N 165
O
NOVEMBRE 2018 GRATUIT
AMANDA
DE MIKHAËL HERS RÉPARER LES VIVANTS
“PUISSANT” ENVOÛTANT” “TERRIBLEMENT
LES INROCKUPTIBLES
“INCROYABLE D’INTENSITÉ”
JDD
“MAGNIFIQUE” ★★★★★
TÉLÉRAMA
“GASPARD ULLIEL
PARIS MATCH
EXTRAORDINAIRE” PREMIÈRE
GASPARD
ULLIEL
GUILLAUME
GOUIX
LANG KHÊ
TRAN
GÉRARD
DEPARDIEU
LES
CONFINS
MONDE UN FILM DE GUILLAUME
NICLOUX
scénario
LE 5 DÉCEMBRE AU CINÉMA
GUILLAUME NICLOUX et JERÔME BEAUJOUR Design : Benjamin Seznec / TROÏKA
DU
ÉDITO Paris,
et plus précisément ses XIe et XIIe arrondissements. C’est là que déambulent, à pied ou à vélo, les héros du nouveau film de Mikhaël Hers, Amanda : une fillette orpheline de 8 ans (bouleversante Isaure Multrier), et son oncle qui, du jour au lendemain, se retrouve à devoir s’occuper d’elle (merveilleux Vincent Lacoste, poursuivant ici sa mue spectaculaire). Les commerces de la place Léon-Blum, la longue rue de Charenton qui file de la Bastille au bois de Vincennes, les abords du marché d’Aligre, le parc de la Coulée verte, l’esplanade de la gare de Lyon… Le talent de Mikhaël Hers doit beaucoup à sa manière, précise, amoureuse, de filmer la géographie des villes. Depuis une dizaine d’années, son cinéma sillonne ainsi des territoires urbains clairement délimités, comme autant de terrains de jeu, d’errance et de fantasmes pour les personnages : les alentours du bois de Boulogne et le quartier de Montparnasse dans le court métrage Charell (2006) et le moyen Montparnasse (2009) ; la banlieue ouest de Paris dans Primrose Hill (2007) et Memory Lane, son premier long en 2010 ; les rues et parcs de Berlin, Paris et New York dans Ce sentiment de l’été (2016). Dans Amanda, le Paris que montre Hers est celui d’après le drame – la majeure partie du film se déroule après un attentat (fictif) dans lequel la maman d’Amanda décède, et à quelques pâtés de maison des vrais attentats de 2015. On y sent la peur, l’incrédulité, le chagrin. Mais, par la grâce d’une mise en scène pleine d’empathie, on y perçoit aussi beaucoup d’espoir, à mesure que les deux héros résilients, à force d’arpenter calmement les lieux, se réapproprient doucement l’espace. • JULIETTE REITZER
" SPLENDIDE, D’UNE INCROYABLE LÉGÈRETÉ, VINCENT LACOSTE MERVEILLEUX, MIKHAËL HERS EN ÉTAT DE GRÂCE "
NORD-OUEST PRESENTE
Les Inrockuptibles
Vincent
LACOSTE Isaure
MULTRIER Stacy
MARTIN
AMANDA
UN FILM DE
Mikhaël HERS
LE 21 NOVEMBRE
POPCORN
P. 12 RÈGLE DE TROIS : JEAN PAUL GAULTIER P. 16 SCÈNE CULTE : RÉCRÉATIONS DE CLAIRE SIMON
BOBINES
P. 24 EN COUVERTURE : AMANDA • P. 36 PORTRAIT : MARIE LOSIER • P. 48 PORTFOLIO : PASCALE OGIER
ZOOM ZOOM
P. 56 UNE AFFAIRE DE FAMILLE • P. 60 MON CHER ENFANT P. 64 DIAMANTINO • P. 70 LETO
COUL’ KIDS
P. 86 INTERVIEW : VIKASH DHORASOO • P. 88 LA CRITIQUE DE LÉONORE : RÉMI SANS FAMILLE
OFF
P. 90 SPECTACLES : CRASH PARK • P. 96 CONCERTS : THE PIROUETTES • P. 98 BONS PLANS : DOROTHEA LANGE
ÉDITEUR MK2 AGENCY — 55, RUE TRAVERSIÈRE, PARIS XIIe — TÉL. 01 44 67 30 00 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ELISHA.KARMITZ@MK2.COM | RÉDACTRICE EN CHEF : JULIETTE.REITZER@MK2.COM CHEFFE DE RUBRIQUE CINÉMA : TIME.ZOPPE@MK2.COM | RÉDACTEURS : QUENTIN.GROSSET@MK2.COM, JOSEPHINE.LEROY@MK2.COM GRAPHISTE : JÉRÉMIE LEROY | SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : VINCENT TARRIÈRE | STAGIAIRE : HILÀRIO MATIAS DA COSTA ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : JULIEN BÉCOURT, LILY BLOOM, CHARLES BOSSON, RENAN CROS, JULIEN DOKHAN, JULIEN DUPUY, MARIE FANTOZZI, YANN FRANÇOIS, CLAUDE GARCIA, AÏNHOA JEAN-CALMETTES, RAMSÈS KEFI, DAMIEN LEBLANC, VLADIMIR LECOINTRE, GRÉGORY LEDERGUE, STÉPHANE MÉJANÈS, JÉRÔME MOMCILOVIC, WILFRIED PARIS, MICHAËL PATIN, PERRINE QUENNESSON, BERNARD QUIRINY, CÉCILE ROSEVAIGUE, ÉRIC VERNAY, ANNE-LOU VICENTE, ETAÏNN ZWER & LÉONORE, ADÈLE, ESTHER, IBRAHIMA ET PAUL PHOTOGRAPHES : MIKE IBRAHIM, PALOMA PINEDA, PHILIPPE QUAISSE | ILLUSTRATEURS : AMINA BOUAJILA, PABLO COTS, SAMUEL ECKERT, ÉMILIE GLEASON, PABLO GRAND MOURCEL | PUBLICITÉ | DIRECTRICE COMMERCIALE : STEPHANIE.LAROQUE@MK2.COM RESPONSABLE MÉDIAS : CAROLINE.DESROCHES@MK2.COM | ASSISTANT RÉGIE, CINÉMA ET MARQUES : EVA.LEVEQUE@MK2.COM RESPONSABLE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : MELANIE.MONFORTE@MK2.COM ASSISTANTE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : AGATHE.BONCOMPAIN@MK2.COM TROISCOULEURS EST DISTRIBUÉ DANS LE RÉSEAU LE CRIEUR CONTACT@LECRIEURPARIS.COM © 2018 TROISCOULEURS — ISSN 1633-2083 / DÉPÔT LÉGAL QUATRIÈME TRIMESTRE 2006 — TOUTE REPRODUCTION, MÊME PARTIELLE, DE TEXTES, PHOTOS ET ILLUSTRATIONS PUBLIÉS PAR MK2 AGENCY EST INTERDITE SANS L’ACCORD DE L’AUTEUR ET DE L’ÉDITEUR. — MAGAZINE GRATUIT. NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE.
INFOS GRAPHIQUES
TOUJOURS INTOUCHABLES Avec
2,5 PARMI EUX :
69,6 % sont de genre masculin.
— : « Marche ou crève »
14 ont%des
premiers rôles.
73 % sont blancs.
de Margaux Bonhomme
61,6 %
sont atteints d’un handicap physique.
30,4 %
sont atteints d’un handicap social.
26,8 %
sont atteints d’un handicap mental.
Nour Films (1 h 25) Sortie le 5 décembre
—
Ces catégories ne s’excluant pas entre elles, leur somme n’est pas égale à 100 %.
ÉMOPITCH SUSPIRIA DE LUCA GUADAGNINO (SORTIE LE 14 NOVEMBRE)
POPCORN
C’est, dans le corpus étudié, le pourcentage de personnages en situation de handicap (contre 18,7 % dans la population américaine) qui prononcent au moins une réplique.
Source : « Inequality in 1,100 Popular Films: Examining Portrayals of Gender, Race/Ethnicity, LGBT & Disability from 2007 to 2017 »
Marche ou crève (qui sort le 5 décembre), Margaux Bonhomme réalise un beau premier film sur le désir d’émancipation d’une jeune femme (Diane Rouxel) qui doit s’occuper de sa sœur polyhandicapée (incarnée par Jeanne Cohendy). L’occasion de se pencher sur la représentation, sur grand écran, des personnes en situation de handicap. Une étude de l’université de Californie du Sud publiée en juillet est à ce titre parlante : parmi les cent films qui ont rapporté le plus au box-office américain en 2017, on constate que les personnages atteints de handicap, largement sous-représentés, sont relégués au second plan de l’intrigue et présentent des profils très peu diversifiés. • JOSÉPHINE LEROY
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FAIS TA B.A.
À chaque jour, ou presque, sa bonne action cinéphile. Grâce à nos conseils, enjolivez le quotidien de ces personnes qui font de votre vie un vrai film (à sketchs). POUR VOTRE PROF DE GÉO QUI PLANE COMPLET QUESTION CINÉ Elle connaît les patelins américains, moins Orson Welles. Offrez-lui le livre Movieland de David Honnorat, un guide du routard cinéphile (auquel ont participé plusieurs de nos collaborateurs). On y parcourt l’histoire du cinéma selon des itinéraires thématiques (le film en costumes, les parcs d’attractions, les golden boys…) tracés sur une carte aux territoires imaginaires.
: « Movieland. Le guide ultime du cinéma » de David Honnorat (Hachette Pratique, 264 p.)
POUR VOTRE PÈRE QUI SE DÉGUISE EN COLUMBO À VOS RETOURS DE SOIRÉES Tous les vendredis soirs, paré de son costume d’inspecteur, il guette votre arrivée (oui, comme dans un teen movie américain) et vous assomme de questions. Filez-lui la savoureuse enquête de Stéphane du Mesnildot, qui revient sur les faits divers ayant inspiré le sombre et haletant Memories of Murder (2004) du Sud-Coréen Bong Joon-ho. D’un autre niveau, non ?
: « Memories of Murder. L’enquête » de Stéphane du Mesnildot (La Rabbia, 196 p.)
POUR VOTRE COLOC D’ORIGINE RUSSE, QUI AIME RACONTER DES LÉGENDES Alors que l’hiver pointe le bout de son nez, elle vous en apprend beaucoup sur le folklore russe (qu’elle connaît bien). Rendez-lui la pareille en lui offrant le fantastique docu-fiction Braguino du Français Clément Cogitore, sur une famille qui vit en autarcie dans une forêt sibérienne et tente de se protéger de la corruption qui sévit alentour.
: « Braguino » de Clément Cogitore, disponible en DVD (Blaq Out)
POUR CE VIEUX COUPLE, AMATEUR DE PÉPITES EN TOUT GENRE Ensemble, ils écument les brocantes de Paris à la recherche d’objets insolites. Pour leur faire plaisir, piochez dans la collection de DVD « Make My Day » conçue par le réalisateur, critique et historien Jean-Baptiste Thoret, qui ressuscite des films oubliés, notamment Max mon amour de Nagisa Ōshima, l’histoire d’amour entre une femme de diplomate et… un singe.
: Collection « Make My Day » de Jean-Baptiste Thoret (StudioCanal)
Il se ruine en pin’s usés et en VHS vintage. Amenez-le au mk2 Bibliothèque, qui accueille désormais le concept store que les cinéphiles attendaient. De la cafetière vue dans Rosemary’s Baby de Roman Polanski au livre vintage Fritz Lang par Luc Moullet vu dans Le Mépris de Jean-Luc Godard, l’offre du mk2 store est aussi riche qu’originale (vous devrez calmer la fièvre acheteuse du frérot).
: mk2 store, au mk2 Bibliothèque y’ Rosemar
s Baby de
Roman P
olanski (1
96 8 )
© D. R.
POUR VOTRE FRANGIN, SERIAL SHOPPER QUI CHOISIT MAL SES ACHATS
• JOSÉPHINE LEROY 8
GAUMONT présente Une production MANDARIN PRODUCTION
PHOTOS : ROGER ARPAJOU. CRÉDITS NON CONTRACTUELS
VINCENT CASSEL
UN
FILM DE
J E A N -F R A N Ç O I S R I C H E T
J É RÔ M E JAMES P AT R I C K A U G U S T O LGA D E N I S F R E YA DENIS C H E S NA I S D I E H L K U RY L E N KO L AVA N T M AVO R M É N O C H E T P O U LY T H I E R R É E A FABRICE LUCHINI DE LA COMÉDIE-FRANÇAISE
CRÉATION
V E C LA PA RT I C I PAT I O N A M I C A L E D E
PRODUIT PAR ÉRIC ET NICOLAS ALTMAYER SCÉNARIO ORIGINAL ÉRIC BESNARD ADAPTATION ÉRIC BESNARD ET JEAN-FRANÇOIS RICHET
LE 19 DÉCEMBRE AU CINÉMA
CHAUD BIZ
POPCORN
CINÉMA POUR TOUS !
De
chaque côté de la Manche ouvrent des écoles de cinéma destinées à accueillir gratuitement des élèves venus de tous milieux. Luc Besson avait déjà exploité l’idée en 2012 en lançant l’École de la cité. Installée à Saint-Denis, cette formation gratuite sur deux ans accueillait, sans condition de diplôme, des apprentis scénaristes et réalisateurs âgés de 18 à 25 ans. Elle a cependant fermé ses portes en juillet 2018, après que le retrait du soutien financier de sociétés telles que M6, Gaumont, BNP Paribas et Canal+ a fait chuter les financements privés de 1,8 million d’euros la première année à 179 660 euros en 2017. Mais le concept a fait des petits. En France, déjà. Toujours du côté de la Seine-Saint-Denis, c’est cette fois le collectif Kourtrajmé, créé par Romain Gavras et Kim Chapiron, qui lance son projet d’école pour tous. Menée par le coréalisateur d’À voix haute (2017), Ladj Ly, cette formation au sein des Ateliers Médicis à Clichy-sous-Bois et à Montfermeil propose, de novembre 2018 à janvier 2019, une première session d’initiation à l’écriture cinématographique à dix étudiants âgés d’au moins 18 ans – tous profils scolaires et sociaux confondus,
sans condition de diplôme – ayant un solide projet de court métrage. D’autres sessions consacrées à la réalisation, au montage et à la postproduction suivront en 2019. Un projet d’ouverture qui va, en outre, dans le sens du développement du Grand Paris. Gratuité et diversité sont également au cœur d’un projet outre-Manche piloté par les producteurs de Harry Potter, de James Bond et du Journal de Bridget Jones, en lien avec un programme d’écoles gratuites financé par le gouvernement britannique. En octobre dernier, David Heyman, Barbara Broccoli et Eric Fellner, notamment, ont ouvert les inscriptions de la nouvelle London Screen Academy qui se lancera en septembre 2019. Ce lycée accueillera trois cents Britanniques âgés de 16 à 19 ans qui pourront ainsi décrocher leur diplôme du secondaire tout en suivant une formation poussée focalisée sur l’envers du décor, des costumes à la distribution en passant par la production. Le but affiché ? Faire en sorte que le monde du cinéma et de l’audiovisuel soit un reflet plus exact de la diversité de la Grande-Bretagne d’aujourd’hui. Pour une fois, le cinéma fait école en matière d’égalité des chances. • PERRINE QUENNESSON ILLUSTRATION : ÉMILIE GLEASON
Faire en sorte que le cinéma soit un reflet plus exact de la diversité.
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UN FILM QUI TOUCHE EN PLEIN CÅ’UR PARIS MATCH
UN CONTE TOUCHANT
LUMINEUX
FRANCE INFO
LE PARISIEN
21 NOV
RÈGLE DE TROIS
JEAN PAUL GAULTIER 3 films qui vous ont donné envie de faire de la mode ? Il y a très peu de films réussis sur la mode et pourtant je dois ma vocation à un film, Falbalas de Jacques Becker (1944), avec Micheline Presle. Je l’ai vu à la télévision avec ma grand-mère, et nous avons fini en larmes. J’ai eu un coup de cœur pour le moment du défilé, qui correspond à ma vision de la mode, quelque chose qui reste toujours dans le mouvement, un spectacle – jamais juste un vêtement sur un cintre. La fille de Micheline Presle, Tonie Marshall, a cosigné la mise en scène de mon spectacle, et Micheline Presle y joue le rôle de ma grand-mère dans une vidéo. Jacques Becker était ami avec le couturier Marcel Rochas, et la description de ce qu’est une maison de couture parisienne est très proche de la réalité. Quand j’ai commencé à travailler chez Jean Patou, je me disais tout le temps : « C’est comme dans Falbalas ! » Ensuite, Qui êtes-vous Polly Maggoo ? de William Klein (1966) montre la mode
d’une façon drôle et parfois ironique… La rédactrice de mode qui annonce la mort de la haute couture me fait toujours rire. Enfin, Blow Up de Michelangelo Antonioni (1967), pour la scène d’anthologie où le photographe fait presque l’amour à son sujet. C’est une des plus belles scènes d’amour au cinéma. L’acteur ou actrice qui vous faisait fantasmer à 13 ans ? À 13 ans pas trop, mais à 16 ans j’étais amoureux de Leonard Whiting et d’Olivia Hussey, qui interprétaient Roméo et Juliette dans le film de Franco Zeffirelli. Après, d’autres comédiens et comédiennes m’ont troublé, comme Catherine Deneuve bien sûr, par exemple dans Belle de jour de Luis Buñuel. Vos 3 films de freaks préférés ? Évidemment Freaks de Tod Browning. Ce film de 1932 est encore aujourd’hui d’une modernité absolue, touchant et dur. The Rocky Horror Picture Show, avec Riff Raff et Dr Frank-n-Furter, est pour
— : « Fashion Freak Show », jusqu’au 31 décembre aux Folies Bergère
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© PETER LINDBERGH
Sur la scène des Folies Bergère, il mêle danse, musique, vidéos et créations de mode démentes pour raconter son parcours dans un spectacle euphorisant. On y revit le Londres punk, le Paris du Palace, les défilés mythiques, mais aussi les rêves d’enfance et l’amour perdu. Jean Paul Gaultier a répondu à notre questionnaire cinéphile. moi une autre preuve que le freak, c’est chic… Et il est cité dans mon spectacle. Et Pink Flamingos de John Waters, avec Divine, est un film inoubliable. 3 films qui reflètent l’esprit des Folies Bergère ? Il y a eu quelques films faits dans et sur le lieu, comme L’Homme des Folies Bergère avec Maurice Chevalier en 1935 ou Folies-Bergère par Henri Decoin en 1957, avec Eddie Constantine et Zizi Jeanmaire. Mais, curieusement, le film qui exprime le mieux l’esprit des Folies est Moulin Rouge de Baz Luhrmann. Une telle reproduction de l’esprit de la Belle Époque avec la musique d’aujourd’hui, je trouve que c’est le meilleur film sur la revue. La comédie qui vous console de tout au bout de 3 minutes ? Cry-Baby de John Waters – encore lui ! – me réjouit toujours. • PROPOS RECUEILLIS PAR JULIETTE REITZER
SCÈNE CULTE
LES GALETTES DE PONT-AVEN
POPCORN
« Oh nom de Dieu, quelle merveille ! On dirait de la mousse… »
« Tout
Serin pose sa main sur la cuisse de Marie (Jeanne Goupil), la fille de sa logeuse, qu’il couvait jusqu’alors d’une tranquille affection. S’ensuit un flot de mots incontinents, débordant de sa bouche comme des haïkus vulgaires, tandis qu’il la convainc de dévoiler ses fesses puis son « minou ». Le panoramique vertical vers son entrejambe s’arrête à temps pour laisser place au contrechamp d’un Marielle en transe. « Oh nom de Dieu, quelle merveille ! On dirait de la mousse… » Tout passe et s’emballe dans son regard, de la piété au délire. « Je bande », lâche-t-il enfin, comme pour dire « Dieu existe »… Quand on sait que tous les tableaux du film sont l’œuvre de Jeanne Goupil, on ne peut se méprendre quant à l’intention de Séria : pousser le mâle-artiste de son piédestal, et rendre l’origine du monde à qui elle appartient. • MICHAËL PATIN
ce qu’il peut y avoir de déclenchement artistique chez l’homme ne peut venir que de la femme », affirme Jean-Pierre Marielle dans le documentaire proposé en bonus des Galettes de Pont-Aven, dans un nouveau coffret dédié à l’acteur. Henri Serin, son personnage de VRP et peintre amateur, approuverait, tout comme Joël Séria, qui brode son film autour de trois « scènes de fesses » anthologiques dont on a plus retenu la truculence et la verdeur que la profonde mélancolie. Le désir mâle comme fondement du geste esthétique, c’est le vieux sujet mis au goût libertaire des années 1970, avec autant d’ironie que d’empathie. Parce que Séria n’est pas Bertrand Blier, le machisme va sans gloire ; ce qui provoque l’hilarité, c’est la fragilité de l’homme face au corps féminin, qui relève autant des affres de la pulsion que du cliché de l’artiste érotomane (avec Paul Gauguin comme modèle). La dernière scène licencieuse est ainsi la plus drôle et bouleversante. Ivre d’alcool et de peinture,
— : de Joël Séria (1975)
disponible en DVD (TF1)
— 14
LILY FRANKY ANDO SAKURA MATSUOKA MAYU KIKI KILIN •
•
•
UNE AFFAIRE DE FAMILLE UN FILM DE KORE-EDA HIROKAZU
LE 12 DÉCEMBRE
SCÈNE CULTE
POPCORN
RÉCRÉATIONS
« Tiens, je vais te donner la main, ça va être trop difficile ! »
Vingt
et pas elle. En dix minutes, on assiste à l’évolution inverse des scènes précédentes, qui commençaient paisiblement avant de se tendre. Si les filles disent d’abord à Nathalie, qui n’en finit plus de pleurer, qu’elle « doit y arriver » parce que même la plus petite du groupe le fait, elles finissent par l’initier – elles lui montrent des techniques et lui donnent une place un peu en retrait pour qu’elle apaise ses sanglots sans être expulsée du jeu. Quand Nathalie réussit (laborieusement) à sauter depuis la mi-hauteur, elle a une prise de conscience. « Je crois que c’est dans ma tête… » Le déblocage amorcé, son amie insiste pour qu’elle fasse le grand saut. « Tiens, je vais te donner la main, ça va être trop difficile ! » Quelques tentatives plus tard, les mains tendues ont fait sécher les larmes et, alors que la cloche sonne la fin de la récré, la sororité fait s’envoler la peur du vide. • TIMÉ ZOPPÉ
ans avant Premières solitudes, son nouveau film, qui rassemble les confessions intimes de lycéens (lire p. 58), Claire Simon sortait en 1998 Récréations, un documentaire sur des élèves de maternelle. Tourné en 1991, ce moyen métrage longtemps difficile à dénicher, qui ressort en salles, observe les enfants dans leur cour d’école, à l’heure de la récré. Si elle s’abstient de commentaires, la cinéaste ne se contente pas de montrer les bambins de 3 à 6 ans en anorak qui crapahutent sous les marronniers. C’est, comme à son habitude, par une habile sélection d’instants clés qu’elle révèle les ressorts sociologiques du milieu qu’elle prend pour sujet. Ici, les jeux d’enfants mettent à jour un triste phénomène : déjà en bas âge, les garçons et les filles ne sont pas éduqués à développer la même attitude, les premiers tombant dans l’autorité voire l’agressivité, les secondes adoptant presque toujours un comportement doux et empathique. Dans la dernière séquence, la petite Nathalie vit un drame : ses amies parviennent à sauter par-dessus un banc depuis un promontoire,
— : de Claire Simon
Ressortie en version restaurée le 14 novembre (Sophie Dulac, 54 min)
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PAR LES MÉCHANTS CRÉATEURS DES MINIONS
Il n’est jamais trop tôt pour détester Noël
NE MANQUEZ
LE CO UR T-M ÉTRPAS AG EXC LUS IVE ME
LE 28 NOVEMBRE /LEGRINCH.LEFILM
#LEGRINCH
@UNIVERSALFR
E
NT EN SA LLE S
TROIS IMAGES
VANISHING POINTS Dans Les Confins du monde, Guillaume Nicloux utilise le cinéma de genre pour observer l’errance et la disparition. Retour sur trois œuvres qui, tout en subvertissant leur propre genre, nous montrent des mondes en voie d’engloutissement.
© D. R.
© D. R.
inspirée sur Apocalypse Now de Coppola, Les Confins du monde (lire p. 66) suit le parcours du soldat Tassen (Gaspar Ulliel), unique rescapé d’un massacre, qui cherche à venger sa famille, au début de la guerre d’Indochine. Mais les objectifs inhérents au film de guerre sont bien vite oubliés. Et l’obsession du personnage se dissout dans une certaine démence coloniale. Devant l’extrême limite du monde, le héros hébété erre entre solitude désespérée et compulsion érotique. Suite à un attentat à la bombe, Murakawa, le bras droit d’un important chef de clan mafieux, est contraint pour se protéger de s’exiler sur l’île d’Okinawa. Avec Sonatine (1995), Takeshi Kitano continue sa réinvention complète du film de yakuza, son grand œuvre des années 1990. Au bord de la plage, une fois l’intrigue policière complètement délaissée, l’homme de main retombe en enfance et alterne les jeux avant de flirter avec le suicide et la roulette russe. Entre le burlesque et le chaos, l’univers qui flambe n’a jamais semblé aussi absurdement beau. Entre un Full Metal Jacket halluciné et une adaptation ivre de liberté du Billy Budd, marin de Herman Melville, Claire Denis observe la solitude des hommes de la légion étrangère à Djibouti dans Beau Travail (2000). À travers les yeux de l’adjudant-chef Galoup (Denis Lavant) et les chorégraphies de Bernardo Montet, les corps des soldats s’animent et s’étreignent, déployant la haine, la jalousie obsessionnelle et le désir du narrateur. Le monde est en pièces, et, dans son attente, le soldat en observe et en relie les fragments. • CHARLES BOSSON
— : « Les Confins du monde »
de Guillaume Nicloux Ad Vitam (1 h 43) © D. R.
