribuer une couleur à une époque. C. H. : C’est assez agréable parce qu’on échappe au cliché, il y a un côté flottant. Ce caractère-là se retrouve un peu chez les gens de ma génération. C’est comme si notre jeunesse n’était pas historiquement ou esthétiquement cernée. On a eu un peu de mal à trouver notre place : on s’est dit qu’on arrivait après tel écrivain, avant tel cinéaste. Je pense que c’est parce que le sida a détruit quelque chose des années 1990, ça a amené une sorte de désolation dont on a finalement assez peu parlé jusqu’à maintenant. Beaucoup de témoins de l’épidémie ne prennent d’ailleurs la parole qu’aujourd’hui, comme Robin Campillo avec 120 battements par minutes. C. H. : C’est comme s’il avait fallu laisser passer une vingtaine d’années pour enfin composer avec ces années-là. Ceux qui ont survécu ou échappé au sida ont laissé la priorité aux récits à la première personne, aux tragédies personnelles.

Hervé Guibert avait réalisé un film en forme de journal intime intitulé La Pudeur ou l’Impudeur. Christophe, comment vous vous débrouillez avec ces notions de pudeur, d’impudeur, dans un film comme celui-ci, très autobiographique ? C. H. : Je ne suis pas très doué pour l’impudeur ; en tout cas pour ce qui concerne la représentation de la sexualité dans le film… En revanche, je suis attaché à une certaine loyauté, à une discipline de vérité sur ce que je peux raconter. À propos de ça, il peut vite y avoir des procès en impudeur. Je crois que c’est quand on est au plus près de soi qu’on atteint une sorte de noyau partagé par tout le monde. Car soudain on parle de choses simples, brutes. J’ai surtout ressenti ça avec Les Chansons d’amour, qui s’inspirait d’une histoire très intime qu’on a vécue avec le compositeur Alex Beaupain [une partie de l’intrigue s’inspire de la perte d’un être cher qu’ils avaient en commun, ndlr]. De mes films, c’est celui que les gens se sont le plus approprié. V. L. : Pour Plaire, aimer et courir vite, Christophe ne nous a jamais dit ce qui s’était réellement passé dans sa vie. C’est toujours resté un film. C. H. : À un moment, j’oublie que le film repose sur des souvenirs, il devient absolument romanesque. C’est précisément pour cette raison que je peux me permettre d’être personnel. Vincent, on ne vous avait jamais vu dans des scènes aussi sensuelles. Ça a été difficile de se mettre autant à nu ? V. L. : Au départ, ça ne me faisait pas vraiment peur. Puis, plus le moment de tourner ces scènes approchait, plus je me demandais comment ça allait se passer… Christophe a quand même l’art de mettre à l’aise, de ne jamais forcer personne. Ces séquences étaient très chorégraphiées, donc on savait

PÈRE ET GAY, GUERRE ET PAIX Dans Plaire, aimer et courir vite, Christophe Honoré se projette autant dans le personnage d’Arthur que dans celui de Jacques, écrivain gay et père d’un petit Loulou, qu’il élève avec une amie. Dans son autoportrait romancé Ton père (Mercure de France, 2017), Honoré se livre déjà sur son expérience de la paternité, sur l’homophobie ressentie face à cette situation, et sur sa condition d’intellectuel homosexuel – le livre est parsemé de photographies de ses idoles de jeunesse emportées par le sida, Hervé Guibert, Cyril Collard, Derek Jarman… « Le livre et le film sont deux projets très liés. Mon idée était déclinable en trois formes : un récit à la première personne sur le fait d’être père ; ce film qui me permettait de vivre par l’acting le lien que j’aurais rêvé d’avoir, étudiant, avec un écrivain aimé et admiré ; et enfin une pièce de théâtre intitulée Les Idoles, actuellement en répétition, où je fais revivre six créateurs – Lagarce, Daney, Demy… – en interrogeant la manière dont le sida a bouleversé leur œuvre. » Trois médiums, trois manières d’être personnel. • Q. G.

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LACOSTE X HONORÉ

« À un moment, j’oublie que le film repose sur des souvenirs, il devient absolument romanesque. » CHRISTOPHE HONORÉ

ce qu’on devait faire. En réalité, ce genre de scène peut être très joyeux et agréable à faire, sans ambiguïté. C. H. : Dans le scénario, ces scènes sont écrites de manière plus explicite que ce qu’on voit à l’écran. Ça peut faire peur. Mais, en général, j’essaye d’être rassurant : je fais en sorte que l’équipe technique soit plus légère que d’habitude sur le plateau, je fais très peu de prises, et je mime moi-même ce que doivent faire les acteurs… En général, je n’aime pas quand les scènes de sexe deviennent le prétexte à des performances. Je ne veux pas que les comédiens donnent tout. En revanche, j’étais très attaché à ce que le personnage d’Arthur soit érotiquement attractif. V. L. : Du coup, j’ai fait un peu de sport pour être à l’aise. C. H. : On a beaucoup travaillé sur les habits, la silhouette de Vincent. Je lui ai aussi demandé qu’il se coupe les cheveux ou que, du moins, il les aplatisse. V. L. : Scandale ! C. H. : C’était important qu’il sente que son corps était déjà dans la fiction. V. L. : Il a même donné un parfum à chacun des comédiens, qu’on devait porter pour le tournage.

C. H. : J’aimais bien cette idée qu’ils se disent que leur peau ne sente pas comme d’habitude et qu’ils pouvaient donc la montrer autrement. Pour vivre leur relation entre Rennes et Paris, Arthur et Jacques sont obligés d’en passer par les lettres, les cabines téléphoniques. Paradoxalement, vous touchez à quelque chose d’assez contemporain, notamment sur les relations à distance aujourd’hui favorisées par la multiplicité des moyens de communication. C. H. : Pier Vittorio Tondelli – qui donne son nom au personnage joué par Pierre Deladonchamps – a écrit un roman que j’adore qui s’appelle Chambres séparées, sur une histoire d’amour vécue dans la distance. C’est l’une des idées formelles importantes du film : les personnages partagent un amour profond mais ont très peu de scènes ensemble. Effectivement, c’est très actuel. Ce qui a changé, selon moi, c’est le rapport au temps. Avant, quand on attendait un appel de la personne aimée, on n’était pas en même temps en train de faire autre chose avec nos amis. Aujourd’hui, ce qui caractérise un peu nos vies, c’est que

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BOBINES

Pierre Deladonchamps et Vincent Lacoste


LACOSTE X HONORÉ

Vincent Lacoste et Pierre Deladonchamps

BOBINES

tout peut se passer au même moment. On peut être en plein repas de famille et envoyer des textos de cul à quelqu’un. Vincent, certains dialogues sont très littéraires. Comment vous les avez appréhendés ? V. L. : J’aime bien quand il y a plein de texte. Quand il y en a peu, je ne sais pas vraiment quoi faire. Bon, sinon, je mets énormément de temps pour l’apprendre. Le monologue où je suis sur le canapé avec Pierre Deladonchamps et Denis Podalydès, j’ai mis trois jours à le bosser. C. H. : Ce qu’il y a de très étonnant chez Vincent, c’est que c’est un des rares comédiens qui apprend l’ensemble du scénario avant le premier jour du tournage. V. L. : Oui, parce que je ne sais jamais comment aborder un rôle. Je suis assez anxieux avant qu’on commence à tourner. La seule manière de me soulager, c’est d’apprendre par cœur comme à l’école – même si, à l’école, ça ne marchait pas vraiment. Là, c’était très agréable d’avoir des dialogues aussi bien écrits par Christophe. Même si ce n’est pas lui qui parle, on rentre tout de suite dans son univers quand on les entend. C’est pour ça qu’il faut bien respecter le texte. C. H. : En même temps, je ne vous emmerde pas trop quand vous voulez le changer. V. L. : Non, c’est vrai. Dans tous vos films, Christophe, il y a des dialogues porteurs d’une certaine gravité, ou cruauté, qui sont dits par les comédiens avec la plus grande nonchalance. C. H. : C’est aussi un peu le style de jeu de Vincent…

V. L. : J’aime beaucoup ça dans tes films. Tu racontes des choses dures, mais, pour autant, il n’y a pas d’esprit de sérieux. C’est quand même le problème dans énormément de films : le fait d’être toujours premier degré, sans aucun humour. Je trouve ça beaucoup plus fin quand une émotion forte arrive de manière légère. Dans la séquence où Arthur annonce à ses amis bretons qu’il quitte Rennes pour Paris, l’un d’eux prononce cette citation de Koltès (tirée de sa pièce de 1987, Dans la solitude des champs de coton) : « La vraie et terrible cruauté est celle de l’homme ou de l’animal qui rend l’homme ou l’animal inachevé… » Comment cette idée d’inachèvement résonne-t-elle avec votre cinéma ? C. H. : C’est une phrase qui m’a aidé, sur laquelle j’ai construit beaucoup de réflexions personnelles. Au cinéma, j’aime l’idée de ne pas miser sur la maîtrise. Je fais très peu de prises, par exemple, ce qui est déroutant pour des gens comme Vincent qui sont habitués à l’inverse. C’est l’idée d’être sur une surface un peu tremblante. Ce n’est pas de la désinvolture, c’est même l’inverse. Je pense que la vie reste là tant qu’on ne fait pas trop cinéma.

• PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET PHOTOGRAPHIES : PALOMA PINEDA — : « Plaire, aimer et courir vite » de Christophe Honoré Ad Vitam, 2 h 12 Sortie le 10 mai

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S’ILS VOUS ENTENDENT, IL EST DÉJÀ TROP TARD.

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LE 20 JUIN AU CINÉMA

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PORTRAIT

BOBINES

CORPS ET ÂME

Avec son physique accidenté et sa voix rauque, Javier Bardem a toujours détonné. L’Espagnol aurait sans doute pu se contenter de capitaliser sur son image de play-boy latino ultra viril façonnée chez Pedro Almodóvar et Bigas Luna dans les années 1990, mais sa soif de défi l’a conduit plus loin. Si bien qu’il est devenu omniprésent, slalomant aujourd’hui entre blockbusters et films d’auteur tels que le drame Everybody Knows d’Asghar Farhadi, en Compétition à Cannes. 40


JAVIER BARDEM

On

« J’ai une manière émotionnelle d’envisager les rôles. Je suis un acteur impulsif. » place pour les stars comme Ronaldo. Dans le rugby, chaque membre de l’équipe a la même importance et doit travailler dur. Voilà une idée que j’aime bien garder en tête, sur les tournages comme dans la vie. » Au-delà de son éthique, le sport aura aussi eu un impact sur sa manière très physique d’envisager l’interprétation. « Le langage corporel en dit long sur nous. C’est aussi la partie du travail qui me donne le plus de plaisir : trouver la voix, la démarche, le look… La joie et le fun se trouvent là pour un acteur. Par ailleurs, c’est aussi une façon de me rappeler que je joue quelqu’un d’autre. Je ne suis pas en train de me jouer moi-même, encore et encore – ce serait si ennuyeux… » Court silence. « Du moins j’essaie ! » • ÉRIC VERNAY

à des lieues du clinquant de ses personnages. Regard sagement contenu dans de petites lunettes rectangulaires, attitude aussi modeste et peu excentrique que possible. Le magnétisme est bien là, mais cette réserve d’étudiant studieux peut surprendre de la part d’une star si populaire et respectée, dont la filmographie multirécompensée aligne des noms aussi prestigieux que Pedro Almodóvar, Miloš Forman, Terrence Malick, Alejandro González Iñárritu, Michael Mann, les frères Coen ou Woody Allen.

HARD CORPS

« Parfois j’échoue, parfois pas, résume l’acteur, mais j’essaie de garder en ligne de mire mon authenticité devant la caméra. S’il y a bien une chose qui n’a pas changé depuis mes débuts, c’est celle-là : je ne prends jamais rien pour acquis. Certes, j’ai appris quelques trucs techniques en vingt-cinq ans de métier, mais quand j’entends “action”, je ressens la même peur, la même insécurité qu’à l’époque de Talons aiguilles. Comment faire ceci ? Pourquoi je fais cela ? On doit répondre à ces questions pour rendre un travail honnête. » Dans cette quête d’authenticité, la référence ultime de Bardem se nomme Al Pacino. Ses

— : « Everybody Knows » d’Asghar Farhadi

Memento Films (2 h 12) Sortie le 9 mai

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BOBINES

yeux étincellent quand il se remémore son choc devant Un après-midi de chien. « Le réalisme, la présence physique et la créativité de Pacino, alors qu’il était si jeune dans le film de Sidney Lumet, sont extraordinaires. Ce n’est pas commun de voir une texture de jeu si subtile. Et j’ai fini par le rencontrer ! C’est quelqu’un de très humble et généreux… » Humilité, voilà un mot qui résonne fort dans la bouche de Bardem, et qui se traduit dans une vision lucide, voire sévère, de lui-même : « J’ai une manière émotionnelle d’envisager les rôles, totalement non intellectuelle. Je suis un acteur impulsif. Je ne suis pas très bon quand il s’agit de réfléchir. » Plus jeune, ce fils d’une actrice de théâtre ne se destinait pas à la comédie, mais à la peinture. S’il devait être portraituré par un maître ? « J’aimerais dire Michel-Ange, mais ce serait plutôt Francis Bacon ! » Avant d’agiter les pinceaux, l’adolescent madrilène brillait aussi sur les terrains de rugby. « C’est un travail d’équipe, très différent du football où il y a surtout de la

s’attend à rencontrer un monstre de charisme un peu intimidant tant, au cinéma, Javier Bardem ne nous a pas habitués à l’eau tiède. Durant ses presque trente ans de carrière, l’acteur, né aux îles Canaries en 1969, n’a cessé de proposer des performances spectaculaires. Aux rôles de monsieur Tout-le-monde, il préfère les toreros sexy (Jambon, jambon), les psychopathes, si possible coiffés n’importe comment (No Country for Old Men, Skyfall), les bourreaux des cœurs (Vicky Cristina Barcelona), les handicapés lourds (Mar adentro) ou les voyants (Biutiful). Ces derniers mois, on a ainsi pu admirer Bardem en méchant mort-vivant dans Pirates des Caraïbes. La vengeance de Salazar, en poète narcissique chez Darren Aronofsky (Mother!) et en baron de la drogue dans Escobar, aux côtés de Penélope Cruz, son épouse depuis 2010 (avec qui il partage aussi l’affiche d’Everybody Knows). Le Bardem qui nous serre la main dans un grand hôtel parisien est


INTERVIEW

BOBINES

LEURRE DE VÉRITÉ

François Damiens, qui navigue en tant qu’acteur entre succès populaires (La Famille Bélier, Le Petit Spirou) et cinéma d’auteur (Suzanne, Tip top), revient à ses premières amours, les caméras cachées. Dans son premier long métrage, Mon ket, il enrobe ses canulars acides d’une extravagante fiction. Il plonge son personnage de taulard alcoolo et bourru dans un bain documentaire pittoresque à la Strip-tease, au contact de vrais Belges complètement éberlués. Rencontre avec le maître de l’embrouille – dans ce qu’elle a de plus tendre et corrosif. 42


Vous êtes dans quel état quand vous faites une caméra cachée ? Je suis libéré mais concentré. J’ai le personnage aussi : je sais où il est né, ce qu’il a dans les poches… Je suis surtout focalisé sur la personne que je vais piéger. Les premières minutes, j’écoute : ce n’est pas du tout spectaculaire, ça ne fait pas rire. Et puis, tu vois, à un moment, je décèle une brèche et je rentre dedans. Il faut vraiment prendre le temps de l’approche. En fait, c’est comme au restaurant, tu ne sers pas un carpaccio à quelqu’un qui n’aime pas la viande froide. Ce personnage de Dany, fugitif qui cherche à renouer avec son gosse, il vient d’où ? Ce genre de grande gueule fracturée, en Belgique on les appelle des « barakis ». Ce sont des types qui ne sont ni au-dessus ni en dessous des lois : ils sont à côté. Ce sont des cow-boys toujours occupés à préparer un nouveau coup. Ils n’ont aucun complexe, ils ne sont impressionnés par personne. Ils sont fatigants à côtoyer, ils prennent énormément de place, mais bizarrement on a envie que ça marche pour eux. Vous en avez rencontré beaucoup, des types comme ça ? Oui, et je peux les regarder pendant des heures. Quand j’étais petit, il y avait un garagiste comme ça, que connaissait mon oncle. Chaque jour après l’école, j’allais chez lui, il me fascinait. Quand je lui disais « quoi ? », il me répondait : « C’est les canards qui disent “quoi” ! » Il avait pas dû recevoir assez d’amour, alors il avait une sorte d’aigreur, il était en rébellion contre la société. Christian Brahy, un de mes complices qui joue Parrain dans Mon ket, est aussi un peu comme ça. Justement, comment avez-vous imaginé la petite famille de Dany ? Vu que Dany est toujours en prison, il fallait une autorité parentale pour s’occuper de son gosse. Et donc, Parrain, c’est un grand-père pour le petit, et un père pour Dany. Dans la vraie vie, Christian est couvreur, il a cent vingt personnes qui bossent pour lui. C’est le président du club de foot de Namur, aussi. C’est le patron, quoi… Je trouvais ça bien qu’il s’occupe du fils, Sullivan. Lui, je voulais qu’il soit un peu comme Rod Paradot, qu’il soit sage mais qu’on sente qu’il a un potentiel de future petite crapule. Donc on lui a fait une

petite queue de rat. Il fallait qu’il soit assez jeune, 10-12 ans, pour que ce soit choquant quand son père l’amène au tabac pour l’obliger à fumer des clopes. Dans le film, Dany a plusieurs petites amies. À un moment, l’une d’entre elles le présente à ses vrais parents, et il leur balance qu’il a fait disparaître son ex-femme parce qu’« elle devenait gênante »… Quand on piège des gens, quelle est la limite dans l’outrance pour ne pas être découvert ? J’essaye d’être délicat dans mon indélicatesse, je ne veux pas être irrespectueux. Je peux être vulgaire mais il faut que ça reste attendrissant. Pour cette séquence, on a mis des annonces dans la presse : on demandait à des filles célibataires entre 25 et 45 ans qui avaient encore leurs deux parents si elles aimeraient participer à un documentaire. J’en ai choisi une dizaine, elles m’ont expliqué leur relation avec leur mère, leur père… Six mois après, on les a rappelées pour qu’elles disent à leurs parents qu’elles avaient rencontré quelqu’un. Quinze jours avant le tournage, elles leur ont annoncé : « Mon petit ami, Dany, aimerait vous rencontrer. » Et là, ils tombaient sur le mastodonte. En cinq minutes, il leur dit qu’il s’est échappé de prison, qu’il a demandé leur fille en mariage, qu’elle est peut-être enceinte et qu’ils vont devoir témoigner en sa faveur au tribunal. Là, dans leur tête, il y a toute leur vie qui repasse. Comment réagissent les gens que vous piégez quand on leur annonce la supercherie ? Ce n’est pas moi qui l’annonce. C’est plus facile quand quelqu’un d’extérieur le fait, avec beaucoup de psychologie et de tact. En général, les gens ressentent le besoin de parler de moi, de dire : « Il n’a pas le droit de dire ça, de faire ça. » Ils exorcisent, quoi. Quand le sentiment d’hébétude est retombé, je viens leur parler, on boit un café. Ils sont rassurés, mais ils ont besoin de me raconter encore ce qu’ils ont vécu.

