TROISCOULEURS #164 - octobre 2018

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N 164

O

OCTOBRE 2018 GRATUIT

COLD WAR

PAWEŁ PAWLIKOWSKI AMANTS IRRÉGULIERS


LES FILMS PELLÉAS

. e é n n ’a l e d e i d é La com Ultra mique. PRÉSENTE

LE FIG ARO

Un pur joyau co

LES INRO CKS

jouissif. L’OBS

Rires en cascade. Fait rire

Jubilatoire.

TÉL ÉRA MA

GRA ZIA

et très fort. LE MO NDE

e t n a r a il h ie d é m Une co d’émotion. bourrée

PRE MIÈ RE

aï Damien Bonnard rm a M io P l e n e a H Adèle rey Tautou Vincent Elbaz et Aud

PHOTO © CLAIRE NICOL

un film de Pierre

Salvadori

OCTAVE BOSSUET HOCINE CHOUTRI JEAN-LOUIS BARCELONA SCÉNARIO PIERRE SALVADORI BENOÎT GRAFFIN ET BENJAMIN CHARBIT DIALOGUES PIERRE SALVADORI MUSIQUE CAMILLE BAZBAZ PRODUCTION PHILIPPE MARTIN ET DAVID THION IMAGE JULIEN POUPARD MONTAGE ISABELLE DEVINCK

JULIE LENA GÉRALDINE MANGENOT DÉCORS MICHEL BARTHÉLÉMY CONSEILLÈRE ARTISTIQUE VIRGINIE MONTEL ASSISTANT MISE EN SCÈNE JEAN-BAPTISTE POUILLOUX SCRIPTE CHRISTELLE MEAUX INGÉNIEUR DU SON FRANÇOIS MAUREL MONTAGE SON JEAN GARGONNE MIXAGE STÉPHANE THIÉBAUT CASTING PHILIPPE ELKOUBI MK2 FILMS CN6 PRODUCTIONS LES FILMS CHAOCORP TOVO FILMS AVEC LA PARTICIPATION DE CANAL+ FRANCE TÉLÉVISIONS CINÉ+ EN ASSOCIATION AVEC MEMENTO FILMS DISTRIBUTION ET LA BANQUE POSTALE IMAGE 10 SOFICA MANON 7 COFINOVA 13 INDÉFILMS 5 SOFICINÉMA 13 CINÉMAGE 9 DÉVELOPPEMENT COFINOVA DÉVELOPPEMENT PUISSANCE 6 ET COFINOVA DÉVELOPPEMENT 7 AVEC LE SOUTIEN DE LA RÉGION PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR EN PARTENARIAT AVEC LE CNC L’ANGOA LA PROCIREP VENTES À L’ÉTRANGER MK2 FILMS DISTRIBUTION FRANCE MEMENTO FILMS DISTRIBUTION DIRECTION DE PRODUCTION HÉLÈNE BASTIDE RÉGIE CLOTILDE MARTIN (AFR) MAXIME BESNARD MAQUILLAGE NATHALIE KOVALSKI COIFFURE JEANNE MILON UNE PRODUCTION LES FILMS PELLÉAS EN COPRODUCTION AVEC FRANCE 2 CINÉMA

31 OCT


ÉDITO Trois

ans après le somptueux Ida, Oscar du meilleur film étranger en 2015, le Polonais Paweł Pawlikowski nous revient avec Cold War, Prix de la mise en scène à Cannes cette année. Un trophée largement mérité : la mise en scène du film est époustouflante, particulièrement dans sa maîtrise de l’ellipse, cette façon d’occulter des étapes de l’intrigue en comptant sur l’imagination du spectateur pour combler les béances. À rebours du modèle dominant dans les romances, le cinéaste fait le pari d’éclipser un grand nombre de moments clés de l’histoire d’amour incandescente qui unit deux amants continuellement séparés par les tressauts de la guerre froide. De la Pologne communiste d’après-guerre au Paris bohème du milieu des années 1950, en passant par la Yougoslavie et l’Allemagne, une quinzaine d’années sont contées par touches, de retrouvailles expresses en baisers volés, dans un noir et blanc sublime qui tire tantôt vers le gris (lorsqu’il s’agit de retranscrire l’atmosphère de la Pologne stalinienne), tantôt vers le contraste (quand on suit le couple un temps réuni dans les clubs de jazz de Paris). C’est là toute la réussite du film : comme ses héros empêchés de s’aimer, il vibre tout entier de l’absence, du manque et du désir contenus dans la figure de l’ellipse. • JULIETTE REITZER


PA R L E R É A L I SAT E UR D E “ I DA ”

écrit et réalisé par

PAWEL PAWLIKOWSKI

©CRÉDITS NON CONTRACTUELS

JOANNA KULIG

TOMASZ KOT

LE 24 OCTOBRE AU CINÉMA #ColdWar

/diaphana

@diaphana diaphana.fr

Bande Originale disponible chez


POPCORN

P. 12 RÈGLE DE TROIS : JANE BIRKIN • P. 14 SCÈNE CULTE : PREDATOR • P. 20 LE NOUVEAU : VICTOR POLSTER

BOBINES

P. 22 EN COUVERTURE : COLD WAR • P. 30 INTERVIEW : CLAIRE DENIS • P. 48 PORTFOLIO : GUY GILLES

ZOOM ZOOM

P. 58 GIRL • P. 60 SIX PORTRAITS XL • P. 62 CAPHARNAÜM P. 66 SAMOUNI ROAD

COUL’ KIDS

P. 82 INTERVIEW : MARIE DESPLECHIN • P. 84 LA CRITIQUE DE LÉONORE : JEAN-CHRISTOPHE ET WINNIE

OFF

P. 86 ENQUÊTE : CINÉASTES EN SÉRIES • P. 96 CONCERTS : JORJA SMITH • P. 102 SONS : KURT VILE

ÉDITEUR MK2 AGENCY — 55, RUE TRAVERSIÈRE, PARIS XIIe — TÉL. 01 44 67 30 00 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ELISHA.KARMITZ@MK2.COM | RÉDACTRICE EN CHEF : JULIETTE.REITZER@MK2.COM CHEFFE DE RUBRIQUE CINÉMA : TIME.ZOPPE@MK2.COM | RÉDACTEURS : QUENTIN.GROSSET@MK2.COM, JOSEPHINE.LEROY@MK2.COM GRAPHISTE : JÉRÉMIE LEROY | SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : VINCENT TARRIÈRE | STAGIAIRE : HILÀRIO MATIAS DA COSTA ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : JULIEN BÉCOURT, HENDY BICAISE, LILY BLOOM, CHARLES BOSSON, RENAN CROS, ADRIEN DÉNOUETTE, JULIEN DOKHAN, JULIEN DUPUY, MARIE FANTOZZI, YANN FRANÇOIS, CLAUDE GARCIA, AÏNHOA JEAN-CALMETTES, RAMSÈS KEFI, DAMIEN LEBLANC, VLADIMIR LECOINTRE, GRÉGORY LEDERGUE, STÉPHANE MÉJANÈS, JÉRÔME MOMCILOVIC, WILFRIED PARIS, MICHAËL PATIN, LAURA PERTUY, PERRINE QUENNESSON, BERNARD QUIRINY, CÉCILE ROSEVAIGUE, ÉRIC VERNAY, ANNE-LOU VICENTE, ETAÏNN ZWER & LÉONORE ET ADÈLE PHOTOGRAPHES : JULIEN LIENARD, PALOMA PINEDA, PHILIPPE QUAISSE, ERIOLA YANHOUI | ILLUSTRATEURS : AMINA BOUAJILA, PABLO COTS, SAMUEL ECKERT, ÉMILIE GLEASON, PABLO GRAND MOURCEL | PUBLICITÉ | DIRECTRICE COMMERCIALE : STEPHANIE.LAROQUE@MK2.COM RESPONSABLE MÉDIAS : CAROLINE.DESROCHES@MK2.COM | ASSISTANT RÉGIE, CINÉMA ET MARQUES : EVA.LEVEQUE@MK2.COM RESPONSABLE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : MELANIE.MONFORTE@MK2.COM ASSISTANTE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : AGATHE.BONCOMPAIN@MK2.COM TROISCOULEURS EST DISTRIBUÉ DANS LE RÉSEAU LE CRIEUR CONTACT@LECRIEURPARIS.COM © 2018 TROISCOULEURS — ISSN 1633-2083 / DÉPÔT LÉGAL QUATRIÈME TRIMESTRE 2006 — TOUTE REPRODUCTION, MÊME PARTIELLE, DE TEXTES, PHOTOS ET ILLUSTRATIONS PUBLIÉS PAR MK2 AGENCY EST INTERDITE SANS L’ACCORD DE L’AUTEUR ET DE L’ÉDITEUR. — MAGAZINE GRATUIT. NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE.


INFOS GRAPHIQUES

BAS LES MASQUES

Tremblez :

Michael Myers, le tueur masqué fou, revient nous hanter à l’occasion de la sortie du Halloween de David Gordon Green (lire p. 78), suite du premier opus de la saga culte de John Carpenter (qui ressort en version restaurée). Pour calmer vos angoisses, rien de tel qu’un petit jeu : reliez ces héros de films aux masques qu’ils portent. • JOSÉPHINE LEROY

À l’entendre, on croirait qu’il a fumé trois paquets de clopes d’affilée. Mais non, ce cyborg entièrement vêtu de noir est juste passé du côté obscur de la Force !

HALLOWEEN

LA NUIT DES MASQUES de John Carpenter (1978)

Après s’être fait voler ses compositions par un producteur diabolique, ce génie de la musique à l’âme torturée tente de détruire ses disques et finit défiguré.

PHANTOM OF THE PARADISE de Brian De Palma (1975)

Cet employé de banque à la vie ennuyeuse, secrètement féru de Tex Avery, se révèle être un grand fêtard et un danseur hors pair lorsqu’il enfile son masque aux vertus insoupçonnables.

STAR WARS, ÉPISODE IV UN NOUVEL ESPOIR

de George Lucas (1977)

Victime d’un accident qui l’a défigurée, cette jeune femme frêle passe sur la table d’opération de son père chirurgien pour se faire transplanter un nouveau visage.

LES YEUX SANS VISAGE de Georges Franju (1960)

Dans le genre psychopathe, ce personnage au masque glaçant atteint des sommets. Tout jeune, il a tué sa sœur. Hop ! direction l’asile psychiatrique, duquel il s’est échappé…

THE MASK

de Chuck Russell (1994)

SOLUTION : 1-B / 2-C / 3-E / 4-F / 5-A / 6-D

: « Halloween » de David Gordon Green, (Universal Pictures, 1 h 49), sortie le 24 octobre • « Halloween. La nuit des masques » de John Carpenter, (Splendor Films, 1 h 31), ressortie le 24 octobre

ÉMOPITCH FIRST MAN. LE PREMIER HOMME SUR LA LUNE DE DAMIEN CHAZELLE (SORTIE LE 17 OCTOBRE) 6

ILLUSTRATION : JÉRÉMIE LEROY

SCREAM

de Wes Craven (1997)

Sur le campus, les meurtres de ce fan de films d’horreur sont aussi cruels que son masque de fantôme est flippant. On y réfléchit à deux fois avant de répondre au téléphone.


G A U M O N T

P R É S E N T E

LEÏLA

FA B R I C E

BEKHTI

PHOTOS : EDDY BRIÈRE © ALBERTINE PRODUCTIONS - GAUMONT - FRANCE 2 CINÉMA

LUCHINI

U N F I L M D E H E RV É

MIMRAN

REBECCA MARDER DE LA COMÉDIE-FRANÇAISE

I G O R G OT E S M A N

ALI BOUGHERABA CLÉMENCE MASSART FRÉDÉRIQUE TIRMONT YVES JACQUES ET MICHA LESCOT SCÉNARIO ET DIALOGUES HERVÉ MIMRAN AVEC LA COLLABORATION DE HÉLÈNE FILLIÈRES D’APRÈS LE ROMAN DE CHRISTIAN STREIFF “J’ÉTAIS UN HOMME PRESSÉ” PARU AU CHERCHE MIDI ÉDITEUR IMAGE JÉRÔME ALMÉRAS A.F.C MONTAGE CÉLIA LAFITEDUPONT SON RÉMI DARU GAËL NICOLAS FRANÇOIS-JOSEPH HORS MUSIQUE ORIGINALE BALMORHEA SUPERVISION MUSICALE RAPHAËL HAMBURGER DIRECTION DE PRODUCTION FRÉDÉRIC BLUM ASSISTANT-RÉALISATEUR MAURICE HERMET SCRIPTE NINA RIVES CASTING MICHAËL LAGUENS DÉCORS NICOLAS DE BOISCUILLÉ A.D.C COSTUMES EMMANUELLE YOUCHNOVSKI PRODUIT PAR MATTHIEU TAROT UNE CO-PRODUCTION ALBERTINE PRODUCTIONS GAUMONT ET FRANCE 2 CINÉMA AVEC LA PARTICIPATION DE CANAL+ CINÉ+ ET FRANCE TÉLÉVISIONS AVEC LE SOUTIEN DE LA PROCIREP ET DE LA RÉGION ÎLE-DE-FRANCE EN PARTENARIAT AVEC LE CNC AVEC LA PARTICIPATION DE ENTOURAGE PICTURES EN ASSOCIATION AVEC CINECAP

LE 7 NOVEMBRE AU CINÉMA


FAIS TA B.A.

À chaque jour ou presque, sa bonne action cinéphile. Grâce à nos conseils, enjolivez le quotidien de ces personnes qui font de votre vie un vrai film (à sketches). POUR VOTRE BEAU-PÈRE, QUI TIRE À BOULETS ROUGES SUR LES VÉGANES « Les légumes sont aussi des êtres vivants. » C’est par cette taquinerie que ce cinéphile pense gagner le débat à table. Clouez-lui le bec grâce au Cinéma des animaux, la très bonne enquête de notre collaborateur Camille Brunel. De Star Wars à Petit paysan, il analyse à travers un prisme antispéciste la place accordée aux animaux dans le septième art.

: « Le Cinéma des animaux » de Camille Brunel (UV Éditions, 256 p.)

© MATHIEU DEMY 2000

POUR VOTRE GRAND-MÈRE HYPERACTIVE SUR LE NET MAIS LASSÉE DE NETFLIX

Lola de Jacques Demy (1961)

Mamie Jeanne adore Grumpy Cat mais, depuis quelque temps, elle vous parle avec nostalgie des grands films de sa jeunesse. Abonnez-la à LaCinetek, une plate-forme de V.O.D. alimentée par des cinéastes. Offre spéciale, pour une mamie non moins spéciale : pour 2,99 € par mois, on peut maintenant (re)découvrir les dix premiers films de grands réalisateurs tels que Jacques Demy ou David Lynch.

: www.lacinetek.com

POUR CET AGENT DE LA RATP QUI, NI VU NI CONNU, FAIT UN BURN-OUT Il s’est confié à vous : il n’en peut plus des incivilités, déteste contrôler les usagers, mais n’ose pas se remettre à la peinture. Le mal-être peut être fructueux : dans le documentaire de Pierre-Henri Gibert intitulé Le Scandale Clouzot, on se rend compte que le tumultueux réalisateur puisait dans ses défauts et dans ceux de son entourage les ressorts de ses sublimes films noirs.

: « Le Scandale Clouzot » de Pierre-Henri Gibert, disponible en DVD (Éditions Montparnasse)

© D. R.

POUR VOTRE SŒUR QUI VOUE UN CULTE AUX GRANDS WESTERNS AMÉRICAINS

… Et pour quelques dollars de plus de Sergio Leone (1966)

Le dimanche soir, votre sœur et vous prenez l’expression western spaghetti au pied de la lettre : vous matez des films de cow-boys en dévorant des pâtes à la sauce tomate sur un canapé définitivement taché. Joie ultime : la Cinémathèque française organise une exposition et une rétrospective consacrées au cinéma de Sergio Leone, maître incontesté du genre.

: « Il était une fois Sergio Leone », jusqu’au 27 janvier à la Cinémathèque française

POUR QUE VOUS FASSIEZ D’AUTRES FILMS SUR VOTRE CHIEN, MARCEL Les gens trouvent bizarre que votre toutou soit la muse de vos films, mais ça vous fait une belle patte. Problème : vous êtes en panne d’imagination. Procurez-vous 5 exercices d’admiration de Vincent Dieutre. Le cinéaste rend un hommage multiforme aux artistes qui l’ont incité à faire du ciné (Alain Cavalier, Jean Eustache…). C’est aussi décalé qu’émouvant.

: « 5 exercices d’admiration » de Vincent Dieutre, disponible en coffret DVD (La Huit)

• JOSÉPHINE LEROY 8


DANSER C’EST LUTTER CONTRE TOUT CE QUI RETIENT, CE QUI PÈSE ET ALOURDIT DANSER C’EST FAIRE TOURNER LE MONDE AUTOUR DE SOI S aN oS i Productions

présente

AU CINÉMA LE 31 OCTOBRE www.legrandbal.fr IMAGE KARINE AULNETTE, PRISCA BOURGOIN, LAETITIA CARTON, LAURENT COLTELLONI SON NICOLAS JOLY, FRANÇOIS WALEDISCH MONTAGE RODOLPHE MOLLA MIXAGE JOËL RANGON MONTAGE SON VIRGILE VAN GINNEKEN, OLIVIER DANDRÉ ÉTALONNAGE ÉRIC SALLERON, BRICE PANCOT MUSIQUE LES MUSICIENS DES GRANDS BALS DE L’EUROPE 2016 PRODUIT PAR JEAN-MARIE GIGON / SANOSI PRODUCTIONS EN PARTENARIAT AVEC ‘‘ L’A.E.A.D.T. - LES GRANDS BALS DE L’EUROPE ‘‘ AVEC LE SOUTIEN DE LA RÉGION NOUVELLE-AQUITAINE EN PARTENARIAT AVEC LE CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE, AVEC LE SOUTIEN DE LA RÉGION ILE-DE-FRANCE, DU PROGRAMME ENTREPRISE DE CICLIC-RÉGION CENTRE-VAL DE LOIRE, DE LA PROCIREP, SOCIÉTÉ DES PRODUCTEURS, DE L’ANGOA, ET DE TOUS LES PARTICIPANTS DU KISS KISS BANK BANK, AVEC LA PARTICIPATION DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE, DISTRIBUTION ET VENTES INTERNATIONALES PYRAMIDE


CHAUD BIZ

POPCORN

MADE IN FRANCE

Après

les avoir laissés fuir à l’étranger pendant des années, la France fait tout pour rapatrier ses talents et les tournages en développant l’attractivité de son territoire. Une rue du Paris moyenâgeux filmée à Bucarest ; des effets spéciaux réalisés à Montréal ; une musique enregistrée à Londres… Parfois, les films français n’ont d’hexagonaux que leur casting. Une situation qui commençait sérieusement à déplaire jusque dans les plus hautes sphères du pouvoir. La raison d’une telle délocalisation façon usine Whirlpool ? La France n’était pas assez attractive, parfois technologiquement, mais surtout en raison de ses tarifs. Tourner un film au pays de la baguette, ce n’était pas à la portée de toutes les bourses. Une situation préoccupante à laquelle le gouvernement et les institutions ont décidé de remédier. En commençant, en janvier 2016, par augmenter le taux du crédit d’impôt cinéma de 20 à 30 %. Cette aide fiscale permet de faire des économies sur les investissements faits en France, tous domaines confondus, à partir d’un montant minimum de 250 000 €. Et ça marche ! Depuis 2015, le taux de délocalisation des tournages de long métrage à l’étranger

baisse et se situe à un niveau historiquement bas – autour de 20 %. Les tournages, dans l’Hexagone, de l’Américain Mission: Impossible 6 de Christopher McQuarrie (2018) et de l’Indien Befikre d’Aditya Chopra (2016), notamment, montrent également que la France est même devenue une destination attractive. Mieux, cette relocalisation a permis la création de 15 000 emplois. L’autre étape est de faire valoir le savoir-faire français. Après avoir promu avec insistance nos lieux de tournages et nos capacités en matière d’effets visuels (VFX), les institutions, le CNC et les régions en tête, ont décidé d’investir dans les infrastructures. L’ouverture, le 17 octobre, du studio d’enregistrement de l’Orchestre national d’Île-de-France en est un bon exemple. Financé à hauteur d’un million d’euros par la région Île-de-France, qui concentre 50 % des tournages français et 40 % de ceux venus de l’étranger, le lieu est parfaitement équipé pour accueillir les enregistrements de musiques de films. Ainsi, l’industrie du cinéma français devrait enfin pouvoir permettre la conception de films de A à Z, clés en main, sur son territoire. Cocorico ! • PERRINE QUENNESSON ILLUSTRATION : ÉMILIE GLEASON

Tourner un film au pays de la baguette, ce n’était pas à la portée de toutes les bourses.

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LA SEULE CHOSE PLUS EXTRAORDINAIRE QUE SA MUSIQUE, C’EST SON HISTOIRE.

LE 31 OCTOBRE AU CINÉMA


RÈGLE DE TROIS

JANE BIRKIN

« J’ai écrit mon journal à partir de 11 ans, adressé à Munkey, mon confident, ce singe en peluche, gagné dans une tombola. Il a dormi à mes côtés, il a partagé ma vie avec John, Serge, Jacques, il a été le témoin de toutes les joies et toutes les tristesses. Devant la dévastation de mes enfants, j’ai déposé Munkey dans les bras de Serge dans le cercueil où il reposait, tel un pharaon. Mon singe pour le protéger dans l’après-vie. En relisant mes journaux, il me semble flagrant qu’on ne change pas. Ce que je suis à 12 ans, je le suis encore aujourd’hui. Les journaux sont forcément injustes, on montre ses cartes, il y a des versions de tout, mais là, il n’y a que la mienne. J’ai pris comme principe de ne rien arranger, et croyez-moi, j’aurais préféré avoir des réactions plus sages que celles que j’ai eues… » On croyait tout connaître de Jane Birkin, tant elle fait partie de notre histoire depuis cinquante ans, jusqu’à ce livre exceptionnel qui nous fait vivre une époque flamboyante, du Swinging London au Saint-Germain-des-Prés des années 70, et donne à lire le quotidien d’une grande amoureuse, désopilante et fantasque, et d’une artiste exceptionnelle. Un journal à la fois intime et universel. code barre

xx €

ISBN xxxx NUART xx

Photo : collection privée

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un coup de blues, allez hop, Les Producteurs ! Une comédie musicale dont vous connaissez au moins 3 chansons par cœur ? Le Roi et Moi. Je l’ai vue enfant et j’ai toujours rêvé de la jouer. Sur le tournage de L’Amour par terre de Rivette, avec Geraldine Chaplin, on s’amusait à chanter toutes les comédies musicales : Oklahoma !, South Pacific, My Fair Lady… J’ai gonflé ce pauvre Serge avec mon envie d’en faire une. Et, finalement, en chantant avec un orchestre philharmonique lors de ma dernière tournée, alors que je sautais sur l’estrade avec le chef, je me suis dit que je l’avais eue, ma comédie musicale.

• PROPOS RECUEILLIS PAR JULIEN DOKHAN — : « Munkey Diaries » de Jane Birkin (Fayard, 352 p.)

Munkey Diaries

3 films qui reflètent le Swinging London ? Pas de larmes pour Joy de Ken Loach. Et puis évidemment Le Knack…

et comment l’avoir et Blow Up. Même si, dans Blow Up, le plus passionnant c’est Vanessa Redgrave et l’arbre au crépuscule. 3 films pour se vautrer dans la mélancolie ? Ah ! Le Silence, Brève rencontre et Jeux interdits. À cause de ce dernier film, mes enfants enterraient avec révérence absolument tout dans le jardin, même des choses qu’on avait mangées comme des côtelettes ou des carcasses de poulet. Un film vu avec Serge Gainsbourg et qui a provoqué 3 heures de discussion ? Je ne sais pas, mais il y a trois films qu’il adorait : Quand la ville dort, Soudain l’été dernier et Scarface (celui de Hawks). Mais on n’allait pas trop au cinéma. Mon goût pour le cinéma d’auteur vient plutôt de Jacques Doillon, qui m’emmenait voir les films d’Ozu. Une comédie qui vous console de tout au bout de 3 minutes ? Les Producteurs. C’est un peu le même phénomène que Le Père Noël est une ordure : on connaît toutes les répliques. Dès que j’ai

Jane Birkin

3 actrices qui vous ont fait rêver pendant les années d’internat ? Shirley MacLaine dans les films de Billy Wilder, notamment La Garçonnière. Audrey Hepburn, c’était juste la perfection, avec ce visage un peu carré que j’aurais adoré avoir. Et Marilyn, irrésistible, avec les failles qu’on connaît. Le plus touchant, chez les trois, c’est leur capacité comique. Un film vu à 3, avec votre frère, Andrew, et votre sœur, Linda ? Le Journal d’Anne Frank. Je me souviens de mon frère qui me tenait sur King’s Road, en sortant de la salle, tellement c’était insupportable. C’était peut-être la première fois que j’étais confrontée à cette histoire. Les souvenirs de cinéma en famille, c’était aussi Andrew qui tournait des films avec moi comme héroïne. J’aimais être son sujet, m’allonger pour lui sur les rails de chemin de fer… Ça a dessiné notre futur : lui, comme metteur en scène, et moi, comme actrice.

© GABRIELLE CRAWFORD

Chanteuse, comédienne, réalisatrice, Jane Birkin est aussi une conteuse hors pair. La preuve avec la parution de l’émouvant Munkey Diaries, premier tome de son journal intime... mais aussi avec ses réponses très personnelles à notre questionnaire cinéphile.