POPCORN
Variation
Sortie le 5 décembre
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LE TEST PSYNÉPHILE
SI JE TE DIS « H IVER » …
Ton dernier tweet à 4 heures du mat’ : Mon corps est…
Si je te dis « chute », tu penses… Un gros plouf, puis splash !
#sacré (signé : @un_disciple_ronchon).
Est-ce que je vais jouer la Coupe du monde ?!!
POPCORN
#méga-chelou (signé : @agent00). #possédé (signé : @gougourdegoth666). Ta vision de l’enfer ?
Berlin, le mur. Qu’est-ce qui te rassure ?
Tirer un but et… le manquer… en Coupe du monde… Jouer un concert de rock devant un public assis. Intégrer la Sorcière Academy saison 2. Quand tu croises un migrant, tu penses…
Ténèbres, larmes, soupirs, Xanax… Une mer de vapeur rose, où s’agitent des chiots géants à poils longs ! Tout enregistrer avant d’être à l’ouest. Qu’est-ce qui est le pire pour toi ? Être assigné à résidence sans télé.
Ah tiens, je vais écrire une chansonnette !
Des nanas qui veulent ton argento.
On a le sang d’innocents sur les mains.
Être puceau à 30 ans.
Caralho, j’aimerais bien l’adopter !
SI TU AS UN MAXIMUM DE : … TU PENSES… HEU T’es bêta, un peu malheureux, mais on t’adore, comme le héros du réjouissant Diamantino de Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt (sortie le 28 novembre). Satire pop folle dingo, le film n’a pas volé son Grand prix de la Semaine de la critique. Attention, ce n’est pas un film sur le foot ; enfin, si, un peu : le foot comme une religion quoi, mais ça parle aussi de manipulations génétiques, de la crise des réfugiés, du culte de la célébrité, le tout avec panache et légèreté !
… TU PENSES À L’ÉTÉ Enfin plutôt à Leto, film de Kirill Serebrennikov qui sort le 5 décembre. Comme Viktor Tsoï, idole des jeunes dans la Russie des années 1980, tu es une rock star méconnue. Un film d’un réalisateur russe assigné à résidence, ça fait toujours un peu flipper, soyons honnêtes. Mais Leto est tout sauf chiant. Baroque, romantique, formellement fou, le film dévoile un pan passionnant de l’histoire du rock soviétique. D’une liberté absolue !
… TU PENSES : « ENFER » C’est bien là que nous mène Suspiria, le film d’horreur cérébral tant attendu de Luca Guadagnino (sortie le 14 novembre), avec la démoniaque Tilda Swinton. Oser faire un remake du film mythique de Dario Argento, c’était franchement culotté, un coup à finir sacrifié sur un pentacle. Mais rien ne fait peur au réalisateur du sublime Call Me by Your Name, déjà auteur d’un remake plutôt réussi de La Piscine de Jacques Deray, A Bigger Splash.
• LILY BLOOM — ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL 20
“ PAR LA RÉALISATRICE DE L’AVENIR, L’UNE DES PLUS BELLES VOIX DU CINÉMA CONTEMPORAIN. ” - INDIEWIRE -
OFFICIAL SELECTION 2018
Design : Benjamin Seznec / TROÏKA
MAYA
LE 19 DÉCEMBRE
LES NOUVEAUX
POPCORN
HANNA LADOUL ET MARCO LA VIA
Elle
est née à côté de Cologne, lui en Californie, tous deux en 1990. Rien ne prédisposait Hanna Ladoul et Marco La Via à se rencontrer. Rapatriés en France, enfants, par leurs parents, ils finissent par se croiser dans une école de journalisme à Cannes. C’est le coup de foudre amoureux et professionnel. Après un premier docu sur les figures féminines de l’extrême droite, Le Populisme au féminin (2012), ils envisagent la fiction (« On a toujours voulu combiner une approche subjective à une dimension sociale », explique Hanna) mais trouvent les écoles de cinéma françaises difficiles d’accès. Ils font ensemble l’E.H.E.S.S., à Paris, et se passionnent pour le ciné indé américain. « Bellflower d’Evan Glodell, fait avec seulement 17 000 dollars, nous a beaucoup
marqués », se souvient Marco. Le couple, aussi charmant que déterminé, décide de s’installer à Los Angeles. Un emménagement semé d’embûches, qui leur a inspiré un subtil premier long, Nous les coyotes (lire p. 80), tourné aux États-Unis avec un budget de court, sur un jeune couple de l’Amérique rurale qui débarque à L.A. Et qui nourrit une foi inaltérable en la possibilité d’infléchir son destin. • TIMÉ ZOPPÉ PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA
— : « Nous les coyotes »
d’Hanna Ladoul et Marco La Via New Story (1 h 27) Sortie 12 décembre
—
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L’ÉVÉNEMENT FAMILIAL DE LA FIN D’ANNÉE
LE 12 DÉCEMBRE AU CINÉMA
BOBINES
EN COUVERTURE
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BOBINES
EN COUVERTURE
AMANDA 25
EN COUVERTURE
BOBINES
ONDES DE CHOC Dans le pudique et remuant Amanda, Mikhaël Hers accompagne le deuil d’une petite fille (lumineuse Isaure Multrier) prise en charge par son oncle (bouleversant Vincent Lacoste) au lendemain de la mort de sa mère dans un attentat. Avec subtilité, il suit l’errance fragile, dans un Paris à vif, de personnages sonnés mais résilients. Rencontre.
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AMANDA
Je pense qu’on se coltine tous un peu ce thème de la disparition, de l’absence, et qu’on s’en accommode plus ou moins bien. Moi, je dois avoir du mal à m’en accommoder. À chaque fois que je me mets à écrire, ça s’inscrit au cœur du projet, de manière plus ou moins frontale ou métaphorique. J’avais envie depuis longtemps de faire un film autour de la figure d’un grand enfant qui accompagnerait un petit enfant autour d’une béance. David, le personnage joué par Vincent Lacoste, est assez démuni. On ne sait d’ailleurs pas très bien qui de lui ou d’Amanda est le plus à même de s’occuper de l’autre. Du jour au lendemain, David se retrouve responsable de sa nièce. Quel regard portez-vous sur cette jeunesse privée de son innocence ? Avec ce film, je voulais vraiment capter quelque chose de l’électricité, de la fragilité et de la fébrilité de l’époque, et les attentats sont le point paroxystique de cette violence. Mais cette brutalité prend aussi des atours plus discrets qui touchent cette jeunesse : on voit la précarité des boulots que le personnage multiplie, le fait qu’il doive mettre en location son appartement, l’endroit qui représente son intimité. La douceur et la bienveillance de David me touchent. Son innocence contraste avec la dureté de la société. Les rapports humains peuvent être une source de lumière, une possibilité de salut. Amanda exprime sa tristesse par des paroles très imagées. Comment représenter le deuil d’un enfant ? C’est juste le deuil de ce personnage-là. C’est forcément très subjectif, très singulier. Mais il y a une chose à laquelle je tenais vraiment dans le choix de l’actrice qui jouerait ce rôle, c’est qu’on trouve sur son visage un côté très juvénile, très poupon, et qu’en parallèle elle ait une capacité à formuler une pensée de manière mature. Amanda n’a grandi qu’avec un seul parent : plus que les autres enfants, elle est amenée à avoir des discussions sérieuses avec des adultes. Isaure Multrier [la jeune actrice de 10 ans, ndlr] a lu le scénario et elle comprenait tout. La seule chose qu’elle appréhendait vraiment, 27
BOBINES
Comme dans Ce sentiment de l’été, vous confrontez de jeunes héros au deuil. Pourquoi ?
BOBINES
EN COUVERTURE
Vincent Lacoste et Isaure Multrier
c’étaient les séquences d’émotion : ça lui faisait peur d’être confrontée à ça. Après, j’ai beaucoup parlé avec elle, j’ai essayé de ne pas la prendre en défaut, d’être le plus honnête possible, et puis de la mettre dans une atmosphère bienveillante. À un moment, la fillette refuse de jeter les affaires de toilette de sa mère disparue. Que révèle cette scène ? Il me semble que les enfants sont très attachés à ce genre de choses. C’est comme s’ils ressuscitaient l’être aimé grâce aux objets. C’est un peu comme cette scène dans laquelle Amanda monte les escaliers, ouvre la porte, et on devine tout de suite qu’elle s’imagine retrouver sa mère de l’autre côté. C’est une pensée magique, elle sait très bien que c’est impossible. Comment avez-vous imaginé l’attentat qui surgit dans le film, et sa représentation ? Pour moi, c’était inconcevable d’écrire une histoire à partir d’un attentat réel. La question se cristallisait beaucoup autour du lieu de l’attentat. Il fallait qu’il renferme une espèce d’abstraction, même s’il est aussi très concret puisque c’est le bois de Vincennes. C’est malheureusement très plausible comme
décor. Et, en même temps, la forêt nous ramène au domaine du conte. Ça m’aurait mis mal à l’aise de situer cette irruption de la terreur dans une zone très identifiée, plus circonscrite, dans un grand magasin type BHV. Après, même si le sujet des attentats est périphérique dans le film, je ne voulais pas être dans le contournement de la violence. Ça aurait été de la fausse pudeur de l’éluder. Lorsqu’il arrive sur les lieux de l’attentat, David est comme sonné, tandis que le récit devient sourd, presque irréel. Oui, juste avant, il est place Daumesnil. Il arrive porte Dorée, c’est bondé de voitures. Il quitte la ville et, petit à petit, il gagne la forêt. La lumière est en train de tomber et sur les lieux du massacre il y a une forme d’abstraction qui se répand. Comme si les images réelles de l’événement n’étaient pas encore arrivées à son cerveau, qu’il avait une sorte de protection qui l’empêchait d’accéder à l’horreur, comme un petit contretemps qui permette de survivre. Que reste-t-il dans le film de vos impressions de la nuit du 13 novembre 2015 et de ce qui a suivi ? La stupéfaction, le silence, le vide de la ville. Évidemment, ça ne nous empêche pas 28
AMANDA
de vivre, mais c’est là, diffus, ça appartient presque à Paris. Pourtant, des touristes prennent des bateaux, la vie continue… C’est étrange, absurde. Que peut la fiction lorsqu’il s’agit de dépeindre de tels drames ? Je manque un peu de recul là-dessus. J’imagine qu’elle peut beaucoup. Après les attentats de 2015, je me rappelle que j’ai été
frappé par la saturation d’images. C’était sale, c’était dégueulasse, et néanmoins on ne voyait rien. Il y avait du vide à la place d’images qui auraient pu nous aider à penser les choses. Pour moi, le film devait créer un imaginaire subjectif : les images sont très crues mais aussi déréalisées, parce qu’elles sont vues à travers le regard d’un personnage. C’est un événement qui fait partie de l’imaginaire collectif, de l’histoire nationale, et j’ai entendu certains témoignages de proches de victimes qui disaient avoir le sentiment qu’on leur confisquait leur deuil – comme si ce deuil singulier, ce qu’ils vivaient dans leur chair, on tentait de le supplanter par une émotion nationale. Je ne porte pas de jugement, mais c’est curieux : après les attentats, des médias ont essayé de s’emparer des histoires des victimes. C’est à la fois beau et dérisoire, intrusif, dérangeant. C’est pour ça que c’était important que le film reste à hauteur d’homme, ou d’enfant.
Vincent Lacoste et Ophélia Kolb
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BOBINES
« On ne sait pas très bien qui de David ou d’Amanda est le plus à même de s’occuper de l’autre. »
EN COUVERTURE
BOBINES
Isaure Multrier et Vincent Lacoste
« J’ai l’impression que, sur un sujet aussi pesant et lourd, ces déambulations amènent une sorte de souffle. » Que vous évoque la lumière d’été qui éclaire souvent les drames de vos personnages ? Paradoxalement, j’ai l’impression que l’été, avec ses tons bleu profond, a quelque chose de déchirant. Il y a cette ambivalence de la saison qui est porteuse de lumière, d’espoir, mais où malgré tout la solitude est d’autant plus présente, plus prégnante. Comme on tourne en pellicule, on obtient quelque chose de chaleureux, d’imparfait, avec des couleurs qu’on n’a plus l’habitude de voir. Pour Amanda, on voulait que le rendu soit le plus lumineux possible. David annonce à Amanda la mort de sa mère dans un square. Vous placez souvent vos personnages dans les lieux les plus apaisés, et un peu en retrait, des grandes villes – parcs, balcons, terrasses… C’est vrai que j’ai toujours besoin de prendre de la hauteur, de chercher une forme d’isolement, de rester dans la ville et du même coup de ne pas y être complètement, comme si on pouvait toucher l’essence des choses par ce recul plutôt qu’en restant dans l’œil du cyclone. Vous filmez beaucoup de balades sans dialogue, des promenades à vélo… Le motif
de l’errance revient souvent dans vos films. Qu’est-ce que vous aimez dans ces temps de pause ? C’est purement pictural : j’adore tourner en extérieur, capturer des lieux en mouvement, embrasser plein de perspectives, plein d’aspects du paysage dans un même plan. Et j’ai l’impression que, sur un sujet aussi pesant et lourd, ces déambulations amènent une sorte de souffle, de respiration. Et j’ai à cœur qu’on regarde mes films comme on écoute une chanson. J’aime que ce soit sensoriel, qu’on puisse se lover dans une ambiance ou une atmosphère. Pour moi, les scènes où David roule à vélo donnent la mélodie du film. Ce sont des passages moins scénarisés parce que je suis attaché à l’idée qu’un film, à l’image de la vie, ne soit pas seulement constitué de temps forts.
• PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET ET JOSÉPHINE LEROY — PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA — : « Amanda »
de Mikhaël Hers
Pyramide (1 h 47) Sortie le 21 novembre
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ÉPITHÈTE FILMS PRÉSENTE
AGNÈS JAOUI ALBAN IVANOV
PHOTO : PASCAL CHANTIER
LES BONNES INTENTIONS UN FILM DE GILLES
LEGRAND
TIM SEYFI CLAIRE SERMONNE DIDIER BÉNUREAU ÉRIC VIELLARD MARIE-JULIE BAUP AVEC LA PARTICIPATION DE PHILIPPE TORRETON MICHÈLE MORETTI
SCÉNARIO LÉONORE CONFINO ADAPTATION GILLES LEGRAND DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE PIERRE COTTEREAU MUSIQUE ORIGINALE ARMAND AMAR DÉCORS RITON DUPIRE-CLÉMENT, A.D.C. COSTUMES ANNE SCHOTTE OLIVIER MAUVEZIN MONTAGE ANDREA SEDLÁCKOVÁ DIRECTION DE PRODUCTION PHILIPPE HAGEGE POST PRODUCTION CHARLOTTE REICHENBACH UNE COPRODUCTION ÉPITHÈTE FILMS FRANCE 3 CINÉMA AVEC LA PARTICIPATION DE CANAL+ OCS LA BANQUE POSTALE IMAGE 12 MANON 8 PRODUIT PAR FRÉDÉRIC BRILLIONDISTRIBUTION FRANCE TWENTIETH CENTURY FOXET PÉPITES FILMS © 2018 ÉPITHÈTE FILMS - FRANCE 3 CINÉMA
THOMAS DESJONQUÈRES BRUNO REILAND ÉRIC BONNARD CINÉCAP CINÉCAP 2
AU CINÉMA LE 21 NOVEMBRE
EN COUVERTURE
LA BONNE DISTANCE
Amanda de Mikhaël Hers (2018)
Comme Amanda et Utøya, 22 juillet, qui sortent ce mois-ci, de nombreux documentaires et fictions récents ont tenté de saisir les enjeux et les contours du terrorisme : Nocturama de Bertrand Bonello, Salafistes de François Margolin et Lemine Ould Salem, La Désintégration de Philippe Faucon, Taj Mahal de Nicolas Saada… Dures, ambiguës, directes ou allusives, ces images incitent à s’interroger : à quelles questions éthiques se confrontent les cinéastes lorsqu’ils se penchent sur ces traumatismes récents et collectifs ? INCARNER L’HISTOIRE IMMÉDIATE Le réalisateur Mikhaël Hers en parle dans l’interview qu’il nous a accordée à l’occasion de la sortie de son magnifique Amanda – ce qui l’a frappé dans la couverture médiatique des attentats de 2015 et 2016 en France, notamment à la télévision, c’est la saturation d’images qu’il jugeait sales, dégueulasses, mais surtout vides. Face au flot frénétique et
irraisonné d’images produites par les chaînes d’info en continu, le cinéaste oppose des temporalités plus lentes, des pauses pour ressentir plus vivement l’abasourdissement et l’effroi diffus dans les rues du Paris endeuillé. Mais comment mettre en récit des événements qui ont eu lieu hier, sans le recul de l’histoire ? Hers répond : en resserrant les perspectives, en filmant les récits collectifs 32
DÉCRYPTAGE
Certains cinéastes choisissent de reconstituer la réalité d’un attentat à travers une focalisation subjective des victimes et témoins directs – la tuerie perpétrée en 2008 par des terroristes islamistes dans un palace de Bombay vue par une jeune Française coincée dans sa chambre dans Taj Mahal de Nicolas Saada (2015) ; le massacre en 2011 de jeunes travaillistes norvégiens par le terroriste d’extrême droite Anders Behring Breivik relaté du point de vue d’une adolescente dans Utøya, 22 juillet d’Erik Poppe (lire p. 35) quand, pour les mêmes événements, retracés dans Un 22 juillet, disponible sur Netflix, le réalisateur Paul Greengrass adopte lui un point de vue omniscient . Pourquoi choisir de s’adresser ainsi directement au corps du spectateur (ces sons de coups de feu hors champ qui crispent, un peu comme dans Elephant de Gus Van Sant), de jouer sur son identification à des victimes vulnérables (des enfants dans le cas d’Utøya, 22 juillet) ? Comment éviter le sensationnalisme, le spectaculaire ? Poppe, qui intensifie encore le stress du spectateur en filmant en temps réel et en plan-séquence, insiste dans le dossier de presse du film sur l’importance de « recentrer l’attention sur les victimes » afin de leur « restituer la mémoire de ces événements », après les
NICOLAS SAADA
indécentes prises de paroles de Breivik (dont le nom n’est jamais cité et qui n’apparaît jamais distinctement dans le film) sur ses conditions d’incarcération. Même ambition pour Saada, qui déclarait à Télérama en décembre 2015 : « Ce qui a été important, et on me l’a assez reproché, c’était de ne pas montrer les terroristes. […] Je voulais qu’on partage cette terreur de la victime, non pas dans un but sadique, mais éthique. »
DONNER UN VISAGE À LA TERREUR Après les attentats de 2015 et 2016 en France, le débat faisait rage entre ceux qui prônaient l’anonymisation des terroristes (ne pas divulguer leur photo ou leur identité pour ne pas participer indirectement à leur propagande) et ceux qui considéraient que ne pas accepter de les regarder en face revenait à nier la réalité. Selon Libération,
© PYRAMIDE DISTRIBUTION
© PYRAMIDE DISTRIBUTION
RECONSTITUER L’HORREUR
« Je voulais qu’on partage cette terreur de la victime, non pas dans un but sadique, mais éthique. »
BOBINES
vagues et épars à hauteur d’homme ou d’enfant, pour nous les rendre plus proches, sensibles, et pour faire naître la réflexion en contournant la prétendue neutralité vantée par certains médias (souvent chargée d’idéologie sécuritaire, islamophobe…).
La Désintégration de Philippe Faucon (2011)
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EN COUVERTURE
en janvier 2016, les débats au sein de la commission de classification du CNC auraient été vifs au sujet du documentaire Salafistes de François Margolin et Lemine Ould Salem (qui montre, sans commentaire, des vidéos de propagande djihadiste et des entretiens réalisés au Mali, en Irak, en Tunisie, en Algérie ou en Mauritanie avec des figures d’AQMI ou des autorités religieuses salafistes), certains des membres de l’instance préconisant de ne pas lui octroyer de visa d’exploitation au motif que ce film faisait l’apologie du terrorisme – il est finalement sorti en salles, avec des coupes, mais a été interdit aux moins de 18 ans. Lemine Ould Salem faisait lui-même part de ses questionnements sur la justesse de son regard à Libération : « Chaque jour je me suis posé cette question. Je suis trop près d’eux, je me brûle. Je suis trop loin, je suis froid. Je me suis aussi dit à un moment qu’ils
Paris est une fête de Sylvain George (2017)
ne me laisseraient pas ressortir… » Cette problématique glaçante, vertigineuse, de la distance à adopter s’agissant d’un film qui met en scène des terroristes était déjà contenue dans la fiction La Désintégration (2011) de Philippe Faucon. Le réalisateur, en ne diabolisant jamais ses personnages, se penchait sur les rouages sociaux qui pouvaient mener des jeunes issus de quartiers défavorisés au fondamentalisme. Expliquer, est-ce excuser ? « Le terrorisme, en général dans les films, c’est quelque chose dont on ne décrit pas les raisons. On a l’impression que les gens sont mauvais ou pervers par
13 novembre. Fluctuat nec mergitur de Gédéon Naudet et Jules Naudet (2018)
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© NETFLIX
BOBINES
Plusieurs films se demandent quoi faire de cette mémoire.
DÉCRYPTAGE
UTØYA, 22 JUILLET
© ZEUGMA FILMS
Le 22 juillet 2011, deux heures après l’explosion d’une bombe à proximité du siège du gouvernement norvégien, près de cinq cents jeunes travaillistes réunis sur l’île d’Utøya sont ciblés par un tireur fou. De ce sordide attentat qui a fait la triste renommée du terroriste d’extrême droite Anders Behring Breivik, le Norvégien Erik Poppe tire un film coup de poing : basée sur des rapports de police et des témoignages, cette fiction immersive (tournée en une seule prise et en temps réel) va à contre-courant du phénomène d’attraction médiatique en ne montrant jamais le terroriste et en nous faisant suivre une militante – personnage inventé, comme tous les autres, par respect pour les victimes – retranchée dans une forêt. Les silhouettes s’affolent, les certitudes morales vacillent, et l’on est saisis d’effroi par cette reconstitution crue qui ne tombe jamais dans le voyeurisme. • J. L .
nature », déplorait Faucon dans l’émission Projection privée sur France Culture en février 2012, rappelant que sa démarche visait au contraire à essayer de comprendre comment des phénomènes aussi tragiques peuvent se produire dans nos sociétés.
