N 169
O  MAI 2019 GRATUIT
VARDA INTIME
pyr amide
prés e nt e
UN FILM
BLESSÉ, JUSTE, ÉNERGIQUE ET SALVATEUR La Septième Obsession FESTIVAL DE JÉRUSALEM
FESTIVAL DE LOCARNO
PRIX DU JURY JEUNE
YO E L R OZE N K I E R
MEILLEUR FILM MEILLEUR ACTEUR
MICHA ROZENKIER
un film de
FESTIVAL DES TROIS CONTINENTS
PRIX DU PUBLIC
YO N A R OZE N K I E R
YO N A R OZE N K I E R
LE 12 JUIN
ÉDITO D’Agnès
Varda, on a l’impression que tout a été dit. Au lendemain de son décès, le 29 mars, la rédaction était prise d’une telle émotion que l’on ne savait quoi ajouter à la vague d’effusions qui a déferlé, toutes générations confondues, sur les réseaux sociaux et devant sa maison, rue Daguerre. On pensait non seulement à la cinéaste qui s’en allait, à la « grand-mère de la Nouvelle Vague », dont la cote de popularité n’a cessé de croître depuis son premier film, La Pointe courte (1956), au fil de ses immenses Cléo de 5 à 7 (1962) et Sans toit ni loi (1985), de ses documentaires en forme d’autoportraits (Daguerréotypes, 1978 ; Les Glaneurs et la Glaneuse, 2000 ; Les Plages d’Agnès, 2008). Mais on se remémorait aussi la personne, à travers les liens qui s’étaient tissés entre elle et la rédaction avec les années. En 2012, notre journaliste Quentin Grosset, alors stagiaire et déjà grand fan de son œuvre, lui avait apporté un gratin de côte de blettes – elle en avait glissé la recette dans son coffret Tout(e) Varda – préparé par ses soins lors de son premier entretien avec elle ; l’attention avait ravi la cinéaste, elle en avait reparlé à chacune de leurs entrevues suivantes. En 2017, elle proposait à Nicolás Longinotti, à peine arrivé dans notre rédaction, de monter avec elle son dernier film en forme de testament, Varda par Agnès, après avoir été très émue par un montage d’extraits de ses films qu’il avait fait pour nous. C’est en puisant dans ces sources, et dans l’histoire qu’elle a en commun avec la société mk2, qui édite ce magazine, que nous avons choisi d’enrichir la fresque, d’apporter à notre tour quelques fragments au récit de la vie si bien remplie de cette amoureuse des collages. Pour mieux célébrer Varda l’expérimentatrice, l’alchimiste qui s’est lancée, à 26 ans, dans un premier film révolutionnaire sans rien savoir du cinéma, la fière exploratrice qui a passé ses 90 années à réinventer sa forme, jusqu’à laisser dans le monde une empreinte indélébile – dont on n’aura sans doute jamais fini de définir les contours. • TIMÉ ZOPPÉ
EL DESEO PRÉSENTE UN FILM DE
ALMODÓVAR ANTONIO BANDERAS
ASIER ETXEANDIA LEONARDO SBARAGLIA NORA NAVAS JULIETA SERRANO
LE VENDREDI 17 MAI
CRÉDITS NON CONTRACTUELS
ÉCRIT ET RÉALISÉ PAR
POPCORN
P. 6 PREVIEW CANNES • P. 16 RÈGLE DE TROIS : BRIGITTE FONTAINE • P. 26 LE NOUVEAU : ZAC FARLEY
BOBINES
P. 28 EN COUVERTURE : AGNÈS VARDA • P. 48 INTERVIEW : JEAN-PIERRE ET LUC DARDENNE • P. 52 INTERVIEW : JUSTINE TRIET
ZOOM ZOOM
P. 64 DOULEUR ET GLOIRE • P. 66 LE CHANT DE LA FORÊT P. 68 QUAND NOUS ÉTIONS SORCIÈRES • P. 70 PARASITE
COUL’ KIDS
P. 82 INTERVIEW : CLÉMENTINE DU PONTAVICE P. 84 LA CRITIQUE DE LÉONORE : LES VIEILLES LÉGENDES TCHÈQUES
OFF
P. 86 DÉCRYPTAGE : LES ANIMAUX ENTRENT EN SCÈNE P. 96 CONCERTS : MOHAMED LAMOURI • P. 104 SÉRIES : FLEABAG
ÉDITEUR MK2 AGENCY — 55, RUE TRAVERSIÈRE, PARIS XIIe — TÉL. 01 44 67 30 00 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ELISHA.KARMITZ@MK2.COM | RÉDACTRICE EN CHEF : JULIETTE.REITZER@MK2.COM RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE : TIME.ZOPPE@MK2.COM | RÉDACTEURS : QUENTIN.GROSSET@MK2.COM, CORENTIN.LE@MK2.COM, JOSEPHINE.LEROY@MK2.COM | GRAPHISTE : JÉRÉMIE LEROY | SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : VINCENT TARRIÈRE STAGIAIRE : QUENTIN BILLET-GARIN | ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : JULIEN BÉCOURT, LILY BLOOM, CHARLES BOSSON, JULIEN DOKHAN, JULIEN DUPUY, MARIE FANTOZZI, YANN FRANÇOIS, AÏNHOA JEAN-CALMETTES, DAMIEN LEBLANC, VLADIMIR LECOINTRE, GRÉGORY LEDERGUE, STÉPHANE MÉJANÈS, WILFRIED PARIS, MICHAËL PATIN, PERRINE QUENNESSON, BERNARD QUIRINY, CÉCILE ROSEVAIGUE, ÉRIC VERNAY, ANNE-LOU VICENTE, ETAÏNN ZWER & LÉONORE ET LES ÉLÈVES DE LA GRANDE SECTION DE L’ÉCOLE MATERNELLE GODEFROY-CAVAIGNAC PHOTOGRAPHES : PALOMA PINEDA, JAMES WESTON, ERIOLA YANHOUI | ILLUSTRATEURS : PABLO COTS, SAMUEL ECKERT, ÉMILIE GLEASON, ANNA WANDA GOGUSEY, PABLO GRAND MOURCEL | PUBLICITÉ | DIRECTRICE COMMERCIALE : STEPHANIE.LAROQUE@MK2.COM RESPONSABLE MÉDIAS : CAROLINE.DESROCHES@MK2.COM | ASSISTANTE RÉGIE, CINÉMA ET MARQUES : EVA.LEVEQUE@MK2.COM RESPONSABLE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : ALISON.POUZERGUES@MK2.COM ASSISTANTE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : CLAIRE.DEFRANCE@MK2.COM TROISCOULEURS EST DISTRIBUÉ DANS LE RÉSEAU LE CRIEUR CONTACT@LECRIEURPARIS.COM © 2018 TROISCOULEURS — ISSN 1633-2083 / DÉPÔT LÉGAL QUATRIÈME TRIMESTRE 2006 — TOUTE REPRODUCTION, MÊME PARTIELLE, DE TEXTES, PHOTOS ET ILLUSTRATIONS PUBLIÉS PAR MK2 AGENCY EST INTERDITE SANS L’ACCORD DE L’AUTEUR ET DE L’ÉDITEUR. — MAGAZINE GRATUIT. NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE.
À l’heure où l’on boucle ce numéro, on sait qu’au moins 19 films vont se disputer la Palme d’or cette année. Après un cru 2018 placé sous le signe de l’audace, l’édition 2019 s’annonce plus équilibrée entre vétérans et jeunes entrants. À l’aveugle, on fait le tour des promesses du 72e Festival de Cannes qui a lieu du 14 au 25 mai, et qui est à suivre sur troiscouleurs.fr
ÇA FAIT COMBIEN ? COMBIEN DE FOIS EN SÉLECTION OFFICIELLE ?
3,7 en moyenne
L’ÂGE DES PRÉTENDANTS À LA PALME ?
55,4 a ns en moyenne, en hausse par rapport à 2018 (50,7 ans), qui était présentée comme l’année du « renouvellement ».
ET AUSSI… Le nombre de films au casting desquels figure Adèle Haenel (Portrait de la jeune fille en feu en Compétition, Le Daim à la Quinzaine et Les héros ne meurent jamais à la Semaine de la critique).
Quatorzième sélection pour Ken Loach, huitième pour les frères Dardenne et Jim Jarmusch, et toute première pour Ira Sachs ou Mati Diop.
COMBIEN DE FEMMES EN SÉLECTION OFFICIELLE ?
4 femmes
(Mati Diop, Justine Triet, Céline Sciamma et Jessica Hausner), contre 17 hommes. La parité est encore loin…
LA DURÉE TOTALE DE TOUS LES FILMS EN SÉLECTION OFFICIELLE ? Le film le plus long en Compétition est Une vie cachée de Terrence Malick (3 h) ; le plus court, Le Jeune Ahmed (1 h 24) des frères Dardenne.
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LE NOMBRE DE FRANÇAIS EN SÉLECTION OFFICIELLE ? (Arnaud Desplechin, Mati Diop, Ladj Ly, Céline Sciamma, Justine Triet), comme en 2018 et 2016 – contre 4 en 2017.
C’est, en dollars, le minuscule budget de Red 11 de Robert Rodriguez, en Séance spéciale à la Quinzaine des réalisateurs. Alejandro González Iñárritu est le premier Mexicain à présider le jury du Festival de Cannes. 6
Pour la première fois depuis 2011, Marion Cotillard ne foulera pas le tapis rouge du festival pour présenter un film. C’est, en années, l’âge d’Alain Cavalier, doyen du festival avec Être vivant et le savoir, en Séance spéciale de la sélection officielle et en salles le 5 juin.
CANNES 2019
3 GRANDES PROMESSES MONIA CHOKRI
© AMAZON STUDIOS
DANIELLE LESSOVITZ
GOOD COP, BAD COP
À l’heure des soulèvements populaires, les forces de l’ordre sont présentes en nombre dans la rue, mais aussi dans les films cannois. À commencer par ceux de la Compétition : les « bacqueux » arpentent le 9-3 dans Les Misérables de Ladj Ly ; un policier se rend aux îles Canaries dans Les Siffleurs de Corneliu Porumboiu ; deux flics nordistes enquêtent sur un meurtre dans Roubaix, une lumière d’Arnaud Desplechin. En Séance de minuit, un détective s’associe à un voyou dans The Gangster, the Cop, the Devil de Lee Won-tae, et un jeune policier erre à L.A. dans la série de Nicolas Winding Refn, Too Old to Die Young, présentée hors Compétition. Du côté de la Semaine et de la Quinzaine, un commissaire soupçonne un homme d’avoir eu une aventure avec sa femme dans A White, White Day de Hlynur Pálmason, et deux flics se lancent à la poursuite d’un barbouze dans Perdrix d’Erwan Le Duc. Si la police est partout, reste à espérer que la justice soit quelque part. • C. L .
Parce qu’on aime le voguing, on mise sur Port Authority, premier long (présenté à Un certain regard) de cette Américaine, qui semble avoir pas mal bourlingué. Le film suit le parcours d’un jeune blanc-bec (Fionn Whitehead, repéré dans Dunkerque de Christopher Nolan) happé par la scène ballroom new-yorkaise.
MATI DIOP
Alors que son moyen métrage Mille soleils (composé sur les vestiges du sublime Touki Bouki de son oncle Djibril Diop Mambety) nous avait éblouis en 2014, on est tout feu tout flamme à l’idée de découvrir Atlantique (en Compétition), premier long métrage de la cinéaste franco-sénégalaise. • J. L .
ZOOM PITCH PERFECT YVES
LE DAIM
BACURAU
LITTLE JOE
de Benoît Forgeard (Quinzaine des réalisateurs) Trois ans après son pastiche politique Gaz de France, Benoît Forgeard revient avec un sacré pitch : Yves raconte l’amitié entre Jérem (William Lebghil) et un frigo prénommé Yves, qui lui a été vendu par Digital Cool, une start-up tendance. Ensemble, ils vont composer un album dans l’espoir de percer dans la musique.
de Quentin Dupieux (Quinzaine des réalisateurs) Le jubilatoire sens de l’absurde de Quentin Dupieux est de retour sur la Croisette après Rubber, en 2010. Georges (Jean Dujardin), 44 ans, et son blouson 100 % daim vont tenter d’écraser toute concurrence avec l’aide d’une serveuse – par ailleurs monteuse de films – campée par Adèle Haenel.
de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles (Compétition) Kleber Mendonça Filho (Aquarius, 2016) met pour la première fois un pied dans la science-fiction et un autre dans le western avec ce mystérieux récit d’anticipation sur un village brésilien qui disparaît subitement de la carte, alors que ses habitants sont en plein deuil de leur matriarche.
de Jessica Hausner (Compétition) Après son drame romanesque Amour fou (2014), l’Autrichienne Jessica Hausner passe à la science-fiction avec l’histoire d’une nouvelle et curieuse plante issue d’un croisement génétique qui provoque des échanges de corps entre toutes les personnes qui entrent en contact avec elle. • Q. B.-G.
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© MAUDE CHAUVIN ; HÉLÈNE ZÜND ; D. R.
Too Old to Die Young de Nicolas Winding Refn
On se souvient de sa repartie et de son regard jaugeant la foule fêtarde dans Les Amours imaginaires de Xavier Dolan (2010). On espère retrouver sa finesse et son humour pince-sans-rire dans La Femme de mon frère (Un certain regard), son premier long en tant que réalisatrice.
CANNES 2019
3 FIGURES IMPOSANTES DIEGO MARADONA
Après le bouleversant Amy (2015), qui recomposait la vie mouvementée d’Amy Winehouse, le Britannique Asif Kapadia troque le micro contre le ballon avec son docu Diego Maradona (hors Compétition) qui revient sur la success story du célèbre footballeur argentin. But en vue. Avec l’aide de la main de Dieu ?
The Dead Dont Die de Jim Jarmusch
D’ENTRE LES MORTS
JEANNE D’ARC
Le Français Bruno Dumont poursuit avec Jeanne (Un certain regard) le récit de la vie de la Pucelle d’Orléans, qui s’apprête cette fois à livrer bataille contre les Anglais. Après son décalé Jeannette. L’enfance de Jeanne d’Arc (2017), on a toutes les chances d’assister à un nouveau miracle. Comme Freddie Mercury, récemment célébré dans Bohemian Rhapsody (2018) de Bryan Singer, le flamboyant Elton John, toujours au top de la pop, a droit à un biopic (de son vivant, en plus). Avec Rocketman (hors Compétition), le Britannique Dexter Fletcher revient sur son fulgurant parcours. • J. L .
© MARS FILMS ; LES FILMS DU LOSANGE ; PARAMOUNT PICTURES
ELTON JOHN
Corps mutilés ou réincarnés : cette année, les zombies envahissent la croisette. Jim Jarmusch déverse ses pestiférés en manque de chair fraîche dès l’ouverture de la Compétition (et le même jour en salles), le 14 mai, avec The Dead Don’t Die, sa comédie horrifique au casting fou (Bill Murray, Adam Driver, Chloë Sevigny, Tilda Swinton, Selena Gomez, Steve Buscemi, Tom Waits ou encore Iggy Pop). À la Quinzaine des réalisateurs, Bertrand Bonello navigue entre la France et Haïti avec Zombi Child, dans lequel une adolescente haïtienne révèle à ses amies le funeste secret qui hante sa famille (on flaire un indice dans le titre). À la Semaine de la critique, J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin voit une main tranchée partir à la recherche de son corps, alors que, dans Les héros ne meurent jamais d’Aude Léa Rapin, les disparus de la guerre de Bosnie-Herzégovine refont surface. Alors que ce vent d’apocalypse nous fait déjà frissonner, croisons les doigts pour ne pas les perdre. • C. L .
ZOOM L’AMOUR À L’ÉPREUVE DU TEMPS MATTHIAS ET MAXIME
CHAMBRE 212
de Xavier Dolan (Compétition) Après son Grand prix en 2016 pour Juste la fin du monde, le prodige québécois revient à Cannes pour conter – cette fois devant et derrière la caméra – l’histoire de deux amis d’enfance dont la relation est bouleversée par un baiser que les deux hommes échangent sur un plateau de tournage.
de Christophe Honoré (Un certain regard) Après vingt ans de mariage, lasse, Maria décide de s’installer dans un hôtel en face de son immeuble pour mieux observer l’évolution de son histoire et de ses sentiments… Christophe Honoré promet un récit fidèle à son romantisme, porté par un casting étourdissant (Chiara Mastroianni, Vincent Lacoste…).
PORTRAIT DE LA JEUNE FILLE EN FEU de Céline Sciamma (Compétition) Le nouveau film de Céline Sciamma (Tomboy, Bande de filles) se penche sur la relation, dans la Bretagne du xviiie siècle, entre une future mariée et une peintre chargée de faire son portrait. Selon la cinéaste, le film raconte « le présent d’un amour vécu mais aussi sa longue résonance en nous ».
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FRANKIE d’Ira Sachs (Compétition) Après avoir détaillé avec finesse une relation amicale entre deux gamins dans Brooklyn Village (2016), Ira Sachs observe dans Frankie les attaches familiales d’une actrice sur le point de mourir (campée par Isabelle Huppert), qui décide de réunir sa famille au Portugal pour ses dernières vacances. • Q. B.-G.
SON ENVOL ANNONCE LEUR CHUTE
LE 5 JUIN AU CINÉMA #XMenDarkPhoenix #XMenDarkPhoenix
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À chaque jour ou presque, sa bonne action cinéphile. Grâce à nos conseils, enjolivez le quotidien de ces personnes qui font de votre vie un vrai film (à sketchs). POUR VOTRE FRÈRE QUI PÈSE SUR TWITTER ET CHERCHE DE NOUVELLES NICHES D’INFOS Le site de TROISCOULEURS fait peau neuve et ça, ça va plaire à cet étudiant en ciné passionné. Plus dynamique, claire et intuitive, garnie d’encore plus d’interviews, de critiques, de news sur les tournages de films les plus attendus, d’actus autour de films culte ou de pépites glanées sur Internet, cette nouvelle version vous guidera plus aisément dans les labyrinthes de la culture et du cinéma – à vous la découverte d’oldies et de vidéos qui encapsulent nos obsessions. Bonne navigation !
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POUR VOTRE MEILLEUR POTE QUI SE MOQUE DE VOTRE CLAUSTROPHOBIE Vous voir suer dans le métro le fait sourire. Prouvez-lui que ses moqueries roulent sur les rails de votre indifférence : proposez-lui d’aller découvrir des films autour du thème du huis clos dans le ciné français des années 1960. Des tas de films culte au menu, dont Les Créatures d’Agnès Varda et Je t’aime, je t’aime d’Alain Resnais. Qui sait ? Ce sera peut-être le remède à votre mal.
: « De la cage au cadre. Création en huis clos dans le cinéma français des années 1960 », du 14 mai au 1er juin au Jeu de Paume
Les Créatures d’Agnès Varda (1966)
POUR VOTRE GRAND-MÈRE QUI NE SAIT PAS QUOI PROPOSER À SON BOOKCLUB Le thème « Italie » ne lui parlant pas plus que ça, elle s’inquiète de ne rien avoir à conseiller à ses amis. Offrez-lui ces romans graphiques qui font le portrait de deux Italiens pas du genre à buller : le premier se penche sur le parcours du cinéaste Sergio Leone, qui a conquis les États-Unis puis le monde grâce à ses westerns ; le second perce les mystères du tonton flingueur Lino Ventura, taiseux au grand cœur.
: « Sergio Leone » de Noël Simsolo et Philan (Glénat, 184 p.) • « Lino Ventura et l’Œil de verre » d’Arnaud Le Gouëfflec et Stéphane Oiry (Glénat, 144 p.)
© T UONG-VI NGUYEN
POUR VOTRE ADO QUI PREND DES SELFIES EN TOUTE CIRCONSTANCE Il a tendance à trop documenter sa vie sur les réseaux sociaux. Invitez-le à assister à cette pièce qui croise les récits des participants d’un atelier qui se réunissent dans un centre social de l’est parisien. En écho aux frères Lumière, qui proposaient un point de vue unique sur le sujet cadré, cette création théâtrale sonde le hors-champ, le mystère et les non-dits. Et, bien sûr, les portables doivent être éteints.
: « Vues Lumière », du 10 mai au 5 juin au théâtre national de La Colline
POUR LE VENDEUR DU MAGASIN DE BONBONS PRÈS DE CHEZ VOUS, AMATEUR DE CINÉMA MUET Tout en vous glissant des friandises dans un sac, il vous parle de ce projet qu’il a d’écrire un texte sur la face sombre du cinéma muet. Pour l’encourager, offrez-lui ce roman passionnant qui ranime le Français Max Linder, une vedette comique du muet tombée de son vivant dans l’oubli et qui assassina cruellement sa jeune épouse avant de se donner la mort. De quoi l’inspirer pour son étude.
: « Max » de Stéphane Olivié Bisson (Cambourakis, 112 p.)
• JOSÉPHINE LEROY 10
LES FILMS DU FLEUVE ET ARCHIPEL 35 PRÉSENTENT
L E J E U N E A H M E D UN FILM DE
PHOTO : CHRISTINE PLENUS
JEAN-PIERRE
ET
LUC DARDENNE
IDIR BEN ADDI OLIVIER BONNAUD MYRIEM AKHEDDIOU VICTORIA BLUCK CLAIRE BODSON OTHMANE MOUMEN
LE 22 MAI AU CINÉMA
HOME CINÉMA
Chaque mois, une traversée des tendances du design, de l’art de vivre et de la culture portées par le grand écran et disponibles au mk2 store du mk2 Bibliothèque. Ce mois-ci : une sélection pour célébrer l’œuvre foisonnante d’Agnès Varda. • CORENTIN LÊ
SES DOCUMENTAIRES EN COFFRET DVD Du méconnu Documenteur (1982) à Visages villages (2017) en passant par Les Glaneurs et la Glaneuse (2000), Agnès Varda a réalisé une dizaine de documentaires. Une obsession traverse ces films hétéroclites dans lesquels réel et fantaisie s’entremêlent joyeusement : voyager, encore et toujours, pour aller à la rencontre du monde en provoquant le hasard.
LE CHIRASHI DES GLANEURS ET LA GLANEUSE
LE VINYLE DE L’UNE CHANTE L’AUTRE PAS
Les Glaneurs et la Glaneuse, l’un des documentaires les plus connus de la cinéaste, a voyagé partout dans le monde, jusqu’à connaître une exploitation japonaise en 2002. Sur son beau chirashi – une affiche petit format typique de l’industrie nippone – se côtoient les deux faces du film : une mosaïque de glaneurs et le portrait d’une glaneuse, Agnès Varda.
Sorti en mars 1977, L’une chante l’autre pas d’Agnès Varda dépeint l’amitié entre deux jeunes femmes militantes de 1962 à 1976. Produite par François Wertheimer (parolier de l’album La Louve de Barbara en 1973) et interprétée par le groupe Orchidée, sa célèbre bande-son, dont l’édition vinyle est recherchée, en regroupe les superbes hymnes féministes, parmi lesquels « Mon corps est à moi » ou « L’homme est le bourgeois ».
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LE LIVRE VARDA / CUBA Consacré au travail photographique qu’Agnès Varda a réalisé à Cuba après la révolution, en 1963, cet ouvrage de Clément Chéroux et Karolina Ziebinska-Lewandowska rassemble plusieurs textes, un entretien et plus d’une centaine de photos issues de ce pan rarement étudié de son œuvre. On y trouve notamment la célèbre photo qu’elle a faite de Fidel Castro, affublé d’ailes d’ange en pierre par un effet de trompe-l’œil.
RECTANGLE PRODUCTIONS PRÉSENTE
LUNEDEMIEL AU CINÉMA LE 12 JUIN
CHAUD BIZ
POPCORN
SPECTATEUR, QUI ES-TU ?
Le
chiffres ? Les professionnels y voient plusieurs utilités. Pour un exploitant, savoir que 63 %* des Français se rendent au cinéma en voiture lui permet de penser sa structure pour mieux les accueillir. 56 %* des spectateurs achètent de quoi grignoter et boire avant de se faire une toile ? C’est l’occasion d’investir dans la confiserie. La proportion des femmes dans le public des films de genre s’est accrue de 22 %* depuis 2006 ? C’est peut-être le moment d’en programmer plus régulièrement. Un film obtient un taux de satisfaction de 9,2 sur 10 ? Peut-être faudrait-il lui offrir plus de séances, pour maximiser les entrées. De même pour les distributeurs, qui connaissent ainsi mieux leur public, mais peuvent aussi observer à quel point leurs techniques marketing pour l’atteindre sont efficaces. Et si les chiffres montrent que les Français sont moins allés au cinéma en 2018, ils soulignent également que l’histoire d’amour entre eux et les salles obscures reste forte, surtout si l’on compte les embûches de l’an passé, entre Coupe du monde, JO, « gilets jaunes » et progression de la S.V.o.D. Vous regardez peut-être les films, mais eux aussi vous observent. • PERRINE QUENNESSON ILLUSTRATION : ÉMILIE GLEASON
CNC a chiffré à 200,5 millions le nombre d’entrées dans les salles en 2018. Mais qui achète ces tickets ? Une question à laquelle des études, comme « 75 000 cinéma » de Médiamétrie, parue en avril, tentent de répondre. Vertigo. Terminus. Médiamétrie. Wana Ciné. Ou encore l’Observatoire de la satisfaction. Derrière ces noms, qui peuvent vous paraître étranges, se cachent des entités qui vous connaissent pourtant bien. Ce sont les différentes sociétés chargées de surveiller nos pratiques de spectateurs – nous, les 41,6 millions* de cinéphiles qui allons au moins une fois par an au cinéma –, de les examiner et d’en tirer des conclusions. En direct, par téléphone, par mail ou par sondage sur Internet, à partir d’échantillons plus ou moins larges, et toujours avec un souci de diversité pour représenter la population française, ces organismes collectent les données venues à la fois de ceux qui regardent les films en salles, mais aussi de vos cartes illimitées, des exploitants et des distributeurs de films. L’ensemble de ces informations donne une idée assez précise, semaine par semaine, de notre manière de consommer le cinéma. Mais à quoi servent ces
Ces études donnent une idée assez précise de notre manière de consommer le cinéma.
