N 162
O
ÉTÉ 2018 GRATUIT
À L’AVENTURE GUILLAUME BRAC CONTE L’ÉTÉ
PYRAMIDE PRÉSENTE
E L L E
F A N N I N G
À 18 ANS, ELLE ÉCRIT FRANKENSTEIN ET RÉVOLUTIONNE LA LITTÉRATURE
M ARY S HELLEY CRÉATION
U N H A I F A A
F I L M D E A L - M A N S O U R
PYRAMIDE PRÉSENTE
ELLE FANNING est
M ARY S HELLEY CRÉATION
U N H A I F A A
F I L M D E A L - M A N S O U R
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C R O I S A D E
SAUVAGE EMBRASE LE MONDE
AU CINÉMA LE 29 AOÛT
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FULGURANT
IMPOSSIBLE À OUBLIER TÉLÉRAMA
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L’HUMANITÉ
p r é s e n t e n t
UN FILM HABITÉ LES INROCKUPTIBLES
BOULEVERSANT LE FIGARO
ÉDITO L’aventure
commence là : sur un coup de tête, deux jeunes femmes, qui travaillent ensemble mais se connaissent à peine, partent pour une journée sur l’île de loisirs de Cergy-Pontoise – l’escapade est, forcément, pleine de promesses. C’est ainsi que débute Contes de juillet, le nouveau film de Guillaume Brac, qui sort quelques semaines après son fabuleux documentaire L’Île au trésor, lui aussi tourné sur la base de loisirs verdoyante et bondée de la banlieue parisienne. Le réalisateur d’Un monde sans femmes et de Tonnerre rend hommage au cinéma d’Éric Rohmer. Si le titre de son film évoque bien sûr Conte d’été (1996), il revendique surtout l’influence de L’Ami de mon amie (1987), tourné en partie sur la même île – la même plage, les mêmes sentiers forestiers propices à l’exploration des sentiments – avec la volonté d’en prolonger le discours sociologique : là où L’Ami de mon amie filmait une ville nouvelle fréquentée par une classe moyenne blanche, les films de Guillaume Brac montrent, trente ans plus tard, une banlieue métissée et plurielle tout aussi avide de s’évader. Car, chez Rohmer comme chez Brac, le parc de Cergy, si près de la ville et du quotidien, agit comme une parenthèse enchantée où les langues se délient, où les corps se dénudent, où tout semble possible – et surtout l’aventure. Beau programme pour l’été. • JULIETTE REITZER
SRABB FILM SRA I S ETT REECTA CT NGL NGLEE PPROD R UCTTION ROD IO S PRÉS PRÉSENTE ENTE NTENTNT
“ ENTRE RIRE ET LARMES, ÉRIC JUDOR SURPREND ET EXCELLE “ PREMIÈRE
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PHOTO : ©CÉLINE NIESZAWER. CRÉDITS NON CONTRACTUELS
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AU CINÉMA LE 25 JUILLET
POPCORN
P. 14 RÈGLE DE TROIS : ISABELLE ADJANI • P. 16 SCÈNE CULTE : THE LAST MOVIE • P. 26 LE NOUVEAU : FÉLIX MARITAUD
BOBINES
P. 28 EN COUVERTURE : GUILLAUME BRAC • P. 40 PORTRAIT : DESIREE AKHAVAN • P. 44 PORTFOLIO : JENNIFER JASON LEIGH
ZOOM ZOOM
P. 56 LE POIRIER SAUVAGE • P. 60 UNDER THE SILVER LAKE P. 64 BURNING • P. 68 GUY
COUL’ KIDS
P. 84 INTERVIEW : AÏSSA MAÏGA • P. 86 LA CRITIQUE D’ÉLISE : CAPITAINE MORTEN ET LA REINE DES ARAIGNÉES
OFF
P. 88 ÉVÉNEMENT : JAPONISMES 2018 • P. 106 SONS : KIDDY SMILE • P. 108 SÉRIES : SHARP OBJECTS
ÉDITEUR MK2 AGENCY — 55, RUE TRAVERSIÈRE, PARIS XIIe — TÉL. 01 44 67 30 00 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ELISHA.KARMITZ@MK2.COM | RÉDACTRICE EN CHEF : JULIETTE.REITZER@MK2.COM CHEFFE DE RUBRIQUE CINÉMA : TIME.ZOPPE@MK2.COM | RÉDACTEURS : QUENTIN.GROSSET@MK2.COM, JOSEPHINE.LEROY@MK2.COM GRAPHISTE : JÉRÉMIE LEROY | SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : VINCENT TARRIÈRE | STAGIAIRE : GUILLAUME LAGUINIER ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : JULIEN BÉCOURT, HENDY BICAISE, LILY BLOOM, CHARLES BOSSON, RENAN CROS, JULIEN DOKHAN, JULIEN DUPUY, MARIE FANTOZZI, YANN FRANÇOIS, CLAUDE GARCIA, AÏNHOA JEAN-CALMETTES, RAMSÈS KEFI, DAMIEN LEBLANC, VLADIMIR LECOINTRE, GRÉGORY LEDERGUE, STÉPHANE MÉJANÈS, JÉRÔME MOMCILOVIC, WILFRIED PARIS, MICHAËL PATIN, PERRINE QUENNESSON, BERNARD QUIRINY, CÉCILE ROSEVAIGUE, ÉRIC VERNAY, ANNE-LOU VICENTE, ETAÏNN ZWER & ÉLISE ET FRIDETTE, HALIMATOU, LOUBNA, LUNA DIOR, NADRÉE ET NOGOFÉRIMA | PHOTOGRAPHES : PALOMA PINEDA, PHILIPPE QUAISSE, ERIOLA YANHOUI ILLUSTRATEURS : AMINA BOUAJILA, PABLO COTS, SAMUEL ECKERT, ÉMILIE GLEASON, PABLO GRAND MOURCEL, ÉLODIE LASCAR PUBLICITÉ | DIRECTRICE COMMERCIALE : STEPHANIE.LAROQUE@MK2.COM | RESPONSABLE MÉDIAS : CAROLINE.DESROCHES@MK2.COM ASSISTANT RÉGIE, CINÉMA ET MARQUES : DORIAN.TRUFFERT@MK2.COM | RESPONSABLE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : MELANIE.MONFORTE@MK2.COM | ASSISTANTE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : LUCILLE.ETCHART@MK2.COM TROISCOULEURS EST DISTRIBUÉ DANS LE RÉSEAU LE CRIEUR CONTACT@LECRIEURPARIS.COM © 2018 TROISCOULEURS — ISSN 1633-2083 / DÉPÔT LÉGAL QUATRIÈME TRIMESTRE 2006 — TOUTE REPRODUCTION, MÊME PARTIELLE, DE TEXTES, PHOTOS ET ILLUSTRATIONS PUBLIÉS PAR MK2 AGENCY EST INTERDITE SANS L’ACCORD DE L’AUTEUR ET DE L’ÉDITEUR. — MAGAZINE GRATUIT. NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE.
INFOS GRAPHIQUES
TWISTS ET TRAVELLINGS
À
CHANTAL CHANTAL GOYA GOYA
CLAUDE FRANÇOIS
JOHNNY HALLYDAY HALLYDAY JOHNNY
actrice dans Masculin féminin de Jean-Luc Godard (1966)
joué par Jérémie Renier dans Cloclo de Florent Emilio-Siri (2012)
dans son propre rôle dans Jean-Philippe de Laurent Tuel (2006)
La future star de la ritournelle enfantine incarne une jeune chanteuse ambitieuse dont Paul (Jean-Pierre Léaud) est amoureux… Passer de Godard à « Bécassine », un vrai tour de force !
Ce biopic retraçant sa vie, de son enfance en Égypte à sa mort en 1978, révèle que ce mythe de la chanson française, connu pour ses accès de colère, était aussi très complexé.
Que serait devenu Johnny s’il n’avait jamais percé ? Un patron de bowling !… L’« idole des jeunes » jouait ici avec autodérision de son image.
DALIDA DALIDA
CHRISTOPHE
SYLVIE SYLVIE VARTAN VARTAN
jouée par Sveva Alviti dans Dalida de Lisa Azuelos (2017)
dans son propre rôle dans Quand j’étais chanteur de Xavier Giannoli (2006)
actrice dans L’Ange noir de Jean-Claude Brisseau (1994)
Le film revient sur la vie de l’interprète de « Bambino », et notamment sur ses histoires d’amour tortueuses et tragiques, avant son suicide en 1987, qui avait suscité l’émoi.
Lors d’un caméo, le compositeur et interprète des « Paradis perdus » – titre phare du film – se pose en modèle d’un chanteur ringard hyper attachant (joué par Gérard Depardieu).
Chez Brisseau, la chanteuse surprend en incarnant une femme riche qui prétend avoir été violée pour justifier un meurtre. Bien loin de l’image candide des yé-yé.
ÉMOPITCH BLACKKKLANSMAN. J’AI INFILTRÉ LE KU KLUX KLAN DE SPIKE LEE (SORTIE LE 22 AOÛT) 8
ILLUSTRATION : JÉRÉMIE LEROY
l’occasion de la sortie de Guy d’Alex Lutz, un faux documentaire dans lequel l’humoriste joue avec brio un chanteur star des sixties vieillissant (lire p. 68), retour sur la fascination du cinéma pour cet autre monument de la pop culture que sont les yé-yé. Entre premiers rôles, caméos furtifs et biopics élogieux, voici des idoles toujours dans l’air du temps. • JOSÉPHINE LEROY
Une des surprises de Cannes. Un saisissant instantané marocain. LIBÉRATION Un très beau film. Coup de cœur. LE MONDE LE FIGARO
CURIOSA FILMS
UN FILM DE
MERYEM BENM’BAREK
© Curiosa Films © Photo - Wiame Haddad © design e.dorot
PRÉSENTE
MAHA ALEMI LUBNA AZABAL SARAH PERLES FAOUZI BENSAÏDI HAMZA KHAFIF
5 SEPTEMBRE
FAIS TA B.A.
À chaque jour ou presque, sa bonne action cinéphile. Grâce à nos conseils, enjolivez le quotidien de ces personnes qui font de votre vie un vrai film (à sketches). POUR VOTRE MEILLEURE POTE, COINCÉE À PARIS CET ÉTÉ À court d’argent, elle a accepté un job d’été peu ragoûtant : celui de dogsitter. Elle aurait préféré vous suivre à Tokyo, plutôt que démêler les laisses de toutous surexcités dans les rues de Paris. Pour la faire voyager, offrez-lui ce dictionnaire qui se penche sur l’âge d’or du cinéma japonais. Probable qu’à votre retour elle soit plus calée que vous.
: « Dictionnaire du cinéma japonais en 101 cinéastes. L’âge d’o r 1935-1975 », sous la direction de Pascal-Alex Vincent (Carlotta Films / GM Éditions)
POUR VOTRE SŒUR JUMELLE, REPORTER DE GUERRE INFATIGABLE Vous êtes jumelles, certes, mais pas siamoises : elle ne peut pas s’empêcher de bouger tout le temps ; vous angoissez à l’idée de prendre le métro. À votre décharge, vous avez d’autres qualités – vous adorez le cinéma. À voir à deux, Profession : reporter du maître italien Michelangelo Antonioni, qui vous passionnera l’une comme l’autre.
: Coffret « Profession : reporter » de Michelangelo Antonioni (Carlotta Films)
Pickpocket
à la Cinémathèque française
de Robert
Br es son (1
A DIS TRIBU
: « Rétrospective Robert Bresson » jusqu’au 29 juillet
959)
POUR VOTRE ANCIEN PROF DE CINÉ QUI S’EST CASSÉ LA CHEVILLE Il vous a enseigné le cinéma avec une passion contagieuse. Comme il doit rester à l’hôpital quelques jours, offrez-lui ce beau livre publié par Taschen pour le centenaire de la naissance d’Ingmar Bergman. Petit scoop : c’est à l’hosto que le cinéaste suédois, pris d’hallucinations à la suite d’une injection, imagina le sublime et pénétrant Persona (1966).
: « Les Archives Ingmar Bergman » de Paul Duncan et Bengt Wanselius (Taschen, 452 p.)
POUR VOTRE FILLEUL, QUI BOSSE EN S’ARRACHANT LES CHEVEUX Pour son mémoire, qui porte sur l’histoire des luttes pour les droits civiques des Afro-Américains, Rémi galère bien comme il faut. Son désarroi est immense. Sauvez-le en l’emmenant voir Do the Right Thing (1989) de Spike Lee, qui ressort en version restaurée. Entre humour et drame, ce film culte traite des tensions raciales entre Noirs et Blancs à Brooklyn.
: « Do the Right Thing » de Spike Lee (Splendor Films), sortie en version restaurée le 15 août
• JOSÉPHINE LEROY 10
© DIAPHAN
Ex-punk débraillé, il s’est converti à la casquette gavroche, au tweed et à la chemise à carreaux et s’isole, dès que le soleil se pointe, dans les salles de ciné climatisées. Pas facile de faire plaisir à votre père, qui est hautement exigeant. Vous ne risquez rien en lui proposant d’aller voir la rétrospective consacrée au cinéma radical de Robert Bresson.
TION
POUR VOTRE PÈRE, UN VIEUX BOUGON QUE LE BEAU TEMPS MET EN ROGNE
AVENUE B PRÉSENTE
L’APPARITION D’UNE SIRÈNE A RÉVEILLÉ LEURS VIES JOY RIEGER EVGENIA DODINA MICHAEL ALONI MANUEL ELKASLASSY
UN FILM DE
KEREN BEN RAFAEL
CHAUD BIZ
POPCORN
DISPARITION DU FOOT SUR CANAL+ : QUELS IMPACTS ?
En
le Chinois Orient Hontai Capital et jusque-là inconnu au bataillon, a ravi les principaux lots pour retransmettre la Ligue 1 de football pour les saisons 2020 à 2024, évinçant ainsi le diffuseur historique, Canal+. C’est sûr qu’en sortant 1,15 milliard d’euros de sa poche, Mediapro a mis la barre très haut. Comme l’a dit sur Twitter Mathieu Debusschère, délégué général de L’ARP (Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs), c’est « un séisme » pour le monde du cinéma français. De fait, avec une potentielle perte du nombre des abonnés que les dirigeants de la chaîne cryptée estiment à un ou deux millions, il est à craindre que, mécaniquement, celle-ci réduise fortement son soutien au septième art hexagonal. Pire, les fameuses obligations de la chaîne sont liées à un accord renouvelable tous les cinq ans qui arrive à échéance fin 2019. Il se pourrait que Canal+ ne souhaite plus investir autant dans les longs métrages et renégocie durement à la veille de 2020. Si une réflexion profonde autour du financement du cinéma semble nécessaire, cette affaire, qui s’annonce riche en rebondissements, est à suivre… • PERRINE QUENNESSON ILLUSTRATION : ÉMILIE GLEASON
mai dernier, la chaîne cryptée a perdu les droits de diffusion de la Ligue 1 à partir de 2020. Quel rapport avec le septième art ? L’argent, évidemment. Depuis 1984, l’année de sa naissance, Canal+ est l’un des principaux financeurs du cinéma français, une place due notamment à des obligations d’investissements auxquelles elle seule est soumise. En effet, si elle veut bénéficier d’un temps d’avance en matière de diffusion (dix mois après la sortie en salles des films, contre vingt-deux pour ses concurrentes), la chaîne cryptée doit investir 12,5 % de son chiffre d’affaires dans la production des films européens, dont 9,5 % dans le cinéma français. Or, depuis quelque temps, ce n’est pas un secret, ça ne va pas fort-fort du côté de Canal+. En raison, notamment, de choix éditoriaux peu populaires et de la concurrence toujours plus grande des plates-formes, les abonnés fuient en masse et la chaîne se cherche. Conséquence : la somme allouée au septième art est elle aussi en berne. Une situation déjà préoccupante, qui s’est aggravée fin mai quand on a appris que Mediapro, groupe audiovisuel espagnol récemment racheté par
Il est à craindre que, mécaniquement, Canal+ réduise son soutien au septième art hexagonal.
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UN FILM DE DAVID ROBERT MITCHELL
ANDREW
GARFIELD
Crédits non contractuels • © 2017 Under the LL Sea, LLC
UNDER
THE
RILEY
KEOUGH
SILVER LAKE
LE 8 AOÛT
RÈGLE DE TROIS
ISABELLE ADJANI
Dans Le monde est à toi de Romain Gavras, l’actrice nous a épatés en mère abusive et hors-la-loi, à la fois drôle, glam et flippante. Avec beaucoup de finesse, elle a répondu à notre questionnaire cinéphile. 3 personnages de femmes gangsters qui vous ont marquée ? Bonnie, parce qu’elle aime Clyde plus que le crime. Jackie Brown, parce qu’elle devient criminelle pour être libre. Uma Thurman dans Kill Bill, parce que la beauté de son body language érotise la quête de vengeance au féminin. Décrivez-vous en 3 héroïnes de fiction. Humaine comme Liv Ullmann, Harriet Andersson et Ingrid Thulin dans Cris et Chuchotements – à elles trois elles sont ma plus belle raison d’être actrice. Réservée comme Ada, interprétée par Holly Hunter dans La Leçon de piano, rôle que je n’ai pas pu faire, engluée dans un chagrin d’amour… un regret pour l’éternité. Fantaisiste comme Anna Karina, si exquisément légère dans Pierrot le fou. 3 leçons de vie apprises au cinéma ? Action ! La vie se répète malgré toutes les prises de
risques et toutes les prises de tête. Coupez ! Les ruptures, les fractures que l’on ne peut pas changer, parce que, si la vie vous démonte, elle ne se remonte pas. Clap de fin ! Il faut passer à autre chose tout en restant soi, rester soi pour changer de rôle, sauf que la vie ne vous a pas envoyé tout le scénario. Quel film avez-vous vu 3 fois, ou plus ? The Hours, parce que Virginia Woolf, Meryl Streep, Julianne Moore, Nicole Kidman. Un film qui me met totalement en larmes. 3 femmes que vous avez incarnées et qui continuent de vous habiter ? Adèle Hugo [dans L’Histoire d’Adèle H, ndlr], rôle initiatique, prophétique : une « éperdition » amoureuse dans un orage de lettres en poste restées. Camille Claudel : elle sculpte les pierres fines et fragiles sans pouvoir sceller dans la pierre sa passion. La reine Margot : fille de roi, sœur de roi, deux fois reine, mais trop libre et
— : « Le monde est à toi » de Romain Gavras StudioCanal (1 h 35) Sortie le 15 août
— 14
trop sauvage pour supporter toute couronne. L’acteur ou l’actrice qui vous faisait fantasmer à 13 ans ? À 13 ans, je ne fantasmais pas, je rêvais, mais dans mon cinéma imaginaire j’étais dans les bras du Montgomery Clift d’Une place au soleil ou du Belmondo d’À bout de souffle. 3 jeunes cinéastes qui vous inspirent ? Romain Gavras, parce qu’il m’a aspirée dans son cinéma – je lui ai dit oui pour être ou paraître dans tous ses prochains films. Xavier Dolan, parce qu’il adapte aussi bien qu’il invente, parce qu’il se souvient aussi bien qu’il se projette – même s’il ne tourne qu’avec les stars très en vogue au box-office, je resterai fan. Jean-Bernard Marlin, parce qu’il crée dans son premier film, Shéhérazade, une autre façon de faire un cinéma qui bouleverse complètement. • PROPOS RECUEILLIS PAR JULIETTE REITZER
SCÈNE CULTE
THE LAST MOVIE
POPCORN
« Ça, c’est la belle vie ! Belle et toute simple. »
« Le
– le director’s cut c’est bien, mais un peu de contrôle ne fait pas de mal non plus. Au milieu du chaos surnagent quelques instants de poésie, comme cette scène durant laquelle Kansas (Hopper) et sa maîtresse, Maria (Stella Garcia), font l’amour sous une cascade. La beauté sauvage des paysages se confond avec celle des corps filmés caméra à l’épaule, le roulement de l’eau sur la roche se mêle aux halètements de jouissance. Puis un plan en surplomb montre le passage d’un curé et de ses jeunes ouailles à flanc de falaise, chantant en chœur tout en observant la scène. « Ça, c’est la belle vie ! Belle et toute simple », conclut Kansas-Hopper, ce qui dit beaucoup de l’inconscience qui régnait des deux côtés de la caméra. À voir pour situer cette courte faille temporelle pendant laquelle les freaks avaient pris le contrôle de Hollywood. • MICHAËL PATIN
tournage a été une longue orgie, relatait Dennis Hopper au magazine anglais Uncut en 2005. Partout il y avait des gens nus et complètement défoncés. Mais ça ne nous a pas dérangés, ça nous a aidés au contraire à finir le film. On était peut-être des junkies, mais des junkies avec une éthique de travail… Les drogues, l’alcool, le sexe ont nourri notre créativité. » Voilà ce qui se passa quand la firme Universal, déboussolée par le boom de la contre-culture (et le succès d’Easy Rider en 1969), envoya Hopper tourner The Last Movie au Pérou, épicentre de la cocaïne, avec ses amis stars – Samuel Fuller, Peter Fonda, Kris Kristofferson ou Michelle Phillips du groupe The Mamas and the Papas. Le résultat, longtemps invisible, est un impayable délire méta (l’histoire d’un tournage de western dans les Andes qui part en sucette), improvisé par des acteurs aux yeux rouges, bourré de folk songs et monté contre toute logique narrative. Un film « fin de trip » dont le flop au box-office fit office de précédent pour le Nouvel Hollywood
— : de Dennis Hopper (Carlotta, 1971)
Sortie en version restaurée le 18 juillet
— 16
SAMEDI 29 SEPTEMBRE 2018, PARC WALT DISNEY STUDIOS®
©Disney Euro Disney Associés SCA – Siren 397471822 – RCS Meaux - Licences ES n°a-1096480 à 1-1096489 ; 1-1096253 ; 1-1102702 ; 1-11102736 ; 2-1096251 et 3-1096250
Une soirée inédite rythmée par des musiciens jazz de différents styles, la présence de nombreux Personnages Disney, l’accès aux attractions phares et, pour la première fois à Disneyland® Paris, Jazz Loves Disney en concert.
SELAH SUE / BEN L’ONCLE SOUL / CHINA MOSES MYLES SANKO / HUGH COLTMAN / ROBIN MCKELLE Réservez vos places sur DisneylandParis.com ou au 0825 300 500 (service 0,15€/min + prix d’un appel). Les artistes et la programmation sont susceptibles de changer à tout moment sans préavis.