Jane Birkin Munkey Diaries


MAGISTRAL, BOULEVERSANT LE MONDE CHAZ PRODUCTIONS PRÉSENTE

VIRGINIE EFIRA

NIELS SCHNEIDER

UN FILM DE CATHERINE CORSINI

JEHNNY BETH ESTELLE LESCURE

7 NOVEMBRE ARTEMIS PRODUCTIONS


SCÈNE CULTE

POPCORN

PREDATOR

« T’as jamais rien su, crâne de puce. »

N’en

d’élite caricaturale du major Alan « Dutch » Schaefer (Schwarzenegger), envoyée dans la jungle guatémaltèque pour sauver un ministre (du moins c’est ce que l’on croit). Il y a le vieux pote de la C.I.A. devenu bureaucrate (Carl Weathers), le cow-boy bourrin qui lui crache sa chique sur les bottes, le Noir massif qui se rase au mépris des cahots, l’Indien au regard qui tue et le blanc-bec spécialiste des blagues salaces (Shane Black, déjà lui). « Je savais pas à quel point ça me manquerait, ces conneries », lance Weathers. « T’as jamais rien su, crâne de puce », rétorque Schwarzie. On peut déjà parier qu’ils vont tous crever, sauf un (inutile de préciser lequel), sous les assauts d’un alien furtif à mandibules et dreadlocks dont on fait depuis des figurines et des suites ratées. Le culte est lancé à plein tube dans la jungle hostile. • MICHAËL PATIN

déplaise à Shane Black (dont The Predator sort en salles le 17 octobre), ainsi qu’à tous ceux qui ont participé à la franchisation de la créature, il n’y a qu’un seul Predator digne de ce nom : l’original, signé John McTiernan. En 1987, le réalisateur américain n’est pas encore le maître incontesté du blockbuster d’action (Piège de cristal sortira l’année suivante). C’est la star Arnold Schwarzenegger qui l’embauche pour réaliser Predator sur la foi d’un seul long métrage, Nomads. Son talent éclate dès les scènes d’exposition, qui définissent les piliers d’une approche aussi efficace qu’anticonformiste : économie narrative, lisibilité de l’action, hypertrophie de la vulgarité en forme de jeu délibéré avec les codes du genre. Sans oublier une fascination pour les hélicoptères, qu’il filme comme personne dans une fameuse séquence rythmée par « Long Tall Sally » de Little Richard. Alternant plans extérieurs d’hélicos et plans embarqués dans l’espace confiné d’un des engins (sous une lumière rouge sang), elle a comme seul but de présenter la troupe

— : de John McTiernan (1987) disponible en Blu-ray (20th Century Fox)

— 14


“MATT DILLON À COUPER LE SOUFFLE DANS UN RÉGAL D’HUMOUR NOIR.” 20 MINUTES ZENTROPA ENTERTAINMENTS ET SLOT MACHINE PRÉSENTENT

PHOTO © ZENTROPA-CHRISTIAN GEISNAES

MATT DILLON

BRUNO GANZ

LE 17 OCTOBRE


TROIS IMAGES

COMPTINES MEURTRIÈRES Les comptines de notre enfance sont fredonnées dans de nombreux films sur des tueurs en série, de La Nuit du chasseur à Freddy. Les griffes de la nuit. Morceaux choisis, à l’occasion de la sortie du nouveau film de Lars von Trier, The House that Jack Built.

© D. R.

© D. R.

d’être, chez Trier, le portrait d’un monstre ivre de cruauté, The House that Jack Built (lire p. 70) est le titre d’une comptine anglaise dans laquelle un jeune garçon veut construire une maison mais en est sans cesse empêché. Le récit est mené sur un mode cumulatif : « Voici la maison que Jacques a bâtie. Voici le riz qui est dans la maison que Jacques a bâtie. Voici le rat qui a mangé le riz qui est dans la maison que Jacques a bâtie… » Le principe de répétition et de série, plaisir propre à l’enfant, s’invite dans nos cauchemars d’adulte. Dans Le Sang des innocents (2002), un nain assassine des femmes à la manière d’une série de meurtres perpétrés vingt ans auparavant. Le commissaire Moretti finit par retrouver dans la bibliothèque d’un suspect une comptine illustrée mettant en scène un fermier qui, à chaque heure de la nuit et jusqu’au petit matin, abat des animaux, inspirant au meurtrier ses mises en scène sadiques… Dario Argento invente, avec un humour très noir, la cour de récréation d’un serial killer. Le premier tueur en série de l’histoire du cinéma n’a qu’une lettre pour nom : M le maudit (Fritz Lang, 1932). Il est inspiré de Fritz Haarmann, surnommé le Vampire de Hanovre, qui fut guillotiné après avoir été reconnu coupable des meurtres de vingt-quatre jeunes garçons. Lang donne au monstre le visage poupon de l’acteur Peter Lorre, et c’est une ronde d’enfants qui précède son apparition, récitant une comptine funeste : « Le vilain homme en noir va venir avec son petit hachoir. Il fera du hachis de toi ! » • CHARLES BOSSON

— : « The House that Jack Built » de L. von Trier Les Films du Losange (2 h 35)

© D. R.

POPCORN

Avant

Sortie le 17 octobre

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AMICALE AU JAPON POUR LA MCJP

AVEC LE SOUTIEN DES GOUVERNEMENTS FRANÇAIS ET JAPONAIS


LE TEST PSYNÉPHILE

ES-TU À TA PLACE  ?

Le manager snob d’un hôtel refuse de te donner la chambre que tu as réservée…

La pire insulte de l’année 2018 jusque-là… Gold diggin’ bitch!

Tu achètes l’hôtel.

Nympho nazie !

Tu lui tranches le nez avec une hache !

Vilain petit canard ! La dernière fois que tu as douté de toi ?

POPCORN

Tu fais une pirouette et sors sur la pointe des pieds. Quel est le dernier truc vraiment idiot que tu aies fait (attention, il y a un piège) ?

Il y a cinq minutes… Quand un mec t’a dit : « Si t’as envie de crier, te gêne pas ! »

Danser dans le noir.

Quand t’as retrouvé un poisson sanguinolent sur ton oreiller.

Te scotcher le sexe. Te jeter sur Justin Bieber. Pour avoir de la chance…

Toi, en animal, ça donnerait quoi ? Un tigre cynique et dépressif dans un zoo pluvieux.

Tu portes un truc rouge : une robe, un tanga, n’importe quoi.

Un chien de race dans un spa à Singapour.

Tu t’habilles en garçon, tout est plus simple d’un coup.

Une licorne dans un fish and chips à Bruxelles.

Tu prends en compte le hasard et intègres l’imprévu.

SI TU AS UN MAXIMUM DE : OUI, MAIS TU N’ES PAS DANS LE BON CORPS Saisi(e) par une angoisse sourde lorsque tu aperçois ton reflet, tu es comme Lara, l’héroïne de Girl, le film de Lukas Dhont (sortie le 10 octobre). Lara veut devenir une danseuse étoile, mais cela sera plus dur encore pour elle que pour une autre parce qu’elle a le malheur d’être née garçon. Caméra d’or, lauréat de la Queer Palm, le film suit les pas de cet ange qui danse et que l’on aimerait voir s’envoler.

NON, TA PLACE EST EN ENFER Tu ne réalises pas que tu es l’unique lecteur de ce paragraphe, le seul psychopathe qui a répondu comme ça à ce quizz. Jack, dans The House that Jack Built de Lars von Trier (sortie le 17 octobre) vit dans un monde parallèle lui aussi. Il pense que fracasser avec un cric le visage à 100 000 dollars d’Uma Thurman, c’est de l’art avec un grand A. Je pense que tu vas l’adorer, l’idolâtrer même, l’imiter (j’espère pas).

OUI, MAIS TU ES LE/LA SEUL(E) À LE PENSER Tu es du genre à te faire choper par ton boss, hypnotisé(e) devant le mariage de Harry et Meghan. Pour te consoler, je te propose la romcom bling de l’année, Crazy Rich Asians de Jon M. Chu (sortie le 7 novembre). L’héroïne s’aperçoit que la famille de son boyfriend n’est pas riche, mais crazy rich! « Good news! » a-t-on envie de dire, sauf que sa belle-mère ne voit pas leur union d’un très bon œil…

• LILY BLOOM — ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL 18


“ MÉCHANT , IRRÉVÉRENCIEUX ET

L A

C H A S S E

A

JOUISSIF ! ” MAD MOVIES

É V O L U É

LE 17 OCTOBRE AU CINÉMA


LE NOUVEAU

POPCORN

VICTOR POLSTER

Même

s’il est danseur pro à l’École royale du ballet d’Anvers, il a fallu que Victor Polster redouble de discipline pour tenir le rôle de Lara, qu’il incarne avec ténacité et douceur dans Girl du Belge Lukas Dhont (lire p. 58). D’abord, parce que c’était sa toute première expérience au cinéma. Ensuite, parce que ce personnage d’apprentie danseuse semblait complexe à jouer, entre doutes d’adolescente et réflexions liées à sa transidentité, entre contraintes liées à sa vocation artistique et sentiment d’urgence ayant trait à sa transition. « Ce que j’ai aimé dans le script, c’est qu’il se focalisait vraiment sur le ressenti de Lara. Les gens autour d’elle ont beau lui donner beaucoup d’amour, elle se sent mal

parce qu’elle n’a pas encore le corps dans lequel elle veut être », affirme ce fan de Marion Cotillard (« surtout dans Dikkenek ») né à Bruxelles en 2002. À l’avenir, il aimerait poursuivre en tant qu’acteur, mais aussi intégrer la Nederlands Dans Theater de La Haye, une compagnie « en avance sur tout le monde », selon lui. Déterminé, Victor assure qu’il va beaucoup travailler pour ça. On lui fait confiance. • QUENTIN GROSSET PHOTOGRAPHIE : JULIEN LIENARD

— : « Girl » de Lukas Dhont Diaphana (1 h 45) Sortie le 10 octobre

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D’APRÈS LE ROMAN DU CRÉATEUR DE

TRUE DETECTIVE EN CAVALE, PLUS RIEN À PERDRE.

ACTUELLEMENT AU CINÉMA


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RETOUR DE FLAMME Après le sublime et méditatif Ida en 2014, Paweł Pawlikowski renoue avec le noir et blanc et le format carré pour Cold War, récit d’une histoire d’amour passionnelle contrariée par la guerre froide. Entre la Pologne communiste et le Paris bohème des années 1950, les musiciens Zula et Wiktor se fuient, se retrouvent et se perdent sans cesse. Pour composer ce beau film mélancolique, Prix de la mise en scène à Cannes, l’élégant cinéaste polonais a ravivé bien des flammes.

Le film est inspiré de l’histoire de vos parents. Ça vous a aidé à la comprendre ? Non, j’ai compris l’histoire de mes héros, mais pas celle de mes parents ! Plus je pensais à eux, moins je les comprenais. Ils ont vécu une relation très bordélique et compliquée durant quarante ans, ils étaient mal assortis psychologiquement et socialement. Ils se sont séparés trois fois, puis ils sont morts ensemble, assez vieux, juste avant la chute du mur en 1989. Il y a quelques semaines, j’ai découvert des vieilles lettres de ma mère dans la cave de ma tante, adressées à ses amants…

C’est incroyable, elle n’était pas comme ça ! Pour faire mon film, il a fallu que je me détache d’eux, me dire que je créais deux personnages qui leur ressemblent par certains aspects, mais qui ont une logique propre. Et comme je ne voulais pas faire un gros travail de maquillage pour vieillir les comédiens, j’ai voulu que tout se passe sur un laps de temps assez court, durant la période communiste. Comment avez-vous reconstitué l’atmosphère de la Pologne des années 1950 ? Pour Ida [sur une orpheline élevée dans un couvent et découvrant la vie extérieure avant de prononcer ses vœux, dans la Pologne des années 1960, ndlr], je m’étais basé sur des

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images précises de mon enfance. Cold War se déroule un peu avant que j’aie des souvenirs [il est né en 1957, ndlr], on s’est donc inspirés de photos et d’une certaine idée de cette période. On a trouvé de vieux clichés de l’ensemble folklorique qui a inspiré celui qu’on a formé pour le film. Ce style de musique était très présent quand j’étais petit, en Pologne. Qu’on le veuille ou non, on l’écoutait tout le temps, car il n’y avait pas beaucoup de stations de radio, mais, avec mes amis, on se débrouillait pour écouter les Small Faces, les Kinks ou les Rolling Stones. Le mode de vie de l’époque était très dépouillé, il n’y avait pas d’électricité dans la campagne, les lumières étaient très simples.

À la sortie d’Ida, vous m’aviez justement dit avoir voulu faire un film « simple, dépouillé, comme une alternative à notre société saturée de bruit et d’images, et qui a perdu le fil ». La même intention vous animait-elle pour Cold War ? J’ai toujours, quelque part, ce désir. Mais j’ai réintroduit un peu du monde, un peu plus d’énergie dans ce film. Il y a de la profondeur de champ, quelques mouvements de caméra, et surtout je ne cadre pas aussi bizarrement que dans Ida, c’est un peu plus classique, même si c’est aussi un format carré. Ida était une méditation, une prière, quelque chose comme ça. Cold War, comme son titre le suggère, montre la guerre, l’amour,

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« Il y a au centre cette héroïne qui anime tout. Ç’aurait été absurde de ne pas suivre ses mouvements. » le contraste entre deux personnages et deux mondes totalement différents, avec au centre cette héroïne qui anime tout. Ç’aurait été absurde de ne pas suivre ses mouvements. Le récit se déroule sur une quinzaine d’années, mais vous les ramassez sur 1 h 30 au moyen de nombreuses ellipses qui éludent certains moments clés du récit. Qu’est-ce qui a motivé ce parti pris narratif ? Les biopics, par exemple, sont souvent bavards, avec beaucoup de scènes explicatives et de raccourcis – ceci explique cela, les héros font ceci parce qu’ils ont fait cela. Je préfère me concentrer sur des questions cinématographiques et psychologiques. Comment on se rend d’ici à là, ce n’est pas mon problème, c’est celui du spectateur ; beaucoup préfèrent être guidés, mais ceux-là peuvent quitter la salle ! J’imaginais que ce film allait laisser beaucoup de gens froids, mais j’ai été surpris : cette façon de raconter touche un public assez large. Des films comme Scènes de la vie conjugale d’Ingmar Bergman m’ont beaucoup encouragé. Il y a de longs dialogues qui sont comme des courts métrages. Je l’ai vu il y a longtemps, mais ça m’avait impressionné qu’un rapport de pouvoir entre femme et homme puisse changer à ce point, et qu’on puisse le raconter avec des ellipses. À Cannes, vous avez dit à l’AFP craindre que le film ait des problèmes en Pologne, notamment parce qu’Ida avait été mis sur une sorte de liste noire par le nouveau gouvernement… On a un peu exagéré ce que j’ai dit : je suis peu aimé du gouvernement, mais on ne vit pas dans un régime totalitaire. Cold War est sorti en Pologne. C’est même devenu un phénomène, puisqu’il a fait 750 000 entrées. À Cannes, j’ai dit qu’Ida était sur une liste noire à la télévision publique, qui est aux mains de l’État et est devenue un vecteur de propagande. Ils ont montré le film avant les élections, parce que l’État l’avait en partie subventionné. Mais après l’Oscar [obtenu en

2015, ndlr], le gouvernement fraîchement élu a décidé de ne pas diffuser Ida à la télé. Il y a eu des protestations et ils ont fini par céder, mais en faisant précéder la diffusion d’une discussion entre deux intellos d’extrême droite qui expliquaient comment il fallait voir le film – « cette propagande juive… », « ce point de vue juif… ». C’est idiot, c’est incroyable ! Après, je me suis fait bannir de tous les instituts polonais à l’étranger – les instituts, pas les institutions. J’ai des amis qui y travaillent et me disent : « On ne peut pas t’inviter ou montrer ton film parce que tu es sur une liste noire non officielle. » Qu’a pensé le gouvernement de Cold War ? Notre ministre de la Culture a trouvé que c’était une belle histoire. Il y a deux ans, quand j’ai commencé à travailler avec l’ensemble folklorique Mazowsze – à qui j’ai pris trois chansons et quelques jeunes danseurs et chanteurs pour mon ensemble fictif –, celui-ci ne recevait pas beaucoup d’argent. Mais depuis la sortie du film, le gouvernement a investi massivement sur lui, ils ont décidé que c’était de nouveau la carte de visite de la Pologne. D’un autre côté, ils enlèvent les subventions pour le théâtre d’avant-garde… Quelle attitude le gouvernement adopte-t-il avec les réalisateurs polonais ? Ils veulent ce qu’ils n’ont pas : ils peuvent trouver des journalistes pour faire leurs chaînes d’État, trouver leurs juges pour leur cours de justice, mais ils ne peuvent pas trouver des metteurs en scène qui vont faire leur cinéma. Dans la jeune génération de cinéastes polonais, personne ne veut faire les films héroïques et historiques que le gouvernement souhaiterait voir. Peut-être que ça arrivera, mais pour l’instant il y a une certaine solidarité, personne ne veut se vendre. Au festival de Gdynia [une station balnéaire polonaise de la mer Baltique, ndlr], on voit quelques films de commande sur des soldats anticommunistes, mais c’est rare, et c’est trop évident que c’est commandité par l’État.

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Joanna Kulig et Tomasz Kot

GUERRE FROIDE, CŒURS CHAUDS Mêler amour impossible et fresque historique est un classique du cinéma sentimental, auquel Paweł Pawlikowski, déjà auteur des remarquables My Summer of Love (2005) et Ida (2014), apporte ici une contribution toute personnelle. Le récit démarre en 1949 dans la Pologne stalinienne, au cœur d’une troupe musicale chargée de faire revivre le folklore national. Le musicien en chef, féru de liberté et de sonorités occidentales, y croise une jeune chanteuse d’origine rurale. La relation entre les deux amants, complexe et douloureuse, va s’étaler sur quinze ans et les faire se croiser aux quatre coins d’une Europe cruellement divisée par la guerre froide. Inspiré par l’histoire sentimentale de ses propres parents, le cinéaste filme un couple maudit qui ne cesse de se heurter aux compromis et aux renoncements. Grâce à un noir et blanc d’une splendide mélancolie et à un habile sens de l’ellipse, Cold War dépeint ainsi avec sensibilité l’intrusion, autoritaire et tragique, du politique dans les existences privées. • DAMIEN LEBLANC

Après un exil d’une quarantaine d’années, vous êtes revenu habiter en Pologne. Pourquoi ? Ça fait six ans que j’ai déménagé à Varsovie, juste à côté de là où j’ai grandi. J’aime beaucoup la Pologne, il y a mes amis, ma famille… mais il ne faut pas allumer la télévision ! Tout est à échelle humaine, les rapports entre les gens sont relativement transparents, tout est assez clair : qui est bon, qui est mauvais, qui est carriériste, qui a une attitude noble… Ça me simplifie la vie. À Paris ou à Londres, c’est tout un jeu de salons et de miroirs. Quand j’ai commencé

à préparer Ida, j’ai senti que j’étais chez moi. Ça a quelque chose à voir avec mon âge ; le fait que, après un certain temps, l’être humain veut retourner à quelque chose de solide.

• PROPOS RECUEILLIS PAR TIMÉ ZOPPÉ PHOTOGRAPHIE : PHILIPPE QUAISSE / PASCO — : « Cold War »

de Paweł Pawlikowski Diaphana (1 h 27) Sortie le 24 octobre

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BOBINES

COLD WAR


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50 NUANCES DE GUERRE FROIDE Dans Cold War, une histoire d’amour passionnelle se fait l’écho des remous de la guerre froide. De la romance au film d’espionnage ou à la science-fiction, le cinéma a raconté de bien des manières les différents aspects du conflit latent qui a opposé l’Est et l’Ouest des années 1940 au début des années 1990. • HILÀRIO MATIAS DA COSTA — ILLUSTRATION : JÉRÉMIE LEROY

ROMANCE

SCIENCE-FICTION

COMÉDIE MUSICALE

DE PAWEŁ PAWLIKOWSKI (2018)

L’INVASION DES PROFANATEURS DE SÉPULTURE

La tension Est-Ouest pourrait rappeler celle d’amants en froid. Dans Cold War, l’un part à l’Ouest, l’autre reste à l’Est. De la Pologne au Paris bohème des fifties, ils tentent de vivre leur amour complexe et incandescent, aussi inextricable que les rapports entre les deux blocs.

Le mythe de l’envahisseur s’incarne dans une allégorie extraterrestre. Dans une ville près de L.A., des aliens remplacent les habitants par des ersatz sans émotions. La science-fiction s’inquiète ici du lavage de cerveau qui serait opéré à l’Est.

La musique, dans Leto (qui sort le 5 décembre), est l’expression d’une révolte contre le communisme. Mike et son groupe brisent les frontières de l’U.R.S.S. grâce au glam rock : dans des séquences hors du temps, Reed et Bowie sont scandés par la foule comme des chants contestataires.

HUIS CLOS

ÉPOUVANTE-HORREUR

COMÉDIE

DE KATHRYN BIGELOW (2002)

DE WOLF RILLA (1960)

DE STANLEY KUBRICK (1964)

En 1961, à bord d’un sous-marin nucléaire russe, la chaleur menace de faire exploser la soupape. L’anxiété d’une époque est catalysée en un lieu où le moindre faux pas mènerait à une guerre totale : une approche psychologique qui permet le relativisme par l’identification à l’ennemi.

Dans un village anglais, une force mystérieuse fait naître d’inquiétants petits blondinets télépathes aux yeux étranges. Le Village des damnés joue sur la paranoïa liée à la « peur rouge » – l’épouvante générée par ces enfants stakhanovistes semble insinuer que l’Est et le mal ne font qu’un.

La guerre, c’est du sérieux. C’est pourquoi Kubrick en rit. Dans une base aérienne américaine, une flopée de généraux lubriques se réunissent d’urgence : l’holocauste nucléaire est imminent. Rien de tel qu’un grand cirque burlesque pour désamorcer la tension de l’escalade nucléaire.

FANTASTIQUE

FILM DE GUERRE

COLD WAR

K-19. LE PIÈGE DES PROFONDEURS

LA FORME DE L’EAU

DE DON SIEGEL (1956)

LE VILLAGE DES DAMNÉS

APOCALYPSE NOW

LETO

DE KIRILL SEREBRENNIKOV (2018)

DOCTEUR FOLAMOUR

ESPIONNAGE

LE RIDEAU DÉCHIRÉ

DE GUILLERMO DEL TORO (2018)

DE FRANCIS FORD COPPOLA (1979)

D’ALFRED HITCHCOCK (1966)

Il était une fois la rencontre entre une femme de ménage muette et le cobaye amphibien d’un laboratoire gouvernemental américain pendant la guerre froide… Dans La Forme de l’eau, la figure du monstre sert un éloge de la différence, et le merveilleux réenchante une époque de clivages.

Du conflit froid aux tripes bouillantes : au Viêt Nam, la tension entre les deux blocs s’est incarnée en de sanguinaires combats. Loin du fantasme propagandiste, le chef-d’œuvre de Coppola fustige l’absurdité de la guerre, sa spectacularisation et sa violence colonialiste.

Un chercheur en physique nucléaire migre vers Berlin-Est : traître ou espion infiltré ? Alfred Hitchcock propose une lecture désabusée du film d’espionnage dans lequel le jeu de faux-semblants permet une vision non manichéenne du conflit.


LE 7 NOVEMBRE


BOBINES

INTERVIEW

VAISSEAU SANGUIN Pour son premier film entièrement en langue anglaise, Claire Denis nous embarque à bord d’un vaisseau peuplé de criminels – campés par Robert Pattinson, Mia Goth, Claire Tran… Condamnés à trouver de nouvelles sources d’énergie près d’un trou noir, ils sont aussi les cobayes d’une expérience de reproduction menée par une troublante scientifique (Juliette Binoche). Dans la lignée de son Trouble Every Day (2001), la cinéaste signe avec High Life un film de science-fiction beau et rugueux, peut-être l’un des plus sombres et métaphysiques sur l’espace. Avec elle, on a tenté de comprendre ce qu’un objet aussi atmosphérique pouvait avoir de personnel. 30


Dans High Life, l’espace, l’infiniment grand, est lié à la prison, l’enfermement. Sur quoi ouvre ce paradoxe ?

peine d’aller dans l’espace. Le problème, c’est l’idée de conquête… On tournait en studio à Cologne, où se trouve le Centre des astronautes européens, d’où l’on peut observer l’équipage dans la station internationale, vingt-quatre heures sur vingtquatre. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose de moins militaire, moins conquérant, dans l’uniforme russe que dans celui de la NASA. C’est donc celui que j’ai choisi comme modèle. Je déteste ces photos d’Américains habillés en blanc dans des vaisseaux qui brillent… On ne va pas conquérir l’espace, de toute façon. En 2014, après avoir rencontré l’artiste islando-danois Ólafur Eliasson, connu pour son travail mêlant nature et technologie et passionné par les trous noirs, vous avez réalisé votre court métrage abstrait et contemplatif Contact à partir de l’une de ses futures installations. Comment Eliasson a-t-il influencé High Life ? Il y a cinq ans, un producteur m’a demandé si je voulais faire un film en anglais, et je lui avais fait lire un synopsis qui amorçait l’idée de High Life. Il a voulu qu’on aille voir Ólafur Eliasson, qui est alors devenu un compagnon de route. Dans Contact comme dans High Life, j’ai repris la lumière jaune qu’il avait inventée pour son installation The Weather Project à la Tate Modern à Londres, en 2003. Après Contact, j’ai mis quatre ans à faire High Life, qu’Eliasson a aussi beaucoup nourri. D’où vient la forme rectangulaire très originale du vaisseau ? Ça m’est venu en écrivant le scénario avec Jean-Pol. Je me suis dit qu’il fallait que ce soit une prison, c’est-à-dire une sorte de boîte avec un couloir central, des cellules, et à

Dans un livre, l’astrophysicien Stephen Hawking disait que la reproduction dans l’espace est très difficile. Et pourtant c’est peut-être la seule solution pour se rendre au-delà du système solaire, car une seule vie humaine ne suffirait pas pour aller au bout du voyage. En même temps, cet au-delà est la seule zone encore intrigante dans l’espace, avec la matière noire et les trous noirs. Je me suis dit qu’un pays comme les États-Unis pourrait proposer à des gens jeunes, condamnés à la peine de mort, le choix de sacrifier leur vie à une telle mission plutôt que d’attendre dans le couloir de la mort. Pour moi, le début du film, ça a toujours été cet homme dans un vaisseau qui a perdu tous ses compagnons et qui se retrouve seul avec un bébé et un jardin, unique trace de leurs origines terrestres. Il ne peut pas se suicider, parce qu’il faudrait tuer le bébé d’abord. Est-ce que vous voyez dans la conquête spatiale une volonté de s’approprier un espace qui ne devrait pas l’être ? L’astrophysicien et philosophe Aurélien Barrau nous a éclairés, mon coscénariste Jean-Pol Fargeau et moi, sur les histoires spatio-temporelles et ce qu’on sait des trous noirs aujourd’hui. Je pense que ça vaut la