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BOBINES

FRANÇOIS DAMIENS


FRANÇOIS DAMIENS

BOBINES

« J’essaye d’être délicat dans mon indélicatesse. Je peux être vulgaire, mais il faut que ça reste attendrissant. » La manière à la fois brute et pleine d’humanité dont vous révélez les travers et bizarreries de ces gens évoque un peu la démarche de l’émission de télévision belge Strip-tease. Au-delà de l’humour, avez-vous des velléités documentaires ? Benoît Mariage, qui a coréalisé le film avec moi, travaillait comme réalisateur pour Strip-tease. Et moi, j’ai commencé comme stagiaire sur cette émission. Je ne cherche pas à faire des caméras cachées à gros budget, avec des cabines téléphoniques qui s’enfoncent dans le sol ou je ne sais quoi. Ce qui m’intéresse, c’est les gens, la vie de tous les jours. Ici, on voulait juste raconter la trajectoire de cet homme qui embrasse la vie parce qu’il n’a pas été assez embrassé. Ça vous est déjà arrivé de vous mettre en danger pour une de vos impostures ? Il y a une dizaine d’années, un type m’a pris à la gorge, ouais. Je jouais un douanier et je lui ai dit que j’allais lui faire une fouille anale. Or, on a compris après qu’il avait une mallette de 10 millions d’euros dans les pattes. Quand l’équipe lui a annoncé que c’était pour de faux, il est devenu dingue, il a shooté dans toutes les caméras. Il y a aussi eu un politicien breton qui m’a filé un jeton parce que je l’avais piégé sur un plateau de télé : j’avais dit qu’on s’était rencontrés dans le cadre d’une croisière échangiste…

Donc maintenant, quand je sens qu’on a un type pas net, je dis à mon équipe dans l’oreillette : « On le laisse partir, on ne dit pas que c’est une caméra cachée. » Quels sont les trois trucs essentiels pour réussir une caméra cachée ? Trois ? Il en faut cinquante ! Déjà, en cas de danger ou d’imprévu, je suis toujours relié à mon équipe via une oreillette. Il faut aussi se débrouiller pour mettre un micro aux piégés sans qu’ils s’en rendent compte. Puis, il ne faut pas avoir peur de l’aléatoire. Sur les dix caméras cachées que je fais en moyenne par jour, il y en a environ 20 % où les gens me reconnaissent, 25 % où je ne suis pas marrant, et 20 % où les piégés ne sont pas très réactifs… Et il faut des techniciens endurants : dans leur cachette, il peut faire chaud, ils ne doivent pas rire, ni pleurer. Il faut qu’ils amènent à boire, à manger et… une bouteille vide, si tu veux vraiment les détails.

• PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA

— : « Mon ket » de François Damiens (StudioCanal, 1 h 29) Sortie le 30 mai

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AGAT FILMS & CIE ET LES FILMS DE MON MOULIN PRÉSENTENT

LE 2 MAI


MICROSCOPE

LA TAILLE DE SHELLEY

Comme le diable, le cinéma se loge dans les détails. Geste inattendu d’un acteur, couleur d’un décor, drapé d’une jupe sous l’effet du vent : chaque mois, de film en film, nous partons en quête de ces événements minuscules qui sont autant de brèches où s’engouffre l’émotion du spectateur. Ce mois-ci : une étreinte au bord du gouffre, dans Lightning Strikes Twice de King Vidor.

BOBINES

Shelley

a presque oublié son vertige, au bord du canyon où l’attend le baiser d’un fantôme. Ou alors c’est le vertige qu’elle est venue chercher, dans le baiser. Et avec lui retrouver tout ce qu’elle avait cru vouloir oublier là, au fin fond du Texas : oublier la ville, sa vie d’actrice, oublier surtout les mains d’Othello qui l’étranglaient chaque soir sur scène, en Desdémone. Deux jours plus tôt, poussée chez lui par un orage furieux, Shelley rencontrait le fantôme, qui n’est pas vraiment un fantôme : un homme disparu seulement, que tout le monde recherche. Tout le monde cherche Richard Trevelyan parce que tout le monde le pense coupable de la mort de sa femme, en dépit du procès qui l’a vu partir libre. La femme de Richard est morte étranglée, comme Desdémone par Othello,

Il faut que Shelley s’en remette entièrement à ces mains, qui sont peut-être celles d’un étrangleur. comme Shelley sur les planches. Et Shelley, elle, a décidé que Richard était innocent, dès le premier soir d’orage. Coup de foudre, évidemment. Mais est-il bien raisonnable de tomber amoureuse d’un fantôme un soir d’orage ? Sitôt rencontré, Richard disparaît, et c’est dans le canyon que Shelley devra le retrouver, pour le baiser mais d’abord pour lui dire, en guise de déclaration, qu’elle ne saurait l’imaginer étrangler qui que ce soit. Richard, résolu à son destin de fantôme, la congédie, et c’est là bien sûr, au bord du précipice, que son vertige revient. La suite est entendue, le film est hollywoodien : Richard va la sauver du gouffre et le baiser viendra

au bout de son geste. Mais Lightning Strikes Twice est avant tout un film de King Vidor, en sorte que le précipice est moins la condition d’un geste chevaleresque que celle d’un baiser directement arraché à la mort, volé à la pointe extrême d’une délirante intensité. On ne s’embrasse pas, chez Vidor : on laisse remonter par un baiser une pulsion venue du ventre de la terre, et qui attendait en grondant comme un magma. On s’embrasse dans la rocaille usée par la chaleur, en même temps qu’on se tue (Duel au soleil) ; on s’embrasse dans l’eau fumante et noire d’un marécage, pendant qu’on meurt (La Furie du désir) ; on se séduit au fond d’une carrière, d’un coup de cravache qui laisse une traînée de sang sur la joue (Le Rebelle). Le sauvetage de Shelley est une acrobatie sensuelle comme même Hitchcock n’a su en rêver. Adossé à la falaise, Richard prend dans ses mains la taille fine de Shelley après l’avoir priée de fermer les yeux, et soulève au-dessus du vide, de gauche à droite, son corps raide comme un mannequin de cire. De gauche à droite : c’est une danse, un premier et un dernier slow bordé par une chute fatale. Toute la configuration de la scène sert à empêcher une étreinte plus simple et plus serrée. Pour faire passer Shelley, il faut que Richard la soulève, il faut que les mains empoignent la taille. Il faut que Shelley s’en remette entièrement à ces mains, qui non seulement pourraient lâcher, pourraient vouloir lâcher, mais qui, surtout, sont peut-être celles d’un étrangleur. Il n’y a que Shelley qui ne l’avait pas compris : son élan amoureux n’est pas autorisé par la probable innocence de Richard, il est guidé par sa possible culpabilité. Et ce n’est pas pour la bouche d’un innocent que son désir l’a poussé jusqu’au bord du canyon, c’est pour les mains d’un coupable, serrées sur sa taille comme peut-être avant elle sur la gorge d’une autre. Et le baiser, alors ? Trente-cinq secondes plus tard, encore à deux pas du vide. • JÉRÔME MOMCILOVIC

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BOBINES

MICROSCOPE

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INTERVIEW

L’INSURGÉ

Après un détour par le film en costumes (Une vie, 2016), Stéphane Brizé revient aux affaires sociales avec En guerre. Dans le sillage de son acclamé La Loi du marché (2015), il entoure Vincent Lindon d’acteurs non professionnels pour suivre la lutte acharnée d’ouvriers contre la délocalisation de leur usine textile, malgré les bénéfices qu’elle engrange. Le cinéaste nous a dévoilé les plans de ce film brûlant, aussi documenté que romanesque, qui sort en salles dans la foulée de sa présentation en Compétition à Cannes. 48


Une citation ouvre le film : « Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu. » C’est un appel à l’action ?

© 2018 NORD-OUEST FILMS

C’est une phrase de Bertolt Brecht qui m’a interpellé parce qu’elle légitime le mouvement. Est-ce un appel ? Non. Ce serait très présomptueux de faire du film une injonction. Je n’ai qu’à y aller, moi, sur les barricades ! Ce projet sert à légitimer cette colère qui fut mon point de départ, qui découle de certaines images spectaculaires, porteuses de violence, comme l’épisode de la « chemise arrachée » d’Air France en 2015 [une manifestation de salariés contre des suppressions de postes avait dégénéré, au point que certains avaient malmené deux cadres de la compagnie aérienne à la sortie d’une réunion, ndlr]. Après la diffusion des images, certains politiques ont stigmatisé les salariés en disant : « On ne discute pas avec les voyous. » Je me suis demandé ce qu’il s’était passé pour qu’on en arrive là. Comme dans La Loi du marché, vous filmez en format Scope et le héros est joué par Vincent Lindon, ce qui ramène de la fiction dans un terreau très documentaire. En même temps, la narration s’appuie beaucoup sur le storytelling médiatique. Comment avez-vous pensé la cohabitation de ces régimes d’images ? Ce n’est pas parce qu’on est suralimentés d’images par les médias qu’on sait beaucoup de choses. Face à un tel flot, à quoi sert la fiction ? Il me semble que, quand elle

emprunte aux outils du documentaire, elle éclaire le réel. Mes personnages de salariés évoquent la présence des médias et comment ce qu’ils véhiculent peut leur porter préjudice, mais le film ne fait clairement pas le procès des bulletins de télé ou de radio. Je les utilise parce qu’ils font partie de la dramaturgie et qu’ils me permettent de faire passer des informations très concrètes et un peu techniques. Les journalistes disent froidement ce qui me prendrait des heures à dire en fiction. Le film est très clair sur les différents enjeux : spéculation, délocalisation, loi, procédure de rachat… Comment avez-vous recueilli cette matière complexe ? Avec Olivier Gorce, mon coscénariste, on est sortis assommés de nos séances de travail avec des avocats et des experts, à cause de la masse d’informations. On a tout retranscrit, puis on a défini le cadre du temps dans lequel inscrire le conflit. Il y avait de la législation à intégrer : que peuvent faire, dans le cadre de la loi, les entreprises ? les salariés ? Puis il a fallu transformer ces passages obligatoires en enjeux de dramaturgie, en respectant les faits à 100 % – personne ne peut me prendre en défaut, le film est en béton armé de ce point de vue-là. Cette transformation de la matière que l’on croyait au début indigeste, c’est un travail formidable. Les premières personnes qui ont vu le film lui ont trouvé un côté sexy, ça a quelque chose du polar, on attend les événements, on nourrit des espoirs pour les protagonistes. C’est aussi un défi de mise en scène : comment filmer les discussions. Souvent, quelqu’un est en amorce dans le champ, comme pour immerger le spectateur… Le dispositif cherche à donner le sentiment qu’on était planqués dans un coin pour

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BOBINES

STÉPHANE BRIZÉ


BOBINES

INTERVIEW écouter les discussions. La force de la fiction, c’est aussi ça : les documentaristes n’ont souvent pas le droit d’être là où nous sommes. Mais il ne faut pas en profiter pour faire dire des choses qui ne pourraient pas exister dans la vraie vie. Il s’agit de rester juste vis-à-vis des gens représentés dans le film. Mon dispositif est ultra construit, mais je veux donner le sentiment que la chose s’invente au moment où je la filme. Cela questionne sur la place de la caméra qui, lorsqu’elle est trop bien disposée, peut casser la spontanéité. Les acteurs non professionnels jouent des rôles proches de ce qu’ils sont dans la vie ? Oui, mais pas de leurs valeurs. Ceux qui jouent les syndicalistes qui font la scission avec le groupe mené par le personnage de Vincent Lindon m’ont dit : « En vrai, dans cette situation, je tiendrais jusqu’au bout. » Ils ont accepté de dépasser leurs convictions personnelles pour servir le film. Je pose un regard sur leurs actions, mais aucun des syndicalistes n’est caricaturé, qu’ils décident ou non de poursuivre la lutte. De même pour Jean Grosset, qui joue le conseiller social de l’Élysée, et qui dans la vraie vie a assisté à pléthore de réunions du genre. Il refusait de jouer un rôle qui ridiculiserait les politiques. Ce n’était pas mon idée au départ, et les heures passées ensemble m’incitaient d’autant moins à les caricaturer, car eux aussi portent des valeurs. Chacun a ses raisons : les syndicalistes, les cadres, les patrons. Chacun avance avec sa grille de lecture du monde. Comment ça s’est passé pour ceux qui sont du côté du patronat ? Leurs méthodes sont mises au jour : par exemple, lorsque le patron allemand accepte enfin de rencontrer les syndicats, il use d’une certaine langue de bois. En même temps, de son point de vue, il n’est ni arrogant ni mafieux, mais compose avec ce que les lois lui permettent de faire. Il dit : « Je vis dans un monde avec des règles, et je ne fais que les appliquer. » Les tribunaux lui donnent raison. La question est donc

plutôt : pour qui sont faites les lois ? pour les puissants, ou pour les plus faibles ? Le seul recours des salariés – on le voit dans le film – ne marche pas. Après, il reste les prud’hommes. Un fort pourcentage de salariés gagne par ce biais, mais souvent trois ans plus tard, alors qu’entre-temps l’entreprise peut avoir fermé. Ça ne résout pas le problème du chômage. Les recours arrivent trop tard, et l’entreprise ne sera jamais condamnée à réembaucher le salarié. De quelle façon le film résonne-t-il avec les mouvements actuels, les grèves, les affrontements à Notre-Dame-des-Landes, les universités bloquées ? Je sens monter cette colère depuis bien longtemps, ça fait un an et demi que je travaille sur le film. Mon travail, c’est d’être une éponge et de raconter une histoire à partir de quelque chose qui est dans l’air. Comme le dit un des personnages dans le film, je ne crois pas qu’un seul de ces salariés se lève le matin avec l’idée de faire la peau à son patron. Les ouvriers, les salariés ont fermé leur gueule pendant des dizaines d’années pour des salaires souvent dérisoires. À force d’inattention, de condescendance et de mépris, de brutalité sociale, on ne peut pas devenir autre chose qu’une personne en colère. Ou dépressive. Il y a quelque chose de sain à ce que cette colère s’exprime, et c’est terrible quand elle n’est pas entendue. Trouvez-vous qu’il y a une évolution dans les luttes ouvrières et la façon de les montrer depuis Mai 68 ‑ dont on célèbre cette année le cinquantième anniversaire ? 1968 était une révolution d’intellectuels : elle partait des étudiants, et les ouvriers ont suivi dans un second temps. Il y a des choses similaires de nos jours, dans les facs, par exemple. Ce qui nourrit les réformes aujourd’hui, c’est la compétitivité. Mais, comme le dit un économiste dans le film, c’est peut-être la rentabilité, le vrai mot d’ordre. Ce n’est pas un propos de gauchiste,

MAI ENCORE

COUP POUR COUP

En guerre sort au moment du cinquantenaire de Mai 68 et résonne avec les films ayant documenté les revendications de la classe ouvrière de l’époque. Trois des plus emblématiques ressortent ce mois-ci. 50

de Marin Karmitz (1972, ressortie le 16 mai) Quatre ans après Mai 68, Marin Karmitz dirige de véritables ouvrières pour reconstituer l’histoire d’une grève sauvage, puis d’une occupation d’usine. Le film (lire aussi p. 66) est sorti deux jours avant la mort de Pierre Overney, militant ouvrier abattu par un agent de sécurité. • T. Z .


© 2018 NORD-OUEST FILMS

STÉPHANE BRIZÉ

catharsis, de concentration d’événements éparpillés et dilués au quotidien dans les médias. Quand soudain un film condense en une heure cinquante des événements qui courent sur des mois, ça a une puissance de frappe, un impact sur le spectateur, alors que ce ne sont que des choses qu’il connaît déjà.

c’est factuel. Qu’est-ce qu’on fait des hommes et des femmes qui ont participé à la richesse de l’entreprise ? Mon film est politique dans le sens où il observe comment la cité fonctionne, mais ce n’est pas un tract. Un peu comme ce que fait Ken Loach, même si mon film ne ressemble pas aux siens. Je trouve fabuleuse sa manière d’interroger la place de l’humain à l’intérieur d’un système. Le film laisse un sentiment d’injustice, d’écœurement. Quel est le pouvoir du cinéma face au réel ? Il ne peut pas changer le monde, mais il peut l’éclairer. Je ne suis qu’une petite lampe torche. J’ai le sentiment que le monde va mieux avec les films de Ken Loach et d’Aki Kaurismäki. La fiction a un pouvoir de

• PROPOS RECUEILLIS PAR TIMÉ ZOPPÉ PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA

— : « En guerre » de Stéphane Brizé

Diaphana (1 h 52) Sortie le 16 mai

MOURIR À TRENTE ANS

REPRISE

de Romain Goupil (1982, ressortie mi-mai) Le suicide de son ami Michel Recanati en 1978 a poussé Romain Goupil à revenir sur leur passé commun de militants d’extrême gauche. À l’aide de témoignages de comparses et d’images d’assemblées générales et de manifs de 1968, il fait le portrait déchirant d’une génération en révolte. • G. La.

d’Hervé Le Roux (1997, ressortie le 30 mai) En juin 1968, des étudiants filmaient le cri de révolte d’une ouvrière qui refusait de reprendre le travail. Près de trente ans plus tard, le cinéaste Hervé Le Roux partait à sa recherche… Ce captivant film-enquête se double d’un témoignage précieux sur le monde ouvrier. • J. Do.

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BOBINES

« À force de brutalité sociale, on ne peut pas devenir autre chose qu’une personne en colère. Ou dépressive. »


BOBINES

PORTFOLIO

AVANT ET APRÈS MAI Chris

Marker était un précurseur. Un an avant les révoltes de Mai 68, dont on célèbre aujourd’hui les 50 ans, il posait sa caméra dans l’usine textile de Rhodiacéta, à Besançon, pour donner la parole aux ouvriers en grève. Après une projection durant laquelle ces derniers manifestèrent leur mécontentement, le cinéaste décida d’abandonner le projet au profit d’un autre : aider ces mêmes ouvriers à réaliser et à produire leurs propres films. Cette aventure collective est au cœur d’À bientôt, j’espère (1968), documentaire présenté, comme tous les films du réalisateur, à la Cinémathèque française ce printemps dans le cadre de l’exposition « Chris Marker. Les 7 vies d’un cinéaste » – qui réunit photos, textes, vidéos et installations multimédias. À cette occasion, on s’est penchés sur le rapport de cet expérimentateur protéiforme aux mouvements de Mai 68 en compagnie de Christine Van Assche, commissaire de l’exposition, historienne de l’art et proche collaboratrice du cinéaste, qui commente pour nous une sélection d’affiches, de collages et de photographies. • JOSÉPHINE LEROY

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CHRIS MARKER

Tract pour la projection d’À bientôt, j’espère, circa 1968 « On ne pense pas que cette affiche a été dessinée ou produite par Marker, mais elle annonce la présentation, à Besançon, du film À bientôt, j’espère. 1967-1968 ont été de très grandes années pour lui. Il faisait partie de la société collective SLON, devenue plus tard ISKRA. Plusieurs réalisateurs ont pu y proposer des films engagés qui étaient sans producteurs et, pour différentes raisons, censurés. »

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PORTFOLIO

Attribué à Chris Marker, Mai 68, 1968 « C’est l’une des plus belles photographies de Chris Marker. Elle a été prise pendant une manifestation de Mai 68. On y voit des voitures élevées en barricades rue Gay-Lussac. Il fait le portrait magnifique d’une passante qui ne semble pas du tout perturbée par ce qui se passe autour d’elle. C’est le contraste entre l’avant-plan et l’arrière-plan qui fait la qualité de cette image. »

© SUCCESSION CHRIS MARKER / FONDS CHRIS MARKER - COLLECTION CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE

Attribué à Chris Marker, Mai 68, 1968 « Dans les archives de Marker, on a retrouvé un certain nombre de photos de slogans inscrits sur les murs de Paris, qui montrent son intérêt pour le rapport du texte à l’image. On le retrouve dans ses photos, ses images de voyages et ses films, comme Cuba si (1961) et La Bataille des dix millions [coréalisé avec Valérie Mayoux en 1971, ndlr], tous deux tournés à Cuba. Marker est certes un cinéaste, mais c’est aussi un écrivain, un poète qui a toujours soigné les textes de ses films. »

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BOBINES

© SUCCESSION CHRIS MARKER / FONDS CHRIS MARKER - COLLECTION CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE

CHRIS MARKER

Chris Marker, Collage Mexico, 1968 « Ce collage de Marker reprend des éléments des Jeux olympiques d’été [célébrés à Mexico au mois d’octobre 1968, ndlr] et de Mai 68. C’est la première fois qu’un pays du tiers-monde – comme on les appelait à l’époque – recevait les Jeux. Et, au même moment, il y a eu de violentes manifestations dans la capitale mexicaine. Nous remarquons donc le contraste entre une image de paix et une image de guerre réunies dans ce même collage. »

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© SUCCESSION CHRIS MARKER / FONDS CHRIS MARKER - COLLECTION CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE

BOBINES

CHRIS MARKER

Attribué à Chris Marker, Mai 68, 1968 « Ces planches-contacts témoignent du nombre de photos prises par Chris Marker pendant les événements. Dans Grands soirs et petits matins (1968), William Klein le filme à son insu et on l’aperçoit avec ses appareils, un enregistreur de son et un appareil photo. Dans ses archives, on compte près de trente-cinq mille photographies. En fait, il en prenait en permanence. »