SCÈNE CULTE
THE PARTY
POPCORN
« Num-num. Num-num. Birdie Num- num. »
En
le papier peint, un peu à la manière d’un sombre personnage hitchcockien s’apprêtant à commettre le mal : fasciné par un mystérieux tableau d’interrupteurs, à l’écart du salon où les convives sirotent des cocktails, il commence à les enclencher un par un. La musique suave et jazzy du compositeur Henry Mancini, qui filait dans une ambiance cosy en fond sonore, vient tout juste de s’arrêter, et le comédien maladroit, singeant un perroquet, baragouine dans un micro qu’il a enclenché par inadvertance : « Num-num. Num-num. Birdie num-num. ». Un plan nous montre alors la mine interloquée puis apeurée des invités. La réplique sonne (à raison) comme celle d’un oiseau de mauvais augure : ce n’est que le début d’une série de petites catastrophes. • JOSÉPHINE LEROY
1969, après plusieurs années de froid, Blake Edwards fait de nouveau appel à celui qui deviendra son acteur fétiche, Peter Sellers (le comédien incarne l’inspecteur Clouseau dans la série de La Panthère rose). Nouvel essai concluant pour les deux hommes, qui allient ici leurs forces comiques : le premier manie avec raffinement et ironie la mise en scène ; le second nous abreuve en improvisations loufoques. Dans le film, un acteur indien raté qui vient de se faire virer d’un tournage est par erreur invité dans la demeure ultra moderne d’un producteur. Bourdes après bourdes, il y démasque l’hypocrisie du milieu hollywoodien. Dans une séquence magistrale, le bon à rien, l’étranger indésirable, se mue malgré lui en Dieu tout-puissant, responsable, sans même s’en rendre compte, de l’effondrement de ce petit monde, ridiculisé. Soudain, le touche-à-tout cesse de déambuler dans la villa remplie de gadgets. Dans des jeux d’ombres, sa silhouette se projette sur
— : de Blake Edwards
Splendor Films (1 h 39) Ressortie le 18 juillet
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TROIS IMAGES
DES FEMMES DISPARAISSENT
© D. R.
jeune homme désœuvré cherche à retrouver sa voisine, disparue brutalement… Paranoïa, théories du complot : dans Under the Silver Lake de David Robert Mitchell (sortie le 8 août), le monde moderne apparaît comme saturé par les symboles. Héritier de David Lynch, Thomas Pynchon et Roland Barthes, l’apprenti détective traverse un univers qu’il tente en vain de rendre signifiant. Entre jeux d’enfants et transe collective, son activité confine au délire. Le 8 avril 1990, les téléspectateurs découvrent le corps sans vie de Laura Palmer. La diffusion inaugurale du pilote de la série Twin Peaks marque le début d’une énigme qui, encore aujourd’hui, demeure entière. Journaux, enregistrements, rêves, chiffres et symboles multiples : la troisième saison, diffusée en 2017, nous montre à quel point l’agent Dale Cooper (et avec lui le créateur de la série, David Lynch) continue de chercher à percer les mystères d’un monde empli de signes et d’absurdités. À bord d’un train, Iris discute avec une vieille dame qui, subitement, disparaît. Les autres passagers cherchent à la convaincre qu’elle a rêvé, mais l’absente avait écrit son nom sur la vitre et, à travers la buée, il réapparaît… Dans Une femme disparaît d’Alfred Hitchcock (1938), le signe vient nous sauver du cauchemar de destruction prêt à s’abattre – nous sommes à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. On comprend alors tout ce que le cinéma moderne doit à la psychanalyse. D’ailleurs, quand la disparue se présente (« mon nom est Froy. »), un sifflement du train empêche Iris de comprendre : « Vous avez dit Freud ? » • CHARLES BOSSON
— : « Under the Silver Lake » de D. R. Mitchell Le Pacte (2 h 19) Sortie le 8 août
© D. R.
POPCORN
Un
© D. R.
Lorsque l’absence d’une femme hante le héros d’un film, l’univers se met à produire frénétiquement des signes et des énigmes à déchiffrer, entre obsessions métaphysiques et prémonitions funestes.
—
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“NOTRE PALME D’OR” TÉLÉRAMA
Ah-In YOO Steven YEUN Jong-Seo JUN
un film de LEE
Chang-Dong
D’APRÈS LA NOUVELLE “LES GRANGES BRÛLÉES” DE HARUKI MURAKAMI
©PINEHOUSEFILM CO., LTD. TOUS DROITS RÉSERVÉS
POPCORN
LE BRAS CASSÉ DU CINÉ
QUIPROQUO Au
boulot, Dimitri marche sur tes platesbandes avec des chaussures à crampons : il éblouit Éléonore, ta voisine de bureau, par sa fine connaissance des séries B améri caines – le seul domaine qui te faisait sortir du lot à ses yeux. Tu l’avais presque conquise en lui racontant les coulisses d’un film américano- serbe dans lequel Osvaldo, le héros, atteint d’une maladie orpheline aux tétons, libère Krang, son voisin, kidnappé un matin sur le marché de Mantes-la-Jolie, et retrouvé dans le sous-sol d’un musée végane. Et puis Dimitri est passé par là avec sa chemise de marque collée aux abdominaux – la tienne a des allures de sopalin enveloppant un quatre-quarts (ton ventre). Après avoir lâché un « oh, ce film… oh là ! », il a ri tout fort : fan absolu du long métrage et de ses décors, il a racheté l’appartement dans lequel Osvaldo s’aspergeait les seins avec du pamplemousse pour faire reculer sa maladie – et donc combattre les méchants avec plus de panache. Éléonore s’est mise à rougir et à lui faire des sourires complices avec ses dents couleur madeleine. Lui ne l’a même pas regardée :
il te fixait avec l’œil pétillant, ce que tu as pris pour l’humiliation suprême – il te vole ton amour secret et te toise pour la beauté du geste, comme un félin raciste. Le soir même, cigare au bec en face d’un taxiphone, tu pris une décision drastique : te venger de Dimitri coûte que coûte. La semaine d’après, tu t’es introduit de nuit dans l’open space pour déverser de l’huile d’olive dans son ordinateur – il est de notoriété publique que ce pignouf ne sauvegarde rien. Au moment où tu as sorti du pain de mie pour essuyer (proprement) l’unité centrale et te faire un gueuleton (avec les gouttes en rab), il a surgi comme la poisse. « (Lui, avec l’air ahuri.) Tu veux détruire ma carrière ? — ( Toi, avec des miet tes sur le front .) Tu m’as volé Éléonore… — (Lui, sortant de sa sacoche une brique de jus de pamplemousse.) Tu sais, je m’en fous d’elle, Krang… » • RAMSÈS KEFI ILLUSTRATION : AMINA BOUAJILA
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PA R L E S P R O D U C T E U R S D E
STRANGER THINGS ET PREMIER CONTACT
LEUR DIFFÉRENCE FERA LEUR FORCE
TWENTIETH CENTURY FOX PRESENTE UNE PRODUCTION 21 LAPS "DARKEST MINDS : REBELLION" (THE DARKEST MINDS) AMANDLA STENBERG MANDY MOORE ET GWENDOLINE CHRISTIE COSTUMESDE MARY CLAIRE HANNON SUPERVIMUSISCIALEON DEVA ANDERSON MUSIQUEDE BENJAMIN WALLFISCH MONTAGEDE MARYANN BRANDON, ACE DEAN ZIMMERMAN, ACE DECORS PRODUCTEURS PRODUIT SCENARIO REALISE D’APRES LE DIRECTEUR DE DE RUSSELL BARNES LA PHOTOGRAPHIE KRAMER MORGENTHAU, ASC EXECUTIFS JOHN H. STARKE DAN COHEN PAR SHAWN LEVY, p.g.a. DAN LEVINE, p.g.a. ROMAN DE ALEXANDRA BRACKEN DE CHAD HODGE PAR JENNIFER YUH NELSON
LE 8 AOÛT AU CINÉMA
LE TEST PSYNÉPHILE
AS-TU BESOIN DE VACANCES ?
La personne que tu imites en scred devant ton miroir :
Te faire passer pour un tueur ultra recherché. Faire un canular téléphonique à un membre du KKK.
Vincent Cassel.
Si je te dis Trump, tu penses immédiatement à :
Malcolm X.
POPCORN
Xavier Dupont de Ligonnès. L’insulte dont tu aurais du mal à te séparer :
Une grosse merguez tueuse. Un gangsta blanc mégalo poli. Rien, juste à le puncher avec la force de Mohamed Ali.
Motherfucker! Espèce de hippie de merde !
Ta citation badass 2018 :
Peau de vache ! Ton petit secret d’enfance : Tu avais un bégaiement terrible sur la lettre k.
« Ce n’est pas parce que tu n’entends plus trop parler de moi que je suis allé me coucher. »
Tu avais une moustache précoce et tu voulais être policier.
« Si je voulais, je pourrais soulever cinq hommes d’une seule main. »
Tu dealais des Carambar à la récré. Ta dernière blagounette foireuse ?
« Combien de temps tu vas rester cette espèce de roux nul et insipide, tu m’expliques ? »
Te teindre les cheveux en jaune.
SI TU AS UN MAXIMUM DE : TU AS DANGEREUSEMENT BESOIN DE VACANCES Tu es en plein burn-out. Quand tu fermes les yeux, tu rêves que tu butes tout le monde. Au lieu de rentrer chez toi avec un fusil, va plutôt voir Paul Sanchez est revenu ! de Patricia Mazuy (sortie le 18 juillet). Le héros de ce drôle de thriller est plus à l’ouest que toi, il a pris le maquis, clame être un tueur recherché depuis dix ans et tout le monde le cherche en se demandant s’il est vraiment revenu. Ça va te requinquer !
NON, MAIS TU VAS EN PRENDRE MALGRÉ TOI Tu avais plein de rêves pour cette année 2018 et tout s’est effondré. OK. Le héros du dernier film de Romain Gavras (sortie le 15 août) aussi. Pourtant il va vivre une aventure de dingue avec des personnages de ouf (big up à Isabelle Adjani en chef de gang) dans un film ultra pop de malade ! Faut pas te laisser miner, Le monde est à toi, surtout si t’as, comme lui, un ami qui s’appelle Poutine.
APPAREMMENT, LES AUTRES PENSENT QUE OUI Ton boss et tes collègues te haïssent, et la fille que t’aimes te ghoste sur les réseaux sociaux. Accroche-toi au bureau et pense à Ron Stallworth ! Basé sur l’histoire hallucinante de ce policier noir, BlacKkKlansman (sortie le 22 août) marque le retour en fanfare de Spike Lee et va te donner la niaque parce que, sous son vernis seventies potache, c’est un pamphlet puissant et salutaire. Révolte-toi !
• LILY BLOOM — ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL 24
“UN FILM SUR L’APPRENTISSAGE, À LA FOIS BOULEVERSANT ET PLEIN D’HUMOUR.” TÉLÉRAMA
DE CHAQUE
INSTANT NICOLAS PHILIBERT
LE 29 AOÛT
© GRAPHISME CÉCILE PHILIBERT
UN FILM DE
LE NOUVEAU
POPCORN
FÉLIX MARITAUD
Si
l’on évalue le degré d’engagement d’un acteur non pas au nombre de pétitions qu’il signe, mais à ses choix de films et à sa façon de s’investir dans un rôle, alors on n’hésitera pas à qualifier Félix Maritaud d’artiste extrêmement engagé. Sa capacité d’abandon, admirable dans Sauvage (lire p. 78), dans lequel il campe un prostitué en quête d’amour, il la doit à ses études aux Beaux-Arts durant lesquelles il a appris à « utiliser son corps à des fins poétiques et politiques » – un corps encore mis à rude épreuve dans Un couteau dans le cœur de Yann Gonzalez (sorti le 27 juin). Si le cinéma de Bruce LaBruce a contribué à la construction de son « identité queer », ce natif de Nevers ne s’imaginait pas comédien jusqu’à
son rôle dans 120 battements par minute (un ami du réalisateur Robin Campillo l’a remarqué alors qu’il était barman). À 25 ans, Maritaud s’assume comme acteur, mais pratique aussi la photo et envisage de réaliser un long métrage inspiré par l’œuvre de Jean Genet, un de ses héros, avec Béatrice Dalle ou David Lynch. Trois incarnations de la liberté, raccord avec celui qui dit aimer « ce qui n’est pas définissable ». • JULIEN DOKHAN — PHOTOGRAPHIE : PHILIPPE QUAISSE
— : « Sauvage » de Camille Vidal-Naquet Pyramide (1 h 39) Sortie le 29 août
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À L’AVE
GUILLAUME BR
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NTURE
AC CONTE L’ÉTÉ
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LES SENTIMENTS DE L’ÉTÉ
Aux beaux jours, le réalisateur d’Un monde sans femmes ne chôme pas. En 2016, il a réalisé Contes de juillet, programme de deux moyens métrages aux accents rohmériens tournés entre la Cité internationale universitaire de Paris et la base de loisirs de Cergy-Pontoise. Un an plus tard, à nouveau inspiré par la nature verdoyante du parc de Cergy, il est parti au contact de ceux qui l’arpentent – ados dragueurs, travailleurs, familles – pour le fabuleux documentaire L’Île au trésor. Alors que ces deux films sortent cet été, on a rencontré le cinéaste près de chez lui, dans un jardin du XIIIe arrondissement. 30
Vous dédiez L’Île au trésor à votre frère et à l’enfance éternelle. Pourquoi ?
d’y aller normalement. C’est Jérémy, un jeune employé que j’ai filmé, qui tenait à emmener le film vers cet endroit. C’est un recoin caché qui contient plein d’histoires : on m’a raconté que, à une époque, c’était le temple de la drague. Jérémy, lui, m’a dit que sous l’eau, près de la pyramide, il y avait un énorme silure. Ça me fait aussi penser à ce moment du film où le professeur d’anglais raconte ses vacances en Croatie, qu’il parle des baies magnifiques et qu’on voit la pyramide en arrière-plan. C’est comme si ça nous emmenait très loin de la région. Dans L’Île au trésor, comme dans la première partie de Contes de juillet, le parc représente l’échappée, à la fois terrain d’aventures, microsociété, et espace clos. Qu’est-ce qui vous intéresse dans ce lieu ? Ce que j’aime dans cette île de loisirs, c’est le mélange entre nature et artifice. Il y a quelque chose de l’ordre de l’impur. J’aurais beaucoup de mal à filmer un paysage très beau, un paysage provincial par exemple. C’est une île au milieu d’une zone très urbanisée, avec des frontières, des limites, avec un coin central, payant, et des coins plus périphériques, voire des endroits cachés à explorer. Le fait qu’au tout début du film ce soient des gamins qui nous y introduisent, ça donne tout de suite un sens au lieu. Et ce qu’il y a de beau, c’est quand les gens projettent un ailleurs. Là aussi, c’est assez enfantin. C’est comme se dire : « Imagine que, là, on est dans la jungle ! » Par ailleurs, les exilés, ceux qui sont coupés de leurs racines, sont aussi dans une forme de projection. C’est plus troublant encore quand l’espace prend à l’image une dimension insoupçonnée. Il y a dans L’Île au trésor une séquence où un veilleur de nuit guinéen raconte les persécutions qu’il a subies. Plus on entre dans son récit, plus j’ai l’impression que le paysage se transforme.
Nos parents nous emmenaient sur la base de loisirs de Cergy, et faire un film là-bas, c’était d’abord une façon de renouer un lien avec des souvenirs lointains, retrouver cette fragilité de l’enfance que la vie balaie. L’été, c’est à la fois joyeux, exaltant, mais aussi mélancolique, c’est ce qui nous fait mesurer le temps qui passe. En fait, ce qui relie adultes et enfants, c’est le rapport au jeu. Passer une journée sur cette île, c’est se reconnecter à l’enfance, à la liberté, voire à l’irresponsabilité. Dans le film, c’est palpable dans le rapport qu’ont les adultes aux animaux. Quand, dans une scène, on voit un homme siffler des cygnes et se baigner auprès d’eux, on assiste à un retour en enfance. Je pense aussi à cette scène incongrue où le directeur et son adjoint, qui font un peu figure de proviseurs, classent sur l’échelle du danger les serpents, les perroquets… Ou à cette autre scène où les employés explorent un terrier de lapin. En fait, plus je passais de temps sur la base, plus j’avais l’impression d’être dans une cour d’école. Il y a dans L’Île au trésor une très belle scène où trois jeunes se dirigent en paddle vers une pyramide construite sur l’eau. C’est une scène d’aventure, qui évoque un peu les quêtes héroïques d’Indiana Jones. Comment l’avez-vous imaginée ? Tout est parti de cette pyramide, qui fait penser à la mythologie précolombienne, aux Incas ou à l’Égypte. On n’a pas trop le droit
L’Île au trésor
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On est à la fois sur cette plage de Cergy et quelque part en Afrique. En fait, ce lieu raconte tout un tas d’autres lieux, réels ou imaginaires. Est-ce qu’on peut rapprocher votre démarche documentaire de celle de Claire Simon pour Le Bois dont les rêves sont faits (2016), tourné au bois de Vincennes ? Tout à fait. Quand le film est sorti, je suis allé le voir tout de suite parce que ça me faisait penser à L’Île au trésor, que je préparais depuis cinq ou six ans. Les deux films explorent des territoires à la lisière de la ville, des endroits qui permettent d’échapper quelques heures à la violence des rapports sociaux. Après, celui de Claire Simon est plus sérieux. À la limite, je dirais que mon film se rapproche plus de Ce cher mois d’août (2008) de Miguel Gomes [le réalisateur met en scène, dans une ambiance effervescente, l’été d’un village portugais montagneux, ndlr], il a ce désir premier de filmer cette sensation de l’été, des vacances. Plus encore des Hommes le dimanche (1930) de Robert Siodmak et Edgar George Ulmer, un documentaire allemand muet sur un dimanche au bord d’un lac en périphérie de Berlin – la ville se vide, il y a cette ambiance populaire, un côté « congés payés ». Je pensais aussi beaucoup à Zéro de conduite (1933) de Jean Vigo [qui suit de jeunes pensionnaires d’un internat qui fomentent une rébellion après que l’un d’entre eux a été injustement puni, ndlr], son esprit transgressif généralisé, ce jeu permanent avec la règle. En parlant de règle, ce qui semble notamment vous intéresser dans le motif du parc, c’est son aspect fermé, ses barrières, ses contrôles, ses grillages. Pourquoi ? Parce que c’est un lieu qui est protégé du monde, plus doux, plus accueillant que la ville autour, mais qu’en même temps il se transforme au même rythme que notre société. En préparant le film, j’avais trouvé des images d’archives qui remontent à la création de l’île de loisirs dans les années 1970. Il y a un côté plus libre, plus anarchique. Ça m’a fait bizarre de penser au dispositif de sécurité actuel, qui renvoie presque à l’univers carcéral,
avec toutes ces caméras de surveillance qui ne cessent de s’implanter. Et quand, en période de repérage, j’ai vu pour la première fois des gamins escalader la grille – fort heureusement de manière légère et ludique –, il y avait un écho avec les images de migrants qui essaient d’entrer en Europe ou en France. L’attentat de Nice dans la seconde partie de Contes de juillet, l’exil d’une famille afghane ou le récit du veilleur de nuit dans L’Île au trésor… Sans en avoir l’air, vos films sont en prise avec le monde contemporain. J’ai toujours cette angoisse de faire des films trop légers, trop anecdotiques. Je me demande si c’est légitime aujourd’hui de faire des films sur le sentiment amoureux alors
« Les territoires à la lisière de la ville permettent d’échapper à la violence des rapports sociaux. » 32
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L’ÎLE AU TRÉSOR L’été est la matière première de ce grisant documentaire, son fil rouge hédoniste et mélancolique. Sur la très rohmérienne base de loisirs de Cergy-Pontoise, Brac saisit au vol les joies et les peines d’une foule bigarrée. L’insouciance de la génération Snapchat cohabite avec les cauchemars d’un veilleur de nuit guinéen en exil, la solitude d’un prof retraité avec les rires d’une famille philippine. Un lien secret, presque utopique, semble les unir dans cet éphémère éden. • ÉRIC VERNAY
qu’il y a tant d’autres sujets importants… Donc j’ai l’obsession de trouver ce point de rencontre entre nous tous, quel que soit notre milieu ou notre culture d’origine. La nouvelle de l’attentat, par exemple, on l’a reçue alors qu’on était dans le jeu de fabrication d’un film. La réalité perce la bulle fictionnelle. Il y a quelque chose du monde qui vient heurter de plein fouet le film en train de se faire. Le titre Contes de juillet évoque Conte d’été d’Éric Rohmer, qui avait d’ailleurs tourné en partie L’Ami de mon amie sur la base de loisirs de Cergy. Comment son cinéma résonne-t-il avec le vôtre ? Quand j’ai vu L’Ami de mon amie pour la
première fois, j’ai été touché de reconnaître le lieu sans y être préparé. C’est à travers ce film que mes propres souvenirs d’enfance se sont réveillés. Mais, à la différence d’Éric Rohmer, qui filmait des personnages issus de la moyenne bourgeoisie, je voulais capter la dimension populaire du lieu et faire en sorte que la banlieue telle qu’on la voit d’habitude reste dans le hors-champ du film. Les habitants de Cergy, qui pour certains ont peu d’occasions de partir en vacances, sont dans un contexte de temps libre, ils se libèrent de leurs étiquettes sociales. Il y a dans le film la volonté de casser les clichés, mais surtout celle de créer une forme d’égalité. 33
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CONTES DE JUILLET Le début d’une amitié, la fin d’une autre… Ces deux marivaudages estivaux ont été conçus en 2016 lors d’ateliers – largement improvisés – avec des étudiants du Conservatoire. « L’Amie du dimanche » invoque ouvertement l’esprit d’Éric Rohmer, dont on retrouve les héroïnes faussement candides, l’économie légère du tournage, les dilemmes moraux secrétés par les stratégies de drague, le générique crayonné sur des monochromes colorés, mais aussi la topographie (la base de loisirs de Cergy-Pontoise, décor de L’Ami de mon amie). Plus proche du spleen alcoolisé de Hong Sang-soo, « Hanne et la Fête nationale » suit les atermoiements amoureux d’une Norvégienne à la Cité universitaire de Paris. Une relecture possible de la fable du Héron de La Fontaine (« On hasarde de perdre en voulant trop gagner ») innervée d’enjeux hypercontemporains (harcèlement, attentat de Nice), latents, subtilement chevillés à la fiction. • ÉRIC VERNAY
Dans Contes de juillet, vous jouez beaucoup avec les retournements de situation : un personnage harcelé devient plus trouble que ce qu’on imaginait ; le plus fort peut être fragilisé et les plus discrets peuvent gagner en épaisseur… Je suis un peu le principe des Contes moraux de Rohmer, où les cartes sont toujours rebattues. En un sens, et sachant qu’il s’est beaucoup inspiré de Marivaux, il y a une connexion avec le théâtre. Mais contrairement à l’art théâtral, qui fige le spectacle, le cinéma permet de faire bouger les rapports, les situations. On a vécu avec les acteurs une expérience purement cinématographique [le réalisateur a écrit avec des élèves du Conservatoire national supérieur d’art dramatique, rencontrés dans le cadre d’un atelier, ndlr] : comme on
écrivait au jour le jour, les personnages pouvaient, d’une prise à l’autre, s’affirmer davantage ou s’effacer. J’aime bien faire des plans qui durent longtemps et qui permettent au spectateur d’assister à un moment de bascule. Dans les scènes de drague, la séduction est tout en obstacles et détours. Qu’est-ce qui vous plaît dans l’idée de mettre en scène ces marivaudages ? Ce qui me plaît le plus au cinéma, c’est l’articulation entre la légèreté et la gravité. Qu’on se rende compte que ce qui paraissait anecdotique est plus grave que ce qu’on se disait. Quand on commence à prendre les sentiments au sérieux et que quelque chose de plus douloureux – une solitude, un rapport de force inégal – apparaît. 34
GUILLAUME BRAC À une époque comme la nôtre, qui fait de la lutte contre le harcèlement une cause essentielle, comment filmer la drague ? C’est vrai que les films prennent une résonance particulière après l’affaire Weinstein et la création du mouvement #MeToo. Les deux contes ont été tournés et montés avant que ça n’éclate. Ça m’a un peu surpris, mais pas tout à fait non plus. Je suis assez passionné, justement, par la question des limites entre ce qui est émouvant et ce qui devient intrusif, violent, angoissant. J’explorais déjà ça dans Un monde sans femmes ou dans Tonnerre : mes personnages sont assez ordinaires, mais les rapports sont poussés au seuil du trouble, du malaise, le rire commence à s’enrayer. Quels sont vos trois films d’été préférés ? L’As de pique (1964) de Miloš Forman, l’histoire d’un adolescent qui travaille un été en tant que vigile. Il est super nul, et sa maladresse est touchante. C’est tourné quelques années avant le Printemps de Prague, et on sent le poids qu’exercent les adultes sur la jeunesse qui essaie de respirer, de s’émanciper. C’est tout ce que j’aime, ce mélange de comédie, de burlesque, avec une
gravité politique qui passe de manière fluide. Adventure Land (2009) de Greg Mottola. Là encore c’est l’histoire d’un jeune qui travaille et doit renoncer à l’idée de partir en vacances avec un copain. Il débarque dans un parc d’attractions foutraque et il y passe l’été le plus mémorable de sa vie. En dernier, je vais citer à nouveau Ce cher mois d’août de Miguel Gomes, parce que c’est un des films qui m’a le plus reconnecté avec un tas de souvenirs par ses scènes de baignade, ses chansons populaires… C’est la sensualité, le côté romanesque de l’été. Ça donne un grand appétit de vivre. • PROPOS RECUEILLIS PAR JOSÉPHINE LEROY PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA
— : « L’Île au trésor » de Guillaume Brac
Les Films du Losange (1 h 37) Sortie le 4 juillet • « Contes de juillet » de Guillaume Brac Les Films du Losange (1 h 10) Sortie le 25 juillet
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ÉCHAPPÉES BELLES Et si la meilleure façon de filmer les hommes, c’était de les mettre au vert ? Dans L’Île au trésor et Contes de juillet, Guillaume Brac narre les aventures de citadins dans un parc de loisirs de la banlieue parisienne, au plus chaud de l’été. Avant lui, nombreux sont les cinéastes qui ont filmé l’état de nature et les élans poétiques que ravivent en nous ces enclaves de liberté au cœur des villes. • RENAN CROS ILLUSTRATION : ÉLODIE LASCAR
LE PARC DE DAMIEN MANIVEL (2017) Quoi de mieux que de flâner dans les allées pour parfaire son discours amoureux ? Sous l’influence de la nature, cette drague déambulatoire finit par délier les langues et les sentiments. Mais les amours qui naissent ici survivront-elles à la ville ? Ce passage de l’idylle au doute se fait ici subtile métaphore du passage de l’adolescence vers l’âge adulte.
