N 166
O
HIVER 18/19 GRATUIT
ASAKO I&II
+ DOSSIER ASIE : NOUVEAUX DÉPARTS
ÉDITO Il
sort en janvier, mais ce sera assurément l’un des plus beaux films de l’année 2019. Asako I&II nous avait éblouis à Cannes, où il était présenté en Compétition officielle. Sous ses airs de drame sentimental feutré dans le Japon contemporain, le film sonde avec une incroyable justesse la profondeur des désordres amoureux, d’autant plus ravageurs qu’ils sont tenus secrets, enfouis. Le jeune cinéaste Ryūsuke Hamaguchi fait coïncider leur mise au jour avec le tremblement de terre de 2011, qui vient subtilement bouleverser le récit en son milieu. Malgré la finesse de son écriture et son art du cadre remarquable (un plan très large notamment, où deux amoureux se courent après dans la campagne, poursuivis par le soleil, reste en mémoire), le réalisateur était reparti bredouille de Cannes – contrairement à son compatriote Hirokazu Kore-eda, Palme d’or pour Une affaire de famille. La sortie d’Asako I&II cet hiver coïncidant avec celles de plusieurs autres pépites venues du Japon (Miraï. Ma petite sœur de Mamoru Hosoda, qui atteste que l’animation japonaise est entre de bonnes mains) et de Chine (Un grand voyage vers la nuit, le film à moitié en 3D de Bi Gan, Les Eternels du maître Jia Zhang-ke, An Elephant Sitting Still de la comète Hu Bo), nous avons décidé de consacrer un large dossier au renouveau qui agite ces deux grands pays de cinéma. Un panorama forcément parcellaire et subjectif, mais très excitant. • JULIETTE REITZER ET TIMÉ ZOPPÉ
KACEY MOTTET KLEIN
VIRGINIE EFIRA
UN FILM DE
D’APRÈS LE ROMAN
« CONTINUER » DE LAURENT MAUVIGNIER Publié aux Éditions de Minuit
AU CINÉMA LE 23 JANVIER © 2018 LES FILMS DU WORSO - VERSUS PRODUCTION – LE PACTE – PRIME TIME – WINNIPEG ET JOHNNY JANE – RTBF
Affiche © Pierre Collier 2019 / Artwork Jeff.
JOACHIM LAFOSSE
POPCORN
P. 14 RÈGLE DE TROIS : NORA HAMZAWI • P. 18 SCÈNE CULTE : HYÈNES • P. 24 LA NOUVELLE : LUÀNA BAJRAMI
BOBINES
P. 28 EN COUVERTURE : NOUVEAU CINÉMA D’ASIE • P. 50 INTERVIEW : ROBERT ZEMECKIS • P. 58 PORTFOLIO : DARIUS KHONDJI
ZOOM ZOOM
P. 72 L’HOMME FIDÈLE • P. 74 WILDLIFE. UNE SAISON ARDENTE P. 76 MAYA • P. 78 BORDER
COUL’ KIDS
P. 100 INTERVIEW : ALBIN DE LA SIMONE • P. 102 LA CRITIQUE DE LÉONORE : MIRAÏ. MA PETITE SŒUR
OFF
P. 104 DÉCRYPTAGE : QUAND LE JEU VIDÉO DÉPOSE LES ARMES P. 108 EXPOS : GRAYSON PERRY
ÉDITEUR MK2 AGENCY — 55, RUE TRAVERSIÈRE, PARIS XIIe — TÉL. 01 44 67 30 00 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ELISHA.KARMITZ@MK2.COM | RÉDACTRICE EN CHEF : JULIETTE.REITZER@MK2.COM CHEFFE DE RUBRIQUE CINÉMA : TIME.ZOPPE@MK2.COM | RÉDACTEURS : QUENTIN.GROSSET@MK2.COM, JOSEPHINE.LEROY@MK2.COM GRAPHISTE : JÉRÉMIE LEROY | SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : VINCENT TARRIÈRE | STAGIAIRES : CORENTIN LÊ, HILÀRIO MATIAS DA COSTA ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : JULIEN BÉCOURT, HENDY BICAISE, LILY BLOOM, CHARLES BOSSON, ADRIEN DÉNOUETTE, JULIEN DOKHAN, JULIEN DUPUY, CORENTIN DURAND, MARIE FANTOZZI, YANN FRANÇOIS, CLAUDE GARCIA, ERWAN HIGUINEN, AÏNHOA JEAN-CALMETTES, ROD GLACIAL, RAMSÈS KEFI, DAMIEN LEBLANC, VLADIMIR LECOINTRE, GRÉGORY LEDERGUE, STÉPHANE MÉJANÈS, JÉRÔME MOMCILOVIC, WILFRIED PARIS, MICHAËL PATIN, LAURA PERTUY, PERRINE QUENNESSON, BERNARD QUIRINY, CÉCILE ROSEVAIGUE, ÉRIC VERNAY, ANNE-LOU VICENTE, ETAÏNN ZWER & LÉONORE ET ADÈLE | PHOTOGRAPHES : PAULINE CARANTON, PALOMA PINEDA, FLORENT VINDIMIAN, JAMES WESTON | ILLUSTRATEURS : AMINA BOUAJILA, PABLO COTS, SAMUEL ECKERT, ÉMILIE GLEASON, PABLO GRAND MOURCEL PUBLICITÉ | DIRECTRICE COMMERCIALE : STEPHANIE.LAROQUE@MK2.COM | RESPONSABLE MÉDIAS : CAROLINE.DESROCHES@MK2.COM ASSISTANT RÉGIE, CINÉMA ET MARQUES : EVA.LEVEQUE@MK2.COM | RESPONSABLE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : MELANIE.MONFORTE@MK2.COM | ASSISTANTE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : AGATHE.BONCOMPAIN@MK2.COM TROISCOULEURS EST DISTRIBUÉ DANS LE RÉSEAU LE CRIEUR CONTACT@LECRIEURPARIS.COM © 2018 TROISCOULEURS — ISSN 1633-2083 / DÉPÔT LÉGAL QUATRIÈME TRIMESTRE 2006 — TOUTE REPRODUCTION, MÊME PARTIELLE, DE TEXTES, PHOTOS ET ILLUSTRATIONS PUBLIÉS PAR MK2 AGENCY EST INTERDITE SANS L’ACCORD DE L’AUTEUR ET DE L’ÉDITEUR. — MAGAZINE GRATUIT. NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE.
INFOS GRAPHIQUES
ULTRAVIOLENCE
Dans
ILLUSTRATION : JÉRÉMIE LEROY Ce sont le nombre de bagarres à main nue initiées par les super-héros et par les méchants.
Ce sont, en moyenne et par heure, le nombre d’actes violents perpétrés par les super-héros et par les super-héroïnes dans un même film.
Ce sont le nombre d’actes violents commis à l’aide d’une arme létale par les super-héros et par les méchants.
Source : « “Good Guys” in Superhero Films More Violent than Villains » (American Academy of Pediatrics)
Ce sont, en moyenne et par heure, le nombre d’actes violents perpétrés par les super-héros et par les méchants dans un même film.
ÉMOPITCH ASAKO I&II DE RYŪSUKE HAMAGUCHI (SORTIE LE 2 JANVIER)
POPCORN
la tradition des films de super-héros, les gentils affrontent les méchants afin de sauver l’humanité. Une étude américaine, dirigée par un étudiant du Penn State College of Medicine, s’est penchée sur la violence étalée dans ces action movies. À partir de dix films sortis en 2015 et 2016 aux États-Unis (Deadpool, Suicide Squad, Captain America. Civil War…), celle-ci révèle que nos sauveurs sont plus violents que leurs vilains ennemis – mais aussi que les super-héroïnes. Retour, en chiffres, sur ces combats chargés en testostérone. • JOSÉPHINE LEROY
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K E I R A
K N I G H T L E Y
“ E X A L T A N T, D R Ô L E , EN T HOUSI A SM A N T ET SPL EN DI DE” The Guardian
PORTRAIT
D’UNE
JEUNE
FEMME
UN FILM DE
WA S H W E S T M O R E L A N D
© 2017 17 Co Colette Film Holdings i Ltd / The British Film Institute. Tous droits réservés. Crédits non o contractuels
LE 16 JANVIER
MODERNE
FAIS TA B.A.
À chaque jour ou presque, sa bonne action cinéphile. Grâce à nos conseils, enjolivez le quotidien de ces personnes qui font de votre vie un vrai film (à sketchs). POUR VOTRE PROF DE MUSIQUE QUI VOUS A FAIT CONNAÎTRE VLADIMIR COSMA Alors que vous discutiez avec vos potes du lycée de La Boum de Claude Pinoteau, elle vous a parlé du compositeur de l’inoubliable B.O. du teen movie culte. Achetez-lui La Musique de film de Benoit Basirico, bible pour cinéphiles et mélomanes qui, des bases théoriques (définir une mélodie) aux questions plus techniques (le budget…), éclaire aussi bien les lecteurs novices qu’avisés.
: « La Musique de film. Compositeurs et réalisateurs au travail » de Benoit Basirico (Hémisphères Éditions, 200 p.)
L’Image manquante de Rithy Panh (2015)
© LES ACACIAS
POUR VOTRE PÉPÉ, UN FAUSSAIRE TOUT TRISTOUNET QUI CHERCHE L’INSPIRATION Vous l’avez vu jeter ses pinceaux à terre, rayer ses toiles puis déprimer sévère dans son atelier. Accompagnez-le à la douzième édition des Journées internationales du film sur l’art qui proposent, à travers un vaste choix de docus expérimentaux, une réflexion sur la temporalité, et dont l’invité spécial est cette année le cinéaste cambodgien Rithy Panh (L’Image manquante).
: « Journées internationales du film sur l’art », du 25 janvier au 3 février à l’auditorium du Louvre
POUR VOTRE COUSINE QUI A ADOPTÉ LA BICOLORATION EN HOMMAGE À AGNÈS VARDA Grosse bourde du coiffeur : au lieu d’arborer une coquette couronne blanc et auburn, elle est sortie de son salon avec les cheveux mi-blanc mi-jaunâtre. Comme elle a le moral dans les chaussettes, offrez-lui un coffret de sept DVD contenant notamment les plus beaux documentaires de la pimpante cinéaste (Les Plages d’Agnès, Mur murs, Les Glaneurs et la Glaneuse…). Joie assurée.
: « Agnès Varda » (Arte Éditions)
L’Arabe du futur (2014)
© ALLARY ÉDITIONS
POUR VOTRE ADO BOUTONNEUX QUI, EN PLEINE CRISE, BLOQUE SA PORTE AVEC SA COMMODE Il se barricade dans sa chambre comme en temps de guerre. Du coup, difficile de lui glisser discrètement ses flacons de Biactol. Profitez de ses passages express à table pour lui proposer l’exposition consacrée à l’auteur de BD et réalisateur Riad Sattouf qui, des Beaux Gosses aux Cahiers d’Esther, sait comme peu d’autres saisir la complexité de la jeunesse.
: « Riad Sattouf. L’écriture dessinée », jusqu’au 11 mars à la BPI – Centre Pompidou
POUR VOTRE BELLE-MÈRE PHILOSOPHE QUI, À SON GRAND REGRET, NE VA PAS SOUVENT AU CINÉ Entre ses conférences à la Sorbonne et la préparation de ses livres, elle n’a pas le temps de pousser la porte des cinémas. Comme vous connaissez son goût pour les grands contes philosophiques, profitez de Noël pour lui faire découvrir les beaux films du réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan (Winter Sleep, Palme d’or en 2014, ou le récent Le Poirier sauvage).
: « Nuri Bilge Ceylan. L’intégrale » (Memento Films)
• JOSÉPHINE LEROY 8
THE FILM PRÉSENTE
CAMILLE CHAMOUX
JONATHAN COHEN
2 JA PHOTO : EDDY BRIÈRE
NV
UN FILM DE PATRICK CASSIR
CAMILLE COTTIN JÉRÉMIE ELKAÏM VINCENT DEDIENNE
HOME CINÉMA
LA LAMPE DE MON ONCLE D’AMÉRIQUE D’ALAIN RESNAIS En 1980, Alain Resnais touche à l’essence de la France moderne – nouvelles échelles sociales, vague libérale, révolution des sciences cognitives – avec Mon oncle d’Amérique. Cet instantané d’un pays qui glisse vers le contemporain ne pouvait se faire sans l’aide de pièces de design manifestes de leur époque, comme cette lampe Atollo, créée à la fin des années 1970 par Vico Magistretti.
UN JEU DE CARTES À L’EFFIGIE DES HÉROS DE WES ANDERSON Le cinéaste américain, connu pour sa démesure symétrique, est un formidable sujet pour l’illustration. Dans le livre de Matt Zoller Seitz The Wes Anderson Collection (2013), l’illustrateur basé à Buenos Aires Max Dalton retranscrivait l’univers du réalisateur dans des planches au style naïf et coloré, à la manière d’un récit d’aventures. Pour encore plus de fun, il en tirait aussi ce jeu de cartes inspiré des personnages d’Anderson.
© D. R. © D. R.
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© MATTHIEU LAVANCHY
Chaque mois, une traversée des tendances du design, de l’art de vivre et de la culture portées par le grand écran et disponibles au mk2 store du mk2 Bibliothèque. Ce mois-ci : des objets cinéphiles pour réchauffer votre intérieur. • CORENTIN DURAND
DES ENCEINTES DÉCORÉES PAR DAVID LYNCH Bang & Olufsen a invité David Lynch à collaborer pour une série limitée. Le cinéaste a appliqué les motifs de ses œuvres sur papier War Between the Shapes et Paris Suite sur des enceintes sans fil à la ligne sobre. Du dripping, des rêveries, des couleurs empruntées à Dubuffet… La formule parfaite pour un bon trip (musical).
UN LIVRE SUR LE RATIONALISME ITALIEN AU CINÉMA À travers de nombreuses photographies de plateau, ce beau livre explore l’influence considérable du mouvement Architecture moderne sur les décors des comédies romantiques italiennes de l’entre-deuxguerres. Une fascinante illustration de la façon dont le cinéma peut devenir, auprès du public, un vecteur de promotion et de démocratisation du design et de ses tendances.
: « Rationalism on Set. Glamour and Modernity in 1930s Italian Cinema » de Valeria Carullo (Estorick Collection)
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CHAUD BIZ
POPCORN
CHERCHEZ LE CLASSIQUE
La
pour se développer. À part sur LaCinetek et sur MUBI, dont la spécialisation « auteur » croise parfois le monde du patrimoine, les longs métrages classiques se font rares sur les plates-formes de S.V.O.D. disponibles dans notre pays. Les chiffres parlent : d’après une étude du CNC d’octobre dernier, les œuvres de plus de 20 ans représentent moins de 10 % du catalogue de Netflix et un peu plus de 20 % de celui d’Amazon. C’est peu, et elles sont majoritairement américaines. Mais alors, où diable se cache le cinéma de patrimoine français et européen ? Sur CanalPlay, mais avant tout sur les plates-formes de V.O.D. Une situation qui pourrait évoluer, notamment grâce à la modification de la directive Services de médias audiovisuels (S.M.A.) au sein de l’Union européenne en avril dernier, qui impose désormais aux plates-formes de S.V.O.D. de proposer au moins 30 % d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques européennes. L’occasion pour elles d’investir dans le classique – c’est moins cher – pour remplir leurs obligations, rendant ainsi accessibles ces films qui font partie de notre patrimoine culturel. Et ce, en bonne qualité ! • PERRINE QUENNESSON ILLUSTRATION : ÉMILIE GLEASON
fin de FilmStruck en France pose la question de la disponibilité du cinéma de patrimoine sur les plates-formes de S.V.O.D. dans l’Hexagone. Un simple tweet aura suffi à annoncer la fin de ce qui était pourtant une chouette idée pour les accros du septième art. Le 26 octobre dernier, WarnerMedia nous apprenait ainsi la fermeture fin novembre de FilmStruck, plate-forme de S.V.O.D. consacrée au cinéma de patrimoine du monde entier, deux ans après son lancement et seulement six mois après son arrivée en France. Si les raisons restent floues, il est certain que le rachat du groupe par le géant des télécoms AT&T n’y est pas pour rien. Depuis, la prestigieuse maison d’édition new-yorkaise Criterion, spécialisée dans les films restaurés – mille deux cents d’entre eux composaient le catalogue de FilmStruck –, a récupéré la plate-forme pour en faire sa propre chaîne… mais pour les Américains seulement. Oui, c’est injuste. Alors, que nous reste-il en France pour se faire une orgie de classiques ? LaCinetek ! La plate-forme créée en 2015 propose un peu plus de mille films du siècle dernier. Depuis septembre dernier, elle a lancé une offre d’abonnement, mais reste soumise au financement participatif
Mais alors, où diable se cache le cinéma de patrimoine français et européen ?
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RÈGLE DE TROIS
NORA HAMZAWI À part Assayas, un cinéaste français à qui tu dirais oui en 3 secondes ? On peut dire 3 cinéastes à qui je dirais oui en 1 seconde ? Arnaud Desplechin, Noémie Lvovsky et – je triche un peu, mais bon il est francophone – Xavier Dolan. 3 acteurs ou actrices qui te faisaient fantasmer quand tu étais ado ? Jared Leto, du coup forcément je voulais être Claire Danes (j’ai passé un peu trop de temps devant Angela, 15 ans), et puis j’ai aussi eu un petit truc pour Hugh Grant. Un film qui fait autant de bien que 3 ans de thérapie ? Selon l’état, Maris et Femmes de Woody Allen, Les Beaux Gosses de Riad Sattouf ou Rien sur Robert de Pascal Bonitzer. Un film qui a suscité 3 heures de débat avec tes potes ? Inception. On n’avait pas poussé le discussion très loin, je me souviens juste que, globalement, je me disais :
« On s’en fout, on a compris, pas besoin de nous le répéter pendant une heure et demie. » 3 personnages de comédie à qui tu t’identifies totalement ? Alors je ne m’identifie pas du tout complètement à eux, heureusement, mais, s’il fallait faire un petit mix ou piocher un petit quelque chose dans chacun d’entre eux, je dirais : Daria Morgendorffer dans la série animée Daria, Mia Farrow (Judy) dans Maris et Femmes, Greta Gerwig dans Frances Ha, et Adam Goldberg (Jack) dans Two Days in Paris… Je me rends compte que je ne respecte pas du tout vos chiffres. Un film interdit aux plus de 30 ans mais dont tu es toujours fan ? La Boum. Mais c’est aussi à cause d’un vrai problème de nostalgie, que j’essaye de soigner. Il suffit que je voie une cabine téléphonique, un vieux bus ou un téléphone fixe pour être complètement émue.
— : « Doubles vies » d’Olivier Assayas Ad Vitam (1 h 48) Sortie le 16 janvier
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© D. R.
Portrait non dénué d’ironie du milieu intellectuel parisien, Doubles vies d’Olivier Assayas fait la part belle aux dialogues et aux acteurs. Face à Juliette Binoche, Guillaume Canet et Vincent Macaigne, l’humoriste Nora Hamzawi y campe une attachante assistante parlementaire. Pour son premier grand rôle au cinéma, elle se révèle irrésistible. Elle a répondu à notre questionnaire cinéphile.
Une comédie culte pour les autres, mais qui t’arrache à peine 3 sourires ? Je dois avouer qu’Austin Powers m’oppresse. 3 artistes de one-(wo)manshow que tu trouves aussi géniaux au cinéma ? Je n’en ai pas vu beaucoup dans des films. Après, c’est toujours un plaisir de voir Valérie Lemercier au cinéma ! Et je me souviens d’avoir été marquée par le casting d’Astérix et Obélix. Mission Cléôpâtre, mais ils ne venaient pas tous du one-(wo)man show. 3 questions reloues qu’on pose trop souvent aux actrices ? Alors moi, on me pose plutôt les questions reloues destinées aux humoristes : « pas trop dur de faire sa place en tant que femme ? », « peut-on rire de tout ? », « est-ce qu’il y a un humour féminin ? »… mais je serais ravie d’avoir bientôt droit à celles des actrices !