* Chiffres tirés de l’étude « 75 000 cinéma » de Médiamétrie parue le 4 avril 2019.
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METROPOLITAN FILMEXPORT PRESENTE
ANOUK AIMEE JEAN-LOUIS TRINTIGNANT AVEC LA PARTICIPATION DE
MARIANNE DENICOURT SOUAD AMIDOU ANTOINE SIRE MONICA BELLUCCI
HORS COMPÉTITION
UN FILM DE
CLAUDE LELOUCH MUSIQUE ORIGINALE FRANCIS LAI CALOGERO CHANSONS ORIGINALES INTERPRÉTÉES PAR NICOLE CROISILLE CALOGERO PAROLES DIDIER BARBELIVIEN
IMAGE ROBERT ALAZRAKI AFC CADRE BERTO AFCF SON HARALD MAURY JEAN GARGONNE JEAN-NOËL YVEN CHRISTOPHE VINGTRINIER COSTUMES CHRISTEL BIROT MONTAGE STÉPHANE MAZALAIGUE 1ER ASSISTANT RÉALISATEUR MICHAËL PIERRARD SCRIPTE FANNY LEDOUX-BOLDINI COORDINATION CAROL ORIOT-COURAYE DIRECTEUR DE PRODUCTION RÉMI BERGMAN PRODUCTEUR EXÉCUTIF JEAN-PAUL DE VIDAS PRODUIT PAR SAMUEL HADIDA VICTOR HADIDA CLAUDE LELOUCH UNE PRODUCTION LES FILMS 13 DAVIS FILMS FRANCE 2 CINÉMA AVEC LA PARTICIPATION DE FRANCE TÉLÉVISIONS EN ASSOCIATION AVEC SOFITVCINÉ6 SCÉNARIO ORIGINAL CLAUDE LELOUCH EN COLLABORATION AVEC VALÉRIE PERRIN BANDE ORIGINALE DISPONIBLE (POLYDOR, UN LABEL UNIVERSAL MUSIC FRANCE)
AU CINEMA LE 22 MAI
RÈGLE DE TROIS
BRIGITTE FONTAINE Pouvez-vous vous décrire en 3 héroïnes de fiction ? Jeanne d’Arc, dans La Passion de Jeanne d’Arc de Carl Theodor Dreyer. Gigi, dans le film de Vincente Minnelli. Et Lola, dans celui de Jacques Demy. Je ne vais pas vous dire pourquoi parce que ça sera toujours « parce que ». Un film qui vous rappelle vos débuts de chanteuse dans la salle parisienne des Trois Baudets ? Lola de Jacques Demy. 3 cinéastes qui devraient, selon vous, filmer l’île Saint-Louis ? Patrice Leconte, Liza Johnson, Jacques Demy. Demy l’aurait filmée de manière simple et digne, ce qu’elle n’est plus du tout. Avec Patrice Leconte, ça serait maniaque, bouillant. 3 B.O. qui vous obsèdent ? La musique d’In the Mood for Love de Wong Kar-wai. La chanson « Je cherche après Titine » par Charlot [morceau humoristique populaire du début du xxe siècle, que
Charlie Chaplin a repris dans le film Les Temps modernes en 1936, ndlr]. La bande originale de Parle avec elle de Pedro Almodóvar. 3 films politiques qui tapent là où il faut ? Ce truc sur le pape qui était du côté des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale… Amen., je crois [de Costa-Gavras, ndlr]. C’est assez épouvantable, parce que c’est la vérité. Le Dictateur de Charlie Chaplin. To Be or Not to Be d’Ernst Lubitsch [comédie vaudevillesque sortie en 1942 qui prend place pendant la Seconde Guerre mondiale, ndlr]. C’est trop rigolo. C’est classe, parce que Lubitsch arrive à nous faire rigoler avec des trucs sérieux. L’acteur ou l’actrice qui vous faisait fantasmer à 13 ans ? Michel Simon. Je le trouve exceptionnel, c’est une pointure. 3 scènes de films que vous aimeriez vivre ? [Elle lève le menton et nous toise d’un air malicieux,
— : « Paroles d’Évangile » de Brigitte Fontaine (Le Tripode, 80 p.)
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© TU MINH TAN
Elle a débuté le tournage du nouveau Kervern-Delépine, Mords-les, et a écrit Paroles d’Évangile, un recueil de poésies dans lequel elle jongle avec les mots et les mythes. Sur l’île Saint-Louis, où elle a élu domicile depuis des années, l’artiste punk Brigitte Fontaine a répondu à notre questionnaire cinéphile – avec l’extravagance qu’on lui connaît. faisant semblant de ne pas comprendre, ndlr.] « Trois chiennes de vie ? » Ah, pardon, trois scènes de films… Dans Cendrillon – pas le dessin animé, une adaptation, je ne sais plus laquelle –, il y a une scène où l’héroïne rencontre le prince à cheval dans la forêt. J’aime beaucoup monter à cheval, mais je ne suis jamais montée. Dans Lola de Demy – je le regarde tous les jours en ce moment –, la scène dans laquelle Anouk Aimée boit des petits coups avec son pote chez elle pendant que le petit garçon s’endort. Ou bien une scène dans laquelle elle picole avec des marins américains – à l’époque, ils étaient sympas… Dans Casablanca, la scène dans le café américain [dans laquelle Rick, le personnage joué par Humphrey Bogart, aide un couple de Bulgares voulant fuir aux États-Unis à tricher à la roulette, ndlr]. J’aimerais être la jeune Bulgare qui explose de joie et embrasse Rick. • PROPOS RECUEILLIS PAR JOSÉPHINE LEROY
AFFICHE © JULIETTE VILLARD / NIELS WEHRSPANN
LES
FILMS
DU
POISSON & BANDE PRÉSENTENT
À
PART
FILMS
UN FILM DE BLAISE HARRISON THOMAS DALOZ
NEA LÜDERS
SALVATORE FERRO
AU CINÉMA LE 5 JUIN
www.filmsdulosange.fr
SCÈNE CULTE
TIME AND TIDE (2000)
POPCORN
« C’est toi le meilleur. — C’est du passé tout ça. »
Près
lui-même. Miguel installe des grenades sur un filin tel un directeur des cascades préparant ses câblages pour une scène dangereuse. S’ensuit un maelström de plongées et de contre-plongées, de plans décadrés et de voltiges abstraites, dans lequel la gravité est sans cesse remise en question. Une impasse mexicaine (Jack et Miguel se menacent mutuellement, ce qui les condamne à l’immobilité) sert de charnière à la scène (une pique à John Woo, comme le film en regorge), avec ce dialogue révélateur entre Miguel et Jack. « C’est toi le meilleur. — C’est du passé, tout ça. — Pas de présent sans passé. — Tout le monde peut recommencer. » Impossible de ne pas voir que Tsui Hark parle de lui, de son ancien statut de roi de Hong Kong, de son désir de réinvention contrarié, avec cette immodestie qui est aussi un trait de son génie. • MICHAËL PATIN
de vingt ans après son échec en salles, Time and Tide est enfin considéré comme l’un des plus grands films d’action de tous les temps. Un film qui va trop vite pour l’œil du spectateur, au scénario trop fragmenté pour être résumé, dans lequel le maître Tsui Hark, de retour à Hong Kong après son passage à Hollywood (pour Double Team et Piège à Hong Kong), pliait les lois de la physique à sa volonté pour démolir la concurrence. Si Tyler (Nicholas Tse) en est le héros malgré lui, c’est son ami Jack (Wu Bai) que le démiurge choisit comme alter ego. Un mercenaire surentraîné dont le corps en perpétuel mouvement est à la fois le déclencheur et l’ordonnateur du chaos environnant. Cette mise en abyme atteint son acmé dans l’avant-dernière scène de baston, quand Jack affronte son rival (Miguel, un tueur hipster obsédé par les cafards) sur les travées surplombant le stade de Hong Kong. La caméra semble d’abord hésiter en approchant ce fatras de structures aériennes et de matériel technique, qui évoque le plateau du film
— : de Tsui Hark, sortie en DVD/Blu-ray (Carlotta)
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– © 2019 Hulu
UNE SÉRIE ¢ RÉALISÉE ET PRODUITE PAR GEORGE CLOONEY
BIENVENUE CHEZ LES FOUS ALLIÉS
TOUS LES ÉPISODES
DÈS LE 23 MAI
TROIS IMAGES
LES ACTEURS PHŒNIX Keanu Reeves reprend son rôle de tueur à gage dans John Wick. Parabellum, troisième volet de la saga. Comme ses frères d’armes Liam Neeson et Nicolas Cage, il a quitté le circuit indé pour un cinéma ultra commercial, qui fait parfois honneur à sa singularité.
© D. R.
main entre dans le champ pour mesurer l’épaule de John Wick (Keanu Reeves). Avant de devenir l’acteur emblématique de Matrix et un héros d’action à temps complet, Reeves a brillé dans le cinéma d’auteur le plus farouchement indépendant (de Stephen Frears à Kathryn Bigelow en passant par Gus Van Sant, Bernardo Bertolucci et Francis Ford Coppola). Ce virage, entamé avec Speed en 1994, se poursuit aujourd’hui avec la série des John Wick, qui déconstruit avec panache un classique scénario de vengeance pour en faire son analyse et commenter les mécanismes du genre. Après le succès colossal de Taken en 2008, Liam Neeson est lui aussi devenu une figure incontournable du cinéma de genre et semble dupliquer à la chaîne le même scénario de vengeance dopé à la testostérone, bien loin de ses rôles chez Steven Spielberg, Woody Allen, Barbet Schroeder et Martin Scorsese. Pourtant, dans Balade entre les tombes (2014), réalisé par Scott Frank, Neeson s’attache à démonter toute la mécanique de violence des créatures qui l’entourent et de son propre passé. Contre-plongée dans les ténèbres : il contemple un monde en train de sombrer. Nicolas Cage est peut-être celui des trois qui a consommé son divorce le plus radical avec son passé. Après ses aventures chez David Lynch, Francis Ford Coppola, John Woo et tant d’autres, il devient son propre producteur et se jette dans le cinéma de franchises, tournant à un rythme effréné jusqu’à six films par an. En 2018, Panos Cosmatos lui offre un rôle à la hauteur de son exubérance, celui de Red Miller dans Mandy, personnage sorti d’une fournaise infernale, cauchemar de métal hurlant à la beauté psychédélique. • CHARLES BOSSON
— : « John Wick. Parabellum » de C. Stahelski,
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POPCORN
Une
Metropolitan FilmExport, sortie le 22 mai
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LE TEST PSYNÉPHILE
QUEL DÉFI FOU VAS-TU TE LANCER EN MAI ?
POPCORN
Tu viens de te peser. Pour te calmer…
Tes prochaines vacances…
Tu vas faire 200 mètres en rétropédalage.
Les gay games en Croatie.
Tu utilises ta prescription de marijuana thérapeutique.
Le Holiday Inn à Boston.
Tu te déguises en poulet multicolore. Ta règle d’or ?
Le mariage de ta sœur à Hawaï. Ta pensée philosophique de fin de soirée…
C’est plutôt le Cercle d’or.
« Quand je pense qu’il y en a qui n’ont pas la chance d’être gay. »
Pas de levrette entre crevettes !
« Mieux vaut construire un pont qu’un mur. »
J’adooore Diiiiooooor ! Ta meilleure copine, c’était…
« Le journalisme est mort, les gars. » C’est quoi, ton arme dans la vie ?
Lady Di.
La mauvaise haleine…
Une licorne.
Cela a dû être l’amour.
La paillette.
La trousse à maquillage.
SI TU AS UN MAXIMUM DE : AVOIR UN CORPS BIKINI READY EN TROIS SEMAINES Les beaux jours arrivent et toi, Priscilla, tu flippes un max. Tu as fait une sortie de route, comme Mathias Le Goff dans Les Crevettes pailletées (sortie le 8 mai). Pour te racheter joyeusement, je te propose de plonger avec lui dans le grand bain gay et libre réalisé par Cédric Le Gallo et Maxime Govare, ça te fera plus de bien qu’une cure détox express. Sois folle, Priscilla, sois libre, aime-toi et laisse les autres en paix !
DRAGUER UNE CRÉATURE EN DEHORS DE TA CATÉGORIE Tu rêves d’un conte de fées en sortant d’un hiver rude sur Tinder. La rousse flamboyante qui traverse tous les matins l’open space ne te calculera jamais. Je sais, c’est injuste, mais tu peux aller voir Séduis-moi si tu peux ! de Jonathan Levine (sortie le 15 mai). C’est un peu Pretty Woman, sauf que c’est Charlize Theron qui joue Richard Gere et Seth Rogen, Julia Roberts. Enfin, une Julia Roberts mal rasée, avec un jean d’adolescent un peu loose.
DEVENIR UNE ROCKSTAR PLANÉTAIRE AVANT L’ÉTÉ Si je te dis Rocketman, il n’y a que toi qui te mets à chantonner dans le Holiday Inn – les autres pensent à Kim Jong-un. Tu es différent(e), sensible, bourré(e) de talents, et toi seul(e) va réussir ton défi fou du mois de mai. Tu vas adorer ce biopic impersonnel mais jouissif, présenté à Cannes hors Compétition, qui retrace l’épopée phénoménale d’Elton John. Souris, ça sort le 29 mai. Si un petit mec insignifiant peut devenir une rock star interplanétaire, toi aussi !
• LILY BLOOM — ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL 22
Un film d’une puissance folle. Un film choc. Un uppercut. Puissant. PREMIÈRE
LE JDD
L’EXPRESS
L’OBS
TU VAS VOIR PRÉSENTE
©DESIGN. E.DOROT © TU VAS VOIR / FRANÇOIS SILVESTRE DE SACY
Prix du Public
ACTUELLEMENT
FLASH-BACK
OSS 117 RIO NE RÉPOND PLUS POPCORN
La deuxième aventure comique de l’espion réac a fêté ses 10 ans en avril. Jean-François Halin, scénariste de la saga (dont le troisième volet sera bientôt tourné), nous raconte les dessous de cet humour casse-gueule.
« On
n’a jamais pensé aux limites qu’on devait se donner ou franchir. Le but était de faire une aventure d’OSS 117 au moins aussi drôle que la première », affirme Jean-François Halin. Sortie en 2009, trois ans après Le Caire nid d’espions, cette suite, coécrite avec le réalisateur Michel Hazanavicius, projette Hubert Bonisseur de La Bath (joué par Jean Dujardin) dans le Brésil de 1967, peuplé de hippies et d’anciens criminels nazis. « C’est un pastiche, pas une parodie : on raconte une seule histoire en entier, que notre héros vit au premier degré. On n’est pas dépendants des gags, l’idée étant de parler de la France contemporaine à travers une époque révolue. » Concernant l’humour, le seul critère des deux auteurs était de se faire rire mutuellement. « Si on avait tenu compte des avis extérieurs, ça aurait donné une comédie aseptisée, édulcorée et mitigée qui, à force de vouloir plaire à tout le monde, n’aurait plu à personne. Il faut prendre le risque d’avoir une écriture singulière. » Le scénariste, célèbre plume des Guignols de
l’info dans les années 1990, revendique la clarté du propos. « Quand OSS 117 dit avec négligence, à propos du génocide nazi, “Quelle histoire, ça aussi…”, on pointe la méconnaissance totale de la Shoah qui existait en 1967. Ce qui a bien été compris et ne nous a valu aucune accusation d’antisémitisme ou de maladresse. » L’incarnation de cet espion paternaliste, déphasé et sûr de lui, renforce ce qu’Halin nomme la « pédagogie de l’humour ». « Jean Dujardin a l’immense talent de décoder les choses par son jeu et de faciliter la compréhension. » Aucune autocensure n’a ainsi affecté l’écriture. « Il est faux de proclamer qu’on ne peut plus rien dire aujourd’hui ni plaisanter sur certains sujets. On peut parler de tout. La preuve, l’excellente Blanche Gardin remplit les salles. » Un seul gag fut finalement enlevé du scénario. « Dans un aéroport, quelqu’un lisait un journal sur lequel était écrit en énorme : “Kurt Cobain est né.” Je trouvais ça drôle, mais c’était trop absurde par rapport à la tonalité générale. » • DAMIEN LEBLANC ILLUSTRATION : ANNA WANDA GOGUSEY
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M AT T H I A S S C H O E N A E R T S
LE 19 JUIN
LE NOUVEAU
POPCORN
ZAC FARLEY
Il
nous dit qu’il rêverait de faire tout un film dans le brouillard. Ses deux premiers longs métrages (Little Cattle Towards Glow, en 2015, qui ressemble à une variante blême et tourmentée du fantasmatique Pink Narcissus de James Bidgood, et le déstabilisant Permanent Green Light, qui sort ce mois-ci, sur un ado qui veut se faire exploser), coréalisés avec l’écrivain queercore californien Dennis Cooper, ont bien quelque chose de dangereux qui échappe, résiste à l’interprétation. Le Franco-Américain de 30 ans, revenu à Paris après des études d’art près de L.A., abhorre les généralisations vaseuses. Son goût pour les artistes aux motifs fuyants (l’artiste Gisèle Vienne, la sculptrice de brume Fujiko Nakaya)
le confirme. Avec Cooper, il approche les extrêmes à travers ce filtre nébuleux, cette distance atone et bressonnienne qui trouble et fascine. Sûr qu’on préfère laisser planer le mystère autour de ce garçon doux qui a l’air d’aimer les choses opaques, l’inquiétante poésie des parcs d’attractions scandinaves ou la rude euphorie éprouvée lorsqu’on éclate une piñata. • QUENTIN GROSSET PHOTOGRAPHIE : JAMES WESTON
— : « Permanent Green Light »
de Dennis Cooper et Zac Farley, Local Films (1 h 30), sortie le 15 mai
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PARAMOUNT PICTURESMUSIQUEPRÉÉESENTE EN ASSOCIATION AVEC NEW REPUBLIC UNE PRODUCTION MARV FILMS / ROCKET PICTURES ”ROCKETMAN”PRODUCTION TARON EGERTON JAMIE BELLDE LARICHARD MADDEN PHOTOGRAHIE GEORGE RICHMOND, BSC ET BRYCE DALLAS HOWARD ORIGINALE MATTHEW MARGESON COSTUMES JULIAN DAY MONTAGE CHRIS DICKENS,PRODUITACE DECORS MARCUS ROWLAND MUSICALE GILES MARTIN DIRECTEUR ELTON JOHN CLAUDIA VAUGHN BRIAN OLIVER STEVE HAMILTON SHAW MICHAEL GRACEY PAR MATTHEW VAUGHN, p.g.a. DAVID FURNISH, p.g.a. ADAM BOHLING, p.g.a. DAVID REID, p.g.a
PRODUCTEURS DELEGUES
@Rocketman-lefilm
Rocketman-lefilm #Rocketman
ECRIT PAR
LEE HALL REALISEPAR DEXTER FLETCHER
BOBINES
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AGNÈS VARDA
© D. R.
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La réalisatrice, plasticienne et photographe s’est éteinte dans la nuit du 28 au 29 mars, à 90 ans. À travers ce dossier aux multiples entrées, on lui rend hommage – même si on sait qu’elle détestait ce mot, elle qui refusait qu’on l’embaume, qui était toujours en mouvement –, car il nous semblait important de mettre en avant, par l’approche la plus intime possible, des recoins moins explorés de sa personnalité et de sa carrière. Célébrer Agnès Varda, la cinéaste, la photographe, l’« artiste visuelle », la féministe, l’exploratrice, l’obstinée, la fantaisiste, la frondeuse. Agnès Varda aux mille visages, celle qu’on a tant aimée.
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DERNIERS ÉCHOS
Agnès Varda se prend en photo dans Les Plages d’Agnès (2008)
À travers Varda par Agnès (2019), son ultime film en forme de master class augmentée, la cinéaste voulait que les jeunes générations sentent la formidable liberté de sa « cinécriture ». En retraçant avec ses proches collaborateurs la conception de ce dernier film, on explore ici cette envie de transmission qui l’a portée jusque dans ses ultimes moments, mais aussi son désir tenace de se raconter et de se réinventer jusqu’au bout.
Fin
2017, avec Nicolás Longinotti, le monteur de TROISCOULEURS, on s’était retrouvés un peu penauds dans la cuisine d’Agnès Varda, rue Daguerre, à parler avec elle de l’Oscar qu’elle allait recevoir et de la nouvelle saison de Twin Peaks. Quelques jours plus tôt, Nicolás avait monté pour nos réseaux sociaux et notre site Internet une vidéo autour de ses films, intitulée Agnès Varda. Corps sensibles, soit une série d’échos visuels en split screen célébrant la sensualité de ses œuvres (voir p. 38). En la découvrant, la cinéaste avait appelé la rédaction pour féliciter un Nicolás tout décontenancé – à peine débarqué d’Argentine, il ne s’attendait pas à se faire louanger par la « grand-mère de la Nouvelle Vague ». De son timbre doux, légèrement éraillé et si reconnaissable, Varda lui avait confié, à travers le combiné que
l’on avait mis en haut-parleur : « Tu as su voir les secrets entre les images. » Elle lui avait ensuite proposé de monter son dernier film, Varda par Agnès, dans lequel elle racontait justement les fils invisibles qui nouent ses photographies, ses films, et ses installations.
BONNE PAROLE
Car il restait bien quelques zones floues autour de l’œuvre d’Agnès Varda. Compte tenu de son importance dans l’histoire du cinéma, sa filmographie a été peu commentée – au regard de toutes les gloses sur François Truffaut, Jean-Luc Godard ou Claude Chabrol. Peut-être que, au fond, elle n’avait pas envie de se laisser embaumer dans des textes inertes, des films tristes et trop évidents. C’est sans doute pour cela qu’elle a elle-même pris en charge le commentaire
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prendre la route aux côtés du colleur de portraits géants et tourner le documentaire Visages villages (2017). « Elle avait son “histoire d’amour” à vivre. Ça a coïncidé avec l’arrivée de sa fille, Rosalie Varda, à la direction de Ciné-tamaris : même si elle a pu se sentir dépossédée au début, Agnès a été libérée de la gestion de la société et a pu se concentrer sur le versant créatif. C’était sans limite, les idées fusaient tout le temps. Mine de rien, la démarche de Visages villages a été importante dans tout ce qui sous-tend Varda par Agnès : c’est l’idée de créer du lien autour de l’art », analyse la directrice de production. « Elle a toujours regardé ce projet comme son dernier partage, son dernier mot sur le cinéma et sur son œuvre », ajoute Nicolás.