COMMÉMORER ET CONTINUER
La fonction commémorative est presque inhérente aux films qui traitent d’attentats. C’est par exemple la démarche mémorielle des réalisateurs Jules et Gédéon Naudet dans leur minisérie documentaire pour Netflix, 13 novembre. Fluctuat nec mergitur (2018), dans laquelle les survivants des attentats parisiens témoignent de la manière dont ils ont vécu l’horreur. Dans leur récit minutieux, organisé dans une narration sérielle qui joue des cliffhanghers à la fin de chaque épisode, s’accumule une foule de détails durs à entendre : est-ce vraiment indispensable d’en savoir autant ? Dans un entretien au Figaro en juin 2018, les réalisateurs évoquaient le besoin cathartique de mettre des mots sur ces événements, parlant pour les témoins de « thérapie », d’autant plus nécessaire qu’elle est « partagée […] avec le monde entier ». Dans le même esprit, plusieurs films se demandent quoi faire de cette mémoire. C’est l’incertitude du personnage de David dans Amanda qui, après avoir perdu sa sœur dans un attentat au bois de Vincennes, ne sait pas s’il doit garder son deuil pour lui ou participer à la
: d’Erik Poppe, Potemkine Films (1 h 33) Sortie le 12 décembre
commémoration collective en répondant aux questions d’une journaliste. Ou c’est, contre l’absurdité de tels événements, la tentation de ramener du sens en fabriquant des héros exemplaires – la fascination de Clint Eastwood pour les trois Américains qui ont déjoué l’attentat du Thalys en août 2015 et qui jouent leur propre rôle dans son film Le 15 h 17 pour Paris (2018). C’est aussi la révolte du documentariste Sylvain George face aux velléités sécuritaires de l’État après les attentats, largement promues par certains médias – dans Paris est une fête (2017), le réalisateur réagissait en filmant des CRS en train de piétiner les couronnes de fleurs dédiées aux victimes du 13 novembre, et en allant au plus près de foyers d’insurrection disparates (contre l’état d’urgence, contre la violence subie par les réfugiés) du Paris de 2015 et 2016. Du deuil collectif, il tirait l’électricité d’une remobilisation. • QUENTIN GROSSET 35
PORTRAIT
BOBINES
BANDE À PART
Avec Cassandro. The Exotico!, portrait poignant d’un catcheur gay mexicain montré à l’ACID à Cannes en mai, la fantasque Marie Losier émerge de la marge. New-Yorkaise pendant vingt-deux ans, la Française bricole depuis des années des portraits intimes de ses proches dans le milieu underground (Alan Vega, Peaches, Tony Conrad, les frères Kuchar…), construisant une filmographie très personnelle, pleine d’humour et d’excentricité, résolument libre. 36
MARIE LOSIER voir son petit gabarit, ses pommettes hautes et son sourire jovial, difficile de soupçonner que Marie Losier est une figure de la scène underground new-yorkaise – que l’on imagine peuplée d’artistes plutôt punk et sombres. Elle en a pourtant été au cœur pendant vingt-deux ans, à tel point que le prestigieux MOMA a consacré début novembre une rétrospective à ses films. « Quand j’ai débarqué là-bas avec mes deux valises, nous expliquait-elle joyeusement à Cannes avec un irrésistible accent américain, c’était déstabilisant. J’étais très jeune, je ne connaissais personne. J’ai fait mon chemin toute seule dans cette ville immense. » D’autant plus étonnant que l’on sent chez elle encore aujourd’hui, à 46 ans, un caractère doux et timide. Élevée près de Rambouillet, elle a découvert le cinéma au ciné-club de son village. « J’ai grandi avec la péloche mais sans en faire des études parce qu’on ne m’a pas amenée là, j’ai jamais pensé que c’était pour moi. » À New York, où elle a migré à la vingtaine pour faire une thèse en littérature américaine dont elle n’a « jamais écrit une ligne », et en parallèle des Beaux-Arts où elle peint et expérimente la vidéo, elle se tisse un cocon rassurant au fil de ses rencontres avec des artistes illuminés. D’abord avec le dramaturge d’avant-garde Richard Foreman (« La nuit, je fabriquais secrètement les décors de ses pièces, genre des pénis de 10 mètres de long sur roulettes. »), qui lui présente la bande de l’Anthology Film Archives, la cinémathèque de films underground cofondée par Jonas Mekas. « Après mes études, une personne avec qui je suis restée quatre ans m’a offert une Bolex. C’est avec cette petite caméra aux bobines 16 mm de 3 minutes, sans son, que j’ai fait tous mes films depuis. » Au MaMa Experimental Theater Club, elle rencontre le projectionniste, qui est surtout cinéaste, Mike Kuchar. « On a tout de suite flashé, on a mangé de la glace ensemble. Il m’a appris à me servir de ma Bolex, et mon premier film a été un portrait de lui. C’est comme ça que j’ai commencé à faire des tableaux vivants. »
FAMILLE DE QUEERS
Son portrait onirique de Mike Kuchar, Bird, Bath and Beyond, achevé en 2003, lance sa longue série de films courts décalés, pleins de surimpressions et d’accélérés, d’objets bizarres et de jouets pour enfants, peuplés de sirènes, de travestis et de catcheurs. Des patchworks d’une inventivité à la Méliès, à l’esprit dadaïste hyper ludique. Sa méthode ? Prendre du bon temps avec ses amis tout en les filmant (« J’exprime mon amitié à travers ma caméra. ») et monter
Sa méthode ? Prendre du bon temps avec ses amis tout en les filmant. les films seule pendant des mois. C’est comme ça qu’elle fabrique son premier long métrage, La Ballade de Genesis et Lady Jay, sorti en 2011, sur un couple d’artistes tentant de fusionner à coups d’opération de chirurgie esthétique pour se ressembler. « À New York, on vit pour survivre. J’avais jamais de fric alors je travaillais, j’achetais de la péloche, je filmais, je mettais la péloche au frigidaire. Et puis, de temps en temps : “Ah tiens, une bourse : Je vais développer ce bout de pellicule.” » À Los Angeles pour présenter le film, elle découvre avec émerveillement le catch mexicain, la lucha libre, et « un petit bonhomme qui courait dans les loges avec des plumes partout ». Nouveau coup de foudre amical : elle se met à filmer le légendaire Cassandro, catcheur gay qui refuse la retraite malgré son corps en miettes. « C’était un cinéma fellinien pour moi ! Il est tellement exubérant, mais en même temps très profond. » Cassandro. The Exotico! devient son premier film produit (par les Français Tamara Films), ce qui devrait lui permettre de terminer plus confortablement ses innombrables projets en cours (des portraits de la chanteuse et performeuse Peaches, du musicien Felix Kubin et de l’artiste Tony Oursler). Revenue à Paris depuis trois ans, elle s’est entourée d’une nouvelle famille queer : Bertrand Mandico, Elina Löwensohn, Yann Gonzalez… On prédit, dans les années à venir, une autre série de flamboyants portraits concoctés par la fée Losier. • TIMÉ ZOPPÉ PHOTOGRAPHIE : PHILIPPE QUAISSE / PASCO
— : « Cassandro. The Exotico! » de Marie Losier Urban (1 h 13) Sortie le 5 décembre
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BOBINES
À
DÉCRYPTAGE
BOBINES
BRISER LE SORT
Remake très personnel du film de Dario Argento sorti en 1977, le Suspiria de Luca Guadagnino transforme cette histoire de danseuses menacées par une force mystérieuse dans leur inquiétante école en un manifeste très radical de sorcellerie. Un sublime sabbat dansé, grotesque et sensuel, qui réinvente l’image de la sorcière. L’occasion de revenir sur cette figure de conte qui, à l’écran, a toujours catalysé les stéréotypes, les peurs et les révolutions du féminin.
Mais
pourquoi la sorcière nous fait-elle peur ? La question peut paraître absurde tant notre imaginaire a été fondu au creuset des stéréotypes du conte. Une sorcière, c’est moche et c’est méchant : c’est le manichéisme de Hollywood (ce qui est beau est bon, ce qui est laid est dangereux) qui a imposé cette vision hideuse et universelle. Dans sa réinterprétation du Blanche-Neige des frères Grimm, en 1938, Walt Disney transforme l’horrible belle-mère narcissique en une vieille femme monstrueuse. Un processus de révélation (la laideur intérieure transparaît à l’extérieur) censé permettre aux petits comme aux grands d’identifier le mal. Même chose l’année suivante avec la terrible sorcière de l’Ouest du Magicien d’Oz (1939), affublée d’un visage tout vert et de vêtements sombres. Le principe est clair, et Guadagnino a retenu – en apparence – la leçon pour son
Suspiria : sous le plancher de l’école de danse que la jeune Susie (Dakota Johnson) intègre se cache un monstre affreux qui attend qu’on lui sacrifie la danseuse. Les peurs enfantines du conte resurgissent tandis que la pourriture des corps vieillissants attend, menaçante, la jeunesse.
VIEUX CHAUDRON
La belle-mère de Blanche-Neige, la sorcière Maléfique (La Belle au bois dormant, 1959), l’improbable Mme Mim (Merlin L’Enchanteur, 1964) ou encore la terrifiante Ms. Ernst (cauchemardesque Anjelica Huston dans Les Sorcières de Nicolas Roeg, 1990)… toutes ces créatures terrifiantes, vieilles femmes vivant souvent seules, à la beauté factice ou au corps flétri, révèlent un même vieux sous-texte sociologique : il faut se méfier de la femme âgée, surtout quand elle n’a
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SUSPIRIA
Suspiria de Luca Guadagnino (2018)
pas d’enfant. Ainsi, tandis que la tornade entraîne Dorothy du Kansas au pays d’Oz, elle voit par la fenêtre la terrible Ms. Gulch sur son vélo, vieille fille acariâtre, devenir la méchante sorcière de l’Ouest sur son balai. À l’aune de ce cliché, le gynécée inquiétant de Suspiria prend des allures de piège. Jouant sur l’étrangeté des physiques (Sylvie Testud, grimée, dans un rôle quasi mutique) et le vieillissement des corps des actrices (le come-back d’une muse de Rainer W. Fassbinder, Ingrid Caven), Guadagnino réussit avec très peu d’effets à transformer dans l’esprit du spectateur ces professeures de danse sans vie de famille, qui logent dans l’école, en d’horribles sorcières. Regards concupiscents sur les corps juvéniles, gros plans sur les visages ridés, rires déplacés et absence de figures masculines produisent une improbable sensation de menace, forgée par des années de stéréotypes. Une représentation balisée qui va servir ensuite au réalisateur à faire exploser les clichés.
ensorcelante. Dans Ma femme est une sorcière de René Clair (1944), la sculpturale Veronica Lake joue les ensorceleuses ingénues et finit par rendre fou un homme politique. Si la vision est tendre et que la sorcière est enfin l’héroïne (car dégagée de sa laideur originelle), elle se voit quand même réduite à une féminité agressive, conquérante, qui synthétise les peurs masculines. Comme dans L’Adorable Voisine de Richard Quine (1959), où Kim Novak envoûte son voisin James Stewart, le cinéma utilise les pouvoirs de la sorcière pour rejeter la faute des histoires d’amours adultères sur les femmes. Penauds face à leurs désirs, les réalisateurs et scénaristes hommes fantasment une mystique des corps féminins. Des querelles hyper sexuées des Sorcières d’Eastwick de George Miller (1987) jusqu’à la malédiction romantique des Ensorceleuses de Griffin Dunne (1999) en passant par la naïveté fleur bleue d’Un amour de sorcière de René Manzor (1997), le cinéma use et abuse de la sorcière comme d’un viatique pour traiter avec une distance et une légèreté pudibonde du désir féminin, comme pour mieux le déréaliser. La sensualité des scènes de danse de Suspiria et l’érotisme puissant qui s’en dégage bousculent ces codes. La tension sexuelle et mystique entre la chorégraphe Mme Blanc (Tilda Swinton) et la danseuse
BOBINES
La sorcière devient une figure positive. Mieux : une inspiration.
Quand la sorcière s’échappe de cette vision manichéenne, c’est souvent, hélas, pour être réduite à un autre stéréotype. Dégagée de son balai, de son chat noir de vieille fille et de ses habits monacaux, la sorcière devient désirable et voit sa féminité devenir
Le Magicien d’Oz de Victor Fleming (1939)
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© COLLECTION CHRISTOPHEL
PHILTRE D’AMOUR
Kiki la petite sorcière de Hayao Miyazaki (1989)
© D. R.
Susie (Dakota Johnson) tend le film vers un climax déchaîné : la sorcière affirme son corps à travers une danse qui célèbre sa féminité, sa puissance, loin des codes archaïques de la séduction. Un sabbat hyper contemporain dont les mouvements saccadés s’inspirent des œuvres des plus célèbres femmes chorégraphes de l’histoire de la danse (Anna Sokolow, Mary Wigman, Pina Bausch). Plus qu’un clin d’œil, un bel hommage à la façon dont ces chorégraphes ont dégagé les corps féminins du carcan patriarcal dans lequel ils étaient enfermés.
Dangereuse alliance d’Andrew Fleming (1996)
© D. R.
DÉCRYPTAGE
BOBINES
LIBÉRÉES, DÉLIVRÉES
Dégagée des images d’Épinal et du poids des peurs masculines, la sorcière devient ainsi une figure positive. Mieux : une inspiration. À l’image d’Elsa dans La Reine des neiges de Chris Buck et Jennifer Lee (2013) qui, dans une désormais célèbre chanson, finit par prendre sa liberté en acceptant ses pouvoirs et donc sa féminité, ou encore de l’héroïne combative de Kiki la petite sorcière de Hayao Miyazaki (1989) qui apprend à grandir et à s’affirmer, ces figures de sorcières libres s’inscrivent dans des récits en forme de parabole sur l’adolescence. Inspiré par cette dimension féministe du personnage de la sorcière, Luca Guadagnino désarme la naïveté supposée de son héroïne victime (Susie) pour en faire un personnage conquérant : ce nouveau Suspiria devient ainsi le récit d’une prise de pouvoir. Là où le cinéma des années 1990 voyait encore parfois cette puissance comme néfaste – les ados sorcières de Dangereuse alliance d’Andrew Fleming (1996) finissent punies de leurs désirs de puissance –, le film de Guadagnino culmine dans la jouissance absolue du pouvoir et la destruction sanglante des stéréotypes d’hier. À l’instar des héroïnes magiciennes de Jacques Rivette (Céline et Julie vont en bateau, 1974),
les danseuses de Suspiria finissent par infléchir le cours du film et par nous entraîner dans une démesure réjouissante. Une émancipation du corps et de l’esprit, des règles du remake et de la bienséance, provocatrice pour certains, nécessaire pour d’autres, qui fait écho à la liberté créatrice d’un cinéma tout-puissant. Plus qu’un tour de magie, un tour de force. • RENAN CROS
— : « Suspiria » de Luca Guadagnino
Metropolitan FilmExport (2 h 32) Sortie le 14 novembre
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WITCH BLOC Dans son passionnant essai Sorcières, la journaliste du Monde diplomatique Mona Chollet (Chez soi, Beauté fatale) analyse les réappropriations contemporaines de la figure de la sorcière, notamment par les mouvements féministes. Depuis les xvie et xviie siècles, durant lesquels de nombreuses femmes ont été condamnées ou exécutées pour sorcellerie en Europe (parce qu’elles étaient guérisseuses, avorteuses… ou juste de genre féminin), jusqu’aux groupes de féministes américaines ayant grandi avec les séries Buffy ou Charmed qui jettent des sorts à Donald Trump, Mona Chollet fait la généalogie d’un emblème tout autant spirituel que politique qui l’a elle-même aidée à comprendre et à dépasser les injonctions d’une société misogyne – à propos de son désir de ne pas avoir d’enfants, ou de son choix de ne pas teindre ses cheveux blancs. Un livre-talisman érudit et captivant, déjà occulte. • Q. G.
: « Sorcières. La puissance invaincue des femmes » de Mona Chollet (Zones, 256 p.)
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Après
LES DÉLICES DE TOKYO LE NOUVEAU FILM DE NAOMI KAWASE LDH JAPAN SLOT MACHINE KUMIE PRÉSENTENT
JULIETTE BINOCHE
MASATOSHI NAGASE
28 NOVEMBRE
MICROSCOPE
LE BRAS
Comme le diable, le cinéma se loge dans les détails. Geste inattendu d’un acteur, couleur d’un décor, drapé d’une jupe sous l’effet du vent : chaque mois, de film en film, nous partons en quête de ces événements minuscules qui sont autant de brèches où s’engouffre l’émotion du spectateur. Ce mois-ci : un bras de femme et de poupée, dans Le Septième Voyage de Sinbad, de Nathan Juran (1958).
BOBINES
Le
sorcier a prédit un grand malheur, d’autant plus sûr qu’il naîtra de sa main. La princesse, ingénue, amoureuse surtout, s’en réjouit presque sous le ciel de lune où Sinbad, après l’oracle, lui souhaite bonne nuit : les présages du sorcier sont autant de promesses d’en être délivrée par Sinbad, et consolée dans ses bras. Le mariage est pour demain. Et le sorcier évidemment profite de sa dernière nuit seule pour jeter sur elle le sort promis : dans son sommeil elle va devenir minuscule, grande comme la main, une infime poupée. Sorti en 1958, Le Septième
Le bras se déplace, croit-on, avant de comprendre qu’il rapetisse : aspiré par le hors-champ. Voyage de Sinbad est moins l’œuvre de Nathan Juran, jadis décorateur pour Ford (Qu’elle était verte ma vallée), que celle de Ray Harryhausen, qui y expérimente la merveilleuse animation en volume à laquelle il a donné le nom magique de Dynamation. Le film a marqué surtout pour les créatures merveilleuses, cyclope à pattes de centaure, aigles géants et bicéphales, squelette vivant annonçant l’armée funèbre de Jason et les Argonautes (Don Chaffey, 1963), auxquelles Harryhausen a donné vie en couleurs dans un peu de latex. Mais c’est un effet plus discret qui est le plus beau de tous : la miniaturisation de la princesse. Caressée
par ses doux rêves d’amoureuse et par les cuivres languides de Bernard Herrmann, elle dort en sourire béat quand le sorcier se glisse derrière les voiles secoués de vent. Le sort est aussitôt jeté : le cierge à côté du lit crache une fumée glauque qui fait se retourner la princesse, son bras gauche étendu sur le drap de soie. Un plan alors, un seul, pour enregistrer la métamorphose, une géniale métonymie sous la forme d’un bête trucage optique. Le bras se déplace, croit-on, avant de comprendre qu’il rapetisse : aspiré par le hors-champ immédiat, devenu serpent qui glisse en silence le long du drap. Un tour de passe-passe géométrique, et vraiment terrifiant : à mesure que le bras diminue, les doigts s’animent et la main devient celle d’une petite fille aussi bien que d’une vieille dame. C’est un corps qui, dans les deux cas, rapetisse moins qu’il ne se vide de sa substance, une main de femme devenue par la grâce d’un trucage une main de poupée. Et c’est bien une poupée qui semble avoir remplacé la princesse, quand au réveil elle appelle à l’aide au milieu de son oreiller, dont le relief et la dorure évoquent autour d’elle un désert de dunes. C’est une poupée que Sinbad, en attendant de rapporter l’antidote, cache dans une luxueuse boîte bordée de pierres précieuses. Et c’est une poupée moins par l’effet du sort que par la joie enfantine de Harryhausen à trouver prétexte en tout (fantaisies orientales ou mythologie grecque, passées par l’influence notoire de Gustave Doré) pour ramener le monde à l’échelle d’un jeu d’enfant – jusqu’au génie de la lampe qui, lui aussi revenu des Mille et Une Nuits, a ici les traits d’un garçon de 8 ans. Pauvre princesse, réduite aux dimensions d’un jouet dans les mains de son homme ? Juran l’avait vengée par avance : son précédent film s’appelait L’Attaque de la femme de 50 pieds. • JÉRÔME MOMCILOVIC
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BOBINES
MICROSCOPE
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ENQUÊTE
FOUS D’IRAN
D’Invasion à Pig en passant par La Permission, des films iraniens d’un genre nouveau s’invitent dans les salles françaises. Place à la science-fiction, à la comédie, au film gore… Derrière ces coups d’éclat, c’est une nouvelle génération de cinéastes qui donne de la voix, épuisant les censeurs autant que nos préjugés.
Jusqu’à
présent, quand il était question de l’Iran et de son cinéma, on savait à quoi s’attendre et comment se situer. D’un côté, un régime islamique autoritaire, en place depuis la révolution de 1979, qui appliquait le fiqh (la doctrine islamique) et la censure d’État, et entretenait des relations houleuses avec les pays occidentaux. De l’autre, des cinéastes célébrés dans les grands festivals du monde entier comme des héros dissidents, capables de rétablir certaines vérités sur leur pays quitte à en payer le prix. Né avec la Nouvelle Vague iranienne à l’orée des années 1970,
mais source d’attention internationale depuis les années 1980 et 1990, ce cinéma, porté par des réalisateurs comme Majid Majidi (Les Enfants du ciel), Bahman Ghobadi (Un temps pour l’ivresse des chevaux), Abbas Kiarostami (Au travers des oliviers), Jafar Panahi (Le Ballon blanc) ou Asghar Farhadi (Une séparation), se devait de porter un message dans un style à la fois réaliste, social et poétique. Même si, à l’image du plus influent et talentueux de tous, le regretté Kiarostami (Palme d’or en 1997 pour Le Goût de la cerise), ceux-ci avaient contesté les raccourcis politico-esthétiques opérés dans 44
NOUVEAU CINÉMA IRANIEN en 2010 alors qu’il devait compter parmi les jurés cannois, reste sous le coup d’une interdiction de tournage ; Mohammad Rasoulof, Prix Un certain regard en 2017 pour Un homme intègre, encourt une peine de prison pour « propagande contre le régime »… Tant qu’il y aura de la censure en Iran, il y aura des films pour l’affronter, et des caisses de résonance en Occident.
La Permission de Soheil Beiraghi (2018)
leurs pays comme à l’étranger, la force de frappe d’institutions comme le Festival de Cannes, la Berlinale ou la cérémonie des Oscars avait figé le cinéma iranien en un genre aux contours réguliers. Dans le même temps, l’Iran persistait à punir certains de ses auteurs les plus exportables et entretenait son image rétrograde – Panahi, emprisonné
Sauf que la face du cinéma iranien est en train de changer radicalement. Dans nos salles cette année, Invasion de Shahram Mokri (une reconstitution policière dans un Iran postapocalyptique qui tourne au film de vampires expérimental), Pig de Mani Haghighi (une comédie acide et gore dans laquelle un tueur en série décime les réalisateurs), La Permission de Soheil Beiraghi (la lutte furieuse d’une championne de futsal contre son mari qui refuse de la laisser sortir du pays) ou les œuvres issues de la diaspora comme Il ou Elle d’Anahita Ghazvinizadeh (sorti cet été) et bientôt Border d’Ali Abbasi (en salles en janvier prochain) sont autant d’entorses à nos idées préconçues. Et ce aussi bien pour des raisons de forme (le goût de l’imaginaire et des espaces mentaux brisent le pacte du réalisme social) que de fond (une fixation sur l’épineuse question du genre). Leur particularité est d’être l’œuvre de jeunes cinéastes, nés ou ayant grandi après la révolution islamique – Haghighi, 49 ans, de loin le plus âgé, compense par son côté punk – et qui ont été biberonnés au cinéma américain et européen. Ce qui demande éclaircissement dans un contexte censé être verrouillé. « Il faut savoir que le cinéma hollywoodien représente un immense marché en Iran, l’un des plus grands au monde avec l’Inde et la Chine, nous explique
Pig de Mani Haghighi (2018)
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BOBINES
RÉSEAUX CLANDESTINS
ENQUÊTE
BOBINES
Mokri. C’est du piratage, du marché noir, mais avec un réseau très actif. Comme l’Iran n’applique pas le copyright, on a accès aux films mainstream juste après leur sortie. C’est aussi le cas des films d’auteurs : Béla Tarr ou Gus Van Sant, pour ne citer que deux de mes influences, sont facilement accessibles aux étudiants et aux cinéphiles. » Constat partagé par Haghighi, qui a pu observer comment les efforts du ministère de la Culture et de l’Orientation islamique se sont heurtés à la diffusion des nouvelles technologies. « Après la révolution de 1979, les cinémas ne passaient plus que des films de propagande, mais ça n’a servi à rien parce qu’au même moment la vidéo envahissait le pays. Quand j’avais 10 ans, on s’échangeait des Betamax sous le manteau, et ça n’a fait que s’amplifier avec les DVD et Internet. Aujourd’hui, n’importe qui peut faire un film avec son iPhone et le diffuser sans intermédiaire. Et c’est exactement ce qui se passe, parce qu’en Iran tout le monde veut être cinéaste ! » Voilà sans doute pourquoi les écrans, caméras, portables et réseaux sociaux occupent une telle place dans ces films, à la fois comme éléments de scénario
Invasion de Shahram Mokri (2018)
« L’Occident nous a enfermés dans une case. On nous explique que le public occidental veut du réalisme social. » MANI HAGHIGHI (Pig, La Permission) et comme outils de mise en scène (Invasion et Fish & Cat, le précédent film de Mokri, constitués d’un unique plan-séquence, ne pourraient exister sur pellicule). En Iran plus qu’ailleurs, les nouvelles technologies portent l’espoir d’un contre-pouvoir – mêmes si leurs dérives sont semblables à celles qu’on connaît en Occident.