• PROPOS RECUEILLIS PAR JULIEN DOKHAN
KAZAK PRODUCTIONS PRÉSENTE
Lily- Ro s e D E PP
La u r en t LA FI TTE
A lo ïse SAU VAGE
Camille COTTIN
D E
L A
C O M É D I E - F R A N Ç A I S E
PHOTO © CAMILLE DECHENAY
UN F I L M DE
V i nce nt M A R I E TTE J o n a s B L O Q U ET B aya K ASMI Yo a n n ZI M M ER Eu g è n e M A RC U SE Lu cas MO R E AU
23
JAN
L’AVIS PUBLIC
ALIEN CRYSTAL PALACE Un savant fou veut réunir les divinités égyptiennes Isis et Osiris… Le dernier film de la flamboyante Arielle Dombasle, présenté en novembre au festival Chéries-Chéris (et qui sort en salles le 23 janvier), a fait son petit effet sur Twitter. @NICOBARDOT
POPCORN
J'ai eu le sentiment, en voyant #AlienCrystalPalace d'Arielle Dombasle, de faire 1h35 d'aquaplaning dans une auto-tamponneuse conduite par les voleurs de couleurs mais je n'ai pas trouvé ça 100% déplaisant. Honnêtement c'est un kamoulox dada qui résiste aux adjectifs... @SYLXTER
@ALLANBRB
Pour tous ceux qui douteraient encore des ravages que peut faire la drogue sur le cerveau humain, regardez la bande-annonce de #AlienCrystalPalace d' @ArielleDombasle . Elle et tous ceux qui ont fait ce film étaient sûrement dans un état tertiaire au moment de le faire...
Alien crystal palace... 100% best film de 2018 Arielle dans la place
@THENKILLCAESAR
@Nanarland le film d'Arielle Dombasle, Alien Crystal Palace est proprement sidérant. Sûrement un nanar légendaire en devenir, surtout grâce à la performance de Nicolas Ker, en permanence à 3g dans le sang. J'espère que la rédaction sera aux aguets lors de sa sortie.
@FABRANDANNE
Vu #AlienCrystalPalace hier à #ChériesChéris. @monsieurCVP m'a tué quand, en voyant Jean-Pierre Léaud apparaître à l'écran, il m'a murmuré "C'est Yvette Leglaire?"
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présente
APRÈS
SENSES
NAGOYA BROADCASTING NETWORK et BITTERS END présentent en association avec VAP, NIPPAN, THE ASAHI SHIMBUN, HYOGO BENDER ENGINEERING, ELEPHANT HOUSE et COMME DES CINEMAS PRODUCTION C&I ENTERTAINMENT MASAHIRO HIGASHIDE, ERIKA KARATA, KOJI SETO, RIO YAMASHITA, SAIRI ITO, DAICHI WATANABE, KOJI NAKAMOTO et MISAKO TANAKA DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE YASUYUKI SASAKI SON MIKISUKE SHIMAZU CHEF DECORATEUR MASATO NUNOBE STYLISTE MASAE MIYAMOTO, COSTUME SUMIKO SHIMIZU MAQUILLAGE SHINJI HASHIMOTO MONTAGE AZUSA YAMAZAKI MONTAGE SON MIKI NOMURA EFFETS SPECIAUX TETSUYA SHIRAISHI MUSIQUE TOFUBEATS ŒUVRE ORIGINALE NETEMO SAMETEMO PAR TOMOKA SHIBASAKI PRODUCTEURS YUJI SADAI, TERUHISA YAMAMOTO & YASUHIKO HATTORI PRODUCTEUR EXECUTIF KOUICHIROU FUKUSIMA PRODUCTEUR DELEGUE OSAMU KUBOTA CO PRODUCTEUR FRANCAIS MASA SAWADA SCENARIO SACHIKO TANAKA, RYUSUKE HAMAGUCHI REALISATEUR RYUSUKE HAMAGUCHI © 2018 NETEMO SAMETEMO FILM PARTNERS & COMME DES CINEMAS
films
LE 2 JANVIER
SCÈNE CULTE
HYÈNES (1993)
POPCORN
« Draman Drameh, je sais ce qui t’amène. Mais tu dois garder la foi jusqu’au bout. »
Le
les lieux, l’air grave, aperçoit une télévision allumée (qui diffuse des images de bébé sous-alimenté), puis deux ventilateurs fixés autour d’une statue de la Vierge… Le religieux arrive, monte à la chaire, sourit et s’adresse à la brebis galeuse : « Draman Drameh, je sais ce qui t’amène. Mais tu dois garder la foi jusqu’au bout. Un train s’arrête ce soir à Colobane. Prends-le ! » Puis il repart aussi sec. La caméra plonge pour dévoiler deux ouvriers en train de déballer un énorme lustre. Suit un plan fixe d’une efficacité et d’une audace folles : devant, le lustre hors focus, à travers lequel se découpe le visage de Draman. Clic, le lustre s’illumine de mille feux électriques ; boum, le vieil homme ouvre la bouche de stupeur. Il a compris que rien (ni homme ni dieu) ne pourra le sauver. Sa tragédie, celle d’un continent entier, est d’autant plus amère qu’elle prend la forme d’une farce. • MICHAËL PATIN
nom du cinéaste sénégalais Djibril Diop Mambéty est réapparu fin 2017 à la sortie de I Am not a Witch de la Zambienne Rungano Nyoni, laquelle citait partout Hyènes comme sa grande référence. Logique puisqu’il existe peu (pas ?) d’autres équivalents africains à ce cinéma-là, troquant le réalisme pour une vision purement mentale du décor et des situations, et poussant la satire sociale jusqu’à l’absurde et au malaise. Devenue « plus riche que la Banque mondiale », Linguère Ramatou revient à Colobane, trou miséreux aux portes du Sahel, pour réclamer la mort de Draman Drameh, son ancien amant, qui l’a lâchée, enceinte, trente ans plus tôt. Entre la fortune promise et ce que leur dicte leur conscience, les habitants doivent arbitrer… Tout tient dans la manière dont le poison se diffuse, transformant l’hypocrisie initiale (chacun se met à dépenser l’argent qu’il n’a pas) en fatalisme meurtrier (on trouve toujours de bonnes excuses). La plus belle scène, la plus vicieuse aussi, est celle où Draman va se recueillir à l’église, au son de la musique lancinante de Wasis Diop (frère du réalisateur). Assis sur un banc, il observe
— : de Djibril Diop Mambéty
Ressortie en version restaurée le 2 janvier (JHR Films, 1 h 50)
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LE 26 DÉCEMBRE
TROIS IMAGES
TROIS HOMMES DANS LA VILLE Avec L’Empereur de Paris, le réalisateur Jean-François Richet revisite une situation chérie du cinéma populaire : un gangster immortalisé entre son ascension et sa chute, confronté à la ville qu’il tient dans sa main.
© D. R.
ans après Mesrine, Jean-François Richet et Vincent Cassel se retrouvent pour ranimer la figure d’Eugène-François Vidocq et, à travers elle, tout un pan du cinéma populaire. Avec une énergie furieuse héritée autant du serial français (Fantômas, Judex) que du cinéma de genre américain des années 1970 (Le Parrain, French Connection), ils font renaître L’Empereur de Paris, le bagnard devenu chef de la Sûreté en 1811. Sur l’image ci-contre, le héros pose devant le plan de la ville, armé et blessé, rescapé d’une révolution qui l’a mené des bas-fonds aux beaux quartiers. Paris lui appartient. The King of New York (1990) est le film qui a révélé Abel Ferrara au grand public. Il y invente la figure de Frank White, qui rejoindra Tony Montana, Walter White et Pablo Escobar au panthéon des criminels les plus cités par la culture populaire. Frank (Christopher Walken) sort de prison et tente de regagner son empire, sa ville, New York. Autour de lui, la corruption est omniprésente ; le génie de Ferrara est de présenter la police et la pègre comme deux ordres criminels. De sa chambre, Frank contemple son royaume. Lui aussi observe la ville de ses rêves, celle dont il est issu et dans laquelle il peut se fondre. C’est Jean Gabin, dans l’indémodable Pépé le Moko (1937) de Julien Duvivier. Traqué par la police, il s’est réfugié dans le quartier d’Alger que l’on appelle la Casbah et qui, « profond comme une forêt, et grouillant comme une fourmilière, est un vaste escalier dont chaque terrasse est une marche qui descend vers la mer », comme le décrit la voix off. Le personnage agit à la manière d’un révélateur de la corruption ambiante, et la ville est tortueuse à l’égal de chacune de ses pensées. • CHARLES BOSSON
— : « L’Empereur de Paris » de J.-F. Richet
Gaumont (1 h 50) © D. R.
POPCORN
Dix
Sortie le 19 décembre
—
20
Candice Zaccagnino et Olivier Aknin
présentent
JÉRÉMIE RENIER MARTHE KELLER
ZITA HANROT
‘‘ DES ACTEURS FORMIDABLES UN FILM D’UNE GRANDE JUSTESSE ’’ TÉLÉRAMA
Festival de Locarno Piazza Grande
UN FILM DE
DAVID ROUX
©2018 - PYRAMIDE - LOUISE MATAS
AVEC
ALAIN LIBOLT
MAUD WYLER
FRÉDÉRIC EPAUD, JEANNE ROSA, JISCA KALVANDA, JUSTINE BACHELET, CATHERINE FERRAN, JÉRÔME KIRCHER, BERNADETTE LE SACHÉ, SÉBASTIEN POUDEROUX DE LA COMÉDIE FRANÇAISE
ELIANEANTOINETTE, REBOOT FILMS AVEC LA PARTICIPATION DE CANAL +, OCS ET DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE EN ASSOCIATION AVEC PYRAMIDE ET CINEVENTURE 3 AVEC LE SOUTIEN DE CICLIC, RÉGION CENTRE VAL DE LOIRE EN PARTENARIAT AVEC LE CNC ET DU TAX SHELTER DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL DE BELGIQUE ET MOVIE TAX INVEST EN COPRODUCTION AVEC PANACHE PRODUCTION ET LA COMPAGNIE CINÉMATOGRAPHIQUE, VOO ET BE TV VENTES INTERNATIONALES PYRAMIDE PROJET DÉVELOPPE DANS LE CADRE DE L’ATELIER SCÉNARIO DE LA FEMIS ET DU PROGRAMME EMERGENCE IMAGE AUGUSTIN BARBAROUX SON MATTHIEU TARTAMELLA MONTAGE BENJAMIN FAVREUL MUSIQUE JONATHAN FITOUSSI CASTING SOPHIE LAINE DIODOVIC (ARDA) DIRECTION DE PRODUCTION SACHA GUILLAUME-BOURBAULT PREMIER ASSISTANT MISE EN SCÈNE GUILLAUME BONNIER SCRIPTE MYLÈNE MOSTINI DÉCORS CHLOÉ CAMBOURNAC (ADC) COSTUMES SOPHIE BEGON FAGE MAQUILLAGE SYLVIE AÏD-DENISOT RÉGIE JULIEN FLICK MONTEUSE SON CAROLINE REYNAUD MIXEUR MATTHIEU LANGLET SUPERVISION MUSICALE PASCAL MAYER ET STEVE BOUYER SCÉNARIO DAVID ROUX PRODUIT PAR CANDICE ZACCAGNINO ET OLIVIER AKNIN PRODUCTION
LE 23 JANVIER
LE TEST PSYNÉPHILE
À QUEL PERSONNAGE IMAGINAIRE CROIS-TU (ENCORE) HONTEUSEMENT ?
Un monstre pour toi, c’est…
Ton rêve d’amour fou ?
Un homme qui a toujours le même sourire.
Batifoler dans la gadoue.
Une bête velue et moche qui fait peeeurr !!!
Une relation inavouable…
POPCORN
Un mondain vaniteux et sans talent. C’est quoi des vacances vraiment pourries pour toi ?
Euh… rupture pour tous ? La pire phrase entendue au lit… Tu jouis vraiment comme un sourd-muet !
Être arrêté(e) à la frontière et finir en prison. Sept jours en pension complète à Tétanos-Beach. Un séjour prolongé au Père-Lachaise. Ton dernier rêve chelou ?
J’adore les pantomimes… En fait, je suis un vampire. Ton pouvoir magique secret ? Tu as un flair surnaturel. Tu es super populaire sur Tinder.
Un chat mou qui voulait faire ami-ami à Budapest.
Tu es un joyau tout en or.
Ali Baba qui chante ABBA… avec un morse. Tu lisais Anna Karénine caché dans un missel.
SI TU AS UN MAXIMUM DE : A … TU CROIS ENCORE AU PRINCE CHARMANT… Ça paraît fou à ton âge mais, à chaque match Tinder, ton cœur bat encore la chamade. Tu as oublié que le couple, cela peut être l’angoisse. Dans Premières vacances de Patrick Cassir (sortie le 2 janvier), Marion et Ben l’ont oublié aussi. Ils viennent de se rencontrer et décident de partir ensemble… en Bulgarie. Le voyage est un désastre, ils n’ont rien en commun, rien, à part nous faire hurler de rire.
B … TU CROIS AUX OGRES ET AUX OGRESSES… Tu es solitaire, tu t’intéresses aux faits divers très glauques aussi… enfin, voilà, je ne vais pas te l’apprendre : tu n’appartiens pas tout à fait au monde des humains ordinaires. La bête et la bête du film Border non plus (sortie le 9 janvier). Avec cette histoire d’amour hors norme, Ali Abbasi livre un film exceptionnel, émouvant, unique, qui a ébloui le jury d’Un certain regard à Cannes.
C … TU CROIS À LA PRINCESSE REBELLE… Tu l’as bien cherchée dans les contes ; en vain. Du coup, tu as décidé d’en devenir une toi-même. Colette, le biopic réalisé par Wash Westmoreland (sortie le 16 janvier) va follement t’inspirer ! Tu y découvriras l’auteure de la série des Claudine en pleine émancipation. C’est fascinant, et pour ne rien gâcher, Keira Knightley lui apporte toute sa fougue et son talent. Que demandent les jeunes filles ? Un Oscar ?
• LILY BLOOM — ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL 22
LA NOUVELLE
POPCORN
LUÀNA BAJRAMI
Dans
le thriller haletant L’Heure de la sortie de Sébastien Marnier (lire p. 90), elle incarne la redoutable Apolline, une élève de troisième surdouée et nihiliste qui tente d’intimider son prof de français (Laurent Lafitte). Autant dire qu’on avait un peu peur avant de la rencontrer. Mais on a vite été rassurés : si elle affiche, comme son personnage, maturité et détermination, l’actrice de 17 ans est par contre douce et posée. Après avoir étudié le théâtre au conservatoire de Limeil-Brévannes, dans le 94, et avant d’obtenir son bac avec un an d’avance, elle a pris son envie de cinéma à bras-le-corps en passant des castings qui l’ont menée à deux téléfilms, des courts métrages, puis cet intense projet.
Depuis, cette brune au look travaillé et au regard profond enchaîne : elle a fini cet été le tournage de Joyeux anniversaire de Cédric Kahn avec Catherine Deneuve et a rejoint cet automne celui de Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma. Son rêve ? Une carrière éclectique à la Marion Cotillard – « elle a cette capacité à toujours se transcender ». Ça semble bien parti. • JOSÉPHINE LEROY PHOTOGRAPHIE : PAULINE CARANTON
— : « L’Heure de la sortie » de Sébastien Marnier Haut et Court (1 h 43) Sortie le 9 janvier
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« IMPRESSIONNANT »
« FASCINANT »
© Dangmai Films / Huace Pictures
LIBÉRATION
TÉLÉRAMA
HUACE PICTURES ET DANGMAI FILMS EN COPRODUCTION AVEC TAIHE DIGITAL ENTERTAINMENT, PMF PICTURES, TENCENT PICTURES, CHINA FILM INVESTMENT FUND, CG CINEMA, MANDARIN VISION, MAOYAN WEIYING MEDIA, FREE WHALE PICTURES, ZHONGNAN FILMS, ARRIVAL FILMS, REALM MEDIA GROUP, DREAM SKY FILMS ET YOUKU AVEC LE SOUTIEN DU DOHA FILM INSTITUTE ET AIDE AUX CINÉMAS DU MONDE PRÉSENTENT UN GRAND VOYAGE VERS LA NUIT UN FILM DE BI GAN ÉCRIT PAR BI GAN VENTES INTERNATIONALES WILD BUNCH DIRECTEUR DE LA PHOTO YAO HUNG-I, DONG JINSONG ET DAVID CHIZALLET GAFFER WONG CHI-MING DÉCORS LIU QIANG MONTAGE QIN YANAN MUSIQUE LIM GIONG, POINT HSU COSTUMES YEH CHU-CHEN, LI HUA MAKE UP WANG CHIA-CHI, MA ZHUOMING, REN AKANG SOUND DESIGN ET MIX LI DANFENG ASSISTANTS RÉALISATEUR BELL ZHONG, XUE TONG POSTPRODUCTION JOHNNY HU DIRECTEUR DE PRODUCTION HUANG CONGYU COORDINATION INTERNATIONALE CAO SHANSHAN PRODUCTEUR EXÉCUTIF SUN TAO CO-PRODUCTEURS CHARLES GILLIBERT, LI XIAONAN, ZHANG GUANREN PRODUCTEUR ASSOCIÉ LI XUN PRODUCTEURS EXÉCUTIFS WAN JUAN ET SHEN YANG PRODUIT PAR SHAN ZUOLONG RÉALISÉ PAR BI GAN
EN 2D ET 3D
ALAIN DE L’OMBRE
POPCORN
© C
OLL
ECT
ION
CH R IS
T O PH E L
Le cinéma français est peuplé de seconds couteaux à qui les metteurs en scène trop frileux n’ont jamais permis de déchirer la toile. Ils errent de film en film, aiguisés, à l’affût, se constituant des carrières parallèles auxquelles l’absence de succès véritable donne un cachet particulier. Ce mois-ci…
« Allo,
ÉTIENNE CHICOT
monsieur Chicot ? C’est moi qui vous ai envoyé un mail pour l’interview… — Ah, exact. Eh bien donnons-nous rendez-vous vendredi. Et une fois qu’on se sera vus, faites bien en sorte de supprimer mon numéro de votre répertoire… Je suis très sérieux monsieur, si vous ne le faites pas, des gens se chargeront de le faire à votre place. — Euh… OK, à vendredi alors. » Ce vendredi n’arriva jamais ; Étienne Chicot est mort subitement le 7 août dernier, à l’âge de 69 ans. Les raisons de sa mort ? Inconnues. Mais sa présence en marge flottera toujours dans quelques-uns des meilleurs films de notre patrimoine. Révélé par deux comédies musicales mêlant rock et showbiz (Gomina en 1974 et Starmania en 1979), il a d’abord squatté l’univers de la musique : tour à tour chanteur (dans Je te tiens, tu me tiens par la barbichette de Jean Yanne), guitariste raté (dans Hôtel des Amériques d’André Téchiné), producteur de disques (dans Mort un dimanche de pluie de Joël Santoni), agent de groupes (dans Désordre d’Olivier Assayas) ou encore animateur radio (dans Fréquence meurtre d’Élisabeth Rappeneau). Et pour cause, Chicot tenta l’aventure dans le réel, outre son histoire d’amour mouvementée avec Véronique Sanson, en signant deux
albums chez Polydor en 1978 et 1981, dont un disque de reggae en compagnie du groupe Mami Wata. Celui qui avait passé son enfance en Afrique avant de débarquer à Paris à 20 ans chantait « j’suis qu’un ovni dans mon pays… » Et la centaine de rôles qu’il a tenus le prouve. Étienne Chicot est habillé d’un flegme d’ailleurs, d’une espèce de présence mi-compréhensive mi-aggressive pouvant le faire passer de son mythique rôle de paumé dans Le Plein de super d’Alain Cavalier en 1976 à des rôles de flic par dépit dans les années 2000 (Gomez & Tavarès, Da Vinci Code) ou à celui carrément borderline du play-boy quadragénaire de 36 fillette de Catherine Breillat (1988). Un certain cynisme et une amertume palpable se dégagent de ses apparitions. Capable d’alterner drames importants (Un mauvais fils, Le Choix des armes, Mortelle randonnée) et ratés retentissants (Le Choc, Dancing Machine), sa fin de parcours le verra autant chez Alexandre Arcady, Jean-Claude Brisseau, Claude Chabrol, Olivier Marchal et son vieux copain Patrick Bouchitey (Imposture en 2005) que dans les comédies de Fabrice Éboué ou de Dany Boon. Chicot incarnera toujours cette silhouette à la fois rassurante et effrayante, l’antipathique sympa, doué d’une élégance rare. Chicos. • ROD GLACIAL
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INKPOT FILMS ET CINÉ-SUD PROMOTION PRÉSENTENT
APRÈS
“THE LUNCH BOX”
LA NOUVELLE RÉVÉLATION DU CINÉMA INDIEN TILLOTAMA SHOME
VIVEK GOMBER
UN FILM DE
ROHENA GERA
AU CINÉMA LE 26 DÉCEMBRE /diaphana
@diaphana diaphana.fr
BOBINES
EN COUVERTURE
ASIE : NOUVEAUX DÉPARTS Cet hiver est marqué par la sortie d’une salve de grands films asiatiques. Parmi l’immensité d’un continent aux cinémas forcément très variés, on a choisi de se pencher sur le renouveau de deux pays : le Japon d’abord, autour du sentimental et très moderne Asako I&II de Ryūsuke Hamaguchi et du film d’animation Miraï. Ma petite sœur de Mamoru Hosoda qui incarne la relève du genre ; la Chine ensuite, où une « septième génération » de cinéastes émerge, parmi laquelle le regretté Hu Bo (An Elephant Sitting Still) et le très prometteur Bi Gan (Un grand voyage vers la nuit). Des auteurs qui, sans rien renier de l’héritage de leurs maîtres, renouvellent avec verve les formes et les récits.