Robert Pattinson

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CLAIRE DENIS


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INTERVIEW l’étage inférieur, la fuck room [une pièce dans laquelle les passagers peuvent se faire jouir avec des machines, ndlr]. Votre premier court métrage, Le 15 mai (1969), était inspiré par Philip K. Dick : quelle importance a cet auteur dans toute votre œuvre ? Déjà petite, quand j’habitais Yaoundé au Cameroun, les seuls livres qui m’intéressaient étaient ceux de science-fiction. Après je suis venue en France, j’ai fait l’IDHEC et j’ai eu un compagnon qui s’intéressait à la SF, donc évidemment à Philip K. Dick. Pour High Life, je suis partie de ce que je préférais chez cet auteur : le fait de dépeindre des gens prisonniers d’une utopie. Le montage relie une scène où le héros perd un outil dans l’espace et le plan d’une pierre qu’il jette dans un puits après s’en être servi comme d’une arme, enfant. Est-ce que c’est un clin d’œil à la fameuse scène de la découverte de l’arme-outil dans 2001 : l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick ? Peut-être inconsciemment. C’est inoubliable. J’ai plutôt pensé au film globalement, en me disant que mon économie était autre. 2001 est comme une preuve de l’existence de l’espace, ça m’a donné le droit de faire un film qui n’a pas besoin de représenter la même chose, comme si on pouvait tout faire après ça. Mais le puits et la pierre qui tombe, je les ai carrément piqués à Stalker (1981) d’Andreï Tarkovski. C’est le plan qui me fait le plus peur, quand le stalker est avec le chien et qu’un des deux hommes jette la pierre dans le puits, un puits sans fond. Quand Aurélien Barrau m’a dit que, là où étaient les héros de mon film, quatre ans après avoir quitté le système solaire à 90 % de la vitesse de la lumière, le vide et la chute des corps étaient sans fin, je me suis souvenue du puits de Stalker. C’est la scène qui matérialise le plus ma peur de l’infini. Il y a aussi un chien dans Nostalghia [1985, également de Tarkovski, ndlr]. Ces compagnons des êtres humains

Juliette Binoche

Scarlett Lindsey et Robert Pattinson

nous permettent de mesurer notre petitesse. C’est pour ça que j’ai voulu qu’il y ait des chiens dans le film. Dans le contraste entre l’organique et le technologique, on sent une certaine appréhension liée à l’idée de l’homme augmenté, du transhumanisme… Je ne suis pas tellement angoissée par ça, au fond. Je voulais surtout qu’il soit question de fluides. J’ai emprunté cela à Stanley Kubrick : au début de Docteur Folamour, un personnage évoque l’importance des fluides corporels. Dans cette boîte qu’est le vaisseau, il n’y a rien pour reprogrammer la vie et il faut recycler les matières… Parce qu’ils partent pour toujours. L’idée du tabou arrive très vite : dès le début, le héros explique au bébé que l’homme n’est pas censé manger ses excréments, alors qu’ils doivent justement se nourrir de leurs matières recyclées pour pouvoir survivre dans le vaisseau. Quand il explique ça, c’est comme s’il savait déjà ce qui va arriver. Il dit au bébé « c’est un tabou », en sachant que, quelques années plus tard, un autre tabou sera transgressé, parce que sa fille n’aura pas d’autre homme que lui. Lors de la projection du film en septembre au festival de Toronto, on a eu écho de nausées,

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CLAIRE DENIS

d’évanouissements. Vous pensez que c’est lié à la représentation des fluides (sperme, lait maternel, sang…) ? Robert Pattinson m’a montré ces réactions sur Twitter. Quand même, les gens sont limite… Je suis très inquiète de cette régression. Dans la scène qui a choqué certaines personnes, le personnage de Juliette Binoche est comme une prêtresse tenant dans ses mains le sperme sacré de son moine adoré [elle vient de lui extorquer à son insu et va s’en servir pour inséminer une passagère, ndlr]. Je pensais que c’était suffisamment au second degré pour que les gens ne s’évanouissent pas ou ne vomissent pas. Sexualité et reproduction sont des éléments séparés dans le film. Pour la sexualité il y a la fuck room, et pour la reproduction il y a des pipettes. Pourquoi ? À force de lire des bouquins sur les prisons et les systèmes pénitentiaires, je me suis dit que, si la reproduction était liée à la sexualité, le voyage allait durer très peu de temps, la révolution allait éclater. J’avais lu le journal de bord d’un marin du Bounty, qui raconte comment ça a foiré quand les femmes sont montées à bord. À partir du moment où on vit une sexualité – homme-femme, homme-homme ou femme-femme, qu’importe – dictée par le désir, ça ne tient pas, c’est impossible d’avoir des règles

carcérales ou maritimes. Donc j’étais partie sur cette idée qu’il fallait une « machine à jouir » et que la reproduction soit totalement séparée du plaisir sexuel. L’équipage traite la scientifique chargée de l’expérience de reproduction de sorcière. Qu’incarne cette figure pour vous ? Dans le film, elle est la plus vivante de tous. C’est la maîtresse de la vie, elle n’a plus peur. Au fond, elle a déjà payé sa dette, donc elle veut jouir encore et réussir ses expériences, rien d’autre. Elle a cette liberté-là, c’est pour ça qu’elle est la seule qui ne soit pas habillée en rouge et qu’elle laisse pousser ses cheveux pendant tout le voyage, alors que le héros n’arrête pas de se raser la barbe. Un beau soleil intérieur (2017) était basé sur vos souvenirs, que vous mixiez avec ceux de Christine Angot. Ce film-là a-t-il aussi une part autobiographique ? Le personnage joué par Mia Goth, une jeune fille qui ne veut pas d’enfant, qui veut s’échapper du vaisseau et disparaître, me ressemble quand j’étais adolescente. Je ne détestais pas du tout les enfants, mais je ne voulais absolument pas être prise au piège. Le héros, c’est une sorte de chevalier de la Table ronde qui pense que la chasteté va l’aider à survivre, ce n’est pas du tout moi. Et pour le personnage de la scientifique, j’avais Patricia Arquette en tête au moment de l’écriture, sauf qu’elle n’était pas libre en même temps que Robert Pattinson pour le tournage. Juliette Binoche, avec qui je venais de faire Un beau soleil intérieur, m’a dit : « Mais, moi ? » J’ai répondu : « Bon, alors on enchaîne ! » Je n’avais pas du tout pensé à Robert Pattinson, le héros était pour moi un homme plus âgé, fatigué par la vie et qui n’avait plus goût à rien, qui ne voulait surtout pas se laisser avoir par ses pulsions sexuelles ou par ses relations avec les autres. Robert avait eu vent du projet par le directeur de casting et par son agent, et il m’a contactée. Franchement, je me disais que ce n’était pas possible, je ne pouvais

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« Ça vaut la peine d’aller dans l’espace. Le problème, c’est l’idée de conquête… »


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Juliette Binoche et Robert Pattinson

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« Il n’y a rien pour reprogrammer la vie et il faut recycler les matières… Parce qu’ils partent pour toujours. » pas rajeunir autant le personnage, et puis à force de voir régulièrement Robert, je suis devenue accro, comme ses groupies. J’ai vu les films Twilight. Le personnage qu’il y jouait avait un passé, et il avait peur d’inoculer le virus à la fille qu’il aimait, ça me touchait beaucoup. Vous êtes passionnée par les plantes. Dans Trouble Every Day comme dans ce film, vous liez le végétal à la technologie, ce qui crée une certaine tension… J’assomme toute ma copropriété avec mes plantes dans la cour de l’immeuble. J’en ai ramené une du Cameroun et je ne sais plus quoi en faire, elle grossit dans ma baignoire. Nous, on ne se voit pas grandir quand on est enfant, on ne se voit pas vieillir quand on est adulte, mais les plantes, c’est une échelle du temps extraordinaire. Elles ont la mémoire de la terre, du terrain et de ce qui tombe du ciel en elles. Je crois que c’est ma mère qui m’a légué ça : il m’est arrivé de vivre dans un petit appartement et d’avoir quand même une plante : ça change tout. Dans le film, la serre est le seul endroit où les personnages se sentent bien. Robert Pattinson a dit que jusqu’au dernier moment vous n’aviez pas le bébé et qu’il vous manquait une actrice, mais que ça ne vous paniquait pas du tout. Il est gentil ! Pour le bébé, on nous avait un peu condamnés à travailler avec des jumelles

[les horaires des enfants interprètes sont juridiquement très cadrés, ndlr]. Sauf que je ne les aimais pas. Ce n’est pas qu’elles n’étaient pas bien, mais moi, j’ai une sœur jumelle, et je déteste l’idée que des jumelles soient identiques et interchangeables. Il s’est trouvé que ma mère, au début du tournage à Cologne, était en train de mourir dans un hôpital à Paris. Un samedi matin, j’ai pris le train et j’ai passé tout le week-end avec elle. Quand je suis rentrée à Cologne, Robert m’attendait dans le hall de l’hôtel et m’a dit : « Tu sais, Claire, je crois que t’as raison ; les jumelles, je ne les sens pas trop. » J’étais portée par la force que me donnait ma mère mourante : tout paraissait minime, à côté. Donc j’ai dit à Robert : « Demain, je ne tourne pas avec les jumelles. » Il m’a répondu : « Mon meilleur ami d’enfance a une petite fille de 12 mois que j’adore, est-ce que tu m’autorises à l’appeler ? » Ben je lui ai dit oui ! Et là, tout de suite, tout le monde a été heureux.

• PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET ET TIMÉ ZOPPÉ — PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA — : « High Life »

de Claire Denis Wild Bunch (1 h 50) Sortie le 7 novembre

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7 INCONNUS. 7 SECRETS. 1 NUIT.

LE 7 NOVEMBRE AU CINÉMA


PORTRAIT

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VIE SAUVAGE

Dans le remuant Un amour impossible de Catherine Corsini, adapté d’un récit autobiographique de Christine Angot, elle prête son visage intense à l’écrivaine. En regardant Jehnny Beth, surtout connue comme leadeuse du groupe de post-punk Savages, crever l’écran, on s’est demandé pourquoi on ne l’avait jamais vue au cinéma auparavant. C’est en fait là qu’elle a commencé, avant de détaler vers la musique pour assouvir son inextinguible soif de liberté. 36


JEHNNY BETH courts blond platine plaqués en arrière, intense regard noir de félin et multiples bagues argentées aux doigts : pas de doute, on a devant nous une chanteuse de rock. Si le charisme de Jehnny Beth en impose, la Française se révèle douce et attentive lorsqu’elle se met à parler. Même contraste quand on la découvre d’abord sur scène, en sueur et en transe, hurlant dans son micro sur les riffs de son groupe Savages et portée par une foule extatique, puis à l’écran en avatar d’Angot, cheveux noirs de jais, visage fermé, corps rigide et verbe acéré dans la dernière partie d’Un amour impossible. Dans cette adaptation du roman de l’écrivaine, qui revient sur ses difficiles souvenirs de jeunesse, Jehnny Beth joue la colère contenue comme personne. La réalisatrice, Catherine Corsini, dit avoir trouvé chez elle la « sauvagerie domestiquée qui sied au personnage ». L’expression fait sourire l’intéressée, mais elle s’y retrouve. « Je crois qu’ils avaient casté pas mal d’actrices,

par son père, et est repérée par le cinéaste Jean-Paul Civeyrac lors du concours d’entrée du Conservatoire national supérieur d’art dramatique. Soufflé, il lui écrit un rôle sur mesure : celui d’une femme inconsolable de la mort de son amant dans le beau et mystique À travers la forêt, sorti en 2005. « Ce n’était que des plans-séquences, mais c’était plus facile pour moi pour une première expérience. Ça ressemblait à ce que j’avais fait au théâtre. » L’expérience lui plaît, mais une autre aventure l’appelle : elle rencontre le musicien Nicolas Congé, qui est depuis son « partenaire musical et de vie ». À 20 ans, elle migre à Londres avec lui. « J’ai suivi mon instinct. J’avais envie de maîtriser mon destin, et je savais qu’être actrice n’allait pas me convenir comme mode de vie, parce qu’on est à la merci du réalisateur, on doit plaire à quelqu’un. » Elle trouve son nom de scène, Jehnny, en miroir à celui de Nicolas, Johnny Hostile, et ils sortent deux albums sous le nom de John & Jehn. Toujours attirés par le défi, ils fondent leur label, Pop Noire,

Dans cette adaptation du roman de Christine Angot, Jehnny Beth joue la colère contenue comme personne. mais que toutes essayaient de jouer Christine Angot. Moi, je n’avais rien lu d’elle avant qu’on me propose le rôle, mais j’adorais son côté droit et direct, qui dit ce qu’elle pense, sans filtre, en interview. J’ai moi aussi eu des déboires avec la presse à cause de ça, je m’y reconnaissais, je n’avais pas vraiment besoin d’aller puiser ailleurs. » Quand on l’interroge sur le féminisme de ses textes et de son groupe composé de filles, et qu’on le rapproche de celui de Christine Angot qui dénonce notamment dans ses livres les abus de pouvoir de son père sur les femmes, Jehnny Beth botte en touche. « Je ne suis pas engagée, j’ai d’ailleurs beaucoup de mal avec les artistes qui confondent art et politique. » Elle sent en revanche un écho avec sa propre histoire dans le rapport mère-fille d’Un amour impossible. « Je suis partie de chez mes parents assez tôt. Se construire sans sa famille et réussir à se réconcilier, je trouve que c’est un vrai sujet. »

À L’AVENTURE

produisent le premier album de Lescop et celui du nouveau groupe de Jehnny, Savages. Deux disques à succès (PJ Harvey devient une fan, puis une amie) plus tard, elle prend encore un nouveau virage : il y a deux ans, elle s’installe à Paris, met Savages entre parenthèses et commence à écrire un album solo. « J’ai mis la scène en pause quand c’est devenu trop facile. Le cinéma, c’est compliqué. Il y a beaucoup d’attente, de monde, c’est plein d’artifices, de distractions, il faut être assez concentré. » C’est justement là, en terres inconnues voire en zones hostiles, que Jehnny Beth semble la plus à même de déployer son grand potentiel. • TIMÉ ZOPPÉ PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA

— : « Un amour impossible » de Catherine Corsini Le Pacte (2 h 15) Sortie le 7 novembre

Née à Poitiers en 1984, Camille Berthomier – de son vrai nom – est élevée par des parents professeurs passionnés de théâtre. Ado, elle intègre le conservatoire de la ville, monté 37

BOBINES

Cheveux


INTERVIEW

BOBINES

COMÉDIE DE MAÎTRE

Cible émouvante, Hors de prix, De vrais mensonges : depuis plus de vingt ans, Pierre Salvadori compose une œuvre comique proche de l’artisanat. Avec l’hilarant En liberté !, dans lequel une inspectrice de police (Adèle Haenel) tente de réparer les fautes de son mari – un flic ripou qui vient de mourir – en aidant malgré lui un homme condamné à tort (Pio Marmaï), le cinéaste poursuit sa petite entreprise comique, avec la crise – existentielle, de nerfs ou d’ego – comme fonds de commerce et une élégance romanesque rare. Leçon de comédie avec Salvadori. 38


Comment naît l’idée d’une comédie ? C’est un mystère. On ne sait jamais vraiment d’où viennent les idées. Elles finissent par s’imposer à vous. On envisage trop souvent la comédie comme un but. Mais, en fait, faire de la comédie, c’est essayer de trouver sa place, sa voix, dans un domaine où tout est possible. Chacun de mes films part d’une envie d’explorer un type de comédie, une ambiance, plus réaliste, plus sentimentale, ou alors plus absurde ou mélancolique. Trouver la bonne idée, c’est être capable de savoir précisément quels adjectifs vous voulez mettre après le mot « comédie ». En liberté !, c’est une comédie pure. Même si je ne sais pas clairement ce que ça veut dire, c’était l’idée que j’avais en tête. Une envie de vitesse, de mouvement permanent. Pourtant, on a l’impression que vos comédies partent toujours de situations et de personnages très forts. Ça, c’est la deuxième étape. Et c’est beaucoup plus nébuleux que vous ne l’imaginez. Une fois que l’envie de comédie est là, on attrape tout ce qui nous passe par la tête et on le triture, on le discute, afin de voir ce qu’on pourrait en faire. C’est souvent des gens qu’on a observés, des situations qui nous ont fait sourire ou qui nous ont interrogés. Ça peut avoir, d’ailleurs, un rapport très lointain avec le film. Pour De vrais mensonges (2010), je suis parti d’une connaissance qui était persuadée de savoir mieux que les autres ce qui était bon pour eux. En poussant ce trait de caractère vers la cruauté, on tire un fil de comédie qu’on n’a plus qu’à tisser. Chez moi, ça passe forcément par le chaos involontaire,

des personnages victimes du désordre qu’ils créent. C’est ma petite touche personnelle. Justement, qu’est-ce qui fait d’En liberté ! une comédie typiquement salvadorienne ? Ça existe, cet adjectif ? Si vous m’aviez posé la question il y a quelques années, je pense que je n’aurais même pas osé vous répondre. En vieillissant, et spécifiquement grâce à ce film d’ailleurs, je commence à comprendre comment je fonctionne. Vous savez, la comédie, c’est une mécanique. Même s’il y a une part de magie et d’inspiration, le gros du travail, c’est d’appliquer et d’affiner une technique. Un peu comme un artisan. Dans un film d’auteur ou un mélodrame, on doit se sentir beaucoup plus libre. Là, il faut être drôle, c’est impératif. La comédie est le seul genre qui oblige à une certaine forme de rentabilité. Si le public sort et qu’il n’a pas ri, il est déçu. C’est imparable. Donc on bosse la technique, on déroule ses effets, on apprend de films en films à mieux les maîtriser. Dans En Liberté !, il y a toute ma mécanique habituelle. Mais j’ai essayé le plus possible de lâcher le frein à main et de me laisser porter. D’ouvrir mes petits quiproquos habituels et mes personnages piégés à des effets absurdes et des idées complètement folles. Je ne sais pas si c’est le film qui représente le plus mon cinéma, mais c’est celui dans lequel je me suis senti le plus libre. Ce n’est pas simple, la liberté. Sortir de sa zone de confort, ça fait un peu peur… J’ai failli en crever de ce film [le réalisateur a dû être opéré en urgence à la fin du tournage, ndlr], mais j’ai tenu bon. Faire rire est-il le seul but d’une comédie ? Évidemment. Ça peut vous paraître futile ou facile ; pour moi, c’est tout l’inverse. Réussir à faire rire à partir d’un dialogue

Adèle Haenel

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PIERRE SALVADORI


BOBINES

INTERVIEW ou d’une situation, ça demande tout une architecture, un travail de rythme, une caractérisation précise des personnages… La comédie n’a rien à voir avec une blague ou une vanne. C’est tout sauf évident d’amener du rire dans la fiction. À tout moment, le spectateur peut décrocher. Rire, c’est prendre du recul. Il faut réussir à maîtriser ce recul en créant un lien émotionnel avec le spectateur. Il ne faut pas non plus que le rire prenne toute la place. Dans En liberté !, je ne m’étais pas rendu compte à quel point on avait forcé la dose sur les gags. À Cannes, lors de la première projection à la Quinzaine des réalisateurs, je me suis pris en pleine gueule la vague de rires. Devant moi, il y avait un type qui riait tellement… J’ai cru qu’il allait s’étouffer. J’ai eu peur que le film soit écrasé par les gags et que le récit devienne quasi parodique. Mais le public a finalement l’air de s’attacher aux personnages et d’entendre ce qu’on veut lui raconter. C’est-à-dire, quel est le sujet du film ? Je pense qu’une bonne comédie a toujours quelque chose de très personnel à raconter. Mes films sont forcément le fruit de mes angoisses. Je n’ai rien inventé. Regardez les films de Woody Allen ! Tout le jeu consiste à déguiser ce qui nous fait peur, ce qui nous torture, en carnaval rigolo, histoire de faire passer la pilule. Au départ d’En Liberté !, il y a cette idée d’un personnage qui finit par commettre le crime dont il a été accusé à tort. Une sorte de colère, de désarroi, qui se retourne contre lui. Ce n’est pas franchement l’idée la plus drôle du monde. Mais ça touche à quelque chose de très universel : la construction de soi. Est-ce qu’on finit par devenir ce que les autres veulent qu’on soit ? Les personnages d’Adèle Haenel et de Pio Marmaï sont les victimes collatérales d’un mensonge qui finit par les transformer. Cette transformation va entraîner dans son sillage deux autres personnages, leurs amoureux respectifs [joués par Damien Bonnard et Audrey Tautou, ndlr] qui, eux, cherchent juste à les aimer pour qui ils sont. Ça forme un quatuor bordélique qui ouvre des possibilités de comédie. Mais, au fond, tout ce qu’on raconte est tragique. Vous osez dans le film un grand écart entre des séquences très littéraires, avec des

Pio Marmaï et Adèle Haenel

dialogues très raffinés, et des séquences burlesques, avec des gags visuels quasi potaches. Une façon de plaire à tout le monde ? Au contraire ! À mon avis, on a pris un gros risque en poussant aussi loin les curseurs. Pour moi, la comédie c’est une affaire de confort et de malaise. Pas l’un ou l’autre. Certains aiment faire rire en rassurant les gens. Les rires sont faciles, ça marche. On ricane, en gros. Moi, je viens plutôt de l’école de ceux qui pensent la comédie comme un tout, et pas comme une succession de vannes. Avec En Liberté !, je me suis rendu compte à l’écriture que je ne voulais plus jouer les naturalistes. C’est peut-être l’âge, mais je n’ai plus envie de m’excuser d’essayer d’être drôle et de faire rire. Alors allons-y dans la folie, dans le décalage, dans la dérision. Il y a un côté cartoon très assumé dans le film qui, je l’espère, n’écrase pas la vérité des émotions. J’ai toujours pensé que les plus grandes

« Tout le jeu consiste à déguiser ce qui nous fait peur en carnaval rigolo. » 40


comédies étaient celles qui nous décollaient de la réalité pour mieux nous raconter la vérité des sentiments. Lubitsch, c’est un génie pour ça. J’espère que le public d’aujourd’hui peut encore accepter la stylisation. Est-ce que la clé d’une bonne comédie tient à la rencontre avec les bons interprètes ? En partie. Mais je me rends compte que les « comiques » ne m’intéressent pas beaucoup. J’ai toujours peur que leur force comique mange le film. Le talent de Gérard Oury, c’est d’avoir su se mettre au service de la puissance comique de Louis de Funès. Moi, au contraire, j’aime travailler avec des acteurs plus innocents. Savoir faire rire, ça peut devenir une arme très puissante. Je préfère les acteurs qui abordent la comédie avec une forme de naïveté. Des gens qui prennent la comédie avec sérieux. Il y a aussi une forme d’humilité et d’abandon qui me plaît énormément, que ce soit chez Audrey Tautou ou chez Pio Marmaï. Presque tous les acteurs que j’ai fait tourner m’ont offert ça. C’est précieux, parce qu’ils ont compris qu’il ne fallait pas se croire plus drôle que la scène. C’est ça, la clé d’un bon interprète : quelqu’un qui joue au service de la comédie, et non pour être drôle.

Neuf films en un peu plus de vingt ans, c’est relativement peu. Vous aimeriez écrire et tourner plus vite ? C’est effroyablement long et éprouvant de faire une comédie ; en tout cas telle que je la pense. Ça demande une énergie et une conviction permanentes. Sur un plateau, je me représente souvent l’équipe comme un groupe de pompiers qui doivent réanimer en permanence ce corps mort qu’est devenu le scénario. Chaque scène est une sorte de miracle, de massage cardiaque intensif pour insuffler de la vie dans des mots. C’est épuisant, mais assez magique quand, à l’image, la vie est là. J’ai souffert sur le tournage d’En liberté !, et je sens qu’il faut que je me dépêche de faire des films avant de ne plus avoir la santé. Je commence seulement à avoir l’impression de savoir où je vais et surtout comment y aller. Il était temps !

• PROPOS RECUEILLIS PAR RENAN CROS PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA

— : « En liberté ! » de Pierre Salvadori Memento Films (1 h 48) Sortie le 31 octobre

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BOBINES

PIERRE SALVADORI


DÉCRYPTAGE

DÉBOUSSOLÉS

Dans Sophia Antipolis, portrait fascinant de la technopole éponyme, le cinéaste Virgil Vernier bouscule en filmant des fragments de vie d’individus liés par la disparition d’une jeune femme. Après Andorre ou Mercuriales, il poursuit son exploration évanescente des zones symboliques du capitalisme (quartiers d’affaires, zones commerciales…), révélant ce qu’elles ont de dédaléen, d’anxiogène et de mystique.

Peut-être

que la meilleure façon de faire l’expérience d’un lieu, c’est d’y suivre quelqu’un au hasard et de voir où ça nous mène. Les films de Virgil Vernier se vivent un peu comme ça : dans un vaste ensemble souvent circonscrit, on bascule d’un passant à un autre pour accompagner chacun dans son errance, et cette déambulation insuffle un sentiment trouble et complexe d’égarement, intensifié par le fait que l’on ne sait jamais si on est dans un documentaire ou dans une fiction.

Avec Joane et Lisa, les deux héroïnes de Mercuriales (2014), on se sentait intimidés par les tours jumelles de Bagnolet, que Vernier montrait comme l’incarnation du capitalisme contemporain tout en renvoyant en filigrane au dieu du commerce Mercure. Avec les touristes du court métrage Andorre (2013), on s’hypnotisait devant les folles lumières des tristes enseignes duty free. Aujourd’hui, dans Sophia Antipolis, Vernier déchire la carte postale d’une zone d’activité située près d’Antibes, tournée vers la recherche 42


VIRGIL VERNIER

un centre aquatique un peu toc… « Un décor façon Silicon Valley comme aime en produire notre époque mondialisée : purement utilitaire, pas convivial, où la voiture est reine. Malgré tout, il y a aussi un côté dépliant touristique, parce qu’on te vend le climat agréable, le fait que ce soit entre la Méditerranée, la montagne, et la forêt. On est en pleine lumière, sous un soleil de plus en plus menaçant, étouffant, choquant. » Un espace uniforme, fonctionnel et anonyme typique des films de Vernier qui promène sa caméra dans ce genre d’endroit, prétendument ouvert mais suffocant, finalement excluant – on se rappelle son génial court métrage documentaire Pandore (2010) dans lequel il filmait un videur abusant de son pouvoir devant la porte d’entrée d’une boîte de nuit. On vous promet la fête, mais vous ne pouvez pas rentrer.

Lilith Grasmug

scientifique et le tourisme, vantant les valeurs d’hédonisme et de progrès.