ENNEMIS PUBLICS
Tout cela ne nous dit pas pour autant comment de tels films – pour ne parler que de ceux produits en Iran – ont pu passer à travers les verrous de l’État. On est abasourdi par la manière dont Mokri s’empare du cinéma de genre (horreur, science-fiction) pour sonder la paranoïa iranienne, par la vista satirique de Haghighi qui tire à boulets rouges sur la police secrète comme sur les profiteurs du milieu artistique. Même La Permission, de facture plus classique, délivre un message antipatriarcal d’une rare virulence, avec son
héroïne sportive qui n’hésite pas à rosser son mari en public. Alors que fait la police ? Mokri nous offre une vue d’ensemble. « La commission de censure juge les films selon trois catégories. La première, ce sont les films réalistes. On considère qu’ils représentent la société de manière non biaisée, donc le tri est facile à faire entre ce qui est toléré et ce qui ne l’est pas. La deuxième catégorie, c’est les comédies. La tradition du bouffon de la cour est ancienne en Iran, ce qui explique la tolérance dont bénéficie ce genre. Une comédie peut contenir des allusions sexuelles ou politiques, mais on estime que ça ne peut pas être pris au sérieux. La dernière catégorie est plus problématique : c’est celle des films que la censure estime ne pas comprendre. Dans ce cas-là, le processus est plus imprévisible. » L’appartenance à ce dernier groupe expliquerait la trajectoire chaotique d’Invasion, sorti en Iran puis brusquement interdit après son passage à la Berlinale, où la
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thématique du genre n’a échappé à personne. La réception du public semble d’ailleurs constituer un critère surplombant, justifiant une censure a posteriori. Haghighi aussi en a fait les frais, malgré sa prédilection pour un genre protégé. « Mon précédent film, 50 Kilo Albaloo, était une comédie romantique destinée au marché iranien. Le film est sorti sans problème, mais le public a commencé à réagir de manière inattendue, révélant certains sous-textes. Du coup le ministère l’a retiré des écrans. » Paradoxalement, cela n’a pas empêché son immense succès populaire, et cela a même joué en la faveur de son film suivant, pourtant plus provocant. « Quand le ministère censure un film, cela s’accompagne d’une clause tacite. Comme l’interdiction de 50 Kilo Albaloo avait fait du bruit, ils se sont sentis obligés d’être plus coulants avec Pig. Ils craignaient la mauvaise publicité. » Le rapport entre cinéastes et censeurs est donc bien moins vertical qu’il n’y paraît. C’est un jeu du chat et de la souris dont les artistes, pour peu qu’ils en connaissent les subtilités, sortent souvent grandis. « S’ils veulent nous intimider, ils doivent changer de stratégie, estime Haghighi. Blacklister les cinéastes en fait des martyrs aux yeux du monde. De même qu’il est facile de présenter un scénario épuré aux censeurs pour les mettre ensuite au pied du mur. Le plus efficace aujourd’hui, c’est la censure par la distribution : ils nous donnent des horaires de projection étranges
ou changent de salles à l’improviste pour que les gens ne sachent pas où aller. » Le poker menteur continue, avec toutefois une nouvelle interrogation : les porte-parole étrangers vont-ils continuer à dérouler le tapis rouge à cette génération en rupture ? C’est peut-être dans nos têtes que se logent les derniers verrous. « L’Occident nous a enfermés dans une case, s’agace Haghighi. On nous explique que le public occidental veut du réalisme social et rien d’autre. C’est une forme d’impérialisme qui ignore la richesse culturelle de l’Iran. Mes premiers films ont été rejetés par les programmateurs de festivals. Certains m’ont écrit des lettres pour m’expliquer que ce que je faisais, ce n’était pas du cinéma iranien ! Trop de fantaisie, d’imaginaire… Ils attendent un revival du réalisme social qui n’aura pas lieu. Rien ne peut arrêter la nouvelle génération. » Le monde évolue, les règles changent, et la révolution du cinéma iranien ne fait que commencer. • MICHAËL PATIN
— : « Invasion » de Shahram Mokri
(Damned, 1 h 40, sortie le 24 octobre) • « La Permission » de Soheil Beiraghi (Sophie Dulac, 1 h 28, sortie le 28 novembre) • « Pig » de Mani Haghighi (Épicentre Films, 1 h 48, sortie le 5 décembre)
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BOBINES
NOUVEAU CINÉMA IRANIEN
© ILSE RUPPERT
BOBINES
PORTFOLIO
L’ÉCLIPSE
En
1984, Pascale Ogier, actrice prometteuse du cinéma français, disparaissait la veille de son 26 e anniversaire, peu après la sortie des Nuits de la pleine lune d’Éric Rohmer, gracieux portrait d’une jeunesse qui se cherche. Elle y campait Louise, une jeune femme qui, installée avec son copain à Marne-la-Vallée, loue un studio parisien, refuge nocturne dans lequel elle va être confrontée à sa solitude. Avec son physique frêle, sa voix fluette, ses coiffures bombées, elle incarnait alors les aspirations floues de la génération post-punk. Émeraude Nicolas, sa demi-sœur côté paternel, avait 12 ans à sa mort. C’est pour mieux la connaître que la graphiste a conçu le beau livre hommage Pascale Ogier. Ma sœur, qui mêle des textes de Jim Jarmusch, de Marguerite Duras et d’autres, et des photos inédites retrouvées chez des proches (sa mère Bulle Ogier, le chef opérateur Renato Berta…). Dans celles que l’auteure a commentées pour nous, l’icône novö est aussi délicate que badass (rappelant son superbe personnage dans Le Pont du Nord de Jacques Rivette, coécrit notamment avec sa mère, qui joue également dans le film). Retour, en images, sur son éblouissant parcours de comète. • JOSÉPHINE LEROY 48
© COLLECTION PARTICULIÈRE
Pascale Ogier et Fabrice Luchini pendant le tournage de la fête dans Les Nuits de la pleine lune, 1984. « C’est une photo du tournage des Nuits de la pleine lune. Elle est avec Fabrice Luchini. Pour cette scène, l’équipe a organisé une vraie fête. Je me souviens que ma mère et d’autres gens de ma famille y sont allés, et il paraît que, quand les gens sont arrivés, ils se sont jetés sur les petits fours. Ils étaient tous bourrés et défoncés… Comme Rohmer n’était pas un grand fêtard, il a paniqué. Mais Pascale l’a beaucoup aidé. C’est d’ailleurs elle qui avait engagé Elli & Jacno pour qu’ils composent la B.O. du film [ils font une apparition dans cette scène mythique, où Pascale Ogier danse de façon robotique sur leur musique, ndlr]. »
Pascale, Paris, 1965. « Cette photo, je l’ai trouvée chez Bulle. Pascale devait avoir 6-7 ans. Elle était déjà si poseuse et gracieuse, elle avait une attitude de petite star. Je sais qu’enfant elle passait beaucoup de temps chez sa grandmère maternelle, parce que sa mère tournait beaucoup et que Pascale n’a pas habité avec notre père. Sa grand-mère était une personne très douce. Elle tenait à ce qu’elle soit soignée et coquette, même pour aller acheter une baguette. Je crois que Pascale a par la suite gardé cette habitude. » 49
BOBINES
PASCALE OGIER
PORTFOLIO
© COLLECTION RENATO BERTA
Éric Rohmer avec le chef opérateur Renato Berta et Pascale Ogier pendant la préparation du tournage des Nuits de la pleine lune, février 1984. « Sur ce Polaroïd, Pascale est avec Éric Rohmer et Renato Berta [chef opérateur chez Jean-Luc Godard, Alain Resnais ou Claude Chabrol, il a aussi travaillé sur le tournage des Nuits de la pleine lune, ndlr]. Elle s’amusait beaucoup avec Renato pendant le tournage. Elle bossait sur la décoration du film, et, comme Rohmer avait des envies qui ne correspondaient pas forcément aux goûts des jeunes, elle trouvait des subterfuges, comme celui de faire passer tout au fond du décor un poster qu’elle n’aimait pas trop. Avec Renato, ça les faisait marrer. »
© KEN MCMULLEN
Pascale Ogier et le philosophe Jacques Derrida se rencontrent au café Le Select pour préparer le film Ghost Dance de Ken McMullen, 1983. « Ken m’a raconté qu’au départ Pascale devait jouer le rôle d’une fille qui n’a pas d’idées en philosophie, et qu’elle lui disait : « Mais Jacques Derrida va penser que je suis idiote ! » En réalité, elle adorait parler philo, notamment avec Marc’O [metteur en scène, dramaturge, chercheur, réalisateur et ami de Bulle Ogier, qui a notamment dirigé cette dernière dans Les Idoles en 1967, ndlr]. Hors caméra, elle a spontanément demandé à Derrida s’il croyait aux fantômes. McMullen a tout de suite voulu que ça apparaisse dans le film, et c’est devenu une scène assez importante. »
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PASCALE OGIER
© ALBANE NAVIZET
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Pascale Ogier dans son appartement après un entraînement avec un shuriken (arme traditionnelle japonaise). « Sur celle-ci, la photographe Albane Navizet m’a raconté que, quand elle est arrivée chez Pascale, elle l’a trouvée en tenue de sport. En fait, elle venait de s’entraîner aux arts martiaux, et elle a décidé que la prise de vue se ferait comme ça, spontanément, sans la préparation habituelle. Albane Navizet me disait que dès que Pascale mettait son étoile japonaise à la ceinture, elle prenait tout de suite une attitude de guerrière. »
© ALBANE NAVIZET
Pascale Ogier dans son appartement après un entraînement. « Ce paravent derrière appartenait à notre grand-mère commune, je l’ai chez moi maintenant. À l’époque, Pascale vivait avec Benjamin Baltimore, un artiste qui fait des photographies, des affiches de films, des sculptures. Ensemble, ils faisaient des lampes en néon, ils avaient tout un atelier. Elle était très manuelle et adorait chiner. D’ailleurs, ses bracelets en cuir, elle les avait ramenés des États-Unis. »
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© PHOTO DE CRISTINA BERTELLI, TRAITEMENT NUMÉRIQUE DE MARC’O.
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© COLLECTION PARTICULIÈRE
Bulle et Pascale, 1971. « Sur celle-ci, Pascale devait avoir 12 ans. Elle est avec sa mère. Je les trouve très mignonnes. Bulle m’a beaucoup aidée pour le livre, je crois que ça l’a touchée que ce projet vienne de quelqu’un de la famille. Pour moi, c’est important, parce que je garde des souvenirs flous de Pascale. Petite fille, j’avais l’impression qu’elle courait à droite à gauche. Dans mes souvenirs, je me rappelle qu’on se voyait aux vernissages de famille, comme ceux de sa grand-mère maternelle, qui était peintre. »
Pascale Ogier et Jim Jarmusch en Italie, septembre 1984. « La photo originale a été prise par Cristina Bertelli, puis a été retravaillée par Marc’O, du temps où il faisait des montages sur ordinateur à l’INA. On croirait voir des filtres Instagram. Avec Jim Jarmusch, ils sont allés tous les quatre au festival de Bergame, en Italie. Sur la route, ils se sont arrêtés dans une petite trattoria et ils ont fait ce portrait de Pascale et Jarmusch. Cristina était touchée par leur symétrie rock. Ils se fréquentaient probablement à l’époque, mais les histoires d’amour de Pascale restent très floues. C’était une grande amoureuse, un peu comme son personnage dans Les Nuits de la pleine lune. »
— : « Pascale Ogier. Ma sœur » d’Émeraude Nicolas (Filigranes Éditions, 304 p.)
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LA FEMME, LA VIE, LA LIBERTÉ. MANEKI FILMS PRÉSENTE
GOLSHIFTEH FARAHANI
EMMANUELLE BERCOT
Design : Benjamin Seznec / TROÏKA - Logo Titre : Cizo.
« UN FILM REMARQUABLE, TRÈS PUISSANT, PORTÉ PAR UN MAGNIFIQUE SCÉNARIO. » CATE BLANCHETT
UN FILM D’EVA ZÜBEYDE BULUT
MAIA SHAMOEVI
ZIREK
NIA MIRIANASHVILI
HUSSON
MARI SEMIDOVI
ROZA MIRZOIANI
ZINAIDA GASOIANI
SINAMA ALIEVI
une production MAneKi FiLMS en coproduction Avec WiLd BuncH eLLe driver ArcHeS FiLMS GApBuSterS 20 StepS productionS rtBF (teLeviSion BeLGe) Bord cAdre FiLMS proXiMuS en ASSociAtion Avec eLLe driver BAcKup MediA indeFiLMS 6 B MediA 2014 cinecAp cineArt Avec LA pArticipAtion de cAnAL + ocS tAX SHeLter du GouverneMent FederAL BeLGe cASA KAFKA pictureS BeLFiuS LepL enterpriSe GeorGiA FederAtion WALLonie BruXeLLeS Avec Le Soutien de euriMAGeS centre nAtionAL du cineMA et de L’iMAGe AniMee centre du cineMA et de L’AudioviSueL de LA FederAtion WALLonie-BruXeLLeS proGrAMMe europe creAtive MediA de L’union europeenne reGion nouveLLe AQuitAine AnGoA LA SAceM Avec GoLSHiFteH FArAHAni eMMAnueLLe Bercot cAStinG BAHiJJA eL AMrAni MontAGe eMiLie orSini MuSiQue oriGinALe MorGAn KiBBY direction de production cLAire trinQuet réGie LAurene LAdoGe preMier ASSiStAnt réALiSAteur cYriL pAvAuX A.F.A.r Scripte ceciLe rodoLAKiS iMAGe MAttiAS troeLStrup dFF décorS dAvid BerSAnetti Son oLivier Le vAcon ALeXiS pLAce eMMAnueL de BoiSSieu coLoriSte LioneL Kopp MAQuiLLAGe oriAne de neve direction de poStproduction pAuLine GiLBert et LAetitiA picHon produit pAr didAr doMeHri coproduit pAr BrAHiM cHiouA AdeLine FontAn teSSAur etienne coMAr JoSepH rouScHop vLAdiMer KAtcHArAvA JAMAL ZeinAL ZAde dAn WecHSLer ArLette ZYLBerBerG diStriBution FrAnce WiLd BuncH diStriBution venteS internAtionALeS eLLe driver écrit et réALiSé pAr evA HuSSon
AU CINÉMA LE 21 NOVEMBRE /LesFillesDuSoleilFilm
#LesFillesDuSoleil
14 NOV.
Carmen et Lola d’Arantxa Echevarría Eurozoom (1 h 43) Page 82
Les Filles du soleil d’Eva Husson Wild Bunch (1 h 51) Page 82
Récréations de Claire Simon Sophie Dulac (54 min) Page 16
Les Chatouilles d’Andréa Bescond et Éric Métayer Orange Studio Cinéma / UGC (1 h 43) Page 82
Mauvaises herbes de Kheiron Mars Films (1 h 40) Page 82
Suspiria de Luca Guadagnino Metropolitan FilmExport (2 h 32) Page 38
Frères de sang de Damiano et Fabio D’Innocenzo ARP Sélection (1 h 35) Page 82
After My Death de Kim Ui-seok Les Bookmakers / Capricci Films (1 h 53) Page 83
Premières solitudes de Claire Simon Sophie Dulac (1 h 40) Page 58
21 NOV.
Les Bonnes Intentions de Gilles Legrand 20 th Century Fox (1 h 43) Page 83
Mon cher enfant de Mohamed Ben Attia Bac Films (1 h 44) Page 60
Amanda de Mikhaël Hers Pyramide (1 h 47) Page 24
Game Girls d’Alina Skrzeszewska Vendredi (1 h 30) Page 83
Célébration d’Olivier Meyrou Norte (1 h 14) Page 72
Terra Franca de Leonor Teles Docks 66 (1 h 22) Page 74
The Mumbai Murders d’Anurag Kashyap Stray Dogs (2 h 07) Page 83
Sami Une jeunesse en Laponie d’Amanda Kernell Bodega Films (1 h 53) Page 72
Ága de Milko Lazarov Arizona (1 h 37) Page 76
8, avenue Lénine de V. Mitteaux et A. Pitoun Point du Jour / DHR / À Vif Cinémas (1 h 40) Page 74
Yomeddine d’A. B. Shawky Le Pacte (1 h 37) Page 76
28 NOV. La Permission de Soheil Beiraghi Sophie Dulac (1 h 28) Pages 44 et 80
Les Veuves de Steve McQueen 20 th Century Fox (2 h 09) Page 62
5 DÉC.
Ma mère est folle de Diane Kurys Rezo Films (1 h 35) Page 84
Diamantino de Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt UFO (1 h 36) Page 64
Marche ou crève de Margaux Bonhomme Nour Films (1 h 25) Page 6
A Bread Factory part 1 Ce qui nous unit de Patrick Wang Ed (2 h 02) Page 78
Les Confins du monde de Guillaume Nicloux Ad Vitam (1 h 43) Pages 18 et 66
Derniers jours à Shibati d’Hendrick Dusollier Météore Films (59 min) Page 78
Cassandro The Exotico! de Marie Losier Urban (1 h 13) Page 36
Nous les coyotes d’Hanna Ladoul et Marco La Via New Story (1 h 27) Pages 22 et 80
Voyage à Yoshino de Naomi Kawase Haut et Court (1 h 49) Page 83
Pig de Mani Haghighi Épicentre Films (1 h 48) Page 44
Utøya, 22 juillet. d’Erik Poppe Potemkine Films (1 h 33) Page 32
Les Héritières de Marcelo Martinessi Rouge (1 h 38) Page 84
What You Gonna Do When the World’s on Fire? de Roberto Minervini Shellac (2 h 03) Page 68
Une affaire de famille de Hirokazu Kore-eda Le Pacte (2 h 01) Page 56
Sauver ou périr de Frédéric Tellier Mars Films (1 h 56) Page 84
Leto de Kirill Serebrennikov KinoVista / Bac Films (2 h 06) Page 70
Rémi sans famille d’Antoine Blossier Mars Films (1 h 49) Page 88
Le Grinch de Yarrow Cheney et Scott Mosier Universal Pictures (1 h 30) Page 89
Assassination Nation de Sam Levinson Apollo Films (1 h 50) Page 84
Pachamama de Juan Antin Haut et Court (1 h 10) Page 89
Pupille de Jeanne Herry StudioCanal (1 h 47) Page 84
12 DÉC.
ZOOM ZOOM
LES FILMS DU MOIS À LA LOUPE
UNE AFFAIRE DE FAMILLE
Le
À travers l’histoire d’une famille pas comme les autres qui baigne autant dans la tendresse que dans l’illégalité, Hirokazu Kore-eda fait coexister différents pôles de son cinéma. Entre discours social rageur, subtilité narrative et torrents d’émotion, la Palme d’or 2018 s’impose comme un grand film sentimental et politique qui redéfinit la question des liens familiaux dans un monde plus précaire que jamais.
cinéma du très prolifique Hirokazu Kore-eda (il a réalisé huit longs métrages de fiction ces dix dernières années) s’est vu accoler au fil du temps un certain nombre de qualificatifs : « sensibilité », « retenue », « pudeur », « délicatesse »… Des mots qui feraient presque oublier la puissante émotion que provoquent régulièrement les films du cinéaste japonais, ou encore la colère sociale qui animait par exemple Nobody Knows, en 2004, dans lequel quatre frères et sœurs abandonnés se retrouvaient livrés à eux-mêmes. Au début d’Une affaire de famille, on croise également une petite fille délaissée et maltraitée, à la différence que celle-ci est recueillie en pleine rue par une drôle de famille qui décide de l’héberger généreusement dans son foyer. Au cœur de ce logis fait de bric et de broc, la fillette découvre une solidarité et un sens de la débrouille qui lient indéfectiblement ces laissés-pour-compte. Vol à l’étalage, fraude à l’assurance et autres activités illégales constituent le quotidien de cette tribu faite d’un père chapardeur, d’une mère blanchisseuse, d’un fils qui sèche l’école,
FILMS
© PHILIPPE QUAISSE / PASCO
3 QUESTIONS À HIROKAZU KORE-EDA PAR T. Z.
d’une fille qui travaille dans un peep-show et d’une grand-mère arnaqueuse. Si la fantaisie et la chaleur humaine de cette communauté aussi amorale qu’attachante évoquent des fables comme La vie est belle de Frank Capra (1948), la grande force du film de Kore-eda est de faire vaciller en cours de route le tendre édifice patiemment construit. Les transgressions répétées plongent soudain les personnages dans la tourmente, et la dernière partie du film, en dévoilant au grand jour les secrets du groupe, éclaire d’une lumière nouvelle la fragile harmonie à laquelle le spectateur s’était habitué. En troquant l’intimité cotonneuse du début pour une tonalité de thriller judiciaire et une charge frontale contre le modèle social japonais, tenu responsable de brutales injustices, Kore-eda signe une œuvre foncièrement politique, subtile et engagée, qui touche au cœur. • DAMIEN LEBLANC
— : de Hirokazu Kore-eda Le Pacte (2 h 01) Sortie le 12 décembre
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Le ton du film est comique, une grande joie émane des personnages malgré la précarité dans laquelle ils vivent… Chacun travaille à sa manière, mais ils ne sont pas diplômés. J’avais envie qu’on sente qu’ils sont sur le fil mais que leurs crimes les unissent les uns aux autres – il y a peut-être de ça dans leur joie d’être ensemble. C’était aussi une façon de porter un regard inverse sur ce que notre société est en train de devenir : la famille a tendance à perdre un peu ses fondamentaux, qui sont cette chaleur humaine, cette solidarité, cette bienveillance. Le père n’est pas autoritaire et la mère n’est pas effacée… Est-ce pour retourner les rôles de genre qu’on attribue à la famille traditionnelle ? C’est un point commun à tous mes films. Je montre souvent un homme sur lequel on ne peut pas tellement compter, parfois même un peu effacé, et une femme qui assume ses responsabilités, qui est plus mature. C’est lié à mon vécu, j’ai été élevé par des parents comme ça. Ça me demanderait beaucoup d’efforts de faire le portrait d’un père autoritaire, car c’est quelque chose que je ne connais pas vraiment. Comment avez-vous filmé l’appartement de la grand-mère pour donner l’impression d’un cocon et non d’une prison ? C’est un tout petit espace, mais chacun y a sa place : le jeune garçon est dans le placard, la mère s’est approprié la cuisine… Ça donne un sentiment de bien-être malgré qu’il n’y a pas d’intimité possible, puisqu’il n’y a pas de portes comme en Occident. La grand-mère vit dans cette maison depuis environ soixante ans, et les autres occupants ont apporté leurs affaires : la superposition de ces couches donne aussi la sensation que chacun s’est approprié l’espace.
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PREMIÈRES SOLITUDES
En
faisant dialoguer des élèves d’un lycée d’Ivry-sur-Seine, Claire Simon (Le Bois dont les rêves sont faits, Le Concours) révèle des récits hyper émouvants sur leur rapport à la filiation et à la solitude. « J’aime bien voir comment les enfants grandissent quand les parents sont séparés ou pas. J’ai l’impression que ça crée une espèce de solitude. » Prononcée par la lycéenne Manon quand elle console son ami Hugo d’un chagrin d’amour, cette phrase pourrait résumer la démarche de Claire Simon pour son nouveau documentaire. Sollicitée pour réaliser un court métrage de fiction avec l’aide des élèves de première option cinéma du lycée Romain-Rolland d’Ivry-sur-Seine, la cinéaste les a d’abord interrogés, seuls, face caméra, sur le thème de la solitude. Elle n’a finalement pas gardé leurs puissants récits, souvent autour du divorce de leurs parents, car cela lui a suggéré une autre idée : réaliser un documentaire captant leurs discussions, à l’école ou dans le bus, sur des sujets évoqués lors de ces entretiens individuels. Alors que le dispositif aurait pu rendre la parole laborieuse ou artificielle, celle-ci se fait au contraire libre et réfléchie. L’écoute et la bienveillance qu’ils manifestent les uns envers les autres créent une sphère d’intimité qui permet,
par exemple, au mutique Hugo de se livrer jusqu’aux pleurs en avouant qu’il ne communique pas avec son père, et qu’il se sent « seul dans (sa) famille ». À seulement 16 ou 17 ans, on pourrait croire qu’ils ont déjà tout expérimenté de la solitude, tant leurs parcours sont poignants. Comme celui de la douce Lisa, qui explique très simplement, sans pathos, que sa mère est hospitalisée pour des troubles bipolaires et qu’elle est aussi délaissée par son père. Ou celui de Judith, née au Nigeria dans une famille nombreuse puis adoptée par une femme célibataire en France, qui évoque brièvement sa solitude passée et sa peur de s’y confronter à nouveau. Mais c’est aussi l’âge des passions : de l’écriture à la musique en passant par la danse de Bollywood, chacun s’est trouvé un espace rassurant. Il fallait l’approche patiente et attentive de Claire Simon pour capter, vingt ans après avoir filmé une cour de maternelle dans Récréations (lire p. 16), un portrait de la jeunesse si empathique et révélateur. • TIMÉ ZOPPÉ
La parole se fait libre et réfléchie.
— : de Claire Simon Sophie Dulac (1 h 40) Sortie le 14 novembre
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FILMS
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MON CHER ENFANT
Comment
affronter le départ inattendu d’un proche qui a fait le choix du djihadisme ? C’est la question abordée avec finesse par le Tunisien Mohamed Ben Attia, qui tourne le dos au film-dossier pour signer le portrait sobre et poignant d’un père désemparé. Attentionné voire un brin envahissant, Riadh, la soixantaine, s’inquiète pour son fils, Sami, en proie à des migraines alors que le bac approche. Un jour, le jeune homme disparaît, parti en Syrie sans donner d’explication. Sous le choc, Riadh se lance dans une entreprise déraisonnable : faire le voyage à son tour pour ramener son fils. Après avoir consacré son premier long métrage, le remarqué Hedi. Un vent de liberté (2016), à la jeunesse tunisienne, Mohamed Ben Attia s’intéresse ici à un homme d’une autre génération. Plutôt que
de spéculer sur les raisons du départ de Sami, le cinéaste a eu la judicieuse idée de s’attarder sur la figure d’un père déjà rendu vulnérable par la perspective de son départ à la retraite. Mohamed Dhrif excelle à incarner ce vieil homme vaillant à la démarche gauche. Maladroit dans l’expression de ses sentiments, Riadh est pourtant capable de mentir à sa femme, meurtrie, pour la protéger. Jamais pesant, Mon cher enfant a la générosité d’offrir à son héros des moments d’insouciance, en compagnie de collègues de travail ou d’amis d’un soir dans un bar. Comme si l’espoir passait forcément par le collectif. • JULIEN DOKHAN
— : de Mohamed Ben Attia Bac Films (1 h 44) Sortie le 14 novembre
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3 QUESTIONS À MOHAMED BEN ATTIA À travers le personnage de Riadh, vous vous intéressez à une génération dont on parle peu… Ce qui m’a intéressé, c’était de parler d’un homme qui a vécu sa vie. Il l’a pensée très simplement, en choisissant d’être d’abord un homme au travail, ensuite un mari, puis un père de famille. Dès lors qu’il perd son travail puis son fils, sa perception du bonheur change.
Était-il évident dès le départ que les motivations de Sami resteraient floues ? C’est difficile de croire détenir la vérité sur ce sujet. On a longtemps cru qu’il y avait un même endoctrinement pour tous ; hélas, les choses se passent d’une façon plus perverse. Et puis, dans le cas de Sami, on peut parler d’un mal-être existentiel plus que de raisons tangibles. 60
Le personnage de la collègue témoigne de la diversité de la société tunisienne… Quand je travaillais chez Renault, j’ai connu une collègue qui était comme la Sameh du film. Elle se bat pour sa famille, elle a un franc-parler et une ouverture d’esprit. Ce qui m’a intéressé, c’était ses paradoxes. Elle peut sembler très moderne et avoir peur du qu’en-dira-t-on.