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TENDRE, L’OREILLE
Révélé en France par Senses (2015), Ryūsuke Hamaguchi était sélectionné, à 39 ans, en Compétition au dernier Festival de Cannes avec le gracieux Asako I&II. Auteur majeur et singulier du paysage cinématographique japonais, il esquisse, avec son goût du temps long et des méthodes lestes, une géographie sentimentale du Japon pour tenter de saisir comment on s’y épanche.
On
ne sait pas si cela tient à la qualité du travail de l’interprète qui fait la traduction de l’entretien mais Ryūsuke Hamaguchi, allure discrète et coupe au bol vardaienne, semble particulièrement prompt à poser les mots justes, à ne pas se laisser dépasser par une pensée accidentée. Dans son cinéma évanescent, le réalisateur fait pourtant preuve d’une attention délicate à ces revers impulsifs de conscience, à ces micromouvements irraisonnés qui font soudain basculer les sentiments vers l’irrémédiable, forçant chacun à tout reconfigurer. C’est, dans sa fresque Senses, à la durée atypique de cinq heures, le départ vers l’inconnu de Jun qui décide de disparaître de Kobe et de laisser son groupe d’amies dans le désarroi, ou encore le dilemme de la jeune héroïne d’Asako I&II, qui quitte son confort à Osaka et son amant, Ryohei, pour rejoindre son amour de jeunesse, Baku, sosie du premier, qui lui promet une vie plus excitante à Tokyo. « Asako est un personnage très entier,
qui accepte de changer absolument de point de vue. Je ne crois pas qu’elle aime deux hommes à la fois, je crois qu’elle en aime un puis un autre, mais qu’à chaque fois elle est à cent pour cent dans son ressenti. Je trouve cette radicalité fascinante », détaille le cinéaste assuré, mais ne nous regardant que furtivement dans les yeux. Lorsqu’on l’interroge sur les bifurcations qu’empruntent ses personnages, Hamaguchi se demande si son itinéraire très mouvant n’y est pas pour quelque chose. Né en 1978 à Kawasaki, ville située entre Tokyo et Yokohama, il a ensuite dû déménager au gré des mutations de son père fonctionnaire. « Adolescent, mes relations s’interrompaient à chaque déménagement. Je pensais que la vie était comme ça, que les liens avec les personnes n’avaient pas à être entretenus et qu’ils prenaient fin de manière naturelle. » Lorsqu’il s’inscrit à l’université de Tokyo, d’où il ressort avec un diplôme d’art en 2003, commence pourtant une période beaucoup plus stable de formation intellectuelle. Les 30
PORTRAIT en scène de la communication, a été un vrai choc pour moi. Depuis, Hamaguchi bénéficie d’une aura parmi les cinéphiles et cinéastes japonais que je n’avais pas rencontrée depuis Nobuhiro Suwa dans les années 2000, qui avait alors un rôle de “grand frère” pour les jeunes réalisateurs arrivant. »
films de Leos Carax, de Víctor Erice, mais surtout l’intimiste et fiévreux Husbands de John Cassavetes, lui montrent la voie à suivre, celle du cinéma. « J’aimerais que mes personnages soient aussi expansifs que chez Cassavetes, mais la société japonaise n’encourage pas à cette exubérance », avance-t-il, ajoutant que Senses est un peu le pendant féministe de cette histoire de disparition dans un groupe de vieux briscards. Après quelques déconvenues en tant qu’assistant-réalisateur (se sentant inadapté aux méthodes de tournage d’un film commercial, il s’est fait renvoyer du plateau), Hamaguchi s’inscrit à la Graduate School of Film and New Media à la Tokyo University of Arts où, pendant deux ans, il suit notamment les cours de Takeshi Kitano et de Kiyoshi Kurosawa. Ce dernier, avec qui il partage une inclination à faire ressortir l’étrangeté latente d’intrigues au réalisme clair et dépouillé, l’encourage à continuer après son long métrage de fin d’études, Passion (2008), qui traite de l’indécision amoureuse au sein d’un groupe d’amis névrosés. Déjà, on y sent poindre sa grande obsession, soit
ENTRE LES MOTS
Cette propension à l’écoute attentive, empathique et endurante, Hamaguchi la place au centre d’une œuvre qui privilégie le temps long. la difficulté à articuler et à transmettre les sentiments dans la société japonaise. Clément Rauger, programmateur cinéma de la Maison de la culture du Japon à Paris, qui a participé à la découverte du cinéaste en France en y projetant Passion et Senses dès 2017, précise : « Ce film, qui arrive à nous faire réfléchir sur la notion de groupe et sur la mise
© ART HOUSE
Senses 1 (2018)
Les cinéastes font témoigner les victimes deux par deux, face à face. Le but est de créer un espace de partage rassurant dans lequel chacun peut dérouler patiemment son expérience traumatique du drame. « Il faut savoir créer un environnement propice pour que les protagonistes puissent librement s’exprimer. » Cette propension à l’écoute attentive, empathique et endurante, Hamaguchi la place dès lors toujours au centre d’une œuvre qui privilégie le temps long : c’est à cette condition qu’il peut se montrer aussi délicat dans sa peinture des sursauts incohérents du cœur et du langage. Une réflexion sur la communication, qu’il nourrit au cours de ses voyages japonais, restant toujours à l’affût des nuances des différents jargons. « Nous avons tourné des séquences d’Asako I&II à Osaka, où se parle un dialecte élancé, très porté sur l’énonciation des sentiments. Tandis qu’à Tokyo la langue est plus académique, plus anguleuse. Moi, j’ai un parler typique de Tokyo », précise-t-il, se doutant bien que cette partie de son travail nous est imperceptible. En même temps, 31
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Après une quinzaine d’années passées à Tokyo, la bougeotte reprend soudain Hamaguchi. « J’en avais marre de voir les mêmes visages. J’ai pris conscience que j’aimais voyager, ne jamais me fixer. » Le 11 mars 2011, une catastrophe touchant le nord-est du Japon marque ses habitants à jamais : un séisme puis un tsunami provoquent l’accident nucléaire de Fukushima. « Ce drame a poussé les cinéastes de la génération de Hamaguchi à tourner vite, il y avait une urgence à raconter », insiste Clément Rauger. Hamaguchi décide de quitter son cocon tokyoïte pour se rendre dans la zone sinistrée afin d’y tourner des documentaires (The Sound of Waves en 2011, Voices from the Waves et Storytellers en 2013), coréalisés avec son ami Ko Sakai.
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Asako I&II (2018)
ces subtilités, si on ne les comprend pas, on les ressent vivement. Ses films sont en effet parcourus par une sensualité frissonnante du quotidien, un regard charnel sur la dureté des affects. C’est éclatant dans Senses, pour lequel Hamaguchi a organisé des ateliers d’improvisation (intitulés « Comment pouvons-nous mieux nous écouter les uns les autres ? ») surtout basés sur le toucher, sur ce que le corps révèle de l’inconscient. « Cette importance de la corporéité, je ne l’ai pas observée ailleurs, chez d’autres cinéastes japonais », souligne Clément Rauger. Ces ateliers apparaissent de manière réflexive dans le film, comme la pratique de la photo nourrissait l’histoire de The Depths (2010) ou le théâtre était central dans Intimacies (2012) : « La fiction s’intègre dans nos vies. Elle complète ce qui nous manque dans le réel et rend visible ce qui est caché. » On lui confie qu’avec ses films à la fois simples et
tortueux, peu respectueux des formats et parfois improvisés, ou encore ses réflexions vertigineuses sur les chausse-trapes de la fiction, il nous fait plus penser à l’expérimentateur Jacques Rivette qu’à ses compatriotes plus installés, Naomi Kawase ou Hirokazu Kore-eda. En styliste du discours amoureux qui ne se considérerait pas encore arrivé à la bonne formule, Hamaguchi répond, un peu déçu : « J’essaye tout le temps de faire du Éric Rohmer, mais je n’arrive qu’à faire du Rivette. » • QUENTIN GROSSET — PHOTOGRAPHIE : JAMES WESTON
— : « Asako I&II » de Ryūsuke Hamaguchi Art House (1 h 59) Sortie le 2 janvier
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UN CŒUR BALANCE Entre Tokyo et Osaka, les heurts sentimentaux vécus par la jeune Asako, qui s’entiche de Ryohei, sosie parfait de son premier amour, Baku, avant de revenir avec celui-ci, puis de le regretter… Avec ce canevas à la fois très simple et infiniment compliqué, Ryūsuke Hamaguchi parvient à la même densité que dans Senses, mais dans un écrin beaucoup plus concis et elliptique. Au-delà de l’impression dure à avaler que tous les amours ne sont qu’une variation du tout premier, c’est un dilemme millénaire auquel est confronté Asako, celui du pragmatisme (Ryohei) ou du fantasme (Baku), du confort solide et rassurant ou de l’enivrante fuite en avant. Jouant du parallèle entre la réapparition soudaine et quasi spectrale de Baku et la catastrophe subite du 11 mars 2011 au Japon, Hamaguchi capte surtout à pas feutrés ce trouble irréel, absurde et grisant créé par tout ce qui vient inopinément brusquer le quotidien et inviter à tout reconstruire de zéro. • Q. G.
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LES GRANDS ESPACES PRÉSENTE
LE PLUS MALIN DES VOLEURS CROISE LE PLUS TÊTU DES FLICS Charles BERLING Swann ARLAUD Jennifer DECKER
DE LA COMÉDIE FRANÇAISE
AU CINÉMA LE 2 JANVIER
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HOSODA ET LES AUTRES Miraï. Ma petite sœur de Mamoru Hosoda (2018)
À la naissance de sa sœur, un petit garçon jaloux se réfugie dans un monde imaginaire où passé et futur se confondent. Tout en étant directement inspiré par la propre vie de famille de son créateur, Miraï. Ma petite sœur peut se regarder comme un best of des influences de Mamoru Hosoda, tête de proue de la nouvelle génération de l’animation japonaise. Portrait recomposé.
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One Piece. Le baron Omatsuri et l’Île secrète de Mamoru Hosoda (2005)
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marketé comme un film de vacances destiné aux familles. Cette conscience aiguë des règles de l’industrie, qui peut sembler paradoxale pour un « auteur », Hosoda la doit à sa formation au sein du puissant studio Tōei. Recruté comme animateur en 1991, il a fait ses armes sur des séries blockbusters (Dragon Ball Z, Sailor Moon) avant de passer à la réalisation de commandes pour le jeune public (Digimon, One Piece). Après quatorze ans chez Tōei, il plie bagage pour mener à bien ses projets personnels (La Traversée du temps, Summer Wars, Les Enfants loups. Ame & Yuki, Le Garçon et la Bête) sans pour autant tourner le dos au sacro-saint principe de divertissement. Il a même conservé certains codes graphiques populaires, comme les vifs changements d’expression propres aux mangas comiques : joues qui rougissent, yeux qui prennent de drôles de formes… que l’on retrouve encore dans Miraï. Ma petite sœur.
LE STUDIO T EI
Mamoru Hosoda ne s’en est jamais caché : quand il réalise un film, il pense au public cible et aux moyens de susciter l’identification. De même que La Traversée du temps était conçu pour parler aux lycéens, Miraï s’adresse aux enfants (Kun, le héros, est âgé de 4 ans) autant qu’à leurs parents (qui payent les tickets de cinéma). Au Japon, le long métrage a ainsi été
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ANIMATION JAPONAISE l’héroïne a, elle aussi, 4 ans). Hosoda a même étudié le story-board de Miyazaki pendant l’écriture du film… Pas facile de tuer le père quand c’est un tel génie. En salles le 2 janvier, le documentaire Never Ending Man de Kaku Arakawa se penche d’ailleurs sur le cas Miyazaki et sa position d’indéboulonnable monument de l’animation japonaise : deux ans après avoir annoncé sa retraite, le septuagénaire se lance dans la préparation d’un nouveau projet, Boro la chenille, aux côtés d’une équipe de jeunes animateurs 3D qu’il vampirise complètement et à qui il ne semble décidément pas prêt à laisser sa place.
Mon voisin Totoro de Hayao Miyazaki (1999)
Qui sera le nouveau Miyazaki ? Mamoru Hosoda arrive en tête des pronostics. Mamoru Hosoda est moins réservé quand il s’agit de rendre hommage à l’autre monstre sacré du manga animé, cofondateur du studio Ghibli. Peut-être parce qu’il est plus délicat de rapprocher leurs styles, Takahata s’étant démarqué par ses changements constants de traits et de techniques, du Tombeau des lucioles à Mes voisins les Yamada. La projection de Miraï à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes a pourtant constitué, selon Hosoda, un
passage de relais, quatre ans après la sélection du Conte de la princesse Kaguya, dernier chef-d’œuvre de Takahata (décédé en avril dernier). C’est grâce aux dessins animés de celui-ci, qui ont bercé son enfance (notamment sa série Anne. La maison aux pignons verts), que Hosoda a découvert la magie de la mise en scène ; c’est aussi à lui qu’il aurait aimé montrer les premières images de Miraï. Surtout, il partage avec ce mentor une même conception de l’animation comme moyen d’exprimer le réel. « Modifier à volonté l’expression des visages, gommer, recommencer à l’infini : jamais un acteur n’aurait la patience nécessaire », affirmait Takahata dans le dossier de presse du Tombeau des lucioles. L’impression grisante produite par la rencontre entre Kun et le bébé, dans l’une des plus belles scènes de Miraï, doit beaucoup à cette approche réaliste et perfectionniste.
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ISAO TAKAHATA
Le Conte de la princesse Kaguya de Isao Takahata (2014)
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Depuis que le maestro du studio Ghibli a annoncé en 2013 sa retraite (reportée depuis), l’industrie du cinéma japonais et les journalistes du monde entier se posent la question : qui sera le nouveau Miyazaki ? Mamoru Hosoda arrive en tête des pronostics tant leurs préoccupations sont proches (spiritualité animiste, poésie graphique, humanisme), comme leur capacité à émerveiller les foules. Pour Hosoda, le rapport à cet aîné ombrageux est plus complexe. Il a été évincé du tournage du Château ambulant, car sa vision ne respectait pas le cahier des charges imposé par Ghibli… Miyazaki finira par le réaliser lui-même, avec la réussite que l’on sait – c’est le deuxième plus grand succès du studio au box-office mondial (235 millions de dollars). Cet épisode convaincra Hosoda de fonder le studio Chizu pour produire ses films sans pressions extérieures. Pourtant, Miraï n’échappe pas à la comparaison avec Mon voisin Totoro, le plus célèbre animé sur l’enfance (dont
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HAYAO MIYAZAKI
EN COUVERTURE accapare l’attention de ses parents, se réfugie dans des dimensions parallèles aux codes étranges – le chien est un prince, les enfants volent, le grand-père décédé fait de la moto… C’est également au sein du studio Madhouse, qui hébergeait Satoshi Kon, que Hosoda a réalisé ses premiers films d’auteur, La Traversée du temps (adapté du romancier Yasutaka Tsutsui, tout comme Paprika) et Summer Wars. Mais la filiation s’arrête là, tant la douceur et l’optimisme de Hosoda tranchent avec le nihilisme cauchemardesque des longs métrages de Kon, réservé aux adultes consentants (et aux amateurs de David Lynch). Et si le nom de Hosoda a été avancé pour reprendre Yume miru kikai, le film inachevé de Kon, la production n’a pas donné suite, jugeant leurs personnalités trop différentes et craignant de perdre l’esprit original.
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C’est un peu le même effet que pour Miyazaki, à savoir la persistance rétinienne d’une grammaire connue : dès qu’il y a, dans un manga animé, continuité entre le réel et l’imaginaire, dès que le rêve devient aussi tangible que les perceptions d’éveil, on pense au regretté Satoshi Kon, réalisateur de Perfect Blue et de Paprika, décédé en 2010. Toute l’œuvre de Hosoda s’inscrit dans cette continuité, y compris Miraï, dans lequel le petit Kun, jaloux de cette sœur qui vient de naître et
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Paprika de Satoshi Kon (2006)
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MAKOTO SHINKAI
Au jeu du « qui sera le prochain Miyazaki ? », Hosoda a un concurrent sérieux : Makoto Shinkai. Sorti en 2016, son film Your Name s’est imposé comme le plus gros succès mondial de l’animation japonaise (près de 360 millions de dollars), dépassant le record historique du Voyage de Chihiro (290 millions de dollars). Comme Hosoda, il exploite à fond les nouvelles technologies numériques et revendique son indépendance par rapport aux majors. Shinkai est même un cas extrême de control freak : sur 5 centimètres par seconde, il était crédité en tant que réalisateur, producteur, chef opérateur, scénariste, monteur, programmateur 3D et ingénieur du son. Shinkai et Hosoda ont aussi en commun un goût pour le mélange entre drame et
comédie, ainsi qu’une obsession pour les voyages dans le temps. C’est une thématique centrale de La Traversée du temps comme de Your Name, et maintenant de Miraï, dans lequel le héros rencontre son grand-père jeune, sa mère adolescente et sa petite sœur devenue grande, afin d’accepter sa place dans la filiation. Preuve que cette nouvelle génération regarde l’avenir (c’est le sens du mot « miraï » en japonais) sans pour autant oublier les leçons du passé. • MICHAËL PATIN
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SATOSHI KON
Your Name de Makoto Shinkai (2016)
— : « Never-Ending Man »
— : « Miraï. Ma petite sœur » de Mamoru Hosoda
de Kaku Arakawa
Wild Bunch (1 h 38)
Eurozoom (1 h 25)
Sortie le 26 décembre
Sortie le 2 janvier
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“IL N’Y A PAS DE GRAND PAYS SANS GRANDS PATRONS”
" UNE COMÉDIE IRRÉSISTIBLE " LE FIGARO
PREMIERE
" ON RIT! " LE POINT
EN DVD, BLU-RAY ET VOD LE 5 FÉVRIER 2019
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MONTS ET MERVEILLES
Le cinéma d’auteur chinois actuel a pour porte-drapeaux Bi Gan, Liu Jian ou Qiu Sheng. Ils succèdent aux cinéastes de la « sixième génération », celle des années 1990 et 2000, et en particulier à Jia Zhang-ke, auquel ils empruntent un désir de parasiter le réel par l’irruption du merveilleux. Tant et si bien que cette volonté semble aujourd’hui définir les fondements esthétiques de cette « septième génération ».
Le
cinéma chinois se pense en termes de générations successives, de même que l’histoire du pays s’est longtemps articulée en dynasties. Comme elles, chaque génération coexiste un temps avec la suivante puis fait place. Ainsi la « cinquième génération », qui faisait la part belle aux fresques historiques comme Adieu ma concubine de Chen Kaige, Palme d’or en 1993, dut s’incliner quelques mois plus tard face à l’éclosion d’un renouveau cinématographique tourné vers la réalité sociale du pays – The Days de Wang Xiaoshuai, Beijing Bastards de Zhang Yuan et, quelques années plus tard, Xiao Wu. Artisan pickpocket (1997), premier film de Jia Zhang-ke. Menacés par les censeurs du gouvernement en raison de leur ancrage très contemporain, les tournages de ces cinéastes sont souvent clandestins, et la diffusion de leurs films est à l’avenant, même à l’étranger. Certains estiment que cette « sixième génération » perdure aujourd’hui. Gageons qu’il en existe déjà une septième.