SOLEIL NOIR

« Quand j’étais enfant, ma grand-mère tenait un petit hôtel pas loin ; j’y passais toutes mes vacances. Quand elle venait me chercher à l’aéroport de Nice et que, sur l’autoroute, on passait devant le panneau Sophia Antipolis, j’imaginais une île antique bizarre redécouverte aujourd’hui », raconte Virgil Vernier. Dans son œuvre composée de courts, de moyens et de longs métrages, le cinéaste s’attache souvent à faire ressortir l’ampleur mythique, voire la religiosité, d’un lieu apparemment profane. Dans Orleans (2012), un concert electro pouvait être mis en parallèle avec une messe, ou un podium de strip-tease comparé implicitement au bûcher de Jeanne d’Arc, tout cela à la faveur d’un cut. Dans Sophia Antipolis, le cadre suburbain n’a rien a priori de très fantasmagorique : quelques Ibis Budget avec des chambres interchangeables et des salles de conférence vides, des bureaux atones,

DÉRIVES

Pas étonnant dès lors que Vernier ait choisi le fait divers pour investir la cité immaculée et sans identité de Sophia Antipolis. Avec cette histoire poisseuse de meurtre irrésolu liant une jeune fille souhaitant se refaire faire les seins, une mère en deuil ainsi qu’une veuve flirtant avec une secte, des agents de sécurité en ronde nocturne et une ado mystérieuse venant se recueillir à l’endroit du crime, le cinéaste rend d’autant plus manifeste le nuage mortifère qui plane sur cette cité où rien n’est censé dépasser. Si le thème de la cosmétique est introduit dès la première séquence du film, dans une clinique de chirurgie esthétique, c’est peut-être parce que la technopole, tournée vers l’avenir, tente de camoufler sa propre déliquescence, ses nécroses. Dans ces contes de la folie ordinaire, la violence archaïque la plus enfouie déborde insidieusement de l’hypermodernité. D’où peut-être l’idée de Vernier de frotter le contemporain aux légendes anciennes : dans Karine (2001), Thermidor (2009), Orleans et Sophia

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Devant le panneau Sophia Antipolis, j’imaginais une île antique bizarre redécouverte aujourd’hui.


VIRGIL VERNIER

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Bruck

« Je ne veux pas proposer une vérité bien rassurante avec laquelle on pourrait aller se coucher tranquille. » VIRGIL VERNIER Antipolis, les chevaliers, les châteaux, les talismans peuplent les secteurs les plus triviaux. Une atmosphère de fin des temps aussi, avec des feux qui brûlent de partout. Dans Sophia Antipolis, une femme croise le chemin d’un grand brûlé qu’elle a déjà vu en rêve ; un camp de migrants est réduit en cendres ; un lever de soleil flamboyant a lieu alors qu’en fond sonore est entonné un poème noir – façon cut-up à la William Burroughs – qui semble prier pour l’apocalypse, tandis que le corps de la jeune victime calcinée fait penser à une chasse aux sorcières, amenées au bûcher parce qu’elles dérangent. On tente d’enflammer tout ce qui sort d’un cadre policé, standardisé, créant sa propre violence. Où veut en venir Vernier : alerte ? prophétie ? invocation ? Impossible de répondre, mais on voit le monde prendre feu, terrifiés et subjugués. Désorientés, on évolue alors hébétés dans des ruines, certes ultra modernes, triviales. Les héros dérivent, délirent. Dans Thermidor (2009), c’est ce personnage de rockeur qui voue un culte à Louis XVI, ou dans Vega (2014), cette vieille femme dont on ne sait si elle déraille ou si elle rêve à voix haute. Dans Sophia Antipolis, les personnages s’agitent sans trop savoir où ils vont tandis que nous, spectateurs, tentons de trouver des échos

entre ces histoires de solitude discontinues, labyrinthiques. « Je ne veux pas proposer une vérité bien rassurante avec laquelle on pourrait aller se coucher tranquille », dit le cinéaste. En quête de sens, de refuges, ces protagonistes vacillant en viennent à prendre appui sur différents sanctuaires : chez un chirurgien esthétique reconnu, dans des réunions où l’on parle spiritualité, ou encore dans des stages quasi survivalistes. « Ces différents espaces ont en commun de promettre une nouvelle ère qui nous fascine tous », soutient Vernier, qui s’est immergé dans chacune de ces communautés pour nourrir son film et composer son casting. Le réalisateur dépeint ces milieux comme s’adonnant à des rituels étranges, des cérémonies d’intronisation dans des cercles de fortune, comme si ces gens cherchaient à renouer un lien perdu dans une zone d’effacement qui fait miroiter le futur, mais pas pour eux. • QUENTIN GROSSET

— : « Sophia Antipolis » de Virgil Vernier Shellac (1 h 38) Sortie le 31 octobre

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“UN DES FILMS LES PLUS EXCITANTS DE L’ANNÉE !” MARTIN SCORSESE

UN RÉALISME

UNE FABLE

MAGIQUE

POLITIQUE

AUDACIEUX

MERVEILLEUX

TRANSFUGE

LES INROCKUPTIBLES

TÉLÉRAMA

LE MONDE

AD VITAM présente

HEUREUX COMME UN FILM DE ALICE ROHRWACHER

ET LA PARTICIPATION DE

ADRIANO TARDIOLO LUCA CHIKOVANI ALBA ROHRWACHER AGNESE GRAZIANI TOMMASO RAGNO SERGI LOPEZ NATALINO BALASSO GALA OTHERO WINTER NICOLETTA BRASCHI T

Design : Pierre Collier / Benjamin Seznec • Photo : © 2018 Tempesta

LAZZARO FILMS PRODUCTIONS SA

Direzione Generale Cinema per il

7 NOVEMBRE


MICROSCOPE

BAISER LE FRONT, BAISER LA MAIN Comme le diable, le cinéma se loge dans les détails. Geste inattendu d’un acteur, couleur d’un décor, drapé d’une jupe sous l’effet du vent : chaque mois, de film en film, nous partons en quête de ces événements minuscules qui sont autant de brèches où s’engouffre l’émotion du spectateur. Ce mois-ci : des baisers moins chastes qu’on ne pourrait le croire dans Pickpocket de Robert Bresson.

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Le

drôle de chemin qu’il lui a fallu prendre : on le sait. La fin de Pickpocket est peut-être la scène la plus connue de toute l’œuvre de Bresson, et les mots de Michel, la musique de Lully, le « quelque chose » qui illumine la figure de Jeanne, tout émeut chaque fois comme la première. Serge Daney a expliqué pourquoi, avec une histoire de « points de capiton » empruntée à Lacan. « De temps en temps, disait-il, on enfonce un clou dans le mur pour que le film tienne – et le mur, c’est le public. Bresson, lui, ne “capitonne” qu’une fois par film, plutôt vers la fin, par exemple la dernière scène de Pickpocket. »* Mais qu’est-ce qui fait capiton ? La rédemption de Michel, la ride qui creuse son front entre les yeux et ramène sur le visage la fragilité qu’avait un peu masquée, dans le métro et jusqu’en Angleterre, l’illusion de sa maîtrise ? Lully à qui Bresson passe le relais de sa partition de bruits ? Le « quelque chose » sur le visage de Jeanne et qu’on a tôt fait de ranger en point d’orgue dans la description d’un chemin chrétien vers la grâce ? Ou les baisers : Michel qui, à travers la grille, embrasse deux fois le front de Jeanne et Jeanne qui rend le baiser à sa main ? À raconter seulement ces baisers, à dire que Michel baise le front de Jeanne et que Jeanne lui baise la main, on aurait à l’esprit des gestes pieux, encouragé par la chrétienté de Bresson et le scénario de rédemption. Mais sur le front de Jeanne, deux fois, ce n’est pas un baiser simplement déposé : la bouche de Michel s’attarde, se répand, se barbouille de la peau blanche qui s’offre à elle. Dans le carré minuscule par où la grille permet le baiser, les lèvres vont et viennent, le visage roule de gauche à droite, et gauche et droite encore, tout comme au commissariat on laisse aller et venir son

pouce pour faire une empreinte d’encre. Peut-être, d’ailleurs, est-ce là le geste véritable que dicte à Michel son inconscient, Michel qui voulait tant se faire prendre et dont Cocteau disait qu’il s’évanouit de joie au contact des menottes. Le baiser de Jeanne, sur la main de Michel, est un peu plus chaste mais lui aussi dure légèrement trop longtemps, et si Lully ne recouvrait pas tout, on entendrait sûrement Jeanne respirer à pleins poumons la peau du pickpocket. Le capiton, c’est l’empressement adolescent et maladroit de ces baisers, où vient finalement s’éteindre la souplesse froide de tous les gestes dont le film a fait collection. Et cet empressement, cette maladresse au moment de s’abandonner à la volupté, on les trouve ailleurs chez Bresson. C’est ainsi que Lancelot se jette sur Guenièvre dans Lancelot du Lac, ou Guy Frangin sur Dominique Sanda dans Une femme douce. On sait bien que Bresson, qu’on a dit si raide et janséniste, a fait en vérité le cinéma le plus sensuel qui soit. Quand Michel vole dans le métro, quand il couve ses victimes du regard et fait glisser leur portefeuille sans presque toucher leur manteau, il est lui-même le plus érotique des personnages, et en cela plus qu’aucun autre l’émissaire de Bresson. Or c’est souvent le drame des sensuels, de ne plus savoir quoi faire de leurs gestes quand leur désir bute sur le fait accompli. En s’apprenant à être pickpocket, Michel s’est appris à toucher tout le monde sans toucher personne. S’il voulait tant la prison, c’est peut-être qu’elle seule l’autorise à toucher enfin Jeanne, libéré parce qu’empêché par la grille érotique. « Pour aller jusqu’à toi, quel drôle de chemin il m’a fallu prendre » : c’est à Jeanne qu’il parle, mais à la grille qu’il pense en secret. • JÉRÔME MOMCILOVIC

* « Le cinéma a renoncé à la gestion de l’imaginaire social », entretien avec Serge Daney par Jean-Michel Frodon, publié dans Le Monde du 7 juillet 1992, repris dans La Maison cinéma et le Monde. IV. Le moment Traffic 1991-1992 (P.O.L, 2015)

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RETOURS AU

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GUY GILLES

Redécouvert

sur le tard, Guy Gilles (1938-1996) a traversé l’histoire du cinéma français en solitaire. Proche de la Nouvelle Vague à ses débuts (il a assisté Jacques Demy sur « La Luxure », sketch des Sept Péchés capitaux, film collectif sorti en 1962), il a aussi, dans les années 1970, fréquenté la bande des productions Diagonale (Paul Vecchiali, Marie-Claude Treilhou…), avant de tracer sa route hors des collectifs, signant une œuvre pleine de sensualité et de nostalgie, notamment pour l’Algérie où il est né et a grandi (L’Amour à la mer, 1965). L’idée d’errance en terre natale qui file dans ses films se retrouve dans les photographies du cinéaste, prises entre les années 1960 et 1990 sur les deux rives de la Méditerranée (Nice, Tunis, Tanger, Cherchell), d’où resurgissent ses souvenirs d’enfance et d’adolescence. Dénichées l’année dernière chez le cousin de Guy Gilles par deux jeunes gens passionnés – Mélanie Forret, qui prépare une thèse sur le cinéaste, et Renan Prévot, acteur vu notamment chez Yann Gonzalez –, ces images inédites sont présentées jusqu’en novembre dans l’exposition « Guy Gilles : exposé, paupières closes » à la galerie Patrick Gutknecht. Renan Prévot en commente pour nous quelques-unes. • JOSÉPHINE LEROY

Prise sur la jetée, Cherchell, 1964 « Cette jetée avec des enfants algériens rappelle Le Clair de terre (1970) ou Le Jardin qui bascule (1975). En regardant les planches-contacts, on se rend compte qu’il se promenait beaucoup et rencontrait tous ces enfants au hasard des rues. Et il faut regarder aussi le détail de l’image et cette personne qui est assise, derrière, et qui regarde au loin l’appareil. Il faisait très peu de prises, il était très instinctif. »

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PAYS


Hors-Propos, Nice, 1964 « C’est une photo qui a l’air minimaliste et qui en même temps, avec sa texture, sa forme, ce visage isolé au milieu de cette eau vaporeuse, renvoie à la photographie des années 1930. Guy Gilles adorait le cinéma dit de “qualité française”. Il avait d’ailleurs tourné un reportage génial pour France Télévisions, Où sont-elles donc ? [diffusé en 1983, ndlr], dans lequel il filmait, dans le hall d’un palace, des célébrités des années 1930 [Madeleine Sologne, Odette Joyeux, Marcelle Derrien, ndlr] qui avaient pris cinquante ans dans les jambes. »

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PORTFOLIO

Des barreaux à son regard, Tanger, 1993 « Il y a énormément de portraits d’adolescents dans ses photos. Il allait sur les plages, un peu à la manière de Pier Paolo Pasolini qu’il avait, je crois, rencontré avec l’équipe de Diagonale [en 1974 à Venise, Pasolini avait été si enthousiasmé par Femmes, femmes de Paul Vecchiali qu’il avait approché le réalisateur et engagé Hélène Surgère et Sonia Saviange, les deux actrices principales du film, pour Salò ou les 120 Journées de Sodome, ndlr]. On est presque dans un portrait cinéma avec ce regard frondeur. »

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Été algérien, Tunis, 1966 « C’est un portrait de Patrick Jouané [l’acteur fétiche et le grand amour de Guy Gilles, avec lequel il a tourné la plupart de ses longs métrages, ndlr]. Ce qui est beau, c’est la manière dont Jouané va évoluer à travers les films de Guy Gilles. Il va vieillir sous ses yeux. À ce titre, le plus beau film reste Nuit docile (1987) [Jouané y interprète le rôle d’un homme qui quitte subitement son épouse, ndlr]. »

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PORTFOLIO

Au bon souvenir de Roland Lesaffre, Tunis, 1962 « Dans cette image, les affiches de cinéma ont presque autant d’importance que Patrick Jouané. Il le fait d’ailleurs poser près de Roland Lesaffre [vu dans L’Air de Paris ou dans La Merveilleuse Visite de Marcel Carné, ndlr], un des premiers acteurs à avoir été estampillé gay. Quand Marcel Carné l’engageait dans ses films, on le lui reprochait… C’est plein de sens quand on connaît l’histoire personnelle de Guy Gilles. »

— : « Guy Gilles : exposé, paupières closes » jusqu’au 10 novembre à la galerie Patrick Gutknecht

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Jean-Michel Basquiat, Grillo (détail), 1984. Fondation Louis Vuitton. © Estate of Jean-Michel Basquiat. Licensed by Artestar, New York. Photo : © Fondation Louis Vuitton Marc Domage

Egon Schiele, Autoportrait debout avec un gilet au motif paon, 1911. Collection Ernst Ploil, Vienne

Expositions 3 octobre 2018 > 14 janvier 2019 J. M. Basquiat et E. Schiele, deux expositions organisées par la Fondation Louis Vuitton réservez sur : fondationlouisvuitton.fr et fnac.com | #FondationLouisVuitton | #SchieleFLV #BasquiatFLV |

8 avenue du Mahatma Gandhi, Bois de Boulogne, Paris




10 OCT. Girl de Lukas Dhont Diaphana (1 h 45) Pages 20 et 58

L’Amour flou de Romane Bohringer et Philippe Rebbot Rezo Films (1 h 37) Page 68

RBG de Betsy West et Julie Cohen L’Atelier (1 h 37) Page 76

Wine Calling Le vin se lève de Bruno Sauvard Urban (1 h 35) Page 78

Galveston de Mélanie Laurent Les Bookmakers / The Jokers (1 h 31) Page 78

The Predator de Shane Black 20 th Century Fox (1 h 47)

17 OCT.

Sans jamais le dire de Tereza Nvotová Burgos Films (1 h 28)

Lindy Lou Jurée no 2 de Florent Vassault JHR Films (1 h 24) Page 68

The House that Jack Built de Lars von Trier Les Films du Losange (2 h 35) Page 70

24 OCT.

Dilili à Paris de Michel Ocelot Mars Films (1 h 35) Page 76

Six Portraits XL d’Alain Cavalier Tamasa (1 h 44, 1 h 41 et 1 h 43) Page 60

Cold War de Paweł Pawlikowski Diaphana (1 h 27) Page 22

Domingo de Fellipe Barbosa et Clara Linhart Condor (1 h 28) Page 76

Capharnaüm de Nadine Labaki Gaumont (2 h 03) Page 62

Les Âmes mortes de Wang Bing Les Acacias (8 h 26) Page 72

Impulso d’Emílio Belmonte Jour2fête (1 h 25) Page 76

First Man Le premier homme sur la lune de Damien Chazelle Universal Pictures (2 h 20) Page 70

La Tendre Indifférence du monde d’Adilkhan Yerzhanov Arizona (1 h 39) Page 72

La Particule humaine de Semih Kaplanoğlu Sophie Dulac (2 h 08) Page 76

Le Procès contre Mandela et les autres de Nicolas Champeaux et Gilles Porte UFO (1 h 43) Page 78

Le Grand Bain de Gilles Lellouche StudioCanal (2 h 02) Page 74


7 NOV.

Halloween de David Gordon Green Universal Pictures (1 h 49) Page 78

Breaking Away de Peter Yates Théâtre du Temple (1 h 40) Page 64

Quién te cantará de Carlos Vermut Le Pacte (2 h 02) Page 78

Touch Me Not d’Adina Pintilie Nour Films (2 h 05) Page 74

High Life de Claire Denis Wild Bunch (1 h 50) Page 30

L’Envers d’une histoire de Mila Turajlić Survivance (1 h 40) Page 80

Le Grand Bal de Laetitia Carton Pyramide (1 h 39) Page 75

Un amour impossible de Catherine Corsini Le Pacte (2 h 15) Page 36

Jean-Christophe & Winnie de Marc Forster Walt Disney (1 h 44) Page 84

Bohemian Rhapsody de Bryan Singer 20 th Century Fox (2 h 14) Page 80

Samouni Road de Stefano Savona Jour2Fête (2 h 08) Page 66

People that Are Not Me de Hadas Ben Aroya Wayna Pitch (1 h 20)

Silvio et les Autres de Paolo Sorrentino Pathé (2 h 25) Page 80

Heureux comme Lazzaro d’Alice Rohrwacher Ad Vitam (2 h 07) Page 75

Ta mort en short(s) Collectif Folimage (52 min) Page 85

Kursk de Thomas Vinterberg EuropaCorp (1 h 57) Page 80

En liberté ! de Pierre Salvadori Memento Films (1 h 48) Page 38

Invasion de Shahram Mokri Damned (1 h 40)

Un homme pressé d’Hervé Mimran Gaumont (1 h 40) Page 80

Sophia Antipolis de Virgil Vernier Shellac (1 h 38) Page 40

Seule la vie… de Dan Fogelman Mars Films (1 h 58)

The Spy Gone North de Yoon Jong-bin Metropolitan FilmExport (2 h 21)

31 OCT.


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LES FILMS DU MOIS À LA LOUPE

GIRL

Lauréat de la Caméra d’or et de la Queer Palm au dernier Festival de Cannes, le Belge Lukas Dhont poursuit son exploration des corps (entamée avec ses courts métrages Corps perdu et L’Infini) dans ce premier long métrage lumineux sur une apprentie danseuse trans qui veut que la vie aille plus vite.

Lukas

Dhont plonge sa protagoniste, Lara (délicat Victor Polster, voir notre portrait p. 20), 15 ans, dans l’univers du ballet, un milieu qui se fait une idée très arrêtée des corps, entre canons de beauté et vision figée de ce que doivent être la masculinité et la féminité. Tout en travaillant très dur, s’épuisant littéralement pour accomplir son rêve de devenir danseuse étoile, Lara fait tout pour que l’opération visant à mettre son corps en accord avec son genre ait lieu rapidement… S’il n’évite pas certains écueils sur la représentation de la transidentité (Polster est top, mais on regrette que le rôle d’une personne trans soit une fois de plus confié à une personne cisgenre ; une séquence vers la fin du film est un peu trop sensationnaliste), le film vaut d’abord parce qu’il montre finalement ce qu’on a peu vu au cinéma jusqu’ici : avec beaucoup d’amour et de chaleur, sans drame, une famille accompagne une adolescente dans sa transition. Dans cette partie qui prend la forme d’un portrait doux et plein d’empathie (Lara est de tous les plans, et Dhont parvient avec subtilité à coller à ses


FILMS

© KRIS DEWITTE

3 QUESTIONS À LUKAS DHONT

émotions), les plus belles séquences sont celles qui mettent en scène Lara avec son père (Arieh Worthalter) et son petit frère dans des instants de cohésion qui sont à la fois d’une grande simplicité et parfaitement émouvants. Lukas Dhont sait y insuffler une sensibilité et une suavité qui rappellent parfois le cinéma de Céline Sciamma. Mais ce cocon ouaté a un sombre contrepoint. Discipline éreintante, transphobie brutale… À travers le corps de Lara, contre lequel vient se cogner toute la violence de son école de danse, microcosme ultra compétitif montré de manière clinique, Lukas Dhont révèle dans leur démesure les normes qui voudraient modeler, conformer, mais qui étouffent et abîment ; elles sont ici d’autant plus exacerbées que son héroïne est à la fois ado et trans. Lors des sessions d’entraînement, le cinéaste masque les moments de faiblesse et filme son visage le plus souvent impassible, avec le regard droit, digne et concentré. C’est cette ténacité à s’affirmer, à refuser de laisser son identité s’effacer, que l’on n’oubliera pas. • QUENTIN GROSSET

Pourquoi avoir inscrit votre film dans le milieu de la danse classique ? Quand j’ai commencé à écrire le scénario, je suis allé dans une école de danse. J’ai observé ces jeunes pendant environ trois mois. Ce qui m’a touché immédiatement, c’est que, comme ils savent déjà ce qu’ils veulent professionnellement, ils sont très durs avec eux-mêmes, ils ont une vraie discipline et ils se regardent constamment dans le miroir. Je voulais parler des rapports complexes qu’on peut entretenir avec son propre corps, et aussi avec celui des autres. Pour ce qui est de la représentation du corps, quels cinéastes vous inspirent ? Darren Aronofsky est très important pour moi. Il a bien sûr lui aussi mis en scène une danseuse poussée à bout dans Black Swan (2010) mais, au-delà de ce film, il a une manière d’aborder le corps souffrant – notamment dans The Wrestler (2009) – que je trouve vraiment pertinente… Sinon, j’apprécie aussi Shame (2011) de Steve McQueen, qui montre avec une radicalité très crue un corps dans tout ce qu’il peut avoir de mécanique, presque délesté d’intimité. Vous avez rencontré des personnes trans avant d’écrire le scénario. Quelles questions leur avez-vous posées ? Dans un journal belge en 2009, j’ai lu cette histoire d’une femme trans qui voulait devenir danseuse étoile. Ce qui m’intéressait, c’était de savoir comment elle était dans la vie, comment elle vivait avec le regard pas forcément bienveillant des autres, de la société qui fait croire que sexe et genre sont forcément combinés – alors que des gens comme l’essayiste Judith Butler, qui a écrit sur le caractère performatif du genre, ont bien montré que c’est plus complexe.

— : de Lukas Dhont Diaphana (1 h 45) Sortie le 10 octobre

— 59


FILMS

SIX PORTRAITS XL

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Dans

ces six portraits documentaires, Alain Cavalier filme en toute discrétion et avec une infinie délicatesse des fragments de vie de personnages hauts en couleur. Alain Cavalier, dont les films, depuis une quarantaine d’années, se situent au croisement du documentaire, de l’autofiction et de la fiction (Thérèse, Pater, Le Filmeur, Irène, Le Paradis…), renoue avec le dispositif mis en place de 1987 à 1991 dans ses 24 portraits – il y suivait des femmes qui travaillaient manuellement, d’une matelassière à la romancière Beatrix Beck. Ces six nouveaux portraits d’une cinquantaine de minutes, qui sortent par paires, mettent souvent la main sur des moments charnières. Ainsi découvre-t-on Léon le cordonnier, vedette de son quartier au caractère bien trempé, alors qu’il ferme sa boutique, ouverte depuis 1945, en 2006. Ou encore Guillaume, boulanger parisien qui rachète un commerce à Rueil-Malmaison (et se chamaille toujours avec sa compagne). Entre 1995 et 2009, Cavalier est allé dans la vieille bâtisse familiale de son amie Jacquotte, restée identique depuis son enfance et qu’elle revisite chaque été avec nostalgie, jusqu’à sa transformation en appartements. Daniel, vieil ami du cinéaste accro aux jeux à gratter

et rongé par des T.O.C., repense quant à lui à sa carrière de cinéaste avortée. Le journaliste Philippe Labro, lui, enchaîne trois interviews à la suite avec le même appétit qu’à ses débuts. Bernard Crombey, enfin, comédien vu chez Cavalier (Le Plein de super, 1976), joue pendant près de dix ans la même pièce, qu’il a montée. Dans chaque portrait, le cinéaste prend soin de laisser des apparitions furtives qui ne manquent pas de sel (comme cette cliente qui sort, hors champ, une blague graveleuse au cordonnier Léon). Avec ses ficelles à lui (des gros plans sur les mains cabossées du touchant cordonnier ou sur celles de Guillaume, émerveillé comme au premier jour par l’émulsion d’une ganache), Cavalier s’empare des passions et obsessions de ses modèles et coud sur mesure des portraits poétiques qui saisissent, l’air de rien, des mutations contemporaines profondes (la disparition des petits commerces, la crise du logement…). Reste le sentiment étrange d’avoir tissé une complicité avec ce beau monde par-delà l’écran. • JOSÉPHINE LEROY

Des portraits qui saisissent, l’air de rien, des mutations profondes.

— : d’Alain Cavalier Tamasa (1 h 44, 1 h 41 et 1 h 43) Sortie le 17 octobre

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FILMS

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CAPHARNAÜM

Après

Caramel et Et maintenant, on va où ?, Nadine Labaki change de registre avec ce terrassant mélodrame, Prix du jury à Cannes, qui expose les mésaventures, à Beyrouth, d’un enfant pauvre en révolte contre les adultes. Partant d’une idée foncièrement originale (un enfant de 12 ans intente un procès à ses parents à qui il reproche de l’avoir mis au monde alors qu’ils n’avaient pas les moyens de l’élever), le troisième long métrage de Nadine Labaki prend sa source dans la réalité crue des quartiers miséreux de Beyrouth, observée par le biais du cinéma mélodramatique (le parcours du combattant du jeune héros fait songer au Kid de Charlie Chaplin ou au Voleur de bicyclette de Vittorio De Sica). Le projet a donc ceci d’audacieux qu’il traite de préoccupations contemporaines – l’enfance maltraitée, la violence subie par les immigrés, l’exploitation des femmes éthiopiennes au Liban – en recourant à

un genre cinématographique qui pourrait sembler désuet. Mais c’est précisément de ces paradoxes que Capharnaüm tire sa puissance émotionnelle. Construit en forme de flash-back depuis le procès, le film atteint, au milieu du chaos généralisé, une absolue limpidité, notamment lors de la partie qui voit l’enfant et un bébé tenter de survivre ensemble dans la jungle urbaine. Ce segment justifie à lui seul la démarche de Nadine Labaki, qui filme des comédiens amateurs afin de donner vie à sa représentation symbolique de l’humanité bafouée. Plusieurs images demeurent ainsi inoubliables, à commencer par le visage éploré de cet enfant qui crie sa rage à la face du monde. • DAMIEN LEBLANC

— : de Nadine Labaki

Gaumont (2 h 03) Sortie le 17 octobre

3 QUESTIONS À NADINE LABAKI PAR Q. G. Les enfants avaient-ils en tête leur vécu difficile lorsqu’ils jouaient ? Oui. Zain, qui contrairement à son personnage a des parents aimants, était conscient du message qu’il était en train de transmettre, et d’être le porte-parole de ces enfants qui vivent l’injustice. Lorsqu’il dit que la vie est pire que sa semelle de chaussure, ce sont ses mots.