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LES VEUVES
Le
cinéma politique et ultra stylisé de Steve McQueen, oscarisé pour 12 Years a Slave (2014), est-il compatible avec le film de braquage ? Réponse virtuose avec Les Veuves, beau polar au féminin. De Hunger (2008) à 12 Years a Slave (2014) en passant par Shame (2011), les films de Steve McQueen ont toujours eu quelque chose d’intimidant dans leur manière de dépeindre de spectaculaires chemins de croix (la faim, l’esclavage, l’addiction au sexe) avec une froideur d’esthète. Mais les âmes les moins sensibles à son dolorisme chic pourraient bien se rabibocher avec le cinéaste britannique. Dans Les Veuves, McQueen canalise son brio formel au service de l’efficacité du film de braquage. Un genre dont il respecte les codes (notamment en implantant son histoire à Chicago, ville de la corruption, du crime et du racisme, sublimée en de suaves panoramiques) tout en lui offrant un angle d’attaque contemporain : la révolte des femmes. Adapté d’une série télévisée
des années 1980 (Widows) par Gillian Flynn, l’auteure de Gone Girl, le film commence là où les autres polars finissent : avec la mort des braqueurs. Les hommes ne sont pas capables de faire le job correctement ? Au tour du sexe opposé de prendre, enfin, le relais. Si le temps du deuil existe bien dans Les Veuves, donnant lieu à de courtes respirations mélodramatiques sur fond de mélancolie soul, il laisse vite place à celui de la revanche et de l’action, explosive. Issues de milieux sociaux différents, les héroïnes (Viola Davis, Michelle Rodriguez, Elizabeth Debicki et Cynthia Erivo, superbe quatuor) vont devoir s’épauler pour se rebiffer. McQueen saisit leur émancipation d’un geste nerveux et coupant, d’autant plus irrésistible qu’il est serti d’humour noir. • ÉRIC VERNAY
— : de Steve McQueen 20th Century Fox France (2 h 09) Sortie le 28 novembre
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3 FILMS DE BRAQUAGE AU FÉMININ MAD MONEY
SPRING BREAKERS
OCEAN’S 8
de Callie Khouri (2008) Dans cette comédie inspirée de faits réels, trois femmes de ménage (Diane Keaton, Queen Latifah, Katie Holmes) braquent la Réserve fédérale américaine qui les emploie.
de Harmony Korine (2012) Prêtes à tout pour faire la fête au soleil, quatre naïades en bikini (dont deux sont jouées par des ex-princesses Disney) prennent les armes. Un cauchemar fluo sous acide.
de Gary Ross (2018) Humour, décontraction et casting all-star sont de mise dans cette relecture féminine du film de braquage (devenu franchise) de Steven Soderbergh.
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DIAMANTINO
Le
zinzin Diamantino, premier long de Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt, se confronte avec un vrai plaisir de l’absurde aux crises contemporaines, vues par les yeux candides d’un footballeur pro qui rêve de toutous roses géants jouant au ballon dans la mousse. On imagine que si Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt (qui font des films seuls mais parfois ensemble, comme le court A History of Mutual Respect) ont choisi le milieu du foot pro pour leur fable loufoque et détraquée, c’est parce qu’il concentre tout ce qu’il y a d’insensé dans nos sociétés : narcissisme démesuré, course à l’argent, individualisme… En y ajoutant une pincée de problématiques bien d’aujourd’hui (on n’y aborde rien de moins que le transhumanisme, la montée de l’extrême droite, le sort des migrants…), le tandem aurait pu faire le film le plus angoissant de la décennie. Sauf qu’ils choisissent de raconter ces travers du
point de vue du gentil Diamantino, sorte de Cristiano Ronaldo qui serait resté bloqué à 6 ans dans sa tête – d’où les shih tzu roses qui investissent le terrain dès qu’il marque. Après avoir raté un but, il tombe de son piédestal et tente de se réinventer en père adoptif d’un petit réfugié (en fait une espionne lesbienne) tandis que des seins lui poussent et que ses sœurs maléfiques tentent de l’utiliser pour qu’il devienne l’emblème d’un parti fasciste. Un peu à la manière de Dougie Jones, ce personnage enfantin et quasi sans intériorité qui dérivait sans but dans Twin Peaks. The Return de David Lynch, Diamantino nous ressemble en ceci que, nous aussi, nous traversons parfois ce monde délirant sans rien capter. • QUENTIN GROSSET
— : de Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt
UFO (1 h 36) Sortie le 28 novembre
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3 FILMS DE FOOT ARTY
SUBSTITUTE
ZIDANE. UN PORTRAIT DU XXI SIÈCLE
de Vikash Dhorasoo et Fred Poulet (2006) Vikash Dhorasso filme en super 8 son quotidien de joueur remplaçant pendant la Coupe du monde de 2006. Surtout avec des images un peu tristes de vestiaires vides.
de Douglas Gordon et Philippe Parreno (2006) Dix-sept caméras HD collent aux basques du grand joueur pendant un match du Real Madrid en 2005. Une impression d’immersion totale, au plus près de ses mouvements.
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LE PASSAGER d’Abbas Kiarostami (1974) Un enfant déploie toute son inventivité pour pouvoir assister à un match à Téhéran. Sauf que (spoiler), une fois sur place, il s’endort avant le début. Un grand film sur la frustration.
CANNES
SUNDANCE
TORONTO
SEMAINE DE LA CRITIQUE
FILM FESTIVAL 2018
FILM FESTIVAL 2018
2018
CAREY
NEW YORK FILM FESTIVAL 2018
JAKE
M U L L IG A N
GYLLEN H AAL
WILDLIFE UNE SAISON ARDENTE Un film de PA U L D A N O UNE AVEC FILMNATION ENTERTAINMENT JUNE PICTURES PRÉSENTE PRODUC MAGIC CHILD / NINE STORIES / SIGHT UNSEEN EN ASSOCIATION UN FILM DE PAUL DANO “WILDLIFE” CAREY MULLIGAN ED OXENBOULD BILL CAMP ET JAKE GYLLENHAAL PRODUCTEUR CASTING LAURA ROSENTHAL ASSOCIÉ DANI JOHNSON MUSIQUE SUSAN JACOBS COSTUMES AMANDA FORD PRODUCTEURS MONTAGE MATTHEW HANNAM LOUISE FORD DÉCORS AKIN MCKENZIE IMAGE DIEGO GARCIA DÉLÉGUÉS ZOE KAZAN TED DEIKER EDDIE VAISMAN PRODUIT PAR ANDREW DUNCAN ALEX SAKS PAUL DANO OREN MOVERMAN ANN RUARK JAKE GYLLENHAAL RIVA MARKER ADAPTÉ DU RÉALISÉ LIVRE DE RICHARD FORD SCÉNARIO PAUL DANO ET ZOE KAZAN PAR PAUL DANO TION
©CARACTÈRES
2018 WILDLIFE 2016, LLC.
19 DÉCEMBRE
FILMS
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LES CONFINS DU MONDE
Film
de guerre situé en Indochine, le nouveau Guillaume Nicloux (Valley of Love, The End) part de faits historiques réels pour mieux s’engouffrer dans des visions perturbantes et fantasmatiques. Difficile de réaliser aujourd’hui des films de guerre immersifs tant le genre a été épuisé à travers les années. Pour offrir netteté et précision à son projet, Guillaume Nicloux s’est justement penché sur une époque trouble et un conflit opaque. En 1945, tandis que la Seconde Guerre mondiale est en train de s’achever, des troupes hexagonales tentent de récupérer l’Indochine, mais la terrible riposte du Japon entraîne le 9 mars le massacre de nombreux Français. Le survivant Robert Tassen (Gaspard Ulliel), qui s’extrait littéralement du royaume des morts dans la première séquence, souhaite donc venger sa famille. Commence alors un récit spectral et fantomatique
dans lequel plusieurs rencontres aiguillent le personnage à travers l’apocalypse. Le militaire va notamment croiser un mystérieux écrivain (Gérard Depardieu), fréquenter un soldat aux airs de dur à cuire (Guillaume Gouix) et tomber amoureux d’une prostituée (Lang-Khê Tran). Cette errance physique et mentale mêle le chaos intime d’un homme à des thèmes plus larges : les ravages du colonialisme, l’enlisement sexuel, l’opposition entre pulsions destructrices et désirs de bonheur. Au moyen d’une mise en scène aussi brutale que mystique, le cinéaste atteint ainsi, au cœur des ténèbres, la grâce cinématographique. • DAMIEN LEBLANC
— : de Guillaume Nicloux Ad Vitam (1 h 43) Sortie le 5 décembre
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3 QUESTIONS À GUILLAUME NICLOUX Comment est née l’envie de réaliser ce film de guerre historique et organique ? Raoul Coutard [célèbre chef opérateur, ndlr], qui a signé la photo de mes premiers films, me parlait souvent de la guerre d’Indochine comme ce qu’il avait vécu de plus douloureux et de plus beau à la fois. Ce fascinant témoignage a fait écho plus tard à mon intérêt pour le coup de force de mars 1945.
Gaspard Ulliel parle d’un tournage dans des conditions très difficiles. On a en effet investi un lieu très prégnant, la jungle vietnamienne, avec son hostilité, son humidité, ses insectes. Il fallait se laisser absorber afin que la nature agisse sur nos corps. On était en perpétuelle connexion avec l’endroit, dans une exploration de nous-mêmes. 66
Quel point de vue portez-vous sur votre personnage et son rapport à l’altérité ? Tassen obéit à deux choses incontrôlables : le désir de vengeance et le désir d’amour. Ça le conduit dans les deux cas à une perte inéluctable. On peut éprouver de l’amour dans les conflits – c’est paradoxal –, car on ne se sent jamais autant vivants que quand on frôle la mort.
PARADOX PRÉSENTE «UTØYA, 22 JUILLET» AVEC ANDREA BERNTZEN ET ALEKSANDER HOLMEN BREDE FRISTAD ELLI RHIANNON MÜLLER OSBORNE SOLVEIG KOLØEN BIRKELAND JENNY SVENNEVIG INGEBORG ENES KJEVIK SOROSH SADAT ADA EIDE MARIANN GJERDSBAKK DANIEL SANG TRAN TORKEL DOMMERSNES SOLDAL MAGNUS MOEN KAROLINE SCHAU TAMANNA AGNIHOTRI CASTING FOLK & FILM MAQUILLAGE ELIZABETH BUKKEHAVE COSTUMES RIKKE SIMONSEN PRODUCTEUR EXÉCUTIF ROY ANDERSON SON GISLE TVEITO CHEF DÉCORATEUR HARALD EGEDE-NISSEN MONTAGE EINAR EGELAND IMAGE MARTIN OTTERBECK SCÉNARIO SIV RAJENDRAM ELIASSEN & ANNA BACHE-WIIG PRODUCTEURS DÉLÉGUÉS STEIN B. KVAE FINN GJERDRUM ERIK POPPE JAN PETTER DICKMAN PRODUIT PAR FINN GJERDRUM & STEIN B. KVAE RÉALISÉ PAR ERIK POPPE
FILMS
WHAT YOU GONNA DO WHEN THE WORLD’S ON FIRE?
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Dans
un coin de la Louisiane miné par le racisme et la pauvreté, l’Italien Roberto Minervini (Le Cœur battant, The Other Side) a tourné ce beau documentaire sur le quotidien d’une communauté d’Afro-Américains qui, par son énergie brute et sa fantaisie, déjoue les fatalités. Un an après le meurtre à Baton Rouge, en 2016, d’Alton Sterling – un Afro-Américain tué par deux policiers blancs –, Minervini pose sa caméra auprès de la communauté noire de La Nouvelle-Orléans, encore traumatisée par l’affaire. Dans cette éclatante chronique des oubliés, installée au creux de l’été, on croise par exemple les membres des Flaming Arrows (« flèches incandescentes »), tribu héritière d’une tradition ancienne – le jour du mardi gras, des Afro-Américains défilent en costumes d’Indiens pour rendre hommage aux indigènes qui, jadis, ont recueilli des esclaves en fuite. On rencontre aussi Judy, une quinquagénaire à la peau dure qui, au bord de la faillite, doit vendre son bar. Au détour d’une rue, Ronaldo veille sur son petit frère Titus, dans un quartier ennuyeux… Minervini filme des gens qui, longtemps
ghettoïsés, se sentent aujourd’hui menacés par un racisme plus offensif, marqué par les nombreux meurtres d’Afro-Américains par la police ces dernières années, en mettant par exemple en lumière la fièvre contestataire intacte du Black Panther Party – on est embarqués dans ses maraudes auprès des SDF ou ses manifestations pour scander « Black lives matter ». Sa mise en scène spectaculaire fait jaillir la beauté de recoins plus sales (dans une scène, au milieu d’une ruelle malfamée, Judy enlace une toxicomane dont la descente aux enfers fait écho à son histoire) et le caractère fabuleux de ses personnages – son noir et blanc capte le scintillement des perles portées par les Mardi Gras Indians, la chevelure blonde platine de la fière Judy, le rasage précis des cheveux de Ronaldo. Des détails qui symbolisent, à rebours de l’Amérique conservatrice et morne de Trump, un brûlant désir d’exister. • JOSÉPHINE LEROY
— : de Roberto Minervini
Shellac (2 h 03) Sortie le 5 décembre
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3 FILMS AUTOURS DU BLACK PANTHER PARTY THE MURDER OF FRED HAMPTON
MALCOLM X
PANTHER
de Mike Gray et Howard Alk (1971) Après le meurtre de Fred Hampton – dont ils voulaient initialement faire le portrait – par le F.B.I. et des policiers en 1969, Gray et Alk ont mené une riche enquête sur cette figure des Panthers de Chicago.
de Spike Lee (1992) Dans ce biopic puissant, Spike Lee explore les origines du radicalisme de Malcolm X (Denzel Washington), leader séparatiste opposé aux méthodes pacifistes de Martin Luther King, assassiné en 1965.
de Mario Van Peebles (1995) À Oakland, en 1966, la police promet à un Afro-Américain de payer ses études s’il infiltre les Panthers… Éclairant, le film raconte la naissance du mouvement et les ruses déployées pour l’éliminer.
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ALEXANDRE FILMS PRÉSENTE
CRÉATION
- PHOTOS © HUBERT FANTHOMME
Fanny Ardant
Vianney
Un film de Diane Kurys Avec Patrick Chesnais et la participation de Arielle Dombasle
LE 5 D É C.
AVEC JULES ROTENBERG ELLA LEYERS QUENTIN MINON KARIM BARRAS SCÉNARIO ORIGINAL SACHA SPERLING PIETRO CARACCIOLO MUSIQUE ORIGINALE PAOLO BUONVINO IMAGE GILLES HENRY SON HENRI MORELLE ROLAND VOGLAIRE CHRISTIAN FONTAINE DÉCORS PIERRE RENSON COSTUMES ÉRIC PERRON MONTAGE MANU DE SOUSA DIRECTEUR DE PRODUCTION PIERRE FOULON PRODUCTEURS EXÉCUTIFS YANN ARNAUD CLAUDE FENIOUX PRODUCTEURS DÉLÉGUÉS DIANE KURYS ET ALEXANDRE ARCADY COPRODUCTEURS SYLVAIN GOLDBERG SERGE DE POUCQUES NADIA KHAMLICHI CÉDRIC ILAND PRODUCTEURS ASSOCIÉS CHRISTOPHE FÉVRIER GUILLAUME ROY UNE COPRODUCTION ALEXANDRE FILMS NEXUS FACTORY UMEDIA RTBF (TÉLÉVISIONS BELGE) WORK IN PROGRESS FLAIR PRODUCTION EN ASSOCIATION AVEC UFUND ET LA PARTICIPATION DE LA WALLONIE LA RÉGION DE BRUXELLES CAPITALE ET DE CANAL+ OSC TV5MONDE ORANGE STUDIO AVEC LE SOUTIEN DU TAX SHELTER DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL DE BELGIQUE ET DES INVESTISSEURS TAX SHELTER AVEC L’AIDE DU CENTRE DU CINÉMA ET DE L’AUDIOVISUEL DE LA FÉDÉRATION WALLONIE - BRUXELLES ET DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE l’IMAGE ANIMÉE
FILMS
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LETO
Avec
une grâce désinvolte et une mélancolie enveloppante, Kirill Serebrennikov (Le Disciple) signe une fresque libertaire sur le punk russe des années 1970-1980. On se croirait dans des bastions bien connus du punk, peut-être Londres ou Manchester ; mais non, on est bien à Leningrad à l’aube des années 1980. En suivant, le temps d’un été, l’itinéraire des musiciens charismatiques Mike Naumenko et Viktor Tsoï, deux icônes disparues respectivement en 1990 et 1991, et de leur communauté dégingandée, Kirill Serebrennikov s’empare avec lyrisme et légèreté de la mythologie du rock eighties russe, oscillant entre un humour grinçant façon 24 Hour Party People de Michael Winterbottom et un ton plus cafardeux à la Control d’Anton Corbijn. C’est d’abord bien sûr la stupeur qui prend à la vision du film : on découvre que, sous Brejnev en U.R.S.S., des subcultures constituaient des blocs de défoulement juvénile et de vitalité créative, pas vraiment clandestins, mais relativement souterrains – le punk rock est dépeint comme accepté par l’État, mais les acteurs de cette scène doivent redoubler d’inventivité pour contourner la censure, particulièrement insidieuse, et l’injonction à la discipline (ce qui résonne bien sûr avec
l’assignation à résidence du réalisateur jusqu’en août dernier, officiellement pour fraude, officieusement parce qu’il gênait le pouvoir de Moscou). Pendant les concerts, il est par exemple interdit de jouer trop fort, et le public est sommé de rester assis. À plusieurs reprises dans le film, la comédie musicale s’invite alors, signalée par une incursion fièrement crade de l’animation ainsi que des standards (du David Bowie, du Iggy Pop) qui disent une certaine fascination pour la contre-culture de l’Ouest et viennent souligner l’envie d’en découdre avec l’ordre ambiant. D’où aussi une vision différente et implicitement contestataire du romantisme : le mentor Naumenko accepte que sa femme, Natasha, ait une relation parallèle avec son disciple, Tsoï, en passe d’ailleurs de devenir un artiste plus influent qu’il ne l’a jamais été. Les modalités de ce ménage à trois ne sont jamais observées avec drame ou cruauté, mais avec douceur et dignité, dans la lumière à la fois chaleureuse et un peu triste d’un été en noir et blanc. • QUENTIN GROSSET
Pendant les concerts, il est interdit de jouer trop fort.
— : de Kirill Serebrennikov
KinoVista / Bac Films (2 h 06) Sortie le 5 décembre
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FILMS
CÉLÉBRATION
— : d’Olivier Meyrou Norte (1 h 14) Sortie le 14 novembre
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Ce
fascinant documentaire, dont la sortie a été bloquée par Pierre Bergé de son vivant (il est décédé en 2017), revient sur le mythe Yves Saint Laurent et les rouages de sa légendaire maison. De 1998 à 2001, Olivier Meyrou (Au-delà de la haine) s’est immiscé dans les bureaux de l’avenue Marceau et lors de galas, défilés et interviews du créateur, et a saisi les images des dernières années d’un artiste devenu presque fantomatique, lunaire en entretien et effacé lors des célébrations autour de son génie. Celui qui se proclame, dans le film, le « dernier gardien d’une certaine élégance » est ainsi capturé en un instantané pre-mortem qui achève de l’instituer comme légende. En documentant aussi la tentative de Pierre Bergé de pérenniser l’héritage de son compagnon, brossant un portrait à la fois tendre et critique du couple (on découvre un Bergé parfois vaniteux et narcissique, ce qui motivait sans doute sa volonté d’empêcher la diffusion du film) et en mettant en lumière les travailleurs de l’ombre (associés, couturières), le cinéaste rend brillamment compte d’un empire qui a fini par dépasser son créateur. • HILÀRIO MATIAS DA COSTA
SAMI. UNE JEUNESSE EN LAPONIE
— : d’Amanda Kernell
Bodega Films (1 h 53) Sortie le 14 novembre
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Dans
son premier film, Amanda Kernell traite de l’oppression des Sámis, un peuple autochtone du nord de la Suède, pour mettre en lumière une part d’ombre de l’histoire de son pays. Christina, installée à Uppsala, accepte d’accompagner son fils à l’enterrement de sa sœur cadette. Ce retour sur le territoire sámi de ses origines plonge la vieille femme mutique dans ses souvenirs, et lance le film dans un long flash-back retraçant son parcours : l’enfance dans les années 1930 ; l’adolescence dans un internat suédois, à l’époque où le gouvernement enclenche un processus d’acculturation des Sámis ; la violence de la ségrégation et des premières évaluations ethniques (mesures corporelles, étude de la culture sámi sous un angle folklorique), véritable colonialisme intérieur qui la pousse ensuite à fuir vers la ville pour y devenir une « vraie » Suédoise… Passionnant pour son exploration très documentée d’une autre histoire de la Suède, le film tire sa force de son héroïne libre et paradoxale, pour qui le rejet radical des origines se mêle à un désir d’émancipation commun à tous les adolescents. • HILÀRIO MATIAS DA COSTA
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Une épopée sublime ” THE HOLLYWOOD REPORTER
8
Sélection Officielle
á
un film de
FONDATION GOODPLANET
arov Milko Laz
Asiy kylAEv ÉCRIT
khonovA, sERgEy EgoRov, AfAn
fEoDosiA ivAnovA, gAlinA TiREnz, sEBAsTiAn sChmiDT ET floRiAn mARquARRovDT AVEC mikhAil APRosimov, vA RÉALISÉ PAR milko lAzA BnT ET zDf/ARTE PRÉSENTENT ÁgAEvA DÉCOR ARiunsAiChAn DAwAAChu SON JohAnnEs DoBE PPRODUIT PAR vEsElkA kiRyAko m, ARizonA PRoDuCTions,Bozh l koun A 42fi AVEC PEnk N O UE q UCTI mUSI COPROD ov l EN i ET R BohR ET sEvDA shishmAnovA yAn RED CARP AnDE kAlo AgE AlEx m I v lE, l sEi lAvo s DE si E vEnT lAum mEon , ChRisToPh kukulA, guil PAR milko lAzARov ET si vA COPRODUCTEURS EikE goRECzkA mONTAgE vEsElkA kiRyAko
2 1 n ov
Arizona Distribution
FILMS
8, AVENUE LÉNINE
— : de Valérie Mitteaux et Anna Pitoun Point du Jour / DHR / À Vif Cinémas (1 h 40) Sortie le 14 novembre
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Les
documentaristes Valérie Mitteaux (Fille ou garçon. Mon sexe n’est pas mon genre) et Anna Pitoun donnent corps et voix à une communauté rom malmenée par les médias et par certains discours politiques. De 2002 à 2017, elles ont suivi le parcours de Salcuta Filan, une femme combative et joyeuse malgré les embûches (discriminations, expulsions, séparations d’avec ses enfants…), de son installation dans un camp de caravanes à Achères, dans les Yvelines, jusqu’à l’obtention de son premier appartement, dont l’adresse donne son titre au film. En immersion dans son intimité, on accompagne Salcuta au quotidien, dans des réunions associatives, alors qu’elle exerce de nombreux emplois ou qu’elle observe l’émancipation de ses deux enfants qui grandissent, se marient et sont parents à leur tour. Par ce choix rare de filmer leur héroïne durant quinze ans, les cinéastes s’attachent à montrer un processus d’intégration réussi, à mesure qu’il se déroule, tout en déconstruisant patiemment les clichés racistes. Elles documentent aussi avec tendresse la mue progressive d’une femme et d’une mère acharnée, en quête d’indépendance. • HILÀRIO MATIAS DA COSTA
TERRA FRANCA
— : de Leonor Teles Docks 66 (1 h 22) Sortie le 21 novembre
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Au
fil des saisons, le quotidien d’une famille portugaise au bord du Tage, dans la ville de Vila Franca de Xira. On pense d’abord avoir affaire au portrait du père, Albertino, vieux pêcheur bourru à l’œil alerte qui vient de se voir confisquer sa licence. Mais, peu à peu, les autres membres de sa famille prennent leur place au premier plan du documentaire : sa femme, Dalia, qui gère un snack, en plus du logis, et leurs filles, dont l’aînée va se marier. L’attente et les préparatifs nuptiaux cristallisent l’attention, faisant lentement dériver le récit et la parole vers d’autres contrées thématiques, comme l’évolution des mœurs et des traditions, sur fond de choc de générations. Quelques bouffées de bonheur seront arrachées çà et là au flux immuable du temps. Un flux capté avec indolence et subtilité par Leonor Teles dans un format d’image quasi carré et un bain de musique soul. La cinéaste portugaise, qui a elle-même grandi à Vila Franca de Xira, insuffle à cette mosaïque de mouvements répétitifs (sur fleuve, sol et ciel) son pouls particulier, impressionniste, entre hypnose inquiète et chaleur mélancolique. • ÉRIC VERNAY
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FILMS
ÁGA
— : de Milko Lazarov Arizona (1 h 37) Sortie le 21 novembre
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Le
cinéaste bulgare Milko Lazarov (Alienation) invite à un voyage contemplatif et métaphysique sur les traces des Iakoutes, un peuple sibérien. Nanouk (hommage revendiqué au Nanouk l’Esquimau de Robert Flaherty) vit en harmonie et en autarcie aux côtés de Sedna dans l’une des zones habitées les plus froides du globe. Alors que l’ombre de leur fille, Ága, partie pour la ville et jamais revenue, plane, le quotidien de ce couple de quinquagénaires est rythmé par la noble lenteur des traditions iakoutes, entre pêche et chasse en symbiose avec la nature, et récits de contes traditionnels. Mais les animaux environnants meurent tour à tour comme de funestes présages, tandis que Sedna est atteinte d’un mal incurable… Alors que d’immenses plans d’ensemble, dans un sublime 35 mm, rendent compte de l’effrayante beauté de ce désert de glace, la narration, lente et épurée, place l’action hors du temps. Par la chronique de la désagrégation d’un couple, le cinéaste élabore un discours sur la finitude de l’être humain et la menace que fait porter le monde moderne sur les modes de vie traditionnels. • HILÀRIO MATIAS DA COSTA
YOMEDDINE
— : d’A. B. Shawky Le Pacte (1 h 37) Sortie le 21 novembre
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Si
le cinéma peut être une prise de conscience, un état des lieux qui nous met le nez dans la réalité, il s’avère parfois un pansement consolatoire nécessaire. Étonnamment, ce premier film égyptien d’Abu Bakr Shawky réussit à être les deux. Sélectionné en Compétition officielle au dernier Festival de Cannes, Yomeddine émeut, indigne et console à la fois. Beshay (étonnant Rady Gamal), défiguré et mutilé par la maladie, vit dans une léproserie depuis son enfance au milieu du désert égyptien. À la mort de son épouse, il décide de partir à la recherche de ses origines, bien vite rejoint par un orphelin des rues. Misérabiliste sur le papier, le film a l’intelligence de transformer ce drame social en un road movie picaresque entraînant. Sans jamais oublier la gravité et la profondeur politique de son sujet (l’état des lieux d’un pays malade), le récit sait nous ménager des moments de légèreté, comme une politesse face à la violence du monde. Ce numéro d’équilibriste périlleux mais parfaitement maîtrisé, entre le sombre et le lumineux, fait de cette odyssée vagabonde un beau moment de cinéma. • RENAN CROS
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“Une belle fraîcheur” Positif
“Des actrices époustouflantes” Causette
Carmen & Lola Un film de Arantxa Echevarría avec Zaira Romero • Rosy Rodríguez
ACTUELLEMENT
FILMS
A BREAD FACTORY PART 1. CE QUI NOUS UNIT — : de Patrick Wang Ed (2 h 02) Sortie le 28 novembre
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ZOOM ZOOM
Conçu
comme une minisérie, le nouveau projet de l’Américain Patrick Wang (Les Secrets des autres) sort finalement sous la forme d’un diptyque et défend avec beaucoup d’humour l’importance sociale de l’art. Il y a quarante ans, les fantasques Greta et Dorothea ont transformé l’ancienne boulangerie industrielle d’une petite ville américaine en un espace artistique, culturel et populaire. Mais l’ouverture, dans la même rue, d’un centre d’art contemporain fondé par un jeune duo de performeurs snobs augure d’une gentrification porteuse de menace. Et lorsque les nouveaux venus tentent de truster les subventions, le débat (et la débâcle) s’engage pour savoir qui mérite d’en bénéficier… Par une succession de saynètes à l’absurde beckettien, Wang bâtit un comique de situation qui pointe les paradoxes du monde de l’art et ses dérives élitistes. Le choix du 16 mm et le mélange, sans hiérarchie, des genres – comédie, théâtre, comédie musicale et soap opera –confèrent au film un aspect artisanal, comme pour prôner l’union de l’art et du social jusque dans la forme. La deuxième partie, plus radicale, achèvera ce tableau ambitieux le 2 janvier prochain. • HILÀRIO MATIAS DA COSTA
DERNIERS JOURS À SHIBATI
— : d’Hendrick Dusollier Météore Films (59 min) Sortie le 28 novembre
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Le
Français Hendrick Dusollier a filmé pendant plus d’un an le quartier insalubre de Shibati, niché dans la grande ville chinoise de Chongqing. À l’arrivée, son tendre documentaire suit le processus de destruction de la zone (que les habitants doivent quitter pour être relogés dans des logements sociaux), mais s’intéresse surtout à celui d’intégration du cinéaste étranger. Sans se laisser démonter ni par l’accueil pas toujours chaleureux ni par la barrière de la langue, Dusollier noue progressivement des liens avec les habitants sur les pentes escarpées du quartier : il devient le compagnon de jeu d’un garçon vif, le confident d’une vieille dame au sourire candide, qui recycle ses ordures pour en faire des pièces artistiques, et le pote du seul coiffeur – et grand blagueur – du coin. Jouant sur le contraste avec le quartier d’affaires voisin, montré comme froid et hostile aux pauvres, il saisit l’arrachement douloureux des habitants de Shibati à leur autarcie (à la fin du film, le petit garçon regarde avec nostalgie la vue depuis la fenêtre de sa nouvelle chambre) et capture les précieux instants qui précèdent leur jetée dans les courants rapides de la modernité. • JOSÉPHINE LEROY
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EPICENTRE FILMS PRÉSENTE
"UNE COMÉDIE IRANIENNE POLITIQUEMENT INCORRECTE" FESTIVAL DU FILM GROLANDAIS
AVEC LEILA HATAMI LA RÉVÉLATION D’UNE SÉPARATION
UN FILM DE MANI HAGHIGHI
05. DÉC
FILMS
LA PERMISSION
— : de Soheil Beiraghi Sophie Dulac (1 h 28) Sortie le 28 novembre
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ZOOM ZOOM
Afrooz,
capitaine de l’équipe nationale féminine de futsal iranienne, est aux anges : sa formation vient de se qualifier pour la finale de la Coupe d’Asie des nations. Mais au moment d’embarquer pour la Malaisie, elle apprend qu’elle doit obtenir l’autorisation de son mari, dont elle veut divorcer, pour sortir du territoire. Elle doit alors le convaincre. L’Iranien Soheil Beiraghi (lire p. 44) s’inspire d’une histoire vraie et pointe le trouble statut social des Iraniennes, à qui l’État fait croire qu’elles peuvent exercer tous les métiers mais qui sont en fait infantilisées par la loi. La frustration qui en découle affleure à l’écran, notamment dans une scène de course-poursuite où Afrooz (impressionnante Baran Kosari) s’accroche au volant de sa voiture (dont le vrombissement fait écho à son bouillonnement intérieur) pour fuir son mari. En laissant les garants de l’autorité hors champ (le contrôleur aérien, le juge…), Beiraghi figure habilement un manque d’empathie généralisé, tout en suggérant que la lutte pour le droit des femmes iraniennes, ici incarnée par des personnages féminins forts – dont la tenace avocate d’Afrooz –, pourrait bien finir par porter ses fruits. • JOSÉPHINE LEROY
NOUS, LES COYOTES
— : d’Hanna Ladoul et Marco La Via New Story (1 h 27) Sortie 12 décembre
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Se
faire une place dans une ville comme Los Angeles n’est pas chose aisée. C’est ce vertige des débuts que les jeunes cinéastes français Hanna Ladoul et Marco La Via (lire p. 22) capturent dans leur premier long, Nous, les coyotes (sélectionné à l’ACID), puisant en partie dans leur propre vécu. On suit les mésaventures d’Amanda (Morgan Saylor, connue pour son rôle de Dana Brody dans la série Homeland) et de Jake (McCaul Lombardi, révélé dans American Honey d’Andrea Arnold), charmant couple de vingtenaires à la conquête de la Cité des Anges. Le film se concentre sur les vingt-quatre premières heures de leur arrivée. Cette unité de temps et de lieu, inspirée par la trilogie Before de Richard Linklater, confère intensité romanesque et rugosité documentaire à cette errance lo-fi dans la jungle interlope de L.A. Loin du glamour de Hollywood, la métropole californienne offre ici le visage ambivalent d’une société américaine aussi cool dans l’attitude que socialement impitoyable (voir la terrible scène d’entretien dans le milieu culturel branché). Pour l’apprivoiser, mieux vaut se serrer les coudes. Un attachant survival romantique. • ÉRIC VERNAY
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« Un bijou de grâce et d’émotion » TÉLÉRAMA
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COMPÉTITION FRANÇAISE
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PRIX DU MEILLEUR DOCUMENTAIRE FRANÇAIS & PRIX DU JURY JEUNES
IDFA PRIX SPÉCIAL DU JURY
DERNIERS JOURS
A SHIBATI UN FILM DE HENDRICK DUSOLLIER
PRIX DU JURY & PRIX DU PUBLIC
THIS HUMAN WORLD
PRIX DU MEILLEUR DOCUMENTAIRE
AU CINÉMA LE 28 NOVEMBRE
FILMS CARMEN ET LOLA
Dans les quartiers gitans de la banlieue madrilène, Carmen, 18 ans, se fiance à un jeune homme de son âge, comme le veut la tradition. Mais sa rencontre avec Lola, 16 ans, la pousse à transgresser les tabous… Sur un ton doux-amer mêlant candeur et réalisme social, le film fait de leur idylle le révélateur du sexisme et de l’homophobie de leur communauté. • H. M. D. C.