DÉCOLLAGE IMMÉDIAT
Lorsque sort Still Life de Jia Zhang-ke en 2007, un basculement s’opère. Au détour d’une séquence a priori anodine, un immeuble s’élève dans les airs comme
Suburban Birds de Qiu Sheng (2018)
une fusée. Le réalisateur pose alors les bases d’un cinéma du futur. Les films d’auteur chinois contemporains restent politisés, s’échinant autant que ceux de la génération précédente à documenter l’époque, mais leur approche du réel n’est plus la même. Ils se distinguent par un attachement particulier au merveilleux, et plus précisément au surgissement du merveilleux. À cet égard, Jia Zhang-ke ne s’est pas contenté de montrer la voie ; il est un guide. D’une part à travers ses films, dans lesquels le réel se fissure encore régulièrement (la télépathie dans Au-delà des montagnes en 2015, les ovnis dans Les Éternels, son nouveau film, en salles en février prochain), et d’autre part grâce au festival de Pingyao, qu’il a cofondé en 2017 dans son Shanxi natal et qui se veut un tremplin pour les jeunes cinéastes chinois (lire l’encadré p. 40). La génération qu’il accompagne semble ne jamais avoir oublié son immeuble-fusée. Tous sont trentenaires aujourd’hui –ou presque, Bi Gan a 29 ans et Liu Jian, 49 –, ce qui laisse imaginer que Still Life les a marqués à un moment charnière de leur éducation cinéphile. À présent, eux aussi invitent le merveilleux dans le flot de leurs images, et ce, par l’intermédiaire
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JEUNE CINÉMA CHINOIS
Still Life de Jia Zhang-ke (2007)
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d’objets variés et inattendus. Dans le polar animé Have A Nice Day (Liu Jian, 2018), ce sont des lunettes qui modifient à la fois la vision d’un personnage et l’expérience des spectateurs. Quand un voyou les chausse, c’est pour scanner l’intérieur d’un sac, créant une rupture anachronique avec l’univers technologiquement désuet décrit jusqu’alors. Aux montures futuristes
ajoutons les jumelles magiques de Suburban Birds de Qiu Sheng (en salles en juin prochain), l’histoire d’un géomètre chargé de comprendre les raisons d’un affaissement de terrain et qui, grâce à cet objet, parvient à observer… le passé. L’exploration d’époques révolues, confinant à l’introspection, c’était aussi le sujet de Kaili Blues (Bi Gan, 2016). Vers le début du film, l’apparition d’un train dans un appartement peine à s’expliquer (est-ce un jeu de reflets qui nous dupe ?), mais diffuse l’idée d’un voyage intérieur imminent ; le regard que l’on porte sur le film ne sera dès lors plus le même. Dans sa comédie Girls Always Happy (2018, inédit en France), Yang Mingming provoque un sentiment comparable quand son personnage flirte par deux fois avec des habiletés super-héroïques. Idem lorsque, dans Life After Life de Zhang Hanyi (2016, lui aussi inédit chez nous), deux hommes poussent
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Les films restent politisés, mais leur approche du réel n’est plus la même.
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Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan (2019)
un gigantesque rocher sur un sentier de montagne avec la même aisance qu’Obélix transportant ses menhirs.
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JUSQU’AUX ABÎMES
Bi Gan, lui, est de retour avec un film très remarqué à Cannes en 2018, en raison notamment de son usage fantasmagorique de la 3D relief et du plan-séquence. Un grand voyage vers la nuit, en salles le 30 janvier, prolonge les aspirations introspectives de Kaili Blues : difficile de dire si le protagoniste vit dans notre monde, dans un film ou dans un rêve, l’unique certitude étant qu’il erre dans ses souvenirs. Le passage d’une réalité à une autre intervient lorsqu’il pénètre dans une salle de cinéma et met des lunettes 3D (incitant le spectateur à en faire de même). Un peu plus tard, la manipulation d’un jouet optique, un thaumatrope sur lequel est dessiné un oiseau, lui permet de s’élever dans les airs. Précurseur de
l’art cinématographique, cet objet n’a pas été choisi par hasard : Bi Gan convoque le merveilleux pour mieux parler du cinéma et mettre en scène au cœur de son film l’émerveillement propre au spectateur. On assiste à une mise en abyme similaire quand, dans Suburban Birds, un personnage observe une autre scène du film grâce à ses jumelles. Ou lorsque dans Three Adventures of Brooke (Yuan Qing, 2018, encore inédit en France), une figure de démiurge révèle à l’héroïne ce qu’elle a vécu dans une existence parallèle, ou plutôt dans le segment précédent de ce film à sketchs… Autant d’invitations pour le spectateur à profiter des bienfaits conjugués d’un éveil à la fois esthétique, tant cette greffe du merveilleux nourrit la forme de chacun des films, et éthique, puisqu’aucun ne néglige pour autant de s’interroger sur les mutations actuelles de la Chine. • HENDY BICAISE
PASSER LE FLAMBEAU Jia Zhang-ke, figure de proue de la « sixième génération » de cinéastes chinois, se pose comme guide pour ses successeurs. En 2017, il a lancé dans le Shanxi, avec Marco Müller (qui a notamment dirigé le festival de Locarno), la première édition du Pingyao International Film Festival. Son ambition ? Promouvoir le cinéma d’auteur chinois, à l’heure où, comme il nous l’a dit avec précaution, « le marché du cinéma du pays vit une période d’enfermement » et où l’« on donne accès à un seul type de productions » – comprendre : les blockbusters. Pour contrer ce phénomène, le festival, dont la deuxième édition s’est tenue en octobre dernier, fait notamment un gros plan sur une jeunesse pleine de ressources (moins financières que créatives) – une section work in progress y diffuse même des films avant leur passage par la censure. « On crée un pont entre les jeunes cinéastes chinois et le circuit de distribution nationale [la production indé investit encore timidement, mais de manière exponentielle, les dizaines de milliers d’écrans chinois, ndlr] et internationale. J’aimerais surtout entretenir un esprit artistique dans la production cinématographique. » • T. Z .
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ue. q i t i l o p r a l o p LʼOBS d n a r g n U rme a h c n u e g e déga r è i c i l o ber. p m e i o c d c é u s m o s c a POSITIF Cette e ne p d e l i c ffi i d t auquel il es
AGAT FILMS & CIE PRÉSENTE
APRÈS
L AND R E P P E P T E MY SWE
UN FILM DE
EEM HINER SAL
LE 2 JANVIER
EN COUVERTURE
CHINA BLUES
Fin 2017, Hu Bo, écrivain chinois de 29 ans, se donnait la mort. Il venait d’achever le montage d’un premier film de 3 heures 50 : un portrait ample, grave et lucide de la Chine au miroir d’un pachyderme.
On
pourrait comparer le cinéma d’auteur chinois contemporain au système solaire. Au milieu, l’astre Jia Zhang-ke, et autour, des planètes dont la trajectoire suivrait plus ou moins fidèlement son programme d’envol timide vers le fantastique (lire p. 38). Dans ce décor, le cinéma de Hu Bo serait une lune qui chute pour s’écraser sur la terre ferme du réel. Chez lui, nul décollage pour la féerie. Bien au contraire. Dans An Elephant Sitting Still, quel que soit leur âge, les personnages semblent lourds du poids de toute une vie. Ils sont comme cet éléphant impassible qui donne son titre au film : indifférents à tout, condamnés à tourner en rond dans leur enclos de misère sociale et affective. Nous sommes au nord de la Chine, dans les faubourgs pauvres d’une métropole anonyme, et, malgré la mort accidentelle d’un lycéen qui les relie tous, les quatre protagonistes de ce récit choral (deux adolescents, un voyou et un retraité) ne s’étonnent plus de rien. « Tu finiras vendeur à la sauvette », dit un prof à son élève de 17 ans. Ici, nous montre Hu Bo, tout est écrit
d’avance, et chacun sait qu’aucune éclaircie ne l’attend sous le ciel poisseux de cette journée et de cette ville qui ressemblent à toutes les autres. La force du film est de rendre compte de cet engourdissement intégral au moyen d’un filmage souple, jamais abrupt, comme si la caméra ondoyait entre les personnages à la manière d’un serpent constricteur qui resserrerait peu à peu son étreinte. Et si le récit laisse finalement s’échapper deux ados et un retraité à Manzhouli, pour aller voir ce mystérieux éléphant qui ne bougerait jamais, c’est pour les abandonner en chemin, sur la route de leurs espoirs sans doute vains. Les envies d’ailleurs ne manquent pas, nous raconte Hu Bo, mais il faudra un peu plus que du fantastique ou une pincée d’exotisme pour tirer la Chine de son immense paralysie. • ADRIEN DÉNOUETTE
— : « An Elephant Sitting Still » de Hu Bo
Les Bookmakers / Capricci Films (3 h 50) Sortie le 9 janvier
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CG CINÉMA présente
FESTIVAL DE VENISE En compétition
Juliette BINOCHE
DOUBLES VIES un film de
Vincent MACAIGNE
Christa THERET « UNE
DÉLICIEUSE COMÉDIE » Los Angeles Times
Nora HAMZAWI
Le nouveau film de
« PÉTILLANT ! »
Olivier Assayas
Screen’s
« UN CASTING
ÉTINCELANT » Télérama
AU CINÉMA LE 16 JANVIER
Crédits non contractuels • Illustration : Stéphane Manel • Adaptation : TROÏKA
Olivier ASSAYAS
Guillaume CANET
EN COUVERTURE
TRIBULATIONS DES CHINOIS EN CHINE
Mégalopoles, montagnes escarpées, cités impériales, zones industrielles… avec une superficie de plus de 9,5 millions de km2, le territoire chinois présente une variété extraordinaire de décors qui sont autant de terrains de jeu pour les cinéastes. Focus sur huit de ces lieux emblématiques, à la lueur des grands films chinois de ces quinze dernières années. • HENDY BICAISE
LE SHANXI
LE YUNNAN
LE GUIZHOU
Dans Life After Life* de Zhang Hanyi (2016), on découvre une région escarpée et aride. Mais lorsque son producteur Jia Zhang-ke s’y attarde dans ses propres films Plaisirs inconnus (2003) ou Les Éternels (qui sort le 27 février), il délaisse le grand air pour la ville de Datong et son atmosphère polluée.
Sa frontière avec la Birmanie incite à la découverte de groupes ethniques locaux : les Dai, dans The Taste of Rice Flowers* de Pengfei Song (2018), ou les Ta’ang, dans le documentaire que Wang Bing leur a consacré – Ta’ang (2016). Ce dernier explore particulièrement cette province pauvre depuis Les Trois Sœurs du Yunnan (2014).
Province subtropicale, montagneuse et humide, le Guizhou se prête idéalement aux rêveries nostalgiques et amoureuses de Bi Gan (Kaili Blues, 2016 ; Un grand voyage vers la nuit, qui sort le 30 janvier). Dans Shanghai Dreams (2006), Wang Xiaoshuai retrace l’exode citadin qui visait à développer l’industrie locale dans les sixties.
LA MONGOLIEINTÉRIEURE Dans Comme un cheval fou* de Tao Gu (2017) et dans An Elephant Sitting Still de Hu Bo (sortie le 9 janvier), les personnages fantasment leur voyage jusqu’à cette région autonome désertique. Dans Desert Dream (2008), Zhang Lu la filme aussi comme dans un rêve, mais ses héros d’horizons divers s’y rencontrent réellement.
CARTE
BOBINES
SHANGHAI
HONG KONG
CHONGQING
PÉKIN
Son surnom de « ville-montagne », en raison de sa topographie, illustre bien la façon dont on peut parcourir cette immense municipalité : en y errant, comme dans le terrassant People Mountain People Sea de Cai Shangjun (2013), ou s’y terrant, comme dans Chongqing Blues* de Wang Xiaoshuai (2010).
Si la capitale est le parfait écrin pour les fresques historiques grâce à sa Cité interdite, les cinéastes indépendants lui préfèrent ses ruelles étroites appelées hútong (Girls Always Happy* de Yang Mingming, 2018) ou les quartiers gentrifiés (le docu militant Wu Tu. My Land* de Jian Fan, 2017).
LE BARRAGE DES TROIS-GORGES La plus grande centrale hydroélectrique au monde a causé le déplacement de millions d’habitants. Yung Chang évoquait sa mise en place dans Up the Yangtze* en 2008. Jia Zhang-ke aussi, et par deux fois : en 2007 dans Still Life, puis par un flash-back fascinant dans Les Éternels.
LE YANG-TSÉ Dans A Yangtze Landscape (2017), Xu Xin longe le plus long fleuve d’Asie et capte les actions de ses riverains les plus démunis. Filmant toujours à distance, le réel se fissure discrètement lorsque sa caméra enregistre cette fois le tournage d’un film : le mélodrame Crosscurrent de Yang Chao (2016).
* Les dates indiquées sont celles de la sortie sur les écrans français de ces films, sauf ceux signalés par un astérisque, qui n’ont pas été exploités dans l’Hexagone.
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© XSTREAM PICTURES / MK2 PRODUCTIONS / ARTE FRANCE CINÉMA
UNE SAISON EN ASIE
Les Éternels de Jia Zhang-ke (2019)
BOBINES
Du
studio Ghibli à Wong Kar-wai, de Shanghai à Kobe… cet hiver, mk2 invite ses spectateurs à passer « Une saison en Asie » pour découvrir, explorer, voir ou revoir de nombreux films d’Asie de l’Est. Au total, près de cent trente œuvres pour explorer un cinéma puissant et élégant, entre maîtres anciens et cinéastes de notre temps. Jusqu’au 15 mars, au-delà de ce cycle de longs métrages, de nombreux événements sont organisés dans les salles : des séances exclusives, des rétrospectives exceptionnelles, des débats et des master class (elles seront annoncées courant janvier 2019). Le nouveau mk2 store, tout juste inauguré au sein du mk2 bibliothèque, propose pour sa part des objets, des séances de signature et des ateliers qui font écho au cinéma asiatique. Du cinéma asiatique, nous savons tous déjà beaucoup de choses : sa richesse, sa
puissance narrative et son élégance… mais derrière ces évidences esthétiques, l’on trouve de grandes mutations, des transformations, au fil du temps, au sein même de l’œuvre des principaux réalisateurs. Il y a aussi des parts d’ombre, aux couleurs d’encre de Chine. C’est pour emprunter ces pistes que la programmation de films proposés réunit à la fois des œuvres épiques ou intimes, des films d’animation pour tous les âges, de grands films noirs, des films de genre ou encore quelques films érotiques, ensorcelants. Un périple qui nous fait aussi traverser les films de karaté volant, dans lesquels aigles et chats comptent autant que le sabre qui coupe l’air et le vent. • CLAUDE GARCIA
— : jusqu’au 15 mars. Infos et réservations
sur www.mk2.com
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DES CYCLES EXCEPTIONNELS
DES OBJETS UNIQUES
DE GRANDES RÉTROSPECTIVES
L’occasion de redécouvrir la quasi-totalité des productions du studio Ghibli (Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké), des films culte (Les Sept Samouraïs, Coming Home), des films de genre (Memories of Murder, Mademoiselle), ou encore des pépites lors de séances exclusives (Kaili Blues).
Tout au long de cette saison en Asie, la boutique mk2 store, au mk2 Bibliothèque, présente des objets emblématiques, en partenariat avec Shopu, une boutique en ligne qui rassemble une série d’objets en provenance du Japon, comme l’élégante théière en inox Mainichi.
Une programmation qui rassemble les chefs-d’œuvre des maîtres Naomi Kawase, Akira Kurosawa, Hirokazu Kore-eda, Hong Sang-soo, Park Chan-wook, Mamoru Hosoda, Ryūsuke Hamaguchi, Mikio Naruse, Yasujirō Ozu, Hou Hsiao-hsien, Wong Kar-wai et Jia Zhang-ke.
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MOTS CROISÉS
BOBINES
ANNÉES FASTES Dans My Little Princess, elle évoquait son enfance et sa mère, la photographe Irina Ionesco, qui la faisait abusivement poser pour des photos érotiques. Dans l’écorché et raffiné Une jeunesse dorée, elle convoque des souvenirs tortueux de son adolescence, passée entre la DDASS et Le Palace, et met en scène une jeunesse parisienne du tournant des eighties baignant dans le faste et l’opulence. On a soumis à la cinéaste, également écrivaine, des citations tirées de livres qui résonnent fort avec son film.
« Eva m’a confié une vieille boîte à biscuits métallique de couleur bleue, Galettes de Pleyben, avec l’image de deux Bigoudens assis sur des tonneaux jouant du biniou devant un clocher de pierre. » Eva de Simon Liberati « Ah, ça raconte beaucoup de choses, cette boîte… Mon père [qu’elle a peu connu et qui est décédé lorsqu’elle était enfant, ndlr] me l’avait offerte quand j’étais allée lui rendre visite en Bretagne. Je l’ai prêtée à Simon [Liberati, son mari, qui a coécrit Une jeunesse dorée avec elle, ndlr] pour qu’il écrive son livre sur moi… J’y garde
des cartes postales de stars des années 1950 que j’ai chinées un peu partout, d’autres ramenées de mes voyages – par exemple celui qu’on avait fait en Grèce avec Christian Louboutin [son grand ami de jeunesse, qui a inspiré le personnage d’Yvan dans le film, joué par Nassim Guizani, ndlr] –, mais aussi des lettres d’amour que m’a écrites Charles, mon fiancé d’autrefois [qui a inspiré le personnage de Michel, joué par son fils, Lukas Ionesco, ndlr]. Au début du film, quand on la voit dans l’internat, Rose [son double fictionnel, joué par Galatéa Bellugi, ndlr] fait un peu la même chose, elle collecte ses lettres dans un vanity-case. En tout cas, cette boîte, je n’ai pas fini de l’utiliser. J’écris un autre livre qui s’inspire d’autres histoires d’amour. »
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EVA IONESCO
« Ce passage de mon livre Innocence, c’est parce que je faisais comme une enquête sur mon père. Je convoquais ma mémoire et, forcément, j’y ai trouvé des choses difficiles… Dans Une jeunesse dorée, Rose pourrait être une héroïne de roman noir. On a d’ailleurs travaillé le personnage comme ça avec Galatéa Bellugi. Elle évolue dans ce quartier du boulevard de la Chapelle, où il y avait toutes ces baraques à strip. J’en ai fait des strip-teases ici, avec des copines ! Pour aller au Palace, il fallait traverser ce Paris dangereux, voyeur, avec des bandes qu’on savait armées qui s’agglutinaient. C’était curieux. »
« Plus on fait de choses, plus on a de temps pour en faire. Moins on en fait, moins on en a : les oisifs n’ont jamais une minute à eux. » Derrière cinq barreaux de Maurice Sachs « Maurice Sachs, ça m’évoque évidemment la fête, puisqu’il adorait ça. Ça me fait penser aussi à l’oisiveté des personnages d’Une jeunesse dorée. C’est une partie de la jeunesse où on ne fait rien. Une sorte d’abandon, la vie comme au cinéma. On passe son temps à s’habiller, à traîner au lit avec son fiancé, comme dans un Godard. Pour moi qui ne suis plus si jeune que ça, je trouve que c’est agréable de filmer cette jeunesse, son côté aventureux, et de partager un tournage avec des jeunes gens. Même si la période que je dépeins dans le film a été douloureuse sur le moment. »
« Février 77. Promenade en bateaumouche pour fêter notre mariage avec Dinah. Nous annonçons à tout le monde que nous sommes mariés, c’est très drôle… À quand le divorce ? » Un jeune homme chic d’Alain Pacadis
relu tous ses textes il n’y a pas longtemps, et je me suis aperçue qu’il était vraiment toujours au centre de ses articles, il disait “je”, ce qui était assez moderne. On en a vécu plusieurs, des faux mariages. Il y a eu le mariage d’Edwige [mannequin et chanteuse surnommée la “reine des punks”, ndlr] avec le réalisateur Jean-Louis Jorge, qui s’est ensuite fait assassiner à Saint-Domingue. Edwige aimait plutôt les filles et Jean-Louis, les garçons, mais ils se sont mariés. Dans mon film, la séquence du mariage à quatre avec Alain Pacadis qui donne les sacrements [Rose et Michel se marient pour de faux avec de riches mondains décadents incarnés par Isabelle Huppert et Melvil Poupaud, ndlr], c’est une idée de Simon Liberati. »
« Les riches croyaient qu’il était riche et les pauvres le considéraient comme un pauvre. Et comme rien ne venait contredire ces rumeurs, elles devinrent merveilleuses et vraies. » Le cœur est un chasseur solitaire de Carson McCullers « J’aime beaucoup Carson McCullers, je l’avais lue très jeune et je l’ai redécouverte il n’y a pas très longtemps. Je m’étais inspirée d’elle dans mon premier film, parce que j’aime bien comment elle décrit des pièces dont l’ambiance s’envenime peu à peu. Ses livres peuvent aussi avoir un lien avec Une jeunesse dorée, parce qu’ils évoquent souvent l’errance adolescente. Dans le film, les deux garçons qui accompagnent Rose, Yvan et Adrien [incarné par Alain-Fabien Delon, ndlr], sont très dans le paraître, ils aiment répandre des rumeurs autour d’elle qui vient de la DDASS… Ce sont des gens qui sont attirés par le salon, le fait de bavarder, de faire croire des choses sur soi ou sur les autres, ce qui peut porter préjudice. Derrière cela, il y a aussi bien sûr l’idée de romancer sa vie, ce qui est d’ailleurs beaucoup plus accepté en littérature qu’au cinéma.
• PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA — : « Une jeunesse dorée » d’Eva Ionesco
« Je me demande si cette fameuse Dinah n’était pas un travesti… Si mes souvenirs sont bons, il y a des photos d’elle et d’Alain près de la tour Eiffel… Je n’ai pas connu Dinah, mais j’ai bien connu Pacadis, qui a commencé à chroniquer sa vie très tôt. J’ai
KMBO (1 h 52) Sortie le 16 janvier
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BOBINES
« Je sens très fort le roman noir ou bien le film noir, je ne sais pas pourquoi. » Innocence d’Eva Ionesco
INTERVIEW
BOBINES
L’HOMME ET LA MACHINE Connu pour ses innovations dans le domaine des effets spéciaux (Retour vers le futur, Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, The Walk. Rêver plus haut), Robert Zemeckis est aussi un immense conteur, capable d’emballer dans un écrin de grand spectacle les histoires intimes les plus bouleversantes (Contact, Seul au monde, Forrest Gump). Son nouveau film, Bienvenue à Marwen, narre l’histoire d’un homme fragile (Steve Carell), gravement blessé, qui se soigne en photographiant des poupées avec lesquelles il fantasme une existence mouvementée – dans laquelle Zemeckis, bien sûr, se réjouit de nous plonger. Rencontre.
Robert Zemeckis sur le tournage de Bienvenue à Marwen
Vous innovez encore, en mélangeant scènes dans le monde réel et scènes fantasmées par le héros, en images de synthèse. C’était l’enjeu principal dès le début du projet. On voulait que les spectateurs puissent voir les vrais acteurs et les poupées animées de la même manière, et que les allers-retours entre les deux univers soient fluides, ne posent pas question. Pour réussir ça, il était important
d’avoir des poupées capables d’afficher des émotions humaines. Du coup, on a inventé une technique qui est, je crois, nouvelle. On a fait beaucoup d’essais, et on a décidé de tenter. Je crois qu’on s’en est pas mal sortis. C’est quoi, cette technique ? Eh bien… vous connaissez un peu le principe de la motion capture ? Nous avons filmé les acteurs en studio, équipés de capteurs de mouvements, puis nous avons combiné cette technique avec l’image réelle des visages des acteurs, filmés avec une caméra numérique classique. Nous avons fondu les deux images ensemble virtuellement. Du coup, ce sont de vrais yeux, de vraies bouches, qui sont intégrées aux visages des poupées, de façon à préserver le rendu des émotions.
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© UNIVERSAL PICTURES
BOBINES
ROBERT ZEMECKIS
on leur demande de dire leur texte en regardant un petit bout de scotch gris collé quelque part. Mais c’est aussi agréable pour eux, car ça va vite, les prises s’enchaînent. C’est un jeu pur, dépouillé des obligations, il n’y a pas de longues phases d’attente comme sur un tournage traditionnel. Sur quel modèle vous êtes-vous basé pour les poupées que Mark, le héros, collectionne avant qu’elles ne prennent vie ? On dirait des Barbie. Ce ne sont pas des Barbie : ce sont des fashion dolls, des poupées un peu plus sophistiquées, plus détaillées que les Barbie, pour les vrais connaisseurs – et Mark Hogancamp en est un !
Dans quel ordre avez-vous tourné les scènes de ces deux mondes du film ? Nous avons tourné d’abord toutes les scènes en prises de vue et décors réels, puis toutes les scènes de poupées en motion capture, en studio. Pour les prises de vue réelles, les acteurs devaient parfois donner la réplique à des poupées qui n’existaient pas encore, mais tout s’est bien passé. En tant que metteur en scène, à quel point était-ce deux exercices différents ? Pour moi, c’est exactement le même métier dans les deux configurations. Mais pour les acteurs, c’est très différent, parce que pour les séquences de poupées ils n’ont ni costumes ni décor pour les aider. Ils doivent se tenir sur des marques au sol, 51
INTERVIEW
BOBINES
« Je n’aime pas le tournage, le tournage c’est de la survie. » D’un point de vue de mise en scène, comment avez-vous abordé la différence d’échelle entre le monde des humains et celui des poupées, qui cohabitent parfois dans un même plan ? Ah ça, c’était vraiment la partie marrante : réussir à faire se rencontrer les deux mondes. On a tout simplement été attentifs à respecter les échelles respectives. Les plans avec les poupées devaient avoir le rendu que l’on a quand on filme un objet miniature, et les plans des humains être à échelle normale. Le plus difficile était de décider avec quelle optique filmer les scènes en motion capture pour obtenir le rendu « poupées ». Et donc, vous avez fait comment ? On a utilisé des longues focales, avec peu de profondeur de champ, pour donner presque l’impression d’optiques macro. Devant vos films, on se demande quel genre d’enfant vous étiez ? Un geek ? S’il y avait des geeks à l’époque, j’imagine que j’en étais un, oui ! De quel genre ? Vous vouliez être inventeur, ingénieur ? Non, je voulais être une rock star ! Mon premier amour, ça a été le rock, et puis ensuite, très jeune, je suis tombé amoureux
Steve Carrel et Janelle Monáe, version poupées
du cinéma. Et quand j’étais vraiment petit, j’adorais les marionnettes. Comment envisagez-vous l’écriture d’un film ? Je crois que c’est une étape que vous appréciez beaucoup. L’écriture, c’est tout ! Mais, au-delà du scénario, j’ai aussi le sentiment d’écrire le film pendant le tournage, avec la caméra, les acteurs. Et le montage, c’est aussi de l’écriture, de la grammaire. Faire un film, c’est un grand processus d’écriture, à différentes facettes. D’ailleurs, vous savez, je ne fais pas que des films que j’écris moi-même, et j’aime tout autant réaliser des films écrits par d’autres. Quelle est votre étape préférée dans la fabrication d’un film ? Le montage. Je n’aime pas le tournage, c’est de la survie, c’est dément. Par contre, j’adore l’idée que cette énorme armée du chaos qu’est le tournage laisse, au montage, la place à juste moi, mon monteur et le film. Que cette énorme machine devienne, dans l’intimité de la salle de montage, un petit film personnel. Comme souvent dans vos films, vous vous intéressez ici à un antihéros, un
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BOBINES
ROBERT ZEMECKIS
TOUT SUR ROBERT Amnésique et bourré d’anxiolytiques après une agression qui a failli lui coûter la vie, Mark Hogancamp survit en s’inventant un monde imaginaire : Marwen, village peuplé de figurines en modèle réduit, qu’il construit et photographie. De cette histoire vraie, Robert Zemeckis tire une métaphore limpide du cinéma, en épousant l’univers mental de son personnage par la magie des effets spéciaux et de la mise en scène. Le réel se répercute dans la fiction, et la fiction sublime le réel. Cette vision de l’art comme geste qui sauve est aussi une manière de faire le point sur sa carrière. Isolé comme Chuck Noland (Seul au monde), abîmé comme Whip Whitaker (Flight), à côté de la plaque comme Forrest Gump, Hogancamp est surtout un modèle de résilience, trait fondamental du héros zemeckisien. L’apparition d’une DeLorean miniature et le happy end doux-amer confirment ce glissement biographique : au fond, le cinéaste ne parle que de lui, de ses obsessions et de son savoir-faire. • MICHAËL PATIN
homme fragile, affaibli, émotif. Le cinéma hollywoodien nous habitue plutôt aux personnages d’hommes forts… Dans cette histoire en particulier, j’aime l’idée que Mark est un homme sensible et brisé, mais qui a cet alter ego fort et conquérant dans son monde fantasmé de poupées. J’aime la façon donc il utilise son art pour se guérir. Je n’ai jamais vraiment réfléchi à ce que vous dites sur la sensibilité de mes personnages masculins mais, ce que je sais, c’est que les histoires les plus captivantes sont celles de personnes qui accomplissent
un voyage, qui progressent d’une étape de leur vie à une autre. Quel genre de films aimez-vous ? Mes films préférés sont ceux qui se concentrent sur les personnages et leur histoire, ce sont eux qui vous connectent émotionnellement au film. Les gens pensent toujours que je suis un mec des effets spéciaux, mais la plupart des films avec des effets spéciaux me déplaisent, parce que les effets spéciaux y sont utilisés aux dépens de l’histoire et des personnages. 53
© D. R.
INTERVIEW
La mort vous va si bien (1992)
BOBINES
« Le plus important, c’est l’essence des personnages. » Vous êtes comme Mark, qui insiste à un moment dans le film sur l’essence de ses poupées… Exactement. C’est cette essence des personnages qui est la plus importante et qui me fait choisir tel ou tel projet de film. Vos fans apprécieront la référence à Retour vers le futur que vous glissez dans le film. Haha, j’étais obligé ! Il y a une machine à remonter le temps dans le scénario, comment aurais-je pu faire autrement ? Vous glissez aussi une référence à La mort vous va si bien, votre film de sorcières sorti en 1992. J’avais 8 ans quand il est sorti, il m’a un peu traumatisée… Vous étiez un peu trop jeune pour le voir ! Vous pensez qu’aujourd’hui il serait toujours possible de faire un tel film d’horreur pour enfants ? Je ne sais pas si je peux répondre, parce que beaucoup de parents pensent que les deux films pour enfants que j’ai faits ces quinze dernières années, Le Pôle express (2004) et Le Drôle de Noël de Scrooge (2009), ne sont pas du tout appropriés pour des enfants… Mais moi je crois fortement dans la tradition de Walt Disney : il faisait des films d’enfants
pour adultes. Je pense que les enfants comprennent tout, et que c’est bien de les confronter à leurs peurs, pour qu’ils les acceptent. Comme la peur d’être dévorés. Vous travaillez sur une adaptation de Sacrées sorcières de Roald Dahl, n’est-ce pas ? Oui, encore une histoire pour enfants complexe et pleine de nuances, c’est bien pour ça qu’elle m’attire. Elle est gorgée d’ingrédients merveilleux comme la tragédie, le chagrin, la mort, l’amour. Vous savez que la sorcière est aussi une figure féministe ? Bien sûr ! C’est pour ça que les sorcières ont été créées, ça a toujours été en lien avec le statut des femmes dans la société. Dans la fiction, les sorcières sont les personnages les plus diaboliques, car elles sont des figures féminines. On est habitués à ce que la violence et la peur viennent des hommes, quand une femme est le « méchant » du film, c’est terrifiant et passionnant.
• PROPOS RECUEILLIS PAR JULIETTE REITZER
— : « Bienvenue à Marwen » de Robert Zemeckis
Universal Pictures (1 h 56) Sortie le 2 janvier
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MICROSCOPE
LE NŒUD DE CRAVATE Comme le diable, le cinéma se loge dans les détails. Geste inattendu d’un acteur, couleur d’un décor, drapé d’une jupe sous l’effet du vent : chaque mois, de film en film, nous partons en quête de ces événements minuscules qui sont autant de brèches où s’engouffre l’émotion du spectateur. Ce mois-ci : un glissement parmi d’autres, dans Point Break de Kathryn Bigelow (1991).
BOBINES
On
entend le frottement des tissus, du métal, le zip des fermetures Éclair. Au volant de la camionnette, un type enfile un masque de farces et attrapes, il est de dos et, déjà, c’est autre chose qui glisse après le masque, la chemise d’un deuxième type le long de son torse au fond de la camionnette, son visage pareillement caché, et puis un autre qui glisse sa main d’un geste net dans un gant blanc et du bout du gant ajuste un nœud de cravate ; la cravate donne le plus beau geste de cette scène admirable, treize secondes et onze plans, tous glissants. La main d’un autre encore, en costume marron,
Le masque se retourne, c’est Ronald Reagan. Il dit : « Mon petit doigt me dit que c’est l’heure du rock ’n’ roll ! » fait glisser une cartouche dans le ventre d’une carabine. Les gants blancs reviennent pour faire glisser la pompe d’un nouveau fusil, et d’autres encore font coulisser un chargeur dans la crosse d’un pistolet. Un cadran de montre : la trotteuse glisse. Et le masque se retourne, c’est Ronald Reagan. Il dit : « Mon petit doigt me dit que c’est l’heure du rock ’n’ roll ! » La suite est un braquage virtuose et un bal masqué, une comédie musicale criminelle menée par Reagan qui s’appelle en vérité Bodhi, pour faire savoir qu’il est branché bouddhisme. Mais le spectateur pas dupe n’a entendu que « body », il sait que, bouddhiste ou sportif ou gangster, ce n’est qu’un corps de plus offert par Hollywood à son admiration. Un corps de surfeur avec qui glisser sur le
décor, l’océan, les courants atmosphériques. Son activité est du type « insertion sur une onde préexistante », comme l’expliquait Deleuze qui s’intéressait beaucoup au surf et a entretenu une longue conversation avec un surfeur philosophe, Gibus de Soultrait. C’est le rêve d’un monde liquide, où déambuler d’une unique et éternelle glissade. Un rapport glissé au monde, comme celui du pickpocket de Bresson – on se glisse dans la poche d’un bourgeois comme au creux d’une vague, et d’ailleurs les surfeurs sont des braqueurs. Longer les courants marins (surf), les courants d’air (chute libre), devenir soi-même un courant d’air : il faut les oublier Johnny, ils ont quitté la planète ! Autrement dit danser tout le temps, et faire qu’autour tout danse, vivre chaque seconde à l’heure du rock ’n’ roll, guidé par un Gene Kelly au monoï revenu d’un dancing dirty pour valser avec la crête des vagues et des comptoirs de banque. Dans la camionnette, Bigelow présente autre chose que des personnages, et le scénario de toute façon lui interdit de montrer leurs visages. Ce qu’elle montre, c’est cette contagion de la danse, soufflée par les corps sur le moindre accessoire : moins un portrait de groupe qu’une loi du mouvement des ondes. Des cinq surfeurs-braqueurs, quand ils seront découverts, le film ne dira rien de plus, se contentera de les faire glisser toujours plus, déraper sur la route ou sur le sable, et surtout : glisser inexorablement vers la mort, qui engloutira le dernier avec une énième vague. Tout leur destin est résumé là, dans les peaux et les tissus et le métal qui glissent les uns sur les autres, et spécialement dans ce nœud de cravate qui est la plus infime mesure de leur vie dansée. Pour le dire encore mieux, il aurait fallu filmer au fond de leurs veines : « Notre sang danse en nous ; trois pas en avant, un pas en arrière » (Jonas Mekas, « Trente-neuf notules sur la danse et le cinéma »). • JÉRÔME MOMCILOVIC
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BOBINES
MICROSCOPE
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BOBINES
PORTFOLIO
DERRIÈRE LE MYTHE 58
Brad Pitt et Darius Khondji sur le tournage de Seven de David Fincher (1994)
Darius
Khondji est une légende. Au fil de presque quarante ans de carrière, ce Franco-Iranien est devenu l’un des directeurs photo les plus réputés au monde grâce à sa capacité à pousser l’expérimentation formelle tout en s’adaptant au style de chaque cinéaste – il a notamment travaillé avec David Fincher, James Gray, Michael Haneke ou Roman Polanski. Grand fan de son travail, le critique de cinéma au Hollywood Reporter Jordan Mintzer a mené un entretien-fleuve avec le chef opérateur et des interviews avec certains de ses illustres collaborateurs (Isabelle Huppert, Woody Allen, Jean-Pierre Jeunet, Philippe Parreno…) pour aboutir au livre Conversations avec Darius Khondji, reflet de son impact sur la profession et dévoilement intime de ses origines (sa naissance et sa jeunesse à Téhéran puis à Paris, ses études à New York, ses premiers tournages). Sonné par le décalage horaire après son retour de New York, où il a éclairé le nouveau film des frères Safdie, Uncut Gems, Darius Khondji a commenté pour nous, avec douceur et une pointe de timidité, des photogrammes et des Polaroid issus de sa collection personnelle, nous faisant miroiter une personnalité hypersensible. • TIMÉ ZOPPÉ 59
© PHOTO DE PETER SOREL ; COLLECTION PERSONNELLE DE DARIUS KHONDJI
BOBINES
DARIUS KHONDJI
© COLLECTION PERSONNELLE DE DARIUS KHONDJI
PORTFOLIO
8 mm, Darius Khondji (1968-1970) « Ce sont des photogrammes de mes premiers films en 8 mm. Sur l’un d’eux, on voit mon père, sur un autre ma mère avec moi. Ils étaient très âgés quand ils m’ont eu. Dans mes premiers courts métrages, à l’adolescence, je me mettais souvent en scène en Dracula. Mon goût pour le cinéma me vient de ma grande sœur, qui a 8 ans de plus que moi et qui m’a emmené voir tous les films d’art et essai dans les années 1960 et 1970, et d’un de mes frères, qui faisait des films en 8 mm lui aussi et qui habitait en Angleterre. Il m’amenait des films de vampires à Paris quand j’avais 11-12 ans. »
Polaroid de New York, Darius Khondji (1977-1978) « Ce sont des Polaroid de New York, dans les années 1970, à l’époque où je suivais des cours de cinéma à la New York University et de photo à l’International Center of Photography. J’adore la nuit, je faisais des balades nocturnes et je m’entraînais à faire des photos d’ambiance avec de longs temps de pause. C’était un peu comme prendre des notes d’une atmosphère. Comme je n’ai jamais vraiment réussi à écrire – j’ai froissé et jeté une tonne de brouillons –, je prenais des notes visuelles. J’ai fait tous mes premiers essais photos en Polaroid, que j’ai compilés dans beaucoup de livres par la suite. »
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DARIUS KHONDJI
© COLLECTION PERSONNELLE DE DARIUS KHONDJI
© COLLECTION PERSONNELLE DE DARIUS KHONDJI
BOBINES
© COLLECTION PERSONNELLE DE DARIUS KHONDJI
Polaroid de Mauritanie, Darius Khondji (1983) « Quand je suis rentré en France après mes études, j’ai travaillé comme assistant caméra sur le tournage de Fort Saganne d’Alain Corneau [sorti en 1984, ndlr] dans le désert, en Mauritanie. À la tombée du jour, la lumière devenait parfois un peu fragile et belle comme ça. Mais j’étais surtout frappé par la présence des Mauritaniens, j’avais envie d’enregistrer les moments avec eux. J’ai fait beaucoup de Polaroid pour faire des tests d’images quand j’ai commencé à être directeur de la photographie. »
Polaroid du tournage de Seven, Darius Khondji (1994) « Ça fait partie des Polaroid d’ambiance lumineuse que je faisais pour moi ou bien pour préserver la continuité – les polas servent aussi à ça, s’il faut retourner des plans. On a fait énormément d’essais de lumière et d’exposition avant. L’identité visuelle de Seven venait beaucoup de David Fincher, il a insufflé beaucoup de rigueur. Je suis allé dans son sens. Les directeurs photo sont crédités pour l’image mais, pour moi, la beauté de celle-ci vient des metteurs en scène. J’ai parfois vu l’héritage de films sur lesquels j’ai travaillé, comme l’image de Seven, qu’on retrouve dans True Detective – c’est vraiment magnifique. Mon propre travail est inspiré de cinéastes ou de directeurs de la photo du passé. C’est comme ça qu’on grandit, qu’on se développe. » 61
© COLLECTION PERSONNELLE DE DARIUS KHONDJI
PORTFOLIO
© SCOTT GARFIELD
BOBINES
Photo de repérage pour My Blueberry Nights de Wong Kar-wai, Darius Khondji (2006) « Pour My Blueberry Nights, j’ai fait des repérages avec Wong Kar-wai à travers les États-Unis. On a fait des Polaroid qu’il a ensuite édités dans un livre. Ça m’a donné une idée des décors et de l’espace… mais ça m’a aussi donné envie de faire d’autres films que celui que l’on a fait. J’ai compris avec le recul qu’il faut parfois pousser le réalisateur vers autre chose plutôt que toujours le conforter dans ses choix. Wong Kar-wai avait l’habitude de travailler avec le chef opérateur Christopher Doyle. Ils étaient extraordinaires ensemble, j’étais très admiratif. Je n’ai pas dû travailler avec lui de la même manière. Et puis, le tournage n’a duré que six semaines, et je n’ai pas pu faire l’étalonnage. Ça a donné un film “tutti frutti” : trop de couleurs et pas de rigueur. C’est un bonbon acidulé. Il faut un peu d’amertume. »
Darius Khondji et Nicolas Winding Refn sur le tournage de Too Old to Die Young de Nicolas Winding Refn (2018) « Je n’avais jamais vraiment fait de série avant, à part le pilote assez étonnant de The Devil You Know, une série de HBO sur la sorcellerie au xviie siècle en Amérique, produite et réalisée par Gus Van Sant, mais qui n’a malheureusement pas abouti car il s’est disputé avec la show runneuse [Jenji Kohan, qui a créé Orange Is the New Black, ndlr]. C’était très beau, tout était fait en décors naturels. La série que j’ai tournée avec Nicolas [qui sort en 2019 sur Amazon, ndlr] était une expérience fantastique, une expérimentation sur la couleur ; il a tenu parole sur tout ce qu’il avait promis. Je n’ai pu faire que cinq épisodes sur dix, j’ai dû me libérer pour un film. Avec Nicolas, on est comme des frères, on est très proches. Il m’a même écrit une lettre d’amour très drôle qu’on peut lire à la fin du livre. » 62
— : « Conversations avec Darius Khondji » de Jordan Mintzer (Synecdoche, 304 p.)