Quels questionnements éthiques s’imposent quand on filme la misère ? Je devais décider ce que je me permettais ou non de filmer. Par exemple, je n’ai pas montré de viol d’enfant – et pourtant ça existe. Il faut se demander ce qu’on fait vivre aux jeunes acteurs. Je faisais attention à ce que Zain soit conscient de ce qu’il portait en tant que comédien. 62

Aujourd’hui, que deviennent les enfants qui jouent dans le film ? On se voit souvent. Avec Zain, on reste très proches. Lui qui rêvait de voyages, il va être accueilli avec toute sa famille en Norvège. Il pourra aller à l’école. On continue bien sûr de suivre les autres enfants, on essaye de trouver des solutions pour qu’ils puissent étudier eux aussi.


APRÈS CASA GRANDE ET GABRIEL ET LA MONTAGNE

GIORNATE DEGLI AUTORI

FESTIVAL DE VENISE 2018

ˮUN PORTRAIT IRONIQUE DE L’ARISTOCRATIE BRÉSILIENNE AU LENDEMAIN DE L’ÉLECTION DE LULA.ˮ CINEUROPA

UN FILM DE

CLARA LINHART ET FELLIPE BARBOSA REPÚBLICA PUREZA, GAMAROSA et DAMNED FILMS présentent ‘DOMINGO’ avec ÍTALA NANDI CAMILA MORGADO AUGUSTO MADEIRA MARTHA NOWILL MICHAEL WAHRMANN ISMAEL CANEPPELE SILVANA SILVIA CLEMENTE VISCAÍNO CHAY SUEDE MANU MORELLI MARIA VITÓRIA VALENÇA JOÃO PEDRO PRATES FRANCESCO FOCHESATO CECÍLIA SOARES DONALD MARSHALL JOÃO HENRIQUE DOMINGUES Production MARCELLO LUDWIG MAIA YOHANN CORNU en coproduction avec ARTE FRANCE CINÉMA CANAL BRASIL et GLOBO FILMES avec la participation de ARTE FRANCE Producteur associé CARLOS DIEGUES Scénario LUCAS PARAIZO Image LOUISE BOTKAY Montage et montage son WALDIR XAVIER Son PEDRO SÁ EARP Production exécutive PIMENTA JR Décors RAFAEL FAUSTINI Costumes PAULA STRÖHER Maquillage ANA THORELLY Casting SIMONE BUTTELLI Gaffer MÁRCIO LUIZ MAGRINHO Machinerie DJALMA REIS DE CARVALHO Étalonnage CHRISTOPHE BOUSQUET Mixage MÉLISSA PETITJEAN Coordination de projet GISELLA CARDOSO Controller MARQUINHOS MENDONÇA Réalisation CLARA LINHART et FELLIPE BARBOSA Ventes internationales FILMS BOUTIQUE Distribution CONDOR ENTERTAINMENT - DAMNED FILMS

SORTIE LE 10 OCTOBRE


FILMS

ZOOM

ZOOM

BREAKING AWAY

Sorti

aux derniers feux des années 1970, Breaking Away de Peter Yates (Bullitt, Les Copains d’Eddie Coyle) est aussi peu connu ici qu’il fut acclamé aux États-Unis : sa ressortie répare une demi-injustice. On ne connaît que trop le portrait que l’Amérique fit de ses jeunes durant les années 1980 (John Hughes, classes moyennes, affaires pavillonnaires de cœur). On connaît bien celui qu’elle en fit dans les années 1950 (invention de la jeunesse, vitesse et blousons noirs, live fast and die young). Entre les deux, il nous reste à découvrir un certain tableau de la jeunesse américaine des seventies, tableau souvent sombre, à tout le moins lourdement mélancolique, d’autant plus passionnant qu’on y conjugue un double flottement. Flottement d’un âge qui trouve à s’y définir entièrement, dans l’indécision qui le tient à distance égale de l’enfance et de la maturité (c’est tout l’enjeu du teen movie), mais aussi flottement d’une décennie notoirement crépusculaire, entre l’insouciance de l’après-guerre et la grande restauration reaganienne. Le monde qui s’éteint dans Breaking Away n’est pas tant celui insouciant

des sixties (pour cela, il faudra ressortir le tout aussi beau Big Wednesday de John Milius) que celui de la classe ouvrière. Mike, Cyril, Moocher et Dave avancent à reculons dans la vie sans promesses que leur réserve l’après-lycée, tuent le temps en se baignant dans une carrière abandonnée, jouent des poings quand d’autres, mieux nés qu’eux, les regardent d’un peu trop haut. Parmi les quatre, Dave, superbe personnage, pédale aussi vite qu’il peut sur le vélo qui lui donne sa seule passion, et rêve tellement d’ailleurs qu’il se met à parler italien, se préférant ragazzo plutôt que prolo de l’Indiana. Il n’est pas le seul à rêver d’Europe. Ce portrait doux-amer du prolétariat des champs, s’il est solidement ancré dans une americana crasseuse, n’en a pas moins de faux airs de Free Cinema, et frôle parfois le désespoir de classe d’un Fassbinder (Le Droit du plus fort, cinq ans plus tôt) ou du Verhoeven hollandais (Spetters, un an après). • JÉRÔME MOMCILOVIC

Dave rêve tellement d’ailleurs qu’il se met à parler italien.

— : de Peter Yates

Théâtre du Temple (1 h 40) Sortie le 31 octobre

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DORA BOUCHOUCHA FOURATI, JEAN PIERRE ET LUC DARDENNE ET NADIM CHEIKHROUHA PRÉSENTENT

UN FILM DE

MOHAMED BEN ATTIA

AU CINÉMA LE 14 NOVEMBRE

Design: Benjamin Seznec / TROÏKA

MOHAMED DHRIF MOUNA MEJRI ZAKARIA BEN AYED IMEN CHERIF TAYLAN MINTAS TARIK COPTI


FILMS

ZOOM ZOOM

SAMOUNI ROAD

Dans

une banlieue rurale de Gaza, l’Italien Stefano Savona (Tahrir. Place de la Libération, 2012) filme le quotidien d’une famille décimée en 2009 par les frappes de l’armée israélienne. En mélangeant prises de vues documentaires et séquences animées, le cinéaste, archéologue de formation, tente d’exhumer les souvenirs des survivants. Alors qu’il est présent dans la bande de Gaza début 2009 pour documenter l’opération Plomb durci (dont il tirera un film du même nom), le documentariste italien Stefano Savona fait la rencontre des Samouni, une grande famille de paysans qui vient de perdre vingt-neuf de ses membres dans le conflit, en majorité des femmes et des enfants. Dans leurs maisons en ruine et leurs champs d’oliviers détruits, il enregistre les témoignages et le quotidien des survivants puis retourne sur place, un an plus tard, quand il apprend qu’un

mariage se prépare malgré la tragédie. Aux édifiantes images documentaires prises à ces deux occasions, le film mêle de sublimes animations – dont le noir et blanc rappelle la gravure – qui lui permettent de reconstruire une mémoire éclatée. S’appuyant notamment sur le regard de la jeune Amal, orpheline d’une dizaine d’années elle-même gravement blessée lors de l’attaque, ces séquences reconstituent les événements, mais aussi la vie d’avant – presque paisible, définitivement perdue. Cette narration à la forme fragmentée permet à Savona d’atteindre, avec un mélange de rigueur archéologique et de grande sensibilité, une vérité profonde et complexe. • HILÀRIO MATIAS DA COSTA

— : de Stefano Savona

Jour2Fête (2 h 08) Sortie le 7 novembre

3 QUESTIONS À STEFANO SAVONA Pourquoi ce mélange entre documentaire et reconstitution animée ? Je me suis rendu compte qu’on racontait une tragédie, mais qu’on n’en avait pas connu les protagonistes. L’animation était la seule manière de reconstruire ce passé, à partir des données réelles. La jeune Amal m’a dit ne « pas savoir raconter » : c’est au cinéma de le faire.

Votre formation d’archéologue influence-t-elle votre approche documentaire ? Oui, et surtout pour ce film : il fallait reconstruire à partir de ruines. En général, le cinéma documentaire, c’est de l’archéologie ; il y a un emprunt d’une matière qu’il faut réanimer. Restaurer les instants de vie, c’est comme si on réunissait les morceaux d’un vase cassé. 66

Pourquoi, en tant qu’Italien, s’intéresser aux conflits de cette région ? D’abord parce que j’ai étudié ce sujet. Mais c’est aussi un avantage : quand tu es israélien ou palestinien, tu es directement impliqué, et je trouve que ça fausse l’aspect documentaire. Je suis moi aussi subjectif, mais je pense que la réalité est plus profonde que les opinions.


©CARACTÈRES

14 novembre PEPITO PRODUZIONI ET RAI CINEMA PRÉSENTENT « FRÈRES DE SANG » AVEC ANDREA CARPENZANO MATTEO OLIVETTI MILENA MANCINI MAX TORTORA GIORDANO DE PLANO MICHELA DE ROSSI WALTER TOSCHI PARTICIPATIONET DELA LUCA ZINGARETTI SCÉNARIODES FRÈRES D’INNOCENZO CASTING GABRIELLA GIANNATTASIO DAVIDE ZUROLO DÉCORS PAOLO BONFINI COSTUMES MASSIMO CANTINI PARRINI SON MARICETTA LOMBARDO MONTAGE MARCO SPOLETINI MUSIQUE TONI BRUNA IMAGE PAOLO CARNERA PRODUCTEUR PRODUIT RÉALISÉ DÉLÉGUÉ IVAN D’AMBROSIO PAR AGOSTINO, MARIA GRAZIA ET GIUSEPPE SACCÀ PAR LES FRÈRES D’INNOCENZO A MADE IN ITALY PROJECT WITH THE SUPPORT OF THE MINISTRY OF CULTURAL HERITAGE AND ACTIVITIES AND TOURISM IN COLLABORATION WITH ISTITUTO LUCE CINECITTÀ AND ANICA


FILMS

L’AMOUR FLOU

— : de Romane Bohringer et Philippe Rebbot Rezo Films (1 h 37) Sortie le 10 octobre

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Romane

Bohringer et Philippe Rebbot signent une comédie du démariage aux allures de facétieuse autofiction. Quelques mois après son émouvante apparition dans Un couteau dans le cœur de Yann Gonzalez, la comédienne nous surprend encore avec ce premier long métrage coréalisé avec son ex-compagnon, lui aussi acteur. L’ouverture fait craindre le pire : gros plan sur une photo du couple enlacé puis sur leur progéniture endormie, tandis que les noms de toute la petite famille défilent au générique. Sauf que, très vite, cette image d’Épinal vole en éclats : ces deux-là viennent de rompre et s’apprêtent à emménager dans des appartements séparés qui communiquent par la chambre des enfants. Le charme du film tient au fait que ses auteurs s’inspirent d’une histoire personnelle peu banale pour la tirer résolument du côté de la farce la plus débridée, entre scènes de ménage décapantes et rencontres loufoques – la députée Clémentine Autain dans son propre rôle, Reda Kateb en meilleur ami des chiens. Sans prétention mais avec une belle autodérision, Rebbot et Bohringer ont échafaudé un attachant home movie. • JULIEN DOKHAN

LINDY LOU. JURÉE NO 2

— : de Florent Vassault JHR Films (1 h 24) Sortie le 10 octobre

Lindy

Lou a participé, il y a vingt-deux ans, à un procès au terme duquel le jury dont elle faisait partie s’est prononcé pour la peine de mort. Rongée par la culpabilité, la vieille dame décide de partir à la rencontre des onze autres jurés au volant de sa voiture. Ce road movie documentaire de Florent Vassault (Honk, 2011) esquive le sensationnalisme du film de procès (l’affaire de double meurtre reste au second plan) pour se focaliser sur le cheminement intérieur de son héroïne – il lui aura fallu condamner un homme à l’injection létale pour ressentir le scandale de la peine capitale. Le malaise moral de Lindy n’a rien d’évident dans cet État du Mississippi en pleine Bible Belt blanche, bigote et pro-peine de mort. Si sa compassion pour le condamné plutôt que pour les victimes suscite l’incompréhension de son entourage (d’autant qu’elle a ensuite eu le culot de se lier d’amitié avec lui), ses visites aux jurés libèrent une parole enfouie, diverse, parfois poignante. Plus qu’un tract politique, le film enregistre avec intelligence et modestie le mouvement lent et contradictoire d’une pensée collective dans l’Amérique de Trump. • ÉRIC VERNAY

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#ExpoMadagascar

www.quaibranly.fr

Exposition jusqu’au 01 / 01 / 19

Poteau funéraire, Jean-Jacques Efiaimbelo, D.R. / Poteaux funéraires © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Léo Delafontaine, Claude Germain


FILMS

FIRST MAN. LE PREMIER HOMME SUR LA LUNE — : de Damien Chazelle

Universal Pictures (2 h 20) Sortie le 17 octobre

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Après

en avoir fait un simili-Fred Astaire dans La La Land (2017), Damien Chazelle met Ryan Gosling dans la peau de Neil Armstrong et cherche ce qui se cache derrière le casque de l’astronaute et son visage impassible. « Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’humanité. » De la formule archi célèbre prononcée par Armstrong en posant le pied sur la lune, le jeune cinéaste américain semble prendre le contrepied – ce serait ainsi un drame intime (la perte d’un enfant) qui aurait conduit l’astronaute à repousser les limites humaines pour se projeter au plus loin dans les cieux. Le fameux visage dénué d’expression de Gosling est ici mis à l’épreuve des expériences gravitationnelles les plus déformantes (avions, centrifugeuses, fusées et autres capsules spatiales) pour mieux montrer que son personnage n’est atteint que par une chose : les liens affectifs avec ses proches. Mettant sur le même plan scènes familiales et performances spatiales, Chazelle creuse le même questionnement depuis Whiplash (2014) : la réussite doit-elle passer par le sacrifice ? Ici, elle est en tout cas aussi impressionnante que teintée de spleen. • TIMÉ ZOPPÉ

THE HOUSE THAT JACK BUILT

— : de Lars von Trier Les Films du Losange (2 h 35) Sortie le 17 octobre

Lars

von Trier, après avoir exploré la vie sexuelle d’une femme dans Nymphomaniac, se penche cette fois sur le parcours criminel d’un tueur en série. D’un film à l’autre, Éros s’efface au profit de Thanatos, et Charlotte Gainsbourg laisse sa place à un Matt Dillon habité et fascinant. Mais le mode narratif, d’inspiration psychanalytique, est similaire. La mise à nu du protagoniste prend la forme d’une confession faite à un vieil homme (ici, Bruno Ganz et sa voix sépulcrale), illustrée par les épisodes les plus saillants, et en l’occurrence les plus saignants, de son existence. Il est tentant de voir, dans cette plongée à l’intérieur du cerveau malade d’un esthète, l’autoportrait du cinéaste expert en transgressions. Mais au-delà des provocations (extrême brutalité des scènes de meurtre, clins d’œil et autocitations de l’incorrigible Danois), on admire la puissance des trouvailles visuelles (le final étourdissant) et un talent unique de raconteur d’histoire – l’émotion quasi enfantine qui étreint le spectateur à chaque ouverture de chapitre n’est pas un frisson d’horreur, mais bien de plaisir cinéphile. • JULIEN DOKHAN

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Picofilms, Dugong Films, Alter Ego Production et Jour2Fête présentent

L’ŒIL D’OR

DU MEILLEUR DOCUMENTAIRE Festival de Cannes 2018

SAMOUNI ROAD SAVONA

PICOFILMS DUGONG FILMS ALTER EGO PRODUCTION ARTE FRANCE CINÉMA RAI CINEMA PRÉSENTENT SAMOUNI ROAD RÉALISATION UN FILM DE STEFANO SAVONA IMAGE, SON STEFANO SAVONA DIRECTEUR ARTISTIQUE DE L’ANIMATION SIMONE MASSI SCÉNARIO STEFANO SAVONA LÉA MYSIUS PENELOPE BORTOLUZZI MONTAGE MONTAGE LUC FORVEILLE SON JEAN MALLET MARGOT TESTEMALE MIXAGE JEAN MALLET PRODUIT MUSIQUE GIULIA TAGLIAVIA PAR PENELOPE BORTOLUZZI MARCO ALESSI CÉCILE LESTRADE UNE EN COPRODUCTION COPRODUCTION PICOFILMS DUGONG FILMS ALTER EGO PRODUCTION AVEC ARTE FRANCE CINÉMA RAI CINEMA AVEC LA AVEC LE PARTICIPATION DE ARTE FRANCE SOUTIEN DE EURIMAGES CNC CICLIC RÉGION CENTRE-VAL DE LOIRE RÉGION ÎLE-DE-FRANCE MIBACT MARCHE FILM COMMISSION CINETECA DI BOLOGNA TRENTINO FILM COMMISSION REGIONE LAZIO AVEC LA COLLABORATION DE LUCA ROSSI ET DE FONDAZIONE PIANOTERRA ONLUS

.

Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

AU CINÉMA LE 7 NOVEMBRE

Design graphique :

UN FILM DE STEFANO


FILMS

LA TENDRE INDIFFÉRENCE DU MONDE — : d’Adilkhan Yerzhanov

Arizona (1 h 39) Sortie le 24 octobre

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Dans

un pays lointain, il était une fois un paysan amoureux d’une princesse. Comme le père de la belle s’était fait assassiner par la mafia, laissant derrière lui des montagnes de dettes, on l’envoya épouser un notable de la ville. Le paysan décida de l’accompagner pour assurer ses arrières et tenter, peut-être, de conquérir son cœur… Pour son sixième long métrage (mais le premier distribué en France), le Kazakh Adilkhan Yerzhanov adopte la forme du conte pour distiller ses obsessions d’esthète : Albert Camus (le titre tiré de L’Étranger), Vincent Van Gogh (un clin d’œil hilarant aux Moissonneurs), Sergueï Paradjanov (les plans composés comme des tableaux), et surtout Takeshi Kitano, qu’il cite sans arrêt (de Jugatsu à Hana-bi) et dont il partage le goût pour le mélo taiseux, la satire au ralenti et les brèves éruptions de violence. Un conte bien éloigné des origines, adapté à la culture du remix, mais un conte quand même, plein de rebondissements, de personnages pittoresques et d’élans chevaleresques. Un conte frappé par la fatalité, et dont la morale ne peut être que mélancolique. • MICHAËL PATIN

LES ÂMES MORTES

— : de Wang Bing Les Acacias (8 h 26) Sortie le 24 octobre

Rarement

une œuvre de cinéaste aura, comme celle de Wang Bing, si patiemment travaillé à sauvegarder la mémoire d’un peuple. Depuis son chef-d’œuvre inaugural, À l’ouest des rails (sur le démantèlement d’un site industriel colossal, sorti en France en 2004), jusqu’à ce nouveau documentaire, les films de cet infatigable archiviste explorent les marges et les fosses de la Chine à la recherche des fantômes qui la surpeuplent. Dans Les Âmes mortes, à travers les témoignages d’une poignée de rescapés, le documentariste retrace l’épisode méconnu des camps de rééducation par le travail de Jiabiangou et de Mingshui dans les années 1950, en plein désert de Gobi, où gisent encore les ossements de milliers d’intellectuels suspectés à tort par le régime maoïste d’avoir eu des idées d’ultradroite. On y voit les frères et les femmes des victimes évoquer non seulement leurs conditions de détention, mais surtout qui ils étaient. Si bien qu’il ne faut pas moins de huit heures à ce film exigeant pour faire son office, laissant les descriptions s’épancher, comme si chaque parole rendait un peu de durée à ces vies interrompues trop tôt auxquelles Wang Bing offre ici une belle sépulture. • ADRIEN DÉNOUETTE

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SO PH I E

D U L A C

D I STRIBU TION

PRÉSENTE

Après

RÉCRÉATIONS et LE CONCOURS

PREMIÈRES SOLITUDES UN FILM DE

© ILLUSTRATION : JUDITH FRAGGI

CLAIRE SIMON

AVEC ANAÏS, CATIA, CLÉMENT, ELIA, LISA, HUGO, JUDITH, MANON, MÉLODIE, TESSA, STÉPHANIE PASQUET ET SARAH LOGEREAU SOPHIE DULAC PRODUCTIONS EN COPRODUCTION AVEC CARTHAGE FILMS RÉALISÉ À L’INVITATION DE LA VILLE D’IVRY-SUR-SEINE DANS LE CADRE DU PARTENARIAT PÉDAGOGIQUE ENTRE LE LYCÉE ROMAIN ROLLAND ET LE CINÉMA MUNICIPAL LE LUXY FONDS D’AIDE À L’INNOVATION AUDIOVISUELLE ET DE L’AVANCE SUR RECETTES - CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE, RÉGION ÎLE-DE-FRANCE, MAIRIE D’IVRY-SUR-SEINE, GAGO CULTURAL – HONGWEI WANG CONSULTANTE EN FINANCEMENT KE MA - YILISOO IMAGE CLAIRE SIMON MONTAGE IMAGE CLAIRE SIMON, LUC FORVEILLE, LÉA MASSON MONTAGE SON VIRGILE VAN GINNEKEN MIXAGE NATHALIE VIDAL ÉTALONNAGE GADIEL BENDELAC VENTES INTERNATIONALES WIDE HOUSE DISTRIBUTION VIDÉO BLAQ OUT - UNIVERSCINÉ PRODUCTION EXÉCUTIVE ALICE ORMIÈRES COPRODUCTEURS AURÉLIEN PY, LAZARE GOUSSEAU PRODUCTEURS SOPHIE DULAC, MICHEL ZANA RÉALISÉ PAR CLAIRE SIMON UNE PRODUCTION

AVEC LE SOUTIEN DU

© 2018 – SOPHIE DULAC PRODUCTIONS – CARTHAGE FILMS

#PremieresSolitudes

www.sddistribution.fr

AU CINEMA LE 14 NOVEMBRE


FILMS

LE GRAND BAIN

— : de Gilles Lellouche StudioCanal (2 h 02) Sortie le 24 octobre

ZOOM ZOOM

Pour

son premier film tout seul derrière la caméra, après avoir coréalisé Narco (2004) avec Tristan Aurouet et le film à sketches Les Infidèles (2012), Gilles Lellouche continue son étude sur les hommes en crise avec cette fois un portrait à plusieurs entrées. Ce qui rassemble sa bande de pieds nickelés de luxe (Mathieu Amalric, Guillaume Canet, Philippe Katerine, Jean-Hugues Anglade et Benoît Poelvoorde), c’est la natation synchronisée. Coachés par deux sœurs de cœur devenues ennemies (jouées avec colère et justesse par Virginie Efira et Leïla Bekhti), ces hommes qui touchent le fond tentent de lever le pied sur les anxiolytiques grâce à l’amitié improbable qui se noue dans le chlore de la piscine et qui les mènera jusqu’à une compétition internationale. Musique eighties, répliques culte et allure pépère rythment Le Grand Bain, qui pourrait tendre vers du Toledano-Nakache, la déprime en plus. Sous le bonnet de bain, cette comédie met en exergue une masculinité en question et une pression sociale qu’il est parfois nécessaire de noyer pour mieux respirer. • PERRINE QUENNESSON

TOUCH ME NOT

— : d’Adina Pintilie Nour Films (2 h 05) Sortie le 31 octobre

Les

frontières du corps et du désir sont mouvantes dans cet ovni expérimental réalisé par la Roumaine Adina Pintilie et récompensé par l’Ours d’or à la dernière Berlinale. Inspiré par le vécu des acteurs (professionnels ou non), Touch Me Not déploie une galerie de personnages complexes. Dans ce qui ressemble à une clinique, et sous une lumière blanche agressive, le timide Tómas, dont tous les poils du corps sont tombés à l’adolescence, et Christian, un handicapé atteint d’atrophie musculaire qui lui confie ses pratiques sexuelles, se lient d’amitié lors d’une thérapie d’initiation au toucher. Laura, elle, est rétive aux contacts physiques. Entre autres rencontres (notamment un coach qui l’incite à crier pour exprimer sa colère), Hanna (une escort trans qui libère sa féminité par son travail) l’aide à décrypter ses blocages dans un appartement sans âme. Si ses images sont parfois crues, Pintilie pointe nos propres limites et aborde le corps – dans la scène d’ouverture, la caméra longe lentement et en très gros plan celui d’un homme nu – comme une exploratrice qui découvre un territoire secret. • JOSÉPHINE LEROY

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FILMS

LE GRAND BAL

— : de Laetitia Carton Pyramide (1 h 39) Sortie le 31 octobre

Carton filme avec une ferveur communicative des amateurs de danses traditionnelles réunis le temps d’un festival dans l’Allier. Deux ans après un long métrage sur la langue des signes (J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd), la cinéaste s’intéresse encore à des êtres qui s’expriment avec leur corps. Pendant une semaine, hommes et femmes de tous âges, répartis sous plusieurs chapiteaux, s’adonnent à leur passion pour la mazurka ou la bourrée. Si Carton, elle-même adepte, relie cette pratique à des souvenirs d’enfance, son documentaire, dans lequel alternent scènes de danse et conversations entre participants, évite tout passéisme. Telle une vague qui ondule, cette foule sentimentale rassemblée sur la piste (« un des rares espaces où l’on se touche », note la voix off) ne se tient pas à l’écart des débats contemporains : on prône l’ouverture à la culture de l’autre, on réfléchit à la notion de consentement entre partenaires… Le Grand Bal fait ainsi l’éloge d’une communauté utopique et éphémère, celle que forment des individus en mouvement, dont le mot d’ordre pourrait être : jour et nuit debout ! • JULIEN DOKHAN

HEUREUX COMME LAZZARO

— : d’Alice Rohrwacher Ad Vitam (2 h 07) Sortie le 7 novembre

Dans

le hameau italien de l’Inviolata, un groupe de paysans inféodés à une marquise qui gère une fructueuse plantation de tabac vivent dans des conditions extrêmement modestes. Parmi eux, Lazzaro, garçon à la naïveté presque christique, se lie d’amitié avec l’oisif fils de la propriétaire. Ce début de fable – impossible à dater, même si elle rappelle l’Italie des années 1950 dépeinte par Fellini – prend un tour surréaliste quand l’empire du tabac s’effondre et que Lazzaro tombe accidentellement d’une falaise. Mais qui ne ressuscite pas ne s’appelle pas Lazare. À son réveil miraculeux, vingt ans plus tard, le jeune homme découvre une Italie plongée dans la brutalité de l’exode rural post-fascisme. La déchéance des nobles de l’Inviolata et la misère de leurs anciens serfs disent la violence d’une Italie qui n’y croit plus. Alice Rohrwacher (Les Merveilles, 2014) dépeint la disparition d’un mode de vie simple – filmé en 16 mm – et de valeurs comme l’entraide. C’est à travers les yeux de son héros biblique, arrimé à la beauté, qu’Heureux comme Lazzaro, Prix du scénario à Cannes, trouve son souffle. Tantôt épique, tantôt grinçant. • LAURA PERTUY

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ZOOM ZOOM

Laetitia


FILMS DILILI À PARIS

Dilili, téméraire fillette kanake, et Orel, livreur en triporteur, vont à la rencontre du Tout-Paris de la Belle Époque (Louise Michel, Sarah Bernhardt…) pour déjouer les plans d’une secte qui veut mettre les femmes à genoux… Somptueux visuellement, ce conte féministe de Michel Ocelot croque les grands artistes du début du xxe siècle avec malice et fantaisie. • Q. G.