Chris Marker, Pourquoi l’audiovisuel ? Pour lutter, circa 1968 « Cette image, issue d’une série de collages réalisée par Chris Marker un peu après 1968, fait suite à ses expériences de production avec le monde ouvrier. On repère un certain humour et des slogans très politiques propres à l’esprit de Mai 68. En tout, il y a six collages. Tous commentent en quelque sorte les différents métiers de la production audiovisuelle [la réalisation, le son, la diffusion et l’image, ndlr]. »

— : « Chris Marker. Les 7 vies d’un cinéaste » du 3 mai au 29 juillet à la Cinémathèque française

— 56


GAUMONT PRÉSENTE

PHOTO MICHAËL CROTTO - © 2018 ALBERTINE PRODUCTIONS - GAUMONT - FRANCE 2 CINÉMA

LAMBERT WILSON

DIANE ROUXEL

VOLONTAIRE UN FILM DE

HÉLÈNE FILLIÈRES AV E C

ALEX DESCAS

CORENTIN FILA

JOSIANE BALASKO

ANDRÉ MARCON

HÉLÈNE FILLIÈRES ET MATHIAS GAVARRY MUSIQUE ORIGINALE BRUNO COULAIS IMAGE ÉRIC DUMONT SON THOMAS GUYTARD VINCENT MONTROBERT JEAN-PAUL HURIER DÉCORS JÉRÉMY STRELISKI COSTUMES LAURENCE STRUZ MONTAGE YVES DESCHAMPS ASSISTANT-RÉALISATEUR JOSEPH RAPP SCRIPTE FRANÇOISE THOUVENOT CASTING TATIANA VIALLE DIRECTION DE PRODUCTION VINCENT LEFEUVRE UNE COPRODUCTION ALBERTINE PRODUCTIONS GAUMONT ET FRANCE 2 CINÉMA AVEC LA PARTICIPATION DE CANAL+ CINÉ+ FRANCE TÉLÉVISIONS AVEC LE SOUTIEN DE LA RÉGION BRETAGNE ET DE L’ANGOA AVEC LA PARTICIPATION DE ENTOURAGE PICTURES PRODUIT PAR SIDONIE DUMAS ET MATTHIEU TAROT

SCÉNARIO DE

LE 6 JUIN AU CINÉMA


2 MAI Takara La nuit où j’ai nagé de Damien Manivel et Kohei Igarashi Shellac (1 h 18) Page 62

Big Time Dans la tête de Bjarke Ingels de Kaspar Astrup Schröder mk2 (1 h 30) Page 64

Jupiter Films présente

HOTEL SALVATION Un film de Shubhashish Bhutiani

UN ALLER SIMPLE POUR BÉNARÈS

La Révolution silencieuse de Lars Kraume Pyramide (1 h 51) Page 80

Perfect Blue de Satoshi Kon Splendor Films (1 h 21) Page 72

Comme des rois de Xabi Molia Haut et Court (1 h 24)

Los adioses de Natalia Beristáin KMBO (1 h 26) Page 80

Hotel Salvation de Shubhashish Bhutiani Jupiter Films (1 h 35)

Champ de batailles d’Edie Laconi Vendredi (1 h 38) Page 82

Nous sommes l’humanité d’Alexandre Dereims Première Nouvelle (1 h 30)

Miracle d’Egle Vertelyte Urban (1 h 31) Page 82

jupiter-films.com © 2018 JUPITER FILMS

Les anges portent du blanc de Vivian Qu Rezo Films (1 h 47) Page 70

Senses 1&2 de Ryusuke Hamaguchi Art House (2 h 19) Page 70

9 MAI Death Wish d’Eli Roth Paramount Pictures (1 h 49) Page 24

Cornélius Le meunier hurlant de Yann Le Quellec Ad Vitam (1 h 47) Page 80

ricardo darÍn

penélope cruz Everybody

javier bardem

Daphné de Peter Mackie Burns Paname (1 h 33) Page 80

Knows d’Asghar Farhadi Memento Films (2 h 12) Page 40

Photo : teresa IsasI • Design : Benjamin seznec / Troïka

EVERYBODY knows

Otages à Entebbe de José Padilha Orange Studio / UGC (1 h 47) Page 80

Memento films présente

asghaR faRhaDi

Léo et les Extraterrestres de C. Lauenstein, W. Lauenstein et S. McCormack ARP Sélection (1 h 25) Page 89

7 minuti de Michele Placido Kanibal Films (1 h 28)

Monsieur Je-sais-tout de François Prévôt-Leygonie et Stéphan Archinard Gaumont (1 h 39)

ÉCRIT ET RÉALISÉ PAR ASGHAR FARHADI PRODUIT PAR ALEXANDRE MALLET- G UY ET ALVARO LONGORI A AVEC EDUARD FERNÁNDEZ BÁRBARA LENNI E I N MA CUESTA ELVI R A MÍ N GUEZ RAMÓN BAREA CARLA CAMPRA IMAGE JOSÉ LUI S ALCAI N E DÉCORS CLARA NOTARI COSTUMES SONI A GRANDE MONTAGE HAYEDEH SAFI YARI SON DANI E L FONTRODONA GABRI E L GUTI É RREZ BRUNO TARRI È RE 1ER ASSISTANT RÉALISATION DAVI D PAREJA MAQUILLAGE ANA LOZANO COIFFURE MASSI M O GATTABRUSI MUSIQUE ORIGINALE JAVI E R LI M ÓN DIRECTRICE DE PRODUCTION ANGÉLI C A HUETE COPRODUCTEUR ANDREA OCCHI P I N TI PRODUCTRICE EXÉCUTIVE PI L AR BENI T O PRODUCTEUR ASSOCIÉ STEFANO MASSENZI UNE PRODUCTION MEMENTO FI L MS PRODUCTI O N

COFINOVA 14 INDÉFILMS 6 AVEC LE SOUTIEN DE ICAA EURIMAGES AVEC LA PARTICIPATION DE CANAL+ FRANCE TÉLÉVISIONS CINÉ+ MOVISTAR+ VENTES INTERNATIONALES MEMENTO FILMS INTERNATIONAL DISTRIBUTION MEMENTO FILMS DISTRIBUTION

MORENA FILMS LUCKY RED EN CO-PRODUCTION AVEC FRANCE 3 CINÉMA UNTITLED FILMS AIE RAI CINEMA EN ASSOCIATION AVEC MEMENTO FILMS DISTRIBUTION

Senses 3&4 de Ryusuke Hamaguchi Art House (1 h 25) Page 70

Rester vivant Méthode de Erik Lieshout, Reinier van Brummelen et Arno Hagers Damned (1 h 10)


10 MAI Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré Ad Vitam (2 h 12) Page 30

16 MAI En guerre de Stéphane Brizé Diaphana (1 h 52) Page 48

PHOTO : KARL COLONNIER © 2018 NORD-OUEST FILMS

NORD-OUEST PRÉSENTE

Femmes du chaos vénézuélien de Margarita Cadenas Sophie Dulac (1 h 23) Page 82

Nous nous sommes tant aimés ! d’Ettore Scola Tamasa (1 h 55) Page 20

Manhattan Stories de Dustin Guy Defa UFO (1 h 25) Page 82

Mourir à trente ans de Romain Goupil mk2 (1 h 35) Page 51

Tad et le Secret du roi Midas d’Enrique Gato et David Alonso Paramount Pictures (1 h 26) Page 89

Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête d’Ilan Klipper Stray Dogs (1 h 17) Page 74

Deadpool 2 de David Leitch 20 th Century Fox (2 h)

Frontières d’Apolline Traoré Orange Studio / DIFFA (1 h 30) Page 83

AVEC JACQUES BORDERIE, BRUNO BOURTHOL, GUILLAUME DRAUX, JEAN GROSSET, VALÉRIE LAMOND, OLIVIER LEMAIRE CO-PRODUIT MÉLANIE ROVER, SÉBASTIEN VAMELLE PRODUIT PAR CHRISTOPHE ROSSIGNON ET PHILIP BOËFFARD PAR VINCENT LINDON ET STÉPHANE BRIZÉ SCÉNARIO AVEC LA MUSIQUE ET DIALOGUES STÉPHANE BRIZÉ ET OLIVIER GORCE COLLABORATION DE XAVIER MATHIEU ORIGINALE BERTRAND BLESSING

PRODUCTRICE EXÉCUTIVE

ASSISTANT EVE FRANÇOIS-MACHUEL IMAGE ÉRIC DUMONT MONTAGE ANNE KLOTZ RÉALISATEUR ÉMILE LOUIS SCRIPTE MARION PIN DÉCORS VALÉRIE SARADJIAN (ADC) COSTUMES ANNE DUNSFORD SON EMMANUELLE VILLARD, HERVÉ GUYADER DIRECTION DE RÉGIE DIRECTION DE PRODUCTEUR UNE ASSOCIÉ PIERRE GUYARD COPRODUCTION NORD-OUEST FILMS, FRANCE 3 CINÉMA CASTING CORALIE AMÉDÉO (ARDA) PRODUCTION CHRISTOPHE DESENCLOS GÉNÉRALE KIM NGUYEN POST-PRODUCTION JULIEN AZOULAY AVEC LA EN ASSOCIATION AVEC LA PARTICIPATION DE OCS, CINÉ+, FRANCE TÉLÉVISIONS AVEC LA BANQUE POSTALE IMAGE 11, COFINOVA 14 PARTICIPATION DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE AVEC LE EN PARTENARIAT EN ASSOCIATION SOUTIEN DE LA RÉGION NOUVELLE-AQUITAINE, DU DÉPARTEMENT DE LOT-ET-GARONNE, AVEC LE CNC AVEC DIAPHANA, MK2 © 2018 NORD-OUEST FILMS – FRANCE 3 CINÉMA

/EnGuerre.lefilm

#EnGuerre

@diaphana

diaphana.fr

Coup pour coup de Marin Karmitz mk2 (1 h 29) Pages 50 et 66

Senses 5 de Ryusuke Hamaguchi Art House (1 h 15) Page 70

14 pommes de Midi Z Carlotta Films (1 h 24) Page 72

Corpo elétrico de Marcelo Caetano Optimale (1 h 34) Page 82

19 MAI L’Homme qui tua don Quichotte de Terry Gilliam Océan Films (N. C.)

23 MAI Manifesto de Julian Rosefeldt Haut et Court (1 h 38) Pages 10 et 83

Mutafukaz de Shoujirou Nishimi et Guillaume Renard Tamasa (1 h 33) Page 83

Le Cerveau des enfants de Stéphanie Brillant Jupiter Films (1 h 30) Page 88

Gueule d’ange de Vanessa Filho Mars Films (2 h)

Solo A Star Wars Story de Ron Howard Walt Disney (2 h 15)


30 MAI

Opération Beyrouth de Brad Anderson Warner Bros. (1 h 50) Page 84

The Cakemaker d’Ofir Raul Graizer Damned (1 h 45) Page 84

Mon ket de François Damiens StudioCanal (1 h 29) Page 42

Je vais mieux de Jean-Pierre Améris EuropaCorp (1 h 26)

Champions de Javier Fesser Le Pacte (1 h 58) Page 84

Reprise d’Hervé Le Roux JHR Films (3 h 12) Page 51

Les Rives du destin d’Abdolreza Kahani BlueBird (1 h 16)

La Mauvaise Réputation d’Iram Haq ARP Sélection (1 h 47) Page 84

Train de vies ou les Voyages d’Angélique de Paul Vecchiali Dialectik (1 h 16) Page 74

Les Septs Déserteurs ou la Guerre en vrac de Paul Vecchiali Dialectik (1 h 31)

Una questione privata de Paolo et Vittorio Taviani Pyramide (1 h 24) Page 84

Retour à Bollène de Saïd Hamich Pyramide (1 h 07) Page 76

6 JUIN

Le Voyage de Lila de Marcela Rincón González Eurozoom (1 h 25) Page 89

Une année polaire de Samuel Collardey Ad Vitam (1 h 34) Page 76

Football infini de Corneliu Porumboiu Capricci Films (1 h 10) Page 68

3 visages de Jafar Panahi Memento Films (1 h 24)

L’Homme dauphin Sur les traces de Jacques Mayol de Lefteris Charitos Destiny Films (1 h 19) Page 83

The Bacchus Lady d’E. J-yong ASC (1 h 50) Page 78

The Final Portrait de Stanley Tucci Bodega Films (1 h 34)

My Pure Land de Sarmad Masud Septième Factory (1 h 32) Page 83

Hedy Lamarr From Extase to Wifi d’Alexandre Dean Urban (1 h 30) Page 78

Jurassic World Fallen Kingdom de Juan Antonio Bayona Universal Pictures (N. C.)



FILMS

ZOOM ZOOM

TAKARA. LA NUIT OÙ J’AI NAGÉ

À

partir d’un canevas scénaristique ultra minimaliste – l’errance d’un garçon à la recherche de son père – et sans dialogue, Damien Manivel et Kohei Igarashi élaborent un délicat conte d’hiver japonais. Le Français Damien Manivel et le Japonais Kohei Igarashi ont sympathisé en 2014, lors du festival de Locarno, où ils présentaient chacun leur premier long métrage. Pourquoi ne pas tourner ensemble à l’avenir ? Quelques années plus tard, et à des milliers de kilomètres du lac Majeur, le réalisateur d’Un jeune poète et celui de Hold Your Breath Like a Lover (inédit en France) se sont donc retrouvés à Aomori. C’est là, dans cette région particulièrement enneigée du Japon, qu’ils ont fait la connaissance de Takara Kogawa, 6 ans, et des autres membres de sa famille – les Kogawa jouent tous leur propre rôle dans le film. De cet écrin documentaire est née une fable très simple. Celle d’un fils de poissonnier qui, attristé par l’absence d’un père partant dès l’aurore pour revenir au crépuscule, décide de faire l’école buissonnière et d’aller le retrouver sur son lieu de travail pour lui donner son plus beau dessin. Chaque geste du garçon est scruté attentivement par la caméra, en plans-séquences apaisés. Très

vite, on se rend compte qu’il n’y aura pas de dialogue. Le temps semble parfois s’étirer dangereusement dans ces Quatre Cents Coups nippons, mais c’est pour la bonne cause. Manivel et Igarashi creusent dans cette durée même les précieux micro-détails qui font tout le sel de leur odyssée enfantine : ici, le sursaut comique de deux chiens apeurés par les aboiements joueurs de Takara ; là, un tas de neige qui tombe presque sur la tête du garçonnet, dans une gare ferroviaire perdue au milieu de nulle part. Et si l’on songe au Miyazaki de Mon voisin Totoro devant ce décor semi-rural, ce n’est pas totalement fortuit tant le film fait de l’environnement le pouls de sa poésie sensorielle. Comme Takara, on ressent chaque crissement de botte dans la neige, chaque infime variation météorologique ou émotionnelle. Une simple photo défilant sur un écran peut dès lors se changer en élément majeur du récit et faire bifurquer la cocasse pérégrination du petit fugitif vers l’intensité du mélodrame. • ÉRIC VERNAY

Le film fait de l’environnement le pouls de sa poésie sensorielle.

— : de Damien Manivel et Kohei Igarashi Shellac (1 h 18) Sortie le 2 mai

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MINISTÈRE DE LA CULTURE MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, DE LA RECHERCHE ET DE L’INNOVATION

#EnfersEtFantômesdAsie

www.quaibranly.fr

Exposition 10 / 04 / 18 - 15 / 07 / 18

Figurine de Kappa © Mizuki Productions - Figure d’ombre - Peinture du fantôme d’Oiwa, signée Ikkyo - Peinture de fantôme, signée Iguchi Kashu (1890 -1930) « Rival » An upong Chantorn © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Claude Germain


FILMS

BIG TIME

Portrait

du jeune architecte danois auréolé de succès Bjarke Ingels, ce documentaire saisit les circonvolutions de son cerveau, qui bouillonne sans répit mais montre justement des signes de faiblesse. Il a seulement 43 ans mais un parcours affolant. Ingels a cofondé en 2001 une première agence, PLOT, et a créé sa propre entreprise cinq ans plus tard, BIG, avec lesquelles il a gagné nombre de concours et raflé moult prix. Concepteur de bâtiments renommés à Copenhague, New York et Shanghai, il a été suivi à partir de 2009 et pendant sept ans par un cinéaste danois passionné d’architecture, Kaspar Astrup Schröder. Aux séquences durant lesquelles Ingels explique ses projets face caméra et les redessine avec verve au marqueur sur d’immenses feuilles répondent les images provenant des scanners de son cerveau. Deux types d’architectures de précision qui ne souffrent pas la défaillance. Sauf que, justement, dans la période durant laquelle

il déménage à New York pour travailler sur les plans d’une des tours du nouveau World Trade Center, il est assailli par des migraines fulgurantes. Simple épuisement ou problème grave ? On se rend compte à quel point l’architecte hyperactif, scruté par la caméra de Schröder dans tous les recoins de sa vie, est incapable de s’arrêter, au détriment de sa santé et de ses amours. Aussi relax qu’il paraisse, est-il vraiment comblé en consacrant tout son cerveau à imaginer des lieux de vie radieux pour les autres ? Si le documentaire vulgarise avec enthousiasme ses projets pour faire comprendre au spectateur profane en quoi Ingels dépoussière son art, il questionne aussi son mode de vie, à l’heure où certains assènent que l’ambition professionnelle est la principale source du bonheur. • CLAUDE GARCIA

— : de Kaspar Astrup Schröder mk2 (1 h 30) Sortie le 2 mai

3 FILMS SUR L’ARCHITECTURE Playtime de Jacques Tati (1967) Le chef-d’œuvre de Tati valorise autant qu’il raille le Mouvement moderne en architecture, avec une mise en scène se jouant de la rationalisation des espaces.

Le Ventre de l’architecte de Peter Greenaway (1987) Cette farce retorse plonge un archi américain dans un dédale de déboires professionnels et amoureux qui lui font dangereusement gonfler l’abdomen. 64

Un amour de jeunesse de Mia Hansen-Løve (2011) La découverte, par une jeune étudiante, de l’architecture entre en écho avec son apprentissage sentimental, alors qu’elle est tiraillée entre deux hommes opposés.


ROHFILM FACTORY, DOR FILM ET SOPHIE DULAC PRODUCTIONS PRÉSENTENT

MARIE BAÜMER MEILLEURE ACTRICE VALENCIENNES 2018

UN FILM DE EMILY ATEF

3 Jours

Quiberon

Crédits non contractuels © 2018 Rohfilm Factory, Dor Film, Sophie Dulac Productions - D‘après photos : Peter Hartwig / Rohfilm Factory, Design: Ta-Trung, Berlin

à

AVEC LA PARTICIPATION DE

BIRGIT

MINICHMAYR

CHARLY

HÜBNER

ROBERT

GWISDEK

AU CINÉMA LE 13 JUIN

DENIS

LAVANT


FILMS

ZOOM ZOOM

COUP POUR COUP

Près

d’un demi-siècle avant Stéphane Brizé (lire p. 48), Marin Karmitz, par ailleurs fondateur de la société mk2 (qui édite ce magazine), filmait des ouvrières « en guerre » dans un film radical, rageur et vengeur, entre documentaire et fiction, qui ressort en salles en mai. Après Sept jours ailleurs et Camarades, deux fictions imprégnées de l’esprit contestataire de l’époque (l’un a été tourné en 1967, l’autre en 1969), Marin Karmitz, alors militant au sein de la Gauche prolétarienne, imagine pour son troisième long métrage un dispositif qui bouscule les règles de la création cinématographique. Retraçant une grève sauvage dans une usine de textile, le scénario est bâti à partir des témoignages de dizaines d’ouvrières. Sur le plateau, les actrices prévues au départ sont vite remplacées par d’authentiques travailleuses. Si l’on peut parler de cinéma d’intervention, l’expression est valable dans les deux sens : l’artiste intervient dans le champ politique, mais les ouvrières interviennent elles-mêmes sur le tournage du film, donnant leur avis sur une scène ou improvisant les dialogues. Cette méthode originale se révèle d’une redoutable efficacité, produisant à l’écran une formidable impression de vitalité. Coup pour

coup présente le quotidien aliénant de l’usine, entre brouhaha des machines, brimades des contremaîtres et cadences infernales, avant de faire le récit de la rébellion, qui passe par l’occupation de l’établissement et la séquestration du patron. La caméra se place à la hauteur de ces femmes qui se mettent en mouvement, les accompagne dans leurs actions et leurs débats, se fait le témoin de leur colère comme de leur joie. Car la dureté du conflit n’empêche pas les moments d’allégresse pour ces combattantes en route vers l’émancipation, qui chantent en chœur le ras-le-bol de leur condition (« Quand on rentre à la maison / Le mari remplace le patron »). À sa sortie en 1972, ce film en forme d’appel à la révolte face à toutes les formes de pouvoir (y compris celui des syndicats) peine à être distribué dans le circuit traditionnel. « C’est aussi par cette expérience que j’ai pris la mesure de l’importance de l’exploitation des salles de cinéma », raconte Karmitz dans le livre Comédies (Fayard, 2016). Il ouvrira en 1974 sa première salle à Paris, le 14-Juillet Bastille, renommé en 1998 mk2 Bastille. • JULIEN DOKHAN

La caméra se place à la hauteur de ces femmes qui se mettent en mouvement.