L’INCONNU DU LAC D’ALAIN GUIRAUDIE (2013) Un lieu de drague homo aux abords d’une grande ville du Sud-Ouest. Alain Guiraudie y filme le ballet joyeux des corps nus qui se cherchent et batifolent dans les hautes herbes. Ce pourrait être l’éden, mais le diable guette. Le parc ravive les mythologies et organise la valse dangereuse entre Éros et Thanatos.
LE BOIS DONT LES RÊVES SONT FAITS DE CLAIRE SIMON (2016)
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ DE WILLIAM DIETERLE (1935)
QUAND HARRY RENCONTRE SALLY… DE ROB REINER (1989) Les parcs sont comme les sentiments : ils changent au fil des saisons. C’est ce qu’illustre Rob Reiner en filmant la relation contrariée, sur plusieurs décennies, de Harry et de Sally. Dans les allées tantôt verdoyantes, tantôt ocres ou dégarnies de Central Park, les héros vieillissent au rythme de la nature.
Parcs et salles de cinéma offrent aux citadins un espace hors du monde pour rêver. Hollywood l’a vite compris, en faisant de l’adaptation du classique féerique de Shakespeare un manifeste de son pouvoir spectaculaire. Dans cette verdure de studio, les charmes de la nature et du cinéma ne font qu’un, le temps d’un mirage.
Les parcs sont des mondes en soi. C’est ce que raconte Claire Simon dans cette plongée documentaire, douce et triste, auprès des « habitants » du bois de Vincennes. Quand certains viennent s’échapper le temps d’une promenade, d’autres y restent pour s’inventer un monde à eux, quitte à s’y perdre.
VIVE L’AMOUR DE TSAI MING-LIANG (1995) Parfois, on aimerait n’être personne. Le parc offre la possibilité de se couper du monde, de se laisser aller. C’est ce que filme Tsai Ming-liang dans une sublime séquence de près de neuf minutes où son héroïne, après une longue marche, s’assoit sur un banc pour pleurer face caméra. Une scène qui colle des frissons.
BLOW UP DE MICHELANGELO ANTONIONI (1966) Les parcs sont aussi des lieux de regards. Au cœur du Londres des sixties, le héros du film d’Antonioni, voyeur compulsif, capture avec son appareil photo la vie des promeneurs. Couples illégaux, corps alanguis, il trouve dans l’écrin de verdure un théâtre humain à ciel ouvert. Jusqu’à la photo de trop…
ESCAPE FROM TOMORROW DE RANDY MOORE (2013) Dans les parcs d’attractions, la bonne humeur est de mise. Et si ce sourire crispé virait à la grimace flippante ? Tourné clandestinement dans les allées grouillantes de Disney World en Floride, ce film parano capte la bizarrerie de ces parcs à thèmes où vrai et faux finissent par se confondre : un monde en toc cauchemardesque.
PORTRAIT
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FLEURS AUX FUSILS
Depuis Tant qu’il nous reste des fusils à pompe (Ours d’or du court métrage en 2014), les prodiges Jonathan Vinel et Caroline Poggi nous transportent avec leurs visions noires, candides et spleenétiques sur la fin de l’innocence. Alors que leur nouveau court métrage, After School Knife Fight, sort dans le programme Ultra rêve (qui compile aussi les derniers films de Yann Gonzalez et Bertrand Mandico), et qu’ils viennent d’achever leur premier long, on a rencontré ce couple avec lequel il va falloir compter. 38
VINEL & POGGI
On
les rencontre sur une terrasse à un moment que l’on imagine important pour eux. Visages doux, dégaine sombre, ils sont en stress parce que le soir même ils montreront à leur équipe de tournage leur premier long métrage, le très attendu Jessica Forever, sur une déesse qui recueille un escadron d’orphelins (la date de sortie n’est pas encore fixée). « J’ai bien aimé quand un des acteurs, Lukas Ionesco, m’a dit : “Jessica Forever fera partie de mes souvenirs de jeunesse” », confie Caroline. Se fabriquer ensemble des vestiges, des images, des secrets… On touche là à ce qu’il y a de plus émouvant dans les films de Vinel et Poggi, nés respectivement en 1988 et 1990 : on sent qu’ils se font tout un monde de leur jeunesse pour pouvoir y
des histoires »), tandis que Caroline dévorait des mangas, saignait les images de femmes posant avec des poignards sur Tumblr, et regardait les poissons – « J’ai aussi été pas mal marquée par la violence que tu peux voir tous les jours en Corse. C’est un peu le Far West avec ces chasseurs, ces armes, ces pick-up… » D’où, dans leurs films, une esthétique à la fois thug et innocente qui nous ramène à l’enfance, quand on se munissait d’épées légendaires ou de masques rutilants pour embrasser des quêtes mythiques – et c’est tout aussi noble et solennel quand ça parle porno (Notre héritage, 2016) ou cosplay (I Find Love en 2017, clip pour Aamourocean). Jonathan relie aussi cette inclination pour le mélange de brutalité, de sacré et de candeur à la musique, lui qui avait un groupe de metal hardcore qui
revenir lorsqu’ils seront plus vieux. Ils ont d’ailleurs tourné le film près de là où ils ont grandi (Bouloc en Haute-Garonne pour le premier, Bastellicaccia en Corse pour la seconde), des communes à l’ambiance pavillonnaire où le temps semble parfois s’être arrêté. « Un peu comme un décor de cinéma un jour off de tournage. Il n’y a pas de problèmes. Simplement, il n’y a pas de trucs cool non plus. Donc tu es à fond sur ton monde intérieur », dixit Vinel.
JEUNESSE SE PASSE
Dans leurs mondes, des piscines sans eau, des gymnases dépeuplés, des jeux vidéo où l’on tire dans le vide, et les ruines de nos adolescences, qu’on traverse un peu brouillons. Depuis leur rencontre à l’université de Paris-VII, en cinéma, le couple à la ville distille le vague à l’âme propre à la fin de la jeunesse, « un moment de transition et d’émancipation où tu prends conscience de la perte, des départs », dit Caroline Poggi. Le premier court métrage réalisé ensemble, Tant qu’il nous reste des fusils à pompe (2014), sur un jeune homme qui cherche une famille à son frère avant de s’autoriser à mourir, part de l’envie de parler de suicides d’amis et de dépeindre la monotonie de l’été. Plus jeunes, pour tromper l’ennui, Jonathan remplissait sa tête de shotgun stories en déambulant dans GTA ou Metal Gear Solid (« C’est plus les jeux vidéo que les films qui m’ont donné envie de raconter
s’appelait Sisyphe Burden dont le délitement en terminale a inspiré celui du groupe qui fait son ultime répète dans After School Knife Fight. « C’est un peu comme le screamo [dérivé du punk-hardcore, ndlr], de la musique agressive et, en même temps, très triste, passionnée. » Ce romantisme, on l’éprouve particulièrement avec leur poétique du gang. « Enfant, j’ai été marqué par les bandes de villages. L’idée d’une famille qu’on se choisit, je trouve ça beau, j’ai l’impression que c’est ce qu’il y a à trouver dans le monde », avance Jonathan. La vision que le couple a de l’amitié et de l’amour pourrait être désincarnée parce qu’elle est parfois virtuelle ; au contraire, elle est quasi chevaleresque. Dans Tant qu’il nous reste des fusils à pompe ou Prince puissance souvenirs (2012), on scelle des pactes de sang, des serments de fidélité à la vie à la mort. Destroy et à fleur de peau, on aime à penser qu’ils s’élèvent contre un certain cinéma dénué d’enchantement lorsque dans un de leurs courts métrages on entend : « Notre amour est assez puissant pour détruire ce putain de monde. » • QUENTIN GROSSET PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA
— : « Ultra rêve »
de Jonathan Vinel et Caroline Poggi, Yann Gonzalez, Bertrand Mandico UFO Distribution (1 h 22) Sortie le 15 août
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Ils se font tout un monde de leur jeunesse pour pouvoir y revenir lorsqu’ils seront plus vieux.
PORTRAIT
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INCASSABLE
La cinéaste indé américaine Desiree Akhavan a connu bien des défis. Mais la persévérance de cette trentenaire à l’humour décapant a fini par payer : son deuxième long métrage, Come as You Are, sur une ado lesbienne (parfaite Chloë Grace Moretz) envoyée de force dans un camp de conversion sexuelle, a décroché le Grand prix à Sundance en janvier dernier. 40
DESIREE AKHAVAN
On
The Bisexual, traitant de la difficulté d’être à cheval entre les vécus homo et hétéro. Elle la pitche à Los Angeles, on lui claque la porte au nez. « Hollywood s’en fout si le projet n’a pas déjà été fait », s’atterre-t-elle. Coriace, elle se tourne vers les chaînes anglaises et obtient gain de cause : la série, actuellement en montage, et dans laquelle elle tient le premier rôle, sera diffusée en octobre sur Channel 4. C’est depuis son nouvel appart londonien qu’elle a réussi à boucler l’écriture de son deuxième long métrage, adaptation d’un roman d’emily m. danforth, The Miseducation of Cameron Post. Malgré la frilosité notoire des financeurs dès qu’il s’agit d’héroïnes lesbiennes, elle parvient (aidée par l’engagement de Chloë Grace Moretz sur le projet) à tourner, dans une petite ville de l’état de New York, ce beau teen movie mélancolique qui sort chez nous sous le titre Come as You Are. Là encore, elle dépeint des personnages queer loin du stéréotype de martyrs : dans le camp de conversion chrétien où elle est envoyée, l’héroïne se fait deux amis qui ne remettent pas en question leur sexualité. Pour la suite, pas question pour Desiree Akhavan de se reposer sur ses lauriers. « J’aimerais que mon prochain film ait plus de narration visuelle et moins de dialogues. Essayer quelque chose de complètement différent… Je suis prête à l’aventure. » C’est certain. • TIMÉ ZOPPÉ PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA
— : « Come as You Are »
INTIME PERSUASION
L’engouement avec lequel le film est accueilli à Sundance en 2014 ne l’aide pas pour autant à enchaîner tout de suite avec un deuxième long. « On ne me proposait que des scripts qui ne devraient jamais sortir du tiroir, genre sur deux folles qui ont besoin de trouver un mari pour se calmer… » Son vif féminisme lui intime de tout envoyer balader et de plancher sur une série comique,
de Desiree Akhavan Condor (1 h 31) Sortie le 18 juillet
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« Hollywood s’en fout si le projet n’a pas déjà été fait. »
la rencontre, robe chamarrée et boucles au vent, sur un toit-terrasse donnant sur l’Arc de Triomphe, alors qu’elle présente son film aux Champs-Élysées Film Festival, mi-juin. Souriante et décontractée, Desiree Akhavan énumère, avec pas mal d’autodérision, les étapes franchies pour en arriver là. Née en 1984 à New York après que ses parents ont fui l’Iran cinq ans plus tôt à la suite de la révolution islamique, la jeune fille solitaire (élue par ses camarades « fille la plus moche de l’école ») parvient à intégrer le prestigieux Smith College, une fac réservée aux femmes, puis étudie la réalisation à la réputée Tisch School of the Arts de New York. À la sortie, cette fan de Noah Baumbach et Catherine Breillat réalise deux courts métrages en essayant d’imiter leur style, mais se foire. « J’ai enterré ces films. Je rêve d’ailleurs de faire un DVD compilant les premiers courts pourris des grands réalisateurs. Quand on débute dans le métier, c’est hyper décourageant de se dire que Paul Thomas Anderson n’a fait que des chefs-d’œuvre. » Elle bricole ensuite une websérie avec sa compagne d’alors, l’actrice et réalisatrice Ingrid Jungermann. Dans The Slope (2010-2012), elles jouent un couple aux échanges cyniques et homophobes désopilants. Le petit succès critique de la série lui confirme qu’elle doit suivre son instinct. « OK, The L Word, c’est fun, et les scènes de sexe entre filles sont réussies – ce qui est super rare –, mais est-ce que c’est intelligent ? Non. Je veux faire des choses qui fassent réfléchir différemment, avec mon sens de l’humour particulier. » C’est précisément ce mélange d’humour acerbe et de gravité qui fait la fraîcheur de son premier long métrage, Appropriate Behaviour (inédit en France), qu’elle réalise avec un microbudget après s’être douloureusement séparée de Jungermann. Dans cette comédie à peine autobiographique, une vingtenaire, qu’elle incarne, traverse les galères (rupture avec sa copine, lutte pour se reloger dans New York et dire à ses parents iraniens qu’elle est bisexuelle) grâce à un aplomb et un sarcasme qui rappellent la mythique Daria de la série éponyme de MTV.
MICROSCOPE
MILLE DÉTAILS
Comme le diable, le cinéma se loge dans les détails. Geste inattendu d’un acteur, couleur d’un décor, drapé d’une jupe sous l’effet du vent : chaque mois, de film en film, nous partons en quête de ces événements minuscules qui sont autant de brèches où s’engouffre l’émotion du spectateur. Ce mois-ci, un film où il n’y a que des détails : Le Tempestaire de Jean Epstein.
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« Presque
tout tient à un détail. On n’observe pas suffisamment le détail. C’est à partir de lui que se révèle le Grand Tout. Le cinéma en général n’existe pas, c’est la vaste connerie qui occulte le détail à partir duquel un film se hisse dans son énorme exception. » (F. J. Ossang, Mercure insolent). Les détails que cette rubrique, chaque mois, traque au fond d’un plan, dans le geste d’un acteur ou sur telle partie d’un décor, ces fragments de forte et brève intensité qui arrêtent l’œil comme un trait de lumière sous une porte close, il y a des cinéastes pour ne filmer que ça. Si F. J. Ossang sait que le cinéma se loge dans les détails et s’il n’en finit pas, avec ses propres films, de vouloir refaire Le Tempestaire, un film de 1948, c’est qu’il
La boule qui commande aux éléments, c’est le cinéma, dans les mains d’un sorcier. est l’héritier de son auteur, Jean Epstein. Ce dernier comparaît le cinéma au diable, et lui-même en usait comme un mage noir afin d’enrouler le Grand Tout autour d’un détail. Par exemple dans Le Tempestaire, avec son personnage capable de commander aux vents depuis sa boule de cristal où tient, tout entier, l’océan déchaîné. La boule qui commande aux éléments et qui les miniaturise, c’est le cinéma, dans les mains d’un cinéaste sorcier. C’est l’œil mécanique rêvé par Dziga Vertov, l’œil-cinéma, une machine à voir en même temps qu’à interpréter, qui trouve dans les détails la vérité du monde. Des détails, cela ne veut pas nécessairement dire des petites choses. Ici chaque élément
est observé avec l’attention requise par les détails : la mer qui bouillonne comme une lave blanche et noire, sous l’effet de la tempête ; le métier à dentelle qui continue de tourner quand les tisseuses ont peur parce que le vent a fait s’ouvrir la porte ; les boules blanches denses d’écume qui, sautillant sur le sable où le vent les pousse, ont l’air de petits animaux. Le cinéma est une machine à faire surgir les détails : voilà la leçon d’Epstein, après Vertov et avant Bresson. Un film qui regarde chaque chose comme un détail est un film violent, brusque, qui fait passer sans ménagement d’une tempête à un visage et d’un visage à un objet – le moindre accessoire, disait Epstein, doit devenir un personnage devant la caméra. Mais c’est un film qui fait mieux voir et qui fait mieux entendre. La bande sonore du Tempestaire est son principal filet à détails. Quand les vagues battent l’océan, celles-ci font un bruit inhabituel qui semble remonter des profondeurs, de la gorge d’un titan. Epstein a ralenti le son des vagues pour nous faire entendre mieux la mer. Il s’en est expliqué. « De même, disait-il, l’oreille a besoin d’une loupe à grossir le son dans le temps, c’est-à-dire du ralenti sonore, pour découvrir que, par exemple, le hurlement monotone et confus d’une tempête se décompose, dans une réalité plus fine, en une foule de bruits différents jamais encore entendus : une apocalypse de cris, de roucoulements, de borborygmes, de piailleries, de détonations, de timbres et d’accents, pour la plupart desquels il n’existe même pas de noms. » Réduire le monde (dans une boule de cristal ou une image de cinéma), c’est le multiplier : « Le cinématographe était l’instrument idéal pour investir cet état de conscience mondiale, où tout se multiplie, reparaît selon des équations de temps et d’espace n’obéissant plus à la raison commune, et dont les mots faussent l’appréciation… » (toujours Mercure insolent). • JÉRÔME MOMCILOVIC
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MICROSCOPE
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PORTFOLIO
REINE DU BIZARRE Depuis le début des années 1980, c’est sans aucun doute la plus grande actrice du cinéma indépendant américain. Tout à la fois frêle et inquiétante, sensuelle et ingénue, Jennifer Jason Leigh a imposé son aura blonde et troublante dans les univers bizarres et fascinants de Paul Verhoeven, David Cronenberg, Robert Altman, Barbet Schroeder, Joel et Ethan Coen, ou tout récemment Quentin Tarantino (Les Huit Salopards) et David Lynch (la saison 3 de Twin Peaks). Invitée mi-juin au Champs-Élysées Film Festival, l’actrice a commenté pour nous une sélection d’images piochées dans son impressionnante filmographie. • PROPOS RECUEILLIS PAR JULIETTE REITZER
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© D. R.
Eyes of a Stranger de Ken Wiederhorn (1981) « J’avais passé le casting, mais je n’avais pas été prise. Et un jeudi soir mon agent m’a appelée : “Saute dans un avion demain, ils ont viré la fille qu’ils avaient choisie.” C’était un film d’horreur à tout petit budget, mais c’était mon premier film, et cette nuit-là j’ai tout fait pour convaincre ma mère de me laisser arrêter le lycée pour rejoindre le tournage. Je lui ai même promis que je passerais le G.E.D. [un ensemble d’examens qui attestent du niveau d’une personne hors parcours scolaire classique, ndlr.] – ce que je n’ai jamais fait. »
Fast Times at Ridgemont High d’Amy Heckerling (1983) « J’adore cette photo avec Phoebe Cates. Elle est devenue ma meilleure amie pendant le tournage, et elle l’est toujours. On était si jeunes, on ne se doutait pas une seconde qu’on était en train de faire un film qui deviendrait un classique du teen movie. Cette photo est prise dans la pizzeria où travaille mon personnage dans le film, et où je travaillais déjà avant le tournage, donc je connaissais le métier ! »
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BOBINES
© D. R.
JENNIFER JASON LEIGH
PORTFOLIO
© D. R.
La Chair et le Sang de Paul Verhoeven (1985) « Il faisait très froid, on a tourné en Espagne, mais on s’est gelés tout le temps. J’ai adoré travailler avec Rutger Hauer et Paul Verhoven – j’étais une grande admiratrice de Paul, j’avais adoré Soldier of Orange (1977). Ils s’engueulaient énormément, et je me rappelle que je trouvais ça très bizarre qu’ils s’engueulent en anglais [alors qu’ils sont tous les deux néerlandais, ndlr]. »
Heart of Midnight de Matthew Chapman (1988) « Je me souviens de cette robe impossible à enfiler – c’était du caoutchouc, pas du cuir. Juste avant le tournage, je me suis cassé le pied. Du coup, le personnage porte un plâtre, sans qu’on sache pourquoi. Quand on vous enlève un plâtre, on vous dit qu’il n’y aucun risque que la lame vous coupe, mais votre cerveau n’arrive pas y croire. Et puis, avec le plâtre, il y a aussi l’idée qu’on va trouver quelque chose d’horrible en l’ouvrant, comme des vers… Mais je ne sais plus si c’est dans le film ou si ce sont mes propres peurs. » 46
© COLLECTION CHRISTOPHEL
© D. R.
JF partagerait appartement de Barbet Schroeder (1992) « J’ai fait beaucoup de recherches pour ce rôle, j’ai rencontré un psychiatre qui m’a présenté deux de ses patientes, des jumelles (car mon personnage découvre qu’elle a une jumelle) qui avaient été internées en hôpital psychiatrique : elles ne pouvaient être ni ensemble – au risque de devenir complètement démoniaques – ni séparées – elles étaient alors suicidaires. Une fois qu’il avait obtenu la prise qu’il voulait, Barbet Schroeder disait toujours : “On en fait une dernière, pour le plaisir.” Ça devrait toujours être un plaisir de tourner. »
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Short Cuts de Robert Altman (1994) « Pour ce rôle d’opératrice de téléphone rose, j’ai rencontré plusieurs femmes, et aucune ne faisait ça sérieusement – pendant qu’elles parlent de sexe, elles feuillettent des magazines, se font les ongles… Je suis aussi allée chez un type qui avait une jambe cassée et faisait ça en attendant d’être guéri. Il prenait une voix aiguë et sensuelle pour se faire passer pour une femme. J’ai enregistré tous les appels et me suis servie des retranscriptions pour le tournage. Robert Altman m’avait aussi demandé de diriger moi-même les enfants qui jouent mes enfants, pour qu’ils me voient comme la figure d’autorité sur le tournage. J’ai appris énormément avec lui. »
BOBINES
© RDA / EVERETT
JENNIFER JASON LEIGH
PORTFOLIO
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Le Grand Saut de Joel et Ethan Coen (1994) « Katharine Hepburn, Rosalind Russell et Barbara Stanwick étaient mes trois grandes inspirations pour ce rôle. J’ai regardé tous leurs films à la loupe. Je les ai même enregistrés avec un magnétophone pour les laisser tourner pendant que je dormais, et j’ai travaillé avec un coach vocal. Je voulais vraiment ce rôle. »
© D. R.
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BOBINES
Georgia d’Ulu Grosbard (1995) « J’allais en camp de vacances avec Mare Winningham, l’actrice qui joue ma sœur, quand on était ados. C’est un film particulier pour moi, parce que c’est ma mère qui l’a écrit et à cause de ma propre relation avec ma grande sœur, qui a eu une influence majeure sur ma personnalité et sur mes choix de carrière [elle a raconté dans une récente interview au Guardian que sa sœur, décédée en 2016, était toxicomane, ndlr]. À travers mes rôles, je crois que j’ai toujours essayé de la comprendre. »
eXistenZ de David Cronenberg (1999) « J’adore la science-fiction, j’ai lu presque tout Philip K. Dick, et je suis fan de Cronenberg. J’étais seule à Toronto pendant le tournage, donc j’allais beaucoup chez lui, dans sa famille. D’ailleurs, je suis toujours très proche de sa fille, et je viens de presque faire un film avec son fils… C’est drôle, parce que Cronenberg a cet univers complètement tordu, mais c’est un homme très doux, très attaché à sa famille. Il est comme moi : j’adore jouer dans des univers bizarres et flippants, mais je n’en voudrais pas dans mon quotidien. » 48
© D. R.