— : de Michel Ocelot (Mars Films, 1 h 35) Sortie le 10 octobre

DOMINGO

Au Brésil, en 2003, le jour de l’investiture du président Lula, un déjeuner dominical dans la maison de Laura, matriarche d’une famille bourgeoise, dégénère, entre incompréhensions, engueulades et tromperies, devant les domestiques qui regardent ce triste spectacle avec dédain… Une satire sociale tendre mais acide sur fond de lutte des classes. • Q. G.

— : de Fellipe Barbosa et Clara Linhart (Condor, 1 h 28) Sortie le 10 octobre

IMPULSO

En totale immersion, ce documentaire retrace la création d’un spectacle de la danseuse et chorégraphe espagnole Rocío Molina (imaginez Björk dansant le flamenco) au Théâtre national de Chaillot. Des préparations denses aux shows désinhibés, il saisit la dimension féministe de son art – ses improvisations placent le désir féminin au centre de la danse. • J. L .

— : d’Emílio Belmonte (Jour2fête, 1 h 25) Sortie le 10 octobre

LA PARTICULE HUMAINE

Dans un futur sans frontières, un changement climatique oblige les populations à vivre en camps. Un ingénieur en génétique (Jean-Marc Barr) recherche un scientifique qui s’est échappé. Filmé dans un noir et blanc épuré, ce voyage en dystopie lance une réflexion intéressante : et si la course au progrès scientifique asséchait pour de bon nos ressources ? • J. L .

— : de Semih Kaplanoğlu (Sophie Dulac, 2 h 08) Sortie le 10 octobre

RBG

Dans ce documentaire sur le parcours de Ruth Bader Ginsburg, la doyenne des neuf juges de la Cour suprême des États-Unis, et par élargissement sur le fonctionnement de cette institution, les réalisatrices Betsy West et Julie Cohen insistent sur l’engagement féministe de l’octogénaire et sur la manière dont, malgré elle, elle est devenue une icône de la pop culture. • Q. G.

— : de Betsy West et Julie Cohen (L’Atelier, 1 h 37) Sortie le 10 octobre

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H O L D- U P FIL M S P R E S E N TE

CELEBRATION U N F I L M D ’ O L I V I ER M EYROU

PRODUCTION BE NE DIC T E C OUVRE UR - C HRIS TOP HE G IRA RD MUSI QUE F RA N CO I S-EUDES CH A N F RAULT IMAGE FLORIAN BOUC HE T - JE AN-M AR C BOUZOU MO N TAGE C ATH I E DA MB EL - A MRI TA DAVI D SON YOLANDE DE C AR S IN - SE B AST IE N S AVINE DISTRI B UTI O N F RA N CE N O RTE DI STRI B UTI O N

EN SALLE LE 14 NOVEMBRE


FILMS GALVESTON La Nouvelle-Orléans, 1988. Un truand (Ben Foster) échappe au piège tendu par son boss, et sauve une prostituée (Elle Fanning) au passage. Ils décident de fuir au Texas… Pour son premier film américain, Mélanie Laurent reprend les codes du thriller (motels miteux, dialogues graves) et délivre un touchant récit, adapté d’un roman de Nic Pizzolatto (True Detective). • J. L .

— : de Mélanie Laurent (Les Bookmakers / The Jokers, 1 h 31) Sortie le 10 octobre

LE PROCÈS CONTRE MANDELA ET LES AUTRES Les archives sonores du procès contre Nelson Mandela et ses acolytes fournissent la trame de ce documentaire. On y découvre les multiples facettes d’un événement très complexe, en creux duquel se dessine le visage apeuré d’un État contraint de négocier sa propre survie, à rebrousse-poil de la mythologie simpliste des livres d’histoire. • A. D.

— : de Nicolas Champeaux et Gilles Porte (UFO, 1 h 43) Sortie le 17 octobre

WINE CALLING. LE VIN SE LÈVE En Occitanie, des vignerons luttent pour produire un vin naturel. Dans un esprit punk et rythmé par des morceaux de ska, le film part à la rencontre de neuf d’entre eux en alternant scènes de labeur et interviews révélant leur expertise autant que des histoires plus intimes. Une solution humaniste et éthique se profile alors contre la start-up nation. • H. M. D. C.

— : de Bruno Sauvard (Urban, 1 h 35) Sortie le 17 octobre

HALLOWEEN Quarante ans plus tôt, elle lui échappait. Laurie Strode (Jamie Lee Curtis) doit affronter le retour de Michael Myers et, avec son abri antiatomique et ses entraînements militaires, elle est plus que parée… David Gordon Green modernise la franchise de John Carpenter (qui signe la musique, toujours dingue) à l’aide d’une mise en scène sans fulgurance mais efficace. • Q. G.

— : de David Gordon Green (Universal Pictures, 1 h 49) Sortie le 24 octobre

QUIÉN TE CANTARA Alors qu’elle se prépare à remonter sur scène après des années de silence, une star de la chanson espagnole perd la mémoire à cause d’un accident. Sa plus grande fan s’extrait de sa vie familiale houleuse pour l’aider à préparer la tournée… Carlos Vermut (La niña de fuego, 2015) propose un mélodrame stylisé et nimbé d’étrangeté sur le thème du double. • T. Z .

— : de Carlos Vermut (Le Pacte, 2 h 02)

Sortie le 24 octobre

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FILMS L’ENVERS D’UNE HISTOIRE

Yougoslavie, 1948 : le logement de Srbijanka Turajlić, qui deviendra une figure de la révolution des années 1990, est nationalisé. Sur dix ans à partir de la fin des années 2000, sa fille la filme dans cet appartement chargé de mémoire, depuis lequel elles éclairent l’histoire serbe à la lueur de leurs souvenirs et méditent sur la notion d’engagement. • H. M. D. C.

— : de Mila Turajlić (Survivance, 1 h 40) Sortie le 24 octobre

SILVIO ET LES AUTRES

Ce film, sorti en deux parties en Italie, s’en prend à la vanité de l’ex-Premier ministre italien Silvio Berlusconi (incarné par l’incroyable Toni Servillo), dont la peine d’inéligibilité pour fraude fiscale a pris fin cette année et qui pourrait donc faire son retour en politique. Si la mise en scène de Sorrentino paraît clinquante, la satire est féroce. • Q. G.

— : de Paolo Sorrentino (Pathé, 2 h 25) Sortie le 31 octobre

BOHEMIAN RHAPSODY

L’histoire de Freddie Mercury (Rami Malek), le chanteur flamboyant de Queen mort du sida en 1991, de la formation du groupe en 1970 au concert Live Aid en 1985. Ce biopic à l’ambiance survoltée nous offre, par des effets d’immersion, des scènes de concerts décoiffantes, mais révèle surtout la quête d’identité permanente de ce génie de la musique. • J. L .

— : de Bryan Singer (20th Century Fox, 2 h 14) Sortie le 31 octobre

UN HOMME PRESSÉ

Alain (Fabrice Luchini), chef d’entreprise surmené et grand orateur, perd en partie la mémoire et l’élocution à la suite d’un AVC. Lui et son orthophoniste (Leïla Bekhti) en quête d’une mère absente tentent de se reconstruire… En détricotant l’art du verbe de Luchini et en célébrant l’authenticité, le film porte un regard touchant sur la fragilité humaine. • H. M. D. C.

— : d’Hervé Mimran (Gaumont, 1 h 40) Sortie le 7 novembre

KURSK

Le 12 août 2000, un sous-marin nucléaire russe sombre en mer de Barents après une explosion à son bord… Thomas Vinterberg (Festen) s’essaie avec un plaisir évident au film catastrophe, épaulé par un bon casting : Matthias Schoenaerts en matelot, Léa Seydoux en épouse inquiète et Colin Firth en capitaine de la Royal Navy. • J. L .

— : de Thomas Vinterberg (EuropaCorp, 1 h 57) Sortie le 7 novembre

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« SOLIDAIRE, ÉTHIQUE, UNE NOUVELLE UTOPIE ÉMERGE DE NOS COTEAUX. EXPLORONS-LA ! »

AU CINÉMA LE 17 OCTOBRE


COUL’ KIDS

MARIE DESPLECHIN Adèle a 12 ans. Elle a interviewé l’écrivaine et journaliste Marie Desplechin qui signe, avec l’illustrateur Claude Ponti, le livre Enfances. Ils y racontent l’enfance de soixante-deux personnes, célèbres ou inconnues, qui ont à leur manière changé le cours des choses.

Comment as-tu eu l’idée de faire ce livre ? C’est une idée de Claude Ponti. C’est un vieux projet, ça fait au moins sept ans qu’on traîne dessus. J’ai retrouvé la première liste qu’on avait établie, 371 noms. Des livres sur l’enfance il y en a eu beaucoup, mais nous on a choisi de mélanger des gens pas forcément très connus à des personnes célèbres, on a mis tout le monde au même niveau. Comment as-tu choisi les personnages ? On a puisé dans nos souvenirs, nos émotions, nos imaginaires. Est-ce que Claude Ponti a participé à l’écriture ? Ah oui ! Mais il est plutôt allé vers des personnages fantaisistes – saint Nicolas, le fils de Guillaume Tell, la fille de l’homme invisible… Moi, je suis plus sérieuse – je sais, on ne dirait pas ! –, alors j’ai choisi des gens plus ancrés dans l’histoire. Par exemple Tommie Smith, un athlète qui, aux Jeux olympiques de Mexico en 1968, a eu le courage de lever le poing lors de


L’INTERVIEW D’ADÈLE, 12 ANS LE DÉBRIEF Adèle : « Je l’ai rencontrée dans les bureaux de la maison d’édition L’École des loisirs. On a commencé par la séance photo. Elle était très souriante, et ça a tout de suite collé entre nous. On discutait comme si on se connaissait. De mon côté c’était un peu le cas, puisque j’ai lu plusieurs de ses romans, comme Verte ou Mauve… Je n’ai pas été déçue de la rencontre. Elle est marrante et elle plaisante beaucoup. »

la remise des médailles en signe de soutien à la cause des Noirs américains. J’avais envie de savoir qui était ce gars quand il était petit et de raconter quelque chose de son enfance. Quelle histoire as-tu préféré écrire ? Je n’aime pas écrire, qu’est-ce que c’est dur ! Et là c’était particulièrement difficile, il fallait écrire des textes courts alors qu’il se passe tellement de choses dans la vie des gens. On avait décidé de choisir une histoire, une anecdote. C’était un vrai casse-tête parce que, tu vois, la comtesse de Ségur par exemple, hé bien tu peux faire un bouquin juste sur son enfance. Est-ce qu’enfant tu savais déjà quel métier tu voulais faire ? Non, pas du tout, et quand j’étais petite on ne nous posait pas sans arrêt cette question : « Et toi, qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? » Moi, je pense que, quelle que soit la voie

Est-ce que tu avais des héros quand tu étais petite ? Je ne me rappelle plus du tout. En revanche, je me souviens très bien de la mort du général de Gaulle [une des personnalités du livre, ndlr]. Je rentrais de l’école, j’ai sonné et je ne sais plus qui de ma tante Madeleine ou de ma mère m’a dit : « Le général de Gaulle est mort. » J’avais 9 ans, et pour moi il était là pour l’éternité. Ce jour-là, j’ai réalisé que même les figures historiques meurent. Est-ce qu’avec Claude Ponti vous vous mettiez d’accord à l’avance sur le style de dessin qu’il allait adopter pour chaque histoire ? Non, pas du tout, on a travaillé à distance, chacun chez soi. Moi je lui envoyais des textes, lui des dessins. Ensuite on se voyait pour en parler, et c’était un bon prétexte pour dîner ensemble régulièrement. • PROPOS RECUEILLIS PAR ADÈLE (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE) PHOTOGRAPHIE : ERIOLA YANHOUI

— : « Enfances » de Marie Desplechin et Claude

Ponti (L’École des loisirs, 136 p.), dès 10 ans

TOI AUSSI TU AS ENVIE DE RÉALISER UNE INTERVIEW ? DIS-NOUS QUI TU AIMERAIS RENCONTRER EN ÉCRIVANT À BONJOUR@TROISCOULEURS.FR

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COUL' KIDS

qu’on choisit, on a toute la vie pour rebattre les cartes.


LA CRITIQUE DE LÉONORE, 7 ANS

COUL' KIDS

JEAN-CHRISTOPHE & WINNIE

« Un petit garçon, Jean-Christophe, vit avec ses doudous dans la forêt. Il n’y a pas toute la technologie. Il ne sait même pas ce que c’est le travail et il est libre. Mais un jour il doit passer dans le monde des adultes. Il grandit, il va à Londres, il ne pense plus qu’à son travail. Mais il retrouve ses doudous, et là il leur arrive toute une aventure… C’est un film assez mystérieux, parce qu’on ne sait jamais si ça se passe dans la réalité ou dans l’imagination de Jean-Christophe. Mais je pense que tout se passe pour de vrai, parce qu’on ne le voit jamais s’endormir. De toute façon, il n’a même plus le temps de rêver ; et puis, des fois, moi aussi j’ai l’impression que mes doudous sont vivants. Le film dit qu’il ne faut pas travailler tout le temps, que c’est bien de s’ennuyer. En ce moment, on a plein de trucs comme les tablettes, et les enfants ne s’ennuient plus. Mais il faut s’ennuyer des fois, parce que comme ça on pense à des choses. Moi, par exemple, quand je m’ennuie, je pense à quand je serai grande… Et en fait je n’ai toujours pas trop compris pourquoi on grandit. »

LE PETIT AVIS DU GRAND Le film de Marc Forster, qui change radicalement de registre après son calamiteux World War Z, a le mérite de revenir aux sources de Winnie l’ourson, à savoir les livres d’Alan Alexander Milne, qui furent quelque peu dévoyés dans les multiples adaptations du studio Disney. Jean-Christophe et Winnie parvient à retranscrire à l’écran la douce patine des illustrations originales des romans. Surtout, les personnages renouent avec l’état d’esprit épicurien et fataliste de ces peluches philosophes. • JULIEN DUPUY

— : de Marc Forster Walt Disney (1 h 44) Sortie le 24 octobre dès 5 ans

Si vous nous lisez régulièrement, vous aurez remarqué que la critique n’est plus écrite par Élise, qui est rentrée en sixième et a un emploi du temps trop chargé. Après cinq ans, elle quitte donc TROISCOULEURS… pour le moment !

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TOUT DOUX LISTE IL ÉTAIT UNE FOIS LA SCIENCE DANS LES CONTES

© DR

EXPO Les petits mettent en pratique de grands concepts scientifiques par le biais de dix contes et trente-trois expériences interactives. On étudie, entre autres choses, les émotions avec les sept nains et la composition du cristal avec Cendrillon. • H. M. D. C.

: jusqu’au 18 novembre

à la Cité des sciences et de l’industrie, de 7 à 11 ans

KIRIKOU, MOWGLI, ASMAR ET LES AUTRES

© DR

FESTIVAL Autour de trois classiques de Michel Ocelot (Azur et Asmar, Kirikou et la Sorcière et Princes et Princesses), ce cycle de films rassemble des œuvres du monde entier proposant elles aussi des regards sur d’autres cultures, comme Le Livre de la jungle de Zoltan Korda ou Paï de Niki Caro. • H. M. D. C. Kirikou et la sorcière de Michel Ocelot

: du 20 au 28 octobre au musée du quai

Branly – Jacques Chirac, de 3 à 12 ans

MON PREMIER FESTIVAL CINÉMA Du 24 au 30 octobre, plus de cent films (fictions, animation, docus…) pour le jeune public autour du thème « musique et cinéma » dans divers lieux parisiens et au tarif unique de 4 €. Mais aussi des ateliers d’initiation aux métiers du septième art, des séances débats, des ciné-concerts. • H. M. D. C.

: https://quefaire.paris.fr/

monpremierfestival, dès 2 ans

TA MORT EN SHORT(S) CINÉMA Un grand-père réincarné en morse, un mari qui revient Los Dias de los Muertos à sa femme pour le jour de Pauline Pinson des morts… Avec humour, poésie et mélancolie, ces six courts métrages d’animation aident les enfants à s’affranchir de l’angoisse de la mort et du deuil. • H. M. D. C.

: Collectif (Folimage, 52 min)

Sortie le 31 octobre, dès 11 ans

16 octobre 2018 3 février 2019


OFF

CECI N’EST PAS DU CINÉMA

CINÉASTES EN SÉRIES Les cinéastes français sont de plus en plus nombreux à s’essayer à la série télévisée. Ce phénomène révolutionne-t-il la figure traditionnelle de l’auteur-réalisateur tout-puissant ? Témoignages de Pascale Ferran, Thomas Cailley et Thomas Lilti, au cœur des séries hexagonales de l’automne.

En

cette année 2018, le phénomène est devenu incontournable. Philippe Faucon (César du meilleur film 2016 avec Fatima) a réalisé pour Arte la minisérie Fiertés, Bruno Dumont a signé les quatre épisodes de Coincoin et les Z’inhumains (la suite de P’tit Quinquin) et les travaux d’autres cinéastes de renom comme Pascale Ferran (réalisatrice en 2006 du multicésarisé Lady Chatterley), Thomas Cailley (César 2015 du meilleur premier film avec Les Combattants) ou Thomas Lilti (qui vient de sortir Première année au cinéma) seront tous visibles à la télévision cet automne. Pierre Ziemniak, auteur du livre Exception française. De Vidocq au Bureau des Légendes,


© YVAN MATHIE

OFF

SÉRIES

Thomas Cailley sur le tournage d’Ad Vitam

60 ans de séries (Vendémiaire, 2017), rappelle d’abord que le phénomène n’est pas inédit : « Dès 1955, Hitchcock a créé une série télévisée, Alfred Hitchcock présente. En France, Maurice Pialat a signé en 1971 La Maison des bois, qu’on appellerait aujourd’hui une minisérie (7 x 52 minutes). C’est peut-être sa plus belle œuvre, et c’était pour la télévision. L’ORTF confiait aussi à l’époque des téléfilms à Roberto Rossellini ou à Orson Welles. » Pourtant, la figure de l’auteur-réalisateur, consacrée par la Nouvelle Vague, a eu une telle influence culturelle en France que cinéma et télévision y ont rapidement été opposés. « On a dès lors considéré que la télévision relevait

du divertissement tandis que le cinéma était un art à part entière. Contrairement à la culture anglo-saxonne, où la logique de studios rend les passerelles entre cinéma et télévision plus faciles. »

LIBERTÉ ARTISTIQUE

Qu’est-ce qui explique alors que tant de cinéastes français soient à nouveau attirés ces dernières années par les séries ? Entre Fabrice Gobert (Les Revenants), Laetitia Masson (Aurore) ou Cédric Klapisch (Dix pour cent), le mouvement paraît inépuisable. Il est, selon Pierre Ziemniak, lié à l’évolution de l’industrie cinématographique mondiale. « On retrouve partout la même polarisation : 87


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ENQUÊTE en France, il y a de moins en moins de place pour les films “du milieu”, c’est-à-dire avec une ambition artistique forte mais aussi des besoins de financement conséquents. Les cinéastes, qui ont de plus en plus de mal à monter leurs projets pour le cinéma, voient une nouvelle opportunité dans les séries. » À première vue pourtant, le système de production des séries (créateur-producteur décisionnaire, équipe de scénaristes, réalisateurs qui changent potentiellement d’un épisode à l’autre) semble limiter la liberté artistique des réalisateurs venus du cinéma. Pascale Ferran a ainsi rejoint l’équipe du Bureau des légendes pour la saison 4 (diffusée en octobre sur Canal+) sans en écrire aucun épisode. La réalisatrice, habituellement scénariste de ses films, a intégré un processus de fabrication bien particulier. « J’avais de l’appétit pour essayer cette méthode, qui s’apparente à un atelier collectif. Éric Rochant [qui a créé la série en 2015, ndlr] a pensé à moi pour coordonner cette année le travail de tous les réalisateurs. » La cinéaste signe deux épisodes sur les dix que compte la saison 4 et a aussi réalisé des segments d’autres épisodes. « J’ai aimé ne pas être au premier plan du désir. C’est compliqué d’être tout le temps désirante quand on est cinéaste, c’est une activité très solitaire. Me mettre au service de la vision d’Éric, qui est ici à la fois producteur, auteur et réalisateur, a été euphorisant. »

NOUVEAUX HORIZONS

L’expérience fut tout aussi stimulante pour Thomas Cailley, bien que très différente – il est à la fois l’auteur (avec le scénariste Sébastien Mounier) et le réalisateur des

Le Bureau des légendes, saison 4 épisode 1 réalisé par Pascale Ferran

six épisodes d’Ad Vitam, ambitieuse série de science-fiction avec Yvan Attal et Garance Marillier qu’Arte diffusera en novembre. « J’ai plongé dans ce projet traitant des fantasmes liés à l’immortalité. Car si une civilisation décide de ne plus mourir, elle aura du mal à transmettre et à se renouveler. » Le jeune cinéaste dit avoir eu sur la série exactement le même contrôle que sur Les Combattants et se réjouit d’avoir

INTERNAT PROLONGÉ Cas spécifique parmi les cinéastes passés à la télévision, Thomas Lilti signe cet automne Hippocrate, prolongement en série de son film sorti en 2014. Soit huit épisodes dotés de nouveaux personnages et d’une nouvelle intrigue – dans un hôpital public, des internes inexpérimentés remplacent au pied levé les médecins titulaires confinés chez eux à cause d’un problème sanitaire. Mettant en vedette Louise Bourgoin et Alice Belaïdi, le casting s’est féminisé. « Cela correspond à la réalité. Aujourd’hui, environ 50 % des médecins sont des femmes en France », précise le réalisateur. Cette saison 1 mêle intrigues sentimentales et habile discours sociétal. « Un long métrage peut avoir un côté donneur de leçons, alors que le tract politique passe ici derrière le plaisir de développer des héros romanesques. » Aussi coproducteur et auteur, Lilti a déjà lancé l’écriture de la saison 2. « Ce n’est plus un choix par défaut de faire de la télé, c’est un autre lieu d’expression. » • D. L .

: « Hippocrate » saison 1 en novembre sur Canal+

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Hippocrate, la série


SÉRIES ET LA CRITIQUE ?

« Ce n’est plus un choix par défaut de faire de la télé.  » THOMAS LILTI pu expérimenter une nouvelle approche de la mise en scène et de la narration. « Le format de 52 minutes est plus perméable aux ruptures de rythme. On peut par exemple passer d’un rêve à un flash-back, ce qu’un film n’accepterait pas forcément. » Avant d’ajouter : « J’ai pour l’instant refermé le dossier Ad Vitam et je reprends le long métrage que j’avais mis en pause. » La série reste en effet souvent une parenthèse pour les cinéastes, qui peinent à s’y consacrer sur le long terme – rares sont ceux qui enchaînent directement saisons 1 et 2. Or, face à l’offre abondante, le succès d’une série dépend beaucoup de sa capacité à ne pas se faire oublier, et donc à vite revenir à l’écran. On se souvient ainsi que Les Revenants, qui mit trois ans à revenir après une première saison très suivie, fut arrêté après les audiences décevantes de la saison 2. « Les séries qui reviennent régulièrement reposent sur une délégation des pouvoirs. Un chef d’orchestre partage avec d’autres l’écriture et la réalisation. C’est une logique managériale qui dépasse largement

le cadre de l’auteur-réalisateur », résume Pierre Ziemniak. Pour que le passage des cinéastes à la série soit couronné de succès, il faudrait donc que ces derniers acquièrent, à l’instar du précurseur Éric Rochant, un savoir-faire créatif et industriel leur permettant de rester plusieurs années à la tête d’une série et d’insuffler leur vision à un collectif travaillant en flux tendu. Bonne nouvelle : la prestigieuse Fémis vient de créer une formation continue « showrunner : production et direction artistique » visant à développer la création de séries françaises « portées par une vision artistique d’auteur ». • DAMIEN LEBLANC

— : « Le Bureau des légendes » Saison 4 dès le 22 octobre sur Canal+ • « Ad Vitam » Saison 1 les 8 et 15 novembre sur Arte

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Fondée en 2015, l’Association des critiques de séries (ACS) a pour but de participer à la reconnaissance d’un métier (la critique de série) mais aussi d’une forme artistique (la série télévisée) « dont les lettres de noblesse restent à acquérir en France ». Souhaitant défendre l’histoire du genre « pour mieux comprendre et analyser les productions actuelles », elle remet chaque année des prix aux séries hexagonales. Objectif à peine voilé : aider à ce qu’une distinction claire entre séries et cinéma s’opère dans la presse française et auprès du public. Ce que certains critiques se refusent toujours à faire. Les Cahiers du cinéma ont ainsi placé P’tit Quinquin au sommet de leur top des films de 2014, avant d’élire Twin Peaks. The Return (saison 3 de 18 épisodes signée David Lynch) meilleur film de 2017. Une presse pas toujours aidée sur ce plan par certains cinéastes qui continuent obstinément à parler de « long film » pour qualifier leurs séries. • D. L .