EN MOUVEMENT
Quand elle est revenue de son road trip sur les routes de France et de Suisse, elle a repris la confection de Varda par Agnès. Mais il était hors de question de s’asseoir sur une chaise pour jouer à la professeure de cours magistral soporifique. Avec son coréalisateur, Didier Rouget, et son bras droit, la directrice artistique Julia Fabry (qui collabore avec elle depuis Les Plages d’Agnès en 2008), elle
Ciné-tamaris installée devant ses locaux, rue Daguerre, dans Les Plages d’Agnès (2008)
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Varda ne tournait pas le dos au passé, mais elle le recyclait.
de son travail : avec son livre Varda par Agnès publié en 1994, le film autobiographique Les Plages d’Agnès en 2008, les bonus de ses DVD, ou encore ce dernier documentaire divisé en deux « causeries » de cinquantedeux minutes diffusées sur Arte juste avant sa disparition. Revisiter son œuvre sans être morne et rébarbative, toujours relancer l’imagination sous l’impulsion des plus jeunes (le street artist JR qui coréalise Visages villages, Nicolás Longinotti qui monte, à 28 ans, Varda par Agnès), cela lui ressemblait plus. Varda n’était pas du genre à s’enliser dans le passé. Elle ne lui tournait pas le dos, mais elle le recyclait, pour s’inventer de nouvelles aventures : elle reconfigurait d’anciennes photos argentiques en leur greffant du numérique ou de la vidéo (son exposition « Triptyques atypiques » présentée en 2014 dans la galerie Nathalie Obadia), ou elle se construisait des cabanes avec les vieilles pellicules de ses films (La Serre du Bonheur, en 2018 dans cette même galerie). Dans ses dernières années, on l’invitait de plus en plus à des master class dans le monde entier pour parler de ses souvenirs, au présent. Mais c’était un exercice qui lui semblait de plus en plus difficile à assumer. « Son âge avançant, elle avait moins envie. Elle a eu une phase de frustration, celle de se voir limitée physiquement, d’avoir des difficultés pour marcher, pour voir. L’idée a donc germé de rendre sa parole disponible partout à travers un film », raconte Cecilia Rose, responsable production et distribution depuis une quinzaine d’années à Ciné-tamaris, la société fondée par Varda, qui fait vivre ses films et ceux de Jacques Demy. Le projet Varda par Agnès s’est enclenché avec Arte juste avant que la cinéaste ne rencontre JR ; elle en a mis la production en pause pour
© CINÉ-TAMARIS
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RÉCIT
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Agnès Varda chez elle, rue Daguerre, 2019
© JULIA FABRY
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voulait remuer les spectateurs, « sortir le public de sa position passive et oxygéner le caractère mortifère du projet, dont elle avait pleinement conscience », détaille Fabry. Le spectateur est ainsi baladé de la scène de la Fondation Cartier pour l’art contemporain à celle du festival Premiers Plans d’Angers, où elle donne des conférences, d’une campagne française, où Varda explique in situ les travellings de Sans toit ni loi, à une plage, son lieu fétiche, où se mêlent rires d’enfants et cris d’oiseaux. Comme une envie d’aérer ses propres images, de les amener là où l’on ne les attend pas. C’est ce qu’elle a fait, on l’a dit plus haut, avec son activité récente de plasticienne (mot qu’elle détestait, car il ne traduisait pas ce qui était important pour elle : la mise en espace), qui a bousculé sa place dans le milieu des arts et qui est au centre de sa deuxième causerie. « Avec Varda par Agnès, elle voulait se revendiquer comme artiste visuelle. Elle aimait ses installations et elle voulait que le monde comprenne que c’était ça qui la portait aujourd’hui », se souvient Nicolás. « Agnès a eu du mal à trouver sa place dans le monde de l’art contemporain »,
affirme Cecilia Rose. « Pour le public, la critique ou même les institutions, c’était une cinéaste. Cela l’entravait pour expliquer de manière très pragmatique des choses passionnantes sur son travail. Dans ce film, on est donc allés au plus simple : comment fonctionnent les dispositifs des installations ? Que peuvent-ils apporter ? » poursuit Julia Fabry. Dans la salle de montage de Varda nichée chez elle, dans la maison rose de la rue Daguerre qu’elle habitait depuis 1951 et où elle liait vie intime et rêveries professionnelles avec Ciné-tamaris, Nicolás a passé plusieurs mois entre les chats, les objets saugrenus qui foisonnent et les œuvres d’art fascinantes, à articuler les passages d’un film à un autre, d’une installation à une autre. « Il fallait faire des sautes temporelles et esthétiques qui ne soient pas capricieuses, qui soient fluides et organiques. Il fallait aussi être synthétique. Et avec un corpus comme celui d’Agnès, ça a été une tâche assez dure… Heureusement, ses indications étaient d’une précision folle. Elle pouvait dire : “Laisse six images avant de couper.” Elle m’a beaucoup appris », se rappelle Nicolás. Ce souci de la justesse n’a pas défailli malgré l’urgence, une fois annoncée la sélection du film hors Compétition à la dernière Berlinale. « Malade, à 90 ans, elle s’est retrouvée à faire des journées de travail qui commençaient à 10 heures du matin et se terminaient à minuit. Je pense qu’elle a aussi tenu avec ce film : elle voulait absolument voir le montage, le mixage et l’étalonnage terminés. Elle ne s’est pas du tout économisée, pour que tout reste conforme à sa vision », raconte Cecilia Rose. Quand a résonné sa phrase pudique « Je disparais dans le flou, je vous quitte » à la fin de la projection à Berlin, la malicieuse Agnès Varda se doutait bien qu’elle nous laissait avec l’impression la plus distincte, la plus nette : celle que son œuvre recèle encore bien d’autres échappées, que l’on s’empresse déjà d’explorer. • QUENTIN GROSSET
L’UNE CHANTE L’AUTRE ÉCRIT Parce qu’elle a souvent collaboré avec ces deux fous de musique que sont Jacques Demy et Michel Legrand, certains fredonnent parfois les paroles dont elle est l’autrice en les leur attribuant. Ils ont bien tort : Varda a très tôt écrit des chansons magnifiques. C’est le texte bouleversant de « Sans toi » dans Cléo de 5 à 7 (1962), celui rieur et virevoltant de « La Chanson de Lola » dans Lola de Jacques Demy (1961) ou encore tous ceux plus engagés de sa comédie musicale féministe L’une chante l’autre pas (1977). Parfois, elle ne trouvait pas les mots, comme à la fin de Jacquot de Nantes (1991), lorsqu’elle rend hommage à son défunt mari, Jacques Demy. D’une voix tremblée, elle chante alors elle-même la chanson « Démons et merveilles » de Jacques Prévert et Maurice Thiriet. Elle prend le soin d’y glisser discrètement un mot à elle, « larmes », façon délicate de se réapproprier le texte, mais surtout de le faire vivre. • Q. G.
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“CE FILM M’A MONTRÉ QUE J’ÉTAIS PLUS FORTE QUE MES CICATRICES. ” Vicky Knight Dirty God est l’histoire d’une reconstruction. Comment reprendre le fil de sa vie, lorsqu’on a été victime d’une attaque à l’acide ? C’est cette marque que porte sur elle l’actrice Vicky Knight : victime d’un incendie à l’âge de 8 ans, elle a été marquée à vie. Dirty God est son premier film... Et c’est aussi l’expérience qui lui a sauvé la vie.
THE JOKERS FILMS présente
ACCEPTER OUBLIER AVANCER
Design : Benjamin Seznec / TROÏKA
UN FILM DE SACHA POLAK
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VAGUES DE SOUVENIRS
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Marin Karmitz (appuyé contre le mur à gauche) sur le tournage de Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda (au premier plan à droite)
Avant de réaliser des films puis de fonder la société mk2 (qui édite ce magazine), Marin Karmitz a été l’assistant d’Agnès Varda sur le tournage de Cléo de 5 à 7, en 1962. Il a esquissé un portrait d’elle en retraçant pour nous leur collaboration au fil du temps.
« J’ai
déjeuné avec Agnès chez elle mardi 26 mars, elle est décédée la même semaine, la nuit de jeudi à vendredi. C’était un déjeuner très joyeux ! Elle m’a beaucoup parlé de son installation à Chaumont [le domaine de Chaumont-sur-Loire expose trois de ses œuvres jusqu’au 3 novembre], de ses photos… et nous avons évoqué nos souvenirs communs de Cléo de 5 à 7. Au début de sa carrière, elle ne savait pas comment faire du cinéma ; ça s’est avéré être une force formidable pour ce film : elle a utilisé les nouvelles technologies – caméra, son, lumière – avec une extrême liberté. Agnès était une petite dame qui savait absolument ce qu’elle voulait, à la fois très charmante et autoritaire. Il fallait trouver plein d’idées dans le cadre qu’elle nous avait fixé. Elle m’a beaucoup apporté : auparavant, à l’IDHEC [ancien nom de La Fémis, ndlr], j’avais appris l’“ancienne vague”, celle que Truffaut et Godard critiquaient. Après ça, j’ai été assistant pour d’autres, j’ai fait moi-même des films puis ouvert mes salles en 1974. Elle est revenue me voir pour me demander de distribuer Mur murs et Documenteur, en 1982. Elle savait avec qui elle voulait travailler et
avait une idée précise de comment son œuvre devait être montrée. Pour l’avant-première de Mur murs au Palais de la découverte, elle nous a fait tracer tout un chemin avec des feuilles mortes – elle s’appropriait déjà la réalité pour la transformer en installation. On s’est ensuite retrouvés pour Sans toit ni loi, en 1985. Elle ne voulait pas que je le coproduise, mais que je lui donne l’argent en tant que distributeur pour qu’elle puisse le faire. Après, on s’est perdus de vue. Il y a eu les discussions entre elle, sa fille, Rosalie, et mes fils, Elisha et Nathanaël, sur la gestion du catalogue de Ciné-tamaris [constitué des films de Varda et Demy, que mk2 Films a repris en 2017, ndlr], et on s’est retrouvés il y a quelques mois pour parler du montage de Varda par Agnès [dernier documentaire de la cinéaste, voir p. 30, ndlr], une “leçon de cinéma” qui m’a beaucoup touché. Mon souvenir le plus fort avec Agnès, c’est ce dernier déjeuner avec elle. Ça m’a violemment interpellé sur la mort. Elle était mal en point, elle avait du mal à respirer, mais ça pétait tellement de vie et de projets, elle était si tournée vers l’avenir que la mort, tout à coup, prenait sens. »
« Mon souvenir le plus fort avec Agnès, c’est ce dernier déjeuner avec elle. »
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crédit photo : Compagnie Streb © Julian Andrews – Conception graphique : Graphéine
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La saison est ouverte, réservez !
chatelet.com
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On n’aura jamais fini de louer l’inventivité folle d’Agnès Varda. Chantre de la récup, attentive à la charge symbolique des objets, la cinéaste s’est réinventée dans les arts plastiques en bricolant des installations étonnantes (l'exposition « L’Île et elle » en 2006, réplique bricolée et colorée de l’île de Noirmoutier ; La Serre du Bonheur en 2018, une cabane montée à partir de la pellicule de son film Le Bonheur, 1965). À travers une sélection d’objets, on s’est demandé comment ces derniers la racontaient.
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PATATES Dans Les Glaneurs et la Glaneuse (2000), Varda récolte au cours d’un road trip la parole de gens modestes (agriculteurs, SDF, artistes précaires). Peu chère, cultivée en masse et glanée par les plus démunis lorsqu’elle ne répond pas aux normes industrielles, la patate devient le fil rouge du film, symbole de la transition de la main à la machine autant que d’un modèle écolo qui semble réjouir la cinéaste. Dans une forme de recyclage plus allégorique, elle s’est plus tard grimée en patate géante pour présenter son installation Patatutopia à la biennale de Venise de 2003.
MATELAS En 2012, Varda mettait en scène La Chambre occupée dans un immeuble désaffecté de Nantes. Elle y plaçait trois objets représentant des besoins vitaux – un matelas (« dormir »), un poêle à bois (« se réchauffer ») et un four à micro-ondes dans un chariot (« manger ») – et des écrans diffusant des images de réfugiés menacés d’expulsion. Cette réflexion sur l’espace occupé par les marginaux dans la société était déjà amorcée dans Sans toit ni loi (1985), où une ado SDF dévorait des conserves sur le matelas d’un squat. Le support, frêle radeau autant qu’îlot de liberté, contraste avec un espace public étendu et cruel.
LUNETTES NOIRES Dans le docu Visages villages (2017), Varda trouve que les lunettes noires de JR, qui coréalise le film avec elle, lui donnent l’allure de Jean-Luc Godard quand il avait joué pour elle dans le court Les Fiancés du pont Mac Donald (1961). À la fin de leur périple, ce souvenir pousse les réalisateurs à aller frapper à la porte du cinéaste franco-suisse. Pas de réponse, mais un mot ambivalent qu’il a écrit, clin d’œil émouvant à leur amitié passée. À la mort d’Agnès Varda, Godard a lâché à la télé suisse : « La vraie Nouvelle Vague, on n’est plus que deux. Moi et Jacques Rozier. » Avec La Pointe courte (1956), Varda en était la précurseure.
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DÉCRYPTAGE
BADGES Entre les années 1960 et 1980, Varda a ramené de Californie des films et des photos mêlant révolte politique et artistique (le reportage Black Panthers ; le docu Mur murs sur les artistes muraux de L.A. ; des photos de hippies dansant lascivement sur l’herbe). Ce mix de fantaisie et de luttes sociales se matérialise dans le badge, que l’on voit partout dans son court métrage Oncle Yanco, sur sa rencontre à San Francisco avec son oncle hippie. Début avril, lors de l’hommage rendu à la réalisatrice, la Cinémathèque française en distribuait à l’effigie de Varda, croquée par Christophe Vallaux.
Dans son docu-hommage Les Demoiselles ont eu 25 ans (1993), elle filme son mari, Jacques Demy, alors qu’il enfile avec peine un pull-over blanc – occupé qu’il est à parler avec Catherine Deneuve sur le plateau des Demoiselles de Rochefort (1967). En voix off, elle commente, malicieuse : « Quelqu’un n’aurait jamais filmé en longueur mon chéri mettant son pull-over à un rythme qui n’appartenait qu’à lui. » Avec la même attention, elle a fait vivre, avec sa société de production Ciné-tamaris, toute l’œuvre de son bien-aimé – à qui elle avait aussi consacré le docu L’Univers de Jacques Demy (1995) et le biopic fantasmé Jacquot de Nantes (1991). • JOSÉPHINE LEROY ILLUSTRATION : JÉRÉMIE LEROY
DERNIER MESSAGE Annette Messager et son époux, Christian Boltanski, tous deux plasticiens, étaient proches d’Agnès Varda. Au lendemain du décès de celle-ci, Messager nous a envoyé un petit mot évoquant le rapport que son amie entretenait avec l’art. « Agnès était pour moi un exemple de volonté, de ténacité, dans sa vie et dans son travail. Particulièrement en tant que femme artiste – ce qui n’est pas toujours facile – et que femme vivant avec un autre artiste… on en ironisait ! Je trouve son installation Les Veuves de Noirmoutier [présentée dans l’exposition “L’Île et elle” en 2006 à la Fondation Cartier pour l’art contemporain et composée de plusieurs vidéos dans lesquelles des habitantes de l’île s’expriment sur leur veuvage, ndlr], réalisée en tant qu’“artiste visuelle” – comme elle disait –, formidable, touchante, émouvante, mais jamais dans le pathos. Elle venait à la maison en disant: “Je suis une toute jeune artiste, je veux apprendre !” Elle écoutait des conversations sur des expositions, posait des questions, puis souvent s’endormait – juste une petite pause… Je lui dédie cette phrase de Robert Filliou, qui lui convient bien : “L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art.” »
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PULL-OVER BLANC
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CORPS SENSIBLES
Agnès Varda sur le tournage de Lion’s Love (…and Lies) (1970)
En 2018, notre monteur, Nicolás Longinotti (qui édite des supercuts pour troiscouleurs.fr), consacrait une vidéo au mystère des corps dans le cinéma d’Agnès Varda. Émue, peut-être parce qu’il avait été sensible au caractère secrètement charnel de son travail, elle lui a proposé de monter son dernier film, Varda par Agnès. Nous prolongeons ici sa vidéo par le texte pour creuser davantage comment la cinéaste s’est dévoilée à travers les corps des autres et la mise en scène du sien, dans une sensualité qui touche toujours à l’intime. RESSENTIR
Une main qui se tend pour serrer une effrayante tête de poisson coincée dans la manche d’une veste. Pour l’émission « Une minute pour une image » diffusée en 1983 sur FR3, Agnès Varda analyse cette photo surréaliste de la réalisatrice et chef opératrice Nurith Aviv – qui a notamment fait l’image de son documentaire Daguerréotypes (1978). Dans son commentaire, la cinéaste dit qu’en la regardant elle en ressent toute la viscosité, « comme si la sensation était déjà dans l’image », qu’elle « allait plus vite que la photographie ». Ce caractère sensoriel immédiat, lié aussi bien aux sujets qu’aux textures, il se retrouve partout dans son travail. Par exemple avec l’enivrante synesthésie provoquée par les couleurs caressantes ou parfumées de son film
Le Bonheur (1965), qui ont quelque chose d’édénique (une famille se repose dans une nature luxuriante) et de lascif (le père va vivre une aventure brûlante). Ou encore à travers les décors sexués du court Plaisir d’amour en Iran (1976), dans lequel Varda souligne le côté voluptueux de l’architecture persane, remarquant que les palais prennent des formes phalliques ou arrondies comme des poitrines.
S’OPPOSER
Le corps de Mona est sale, il pue. Dans Sans toit ni loi (1985), Agnès Varda suit l’ado marginale jouée par Sandrine Bonnaire dans la morne et froide campagne française. Les réactions que son allure poisseuse suscite révèlent alors surtout le rejet, l’incompréhension des Français pour un
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JOUER
Le corps de Varda lui-même fait souvent irruption dans ses fictions, comme lorsqu’elle entre dans le champ de la caméra pour avaler les pilules que refuse, par principe, la réalisatrice Shirley Clarke, venue jouer la comédie dans Lions Love (… and Lies) (1970), ou qu’elle apparaît avec sa caméra dans le miroir où se contemple Jane Birkin dans un plan de Jane B. par Agnès V. (1988). Ce surgissement intrusif de la cinéaste dans le flux diégétique semble souligner que tout corps, qu’il évolue dans une fiction ou bien dans un documentaire, est une performance.
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Sans toit ni loi (1985)
Chez Varda, le corps, l’intime, est le lieu de l’insubordination. Dans les mêmes films, Varda a d’ailleurs une interrogation très warholienne sur l’authenticité du corps de la star, souvent considéré à travers le filtre déformant de la publicité, des magazines… Elle-même s’en donne à cœur joie dans la stylisation avec son approche très subjective de la nudité des hommes et des femmes, à laquelle elle donne un supplément d’âme avec ses propres références, elle qui a suivi dans sa jeunesse des études d’histoire de l’art. La lascivité des hippies de Lions Love (… and Lies) s’apprécie à travers le renvoi à Pablo Picasso ou à René Magritte, la sensualité de Birkin à partir de Francisco de Goya ou de Titien. Dans Le Bonheur ou dans Documenteur (1982), les corps nus apparaissent fragmentés par le
Le Bonheur (1965)
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BOBINES
mode de vie différent, qui ne se plie ni aux normes ni aux injonctions. Chez Varda, qui suit le précepte féministe selon lequel le privé est politique, le corps, l’intime, est le lieu de l’insubordination. Dans L’une chante l’autre pas (1977), la jeune Pomme (Valérie Mairesse) mobilise son corps à travers le spectacle (chansons revendicatives, vêtements colorés, banderoles …) afin d’imposer une parole proavortement dans l’espace public. Avec le court Réponses de femmes. Notre corps, notre sexe (1975), réalisé pour la télévision, Varda se dresse contre le double discours paradoxal de la société sur le corps des femmes – tantôt sexualisé et exploité à des fins publicitaires, tantôt rabroué parce que jugé trop excitant. Contre ce regard toujours objectivant, Varda aménage un espace filmique sans désir, un lieu de sororité pour ce groupe de femmes de tous les âges qui se réapproprient ici leurs corps. Si elles apparaissent nues, c’est parce qu’elles l’ont choisi, qu’elles veulent marquer les esprits et être écoutées.
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DÉCRYPTAGE
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Documenteur (1982)
Le propre corps d’Agnès Varda et ses variations infléchissent sa manière de filmer. LAISSER FILER
morcellement des plans, mais c’est moins par fétichisme que par amour du collage quasi cubiste, dont l’inspiration se sent dans le montage même de ses films.
S’ÉCOUTER Il y a une vraie intimité dans la façon dont le propre corps d’Agnès Varda et ses variations infléchissent sa manière de filmer. Dans le court métrage documentaire L’Opéra-Mouffe (1958), elle filme la rue Mouffetard, un quartier très populaire à l’époque, alors qu’elle est enceinte de Rosalie Varda. Tout ce qu’elle capte apparaît à travers ce prisme : sur les étals, les citrouilles coupées comparées à la faveur d’un cut à un ventre en pleine grossesse, les vieux et les pauvres dont la fragilité est mise en parallèle avec celle des nouveau-nés. Dans Documenteur, c’est sa propre douleur qui se répand dans l’image alors que sa relation avec Demy est mise à l’épreuve. L’héroïne, jouée par Sabine Mamou – par ailleurs monteuse de Mur murs (1982) – errant dans le Los Angeles gris, subit elle-aussi une rupture. Son corps est présent, mais elle paraît presque absente tant l’image s’embue. Lorsque, dans un plan, l’intersection de deux miroirs reflète son visage comme s’il était fendu, qu’elle apparaît nue et vulnérable, sa crise intérieure nous saute au visage.
Sans détourner le regard, la cinéaste s’est toujours attachée à explorer les corps selon la perspective du temps qui passe, notamment à travers la maladie – dans Cléo de 5 à 7 (1962), le rapport au temps de l’héroïne affolée s’accélère car elle attend des résultats médicaux qui pourraient confirmer un cancer. Très tôt, Varda a choisi de sonder les ressources poétiques de l’inéluctable. Lorsqu’elle filme Elsa Triolet se débattant avec son statut d’inspiratrice vieillissante des poèmes de Louis Aragon dans le court documentaire Elsa la rose (1966), elle amorce déjà toute une interrogation sur le jeunisme lié à notre imaginaire du corps. Varda la poursuivra toujours, filmant volontiers des rides comme si elles étaient des routes vers des histoires – avec l’artiste JR, elle les met en valeur en les affichant en grand sur des murs dans Visages villages (2017). Elle s’est elle-même regardé vieillir, filmant ses mains se tacheter dans Les Glaneurs et la Glaneuse (2000). Et quand elle capte en très plan gros la peau froissée de Jacques Demy mourant dans Jacquot de Nantes (1991), il y a cette idée d’accompagner sans les retenir et le temps et celui qu’elle aime ; puis de finir le film avec lui près de la mer, paysage consolateur parce qu’éternel, où l’on ne distingue plus les larmes des vagues. • QUENTIN GROSSET
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APRÉS MEMORIES
OF MURDER, SNOWPIERCER ET OKJA
cherchez l’intrus
LE 5 JUIN
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UN FILM DE BONG JOON HO
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Chine, 1er-Mai (1957)
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© AGNÈS VARDA – SUCCESSION AGNÈS VARDA
PORTFOLIO
© AGNÈS VARDA – SUCCESSION AGNÈS VARDA
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Chine, Porteurs de briques (1957)
Cuba, Village (1963)
Si
elle avait plusieurs ports d’attache (sa maison rue Daguerre, qui abrite aussi sa société de production, Ciné-tamaris ; l’île de Noirmoutier, sur laquelle elle avait acheté un moulin avec Jacques Demy), Agnès Varda avait aussi la bougeotte. Sa curiosité pour les gens l’a menée partout (comme on l’évoquait dans notre article « Varda l’exploratrice » paru en 2017) : en Chine (en 1957, durant la campagne des Cents Fleurs), à Cuba (en 1963, quatre ans après la prise du pouvoir par Fidel Castro), aux États-Unis (au plus fort du mouvement des Black Panthers et de la vague hippie)… Elle a su saisir les remous provoqués par les soubresauts politiques dans les populations avec un travail photographique (commencé en couvrant le Festival d’Avignon à la fin des années 1940) vivant, plein d’humanité, mais resté méconnu. On vous en dévoile ici un extrait à travers une sélection de ses clichés personnels, certains inédits. • JOSÉPHINE LEROY
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© AGNÈS VARDA – SUCCESSION AGNÈS VARDA
© AGNÈS VARDA – SUCCESSION AGNÈS VARDA
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Los Angeles, Love-in à Griffith Park (1968)
Chine, Village (1957)
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chapitre 1 28 mai — 29 septembre 2019
Exposition
Félix Fénéon Anarchiste, critique d’art, éditeur, collectionneur
Les arts lointains
Étrier de poulie de métier à tisser. Côte d’Ivoire, 19 e siècle © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Claude Germain. © g6.design.
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L’ŒIL DE MIRION MALLE
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TRE N O C N e & LA RE 7 U D e ART 9 U D ÉES ESSIN
© Editions Glénat 2019
D ES D RES BAN E S FIGU D ANDE ION R T G C X E ÉMA. AU COLL DU CIN ACRÉE S UNE N O C
BD DISPON I B LES
COLLECTION
INTERVIEW
L’ENFANT DOUBLE
Jean-Pierre et Luc Dardenne
Avec Le Jeune Ahmed, Jean-Pierre et Luc Dardenne placent un huitième film consécutif en Compétition à Cannes et traitent pour la première fois de radicalisation islamiste. En suivant les pas d’un garçon de 13 ans pris dans l’engrenage du fanatisme, les frères belges aux deux Palmes d’or (Rosetta en 1999, L’Enfant en 2005) signent un drame intense qui prolonge leur art du suspense naturaliste et rend plus complexe que jamais la question de l’empathie pour le personnage. Rencontre.
Comment ce personnage de jeune fanatique vous est-il venu ?
très forts. Dans le scénario, on a cherché à éviter les interprétations sociologiques ou économiques de la vie de ce garçon pour mieux se concentrer sur la question religieuse et observer à quel point Ahmed est en recherche de pureté, sans forcément expliquer comment il en est arrivé à être endoctriné.