JENNIFER JASON LEIGH
© COLLECTION CHRISTOPHEL
BOBINES
Anomalisa de Duke Johnson et Charlie Kaufman (2015) « C’est un de mes rôles préférés, sans doute le personnage qui me ressemble le plus. Elle est très douce, mais aussi très forte. Et puis j’ai toujours eu un problème avec ma voix. Dans ma famille, j’ai toujours été celle qui ne savait pas chanter, qui avait une voix de crécelle irritante. Le fait que Charlie Kaufman écrive ça pour moi, pour ma voix, ça m’a fait beaucoup de bien. »
Les Huit salopards de Quentin Tarantino (2016) « C’était génial de travailler avec Kurt Russell et d’être menottée à lui. À force, je pouvais dire quand il allait bouger sans qu’on se parle. Même si c’était extrême et violent, c’est le tournage le plus fun que j’aie jamais fait. Et non, être défigurée pendant tout le film n’est vraiment pas un problème pour moi. Il y a assez de premières, de galas, de magazines pour être glamour – et ce n’est vraiment pas ce qui m’intéresse. »
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18 JUIL.
Ant-Man et la Guêpe de Peyton Reed Walt Disney (1 h 58)
The Charmer de Milad Alami Météore Films (1 h 40) Page 80
The Last Movie de Dennis Hopper Carlotta Films (1 h 48) Page 16
Fleuve noir d’Érick Zonca Mars Films (1 h 54)
La Saison du diable de Lav Diaz ARP Sélection (3 h 54) Page 80
The Party de Blake Edwards Splendor Films (1 h 39) Page 18
Penché dans le vent de Thomas Riedelsheimer Eurozoom (1 h 37)
Vierges de Keren Ben Rafael Pyramide (1 h 31) Page 80
Come as You Are de Desiree Akhavan Condor (1 h 31) Page 40
25 JUIL.
Hôtel Transylvanie 3 Des vacances monstrueuses de Genndy Tartakovsky Sony Pictures (1 h 38) Page 87
Mon tissu préféré de Gaya Jiji Sophie Dulac (1 h 36) Page 58
Contes de juillet de Guillaume Brac Les Films du Losange (1 h 10) Page 28
Bajirao Mastani de Sanjay Leela Bhansali ESC (2 h 38)
Paul Sanchez est revenu ! de Patricia Mazuy SBS (1 h 51) Page 70
Roulez jeunesse de Julien Guetta Le Pacte (1 h 24) Page 70
Hotel Artemis de Drew Pearce Metropolitan FilmExport (1 h 34)
The Guilty de Gustav Möller ARP Sélection (1 h 25) Page 80
C’est qui cette fille ? de Nathan Silver Stray Dogs (1 h 23) Page 72
Mamma Mia! Here We Go Again d’Ol Parker Universal Pictures (1 h 54)
Maya l’abeille 2 Les Jeux du miel de Noel Cleary, Sergio Delfino et Alexs Stadermann Paramount Pictures (1 h 23) Page 87
Une pluie sans fin de Dong Yue Wild Bunch (1 h 59) Page 72
Sang pour sang de Joel et Ethan Coen Les Acacias (1 h 36)
1er AOÛT My Lady de Richard Eyre ARP Sélection (1 h 45) Page 80
Mission : impossible Fallout de Christopher McQuarrie Paramount Pictures (N. C.)
8 AOÛT
15 AOÛT Ultra rêve de Jonathan Vinel et Caroline Poggi, Yann Gonzalez, Bertrand Mandico UFO (1 h 22) Page 38
Mario de Marcel Gisler Épicentre Films (1 h 59) Page 81
Under the Silver Lake de David Robert Mitchell Le Pacte (2 h 19) Pages 20 et 60
Le monde est à toi de Romain Gavras StudioCanal (1 h 34) Page 62
Une famille italienne de Gabriele Muccino Mars Films, (1 h 45) Page 81
Le Poirier sauvage de Nuri Bilge Ceylan Memento Films (3 h 08) Page 56
Sur la plage de Chesil de Dominic Cooke Mars Films (1 h 50) Page 74
Les Versets de l’oubli d’Alireza Khatami Bodega Films (1 h 32) Page 81
Mary Shelley de Haifaa al-Mansour Pyramide (2 h) Page 81
Under the Tree de Hafsteinn Gunnar Sigurðsson Bac Films (1 h 30) Page 81
Arythmie de Boris Khlebnikov Les Valseurs (1 h 56)
Darkest Minds Rébellion de Jennifer Yuh Nelson 20 th Century Fox (1 h 44)
Alive in France d’Abel Ferrara Bathysphere (1 h 19) Page 82
The Bacchus Lady d’E. J-yong ASC (1 h 50)
Détective Dee La légende des rois célestes de Tsui Hark Les Bookmakers / The Jokers (N. C.)
Une valse dans les allées de Thomas Stuber KMBO (2 h) Page 82
Happiness Road de Hsin-Yin Sung Eurozoom (1 h 51)
Neuilly sa mère, sa mère de Gabriel Julien-Laferrière SND (N. C.)
Capitaine Morten et la Reine des araignées de Kaspar Jancis Septième Factory (1 h 15) Page 86
Destination Pékin ! de Christopher Jenkins SND (1 h 31)
O Grande Circo Mistico de Carlos Diegues Bodega Films (1 h 45) Page 82
De chaque instant de Nicolas Philibert Les Films du Losange (1 h 45) Page 66
Equalizer 2 d’Antoine Fuqua Sony Pictures (2 h)
La Belle de Arūnas Žebriūnas Ed (1 h 05)
Guy d’Alex Lutz Apollo Films (1 h 41) Page 68
Papillon de Michael Noer Metropolitan FilmExport (1 h 57)
En eaux troubles de Jon Turteltaub Warner Bros. (1 h 54)
Sollers Point Baltimore de Matthew Porterfield JHR Films (1 h 41) Page 78
King De Montgomery à Memphis de Sidney Lumet et Joseph L. Mankiewicz Splendor Films (2 h 15)
Bonhomme de Marion Vernoux Orange Studio / UGC (1 h 43) Page 82
Les Vieux Fourneaux de Christophe Duthuron Gaumont (1 h 29)
Crazy Rich Asians de Jon M. Chu Warner Bros. (N. C.)
22 AOÛT BlacKkKlansman J’ai infiltré le Ku Klux Klan de Spike Lee Universal Pictures (2 h 08) Page 74
The Last of Us d’Ala Eddine Slim Potemkine Films (1 h 34) Page 76
Le joyau de l’animation japonaise enfin au cinéma
29 AOÛT
Il ou Elle d’Anahita Ghazvinizadeh Optimale (1 h 20)
Silent Voice de Naoko Yamada Art House (2 h 05) Page 76
Sauvage de Camille Vidal-Naquet Pyramide (1 h 39) Pages 26 et 78
Kin Le commencement de Josh et Jonathan Baker SND (1 h 42)
Caniba de Véréna Paravel et Lucien Castaing-Taylor Norte (1 h 30) Page 82
Burning de Lee Chang-dong Diaphana (2 h 28) Page 64
Reine d’un été de Joya Thome Les Films du Préau (1 h 07)
un film de
CRÉATION VISUELLE : © 2018 JEFF
Naoko Yamada BASED ON THE MANGA “A SILENT VOICE» BY YOSHITOKI OIMA ORIGINALLY SERIALIZED IN THE WEEKLY SHONEN MAGAZINE PUBLISHED BY KODANSHA LTD.
TITRE ORIGINAL « KOE NO KATACHI » AUTEURE DU MANGA YOSHITOKI OIMA RÉALISATRICE NAOKO YAMADA SCÉNARIO REIKO YOSHIDA CRÉATION DES PERSONNAGES FUTOSHI NISHIYA DIRECTEUR ARTISTIQUE MUTSUO SHINOHARA COULEUR NAOMI ISHIDA DÉCORS SEIICHI AKITAKE DIRECTEUR PHOTO KAZUYA TAKAO SON YOTA TSURUOKA MUSIQUE KENSUKE USHIO CHANSON PRINCOAPLE « KOI WO SHITA NO HA » BY AIKO PRODUCTION MUSICALE PONY CANYON ANIMATION KYOTO ANIMATION PRODUCTION A SILENT VOICE - THE MOVIE PRODUCTION COMMITTEE (KYOTO ANIMATION / PONY CANYON / ABC ANIMATION / QUARAS / SHOCHIKU / KODANSHA) DISTRIBUTION ART HOUSE DISTRIBUTION ©YOSHITOKI OIMA, KODANSHA/A SILENT VOICE THE MOVIE PRODUCTION COMMITTEE. TOUS DROITS RÉSERVÉS.
UNE ROMANCE SAVOUREUSE AVEC LES STARS
TRANSIT ET DE TONI ERDMANN DE
BETA CINEMA ET KMBO PRÉSENTENT
FRANZ ROGOWSKI SANDRA HÜLLER PETER KURTH
UNE V ALSE DANS LES ALLÉES (IN THE AISLES)
UN FILM DE THOMAS STUBER BETA CINEMA PRÉSENTE UNE PRODUCTION SOMMERHAUS FILMPRODUKTION EN CO-PRODUCTION AVEC MDR, ARTE, SWR, HR, ROTOR FILM ET DEPARTURES FILM AVEC FRANZ ROGOWSKI, SANDRA HÜLLER, PETER KURTH, ANDREAS LEUPOLD, MICHAEL SPECHT, RAMONA KUNZE-LIBNOW, HENNING PEKER, STEFFEN SCHEUMANN, MATTHIAS BRENNER, GERDY ZINT AVEC LE SOUTIEN DE MITTELDEUTSCHE MEDIENFÖRDERUNG, MFG FILMFÖRDERUNG BADEN-WÜRTTEMBERG, BEAUFTRAGTE DER BUNDESREGIERUNG FÜR KULTUR UND MEDIEN, MEDIENBOARD BERLIN-BRANDENBURG, DEUTSCHER FILMFÖRDERFONDS DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE PETER MATJASKO CHEF MONTAGE KAYA INAN DÉCORS JENNY ROESLER COSTUMES JULIANE MAIER, CHRISTIAN RÖHRS MAQUILLAGE HANNA HACKBEIL CASTING ANJA DIHRBERG, KAREN WENDLAND SON CHRISTOPH SCHILLING SOUND DESIGN KAI TEBBEL UNITÉ DE PROGRAMMES MEIKE GÖTZ (MDR), BARBARA HÄBE (ARTE), BRIGITTE DITHARD (SWR), JÖRG HIMSTEDT (HR) PRODUCTEURS EXÉCUTIFS MICHAEL JUNGFLEISCH, SOPHIE COCCO CO-PRODUCTEURS MARTIN FRÜHMORGEN, UNDINE FILTER, THOMAS KRÁL ÉCRIT PAR CLEMENS MEYER, THOMAS STUBER PRODUCTEURS JOCHEN LAUBE, FABIAN MAUBACH RÉALISÉ PAR THOMAS STUBER DISTRIBUTEUR ALLEMAND ZORRO FILM
D‘APRÈS LA NOUVELLE “IN
THE AISLES” DE CLEMENS MEYER PUBLIÉE DANS “ALL THE LIGHTS”
AU CINÉMA LE 15 AOÛT
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LES FILMS DU MOIS À LA LOUPE
LE POIRIER SAUVAGE
Bouche
Après sa Palme d’or Winter Sleep en 2014, Nuri Bilge Ceylan compose une nouvelle fresque familiale grandiose dans les impressionnants paysages turcs. Récit du retour dans son village natal d’un jeune homme fraîchement diplômé qui déchante face à son avenir, le film (qui était en Compétition à Cannes en mai) sonde subtilement notre époque en même temps qu’il livre une réflexion atemporelle sur les rapports entre générations.
bée, Sinan fixe la mer à travers la baie vitrée d’un café écrasé par le soleil, comme déjà sonné par son propre horizon. Ses études terminées, il a repris la route de son village d’Anatolie et n’a pas l’air follement réjoui. Sur place, côté famille, il retrouve avec un plaisir dissimulé – son visage oblong à la Droopy est peu démonstratif – sa mère et sa sœur, mais avec méfiance son père, vieil instituteur farceur à la déshonorante réputation de parieur. Côté travail, il a bouclé un premier roman enraciné dans la région intitulé Le Poirier sauvage, mais doit se démener pour le faire publier. Pour assurer ses arrières, il prépare le concours d’instituteur, perspective peu réjouissante en ce qu’elle le renvoie à son père, mais tout de même plus belle que celle qui lui restera s’il échoue à l’épreuve ou ne trouve pas de poste : intégrer la police (dans laquelle, comme le lui explique un ami d’enfance devenu flic, on se défoule en cognant sur les émeutiers). Dans un procédé similaire à celui qui faisait la force de Winter Sleep (les héros s’écharpent dans des petits
FILMS
© PALOMA PINEDA
3 QUESTIONS À NURI BILGE CEYLAN
espaces et méditent dans les immenses paysages alentours), Nuri Bilge Ceylan juxtapose ici l’anxiété intériorisée de Sinan et la majesté de la nature où s’enracine le village. Comme dans cette scène dans laquelle le héros retrouve par hasard une amie d’enfance prête à épouser un tocard : chacun fait part à demi-mot de son sentiment d’échec, jusqu’à ce que le malaise soit rompu par un baiser visiblement sans lendemain, et que la caméra suspende le temps en s’attardant sur le soleil et le vent dans les arbres. Mais, plus cérébral que physique, l’écrivain utilise surtout les mots pour tenter de conjurer son sort. Au fil de joutes verbales, il essaye de convaincre les notables locaux (dont le maire du village, qui a carrément enlevé sa porte de bureau pour signifier la transparence de sa politique) de financer la publication de son livre, de faire avouer à son père qu’il parie toujours au jeu ou encore d’humilier l’écrivain célèbre du coin. Si beau soit le cadre, trouver sa place dans un tableau déjà saturé de personnages hauts en couleur n’a clairement rien d’évident. • TIMÉ ZOPPÉ
Ce héros désabusé est-il le symbole de toute une jeune génération en conflit avec la société, ou spécifiquement de la jeunesse turque ? C’est difficile de dire qu’il peut représenter toute une génération. Il sent qu’il a des différences avec la société, ça lui crée un sentiment de non-appartenance et une forme de culpabilité. C’est ce que j’ai moi-même connu dans ma jeunesse. C’était impossible de m’en sortir sans passer par une rencontre avec l’art. C’est sous cette perspective que j’ai traité son rapport à la littérature. Comment avez-vous travaillé les dialogues denses pour les rendre digestes ? Plus que ce qui est dit, c’est le but et le type de lutte qui s’organise au travers d’un dialogue qui compte. Dans la vie, nous ne parlons généralement pas pour atteindre la vérité, mais pour gagner une position plus puissante. Par exemple, Sinan ne discute pas avec l’écrivain connu pour qu’il comprenne son point de vue, mais pour le mettre en position de faiblesse, le dominer, en citant des gens célèbres pour rendre sa théorie indiscutable. Comme dans vos précédents films, vous composez vos plans comme des peintures. Formellement, vous mettez-vous en danger à chaque projet ? Oui, sinon il n’y a ni motivation ni plaisir. Je m’en suis un peu voulu d’avoir risqué trop de choses sur ce film. Nous n’avons même pas testé les caméras au préalable, ce qui, pour un film de cette envergure, aurait dû être complètement inenvisageable. J’ai eu moins de liberté au montage, il y a des plans que je n’ai pas pu utiliser, et d’autres que j’ai dû intégrer malgré leurs défauts.
— : de Nuri Bilge Ceylan Memento Films (3 h 08) Sortie le 8 août
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FILMS
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MON TISSU PRÉFÉRÉ
L’éveil
sexuel d’une jeune femme dans une Syrie au bord du gouffre. Porté par l’excellente Manal Issa, ce huis clos bunuelien, sélectionné dans la section Un certain regard à Cannes en 2018, révèle la cinéaste Gaya Jiji. Nahla étouffe. Confinée dans l’appartement familial avec sa mère et ses deux sœurs, la jeune Syrienne rêve d’un appel d’air. Le salut semble d’abord venir de Samir, Syrien expatrié aux États-Unis revenu à Damas pour trouver une épouse. Mais ce dernier lui préfère finalement sa sœur cadette, plus docile. Vexée de l’affront et sexuellement frustrée, Nahla va toquer à la porte de la voisine du dessus, Madame Jiji, qui tient une maison close. Un monde fantasmatique et tortueux s’ouvre alors à elle, tandis que, dehors, la révolte gronde – nous sommes en mars 2011, c’est le début de la guerre
civile. Avec ce premier film réalisé dans la foulée de trois courts métrages, la cinéaste syrienne Gaya Jiji, exilée à Paris, évoque les blessures de son pays par le biais de l’intime. Car si le soulèvement contre le tyran Bachar al-Assad reste quasiment hors champ dans ce huis clos tourné en Turquie, l’oppression du peuple, palpable, se lit dans le quotidien asphyxiant de ces femmes. Et en particulier dans le parcours sensuel de Nahla, belle de jour version « printemps arabe » brillamment campée par Manal Issa – l’actrice franco-libanaise offre à son personnage retors un imprévisible souffle libertaire. • ÉRIC VERNAY
— : de Gaya Jiji Sophie Dulac (1 h 36) Sortie 18 juillet
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3 QUESTIONS À GAYA JIJI Vous habitez en France. D’où viennent les images d’archives de la Syrie de 2011 émaillant le film ? Ce sont des images amateurs trouvées sur YouTube. Je tenais beaucoup à tourner en Syrie, je voulais des images de la rue, de Damas… Mais c’était impossible. D’où l’utilisation de ces images documentaires. J’ai changé ces contraintes en choix artistique.
Pourquoi mettre en parallèle un éveil sexuel féminin et la plongée de la Syrie dans la guerre civile ? Je voulais montrer comment ce combat extérieur se reflète sur les femmes à travers le combat intime de l’héroïne, contre sa famille, contre elle-même, dans sa quête de liberté et d’identité. Les contradictions du peuple renvoient à celles du pays. 58
Le personnage principal n’est pas forcément très sympathique : elle vole, elle ment… C’est un choix. Je voulais créer un personnage complexe, une femme avec ses faiblesses et ses forces. Ces nuances correspondent à ce qu’on voit dans la réalité. J’en ai marre des films qui montrent des femmes victimes ou au contraire des héroïnes idéalisées.
le voyage à nantes —— 30.06 / 26.08 2018 ——
éloge du pas de côté PARCOURS ARTISTIQUE, ÉVÉNEMENTS, EXPOSITIONS...
www.levoyageanantes.fr
ÉLOGE DU PAS DE CÔTÉ, philippe ramette © photo : marc domage
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UNDER THE SILVER LAKE
Après
s’être essayé au teen movie (The Myth of the American Sleepover, sorti en V.O.D. en France en 2014) et au film d’épouvante (It Follows, 2015), David Robert Mitchell plonge dans les eaux référencées du film noir pour un trip stylé à L.A. Que cache la surface glamour de la Cité des Anges ? Il y a quelque chose de pourri dans le royaume de Hollywood… Ce thème rebattu nourrit à lui seul un pan décisif du cinéma américain, devenu un genre un soi : le polar à/sur Los Angeles qui, du Grand Sommeil de Howard Hawks (1947) au Inherent Vice de Paul Thomas Anderson (2015) en passant par le Mulholland Drive de David Lynch (2001), ne compte plus les classiques. David Robert Mitchell en reprend la sainte trinité : une enquête nébuleuse, un antihéros sous influence et une femme fatale. Obsédé par la disparition de sa séduisante voisine, Sam, 33 ans, se lance dans un jeu de piste au péril insoupçonné. Avec son tee-shirt, son jean et ses Converse, l’apprenti Sherlock serait donc la version 2018 du Philip Marlowe de Raymond Chandler,
autrefois campé par le flegmatique Humphrey Bogart. Andrew Garfield reprend le flambeau sur un mode plus juvénile, burlesque et dégingandé, dans un Los Angeles saturé de signes et de faux-semblants. David Robert Mitchell évite l’hommage faisandé en injectant une salvatrice dose d’humour stoner à son néo-noir et en faisant de son encombrant héritage cinématographique le socle à double fond de sa narration : tandis que Sam cherche à démêler une machination criminelle en gobant des space cakes, en se rinçant l’œil avec un drone ou en plissant les yeux devant ses boîtes de céréales, le spectateur décrypte les clins d’œil cinéphiliques et autres fantômes nichés dans chaque centimètre de pellicule. Un trip ludique, à la fois pop et spectral. • ÉRIC VERNAY
— : « Under the Silver Lake »
de David Robert Mitchell Le Pacte (2 h 19) Sortie le 8 août
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3 INFLUENCES DE DAVID ROBERT MITCHELL Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock (1955) Un reporter-photographe désœuvré, immobilisé chez lui, se met à observer ses voisins. Le meurtre qu’il soupçonne est-il le pur fruit de son imagination ?
Something’s Got to Give de George Cukor (1962) Pastichée par Mitchell, la célèbre scène de piscine dévoilait la star Marilyn Monroe dans le plus simple appareil. Sa mort brutale en fit un film maudit. 60
Inherent Vice de Paul Thomas Anderson (2015) Un détective privé sous weed, joué par un Joaquin Phoenix halluciné, mène une enquête bouffonne et alambiquée à l’ombre des palmiers de Los Angeles.
« Une performance à couper le souffle » LE FIGARO
« Réalisé avec une grande sensibilité » LE POINT
FILMS
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LE MONDE EST À TOI
Pour
son deuxième long métrage, Romain Gavras réinvente Isabelle Adjani et Vincent Cassel dans des seconds rôles déjantés qui font tout le piquant de cette généreuse comédie d’action. Cofondateur du collectif Kourtrajmé avec Kim Chapiron en 1995, Romain Gavras s’est souvent illustré, dans ses clips ou ses courts métrages, par un style provoc, sensoriel et nourri au hip-hop que certains trouvaient vide et roublard, que d’autres pensaient plein de vitalité (Chris Marker avait défendu le « poème noir et violent » qu’était son clip Stress, réalisé en 2007 pour Justice). Le Monde est à toi, son deuxième long après l’étrange Notre jour viendra (2010), avance avec les mêmes arguments (formalisme, inspirations qui vont de Scarface à PNL…) mais respire bien plus que ses précédents projets. Il raconte l’itinéraire saugrenu d’un petit dealer, François, joué par Karim Leklou, vu jusqu’ici dans des rôles de brutes louches. L’acteur se révèle drôle en vaurien lunaire pas vraiment crédible – les copines de sa mère lui demandent de faire la « danse du gros ventre » comme quand il était petit – qui veut devenir distributeur de la marque Mr Freeze au Maghreb. Avec ce projet caustique, le réalisateur paraît plus
fin en ce qu’il semble moins penser à sa patte qu’à son film. Gavras réalise une comédie d’action légère, rythmée par d’improbables chansons variétoches utilisées avec ce qu’il faut de second degré (Laurent Voulzy, Daniel Balavoine…), et parsemée d’intrigantes trouvailles. Parmi elles, les acteurs qui jouent l’entourage branque et embarrassant de François : Isabelle Adjani, en mode mère gangsta à la Absolutely Fabulous complètement délurée qui fait franchement peur lorsqu’elle veut couper le doigt à une gamine qu’elle détient en otage, et Vincent Cassel, en vieux truand pépère qui se laisse convaincre par toutes les théories du complot sur lesquelles il tombe sur YouTube. En retrait, ces acteurs de premier plan ont l’air de vraiment s’amuser et apportent le grain de folie nécessaire pour faire décoller ce qui aurait pu n’être qu’une vaine tentative de modernisation de la comédie d’aventure à la Philippe de Broca. Gavras réussit l’hommage sans rien renier de son propre univers. • QUENTIN GROSSET
Gavras réalise une comédie d’action légère parsemée d’intrigantes trouvailles.