EXPOS

— : jusqu’au 23 décembre au Bal

OFF

Des

Dave Heath, New York, 1960

grandes figures de la photographie des années 1950-1960, Dave Heath est sans nul doute l’une des plus méconnues en France. Orphelin, il passe une enfance douloureuse, balloté de foyers en familles d’accueil. Initié au médium photographique par Robert Frank, il réalise ses premiers tirages en 1952, après avoir été envoyé sur le champ de bataille en Corée. Plutôt que d’immortaliser les horreurs de la guerre, il en capture le hors-champ : des reliefs montagneux où fume encore le napalm, des soldats figés dans l’attente, le regard dans le vide. Hormis cette sublime série dont l’exposition nous dévoile les tirages originaux, on y découvre aussi la maquette originale de son ouvrage culte, Dialogue with Solitude, conçu en 1961 et édité en 1965. Analogue à une partition, celle-ci réunit une cinquantaine de portraits réalisés dans les rues de New York, couplés à des fragments de poèmes. Dans l’œil du photographe, la ville est un vivier d’âmes solitaires, comme absentes au monde. Portraitiste d’une Amérique anxieuse où sévissent la répression policière et la ségrégation raciale, Heath est à la photographie ce que la Beat Generation est à la littérature ou Cassavetes au cinéma : un torrent d’humanisme, en empathie avec les laissés-pour-compte. Riche idée que d’avoir fait dialoguer ces séries avec trois chefs-d’œuvre du cinéma direct, projetés dans l’exposition : Salesman (1969) d’Albert et David Maysles et Charlotte Zwerin, Portrait of Jason (1967) de Shirley Clarke, et The Savage Eye (1960) de Ben Maddow, Sydney Meyers et Joseph Strick. En un mot : incontournable. • JULIEN BÉCOURT

Dans l’œil de Dave Heath, la ville est un vivier d’âmes solitaires, comme absentes au monde.

MÉLANIE MATRANGA

Des environnements blancs, éclairés par des lumières tamisées, où circulent des souvenirs, des émotions, des sentiments… Sous un apparent confort transpirent des échanges dysfonctionnels au travers de ce qui ressemble à un organisme vivant, une membrane sensible et manifestement affectée. Fruit d’une production en série et en masse, le vêtement devient ici matière à la production low-tech de sculptures signalant la présence fantôme des corps. • ANNE-LOU VICENTE

Le travail sculptural de l’artiste iranienne soulève les notions de fonctionnalité et de décoratif par l’usage qu’elle fait des matériaux et des formes. Composée de moules en aluminium brut et de blocs de cire colorée ponctuellement maintenus ensemble par des barres métalliques recouvertes d’une laque vernie, sa récente série Maintainers combine les principes d’assemblage et de dislocation à l’image d’un corps socio-politique évolutif. • A.-L. V.

NAIRY BAGHRAMIAN

: jusqu’au 22 décembre à la villa Vassilieff

: du 13 octobre au 6 janvier à l’École

nationale supérieure des beaux-arts

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© DAVE HEATH / COURTESY HOWARD GREENBERG GALLERY, NEW YORK, ET STEPHEN BULGER GALLERY, TORONTO

DAVE HEATH


ART COMPRIMÉ

Hérésie ! Une femme a posé en tenue d’Ève devant la grotte de Lourdes au vu et au su des pèlerins présents le 31 août. Nom : Deborah De Robertis. Âge : 34 ans. Nationalité : luxembourgeoise. Profession : artiste performeuse. Antécédents : faits similaires devant L’Origine du monde de Gustave Courbet au musée d’Orsay, lors de la rétrospective Bettina Rheims à la M.E.P. ou devant La Joconde au Louvre. Leitmotiv : dénoncer l’exploitation de la figure féminine. Date du procès : 19 mai 2019. Motif : exhibition sexuelle. • Tuto : comment faire croire que votre établissement scolaire favorise la diversité ? Prenez la photo d’une promo composée quasi exclusivement de personnes blanches et foncez grossièrement la peau de certains élèves sur Photoshop. Pour un meilleur résultat, n’hésitez pas à carrément incruster des visages de personnes noires dans le groupe ! Pour plus de conseils techniques, contactez l’école d’art Émile-Cohl, un établissement privé de Lyon qui s’est illustré en la matière début septembre dans un cliché publié sur son site Internet – même si le directeur rejette la paternité de ce blackwashing honteux sur l’agence californienne chargée de leur communication. • Aidé d’une trentaine de photographes, l’artiste et cinéaste britannique Steve McQueen (Hunger, 12 Years a Slave) souhaite tirer le portrait de tous les élèves de troisième année (l’équivalent de notre CE1) de Londres – soit quelque 115 000 bambins de 7 et 8 ans – en vue d’une exposition courant 2019 à la Tate Britain. • MARIE FANTOZZI ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL

Photo: Charles Fréger

Tous les mois, notre chroniqueuse vous offre un concentré des dernières réjouissances du monde de l’art.

Tous Gaga 10 – 27 octobre 2018

Ohad Naharin Batsheva Dance Company Mamootot / Venezuela Batsheva – The Young Ensemble Décalé / Sadeh21

www.theatre-chaillot.fr


SPECTACLES

QUASI NIENTE (PRESQUE RIEN) — : de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini, du 23 au 31 octobre © MIRCO LORENZI

au Théâtre de la Bastille (1 h 40)

OFF

Daria

Deflorian et Antonio Tagliarini sont des artistes du détail, des poètes de l’infiniment petit ou du « presque rien ». C’est d’ailleurs ainsi qu’ils titrent leur nouvelle création, librement inspirée du Désert rouge, le célèbre film de 1964 de Michelangelo Antonioni. Ils explorent sur scène les tourments dépressifs et la quête de voir « vrai » de Giuliana, l’héroïne interprétée par Monica Vitti dans le film, incapable de trouver sa place ou de se faire comprendre… D’une pièce à l’autre, les metteurs en scène et performeurs venus de Rome continuent de s’aventurer du côté du trouble et de la marginalité. Avec Reality (2012), ils tentaient de comprendre l’histoire d’une femme qui consignait méticuleusement les moindres faits et gestes de sa vie la plus quotidienne ; avec Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni (2013), ils narraient l’histoire de quatre retraitées grecques qui décidaient de se suicider pour ne plus peser sur la société, ravagée par la crise ; avec Il cielo non è un fondale (2016), c’était aux figures anonymes de réfugiés et de SDF qu’ils tentaient de redonner une dignité. Égrenant toujours, entre les lignes, leurs questionnements artistiques et un peu de ce qu’ils sont eux-mêmes, Daria Deflorian et Antonio Tagliarini offrent des écrins d’une délicatesse précieuse à ces douleurs et à ces solitudes. Sur le plateau, toujours nu et noir, c’est avant tout par le souffle et les mots qu’ils donnent corps à ces histoires. Avec leurs gestes simples, mesurés et habités, ils les enveloppent d’une infinie tendresse. • AÏNHOA JEAN-CALMETTES

Les metteurs en scène continuent de s’aventurer du côté de la marginalité.

H2 – HÉBRON

Après Jérusalem plomb durci, Winter Family se lance dans un nouveau portrait de ville, celui de Hébron, la ville de la Cisjordanie occupée la plus peuplée. Seule en scène et maquette à l’appui, Ruth Rosenthal entreprend avec minutie de donner la parole à tous les acteurs de l’indémêlable conflit israélo-palestinien. Elle ne cherche pas à désigner des bons ou des méchants, pas plus à simplifier : simplement à donner à entendre et à voir la complexité de ce puzzle de souffrances. • A. J.-C.

Nous sommes le 18 mai, et la mesure est officielle : tous les « musées de mémoire de France » sont désormais fermés, ad vitam æternam… À partir de cette fiction, la compagnie Modes d’emploi, emmenée par Johanne Débat, déploie une fable sur les conflits entre mémoire et histoire. De l’instrumentalisation politique du passé au tourisme noir (d’Auschwitz à Tchernobyl), elle sonde ce grand débat contemporain avec une réjouissante touche d’absurde. • A. J.-C.

des Amandiers (Nanterre) (1 h 15)

au Théâtre de l’Opprimé (1 h 15)

: du 13 au 19 octobre au Théâtre

LES MANIGANCES

: du 31 octobre au 11 novembre

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2 3-1 ANS

FESTIVAL DE CINÉMA JEUNE PUBLIC kirikou, mowgli, alamar et les autres

Programmation complète sur

www.quaibranly.fr

Gratuit 20 / 10 / 2018 - 28 / 10 / 2018 Kirikou et la sorcière - Michel Ocelot © Gebeka Film


ASIE MUTÉE

RESTOS

OFF

© ROMAIN ROUSSEL

À Paris, la cuisine asiatique a ses quartiers, ses chaînes et ses bouis-bouis. Elle y navigue entre tradition et modernité. Originaires des Philippines, Katia et Tatiana Levha le prouvent au Double Dragon, comme Olivier Guez à La Bibimerie et Hiroki Masaki au Ramen Bowl.

DOUBLE DRAGON Née à Manille d’une mère philippine et d’un père français aux ascendances polonaises et algériennes, Tatiana Levha est venue tard à la cuisine, après une licence d’anglais. Elle a rattrapé le temps perdu chez Alain Passard (L’Arpège ***) et chez l’un de ses élèves les plus brillants, Pascal Barbot (L’Astrance ***). Sans oublier l’émulation réciproque avec son compagnon, Bertrand Grébaut (Septime *). Mais c’est avec sa sœur, Katia, diplômée de l’école hôtelière Glion, en Suisse, passée notamment par Le Baratin et Saturne, à Paris, qu’elle a ouvert son premier restaurant, Le Servan, en 2014, et tout récemment le second, Double Dragon. Le souvenir de l’acidité salée des citrons croqués à pleine bouche de leur enfance se retrouve dans la carte d’une cuisine asiatique à la fois respectée et réinventée, confiée à Antoine Villard (ex-Septime et Fulgurances). Pas de réservation, décor brut, ambiance sonore joyeuse, on est dans la street food immobile. Hors-d’œuvre, plats à partager, sides, on pioche avec gourmandise, le palais bien accroché pour certains plats très pimentés. Au hasard, bouillon tom yam au foie gras, mille oreilles de cochon au soja noir, rouleaux de printemps au thon blanc de ligne, avec un riz soyeux ou des aubergines sautées au poivre vert. Sans oublier la coupe glacée aux trois trésors, délicieusement épicée. La carte des vins est courte mais juste, pouilly fumé Pierre Précieuse 2015 d’Alexandre Bain (64 €) ou côte de brouilly 2016 d’Alex Foillard (48 €). Menu midi : 16,50 €. Carte : 25 à 42 €. • STÉPHANE MÉJANÈS

: 52, rue Saint-Maur, Paris XIe

LA BIBIMERIE

RAMEN BOWL

Dans sa cantine lumineuse, Olivier Guez francise le bibimbap, plat traditionnel coréen composé de riz, légumes et piment. Il y a les versions pot-au-feu de bœuf, mijoté de poulet ou tartare de saumon, mais aussi omelette roulée pour les végétariens, et tofu frit au miso pour les véganes. Sur place ou à emporter. Bibim : 12,50 €. Menu midi : 14,90 €. • S. M.

Sous l’œil des œuvres du street artist Oji, on découvre l’art du rāmen japonais, nouilles plongées dans un bouillon avec viande ou poisson, légumes, œuf et assaisonnement. Le soir, le chef Hiroki Masaki prépare des tapas, salade de mizuna et rāmen frits, tataki de wagyu et sauce yuzu ou émincé de canette sauce miso au yuzu. Carte : environ 16 €. • S. M.

: 1, rue Lucien-Sampaix, Paris Xe

: 44, rue de Ponthieu, Paris VIIIe

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ON AIME BEAUCOUP ET VOUS ? EXPOSITIONS

films SECTEUR

JUSQU’AU 14/01/19 FONDATION LOUIS VUITTON

JEAN-MICHEL BASQUIAT ET EGON SCHIELE

© GASTROPODA – Joan Fontcuberta Courtesy : Françoise Paviot.

D’un bout à l’autre du XXe siècle, de l’Europe à l’Amérique, les œuvres et les vies d’Egon Schiele et de Jean-Michel Basquiat fascinent par leur fulgurance et leur intensité. En moins d’une décennie, ils majeures de l’art de leur siècle.

THÉÂTRE

À PARTIR DU 09/11 FORT D’AUBERVILLIERS

ZINGARO

« EX ANIMA »

« Pour cette ultime création, je souhaiterais les célébrer comme les acteurs véritables de ce “théâtre équestre“ si original… Montrer un rituel sans mémoire, une cérémonie où le spectateur se surprendra à voir l’animal comme le miroir de l’humanité. » - Bartabas

CONCERT

DU 28 AU 30/11 SALLE PLEYEL

CALLAS EN CONCERT

THE HOLOGRAM TOUR Ce tout premier concert de Maria Callas en hologramme fait revivre la légende sur scène et nous replonge avec émotion dans les plus grandes heures de l’opéra. La diva interprétera ses plus grands succès, accompagnée en live par un orchestre symphonique de 60 musiciens.

ENCORE PLUS SUR FNACSPECTACLES.COM

8.11 NOV 2018


JORJA SMITH

CONCERTS

— : le 22 octobre à l’Olympia © RASHID BABIKER

OFF

L’ascension

fulgurante de Jorja Smith a pour déclic « Blue Lights », son premier morceau, posté sur SoundCloud en 2016. À l’époque, l’Anglaise n’est pas encore la lauréate du Prix de la critique aux Brit Awards 2018 (dix ans après Adele) ni cette diva d’à peine 20 printemps qui place sa voix de velours sur plusieurs morceaux de Drake et s’invite en tournée avec Bruno Mars – la future sensation soul bosse alors chez Starbucks à Londres. C’est en planchant sur une dissertation universitaire sur la place du postcolonialisme dans le grime, cousin britannique et electro du hip-hop, que la native de Walsall va trouver l’inspiration de « Blue Lights », une réflexion mélancolique et engagée sur les violences policières subies par les jeunes Noirs des cités d’Albion (« Tu ne devrais pas courir car les sirènes ne viennent pas pour toi / Qu’as-tu fait ? »). Dans le clip en noir et blanc apparaît Mike Skinner de The Streets, tandis que sourd un sample de Dizzee Rascal. Son premier album, Lost and Found, diffuse ce romantisme bleu nuit, éclairé aux gyrophares. Un groove dont la noirceur se pare d’un lumineux timbre vocal. Dans les intonations de cette fille de crooner neo-soul résonnent à la fois la sensualité américaine de D’Angelo ou d’Alicia Keys et le spleen plus british d’Amy Winehouse, assorti d’embardées ragga à la Ms. Dynamite. Quant aux rythmes synthétiques du UK garage, rapides, ils conviennent aussi à Jorja (« On My Mind »). Présent et avenir lui appartiennent déjà. • ÉRIC VERNAY

Son premier album diffuse un romantisme bleu nuit, éclairé aux gyrophares.

MAMA FESTIVAL

CAT POWER

Foisonnante, métissée, excitante et immanquable, cette 9e édition offre un fabuleux tour d’horizon – en 116 artistes – des pépites actuelles. Microaperçu : la désarmante Blu Samu, nouvelle venue de la scène bruxelloise, et son hip-hop ondulé de soul ; l’as de l’electro afrofuturiste kenyane Blinky Bill ; le rap queer embrasé de la Sud-Africaine Dope Saint Jude ; la pop L.A. acidulée de NVDES ; ou le spleen kaléidoscopique de la parisienne Léonie Pernet… • ETAÏNN ZWER

Discrète depuis l’électrique et hasardeux Sun en 2012, l’indie darling d’Atlanta renoue avec l’épure de ses débuts, et c’est heureux. À l’image du sublime « Woman » (aux chœurs, l’amie Lana Del Rey), sur Wanderer, dixième album tissé de blues intimiste, de folk doux-amer et d’une soul puissamment fragile, elle confie ses errances, de cette voix de velours rauque qui happe encore et encore – promesse de concerts sur le fil, parfaitement envoûtants. • E. Z .

: du 17 au 19 octobre dans dix lieux à Pigalle

: le 25 octobre au Trianon

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RÉALITÉ VIRTUELLE

BEETHOVEN’S FIFTH SPACE SYMPHONY

— : (Daydream / NASA), dès 6 ans

OFF

Il

n’y a pas que dans les films de Steven Spielberg que l’on joue de la musique aux extraterrestres. En 1977, année de la sortie aux États-Unis de son film Rencontres du troisième type, la NASA envoyait justement les deux sondes spatiales Voyager glaner des données sur les planètes externes au système solaire. À leur bord se trouvait un disque, le Voyager Golden Record, pensé comme une carte de visite du génie humain. Sur cette bouteille à la mer futuriste se trouvait notamment un enregistrement de la Symphonie no 5 de Ludwig van Beethoven. De chanceux aliens ont-ils eu accès à cette version de la cinquième dirigée par Otto Klemperer ? Nul ne le sait. Néanmoins, en l’absence d’accusé de réception – à ce jour du moins –, on peut toujours s’imaginer les quatre célèbres notes du compositeur allemand retentir dans le silence du milieu interstellaire. « Pom pom pom pom » que l’on retrouve avec plaisir dans Beethoven’s Fifth. Tourné par les équipes VR de Google en partenariat avec la NASA, ce film à 360 degrés célèbre le quarantième anniversaire de l’expédition Voyager par une immersion dans un concert privé de l’orchestre philharmonique de Londres. Au gré du montage (qui nous propose différents angles de vision de la salle, le Henry Wood Hall) et de la circulation de notre regard, on navigue ainsi des violons aux instruments à vent, des percussions au chef d’orchestre (l’intense Esa-Pekka Salonen), pour parfois se perdre dans le noir, au beau milieu des étoiles. • ÉRIC VERNAY

De chanceux aliens ont-ils eu accès à cette version de la Symphonie no 5 de Ludwig van Beethoven ?

CREED. RISE TO GLORY COMBAT DE TITANS Prévoyez des tee-shirts de rechange et du baume du tigre : Creed. Rise to Glory est là pour vous faire suer. Dans cette adaptation de l’univers des deux films du même nom, il faut aider le jeune Creed à devenir champion de boxe en alternant entraînements intensifs et combats contre à des adversaires de plus en plus redoutables. Très réaliste (comprendre : crevant), le jeu est un sacré défouloir pour les nerfs, qui met au tapis toute la concurrence sans trembler. • YANN FRANÇOIS

: (Survios), dès 16 ans

ZERO DAYS VR DOCU INFILTRÉ À l’origine : Zero Days, un documentaire consacré à Stuxnet, un virus crée par la N.S.A. pour hacker le programme nucléaire de l’Iran. Dans notre casque : sa transposition VR, qui choisit un point de vue inattendu, celui du virus. Alors que les experts se succèdent en fond sonore pour décrire l’évolution (effrayante) des cyberattaques en géopolitique, la caméra nous balade au cœur du programme informatique. La visite peut sembler déprimante, elle n’en reste pas moins éclairante. • Y. F.

: (Scatter), dès 12 ans


L’INSTITUT DU MONDE ARABE PRÉSENTE UNE EXPOSITION NUMÉRIQUE DU 10.10.2018 AU 10.02.2019

cités millénaires voyage virtuel de palmyre à mossoul Iconem – DOA – MAFL - La mécanique du plastique

#citesmillenairesIMA / www.imarabe.org


PLANS COUL’ À GAGNER

ALPHONSE MUCHA EXPO

— : jusqu’au 27 janvier au musée du Luxembourg

© MUCHA TRUST 2018

entend aller au-delà de ces images, pour beaucoup familières : elle dévoile Alphonse Mucha, Le Zodiaque, 1896 le processus créatif de Mucha – des photographies de jeunes modèles, des études au fusain ou au pastel. Persuadé de l’importance démocratique, politique, de l’art, celui-ci s’est aussi efforcé de rendre ses lettres de noblesse à son pays d’origine, avec un projet colossal, L’Épopée slave, vingt fresques historiques que l’on découvre en projection numérique. • MARIE FANTOZZI

OFF

Mucha a d’abord connu la gloire grâce à Sarah Bernhardt : à la fin du xixe siècle, l’artiste tchèque émigré en France réalise les affiches des pièces mettant en vedette la comédienne, placards que les Parisiens s’empressent de dérober sur les colonnes Morris. Mais l’illustrateur doit surtout sa renommée à ses allégories féminines, dans un style reconnaissable entre tous : une figure longiligne et gracieuse, à la chevelure ondoyante, parée d’atours sophistiqués, évoluant dans des motifs floraux qui incarneront l’essence de l’Art nouveau. En plein essor de la publicité, il décline à l’envi ces représentations : pour des marques de biscuits, de champagne, des devantures de magasin… Cette rétrospective

CITÉS MILLÉNAIRES

EXPO

À travers des projections sur écran géant de reconstitutions numériques des cités de Palmyre, Alep, Mossoul et Leptis Magna – avant leur altération par le temps et les hommes –, ou encore d’immersion en VR dans leurs monuments emblématiques, l’IMA expose la richesse d’un patrimoine arabe plus que jamais menacé. • H. M. D. C.

: « Cités millénaires. Voyage virtuel de Palmyre à

Mossoul », jusqu’au 10 février à l’Institut du monde arabe

LE CRAC DES CHEVALIERS

EXPO

L’histoire du Crac des Chevaliers, exceptionnelle forteresse située dans l’ouest de la Syrie, se dévoile à travers des maquettes, des photographies, des dessins et des peintures, de la fortification du site sous l’empire romain aux bombardements de la guerre civile actuelle en passant par ses modifications au temps des croisades. • H. M. D. C. Maquette du Crac des Chevaliers

: « Le Crac des Chevaliers », jusqu’au 14 janvier à la Cité de l’architecture et du patrimoine

FESTI’VAL DE MARNE

Loïc Lantoine

FESTIVAL

Si la 32e édition du festival de la chanson voit grand, avec une trentaine de concerts (Eddy de Pretto, Lorenzo ou Loïc Lantoine) et des spectacles pour enfants comme Gainsbourg for Kids, il célèbre aussi le rapport de proximité avec un salon des indés, la JIMI, qui promeut les circuits courts. • H. M. D. C.

: jusqu’au 20 oct. dans vingt-quatre villes du Val-de-Marne

© ICONEM – DGAM ; CAPA – MMF – CLICHÉ DAVID BORDES ; BURNU BELLEUDY

Image 3D du souk d’Alep, Syrie

SUR TROISCOULEURS.FR/PLANSCOUL


Dorothea Lange, Migrant Mother, Nipomo, California, 1936. © The Dorothea Lange Collection, the Oakland Museum of California, City of Oakland. Gift of Paul S. Taylor

Exposition organisée par l’Oakland Museum of California. La présentation européenne a été produite en collaboration avec le Jeu de Paume, Paris, et la Barbican Art Gallery, Londres.

En partenariat avec :

La Banque Neuflize OBC, mécène historique du Jeu de Paume, et FIDAL ont choisi d’apporter leur soutien à cette exposition.

Elle a été rendue possible grâce à la contribution de la Terra Foundation for American Art.

Le Jeu de Paume est subventionné par le ministère de la Culture. Il bénéficie du soutien de la Banque Neuflize OBC et de la Manufacture Jaeger-LeCoultre, mécènes privilégiés.

JEU DE PAUME 1, PLACE DE LA CONCORDE . PARIS 8e WWW.JEUDEPAUME.ORG


KURT VILE

SONS

— : « Bottle It In » (Matador)

OFF

© JO. McCAUGHEY

« I

produisent au fil du temps et des rencontres, en tournée comme au milieu d’un road trip avec ma femme et mes enfants. » On y retrouve le style qui a fait sa réputation (guitare inventive aux arpèges aériens, chant nasal et nonchalant, textes sur le fil, entre dérision et dépression), mais aussi son goût des arrangements décalés (ici une harpe, là une bande inversée) qu’il avait un peu égaré en chemin. S’il s’inscrit dans la grande tradition americana de Neil Young ou de John Prine, c’est son attitude indolente, indissoluble dans le star-system, qui fait encore son charme, qu’il le veuille ou non. « Je trouve que la génération Instagram se prend trop au sérieux, alors qu’on n’a plus de vraies stars comme pouvait l’être autrefois quelqu’un comme Stevie Nicks. En même temps, j’ai l’esprit de compétition. Dans ma tête, je devrais être plus célèbre que je ne le suis. Je finirai bien par écrire un énorme tube pop sans avoir pour autant à vendre mon cul ! » Tant qu’il saura cultiver ses paradoxes, Kurt Vile ne nous laissera jamais sur le bord de la route. • MICHAËL PATIN

was standing down but / I was also on the run / In my mind… » (« J’étais en train de me retirer mais / J’étais aussi en fuite / Dans ma tête… »). Si on ignorait que ces vers étaient tirés de « Bassackwards », premier extrait de son septième album, on aurait pu croire que Kurt Vile les avait écrits spécialement pour notre interview. Avec son allure dégingandée, ses tics nerveux et ses réponses laconiques, il semble toujours vouloir être ailleurs. On en oublierait presque que l’on a devant nous un génie de l’indie folk moderne, dont on suit l’évolution depuis dix ans et qui, après être allé trop loin dans sa quête du classicisme (le décevant B’lieve I’m Goin Down… en 2015), est de retour en pleine(s) forme(s) sur le bigarré et gouleyant Bottle It In – assurément un grand cru. Enregistré sur une période de deux ans tout autour des États-Unis, c’est le carnet de route d’un homme qui ne sépare plus sa vie d’artiste de sa vie intime. « Je n’ai plus envie de m’enfermer en studio pour enregistrer un disque de A à Z. Je ne force rien, les choses se

SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM ? « J’allais dire Apocalypse Now, mais ce serait plutôt Aux cœurs des ténèbres, le docu sur le tournage du film de Coppola ; l’apocalypse d’un metteur en scène, sauf que ça finit bien – le fait que Coppola soit allé au bout de sa vision

est l’inverse d’une tragédie. En ce qui me concerne, ce n’est pas l’enregistrement qui a été épique, mais tout ce qui déconne dans cette industrie et qui n’a rien à voir avec la musique… Comme Francis Ford, j’ai frôlé le burn-out, mais mon projet a fini par sortir ! » KURT VILE

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JUKEBOX

EXPOS FILMS RENCONTRES AT E L I E R S

EXPOSITION

10.10.18 > 27.01.19

BILLETS CINEMATHEQUE.FR et #EXPOLEONE

Le Bon, la Brute et le Truand, Sergio Leone

BEAK> : « >>> »

(Invada)

Le trio krautrock mené par Geoff Barrow (Portishead) ajoute une troisième flèche à sa captivante discographie, ouvrant peu à peu sa métronomie analogique au songwriting (au chant) et aux genres (psyché, quasi folk). Entre pessimisme post-Brexit et goules gothiques dans un cimetière de Bristol, l’ambiance reste toutefois bien plombée, mais le trio sublime cette noirceur par le simple et audible plaisir de jouer. • WILFRIED PARIS

BORJA FLAMES : « Rojo Vivo »

(Les Disques du Festival Permanent)

Après un album hommage aux ritournelles percussives de Moondog, Borja Flames revient avec onze litanies électroniques, entre acid-house et Juana Molina, égrenant, façon derviche ibérique, une critique incantatoire du néolibéralisme. Cet inattendu retournement synthétique d’un musicien voué, croyait-on, au tout-acoustique, redouble l’étrangeté, la saveur et la dimension politique de ce disque ovni. • W. P.