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19 DÉC.
L’Œil du tigre de Raphaël Pfeiffer Rezo Films (1 h 18) page 96
Troppa grazia de Gianni Zanasi KMBO (1 h 50) page 96
L’Empereur de Paris de Jean-François Richet Gaumont (1 h 50) pages 20 et 82
Le Retour de Mary Poppins de Rob Marshall Walt Disney (2 h 11) Page 103
La Vie comme elle vient de Gustavo Pizzi Condor (1 h 38) page 96
Wildlife Une saison ardente de Paul Dano ARP Sélection (1 h 45) page 74
Aquaman de James Wan Warner Bros. (2 h 23)
Au bout des doigts de Ludovic Bernard Mars Films (1 h 45)
Maya de Mia Hansen-Løve Les Films du Losange (1 h 45) page 76
26 DÉC.
2 JANV.
Basquiat Un adolescent à New York de Sara Driver Le Pacte (1 h 19) page 82
Miraï Ma petite sœur de Mamoru Hosoda Wild Bunch (1 h 38) Pages 34 et 102
Hyènes de Djibril Diop Mambéty JHR Films (1 h 50) page 18
Grass de Hong Sang-soo Les Acacias (1 h 06) page 84
L’Homme fidèle de Louis Garrel Ad Vitam (1 h 15) page 72
Asako I&II de Ryūsuke Hamaguchi Art House (1 h 59) page 30
Mon père d’Álvaro Delgado-Aparicio Damned (1 h 41) page 84
Monsieur de Rohena Gera Diaphana (1 h 39) page 86
Never-Ending Man de Kaku Arakawa Eurozoom (1 h 25) page 34
Un violent désir de bonheur de Clément Schneider Shellac (1 h 15) page 86
Bienvenue à Marwen de Robert Zemeckis Universal Pictures (1 h 56) page 50
The Happy Prince de Rupert Everett Océan Films (1 h 46) page 96
SHELLAC et LES FILMS D’ARGILE présentent
UN VIOLENT Quentin Grace DOLMAIRE SERI
DE BONHEUR
Design : Benjamin Seznec / TROÏKA
SCÉNARIO CHLOÉ CHEVALIER CLÉMENT SCHNEIDER RÉALISATION CLÉMENT SCHNEIDER AVEC FRANC BRUNEAU VINCENT CARDONA FRANCIS LEPLAY PRODUCTION LES FILMS D’ARGILE ALICE BÉGON CLÉMENT SCHNEIDER DIRECTRICE DE PRODUCTION BÉRANGÈRE PETITJEAN DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE MANUEL BOLAÑOS CHEF-DÉCORATEUR SAMUEL CHARBONNOT CRÉATRICE DE COSTUMES SOPHIE BÉGON FAGE RÉGISSEUR GÉNÉRAL SMOOZ D. TERRAND SCRIPTE JULIA COLIN ASSISTANT RÉALISATEUR ARTHUR GUERRAND MONTEUSE IMAGE ANNA BRUNSTEIN SON ELTON RABINEAU FLORENT CASTELLANI MAXIME ROY MUSIQUE ORIGINALE JOAQUIM PAVY ÉTALONNAGE MARINE LEPOUTRE AVEC LE SOUTIEN DE LA RÉGION BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ ET LA PARTICIPATION DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE AIDE À LA PRODUCTION AVANT RÉALISATION une distribution SHELLAC
un film de Clément
SCHNEIDER
ELEMIAH PRÉSENTE
Audrey
LAMY
Corinne
&
MASIERO
Noémie
LVOVSKY
un film de
Sarah
SUCO
Déborah
LUKUMUENA
LOUIS-JULIEN PETIT
LE 9 JANVIER
Pablo
PAULY
QUAND LES GRANDS ESPRITS SE RENCONTRENT...
DIFFICILE DE LES SÉPARER.
D ’A P R È S L E B E S T - S E L L E R D ’ E L E N A F E R R A N T E
UNE SÉRIE À DÉCOUVRIR DÈS MAINTENANT SUR
Qui a tué Lady Winsley ? de Hiner Saleem Memento Films (1 h 30) page 88
An Elephant Sitting Still de Hu Bo Les Bookmakers / Capricci Films (3 h 50) page 42
Edmond d’Alexis Michalik Gaumont (1 h 50)
Undercover Une histoire vraie de Yann Demange Sony Pictures (1 h 51) page 88
Border d’Ali Abbasi Metropolitan FilmExport (1 h 50) page 78
Forgiven de Roland Joffé Saje (1 h 55)
Un beau voyou de Lucas Bernard Pyramide (1 h 44) page 96
Les Révoltés de Michel Andrieu et Jacques Kebadian BlueBird (1 h 20) page 90
Jean Vanier Le sacrement de la tendresse de Frédérique Bedos Jupiter Films (1 h 29)
A Bread Factory part 2 Un petit coin de paradis de Patrick Wang Ed (2 h) page 97
In My Room d’Ulrich Köhler Nour Films (2 h) page 92
Premières vacances de Patrick Cassir Le Pacte (1 h 42) page 97
L’Ange de Luis Ortega UGC (1 h 58) page 97
Doubles vies d’Olivier Assayas Ad Vitam (1 h 48) page 14
Une femme d’exception de Mimi Leder Mars Films (2 h) page 97
Les Invisibles de Louis-Julien Petit Apollo Films (1 h 42) page 97
Une jeunesse dorée d’Eva Ionesco KMBO (1 h 52) page 48
Comme elle vient de Swen de Pauw Projectile (1 h 42)
Mallé en son exil de Denis Gheerbrant Les Films d’Ici (1 h 46) page 92
Creed II de Steven Caple Jr. Warner Bros. (2 h 10)
The Front Runner de Jason Reitman Sony Pictures (1 h 52) page 94
9 JANV. L’Heure de la sortie de Sébastien Marnier Haut et Court (1 h 43) pages 24 et 90
16 JANV.
« MAGNIFIQUE, ÉLECTRIQUE, UNE TENSION ÉTOURDISSANTE… » AVENUE B PRODUCTIONS PRÉSENTE
LAURENT LAFITTE LUÀNA BAJRAMI VICTOR BONNEL EMMANUELLE BERCOT DE LA COMÉDIE FRANÇAISE
UN FILM DE
SÉBASTIEN MARNIER LIBREMENT INSPIRÉ DU ROMAN
© Editions DENOËL, 2002 – Paris, France
MUSIQUE ORIGINALE
L’HEURE DE LA SORTIE de Christophe DUFOSSÉ
ZOMBIE ZOMBIE
LE 9 JANVIER
Ayka de Sergey Dvortsevoy ARP Sélection (1 h 40) page 98
Continuer de Joachim Lafosse Le Pacte (1 h 24) page 80
K2 et les Porteurs invisibles de Iara Lee Filigranowa (55 min)
Colette de Wash Westmoreland Mars Films (1 h 51) page 98
Les Fauves de Vincent Mariette Diaphana (1 h 23) page 94
Ma vie avec James Dean de Dominique Choisy Optimale (1 h 53)
Ben Is Back de Peter Hedges Paramount Pictures (1 h 38)
Eric Clapton A Life in 12 Bars de Lili Fini Zanuck Orsans (2 h 14) page 98
Moskvitch mon amour d’Aram Shahbazyan Araprod (1 h 27)
Glass de M. Night Shyamalan Walt Disney (2 h 05)
Green Book de Peter Farrelly Metropolitan FilmExport (2 h 10) page 98
La Mule de Clint Eastwood Warner Bros. (N. C.)
Holy Lands d’Amanda Sthers StudioCanal (1 h 40)
L’Ordre des médecins de David Roux Pyramide (1 h 33) page 98
Les Petits Flocons de Joséphine de Meaux Bac Films (1 h 25)
L’Incroyable Histoire du facteur Cheval de Nils Tavernier SND (1 h 45)
Another Day of Life de Raúl de la Fuente et Damian Nenow Gebeka Films (1 h 26)
Les Raisins de la colère de John Ford Swashbuckler Films (2 h 08)
Le Château de Cagliostro de Hayao Miyazaki Splendor Films (1 h 40)
Un berger et deux perches à L’Élysée ? de Philippe Lespinasse et Pierre Carles Jour2fête (1 h 40)
The Hate U Give La haine qu’on donne de George Tillman Jr. 20 th Century Fox (2 h 12)
Yao de Philippe Godeau Pathé (1 h 44)
23 JANV.
Alien Crystal Palace d’Arielle Dombasle Orange Studio (1 h 37) page 16
©COURAMIAUD/CARACTÈRES
ZHIPARGUL ABDILAEVA DAVID ALAVERDYAN SERGEY MAZUR SLAVA AGASHKIN AZAMAT SATIMBAEV ASHKAT KUCHINCHIREKOV DÉCORS
OLGA JURASOVA COSTUMES ALEKSANDRA DEMIDOVA SON MAKSIM BELOVOLOV MARTIN FRÜHMORGEN JOANNA NAPIERALSKA HOLGER LEHMANN MONTAGE SERGEY DVORTSEVOY PETAR MARKOVIC IMAGE JOLA DYLEWSKA PSC GULNARA SARSENOVA LI ZHU LUNA WANGUNE MICHEL MERKT PRODUCTEURS SERGEY DVORTSEVOY THANASSIS KARATHANOS ANNA WYDRA MARTIN HAMPEL SCÉNARIO SERGEYVENTESDVORTSEVOY GENNADIJ OSTROWSKIJ EN COPRODUCTION RÉALISATEUR SERGEY DVORTSEVOY PRODUCTION KINODVOR PALLAS FILM OTTER FILMS AVEC EURASIA FILM PRODUCTION JUBEN PICTURES KNM ET ZDF/ARTE INTERNATIONALES THE MATCH FACTORY
COPRODUCTEURS
16 JANVIER
ZOOM ZOOM
LES FILMS DU MOIS À LA LOUPE
L’HOMME FIDÈLE
Trois ans après Les Deux Amis, Louis Garrel signe un deuxième long métrage, ludique et gracieux, coécrit avec Jean-Claude Carrière. Film de chambre polyphonique, cette nouvelle variation autour du thème du trio amoureux a remporté un Prix du scénario amplement mérité au festival de San Sebastián.
Maniant
l’art du contrepied dès ses premiers instants, L’Homme fidèle s’ouvre sur une scène de rupture. Marianne (Laetitia Casta) se sépare d’Abel (Louis Garrel) pour rejoindre Paul, le père de son fils, Joseph. Quelques années plus tard, à la mort de Paul, Abel tente de reconquérir Marianne. Mais les retrouvailles s’annoncent d’autant plus délicates qu’Ève (Lily-Rose Depp), la jeune sœur de Paul, a décidé de déclarer sa flamme à Abel… Sur un argument a priori rebattu, le fougueux Louis Garrel et son complice chevronné Jean-Claude Carrière (scénariste notamment de Luis Buñuel, Jean-Paul Rappeneau ou des deux derniers longs métrages de… Philippe Garrel, le père de Louis) ont tricoté un récit virtuose qui déjoue constamment les attentes du spectateur. En moins de soixante-quinze minutes d’une parfaite limpidité, L’Homme fidèle slalome avec allégresse entre les genres cinématographiques, du drame intimiste au vaudeville. Le film lorgne même du côté du polar, prenant parfois l’allure d’un Cluedo sentimental dans lequel le colonel Moutarde aurait été remplacé par un certain docteur Pivoine. Traversant plusieurs époques, il multiplie aussi les points de vue, puisque l’on
FILMS 3 QUESTIONS À LOUIS GARREL
dénombre, selon les séquences, pas moins de trois voix off. Si l’on se plaît à suivre les différents fils de l’intrigue, on s’amuse aussi à déceler les traces des réalisateurs dont Louis Garrel pourrait être le ciné-fils : au-delà des maîtres de la Nouvelle Vague, on pense, au détour d’un plan, à des metteurs en scène qui l’ont dirigé – ici un élan romanesque qui rappelle Arnaud Desplechin, là un complot entre amants qui évoque Jacques Doillon. Mû par un réjouissant appétit de fiction, Louis Garrel réalisateur ressemble au fond au petit Joseph, formidable personnage de gamin manipulateur (joué par Joseph Engel) qui échafaude des hypothèses sans que l’on ne sache s’il s’agit d’un jeu d’enfant ou d’un enjeu bien plus sérieux. Devant la caméra, il confirme qu’il est un de nos grands acteurs burlesques (le film est émaillé de gags purement visuels), tandis que Casta et Depp, débarrassées de tout glamour, incarnent avec conviction des femmes amoureuses, à la fois dangereuses et vulnérables. • JULIEN DOKHAN
— : de Louis Garrel Ad Vitam (1 h 15)
Sortie le 26 décembre
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Quel a été l’apport de Jean-Claude Carrière sur le scénario ? Son aversion pour tout ce qui relève de l’explication psychologique. Ça créait un conflit fertile entre lui et moi, avec mon côté sentimental. Il a apporté une forme de distance. Dans Les Deux Amis, les personnages étaient fiévreux, attachés à l’adolescence amoureuse, ils se disaient tout. Or, cette fois, tout est plutôt dissimulé, il n’y a pas de scène de ménage, la douleur ne s’exprime pas ; ce qui guide les personnages, c’est l’élégance. Et ça, c’est grâce à Jean-Claude. Abel est un personnage, sinon passif, du moins observateur. D’ailleurs, vous en avez fait un journaliste. Il y avait surtout l’idée de construire un personnage à la Buster Keaton. C’est comme ça que je l’ai joué : quelqu’un qui n’aurait pas de rancune vis-à-vis des portes qu’il se prend dans la figure. C’est sa force. N’ayant aucun ressentiment à l’égard de personne, il ne rompt jamais ses liens. C’est en cela qu’il est fidèle, même si le titre peut s’entendre de différentes manières : fidélité conjugale, fidélité à soi-même… Le motif du triangle amoureux est perturbé par la présence d’un enfant pas si innocent… Joseph a plusieurs coups d’avance sur les adultes. Il attend que leur monde s’apaise pour pouvoir s’apaiser lui-même. Entre-temps, il vit comme dans un roman policier. Il a l’air d’avoir plein d’imagination, mais il détient peut-être aussi quelques vérités. C’est un peu le marionnettiste caché du film. En travaillant avec un enfant, je me suis souvenu à quel point, à 9-10 ans, on est déjà au courant de tout, on a les clés pour lire les situations.
FILMS
ZOOM ZOOM
WILDLIFE. UNE SAISON ARDENTE
L’acteur
américain Paul Dano (Little Miss Sunshine, There Will Be Blood) signe une première réalisation aux crépitements multiples. Du souffle et du soufre. « We need a forest fire », implore Bon Iver, sur un morceau langoureux de James Blake. Un feu de forêt qui se répandrait, sauvage, et réveillerait une primitivité cadenassée. Propret père de famille dans le Montana des sixties, Jerry (Jake Gyllenhaal, dont le tracé indé est décidément remarquable) part combattre les feux de forêt qui ravagent la région, quittant temporairement femme et enfant. Comme pour se mesurer à une force inconnue, et retrouver un peu de ce feu qui animait ses yeux maintenant éteints par le mépris des hommes. Si sa femme (Carey Mulligan), affirmée et solaire, semble d’abord se libérer des carcans à la suite du
départ de son mari, elle s’embourbe vite dans une existence déçue. C’est Joe, ado taiseux et sensible, qui radiographie le parcours décousu du couple et prend un envol aussi précoce que poétique face au déclin du modèle parental. Coïncidence, il joue les apprentis photographes après l’école et réalise des portraits de l’Amérique d’alors dans lesquels s’expriment les espoirs de ses modèles. Difficile de ne pas voir Paul Dano dans les yeux doux et rêveurs de Joe, dont chaque clignement est une nouvelle peinture parfaite de l’époque. « I request another dream », poursuit Bon Iver en une plainte. En attendant l’embrasement ? • LAURA PERTUY
— : de Paul Dano
ARP Sélection (1 h 45) Sortie le 19 décembre
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3 QUESTIONS À PAUL DANO PAR J. R. Un film d’époque pour vos débuts de réalisateur, c’est ambitieux. Oui, surtout avec un budget de film indépendant ! Mais j’avais envie de questionner aujourd’hui l’idée du rêve américain qui se dégage des années 1950, cette injonction à être heureux. Et faire le portrait d’une famille, avec ses failles, d’un couple en crise, ça me semble intemporel.
L’histoire est vue du point de vue du fils adolescent. Pourquoi ? Parce que je me souviens de cette sensation, ado, quand les choses commencent à changer autour de vous mais que vous essayez de les ignorer car vous avez peur. C’est un gamin honnête, plein d’empathie, placé dans une situation chaotique. Mais le film suit le parcours initiatique des trois personnages. 74
Qu’avez-vous appris auprès des cinéastes qui vous ont dirigé ? De mes tournages avec Paul Thomas Anderson notamment, j’ai appris à faire confiance à l’équipe, à l’impliquer dans les décisions, pour créer une atmosphère bienveillante pour les acteurs. Et une approche honnête : ne pas déplacer la camera si ça n’a pas de sens, raconter par la composition du cadre.