— : de Romain Gavras
StudioCanal (1 h 34) Sortie le 15 août
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“on peine à croire, devant son ampleur et sa noiceur à la Jia Zhang-ke, qu’il soit un premier long métrage. un coup de maître” télérama
“quelque part entre seven et memories of murder. époustouflant” cinemateaser
“un film impressionnant qui bouscule les codes du polar” positif
un film de
Dong Yue
au cinéma le 25 juillet
FILMS
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BURNING
Reparti
bredouille de Cannes, où beaucoup d’observateurs lui prédisaient pourtant la Palme d’or, Lee Chang-dong orchestre avec Burning un jeu de piste ambigu, entre chronique sentimentale et thriller. Tout commence par un flirt entre le jeune Jongsu et la pétillante Haemi, anciens amis d’enfance qui se retrouvent, vingtenaires, à Séoul. L’amorce de romance est bientôt interrompue : la jeune fille doit se rendre en Afrique pour un voyage prévu de longue date. Sauf que, à son retour, Haemi n’est pas seule. Elle est accompagnée de Ben. Riche, mondain, sûr de lui, ce Gatsby coréen est l’exact opposé de Jongsu, apprenti écrivain taiseux et maladroit en charge de la ferme paternelle. Alors que l’équilibre vacillant de ce triangle amoureux s’élabore, dans un mélange de méfiance, d’euphorie et de
rivalité, la tension sourd, pour brusquement se changer en angoisse lorsqu’un événement inattendu survient : telle une héroïne de Hitchcock ou d’Antonioni, Haemi disparaît. Cette absence fait basculer le film dans le thriller. Un thriller antispectaculaire, atmosphérique, superbement photographié, où tout semble se passer dans l’esprit à l’affût de Jongsu. Avec cette transposition en Corée du Sud d’une nouvelle de Haruki Murakami (Les Granges brûlées), le réalisateur de Poetry (2010) laisse ainsi le spectateur dans un état d’hésitation permanente sur ce qu’il perçoit. Car, après tout, le héros n’est-il pas romancier ? • ÉRIC VERNAY
— : de Lee Chang-dong
Diaphana (2 h 28) Sortie le 29 août
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3 QUESTIONS À LEE CHANG-DONG PAR T. Z. Quel discours portez-vous sur l’opposition des classes sociales en Corée du Sud ? Je trouve qu’elles ne sont plus aussi définies qu’autrefois. Avant, il y avait les prolétaires, les bourgeois, etc. Aujourd’hui, l’objet de la rage est plus flou, éparpillé. Les riches, surtout les jeunes, peuvent sembler aimables, on a l’impression qu’ils propagent la bonté.
Comment avez-vous pensé la représentation de la ville par rapport à la campagne ? Jongsu habite dans une sorte de marais. Ce n’est pas la beauté flamboyante des beaux quartiers, mais celle des endroits délaissés. Quand Ben dit qu’il veut brûler des serres, Jongsu se rend compte qu’il tient à cet espace auquel il voulait échapper. Il a soudain un nouveau regard. 64
La nouvelle originale s’appelle Les Granges brûlées. Pourquoi en avoir fait des serres ? En Corée, il n’y a pas de granges, mais des serres en plastique. Elles ont une forme extérieure, mais sont aussi transparentes. Elles existent, et en même temps non. Je trouve que ça résonne avec le cinéma : un film projeté sur un écran, c’est finalement juste des faisceaux lumineux.
Emma Thompson est merveilleuse À voir absolument C à vous
EMMA THOMPSON
STANLEY TUCCI
FIONN WHITEHEAD
My
©CARACTÈRES CRÉDITS NON CONTRACTUELS
Lady Pour elle, seul compte l'intérêt de l'enfant Un film de
Richard Eyre
FILMS
ZOOM
ZOOM
DE CHAQUE INSTANT
Seize
ans après Être et Avoir, Nicolas Philibert retourne à l’école. C’est dans un institut de formation au métier d’infirmier qu’il a cette fois planté sa caméra. Un documentaire soigné et poignant. Du Pays des sourds (1992) à La Maison de la radio (2012), Nicolas Philibert s’est toujours intéressé à l’une des activités humaines les plus essentielles et mystérieuses qui existe : la transmission (d’un savoir, d’une émotion, d’une idée). Elle est plus que jamais au centre de son nouveau documentaire, qui suit le parcours d’un groupe d’étudiantes et étudiants infirmiers (les garçons sont minoritaires) admis au sein d’un institut de formation de Montreuil. Tout au long de leur apprentissage, les élèves sont confrontés à une infinité de questions, des plus concrètes (comment planter une seringue ou enlever un plâtre) aux plus impalpables (comment accompagner un patient dans ses derniers moments). D’une lumineuse simplicité, le découpage en trois parties (les cours théoriques et pratiques, les débuts en milieu hospitalier, l’entretien d’après-stage) produit constamment du sens et de l’émotion. Dans le premier segment, la caméra discrète et attentive de Philibert capte les regards encourageants et les sourires gênés lors des
exercices collectifs. Les scènes de groupe laissent ensuite place au face-à-face entre les infirmiers novices et leurs premiers patients, soit la rencontre de deux formes de vulnérabilité, filmée avec une grande délicatesse. Le dernier temps du récit est le plus introspectif, chaque élève tirant le bilan de son expérience en présence d’un formateur bienveillant. Brossant au passage un portrait apaisé de la jeunesse française de 2018 (un piercing ici, un voile là), Philibert pointe aussi, sans dénonciation tapageuse (pas vraiment le genre de la maison), un certain malaise social, au détour d’une discussion sur le manque de personnel ou du récit d’une stagiaire contrainte de cumuler deux emplois pour gagner sa vie. Au-delà de l’hommage à une profession en manque de reconnaissance (Philibert a d’ailleurs eu l’idée du film après avoir lui-même séjourné dans un hôpital), ce documentaire, modeste en apparence, ne célèbre rien moins que la puissance de la parole et la beauté du geste. • JULIEN DOKHAN
La caméra discrète et attentive capte les regards encourageants et les sourires gênés.
— : de Nicolas Philibert
Les Films du Losange (1 h 45) Sortie le 29 août
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FILMS
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GUY
Ce
faux documentaire consacré à un chanteur imaginaire fut l’une des réjouissantes surprises de la Semaine de la critique à Cannes cette année. Alex Lutz s’y impose comme un réalisateur ingénieux et un acteur génial. La transformation physique la plus extrême permet parfois d’atteindre une troublante vérité. Alex Lutz l’a démontré en se travestissant en femme dans les sketches de Catherine et Liliane qui l’ont rendu célèbre. Il le prouve aujourd’hui encore avec éclat, sur grand écran et dans un registre plus mélancolique, en incarnant le héros de son deuxième long métrage. Guy est un chanteur de variété qui fut une star à une époque où l’on parlait plutôt de vedette. À 74 ans, il accepte la proposition d’un jeune journaliste qui souhaite réaliser son portrait à l’occasion d’une énième tournée et de la sortie d’un
album de reprises. Le film prend donc habilement la forme du « documenteur », avec un sens du détail et une empathie qui l’empêchent de tomber dans le mielleux ou le fielleux. Les confidences lucides de Guy sur le temps qui passe résonnent avec d’autant plus de force qu’il ignore que son intervieweur pourrait être son fils caché. À l’hommage au métier de chanteur envisagé comme un artisanat s’ajoute ainsi, en parfaite harmonie, une dimension de thriller intime, car, comme Resnais, Lutz connaît la chanson. Il sait que les airs de variété sont des capsules temporelles qui nous touchent en plein cœur. • JULIEN DOKHAN
— : d’Alex Lutz
Apollo Films (1 h 41) Sortie le 29 août
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3 QUESTIONS À ALEX LUTZ PAR J. L. Pourquoi avoir choisi la forme du faux documentaire ? Je trouve hypnotiques, beaux et bouleversants certains documentaires de cinéma comme À la recherche de Vivian Maier de John Maloof et Charlie Siskel. Le portrait est mon exercice préféré, et le faux documentaire m’a permis de me sentir à l’aise dans l’histoire que je voulais créer.
Le travail sur le maquillage et sur la voix est impressionnant. Je voulais éviter d’en faire trop sur le look corsico-suédois du personnage ou sur le timbre de sa voix. Le but n’était pas qu’on se dise : « Ah ! C’est bien fait. » Il fallait faire exploser le latex et le silicone pour ne laisser en souvenir qu’une histoire simple, émouvante. 68
Un artiste, pour vous, c’est quelqu’un qui traverse le temps ? Dans une scène, Guy dit : « Je ne sais pas si j’ai du talent, mais je sais que je suis un artiste. » Pour moi, un artiste, c’est quelqu’un qui s’affirme, qui est dans le non-renoncement, même si on lui dit qu’il est mauvais. Peut-être qu’un jour son talent sera reconnu.
UN FILM DE
DESIREE AKHAVAN AU CINÉMA LE 18 JUILLET
FILMS
PAUL SANCHEZ EST REVENU !
— : de Patricia Mazuy
SBS (1 h 51) Sortie le 18 juillet
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Un
criminel en fuite aurait été aperçu à la gare de la petite ville du Var où il a tué sa femme et ses enfants dix ans plus tôt… Patricia Mazuy (Sport de filles, 2011) transforme un fait divers à la Dupont de Ligonnès en anxiogène western français. À la gendarmerie, il n’y a bien que la jeune et impulsive Marion (Zita Hanrot) qui croit dur comme fer au retour de Paul Sanchez, d’autant qu’elle y voit l’opportunité de gagner en crédibilité auprès de son chef. Obsédée par ce dossier, elle délaisse les dépôts de plainte quotidiens et commence à se servir de sa relation naissante avec Yohann (Idir Chender), un journaliste qui couvre l’affaire, pour atteindre le criminel. Pendant ce temps, un homme paniqué (excellent Laurent Lafitte) erre dans les environs, se cache dans des voitures volées et se décide enfin : il contacte Yohann pour lui dire qu’il est Paul Sanchez et qu’il veut confesser son crime. Entre le décor oppressant de la gendarmerie, la chasse à l’homme et l’impressionnant rocher escarpé dans les entrailles duquel son héros finit par se terrer, Patricia Mazuy actualise l’imagerie du western et dénonce brillamment la violence du modèle de vie imposé par la société contemporaine. • TIMÉ ZOPPÉ
ROULEZ JEUNESSE
— : de Julien Guetta Le Pacte (1 h 24) Sortie le 25 juillet
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Dépanneur
automobile quadragénaire qui vit encore dans le giron de sa mère, Alex s’impose vite comme un excellent personnage de comédie, joyeusement campé par Éric Judor. Pataugeant dans un amusant train-train quotidien, ce héros encore inconséquent sur le plan sentimental se trouve pourtant au centre d’un surprenant drame social lorsqu’il se voit contraint de s’occuper de trois enfants laissés à l’abandon. Rapidement débordé, Alex doit gérer simultanément plusieurs responsabilités, tout comme le film se met soudain à manier à la fois des registres comique et dramatique. La force émotionnelle de ce conte initiatique se dévoile alors progressivement. Julien Guetta, admirateur revendiqué de Ken Loach, réussit ici une œuvre très personnelle, sorte de tragédie douce-amère dans laquelle le personnage central apprend à ne plus se cacher derrière sa prétendue immaturité. La tonalité grave dont fait preuve Éric Judor constitue à ce titre un atout essentiel. Parfait dans ce répertoire nouveau pour lui, le comédien porte sur ses épaules toute la lumière et la sensibilité de ce beau film sur l’acceptation et la transmission. • DAMIEN LEBLANC
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©CARACTÈRES - PHOTO : SONY MUSIC
UN
F I L M
DE
KEV I N MACDO N A L D PRÉSENTENT MIRAMAX ET ALTITUDE FILM ENTERTAINMENT UNE PRODUCTION LISA ERSPAMER ENTERTAINMENT ET LIGHTBOX MONTAGE SAM RICE-EDWARDS IMAGE NELSON HUME COPRODUCTEUR VANESSA TOVELL PRODUCTEURS DÉLÉGUÉS NICOLE DAVID PAT HOUSTON WILL CLARKE ANDY MAYSON MIKE RUNAGALL ZANNE DEVINE ROSANNE KORENBERG JOE PATRICK PRODUIT RÉALISÉ PAR SIMON CHINN JONATHAN CHINN LISA ERSPAMER PAR KEVIN MACDONALD © WH FILMS LTD 2018
LE
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S E PTE M BR E
AU
CINÉMA
FILMS
UNE PLUIE SANS FIN
— : de Dong Yue Wild Bunch (1 h 57) Sortie le 25 juillet
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Chine,
1997 : le pays connaît de profonds bouleversements. Le Royaume-Uni est sur le point de lui rétrocéder Hong Kong, et le président Jiang Zemin lance une vague de privatisation des entreprises nationales pour éponger leur endettement. Au Sud, dans la province du Hunan, Yu Guowei, chef de la sécurité d’une vieille usine, traverse lui aussi des turbulences. Élu meilleur employé de l’année, ce quadra rigoureux et zélé se retrouve à aider la police locale dans une enquête sur plusieurs féminicides visiblement liés. Il s’investit plus que de mesure dans cette mission, au point de mettre en danger ceux qui comptent sur lui, son sous-fifre, Xiao Liu, et Yanzi, une prostituée qu’il a décidé d’aider… Premier long métrage de Dong Yue, ce thriller dramatique sur le déclin d’un monde et d’une époque impressionne par sa mise en scène invoquant avec talent le Bong Joon-ho de Memories of Murder et de Mother. Glacé, étouffant et lourd comme un ciel débordant de nuages, il est à l’image de la psyché de Yu Guowei, qui sombre peu à peu inéluctablement dans la névrose. Incapable de la seule chose qui pourrait le sauver : s’adapter. • PERRINE QUENNESSON
C’EST QUI CETTE FILLE ?
— : de Nathan Silver Stray Dogs (1 h 23) Sortie le 25 juillet
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Hyperactif,
Nathan Silver a réalisé presque un film par an depuis 2006. Mais C’est qui cette fille ? est le premier à atteindre les salles françaises – peut-être parce qu’il réunit un casting principalement hexagonal et particulièrement hype où brillent notamment Damien Bonnard, Esther Garrel et Alice de Lencquesaing. Mais c’est l’Américaine Lindsay Burdge qui joue Gina, l’héroïne dont on suit le périple amoureux et fou. Hôtesse de l’air en escale à Paris, la jeune femme discrète se fait repérer par Jérôme, barman dragueur et inconséquent. Après une nuit ensemble, elle décide d’emménager dans la capitale pour être au plus près de lui. Qu’il le veuille ou non… Narré par la voix suave et grave d’Anjelica Huston, C’est qui cette fille ? ressemble à une gueule de bois qui dégénère. Sa réussite tient dans le malaise latent qui s’épaissit au fur et mesure de cette quête érotomane. Cet instantané d’un Paris à la fois abject dans son entre-soi et fascinant par son style de vie dégingandé nous permet de saisir l’ampleur de la folie de Gina. Sans manquer de nous entraîner, un peu à la manière d’un Henri-Georges Clouzot, dans d’envoûtantes spirales sensorielles. • PERRINE QUENNESSON
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EXIT PRODUCTIONS - INSIDE PRODUCTION - MADBOX AND SVP PRODUCTION PRÉSENTENT THE LAST OF US AVEC JAWHER SOUDANI - FATHI AKKARI - JIHED FOUTRI CHEF OPÉRATEUR AMINE MESSADI SON MONCEF TALEB MONTAGE ALAEDDINE SLIM DIRECTEUR ARTISTIQUE MALEK GNAOUI COSTUMES RAHMA BEN THAYER DESSINS HAYTHEM ZAKARIA PRODUCTEUR EXÉCUTIF MOHAMED ISMAIL LOUATI PRODUCTEURS MOHAMED ISMAIL LOUATI - KAMEL LAARIDHI - CHAWKI KNIS - ALAEDDINE SLIM VENTES INTERNATIONALES PIERRE MENAHEM, STILL MOVING DISTRIBUTION POTEMKINE FILMS SCÉNARIO ALAEDDINE SLIM RÉALISATION ALAEDDINE SLIM
ASSISTANT RÉALISATEUR ALI HASSOUNA MAQUILLAGE NADIA AYED
EFFETS VISUELS TAREK EL OUAER
FILMS
SUR LA PLAGE DE CHESIL
— : de Dominic Cooke Mars Films (1 h 50) Sortie le 15 août
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Adaptation
d’un livre de Ian McEwan, écrivain britannique dont deux romans sont portés à l’écran cet été – Sur la plage de Chesil et L’intérêt de l’enfant, sous le titre My Lady –, ce film sur les hésitations du désir dépeint une nuit de noces qui tourne mal dans l’Angleterre corsetée des années 1960. Tout commence de manière plutôt idyllique : Florence (Saoirse Ronan) et Edward (Billy Howle) sont beaux, jeunes, ils viennent de se marier et ils montrent à la société que l’on peut venir de classes sociales différentes et s’aimer mais… le premier soir de leur lune de miel, il ne se passe rien physiquement entre eux, Florence ne ressentant aucune attirance pour son mari. Dans l’incompréhension, ils tentent de se parler et de revenir sur leur histoire… Malgré une construction en flash-back qui pourrait prendre la forme d’une démarche de justification vaseuse, le film ne cherche jamais à éclaircir l’absence totale de désir de Florence. Flou, il avance au contraire avec lucidité, en partant du principe qu’il n’y a rien à expliquer – tandis que le jeu subtil et nuancé de Saoirse Ronan donne à cette héroïne moderne une vraie ampleur féministe et mystérieuse. • QUENTIN GROSSET
BLACKKKLANSMAN
— : de Spike Lee Universal Pictures (2 h 08) Sortie le 22 août
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La
pilule ne passe pas, après l’élection de 2016 qui a vu Donald Trump devenir président des États-Unis malgré ses discours de campagne haineux. Grand prix à Cannes cette année, ce pamphlet explosif signé Spike Lee et adapté de l’autobiographie de Ron Stallworth (génial John David Washington) revient sur l’expérience du premier Afro-Américain admis au sein de la police de Colorado Springs qui, à la fin des années 1970, s’est infiltré au sein du Ku Klux Klan en se faisant passer au téléphone pour un sympatisant de la puissante organisation suprématiste blanche, incarné sur le terrain par son collègue blanc et juif (excellent Adam Driver). À travers ce duo, Spike Lee ausculte, avec son sens de l’ironie, les troubles identitaires générés par le racisme, et dessine en contours les tentations d’une autodéfense violente (le Black Panther Party). En plaçant dans la société d’hier les slogans d’aujourd’hui (« America first »), en nous confrontant à des extraits vidéos de manifestations de l’alt-right américaine à Charlottesville en 2017, le cinéaste finit de nous convaincre de la nécessité de lever le poing, dans la rue comme sur grand écran. • JOSÉPHINE LEROY
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FILMS
THE LAST OF US
— : d’Ala Eddine Slim Potemkine Films (1 h 34) Sortie le 22 août
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Dénuée
de dialogues mais pas d’audace, cette fable picaresque met en images les traversées qu’effectue un passager clandestin subsaharien cherchant à rallier l’Europe. Grâce à sa totale liberté plastique, qui lui permet d’explorer l’immensité des paysages aussi bien que le visage de son héros, le Tunisien Ala Eddine Slim traite de manière métaphorique une quantité de thèmes qui dépassent le seul récit de voyage. Le personnage, dénommé N, devient progressivement une figure atemporelle représentant la solitude et passant par diverses mutations qui prennent la forme d’un retour à la vie primitive. Dans une dernière partie nettement plus onirique que sociopolitique, The Last of Us semble ainsi vouloir illustrer ce qui constitue le sel d’une existence humaine dès lors que le monde détourne le regard et ne prête plus attention. Entre ermite volontairement solitaire qui trouve la quiétude et victime marginalisée par la société contemporaine, N s’avère insaisissable. Et cette œuvre aux apparences minimalistes finit par dévisager son spectateur pour le renvoyer à l’étrangeté de sa condition moderne. • DAMIEN LEBLANC
SILENT VOICE
— : de Naoko Yamada Art House (2 h 05) Sortie le 22 août
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Le
film d’animation tiré du manga à succès de Yoshitoki Ōima – une histoire de chute et de rédemption – arrive enfin en France, deux ans après sa sortie au Japon. La vie d’Ishida, un collégien agité, bascule avec l’arrivée de Nishimiya, une élève atteinte de surdité. Pour amuser la galerie, le garçon multiplie les moqueries, et détruit un cahier dont elle ne se sépare jamais. Cette situation conduit la jeune fille à changer d’école. Tenu pour responsable, Ishida est mis au ban par ses camarades. Quelques années plus tard, dépressif et suicidaire, le jeune homme n’a plus qu’une idée en tête : se faire pardonner… Si le pitch peut sembler tire-larmes, le spectateur n’est jamais mené en bateau. Car si le handicap et le harcèlement sont des thèmes forts de l’œuvre, ils constituent surtout la toile de fond d’une histoire de rédemption et d’ouverture aux autres. Un canevas agrémenté de jolies trouvailles visuelles – quand Ishida se referme sur lui-même, des croix se superposent au visage des autres pour signifier leur perte d’identité à ses yeux. Cette expressivité, alliée à un découpage nerveux, achève de donner au film un dynamisme rafraîchissant. • GUILLAUME LAGUINIER
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« LE CHOC VISCÉRAL DE L’ÉTÉ » CHAOS REIGNS
U N F I L M D E V E R E N A P A R AV E L E T L U C I E N C A S TA I N G - TAY L O R AVEC ISSEI SAGAWA JUNE SAGAWA SATOMI YOKO IMAGE ET MONTAGE VERENA PARAVEL LUCIEN CASTAING-TAYLOR PRISE DE SON NAO NAKASAWA VERENA PARAVEL LUCIEN CASTAING-TAYLOR ÉTALONNAGE PATRICK LINDENMAIER MONTAGE SON ET MIXAGE BRUNO EHLINGER PRODUCTEURS VALENTINA NOVATI VERENA PARAVEL LUCIEN CASTAING-TAYLOR PRODUIT PAR NORTE PRODUCTIONS S.E.L EN ASSOCIATION AVEC CINÉVENTURE 3 AVEC LE SOUTIEN DU CNC DE LA LEF FOUNDATION DU SUNDANCE INSTITUTE DOCUMENTARY FILM PROGRAM DU SENSORY ETHNOGRAPHY LABORATORY DU BARAJAS DEAN’S INNOVATION FUND FOR DIGITAL ARTS AND HUMANITIES DU REISCHAUER INSTITUTE OF JAPANESE STUDIES ET DE HARVARD UNIVERSITY VENTES INTERNATIONALES ELLE DRIVER UN FILM RÉALISÉ PAR VERENA PARAVEL LUCIEN CASTAING-TAYLOR DISTRIBUTION NORTE DISTRIBUTION
FILMS
SAUVAGE
— : de Camille Vidal-Naquet Pyramide (1 h 39) Sortie le 29 août
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On
a trouvé le Joe Dallesandro de notre époque : il s’appelle Félix Maritaud (lire notre portrait p. 26) ; et son incarnation abrasive d’un jeune prostitué au parcours erratique, qui voit défiler les hommes et court après celui dont il est amoureux, est déjà un argument de poids pour aller voir Sauvage. Mais ce premier long métrage de Camille Vidal-Naquet emporte à bien d’autres égards, notamment grâce à la grande empathie (la même dont fait preuve son héros lorsqu’il écoute ses clients) avec laquelle le réalisateur regarde le milieu de la prostitution, complexe. Ce portrait nuancé est bienvenu quand, dans le débat public, les discussions tournent seulement autour de la nécessité ou non de l’abolition de la prostitution, sans jamais que l’on n’écoute les personnes concernées. Camille Vidal-Naquet montre donc autant la violence, la misère sexuelle, la précarité et la concurrence, qu’un mode de vie alternatif où peuvent s’inventer de nouvelles formes de liberté, de camaraderie et d’amour pur. Le tout bercé par la voix grave de Maritaud – et la tendresse finit par l’emporter sur le glauque. • QUENTIN GROSSET
SOLLERS POINT. BALTIMORE
— : de Matthew Porterfield JHR Films (1 h 41) Sortie le 29 août
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De
Sur les quais (Elia Kazan, 1955) à Mystic River (Clint Eastwood, 2003), le cinéma américain excelle souvent à décrire l’ancrage d’une population au sein d’une zone urbaine précise. En racontant la tentative de réinsertion d’un ancien détenu dans son quartier de Sollers Point, Matthew Porterfield explore ici un territoire délimité du sud de Baltimore pour en saisir l’atmosphère d’abandon post-industriel. Adepte de la sobriété narrative, le cinéaste filme avec brio la torpeur de longues journées durant lesquelles le jeune Keith, confronté aux trafics en tous genres et au pouvoir tenace des gangs, essaie tant bien que mal de se construire un horizon. Le traitement naturaliste ouvre la porte à de convaincants portraits intimes, et la relation entre Keith et son père dépité (Jim Belushi) touche par ses non-dits, qui soulignent la perte du lien entre générations. Dans la lignée de ses précédentes réalisations (Putty Hill, I Used to Be Darker), Matthew Porterfield continue à rendre compte de l’écrasement que l’économie américaine exerce sur ses citoyens, au point d’avoir raison de leurs corps et de leurs sentiments. • DAMIEN LEBLANC
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« Un premier f ilm s ub til et palpit ant » PRIX DU MEILLEUR FILM
VARSOVIE INTERNATIONAL FILM FESTIVAL
MEILLEUR FILM
LÜBECK 59TH NORDIC FILM DAYS
MEILLEUR PREMIER FILM
CHICAGO
INTERNATIONAL FILM FESTIVAL
ARDALAN ESMAILI
PRIX FEDEORA
SAN SEBASTIÀN INTERNATIONAL FILM FESTIVAL
PRIX DES DROITS HUMAINS
TBILISSI
INTERNATIONAL FILM FESTIVAL
EN COMPÉTITION
LES ARCS
FESTIVAL DE CINÉMA EUROPÉEN
MEILLEUR IMAGE
GOTEBORG FILM FESTIVAL
SOHO REZANEJAD
UN FIL M DE MIL AD AL AMI
AU CINÉMA LE 25 JUILLET
SÉLECTION OFFICIELLE
SÃO PAULO INTERNATIONAL FILM FESTIVAL
FILMS THE GUILTY
Rétrogradé au standard téléphonique à la suite d’une bavure, un policier reçoit le coup de fil d’une femme en détresse… Malgré des faiblesses de scénario, ce thriller danois vaut le détour pour son dispositif en forme d’exercice de style : la caméra ne quitte jamais la pièce où le héros, agrippé au téléphone, fait tout pour sauver son interlocutrice – et se racheter. • J. R.