66

— : de Marin Karmitz mk2 (1 h 29) Sortie le 16 mai


Pour ses parents, seul compte l’avis des autres

©CARACTÈRES CRÉDITS NON CONTRACTUELS

La Mauvaise Réputation

Un film de Iram Haq Maria Mozhdah by NFDC

6 JUIN

Adil Hussain


FILMS

ZOOM ZOOM

FOOTBALL INFINI

Depuis

la Coupe du monde 1998 en France, la Roumanie ne s’est plus qualifiée pour la phase finale de la compétition. Mais Corneliu Porumboiu a trouvé la meilleure parade : représenter, à chaque édition depuis 2014 (et son film Match retour), le football roumain au cinéma. Victime d’un mauvais geste au cours d’un match de foot, Laurențiu Ginghină s’est vu contraint de tirer un trait sur ses rêves de jeunesse. À la demande de son ami d’enfance (Porumboiu), cet inénarrable poissard se retourne, à 40 ans passés et sans amertume, sur une vie de promesses gâchées et de projets avortés. Sa dernière lubie : modifier les règles du football pour le rendre moins violent, plus fluide, mais surtout moins énergivore, afin d’y jouer le plus longtemps possible sans que cela n’exige d’efforts surhumains. À l’ère du football

statistique, qui dissèque méticuleusement les performances et célèbre la surcompétence des athlètes, Football infini dresse le portrait touchant d’un champion de la résilience. Son projet n’est qu’une douce utopie, et le film n’en fait pas mystère. Mais, de même que Match retour (le précédent documentaire de Porumboiu, dans lequel il commentait avec son père un derby bucarestois de 1988 arbitré, à l’époque, par ce dernier) s’enivrait du plaisir simple de rejouer le match, Football infini révèle ce qui se cache sous les élucubrations tactiques : l’histoire d’un corps stoppé dans son élan qui, plutôt que de s’apitoyer sur son sort, rêve de changer le football pour qu’il ne s’arrête jamais. • ADRIEN DÉNOUETTE

— : de Corneliu Porumboiu

Capricci Films (1 h 10) Sortie le 6 juin

3 QUESTIONS À CORNELIU PORUMBOIU D’un point de vue de cinéaste, qu’est-ce qui vous intéresse dans le football ? Le rapport des règles à la liberté m’a toujours intéressé. En tant que sport, le football met les règles à l’épreuve de la réalité. Il n’y a rien de théorique ou d’intellectuel. La pratique valide ou invalide les règles. Toutefois, Football infini n’est pas qu’un film sur le foot.

Est-ce le portrait d’un homme hanté par une idée fixe qui vous inspirait ? Ce qui m’a décidé à faire ce film, ce ne sont pas les règles de Laurenţiu en tant que telles ; c’est le rapport entre son histoire personnelle et les règles qu’il a inventées. J’ai eu un déclic lorsque m’est apparu que Laurenţiu était à sa façon un artiste, et son sport, une œuvre d’art. 68

Est-ce la raison pour laquelle le film va et vient de l’utopie tactique à ses mésaventures personnelles ? Je n’ai jamais pensé au projet de Laurenţiu en termes de réussite ou d’échec. Ce projet, c’est ce qui donne un sens à la vie de Laurenţiu. Et même s’il venait à mettre son sport en pratique, il ne cesserait pas pour autant d’inventer de nouvelles règles. À l’infini.


A.S.A.P FILMS, PANDORA FILMPRODUKTION, SPIRO FILMS

ET

SOPHIE DULAC DISTRIBUTION

PRÉSENTENT

« URGENT ET VISIONNAIRE » « DRÔLE ET FASCINANT » THE GUARDIAN

VANITY FAIR

D’APRÈS PHOTO © POLA PANDORA - SPIRO FILMS - A.S.A.P. FILMS - KNM - ARTE FRANCE CINÉMA — 2017

UN FILM DE SAMUEL MAOZ

25

PAR LE RÉALISATEUR DE

LEBANON

AVRIL UN FILM DE

SAMUEL MAOZ AVEC LIOR ASHKENAZI, SARAH ADLER, YONATAN SHIRAY

PRODUCTION SPIRO FILMS, POLA PANDORA FILMPRODUKTIONS, A.S.A.P. FILMS, KNM EN COPRODUCTION AVEC BORD CADRE FILMS, ARTE FRANCE CINEMA EN ASSOCIATION AVEC ARTE ZDF DIRECTRICE PHOTOGRAPHIE GIORA BEJACH MONTEUR ARIK LAHAV LEIBOVICH, GUY NEMESH DIRECTEUR ARTISTIQUE ARAD SAWAT SON ALEX CLAUDE MUSIQUE ORIGINALE OPHIR LEIBOVITCH, AMIT POZNANKY COSTUME HILA BARGIEL MAQUILLAGE BARBARA KREUZER ILLUSTRATIONS ASAF HANUKKAH EFFETS SPÉCIAUX JEAN-MICHEL BOUBLIL MONTEUR SON SAMUEL COHEN RE-RECORDING MIXER ANSGAR FRERICH PRODUCTRICE DÉLÉGUÉE DORISSA BERNINGER PRODUCTEURS ASSOCIÉS MEINOLF ZUHORST, OLIVIER PÈRE, RÉMI BURAH, DAN WECHSLER, JIM STARK COPRODUCTEURS JONATHAN DOWECK, JAMAL ZEINAL ZADE PRODUCTEURS MICHAEL WEBER, VIOLA FÜGEN, EITAN MANSURI, CEDOMIR KOLAR, MARC BASCHET, MICHEL MERKT ÉCRIT ET RÉALISÉ PAR SAMUEL MAOZ VENTES INTERNATIONALES THE MATCH FACTORY

#FilmFoxtrot

www.sddistribution.fr


FILMS

LES ANGES PORTENT DU BLANC

— : de Vivian Qu

Rezo Films (1 h 47) Sortie le 2 mai

ZOOM ZOOM

Mia,

employée d’hôtel dans une station balnéaire chinoise, détient une vidéo qui pourrait aider à prouver qu’un client fortuné a violé deux fillettes dans l’établissement. Pourtant, l’adolescente reste dans l’ombre, craignant des représailles. Et pour cause : la violence est omniprésente dans le film de Vivian Qu, qu’elle soit directe (agressions et chantage à caractère sexuel, slut-shaming d’une mère sur sa propre fille) ou plus insidieuse, quand le client accusé tente de soudoyer le père d’une victime avec un smartphone dernier cri ou lorsque la caméra s’attarde sur la devise d’un commissariat – « Nous servons le peuple » – suffisamment longtemps pour que celle-ci se charge d’une ironie vacharde. Le récit est parfois d’une noirceur accablante, mais, si l’on respire encore, c’est grâce à Mia. Le parcours du combattant de ce formidable personnage, rythmé par des plans sur une gigantesque statue de Marilyn Monroe – symbole de sexualisation – tour à tour intacte, morcelée puis déplacée, l’emporte finalement sur le suspense entourant la libération de sa parole, et pointe la nécessité de fomenter sa propre révolution morale et sexuelle. • HENDY BICAISE

SENSES

— : de Ryusuke Hamaguchi Art House (2 h 19, 1 h 25 et 1 h 15) Sorties les 2, 9 et 16 mai

À

Kobe, au Japon, les parcours de quatre amies s’entrecroisent au fil d’une série en cinq épisodes (dont les sorties sont égrenées sur trois semaines), réalisée par le jeune Ryusuke Hamaguchi – qui opère aussi une percée fulgurante en Compétition officielle à Cannes cette année avec Asako I & II. Ce quatuor de quadras est bien sûr hétéroclite : Akari, l’infirmière divorcée et rigide ; la lunaire Sakurako, toute dévolue à son époux et à leur fils ; Fumi, persuadée de former un tandem solide avec son mari progressiste ; la douce Jun, qui réalise plus tôt que les autres qu’elle est prise dans un schéma de conventions épuisant. Avec ce récit d’éclosions pensé en longues séquences qui laissent se déployer la parole et se distiller le malaise – comme des tableaux au théâtre – plutôt qu’en frénétiques va-et-vient entre chaque personnage, Hamaguchi éclaire les mœurs d’un Japon contemporain qui, pour une fois, n’est ni celui de la capitale ni celui de la campagne. Parmi ce flot de nuances des sentiments restent vives les scènes de tâtonnement des héroïnes, qui choisissent de sortir de leurs rails pour trouver un nouvel équilibre. • TIMÉ ZOPPÉ

70



FILMS

PERFECT BLUE

— : de Satoshi Kon Splendor Films (1 h 21) Sortie le 9 mai

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La

vie réglée de la pop idole japonaise Mima Kirigoe prend un virage radical lorsqu’elle décide de quitter le monde de la chanson pour devenir actrice. Offerte en pâture à une foule qui la réifie, Mima voit sa santé mentale vriller progressivement alors que, dans l’ombre, un maniaque s’en prend à son entourage. Thriller cérébral habile et précis, Perfect Blue illustre la violence avec laquelle la société nippone modélise ses artistes pour les faire correspondre aux fantasmes des fans, noyant leur identité – quitte à dérégler dangereusement leur appréhension de la réalité. Lorsqu’il fut projeté en France en 1999, le film – qui ressort ce mois-ci en version restaurée – prouva à ceux qui craignaient une énième « japoniaiserie » à la Dragon Ball Z que le film d’animation pouvait aussi sonder l’individu tout en menant l’action avec autant, voire davantage, d’audace visuelle et scénaristique. Devenu un classique, il a fait de son auteur, Satoshi Kon, un patron au pays du Soleil-Levant, statut confirmé avec Millennium Actress (2002) et surtout Paprika (2006), dans lequel il abolit presque entièrement la frontière entre rêve et réalité. • GUILLAUME LAGUINIER

14 POMMES

— : de Midi Z Carlotta Films (1 h 24) Sortie le 16 mai

en Birmanie mais naturalisé taïwanais en 2011, le réalisateur Midi Z (Adieu Mandalay) a documenté l’expérience d’un ami entrepreneur birman parti faire une retraite dans un monastère bouddhiste pour soigner son insomnie. Sur les conseils d’un diseur de bonne aventure, celui-ci s’est acheté quatorze pommes – un mets de valeur dans le pays – et doit en déguster une par jour en vivant comme un moine. Sans voix off ni aucun autre artifice, Midi Z suit ce voyage en pointant surtout l’attitude des bonzes, vénérés comme des protecteurs tout-puissants par les habitants, mais qui parfois profitent de la situation (ils sont loin d’économiser l’eau que des femmes acheminent sur leur tête pendant des kilomètres ; l’un d’entre eux avoue qu’il dilapide au jeu les offrandes qu’on lui fait). Son regard est aussi doux que l’incroyable lumière qui baigne le paysage, et observe sans vraiment condamner ces semi-reclus qui, comme les autres Birmans – dans une scène, une jeune paysanne détaille son futur exil en Chine, minimisant la probabilité qu’elle s’y fasse exploiter –, tentent de s’en tirer le mieux possible dans un pays rongé par la pauvreté. • TIMÉ ZOPPÉ

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FILMS

LE CIEL ÉTOILÉ AU-DESSUS DE MA TÊTE

— : d’Ilan Klipper

Stray Dogs (1 h 17) Sortie le 23 mai

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Auteur

de documentaires inspirés (Flics et Commissariat, coréalisés avec Virgil Vernier ; Saint-Anne. Hôpital psychiatrique), Ilan Klipper signe un premier long de fiction tragi-comique sur un écrivain parano rétif à l’internement. Bruno (excellent Laurent Poitrenaux), quinqua mou, cherche l’inspiration en glandant chez lui en slip. Il a connu le succès avec son premier roman en 1996, mais n’a jamais réussi à en écrire un deuxième. Un jour, il est réveillé (à 14 heures) par ses parents et une femme mystérieuse, bientôt rejoints par des proches. L’inconnue est psychiatre, et tous sont venus pour le faire interner… Klipper opère parfaitement la bascule entre une première partie très drôle et une seconde plus sombre, usant d’effets d’annonce (la psy prévient l’entourage des réactions que Bruno pourrait avoir) et d’un montage fragmenté, répétitif, qui nous immerge dans le cerveau du héros en roue libre. La violence de l’intervention est dénoncée, mais le problème – comment raccrocher au réel une personne rongée par la paranoïa – reste. Bien poser les questions est déjà un grand pas vers les réponses. • TIMÉ ZOPPÉ

TRAIN DE VIES OU LES VOYAGES D’ANGÉLIQUE — : de Paul Vecchiali

Dialectik (1 h 16) Sortie le 30 mai

Éclatante

jeunesse de Paul Vecchiali qui, à 87 ans, tourne toujours autant et s’offre le luxe de sortir le même jour deux films tout aussi beaux : Train de vie… et Les Sept Mercenaires ou la Guerre en vrac. On se concentrera ici sur celui qui nous a le plus plu : le cinéaste y déploie toute la puissance d’évocation de son cinéma stylisé. Avec minimalisme (très peu de décors, quelques cabines de trains tout au plus) et aidé par sa troupe de comédiens fidèles (l’impressionnante Astrid Adverbe et son jeu ondoyant au premier chef, mais aussi Pascal Cervo, Brigitte Roüan…), Vecchiali y évoque les transports amoureux d’Angélique qui, mine de rien, croise beaucoup de monde par hasard lors de ses périples ferroviaires. Chacune de ces rencontres impromptues est l’occasion pour elle d’une confession – ou plutôt d’une confidence, car, si elle est toujours sincère, jamais elle ne s’excuse d’être une femme indépendante sexuellement. C’est dans l’écriture de ce grand déballage sentimental que Vecchiali excelle : ses dialogues ciselés tracent avec une vraie finesse littéraire, tout en tours et détours, le parcours amoureux sinueux de son héroïne. • QUENTIN GROSSET

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« Un f ilm sensible et délicat » Télérama.fr « Un portrait passionnant et pertinent de la Chine aujourd’hui » Studio 22 Hours Films présente

Vivian Qu

© 22 HOURS FILMS. CRÉDITS NON CONTRACTUELS

un film de

ACTUELLEMENT AU CINÉMA


FILMS

RETOUR À BOLLÈNE

— : de Saïd Hamich Pyramide (1 h 07) Sortie le 30 mai

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Producteur

de Much Loved de Nabil Ayouch et de Vent du Nord de Walid Mattar, Saïd Hamich signe un premier long métrage nuancé qui inverse la parabole de l’enfant prodigue. À 30 ans, Nassim affiche tous les attributs ostentatoires du succès : il est homme d’affaires à Abu Dhabi et s’est fiancé avec une intelligente et belle Américaine. Après des années, il revient avec celle-ci à Bollène, sa ville d’enfance, dans le sud-est de la France. L’endroit est sinistré, le taux de chômage élevé, et la mairie conquise par l’extrême droite – alors qu’une bonne partie de la population est issue de l’immigration. Mais le cinéaste n’oppose pas bêtement la nouvelle vie de Nassim à son passé : le héros renoue avec les siens sans aucune condescendance. S’il frise la froideur vis-à-vis d’eux, ce n’est pas par honte de son milieu, mais plutôt par culpabilité de s’en être, lui, échappé. L’émotion du spectateur grandit au même rythme que la crainte refoulée de ce héros pondéré : revoir le monstre qui hante sa famille, le père cruel et démissionnaire qui, au fond, est sans doute la seule raison qui l’a poussé à fuir. • TIMÉ ZOPPÉ

UNE ANNÉE POLAIRE

— : de Samuel Collardey Ad Vitam (1 h 34) Sortie le 30 mai

Pour

son premier poste, Anders, instituteur danois, part enseigner au Groenland dans un village de quatre-vingts habitants. Choc thermique, barrière linguistique, préjugés culturels : l’enthousiasme initial laisse vite place au désarroi. Comment pourrait-il en être autrement lorsque les enfants inuits, qui se méfient d’Anders et de son « regard de Danois », préfèrent chasser en traîneau en famille plutôt qu’aller à l’école ? Comme on peut s’y attendre, l’expérience se révélera riche d’enseignements pour les élèves comme pour le prof. Tourné dans des paysages à l’intimidante majesté, ce récit initiatique emprunte certes des chemins balisés, mais, en mêlant de manière rafraîchissante documentaire et fiction, Collardey (L’Apprenti, Tempête) parvient à renouveler le genre. Le scénario de son quatrième long métrage repose en effet sur un patient travail d’observation, mené auprès d’individus qui jouent ensuite peu ou prou leur propre rôle. Ce dispositif original ne serait pas si fécond sans la délicatesse du regard du cinéaste, qui possède les mêmes qualités que son attachant héros : la curiosité et l’obstination. • JULIEN DOKHAN

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FILMS

HEDY LAMARR. FROM EXTASE TO WIFI — : d’Alexandra Dean (Urban, 1 h 30) Sortie le 6 juin

mariages, une carrière étincelante auprès de grands réalisateurs tel que King Vidor, Jacques Tourneur ou Cecil B. DeMille, et un culot à toute épreuve : Hedy Lamarr, née Hedwig Kiesler en Autriche, n’a que rarement laissé les hommes et la bienséance être une entrave à ses aspirations. Icône des années 1940, l’actrice était un modèle de liberté qui ne craignait qu’une chose : être mise dans une case. C’est du moins ce que raconte le documentaire d’Alexandra Dean. Car celle qui inspira les traits de Blanche-Neige et de Catwoman n’était pas seulement cette poupée aux grands yeux impertinents venue aux États-Unis pour fuir une Europe en proie au nazisme. Elle était aussi une passionnée de sciences, véritable surdouée aux éclairs de génie. Une de ses inventions, un système de codage des transmissions basé sur le principe du saut de fréquence, a d’ailleurs inspiré la création du wifi. En jouxtant sans cesse la grande et la petite histoire, ce documentaire fascine par son portrait d’une héroïne féministe aux multiples facettes cherchant désespérément à être comprise. Entièrement. • PERRINE QUENNESSON

THE BACCHUS LADY

— : d’E. J-yong ASC (1 h 50) Sortie le 6 juin

Elle

a beau s’appeler So-young, l’héroïne n’est plus toute jeune. Soixante-cinq printemps, dont de nombreux passés dans les bras d’inconnus : elle est une de ces prostituées qu’en Corée du Sud on surnomme Bacchus Ladies en raison des boissons énergisantes qu’elles offrent à leurs clients avant une passe. Autour d’elle gravite une panoplie d’attachants marginaux : Do-hoon, amputé d’une jambe, Tina, reine de la nuit transgenre au grand cœur, et le petit Min-ho, dont la mère vient d’être incarcérée. Les clients, eux aussi, sont des invisibles. Des êtres en souffrance, à l’image de monsieur Song qui supplie So-young de l’aider à trouver une mort décente… Loin de se lamenter, les protagonistes font preuve d’un humour corrosif qui, s’il allège le tableau, ne minimise jamais le sérieux du propos. Le regard sans complaisance du réalisateur s’attarde particulièrement sur la misère des seniors, laissés-pour-compte du miracle économique sud-coréen, et à des années-lumière de l’image des « vieux sages à qui l’on doit le respect » chère à la société coréenne. • GUILLAUME LAGUINIER

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Six



FILMS DAPHNÉ

Daphné, la trentaine, jongle entre sa vie de cheffe dans un petit restaurant du quartier d’Elephant & Castle, ses coups d’un soir et ses sorties alcoolisées, tout en essayant d’éviter sa mère. Portrait vivant d’une jeune femme en quête de sens impeccablement incarnée par Emily Beecham, Daphné est aussi une fine esquisse du sud-est londonien. • P. Q.