— : d’Arantxa Echevarría (Eurozoom, 1 h 43) Sortie le 14 novembre
LES CHATOUILLES
Enfant, Odette a été abusée par le meilleur ami de ses parents (Pierre Deladonchamps). Adulte, elle tente de se défaire du mal qui la ronge par la danse et une thérapie durant laquelle elle se projette, avec sa psy, dans ses souvenirs… Andréa Bescond adapte et interprète sa propre histoire mais désamorce le pathos par une mise en scène inventive et enlevée. • T. Z .
— : d’Andréa Bescond et Éric Métayer (Orange Studio Cinéma / UGC, 1 h 43), sortie le 14 novembre
FRÈRES DE SANG
Dans la banlieue de Rome, Manolo et Mirko rêvent de fuir leur morne quotidien. Quand ils renversent un homme recherché par un puissant clan mafieux, ils voient là l’occasion rêvée d’intégrer l’organisation… Brutal et corrosif, ce premier film dépoussière un genre éculé pour étudier la violence du « devenir homme » mêlée aux problèmes sociaux de l’Italie. • H. M. D. C.
— : de Damiano et Fabio D’Innocenzo (ARP Sélection, 1 h 35) Sortie le 14 novembre
MAUVAISES HERBES
Inséparables, un facétieux trentenaire (Kheiron) et une retraitée rusée (Catherine Deneuve) vivent de vols de caddies. Un jour, le directeur d’un centre de réinsertion pour ados leur propose de l’aider bénévolement… Cette attachante comédie sociale du réalisateur de Nous trois ou rien subvertit avec humour les clichés sur les jeunes de banlieue. • H. M. D. C.
— : de Kheiron (Mars Films, 1 h 40) Sortie le 21 novembre
LES FILLES DU SOLEIL
Après un premier long sur la sexualité débridée des ados (Bang Gang, 2016), Eva Husson faisait cette année son entrée dans la Compétition cannoise avec ce drame exalté mettant en parallèle les parcours de deux femmes endeuillées : une combattante kurde contre Daech (Golshifteh Farahani) et une journaliste (Emmanuelle Bercot) venue documenter son combat. • J. R.
— : d’Eva Husson (Wild Bunch, 1 h 55) Sortie le 21 novembre
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FILMS AFTER MY DEATH
Dans un lycée de jeunes filles, la jeune Young-hee est accusée par les autres élèves d’avoir persécuté et mené une camarade de classe au suicide. Elle cherche à prouver son innocence… Le réalisateur sud-coréen Kim Ui-seok a des visions baroques qui illuminent ce thriller tortueux et désespéré, façon Virgin Suicides en beaucoup plus dark. • Q. G.
— : de Kim Ui-seok (Les Bookmakers / Capricci Films, 1 h 53) Sortie le 21 novembre
GAME GIRLS
L’impulsive et grandiloquente Teri et son amoureuse plus terre à terre Tiahna cherchent à survivre à Skid Row, quartier le plus défavorisé de L.A. Des rues aux administrations et centres d’aide, la caméra suit Teri dans sa volonté acharnée de changer de vie malgré ses humeurs chaotiques, dans ce documentaire tendre sur un milieu qui ne l’est jamais. • T. Z .
— : d’Alina Skrzeszewska (Vendredi, 1 h 30) Sortie le 21 novembre
LES BONNES INTENTIONS
Impliquée dans l’humanitaire au point de délaisser ses propres enfants, Isabelle (Agnès Jaoui) assure des cours d’alphabétisation. Piquée lorsqu’une nouvelle enseignante promet du travail à ses élèves, elle surenchérit en décidant de faire passer le permis de conduire aux siens… Cette comédie irrévérencieuse interroge les ressorts de l’altruisme. • H. M. D. C.
— : de Gilles Legrand (20th Century Fox, 1 h 40) Sortie le 21 novembre
THE MUMBAI MURDERS
À Bombay, le criminel Ramana s’inspire d’un tueur en série des années 1960 pour commettre des meurtres horribles. Raghavan, un bad cop impulsif, se lance à ses trousses et découvre que Ramana lui adresse des messages… Violence poisseuse et mise en scène effrénée, le nouveau film d’Anurag Kashyap se place dans le droit fil de son bouillant Gangs of Wasseypur. • Q. G.
— : d’Anurag Kashyap (Stray Dogs, 2 h 07) Sortie le 21 novembre
VOYAGE À YOSHINO
Au Japon, une Française (Juliette Binoche) part à la recherche d’une plante médicinale rare aux vertus mystérieuses. Un garde forestier (Masatoshi Nagase) l’accompagne… Naomi Kawase (Vers la lumière) ressuscite des mythes ancestraux en fusionnant, dans de beaux plans oniriques, la nature foisonnante, dangereuse, et les souvenirs de son héroïne fougueuse. • J. L .
— : de Naomi Kawase (Haut et Court, 1 h 49) Sortie le 28 novembre
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FILMS SAUVER OU PERIR
Jeune pompier de Paris vaillant et amoureux de sa femme (Anaïs Demoustier), Franck (Pierre Niney) est gravement brûlé lors d’une intervention… Après L’Affaire SK1, Frédéric Tellier réinvente l’idéal héroïque sous un jour plus humain et réaliste en engageant son personnage dans une lutte pour sa réinsertion sociale malgré les stigmates du handicap. • H. M. D. C.
— : de Frédéric Tellier (Mars Films, 1 h 56) Sortie le 28 novembre
LES HÉRITIÈRES
Au Paraguay, une héritière sexagénaire voit sa fortune décliner dangereusement. Alors que sa compagne de longue date est écrouée pour fraude, elle se retrouve pour la première fois seule pour assumer sa vie… Délicat premier long métrage, Les Héritières dépeint avec pudeur une éclosion tardive et progressive sur fond de lutte des classes. • T. Z .
— : de Marcelo Martinessi (Rouge, 1 h 38)
Sortie le 28 novembre
PUPILLE
Alors qu’Alice (Élodie Bouchez) souhaite adopter depuis des années, un espoir se présente quand une jeune mère hésite à garder – ou non – son bébé… En croisant autour de ce noyau les récits intimistes des acteurs sociaux qui traitent ce type de dossiers, cet émouvant film choral nous éclaire sur les dessous d’une procédure complexe. • J. L .
— : de Jeanne Herry (StudioCanal, 1 h 55) Sortie le 5 décembre
ASSASSINATION NATION
Dans une banlieue américaine tranquille, quatre lycéennes inséparables et décomplexées doivent lutter, le temps d’une nuit, contre des hordes d’ultraconservateurs hargneux après qu’un hacker a révélé des échanges privés de certains habitants sur les réseaux. Mi-teen movie, mi-survival, Assassination Nation est une virulente charge contre le patriarcat. • T. Z .
— : de Sam Levinson (Apollo Films, 1 h 50) Sortie le 5 décembre
MA MÈRE EST FOLLE
Tout oppose Nina (Fanny Ardant), sexagénaire fantasque et inconséquente, à son fils, Baptiste (Vianney), jeune homme réservé parti vivre aux Pays-Bas. Lorsque sa maison est saisie par les huissiers, Nina effectue un go fast jusqu’à Rotterdam pour se refaire, embarquant malgré lui son « Babou » dans un road trip déjanté qui compliquera leur réconciliation. • H. M. D. C.
— : de
Diane Kurys (Rezo Films, 1 h 35)
Sortie le 5 décembre
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“ Entre mélancolie, drôlerie et cruauté ” leS inROCKuPTiBleS
“ D’une beauté qui rappelle les derniers films de Resnais ” libération
un film de
Hong SangSoo
Au cinémA le 19 décembre
COUL’ KIDS
VIKASH DHORASOO Adèle, Esther, Ibrahima et Paul sont en cinquième. Ils ont rencontré Vikash Dhorasoo, ancien joueur de l’équipe de France de football, passé par les clubs du Havre, de Lyon, de Bordeaux, du PSG et de l’AC Milan… En 2011, il a cocréé l’association Tatane, « pour un foot durable et joyeux », qui tient notamment tous les mercredis une école de foot pour toute la famille dans le parc de la Villette.
Est-ce que petit, déjà, tu voulais jouer au foot ? Oui, je viens d’un quartier populaire du Havre, Caucriauville, et on se retrouvait tous les soirs en bas de l’immeuble : les vieux, les jeunes, les filles, les garçons, les Noirs, les Blancs, les Arabes… On jouait tous au foot. C’était marrant parce qu’il n’y avait pas de début, pas de fin, juste la tombée de la nuit qui nous obligeait à arrêter. Est-ce que c’est dur de devenir footballeur pro ? Oui, très dur, et de le rester aussi ! Il y a beaucoup de concurrence, c’est un métier très physique, qui s’apprend jeune, alors il faut être fort mentalement. Il faut toujours essayer d’être le meilleur, parce qu’au final très peu de footballeurs passent professionnels. Est-ce qu’il faut être bon comédien pour jouer au foot ? Non, il faut seulement être bon footballeur. Oui mais pour simuler ? Je voyais bien où tu voulais en venir, mais parfois on pense que le joueur simule alors qu’en fait il a juste anticipé. Si, en pleine course, on met une jambe devant toi, tu n’as pas d’autre
L’INTERVIEW LE DÉBRIEF Adèle : « On était bien tous ensemble, on était tous contents de se rencontrer. » Ibrahima : « Il nous parlait simplement, comme si on était des amis de longue date. J’ai beaucoup apprécié. Et c’était génial de jouer avec lui. À un moment, j’ai même réussi à lui prendre la balle ! »
choix que de tomber pour éviter de te prendre un coup. Le foot, c’est un sport de balle qui a ceci de particulier et d’unique qu’on y joue avec les pieds. Ce qui veut dire qu’il n’est jamais vraiment à toi ce ballon ; même Messi, « le meilleur joueur du monde », quand il a le ballon au bout du pied, il ne lui appartient pas. Si j’ai le ballon dans la main, c’est le mien, mais si je l’ai au pied, on peut venir me le piquer à n’importe quel moment. Les autres joueurs essaient de te le prendre, ils te taquinent les chevilles... Moi, j’ai des balafres partout. Quelle a été ta réaction quand les Bleus ont gagné la Coupe du Monde cette année ? J’étais super content. Et puis je l’aime bien, cette équipe de France, elle a une belle couleur. Pourquoi avoir créé l’association Tatane ? Avec Tatane, on propose juste de jouer au foot, et il se trouve que ça permet de lutter contre la discrimination. On pense qu’en jouant au foot, il se passe des choses : faire la passe
à quelqu’un, ça veut dire quelque chose… Le foot, c’est un prétexte pour que les gens se parlent et se croisent. Il y a un écrivain, Eduardo Galeano, qui a écrit : « On a perdu, on a gagné, on s’est bien amusés. » C’est une phrase qui nous rassemble et nous ressemble bien, à Tatane ! Pourquoi ce nom ? Une tatane, c’est une vieille chaussure, il y a des expressions comme « mettre un coup de tatane dans la fourmilière » que j’aime bien. Et puis la tatane, ça représente le foot qu’on joue en bas de l’immeuble, avec des godasses un peu cabossées. Est-ce que tu veux faire une petite partie de foot ? Allez, on fait un match ! • PROPOS RECUEILLIS PAR ADÈLE, ESTHER, IBRAHIMA ET PAUL (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE) PHOTOGRAPHIE : MIKE IBRAHIM
— : « Maison Tatane », école de foot libre et populaire avec de nouvelles règles, tous les mercredis de 14 h à 18 h à la Folie no 7, parc de la Villette
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TOI AUSSI TU AS ENVIE DE RÉALISER UNE INTERVIEW ? DIS-NOUS QUI TU AIMERAIS RENCONTRER EN ÉCRIVANT À BONJOUR@TROISCOULEURS.FR
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COUL' KIDS
Paul : « Quand on joue avec lui, on voit tout de suite que c’est un champion. »
LA CRITIQUE DE LÉONORE, 7 ANS
COUL’ KIDS
RÉMI SANS FAMILLE
« Le film s’appelle Rémi sans famille, mais c’est faux parce qu’en fait Rémi a une famille. D’habitude on appelle “famille” les gens qui nous fabriquent, mais en fait c’est plus large que ça. La famille, ce sont des gens qui prennent Rémi sans lui faire du mal et qui lui apprennent des choses, comme la fermière du début qui l’adopte, et aussi le vieux monsieur qui s’appelle Vitalis. On ne sait pas trop si cette histoire a vraiment existé. Je pense qu’il y a des enfants qui pourraient vivre comme Rémi, comme les enfants pauvres que je vois dans la rue. En même temps je pense que ça n’a pas vraiment existé. Et puis, en plus, au début, j’ai vu écrit “décor”, et ça, c’est bien la preuve que c’est pour de faux. Le film est vraiment bien, mais il est quand même brusque, parce qu’il y a beaucoup de personnes pas gentilles, et même des gens qui veulent tuer un enfant. C’est horrible de vouloir tuer un enfant ! Des fois, j’avais peur que Rémi meure. Mais heureusement, c’est Rémi en vieux qui raconte l’histoire, donc je me souvenais vite qu’il ne pouvait pas mourir. »
LE PETIT AVIS DU GRAND La grande qualité du film d’Antoine Blossier est d’avoir su renouer avec le caractère romanesque du roman d’Hector Malot : de son esthétisme pictural à la fougue de sa narration, cette adaptation fidèle ose abattre la carte du mélodrame et se permet même quelques virées dans le pur cinéma de genre (une séquence cite la fameuse scène du dîner de Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper !) pour proposer un divertissement populaire généreux, soigné et passionné. • JULIEN DUPUY
— : d’Antoine Blossier Mars Films (1 h 49) Sortie le 12 décembre dès 7 ans
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COUL’ KIDO EST CACHÉ 3 FOIS DANS CETTE DOUBLE PAGE… SAURAS-TU LE RETROUVER ?
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TOUT DOUX LISTE
CARAMBA SPECTACLES ET LE CIRQUE ÉLOIZE PRÉSENTENT
LA NAISSANCE LIVRE
La ville brûle réédite trois œuvres incontournables et féministes, parues dans les années 1970, de l’auteure de Mimi Cracra. Aux côtés de De la Coiffure et des Filles, La Naissance évoque sans détour la sexualité, la contraception et les rapports hommes-femmes, pour étancher avec finesse la curiosité des petits. • H. M. D. C.
: d’Agnès Rosenstiehl
(La ville brûle, 52 p.), dès 6 ans
LE GRINCH CINÉMA À Chouville, la fête bat son plein : cette année, on prépare un Noël trois fois plus gros ! Mais Grinch compte bien le saboter en remplaçant le Père Noël… Cette adaptation moderne du classique du Dr Seuss promet d’hilarantes (et grincheuses) fêtes. • H. M. D. C.
: de Yarrow Cheney et Scott Mosier
(Universal Pictures, 1 h 30), sortie le 28 novembre, dès 4 ans
COMÉDIES MUSICALES : LA JOIE DE VIVRE AU CINEMA © D R
EXPOSITION De Chantons sous la pluie à La La Land, l’histoire de la comédie musicale se déploie en un parcours (en)chanteur entre projections géantes d’extraits de films et documents rares, ateliers d’initiation aux claquettes et espace dédié aux enfants pour pouvoir notamment chantonner l’air des Aristochats. • H. M. D. C.
©JimMneymeh ©LaurenceLabat ©LaurenceLabat
©JimMneymeh
: jusqu’au 27 janvier à la
Philharmonie de Paris, dès 4 ans
PACHAMAMA
DATES SUPPLÉMENTAIRES
CINÉMA Dans un village de la cordillère des Andes, les Incas ont subtilisé le totem de la déesse Pachamama. Tepulpaï et Naïra partent à sa recherche jusqu’à Cuzco, assiégée par les conquistadors… Ce magnifique conte poétique propose une relecture critique de l’histoire. • H. M. D. C.
: de Juan Antin (Haut et Court, 1 h 10), sortie le 12 novembre, dès 4 ans
DU 28 NOV. 2018 AU 6 JANV. 2019 THÉÂTRE LE 13ÈME ART, PARIS INFOS & RÉSERVATIONS : WWW.CARAMBA.FR , WWW.FNAC.COM, WWW.LE13EMEART.COM ET POINTS DE VENTE HABITUELS
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CECI N’EST PAS DU CINÉMA
CRASH PARK
— : « Crash Park. La vie d’une île » de Philippe Quesne du 20 novembre au 9 décembre au Théâtre des Amandiers (Nanterre) (1 h 45)
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Philippe
Quesne est un homme de géographie plus que d’histoire. Formé à la scénographie, il compose depuis 2003 des spectacles comme autant de mondes in vitro, des écosystèmes autonomes soumis à leur propre logique et dans lesquels les hommes, les animaux, les insectes et les plantes cohabitent avec plus d’ouverture d’esprit que sur notre planète. Du marécage de Swamp Club, où des artistes apprenaient à vivre en milieu hostile, aux cavernes aux accents de parc d’attractions de La Nuit des taupes, Quesne, également directeur du Théâtre des Amandiers, a exploré différentes topographies aux imaginaires puissants, y déployant de multiples microhistoires. Car ce qui l’intéresse, ce n’est
© VINCENT ARBELET
SPECTACLES
LA BIBLE. VASTE ENTREPRISE DE COLONISATION D’UNE PLANÈTE HABITABLE. L’absurde de Céline Champinot va toujours trop loin, mais n’est jamais gratuit. Dans Vivipares (posthume), son dernier spectacle, ses visions dégénérées de Judy Garland, David Bowie et Charles Bukowski finissaient sur un radeau, et c’est sur cette lancée de fin du monde acidulée que repart La Bible. Où l’on suit les aventures de cinq scouts en colère contre ce dieu qui a permis aux hommes d’user de la nature jusqu’à la détruire. • A. J.-C.
: de Céline Champinot du 20 novembre au 8 décembre au Théâtre de la
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© NINO LAISNÉ
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Bastille (1 h 45)
ROMANCES INCIERTOS. UN AUTRE ORLANDO
pas les actions grandioses ou les sentiments tragiques, mais bien de créer des paysages mouvants dans lesquels les spectateurs, en patients observateurs du vivant, seraient libres de fixer leur attention où bon leur semble et de s’inventer leur propre narration. Pour Crash Park, sa nouvelle création, il fait d’une île son personnage principal. Dans cet espace clos façonné par les rêves enfantins d’aventure et de mystère, il catapulte les rescapés d’un accident d’avion. Conte survivaliste de fin du monde ou opportunité pour façonner un contrat social plus harmonieux entre les hommes et la nature ? Tout dépendra du chemin pris par nos nouveaux Robinsons, comme de leurs rencontres avec la flore et la faune locale. • AÏNHOA JEAN-CALMETTES
Personnage créé par Virginia Woolf, Orlando est insaisissable. D’une métamorphose à une autre, tantôt femme, tantôt homme, il traverse les siècles, son désir de liberté totale en étendard. Un alter ego tout trouvé pour François Chaignaud, performeur hors pair et roi du travestissement. Sous la direction de Nino Laisné, le danseur laisse s’exprimer son amour pour les trésors musicaux des répertoires oubliés. • A. J.-C.