— : de Gustav Möller (ARP Sélection, 1 h 25) Sortie le 18 juillet
VIERGES
À Kiryat-Yam, petite ville balnéaire du nord d’Israël, les habitants sortent de chez eux et les touristes débarquent après avoir entendu une rumeur : une sirène serait apparue… À travers le regard émerveillé et désabusé de Lana, une jeune ado qui rêve de partir, le film oscille intelligemment entre le merveilleux et une critique politique plus réaliste. • J. L .
— : de Keren Ben Rafael (Pyramide, 1 h 30) Sortie le 25 juillet
LA SAISON DU DIABLE
Aux Philippines, en 1979, un petit village tente de résister à la loi martiale instaurée par le président Marcos… Spécialiste du film-fleuve et du noir et blanc, Lav Diaz innove ici avec des dialogues exclusivement chantés. Les mélodies reviennent comme des mantras entêtants, métaphores d’un lavage de cerveau totalitaire qui résonne fort avec l’époque actuelle. • T. Z .
— : de Lav Diaz (ARP Sélection, 3 h 54) Sortie le 25 juillet
THE CHARMER
Pour obtenir un permis de séjour danois, Esmail, un jeune Iranien, se met en quête d’une épouse et enchaîne les conquêtes. Un jeu qui va le dépasser quand il rencontre une jeune femme dont il s’éprend. En parallèle, un mari trompé le tourmente… Ce premier long aborde sans sermons le sujet sensible du mariage blanc et les conflits intérieurs qu’il induit. • G. L .
— : de Milad Alami (Météore Films, 1 h 40) Sortie le 25 juillet
MY LADY
Une juge de la Haute Cour de justice britannique doit rendre un jugement de Salomon – obliger ou non un jeune témoin de Jéhovah gravement malade à se faire transfuser… Si sa mise en scène est classique, ce drame humain et législatif vaut surtout pour la performance d’Emma Thompson, ainsi que pour l’interprétation intense du jeune Fionn Whitehead. • P. Q.
— : de Richard Eyre (ARP Sélection, 1 h 45) Sortie le 1er août
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FILMS LES VERSETS DE L’OUBLI
Dans un pays indéterminé d’Amérique latine, un vieux gardien de morgue trouve le corps d’une jeune femme tuée par des miliciens qui répriment les manifestations en cours. Il tente de savoir qui elle était… Entre réalisme magique et fable politique, le cinéaste iranien Alireza Kathami parle de l’importance de ne pas oublier le combat de ceux qui résistent. • Q. G.
— : d’Alireza Khatami (Bodega Films, 1 h 32) Sortie le 1er août
MARIO
À Berne, dans le milieu hétéronormé d’une équipe de jeunes footballeurs, Mario et Léon tombent amoureux. Les rumeurs et la manière dont l’équipe tente de taire leur relation forcent le premier à faire des choix déterminants… Cette histoire opposant l’intime et le collectif convainc par la justesse avec laquelle elle traite frontalement son sujet délicat. • G. L .
— : de Marcel Gisler (Épicentre Films, 1 h 59) Sortie le 1er août
UNE FAMILLE ITALIENNE
Réunie pour fêter les cinquante ans de mariage des deux aïeux, une vaste famille doit cohabiter plus longtemps que prévu, ce qui fait éclater des conflits… Portée par un savoureux casting où trône Stefano Accorsi, cette comédie dramatique décrit la vie adulte comme l’empire des mensonges et des renoncements, mais laisse envisager une rédemption par l’amour. • D. L .
— : de Gabriele Muccino (Mars Films, 1 h 48) Sortie le 1er août
MARY SHELLEY
Elle est la mère de l’une des créatures les plus inspirantes de la science-fiction, le monstre de Frankenstein. Signé par la réalisatrice saoudienne du joli Wadjda (2013), ce biopic intimiste sur la jeunesse de l’auteure Mary Shelley (Elle Fanning) narre l’histoire d’amour destructrice et les idées féministes qui ont mené à l’écriture du roman publié en 1818. • J. L .
— : de Haifaa al-Mansour (Pyramide, 2 h) Sortie le 8 août
UNDER THE TREE
Coupable d’adultère, Atli, la trentaine, retourne chez ses parents alors que ceux-ci sont engagés dans une querelle avec leurs voisins à propos d’un arbre qui fait de l’ombre à ces derniers… En retraçant un conflit qui dissimule un mal-être plus profond, cette tragicomédie islandaise analyse la déchéance d’une famille en deuil. • G. L .
— : de Hafsteinn Gunnar Sigurðsson (Bac Films, 1 h 30) Sortie le 15 août
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FILMS ALIVE IN FRANCE
Abel Ferrara n’est pas qu’un cinéaste. C’est aussi un chanteur et un guitariste, qui aime se produire en concert avec ses fidèles amis. Cet autoportrait le suit en tournée en France en 2016, de la scène, où il interprète les musiques de ses films, à l’intimité des coulisses – comme lorsque, avec sa fille, il devient un père gaga comme les autres. • G. L .
— : d’Abel Ferrara (Bathysphere, 1 h 19)
Sortie le 15 août
UNE VALSE DANS LES ALLÉES
Lorsqu’il fait ses premiers pas en tant que manutentionnaire dans un supermarché, Christian ne s’attend pas à y trouver l’amour, ni une famille de substitution… Portée par d’excellents acteurs dont Sandra Hüller (Toni Erdmann), cette comédie est une jolie fable tragicomique dont le style visuel minutieux et coloré rappelle un peu celui de Wes Anderson. • G. L .
— : de Thomas Stuber (KMBO, 2 h) Sortie le 15 août
CANIBA
Les coauteurs du superbe Leviathan (2013) ont collé leur caméra au plus près d’un duo ultra dérangeant : Issei Sagawa, un Japonais qui a tué et dévoré une de ses camarades de la Sorbonne à Paris en 1981, et son frère Jun, qui s’occupe désormais de lui. Ils en tirent un documentaire extrême et fascinant, à ne mettre que devant des yeux avertis. • T. Z .
— : de Véréna Paravel et Lucien Castaing-Taylor (Norte, 1 h 30) Sortie le 22 août
O GRANDE CIRCO MISTICO
De 1910 à nos jours au Brésil, la vie mouvementée d’un cirque détenu par une famille de saltimbanques. Dans ce récit inventif et burlesque, on se laisse happer par le spectacle permanent, puis par la course inévitable vers la décadence et l’oubli, d’une lignée d’artistes passionnés – dont Vincent Cassel en mari violent et père absent. • J. L .
— : de Carlos Diegues (Bodega Films, 1 h 45) Sortie le 22 août
BONHOMME
Après un accident de voiture, Piotr (Nicolas Duvauchelle) est devenu apathique et obsédé par le sexe. Sa compagne, Marilyn (Ana Girardot), débordée par les tracas du quotidien, doit désormais aussi s’occuper de lui… Marion Vernoux signe une comédie tendre sur le couple et le handicap invisible, portée par un duo d’acteurs aussi complices qu’investis. • G. L .
— : de Marion Vernoux (Orange Studio / UGC) Sortie le 29 août
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COUL’ KIDS
AÏSSA MAÏGA
Fridette, Halimatou, Loubna, Luna Dior, Nadrée et Nogoférima sont en troisième. Elles ont rencontré la comédienne Aïssa Maïga, à l’origine de Noire n’est pas mon métier. Dans ce livre, seize actrices noires (Firmine Richard, Sonia Rolland, Mata Gabin…) racontent les injustices et les discriminations dont elles sont victimes dans leur milieu professionnel en raison de leur couleur de peau.
Qu’est-ce qui a déclenché ce livre ? Un ras-le-bol ! Même si moi j’ai la chance d’obtenir des rôles qui me plaisent, je reste témoin de ce qu’il se passe autour de moi : le cinéma et le théâtre ne reflètent pas le métissage de la société française. Pourquoi avoir choisi de réunir plusieurs témoignages plutôt que de raconter uniquement votre expérience personnelle ? Je ne voulais pas porter cette parole toute seule, je voulais montrer que nous faisons toutes le même constat, quels que soient notre âge et notre milieu social. Avec ce livre de témoignages, on ne peut pas nous soupçonner de paranoïa. Quelles expériences racontées dans votre livre vous ont le plus marquée ? L’histoire de Nadège Beausson-Diagne m’a coupé le souffle. Sur un tournage, un membre de l’équipe a osé l’appeler « Bamboula » et cela n’a offusqué personne ! En plus de la situation choquante, ce qui m’a fait de la peine, c’est qu’elle ne me l’avait jamais raconté alors que nous sommes amies. Dans les cas d’agressions, de viols, c’est souvent la victime qui a honte, et c’est la même mécanique qui s’est mise en place ici. Je suis convaincue qu’il
L’INTERVIEW LE DÉBRIEF
fallait que ce livre sorte pour que les gens qui vivent ça seuls, isolés, et à qui l’on dit « oh, tu manques d’humour, c’est pour rigoler », ne se sentent plus illégitimes dans leur ressenti. Être noire, quand on veut faire carrière dans le cinéma français, serait-ce un peu comme être une ombre ? Oui. L’actrice Sabine Pakora raconte qu’on lui confie très souvent des personnages sans psychologie. Elle doit jouer des rôles qui ne sont pas écrits, ce sont juste des clichés. Et comme en plus d’être noire elle est ronde, elle est assignée à des rôles comiques. Avez-vous été par moments découragée au point de penser abandonner le métier de comédienne ? Oui, à mes débuts, pendant un an, je n’ai pas eu de casting. Mes copines blanches passaient des essais ; moi, rien. Alors, je me suis présentée de moi-même à des castings où l’on cherchait des filles de 20 ans, et là les gens étaient très surpris de me voir. C’est comme s’ils avaient vu une extraterrestre. Je regrette
de ne pas avoir fait de caméra cachée, c’était vraiment saisissant. J’ai fini par obtenir deux castings, j’étais trop contente ! Premier casting, le rôle d’une prostituée. Ça ne me pose pas de problème moral, mais là c’était un personnage caricatural. Deuxième casting, une prostituée ! Ça m’a déprimée : on ne va donc me proposer que ça ? Je suis allée voir une amie actrice, Félicité Wouassi, qui m’a dit : « Aïssa, c’est sur la longueur. » Cette phrase m’a donné de la force. Depuis, je n’ai plus jamais eu envie d’arrêter. C’est comme un combat de boxe : à la fin il y a un vainqueur, et il est toujours monté sur le ring. Il faut se battre ! Que pensez-vous des quotas ? Pourquoi pas ? La question de fond, c’est l’égalité des chances. Il s’agirait de créer un accès à des opportunités pour des gens qui subissent la discrimination. En politique, on l’a fait pour les femmes. Ça n’a pas réglé tous les problèmes, mais cela a permis l’émergence de femmes dans un milieu hyper machiste. Il y a un lien entre racisme et sexisme ? Oui, la domination. C’est ça qui est en jeu. Est-ce que ce livre vous a fait du bien ? Un grand oui ! Et je reçois des témoignages de lecteurs auxquels cela fait du bien aussi. Ça faisait longtemps que je cherchais le moyen de prendre la parole sur ce sujet-là, et je suis fière que ce livre ait insufflé une force positive, qu’il suscite un débat. C’est un sentiment de dignité qui aide à avancer dans la vie. • PROPOS RECUEILLIS PAR FRIDETTE, HALIMATOU, LOUBNA, LUNA DIOR, NADRÉE ET NOGOFÉRIMA (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE) — PHOTOGRAPHIE : ERIOLA YANHOUI
: « Noire n’est pas mon métier », collectif (Seuil, 128 p.)
TOI AUSSI TU AS ENVIE DE RÉALISER UNE INTERVIEW ? DIS-NOUS QUI TU AIMERAIS RENCONTRER EN ÉCRIVANT À BONJOUR@TROISCOULEURS.FR
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COUL' KIDS
Luna Dior : « Avant de lire ce livre, je n’imaginais pas que dans le cinéma il y a aussi du racisme. » Nadrée : « Je veux être avocate, et cette rencontre a renforcé ma détermination. »
LA CRITIQUE D’ÉLISE, 9 ANS
COUL' KIDS
CAPITAINE MORTEN ET LA REINE DES ARAIGNÉES
« C’est un film fait avec de la pâte à modeler, ce qui est mieux qu’avec des acteurs, parce que c’est plus simple de se mettre dans la peau des personnages. Morten n’a pas de maman, et son papa, qui est marin, lui dit que sa maman est allée avec lui au pôle Nord, qu’elle s’est transformée en pingouin et qu’elle est partie. Je trouve cette histoire extrêmement fumeuse ! À mon avis, ce qui est vrai, c’est que la maman s’est transformée en pingouin en un autre sens : par exemple, elle est peut-être morte, et le papa a retrouvé le comportement de sa femme dans un pingouin, comme une réincarnation. Comme son papa est souvent en mer, Morten vit chez Annabelle. Elle est très maquillée, avec une moue méprisante sur les lèvres, un chignon très serré et une main en fer. Quand on est aussi sinistre, une main en fer n’arrange pas les choses. C’est typique des méchants de l’enfance, comme les pirates. C’est un film très bien inspiré, et en plus il y a une belle morale qui demande si on préfère être riche et en cage, ou pauvre et libre. Et moi, je préfère être pauvre ! »
LE PETIT AVIS DU GRAND C’est d’abord sous forme de pièce de théâtre, puis de livre, que le réalisateur estonien Kaspar Jancis a créé l’univers de ce film d’animation en volume. Outre l’influence prégnante de Roald Dahl, les aventures de Morten étonnent par une mise en scène très mobile, mais aussi une mise en abyme réjouissante puisque les marionnettes du film jouent elles-mêmes avec des modèles réduits, avant de se retrouver nanifiées à l’intérieur de leur propre monde miniature. • J. D.
— : de Kaspar Jancis Septième Factory (1 h 15) Sortie le 15 août dès 5 ans
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COMPOSE LE MOT MYSTÈRE À PARTIR DES LETTRES DE COULEURS CACHÉES DANS LE TEXTE
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Venez buller tout l’été, les pieds dans l’eau !
TOUT DOUX LISTE MAYA L’ABEILLE 2 LES JEUX DU MIEL CINÉMA Pour pouvoir participer aux Jeux du miel, Maya a promis de donner sa récolte à l’impératrice des abeilles si elle ne gagne pas… Ce joli film d’animation apprendra aux petits le goût du dépassement de soi et du travail d’équipe. • G. L .
: de Noel Cleary, Sergio Delfino et Alexs Stadermann (Paramount Pictures, 1 h 23) Sortie le 18 juillet
HAUTS LES CŒURS ! © FRÉDÉRIC GOUALARD
ÉVÉNEMENT La Française Tatiana-Mosio Bongonga est l’une des rares femmes funambules à évoluer à grande hauteur. Lignes ouvertes est l’occasion précieuse de la voir à l’œuvre à 35 mètres du sol avec le Sacré-Cœur en toile de fond et accompagnée par l’Orchestre de chambre de Paris. • H. B.
PLEIN DE BD !
HÔTEL TRANSYLVANIE 3
Saint-Aubin-sur-Mer
EXPO Plongée dans l’univers de l’architecte japonais Junya Ishigami. Le programme « Les petits médiateurs » s’adresse aux enfants : après une première visite avec un médiateur, ceux-ci présentent l’expo à leurs parents. • H. B.
: « Les petits médiateurs », dans
20/07
Départ Paris
Dinard
29-30/07
quiberon
31/07
noirmoutier 01-02/08
Les Sables-d’Olonne
03/08
11/08
Royan
© Dupuis 2018 / © Le Lombard 2018 / © Dargaud 2018 / © Lucky Comics 2018 / © Studio Boule et Bill 2018 © Peyo - 2018 - Licensed through I.M.P.S. (Brussels) - www.smurf.com
© CHARLOTTE DEREGNIEAUX / LUMENTO
ARCHI RÉUSSI
Le Touquet
27-28/07
: de Genndy Tartakovsky Sortie le 25 juillet
22-23/07
24-25/07
CINÉMA
(Sony Pictures, 1 h 31)
OURS
ITE
GRATU LECTURE
: le 21 juillet à 19 h 30 au Sacré-Cœur
Dracula et sa famille s’échappent de leur hôtel pour monstres et partent en croisière dans le triangle des Bermudes… Dans un esprit très Tex Avery, ce nouvel opus mené tambour battant culmine en une scène de bataille musicale d’anthologie. • P. Q.
CONC
Avignon
04-05/08
10/08
Hossegor
08/08
07/08
09/08
ÉANT
QUIZZ
GE G COLORIA
JEUX
le cadre de l’exposition « Junya Ishigami », le 29 juillet à 11 h à la Fondation Cartier
En partenariat avec
Antibes
Palavas-les-Flots
Saint-Pierre-la-Mer
Hyères
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CECI N’EST PAS DU CINÉMA
UNE SAISON AU JAPON Jusqu’en février prochain, le Japon dévoile ses richesses et ses secrets à travers une cinquantaine d’événements culturels dans l’Hexagone. Née d’une rencontre en 2016 entre Shinzō Abe, le Premier ministre japonais, et François Hollande, la manifestation « Japonismes 2018. Les âmes en résonance » couvre tous les champs : cinéma, art contemporain, design, danse, théâtre traditionnel, gastronomie… Après avoir défriché la programmation sur place, de Tokyo à Kyoto, fin avril, on vous livre pêle-mêle souvenirs de voyage et temps forts de l’événement. • TIMÉ ZOPPÉ
© 1957/2017 SHOCHIKU CO., LTD
National Treasure, Tawaraya Sōtatsu, Wind God and Thunder God (left screen), Edo period, xviith century, Kennin-ji Temple, Kyoto
Yasujirō Ozu, Crépuscule à Tokyo, 1957
TOILES DE MAÎTRES
Pour célébrer un siècle de cinéma japonais, la Cinémathèque française et la Maison de la culture du Japon organisent trois cycles de projections. En septembre, le premier s’intéresse aux précurseurs des années 1920 à 1940, d’Ozu à Mizoguchi (les projections de films muets seront accompagnées de musiciens et bonimenteurs) ; le deuxième, en novembre, couvre la période de l’âge d’or des années 1950 aux années 2000 en une cinquantaine de films (avec notamment des Kurosawa restaurés) ; le troisième, en février 2019, défriche le vivace cinéma contemporain. D’autre part, la Cinémathèque montre mi-juillet, en avant-première, le dernier film de Naomi Kawase, Vision (avec Juliette Binoche), tandis que le Centre Pompidou consacre une rétrospective à la fin de l’année à cette grande figure du cinéma japonais actuel.
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Motoko Ishii & Akari-Lisa Ishii
© D. R.
© D. R.
JAPONISMES 2018
ÉCLAIRS DE GÉNIE Dans un resto traditionnel du parc d’Ueno, à Tokyo, la conceptrice lumière Motoko Ishii nous a parlé de son projet : les 13 et 14 septembre, elle et sa fille éclaireront la tour Eiffel avec des effets composés de symboles de la culture nippone. Première femme lighting designer du Japon en 1968, Motoko est devenue une pointure dans son domaine, s’adaptant toujours aux nouvelles technologies – malgré son grand âge qu’elle nous a laissé entendre, sans nous le révéler.
Furoshiki Paris
PARIS-TOKYO
© ARNAUD RODRIGUEZ
© ATELIER TSUYOSHI TANE ARCHITECTS
ÉVÉNEMENT
VILLA DE RÊVE Au-delà de « Japonismes », les échanges culturels entre la France et le Japon sont nombreux. En témoigne la Villa Kujoyama, gérée par l’Institut français. Un soir, sur le flanc de la montagne Higashiyama, à Kyoto, on a visité ce moderne édifice de béton tout en hauteur qui abrite des résidences d’artistes, sur le modèle de la Villa Médicis. Installés là pendant deux à six mois, cinq créateurs français méditent actuellement sur leurs projets – lors de notre visite, le designer Johan Brunel travaillait par exemple sur les onsen, des bains collectifs de source chaude très fréquentés au Japon.
© D. R.
À l’initiative d’Anne Hidalgo et de la gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike, un tandem culturel entre les deux villes complète le programme de « Japonismes ». À voir en novembre, une installation décalée et démesurée sur le parvis de l’Hôtel de Ville : les visiteurs pourront pénétrer dans un furoshiki géant et y parcourir l’histoire de cette technique d’emballage en tissu utilisée depuis le viiie siècle ; et une expo photo, dans la mairie du IVe arrondissement, sur Shibuya, l’un des quartiers les plus agités de Tokyo, célèbre pour son carrefour surpeuplé dominé par d’immenses écrans publicitaires, très cinématographique (on le voit notamment dans Lost in Translation et Tokyo fiancée).
LES GOÛTS ET LES COULEURS Tout le long de la manifestation sont organisés, en grande partie à la Maison de la culture du Japon, des conférences et ateliers autour de l’art culinaire nippon (spoiler alert : les sushis ne sont que la partie émergée d’un savoureux iceberg), entre dégustation de saké et reproduction minutieuse de l’ancestrale et zen cérémonie du thé. Kōhei Nawa, Throne, pyramide du musée du Louvre
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JAPONISMES 2018
© CREATIVE ROOM MK / KISHIN SHINOYAMA / SHOCHIKU CO., LTD.
COUPS DE THÉÂTRE
Niché entre les délirants gratte-ciel tokyoïtes du quartier de Ginza, le théâtre traditionnel Kabuki-za nous a accueillis pour une représentation sous-titrée de kabuki – un art du spectacle très codifié qui a peu changé depuis son émergence au xviie siècle. Sous ses airs raffinés et ses flamboyants décors médiévaux, on a assisté à un véritable jeu de massacre : la quête sanglante de pouvoir d’un combattant. Surexpressivité des acteurs, maquillages outranciers : le kabuki ne ressemble en rien au théâtre occidental. Raison de plus pour courir voir Iromoyô Chotto Karimane Kasane et Narukami en septembre au Théâtre national de Chaillot. À la Cité de la musique, il faudra aussi se presser pour voir les étonnants (et rarissimes en France) spectacles de bunraku (théâtre de marionnettes) en octobre et de nōgaku (entre drame lyrique et théâtre comique), en février.