Luc Dardenne : Il s’est présenté à nous comme un enfant. On a d’emblée pensé à quelqu’un de très jeune, qui serait malléable et naïf et prendrait pour argent comptant tout ce que lui dit son séducteur, cet imam radical. Ahmed entretient avec lui un rapport d’idéalisation et le voit comme un père, un mentor, un guide. On voulait montrer comment le fanatisme fonctionne, comment il utilise un garçon qui se trouve à l’âge où les idéaux sont
Pourquoi avoir choisi le jeune Idir Ben Addi pour jouer Ahmed ? Jean-Pierre Dardenne : Après avoir rencontré plusieurs garçons, on s’est dit qu’il serait intéressant que l’acteur ait l’air d’un intellectuel, d’un bon élève, et non pas d’un jeune voyou ; aussi pour échapper à ce débat qui n’est pas vraiment le nôtre – mais qu’il y a davantage en France – sur le marquage social, qui surdéterminerait en permanence les actes
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D’où ce choix de dépeindre un djihad à échelle réduite ? Ahmed tente d’attaquer une seule personne, de manière très artisanale et maladroite. L. D. : Oui, c’est un djihad en vase clos, en petit cercle. C’est à la personne à qui il doit peut-être le plus, et qu’il aime probablement comme une seconde mère, qu’il s’attaque finalement. C’est terrible. Et cette professeure est musulmane, comme lui, même si elle n’a pas la même interprétation du Coran. Cette sensation de proximité provient aussi de notre propre expérience. Mon frère et moi, à Liège et à Bruxelles, avons été dans les années 1990 professeurs de français et de mathématiques dans des écoles de devoirs [structures associatives d’accompagnement et de soutien scolaire, animées en grande partie par des bénévoles, ndlr]. On n’a évidemment pas connu cette violence meurtrière, mais certaines situations étaient conflictuelles et ont inspiré le film. Quand un enfant, vers ses 11 ou 12 ans, commençait à s’enfermer dans la formation religieuse, il changeait soudain et entrait dans un conflit de loyauté très complexe. On ne pouvait dès lors plus discuter avec lui de questions religieuses car on ne représentait plus l’autorité. Vous maniez, comme souvent, un suspense haletant, dans lequel l’obsession meurtrière d’Ahmed semble aussi souligner l’inefficacité des centres fermés, lorsque le héros y est envoyé. J.-P. D. : Il fallait qu’on prenne le fanatisme de ce garçon au sérieux. Ce ne sont pas seulement des bouffées délirantes, il y a au fond de lui un noyau dur très difficile à
Othmane Moumen et Idir Ben Addi
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des gens. En limitant le déterminisme social, le film peut devenir véritablement politique, au sens où il traite uniquement de rapports de séduction et de domination. La question de l’empathie vis-à-vis du héros se pose forcément. Comment gérer l’implication du spectateur dans un tel récit ? L. D. : On s’est dit qu’Ahmed devait apparaître de manière double pour le spectateur. S’il désire tuer, s’il pense que la société se divise entre les bons musulmans et les mécréants, c’est qu’il est dans une vision faussée. Le spectateur voit bien que le héros se trompe, et va donc espérer tout au long du film qu’il redevienne un enfant ; exactement comme sa mère, qui lui dit à un moment : « J’aimerais tellement que tu redeviennes comme tu étais avant. » Le personnage n’est en quelque sorte pas fini, il est en pleine croissance, et il pourra peut-être échapper ainsi à son destin dramatique. Mais il est aussi celui qui croit dur comme fer aux paroles fanatiques – il y croit même davantage que son imam – et qui veut passer à l’action. C’est intéressant de filmer ce double jeu. J.-P. D. : On redoutait aussi de donner l’impression que l’on recopie la réalité. Si on avait choisi des personnages plus âgés, on aurait été dans une sorte de reproduction de la violence djihadiste, on serait dans le cinéma de sujet. Mais ce gamin, parce qu’il est encore ouvert et en construction, peut potentiellement entrer en interaction avec tous ceux qui vont l’accompagner et essayer de le faire changer d’avis. Le spectateur est alors concerné, car la question majeure consiste à savoir si ce garçon pourra sortir ou non de son fanatisme.
© CHRISTINE PLENUS
© CHRISTINE PLENUS
JEAN-PIERRE ET LUC DARDENNE
© CHRISTINE PLENUS
INTERVIEW
Idir Ben Addi et Victoria Bluck
« En limitant le déterminisme social, le film devient véritablement politique. » BOBINES
JEAN-PIERRE DARDENNE percer. On s’est dit que la seule manière de le faire sortir de son fanatisme serait sans doute de le faire redescendre sur terre. Et qu’il retrouve d’une certaine façon le contact de son corps. Les autres possibilités nous paraissaient insuffisantes. On ne cherche donc pas à dire que les centres fermés sont inutiles, on ne fait pas leur procès, mais ça nous intéressait d’explorer comment libérer un ado dont les convictions ne semblent pouvoir être ébranlées ni par la patience des éducateurs ni par les jeux amoureux de la jeune Louise. L. D. : L’élément compliqué avec le fanatisme est qu’il pense faire le bien, quitte pour cela à faire mal et à tuer. Il est extrêmement difficile de troubler quelqu’un dans sa croyance. Nous avons discuté avec des spécialistes de la déradicalisation et des psychanalystes et en avons conclu qu’extraire Ahmed de son dogme idéologique n’était possible qu’en le faisant tomber brutalement de sa croyance. Le film représente essentiellement l’institution religieuse par le biais de l’imam radical. Ne craigniez-vous pas d’alimenter certains raccourcis ? J.-P. D. : Le fanatisme religieux est également chrétien ou juif. Il concerne toutes les idéologies qui ont un absolu. Mais on a ici tenté de réagir à des images auxquelles nous avons été confrontés dans une actualité plus
ou moins récente. Le meurtre par décapitation du journaliste Daniel Pearl en 2002 a, par exemple, été un moment marquant dans l’histoire de la violence des images. Il nous a fallu du temps pour appréhender cela. On voulait comprendre ce sentiment qui pousse les fanatiques à se sentir supérieurs à autrui au point de s’autoriser à tuer. Notre mise en scène a ainsi constamment cherché à perturber cette volonté de pureté par les mouvements de la vie. On a fait en sorte, notamment dans le travail avec les comédiens, que la vitalité puisse émerger. L. D. : Il fallait créer des images de vie à partir d’une idéologie qui prône la mort. Le discours de l’imam est mortifère, il pousse Ahmed vers une admiration morbide de son cousin martyr. On ne réduit évidemment pas l’islam à ça, mais on prend la religion dans cette dimension qu’elle a de pouvoir retirer la vie et empêcher le contact. Et on raconte en définitive comment les élans vitaux seront toujours plus précieux que les idéologies absolutistes.
• PROPOS RECUEILLIS PAR DAMIEN LEBLANC — : « Le Jeune Ahmed » de Jean-Pierre et Luc Dardenne, Diaphana (1 h 24), sortie le 22 mai
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Isabelle Huppert
Chloë Grace Moretz
Elle veut être votre amie.
Au cinéma le 12 juin
INTERVIEW
BOBINES
L’ÉRUPTION DES DÉSIRS
Après sa comédie jubilatoire Victoria (2016), dans laquelle Virginie Efira campait une brillante avocate qui pataugeait dans sa vie sentimentale, Justine Triet a retrouvé l’incroyable actrice pour Sibyl. À la manière d’un puzzle, ce drame tourbillonnant recompose la psyché d’une psychanalyste (Efira) qui, happée par le récit d’une patiente désespérée, Margot (Adèle Exarchopoulos), se sert de celui-ci comme matière première d’un roman qu’elle écrit. Sur le divan d’un bar, on a discuté avec la réalisatrice de ce film aussi fascinant que troublant, sélectionné en Compétition à Cannes. 52
J’avais le sentiment qu’on avait amorcé quelque chose sur le précédent film, mais je voulais travailler avec elle de manière différente. Quand j’ai commencé à écrire, je suis partie de l’idée de pousser le personnage de Victoria plus loin, de le prolonger, mais je me suis très vite demandé quels visages de Virginie je n’avais pas encore vus et j’ai fini par m’éloigner de mon idée de départ. Sibyl est perçue comme une figure d’autorité infaillible, sollicitée par tous pour sa sagesse, mais ce rôle semble la mettre mal à l’aise. Est-ce qu’on héroïse trop les soignants, selon vous ? Oui, c’est certain. Moi, quand je vais chez le médecin, je veux croire que c’est Dieu. Avec Sibyl, je n’ai pas du tout voulu faire un film de société, mais ça m’a plu d’imaginer cette figure forte qui menace de se briser à tout instant. Pour préparer le film, j’ai rencontré cinq femmes psys à qui j’ai demandé : « Quel est le patient qui a le plus rogné sur votre vie personnelle ? » L’une d’entre elles m’a raconté une histoire qui l’avait traumatisée : elle voyait régulièrement une patiente qui lui parlait de l’agonie de son père. Au même moment, cette psy a appris que son propre père était malade et qu’il allait mourir. Elle a vécu un cauchemar pendant huit mois. Son père est finalement mort avant celui de sa patiente, qu’elle a dû arrêter de suivre, car elle ne supportait pas cet effet miroir et ne pouvait plus entendre parler de deuil, ça résonnait trop fort avec sa vie. Cette histoire a été très déterminante pour moi. J’ai réalisé qu’on n’imaginait jamais la vie des psys ou des médecins, qu’on n’a même pas du tout envie de l’imaginer. Deuil, addiction, perversion, paranoïa… Le film concentre beaucoup de concepts psychanalytiques, mais les amène de manière fluide et logique. Comment avez-vous bâti un scénario si ample à partir d’une matière aussi dense ? Je ne me suis pas embarrassée de choses trop théoriques. Je crois que la base du film, c’est la question des origines. Margot et Sibyl ressentent une haine vis-à-vis des leurs. La première confie d’ailleurs à la seconde : « Je suis sale, il y a quelque chose de sale en moi qui ne partira jamais. » Chez Sibyl, c’est moins explicite, mais elle aussi a voulu dépasser sa condition. Elles ont cette frustration, elles
veulent sortir de leurs origines, mais elles ont la sensation de toujours revenir au point de départ. Sibyl est un personnage impur en soi. Elle ment à tout le monde. Jusqu’à un certain point, assez tardif, elle masque tout, elle est du côté de l’ordre, alors que les personnages autour d’elle sont dans un lâcher-prise total. Puis elle vrille, elle se met à nu, elle boit, elle chante bourrée… La confrontation de Sibyl à son propre déraillement, et le fait que cela prenne un certain temps à se mettre en place, a été très excitant, très jubilatoire pour moi. Vous fragmentez habilement votre récit en faisant ressurgir par flashs des instants heureux et malheureux de l’héroïne avec Gabriel, son amour perdu, joué par Niels Schneider. Comment avez-vous imaginé ce procédé ? J’y ai beaucoup réfléchi, à l’écriture comme au montage. Je voulais que les souvenirs de Sibyl aient un impact singulier sur le spectateur, sans que ça soit une constante dans le film. J’ai donc fait en sorte que les flash-back n’apparaissent que dans la première partie. Comme dans un jeu de pistes, j’ai semé des indices dans le récit de Margot, qui appelle de plus en plus Sibyl à l’aide, et dans celui du petit Daniel, le patient qui a perdu sa mère. Daniel est une espèce de fantôme qui rappelle à Sibyl l’enfant qu’elle a eu avec Gabriel. Sa parole est prophétique. C’est un personnage qui m’a beaucoup aidée à tisser des liens entre le passé et le présent des personnages. La scène de sexe au coin du feu entre Virginie Efira et Niels Schneider est très belle et sauvage. Comment l’avez-vous pensée ? Étant donné qu’on parlait d’une passion, il fallait mettre le spectateur dans l’épreuve d’une scène d’amour. La question du corps s’est donc très vite posée à moi, et je ne me voyais pas la contourner. J’avais envie de filmer celui de Virginie, qui a accepté et s’est abandonnée avec une grande générosité.
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Virginie Efira
© CLAIRE NICOL
Pourquoi avoir fait de nouveau appel à Virginie Efira ?
BOBINES
JUSTINE TRIET
Elle m’a simplement demandé que ce soit très détaillé. Improviser une scène d’amour, c’est compliqué. Donc j’ai imaginé quelque chose de très précis, une scène longue, bien chorégraphiée, avec un plan large où l’on voit les deux corps se rapprocher sous une lumière particulière. Il fallait aussi que je réfléchisse à ma propre position. Je me suis demandé : « Est-ce que j’ai peur de regarder cette nudité, ou est-ce que je l’affronte ? » Finalement, j’ai tourné cette scène comme une scène d’action, et ça a été assez magique. Je me souviens qu’il faisait dans les 50 °C ; les acteurs étaient dans un état de suffocation et pourtant ils se sont vraiment donnés. La décontraction de leurs corps se sent à l’image. Alors qu’elle veut s’éloigner de son métier de psy pour écrire, Sibyl se laisse piéger par sa nouvelle patiente, Margot, car le récit de celle-ci lui donne l’inspiration d’un roman autour de leurs deux vies. Dans une interview accordée au Monde en 2011, Annie Ernaux disait, à propos de l’autofiction : « Quand j’écris, j’ai besoin d’être, d’un bout à l’autre, dans une démarche de vérité, ou plutôt de recherche de vérité, jusqu’à l’obsession. » Cette phrase peut-elle synthétiser la quête de votre héroïne ? Je ne sais pas si Sibyl cherche une vérité. C’est quelqu’un qui met un pied dans l’écriture et qui va être complètement submergé par son passé, ses addictions. L’écriture, c’est vraiment l’endroit central du désir, quelque chose qui raccorde ces choses entre elles et qui ravive des manques. Au final, son livre se base sur deux récits : celui de Margot et celui de sa propre vie, dont elle s’inspire mais qu’elle transforme en fiction. Et elle croit tellement à cette fiction qu’elle finit par en avoir le vertige. Dans la deuxième partie du film [la première se déroule à Paris, jusqu’à
Virginie Efira et Sandra Hüller
ce que Margot demande à Sibyl de la rejoindre sur le plateau du film qu’elle tourne, sur l’île de Stromboli, ndlr], quand elle est amenée malgré elle à diriger Margot et son amant [joué par Gaspard Ulliel, ndlr] dans une scène d’amour, elle projette sa propre histoire, met en scène jusque dans les moindres gestes ses souvenirs avec son ex, qui la hantent. C’est à cet instant précis qu’elle bascule. Elle entre dans une forme de vampirisation que je comprends, car je peux moi-même être un peu dans cet état au moment de l’écriture.
© LES FILMS PELLÉAS
BOBINES
INTERVIEW
Niels Schneider et Virginie Efira
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« Sibyl croit tellement à cette fiction qu’elle finit par en avoir le vertige. » Le choix de Stromboli comme décor du tournage fictif fait forcément penser au film de Roberto Rossellini sorti en 1950. On retrouve la même atmosphère aride, saturée de tensions, propice à l’explosion de la colère. Comment avez-vous travaillé cette référence ? Elle est tellement intimidante que je l’ai écartée de mon cerveau ! Enfin, pas tout à fait, parce que je l’ai placée dans la tête de la réalisatrice allemande [incarnée par Sandra Hüller, ndlr], qui rêve de tourner une scène d’époque là-bas. C’est sûr que le volcan évoque toutes les métaphores sexuelles possibles et fait immédiatement penser à la passion chez Rossellini. C’est une sorte de clin d’œil qui me permet de dégoupiller le côté pesant de la référence. Mais je crois que c’est aussi plus simple que ça : indépendamment du fait que ce soit celui de Stromboli, la présence d’un volcan dans une situation aussi cataclysmique de fin de tournage ajoute quelque chose à l’ambiance
du film. Toute l’effervescence est décuplée par ce climat particulier. Après son passage sur l’île, Sibyl revient à Paris et sombre dans la paranoïa. Au-delà de la ressemblance physique de Virginie Efira et Gena Rowlands, on sent une vraie proximité entre son personnage et ceux de l’actrice américaine dans Opening Night (1977) et Une femme sous influence (1974) de John Cassavetes. Ces figures féminines vous ont-elles influencée ? Franchement, oui. À la fin du film, la citation est presque évidente. Le vertige de l’héroïne qui n’arrive plus à marcher, à faire son métier, à exister dans Opening Night [sur une grande comédienne de théâtre qui, hantée par la mort d’une admiratrice renversée par une voiture un soir de représentation, perd le contrôle de sa vie, ndlr] a été une vraie source d’inspiration. C’est un film gigantesque. J’ai aussi été influencée
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JUSTINE TRIET
© LES FILMS PELLÉAS
INTERVIEW
BOBINES
À droite : Sandra Hüller et Virginie Efira
« À partir du moment où les personnages féminins sont complexes, on est dans une forme de féminisme. » par Une autre femme de Woody Allen, l’histoire d’une autrice [également jouée par Gena Rowlands, ndlr] qui veut faire le vide mais entend accidentellement à travers un mur la séance de psychanalyse d’une autre femme [campée par Mia Farrow, ndlr]. Ces références ont été décisives. Si forte et déterminée soit-elle, la réalisatrice finit elle aussi par exploser en vol. Avec le traditionnel procès en hystérie que l’on impute aux femmes, est-ce qu’il n’y a pas un danger, d’un point de vue féministe, à montrer des femmes vulnérables au cinéma ? Je pense au contraire que c’est féministe. Montrer les femmes comme de pures working girls, c’est presque une vision machiste pour moi. Si on décide de cacher tout signe de faiblesse, on ne s’en sort pas. À partir du moment où les personnages féminins sont complexes, on est dans une forme de féminisme. J’ai l’impression de voir beaucoup de films où l’on décèle tout de suite ce que désire le personnage féminin : elle n’a pas d’enfants, donc elle en veut ; elle n’a pas de travail, donc elle en veut… J’ai le sentiment qu’il y a beaucoup de personnages masculins
très forts, puissants, dont on adore découvrir les failles et les fragilités, comme Don Draper dans la série Mad Men. C’est vraiment une figure qu’on connaît tous, qu’on a vu mille fois se déployer, mais seulement du côté des hommes. J’ai envie qu’il y ait davantage de portraits féminins de cette trempe, une inversion des rôles traditionnels – dans le film, d’ailleurs, les hommes sont plus souvent à la maison que les femmes. C’est tragique de voir des personnages féminins qui ne font que servir les personnages masculins. C’est aussi pour ça que j’ai voulu tendre des fils entre mes héroïnes, fabriquer des effets de miroir entre elles toutes.
• PROPOS RECUEILLIS PAR JOSÉPHINE LEROY PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA — : « Sibyl » de Justine Triet, Le Pacte (1 h 40), sortie le 24 mai
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© Jean-Louis Fernandez
DU 18 AU 25 JUIN
Un ennemi du peuple d’Henrik Ibsen mise en scène Jean-François Sivadier avec Sharif Andoura, Cyril Bothorel, Nicolas Bouchaud, Stephen Butel, Cyprien Colombo, Vincent Guédon, Jeanne Lepers, Agnès Sourdillon et la participation de Valérie De Champchesnel, Christian Tirole
01 44 85 40 40 theatre-odeon.eu #Unennemidupeuple
10 mai 15 juin 2019 Odéon 6e
RENCONTREZ
JEFF GOLDBLUM DAVID LOWERY KYLE MACLACHLAN CHRISTOPHER WALKEN ...
LE 12 JUIN DANS LES TOUT LE DÉTAIL DU PROGRAMME
OMME QUI V
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• LES RÉVÉLATIONS DU CINÉMA JAPONAIS Rétrospective Ryûsuke Hamaguchi et un inédit de Koji Fukada (Harmonium)
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• HOMMAGE À L’ACTRICE KIRIN KIKI avec son dernier film
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• En direct du Festival d’Annecy LE JAPON INVITÉ D’HONNEUR Les perles du cinéma d’animation
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• ÉVÉNEMENTS AUTOUR DU JAPON Dégustations de thé, rencontres, cadeaux, débats, films surprises...
CINÉMAS PARISIENS SUR WWW.HANABI.COMMUNITY
8 MAI
The Reports on Sarah and Saleem de Muayad Alayan, Bodega Films (2 h 07), page 78
15 MAI
Le Chant de la forêt de João Salaviza et Renée Nader Messora, Ad Vitam (1 h 54), page 66
Retour de flamme de Juan Vera, Eurozoom (2 h 16), page 79
Permanent Green Light de Dennis Cooper et Zac Farley, Local Films (1 h 30), page 26
Quand nous étions sorcières de Nietzchka Keene, Les Bookmakers / Capricci Films (1 h 19), page 68
Fugue d’Agnieszka Smoczyńska, Arizona (1 h 40)
Meurs, monstre, meurs d’Alejandro Fadel, UFO (1 h 49), page 72
Lourdes de Thierry Demaizière et Alban Teurlai, Mars Films (1 h 31), page 72
Black Is Beltza de Fermin Muguruza, Gabarra Films (1 h 28)
Passion de Ryūsuke Hamaguchi, Art House (1 h 55), page 74
Astrid de Pernille Fischer Christensen, ARP Sélection (2 h 03), page 78
Les Crevettes pailletées de Cédric Le Gallo et Maxime Govare, Universal Pictures (1 h 40)
Hard Paint de Filipe Matzembacher et Marcio Reolon, Optimale (1 h 58), page 79
Matar a Jesús de Laura Mora, Bobine Films (1 h 40), page 78
Hellboy de Neil Marshall, Metropolitan FilmExport (2 h 01)
Just Charlie de Rebekah Fortune, 2iFilms (1 h 37), page 79
Les Météorites de Romain Laguna, KMBO (1 h 25), page 78
Petra de Jaime Rosales, Condor (1 h 47), page 78
14 MAI The Dead Don’t Die de Jim Jarmusch, Universal Pictures (1 h 43)
Séduis-moi si tu peux ! de Jonathan Levine, SND (1 h 56), page 79
Tous les dieux du ciel de Quarxx, To Be Continued (1 h 42), page 79
De Max Linder à la Tortue rouge
100 GRANDS FILMS POUR LES PETITS
Un guide illustré, le parfait carnet de bord du futur cinéphile. Pour les p parents et leurs enfants de 3 à 7 ans.
De Nicolas et Lydia Boukhrief - pré préface d'Olivier Père ARTE Éditions / Gründ 240 p - En vente partout
17 JUIN
Douleur et gloire de Pedro Almodóvar, Pathé (1 h 52), page 64
22 MAI
24 JUIN
Sibyl de Justine Triet, Le Pacte (1 h 40), page 52
29 MAI
Amazing Grace Aretha Franklin d’Alan Elliott, CGR Events (1 h 27), page 76
Les Particules de Blaise Harrison, Les Films du Losange (1 h 38), page 76
Anna, un jour de Zsófia Szilágyi, Damned (1 h 38), page 80
John Wick Parabellum de Chad Stahelski, Metropolitan FilmExport (2 h 11) page 20
Le Fils d’Alexander Abaturov, Nour Films (1 h 11), page 74
L’Autre Continent de Romain Cogitore, Sophie Dulac (1 h 30), page 80
Le Jeune Ahmed de Jean-Pierre et Luc Dardenne, Diaphana (1 h 24), page 48
Godzilla 2 Roi des monstres de Michael Dougherty, Warner Bros. (2 h 12)
Piranhas de Claudio Giovannesi, Wild Bunch (1 h 45), page 80
Une part d’ombre de Samuel Tilman, Destiny Films (1 h 30), page 80
Rocketman de Dexter Fletcher, Paramount Pictures (2 h 01)
Être vivant et le savoir d’Alain Cavalier, Pathé (1 h 20)
Les Plus Belles Années d’une vie de Claude Lelouch, Metropolitan FilmExport (1 h 30), page 80
Aladdin de Guy Ritchie, Walt Disney (2 h 08), page 85
5 JUIN
Parasite de Bong Joon-ho, Les Bookmakers / The Jokers (2 h 12), page 70
Ma de Tate Taylor, Universal Pictures (N. C.)
X-Men Dark Phoenix de Simon Kinberg, 20 th Century Fox (1 h 53)
D’APRÈS LE ROMAN DE
ROBERTO SAVIANO L´AUTEUR DE
GOMORRA
NAPLES, DE NOS JOURS, L’ASCENSION DES BABY-GANGS
UN FI L M D E
CLAUDIO GIOVANNESI
LE 5 JUIN AU CINÉMA
ZOOM ZOOM
LES FILMS DU MOIS À LA LOUPE
DOULEUR ET GLOIRE Dans Douleur et gloire, son déchirant dernier film, partiellement autobiographique, et en Compétition à Cannes, Pedro Almodóvar choisit Antonio Banderas pour incarner un réalisateur qui n’arrive plus à créer. Almodóvar s’ouvre comme jamais dans ce récit endolori en forme de quête de sens : celle d’un éminent cinéaste angoissé et démuni, peut-être précisément parce qu’il n’a plus rien à prouver.