— : de Peter Mackie Burns (Paname, 1 h 33) Sortie le 2 mai

OTAGES À ENTEBBE

En 1976, quatre terroristes (dont deux sont campés par Daniel Brühl et Rosamund Pike) détournent le vol Tel Aviv-Paris vers Entebbe, en Ouganda, pour réclamer la libération de prisonniers pro-palestiniens… Ce thriller haletant retrace les sept jours de captivité vécus par les otages et mentionne, bien que rapidement, les enjeux géopolitiques sous-jacents. • G. L a .

— : de José Padilha (Orange Studio / UGC, 1 h 47)

Sortie le 2 mai

CORNÉLIUS. LE MEUNIER HURLANT

Dans ce conte tragi-comique, un meunier solitaire s’installe au-dessus d’un village pour y bâtir un moulin, avant que ses voisins ne découvrent qu’il hurle chaque nuit à la mort… Récit universel sur l’inadaptation et ambitieux mélange de tonalités, ce premier long métrage s’impose comme une œuvre unique, à mi-chemin entre BD et western déjanté. • D. L .

— : de Yann Le Quellec (Ad Vitam, 1 h 47) Sortie le 2 mai

LA RÉVOLUTION SILENCIEUSE

En Allemagne de l’Est en 1956, Kurt, Lena et Theo, 18 ans, veulent manifester qu’ils désapprouvent la violence infligée par l’armée russe aux révolutionnaires hongrois. En classe, ils font une minute de silence qui devient une affaire d’État… Aidé par une troupe de jeunes comédiens talentueux, Lars Kraume raconte cette page d’histoire avec clarté et efficacité. • Q. G.

— : de Lars Kraume (Pyramide, 1 h 51) Sortie le 2 mai

LOS ADIOSES

Mettant en lumière la figure de Rosario Castellanos, romancière et poétesse qui a marqué le Mexique de son empreinte féministe, ce biopic se concentre sur la relation de l’intéressée avec son époux : une union toxique d’où ressort un profond machisme, qui justifie la volonté d’affranchissement de l’héroïne et distille une mélancolie tenace. • D. L .

— : de Natalia Beristáin (KMBO, 1 h 26) Sortie le 9 mai

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FILMS CHAMP DE BATAILLES

Avec douceur, la caméra d’Edie Laconi suit, dans un centre parental, la détresse d’un couple et de deux très jeunes mères isolées qui jouent gros : il va falloir apprendre, vite, à devenir parents, ou les enfants seront placés en famille d’accueil… Le documentaire parvient à émouvoir en adoptant la bonne distance et sans jamais tomber dans le voyeurisme. • G. L a .

— : d’Edie Laconi (Vendredi, 1 h 38) Sortie le 9 mai

MIRACLE

En Lituanie, après la chute du mur de Berlin, la gérante d’une exploitation porcine peine à adapter sa production aux exigences du modèle capitaliste. Quand un riche et excentrique Américain débarque, clamant qu’il veut racheter la ferme, elle se croit sauvée… L’esthétique singulière et l’humour noir d’Aki Kaurismäki imprègnent cette fable inquiète. • T. Z .

— : d’Egle Vertelyte (Urban, 1 h 31) Sortie le 9 mai

CORPO ELÉTRICO

Le bel Elias, la vingtaine, rêve de devenir styliste. Il débarque à Sao Paulo, est embauché comme petite main dans une usine de textile et se lie d’amitié avec ses collègues, tissant un cocon de fêtes et de drague légère avec eux… Le Brésilien Marcelo Caetano fait le portrait langoureux d’une jeunesse sous pression qui équilibre les responsabilités par le plaisir. • T. Z .

— : de Marcelo Caetano (Optimale, 1 h 34)

Sortie le 16 mai

MANHATTAN STORIES

Portraits croisés de New-Yorkais : Claire, qui débute comme chroniqueuse judiciaire en compagnie de Phil, responsable d’un tabloïd ; Benny, fan de vinyles préoccupé par la déprime de son colocataire ; et Wendy, une étudiante désabusée… Cette chronique légère enchante par l’authenticité de ses personnages et le burlesque des situations qu’ils traversent. • E. M.

— : de Dustin Guy Defa (UFO, 1 h 25) Sortie le 16 mai

FEMMES DU CHAOS VÉNÉZUÉLIEN

Alors que le pays traverse une crise majeure (inflation galopante, pénuries alimentaires et de médicaments, kidnappings, emprisonnements politiques…), ce documentaire prend le pouls du Venezuela en filmant le quotidien de cinq femmes qui partagent une même inquiétude : seront-elles, ainsi que leurs familles, contraintes à l’exil ? Édifiant. • J. R.

— : de

Margarita Cadenas (Sophie Dulac, 1  h  23)

Sortie le 16 mai

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FILMS FRONTIÈRES

Trois femmes se rencontrent au cours de leur périple en bus entre le Sénégal et le Nigéria. Dans ce road movie venu du Burkina Faso, les dysfonctionnements systémiques (le voyage est sans cesse interrompu par des problèmes techniques, des violences) sont déjoués tant bien que mal par la solidarité qui s’établit entre les trois vaillantes héroïnes. • E. M.

— : d’Apolline Traoré (Orange Studio / DIFFA, 1 h 30) Sortie le 23 mai

MUTAFUKAZ

Dans la ville malfamée de Dark Meat City, un livreur de pizzas nommé Angelino (doublé par Orelsan) est pris d’hallucinations à la suite d’un accident de scooter… Ce film d’animation aussi sombre que pétri d’humour puise dans la culture pop (le street art, les jeux vidéo) autant que dans la science-fiction cyberpunk. Savant cocktail. • J. L .

— : de Shoujirou Nishimi et Guillaume Renard (Tamasa, 1 h 33) Sortie le 23 mai

MANIFESTO

Cate Blanchett incarne treize personnages dans cette œuvre composite de l’artiste allemand Julian Rosefeldt. Une veuve, un SDF ou une présentatrice télé récitent tour à tour des bouts de manifestes politiques et artistiques. L’occasion pour ces mots de résonner sous un jour nouveau, de retrouver un sens, loin de leur étiquette allant du Structuralisme au Pop art. • P. Q.

— : de Julian Rosefeldt (Haut et Court, 1 h 38) Sortie le 23 mai

MY PURE LAND

Au Pakistan, la maison de la famille de Nazo est convoitée par son oncle. Quand son père est emprisonné à tort, la jeune fille prend les armes et résiste, au côté de sa sœur et de sa mère, à l’assaut des mercenaires… Alternant entre souvenirs de famille et le moment du siège de la maison, ce film fiévreux dénonce la corruption qui ronge la société pakistanaise. • E. M.

— : de Sarmad Masud (Septième Factory, 1 h 32) Sortie le 30 mai

L’HOMME DAUPHIN

Derrière Le Grand Bleu de Luc Besson, l’histoire vraie du recordman de plongée en apnée Jacques Mayol… Par son contenu riche (des archives familiales, des mises au point scientifiques ou encore des témoignages de jeunes plongeurs), ce documentaire gracieux évite le piège de l’hagiographie tout en tirant le portrait émouvant d’un homme idéaliste. • J. L .

— : de Lefteris Charitos (Destiny Films, 1 h 19) Sortie le 30 mai

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FILMS OPÉRATION BEYROUTH

Beyrouth, 1982. Ex-diplomate américain qui a quitté le Liban dix ans plus tôt, Mason Skiles est appelé à la rescousse pour négocier la vie d’un otage… Écrit par Tony Gilroy, scénariste de Jason Bourne, ce thriller géopolitique manie habilement le suspense et bénéficie de la magnétique présence de Jon Hamm (Mad Men) en alcoolique au passé accidenté. • D. L .

— : de Brad Anderson (Warner Bros., 1 h 50) Sortie le 30 mai

LA MAUVAISE RÉPUTATION

Nisha, 16 ans, est partagée entre la culture de ses parents pakistanais et sa vie d’ado en Norvège. Un jour, son père la surprend dans sa chambre avec un jeune garçon. Il la contraint alors à aller vivre dans sa famille au Pakistan… Dans cette histoire éprouvante vécue par la réalisatrice se niche un pamphlet sec contre le poids des traditions. • Q. G.

— : d’Iram Haq (ARP Sélection, 1 h 47) Sortie le 6 juin

THE CAKEMAKER

Pâtissier à Berlin, Thomas a une relation avec Oren, un Israélien qui voyage en Allemagne pour affaires. Un jour, Thomas apprend la mort de son amant. Il se rend alors en Israël où il se met à travailler dans le café d’Anat, la veuve d’Oren, sans lui révéler qui il est… Avec délicatesse, Ofir Raul Graizer saisit le trouble de leur relation toute en non-dits. • Q. G.

— : d’Ofir Raul Graizer (Damned, 1 h 45) Sortie le 6 juin

UNA QUESTIONE PRIVATA

En 1943, en Italie, un jeune homme entre dans la Résistance et part à la recherche d’un ami capturé par les fascistes, dont est amoureuse la femme qu’il aime… Les frères Taviani (César doit mourir) questionnent les liens entre les luttes d’hier et d’aujourd’hui à travers une figure de héros romantique qui cherche sa route dans des collines embrumées. • T. Z .

— : de Paolo et Vittorio Taviani (Pyramide, 1 h 24) Sortie le 6 juin

CHAMPIONS

Arrêté pour conduite en état d’ébriété, Marco (Javier Gutiérrez), entraîneur de basket professionnel en Espagne, est contraint de s’occuper d’une équipe de personnes déficientes mentales. Tous devront mettre leurs préjugés de côté dans cette histoire qui, si elle n’évite pas quelques maladresses, amuse par son accumulation de quiproquos autant qu’elle émeut. • G. L a .

— : de Javier Fesser (Le Pacte, 1 h 58) Sortie le 6 juin

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COUL’ KIDS

TOMI UNGERER DESSINATEUR ET AUTEUR

Liam a interviewé Tomi Ungerer, un jeune artiste né en 1931 en Alsace. Son œuvre est très importante dans la littérature jeunesse : il est l’auteur des ouvrages Les Trois Brigands, Jean de la Lune, Le Géant de Zéralda, et beaucoup d’autres encore. Dans son nouveau livre, Ni oui ni non, il répond à cent questions philosophiques posées par des enfants.

L’INTERVIEW

Pourquoi le livre s’appelle-t-il Ni oui ni non ? Ça m’est venu comme ça, parce que, quand tu poses une question, elle ne se pose pas nécessairement comme un oiseau sur une branche. Et puis, on n’a pas toujours la réponse. Entre le « oui » et le « non », il y a le « pourquoi pas », qui est devenu ma devise. Une question est toujours remplacée par une autre question, parce que, quand on nous donne une réponse, on s’interroge à nouveau. Ça peut continuer comme ça jusqu’à l’infini. Avez-vous rencontré les enfants qui vous interrogent ? Non, et c’est dommage. Je vis en Irlande, et les questions m’ont été envoyées par fax. Est-ce que vous avez rigolé en lisant certaines questions ? Ah ça, oui ! Écoute mon vieux, si on te demande : « Est-ce que les poux ont des enterrements ? », ça te fait rigoler, non ? Oui, c’est drôle. Et qu’avez-vous répondu ? J’ai trouvé cette question fabuleuse et complètement surréaliste. Le monde est


PAR LIAM, 9 ANS LE DÉBRIEF

absurde, l’injustice est absurde, la guerre est absurde, et l’absurde est inexplicable. Alors je crois avoir dit qu’il est impossible de creuser dans le cuir chevelu pour enterrer un pou. Pouvez-vous répondre à toutes les questions ? Ah non ! J’essaie simplement de répondre aux enfants comme je répondrais à des adultes. Les enfants, ce n’est pas parce qu’ils sont plus petits qu’ils ne sont pas les plus malins. Les enfants savent d’où viennent les bébés, mais ils ne savent pas d’où viennent les adultes. Pour vous c’est quoi, la philosophie ? C’est quelque chose qui fait réfléchir des gens très intelligents, j’imagine. Au lycée, il fallait étudier des philosophes, mais je n’y comprenais pas grand-chose. Un jour, j’ai rendu un devoir sur le philosophe Descartes, mais, au lieu d’écrire, j’ai fait une série de dessins sur ma copie. Tu vois, chacun a des moyens différents de s’exprimer.

Vous étiez petit pendant la Seconde Guerre mondiale. Est-ce que vous avez eu peur ? J’ai pris exemple sur ma mère. Elle était très courageuse. Elle n’avait pas froid aux yeux – sauf en hiver, évidemment. Pendant les bombardements, je n’avais pas peur. Les enfants rigolaient, c’était une réaction nerveuse. À 19 ans, vous êtes parti seul en Laponie. Pourquoi ? Je venais de rater mon bac, j’ai fait mes bagages et je suis allé jusqu’en Laponie en auto-stop. J’ai traversé la toundra, il y avait des rennes qui broutaient de la mousse dans le brouillard. Ça faisait un bruit de papier déchiré. Et puis j’ai continué mon voyage, j’ai disparu un moment. Je recherchais l’aventure. Une fois que tu la trouves, l’aventure ne te lâche plus, elle ne te laisse jamais tomber. Alors, comment était mon interview, est-ce que vous allez me manger ? Je ne vais pas te manger, tu es trop intelligent, et les intelligents sont trop coriaces, pas assez tendres. • PROPOS RECUEILLIS PAR LIAM (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE) PHOTOGRAPHIE : ERIOLA YANHOUI

— : « Ni oui ni non. Réponses à 100 questions philosophiques d’enfants » de Tomi Ungerer (L’École des loisirs)

COMME LIAM, TU AS ENVIE DE RÉALISER UNE INTERVIEW ? DIS-NOUS QUI TU AIMERAIS RENCONTRER EN ÉCRIVANT À BONJOUR@TROISCOULEURS.FR

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COUL' KIDS

Liam : « Avant de rencontrer Tomi Ungerer, j’ai assisté à sa conférence de presse. Ses réponses aux journalistes étaient très drôles, un peu comme dans le livre. On dirait que sa philosophie, c’est le sens de l’humour. Alors qu’il était peut-être le plus âgé de la salle, il portait des baskets à lumières clignotantes. Il m’a dit : “J’espère que tu vas me poser de bonnes questions, sinon je te mangerai !” »


LA CRITIQUE D’ÉLISE, 9 ANS

COUL' KIDS

LE CERVEAU DES ENFANTS

« Ce documentaire sert à comprendre comment réagit un enfant. C’est très utile, quand on a un enfant à élever. J’ai appris plein de choses pour quand je serai maman. J’ai appris déjà qu’il faut être tendre, gentille, sévère, bref être plutôt mélangée. Le documentaire nous dit aussi que si tu dis “attention à ce que tu fais” tout le temps à un bébé, il aura ensuite un caractère très prudent. J’ai aussi appris qu’il faut attendre que la colère de l’enfant passe un peu, puis aller lui parler. Après avoir vu ce documentaire, je me dis que mes parents auraient pu faire quelques petits efforts. Par exemple, quand j’étais en colère, c’était toujours à moi de faire le premier pas, et ça, c’est pas bien. Ceci dit, c’est pas du tout facile de ne pas se mettre en colère ; quand l’enfant se met en colère, on se dit : “Mais pour qui il se prend ? Je suis sa mère quand même !” Je trouve quand même que mes parents pourraient se retenir un peu plus quand ils sont en colère. En tout cas, mes parents sont très bien, mais ce documentaire montre qu’on peut toujours être meilleur que ce qu’on était avant. »

LE PETIT AVIS DU GRAND Didactique sans jamais être bêtifiant, ce documentaire extrêmement dense échappe au discours dogmatique pour resituer de façon objective les enjeux de l’éducation à l’ère des neurosciences. Déjouant habilement de vieux a priori, mettant en garde contre des dangers insoupçonnés et surtout ouvrant de nouvelles pistes de réflexion passionnantes, Le Cerveau des enfants est un intéressant voyage dans l’organe le plus mystérieux du corps humain. • JULIEN DUPUY

— : de Stéphanie Brillant Jupiter Films (1 h 30) Sortie le 23 mai dès 9 ans

COUL’ KIDO EST CACHÉ 3 FOIS DANS CETTE DOUBLE PAGE… SAURAS-TU LE RETROUVER ?

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1, 2, 3… FILMS LÉO ET LES EXTRATERRESTRES Le quotidien de Léo, souffre-douleur de son collège, dans la banlieue américaine où il vit avec son père, est chamboulé par l’arrivée de trois extraterrestres capables de se métamorphoser en humains ou en animaux. Ce film d’animation bourré de gags montre les marginaux avec tendresse et optimisme. • E. M.

: de Christoph Lauenstein, Wolfgang Lauenstein et Sean McCormack (ARP Sélection, 1 h 20) Sortie le 9 mai dès 4 ans

TAD ET LE SECRET DU ROI MIDAS Accompagné de ses amis la momie, le perroquet et le chien, Tad, l’ouvrier devenu archéologue, file à Las Vegas sur les traces de la légende du roi Midas… Cinq ans après le succès surprise du premier opus, retour pétaradant du héros animé venu d’Espagne. • E. M.

: d’Enrique Gato et David Alonso (Paramount Pictures, 1 h 26) Sortie le 16 mai dès 6 ans

S INE T ! EMA 4 S UEMEN IQ UN

LE VOYAGE DE LILA Héroïne aux cheveux violets d’un livre pour enfants, la petite Lila est soudain propulsée dans le monde réel. Son sort est maintenant entre les mains de Ramon, un garçonnet qui a perdu sa maman… Ce joli film célèbre avec sensibilité le pouvoir des contes. • E. M.

: de Marcela Rincón González (Eurozoom, 1 h 25) Sortie le 6 juin dès 6 ans


TOUT DOUX LISTE

PARENTS FRIENDLY NUMÉRO VERNE

DANSE

La compagnie espagnole Roseland Musical propose une adaptation libre et décalée du fameux Voyage au centre de la Terre de Jules Verne, rythmée par des projections numériques et mêlant la danse contemporaine, la danse classique et le breakdance.

: du 3 au 5 mai à la Villette, dès 7 ans

RED IS NOT DEAD

MARIONETTES

Parmi les innombrables réinterprétations du Petit Chaperon rouge, voici une proposition renversante : la grand-mère est en vie, et c’est elle qui raconte l’histoire, car, il y a bien longtemps, elle était cette enfant nommée Rouge qui dût affronter le loup.

: « Rouge », les 17 et 18 mai au Théâtre aux Mains nues, dès 5 ans

JOUJOUX VIDÉO

CONCERT

La Boîte à joujoux, ballet pour enfants composé en 1913 par Claude Debussy, voyage au xxie siècle : les personnages s’affranchissent de leur condition d’avatar de jeu vidéo pour investir notre monde. La partition est jouée par l’orchestre philharmonique de Radio France.

• HENDY BICAISE ILLUSTRATIONS : PABLO COTS

: le 26 mai à la maison de la Radio, dès 7 ans

KIDS FRIENDLY

LA NUIT AU MUSÉE

⁕ Dans la majorité des établissements participants ┃ Design : Akatre, assisté de Victor Tual

LE MINISTÈRE DE LA CULTURE PRÉSENTE

EXPOSITIONS

La Nuit européenne des musées, ce sont plus de cinquante musées parisiens ouverts gratuitement en nocturne (jusqu’à minuit dans la plupart des cas). Du Louvre à Orsay en passant par le musée de la Chasse ou le Palais de la découverte, profitez de visites guidées, d’ateliers, de projections… nuitdesmusees.fr #nuitdesmusees

Entrée gratuite*

: le 19 mai, dès 4 ans

MUSIQUE DE SALON

ATELIERS

Au sein de Musicora, salon annuel consacré à la musique classique, au jazz et aux musiques traditionnelles, nombre d’ateliers conçus spécialement pour les enfants sont programmés : découverte d’instruments, balades musicales et éveil rythmique pour les tout-petits.

: du 1er au 3 juin à la Grande Halle de la Villette, dès 2 ans

FÊTE DE VIEUX OS

EXPOSITION

C’est un événement ! Cette exposition s’articule autour du squelette très rare et quasi complet d’un tyrannosaure découvert en 2013 dans la célèbre formation géologique de Hell Creek, dans le Montana, aux États-Unis.