© KOHEI NAWA / SANDWICH INC.
Au milieu des champs, dans un arrondissement tranquille de Kyoto, on a visité l’atelier ultra moderne de Kōhei Nawa. L’élégant quadra nous a présenté ses projets pour « Japonismes » : Foam, installation faite de monticules de mousse dans lesquels déambulent les visiteurs (visible dans l’exposition collective « Fukami. Une plongée dans l’esthétique japonaise » à l’hôtel Salomon de Rothschild), et Throne, trône baroque couvert de feuilles d’or qui semble flotter à mi-hauteur de la pyramide du Louvre depuis mi-juillet. Avec Ryoji Ikeda, dont les performances et installations audiovisuelles abstraites inspirées du code informatique, des sciences et des technologies, seront montrées à Beaubourg, ou encore le collectif TeamLab et son installation interactive poétique et écolo à la Grande Halle de la Villette, la jeune création contemporaine japonaise trône aux quatre coins de Paris.
© EAST PRESS
NOUVEAUX ROIS
Yûichi Yokoyama, Séance d’habillage extraite de New Engineering, 2003
JEUNESSE ANIMÉE Avec l’expo au titre improbable « Encore un jour banane pour le poisson-rêve », depuis juin au Palais de Tokyo, les enfants ont déjà pu mettre un pied dans « Japonismes ». Avec des œuvres de vingt-cinq artistes (dont le mangaka au style épuré Yûichi Yokoyama), elle se construit comme un conte auscultant l’étrangeté de l’imaginaire enfantin. Retour en enfance toujours à la Grande Halle de la Villette, où se tiendra en fin d’année l’exposition « Manga Tokyo », vaste hommage à la culture manga qui présentera des œuvres (extraits d’anime, dessins originaux…) dans une maquette géante de l’agglomération de Tokyo.
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JAPONISMES 2018
« Japonismes », c’est aussi l’occasion de voir des œuvres peu voire jamais sorties de l’archipel. Dans les réserves du musée d’art moderne de Tokyo, on a découvert des toiles inédites de Foujita qui seront exposées dans la rétrospective que lui consacre la Maison de la culture du Japon début 2019. Parmi elles, deux grands tableaux baroques appartenant à une série de chroniques de guerre qui lui ont été commandées lorsqu’il était peintre officiel de l’armée japonaise sur le front du Pacifique, et qui tranchent avec son style doux. Dans le plus vieux temple de Kyoto, le Kennin-ji, on nous a aussi dévoilé le paravent du dieu du vent et du dieu du tonnerre, épique scène mythologique sur fond de feuilles d’or peinte par Tawaraya Sōtatsu (1570-1643), précisément quand un orage se déclenchait sur l’immense monument zen. Ce trésor national sera visible au musée Cernushi à partir de fin octobre. Autres précieuses reliques montrées pour la première fois à Paris, au Petit Palais en septembre, trente rouleaux représentant la nature et les animaux selon le sens du détail hallucinant d’Itō Jakuchū (1716-1800).
© SHŌKOKUJI, KYŌTO
BEAUX INCONNUS
Itō Jakuchū, Buddha Śākyamuni, avant 1765
© D. R.
© D. R.
MARKER AU SAKÉ Notre voyage au Japon s’est terminé à La Jetée, minuscule et génial bar dédié à Chris Marker dont la porte d’entrée (repérable au tag de Guillaume-en-Égypte, l’avatar chat du cinéaste) est noyée parmi les échoppes agglutinées dans le petit quartier hors du temps de Golden Gai à Tokyo. Saké à la main, on a parlé avec Tomoyo, la timide patronne, de sa passion pour la Nouvelle Vague et de son amitié avec Arnaud Desplechin : « Arnaud passe à La Jetée à chaque fois qu’il vient à Tokyo. » On est sûrs de faire de même.
— : Le programme de « Japonismes 2018. Les âmes en résonance » est consultable sur japonismes.org/fr/
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PEINTURES DES LOINTAINS la collection du musée du quai Branly - Jacques Chirac
MINISTÈRE DE LA CULTURE MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, DE LA RECHERCHE ET DE L’INNOVATION
#PeinturesMQB
www.quaibranly.fr
Exposition jusqu’au 06 / 01 / 19
Deux indiens en pirogue, François-Auguste Biard © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Claude Germain
EXPOS
— : jusqu’au 28 octobre à La Maison rouge
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OFF
Pour
Urs Lüthi, Self Portrait, 1976, photographie noir et blanc
sa dernière exposition avant fermeture, La Maison rouge nous fait décoller en réunissant un important ensemble d’artistes et d’œuvres en relation avec l’ancestral et fascinant rêve de voler. D’Icare à Peter Pan en passant par Batman et les sorcières, l’envol est un thème qui a depuis toujours traversé la mythologie, les contes et autres histoires plus ou moins fantastiques et dramatiques. Performance suprême aux accents utopistes et extatiques pensée en marge du transport aérien et de la conquête spatiale, voler de ses propres ailes tel un oiseau a d’autant plus suscité de passion que cela s’est toujours révélé impossible à réaliser. Certains artistes-inventeurs ont rivalisé d’ingéniosité pour mettre au point, non sans une pointe d’humour et un grain de folie, toute une panoplie d’engins, d’accessoires et d’outils bricolés, à l’instar des Chaussures à ressort et du Vélo-hélicoptère de Gustav Mesmer, ou des hélices motorisées portatives de Panamarenko. À l’image du célèbre Saut dans le vide d’Yves Klein, que l’on retrouve dans l’exposition, la photographie, par sa capacité à arrêter l’image, a largement contribué à représenter le corps humain en suspension et à laisser miroiter l’illusion de ce superpouvoir imaginaire et hautement symbolique consistant à défier, ne serait-ce qu’un instant, les lois de la pesanteur. Et c’est en quelque sorte de cette manière qu’apparaît l’exposition au vu du contexte dans lequel elle s’inscrit : l’image poétique d’un vol suspendu qui reste en mémoire et fait oublier toute gravité. • ANNE-LOU VICENTE
© URS LÜTHI, PRO LITTERIS. COURTESY COLLECTION PARTICULÈRE
L’ENVOL OU LE RÊVE DE VOLER
Voler tel un oiseau a d’autant plus suscité de passion que cela s’est toujours révélé impossible.
ROMAN CIESLEWICZ
GORDON MATTA-CLARK
Jeux de trames et de contrastes, effets miroir et démultiplications de l’image, aplats de couleurs et typographies insérées aux compositions… Roman Cieslewicz (1930-1996), pionnier du photomontage, a bouleversé tous les codes visuels. Deux expositions célèbrent l’immense graphiste polonais, membre du groupe Panique avec Topor, Arrabal et Jodorowsky. • JULIEN BÉCOURT
Fils du célèbre peintre surréaliste Roberto Matta, cet autoproclamé « anarchitecte » réalise dans les années 1970 une série d’actions pour célébrer la beauté du délabrement urbain, en réaction au modernisme architectural. Archivées sous forme de montages photographiques et de vidéos, ces interventions in situ consistent à percer d’immenses découpes géométriques à même la façade de bâtiments en friches. Un geste artistique fulgurant, à l’engagement social affirmé. • J. B.
: « Roman Cieslewicz », jusqu’au 28 juillet à Semiose / « Dans l’œil de Roman Cieslewicz », jusqu’au 23 septembre au musée des Arts décoratifs
: jusqu’au 23 septembre au Jeu de Paume
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ART COMPRIMÉ
My Concubine
Tous les mois, notre chroniqueuse vous offre un concentré des dernières réjouissances du monde de l’art.
NOUVEL ALBUM DISPONIBLE
Quelqu'un dans mon genre (Happyhome/Differ-Ant/Believe) —
Inclus la reprise de Brigitte Fontaine « Ah que la vie est belle » Mondial oblige, les expositions sur les liens entre le ballon rond et l’art ont fleuri. Si vous deviez n’en retenir qu’une, ce serait « Like the Gods » de Fabrizio Birimbelli, à l’Académie russe des beaux-arts (Saint-Pétersbourg). Le peintre italien a représenté quarante joueurs célèbres – dont Cristiano Ronaldo, Lionel Messi ou notre Zizou national – en généraux russes ou en gradés napoléoniens. C’est évidemment kitsch à souhait. • Après le passage de Banksy dans la capitale, les Parisiens ont découvert fin juin une poignée de ses œuvres, dont l’une sur la porte de secours par laquelle se sont échappées des victimes de l’attaque terroriste du Bataclan. Deux autres, une jeune fille recouvrant une croix gammée, porte de la Chapelle, et un homme donnant à son chien l’os de la patte qu’il vient de lui scier, vers la Sorbonne, ont déjà été vandalisées. • Adobe Systems s’est associé à la Bauhaus Dessau Foundation pour donner naissance à cinq polices de caractères inspirées de l’illustre école d’art allemande. Vous pouvez désormais écrire en Joschmi ou en Xants, ainsi nommées en hommage à des professeurs du Bauhaus. • Pas super-ravi de voir apparaître une de ses œuvres (Cloud Gate, 2004) dans une vidéo de la N.R.A., le puissant lobby américain des armes, Anish Kapoor a porté plainte pour atteinte au droit d’auteur. L’artiste britannique en a profité pour appeler, dans un communiqué, cette organisation qui promeut « la peur et la haine » à rendre des comptes. • MARIE FANTOZZI ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL
NOUVEAU CLIP « Dragon »
avec Denis Lavant réalisé par Mallory Grolleau — Sortie le 18 juillet 2018
SPECTACLES
ODE TO THE ATTEMPT — : du 21 au 24 juillet au Festival d’Avignon et les 31 juillet et 1er août au Monfort théâtre (30 min) © PHILE DEPREZ
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Duo
pour un danseur et un ordinateur, Ode to the Attempt est avant tout une autobiographie chorégraphique. C’est donc par les actes que Jan Martens entend non sans malice dévoiler la matière qui le constitue, en tant qu’homme et en tant qu’artiste. En nous offrant accès à son ordinateur personnel – dont le bureau et les différentes applications ouvertes sont projetés sur un écran en fond de salle –, il nous livre d’un même geste l’anatomie de la pièce qui va se dérouler sous nos yeux : flyer du spectacle, playlists iTune et document présentant la liste des différentes actions qu’il s’apprête à exécuter. De la « tentative d’être minimaliste » à celle d’« envoyer un message à son ex », c’est une série de mouvements similaires, au sens toujours renouvelé, qui est utilisée. Entre autodérision et virtuosité, il glisse d’un registre à l’autre et ne manque pas de livrer un hommage, mi-figue mi-raisin, aux grands maîtres flamands qui l’ont inspiré (Jan Fabre, ou encore Anne Teresa De Keersmaeker). Dans une veine plus intime, il offre à nouveau la preuve – après le très pop The Dogs Days Are Over qui avait permis au public français de le découvrir – des potentiels sensibles de la répétition et de l’épuisement des gestes. Le tout pourrait paraître narcissique. Mais dans un subtil renversement, les projections de selfies viennent nous rappeler que, avant d’être un très ludique jeu scénique, la représentation de soi est aussi un jeu social, souvent cruel. • AÏNHOA JEAN-CALMETTES
Jan Martens offre la preuve des potentiels sensibles de la répétition des gestes.
DE LA GUERRE CIVILE OU DISNEYLAND APRÈS LA BOMBE Une cité presque banale, en banlieue parisienne, promise à la destruction, comme d’autres avant – et sûrement après – elle. Sauf qu’ici, précisément, dans la cité des Pigeonniers, c’est peut-être aussi le début de la guerre civile… Le poète de la ville Charles Robinson s’associe aux guitares et percussions du Lena Circus pour un théâtre musical d’anticipation, plus proche qu’il n’y paraît. • A. J.-C. : de Charles Robinson,
LA FUITE Sous le regard d’Olivier Meyrou, Matias Pilet met ses talents d’acrobate au service d’un conte loufoque et onirique. Sorte de Charlot du xxie siècle, Hektor multiplie les bourdes et ne trouve pas sa place dans notre société individualiste et ultraconcurrentielle. Dans un enchaînement rythmé de gags inspirés du cinéma burlesque, d’une attaque de tente Quechua à une improbable chute, se dessine le portrait d’un antihéros, résistant malgré lui. • A. J.-C.
: d’Olivier Meyrou, du 19 juillet au 4 août
jusqu’au 22 juillet à la Gare au théâtre
dans divers lieux, dans le cadre du festival
(Vitry-sur-Seine), (55 min)
Paris l’été (30 min)
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EXPOSITION 16 MAI - 17 SEPT. 2018
Vue d’un atelier de peinture après le 27 juin 1968, Les « Evénements » de mai 1968 à l’Ecole des beaux-arts vus de la bibliothèque. Bouleau Charles (1906-1987), Bouleau-Rabaud Wanda (1904-1988), Photo © Beaux-Arts de Paris, Dist. RMN-Grand Palais / image Beaux-arts de Paris Affiche mai 1968 : Usagers étudiants architectes même combat. Sérigraphie, 65x50 cm, Imprimerie spéciale des Beaux Arts © Collection Michael Lellouche/Leemage
RESTOS
ENZYMES GLOUTONS
© RÉMI ISSALY
La fermentation est à la source du vin, du fromage, de la charcuterie, bref de tout ce que l’on aime. Technique de préservation, elle est culturelle dans de nombreux pays. Les chefs la redécouvrent ; Guillaume Sanchez en tête, dans son nouvel antre.
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NE/SO La façade est sobre, il faut s’approcher pour lire le nom du restaurant sur une carte succincte, des tarifs mais aucun nom de plat. L’intérieur est chic, bleu et or, banquettes et fauteuils. Guillaume Sanchez a quitté sa chrysalide montmartroise de Nomos pour ouvrir NE/SO (pour « nord-est, sud-ouest »), rue Papillon. Une étape décisive dans la carrière du jeune homme, un long mûrissement vers une cuisine singulière, inspirée de son passage au Noma de René Redzepi, à Copenhague. Fermentation, extraction, évaporation, macération, il résout la quadrature du produit de saison en lui offrant plusieurs vies, des textures et des saveurs nouvelles. Maître du temps, il vous sert des carottes d’août 2017 avec leurs consœurs d’aujourd’hui, confites en concentration d’eau de pommes de terre et rafraîchies à la lavande sauvage. Les émissions de télé, le poil et le cheveu savamment désordonnés, les tatouages apparents, c’est la partie émergée de l’iceberg Sanchez. Ici se révèle une personnalité plus discrète, en quête d’absolu. Résultat : une pureté et une profondeur de goût qui vous saisit dès la première bouchée d’une langoustine en gelée de tête, émulsion de carcasse, confit d’algues bretonnes, caviar osciètre et topinambour. On n’est pas en train de vous divulgâcher le moment, quand vous lirez ces lignes, la carte aura déjà changé. Pour d’autres plats ciselés par une brigade de presque dix personnes qui oblige à réserver de demi-heure en demi-heure. Le plaisir vaut le casse-tête. Formule midi : 55 €. Menus : 90 et 120 €. • STÉPHANE MÉJANÈS
: 6, rue Papillon, Paris IXe
PIERRE SANG SIGNATURE
PAVILLON LEDOYEN
Il est né en Corée du Sud mais a grandi en Haute-Loire. Il maîtrise la gastronomie française mais a redécouvert ses origines. Il réinvente le traditionnel kimchi (mélange de piments et de légumes lacto-fermentés), dans ses trois adresses à la cuisine spontanée. Son dernier lieu, intimiste, vise les étoiles. C’est tout le mal qu’on lui souhaite. Menus : de 20 à 69 €. • S. M.
Économisez, cassez votre P.E.L., taxez la grand-mère… mais tentez l’expérience Yannick Alléno, au moins le midi. Il a théorisé la fermentation au service du goût du terroir, et la pratique avec brio, notamment dans ses « sauces modernes », allégées en gras mais riches en goût. Plat, café, mignardises : 82 € (101 € avec un verre de vin). Menu : 380 €. • S. M.
: 8, rue Gambey, Paris XIe
: 8, avenue Dutuit, Paris VIIIe
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Unilever France - RCS Nanterre 552 119 216 - PFD 81379
CONCERTS
COMME NOUS BRÛLONS — : les 7, 8 et 9 septembre à La Station – Gare des Mines
© D. R.
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M¥SS KETA
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Le
festival féministe Comme nous brûlons revient pour une ardente deuxième édition à La Station. À l’origine de cette fête de déconstruction collective, la mégateam constituée par Les Amours alternatives, Brigade du Stupre et Retard, et une colère-désir partagée : donner de la visibilité aux artistes femmes (au sens inclusif : cisgenres, non-binaires ou trans) de la scène dite alternative, encore trop masculine, blanche et normée. Contrepied radical, l’événement défend une programmation polydisciplinaire (expositions, cinéma, ateliers et concerts) à l’esprit queer et quasi exclusivement non mixte. « Des artistes femmes, il y en a, nous avions listé une centaine de noms ! Mais ça demande des recherches, et les bookeurs aiment la facilité. On a quelques groupes mixtes, mais on veille à ce que les femmes soient mises en avant, et les “rôles” traditionnels – fille au chant, mec à la batterie – remis en question », précisent Soraya et Nastasia, coorganisatrices au pôle musique. Bruissant de réflexions politiques, le festival affiche aussi sa volonté expérimentale de défrichage, privilégiant trésors (locaux) émergents et bombes inédites en France. L’énigme M¥SS KETA, icône tech-pop de Milan, le rap gore de l’Islandaise Countess Malaise, le théâtre harsh-noise coloré de l’ovni berlinoise Aja côtoient les rituels doom de La Chasse et l’indie-punk charmant de Rose Mercie, dans un line-up hybride, curieux et séduisant. Chaleur humaine, joie militante, larsens – parfait pour incendier cette rentrée. • ETAÏNN ZWER
« Des artistes femmes, il y en a. Mais ça demande des recherches, et les bookeurs aiment la facilité. »
RÉGINA DEMINA
Du Palais de Tokyo au dancefloor, l’artiste franco-russe traduit son univers gore et girly en une pop-techno pyromane. Violence romantique et incantations désabusées hantent L’Été meurtrier, son premier EP – aussi vénéneux qu’Adjani dans le film de Becker. Du brutal « Stockholm » à la reprise Lexomil du « Tandem » de Vanessa Paradis, côté météo, sur la piste, il fera sombre mais beau. • E. Z .
Le festival qui célèbre les mille nuances du jazz revient avec un line-up électrisant. Bonne pioche : Sons of Kemet, l’atypique quartet anglo-caribéen de Shabaka Hutchings, la stretch music néo-orléanaise de Christian Scott, la bombe afropunk Tshegue et la transe african gungungu du collectif éruptif de Soweto BCUC avec Femi Kuti en invité. • E. Z .
: le 13 juillet au Petit Bain
JAZZ À LA VILLETTE
: du 30 août au 9 septembre au Parc de la Villette
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RÉALITÉ VIRTUELLE
VR ARLES FESTIVAL FESTIVAL
à Arles
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The Sun Ladies de Céline Tricart (2017)
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Pour
sa troisième édition, le VR Arles Festival s’attache plus que jamais à dénicher les nouvelles pousses de la création artistique en réalité virtuelle. Parce que la VR est devenue un nouveau langage pour questionner le monde, elle s’expose ici sous toutes ses déclinaisons, entre installations ludiques, ateliers pédagogiques pour jeune public, tables rondes et programmation d’une vingtaine de films à 360 degrés – de l’animation au documentaire interactif – faisant du regard le centre de gravité. Un regard aussi poétique que métaphysique, à l’image de Vaysha VR, somptueux court métrage bulgare dans lequel on campe une jeune femme présentant une particularité insolite (son œil gauche montre le passé ; le droit, l’avenir). Un regard qui vient sublimer notre rapport au monde au contact des installations I Never Promised You a Garden, In the Eyes of the Animal, ou encore Treehugger. Wawona, toutes trois portées par le même thème : une nature virtuelle qui se transforme et s’épanouit à notre contact visuel. Un regard qui, enfin, ose se saisir du contemporain et de ses drames quotidiens, comme le prouvent bon nombre de documentaires tels The Sun Ladies (plongée saisissante dans la vie de femmes-soldates combattant le groupe État islamique en Irak) ou Roxham 2017 (le récit pédestre de migrants passant la frontière des États-Unis vers le Canada). Qu’elle projette un fantasme absolu ou la réalité la plus cartésienne, la VR nous aide ici à embrasser le monde d’un regard neuf et versatile. • YANN FRANÇOIS
Un regard qui ose se saisir du contemporain et de ses drames quotidiens.
STAPHYLOCULUS
UN BAR AUX FOLIES BERGÈRE
REGARD CONTAGIEUX
PEINTURE INTROSPECTIVE
Plantés au milieu des rochers et des broussailles, nous voilà face à la tranquillité mortifère du désert californien. Quand, soudain, de petits organismes roses, semblables à des virus, apparaissent tout autour et se collent à nous, jusqu’à former comme une seconde peau… À partir d’un décor fixe et de simples formes mobiles, l’artiste Theo Triantafyllidis explore un sujet vertigineux : notre présence, aussi concrète qu’éthérée, dans un monde virtuel. • Y. F.
: de Theo Triantafyllidis
Voyage dans le temps : Édouard Manet s’apprête à donner la touche finale à l’un de ses chefs-d’œuvre. Comme captifs de ses souvenirs, nous voilà transportés aux Folies Bergère, dans la peau de Suzon, son modèle. À travers son regard, nous observons l’effervescence des lieux et de ses clients, dont les contours deviennent de plus en plus impressionnistes. Ce n’est plus l’artiste ou les spectateurs qui contemplent le tableau, mais l’inverse, et le résultat est fascinant. • Y. F.
: de Gabrielle Lissot
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© CELINE TRICART
— : jusqu’au 26 août
PLUS DE 1000 FILMS PAR AN DANS PLUS DE 700 SALLES
avec les voix de Gérard Lanvin et Louane Emera
TAMARA Vol.2 de Matteo Garrone
LES INDESTRUCTIBLES 2
avec Héloïse Martin et Rayane Bensetti
DOGMAN
PARANOÏA de Steven Soderbergh avec Paul Rudd, Evangeline Lilly et Michael Douglas
ANT-MAN ET LA GUÊPE
MA REUM avec Audrey Lamy et Max Boublil avec Vincent Cassel et Romain Duris
FLEUVE NOIR
de Genndy Tartakovsky HÔTEL TRANSYLVANIE 3 : DES VACANCES MONSTRUEUSES
MAMMA MIA ! HERE WE GO AGAIN avec Tom Cruise
avec Meryl Streep et Pierce Brosnan
MISSION : IMPOSSIBLE – FALLOUT
JEAN-CHRISTOPHE ET WINNIE
de Marc Forster
LE POIRIER SAUVAGE de Nuri Bilge Ceylan – UGC CINE CITE – RCS de Nanterre 347.806.002 – 24 avenue Charles de Gaulle, 92200 Neuilly-sur-Seine – Capital social 12.325.016€
avec Isabelle Adjani et Vincent Cassel
LE MONDE EST À TOI
BÉNÉFICIEZ D’UN TARIF SPÉCIAL
À PARTIR DE 16,90€/MOIS LES 12 PREMIERS MOIS PUIS À PARTIR DE 17,90/MOIS*
* Pour tout nouvel abonnement réglé par prélèvement. Voir détail des tarifs sur ugc.fr
PLANS COUL’ À GAGNER
HISTOIRE(S) DE GRAFFITIS EXPOSITION © ROMAIN VEILLON
— : jusqu’au 11 novembre au château de Vincennes
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Quel
Graffiti de prisonnier daté de 1850, donjon du château de Vincennes
– le château d’If, les remparts d’Aigues-Mortes, le fort Saint-André à Villeneuve-lès-Avignon, les tours de La Rochelle… On y découvre une pratique aux supports, formes et sujets multiples – de la déclaration d’amour aux revendications politiques ou religieuses. Vous n’êtes en revanche pas invités à « graffiter » les murs des monuments – des espaces numériques sont réservés à cet effet. Et pour les plus jeunes, un jeu d’enquête en ligne (www.missiongraffiti.fr) rappelle l’importance de la préservation du patrimoine. • MARIE FANTOZZI
OFF
est le point commun entre un sergent dénommé Dupin, une croix chrétienne et deux initiales entourées d’un cœur ? Tous ornent, sous forme de graffiti, les murs du château de Vincennes, qui virent défiler pas mal de monde : d’abord demeure royale, l’édifice fut transformé en prison d’État, avant de devenir un haut lieu touristique. Au sein du château, l’exposition « Histoire(s) de graffitis » fait le tour du sujet et sert d’introduction à un ensemble d’événements organisé par le Centre des monuments nationaux autour de huit lieux chargés d’histoire
LE VOYAGE À NANTES
: jusqu’au 26 août à Nantes
JEAN COTELLE
Vue du bosquet des Trois Fontaines avec des amours jardiniers (détail), 1688-1693
EXPOSITION
L’exposition « Jean Cotelle (1646-1708). Des jardins et des dieux » retrace la carrière du peintre français, décorateur du Grand Trianon, à travers une centaine d’œuvres. Point d’orgue de la visite : la galerie des Cotelle et ses vingt et une toiles dans lesquelles les bosquets de Versailles font figure de lieux de plaisir pour des personnages tirés de la mythologie. • G. L .