Alors
que s’organise une projection de Sabor, son coup d’éclat cinématographique d’il y a plusieurs décennies, le réalisateur solitaire Salvador Mallo (Antonio Banderas) contacte l’acteur principal du film avec qui il est brouillé. Moins pour se rappeler le bon vieux temps que pour se réfugier dans l’héroïne – cet acteur est toxicomane. Comme pour vivre son désarroi, dans un état second, groggy ; c’est la façon dont nous aussi traversons le film, avant d’être pris par une intense émotion. L’œuvre de Mallo paraît ne plus avoir d’importance pour lui ; désinvolte, il va jusqu’à se déposséder d’un texte très intime en le confiant à ce comédien rival, lui disant qu’il peut se l’approprier en tant qu’auteur pour le jouer au théâtre… Pedro Almodóvar ne se ménage pas, à travers ce personnage qui lui sert d’alter ego et qui incarne tout son sentiment d’usure et ses doutes malgré un parcours jalonné de succès. Enfant terrible de la Movida espagnole dans les années 1980, Almodóvar est progressivement devenu ce mastodonte auquel on déroule automatiquement le tapis rouge de la
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FILMS
sélection cannoise. Comment se renouveler, rester effronté, quand on a déjà atteint son acmé artistique ? Il y a quelque chose du Huit et demi de Federico Fellini (1963) dans cette manière à la fois abrupte et mélancolique qu’a le cinéaste de se confronter à ce que veut dire vieillir pour un artiste, d’apprivoiser le vide façon matador.
RAVIVER LA FLAMME
Almodóvar s’empare de ces douloureuses questions en convoquant des fantômes de sa filmographie, à commencer par ses acteurs fétiches : Penélope Cruz, à qui il confie le rôle secondaire d’une femme inspirée de sa propre mère, figure qui tourmente Mallo dans les nombreux flash-back sur l’enfance rurale et précaire de celui-ci ; mais surtout Antonio Banderas, dont Almodovar a souvent dit qu’il était l’acteur à travers lequel il se livrait le plus. Dans sa filmographie, c’est un nom synonyme d’emportement impulsif, violent, voire mortifère – c’est le jeune homme trop possessif qui ira jusqu’au meurtre de son rival dans La loi du désir (1988), ou celui qui séquestre une femme en espérant gagner
son cœur dans Attache-moi ! (1990). Dans Douleur et gloire, son personnage apparaît aux antipodes : il est doux et éteint. Son élan créatif est bloqué par le syndrome de la page blanche, par une peur panique pour sa santé défaillante, mais aussi par le poids de la culpabilité : celle de ne pas avoir saisi l’amour au vol, celle de ne pas avoir été un bon fils. À 69 ans, Almodóvar semble mener une introspection abyssale : à quel point l’art est-il sa vie ? peut-il vraiment le sauver ? En voyant Mallo errer comme un ectoplasme apathique, on se dit que les réponses qu’il trouve sont plutôt pessimistes. Mais, perdus dans les méandres tortueux de cette mémoire à vif, le spectateur finit par trouver une ouverture plus éclatante. On garde du film cette réminiscence d’une toute première émotion à la fois érotique et artistique qui, soudain, soulage comme un baume, ravive la flamme au présent. • QUENTIN GROSSET —
: de Pedro Almodóvar, Pathé (1 h 52), sortie le 17 mai
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FILMS
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LE CHANT DE LA FORÊT
À
partir des croyances d’une tribu du Brésil, Renée Nader Messora et João Salaviza signent une œuvre d’une rare puissance poétique et politique, Prix spécial du jury Un certain regard à Cannes en 2018. Une nuit, Ihjãc fait un rêve étrange qui l’incite à se lever pour traverser la forêt et atteindre le pied d’une cascade. Le jeune homme, issu du peuple indigène Krahô, entend alors la voix de son défunt père. Celui-ci lui rappelle qu’il est temps d’organiser la fête funéraire en son honneur. Car c’est seulement après la fin de la période de deuil que les disparus rejoignent le village des morts et laissent les vivants en paix. Troublé par cette apparition, Ihjãc n’ose l’ébruiter, de peur d’être vu comme le chaman qu’il refuse de devenir… Centrée sur le bouleversant secret d’Ihjãc, la première partie du film raconte aussi le quotidien au sein de la communauté, entre documentaire et fiction – la Brésilienne Messora et le Portugais Salaviza ont travaillé en étroite collaboration avec les Krahôs. Dans une étonnante deuxième partie, Ihjãc, désireux de fuir son destin, se rend en ville. Là, l’incompréhension est totale : une fonctionnaire se moque de ses angoisses,
et lui réclame une carte de mutuelle dont il ignore l’existence. Tout en décrivant avec sensibilité le désarroi d’Ihjãc, le film récuse l’opposition simpliste entre société moderne et mode de vie traditionnel : les filles krahôs discutent du dernier vernis à la mode tandis que, sur un écran de télé, les visages fervents des supporteurs brésiliens blancs illustrent la dimension rituelle du football. Si cette œuvre stimulante offre une réflexion politique sur la survie des cultures indigènes, nul besoin d’être anthropologue pour en apprécier la beauté. Comment ne pas être saisi par la poésie de certaines trouvailles : un enfant est cadré devant un grand arbre, et voilà que les branches semblent être le prolongement de son petit corps ; l’œil noir d’un perroquet est filmé en gros plan, et le sympathique volatile se mue aussitôt en oiseau de malheur. Intranquille et gracieux, Le Chant de la forêt célèbre l’indéfectible lien qui unit les humains aux végétaux, les vivants aux morts, le cinéma au réel. • JULIEN DOKHAN
Ihjãc a peur d’être vu comme le chaman qu’il refuse de devenir.
— : de João Salaviza et Renée Nader Messora, Ad Vitam (1 h 54), sortie le 8 mai
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FILMS
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QUAND NOUS ÉTIONS SORCIÈRES
Avant
de devenir une artiste hors pair, la chanteuse islandaise Björk a incarné une jeune sorcière découvrant sa part d’ombre dans ce premier film de Nietzchka Keene, tourné il y a trente ans mais inédit en France. Dans les montagnes islandaises, à la fin du Moyen Âge, Katla et sa sœur cadette, Margit (Björk), toutes deux accusées de sorcellerie, trouvent refuge chez Jóhann, un paysan isolé, veuf et père d’un petit garçon prénommé Jónas. Librement inspiré du Conte du genévrier des frères Grimm, Quand nous étions sorcières narre le quotidien de cette famille se constituant à l’abri d’un monde qui semble en avoir condamné chacun des membres. Dans le superbe noir et blanc de ce film réalisé en 1989 par la méconnue Nietzchka Keene, la lente formation de cette famille de circonstance trouve autant de variations qu’elle compte d’âmes en son sein. C’est ce paysan qui, tout juste veuf, va aimer Katla malgré la défiance et l’hostilité de son fils à l’égard de celle-ci ;
c’est aussi l’amitié qui se noue entre Margit et le jeune Jónas, qui ont tous deux perdu leur mère dans leur prime enfance ; ou encore la façon dont les duos masculins et féminins de départ apprennent respectivement à mieux se connaître. Dans cet apprentissage de la vie et du deuil, placé sous influence bergmanienne, Keene opère des ruptures plastiques et fantastiques qui détonnent avec le reste du film, épuré et prosaïque. Car la jeune Margit, en plus d’effleurer l’éphémère stabilité d’un foyer, apprend surtout à se familiariser avec ses propres pouvoirs magiques, jusqu’alors enfouis. Ce n’est qu’ainsi, en acceptant la noirceur dissimulée au plus profond de son être, qu’elle pourra sereinement accueillir les ténèbres indissociables du monde qui l’entoure. • CORENTIN LÊ
— : de Nietzchka Keene,
Les Bookmakers / Capricci Films (1 h 19), sortie le 8 mai
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3 FILMS SUR LES TÉNÈBRES LE SEPTIÈME SCEAU d’Ingmar Bergman (1957) Pris dans une errance existentielle, un chevalier, incarné par Max von Sydow, arrive à vaincre la mort en jouant aux échecs avec elle. Mais celle-ci n’a pas dit son dernier mot…
MARKETA LAZAROVÁ de František Vláčil (1967) Longtemps restée invisible après sa sortie, cette titanesque fresque médiévale voit le chaos s’installer dans une région féodale après le rapt d’une jeune femme. 68
IL EST DIFFICILE D’ÊTRE UN DIEU d’Alexeï Guerman (2015) Sur la planète Arkanar, restée bloquée dans les arcanes d’un obscurantisme moyenâgeux et régie par un despote, intellectuels et artistes sont persécutés.
L A U N ION DE LOS R IOS, ROUGE I N T E R NAT IONA L , U PRODUC T ION, CI N E STACION présentent
« Un cauchemar sans compromis. Mémorable ! » « Bizarre. Brillant. Baroque. » « Une expérience étrange et dérangeante. » VAR I E TY
ÉCRAN LARGE
I N D I E WI R E
un film d’ALEJANDRO FADEL
LE 15 MAI AU CINÉMA AVEC VÍCTOR LOPEZ, ESTEBAN BIGLIARDI, TANIA CASCIANI, ROMINA INIESTA, SOFIA PALOMINO FRANCISCO CARRASCO, STÉPHANE RIDEAU, JORGE PRADO UN FILM DE ALEJANDRO FADEL IMAGE JULIAN APEZTEGUÍA & MANUEL REBELLA MONTAGE ANDRÉS P. ESTRADA SON SANTIAGO FUMAGALLI DÉCORS LAURA CALIGIURI COSTUMES FLORENCIA CALIGIURI MAQUILLAGE ET COIFFURE ALBERTO MOCCIA & MAIA BERLAK PREMIER ASSISTANT MISE EN SCÈNE FELIPE SOLARI YRIGOYEN MUSIQUE ORIGINALE ALEX NANTE SFX ATELIER 69/CLSFX & IDENTIKIT VFX MIKROS IMAGE & WANKA CINE DIRECTION DE PRODUCTION DANIEL RUTOLO DIRECTION DE POST-PRODUCTION MOIRA CHAPPEDELAINE-VAUTIER PRODUCTION EXÉCUTIVE AGUSTINA LLAMBI CAMPBELL PRODUIT PAR LA UNIÓN DE LOS RÍOS-AGUSTINA LLAMBI CAMPBELL, ALEJANDRO FADEL, FERNANDO BROM; ROUGE INTERNATIONAL JULIE GAYET, ANTOUN SEHNAOUI, NADIA TURINCEV; UPRODUCTION JEAN RAYMOND GARCIA, BENJAMIN DELAUX, ÉDOUARD LACOSTE; CINESTACIÓN-DOMINGA SOTOMAYOR, OMAR ZÚÑIGA PRODUCTEURS ASSOCIÉS EZEKIEL FILM PRODUCTION, FRUTACINE AVEC LE SOUTIEN DE LA CINÉFONDATION–FESTIVAL DE CANNES, PROGRAMA IBERMEDIA, INCAA, CNCLA, BERLINALE WORLD CINEMA FUND EUROPE, HUBERT BALS FUND, PROVINCIA DE MENDOZA, MECENAZGO CULTURAL, RÉGION NOUVELLE AQUITAINE EN PARTENARIAT AVEC LE CNC AVEC LA PARTICIPATION DE L’AIDE AUX CINÉMAS DU MONDE-CNC-INSTITUT FRANCAIS, CNC NTP EN ASSOCIATION AVEC ARTE/COFINOVA, AJIMOLIDO, MARAVILLA QUANTA POST, MIKROS/TECHNICOLOR SCÉNARIO ET RÉALISATION ALEJANDRO FADEL DISTRIBUTION SALLES FRANCE UFO DISTRIBUTION VENTES INTERNATIONALES THE MATCH FACTORY
FILMS
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PARASITE
Après
deux excursions à l’étranger avec Snowpiercer. Le Transperceneige (2013) et Okja (2017), Bong Joon-ho revient dans son pays natal. Avec Parasite, en Compétition à Cannes, il livre une charge féroce et animale à l’encontre de la bourgeoisie sud-coréenne. Les premiers sont au chômage et s’entassent dans un entresol bordélique, au cœur des ruelles sinueuses de Séoul où des âmes errantes et avinées viennent uriner sans scrupules. Les seconds vivent dans une luxueuse villa d’architecte surplombant la capitale, avec gouvernante, professeur particulier et chauffeur privé. Voici d’un côté les Ki-taek, soudés mais sans-le-sou, de l’autre les richissimes Park, crédules mais arrogants. Tout les oppose et pourtant, après l’embauche du fils Ki-taek comme professeur d’anglais de la jeune fille Park, les deux familles se retrouvent liées par une série d’événements aux conséquences dramatiques… Avec Parasite, Bong Joon-ho revient sur sa terre d’origine pour y disséquer les tensions sociales devenues insoutenables et les faire remonter à la surface. Exit les sous-textes politiques de Memories of Murder (2004) ou de The Host (2006), son Parasite met (littéralement) les pieds dans le plat, à grand renfort de tranchantes répliques.
Selon son goût manifeste pour la satire, Bong continue de travailler ce qui a toujours fait la captivante bestialité de son cinéma : nervosité du montage, débordements burlesques, gloutonnerie insatiable et contorsions des corps. Quand ils ne sont pas le théâtre d’un jeu de massacre à ciel ouvert, les festins sont ainsi l’occasion d’éclaircir ou d’exacerber des situations pour le moins chaotiques, alors que l’insistance sur les odeurs et les étranges postures des personnages révèlent la cruauté de la hiérarchie entre les classes. Carcasses parfumées tantôt figées ou accroupies, immaculées ou maltraitées, rigides ou bien désarticulées : à ce jeu de pantomime où l’enveloppe charnelle révèle les troubles d’une société cinglée et boulimique, le comédien Song Kang-ho excelle. Déjà présent dans Memories of Murder, The Host ou Snowpiercer, l’acteur incarne ici, sous les traits d’un père de famille dépassé, le bouleversant pivot permettant de passer du burlesque à la tragédie, de la douceur à la sauvagerie. • CORENTIN LÊ
Bong Joon-ho dissèque les tensions sociales insoutenables.
— : de Bong Joon-ho, Les Bookmakers / The Jokers (2 h 12), sortie le 5 juin
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Crédits non ContraCtuels • Photo : Gaëtan Chekaiban • desiGn : benjamin sezneC / TROÏKA.
FILMS
LOURDES
— : de Thierry Demaizière et Alban Teurlai, Mars Films (1 h 31), sortie le 8 mai
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ZOOM ZOOM
N’étant
jamais allés à Lourdes avant d’y réaliser ce documentaire, Thierry Demaizière et Alban Teurlai (Relève. Histoire d’une création) suivent sans idée préconçue divers pèlerins venus séjourner auprès du rocher de la grotte. Pour saisir ce que chacun recherche intimement en ces lieux, leur caméra observe des travestis du bois de Boulogne, des gitans, un militaire accompagné de son fils, des personnes paralysées… Au-delà de leur rapport à la religion et à la foi, ces êtres souffrants partagent un même besoin d’affronter l’angoisse de la solitude et la rudesse d’une société qui tend quotidiennement à dissimuler les corps infirmes. À Lourdes, les blessures peuvent au contraire être célébrées, parfois avec joie et humour. S’il touche à l’universel par son remarquable sens de l’empathie, le film offre aussi des images impressionnantes, comme ces immersions de pèlerins dans des bains froids qui requièrent l’aide d’un vaste personnel. Avec ces séquences dans lesquelles les obstacles physiques, moraux et logistiques sont allègrement franchis, Lourdes réactive la grâce originelle du cinéma en faisant apparaître des sensations et des visions inédites. • DAMIEN LEBLANC
MEURS, MONSTRE, MEURS
— : d’Alejandro Fadel, UFO (1 h 49), sortie le 15 mai
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Une
femme est retrouvée décapitée dans une province isolée de la cordillère des Andes. Cruz, l’enquêteur local, soupçonne le conjoint de son amante, un fou obsédé par l’idée qu’une créature démoniaque se cacherait dans les montagnes avoisinantes… Dans ce thriller fantastique, Alejandro Fadel brouille la moindre piste pour nourrir l’ambiance hallucinatoire d’une descente littérale aux enfers. Croisement chimérique entre Possession (Andrzej Żuławski) et The Strangers (Na Hong-jin), Meurs, monstre, meurs s’inscrit dans la lignée de ces délires lovecraftiens dans lesquels la folie se transmet comme une maladie contagieuse jusqu’au surgissement du mal en personne. Celle-ci se manifeste ici dans la bande-son, qui unifie une trame dédaléenne. Vrombissements de moteurs, vociférations lointaines et haut-le-cœur putrides viennent hanter l’enquête de Cruz, qui pense dénouer le nœud de l’intrigue après avoir découvert d’entêtants enregistrements sonores. À l’image de ces pistes audio qui répètent inlassablement le titre du film, Meurs, monstre, meurs sait garder le mystère intact jusqu’au bout, non sans avoir généré entre-temps une certaine fascination. • CORENTIN LÊ
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FILMS
PASSION
— : de Ryūsuke Hamaguchi, Art House (1 h 55), sortie le 15 mai
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Lors
d’une soirée au restaurant, deux jeunes gens annoncent à leurs amis leur intention de se marier. À la suite de cette déclaration, qui surprend et déçoit ceux qui les aiment en secret, le groupe se délite peu à peu, mais garde l’espoir d’être à nouveau réuni… À l’image des hésitations de ses personnages, ce film de fin d’études réalisé en 2008 par Ryūsuke Hamaguchi (Senses, Asako I&II) peine d’abord à trouver son rythme, en s’adonnant à une succession de bavardages qui viennent défaire les liens unissant jusqu’alors la petite troupe. Une fois passées ces confrontations amoureuses qui rappellent les séries télé nippones, Passion s’ouvre à de surprenants horizons, élargissant son cadre et étirant la durée de ses plans pour intensifier par la mise en scène et le jeu des acteurs ce qui ne se jouait au départ qu’au travers des dialogues. La fin (sublime) de ce deuxième long métrage annonce ainsi ce qui fait toute la beauté du cinéma récent de Hamaguchi. Comme dans Asako I&II, il y est déjà question de goûter une dernière fois au chaos des romances juvéniles pour mieux savourer la douce plénitude d’une vie de couple menée loin du fracas de l’adolescence. • CORENTIN LÊ
LE FILS
— : d’Alexander Abaturov, Nour Films (1 h 11), sortie le 29 mai
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En
2013, le cinéaste Alexander Abaturov a perdu son cousin Dima, une jeune recrue d’une unité d’élite de l’armée russe décédée lors d’une opération antiterroriste au Caucase du Nord. Ce traumatisme a poussé Abaturov à réaliser ce beau documentaire crépusculaire. Habité par la présence fantomatique du défunt, le film met en parallèle deux deuils : celui des anciens camarades de Dima, qui poursuivent leur enseignement militaire et évacuent ce souvenir douloureux, et celui de ses parents, pour qui le temps s’est suspendu. En alternant séquences musclées auprès des militaires aux crânes rasés et lents adieux familiaux, le film révèle à quel point le mythe du soldat sacrificiel est profondément ancré dans la culture russe. Mais alors que, pour maintenir sa cohésion, l’armée supprime toute trace d’individualité, les parents font tout pour la faire renaître. Dans une scène touchante, ces derniers corrigent oralement le travail d’un sculpteur façonnant une statue à l’effigie de leur fils : il faut mouler le nez différemment, creuser plus profondément au niveau de l’œil gauche. Voilà au moins l’histoire et le visage du grand absent gravé dans la pellicule. • JOSÉPHINE LEROY
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K E Y F I L M , M A N D E R L E Y F I L M S , M O N O F I L M S E T PA L C I N E présentent
PRIX SPÉCIAL DU JURY
PRIX DU PUBLIC HBF
FESTIVAL INTERNATIONAL
ROTTERDAM
SÉLECTION OFFICIELLE
SÉLECTION OFFICIELLE
FESTIVAL DU FILM MÉDITERRANÉEN
FESTIVAL D'ARRAS
DE BASTIA
FESTIVAL INTERNATIONAL
VANCOUVER
« DRAME PASSIONNEL ET THRILLER POLITIQUE. DE HAUTE TENUE. » PREMIÈRE
« DEUX FEMMES QUI ONT LE COURAGE DE S’AFFRANCHIR. PASSIONNANT. » POSITIF s i va n e
Kretchner maisa
Abd Elhadi ishai
Golan adeeb
Safadi
on Sarah & Saleem un film de
graphisme : marclafon - design . fr
MUAYAD AL AYAN
L E 8 M A I AU C INÉM A
FILMS
LES PARTICULES
— : de Blaise Harrison, Les Films du Losange (1 h 38), sortie le 5 juin
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Au
pays de Gex, à la frontière franco-suisse, Pierre-Antoine et ses amis se réjouissent de finir le lycée ; ils préfèrent largement les répètes dans un garage, les joints et la bière aux études. Sous leurs pas, un accélérateur de particules surpuissant recrée les conditions d’énergie du Big Bang afin de découvrir de nouvelles matières… Présenté cette année à la Quinzaine des réalisateurs, ce premier long métrage du Français Blaise Harrison surprend. Entre comédie d’ados et film-essai sur le transhumanisme, il nous embarque aisément de l’un à l’autre grâce à sa bande d’ados puérile mais touchante, qui fait immédiatement penser à celle des Beaux Gosses de Riad Sattouf – Harrison croque aussi bien que Sattouf l’ado typique, avec son air un peu blasé, son intonation tombante, son goût de la vanne au ras des pâquerettes et son duvet qui esquisse une moustache. Par le truchement de Pierre-Antoine, sorte de voyant qui parvient à déceler les particules, le réalisateur-chimiste fait dévier son récit comique vers le trip cosmique. Le numérique s’incruste dans la prise de vues réelle, les particules grossissent dans une nature foisonnante et les corps s’aimantent. Expérience réussie. • JOSÉPHINE LEROY
AMAZING GRACE. ARETHA FRANKLIN — : d’Alan Elliott,
CGR Events (1 h 27), sortie le 6 juin
—
Janvier
1972. La reine de la soul, Aretha Franklin, enregistre, à l’âge de 29 ans, un album de gospel, Amazing Grace, face au public d’une petite église du quartier noir de Watts, à Los Angeles. Sydney Pollack, sur commande de la Warner, immortalise ces deux soirées, mais le projet est abandonné à cause d’un invraisemblable couac : le réalisateur n’a pas pensé à synchroniser le son et l’image… Des années plus tard, Alan Elliott, un producteur américain obstiné, les récupère et les monte, puis signe un accord avec les ayants droit de la chanteuse après sa disparition en 2018 et sort enfin ce documentaire exalté, duquel émane une atmosphère mystique. La démarche timide de la chanteuse lorsqu’elle monte sur scène pour rejoindre ses choristes en tenues scintillantes et le charismatique révérend Cleveland est trompeuse : Franklin se métamorphose vite en bête de scène. Le public est en transe, les corps exultent au son de sa voix explosive – même Mick Jagger, leadeur des Rolling Stones et bulldozer scénique, s’agite sur son siège. Le récent miracle qui a fait renaître ce film mort-né se fond alors avec celui du passé, et on est éblouis devant cette idole touchée par la grâce. • JOSÉPHINE LEROY
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LE GRAND RETOUR DE RICARDO DARÍN À LA COMÉDIE RICARDO
© 2018 PATAGONIK FILM GROUP S.A - KENYA FILMS S.R.L
DARIN
MERCEDES
SÉLECTION OFFICIELLE FESTIVAL DE SAINT-SÉBASTIEN
MORAN
RETOUR DE FLAMME UNE COMÉDIE DE
JUAN VERA
FILMS ASTRID
Suède, 1920. Astrid, 16 ans, aime défier le conservatisme ambiant. Brillante, elle décroche un job dans le journal local et s’éprend de son patron… Un biopic lumineux qui revient sur les jeunes années de l’immense autrice de littérature jeunesse Astrid Lindgren, mère de l’intrépide rouquine Fifi Brindacier, à qui elle a visiblement légué son courage et sa fantaisie. • J. L .
— : de Pernille Fischer Christensen (ARP Sélection, 2 h 03), sortie le 8 mai
LES MÉTÉORITES
Pendant les vacances d’été, Nina, une ado rêveuse et teigneuse, bosse dans le parc d’attractions d’un petit village du Sud. Lors d’une balade en montagne, elle voit une météorite tomber du ciel. Le soir même, elle rencontre Morad et croit à un signe du destin… Parsemé d’une pointe de fantastique, ce joli récit naturaliste est une ode au sentimentalisme adolescent. • J. L .
— : de Romain Laguna (KMBO, 1 h 25), sortie le 8 mai
MATAR A JESÚS
Après avoir été témoin de l’assassinat de son père par un tueur à gages, Paula croise la route de ce dernier. Une relation ambiguë se noue entre les deux jeunes gens que tout oppose… À partir de son histoire personnelle, la cinéaste colombienne livre une œuvre subtile sur la violence et le pardon, portée par d’excellents acteurs non-professionnels. • J. Do.