CONNAN MOCKASIN : « Jassbusters »

(Mexican Summer)

Enregistré live, ce nouvel album du Néo-Zélandais est la B.O. d’un film racontant les relations entre un professeur de musique et son élève. Répétition de thèmes et d’ambiances lient donc ces huit titres pop, funk (princier, forcément), minimalistes et naturalistes, pleins de souffle et de glissements de doigts sur les cordes. Voix haute et suave, virtuosité, lenteur et mélodies lancinantes en font un délicat engourdissement. • W. P. ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT

Réalisée avec

Grands mécènes de La Cinémathèque française

Partenaires

Partenaires média

Amie de La Cinémathèque française

© 1966, Alberto Grimaldi Productions SA / MGM. All Rights Reserved

M BERCY


SÉRIES

KIDDING

© ERICA PARISE

— : sur Canal+ Séries —

OFF

Sous

métrage I Needed Color, sur sa dépression et sa rémission par la peinture, et le long Jim & Andy. The Great Beyond, sur la performance à la frontière de la folie à laquelle il s’abandonna sur le tournage de Man on the Moon. Pour que Carrey ne vampirise pas totalement Kidding, il fallait l’expérience d’un Michel Gondry, qui tirait déjà le meilleur du comédien dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind, il y a presque quinze ans. Dès le pilote, le réalisateur imprime sa propre patte (le spectacle de marionnettes dans le show) et son ton à lui, doux-amer, sur le projet, écrit par Dave Holstein (Weeds). Sans brider la volonté de son acteur de se mettre à nu, le Français le cadre avec la bienveillance d’un parent attentionné. Et quand il est, comme ici, en confiance, ce grand gosse de Carrey est absolument irrésistible. • GRÉGORY LEDERGUE

l’œil de Michel Gondry, Jim Carrey se glisse dans la peau d’un présentateur d’émissions pour enfants et se livre avec une sincérité désarmante. Inspiré du célèbre animateur de télé américain Mister Rogers, Jeff Pickles est une figure rassurante et respectée des programmes jeunesse. Mais il est aussi, à la ville, un papa en deuil. L’animateur souhaiterait fusionner à l’antenne ces deux facettes de sa personnalité, mais son producteur (Frank Langella) n’est pas du même avis… Il n’est pas difficile de comprendre, pour qui connaît un peu sa vie, ce qui a pu séduire Jim Carrey dans cette chronique de la difficulté de concilier image d’amuseur public et part d’ombre. Rien que l’an passé, l’acteur faisait l’objet de deux docus permettant de prendre la mesure de son chaos intérieur : le court

REVOIS

VOIS

PRÉVOIS

LES CAHIERS D’ESTHER

BIG MOUTH

AVENUE 5

Riad Sattouf adapte fidèlement sa BD, elle-même tirée du témoignage d’une vraie fillette. À la télé, Esther se raconte en pastilles animées de deux minutes, livrées sans filtre. C’est drôle, bien vu, mis en scène avec beaucoup de justesse, mignon et parfois, aussi, terriblement cruel, comme peuvent l’être les enfants. • G. L .

Si vous êtes passés à côté de la saison 1, ruez-vous sur les épisodes inédits de cette création du comique Nick Kroll, très librement inspirée de ses souvenirs de jeunesse. Vous découvrirez un cartoon brillant sur les émois adolescents racontés façon comédie trash, hantée par un duo irrésistible de monstres hormonaux pousse-au-crime. • G. L .

L’après Veep se prépare pour HBO et Armando Iannucci. La septième et ultime saison est calée pour le printemps 2019 et, en attendant, le scénariste recrute déjà pour sa prochaine comédie. Avenue 5 se déroulera au moins pour partie dans l’espace, et c’est le légendaire Dr House, Hugh Laurie, déjà présent dans Veep, qui tiendra le premier rôle. • G. L .

: Saison 1 sur Canal+

: Saison 2 sur Netflix

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: Prochainement sur HBO et OCS


louis-philippe et versailles Exposition du 6 octobre 2018 au 3 février 2019 Vos billets sur www.chateauversailles.fr

#LouisPhilippeVersailles

Exposition ouverte tous les jours, sauf le lundi. Avec le mécénat de

Et avec le concours de

En partenariat média avec

Horace Vernet (1789-1863), Le roi Louis-Philippe et ses fils devant le château de Versailles © RMN-GP (Château de Versailles) / © Franck Raux - design : graphica


JEUX VIDÉO

OFF

SPIDER-MAN

Enfin,

— : PS4 (Sony) —

voici un jeu à la hauteur des superpouvoirs de l’homme-araignée. Immense, majestueuse, grouillante de vie et de crimes en tout genre, la ville de Manhattan se tient là, prête à être parcourue de long en large. C’est sûrement la première fois qu’un jeu vidéo parvient à reproduire la Grosse Pomme avec autant de détails et de savoir-faire. Il fallait au moins ça pour Spider-Man, super-héros qui n’avait encore jamais connu d’adaptation vidéoludique mémorable, faute de techniques convaincantes pour donner vie à ses voltiges urbaines. Dès les premiers balancements d’un building à l’autre, c’est bien un rêve de gosse qui se réalise, et qui ne s’essoufflera jamais, au fil des surprises cachées dans cette incroyable

métropole. Mais Spider-Man, ce n’est pas qu’un acrobate surhumain, c’est aussi ce personnage complexe d’ado fragile, constamment tiraillé entre normalité et besoin maladif de sauver l’humanité, que le jeu dépeint admirablement sur une durée fleuve. Les puristes de l’univers Marvel y trouveront leur compte (le scénario et la ville débordent de clins d’œil), mais le jeu a cela d’admirable qu’il sait aussi parler aux néophytes. En reprenant à son compte bon nombre de figures culte de l’univers des comics (dont le génial Docteur Octopus, grand méchant de cet épisode), Spider-Man propose sa relecture du genre, ouverte à tous les publics, qui ne vient jamais dénaturer son modèle d’origine. Bien au contraire : elle le ravive même d’une nouvelle modernité. • YANN FRANÇOIS

TWO POINT HOSPITAL

VALKYRIA CHRONICLES 4 MINI METRO

Dans ce jeu de gestion, il faut construire le plus performant des hôpitaux afin d’endiguer des épidémies aussi rares que rigolotes – guérir un clown de son humour, par exemple. Vingt ans que le mythique Theme Hospital était sans digne successeur : une faute enfin réparée. • Y. F.

Valkyria Chronicles 4 met en scène une guerre fictive (une réplique rétrofuturiste de 1939-1945) en combinant, dans un alliage improbable, légèreté de soap opera et mécaniques de jeu très complexes. À défaut de bousculer sa formule, ce nouvel opus la relance avec panache. • Y. F.

: PC (Sega)

: PS4, PC, One, Switch (Sega)

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Sur des cartes inspirées de villes réelles, il faut organiser le réseau de métro le plus performant possible en reliant chaque station par de nouvelles lignes. Chef-d’œuvre de réflexion qui ressort sur Switch, Mini Metro transforme une idée simple en un gameplay des plus obsédants. • Y. F.

: Switch (Dinosaur Polo Club)


INDÉ À JOUER Manette dans une main, carnet de notes dans l’autre, notre chroniqueur teste chaque mois une sélection de jeux indés.

Je commence, littéralement, au fond du trou : dans Donut County (Ben Esposito | PC, PS4, iOS), j’incarne un orifice béant posé au sol qui, pour grandir, doit engloutir les divers éléments du décor. Mon appétit est tel que je finis par avaler une ville entière. Je reste dans les tréfonds pour Graveyard Keeper (Lazy Bear Games | PC, One), dans lequel je joue un gardien de cimetière d’une petite ville médiévale. Pour gagner ma vie, j’alterne entre creusage de fosse, autopsies et réparation de stèles fissurées. Mais l’appât du gain me contraint à monter un trafic d’organes qui finit par alerter les autorités… Retour au trou : dans SCUM (Croteam | PC). Je suis un prisonnier à qui l’on propose de racheter sa peine à une condition : participer à une émission de télé-réalité au concept aussi simple que cruel. Parachuté avec plusieurs bagnards sur une île déserte, je dois tout faire pour survivre et éliminer les autres candidats. Une fois vainqueur et blanchi de mes crimes, je m’exile pour l’Angleterre de Not Tonight (No More Robots | PC). Dans ce jeu dystopique post-Brexit, j’incarne un videur qui vit de petits contrats avec les pubs et night-clubs du coin. Chaque soir, je filtre les entrées en inspectant les papiers d’identité des clients pour démasquer les éventuels fraudeurs. D’une lucidité déprimante, le jeu me met face aux conséquences désastreuses d’une politique gouvernementale au fascisme rampant. Me voilà revenu au fond du trou. • YANN FRANÇOIS ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT

1–2–3 Novembre 2018 Grande Halle de la Villette

Bon Iver Kaytranada Mac DeMarco Etienne Daho Blood Orange Daniel Avery CHVRCHES The Voidz (Julian Casablancas) Chromeo DJ Koze John Maus Jeremy Underground Stephen Malkmus & the Jicks Peggy Gou Unknown Mortal Orchestra Bagarre Car Seat Headrest Avalon Emerson Yellow Days Rolling Blackouts Coastal Fever Dream Wife Tirzah Lewis OfMan Muddy Monk Snail Mail Cola Boyy Boy Pablo G Flip Michael Rault Billets sur pitchforkmusicfestival.fr #P4Kparis


LIVRES

CHIEN-LOUP

Imaginez

une vieille bicoque en pierre au sommet d’une colline quasi inaccessible, loin de tout, quelque part dans le Lot. C’est là que Lise a décidé de passer trois semaines de vacances. L’idée de vivre au contact de la nature, coupée du monde, l’enchante ; Franck, son mari, est beaucoup plus réservé. Aussitôt installé, il découvre avec consternation qu’il n’y a pas de réseau 4G, ni de télévision ; que la nature alentour est absolument sauvage ; bref, que l’endroit fout les jetons… On croirait le début d’un redneck movie délocalisé dans les causses, mais non : le danger ici ne viendra pas de bouseux dégénérés qui roulent en 4 x 4 ; plutôt des animaux qui peuplent les collines, notamment un chien, un gros chien mêlé de loup qui rôde autour de la maison, comme s’il cherchait à se faire accepter par Lise et Franck. Ami ou ennemi ? Pour compliquer l’intrigue, Serge Joncour imagine aussi que, pendant la guerre de 1914, les lieux furent occupés par un dompteur, un Allemand réfugié dans ce no man’s land avec ses fauves, au grand dam des gens du coin apeurés… Fort de ces deux intrigues espacées d’un siècle, l’auteur de L’Idole construit un gros roman à double hélice, qui alterne entre les scènes de la vie d’une campagne pendant la Grande Guerre et celles de la retraite estivale de Franck et Lise au même endroit, cent ans plus tard. De cette architecture casse-gueule, Joncour tire le meilleur : les récits se répondent dans une sorte de fresque sur la continuité du temps, la persistance des malédictions, l’empreinte du

passé, la confrontation vivifiante avec la nature et l’instinct carnassier des hommes. Surtout, grâce à son style rugueux et à la lenteur calculée de l’intrigue, Joncour crée une tension formidablement efficace, jamais relâchée sur près de cinq cents pages. La peur est partout, on jurerait un film d’épouvante alors que c’est tout autre chose. Les paysages grandioses (les descriptions sont répétitives, mais qu’importe)

OFF

Aussitôt installé, Franck découvre avec consternation qu’il n’y a pas de réseau 4G. feraient de beaux décors de film. Justement, Franck, le héros, est producteur. On ne serait pas étonné du coup de voir Chien-Loup sur un écran, un jour. À court terme, on le verrait bien aussi parmi les lauréats des prix de l’automne. Ça ne serait pas démérité, c’est le meilleur livre de l’auteur. • BERNARD QUIRINY

QUITTER LONDRES

NUMBERS

Suite et fin de la grande trilogie d’Iain Sinclair sur Londres : une captivante dérive psychogéographique dans les tréfonds de la capitale anglaise, sorte de condensé urbanistique du monde moderne, à l’heure du Brexit et des attentats terroristes. • B. Q.

Figure clé de la littérature homosexuelle, John Rechy est connu pour son roman culte La Cité de la nuit. Paru en 1967 et traduit pour la première fois, Numbers explore le même Los Angeles des années 1960, celui des marges et de la prostitution gay. • B. Q.

(Inculte, 460 p.)

Laurence Viallet, 252 p.)

: d’Iain Sinclair

: de John Rechy (Éditions

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— : de Serge Joncour (Flammarion, 475 p.)

LES RÉGATES DE SAN FRANCISCO Trois ados grandissent dans le Trieste des années 1930… Cette réédition en poche, très attendue, d’un classique du bildungsroman italien marque la résurrection de la belle collection « Motifs ». • B. Q.

: de Pier-Antonio

Quarantotti Gambini (Motifs, 292 p.)


BD

OFF

FRÉHEL

Ses

— : de Johann G. Louis (Nada, 288 p.) —

géniteurs n’avaient jamais entendu parler de parentalité bienveillante. Il faut reconnaître que la vie était plutôt âpre pour les prolétaires à la fin du xixe siècle. Livrée à elle-même, la petite Marguerite grandit sur les trottoirs de Courbevoie et de Paris, avec une passion comme soutien : la chanson. Son énergie, son audace et son talent lui ouvrent les portes des cabarets et des cafés-concerts. Quelques années plus tard, c’est sous le nom de Fréhel qu’elle est à l’affiche des grandes salles de la Belle Époque. Trois ans de travail ont été nécessaires à Johan G. Louis pour évoquer la grande inspiratrice de la chanson française sur près de trois cents pages délicates et aquarellées. Une existence consumée sans plan de carrière et sans souci d’économie ou de tempérance… Amours passionnées, liberté sexuelle, alcool et drogue. Cette femme indépendante connut le succès jusqu’à Saint-Pétersbourg mais mourut sans le sou à Pigalle. Cette biographie à la fois inspirée et documentée transmet l’écho de sa gouaille et le souvenir d’un Paname d’avant l’embourgeoisement. • VLADIMIR LECOINTRE 109


mk2 SUR SON 31 JUSQU’AU 6 NOV. CYCLE BOUT’CHOU Pour les enfants de 2 à 4 ans : La Chasse à l’ours et Le Rat scélérat, La Grande Aventure de Non-Non et Le Bal des lucioles.

DIMANCHE 14 OCT. ENTRONS DANS LA DANSE « La danse classique : de Marius Petipa à Maurice Béjart. »

ARCHITECTURE ET DESIGN « L’Art nouveau en Europe. »

: mk2 Bastille

(entrée BnF) à 20 h

Bibliothèque et mk2 Quai de Seine, les samedis et dimanches matins

JUSQU’AU 20 NOV. CYCLE JUNIOR Pour les enfants à partir de 5 ans : Pocahontas, Mulan, et Aladdin.

: mk2 Bibliothèque, mk2 Quai de Loire et mk2 Gambetta, les samedis et dimanches matins

JEUDI 11 OCT. ARCHITECTURE ET DESIGN « L’École de Chicago et Frank Lloyd Wright. »

: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h

LA PHOTOGRAPHIE « La photographie naturaliste : de Nadar à Alfred Stieglitz. »

: mk2 Quai de Loire à 20 h UNE HISTOIRE DE L’ART « L’art roman. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

SAMEDI 13 OCT. L’ART CONTEMPORAIN « L’Abstraction, de Paris à New York. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

: mk2 Bibliothèque

(côté Fg St Antoine) à 11 h

: mk2 Gambetta, mk2 Bastille (côté Beaumarchais), mk2

JEUDI 18 OCT.

INITIATION À L’ART EN FAMILLE « Au fil des heures : La Cathédrale de Rouen de Claude Monet. »

: mk2 Quai de Seine à 11 h LA PSYCHANALYSE A SON MOT À DIRE « À quoi sert de parler à un enfant ? », conférence animée par les psychanalystes Caroline Eliacheff et Jean-Pierre Winter.

: mk2 Quai de Loire à 11 h

LUNDI 15 OCT. 1 HEURE, 1 ŒUVRE « Michel-Ange, la chapelle Sixtine (1508-1512) et Le Jugement dernier (1536-1541). »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11h

LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « La National Gallery de Washington. »

: mk2 Bastille (côté

LA PHOTOGRAPHIE « Le Pictorialisme : un dialogue entre photographie et peinture. »

: mk2 Quai de Loire à 20 h UNE HISTOIRE DE L’ART « L’art gothique. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

LUNDI 5 NOV. 1 HEURE, 1 ŒUVRE « Titien, la Vénus d’Urbin (1538). »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « Le Rijksmuseum d’Amsterdam. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 12 h 30

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Comment sortir de l’impasse individualiste ? », avec R. Glucksmann.

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

Beaumarchais) à 12 h 30

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Le diable est-il dans les détails ? »

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

PORTRAITS DE FEMMES « Élisabeth Ire, la reine des Tudors. »

: mk2 Parnasse à 18 h 30

PORTRAITS DE FEMMES « Catherine de Médicis, une légende noire ? »

: mk2 Parnasse à 18 h 30 SCIENCES SOCIALES ET CINÉMA « Quelle(s) identité(s) ? » Projection de Ready Player One de Steven Spielberg, suivie de son commentaire par un enseignant-chercheur de l’EHESS.

: mk2 Bibliothèque à 19 h 45 CAFÉ SOCIETY Projection d’Under the Silver Lake de David Robert Mitchell.

: mk2 Bibliothèque à 11 h FASCINANTE RENAISSANCE « Les sculpteurs florentins du Quattrocento : Donatello et Ghiberti. »

: mk2 Beaubourg à 11 h VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « À la découverte de la Voie lactée. »

: mk2 Quai de Loire à 11 h

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « François Ier et ses artistes. »

: mk2 Grand Palais à 20 h

MARDI 16 OCT.

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Le renouveau d’Henri IV. »

: mk2 Grand Palais à 20 h

MARDI 6 NOV.

UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Les comédies musicales : des happy-ends endiablés. » Cours suivi de la projection de Chantons sous la pluie de Gene Kelly et Stanley Donen (à réserver en complément de la conférence).

UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Les musicals : … aux cœurs désenchantés. » Cours suivi de la projection des Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy (à réserver en complément de la conférence).

: mk2 Odéon (côté St Michel)

: mk2 Odéon (côté St Michel)

à 20 h

à 20 h


Exposition des lauréats des Albums des jeunes architectes et paysagistes 19 oct. - 10 déc. 2018 Entrée libre

Cité de l’architecture & du patrimoine Palais de Chaillot – M° Trocadéro citedelarchitecture.fr #AJAP2018

Extension de maison individuelle, pays de l’Uzège, 2016. Crédit : dixneufcentquatrevingtsix / ph. Florian Kleinefenn. Conception graphique : panni.net

Jeune création architecturale et paysagère


mk2 SUR SON 31 JEUDI 8 NOV.

DIMANCHE 11 NOV.

ARCHITECTURE ET DESIGN « Les débuts de la modernité : fer, verre, béton et avant-gardes. »

ENTRONS DANS LA DANSE « Un vent de liberté : Isadora Duncan, Vaslav Nijinski, Joséphine Baker. »

: mk2 Bibliothèque (entrée

: mk2 Bastille

BnF) à 20 h

(côté Fg St Antoine) à 11 h

LA PHOTOGRAPHIE « Les femmes photographes. »

INITIATION À L’ART EN FAMILLE « Au lit : La Chambre à coucher de Vincent Van Gogh. »

: mk2 Quai de Loire à 20 h UNE HISTOIRE DE L’ART « Les primitifs italiens : Cimabue, Giotto, Duccio. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

SAMEDI 10 NOV. L’ART CONTEMPORAIN « Les illusions d’optique. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

FASCINANTE RENAISSANCE « Les architectes florentins du Quattrocento : Brunelleschi, Alberti, Michelozzo. »

: mk2 Beaubourg à 11 h

: mk2 Quai de Seine à 11 h

CULTISSIME ! Projection d’A.I. Intelligence artificielle de Steven Spielberg.

: mk2 Gambetta, plusieurs séances l’après-midi

LUNDI 12 NOV. 1 HEURE, 1 ŒUVRE « Le Caravage, L’Incrédulité de saint Thomas (1603). »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « La National Gallery de Londres. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 12 h 30

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « L’homme se soumet-il lorsqu’il s’adapte ? »

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

PORTRAITS DE FEMMES « Catherine II de Russie, une despote éclairée. »

: mk2 Parnasse à 18 h 30 PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Le temps des grands cardinaux. »

: mk2 Grand Palais à 20 h

MARDI 13 NOV. UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Le western : les héros. » Cours suivi de la projection de La Flèche brisée de Delmer Daves (à réserver en complément de la conférence).

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

PARIS PHOTO

La

première foire mondiale dédiée à la photographie souffle ses 22 bougies et paraît plus fraîche que jamais, avec notamment la première édition du secteur Curiosa. Confié à la curatrice et critique d’art Martha Kirzenbaum, il présente « une sélection d’images érotiques qui redéfinissent notre regard sur le corps fantasmé et fétichisé, taclant les rapports de domination et de

© BORIS MIKHAÏLOV, COURTESY GALERIE SUZANNE TARASIEVE AND BORIS MIKHAÏLOV

Boris Mikhaïlov, Yesterday’s Sandwich, 2018

pouvoir et les questions de genre », dixit la présentation officielle. Le secteur films, inauguré l’an dernier, dévoile au mk2 Grand Palais la création filmique contemporaine à travers des programmes de films d’artistes (Tacita Dean, Romain Kronenberg, Boris Mikhaïlov, Joan Fontcuberta, Carolee Schneemann) concoctés par Pascale Cassagnau, responsable de la collection audiovisuel, vidéo et nouveaux médias au Centre national des arts plastiques, et par Matthieu Orléan, collaborateur artistique à la Cinémathèque française, à partir de films proposés par les galeries de Paris Photo et d’autres de la collection du Cnap et de la JPMorgan Chase Art Collection. • CLAUDE GARCIA

: du 8 au 11 novembre au Grand Palais,

programmation sur www.parisphoto.com

112



OFF

LE BRAS CASSÉ DU CINÉ

Tout

DOUBLE MANCHOT

en haut à droite, il y a ce siège souvent libre, parce que l’emplacement, de prime abord, paraît bâtard. Toujours dans le même cinéma, derrière le resto asiatique à volonté où des types dont la sueur sent le Dinosaurus font des sandwiches sushis-fritespastèque en dessert pour amortir les 17,99 €. En solo, tu t’assois à côté de ce fauteuil-là. Toujours. Et tu le toises tant que la lumière est allumée, avant le début du film. C’était votre coin. C’était sa place. Parfois, les yeux n’y voient plus vraiment clair. Il y a de la buée, comme sur le rétroviseur d’une Clio 1, et, souvent, une séquence qui revient, comme ça. Un soir, tu lui avais pris la main, avant d’appro­c her ton pif d’aiglon de son oreille pour lui dire « je t’aime » – un truc rarissime. Mais un gros con t’a touché l’épaule pour te demander si, à tout hasard, tu n’étais pas assis sur sa moufle, dans laquelle il avait glissé sa carte vitale. « J’ai les oreillons frérot, demain j’ai rendez-­v ous… » Tu as levé ton cul rectangulaire et tâté en dessous. Rien. Au même instant, tu as senti la grâce, celle qui t’avait miraculeusement

rendu romantique, se barrer. Ça a fait un bruit sourd dans ta tête : peut-être qu’en filant, la magie avait claqué la porte. Il n’y a pas eu de « je t’aime », juste une caresse furtive du bout des doigts. Votre dernier film ensemble ? Tu avais chialé au milieu. Une histoire à perdre le sommeil dix nuits, celle d’un éleveur mis au ban de son village parce qu’il enfilait à ses bêtes des chaussures de ville. Ta copine avait quitté la salle dix minutes avant la fin magistrale : un veau s’était pendu avec un lacet alors que le fermier était au crossfit. Cette nuit-là, tu l’avais déposée en face de chez elle. En lui faisant une tête et une scène de gamin roux trop gâté. « La prochaine fois, tu n’as qu’à choisir le film, laisse tomber… » Avec une machine à remonter le temps pas trop capricieuse, tu choisirais pile cet instant-là pour revenir et corriger l’anomalie. Tu ne serais pas ce double manchot, bras cassé du cinéma et de l’amour. Bref, les ruptures, c’est moche. • RAMSÈS KEFI ILLUSTRATION : AMINA BOUAJILA

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LE

VIENT À VOTRE RENCONTRE !

Le C+LTOUR, c’est une soirée qui vous est exclusivement réservée, à vous abonné C+L, durant laquelle vous pourrez rencontrer vos animateurs préférés, découvrir les coulisses de C+L et nos coups de cœur en avantpremière, le tout sous le signe de la bonne humeur ! La soirée s’achèvera en musique avec un concert exceptionnel, coup d’envoi à Paris en octobre, à Grenoble en novembre puis à Nantes en décembre ! RENDEZC+TVOUS SUR myC+L RUBRIQUE LE CLUB C+L POUR TENTER VOTRE CHANCE !


261, boulevard Raspail 75014 Paris

Exposition

Image : Freddy Mamani, Cholet dans un quartier résidentiel en brique rouge, El Alto. Photo © Tatewaki Nio, série Néo-andina, 2016. Cette œuvre a été réalisée grâce au soutien du musée du quai Branly — Jacques Chirac Graphisme : Spassky Fischer

fondation.cartier.com

14 oct. 2018—24 févr. 2019

GÉOMÉTRIES SUD DU MEXIQUE À LA TERRE DE FEU


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