: jusqu’au 16 septembre au château de Versailles
MAI 68. L’ARCHITECTURE AUSSI !
EXPOSITION
Refus de l’héritage, engagement politique, réforme de l’enseignement : entre 1962 et 1977, de jeunes architectes transposent les bouleversements sociétaux au champ du bâti. Une période d’émulation intellectuelle que l’exposition permet d’appréhender avec force dessins, plans, maquettes, photos, films. • M. F. Travaux d’école de Marie-Claude Roux, élève d’Henri Ciriani
: jusqu’au 17 septembre à la Cité de l’architecture et du patrimoine
© MARC DOMAGE / LVAN - ADAGP 2018 ; CHÂTEAU DE VERSAILLES / CHRISTOPHE FOUIN ; COLLECTION PARTICULIÈRE
Philippe Ramette, L’Éloge de l’adaptation
ÉVÉNEMENT
Chaque été depuis sept ans, les rues et les lieux culturels de Nantes accueillent une soixantaine d’œuvres et installations monumentales (de Daniel Buren, Jean Jullien, Philippe Ramette…), pour la plupart en accès libre, au fil d’un parcours matérialisé par une ligne verte tracée au sol. Beau et spectaculaire. • J. R.
SUR TROISCOULEURS.FR/PLANSCOUL
3E ÉDITION DU 2 JUILLET AU 26 AOÛT 2018 AVEC LE SOUTIEN DE BNP PARIBAS
AU COUVENT SAINT-CÉSAIRE IMPASSE DE MOURGUES, ARLES
WWW.VRARLESFESTIVAL.COM #VRARLESFESTIVAL
ET À LA GALERIE ARENA DE L’ENSP, 16, RUE DES ARÈNES, ARLES
KIDDY SMILE
SONS
— : « One Trick Pony » (Neverbeener) Sortie le 31 août
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—
Cheveux
teints en rose fluo, plaftorm shoes ou robes rococo, Kiddy Smile passe rarement inaperçu. Ces dernières années, on l’a vu collaborer avec des pointures de la mode comme Jean Paul Gaultier, se retrouver sur scène avec Beth Ditto, la chanteuse de Gossip, en plein festival de Coachella, ou plus récemment être casté par Gaspar Noé dans Climax, en salles en septembre. Le natif de Rambouillet est un artiste à 360 degrés, une vraie boule à facettes. Styliste, DJ, producteur, mais aussi danseur – le gars en moon boots dans le clip « An Easier Affair » de George Michael, c’était lui –, le Parisien est devenu la figure de proue du voguing en France. « C’est la danse de la communauté ballroom, où s’organisent des balls – des compétitions, avec des catégories dansées, non dansées, la création de vêtements, les concours de beauté… J’en connaissais l’esthétique, mais j’ignorais la portée politique de ce mouvement [né dans l’underground du New York des seventies et des eighties au sein des communautés LGBT
SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM ? « Ce serait un drame sur fond de quête personnelle, avec une histoire d’amour, une passion non partagée, bien sûr. Ça veut dire quoi, chercher l’amour dans les yeux d’une personne qui ne vous désire pas de la même façon que vous ? C’est très révélateur de soi et
latino et afro-américaine, ndlr]. Deux pionnières du voguing, Lasseindra Ninja et Mother Steffie Mizrahi, sont venues me chercher. Elles avaient besoin d’aide pour organiser des événements à Paris. J’ai compris que c’était un espace vital pour les jeunes, où exprimer leur personnalité – être de couleur et LGBT et en être fier. J’ai voulu apporter ma pierre à l’édifice. » Aujourd’hui, il présente son premier album, une odyssée remuante, queer, brûlante (« Tonight, lets burn this house down ! »), imprégnée de la synthpop de Disclosure et de Hercules and Love Affair. Peut-on voguer sur One Trick Pony ? « Oui, mais on peut aussi voguer sur de la disco, de la drum ’n’ bass ou du hip-hop. Moi, je fais de la house music avec une dimension pop intense. » Les beats sont signés Boston Bun (Ed Banger), Julien Galner (Château Marmont) ou encore Crookers. Kiddy Smile lui, donne de la voix, en anglais. « C’est un disque créé à l’instinct, sans beaucoup d’encouragements de mon entourage. Le fait qu’il sorte est déjà une victoire ». • ÉRIC VERNAY
de son estime de soi, finalement. Ce ne serait pas un film ; plutôt une série Netflix, une grosse production de plus de 120 minutes, réalisée par Michael Haneke ou Lars von Trier. Quelque chose de dur et de sérieux avec, dans le rôle principal, Gabourey Sidibe. Et en face d’elle, allez… Tom Brady ! » KIDDY SMILE
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JUKEBOX
présentent
JAZZ Villette à la
30 août / 9 septembre
jazzalavillette.com
TY SEGALL & WHITE FENCE
: « Joy » (Drag City) Après Hair en 2012, le plus prolifique représentant du garage-rock de la Bay Area, Ty Segall, rebranche les amplis avec le très rétro-nostalgique projet de Tim Presley. Sous forte obédience sixties, donc, de Syd Barrett à Ray Davies, le duo privilégie toutefois les sons clairs et spatialisés aux saturations énervées, et les comptines acides aux hymnes soniques. Joyeux et psychédélique comme l’enfance. • WILFRIED PARIS
HELENA HAUFF
: « Qualm » (Ninja Tune)
(Captured Tracks)
Ce quatrième album fait passer un cap au jeune Jack Tatum. Du pillage des aînés eighties (Cocteau Twins, The Smiths) à l’appropriation du flanger sur les guitares et de la reverb sur les batteries, il s’est créé un style, au-delà de l’étiquette dream-pop dont on l’a affublée. La faute à une production mainstream et cristalline (façon Roxy Music ou Prefab Sprout) et à une écriture qui a grandi, vers les tubes, romantiques et intemporels. • W. P. ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT
Licence : E.S. - 1083294 - 1041550 - 1041546 - 1041547
: « Indigo »
Graphisme : Hartland Villa
WILD NOTHING
* Le Jazz n’est pas mort
DJ résidente au Golden Pudel Club de Hambourg, Helena Hauff prolonge dans ses productions l’énergie rugueuse qui donne tant d’intensité à ses prestations. Mixant acid, techno et post-punk, elle limite ici volontairement son instrumentarium à quelques machines, pour des compositions minimalistes, tranchantes et saturées, et offre un très singulier deuxième album, dense et ramassé, de musique à danser. • W. P.
SÉRIES
© 2018 HOME BOX OFFICE, INC. ALL RIGHTS RESERVED. HBO AND ALL RELATED PROGRAMS ARE THE PROPERTY OF HOME BOX OFFICE, INC.
SHARP OBJECTS — : Intégrale sur OCS —
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En
attendant la suite de Big Little Lies, Jean-Marc Vallée adapte pour HBO le premier roman de Gillian Flynn et comble le vide laissé par True Detective au rayon polar. Depuis le succès de la saison 1 du chef-d’œuvre créé par Nic Pizzolatto en 2014, la chaîne désespérait de trouver une autre série capable de mettre tout le monde d’accord semaine après semaine, comme aux temps pré-netflixiens de la télé de rendez-vous. Pizzolatto lui-même s’y était cassé les dents en saison 2. Avec Sharp Objects, le vœu de HBO est exaucé. Ce n’est pas un hasard si la petite bourgade du Missouri frappée par un double meurtre possède ici le même cachet southern gothic, irréel et inquiétant, que la Louisiane délétère filmée par Cary Joji
REVOIS MONTY PYTHON’S FLYING CIRCUS Joli cadeau de Netflix France à ses abonnés que de proposer un classique d’entre les classiques dans son intégralité. Pas vraiment besoin de présenter cette épique collection de sketches absurdes fomentés par la plus géniale troupe d’humoristes jamais formée au Royaume-Uni. Tout est là, intact, même les transitions animées de Terry Gilliam. La classe. • G. L .
: saisons 1 à 4 sur Netflix
Fukunaga dans True Detective. Sur cet ex-territoire confédéré, les plaies de la guerre de Sécession sont encore à vif, et Vallée, qui réalise les huit épisodes, laisse sentir, derrière la splendeur des paysages inondés de lumière, l’odeur de la gangrène. Camille, la journaliste southern belle torturée jouée par Amy Adams, pourrait être une cousine du flic campé par Matthew McConaughey dans True Detective. Le script aurait supporté de la jouer plus finement sur les meurtrissures psy et l’alcoolisme du personnage, mais Adams a justement assez de bouteille pour ne pas verser dans la caricature – elle irradie de sa classe ce trip fiévreux aux rebondissements imparables. LE feuilleton brûlant à ne pas rater cet été. • GRÉGORY LEDERGUE
VOIS
PRÉVOIS
PICNIC AT HANGING ROCK
À LA CROISÉE DES MONDES
Passer après Peter Weir pour adapter le roman d’origine de Joan Lindsay, il fallait oser. Plutôt que d’essayer en vain de singer l’inimitable texture éthérée du film culte de 1975 (Picnic à Hanging Rock), l’équipe de cette minisérie australienne revisite cette histoire de disparition d’écolières et de leur prof (Natalie Dormer) en 1900 en mode thriller lynchien. Intéressant. • G. L .
La trilogie de Philip Pullman méritait mieux que son adaptation ciné jamais achevée après l’échec de La Boussole d’or en 2007. Ce néoclassique de la littérature jeunesse va faire l’objet d’une minisérie réalisée par Tom Hooper (Le Discours d’un roi). Diffusion prévue pour 2019 avec James McAvoy et Ruth Wilson dans les rôles auparavant tenus par Daniel Craig et Nicole Kidman. • G. L .
: saison 1 sur Canal+
108
: prochainement sur BBC One, pas de diffuseur français
Gratuit cinéma, animation, jeu vidéo, modélisation 3D, graphisme, dessin, programmation, musique
Dépose ta candidature ! paris.tumo.fr
Visuel : © Login – © Liuzishan – © Gstudio Group / Adobe Stock, © Chris Willson / Alamy Stock Photo
TUMO Paris s’installe au Forum des images ! École de la création numérique pour les 12–18 ans
JEUX VIDÉO
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DETROIT. BECOME HUMAN
Entre
— : PS4 (Sony) — et Beyond. Two Souls, Quantic Dream réinvestit le champ expérimental de la fiction interactive avec une ambition inédite, tout d’abord technique, comme l’atteste l’excellence de la mise en scène et de la direction d’acteur (la performance capture, au réalisme saisissant). Surtout, Detroit. Become Human a l’excellente idée de replacer, à chaque fin de chapitre, nos choix dans une arborescence globale, où tous les carrefours narratifs sont montrés, sans dévoiler leurs conséquences. La quête existentielle de nos droïdes se double alors d’un questionnement obsessif : « Et si j’avais fait ce choix, plutôt qu’un autre ? » Preuve que Quantic Dream a parfaitement su retranscrire, à l’état de jeu, l’un des fondements de toute conscience : ce doute qui nous ronge en permanence de l’intérieur. • YANN FRANÇOIS
cinéma interactif et conte moral, la nouvelle production du français Quantic Dream réinvente la narration modulaire. Detroit, 2038 : alors que l’androïde de compagnie s’impose comme norme domestique, de nombreux cyborgs décident de se soulever contre leurs maîtres… Constitué d’innombrables embranchements scénaristiques aux multiples fins, le jeu nous fait vivre cette révolte de l’intérieur à travers le destin de trois de ces robots qui se découvrent peu à peu une nouvelle conscience. Chaque geste, même le plus banal, est ici commandé à la manette, et chaque situation offre son lot de choix moraux, certains légers, d’autres cruciaux ; comme si le jeu nous imposait de faire corps avec cette humanisation progressive des machines. Après Heavy Rain
VAMPYR
JURASSIC WORLD. EVOLUTION
MARIO TENNIS ACES
En 1918, dans un Londres ravagé par la grippe espagnole, un vampire enquête sur l’origine de sa transformation. Pour survivre dans ce chaos et obtenir des indices auprès de la population, toutes les morsures sont permises… Une fable macabre du plus bel effet. • Y. F.
Un rêve se réalise : nous voilà à la tête du mythique Jurassic Park. Dans ce jeu de gestion, il faut veiller à la naissance de nos dinosaures, mais aussi à la rentabilité des attractions et à la sécurité de nos visiteurs… Enchanteur, profond, et hautement fidèle à son modèle. • Y. F.
Avec cette version Switch, un vent de fraîcheur souffle enfin sur la saga tennistique. En plus de son mode scénarisé, le jeu s’étoffe de nouveaux coups techniques et de règles qui rendent chaque affrontement plus spectaculaire que le précédent, surtout en mode multijoueur. • Y. F.
: One, PC, PS4
: PC, One, PS4
(Focus Home Interactive)
(Frontier Developments)
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: Switch (Nintendo)
INDÉ À JOUER Manette dans une main, carnet de notes dans l’autre, notre chroniqueur teste chaque mois une sélection de jeux indés.
Cet été, je choisis l’outre-monde de Smoke and Sacrifice (Solar Sail Games | PC, Switch) comme première destination de vacances. Dans cet univers interlope, à la faune aussi agressive que fascinante, j’aide une jeune mère à retrouver son bébé, kidnappé par des démons. À la fin, l’enfant est sauf, mais l’excursion a eu raison de toutes mes économies. Je dois me résoudre à l’évidence : il me faut un job d’été. Je gagne mes premiers billets avec House Flipper (Empyrean | PC) en rénovant de vieilles maisons. En un temps record, j’abats les cloisons, récure les planchers et rafraîchis les murs de chaque pièce, pour offrir à mes clients de véritables palaces virtuels. Le week-end, je m’inscris aux diverses épreuves de stock-cars sur Wreckfest (Bugbear Entertainment | PC). Opposé à des compétiteurs enragés, j’esquive les carambolages dans l’espoir de monter sur le podium et d’empocher quelques deniers de plus. J’obtiens mon dernier contrat avec Moonlighter (Digital Sun Games | PC, One, PS4) et m’installe dans un petit village en mal de héros pour le défendre contre les monstres alentours. La nuit, j’écume les donjons et trucide mes ennemis pour leur faire les poches. Le jour, je tiens mon échoppe, où je revends mon butin au plus offrant, dans l’espoir d’ouvrir une chaîne de magasin à mon effigie. À la fin, j’ai amassé suffisamment d’or pour partir à la retraite. Mais la soif d’aventure est trop forte : me voilà reparti vers les profondeurs. La rentrée attendra. • YANN FRANÇOIS ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT
LIVRES
BRIAN DE PALMA
Entre
la rétrospective que lui a consacré la Cinémathèque et la sortie en DVD du documentaire de Noah Baumbach et Jake Paltrow, Brian De Palma aura été la grande vedette du printemps en France. Cerise sur le gâteau, le public hexagonal a aussi la primeur de son premier roman, un thriller semi-parodique coécrit avec sa compagne, Susan Lehman, journaliste au New York Times, inspiré d’une idée de scénario et publié directement en traduction. Le titre farfelu, Les serpents sontils nécessaires ?, est un clin d’œil à Un cœur pris au piège, le film de Preston Sturges, dans lequel le personnage joué par Henry Fonda lisait un ouvrage du même nom. Pour les amateurs d’humour américain, la formule rappelle aussi le best-seller de James Thurber, Is Sex Necessary?… De Palma et Lehman, donc, racontent l’histoire de Lee Rogers, sénateur de l’Ohio, candidat à sa réélection. Rogers est intelligent, très pro, et plutôt apprécié par l’opinion. Son point faible, c’est la braguette : quoique marié depuis trente ans, il résiste difficilement aux charmes d’une jolie femme. C’est pourquoi Barton Brock, le spin doctor du candidat adverse, lui colle dans les pattes une bombe sexuelle du nom d’Elizabeth, stipendiée pour le perdre. Barton n’imagine cependant pas un instant qu’Elizabeth va le trahir et s’associer avec Rogers. Ni Elizabeth que Rogers va la sur-trahir aussitôt, et débaucher Barton… Ainsi commence ce voyage satirique dans les coulisses de la politique américaine, dont ce résumé n’offre qu’un minuscule aperçu : le roman pullule de
personnages qui vont et viennent dans des chapitres très courts, façon série. L’écriture au cordeau (sujet-verbe-complément et paragraphes brefs avec saut de ligne), presque provocatrice de minimalisme, peut donner l’impression que les auteurs ne se sont pas foulés. En même temps, leur style possède un côté ludique et percutant qui fait de ce récit une petite machine narrative sans fioriture, truffée de clichés volontaires et d’allusions plus ou moins discrètes à l’univers du polar en
OFF
Le roman pullule de personnages qui vont et viennent dans des chapitres très courts, façon série.
LA CHUTE DE LA MAISON USHER
général, et à Hitchcock en particulier. Pour peu qu’on accepte sa dimension d’exercice de style quasi proclamé, il faut admettre que le résultat n’est pas mal fagoté, jusqu’aux retrouvailles finales de tous les personnages sur la tour Eiffel – quand on parle de clichés ! Les serpents ne sont pas forcément nécessaires, mais ce nœud de vipères est plutôt plaisant. • BERNARD QUIRINY
— : « Les serpents sont-ils nécessaires ? » de Brian De Palma et Susan Lehman Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean Esch (Rivages, 332 p.)
—
NOS ANCÊTRES
NOIR SUR BLANC
Un classique pour l’été ? Replongez dans l’ambiance gothique de La Chute de la maison Usher d’Edgar Allan Poe, dans une nouvelle traduction de Pierre Bondil et Johanne Le Ray. De quoi vous donner des frissons malgré la chaleur. • B. Q.
Un classique pour l’été (bis) ? Redécouvrez l’univers magique de la trilogie Nos ancêtres de l’écrivain transalpin Italo Calvino, dans une nouvelle traduction signée Martin Rueff. Trois chefs-d’œuvre à lire séparément ou ensemble, grâce à l’intégrale en coffret. • B. Q.
Un classique pour l’été (ter) ? Égarez-vous dans le labyrinthe de Noir sur Blanc, un Tanizaki de 1928 jusqu’alors inédit en français, dans lequel l’auteur se met en scène en écrivain fumiste rattrapé par l’histoire de son dernier roman, devenue réalité. • B. Q.
(Gallmeister, 368 p.)
(Gallimard, 656 p.)
(Philippe Picquier, 256 p.)
: d’Edgar Allan Poe
: d’Italo Calvino
112
: de Jun’ichirō Tanizaki
BD
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MOI, CE QUE J’AIME, C’EST LES MONSTRES
— : « Moi, ce que j’aime, c’est les monstres. Livre premier » d’Emil Ferris, traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-Charles Khalifa, lettrage français par Amandine Boucher (Monsieur Toussaint Louverture, 416 p.)
La
—
petite Karen vit avec sa mère et son grand frère dans un quartier populaire de Chicago. Passionnée par le fantastique et les histoires d’horreur, elle se sent différente et s’imagine en loup-garou pour affronter la réalité et le monde des adultes empli de menaces. Lorsque sa voisine du dessus est retrouvée morte, elle ne croit pas au suicide et enquête à sa façon, derrière le voile des apparences et dans les coins sombres de la conscience. De fantasmes en cauchemars, ses investigations l’entraînent jusqu’à l’Allemagne des années 1930… La cinquantaine bien entamée, Emil Ferris, inconnue dans le monde de la bande dessinée jusqu’à la parution de cet ouvrage, fournit un travail d’une densité hors du commun : la richesse des textures obtenues par un colossal travail de hachures s’harmonise avec une histoire aux multiples strates. À la fois roman initiatique, polar, témoignage historique, discours sur l’art, cette œuvre s’impose surtout comme un hommage flamboyant à l’enfance, ce temps durant lequel, par une attention intense au monde et aux détails, chacun recèle en lui de quoi devenir un artiste visionnaire. • VLADIMIR LECOINTRE 113
mk2 SUR SON 31
ESPRITS LIBRES
Christophe Galfard
Du
ciné, mais pas seulement. En marge des films, mk2 s’efforce d’accueillir dans ses salles une série de rendez-vous pour prolonger la réflexion, l’aérer, la mettre en relief. Des conférences, des cours, des rencontres… Petit tour d’horizon de ce qui vous attend à la rentrée. Parce que les salles mk2 sont conçues avant tout comme des lieux de vie et de partage, toute une série d’événements y a été imaginée autour du dialogue entre les arts et les sciences. Les années précédentes ont prouvé le goût du public pour des rencontres régulières qui éclairent l’époque et le monde, comme les secrets de l’univers
JUSQU’AU 1er SEPT. SOIRÉES DANSE En partenariat avec le Paris Université Club, venez danser sur le parvis du cinéma. Au programme, des cours de rock, de swing et de west coast swing.
expliqués par l’écrivain et physicien Christophe Galfard, les lundis philo de Charles Pépin, le café Society (le magazine de société réfléchit à l’actualité au travers d’un film), les cours d’histoire des arts… Toujours dans un souci d’amener des savoirs au plus grand nombre de façon à la fois ludique, détendue et ambitieuse, ces désormais « classiques » seront reconduits pour la saison 2018/2019. Mais, bien sûr, on garde sous le coude quelques nouveautés. Pour bien comprendre l’actu tout au long de l’année, la journaliste Marie Drucker s’est notamment vue confier une carte blanche documentaire sur des thématiques de société. Pour souffler un peu après avoir bien fait marcher nos méninges, on ira direct au cours Karma cinéma, une séance de méditation mensuelle ouverte à tous, délivrée par Sophia L. Mann, qui est à la fois linguiste, ethnologue, et professeure de yoga. Pour l’esprit, cela augure un instant de pause et de rêverie, mais certainement pas de relâchement… Diversité, curiosité, une certaine forme de combat aussi, c’est tout ce que cette saison culturelle défendra à travers cette série de rendezvous. • CLAUDE GARCIA
JUSQU’AU 11 SEPT.
JUSQU’AU 11 SEPT. CYCLE JUNIOR Pour les enfants à partir de 6 ans : Le Bossu de Notre-Dame ; Là-haut ; Le Livre de la jungle ; Les Nouveaux Héros.
ou dimanches,
CYCLE BOUT’CHOU Pour les enfants de 2 à 4 ans : Les Petits Canards de papier et Les Contes de la mer ; Les Contes de la ferme et Drôles de créatures ; Maison sucrée, jardin salé et L’Atelier enchanté ; Les Fables de Monsieur Renard et Samteka. La chenille qui danse.
de 19 h 30 à 23 h
: mk2 Bastille (côté
Les samedis et dimanches
ou de 15 h à 19 h
Beaumarchais), mk2 Gambetta,
à 10 h 20 ou 10 h 30
: mk2 Bibliothèque Les vendredis, samedis
: mk2 Gambetta, mk2 Bibliothèque et mk2 Quai de Loire
mk2 Quai de Seine et mk2 Bibliothèque Les samedis et dimanches à 10 h 20 ou 10 h 30
RETROUVEZ TOUS LES ÉVÉNEMENTS DES SALLES mk2 SUR mk2.com/evenements 114
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Le plaisir de conduire
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