: « Un T. rex à Paris » du 6 juin au 2 septembre au Museum national d’histoire naturelle, dès 5 ans

90


le 9 mai

©ULYSSES FILMS, FABRIQUE D’IMAGES, A. FILM PRODUCTION CRÉDITS NON CONTRACTUELS


OFF

CECI N’EST PAS DU CINÉMA

UNE FERME EN VILLE Il se murmure que certains petits citadins ne sauraient même pas à quoi ressemble une vache ou une carotte. Pour reconnecter la ville à la campagne, et réciproquement, voici l’agriculture urbaine. Des ruches et des fraises sur les toits, mais aussi de la permaculture au milieu des cités. Zone Sensible, à Saint-Denis, est l’un des projets à suivre.

Nature,

culture et nourriture. C’est la sainte Trinité d’Olivier Darné, fondateur du Parti poétique. Créé en 2003, ce collectif artistique basé à Saint-Denis s’est d’abord intéressé au lien entre alimentation et culture. Pour fabriquer du « nous » plutôt que du « je », du « je-nous », s’amuse Olivier Darné, il s’est d’abord intéressé à l’abeille. Rappelons-le, sans elle, 70 % de la biodiversité disparaîtrait. Et le danger existe. Du coup, poser une ruche sur un toit, c’est à la fois un acte militant et un outil de communication. Olivier Darné n’a pas attendu la mode pour créer le plus grand rucher d’Europe sur celui de l’Hôtel de Ville, avec vue imprenable sur des siècles de royauté. Il y produit son « miel béton », que l’on trouve en banlieue mais aussi dans les beaux quartiers, par exemple au restaurant gastronomique du Plaza Athénée


© JEAN-PIERRE SAGEOT 2018

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L’AGRICULTURE URBAINE

Zone Sensible, à Saint-Denis

« La table peut résoudre des choses que l’art ne peut pas conclure. » OLIVIER DARNÉ d’Alain Ducasse, tenu par le chef Romain Meder. Cela aurait pu s’arrêter là. Mais le garçon a toujours un projet d’avance. Il a surtout acquis la conviction que « la table peut résoudre des choses que l’art ne peut pas conclure ». Et l’urbanisme non plus, pourrait-on ajouter. Installé à Saint-Denis depuis vingt-cinq ans, il a vu sortir de terre le Stade de France. Il a entendu la promesse d’un développement humain associé, pour faire revivre cette terre ouvrière. Vingt ans plus tard, il n’en est rien. « C’est devenu un quartier d’affaires.

Soixante-dix mille personnes, nourries par la Sodexo, arrivent le matin et repartent le soir. C’est un flux, pas une ville. » Dans une agglomération comme Saint-Denis, riche de cent trente cinq nationalités différentes, « une mondialité intéressante plus qu’une mondialisation », le temps est venu de faire réciprocité avec ce « vaisseau spatial ». La nourriture est un viatique pertinent. Olivier a pensé à ouvrir un restaurant, mais ce n’était pas la bonne échelle. Une école de cuisine non plus. Va pour une académie

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DÉCRYPTAGE RAMÈNE TA FRAISE EN VILLE La société Sous les Fraises se définit elle-même comme une « entreprise pionnière dans la production biologique de végétaux comestibles en milieu urbain ». Elle fait travailler ensemble des agronomes, des chefs cuisiniers, des architectes et des urbanistes, pour mettre en œuvre « des biotechnologies adaptées à l’environnement bâti, engagées dans la gestion de l’eau, des déchets et l’alimentation des villes ». À son actif, des jardins suspendus sur les toits de deux grands magasins parisiens, le Bazar de l’Hôtel de Ville (1 400 m² de surface agricole) et les Galeries Lafayette (1 200 m²). Poussant verticalement sur un substrat organique, on y trouve des fleurs comestibles, des framboises, des fraises, des kiwis, des plantes aromatiques (thym, romarin, menthe, houblon) ou des choux. Elle a également aménagé une ferme urbaine au cœur du parc d’affaires Icade – les Portes de Paris, aux Magasins généraux d’Aubervilliers. • S. M.

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: www.souslesfraises.com

de cuisine, à la manière d’un centre d’art, pour combiner « nature, culture et nourriture ». Mais, pour cela, il fallait un coup de pouce du destin, sous la forme de la dernière ferme urbaine d’Île-de-France, 4 hectares de terres maraîchères au milieu des barres d’immeubles, à deux pas de la cité des Francs-Moisins, à cent mètres d’un McDo. Repris par la ville en 1983, achat maintenu, en résistance à la pression immobilière, par quatre maires communistes successifs, le terrain était cultivé par René Karsenté, qui y produisait 1,5 million de salades par an. L’heure de la retraite ayant sonné, ce dernier a rendu les clés, sans successeur. Associé aux Fermes de Gally, le Parti poétique a gagné le concours organisé par la ville, 3 hectares pour les premiers, 1 hectare pour le second. Depuis mars 2017, les artistes se sont transformés en paysans. Soutenus notamment par la région, la ville (qui ne leur demandera pas de loyer pendant

vingt-cinq ans), la Fondation Cartier pour l’art contemporain et la Fondation Daniel et Nina Carasso, ils produisent en permaculture des fruits, des légumes, des herbes et des plantes aromatiques, en plein air ou sous serre. La rhubarbe et la framboise sont particulièrement chouchoutées, leur carré est paillé avec des drêches de houblon (résidus de brassage) récupérées à la brasserie Gallia, à Pantin. On peut venir y faire ses courses, ou récupérer un panier à l’office de tourisme, deux fois par semaine, pour 15 euros. Des restaurants s’y fournissent, tel le Lucas Carton du chef Julien Dumas. La ferme, baptisée Zone Sensible, n’a pourtant pas vocation à nourrir la ville. À Paris, on évalue à 80 hectares la surface disponible sur les toits, sur laquelle on pourrait produire au mieux 80 tonnes à l’hectare chaque année, soit 6 400 tonnes. La consommation annuelle de fruits et légumes dans la capitale s’élevant à 90 000 tonnes, on est très loin du compte.

JEUNES POUSSES Ça se passe à Romainville, en Seine-Saint-Denis, et ça s’appelle Le Paysan Urbain. On ne peut pas être plus clair. Pourtant, le projet, lancé par Benoît Liotard en 2015, est très « tech ». Il a commencé dans une serre–test de 150 m². Soutenu par la ville et par une campagne de financement participatif en cours sur Bluebees, il devrait se concrétiser véritablement en 2019 dans une tour de 24 mètres et 6 étages, qui abritera 1 000 m² de cultures hors sol. Dit comme ça, on est loin des fleurs et des oiseaux. Mais si le horssol est incompatible avec le label bio, le compost de déchets organiques et les semences le sont. Pour aller au rythme de la ville, Le Paysan Urbain ne cultive que de jeunes pousses et des graines germées (mesclun, roquette, chou rouge, tournesol, moutarde, radis noir), à maturité en trois semaines, commercialisées sous la marque La Belle Pousse. • S. M.

: 64, rue Gaston Roussel (Romainville) www.lepaysanurbain.fr

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PARIS SE REPEINT EN VERT On sait les engagements écologiques de la mairie de Paris, encensés par les uns, décriés par les autres. Parmi eux, le programme « Végétalisons la ville » occupe une place de choix. Jusqu’en 2020, la ville s’est fixé de nombreux objectifs, et le volet alimentation n’est pas le moins important. Ainsi, sur les 100 hectares de végétalisation prévus sur les murs et les toits, un tiers devra être dédié à l’agriculture urbaine. L’appel à projets « Parisculteurs » a lui pour objectif de « promouvoir une agriculture tournée vers les consommateurs locaux et la transformation à courte distance des produits franciliens », explique Pénélope Komitès, adjointe chargée des Espaces verts, de la Nature, de la Biodiversité et des Affaires funéraires (!). Au programme, également, un soutien à la création et à la cartographie des jardins partagés, ainsi que la création de vergers et de potagers dans les écoles, l’aménagement de fermes pédagogiques et le développement des ruchers. • S. M.

Le projet a tout de même quelque chose à voir avec la santé publique. Saint-Denis est en effet l’une des villes de France les plus touchées par le diabète. « L’ambition est de construire une relation à une meilleure qualité de produit pour une population empêchée, qui a d’autres problèmes que de se demander s’il faut acheter un légume bio alors qu’elle n’achète pas de légume du tout. » Dans l’académie de cuisine, dont Zone Sensible est le premier avatar, il y a bien sûr du culturel, avec en prévision des séances de cinéma en plein air, des expositions, des résidences d’artistes, voire un festival. Il y a aussi du social et de l’économique. « Aujourd’hui, des mères africaines font la cuisine dans leur appartement, descendent les bassines au pied des immeubles et vendent des beignets de thon pour 1 euro. C’est interdit par

la loi. C’est pourtant une économie importante pour ces familles. Alors, en juin 2018, nous allons ouvrir une cuisine professionnelle mutualisée pour les accueillir dans de bonnes conditions. » Et, pour aller plus loin, l’académie de cuisine va s’implanter près du Stade de France, à l’horizon 2020, avec une école de cuisine opérée par Alain Ducasse. Elle ne sera pas réservée aux jeunes, mais à tous ces adultes amateurs dont le savoir-faire mérite d’être valorisé, reconnu. Cela permettra, pourquoi pas, de les orienter vers de nouveaux parcours professionnels. Votez Parti poétique ! • STÉPHANE MÉJANÈS

— : 112, avenue de Stalingrad (Saint-Denis) www.zonesensible.org

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© JEAN-BAPTISTE GURLIAT / MAIRIE DE PARIS

L’AGRICULTURE URBAINE


EXPOS

LOUISE LAWLER — : jusqu’au 16 juin à la galerie Campoli Presti

© D. R.

Louise Lawler, Pollyanna (traced), 2007/2008/2013

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L’Américaine

Louise Lawler poursuit son exploration visuelle, sans cesse réajustée et réactualisée, des modes de (re)présentation et de circulation de l’œuvre d’art. Le titre de cette exposition, « After », terme qui signifie à la fois « après » et « d’après », pointe subtilement l’essence même de l’œuvre de l’artiste conceptuelle, ancrée – et entrée – dans la postérité. Icône de la bien nommée Pictures Generation, aux côtés notamment de Cindy Sherman et de Barbara Kruger, Louise Lawler fait, depuis les années 1970, œuvre et image à partir d’œuvres existantes, conçues par d’autres artistes. En les photographiant dans leur environnement (salles de musées ou de ventes, habitat de collectionneur, réserve, etc.), elle en souligne le cadre et le relatif conditionnement, sondant ainsi notre relation à l’art par le prisme de la mise en abyme critique. Si elle repose toujours sur les mêmes principes, l’œuvre de Lawler étonne encore aujourd’hui par son actualité et son élasticité. Deux photographies de la série « Adjusted to Fit », images adaptées aux dimensions de l’espace de présentation quitte à les déformer, sont ici montrées dans une version distordue, désormais abstraite. S’y ajoutent une sélection de tracings, ces vinyles transparents collés à même le mur où se dessinent les contours du contenu d’une de ses photographies, à la manière d’un cahier de coloriage encore vierge. Revisitées, reproductibles, reformatées, les images de Louise Lawler révèlent en même temps qu’elles les éprouvent l’écologie et l’économie de l’œuvre d’art. • ANNE-LOU VICENTE

L’œuvre de Lawler étonne encore aujourd’hui par son élasticité.

BERTRAND DEZOTEUX

COSEY FANNI TUTTI

À travers ses animations en 3D rudimentaires, Bertrand Dezoteux manie avec humour des concepts et des interrogations liés à l’avenir de l’humanité et à la technologie. Se jouant des codes de représentation populaire des jeux vidéo en y intégrant nombre de postulats absurdes, ses films désamorcent tout aspect spectaculaire pour tendre vers la désorientation la plus totale. La conquête de l’espace comme vous ne l’avez jamais vue ! • JULIEN BÉCOURT

Militante féministe, apôtre de la pornographie et du body-art, mais aussi pionnière de la musique industrielle avec Throbbing Gristle et Chris & Cosey, Cosey Fanni Tutti a fait de sa vie une œuvre, telle qu’elle le relate dans ses mémoires récemment parues en Angleterre. À la croisée des courants d’avant-garde depuis les années 1970, elle reçoit enfin les honneurs d’une exposition française. Un modèle d’intégrité et de radicalité, brisant tous les tabous. • J. B.

: jusqu’au 9 juin à l’école municipale

des beaux-arts – galerie Édouard Manet

: du 17 mai au 22 juillet

(Gennevilliers)

au Plateau

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ART COMPRIMÉ

LA COMÈTE !

JEANNE FRENKEL & COSME CASTRO

Tous les mois, notre chroniqueuse vous offre un concentré des dernières réjouissances du monde de l’art.

Découragé par les hordes de touristes qui assaillent Versailles ? Le bain de foule en moins, le château de Fontainebleau vaut tout autant le détour. Son impressionnant escalier en fer à cheval a fait sa renommée au xviie siècle. Victime de mousses, ce dernier a besoin d’être restauré. Afin de rassembler les 2,2 millions d’euros nécessaires aux travaux, l’institution publique a lancé un appel aux dons. Si vous lâchez 1 000 euros, vous aurez la chance de graver votre nom sur l’une des quatre-vingt-douze marches. Bon, pas sur le vrai escalier, mais dans une version virtuelle reproduite sur le site du château. • Pour ceux qui voulaient donner à leur intérieur un petit air de palace parisien, le mobilier du Ritz a été vendu aux enchères à la mi-avril. Ayant fait peau neuve après quatre ans de rénovation, le mythique hôtel de la place Vendôme s’est débarrassé d’une partie de son décor Louis XV ou Empire. Un bureau et une chaise de la suite Coco Chanel, dont la valeur était estimée entre 600 et 800 euros, ont été adjugés à 182 000 euros. La première baignoire du lieu, datant du xixe siècle, a elle trouvé preneur à 7 800 euros. • Dans le cadre d’une rétrospective à la Royal Academy of Arts de Londres en 2020, la célèbre performeuse Marina Abramović va s’électrocuter. Volontairement. Avec un million de volts. Juste pour pouvoir ensuite éteindre une bougie en l’effleurant du doigt. Voilà, c’est tout. (Merci de ne pas reproduire ça chez vous.) • MARIE FANTOZZI ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL

THÉÂTRE

DU 15 MAI AU 9 JUIN 2018

106 RUE BRANCION 75015 PARIS 01 56 08 33 88


SPECTACLES

OUR DAILY PERFORMANCE — : de Giuseppe Chico et Barbara Matijević, les 1er et 2 juin à la MC93 (Bobigny), dans le cadre des Rencontres chorégraphiques © ADAM BRONKHORST

internationales de SeineSaint-Denis (1 h 15)

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Samples,

mèmes, covers, GIF : Internet charrie tout un lot de nouveaux langages et a ouvert un espace d’expérimentation infini pour les performeurs aventureux. Giuseppe Chico et Barbara Matijević sont ainsi tombés amoureux de YouTube. Avec Forecasting (2011), ils ont commencé par créer une sorte de réalité scénique augmentée. Dans une synchronisation ultra maîtrisée, le corps de BM (alter ego de Barbara Matijević) entre en interaction avec les vidéos projetées sur un écran de MacBook : sa tête prend l’apparence d’un chien, sa main se prolonge en pistolet, son anatomie la plus intime se dévoile sous un autre jour… Dans I’ve Never Done This Before (2015), le plateau devient un immense laboratoire de technologies amateures construites grâce aux tutoriels glanés sur la plate-forme. Charge alors à BM, toujours seule en scène, d’écrire avec ces innovations les mythes de notre époque. Dans leur nouvelle création, Our Daily Performance, c’est sans support numérique et à plusieurs qu’ils poursuivent leur exploration de ce monde merveilleux. Le point d’entrée cette fois : le corps. Que se passe-t-il lorsque l’on extrait les gestes des tutoriels de leur contexte et qu’on les mixe à d’autres ? Quels nouveaux mouvements et chorégraphies peuvent s’inventer ? Quelles représentations et normes véhiculent ces mises en scène de soi contemporaines ? Entre reconstitution absurde et réflexions numerico-ethnographiques, Guiseppe Chico et Barbara Matijević apporteront quelques bribes de réponses et de nouvelles questions. Vous ne regarderez plus jamais Internet comme avant. • AÏNHOA JEAN-CALMETTES

Que se passe-t-il lorsque l’on extrait les gestes des tutoriels de leur contexte ?

THE SEA WITHIN

LES TROIS MOUSQUETAIRES

La chorégraphe belge Lisbeth Gruwez change de cap pour sa nouvelle création. Après avoir exploré le langage corporel des émotions, passant de la transe politique au rire ou à la peur, la voilà partie vers des contrées plus métaphoriques et méditatives. L’histoire d’une respiration, au sens propre comme au figuré. • A. J.-C.

La série théâtrale est de retour pour une saison 5. Après s’être perdus dans les pièges du cardinal et de Milady, comment les soldats du roi vont-ils retomber sur leurs pattes ? La réponse dans l’écrin de verdure du Monfort, un lieu idéal pour déployer toute l’inventivité joyeuse de la mise en scène en espace public du jeune collectif 49701. • A. J.-C.

de Montreuil (70 min)

(trois épisodes de 30 min)

: les 16 et 17 mai au Nouveau Théâtre

: du 18 au 20 mai au Montfort théâtre

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DANSES AU THEATRE DE LA VILLE CLOUD GATE DANCE THEATRE DE TAIWAN Formosa

30 MAI I 2 JUIN LA VILLETTE

ISRAEL GALVÁN La Fiesta

5 I 11 JUIN LA VILLETTE

KYLE ABRAHAM

Live ! The Realest MC 12 I 23 JUIN THEATRE DES ABBESSES

TANZTHEATER WUPPERTAL/ PINA BAUSCH Nefés

2 I 12 JUILLET THEATRE DES CHAMPS-ELYSÉES theatredelaville-paris.com • 01 42 74 22 77


RESTOS

CUISINE CLASSÉE

© D. R.

Dans la foulée de son documentaire, À la recherche des femmes chefs (2016), Vérane Frédiani s’est associée à la journaliste Estérelle Payany pour recenser, sur une carte interactive à consulter sur le site de Télérama, près de cinq cents cheffes en France, souvent oubliées des guides. On est allé en voir trois, nouvellement installées à Paris.

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LE MERMOZ Attention, surdouée ! Du haut de son moins d’un mètre soixante, Manon Fleury rougirait sûrement à ce qualificatif. Mais, à 26 ans, elle a déjà tout d’une grande. Cheffe. Il faut dire que de bonnes fées se sont penchées sur son berceau : Pascal Barbot (L’Astrance, Paris, 3 étoiles), Alexandre Couillon (La Marine, Noirmoutier-en-l’Île, 2 étoiles), Dan Barber (Blue Hill at Stone Barns, Pocantico Hills, États-Unis) et le perspicace Meilleur ouvrier de France Éric Trochon, qui n’a pas hésité à (presque) lui confier un temps son restaurant Semilla (Paris VIe). Depuis janvier, mue par l’insouciance et l’enthousiasme de la jeunesse, elle a investi avec deux bons camarades, Nicolas Chimot et Charles de Clerfayt, un rade centenaire du VIIIe arrondissement. Entre les moulures du plafond, le grand miroir au mur et, surtout, le superbe zinc laissé dans son jus, l’esprit de la patronne, Françoise, flotte encore. Tête bien faite et bien pleine, Manon a retenu toutes les leçons d’une cuisine de produits et de saison, le b.a.-ba, y ajoutant déjà sa touche personnelle. Un penchant pour l’amertume, l’art de condimenter et d’assaisonner avec des épices, des fruits secs ou des céréales, sarrasin torréfié, noix de cajou, sésame. C’est vif, coloré, percutant et précis. On se laisse embarquer par les coques, vierge au kasha, bergamote et oignon, la canette du Perche, radicchio et cédrat confit, et on attend déjà le retour de l’hiver pour la mandarine tardive confite, à dévorer entière, avec la peau, sur son biscuit basboussa. Dingue ! Carte (midi) : environ 35 € (entrée, plat, dessert). Tapas le soir. • STÉPHANE MÉJANÈS

: 16, rue Jean-Mermoz, Paris VIIIe

BAIETA

LE CADORET

Cheffe à 20 ans aux Fables de la Fontaine (VIIe), étoilée à 21 ans, Julia Sedefdjian a ouvert à 23 ans son restaurant dans l’ex-Itinéraires du couple Sendra. Avec Sébastien Jean-Joseph en second et Grégory Anelka en salle, elle réinvente sa chère Provence façon gastro cool, à coups de pissaladière, aïoli ou bouillabaisse. Menus : 29 € et 45 € (midi), 85 €. • S. M.