LA COMÉDIE ITALIENNE DU FESTIVAL DE CANNES KMBO PRÉSENTE
ALBA
ROHRWACHER ELIO
GERMANO GIUSEPPE
BATTISTON HADAS
YARON
TROPPA
GRAZIA UN FILM DE
GIANNI ZANASI
AU CINÉMA LE 26 DÉCEMBRE
FILMS
ZOOM ZOOM
MAYA
Après
L’Avenir, et ses dialogues truffés de références philosophiques, Mia Hansen-Løve signe son film le plus méditatif, majoritairement tourné en Inde. Récit de la renaissance d’un homme blessé, Maya nous permet aussi d’assister à l’éclosion d’une comédienne, la lumineuse Aarshi Banerjee. Voilà plus de dix ans que Mia Hansen-Løve scrute avec une douce obstination des personnages convalescents. Face à la disparition d’un être cher (Le Père de mes enfants), à l’enterrement de leurs illusions (Eden), à une rupture amoureuse et professionnelle (L’Avenir), chacun d’entre eux tente de se reconstruire. C’est une perte de sens que doit affronter Gabriel au début de ce sixième long métrage. Grand reporter, il est libéré, avec un collègue, après quatre mois de captivité en Syrie, tandis qu’un troisième journaliste y est toujours détenu. La cinéaste s’intéresse moins à la terrible expérience vécue par Gabriel qu’à l’état dans lequel elle le laisse à l’heure de son retour à Paris parmi les siens. Aussi peu enclin à revenir sur son passé d’otage (« Ni psychanalyse ni bouquin », balaie-t-il) qu’à s’ancrer dans le quotidien, il décide de partir en Inde, où il a grandi. Quête ou fuite ? Le film, qui évoque au passage les ambiguïtés du métier de reporter
de guerre, ne tranche jamais, et la prestation nuancée de Roman Kolinka se fait le vecteur de cette belle incertitude. Entre deux escapades en scooter, Gabriel rend visite à son parrain et se lie avec la fille de celui-ci, Maya, personnage solaire et lui aussi flottant puisqu’à 17 ans elle se demande si son futur se dessine plutôt en Inde ou en Europe. Au sein d’un casting finement composé (plaisir de retrouver Johanna ter Steege, trop peu vue depuis ses débuts chez Garrel père il y a vingt-cinq ans), l’ex-mannequin Aarshi Banerjee séduit par son jeu naturel. Devant la caméra attentive de Hansen-Løve, la naissance de l’amour, capturée sans mièvrerie, et la beauté des paysages de Goa, filmée sans exotisme, apparaissent comme deux sources auprès desquelles Gabriel puise de l’énergie et trouve une harmonie. Comme Pamela (Tout est pardonné) ou Camille (Un amour de jeunesse), Maya montre que, pour la cinéaste, l’adolescence n’est pas seulement l’âge des doutes, mais aussi celui d’une force vitale qui donne envie d’espérer malgré tout. • JULIEN DOKHAN
Quête ou fuite ? Le film ne tranche jamais.
— : de Mia Hansen-Løve
Les Films du Losange (1 h 45) Sortie le 19 décembre
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UNITE DE PRODUCTION présente
Un film de ELSA AMIEL JULIA FÖRY
PETER MULLAN
ARIEH WORTHALTER
AGATA BUZEK
VIDAL ARZONI
Un film de ELSA AMIEL - Produit par CAROLINE NATAF et BRUNO NAHON – Producteur associé LIONEL BAIER – Coproduit par MICHEL MERKT – Scénario et dialogues ELSA AMIEL avec la collaboration de LAURENT LARIVIÈRE – Montage SYLVIE LAGER et CAROLINE DETOURNAY – Directeur de la photographie COLIN LÉVÊQUE – Musique originale FRED AVRIL – Supervision musicale PASCAL MAYER et STEVE BOUYER Son MARC VON STÜRLER – BÉATRICE WICK – ALEXANDRE WIDMER – Chef décoratrice VALÉRIE ROZANES – Casting des athlètes ÉMILIE DELBÉE. Une production UNITE DE PRODUCTION – BANDE À PART FILMS – En coproduction avec RTS RADIO TÉLÉVISION SUISSE – Avec la participation du CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE - Avec le soutien de L’OFFICE FÉDÉRAL DE LA CULTURE (OFC) Avec la participation de CINÉFOROM et le soutien de la LOTERIE ROMANDE – Avec les soutiens de PICTANOVO avec le soutien de la RÉGION HAUTS-DE-FRANCE en partenariat avec le CNC – la RÉGION GRAND EST et STRASBOURG EUROMÉTROPOLE, en partenariat avec le CNC – la RÉGION NORMANDIE, en partenariat avec le CNC – SUISSIMAGE – En association avec HAUT ET COURT DISTRIBUTION – MK2 FILMS ARTE/COFINOVA 14 – COFINOVA 14 – INDÉFILMS 6 film films
AFFICHE SOAZIG PETIT
AU CINÉMA LE 30 JANVIER
FILMS
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BORDER
Autour
d’une romance entre deux êtres hybrides rejetés par la société suédoise, Ali Abbasi livre une étonnante fable moderne sur l’altérité. Dans une ville côtière, la douanière Tina (fascinante Eva Melander), pourvue d’un physique atypique, à la fois canin et androgyne, est dotée d’un odorat lui permettant de flairer la culpabilité des voyageurs. Lorsque Vore, un étranger à l’origine mystérieuse, qui lui ressemble curieusement, tente de passer la frontière, ce don olfactif se dérègle. Attirée par la sensualité animale de cet être qui contraste avec sa propre introversion, elle commence avec lui une histoire d’amour qui provoque en elle une mue progressive vers sa véritable nature – disons, sans spoiler, plus animale – et va la pousser à des questionnements sur la manière dont la société l’accepte et dont
elle-même se perçoit… Par une lecture pleine de poésie, Ali Abbasi adapte une nouvelle de John Ajvide Lindqvist dont le roman Laisse-moi entrer avait inspiré le déjà hybride et très réussi Morse de Tomas Alfredson en 2009. On retrouve dans Border la même réjouissante synthèse de genres filmiques (polar, horreur, fantastique, réalisme social) et la même volonté de s’emparer de la figure du monstre pour en faire le symbole troublant et ambigu de la diversité et de la complexité du genre humain, sans pour autant tomber dans une énième variation sur la beauté des laids ou un pensum sur la tolérance. • HILÀRIO MATIAS DA COSTA
— : d’Ali Abbasi Metropolitan FilmExport (1 h 50) Sortie le 9 janvier
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3 QUESTIONS À ALI ABBASI Selon vous, qu’est-ce qui rend la figure du monstre si moderne ? La question fondamentale que soulève chaque monstre est de savoir quelles frontières définissent un être humain. Cette question est d’autant plus pertinente actuellement que nous sommes en train de redéfinir l’humanité à l’approche d’une nouvelle ère : celle de la robotique et des androïdes.
Vous dépeignez une humanité sombre, mais Tina veut tout de même s’en rapprocher… C’est le paradoxe qui nous définit en tant qu’êtres humains : chacun a du bon et du mauvais, on peut être brutal et méchant mais aussi empathique et généreux. Dans cette idée de complexité, je montre que sensualité et bestialité sont liées, mais que tout ce qui est brut n’est pas forcément beau. 78
Voyez-vous la rencontre entre Vore et Tina comme une allégorie de l’immigration ? Ce n’est pas nécessairement une allégorie des réfugiés en Europe, mais plus largement de la rencontre et du rapprochement avec l’autre, voire avec soi-même sous une autre apparence : on peut parfois finir par se reconnaître dans ce qu’on percevait d’abord comme étrange et bizarre.
SCÉNARIO EVA IONESCO ET SIMON LIBERATI IMAGE AGNÈS GODARD SON PAUL MAERNOUD, INGRID RALET ET OLIVIER GUILLAUME DÉCORS KATIA WYSZKOP COSTUMES JÜRGEN DOERING ET MARIE BELTRAMI CASTING MOLLY LEDOUX ASSISTANT MISE EN SCÈNE JÉRÔME BRIÈRE SCRIPTE VÉRONIQUE HEUCHENNE MAQUILLAGE MARGARIDA MIRANDA ET THI LOAN NGUYEN COIFFURE FRÉDÉRIC SOUQUET DIRECTION DE PRODUCTION JÉRÔME PÉTAMENT RÉGIE BENOÎT BAVEREL MONTAGE JULIE DUPRÉ ET BASILE BELKHIRI DIRECTION DE POST-PRODUCTION EUGÉNIE DEPLUS ET BÉNÉDICTE POLLET PRODUIT PAR MARIE-JEANNE PASCAL ET MELITA TOSCAN DU PLANTIER UNE COPRODUCTION MACASSAR PRODUCTIONS, NJJ ENTERTAINMENT, DILIGENCE FILMS ET SCOPE PICTURES AVEC LA PARTICIPATION DE CANAL+, CINÉ+ ET TELESCOPE FILM DISTRIBUTION AVEC LE SOUTIEN DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE,
DE LA RÉGION ÎLE-DE-FRANCE ET DU TAX SHELTER DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL BELGE VIA SCOPE INVEST DISTRIBUTION FRANCE KMBO VENTES INTERNATIONALES PLAYTIME/BE FOR FILMS © 2018 MACASSAR PRODUCTIONS - NJJ ENTERTAINMENT – DILIGENCE FILMS - SCOPE PICTURES
FILMS
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ZOOM
CONTINUER
Adapté
d’un roman de Laurent Mauvignier, le dernier film du Belge Joachim Lafosse (L’Économie du couple, 2016) raconte les retrouvailles entre un fils et sa mère sous la forme d’un voyage initiatique à la fois âpre et doux. Dès l’ouverture du film, on embarque dans un périple nébuleux : sans préambule ni contextualisation, on se retrouve au beau milieu des terres sauvages du Kirghizistan, pays montagneux d’Asie centrale. C’est le chemin de traverse choisi par la douce Sibylle (émouvante Virginie Efira), une mère qui, séparée depuis longtemps du père de son enfant, utilise ces vacances tout sauf relaxantes pour renouer des liens avec son fils, Samuel (intense Kacey Mottet-Klein), un adolescent colérique qu’elle n’a que très peu vu depuis qu’elle a refait sa vie. Juchés sur leurs chevaux, mère et fils avancent,
entrent en conflit et développent aussi une complicité qui transparaît rarement, mais limpidement, à l’écran. Joachim Lafosse les accompagne avec tact, ménageant aussi bien les instants de solitude – un très beau plan filmé en contre-plongée montre Samuel en haut d’un roc, dansant sur une musique techno écoutée sur son iPod – que des moments de tension secs, abrasifs, qui contiennent toute la rancœur et les regrets des protagonistes. À travers une économie de dialogues maîtrisée, les mots, toujours pesés et jamais innocents, rendent plus saillante la complexité de cette relation qui, sous nos yeux, renaît. • JOSÉPHINE LEROY
— : de Joachim Lafosse
Le Pacte (1 h 24) Sortie le 23 janvier
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3 QUESTIONS À JOACHIM LAFOSSE Qu’est-ce qui vous a plu dans le roman de Laurent Mauvignier ? Il m’a fait beaucoup réfléchir au fait que les fils ont du mal à considérer que leurs mères sont avant tout des femmes, avec une histoire, des désirs… Mais je sens qu’aujourd’hui il y a une prise de conscience. À mon avis, c’est le grand progrès de notre époque.
Comme dans L’Économie du couple, vous vous intéressez au conflit, à la tension. Je m’intéresse à la difficulté qu’on a à partager ses désirs intimes et, à cet instant où ceux de chacun parviennent à se rencontrer, à ce qui révèle quelque chose de nouveau. Lorsque Sibylle dévoile à Samuel ce qu’elle a ressenti par le passé, il commence à comprendre sa colère. 80
Que révèle le rapport privilégié qu’entretient Samuel avec ses chevaux ? Au-delà du fait qu’il s’en sert comme excuse pour échapper à la confrontation, son amour pour ces animaux, sa façon de les soigner, le renvoie surtout à son propre besoin d’être soigné. Il se retrouve aussi dans leur caractère incontrôlable, ce qui l’oblige à être dans le réel.
PAR L’A UTEUR DE
“LAISSE-MOI ENTRER”
“Un grand film” ARTE
“Un film exceptionnel, inattendu, émouvant et plein d’espoir” LES INROCKS
Une vraie réussite”
“
POSITIF
BORDER UN FILM DE
ALI ABBASI
Design : Benjamin Seznec / TROÏKA
AU CINÉMA LE 9 JANVIER
FILMS
BASQUIAT. UN ADOLESCENT À NEW YORK — : de Sara Driver
Le Pacte (1 h 19) Sortie le 19 décembre
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Alors
que l’œuvre de la comète de l’art contemporain Jean-Michel Basquiat est célébrée à la Fondation Louis Vuitton, ce tendre documentaire revient sur les premières années de sa carrière, dans un New York interlope, et s’arrête aux portes de sa gloire. Beau gamin fugueur et séducteur, Basquiat s’est facilement intégré à l’underground new-yorkais – dont le docu fait aussi le passionnant portrait – au sortir de l’adolescence, entre 1978 et 1981. La cinéaste Sara Driver, qui l’a connu à l’époque, recompose ici, à travers une flopée de témoignages (dont celui de son compagnon, Jim Jarmusch) ces denses années d’expérimentation artistique, de la période « graffeur en duo » de Basquiat (quand il signait SAMO) aux mois d’effervescence créative lorsqu’il logeait chez l’une de ses compagnes, dont il a repeint frénétiquement, sous drogue, le mobilier et les murs. Nourri d’images d’archives illustrant l’attitude fière de l’artiste, qui visait la réussite dès ses débuts, Basquiat dépeint ce jeune loup talentueux et attachant jusqu’au moment de sa reconnaissance, sept ans avant d’être stoppé net, à 27 ans, par son insatiable appétit pour l’intensité. • TIMÉ ZOPPÉ
L’EMPEREUR DE PARIS
— : de Jean-François Richet Gaumont (1 h 50) Sortie le 19 décembre
—
Déjà
héros de plusieurs films et séries, le célèbre aventurier français du xix e siècle Eugène-François Vidocq fait son retour chez Jean-François Richet, qui confie le rôle de l’ex-bagnard devenu policier à Vincent Cassel, dix ans après le diptyque que le duo consacra à Jacques Mesrine. On suit ici la période charnière durant laquelle Vidocq propose aux autorités de combattre la pègre en échange d’une lettre de grâce. Attaché à la dimension sociale de sa reconstitution historique, le cinéaste filme un sombre héros qui traverse les différentes strates de la France napoléonienne, des bas-fonds aux hauteurs de l’Empire, où chaque personnage est écrasé par un autre plus puissant. Au souffle du récit d’aventures et au parfum du roman populaire vient donc s’ajouter un certain désenchantement tant ce Paris impérial baigne dans une atmosphère brutale et crépusculaire. Si la mise en scène vise le classicisme et l’efficacité dramatique, ce projet pharaonique s’autorise aussi quelques brèves percées lyriques, tendres moments pendant lesquels une fugitive lumière surgit au cœur d’une époque troublée et d’une morale tourmentée. • DAMIEN LEBLANC
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L E
F I L M
É V É N E M E N T
ERIC clapton life in 12 bars ORSANS DISTRIBUTION PRÉSENTE
un film de lili FINI zanuck UNE PRODUCTION ZANUCK COMPANY / PASSION PICTURES “ERIC CLAPTON : LIFE IN 12 BARS” UN FILM DE LILI FINI ZANUCK PRODUCTEUR EXÉCUTIF VINNIE MALHOTRA CO-PRODUIT PAR GEORGE CHIGNELL BANDE-ORIGINALE DE GUSTAVO SANTAOLALLA MONTAGE CHRIS KING A.C.E. PAUL MONAGHAN PRODUIT PAR JOHN BATTSEK P.G.A. PRODUIT & ÉCRIT PAR SCOOTER WEINTRAUB & LARRY YELEN PRODUIT ET RÉALISÉ PAR LILI FINI ZANUCK © BUSHBRANCH FILMS LTD 2017
le 23 janvier au cinéma
FILMS
GRASS
— : de Hong Sang-soo Les Acacias (1 h 06) Sortie le 19 décembre
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Troisième
film de Hong Sang-soo à sortir cette année après Seule sur la plage la nuit et La Caméra de Claire, Grass se démarque par son noir et blanc, comme si le cinéaste nous envoyait une carte postale mélancolique depuis un espace-temps indéfini. Là où les deux précédents opus montraient des voyages en Europe et de constants déplacements du désir, ce nouveau cru prend place dans un café de Séoul où des habitués se racontent leur vie et se disputent parfois cruellement, au son d’une musique classique dont l’usage semble d’abord excessif. Statique, ce dispositif ? Non, car le récit sait comme toujours dérégler la perception du réel. Au milieu du café prend ainsi place une héroïne (Kim Min-hee, muse du réalisateur) qui écrit des dialogues sur son ordinateur. Un sentiment de brouillage se crée et l’on se demande, en fin de compte, si les conversations vues à l’image ne découlent pas uniquement de son esprit créatif. Est-on en présence de fantômes auxquels une romancière tente de redonner vie ? Derrière son apparent entrain, le cinéma de Hong Sang-soo dévoile comme rarement sa part d’étrangeté fantastique et funèbre. • DAMIEN LEBLANC
MON PÈRE
— : d’Álvaro Delgado-Aparicio Damned (1 h 41) Sortie 19 décembre
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Au
début, ils sont deux, inséparables, dans le cadre du réalisateur péruvien Álvaro Delgado-Aparicio : Noé et Segundo, le père et le fils, le maître et le disciple. L’un transmet à l’autre la technique minutieuse du retable andin, un petit autel multicolore garni de figurines traditionnelles qu’ils construisent pour les fêtes et les grandes occasions. Ce lien d’amour et d’admiration, qui dépasse les obligations du sang, les protège, au sein d’une communauté paysanne aux mœurs rudes où virilité et violence se répondent dans des paysages de montagne à couper le souffle. Jusqu’au jour où un événement interdit, colporté plus vite que la foudre, met fin à cette romance filiale, projetant Noé dans l’infamie du hors-champ et laissant Segundo seul dans le plan, avec sa rage et ses questions… À la délicatesse du récit d’apprentissage, enluminé de folklore, succède la cruauté de la tragédie ; de locale et charmante, l’histoire devient universelle et déchirante. La force de Mon père tient dans ce changement d’échelle, qui transforme aussi le petit film en grand. • MICHAËL PATIN
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Après
Le Voyage au Groenland et 2 automnes 3 hivers Envie de Tempête Productions et Sophie Dulac Distribution présentent
Éric CANTONA
Manal ISSA
un film de Sébastien BETBEDER
Jean-Luc VINCENT
Nicolas AVINÉE
Marie VIALLE
Joël CANTONA
Jonathan CAPDEVIELLE
Quentin DOLMAIRE
Mathis ROMANI
AU CINÉMA LE 30 JANVIER
© Dorian JUDE
AVEC MANAL ISSA, ÉRIC CANTONA, MARIE VIALLE, QUENTIN DOLMAIRE, MATHIS ROMANI, SOFIAN KHAMMES, JONATHAN COUZINIÉ, NICOLAS AVINÉE, JONATHAN CAPDEVIELLE, JOËL CANTONA, JEAN-LUC VINCENT, JEAN-CHARLES CLICHET, MICHA LESCOT · SCÉNARIO ET RÉALISATION SÉBASTIEN BETBEDER · PRODUCTION FRÉDÉRIC DUBREUIL · IMAGE ROMAIN LE BONNIEC · SON JÉRÔME AGHION, ROMAN DYMNY · MONTAGE CÉLINE CANARD · ASSISTANT RÉALISATEUR ANTHONY MOREAU · DÉCORS AURORE CASALIS · MUSIQUE MINIZZA · COSTUMES ANNE BILLETTE · DIRECTEUR DE PRODUCTION NICOLAS TRABAUD · UNE PRODUCTION ENVIE DE TEMPÊTE EN COPRODUCTION AVEC HOLD-UP FILMS ET MEDIA SOLUTION AVEC LE SOUTIEN DE LA REGION PAYS DE LA LOIRE EN PARTENARIAT AVEC LE CNC, DE LA PROCIREP, EN ASSOCIATION AVEC CINECAP · VENTES INTERNATIONALES CERCAMON · DISTRIBUTION FRANCE SOPHIE DULAC DISTRIBUTION
FILMS
MONSIEUR
— : de Rohena Gera Diaphana (1 h 39) Sortie le 26 décembre
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Ratna,
jeune veuve d’apparence discrète et d’origine modeste, travaille comme domestique chez Ashwin, fils d’une riche famille de Bombay. Selon le système indien des castes, tout devrait opposer ces deux personnages à peine censés s’adresser la parole. Mais la déprime dans laquelle sombre le jeune homme pousse son employée à réagir, et ces deux âmes blessées vont progressivement se rapprocher malgré les interdits et les réticences de leur entourage… Cette fable politique assume un traitement sensuel qui s’inspire notamment de l’esthétique et du rythme du Wong Kar-wai d’In the Mood for Love et transforme l’incommunicabilité originelle en douce matière filmique. Plus encore qu’une éclosion sentimentale, la réalisatrice Rohena Gera montre ici comment une meilleure compréhension de leur environnement social permet aux protagonistes de se libérer des tabous. Un subtil travail sur l’éclairage contribue également à faire sortir Ratna et Ashwin de leurs carcans respectifs et à les ériger en touchantes figures utopiques, capables de congédier à elles seules la violence contemporaine. • DAMIEN LEBLANC
UN VIOLENT DÉSIR DE BONHEUR
— : de Clément Schneider Shellac (1 h 15) Sortie le 26 décembre
—
On
pense un peu à Perceval le Gallois d’Éric Rohmer devant cet intrigant et singulier long métrage de Clément Schneider (Études pour un paysage amoureux, Île-errance…). Parce qu’il s’amuse avec sa théâtralité et pour son côté bricolé avec trois bouts de ficelles, le film est en tout cas tout aussi charmant. Solaire aussi. Il se passe pendant l’été 1792 : un jeune moine (poétique et décalé Quentin Dolmaire, qui joue de son timbre nonchalant et anachronique), isolé dans sa campagne, est bousculé dans ses certitudes par les idéaux de la Révolution française lorsqu’une troupe de soldats vient réquisitionner son couvent pour en faire une caserne. Flottant, sensuel, le film suit l’éveil sentimental et sexuel de ce jeune religieux avec une femme mutique, Marianne (Grace Seri), dont on ne sait rien mais que l’on imagine être une esclave affranchie. Avec un côté ludique et une force d’évocation insouciante – un peu comme si c’étaient des enfants qui jouaient ce joli film de poche en y croyant à fond –, Schneider reconstitue l’histoire sur un versant intimiste et désinvolte vraiment attachant. • QUENTIN GROSSET
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© 2018 STUDIO CHIZU
À
pa
rtir de
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FILMS
QUI A TUÉ LADY WINSLEY ?