: de François Chaignaud et Nino Laisné du 18 au 21 décembre au Théâtre national de Chaillot (1 h 10)
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URIEL ORLOW
EXPOS
— : « Affinités des sols », aux Laboratoires d’Aubervilliers
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Uriel Orlow, Soils Affinities (champ de fleurs d’oignons pour semences, Somankidi Coura, Mali), 2018
© URIEL ORLOW
jusqu’au 8 décembre
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L’artiste
suisse présente le résultat de plus d’une année de recherches et de pérégrinations autour de l’histoire végétale et agricole d’Aubervilliers. Jusqu’au début du xixe siècle, la commune était recouverte de champs, et 80 % des légumes vendus aux Halles étaient produits sur la plaine des Vertus, parmi lesquels des espèces spécifiques comme le chou de Milan gros ou l’oignon jaune paille des Vertus. À l’issue de la conférence de Berlin en 1884-1885, les colonies attribuées à la France en Afrique font progressivement l’objet d’exploitations agricoles et d’expérimentations botaniques. Une agriculture coloniale autour de plantes « économiques » se met en place, en même temps que des « jardins d’essais » testent la culture de certaines espèces, importées depuis Aubervilliers notamment, transportées dans des caisses de Ward faites de bois et de verre pour laisser filtrer la lumière. Délocalisées, ces cultures repartiront ensuite alimenter les étals de Rungis – et d’Aubervilliers… Dans un dispositif minimaliste constitué de caissons en bois servant de réceptacles à différents matériaux (vidéos, photos, documents, terre, etc.), Orlow donne à voir les traces de cette histoire qui, si elle se déroule dans le temps, se situe aussi dans une multiplicité de lieux, du fait de ce passé colonial, des flux économiques et autres mouvements migratoires comme autant de déplacements et déterritorialisations rappelant les facultés de dissémination des plantes et le pouvoir germinatif des (micro)récits. • ANNE-LOU VICENTE
Orlow donne à voir les traces de cette histoire qui se situe dans une multiplicité de lieux, du fait de ce passé colonial.
MICHEL JOURNIAC
ALBERT OEHLEN
Figure emblématique du body art, Michel Journiac a marqué les années 1970 au fer rouge. Mort d’une hémorragie cérébrale en 1995, ses autoportraits en travesti comme ses « rituels » (Messe pour un corps) mettent en scène le corps comme « viande socialisée ». Deux expositions, un focus à la FIAC et un livre (Michel Journiac. Le corps travesti, Les Presses du réel) célèbrent cette œuvre essentielle. • JULIEN BÉCOURT
Oehlen est indéniablement l’un des plus grands peintres actuels. En réinvention et en déconstruction permanentes, sa peinture se nourrit de techniques issues de l’Expressionnisme, du geste minimaliste et d’images créées par ordinateur. Sur ces immenses monochromes jaunes laqués, lignes, surfaces et profondeur s’embranchent organiquement à la manière d’arborescences. Un festin pour les yeux. • J. B.
Christophe Gaillard et Loevenbruck
à la galerie Max Hetzler
: jusqu’au 24 novembre aux galeries
: jusqu’au 21 décembre
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ART COMPRIMÉ Tous les mois, notre chroniqueuse vous offre un concentré des dernières réjouissances du monde de l’art.
Exposition 13 octobre 2018 6 janvier 2019 Fondation d’entreprise Galeries Lafayette 9 rue du Plâtre F-75004 lafayetteanticipations.com #expoSimonFujiwara
Simon Fujiwara, Likeness, 2018. Courtesy de l’artiste ; Esther Schipper, Berlin ; Lafayette Anticipations – Fondation d’entreprise Galeries Lafayette, Paris. Photo : Marc Domage
L’histoire incroyable qui a ému (ou pas) le monde entier le mois dernier, c’est cette œuvre de Banksy qui s’est autodétruite pendant une vente aux enchères chez Sotheby’s, à Londres, le 5 octobre. Estimée entre 200 000 et 300 000 livres, Girl with Balloon, une peinture d’une fillette lâchant un ballon rouge, a été adjugé pour un peu plus d’un million de livres. Puis, sous les yeux ébahis de l’assistance, la toile a été en partie lacérée par un système de broyeur caché dans son cadre. Les experts peinent à croire que Sotheby’s n’ait pas été au courant, comme Banksy et la maison l’affirment. En tout cas, la valeur de l’œuvre, rebaptisée Love Is in the Bin, aurait doublé après cette juteuse mise en scène. • Toujours en salles (des ventes) : un paquet de Gitanes Caporal, comprenant un mégot fumé en 1996 par Johnny Hallyday et récupéré alors par un fan, a été acheté 319 euros par un autre fan lors d’une vente aux enchères chez Drouot, à Paris, le 20 octobre. • Des dealers californiens ont eu l’idée, plutôt originale, d’évider des masques et autres artefacts d’inspiration aztèque en toc pour y planquer 11 kg de méthamphétamine. En route pour Hawaï, ils ont été interceptés par la douane américaine. • Depuis le 1er novembre, les praticiens membres de l’association Médecins francophones du Canada peuvent prescrire à leurs patients – qu’ils soient en soins palliatifs, atteints de dépression ou de diabète – une visite au musée des Beaux-Arts de Montréal. Et ce programme pilote est remboursé par la Sécu ! • MARIE FANTOZZI ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL
REV OLUT
RESTOS
ÇA, C’EST PARIS !
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© YANN DERET
Paris, Ville Lumière, ville des arts, de la culture, mais Paris ville où l’on mange ! De restaurants, de brasseries ou de bistrots mythiques, la capitale regorge. Pour durer, ils se réinventent, ou pas, à l’image de La Coupole, de La Tour d’Argent et du Bouillon Chartier.
LA COUPOLE À 90 ans, La Coupole a décidé de faire un lifting. Ce n’est pas le premier, mais c’est le plus réussi. Le groupe Bertrand, également propriétaire d’autres lieux emblématiques de la capitale (Lipp, La Lorraine…), donne une deuxième jeunesse à cette grande brasserie née en 1927, à une époque vraiment folle. Fréquentée par les bandes de Cocteau, de Picasso, de Beauvoir et de Sartre, elle ne semblait plus être, depuis des années, que le refuge des seniors amateurs de dancing. Débarrassée de sa verrière sur le boulevard, la vieille dame renoue avec sa terrasse, poste d’observation idéal pour les Montparnos du xxie siècle. Le bar américain, à gauche en entrant, sort de l’ombre, le banc d’écailler retrouve sa fraîcheur. Mais quand on s’attable sur les banquettes confortables, la carte ne joue pas l’air du temps modeux d’une certaine bistronomie parigote. On assume les plateaux de fruits de mer, les poissons précieux (dos de cabillaud rôti, bar entier façon Colbert, sole meunière), les choucroutes (strasbourgeoise, de la mer, maison ou royale), la viande canaille (pied de cochon grillé, rognons de veau, tartare de bœuf charolais aux couteaux, steak au poivre). Et le curry d’agneau, présent dès l’ouverture, reste fidèle au poste. Côté desserts, île flottante, mi-cuit au chocolat, profiteroles au chocolat chaud ou baba au rhum ambré, bien sûr. Le tout sans se ruiner, avec un impeccable menu Boulevard le midi à 19,50 €. Menu Joséphine : 55 €. Carte : environ 40 €. • STÉPHANE MÉJANÈS
: 102, boulevard du Montparnasse, Paris XIVe
LA TOUR D’ARGENT
BOUILLON CHARTIER
Le plus vieux (1582), la plus belle vue, la plus belle carte des vins (400 000 bouteilles). Et une cuisine qui évolue avec l’arrivée de Philippe Labbé, au plus près des produits (tomates bio multicolores de pleine terre ou cochon de lait basque Pio de Navarre). Il faut casser son P.E.L. mais la rôtisserie, au rez-de-chaussée, permet d’effleurer le mythe (carte : environ 50 €). • S. M
Cent vingt-deux ans que ça dure : les colonnes, les miroirs, les serveurs pingouins qui griffonnent l’addition sur la nappe à carreaux. Mais ça ne désemplit pas, on vient sans réservation, on se mélange et on se régale d’une soupe à 1 €, d’un œuf mayo, d’un poulet fermier rôti avec des frites et d’une crème aux œufs. Carte : à partir de 11,70 €. • S. M
: 15, quai de la Tournelle, Paris Ve
: 7, rue du Faubourg-Montmartre, Paris IXe
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CONCERTS
THE PIROUETTES — : le 29 novembre à l’Olympia
© FIONA TORRE
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Voletant
depuis 2016 dans une bulle de hype forgée autour du succès de leur premier essai sous la bannière de The Pirouettes, Léo et Vickie restent en apesanteur sur l’album Monopolis. Installé à Paris, le couple-groupe (grouple ?) de vingtenaires originaires d’Annecy assume toujours crânement son béguin pour la variété des années 1980, en particulier Starmania, la fameuse comédie musicale cyberpunk de Michel Berger, tout en revendiquant un certain goût pour le kitsch. Sur la pochette de ce disque de « pop electro chantée en français » (sic), les amants s’enlacent à moitié nus dans un improbable décor de space opera montagneux. « Les auditeurs nous disent souvent qu’ils ont l’impression qu’on vit dans un autre monde, confie Léo, 25 ans. On aime bien en jouer. Notamment dans nos clips, souvent tournés dans des endroits insolites, comme le plateau de Bure dans les Hautes-Alpes pour “Ce paradis”. Il y a un rendu un peu SF, on ne sait pas si c’est le présent ou le futur, si on est sur une autre planète. » Volontiers dystopiques, les ritournelles faussement naïves des Pirouettes défient la noirceur de l’époque en proposant un refuge aux couleurs vives et au romantisme truffaldien (clin d’œil à Baisers volés), innervé par un joli sens de la punchline (« Si je fais du bruit quand je dors, c’est que je dois rêver bien trop fort »). Pour incarner leur odyssée pop en live, le duo, accompagné d’un batteur et d’un bassiste, a prévu une ambitieuse scénographie aux accents futuristes. Décollage imminent. • ÉRIC VERNAY
« Les auditeurs nous disent souvent qu’ils ont l’impression qu’on vit dans un autre monde. »
LEYLA MCCALLA
CLUB LFSM #12
La chanteuse et violoncelliste enchante, tissant un folk-blues créolisé placé sous une double influence – ici La Nouvelle-Orléans, là ses racines haïtiennes – à la langueur dépouillée, intemporel. Épris de liberté et de justice sociale, aussi. À l’image de son troisième opus, Capitalist Blues, qui, entre dixieland et rara, mal-être et argent roi, transcende la mélancolie en résistance. Avec cette voix chaleureuse et la douceur qu’on lui connaît. • ETAÏNN ZWER
Le festival Les femmes s’en mêlent ponctue toute l’année de soirées club joliment troussées. Carte blanche donc à Irène Drésel, plasticienne française convertie aux machines, dont la techno « florale », entre mysticisme charnel, beats abyssaux et boucles cristallines, tournoie jusqu’à l’hypnose. Bath : la productrice convie Fishbach et Maud Geffray (Scratch Massive) pour un DJ set, et l’electronica weirdo de Musique Chienne – en français et sans laisse. Nuit magique. • E. Z .
: le 18 novembre
au musée du quai Branly – Jacques Chirac
: le 29 novembre au Trabendo
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CINÉASTES EN CORRESPONDANCE
NAOMI KAWASE / ISAKI LACUESTA
RÉTROSPECTIVE, EXPOSITION, EN PRÉSENCE DE LA CINÉASTE 23 NOVEMBRE 2018 - 7 JANVIER 2019
Cette manifestation a été organisée par le Centre Pompidou dans le cadre du Festival d’Automne à Paris et de Japonismes 2018
En collaboration avec
En partenariat avec le
En partenariat média avec
Dans le silence du monde / Le Ciel, le vent, le feu, l’eau, la terre de Naomi Kawase, 2001 © Kumie Inc © Centre Pompidou, direction de la communication et des partenariats - conception graphique : Ch. Beneyton, 2018
NAOMI MI KAWASE ASE
PLANS COUL’ À GAGNER
© THE DOROTHEA LANGE COLLECTION, THE OAKLAND MUSEUM OF CALIFORNIA, CITY OF OAKLAND. GIFT OF PAUL S. TAYLOR
DOROTHEA LANGE POLITIQUES DU VISIBLE EXPO
— : jusqu’au 27 janvier au Jeu de Paume — Dorothea Lange, Migrant Mother, Nipomo, California, 1936
« Rien
et thématiquement, accompagnés de cartels mêlant contexte et témoignages, démontrent une vision engagée et humaniste. On peut aussi se plonger dans de nombreuses planches-contacts, grâce auxquelles on découvre par exemple que la rencontre avec Florence Owens Thompson, sujet de son plus célèbre cliché, Migrant Mother (le portrait d’une femme soucieuse et de ses enfants, dans un abri de fortune en Californie en 1936) a donné lieu à cinq photographies prises sur le vif, que l’on retrouve sur un mur dédié un peu plus loin dans l’exposition. • MARIE FANTOZZI
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n’a jamais été photographié qui illustre si bien cette période », déclare l’écrivain John Steinbeck dans une lettre à Dorothea Lange, à propos de son travail devenu célèbre sur la Grande Dépression. La photographe américaine, qui refusait d’opposer photographie artistique et documentaire, s’est attachée à rendre compte de la vie de ses concitoyens les plus démunis. Sans domicile fixe, ouvriers en grève, paysans en exode à cause des terribles sécheresses : ses tirages d’époque, de petit format, exposés chronologiquement
EXPO
Ses portraits et autoportraits tortueux, blêmes et crus, sont autant d’explorations du « moi » et des conflits intérieurs de l’artiste expressionniste viennois (1890-1918). Exposés au gré de l’évolution de sa courte mais prolifique carrière, une centaine de dessins, gouaches et peintures, pour beaucoup érotiques, sont mis en parallèle avec ceux d’une autre étoile filante de la peinture, Jean-Michel Basquiat. • M. F. Egon Schiele, Autoportrait, 1912
: jusqu’au 14 janvier la Fondation Louis Vuitton
ÉBLOUISSANTE VENISE !
EXPO
Au xviii siècle, la Sérénissime rayonne par sa culture et son art de vivre. Le Grand Palais ranime cette Venise multiface en exposant peintures, sculptures, objets et costumes, en projetant une reconstitution de la ville sur grand écran et en animant ponctuellement ses espaces par des concerts, de la danse et des représentations théâtrales in situ. • H. M. D. C. e
Canaletto, Vue du Palazzo Ducale vers la Riva degli Schiavoni, vers 1740
: jusqu’au 21 janvier au Grand Palais
LA FABRIQUE DU LUXE
Jean Alexandre Dulac, Paire de vases-girandoles dits « vases Dulac », vers 1770
EXPO
La corporation des marchands merciers, au xviiie siècle, est à l’origine du luxe à la parisienne. Dans une scénographie foisonnante, le musée Cognacq-Jay montre une centaine d’œuvres raffinées (mobilier, objets décoratifs…) que ces derniers commercialisaient, ainsi que leurs collaborations publicitaires avec des peintres comme Watteau. • H. M. D. C.
: jusqu’au 29 janvier au musée Cognacq-Jay
© COURTESY NATIONAL GALLERY OF ART, WASHINGTON ; CIVICO GABINETTO DEI DISEGNI DEL CASTELLO SFORZESCO ; RMN-GP (CHÂTEAU DE VERSAILLES)
EGON SCHIELE
SUR TROISCOULEURS.FR/PLANSCOUL
Photo : Charles Fréger
Tous Humains
30 novembre – 21 décembre 2018
70e ANNIVERSAIRE DE LA DÉCLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L’HOMME
Spectacles, performances, films, rencontres-débats…
# toushumains
www.theatre-chaillot.fr
SONS
CANNIBALE — : « Not Easy to Cook » (Born Bad Records)
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© ALBAN VAN WASSENHOVE
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Le
cannibalisme est à la mode, on dirait : après les films Grave et Caniba ou la série The Terror nous arrive, depuis la côte normande, une nouvelle déclinaison musicale de l’« anthropophagie culturelle » que cultivaient les musiciens tropicalistes Os Mutantes ou Caetano Veloso dans les années 1960. Théorisée par le philosophe brésilien Oswald de Andrade dès 1928, cette dévoration de la culture du colonisateur pour l’assimiler et en forger une déclinaison singulière revient comme un boomerang sur le deuxième album de ce quatuor de quadras, pratiquant « une sorte de garage réunionnais », nourri d’influences aussi exotiques (et bien digérées) que la cumbia, l’afrobeat ou le garage rock. « Depuis toujours, la culture fait des allers-retours entre les différents continents, expliquent-ils. Cannibale, c’était pour nous une façon d’évoquer l’exotisme et le fait de se nourrir de l’autre. On est ce qu’on entend, ce qu’on voit, ce qu’on goûte. C’est possible que ça soit pour fuir notre quotidien, souvent gris, froid et pluvieux,
SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM ? « Les Tarzans font du ski ? Ce serait une sorte de huis clos dans un refuge de montagne où les protagonistes se feraient réchauffer au micro-ondes des tripes à la mode de Caen. Un film fantastique où le cuisinier, prénommé Christian, communiquerait avec les mangeurs de tripes
que l’on se tourne vers les tropiques. » Les Frogs – nom de la piste d’ouverture – ont mitonné Not Easy to Cook entre le salon et la cuisine d’une petite maison normande donc, sans même l’horizon marin pour les inspirer (« Chez nous, la mer est loin. La seule mer qui peut nous inspirer, c’est la mare. »), mais nourris par de nombreuses tournées, au cours desquelles ils ont pu perfectionner leur mixture bondissante de rythmes caribéens, guitares afro en stéréo, Farfisa tournoyants et chorales psychédéliques – soit un savoureux goulash de Fela, de Les Baxter et d’Electric Prunes. Entre groove et électricité, ces durs à cuire savent aussi se faire tendres, comme sur « Do Not Love Me Too Much », évocation douce-amère d’un amour dévorant. « Comme disait Dalí : “Le cannibalisme est une des manifestations les plus évidentes de la tendresse.” Embrasser l’autre, c’est un peu le manger. Le processus créatif de Cannibale nécessite d’embrasser la musique de l’autre, de la goûter et de la digérer. De ne pas avoir de pitié pour l’amour. » • WILFRIED PARIS
depuis l’intérieur de leur estomac, leur chantant sur des rythmes divers et variés des recettes de cuisine, des déclarations d’amour ou encore des odes à la vieillesse. À la fin, ils ne pourraient malheureusement pas faire de ski car les forfaits seraient trop chers. Mais ça ne serait pas grave, car le film serait fini. » CANNIBALE
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BÉGAYER
: « Terrain à mire. Une maison rétive. Contrainte par le toit » (Bongo Joe / Le Saule)
« L’histoire ne se répète pas, elle bégaie. » Formule marxiste endossée comme un programme esthétique par le trio Bégayer, qui capte et malaxe les messages d’un passé décomposé, basculant entre Amérique (blues rural, jazz, rock bruitiste) et Méditerranée (chant arabe, débris de folklore italien ou français). L’avant-garde au service de l’archaïsme, et réciproquement. • M. P.
COLLECTIF
: « Brainfeeder X » (Brainfeeder)
Dix ans, c’est tout ce qu’il a fallu à Brainfeeder, le label fondé par Flying Lotus, pour redéfinir les contours des musiques urbaines, opérant des mutations aussi novatrices que communicatives entre hip-hop, jazz et electro. De Teebs à Thundercat, de Daedelus à Jeremiah Jae, de Ross From Friends à Louis Cole, c’est un parcours sans faute que célèbre cette vaste et indispensable compilation. • M. P.
TROPICAL FUCK STORM
: « A Laughing Death in Meatspace » (Joyful Noise Recordings)
Le drame international qu’est la fin du groupe The Drones a fait place à une nouvelle inversement réjouissante, celle de sa réincarnation en Tropical Fuck Storm. Ce qu’on y perd en sérieux, ce qu’on y gagne en fun, c’est tout l’enjeu de cet album mené par un Gareth Liddiard en état de grâce, divaguant, ironisant, électrocutant tout ce qu’il touche. Le rock australien n’a pas dit son dernier mot. • M. P. ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT
JR
© JR-ART.NET / ph. Guillaume Ziccarelli, courtesy Galerie Perrotin
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SÉRIES
SALLY4EVER — : Saison 1 sur OCS —
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Arme
secrète de la comédie britannique depuis près de vingt ans, Julia Davis pourrait bien enfin accéder à la reconnaissance internationale. Sally4Ever, sa dernière création trash et grinçante, a les honneurs d’une diffusion aux États-Unis et en France. Hourra ! Chez elle, Davis a joué dans ce qui se fait de plus drôle (Gavin & Stacey, Brass Eye), et Nighty Night, défouloir à l’humour très noir dans lequel, en 2004, elle se donnait le rôle d’une sociopathe, a fait d’elle une star. Mais une star anglo-anglaise, qui a toujours eu du mal à s’exporter. En tout cas jusqu’à ce que HBO décide cette année d’en faire sa nouvelle protégée : d’abord avec un remake mollasson de sa comédie Camping, avec Jennifer Garner, puis en coproduisant au Royaume-Uni Sally4Ever. Sally (Catherine Shepherd), est une
REVOIS
Londonienne, malheureuse dans son couple, dont la vie bascule lorsqu’elle s’éprend d’Emma (Davis), une rockeuse envahissante. Comme à son habitude, Davis, aussi désinhibée dans ses séries qu’elle est réservée dans la vie, ne se soucie ni du bon goût (amis des gags sur les sécrétions…) ni de la bienséance, poussant très loin le malaise. Tragédienne frustrée (de son propre aveu), elle fait remonter ce qu’il y a de plus désespéré et désespérant chez ses personnages avec une précision chirurgicale qui n’a d’égale que celle d’un Ricky Gervais. Les scènes avec le fiancé éconduit (Alex Macqueen), cruelles jusqu’à l’insoutenable, ne plairont pas à tout le monde. Ceux qui auront la politesse d’en rire découvriront en revanche les vertus cathartiques incomparables de la télé selon Julia Davis. • GRÉGORY LEDERGUE
VOIS
PRÉVOIS
THE FIRST
HIPPOCRATE
VERONICA MARS
Présenté un peu fallacieusement comme un show sur le premier vol habité pour Mars, The First en prend prétexte pour bâtir, à terre et autour de Sean Penn, un mélo familial parfois bouleversant. On pourra reprocher au scénariste Beau Willimon un penchant pour la grandiloquence, mais certainement pas d’être revenu du cynisme de sa précédente création, House of Cards. • G. L .
Thomas Lilti adapte son long métrage de 2014 et rappelle combien la série est le format le mieux taillé pour restituer le rythme propre au monde hospitalier. Avec ses auteurs et acteurs (Louise Bourgoin en tête), Lilti trouve l’équilibre entre romanesque et pures injections de réalité. À la télé française, on n’avait pas vu ça depuis… ben… Urgences en fait. • G. L .
Revival encore. Revival enfin, dirait-on, pour le polar autrefois teen de Rob Thomas, qui méritait mieux que la conclusion à la va-vite apportée en 2007 au terme de trois saisons seulement. Après le direct-to-video en 2014, Kristen Bell reprendra son rôle de détective privée la plus cool de Californie dans une vraie nouvelle saison. • G. L .
: Saison 1 sur OCS
: Saison 1 sur Canal+
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: Saison 4 sur Hulu à l’été 2019
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JEUX VIDÉO
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ASSASSIN’S CREED ODYSSEY
La
— : Ubisoft (PS4, One, PC) —
saga se déplace dans la Grèce antique et y signe sa plus belle épopée. Assassin’s Creed repose sur un savoir-faire unique : nous transformer en touriste d’un nouveau genre (un assassin, œuvrant dans l’ombre pour déjouer toutes sortes de machinations) traversant les grandes périodes troubles de l’histoire et en visitant les lieux les plus illustres. Cette fois, Ubisoft nous téléporte en pleine guerre du Péloponnèse et nous propose d’incarner un ou une mercenaire qui va louer ses services aux armées d’Athènes ou de Sparte, tout en essayant de lever le voile sur ses origines familiales. Après l’épisode Origins et sa reproduction de l’Égypte antique, Odyssey transforme la péninsule hellénique en un terrain de jeu aux proportions délirantes, que l’on parcourt des heures entières à dos de
cheval ou à bord de sa galère. Entre réalisme maniaque et fantasmagorie décomplexée, le scénario alterne rencontres avec les figures de l’époque et confrontations avec les nombreuses créatures mythologiques tapies dans ces contrées sauvages. Que l’on discute sophisme avec Socrate, démocratie participative avec Périclès, ou que l’on livre un combat à mort contre Méduse, chaque instant est l’occasion de (re)découvrir les subtilités de toute une culture antique, de s’enivrer de ses différentes atmosphères, ou de se passionner pour les innombrables détails de la vie quotidienne. Et en plus, cette odyssée réussit à être homérique, en nous laissant (enfin) libres de jouer le rôle de notre choix, face à ce passé révolu – mais plus vivant que jamais. • YANN FRANÇOIS
FORZA HORIZON 4
OLD SCHOOL MUSICAL
WANDERSONG
Le meilleur jeu de course du moment change d’horizon. Après les routes de l’Italie et de l’Australie, place à celles du nord de l’Angleterre, avec une nouveauté de taille : le cycle des saisons, qui affecte constamment la conduite. Transcendée par son décor, la licence trouve là son chef-d’œuvre. • Y. F.