Entre l’histoire de l’art et la cuisine, Léa Fleuriot a choisi sur le tard. Avec son frère, Louis-Marie, elle a quitté fin 2017 sa sandwicherie (Du bout des doigts) pour un bistrot lumineux où elle envoie des plats du marché, généreux et roboratifs. Œuf cocotte, poisson du jour et crème caramel, ça fait mouche ! Formules : 16,50 € et 19,50 € (midi). • S. M.

: 5, rue de Pontoise, Paris Ve

: 1, rue Pradier, Paris XIXe

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CONCERTS

MYTH SYZER — : le 3 juin au bois de Vincennes dans le cadre du festival We Love Green • « Bisous » (Animal 63)

© ALICE MOITIÉ

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Un

parfum d’été flotte sur Bisous, le premier album de Myth Syzer. Les synthés gazouillent, les mélodies volettent dans le ciel azur et tout le monde a des papillons dans le ventre : la saison des amours a commencé, enchantée, en chanté. Ce qui surprendra sans doute plus d’un auditeur de la part du natif de La Roche-sur-Yon, moins prompt à braquer le mic qu’à débiter des beats chromés pour le gratin du hip-hop. Prisé en France (Joke, La Fouine) comme en Belgique (Hamza, Damso), mais aussi au Canada (Kaytranada) ou aux États-Unis (la scène trap d’Atlanta), le nom du producteur vrombit dans le circuit mondialisé depuis presque dix ans déjà. Toujours derrière ses platines, Thomas brille également dans la Ville lumière avec son crew Bon Gamin, en compagnie d’Ichon et de Loveni, que l’on retrouve avec plaisir sur Bisous. Un disque de producteur-crooner donc, à mi-chemin entre chanson française et rap américain. Le virage artistique peut paraître risqué, mais la démarche n’est pas totalement improvisée non plus, il suffit de jeter une oreille à la page SoundCloud de cet inconditionnel de J Dilla et de Dr. Dre pour s’en rendre compte, où une reprise R&B du « Je suis venu te dire que je m’en vais » de Serge Gainsbourg côtoie une mixtape enchaînant Gucci Mane et Étienne Daho. Pourquoi choisir entre le groove hip-hop et la séduction pop ? Pas un hasard si Doc Gyneco apparaît sur le disque : comme lui, Myth Syzer vise le meilleur des deux mondes. Classez-le dans la variét si ça vous chante. • ÉRIC VERNAY

Pourquoi choisir entre le groove hip-hop et la séduction pop ?

U.S. GIRLS

Toujours aussi « Mad as Hell », l’Américaine Meg Remy libère sa pop barrée sur un sixième album hérissé et sublime, In a Poem Unlimited : salve acidulée de protest songs sombres et puissantes, déguisées en tubes vertigineusement groovy. Entre violence, politique et féminisme, les Ronettes, Chromatics et Blondie, l’habile riot grrrl fait défiler glam disco, R&B déchiré et funk sci-fi pour donner au dancefloor des allures d’A.G. survoltée. • ETAINN ZWER

Le festival eco-friendly chouchoute nos oreilles. Au choix : pointures (de Björk à Beck), pépites (la « soul&B » soyeuse de The Internet, la flamboyante diva bounce Big Freedia, Deena Abdelwahed et sa techno arabo-futuriste) ou jeunes pousses au sommet du cool (la DJ coréenne Yaeji, à la house rêveuse parfaitement entêtante, Superorganism et sa pop technicolor façon Big Bang, et la rappeuse IAMDDB, reine du groove nu-soul/trap, irrésistible). • E. Z .

: le 15 mai au Point Éphémère

WE LOVE GREEN

: les 2 et 3 juin au bois de Vincennes

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RÉALITÉ VIRTUELLE

CIRQUE DU SOLEIL ARTS DU CIRQUE

— : de Felix & Paul Studios dès 7 ans

© D. R.

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Qui

n’a jamais rêvé d’être sous les projecteurs ? Ici, nous sommes au centre de la piste du Cirque du Soleil, magnétisant l’attention de tous les acrobates, jongleurs, danseurs et autres clowns célestes. Déjà remarqué pour son petit chef-d’œuvre Miyubi, le studio canadien Felix & Paul s’allie avec la troupe circassienne la plus célèbre au monde pour un spectacle immersif d’un nouveau genre. Divisée en quatre courts métrages d’une dizaine de minutes, cette expérience VR condense le génie scénique du Cirque du Soleil en plusieurs chorégraphies ondoyantes et protéiformes. Que l’on aime les combats d’arts martiaux (la bataille de Kà), les inventions loufoques (le cabinet des curiosités de Kurios), les arabesques sous-marines (« O » et ses ballets de tritons et sirènes) ou les rêves éveillés (Luzia), rien ne semble arrêter l’inventivité de ces prodiges. Devant ces scénographies à 360 degrés, on ne sait plus où donner de la tête (il vaut mieux revoir la vidéo plusieurs fois pour tout saisir) tant les morceaux de bravoure sont légions – un duel de voltige entre deux gangs sur un plan incliné et mobile, une main mécanique géante qui nous fonce soudain dessus pour venir caresser notre iris de son index, ou les contorsions surréalistes d’un homme-insecte peuplent, entre autres choses, cet insondable imaginaire. On connaissait l’ambition du Cirque du Soleil de réinventer au jour le jour les arts de la scène. Cette expérience VR va bien au-delà : elle offre un point de vue sans précédent sur ses créations, dont nous sommes autant les spectateurs ébaubis que les chorégraphes esthètes. • YANN FRANÇOIS

Rien ne semble arrêter l’inventivité de ces prodiges.

ISLE OF DOGS

MAKING OF

MOSS

JEU DE PLATE-FORME

Sous leur forme canine, les acteurs stars de L’Île aux chiens se succèdent pour nous parler des personnages qu’ils ont doublés. En tournant la tête, on découvre qu’une équipe s’active dans notre dos pour modéliser les décors du film. Aucun doute : nous sommes dans la tête de Wes Anderson, au plus près de son processus créatif. Entre mise en abyme et théâtre interactif, ce making of génial a tout d’une référence du genre. • Y. F.

Casque sur la tête, il nous faut guider une petite souris vers son destin, dans des décors labyrinthiques et parsemés de plates-formes aux airs de maquettes en relief. Pour s’orienter, il faut parfois se pencher soi-même, fureter dans les recoins cachés et trouver la bonne voie… Avec son esthétique de livre pop-up animé, Moss est un enchantement permanent, doublé d’une ingénieuse leçon de gameplay en réalité virtuelle. • Y. F.

dès 10 ans

dès 7 ans

: de Felix & Paul Studios

: de Polyarc

PROGRAMMES À DÉCOUVRIR À L’ESPACE VR DU mk2 BIBLIOTHÈQUE INFOS ET RÉSERVATIONS SUR MK2VR.COM


LES CONFÉRENCES FRANCE INTER Cycle « Bien vivre ensemble »

Ralentir

Séance unique au cinéma en direct simultané de Radio France

Crédit photo : Radio France, Christophe Abramowitz – © Illustration : Anne-Hélène Dubray

Mardi 5 juin à 20h

liste des salles de cinéma sur franceinter.fr

débats, échanges et séances de méditation Une conférence animée par

ALI REBEIHI CHRISTOPHE ANDRÉ


PLANS COUL’ À GAGNER

L’ÉPOPÉE DU CANAL DE SUEZ EXPO

— : « L’épopée du canal de Suez. Des pharaons au xxie siècle », jusqu’au 5 août

© GGB

à l’Institut du monde arabe Vers les mers du Sud, maquette

Novembre

multiples transformations contemporaines, en passant par la nationalisation du canal par Nasser et par les guerres israélo-arabes, l’histoire de cet axe maritime, aux enjeux géopolitiques, techniques, économiques majeurs, est largement documentée : plans, coupes, traités, photos, peintures, vidéos… Quelques anecdotes allègent ce parcours dense : le projet de phare qui donna naissance à la statue de la Liberté, ou un extrait d’OSS 117. Le Caire, nid d’espions dans lequel sont évoquées les conditions inhumaines de réalisation du fameux canal. • MARIE FANTOZZI

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1869, le canal de Suez est inauguré en grande pompe à Port-Saïd, en Égypte. C’est sur cette date historique que s’ouvre la riche exposition de l’IMA. Les visiteurs sont accueillis par la voix de Frédéric Mitterrand, qui narre les événements, et par divers objets : une maquette du port ; une reproduction de L’Aigle, le navire français qui, le premier, emprunta le canal. Ils témoignent de l’importance de ce projet pharaonique, issu d’une collaboration franco-égyptienne. Des origines (un rêve des pharaons) aux

ALVAR AALTO

EXPO

Trente ans après sa dernière rétrospective française, le célèbre architecte finlandais Alvar Aalto (1898-1976) voit son travail, alliant fonctionnalisme et humanisme, de nouveau décrypté et mis en lumière avec cette exposition qui rassemble près de cent cinquante de ses œuvres (en maquettes, dessins et photographies). • E. M. Sanatorium pour tuberculeux à Paimio en Finlande

: «Alvar Aalto. Architecte et designer», jusqu’au 1er juillet à la Cité de l’architecture et du patrimoine

VILLETTE SONIQUE

FESTIVAL

Pour sa 13 édition, le festival qui mêle figures incontournables de la scène underground et artistes émergents propose cinq jours de concerts – dont certains gratuits – dans le parc de la Villette. Jon Hopkins, Mogwai, John Maus et Marquis de Sade font partie des premiers noms dévoilés. • E. M. e

: du 25 au 30 mai à la Villette

L’HEURE ESPAGNOLE

OPÉRA

Le comique des aventures de Torquemada, horloger trompé dans L’Heure espagnole de Ravel, fait ici écho à celui de Gianni Schicchi, faussaire italien dans le dernier volet du Trittico de Puccini. Séparés par un entracte, les deux opéras s’accordent et se répondent dans une mise en scène de Laurent Pelly. • G. L a .

: du 17 mai au 17 juin à l’Opéra Bastille

© GUSTAF VELLIN ; D. R. ; CHRISTIAN LEIBER

Mogwai

SUR TROISCOULEURS.FR/PLANSCOUL



PLANS COUL’ À GAGNER

MARTIN MARGIELA EXPO

— : « Margiela / Galliera, 1989-2009 », jusqu’au 15 juillet au Palais © PIERRE ANTOINE

Galliera – musée de la Mode de la ville de Paris

Vue de l’exposition

C’est

de poupées. Tout exprime le travail minutieux – mais aussi les ratés et l’incertitude – derrière le produit fini. La scénographie intime d’Ania Martchenko reflète d’ailleurs les interrogations de l’énigmatique couturier passionné par l’espace. À la manière d’un chantier, le parcours est traversé d’installations, de jeux de lumière, de récupérations, de traces de démontage de l’exposition précédente… Au gré de cent trente silhouettes et de vidéos d’archive, Margiela enracine ses singularités, à contre-courant du rythme effréné qu’impose son milieu. • LAURA PERTUY

OFF

l’envers du décor qui obsède Martin Margiela, créateur de mode belge dont l’approche conceptuelle a marqué durablement l’école d’Anvers. À travers la rétrospective que lui consacre le Palais Galliera se dessine un vif intérêt pour la structure du vêtement et pour les codes de la mode. En déconstruisant l’habit – doublures apparentes, coutures inachevées –, Margiela en dévoile la fabrication, passionnante genèse. Dans son atelier parisien, les tailles se font extrêmes, qu’il s’agisse de recherches sur l’oversize ou d’agrandissement de vêtements

BÉRÉNICE

SPECTACLE

Après avoir adapté La Bête dans la jungle de Henry James (2015) et Un amour impossible de Christine Angot (2017), Célie Pauthe s’attaque à la tragédie historique de Jean Racine. Comme à son habitude, elle traite avec justesse et sensibilité cette histoire déchirante sur les tourments amoureux. • E. M.

: du 11 mai au 10 juin à l’Odéon-Théâtre de l’Europe

LE BAL

SPECTACLE

: du 15 mai au 9 juin au Monfort théâtre

TABARNAK

CIRQUE

Les Québécois du cirque Alfonse imaginent une messe extravagante et poétique, qui vire parfois au chemin de croix anarchique, dans un décor d’église. Tabarnak est un happening musical exubérant qui mélange chant, danse et numéros de cirque… De quoi dépoussiérer en beauté la maison du Seigneur. • E. M.

: du 16 mai au 9 juin à Bobino

© ÉLISABETH CARECCHIO ; JOSEPH BANDERET ; AUDRIC GAGNON

Ce conte moderne de Jeanne Frenkel et Cosme Castro mélange les genres – sketch, court métrage, comédie musicale – et les registres, passant de la parodie à la tragédie. Seize comédiens rythment ce bal, composant deux bandes de jeunes sortis de West Side Story desquelles émergent un Roméo et une Juliette. • E. M.

SUR TROISCOULEURS.FR/PLANSCOUL


SAISON

2018 2019

ABONNEZ-VOUS

À TOUT

!

JAN FABRE • SIDI LARBI CHERKAOUI • AKOREACRO SASHA WALTZ • MOURAD MERZOUKI • IVO VAN HOVE THOMAS JOLLY • SATOSHI MIYAGI • CIRQUE PLUME ANNE TERESA DE KEERSMAEKER • FC BERGMAN TANZTHEATER WUPPERTAL PINA BAUSCH / DIMITRIS PAPAIOANNOU • CHARLES BERLING DADA MASILO

01 40 03 75 75 • lavillette.com Ivo Van Hove, Tanztheater Wuppertal Pina Bausch / Dimitris Papaioannou avec le Théâtre de la Ville • Anne Teresa de Keersmaeker avec le Théâtre de la Ville et le Festival d’Automne à Paris • Satoshi Miyagi en coréalisation avec The Japan Foundation, dans le cadre de Japonismes 2018 : les âmes en résonance


SONS

IDRIS ACKAMOOR — : « An Angel Fell » d’Idris Ackamoor & The Pyramids (Strut)

OFF

© PAT MAZZERA

C’est

l’histoire d’un groupe de jazz cosmique formé en 1972 par des étudiants afro-américains à Besançon… Avec The Pyramids, le saxophoniste Idris Ackamoor compose en quelques années une œuvre inclassable, laissant une poignée de disques qui aujourd’hui s’arrachent à prix d’or. Trente ans plus tard, les fans sont si nombreux et insistants qu’Idris réactive sa formation culte. Troisième album de cette deuxième période, An Angel Fell est la preuve de l’éternelle jeunesse d’Ackamoor, capable de convoquer d’un même geste l’Afrique des griots et l’Amérique de la great black music, le jazz psyché et l’afrobeat, toujours sur le fil entre conscience politique et recherche spirituelle. « Mes grandes inspirations sont Fela Kuti, Bob Marley, John Coltrane ou Pharoah Sanders, des musiciens qui s’intéressaient autant aux questions sociales qu’à la dimension spirituelle de la musique », nous explique-t-il depuis San Francisco. « Dans mes compositions, tu ne peux pas séparer l’engagement et le plaisir de

SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM ? « J’aurais du mal à trouver un équivalent dans le cinéma ! An Angel Fell est une fantasmagorie qui mêle la philosophie antique et la science-fiction. C’est l’histoire d’un messager de la lune qui cherche à libérer un ange

jouer, le discours et la quête de beauté. Tout est unifié. » Une conception de la musique qui doit beaucoup à son premier voyage en Afrique, où il passa neuf mois juste après la création de The Pyramids. « Ce voyage n’a jamais cessé de m’inspirer. En Afrique, la musique est toujours combinée à d’autres formes d’expression : on peut chanter, parler, jouer d’un instrument et danser en même temps. La théâtralité, les costumes d’apparat, la participation du public sont tous des traits africains que j’ai intégrés. » Aujourd’hui que l’expression « afrofuturisme » est sur toutes les lèvres (succès du film Black Panther oblige), on lui demande quelle en est sa définition personnelle, lui que tous considèrent comme un pionnier du genre, au même titre que Sun Ra. Une question qu’il esquive d’une pirouette. « Je n’ai jamais aimé coller des étiquettes sur ma musique. Pour reprendre la formule de Duke Ellington, il n’y a que deux sortes de musique : la bonne, et l’autre ! » Est-il vraiment la peine de préciser à laquelle An Angel Fell appartient ? • MICHAËL PATIN

prisonnier dans la pierre. Sa quête le mènera du Ghana aux terres saintes d’Égypte et jusqu’au Dakota du Sud, pour une ultime bataille au cours de laquelle il vaincra les forces de la négativité et fera régner la lumière sur la Terre. » IDRIS ACKAMOOR

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JUKEBOX

DRINKS

: « Hippo Lite » (Drag City)

Cette deuxième réunion lo-fi de la Galloise Cate Le Bon et de l’Américain Tim Presley (White Fence, Darker My Love) s’est faite dans une maison du village cévenol de Saint-Hippolyte-du-Fort (d’où le titre de l’album). Psychédélique et acoustique, l’ambiance (pianos sporadiques, percussions mystérieuses, désaccordage général) est nocturne, joueuse, intimiste, récréative (donc créative) et amicale. Car l’amitié, ça s’entend. • WILFRIED PARIS

MIEN

: « Mien » (Rocket Recordings)

Mien est une sorte de supergroupe psychédélique composé d’Alex Mass des Black Angels, Tom Furse des Horrors, Rishi Dhir d’Elephant Stone et John-Mark Lapham des Earlies (ouf !). Portée par des grooves rappelant l’indie-dance des années 1990 et un sitar indien omniprésent, leur musique fait songer à George Harrison (pour le meilleur) ou à Kula Shaker (pour les clichés), entre trip hallucinogène et krautrock de 2018. • W. P.

PARQUET COURTS : « Wide Awake! » (Rough Trade)

Les très prolifiques New-Yorkais (officiant aussi sous le pseudo Parkay Quarts) n’en finissent plus de mettre à jour leur bondissante pop-punk. Ils font un petit pas de plus vers les gros festivals d’été avec Danger Mouse (Gnarls Barkley, Gorillaz…) à la production de ce Wide Awake! bourré d’énergie, moins sec, donc plus gras, mais pas moins riche en mélodies entêtées et en guitares televisionesques, ici en version hi-fi. • W. P. ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT

Des clips réalisés par Christophe honoré, Bertrand Mandico et Marcel Hartmann.

« La claque Calypso Valois ! » LIBERATION

« L’élégance yéyé d’une Françoise Hardy première époque » TELERAMA « Beauté troublante synthétique et baroque » GRAZIA

NOUVEL ALBUM

DISPONIBLE


SÉRIES

FIERTÉS — : intégrale sur Arte —

Frédéric Pierrot

OFF

Avec

Fiertés, Philippe Faucon prolonge brillamment à la télé le travail de mémoire sur les luttes LGBT entamé par Robin Campillo dans 120 battements par minute. Cette saga en trois volets, pour autant d’époques, retrace les combats menés en France sur le front des droits civils. Dépénalisation de l’homosexualité, vote du Pacs puis de la loi Taubira… Ne se départissant jamais de son style tout en retenue, le réalisateur de Fatima saute très habilement d’une date symbole à l’autre, en se félicitant des victoires remportées sur le chemin vers l’égalité sans occulter les coups reçus au passage (agressions homophobes, harcèlement au travail, à l’école…) ni minimiser les barrières qu’il reste à faire tomber. La belle idée de Fiertés est d’adosser cette

REVOIS

page collective de l’histoire de France à la trajectoire personnelle d’une famille sur trois générations. On y suit Victor (incarné par Benjamin Voisin puis par Samuel Theis) depuis son adolescence en 1981 et sa rencontre avec Serge (formidable Stanislas Nordey), jusqu’à 2013 et leur quotidien de parents du jeune Diego (Julien Lopez). Beau personnage que celui du père de Victor, Charles (Frédéric Pierrot), témoin vivant d’une évolution des mentalités, longtemps vent debout contre le désir d’adoption de son fils, devenu grand-père comblé. À l’image de ce syndicaliste bourru, bousculé jusque dans ses convictions les plus personnelles mais capable de reconnaître ses erreurs, il y a beaucoup d’humanité dans cette fresque aussi intimiste que résolument politique. • GRÉGORY LEDERGUE

VOIS

PRÉVOIS

BETTER THINGS

THE HANDMAID’S TALE

CORTÉS

Très active dans le doublage, Pamela Adlon est longtemps restée dans l’ombre, courant les auditions et élevant seule ses trois filles. C’est ce quotidien d’actrice et de maman qu’elle raconte avec mordant dans Better Things, comédie qu’elle a créée avec Louis C. K., qu’elle a écrit et dont elle tient le rôle principal. À 50 ans, la voilà qui accède enfin à la lumière. Et ça lui va très bien. • G. L .