— : de Laura Mora (Bobine Films, 1 h 40), sortie le 8 mai
PETRA
Jeune peintre, Petra est admise dans la résidence d’artiste d’un célèbre plasticien. Elle découvre un être cynique qui prend un malin plaisir à manipuler son entourage… Des choix formels audacieux permettent à ce drame espagnol inspiré des tragédies antiques de donner une belle ampleur au conflit intérieur qui ronge une héroïne tiraillée entre fascination et répulsion. • J. L .
— : de Jaime Rosales (Condor, 1 h 47), sortie le 8 mai
THE REPORTS ON SARAH & SALEEM
Sarah, gérante de café israélienne, et Saleem, livreur palestinien, entretiennent une liaison extraconjugale racontée à la façon d’un récit d’espionnage haletant… Au-delà du brio du scénario et de la fougue des acteurs, le film captive grâce à sa peinture des rapports sociaux à Jérusalem, ville sous tension où règne un climat de suspicion généralisée. • J. Do.
— : de Muayad Alayan (Bodega Films, 2 h 07), sortie le 8 mai
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FILMS RETOUR DE FLAMME
Quand leur fils unique, étudiant, quitte le nid, Marcos et Ana, mariés depuis vingt-cinq ans, remettent leur couple en question. Las, ils décident de se séparer et de profiter du célibat… En dressant le double portrait de quinquas en pleine crise existentielle, cette comédie argentine pose un regard tendre sur ceux qu’on aurait tort de qualifier de vieux sages. • J. L .
— : de Juan Vera (Eurozoom, 2 h 16), sortie le 8 mai
HARD PAINT
Pedro est un jeune camboy, payé pour se dénuder en direct face caméra depuis sa chambre. Sa spécialité ? S’enduire de peinture fluorescente… Dans ce drame brésilien souvent âpre voire violent, l’acceptation de l’homosexualité passe par celle du corps et le fait de ne plus l’objectiver, dans l’espoir de ne plus avoir besoin de se cacher derrière un écran. • C. L .
— : de Filipe Matzembacher et Marcio Reolon (Optimale, 1 h 58), sortie le 15 mai
JUST CHARLIE
Promis à un bel avenir dans le football, Charlie, 15 ans, voit ses perspectives bouleversées quand il se découvre une nature féminine… Ce portrait sensible sonde les répercussions de cette prise de conscience sur le plan familial, notamment à travers l’hostilité du père. Rebekah Fortune offre des images colorées débordantes d’optimisme dans ce premier film engagé. • Q. B.-G.
— : de Rebekah Fortune (2iFilms, 1 h 37), sortie le 15 mai
SÉDUIS-MOI SI TU PEUX !
Un journaliste (Seth Rogen) tombe amoureux d’une candidate à l’élection présidentielle (Charlize Theron) dont il est la plume… De cette inversion des rôles traditionnellement associés aux hommes et aux femmes émerge une comédie romantique dans la lignée des films de Judd Apatow (Funny People, En cloque. Mode d’emploi) – en plus bon enfant. • C. L .
— : de Jonathan Levine (SND, 1 h 56), sortie le 15 mai
TOUS LES DIEUX DU CIEL
Le cinéaste Quarxx adapte en long métrage son court Un ciel bleu presque parfait (2016), récit de la relation entre Simon (Jean-Luc Couchard), ouvrier atteint d’un cancer, et sa sœur paralysée (la mannequin au physique atypique Melanie Gaydos). Il livre un pur film de genre, sombre et chaotique, qui tend vers une dimension spirituelle inattendue. • Q. B.-G.
— : de Quarxx (To Be Continued, 1 h 42),
sortie le 15 mai
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FILMS LES PLUS BELLES ANNÉES D’UNE VIE
Cinquante-deux ans après leur passionnelle histoire d’amour – que Claude Lelouch racontait dans le classique Un homme et une femme –, Anne (Anouk Aimée) et Jean-Louis (Jean-Louis Trintignant) se retrouvent et évoquent, chacun à leur manière, leur relation avortée… Présentée hors Compétition à Cannes, cette suite conjugue avec émotion passé et présent. • C. L .
— : de Claude Lelouch (Metropolitan FilmExport, 1 h 30), sortie le 22 mai
UNE PART D’OMBRE
David est suspecté d’avoir commis un meurtre. Le doute s’installe dans son entourage… Porté par un Fabrizio Rongione impeccable, ce drame brut et minimaliste offre une réflexion profonde sur le regard des autres. La défiance générale se ressent aussi par un superbe montage, dans lequel alternent reconstitution des faits et déroulé de l’enquête. • Q. B.-G.
— : de Samuel Tilman (Destiny Films, 1 h 30), sortie le 22 mai
PIRANHAS
Un groupe de jeunes garçons fascinés par les parrains de la Camorra cherche à percer dans la pègre… Après avoir réalisé un épisode de la série Gomorra, Claudio Giovannesi adapte une nouvelle fois une œuvre du journaliste italien Roberto Saviano. Il en tire un drame efficace en filmant étape par étape cette ascension violente, entre jeux de pouvoir et trahisons. • Q. B.-G.
— : de Claudio Giovannesi (Wild Bunch, 1 h 45), sortie le 5 juin
L’AUTRE CONTINENT
Maria et Olivier partagent une passion pour les langues. Leur coup de foudre va bientôt porter l’ombre de la maladie… Par le biais d’un jeu minutieux sur les échelles macro et microscopiques, de plans urbains aériens en cellules malignes, Romain Cogitore topographie un mélodrame sur la mémoire et la construction fragile du sentiment amoureux. • É. V.
— : de Romain Cogitore (Sophie Dulac, 1 h 30), sortie le 5 juin
ANNA, UN JOUR
Anna, une mère de famille hongroise, doit s’occuper de ses trois enfants et subit les infidélités de son mari, souvent absent… Zsófia Szilágyi prend le pari de l’ultraréalisme et retranscrit avec fidélité et compassion la double journée éreintante d’une femme passant tout son temps à s’occuper des autres plutôt que d’elle-même. • C. L .
— : de Zsófia Szilágyi (Damned, 1 h 38), sortie le 5 juin
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"UN GRAND FILM DOCUMENTAIRE" CINÉMATEASER
UN FILM DE ALEXANDER ABATUROV
LE 29 MAI AU CINÉMA /nourfilmscinema
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COUL’ KIDS
CLÉMENTINE DU PONTAVICE Les élèves de la grande section de l’école maternelle Godefroy-Cavaignac à Paris ont rencontré Clémentine du Pontavice. Autrice et dessinatrice, elle a discuté avec toute la classe de son livre Truc de fille ou de garçon ?
L’INTERVIEW
Que raconte ton livre ? Ce sont des petites histoires qui parlent de ce qu’on peut s’interdire de faire sous prétexte qu’on est une fille ou un garçon. Pourquoi tu as écrit ces histoires ? J’ai une petite fille qui s’appelle Aponi, elle a 7 ans. L’année dernière, elle est entrée au CP. Dans la cour de récréation, Aponi voulait jouer au football, mais les garçons lui ont dit : « Non, déjà tu es une CP, et en plus tu es une fille, donc tu n’as pas le droit de jouer au foot, c’est interdit. » Elle est rentrée à la maison furieuse. Qu’est-ce que tu lui as dit ? J’ai réfléchi et j’ai compris que j’avais besoin d’écrire quelque chose pour aider ma fille. Je ne trouve pas ça juste que les enfants ne puissent pas jouer à ce qu’ils veulent. Je pense que chaque personne est un être humain unique, avec ses goûts, ses envies et son caractère, et qu’il n’y a pas d’histoires de fille ou de garçon là-dedans. Pour jouer au foot, il faut des jambes, du souffle et avoir un ballon ; et ça, ce n’est pas une question de genre ! Mais pourquoi est-ce qu’aussi peu de filles veulent jouer au foot ? Il y a beaucoup de filles qui en ont envie, mais
DES GRANDS DE MATERNELLE LE DÉBRIEF « Au début, en regardant le livre de Clémentine, j’ai pensé : “Elle ne s’est pas embêtée, ses bonhommes sont des ronds.” Maintenant, j’ai compris pourquoi.
c’est compliqué d’aller voir les garçons et de leur dire : « Je veux jouer avec vous. » Moi, je ne comprends pas pourquoi les garçons ne pourraient pas coudre ? C’est vrai, il ne faut pas s’empêcher de faire quelque chose juste parce qu’on a entendu ou qu’on nous a dit que c’était un truc de fille ou un truc de garçon. C’est comme les mathématiques, il n’y a pas que les garçons qui ont un cerveau. Les filles grandes et les filles petites en ont un aussi. Voilà, on a tous des cerveaux, même s’ils sont différents. Certains d’entre nous vont préférer les maths, d’autres le français, d’autres vont savoir très bien dessiner… Cela n’a rien à voir avec le fait d’être une fille ou un garçon. Moi, j’ai entendu dire : « Les grands garçons, ça ne pleure pas. » Mais moi, je pleure parfois. C’est vrai, souvent, quand un garçon pleure, on
se moque de lui. Alors que tout le monde a le droit de pleurer. Les adultes aussi ont parfois des moments de tristesse et expriment leur émotion en pleurant. Pourquoi est-ce que tes bonhommes sont comme des ronds ? J’ai dessiné des ronds, parce qu’un rond peut représenter tout le monde : toi, moi, une fille, un garçon, quelqu’un de gai, quelqu’un de triste… Tout le monde peut se reconnaître dans un rond. Comment est-ce que tu dessines ? J’utilise une peinture qui s’appelle de l’aquarelle. Je fais des ronds de couleurs, que je laisse sécher, puis je prends un stylo noir très fin et je dessine les jambes et les bras. La bouche rouge en forme de cœur, je la dessine aussi au stylo rouge. C’est facile à faire ? Oui, et ça peut vous donnez des idées. Vous aussi, vous pouvez raconter des histoires avec des bonhommes tout simples.
• PROPOS RECUEILLIS PAR LES ÉLÈVES DE LA GRANDE SECTION DE L’ÉCOLE MATERNELLE GODEFROY-CAVAIGNAC À PARIS (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE) PHOTOGRAPHIE : ERIOLA YANHOUI — : « Truc de fille ou de garçon ? » de Clémentine du Pontavice (L’École des loisirs, 48 p.), dès 6 ans
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TOI AUSSI TU AS ENVIE DE RÉALISER UNE INTERVIEW ? DIS-NOUS QUI TU AIMERAIS RENCONTRER EN ÉCRIVANT À BONJOUR@TROISCOULEURS.FR
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COUL' KIDS
— Clémentine était d’accord avec moi : ce n’est pas juste qu’on ne voie jamais de filles conduire un camion poubelles ou un camion de pompier. »
LA CRITIQUE DE LÉONORE, 8 ANS
COUL’ KIDS
LES VIEILLES LÉGENDES TCHÈQUES
« Je dirais que ce film se passe entre le Moyen Âge et l’Antiquité, parce qu’il y a des chevaliers, mais aussi Zeus et tous ces trucs de la mythologie. L’histoire parle des ducs : ce sont comme des rois, mais avec des petites tribus qui cherchent une région où habiter. Si on avait fait ce film aujourd’hui, les images ne seraient pas du tout comme ça : les gestes seraient plus corrects et iraient beaucoup plus vite. Du coup, il se passe moins de choses que dans les autres films pour enfants, et on a plus le temps de voir les petits détails. Et puis aujourd’hui on utiliserait des ordinateurs, alors que là on dirait des petits bonhommes en tissus. Je pense quand même qu’ils ont utilisé des ordinateurs, parce qu’il y a des images, c’est impossible de les faire juste avec des marionnettes. À mon avis, ils n’ont pas utilisé d’acteurs, parce que ça aurait été trop dur de faire ce film avec de vrais gens. Et puis, en même temps, c’est plus joli : les acteurs, c’est notre vie, alors que là c’est comme si on voyageait dans une peinture. »
LE PETIT AVIS DU GRAND L’œuvre de Jiří Trnka était jusqu’à présent inédite en vidéo dans l’Hexagone. Grâce à d’habiles compositions optiques, le cinéaste tchèque, à la fois peintre et marionnettiste, a mixé ses différents savoir-faire pour obtenir ces films qui oscillent entre le tableau animé, le collage et le film d’animation en volumes, et qui ont une texture très particulière. Il se dégage ainsi de ses Vieilles Légendes tchèques, qui relate les mythes fondateurs des premiers habitants de la Bohême, un caractère épique et atemporel étonnamment pictural. • J. D.
— : de Jiří Trnka, sortie le 7 mai en DVD (Artus Films), dès 6 ans
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COMPOSE LE MOT MYSTÈRE À PARTIR DES LETTRES DE COULEURS CACHÉES DANS LE TEXTE :
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TOUT DOUX LISTE ALADDIN CINÉMA Dans cette nouvelle adaptation signée Disney, après le film d’animation sorti en 1992, Aladdin et la princesse Jasmine prennent les traits de Mena Massoud et Naomi Scott. Pour devenir prince et pouvoir demander la main de Jasmine, le voleur d’Agrabah doit faire appel à l’inénarrable génie, ici campé par Will Smith. • C. L .
: de Guy Ritchie (Walt Disney, 2 h 08), sortie le 22 mai, dès 5 ans
© LUKA KHABELASHVILI
LITTLE CIRCULATION(S) EXPO Le festival de la jeune photographie européenne Luka Khabelashvili, Circulation(s) met en place The Unlightnment, 2019 un parcours à hauteur d’enfants qui expose les mêmes œuvres que celui des adultes (les paysages de Yorgos Yatromanolakis, les portraits vintage d’Hélène Bellenger…) et l’enrichit de jeux, comme les sept différences. • C. L .
: jusqu’au 30 juin au Centquatre, dès 5 ans
SPIDER-MAN NEW GENERATION DVD Une faille spatio-temporelle s’est ouverte au cœur de New York, et plusieurs spider-heroes ont surgi d’univers parallèles… Dans ce spin-off bourré d’énergie, un spider-man en herbe va apprendre aux côtés de ses alter ego comment endosser à son tour le costume. • C. L .
: de Bob Persichetti, Peter Ramsey et Rodney Rothman (Sony Pictures, 1 h 57), dès 8 ans
DANS MA PEAU
© MUSÉE DE L'HOMME
EXPO La peau est à l’honneur dans cette exposition proposant des installations sensorielles, des animations interactives, des ateliers ludiques – notamment un nuancier capable de déterminer la couleur de notre peau – ou encore des morphings vidéo qui retracent le fascinant vieillissement de notre épiderme. • C. L .
: jusqu’au 3 juin au musée de l’Homme, dès 7 ans
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CECI N’EST PAS DU CINÉMA
Hate de Laetitia Dosch
SPECTACLES
BÊTES DE SCÈNE
Alors que les associations de défense des animaux se mobilisent pour que les cirques abandonnent leurs numéros animaliers, le théâtre et le cirque contemporains inventent de nouvelles alliances avec le vivant. Un enjeu philosophique mais surtout politique dans un contexte de disparition accélérée de la biodiversité. interroge le maître Romeo Castellucci (la trilogie Inferno, Purgatorio, Paradiso d’après Dante) sur la présence quasi mythologique d’animaux sur ses scènes, il répond mystérieusement, opérant un détour par l’histoire : « Dans l’Antiquité, il y avait des rituels, on célébrait le chant du bouc et on orchestrait des sacrifices. Avec la crise de cette esthétique, l’acteur a pris la place de l’animal. L’animal est un objet trouble, il amène le désordre parce qu’il représente le pur être, mais il ramène aussi l’ordre : il revient sur son lieu, reprendre sa place. » Si l’animal est constitutif de l’ADN du théâtre antique, il procure pourtant un sentiment de vacillement profond lorsqu’on le retrouve aujourd’hui sur les planches. Bien avant que l’actrice et metteuse en scène Laetitia Dosch n’entre en piste pour Hate, sa dernière création (les 16 et 17 mai au MA – scène nationale du pays de Montbéliard, les 5 et 6 juin au Tandem d’Arras), le spectateur est hypnotisé par la force sourde dégagée par Corazon, le pur-sang espagnol avec lequel elle partage la scène. Hate est l’histoire d’une rencontre qui ne peut aller jusqu’au bout. Pour les besoins du spectacle, la performeuse de 37 ans s’est formée aux côtés de Judith Zagury, une coach équestre particulièrement sensible aux questions d’éthiques animales. Il s’agissait de lâcher la bride, de laisser à Corazon la marge de liberté la plus totale pour qu’il soit cocréateur de cette chronique des
temps modernes qui nous entraîne d’une ZAD jusqu’à Calais pour explorer la part obscure des relations, ce qu’elles comportent de rapports de forces et de manipulation. Mais cet idéal de dialogue avec un cheval butte sur le langage. Il faudra, pour que l’équidé puisse répondre, que Laetitia Dosch lui prête sa voix, dans un exercice virtuose de ventriloquie. La charge politique est parfois naïve, mais le rêve enfantin d’une égalité parfaite entre les êtres vivants se complexifie progressivement : si le cheval ne deviendra jamais homme, reste aux hommes de revendiquer leur inaliénable part d’animalité.
VERS L’INTERESPÈCES
Contrairement à Laetitia Dosch, la compagnie franco-catalane Baro d’Evel ne cherche aucunement à brouiller les frontières entre l’homme et l’animal. Bien au contraire, depuis 2004, l’altérité est au cœur de leurs créations, petits mondes en soi dans lesquels acrobates, musiciens, chevaux et oiseaux s’entremêlent joyeusement pour raconter autrement les histoires. « Dans nos spectacles l’animal a le rôle de guide, d’observateur, et de celui qui pose les questions », écrivent-ils pour se présenter. Ils sont ces autres grâce auxquels un retour à soi est possible – et surtout sans lesquels il serait inconcevable de vivre. À cet égard, le spectacle Bestias (2016) a presque valeur de manifeste. Sous le chapiteau conçu comme un labyrinthe, cette fable existentielle met en scène une grande famille interespèces dans laquelle
© DOROTHÉE THÉBERT-FILLIGER
NOUVEAU VAN GOGH Les fidèles auront sans doute versé une larme en apprenant qu’Ex Anima (jusqu’au 19 mai à Béziers, du 14 juin au 24 juillet à Lyon, du 17 août au 14 septembre à Bordeaux) serait la dernière création de l’infatigable Bartabas. Ils auront probablement aussi remarqué un tournant dans l’œuvre du cirque Zingaro : c’est la première fois que les chevaux prennent d’assaut la scène en solitaire, sans le concours de cavaliers chevronnés. Parmi les trente-neuf qui viennent voltiger, une silhouette attire immédiatement l’attention : celle de Van Gogh, le bien nommé lusitanien à l’oreille unique. Sauvée in extremis de la boucherie, la nouvelle recrue fascine, avec son profil si étrange et cette vitalité mythologique que seuls dégagent ceux qui ont frôlé la mort. Pour ses adieux à la scène, Bartabas ne célèbre pas seulement la puissance d’imaginaire des animaux à qui il a dédié sa vie, mais aussi une idée bien baudelairienne de la beauté. Tout ce qui est beau n’est-il pas bizarre ? • A. J.-C.
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Lorsqu’on
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Centaures. Quand nous étions enfants de Fabrice Melquiot et Camille&Manolo
© JEANNE ROUALET
SPECTACLES
chacun y va de son langage pour retracer les différentes étapes de la vie et célébrer la beauté éphémère de notre passage sur terre : la vitalité première de cette course effrénée d’une petite fille avec un poulain, les multiples voix qui nous agitent dans un chant femme-oiseau, ou encore le mystère de la mort qui, en hors-champ, rode au galop. Deuxième volet du diptyque commencé avec Là, le spectacle Falaise verra le jour cet été à Barcelone (le 28 juillet), avant d’entamer une tournée française. Signe des temps, cette nouvelle création se teinte d’une tonalité plus sombre. Sommes-nous revenus au temps des cavernes, ou catapultés après l’effondrement des civilisations capitalistes ? La question ne sera pas tranchée, mais dans ces ruines indifféremment passées ou futures s’inventent de nouvelles formes de vie où l’homme et l’animal construisent en harmonie.
ANCRER L’UTOPIE
Inventer d’autres alliances, croire encore et encore qu’un autre monde est possible, c’est aussi le rêve d’enfant de Manolo, fondateur avec Camille du Théâtre du Centaure. « À 6-7 ans, quand on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je répondais : “Je voudrais construire un château avec des artistes et des chevaux.” » Cela fait trente ans qu’il remuscle l’imaginaire de textes théâtraux classiques (Les Bonnes de Jean Genet, Macbeth de William Shakespeare) ou se saisit de questions ultra
contemporaines (La 7e vague, sur la finance internationale) en les interprétant sous l’identité hybride de centaures, moitié homme, moitié cheval. Lecteur de Michel Foucault comme des théories plus récentes sur la collapsologie (lire l’encadré ci-contre), Manolo est convaincu qu’aucune solution à la crise environnementale ne pourra être trouvée sans une renégociation des relations tissées entre les humains et les animaux. « Nous sommes la génération d’après la dernière séparation possible, celle de l’atome. Et cela nous a explosé au visage : Hiroshima, Tchernobyl, Fukushima. Nous devons repenser le monde par la réunion, la relation. Cela peut paraître stupide et naïf, cette idée d’être dans la nature uni à un grand tout, mais “je”, pour moi, c’est presque une erreur linguistique. » Utopique, le Théâtre du Centaure est une réalité bien concrète pour Manolo et ses compères. Depuis quelques années, ils lui donnent vie dans le IXe arrondissement de Marseille, à un jet de pierre du parc national des Calanques, sur une terre qu’ils refusent de posséder, car comme l’eau et l’air elle fait partie des « communs ». Ils ont installé leurs roulottes et leur chapiteau de bois recyclé et sculpté, démontable en un clin d’œil, et y vivent ensemble, faisant le trait d’union entre la ville et la nature et s’entraînant quotidiennement, travaillant la relation, la confiance et surtout la « caresse » avec leur moitié cheval sans laquelle ils se sentent incomplets. Leur histoire sera contée par Fabrice Melquiot en juin au Centquatre. Il se murmure aussi que les Centaure apparaîtront peut-être quelque part dans Paris cet été, aux abords d’une gare pour un de leurs « surgissements », ces petites formes en espace public. Pour saisir cette micro-ZAD de l’imaginaire, rencontrer cet autre monde, il faudra se rendre attentif. • AÏNHOA JEAN-CALMETTES
— : « Centaures. Quand nous étions enfants »
de Fabrice Melquiot et Camille&Manolo, du 4 au 8 juin au Centquatre
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L’AUTRE LOI DE LA JUNGLE L’auteur latin Plaute nous avait prévenus : « L’homme est un loup pour l’homme. » D’où la nécessité pour les humains de s’organiser en communautés politiques. Dans un petit opus publié en 2017, Pablo Servigne et Gauthier Chapelle nous rappellent que ces poncifs cachent une réalité bien plus complexe. Surtout réputés pour leurs travaux sur la collapsologie – l’étude de l’effondrement (prétendument) prochain de la civilisation industrielle du fait des bouleversements environnementaux –, ils développent l’idée que l’entraide interespèces est omniprésente. En retraversant les découvertes biologiques étrangement passées sous silence dans l’histoire récente des idées, ils fournissent aussi un petit manuel d’espoir pour les temps troublés à venir. • A. J.-C.
: « L’Entraide. L’autre loi de la jungle » de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle (Les liens qui libèrent, 224 p.)
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« Hate » de Laetitia Dosch, les 16 et 17 mai au MA – scène nationale du pays de Montbéliard, les 5 et 6 juin au Tandem (Arras) • « Falaise » de la Compagnie Baro d’Evel, le 28 juillet au Grec de Barcelone •
EXPOS
© ALEXANDRE ESTRELA 2019
— : « Métal hurlant », jusqu’au 16 juin à la Fondation Calouste Gulbenkian
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Si
© ALEXANDRE ESTRELA 2019
ALEXANDRE ESTRELA Alexandre Estrela, Métal hurlant (détail d’essai balistique de 1872, musée Naval de Lisbonne), 2019
le travail d’Alexandre Estrela peut sembler hermétique de prime abord, il révèle tous ses mystères dès lors que l’on se penche sur ses secrets de fabrication. De par leurs attributs physiques, les surfaces métalliques (peintes, rayées, éraflées, perforées) que l’artiste lisboète utilise comme des écrans transforment subtilement les images projetées. À l’entrée de l’exposition, la photographie d’un tube et de pièces de monnaie en cuivre, par un simple réfléchissement de lumière, donne l’illusion de les voir se transformer en or (Ouro mouro). Dans l’installation Circuito integrado, l’image d’une plaque de cuivre est projetée sur une surface en aluminium dans laquelle sont creusés deux sillons dont l’itinéraire est suivi par une ligne d’ombre qui émet des sons au fur et à mesure de son déplacement, tandis que la tentative d’allumage d’une lampe fluorescente donne lieu à une composition abstraite faite de flashs de lumière (Balastro). Sur un moniteur vidéo placé dans un recoin, les sillons d’un morceau de Robert Fripp et Brian Eno sont examinés au microscope, générant des saccades hypnotiques (An Index of Metal). Et l’on reste fasciné par l’image d’un tronc d’arbre tagué d’un logo maladroit du groupe Metallica qui se distord à mesure que s’amplifient les réverbérations de l’écran en cuivre, objet d’une performance sonore (Metálica). Entre simulacre et transmutation, ces images irradiantes sont autant de prétextes à l’exploration et à la mise en abyme des propriétés du matériau en lui-même. L’expérience, à la fois austère et envoûtante, redéfinit les rapports entre image, médium et perception. • JULIEN BÉCOURT
Les surfaces métalliques transforment subtilement les images projetées.