Ce jeu de rythme français nous propose de revisiter les grands classiques du jeu vidéo sur le mode de la parodie. Plus les musiques s’enchaînent, plus la difficulté augmente, plus le ton devient loufoque. Aussi drôle qu’exigeant, Old School Musical a tout d’un modèle du genre. • Y. F.
Le sort du monde est entre les mains d’un barde, et sa seule arme est son chant. Basé sur un gameplay malin (chaque direction du joystick donne une note différente), ce jeu d’aventure cache, derrière ses décors enfantins, une mélancolie des plus déroutantes. • Y. F.
: Microsoft (One, PC)
: La Moutarde (PC, Switch)
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: Dumb and Fat Games (PC, One, Switch)
ON AIME BEAUCOUP ET VOUS ? EXPOSITION
À PARTIR DU 23/11 GRAND PALAIS Chaque mois, notre chroniqueur explore les mondes du jeu vidéo indépendant en donnant la parole à l’un de ses créateurs.
MICHAEL JACKSON :
ON THE WALL*
Michael Jackson a été une source d’inspiration pour de nombreux artistes : Andy Warhol, Lorraine O’Grady, Isaac Julien… découvrez l’œuvre et la personnalité du « King of pop » à travers leurs œuvres. *Michael Jackson : Sur le mur
Crée en 2009 par trois amis de fac, le studio australien The Voxel Agents a toujours eu comme ambition de faire des jeux de réflexion retors mais grand public – et ouverts sur le monde. Comme l’explique Simon Joslin, l’un de ses créateurs, « la poésie la plus universelle peut naître des casse-tête les plus compliqués ». Après quelques essais sur plates-formes mobiles, le studio australien sort cette année son projet le plus ambitieux, The Gardens Between. Conçu comme une fable initiatique sur le devenir adulte, le jeu met en scène deux adolescents qui doivent arpenter, à chaque niveau, une colline faite d’obstacles et d’énigmes en tout genre. Pour les aider à avancer, il nous suffit de remonter le temps, et de modifier un élément du passé qui viendra bouleverser le cours des choses. « Tout est parti d’une scène culte de Minority Report où Tom Cruise manipule des souvenirs à la recherche d’indices. On a décidé de la transformer en mécanique de jeu, et d’enquête. » Car The Gardens Between repose effectivement sur un beau mystère : ses personnages sont muets, et leurs états d’âme ne se dévoilent qu’à force de casse-tête réussis. « On voulait que nos joueurs comprennent les secrets de ce monde en même temps que nos héros. Sur ce point, les films du studio Ghibli nous ont grandement influencés. » C’est là toute la beauté de The Gardens Between : transformer le temps en quelque chose d’aussi simple à manipuler que vertigineux de sens, sur nous-mêmes et sur le monde qui nous entoure. • YANN FRANÇOIS
CONCERT
LES 19 ET 20/11 CASINO DE PARIS
PETER BENCE Le jeune pianiste hongrois Peter Bence connait un succès phénoménal grâce à son jeu audacieux, rythmé et expressif qui brise toutes les frontières entre la musique classique et la musique pop.
THÉÂTRE MUSICAL
À PARTIR DU 14/11 THÉÂTRE MARIGNY
PEAU D’ÂNE Peau d’Ane, la féerie musicale événement pour la réouverture du Théâtre Marigny. D’après Musique de Michel Legrand.
— : « The Gardens Between »
(The Voxel Agents | PC, PS4, Switch)
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ENCORE PLUS SUR FNACSPECTACLES.COM
LIVRES
PAUVERT L’IRRÉDUCTIBLE Tous
les amateurs de littérature et bibliophiles ont dans leur bibliothèque au moins un livre paru chez Jean-Jacques Pauvert, le mythique éditeur d’Histoire d’O, de Sade, Breton, Bataille ou Siné. L’auteur de ces lignes peut en témoigner, qui collectionne les tomes de la collection « Libertés » créée chez Pauvert par Jean-François Revel dans les années 1960, et spécialisée dans les pamphlets et les écrits de combat. Pauvert, décédé en 2014, a raconté sa vie en 2004 dans La Traversée du livre, en omettant certains épisodes ou en réécrivant parfois l’histoire ; c’est pourquoi Chantal Aubry, qui a commencé sa carrière auprès de lui, a jugé bon de reprendre le sujet, en exploitant de nouveaux documents, comme les archives de Maurice Garçon, l’avocat de Pauvert, ou ses correspondances conservées à la BnF et à l’IMEC (l’Institut mémoires de l’édition contemporaine). Le résultat, captivant, se veut moins une biographie de l’homme que l’histoire de la maison qui a porté son nom, autour des monuments qui ont fait sa réputation – les œuvres complètes de Sade, le dictionnaire Littré, la revue Bizarre, les rééditions de Victor Hugo, Raymond Roussel ou Erckmann-Chatrian, les textes pataphysiciens ou surréalistes, les romans d’André Hardellet ou d’André Pieyre de Mandiargues, etc. Certains de ces livres mèneront l’éditeur au bord de la faillite, et quelques-uns à la barre du tribunal, au nom des bonnes mœurs défendues alors par le pouvoir gaulliste… À L’Express, qui lui demande en 1965 de décrire son catalogue, Pauvert répond :
« L’érotisme, l’individualisme, tout ce qui est bizarre, et la défense de la langue française. » Au-delà du cas Pauvert, ce livre est aussi, comme l’indique son sous-titre, une histoire de l’édition (une « contre-histoire », affirme même l’auteur) : Chantal Aubry resitue Pauvert parmi la galaxie des éditeurs indépendants de l’époque (Éric Losfeld, Le Sagittaire, le Club français du livre ou José Corti), et elle décrit aussi les grandes manœuvres qui, à partir des années 1970, feront entrer le vieux commerce de l’édition dans l’âge moderne des groupes
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Certains de ces livres mèneront l’éditeur au bord de la faillite, et quelques-uns à la barre du tribunal.
MONSIEUR TRISTECON, CHEF D’ENTREPRISE Votre patron vous sort par les yeux ? Offrez-lui la réédition de Monsieur Tristecon, chef d’entreprise, mini-satire anarchisante et loufoque du pataphysicien et oulipien François Caradec, couronnée en 1960 par le Prix de l’humour noir. • B. Q.
industriels. C’est ainsi que la maison Pauvert sera finalement absorbée par Hachette, rançon inévitable de la façon libertaire, artisanale et maniaque qu’avait le patron de mener son affaire. Son aventure et ses exploits méritaient bien d’être racontés, façon saga. C’est fait. • BERNARD QUIRINY
UN AUTOMNE ROMAIN Automne 1996, l’auteur est envoyé à Rome pour le décès imminent de Jean-Paul II. Mais le pape ne meurt pas… Vingt ans plus tard, De Jaeghere publie son journal de l’époque, mélange de promenade dans Rome, de livre d’histoire et de thriller au cœur de la curie. • B. Q.
: de François Caradec
: de Michel De Jaeghere
(L’Arbre vengeur, 78 p.)
(Les Belles Lettres, 388 p.)
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— : « Pauvert l’irréductible », de Chantal Aubry (L’Échappée, 590 p.)
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LE DÉTECTIVE ÉTAIT UNE FEMME Et si le detective novel anglais était un genre typiquement féminin, en lien avec la situation des femmes en Angleterre aux xixe et xxe siècles ? Frédéric Regard creuse l’hypothèse dans cet essai à la fois littéraire, sociologique et historique. • B. Q.
: de Frédéric Regard (Puf, 180 p.)
© Simon Gosselin
9 nov — 29 déc 2018 — Odéon 6e
L’École des femmes création
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LES RACINES D’UNE TRAGÉDIE. CAMBODGE 1967-1975
Avril
— : de Séra (Marabout, 312 p.) —
1975. Phnom Penh tombe aux mains des Khmers rouges, qui dominent désormais tout le Cambodge. Séra a 13 ans et il est expulsé vers la France avec sa mère. Son père, lui, fera partie des innombrables victimes du régime meurtrier qui s’installe alors. Depuis cette date, Séra n’a cessé d’essayer de comprendre ce qui a pu rendre possible cette folie. Bédéaste et plasticien, il fournit ici un travail sans équivalent, débarrassant la bande dessinée de ce qui la rendait attrayante aux historiens pédagogues – aucune fictionnalisation n’est à l’œuvre, pas de personnage central auquel s’identifier, nulle péripétie d’un héros débrouillard réussissant à se faufiler à travers les affres de l’histoire. De sa documentation, digérée en sédiments teintés de boue, l’auteur rigoureux fait émerger une succession de scènes comme faites de bronze corrodé que vient rythmer sa voix omnisciente et amère. Chacune des quelque 300 pages du récit porte son propre titre, chacune est la pierre d’un édifice douloureux aussi imposant que nécessaire. • VLADIMIR LECOINTRE 108
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Les samedis et dimanches matins
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ARCHITECTURE ET DESIGN « L’école de Bauhaus : la rencontre entre les arts. »
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FASCINANTE RENAISSANCE « La Renaissance dans les cours italiennes : Mantoue, Urbino, Ferrare. »
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LA PHOTOGRAPHIE « De Napoléon Bonaparte à la reine Victoria : la photographie au service du pouvoir. »
PORTRAITS DE FEMMES « Marie-Antoinette, un vent de liberté. »
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: mk2 Quai de Loire à 20 h UNE HISTOIRE DE L’ART « Le Quattrocento à Florence : Donatello, Masaccio, Fra Angelico. »
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VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « Les trous noirs ouvrent-ils sur d’autres univers ? »
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DU 17 AU 27 NOV.
CULTISSIME ! Projection de Blow Up de Michelangelo Antonioni.
: mk2 Gambetta © TWENTIETH CENTURY FOX
Plusieurs séances
FESTIVAL CHÉRIES CHÉRIS Pour sa 23e édition, le festival du film lesbien, gay, bi, trans, queer et ++++ de Paris propose, en plus des habituelles compétitions de films de fiction courts et longs (La Favorite de Yórgos Lánthimos, Boy Erased de Joel Edgerton…), des documentaires (Cassandro. The Exotico! de Marie Losier – lire p. 36 –, Genderbende de Sophie Dros, sur le non-binarisme…), des séances spéciales (Alien Crystal Palace d’Arielle Dombasle…) et des panoramas (Euforia de Valeria Golino…), un week-end « Séries Chéries » les 17 et 18 novembre au mk2 Beaubourg avec les inédites Mìguel, récompensée à Cannes Séries, et Chicks on Boards, sur le surf féminin.
: mk2 Beaubourg,
LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Comment fait-on pour s’aimer ? » avec Camille Syren et le moine bouddhiste Lama Puntso. à 18 h 30
(entrée BnF) à 20 h
La Favorite de Yórgos Lánthimos
: mk2 Bastille
l’après-midi
PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Les plus beaux hôtels particuliers parisiens. »
: mk2 Grand Palais à 20 h
MARDI 20 NOV. UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Le néo-western : les anti-héros. » Cours suivi de la projection d’Impitoyable de Clint Eastwood (à réserver en complément de la conférence).
: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h
INITIATION À L’ART EN FAMILLE « Drôles de dames : Les Demoiselles d’Avignon de Pablo Picasso. »
: mk2 Quai de Seine à 11 h
JEUDI 22 NOV. ARCHITECTURE ET DESIGN « 1925 : le mouvement Art déco. »
: mk2 Bibliothèque LA PSYCHANALYSE A SON MOT À DIRE « L’avenir du père ? », conférence animée par les psychanalystes Caroline Eliacheff et Jean-Pierre Winter.
: mk2 Quai de Loire à 11 h
LUNDI 19 NOV. 1 HEURE, 1 ŒUVRE « Rembrandt Van Rijn, La Ronde de nuit (1642). »
: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h
(entrée BnF) à 20 h
LA PHOTOGRAPHIE « La preuve par l’image : l’usage de la photographie dans la sphère policière. »
: mk2 Quai de Loire à 20 h
UNE HISTOIRE DE L’ART « Le temps des génies : Vinci, Raphaël, Michel-Ange. »
: mk2 Beaubourg à 20 h
mk2 Quai de Seine et mk2 Bibliothèque
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mk2 SUR SON 31 SAMEDI 24 NOV. L’ART CONTEMPORAIN « Le mouvement Fluxus : l’humour au service de l’art ! »
: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h
FASCINANTE RENAISSANCE « La Renaissance à Venise : Bellini, Véronèse, Tintoret. »
: mk2 Beaubourg à 11 h
DIMANCHE 25 NOV. ENTRONS DANS LA DANSE « Filmer la danse : de West Side Story à La La Land. »
: mk2 Bastille (côté Fg St Antoine) à 11 h
INITIATION À L’ART EN FAMILLE « Trois petites notes de musique… Disques de Newton. Étude pour Fugue a deux couleurs de Kupka. »
: mk2 Quai de Seine à 11 h
CULTISSIME ! Projection de La Chasse de William Friedkin.
: mk2 Gambetta Plusieurs séances l’après-midi
LUNDI 26 NOV. 1 HEURE, 1 ŒUVRE « Diego de Velázquez, Les Ménines (1656). »
PORTRAITS DE FEMMES « Eugénie, l’impératrice de la mode. »
: mk2 Parnasse à 18 h 30
PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Le Paris du Roi-Soleil. »
: mk2 Grand Palais à 20 h
MARDI 27 NOV. UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Le merveilleux : il était une fois… » Cours suivi de la projection de La Belle et la Bête de Jean Cocteau (à réserver en complément de la conférence).
: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h
JEUDI 29 NOV. ARCHIT ECTURE ET DESIGN « Penser l’habitat moderne, de Le Corbusier à Mies van der Rohe. »
: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h
CULTISSIME ! Projection du Fugitif d’Andrew Davis.
: mk2 Gambetta Plusieurs séances l’après-midi
INITIATION À L’ART EN FAMILLE « C’est de l’art ? L’urinoir de Marcel Duchamp. »
: mk2 Quai de Seine à 11 h
LUNDI 3 DÉC. 1 HEURE, 1 ŒUVRE « Johannes Vermeer, L’Allégorie de la peinture (1666). »
: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h
LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « La Galerie des Offices de Florence. »
: mk2 Bastille (côté Beaumarchais)
LA PHOTOGRAPHIE « La photographie surréaliste : de Man Ray à Dora Maar. »
: mk2 Quai de Loire à 20 h
à 12 h 30
LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Comment vivre avec son passé ? »
: mk2 Odéon (côté St Germain)
UNE HISTOIRE DE L’ART « La Renaissance française : l’école de Fontainebleau. »
: mk2 Beaubourg à 20 h
SAMEDI 1ER DÉC.
(côté Beaumarchais)
L’ART CONTEMPORAIN « L’Art conceptuel et l’Art minimal : de l’idée à la forme. »
à 11 h
: mk2 Bastille
: mk2 Bastille
DIMANCHE 2 DÉC.
à 18 h 30
PORTRAITS DE FEMMES « Margaret Thatcher, la Dame de fer. »
: mk2 Parnasse à 18 h 30
PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Lumières sur le Paris de Voltaire. »
: mk2 Grand Palais à 20 h
(côté Beaumarchais)
LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « Le musée du Prado de Madrid. »
: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 12 h 30
MARDI 4 DÉC.
à 11 h
CAFÉ SOCIETY Projection de Shéhérazade de Jean-Baptiste Marlin.
: mk2 Bibliothèque LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Savons-nous vraiment ce que nous faisons ? »
:
mk2 Odéon
à 11 h
UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Le fantastique : l’anti-conte de fée. » Cours suivi de la projection de Gremlins de Joe Dante (à réserver en complément de la conférence).
: mk2 Odéon FASCINANTE RENAISSANCE « Andrea Palladio (1508-1580). »
(côté St Germain)
: mk2 Beaubourg
à 18 h 30
à 11 h
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(côté St Michel) à 20 h
mk2 SUR SON 31 JEUDI 6 DÉC.
LUNDI 10 DÉC.
SAMEDI 15 DÉC.
ARCHITECTURE ET DESIGN « La fascination de la vitesse : le Streamline. »
1 HEURE, 1 ŒUVRE « Antoine Watteau, Pierrot (1719). »
L’ART CONTEMPORAIN « L’art et son environnement : le land art. »
: mk2 Bibliothèque
: mk2 Bastille
: mk2 Bastille
(côté Beaumarchais)
(côté Beaumarchais)
(entrée BnF)
à 11 h
à 11 h
LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « L’Ermitage de Saint-Pétersbourg. »
FASCINANTE RENAISSANCE « Les visions de Jérôme Bosch. »
à 20 h
LA PHOTOGRAPHIE « La Nouvelle Objectivité : enregistrer le réel. »
: mk2 Bastille
: mk2 Beaubourg
(côté Beaumarchais)
à 11 h
: mk2 Quai de Loire
à 12 h 30
à 20 h
UNE HISTOIRE DE L’ART « L’école du Nord : Bosch, Dürer, Brueghel, Cranach. »
: mk2 Beaubourg
LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Faut-il se fier aux experts ou à son expérience ? » avec Albert Moukheiber.
: mk2 Odéon (côté St Germain)
: mk2 Quai de Loire
à 18 h 30
à 11 h
à 20 h
SAMEDI 8 DÉC. L’ART CONTEMPORAIN « Le happening. »
: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h
FASCINANTE RENAISSANCE « Le xvie siècle dans les anciens Pays-Bas : Brueghel, Metsys, les romanistes. »
: mk2 Beaubourg à 11 h
DIMANCHE 9 DÉC. ENTRONS DANS LA DANSE « Merce Cunningham et la postmoderne dance. »
: mk2 Bastille (côté Fg St Antoine)
PORTRAITS DE FEMMES « Simone Veil, les luttes d’une femme. »
: mk2 Parnasse à 18 h 30
PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « La Révolution française. »
: mk2 Grand Palais à 20 h
MARDI 11 DÉC. UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Analyse d’un classique : Edward aux mains d’argent de Tim Burton. » Cours suivi de la projection du film (à réserver en complément de la conférence).
: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h
JEUDI 13 DÉC.
à 11 h
ARCHITECTURE ET DESIGN « Le style international et le modernisme américain. »
INITIATION À L’ART EN FAMILLE « Le coin des bulles : M-Maybe de Roy Lichtenstein. »
(entrée BnF) à 20 h
: mk2 Quai de Seine à 11 h
CULTISSIME ! Projection de Matrix de Lana et Lilly Wachowski.
: mk2 Gambetta Plusieurs séances l’après-midi
VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « Quelles sont les grandes découvertes scientifiques de 2018 ? »
DIMANCHE 16 DÉC. CULTISSIME ! Projection de L’Exorciste de William Friedkin.
: mk2 Gambetta Plusieurs séances l’après-midi
INITIATION À L’ART EN FAMILLE « Le ballon rouge : Hanging Heart de Jeff Koons. »
: mk2 Quai de Seine à 11 h
LUNDI 17 DÉC. LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Sommes-nous capables de ne pas nous mentir à nous-mêmes ? »
: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30
: mk2 Bibliothèque
LA PHOTOGRAPHIE « La photographie documentaire : Eugène Atget, Dorothea Lange, Walker Evans. »
: mk2 Quai de Loire à 20 h
UNE HISTOIRE DE L’ART « L’âge d’or de la peinture hollandaise : Rembrandt, Vermeer, Frans Hals. »
: mk2 Beaubourg à 20 h
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RETROUVEZ TOUS LES ÉVÉNEMENTS DES SALLES mk2 SUR mk2.com/evenements
Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan (2019)
À partir de novembre, mk2 explore les richesses des cinémas d’Asie à travers la programmation de plus de cent films (classiques, raretés et nouveautés) et d’événements (master class, tables rondes), accompagnée d’une sélection fine de produits au mk2 store. Bienvenue dans « Une saison en Asie »
Cette
année, le Festival de Cannes fut marqué par la présence, dans ses différentes sélections, de nombreux brillants représentants du cinéma asiatique. Outre la Palme d’or attribuée au Japonais Kore-eda (pour Une affaire de famille, lire p. 56), on a été éblouis par les films de jeunes prodiges, le Chinois Bi Gan (Un grand voyage vers la nuit et son hallucinant plan-séquence de plus d’une heure en 3D) et le Japonais Ryusuke Hamaguchi (la romance ultra contemporaine Asako I & II), sans oublier le nouveau long métrage du Chinois Jia Zhang-ke (Les Éternels, stupéfiant film de gangsters porté par une puissante héroïne). Les cinémas d’Asie nous ont semblé en pleine forme, proposant un renouvellement des formes et des récits bienvenu. C’est ce constat, combiné à la sortie en salles de la plupart de ces films cet hiver, qui a donné l’impulsion de notre programmation « Une saison en Asie ». « L’idée principale de cette programmation est un voyage, une errance entre la tradition, via l’amorce de rétrospectives des cinéastes anciens qui ont jeté les bases, comme Ozu, Naruse, Wong Kar-wai ou Mizoguchi, et les
modernes : Bi Gan, Kore-eda, Hamaguchi… », détaille le programmateur des cinémas mk2, Bertrand Roger. En complément de ces rétrospectives dédiées à des réalisateurs, dont certains seront présents pour des avant-premières et des master class, on pourra plonger dans plusieurs genres emblématiques : animation (avec notamment une rétrospective du studio Ghibli), horreur (Dernier train pour Busan de Yeon Sang-ho, Creepy de Kiyoshi Kurosawa…), érotisme (La Saveur de la pastèque de Tsai Ming-liang, Histoire d’une prostituée de Seijun Suzuki…). L’équipe du mk2 store a de son côté soigneusement choisi des livres (dont des raretés vintage, comme l’essai Ozu de Donald Richie), des films, des animés, mais aussi une sélection de produits artisanaux japonais de la boutique Shopu. Autant d’irrésistibles saveurs à découvrir pendant trois mois dans tout le réseau mk2. • CLAUDE GARCIA
— : « Une saison en Asie », à partir
du 22 novembre dans vos salles mk2 et au mk2 store du mk2 Bibliothèque Toute la programmation sur www.mk2.com
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OFF
© LIU HONGYU
Les Éternels de Jia Zhangke (2019)
© 2018 XSTREAM PICTURES (BEIJING) – MK PRODUCTIONS ARTE FRANCE CINEMA
NOUVEAU RENDEZ-VOUS
OFF
LE BRAS CASSÉ DU CINÉ
Décembre
AVOINÉE
2017. Tu découvres la série Narcos grâce à Stanislas, ton coiffeur, qui te trouve un air de ressemblance avec Pablo Escobar, le héros – trafiquant de came adultérin et sanguinaire. Personne ne t’a fait ne serait-ce que le début d’un compliment depuis 2002. Alors, plusieurs gouttes de sueurs ruissellent à toute berzingue jusqu’à ton slip, comme la Seine se jette dans la Manche. Le lendemain, tu te procures la série et, d’épisode en épisode, te prends de sympathie pour le chef du cartel de Medellín. Ton arrêt de travail – tu t’es coupé gravement la main avec un intercalaire – ne t’aide pas à retrouver ta lucidité. La veille du jour de l’an, tu débarques chez Stanislas en lui réclamant une moustache, comme Pablo. « Mais tu es imberbe… à part te la dessiner au Velleda… — Prends les poils que j’ai sur la gorge et colle-les moi où il faut… et tu mets un peu de Vellada en dessous pour que ça brille. » Janvier 2018. Tu as rajouté le suffixe « obar » à ton nom sur la boîte aux lettres, et tu cherches activement un appartement à Colombes. Pour pouvoir affirmer que tu es colombien. Tu ajoutes
systématiquement du beurre à tous les aliments, pour avoir la bedaine du jefe – un ventre en forme de cartable. Un matin, tu reçois le coup de fil de ton manager : ton licenciement approche plus vite que le printemps. Tu y vois un signe du destin : c’est le moment d’accomplir ton œuvre. Celle-ci a déjà un nom : le cartel des Hauts-de-Seine. Février 2018. Tu te retrouves sur une route d’Espagne après un deal conclu à Marbella avec un grossiste rencontré en ligne – en marge d’un tournoi en réseau sur PlayStation. Dans le sud de la France, ta batterie de voiture te lâche. Un automobiliste s’arrête et te propose de brancher des cosses à sa caisse pour repartir. Au même moment, des policiers passent. Tu te mets subitement à cavaler dans un champ, avec ces foutues cosses dans les mains pour te pendre au cas où – ils ne doivent pas t’avoir vivant. Les flics te rattraperont en marchant vite, les abdominaux de gras t’ayant fatalement ralenti. Ils fouillent le coffre. Ce que tu croyais être du cannabis s’avère être de l’avoine – tu t’es fait rouler. Un brigadier t’attrape par le cou : « On a chopé un nar-cosses. » • RAMSÈS KEFI ILLUSTRATION : AMINA BOUAJILA
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Créée par Jean-Christophe Grangé
Les Rivières pourpres reviennent sur France 2
LE
VIENT À VOTRE RENCONTRE !
Le TOUR, c’est une soirée qui vous est exclusivement réservée, à vous abonné , durant laquelle vous pourrez rencontrer vos animateurs préférés, découvrir les coulisses de et nos coups de cœur en avantpremière, le tout sous le signe de la bonne humeur ! La soirée s’achèvera en musique avec un concert exceptionnel, à Grenoble en novembre puis à Nantes en décembre ! RENDEZVOUS SUR my RUBRIQUE LE CLUB POUR TENTER VOTRE CHANCE !