La série choc, adaptée du roman La Servante écarlate de l’écrivaine canadienne Margaret Atwood, revient pour une saison 2, toujours aussi glaçante avec son héroïne esclave dans une Amérique transformée en enfer totalitaire par des extrémistes religieux. À voir si ce deuxième exercice aura le même retentissement que le premier, arrivé à l’antenne dans le sillage de l’élection de Donald Trump. • G. L .

Le projet peut faire un peu peur : une superproduction Amazon Studios sur le conquistador Hernán Cortés, avec dans le rôle-titre Javier Bardem… Mais c’est Steven Spielberg qui produit, et le scénariste Steven Zaillian (La Liste de Schindler) qui écrit, d’après un fameux script jamais tourné signé Dalton Trumbo (Spartacus) ; alors on est quand même très curieux. • G. L .

: Saison 1 sur Canal+ Séries

: Saison 2 sur OCS

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: Prochainement sur Amazon Prime Vidéo


REPRISE

QUINZAINE DES RÉALISATEURS Photo © William Klein

50e ÉDITION

24 MAI 3 JUIN 2018

Forum des Halles forumdesimages.fr


JEUX VIDÉO

OFF

WARHAMMER. VERMINTIDE 2

La

— : PC (Fatshark) — d’emplacement, ce qui interdit toute routine. Parfois, c’est un sorcier qui apparaît dans notre dos pour nous jeter un sort. Parfois, c’est une horde d’une cinquantaine de vermines qui nous fonce dessus, et il nous faut alors tailler (littéralement) dans la masse à l’arme blanche. Outre ses nombreuses innovations par rapport au premier opus, Vermintide 2 s’impose comme un des meilleurs jeux multijoueur du moment parce qu’il repose sur un équilibre subtil entre la solidarité animant chaque groupe (dont les membres doivent rester unis et communiquer pour espérer survivre) et la paranoïa dévorante suscitée par un environnement hostile menaçant d’engloutir le joueur à tout moment. La recette miracle d’une éternelle fuite en avant. • YANN FRANÇOIS

chasse aux rats géants nous emporte une fois de plus dans sa spirale furieuse. Adapté de l’univers Warhammer, Vermintide 2 réunit quatre joueurs autour d’un objectif simple : fuir. Poursuivis par une armée de guerriers rats et de zombies en armures, nos héros doivent avancer d’un seul bloc à travers les boyaux d’un niveau labyrinthique, utiliser leurs capacités spéciales pour se protéger mutuellement sans se faire déborder par un ennemi pouvant surgir de partout. Les décors sont variés (cela va des égouts suintant la peste à la forteresse gothique, en passant par un champ de blé au soleil couchant), et chaque tentative pour les traverser est unique, les monstres et les objets de soutien (potions de soin, bombes, munitions…) changeant systématiquement

YAKUZA 6. THE SONG OF LIFE

SEA OF THIEVES

SURVIVING MARS

Yakuza fait ses adieux à Kazuma Kiryū, son héros de toujours, avant de partir vers de nouveaux horizons. Bénéficiant d’une belle cure de jouvence graphique, le jeu émeut par son élégance, toute cinématographique, et par la mélancolie qui habite son vieux gangster. • Y. F.

En solo ou à plusieurs, nous sommes en charge d’un galion qu’il nous faut manœuvrer pour explorer les îles environnantes à la recherche de trésors ou pour piller des bateaux adverses… Avec sa philosophie coopérative, Sea of Thieves apporte à l’aventure pirate un souffle inédit. • Y. F.

La conquête de Mars ne se fera pas en un jour. Ce jeu, basé sur de réelles projections scientifiques, l’a bien compris. Nous voici placés à la tête d’une colonie qu’il nous faut patiemment ériger au moyen d’une armée de petits drones. Prenant et zen. • Y. F.

: PS4 (Sega)

: One, PC (Microsoft)

114

: PC, PS4, One

(Paradox Interactive)


INDÉ À JOUER Manette dans une main, carnet de notes dans l’autre, notre chroniqueur teste chaque mois une sélection de jeux indés.

Les jeux de ce mois-ci me font l’effet d’une boucle sans fin, dont il est impossible de s’échapper. Dans Chuchel (Amanita Design | PC), je campe une petite boule de poils noirs qui ne cesse de courir après une cerise. À la manière de Vil Coyote, je déploie des trésors d’ingéniosité pour attraper mon précieux, qui m’est perpétuellement dérobé. Sans doute condamné pour mon avidité, me voilà jeté en prison : dans Ghost of a Tale (SeithCG | PC), je joue une souris experte en infiltration qui, pour retrouver sa dulcinée emprisonnée, doit fouiller les innombrables geôles d’un château à l’architecture kafkaïenne. Je m’exfiltre enfin grâce à Into the Breach (Subset Games | PC, Mac). Aidé d’une armada de tank et de mecha, je dois repousser des monstres géants qui attaquent ma ville. Les ennemis tombent, mais je suis vite submergé par la nuée d’insectes aliens et dois concéder une retraite temporaire avant de repartir au combat. Un passage sur Minit (Devolver Digital | PC, One, PS4) me laisse espérer (à tort) une échappatoire. Dans ce petit jeu d’aventure à l’ancienne, je mène un jeune héros vers sa liberté. Sauf que je ne dispose que de soixante secondes pour explorer les environs et résoudre quelques énigmes avant de mourir. À chaque fois, je ressuscite au dernier check-point et dispose d’une nouvelle minute pour avancer dans mes objectifs. Cette ultime malédiction me le confirme : me voilà devenu un Sisyphe moderne. • YANN FRANÇOIS ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT

VILLETTE SONIQUE

25

30.05.2018

ABRA / ANNA VON HAUSSWOLFF CAR SEAT HEADREST / DEERHUNTER ESSAIE PAS / EXPLODED VIEW F L AT WORMS / HOOK WORMS JAMES HOLDEN & THE ANIMAL SPIRITS JOHN MAUS / JON HOPKINS / KATE NV KELLY LEE OWENS / MARQUIS DE SADE MIDNIGH T SIS T E R / MOGWAI NAKED GIANTS / THE FIELD… villettesonique.com • #VS18


LIVRES

LES TERRANAUTES Imaginez,

en Arizona, un dôme en verre blindé abritant un complexe de 1,2 hectare doté d’une ferme, d’une jungle reconstituée et d’une petite mer salée de cinquante mètres sur vingt-cinq, mise en mouvement par une machine à vagues. La température intérieure est d’environ 27 °C, le taux d’humidité donne la sensation d’un climat tropical. Que diriez-vous d’habiter là pendant deux ans, coupé du monde extérieur, en compagnie de sept personnes ? Tel est le défi relevé par les héros du nouveau roman de T. C. Boyle, dans le cadre d’un programme scientifique inspiré d’une authentique expérience menée en 1991 au même endroit, le projet Biosphere 2. L’objectif ? Tester la recréation d’un écosystème sous cloche, en vue de la future implantation de l’humanité sur Mars. À l’époque, Biosphere 2 avait été un flop, en raison de la mauvaise gestion du niveau d’oxygène dans le dôme et de la mésentente entre les participants. T. C. Boyle, passionné par les questions écologiques (souvenez-vous de son roman Après le carnage) et par le thème de la vie communautaire (D’amour et d’eau fraîche), ne pouvait qu’être inspiré par l’affaire, qu’il transpose ici en la renommant « E2 », pour Earth 2. Huit « terranautes » enthousiastes s’enferment pour deux ans sous le dôme, bien décidés à survivre sans apport extérieur, par l’agriculture et l’élevage. Depuis leur poste de contrôle, les concepteurs du projet les observent au moyen de caméras, façon Big Brother… Très vite, les enjeux de ce huis clos apparaissent : endurer la privation alimentaire (on ne mange que ce que l’on cultive), tolérer

la surveillance (on vit sous le regard du monde), et s’arranger pour le sexe (impossible de s’abstenir durant deux ans). L’utopie écologiste et communautaire se transforme bientôt en épreuve de résistance physique et psychique… Boyle met cette aventure en scène avec son ironie et sa maestria habituelles, par l’intermédiaire de trois personnages qui prennent la parole par alternance – procédé classique dont il exploite savamment les

OFF

Ils s’enferment pour deux ans sous le dôme, bien décidés à survivre sans apport extérieur. ressources, effets de point de vue et autres contradictions entre narrateurs. Rançon des facilités de l’auteur, le roman compte cent pages de trop, comme souvent chez lui. Mais il est si drôle et bien documenté que l’on va au bout, curieux de savoir comment tout finira. Pas sûr que les terranautes, eux, iront au bout des deux ans. • BERNARD QUIRINY

— : de T. C. Boyle, traduit de l’anglais (États-Unis) par Bernard Turle, Grasset, 590 p.

UN TABLEAU NEIGEUX

LE COUP DU LAPIN

AU PAYS DES RICHES OISIFS

Chiper un petit tableau sur les murs d’un collectionneur anglais n’est pas une bonne idée. C’est ce qu’apprend l’aimable Edwin, héros lunaire de ce conte burlesque dans lequel Manuel Benguigui, galeriste à Paris, prend pour décor le monde de l’art. • B. Q.

L’artiste Didier Paquignon illustre à l’encre des coupures de presse désopilantes récoltées partout, à la façon Nouvelles en trois lignes de Fénéon. Résultat : un beau recueil incongru qui est aussi le livre le plus drôle du printemps. • B. Q.

Le romancier canadien Stephen Leacock (1869-1944) s’attaque à l’esprit de lucre et de possession dans ce roman satirique de 1912, dans lequel les élites en prennent pour leur grade. La charge, mordante, n’a pas tellement vieilli. • B. Q.

(Mercure de France, 144 p.)

(Le Tripode, 180 p.)

(Wombat, 254 p.)

: de Manuel Benguigui

: de Didier Paquignon

116

: de Stephen Leacock


direction Stéphane Braunschweig

11 mai – 10 juin 2018

direction Stéphane Braunschweig

Tristesses Bérénice un spectacle d’Anne-Cécile Vandalem Das Fräulein (Kompanie)

Odéon 6e

avec Asia Amans Vincent Cahay Anne-Pascale Clairembourg Epona Guillaume Séléné Guillaume Florence Janas Pierre Kissling Zoé Kovacs Vincent Lécuyer Catherine Mestoussis Jean-Benoit Ugeux Anne-Cécile Vandalem Françoise Vanhecke Alexandre Von Sivers

© Christophe Engels

de Jean Racine mise en scène Célie Pauthe Berthier 17e

avec Clément Bresson Marie Fortuit Mounir Margoum Mahshad Mokhberi Mélodie Richard Hakim Romatif

© Élizabeth Carecchio

Odéon-Théâtre de l’Europe 01 44 85 40 40 theatre-odeon.eu #Tristesses / #Bérénice

THÉÂTR E D E L’ E U R O P E

5 – 27 mai THÉÂTR E 2018 D E L’ E U R O P E


BD

OFF

CHAOS

— : de Stanislas Moussé (Super Loto Éditions, 64 p.)

Une

cité paisible comme un village de santons est brutalement dévastée par quatre géants. Deux rescapés prennent le chemin de l’exil. Entièrement muette et ne contenant qu’une grande image par page, cette bande dessinée nous fait ainsi suivre un périple vers l’est, ou en tout cas vers la droite… En effet, ici le point de vue est immuable. Placé dans la position d’un dieu, le lecteur observe d’en haut de petits êtres réduits à la taille de figurines glisser dans une invariable perspective cavalière évoquant un jeu vidéo d’antan. Le silence incite à l’examen des nombreux éléments du décor et à y dénicher les indices de ce qui va advenir. Les géants, qui eux couraient de droite à gauche, ne vont pas tarder à resurgir. Le travelling géographique met en scène une métaphore de l’écoulement du temps. Regarder les civilisations passer à la vitesse où l’on voit défiler les paysages depuis un train, voilà la puissante expérience que proposent les audacieuses éditions Super Loto, installées dans le Lot, démontrant une fois de plus que, loin de la capitale, la créativité s’épanouit aussi. • VLADIMIR LECOINTRE 118


MUSÉE DU LUXEMBOURG 7 MARS 1er JUILLET 2018

Tintoret, Autoportrait, vers 1547, huile sur toile © Philadelphia Museum of Art, Gift of Marion R. Ascoli and the Marion R. and Max Ascoli Fund in honor of Lessing Rosenwald, 1983, Philadelphie - Design www.solennmarrel.fr


mk2 SUR SON 31 JEUDI 3 MAI ARCHITECTURE ET DESIGN « Le groupe Memphis : libérer la couleur et la forme. »

: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h

UNE HISTOIRE DE L’ART « Le Cubisme ou la décomposition des formes. »

SCIENCES SOCIALES ET CINÉMA « Jusqu’où résister. » Projection de Night Moves de Kelly Reichardt, suivie d’une discussion avec la sociologue Vanessa Jérôme (EHESS), membre du laboratoire d’excellence TEPSIS (Transformation de l’État, politisation des sociétés et institution du social) et spécialiste de l’écologie politique et de ses formes radicales.

: mk2 Bibliothèque à 19 h 45

: mk2 Beaubourg à 20 h

SAMEDI 5 MAI L’ART CONTEMPORAIN « Berlin, ville ouverte. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

FASCINANTE RENAISSANCE « La Renaissance allemande : Cranach, Grien, Holbein. »

: mk2 Beaubourg à 11 h

SAMEDI 12 MAI L’ART CONTEMPORAIN « Londres, “bomb culture” ? »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

FASCINANTE RENAISSANCE « Albrecht Dürer, le génie du Nord. »

: mk2 Beaubourg

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « La confiance en soi, une philosophie ? »

: mk2 Odéon (côté St Germain)

RENDEZ-VOUS DES DOCS « Homemade movie. » Projection d’Un chant d’amour de Jean Genet, puis de Ceci est une pipe (Journal extime) de Pierre Trividic, Patrick-Mario Bernard et Xavier Brillat, suivie d’un débat avec les coréalisateurs.

: mk2 Quai de Loire à 20 h

MARDI 15 MAI ENTRONS DANS LA DANSE « Les grands chorégraphes contemporains. »

: mk2 Bibliothèque

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

FASCINANTE RENAISSANCE « L’École de Fontainebleau : Rosso, Primatice, Dubreuil, Dubois. » à 11 h

VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « Les mondes parallèles. »

: mk2 Quai de Loire à 11 h

MARDI 22 MAI UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Federico Fellini : le clown iconoclaste. »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

: mk2 Quai de Seine

JEUDI 24 MAI

à 20 h

UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Akira Kurosawa : le maître du cinéma japonais ? »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

JEUDI 17 MAI ENTRONS DANS LA DANSE « Les grands chorégraphes contemporains. »

: mk2 Quai de Seine à 20 h

à 18 h 30

NOS ATELIERS PHOTO ET VIDÉO « Noir & blanc vs couleur. » Découvrez les meilleures applis pour travailler la photo en noir & blanc et en couleurs, apprenez les réglages pour un meilleur rendu, comment affiner les contrastes, gérer l’exposition, les ombres et les hautes lumières. Comprenez l’influence de la couleur dans la composition photographique.

L’ART CONTEMPORAIN « Bruxelles : nouvelle capitale artistique ? »

: mk2 Beaubourg

à 11 h

LUNDI 14 MAI

SAMEDI 19 MAI

CINÉ-JAM D’EDGAR SEKLOKA Hommage à la musique noire par le rappeur et écrivain Edgar Sekloka.

: mk2 Quai de Seine à 20 h

UNE HISTOIRE DE L’ART « Le Futurisme : l’exaltation du monde moderne. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

à 19 h 30

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ARCHITECTURE ET DESIGN « L’architecture déconstructiviste : de Frank Gehry à Zaha Hadid. »

: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h

UNE HISTOIRE DE L’ART « La naissance des abstractions. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

SAMEDI 26 MAI L’ART CONTEMPORAIN « Sao Paulo-Rio de Janeiro, nouveaux territoires de l’art. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

FASCINANTE RENAISSANCE « Le Maniérisme. »

: mk2 Beaubourg à 11 h



mk2 SUR SON 31 LUNDI 28 MAI

MARDI 5 JUIN

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Faut-il vraiment chercher à comprendre ? »

ENTRONS DANS LA DANSE « Danse et cinéma. »

: mk2 Odéon (côté St Germain)

à 20 h

: mk2 Quai de Seine

à 18 h 30

MARDI 29 MAI UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Ingmar Bergman : la beauté névrotique. »

UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Jean-Luc Godard : le mauvais élève du cinéma ? »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

: mk2 Odéon (côté St Michel)

JEUDI 7 JUIN

à 20 h

JEUDI 31 MAI ARCHITECTURE ET DESIGN « Les femmes designer. »

: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h

UNE HISTOIRE DE L’ART « Marcel Duchamp, l’inclassable. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

SAMEDI 2 JUIN L’ART CONTEMPORAIN « Los Angeles ou New York ? »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

FASCINANTE RENAISSANCE « El Greco, le plus espagnol des Crétois. »

: mk2 Beaubourg à 11 h

LUNDI 4 JUIN LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Qu’est-ce qui nous plaît lorsque quelqu’un nous plaît ? »

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

SCIENCES SOCIALES ET CINÉMA « Jusqu’où résister. » Projection d’Amen de Costa-Gavras, suivie d’une discussion avec l’historien Florent Brayard (CNRS), membre du Centre de recherches historiques, dont les travaux portent sur la politique nazie de persécution et d’extermination des Juifs.

: mk2 Bibliothèque à 19 h 45

MARDI 12 JUIN UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Stanley Kubrick : un misanthrope qui fascine. »

ARCHITECTURE ET DESIGN « Le blob architecture ou l’architecture organique. »

(côté St Michel)

: mk2 Bibliothèque

à 20 h

: mk2 Odéon

(entrée BnF) à 20 h

UNE HISTOIRE DE L’ART « Entre provocation et humour : Dada. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

SAMEDI 9 JUIN

JUSQU’AU 19 JUIN CYCLE BOUT’CHOU Pour les enfants de 2 à 4 ans : Monsieur Bout-de-Bois et En promenade ; Petit à petit et À deux, c’est mieux ! ; Les Amis animaux et Léo et Fred.

: mk2 Gambetta,

VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « Les extra-terrestres existent-ils ? »

mk2 Bibliothèque,

: mk2 Quai de Loire à 11 h

et mk2 Quai de Seine

mk2 Bastille (côté Beaumarchais) en matinée

L’ART CONTEMPORAIN « Pékin, écrire une histoire de la Chine. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

LUNDI 11 JUIN LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Et si le travail nous rendait heureux ? » Avec Philippe Nassif.

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

CYCLE JUNIOR Pour les enfants dès 4 ans : Ponyo sur la falaise de Hayao Miyazaki ; La Colline aux coquelicots de Gorō Miyazaki ; Mary et la Fleur de la sorcière de Hiromasa Yonebayashi.

: mk2 Gambetta, mk2 Quai de Loire et mk2 Bibliothèque en matinée

RETROUVEZ TOUS LES ÉVÉNEMENTS DES SALLES mk2 SUR MK2.COM/EVENEMENTS

122



Photo en basse luminosité

www.samsung.com DAS Galaxy S9+ : 0,294 W/kg. Le DAS (débit d’absorption spécifique) des appareils mobiles quantifie le niveau d’exposition maximal de l’utilisateur aux ondes électromagnétiques, pour une utilisation à l’oreille. La réglementation française impose que le DAS ne dépasse pas 2 W/kg. L’utilisation d’un kit mains libres est recommandée. Visuels non contractuels. Écran simulé. Samsung Electronics France - CS2003 - 1 rue Fructidor - 93484 Saint-Ouen Cedex. RCS Bobigny 334 367 497. SAS au capital de 27 000 000 €.


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