JAGNA CIUCHTA
GUSTAV METZGER
Les expositions de Jagna Ciuchta réunissent des œuvres d’artistes identifiés, mais aussi amateurs voire anonymes, qu’elle choisit et incorpore à une forme de décor dans lequel les notions de représentation et de reproduction de l’œuvre d’art sont repensées. Ici, on erre, sous le regard d’images carnivores, au sein d’un écosystème métamorphique tel un organisme vivant, aux dimensions et strates multiples. • ANNE-LOU VICENTE
Gustav Metzger développa dans les années 1960 les concepts d’art autodestructeur et de grève de l’art, s’employant activement à replacer le contexte politique au cœur de la réflexion artistique. L’exposition présente deux œuvres qui marquent le début et la fin de sa carrière : conçue en 1962 mais jamais réalisée, la première expose l’édition du jour d’un quotidien, tandis que la seconde, datant de 2005, évoque un mémorial à partir de dizaines de copies agrandies de boîte de mouchoirs en carton. • A.-L. V.
: « Darlingtonia, la plante cobra »,jusqu’au
15 juin à l’école municipale des Beaux-Arts |
: du 17 mai au 13 juillet
galerie Édouard-Manet (Gennevilliers)
à la galerie MFC-Michèle Didier
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EXPOSITION
ART COMPRIMÉ Tous les mois, notre chroniqueuse vous offre un concentré des dernières réjouissances du monde de l’art.
03.04 > 28.07.2019
La direction du Louvre semble prête à tout pour rafraîchir son image et attirer de nouveaux publics. Après le clip de Beyoncé et Jay-Z l’an dernier, les installations instagrammables de JR en 2016 et en mars dernier, voici un partenariat avec… Airbnb. Le 30 avril, un couple tiré au sort a donc eu droit à un apéro en tête à tête avec Mona Lisa, un dîner aux pieds de la Vénus de Milo, un concert dans les appartements Napoléon III et une nuit dans un lit installé sous la pyramide de verre. Des « concerts intimes » et des « visites exclusives » pourront également être réservés par le biais de la plate-forme de location. • Une polémique a éclaté en avril dernier autour d’une fresque présente à l’Assemblée nationale. Célébrant l’abolition de l’esclavage, elle avait été commandée à l’artiste Hervé Di Rosa en 1991 pour orner un couloir du Palais Bourbon. Y figurent des personnages noirs aux traits caricaturaux empruntant, selon ses détracteurs, aux pubs Banania ou à Tintin au Congo. Une pétition demandant son retrait a été lancée. • Avril 2020 : l’Arc de Triomphe de Paris entièrement empaqueté ! Ce n’est pas un énième chantier dans la capitale, mais le projet du plasticien Christo. Connu pour avoir emballé le Pont-Neuf en 1985, il fera, au même moment, l’objet d’une exposition au Centre Pompidou. 25 000 m² de tissu recyclable argenté et 7 000 m de corde rouge sont prévus pour cette installation imaginée dès 1962. • MARIE FANTOZZI ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL
La Strada, Federico Fellini, 1954, coll La Cinémathèque française © Beta Film GmbH / Affiche imprimée grâce au généreux soutien de Kodak
BILLETS CINEMATHEQUE.FR et
Femme au chapeau rouge, Pablo Picasso, 1965, Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte, Madrid © FABA Photo : Hugard & Vanoverschelde Photography © Succession Picasso 2019
En collaboration avec
Grands mécènes de La Cinémathèque française
Conçue en partenariat avec
Partenaires
Partenaires média Amis de La Cinémathèque française
CINEMATHEQUE.FR
#FELLINIPICASSO
SPECTACLES
PHIA MÉNARD — : « Contes immoraux partie 1. Maison mère », du 13 au 18 mai au Théâtre des Amandiers (Nanterre) (1 h 30) • Version 1 », le 15 juin au Théâtre de Vanves, dès 5 ans (25 min)
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Contes immoraux partie 1. Maison mère
© JEAN-LUC BEAUJAUL
« L’Après-midi d’un foehn.
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Depuis
qu’elle est entrée en piste, Phia Ménard poursuit une éternelle mue artistique. Formée au jonglage, elle dérive progressivement vers une forme plus libre de nouveau cirque. Jouant ou luttant contre les éléments naturels et s’emparant des matières les plus diverses, elle titille nos sensations les plus primaires pour nous raconter des histoires de quêtes identitaires, de transformations et d’émancipation. P.P.P., sa pièce manifeste, emprunte ainsi les chemins métaphoriques d’un corps-à-corps avec la glace pour évoquer la transition, autobiographique, de Philippe Ménard, devenu Phia. C’est ensuite du vent qu’elle fait son acolyte de scène, faisant virevolter dans les airs de petites créatures découpées dans du plastique multicolore pour L’Après-midi d’un foehn, une pièce pour jeune public, comme un appel à se libérer de ses brides, reprise ce printemps au Théâtre de Vanves. À mesure qu’elle s’est déplacée vers le terrain du corps et de la danse, Phia Ménard a assumé un propos plus radicalement politique, n’hésitant pas à taper sec sur l’oppression patriarcale dans l’ode émancipatrice Saison sèche. Oui, l’artiste a bien un rôle à jouer dans la société : celui de mettre en scène ce que l’on refuse de voir. C’est le grand chantier qu’elle attaque avec ses Contes immoraux, dont le premier épisode, Maison mère, s’ingénie, à l’aide de carton et de scotch, à raconter une autre histoire de l’Europe : un continent aux fondations fragiles, engagée dans un perpétuel mouvement de construction-déconstruction et incapable d’accueillir « ses autres ». • AÏNHOA JEAN-CALMETTES
Maison mère s’ingénie, à l’aide de carton et de scotch, à raconter une autre histoire de l’Europe.
ATLA
FOOTBALLEUSES
Ni pièce chorégraphique ni installation, Atla convoque les spectateurs à partager la scène avec les interprètes pour une déambulation dansée. D’abord, pénétrer dans l’espace de la représentation et le faire sien ; se fondre dans une fiction, puis une seconde, du Roi des aulnes vers le territoire de Robinson Crusoé. Et, enfin, se laisser aller à un retour à soi : convoquer son propre imaginaire et s’autoriser à donner à cette expérience le sens que l’on voudra. • A. J.-C.
Le chorégraphe Mickaël Phelippeau conçoit ses spectacles avec et pour les autres. Parfois il monte sur scène avec eux, il appelle ça des bi-portraits ; d’autre fois il leur laisse la scène, et ça peut donner de grandes photographies d’équipe. Pour sa dernière création, c’est ainsi à la rencontre de footballeuses qu’il nous invite. Entre témoignages intimes et jeux de corps, ces dernières nous racontent leur épopée dans un sport gangrené par la misogynie. • A. J.-C.
: « Atla. À travers les aulnes »
de Louise Vanneste, les 25 et 26 mai
: de Mickaël Phelippeau, les 7 et 8 juin
à la MC93 (Bobigny) (50 min)
au Nouveau Théâtre de Montreuil (1 h)
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Exposition 24 avril – 2 septembre 2019 Jean Dubuffet, un barbare en Europe
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CMY
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RESTOS
LA PASTA AUX ÉTOILES
© MARCO STRULLU
On ne compte plus les ouvertures de trattorias à Paris. La cucina povera, simple mais pas que, réconfortante et goûteuse, convainc même les grands chefs étoilés d’ouvrir de nouveaux lieux, à l’instar de Pierre Gagnaire, d’Alain Ducasse et de Max Alajmo.
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PIERO TT Chez les Gagnaire, l’Italie est une patrie de cœur. Sylvie Le Bihan, l’épouse, vient de publier un roman (Amour propre chez JC Lattès) dont Curzio Malaparte et sa villa à Capri (celle du Mépris de Jean-Luc Godard) sont les personnages principaux. Pierre Gagnaire, chef multiétoilé, a ouvert une première trattoria à Courchevel en 2018, dans l’hôtel Les Airelles. Sous le même nom, Piero TT, il a installé à Paris un jeune chef venu de chez Annie Féolde (trois étoiles à Florence), Ivan Ferrara, et deux anciens de son vaisseau amiral rue Balzac (trois étoiles), Gianluca Modafferi en salle et Michele Lella au vin. Dans un décor chic et cosy de l’architecte Richard Lafond, marbre de Carrare, cuir et boiseries, on s’immerge dans une Italie authentique, à peine twistée par le grand chef. Produits irréprochables pour une carte courte (pas de formules, une habitude dans les restaurants italiens) à des prix plutôt doux pour le quartier. Délicieux vitello tonnato (16 €), étonnante glace roquette avec le carpaccio de filet de bœuf (28 €), formidables spaghetti frais « à la guitare » aux amandes, coquillages, moules et couteaux (32 €) ou à la poutargue et au citron (25 €), divine raviole ricotta et roquette au beurre doux à la sauge (22 €) et remarquable poulpe aux pommes de terre nouvelles au safran et olives taggiasche (25 €). Pour les becs sucrés, c’est Julie Bellier, elle aussi transfuge de la rue Balzac, qui s’y colle : baba au rhum, chantilly cannelle et agrumes confits (15 €) ou burrata Campari, fruits rouges et gelée de grenade (10 €). • STÉPHANE MÉJANÈS
: 44, rue du Bac, Paris VIIe
CUCINA
CAFFÈ STERN
En 1983, au Juana, Alain Ducasse cuisinait des spaghetti retour du marché. Cette fois, dans l’ambiance Art déco de La Mutualité, son chef Matteo Lorenzini magnifie la cucina povera : buccatini cacio e pepe, orecchio di elefante (escalope milanaise) et sorbetto di limone (citron givré). Et les huiles d’olive de Cédric Casanova. Formule midi : 24 €. • S. M.
En 2002, à 28 ans, Max Alajmo décroche trois étoiles au Calandre, à Padoue. En 2014, avec son frère, Raffaele, il amène son Italie dans l’ancienne boutique d’un graveur parisien : mérou rôti, eau de tomate, olives noires et purées de fèves au basilic, penne, ragoût de seiches au gingembre et petits pois, glace à la pistache. Menus : de 80 à 110 €. Carte : à partir de 65 €. • S. M.
: Maison de la mutualité,
20, rue Saint-Victor, Paris Ve
: 47, passage des Panoramas, Paris IIe
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CONCERTS
MOHAMED LAMOURI — : le 12 juin
à La Maroquinerie © BENJAMIN CASCHERA
• « Underground Raï Love » (Almost Musique)
—
OFF
Bien
connu des voyageurs de la ligne 2 du métro parisien, le chanteur algérien sort de l’underground pour défendre, sur scène et en groupe, son premier album de raï sentimental. Depuis son arrivée en France en 2003, Mohamed Lamouri chante dans le métro parisien les complaintes romantiques de Cheb Hasni, le Rossignol du raï, qui berça son adolescence dans la petite ville algérienne de Tlemcen. En seize ans, les habitués de la ligne 2 se sont familiarisés avec la voix rauque et mélancolique du chanteur malvoyant qui traverse les rames avec son petit clavier Casio porté à l’épaule. Respiration dans le train quotidien, évasion vers le soleil méditerranéen, les mélismes rocailleux et nostalgiques du « chanteur de Paris » font désormais partie du folklore urbain et cosmopolite de la capitale. Tout le monde connaît Mohamed Lamouri, que ses admirateurs hèlent à Barbés d’un « Hé ! Chasni ! » connaisseur et reconnaissant. Avec Benjamin Caschera, cofondateur du collectif La Souterraine, Lamouri a enregistré quelques mixtapes de ses reprises , avant d’enregistrer un album de ses compositions, cette fois-ci accompagné par une dream team de musiciens, le Groupe Mostla. Baron Rétif à la production, Mocke (Holden, Midget !, Arlt) aux guitares ondulantes, Charlie O aux claviers, Moncef Besseghir aux percussions et chœurs autotunés hybrident d’électronique, de reggae et d’électricité le raï amoureux du troubadour souterrain. Cette musique voyageuse sort ces jours-ci de l’obscurité pour les feux de la rampe des salles de concerts. Si vous n’allez pas à Lamouri, Lamouri viendra à vous. • WILFRIED PARIS
Les habitués de la ligne 2 se sont familiarisés avec la voix rauque du chanteur malvoyant.
MOLLY NILSSON
DAME ELECTRIC
À contre-courant depuis dix ans, l’énigmatique Suédoise poursuit sa self-made odyssée en prêtresse d’une synth-pop lo-fi merveilleusement bricolée. Ultime preuve : Twenty Twenty, son dernier opus en forme de future proche hanté. Romantisme maniaque et mélancolie ténébreuse, héritage cold-wave, le soleil goth suspendu entre hier et aujourd’hui réinvente une beauté au kitsch sincère et fascinant, un doux vertige qui fait terriblement frissonner. • ETAÏNN ZWER
Revisitant l’histoire invisibilisée des femmes et des machines, le cycle « Computer Grrrls » donne carte blanche à Dorit Chrysler, génie du thérémine qui interprètera une pièce inédite de la pionnière electro Laurie Spiegel. Chrysler a aussi convié l’Américaine Karen Gwyer – artisane d’une alien-techno hypnotique – et l’icône cold-wave du Berlin underground des eighties Gudrun Gut (ex-Einstürzende Neubauten et Malaria !) pour une nuit techno féministe propice à l’empowerment. • E. Z .
: le 11 mai à La Maroquinerie
: le 15 juin à La Gaîté Lyrique
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RÉALITÉ VIRTUELLE
ACE COMBAT 7 VR SIMULATEUR AÉRIEN
— : (Bandai Namco Entertainment), dès 12 ans
—
OFF
Top
Gun de Tony Scott nous a appris au moins une chose : piloter un avion de chasse est un jeu d’enfant. Tout se fait instinctivement : on pousse les gaz, on s’élance sur le tarmac, on tire le manche, on rentre les trains d’atterrissage, et nous voilà dans les airs. Sauf que, ici, Maverick nous a cédé sa place dans le cockpit pour aller tutoyer les cieux. Les premières sensations sont magiques : de l’habitacle qui tremble sous les trous d’air à la verrière qui se nappe de gouttelettes de pluie après avoir traversé un nuage, tout est là, et on y croit. Mais l’heure n’est clairement pas aux flâneries : des chasseurs ennemis sont à nos trousses. Quelques loopings et tonneaux plus tard, notre carlingue ressort cabossée mais victorieuse d’un baroud aérien d’anthologie. Tirée d’une vieille gloire (le premier Ace Combat date de la première Playstation), cette déclinaison VR réussit un grand écart exemplaire : assumer un réalisme digne d’une simulation de pointe tout en restant très accessible et fun à contrôler. Très souple, le maniement de l’appareil permet de réaliser les plus belles arabesques en un éclair, au mépris des dangers d’une météo capricieuse et de belligérants redoutables. Que l’on bombarde une base adverse ou que l’on tente de décoller d’une piste assiégée par l’ennemi alors que nos alliés se crashent autour de nous (grand moment !), le jeu nous happe, avec toujours la même idée : faire du ciel un univers aussi hypnotique qu’inquiétant. Désormais, la question du choix entre le rêve (d’Icare) et le plancher des vaches ne se pose plus. • YANN FRANÇOIS
Notre carlingue ressort cabossée mais victorieuse d’un baroud aérien d’anthologie.
ARCHI-VRAI
YOUR SPIRITUAL TEMPLE SUCKS
SIMULACRES URBAINS Pendant d’un docu (Archi-faux) consacré aux simulacres urbains, Archi-vrai nous balade au cœur de trois sites en périphérie de Shanghai abritant des reproductions miniaturisées de lieux célèbres (la tour Eiffel, Venise, le Tower Bridge…). À partir d’une forme récurrente (de lents travellings à travers ces décors), le film ausculte ces endroits où réel et factice sont en osmose. Une telle dualité ne pouvait trouver meilleur émissaire que la réalité virtuelle. • Y. F.
: de Benoit Felici, dès 6 ans
KARMA COMIQUE Réflexion drolatique sur fond de taoïsme, ce court métrage nous téléporte dans l’antichambre mentale d’un homme en proie à de nombreux doutes existentiels et qui implore un ange gardien grimé comme Pikachu de remettre sa vie en ordre. L’entreprise tourne au fiasco… Ce film taïwanais vaut surtout pour sa reproduction de la psyché humaine sous forme de décors de jeux vidéo où le karma n’est plus qu’affaire de bonus et de game over. • Y. F.
: de John Hsu, dès 6 ans
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MARCHÉ DU FILM
LOVES
FESTIVALS MARCHÉ DU FILM OPENING NIGHT - 15 May
Shanghai International Film Festival DOC TALKS & DOC DAY - 17 to 21 May
CPH:DOX, DOK Leipzig, IDFA, Visions du Réel, Doc Alliance FRONTIERES PLATFORM - 18 & 19 May
Fantasia International Film Festival GOES TO CANNES - 18 to 20 May
Annecy, HAF (Hong Kong), Los Cabos, Málaga, New Horizons’ (Poland), Thessaloniki FANTASTIC 7 - 19 May
Bucheon, Cairo, Guadalajara, Macao, Sitges, SXSW, Toronto MIXER FESTIVALS - 22 May
Film Freeway CINANDO AWARDS - 22 May
and more than 1300 registered programmers attending! www.marchedufilm.com/en/global-events
©Alexandra Fleurantin / Marché du Film
Best Emerging Festival Programmer
PLANS COUL’ À GAGNER
THOMAS HOUSEAGO EXPO
© THOMAS HOUSEAGO
— : « Almost Human », jusqu’au 14 juillet au musée d’art moderne de la ville de Paris
—
Thomas xxxxxxxxx Houseago, Sitting Nude, 2016
Pour
entre la femme et l’arbre, et des œuvres plus récentes, comme Somatic Paintings, une série de dessins réalisés au charbon et à la mine de plomb dans un état semi-méditatif dû à des séances de psychologie somatique, dans lesquelles s’entremêlent des corps informes de squelettes. Dans l’espace vitré du musée d’art moderne de la ville de Paris, traversé par la lumière du printemps, la vision noire et infernale de Houseago prend un éclat particulier. C’est dans ce contraste troublant que l’on saisit la beauté radicale de ses travaux, qui nous renvoie à notre propre fragilité. • JOSÉPHINE LEROY
OFF
la première fois en France, une rétrospective met à l’honneur les sculptures, peintures et dessins de l’artiste américano-britannique, qui imagine d’inoubliables figures, aussi hallucinantes qu’effroyables. Dans une quête quasi anthropologique, Thomas Houseago agrandit, déforme, charcute et décharne le corps humain. À travers un parcours chronologique, on découvre ses premières sculptures en plâtre, datant des années 1990, telles que Sister, qui représente une figure au visage sans traits et aux pieds immenses à mi-chemin
WAJDI MOUAWAD
SPECTACLE
Après Seuls, Incendies ou Littoral, le dramaturge libanais Wajdi Mouawad continue de sonder la complexité des relations familiales, avec une nouvelle pièce très attendue. Centrée cette fois sur la sauvagerie enfouie en chacun de nous, Fauves promet d’entretenir sa fascination pour la sphère domestique. • C. L .
: « Fauves » de Wajdi Mouawad, du 9 mai au 21 juin
Visuel fourni pendant la création de l’œuvre
au théâtre national de La Colline
ROUGE
EXPO
De nombreux courants artistiques ont éclos sous le régime soviétique, entre la révolution bolchevique de 1917 et la mort de Staline en 1953. Cette exposition rassemble quatre cents œuvres ayant marqué cette période, des abstractions géométriques de Malevitch aux films d’Eisenstein. • C. L .
: « Rouge. Art et utopie au pays des soviets », jusqu’au 1er juillet au Grand Palais
JEUNES ARTISTES EN EUROPE
EXPO
Pour témoigner de la diversité culturelle de notre continent, la Fondation Cartier a réuni des œuvres de vingt et un jeunes artistes originaires de seize pays s’exprimant par le biais de la peinture, de la mode, de la sculpture, du design et du cinéma (le Portugais Gabriel Abrantes, le Français Jonathan Vinel…). • C. L .
: « Jeunes artistes en Europe. Les métamorphoses », jusqu’au 16 juin à la Fondation Cartier Martin pleure de Jonathan Vinel (2017)
pour l’art contemporain
© D.R. ; D.R. ; JONATHAN VINEL
Georgi Roublev, Portrait de Staline, 1935
SUR TROISCOULEURS.FR/PLANSCOUL
CLINIC
SONS
— : « Wheeltappers and Shunters » (Domino), sortie le 10 mai
OFF
© PC RHIAN ASKIN
—
C’est
la blague du groupe qui sort le même disque depuis vingt ans. Celle que les fans de Clinic adorent raconter, non par masochisme, mais comme un compliment masqué, pour dire que le quartet de Liverpool n’a jamais dévié de sa ligne esthétique, identifiable en une fraction de seconde. Une blague que le chanteur Adrian Blackburn connaît par cœur. « C’est vrai qu’on me le dit souvent. Au lieu de m’en offusquer, j’en tire une certaine fierté. Il existe tant de groupes dont le style n’est pas original… Dès le début, on a choisi de suivre notre instinct plutôt que l’air du temps. C’est un signe de confiance en soi. » En matière de reconnaissance, ce bel état d’esprit n’a pourtant pas joué en faveur du groupe, resté bloqué en deuxième division tandis que d’autres prenaient le contrôle de son terrain. À la fin des années 1990, sa pop répétitive et menaçante, filant tous phares éteints dans un tunnel de réverbération, n’avait pas d’équivalent. C’était avant le retour en grâce des synthés analogiques, avant que le krautrock ne devienne un gimmick et que
SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM ? « Peut-être Tombe les filles et tais-toi, un film de Herbert Ross, scénarisé et interprété par Woody Allen en 1972. Je me suis toujours retrouvé dans Woody Allen, car c’est son désespoir qui le rend aussi drôle. Tombe les filles et
les groupes garage ne dépassent en nombre leurs ancêtres. Le monde a rattrapé Clinic, mais Clinic est resté inchangé. Tout juste a-t-il perdu de sa puissance énigmatique – les costumes de chirurgiens ne font plus trop froid dans le dos. Wheeltappers and Shunter remet donc à nouveau les meubles en place, avec un léger supplément de satire (le titre fait référence à une émission ringarde des années 1970) et de décontraction (Blackburn ne cherche plus à forcer sa voix enrhumée). « Quand on s’enferme en studio, c’est comme si le temps s’arrêtait. Plus rien ne compte à part la concentration qui nous unit et produit ce son spécifique. L’entité Clinic a toujours dépassé la somme de ses parties. » Avec ce huitième album, l’habitué pourra réchauffer sa blague tandis que le novice découvrira une écriture unique, bourrée de mélodies scintillantes, mais comme rongée de l’intérieur par l’humidité et la torpeur. Des mélodies qui, dès qu’elles pénètrent les oreilles de l’auditeur, deviennent par lui identifiable en une fraction de seconde. • MICHAËL PATIN
tais-toi reste mon préféré dans sa première période, un sommet d’humour noir et grinçant. J’espère que cette dimension est perceptible dans notre musique, même pour un public non anglophone. Ce serait dommage de nous prendre trop au sérieux. » ADRIAN BLACKBURN
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JUKEBOX
ZED YUN PAVAROTTI
: « French Cash » (Artside)
Ses shoots de spleen peuvent évoquer Post Malone ou Yung Lean. Son phrasé marmonné sur coussins d’air autotunés le parachute dans les territoires hyper contemporains du mumble-rap et du cloud-rap. Mais le jeune Stéphanois Zed Yun Pavarotti dégage déjà une aura très personelle, à la fois pop et mystérieuse, notamment dans sa façon imprévisible et émouvante de noyer la logique dans les brumes de l’écriture automatique. • É. V.
ATILI
: « Huglife » (Universal) En passant le reggae par les doux filtres de l’électronique, Atili Bandalero dessine des paysages de synthèse à la fois festifs et contemplatifs. Sur ces plages éclairées aux néons posent une pléiade d’invités tels que le rappeur Biffty (sur l’ensoleillé « Mr. Diddy ») ou encore le singjay Biga*Ranx, frère du producteur tourangeau. Difficile à croire, mais ce groove jamaïcain 2.0 est « made in Indre-et-Loire ». • É. V.
DRAHLA
: « Useless Coordinates » (Captured Tracks)
Découlant de la lave en fusion arty d’un Sonic Youth et d’un Blonde Redhead, le post-punk de Luciel Brown et ses complices manie le feu avec sophistication. Pour cet album enregistré dans le Yorkshire, le trio de Leeds a ajouté le saxophone de Chris Duffin à son chaudron de riffs guitaristiques. L’ambiance est nerveuse et abrasive, très raccord avec la gestation en tournée de ce LP joliment instable. • É. V. ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT
FLEABAG
SÉRIES
— : saison 2 sur Amazon Prime
© AMAZON PRIME
—
OFF
Après
trois années à se faire désirer, le prodige Phoebe Waller-Bridge remet enfin le couvert pour une saison 2 de sa géniale Fleabag, et cela valait la peine de patienter. En 2016, il n’avait fallu à Waller-Bridge que six épisodes pour imposer sa liberté de ton absolue, ses adresses caméra ravageuses et son héroïne à fleur de peau. Mais plutôt que de se hâter de donner une suite à cette œuvre si personnelle, la scénariste et star du show a préféré se dégourdir les jambes sur le polar Killing Eve (dont la saison 2 est à découvrir sur Canal+). Une récréation d’autrice qui lui permet de revenir plus fraîche et plus sûre d’elle que jamais avec Fleabag, à l’image du personnage éponyme, apaisé mais surtout pas résigné. Les seconds rôles, déjà merveilleux
REVOIS
dans la première saison, sont toujours là, sa sœur, Claire (Sian Clifford), à cran, et son horripilante belle-mère (Olivia Colman) en tête. La galerie s’étoffe avec l’arrivée d’une femme d’affaires (Kristin Scott Thomas) et d’un beau prêtre (Andrew Scott) qui va mener Fleabag sur les bancs de l’église. « It’s a love story », annonce-t-elle dès le prologue. Mais une histoire d’amour compliquée, propice à questionner ses croyances, son rapport au sexe, à la vie, à la mort. Trois ans ont passé, mais elle n’a pas changé, Phoebe Waller-Bridge. Une fois de plus, c’est pour ses saillies trash et ses clins d’œil rigolards au spectateur que l’on vient la voir dans Fleabag, et c’est par la brutalité de sa mise à nu émotionnelle qu’à nouveau elle nous cueille et nous laisse K.O. • GRÉGORY LEDERGUE
VOIS
PRÉVOIS
AFTER LIFE
EDEN
COWBOY BEBOP
On le pensait un peu perdu, occupé à montrer les dents sur Twitter ou sur scène dans des one-man-shows gueulards. Dans sa nouvelle série Netflix, Ricky Gervais rappelle que, comme au temps de The Office, il y a aussi, derrière les vacheries prononcées ici par son personnage de veuf suicidaire, un cœur qui bat chez ce génie misanthrope. Étonnamment bouleversant. • G. L .
À travers le destin de clandestins, de demandeurs d’asile ou d’employés d’un camp de réfugiés, cette création Arte interroge le regard porté par les Européens sur les migrants qui frappent à leur porte. Sujet brûlant traité avec délicatesse sous la houlette du réalisateur Dominik Moll (Le Moine), récit choral et temps long de la série permettent de se garder des raccourcis faciles. • G. L .
Joyau de l’animation télé japonaise, Cowboy Bebop, avec son ambiance cool et jazzy et sa réalisation étincelante, marqua il y a vingt ans le genre space opera. Netflix en prépare une adaptation live et a commencé à recruter : John Cho (Star Trek) y tiendra le rôle clé, et c’est Christopher Yost, un habitué des productions Marvel, qui pilotera le vaisseau. On croise les doigts. • G. L .
: saison 1 à revoir sur Netflix
: saison 1 à voir sur Arte
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: prochainement sur Netflix
Art et utopie
au pays des soviets
GRAND PALAIS 20 mars – 1er juil. 2019
Russie, 1917. De jeunes artistes croient qu’ils peuvent changer le monde et s’engagent dans un art audacieux, puissant, d’avant-garde. Quelques années plus tard, ils sont broyés par un système totalitaire et écrasant. En 400 œuvres dont de nombreuses jamais vues en France, croisant la peinture, l’architecture, la photographie et le design, un regard critique sur le rapport entre l’art et la politique, et une plongée dans l’histoire absolument nécessaire.
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Gustav Klucis, reproduction d’après L’URSS est la brigade de choc du prolétariat mondial (affiche) (détail), 1931 © musée national des Arts de Lettonie, Riga design c-album - adaptation Virginie Langlais
JEUX VIDÉO
© ACTIVISION
SEKIRO
— : « Sekiro. Shadows Die Twice »,
OFF
Activision (PS4, One, PC)
—
Aussi
fascinant qu’impitoyable avec ses joueurs, Sekiro. Shadows Die Twice est une plongée inoubliable dans un Japon féodal et fantasmagorique. Sekiro (littéralement « le loup manchot » en japonais), c’est aussi le nom de notre héros shinobi qui, alors qu’il tente d’exfiltrer son maître d’une forteresse assiégée, perd son bras dans un duel contre un samouraï ennemi. Laissé pour mort, il est recueilli par un vieil artisan qui remplace son membre disparu par une prothèse mécanique au potentiel surhumain. Ivre de vengeance, notre shinobi va devoir laver son honneur en affrontant toute une armée d’ennemis (humains comme monstres) qui se dresse entre lui et sa Némésis. Derrière cette odyssée vengeresse se cache un autre nom : FromSoftware, studio devenu célèbre pour
avoir enfanté Dark Souls et Bloodborne, deux licences culte pour leur richesse de jeu – mais aussi pour leur méchanceté de façade. Sekiro est leur digne héritier : on y apprend dans la douleur, on y meurt souvent, parfois en un éclair – le jeu ne pardonne aucune hésitation ni étourderie. Mais il serait dommage de réduire Sekiro à une vulgaire soufrière pour masochistes, car ce jeu n’est, au fond, ni impossible ni injuste. C’est un langage sans pareil, qu’il faut décrypter avec patience, avant de le parler comme un parfait rhétoricien. Une fois ce postulat acquis, à lui de dévoiler sa richesse – faite de duels d’anthologie et de créatures sublimes – et sa vraie nature : un conte plein de noirceur et de mélancolie, narré sur le mode d’une enivrante danse avec la mort. • YANN FRANÇOIS
DEVIL MAY CRY 5
BABA IS YOU
WE. THE REVOLUTION
Que l’on soit fan ou néophyte de la série Devil May Cry, ce cinquième épisode mettra tout le monde d’accord. Les premiers y verront un somptueux prolongement de la saga, au charisme préservé ; les seconds, un défouloir des plus stimulants, car ouvert à toutes les folies. • Y. F.
Baba Is You est aussi aisé à jouer que délicat à expliquer. Chaque puzzle est fait de blocs (qui désignent aussi bien des objets que des règles de jeu) que l’avatar peut (et doit) déplacer pour trouver la solution. Ou comment faire du casse-tête un langage poétique et modulaire. • Y. F.
Ce jeu de procès nous met dans la peau d’un juge durant la Révolution française. Devant nous défilent plusieurs accusés, que le peuple ou les révolutionnaires veulent guillotiner : appliquer le droit ? ou contenter les uns et les autres pour sa propre survie ? Vertigineux dilemme. • Y. F.
: Capcom (PS4, One, PC)
: Hempuli Oy
(Switch, Linux, PC, Mac)
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: Klabater (PC, Linux, Mac)
Chaque mois, notre chroniqueur explore les mondes du jeu vidéo indépendant en donnant la parole à l’un de ses créateurs.
Traqué de toutes parts, un gorille tente de s’enfuir d’une prison labyrinthique. En quelques coups de paluche, il envoie valser contre les murs ses geôliers, qui explosent en gerbes de sang dignes d’une toile de Jackson Pollock. Chaque action à l’écran s’accompagne d’un son de cymbale ou de trompette, comme si cette fuite simiesque se doublait d’un bœuf de free-jazz. Ceci n’est pas un clip de la S.P.A., mais une hallucinante expérience située à la croisée des univers de Saul Bass (pour le visuel) et de John Coltrane (pour la bande-son). On doit ce jeu, baptisé Ape Out, à Gabe Cuzzillo, qui l’a réalisée dans le cadre de ses études à la prestigieuse New York University, où il s’était d’abord inscrit en école de cinéma. « Comme beaucoup de gens de ma génération, je me rêvais comme le successeur des frères Coen. J’ai vite déchanté : à l’école, on ne t’apprend pas à faire du cinéma ni à le comprendre, mais à trouver ta place sur un tournage. Je n’ai jamais trouvé la mienne. » Sur son temps libre, il commence à programmer des petits jeux. L’un d’eux est un jeu d’arcade campé par un gros singe, dont la bande-son dynamique est influencée par « You’ve Got to Have Freedom », un classique du jazz signé Pharoah Sanders qui l’obsède depuis des années. « Rien que par son titre, le morceau faisait écho à ma propre frustration d’être dans une impasse créative. Il fallait que je fasse ce jeu pour retrouver ma liberté. » Trois ans auront été nécessaires à Cuzzillo pour venir à bout d’une telle météorite. Météorite qui vient rappeler une nouvelle fois que le jeu indé n’a pas d’égal pour habiller une rage intérieure du plus bel apparat. • YANN FRANÇOIS
— : « Ape Out »
(Gabe Cuzzillo | Switch, PC)
LIVRES
Un
L’HÉRITIER
vendeur d’assurances sans envergure hérite du manoir de sa tante, une demeure décatie du xvie siècle, dépourvue de tout confort. On s’y chauffe au bois, faute d’électricité ; la bâtisse est entourée de douves, tel un château fort… Naturellement, notre homme n’a qu’une idée en tête : se débarrasser de cet encombrant cadeau, rembourser les dettes de sa tante, et empocher la différence. Ça tombe bien, le duo de notaires du coin a déjà lancé la procédure de vente aux enchères, sans même le consulter. Mais alors qu’il pénètre pour la première fois dans sa demeure, le doute s’empare de lui. Ces pierres, ce jardin, ces lambris, ces pièces majestueuses : a-t-il le droit de tout laisser partir ? « Le poids de la légende avait soudain paru reposer lourdement sur ses épaules ; il avait regardé ses mains, comme s’il s’était attendu à les voir mystérieusement chargées de grosses bagues honorifiques… » Vita Sackville-West avait 30 ans quand elle a publié cette novella qui, comme par magie, semble préfigurer son propre coup de cœur pour une bâtisse historique, le château de Sissinghurst, dans le Kent, qu’elle et son mari Harold Nicolson rachèteront en 1930, avant d’y aménager des jardins connus dans le monde entier. Un lieu peut-il transformer un homme, l’extirper de sa routine, le révéler à lui-même ? Y a-t-il une âme au cœur des maisons ? Telles sont les questions posées dans ce bijou d’élégance et d’humour dans lequel le talent de Vita Sackville-West éclate en plein. Bien qu’il ne compte que 160 pages, le récit regorge de petits morceaux de bravoure : le paragraphe
d’ouverture, avec son twist macabre ; les soirées solitaires du héros dans sa demeure provisoire, remplies d’allusions gothiques ; sans compter la vente aux enchères finale, durant laquelle triomphent la grandeur d’âme et le caractère du personnage, vainqueur éberlué de lui-même… Vita Sackville-West a toujours eu un faible pour ce livre de jeunesse auquel elle donnera une deuxième vie en le republiant
OFF
Un lieu peut-il transformer un homme, l’extirper de sa routine, le révéler à lui-même ? en 1949. Ne ratez sous aucun prétexte cette réédition française traduite par Jean Pavans, ne serait-ce que pour vous préparer à voir cet été le film de Chanya Button, Vita et Virginia, sur les amours de Vita et de Virginia Woolf, avec Gemma Arterton et Elizabeth Debicki. • BERNARD QUIRINY
— : « L’Héritier. Une histoire d’amour » de Vita Sackville-West, traduit de l’anglais par Jean Pavans (Autrement, 186 p.)
—
LES INTERSTICES DU TEMPS
533. LE LIVRE DES JOURS
CETTE CHAISE EST LIBRE ?
Invité en Lettonie par une mystérieuse parente, un étudiant parisien croit replonger dans le passé du pays… Cinq longues nouvelles (ou microromans) dans lesquelles Eugène Green marche sur la ligne de crête entre réalisme inquiétant et tradition fantastique. • B. Q.
Les plantes, les écrivains, la littérature, le monde alentour : dix-huit mois durant, dans sa thébaïde sur l’île de Minorque, Cees Nooteboom a tenu une sorte de journal, une promenade façon puzzle, suivant le modèle des Essais de Montaigne. Envoûtant. • B. Q.
« La chaise est la grande affaire de l’humanité. Dès que l’Homo quelque chose eut réussi à se tenir debout, il songea à s’asseoir. » Un nouveau roman bref à l’humour débonnaire et narquois signé Bertrand, dans son inimitable veine à la Alexandre Vialatte ou à la Alphonse Allais. • B. Q.
(Éditions du Rocher, 312 p.)
(Actes Sud, 256 p.)
(Julliard, 128 p.)
: d’Eugène Green
: de Cees Nooteboom
108
: de Jacques A. Bertrand
BD
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LA SAISON DES ROSES
Barbara,
— : de Chloé Wary (Éditions FLBLB, 240 p.) —
surnommée Bab, lycéenne dans une ville de banlieue, est bien plus motivée par son rôle de capitaine d’une équipe de foot que par la préparation du bac. Or, une baisse de subventions vient entraver ses perspectives : il n’y aurait plus assez d’argent pour inscrire à la fois les équipes masculines et féminines aux qualifications pour le championnat national des moins de 19 ans… Malgré les protestations de l’entraîneur, le sacrifice des filles est programmé. Face au caractère inique de cette décision, Bab, qui n’a pas l’habitude de se laisser dicter sa conduite, mobilise ses troupes et tente l’impossible… Ce deuxième livre de la jeune Chloé Wary grouille de détails que seule une observation attentive permet de saisir. Nul besoin d’être passionné de ballon rond pour vibrer aux côtés de l’héroïne dans son légitime combat. À l’instar de celle-ci et de son amoureux contemplant l’horizon depuis une colline dominant l’autoroute, la dessinatrice, par son utilisation des feutres, parvient surtout à projeter une forme de beauté dans un environnement qui en semble dépourvu. • VLADIMIR LECOINTRE 109
mk2 SUR SON 31 JUSQU’AU 18 JUIN
VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « Sommes-nous des extra-terrestres ? »
ARCHITECTURE ET DESIGN « L’architecture organique et technologies : le Blob. »
: mk2 Quai de Loire
: mk2 Bibliothèque
à 11 h
(entrée BnF) à 20 h
DIMANCHE 12 MAI © MALAVIDA
Drôles de cigognes ! de Hermína Týrlová (2019)
UNE HISTOIRE DE L’ART « Le futurisme : l’exaltation du monde moderne. »
: mk2 Beaubourg à 20 h
CYCLE BOUT’CHOU Pour les enfants de 2 à 4 ans : Drôles de cigognes ! et Poupi ; Sametka. La chenille qui danse et Le Quatuor à cornes ; Le Petit Monde de Leo. 5 contes de Lionni et La Fontaine fait son cinéma.
: mk2 Bibliothèque,
© D R.
SAMEDI 18 MAI
mk2 Quai de Seine, mk2
CULTISSIME ! Projection de Platoon d’Oliver Stone.
Bastille (côté Beaumarchais)
: mk2 Gambetta
et mk2 Gambetta
dans l’après-midi
CYCLE JUNIOR Pour les enfants à partir de 5 ans : Les Aristochats ; Blanche-Neige et les sept nains ; La Belle et le Clochard.
: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h
DIMANCHE 19 MAI
les samedis et dimanches
LUNDI 13 MAI
matins
L’ART CONTEMPORAIN « Bruxelles : nouvelle capitale artistique ? »
LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Le romantisme est-il encore possible ? »
: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30
: mk2 Gambetta, mk2 Bibliothèque © D R.
et mk2 Quai de Loire les samedis et dimanches matins
CULTISSIME ! Projection du Voyage de Chihiro de Hayao Miyazaki.
JEUDI 9 MAI
: mk2 Gambetta
: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h
UNE HISTOIRE DE L’ART « Le cubisme ou la décomposition des formes. »
: mk2 Beaubourg à 20 h
SAMEDI 11 MAI L’ART CONTEMPORAIN « Londres, bomb culture ? »
: mk2 Bastille
© LES ACACIAS
ARCHITECTURE ET DESIGN « L’architecture déconstructiviste : de Frank Gehry à Zaha Hadid. »
dans l’après-midi
LUNDI 20 MAI
SAISON ACID POP « Filmer l’autre : trouver la bonne distance. » Projection de Dans la terrible jungle de Caroline Capelle et Ombline Ley, en présence des réalisatrices et de Jean-Louis Gonnet
LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « L’inconscient freudien : vérité vraie ou illusion vitale ? » Avec Lionel Naccache.
: mk2 Quai de Seine
(côté St Germain)
à 20 h
à 18 h 30
JEUDI 16 MAI SCIENCES SOCIALES, REGARDS SUR LE MONDE « Le cinéma chinois. » Avec Anne Kerlan du CCJ.
: mk2 Odéon
MARDI 21 MAI UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Francis Ford Coppola : le mafieux contrarié ? » Conférence suivie de la projection de Tetro (à réserver en complément de la conférence).
(côté Beaumarchais)
: mk2 Odéon
à 11 h
(côté St Michel)
: mk2 Odéon
à 12 h 30
(côté St Michel) à 20 h
110
mk2 SUR SON 31 UNE HISTOIRE DE L’ART « La naissance des abstractions. »
: mk2 Beaubourg à 20 h
JEUDI 23 MAI ARCHITECTURE ET DESIGN « Philippe Starck : la démocratisation du design ? »
SAMEDI 1er JUIN
JEUDI 6 JUIN
L’ART CONTEMPORAIN « Los Angeles ou New York ? »
ARCHITECTURE ET DESIGN « Les femmes designer. »
: mk2 Bastille
: mk2 Bibliothèque
(côté Beaumarchais)
(entrée BnF)
à 11 h
à 20 h
DIMANCHE 2 JUIN
UNE HISTOIRE DE L’ART « Marcel Duchamp, l’inclassable. »
: mk2 Bibliothèque
: mk2 Beaubourg
(entrée BnF)
à 20 h
à 20 h
SAMEDI 8 JUIN
L’ART CONTEMPORAIN « São Paulo-Rio de Janeiro, nouveaux territoires de l’art. »
: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h
DIMANCHE 26 MAI CULTISSIME ! Projection de Thelma et Louise de Ridley Scott.
: mk2 Gambetta dans l’après-midi
LUNDI 27 MAI LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Le visible est-il plus beau que l’invisible ? »
: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30
MARDI 28 MAI RENCONTRE Conférence avec l’auteur du roman Cogito, Victor Dixen, suivie d’une séance de dédicace.
© LE PACTE
SAMEDI 25 MAI RENCONTRE Conférence avec les réalisateurs de Minuscule Thomas Szabo et Hélène Giraud, accompagnés de Julien Dupuy, suivie d’une séance de dédicace.
à 11 h
MARDI 11 JUIN
: mk2 Bibliothèque
UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Billy Wilder, entre sadisme et cynisme ? » Conférence suivie de la projection de Boulevard du crépuscule (à réserver en complément de la conférence).
à 11 h
LUNDI 3 JUIN LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Est-ce la libido qui gouverne le monde ? »
: mk2 Odéon (côté St Michel)
: mk2 Odéon
à 20 h
(côté St Germain) à 18 h 30
SCIENCES SOCIALES ET CINÉMA « Quelle(s) identité(s) ? » Projection de Désobéissance de Sebastián Lelio, suivie de son commentaire par un enseignant-chercheur de l’EHESS.
: mk2 Bibliothèque à 19 h 45
MARDI 4 JUIN
(côté St Michel) à 20 h
© D. R.
à 18 h
: mk2 Odéon
: mk2 Bastille (côté Beaumarchais)
: mk2 Bibliothèque
UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Paul Thomas Anderson : le véritable indépendant ? » Conférence suivie de la projection de Hard Eight (à réserver en complément de la conférence).
L’ART CONTEMPORAIN « Pékin, écrire une histoire de la Chine. »
UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « David Cronenberg : le maître de l’horreur intérieure. » Conférence suivie de la projection de La Mouche (à réserver en complément de la conférence).
: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h
111
RETROUVEZ TOUS LES ÉVÉNEMENTS DES SALLES mk2 SUR mk2.com/ evenements
LES ACTUS mk2
LES JARDINS D’ÉDEN LE JARDIN DES SIMPLES OU LE JARDIN D’AUTEUR — : aux alentours
de 11 h et de 22 h au mk2 Beaubourg
OFF
LES 9, 10, 13 ET 14 MAI Tabou de Miguel Gomes LES 15, 18 ET 19 MAI Le Bois dont les rêves sont faits de Claire Simon LES 16, 17, 20 ET 21 MAI L’Île au trésor de Guillaume Brac LES 22, 25 ET 26 MAI Ce sentiment de l’été de Mikhaël Hers LES 23, 24, 27 ET 28 MAI Le Bonheur d’Agnès Varda LE 29 MAI, LE 1 ET LE 2 JUIN Hors Satan de Bruno Dumont er
LES 30 ET 31 MAI ET LES 3 ET 4 JUIN Cemetery of Splendour d’Apichatpong Weerasethakul LES 5, 8 ET 9 JUIN L’Ornithologue de João Pedro Rodrigues LES 6, 7, 10 ET 11 JUIN Dans la terrible jungle de Caroline Capelle et Ombline Ley
Minuscule 2. Les Mandibules du bout du monde de Thomas Szabo et Hélène Giraud (2019)
LES SAISONS D’ÉRIC ROHMER —
LE JARDIN DE L’ENFANCE — : les dimanches après-midi au mk2 Parnasse
: aux alentours de 11 h et de 22 h au mk2 Bibliothèque
LE 5 JUIN Conte de printemps LE 6 JUIN Conte d’hiver LE 7 JUIN Conte d’été LE 8 JUIN Conte d’automne LE 9 JUIN Ma nuit chez Maud LE 10 JUIN Pauline à la plage LE 11 JUIN Le Signe du Lion
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LE 12 MAI Bambi de David D. Hand LE 19 MAI Minuscule. La Vallée des fourmis perdues d’Hélène Giraud et Thomas Szabo LE 26 MAI Minuscule 2. Les Mandibules du bout du monde d’Hélène Giraud et Thomas Szabo LE 2 JUIN L’Étrange forêt de Bert et Joséphine de Filip Pošivac et Barbora Valecká LE 9 JUIN Lili à la découverte du monde sauvage de Oh Seong-yun
© LE PACTE
LES 8, 11 ET 12 MAI L’Étreinte du serpent de Ciro Guerra
2 → 30 mai 2019
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Design graphique : ABM Studio – Visuel : Amore et Malavita / L’or de Naples / Hier, aujourd’hui, demain © Collection Christophel
Napoli !
Misère et noblesse en 30 films
LES ACTUS mk2 LES SAISONS DE TERRENCE MALICK
JARDINS ANGLAIS, JARDIN FRANÇAIS
— : aux alentours
— : aux alentours
de 11 h et de 22 h
de 11 h et de 22 h
au mk2 Bibliothèque
au mk2 Bibliothèque
LE 29 MAI ET LE 1er JUIN Les Moissons du ciel
LES 15, 17 ET 19 MAI Retour à Howards End de James Ivory
LE 30 MAI ET LE 2 JUIN The Tree of Life
L’ÉDEN INCONNU — : aux alentours
de 11 h et de 22 h
LE 16 MAI Les Jardins du roi d’Alan Rickman
LE 31 MAI Voyage of Time. Au fil de la vie
au mk2 Bibliothèque
LE 3 JUIN À la merveille
LE 22 MAI The Lost City of Z de James Gray
LE 17 MAI Mademoiselle de Joncquières d’Emmanuel Mouret
LE 23 MAI La Route sauvage (Lean on Pete) d’Andrew Haigh
LE 20 MAI Mr. Turner de Mike Leigh
LE 24 MAI Dark River de Clio Barnard
LE 21 MAI Madame Bovary de Claude Chabrol
LE 4 JUIN Song to Song
L’ÉDEN : AU CŒUR DE LA NATURE — : aux alentours
de 11 h et de 22 h au mk2 Bibliothèque
LES 8, 11 ET 12 MAI Tom à la ferme de Xavier Dolan LES 10 ET 13 MAI Captain Fantastic de Matt Ross LE 14 MAI L’Heure de la sortie de Sébastien Marnier
LES 25 ET 28 MAI Et au milieu coule une rivière de Robert Redford LE 26 MAI In Another Country de Hong Sang-soo LE 27 MAI Une année polaire de Samuel Collardey
LE JARDIN DES ÉCOSYSTÈMES ET BIOTOPES
— : aux alentours de 11 h au mk2 Quai de Seine
LES 11 ET 12 MAI Zéro phyto 100 % bio de Guillaume Bodin LES 18 ET 19 MAI Irrintzina de Sandra Blondel et Pascal Hennequin LES 25 ET 26 MAI Le Grain et l’ivraie de Fernando Solanas LES 1er ET 2 JUIN L’Illusion verte de Werner Boote
© MARS FILMS
LES 8 ET 9 JUIN Gilles Clément. Le jardin en mouvement d’Olivier Comte
Captain Fantastic de Matt Ross (2016)
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