— : de Hiner Saleem Memento Films (1 h 30) Sortie le 2 janvier
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Après
le western My Sweet Pepper Land en 2013, le cinéaste irakien d’origine kurde Hiner Saleem transpose les codes du polar à l’américaine dans un village turc. Le flegmatique inspecteur Fergan débarque d’Istanbul sur une petite île pour enquêter sur l’assassinat de Lady Winsley, une romancière américaine qui s’était installée là pour rédiger son nouveau roman et qui suscitait la fascination des locaux. Très vite, chacun devient un potentiel suspect : l’influente famille Birol, l’effrontée tenancière de l’hôtel qui s’immisce dans l’enquête, des policiers aux méthodes douteuses… S’inspirant d’Alfred Hitchcock, d’Agatha Christie ou encore de l’esthétique colorée du cinéma hollywoodien des fifties, le cinéaste construit une enquête foncièrement moderne et politique. En supplantant la résolution du crime initial, la mise au jour des tabous (tel que l’adultère) de cette communauté insulaire repliée sur elle-même et des fantômes du conflit kurde (le cinéaste a lui-même dû fuir le Kurdistan irakien à 17 ans) fait de cette comédie policière la satire d’une société turque figurée à échelle réduite. • HILÀRIO MATIAS DA COSTA
UNDERCOVER. UNE HISTOIRE VRAIE — : de Yann Demange
Sony Pictures (1 h 51) Sortie le 2 janvier
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Après
’71 (2014), impressionnant film de guerre (civile) dans le sanglant Belfast du début des années 1970, la nouvelle réalisation de Yann Demange prend place dans le Detroit criminel des années 1980. On y suit l’histoire (vraie) de Richard Wershe Jr., adolescent surnommé White Boy Rick, qui fut informateur du FBI. en pleine lutte contre l’épidémie de crack avant de devenir lui-même trafiquant de drogue. Le récit accumule énergiquement plusieurs éléments dignes d’une tragédie grecque : rapports tumultueux avec un père issu de la classe ouvrière qui combat la pauvreté à coups de magouilles, pacte faustien passé avec des autorités corrompues, trahisons en tous genres, portraits de communautés en proie au déterminisme et à la fatalité… L’originalité de ce thriller noir est d’adopter un point de vue empathique sur son héros : arrêté à l’âge de 17 ans et condamné à la prison à perpétuité, Richard Wershe Jr. s’apprête à être libéré en 2020 et a raconté son histoire au réalisateur. Lequel imprègne le film d’une mélancolie désespérée qui lui permet de traiter la violence sociale avec réalisme et gravité. • DAMIEN LEBLANC
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FILMS
L’HEURE DE LA SORTIE
— : de Sébastien Marnier Haut et Court (1 h 43) Sortie le 9 janvier
—
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Dans
la foulée de son remarqué premier essai (Irréprochable), Sébastien Marnier confirme avec L’Heure de la sortie son goût pour le thriller psychologique aux accents politiques. Après le chômage, le réalisateur aborde la menace écologique par le biais du genre. On y suit la descente aux enfers de Pierre Hoffman (Laurent Lafitte), éternel thésard parachuté en tant que professeur suppléant dans une classe de surdoués. Arrogants et très soudés entre eux, ses élèves le font vite douter de sa légitimité. Surtout, ces ados, visiblement inquiets pour la planète, semblent lui cacher quelque chose. Hoffman mène l’enquête seul, dans un décor de province bucolique à l’aura menaçante, préapocalyptique… Sans trop s’éloigner des rails balisés du film de conspiration à la Roman Polanski, Marnier parvient à garder son thriller sous tension, grâce à la B.O. obsédante de Zombie Zombie ainsi qu’à la subtile interprétation de Laurent Lafitte. À l’instar de Marina Foïs dans Irréprochable, l’acteur greffe son sens de la comédie à la noirceur ambiante, délivrant le film de sa ligne trop claire. • ÉRIC VERNAY
LES RÉVOLTÉS
— : de Michel Andrieu et Jacques Kebadian BlueBird (1 h 20) Sortie le 9 janvier
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Cinquantenaire
de Mai 68 oblige, Les Révoltés arrive sur les écrans après moult commémorations ayant déjà eu lieu en 2018 au cinéma (et dans la rue). Cherchant à montrer l’intérêt toujours actuel de l’événement, le documentaire de Michel Andrieu et Jacques Kebadian a pour particularité d’être dénué de tout commentaire contemporain. Comme si les images et les sons de l’époque se suffisaient à eux-mêmes, le duo de réalisateurs a opté pour un assemblage d’archives et d’extraits sonores captés lors des mois cacophoniques de mai et juin 1968. Pari gagnant : de ce brouhaha incessant, dévoilant une lutte guidée par autant de figures qu’il y a de voix amassées dans la rue (des milliers), on ne retient aucune individualité, aucune scène, aucun secteur en particulier, mais plutôt le collectif et le rassemblement, par le montage, de nombreux fragments d’insoumission. Débats entre étudiants, réunion d’ouvriers, manifs et affrontements se succèdent dans un ensemble galvanisant, où la polyphonie et les désaccords internes au mouvement ont été préférés à l’unicité du seul cortège de tête. • CORENTIN LÊ
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« U N M É T É O R E Q U I A T R AV E R S É L A N U I T D U C I N É M A » W A N G
B I N G
« C E F I L M R E S T E R A PA R M I N O U S P O U R T O U J O U R S » B É L A
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« UN FILM EXTRAORDINAIRE » G U S
VA N
S A N T
RÉALISATION, SCÉNARIO, MONTAGE HU BO — AVEC PENG YUCHANG, WANG YUWEN, ZHANG YU, LI CONGXI — DIRECTEURS DE POSTPRODUCTION GAO YITIAN, WANG PEICHONG — DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE FAN CHAO — INGÉNIEUR DU SON BAI RUIZHOU DÉCORS XIE LIJIA — MIXAGE LOU KUN — MUSIQUE ORIGINALE HUA LUN — REMERCIEMENTS YANG WEI, SONG WEN, LI ZIWEI, WANG HONGWEI, FIRST INTERNATIONAL FESTIVAL COMMITTEE — VENTES INTERNATIONALES REDIANCE — DISTRIBUTION CAPRICCI
AU CINÉMA LE 9 JANVIER
FILMS
IN MY ROOM
— : d’Ulrich Köhler Nour Films (2 h) Sortie le 9 janvier
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Dans
une Allemagne grisâtre, Armin, la quarantaine, n’a pas trop d’horizon entre ses échecs sentimentaux, ses problèmes professionnels et sa grand-mère mourante. Il se réveille un jour, et l’humanité a inexplicablement disparu… Pour son quatrième long métrage, Ulrich Köhler, représentant, avec Angela Shanelec ou Christian Petzold, de la nouvelle vague du cinéma allemand dans les années 2000, surprend dans un registre où l’on ne l’attendait pas : le film postapocalyptique, embrassé sur un versant plutôt intimiste. Autant Armin était molasson avant que ses congénères ne se volatilisent, autant il se révèle un ardent Robinson une fois seul avec des animaux. Dans une nature apaisante, Armin chasse, cueille, traîne… Bientôt, il est rejoint par Kirsi, la dernière femme sur la terre, avec qui il entame une relation mais qui voudrait partir voir du pays. C’est peut-être à cet endroit que ce film sensoriel paraît le plus intéressant. Imaginant la fin de l’humanité, il pose une question existentielle inextricable : à deux sur cette planète, doit-on forcément rester ensemble ? Mieux vaut-il être seul, ou rester avec quelqu’un par défaut ? • QUENTIN GROSSET
MALLÉ EN SON EXIL
— : de Denis Gheerbrant Les Films d’Ici (1 h 46) Sortie le 16 janvier
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Un
exilé doit-il se soumettre à l’acculturation ? C’est la question posée par le portrait de Mallé Doucara, Malien travaillant en France, que dresse Denis Gheerbrant (La République Marseille, 2009 ; On a grèvé, 2014). Dans ce documentaire épuré, le cinéaste a filmé cette personnalité toujours attachée aux us et coutumes de sa terre d’origine : la foi musulmane, le poids de la tradition, de la hiérarchie, ou encore la polygamie. Afin que sa démarche sociologique (composée de séquences d’observation et d’entretiens en tête à tête) soit la plus complète possible, le documentariste s’est risqué à multiplier les points d’accroche, entre ethnocentrisme, relativisme et légitimité culturelle, laissant entrevoir les discordances intimes de son sujet. C’est que, parfaitement au fait de la confrontation culturelle qui se joue en sous-texte de leurs échanges, Gheerbrant ne sombre jamais dans la complaisance ni ne prive de parole son interlocuteur pour le moins tenace, au risque d’ailleurs que ce dernier finisse par remettre en question le fondement même de sa démarche. • CORENTIN LÊ
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BLUEBIRD DISTRIBUTION présente
Design Emmanuel Somot — ©BBDFILMS
UN FILM DE MICHEL ANDRIEU & JACQUES KEBADIAN
LE 9 JANVIER En exclusivité au
FILMS
THE FRONT RUNNER
— : de Jason Reitman Sony Pictures (1 h 52) Sortie le 16 janvier
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Grand
favori pour devenir candidat du Parti démocrate à l’élection présidentielle américaine de 1988 (et affronter George Bush père), Gary Hart avait tout du prétendant idéal : programme progressiste, envergure intellectuelle, popularité auprès des jeunes. Mais c’était sans compter sur des révélations autour de sa vie privée qui stoppèrent brutalement l’ascension de ce brillant sénateur. Jason Reitman se concentre ici sur les trois semaines durant lesquelles la campagne de Hart (incarné par le charismatique Hugh Jackman) vira au cauchemar. Le cinéaste raconte, à la manière d’un film policier, combien ce moment fit définitivement basculer l’histoire médiatique américaine – le journalisme politique et la presse à scandale fusionnaient en effet pour la première fois, et ce funeste mariage rendit les débats d’idées inaudibles. L’audace de ce biopic est pourtant de laisser les spectateurs tirer des conclusions par eux-mêmes. Le personnage a-t-il juste péché par naïveté et excès de confiance ? La presse a-t-elle vraiment intérêt à privilégier un traitement sensationnaliste de l’actualité ? Autant de questions qui restent d’une brûlante acuité. • DAMIEN LEBLANC
LES FAUVES
— : de Vincent Mariette Diaphana (1 h 23) Sortie le 23 janvier
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Après
la comédie décalée et mélancolique Tristesse club (2014), Vincent Mariette prend un nouveau tournant avec ce thriller à la lisière du fantastique. Il installe son récit dans un camping en Dordogne, au plus fort de l’été. Laura (Lily-Rose Depp), 17 ans, goûte peu aux soirées arrosées qu’elle observe avec distance. Un matin, elle apprend qu’un garçon qu’elle a repoussé la veille s’est évaporé. Cette disparition coïncide étrangement avec le témoignage de campeurs qui ont entendu des rugissements… Laura repère alors un écrivain taciturne et énigmatique (surprenant Laurent Lafitte). Séduite, elle se rapproche de lui, et tous deux partent en quête du mystérieux animal. Imprégné dans sa mise en scène par l’imagerie sauvage du fauve (des yeux rouges qui percent la nuit, des sons animaliers…), le film noctambule de Mariette lorgne du côté de Roman Polanski, faisant surgir de la psyché de ses héros une fascinante attirance pour le mal. Sans jouer à outrance sur son potentiel sulfureux, il restitue superbement les fantasmes qui peuvent germer dans la tête d’adolescents désirant échapper à la réalité. • JOSÉPHINE LEROY
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FILMS L’ŒIL DU TIGRE
Le quotidien de Laurence Dubois, qui lutte pour devenir championne de vi t võ đ o (art martial vietnamien) en Mayenne tout en étant déficiente visuelle. On apprécie l’approche documentaire très intimiste du réalisateur, qui aurait pu appuyer l’émotion et enchaîner les lourdeurs sur le dépassement de soi mais préfère sobrement exposer des tranches de vie. • Q. G.
— : de Raphaël Pfeiffer (Rezo Films, 1 h 18) Sortie le 19 décembre
THE HAPPY PRINCE
Fin xixe siècle. Au sortir de deux ans d’emprisonnement pour homosexualité, Oscar Wilde n’est plus qu’un dandy désargenté et affaibli… Rupert Everett (à la réalisation et dans le rôle-titre) met en lumière ses dernières années d’errances amoureuses (de Paris à Naples en passant par Dieppe) avec le raffinement décadent caractéristique du poète maudit. • H. M. D. C.
— : de Rupert Everett (Océan Films, 1 h 46) Sortie le 19 décembre
LA VIE COMME ELLE VIENT
Autour d’une figure de mère brésilienne au bord de la crise de nerfs, Gustavo Pizzi échafaude un maelström domestique : départ du fils aîné pour l’Allemagne, déboires professionnels du mari, sœur victime de violences conjugales, maison en ruine… Véritable championne en charge mentale, cette héroïne de l’ombre est campée avec justesse par Karine Teles. • É. V.
— : de Gustavo Pizzi (Condor, 1 h 38) Sortie le 26 décembre
TROPPA GRAZIA
Dans la campagne italienne, une géomètre passionnée (Alba Rohrwacher) est prise de visions étranges en prenant les mesures d’un terrain en vue de la construction d’un complexe immobilier : une femme aux allures de Vierge lui intime l’ordre de protéger le lieu… En mêlant réalisme et mysticisme, cette fable sensible évoque avec originalité la crise écologique. • J. L .
— : de Gianni Zanasi (KMBO, 1 h 50) Sortie le 26 décembre
UN BEAU VOYOU
Au moment de prendre sa retraite, un commissaire solitaire et un peu cynique (Charles Berling) se lance sur la piste d’un voleur de tableaux escaladant les toits de Paris… Plus que sur le monde de l’art, ce premier film porte sur le mensonge et le rapport à la famille, et intrigue par son étrange tonalité, entre mélancolie amère et frasques comiques. • T. Z .
— : de Lucas Bernard (Pyramide, 1 h 44) Sortie le 2 janvier
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FILMS A BREAD FACTORY, PART 2
Dans ce second volet (le premier est sorti en novembre), le centre culturel et artistique a récupéré ses subventions, et la petite ville de Checkford continue sa mutation : la gentrification gagne du terrain, et quelques habitants disparaissent… Patrick Wang mêle humour burlesque et comédie musicale pour se faire l’écho des mutations contemporaines. • H. M. D. C.
— : de Patrick Wang (Ed, 2 h) Sortie le 2 janvier
PREMIÈRES VACANCES
Après seulement un date Tinder, Marion (Camille Chamoux) et Ben (Jonathan Cohen) ont l’idée folle de partir en vacances ensemble en Bulgarie… Jouant d’abord sur l’antagonisme de ses héros (elle est bordélique, il est réglé comme une horloge), cette comédie rafraîchissante échappe finalement aux clichés pour tirer un tendre et romantique portrait générationnel. • J. L .
— : de Patrick Cassir (Le Pacte, 1 h 42) Sortie le 2 janvier
UNE FEMME D’EXCEPTION
Après son rôle de Jyn Erso dans la saga Star Wars, Felicity Jones prête ses traits à l’avocate Ruth Bader Ginsburg dans ce biopic galvanisant sur les années charnières qui ont vu cette Américaine, fervente combattante pour les droits des femmes, mener de front ses études et sa vie de famille, entre des enfants en bas âge et un mari à qui l’on décèle un cancer. • T. Z .
— : de Mimi Leder (Mars Films, 2 h) Sortie le 2 janvier
L’ANGE
Buenos Aires, 1971. Derrière le visage angélique de Carlitos se cache un ado dangereux qui devient, au contact d’un camarade de lycée sur lequel il fantasme, un redoutable criminel… La tension à l’œuvre dans ce thriller sanglant est désamorcée par sa mise en scène pop – l’influence de Pedro Almódovar, producteur du film, est évidente – et un humour noir ultra efficace. • J. L .
— : de Luis Ortega (UGC, 1 h 58) Sortie le 9 janvier
LES INVISIBLES
Dans le Nord, un centre d’accueil pour femmes sans-abri (interprétées par d’anciennes SDF) est condamné à fermer… Cette comédie militante se départ de tout misérabilisme en suivant la lutte d’une travailleuse sociale idéaliste (Audrey Lamy) et de ses collègues (Corinne Masiero, Noémie Lvovsky, Déborah Lukumuena…) pour aider ces femmes à se réinsérer. • H. M. D. C.
— : de Louis-Julien Petit (Apollo Films, 1 h 42) Sortie le 9 janvier
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FILMS AYKA
Dans cet immersif survival social, une immigrée clandestine (intense Samal Yeslyamova, Prix d’interprétation à Cannes) abandonne son nouveau-né dans une maternité russe, faute de moyens pour l’élever. Dans les dizaines d’heures qui suivent, elle tente de survivre par un froid glacial, travaillant d’arrache-pied malgré une hémorragie déclenchée par son accouchement. • T. Z .
— : de Sergey Dvortsevoy (ARP Sélection, 1 h 40) Sortie le 16 janvier
COLETTE
Ce biopic enlevé (et en anglais) sur l’écrivaine française du début du xxe siècle (fièrement campée par Keira Knightley) retrace ses années d’éclosion, de sa rencontre puis son mariage avec l’excentrique et volage Willy (Dominic West), sous le nom duquel elle publiera les volumes de sa série à succès Claudine, jusqu’à sa mise en ménage avec la marquise de Belbeuf. • T. Z .
— : de Wash Westmoreland (Mars Films, 1 h 51)
Sortie le 16 janvier
ERIC CLAPTON. LIFE IN 12 BARS
En croisant sa carrière et son parcours intime tourmenté (dépendances, deuil), et par l’utilisation exclusive d’images d’archives et de témoignages en voix off (Clapton lui-même, Bob Dylan, George Harrison), ce documentaire sur le guitar hero et chanteur britannique Eric Clapton dévoile la manière dont son œuvre s’est accordée à sa démarche de résilience. • H. M. D. C.
— : de Lili Fini Zanuck (Orsans, 2 h 14) Sortie le 23 janvier
GREEN BOOK. SUR LES ROUTES DU SUD
En 1962, un pianiste afro-américain (Mahershala Ali) et son chauffeur italo-américain (Viggo Mortensen) entament une tournée dans le sud des États-Unis. Ils s’aident du Green Book, un annuaire des établissements qui ne rejettent pas les Noirs… On aurait aimé plus de folie dans ce premier long de Peter Farelly sans son frère Bobby, mais l’émotion reste de mise. • Q. G.
— : de Peter Farrelly (Metropolitan FilmExport, 2 h 10) Sortie le 23 janvier
L’ORDRE DES MÉDECINS
Simon (Jérémie Renier) est médecin dans un service de pneumologie. Lorsque sa mère est admise à l’hôpital et qu’il la sait condamnée, il est difficile pour lui de faire la part entre l’intime et le professionnel… Dans un récit tendu, David Roux incarne les questionnements actuels sur l’hôpital (économiques, éthiques…) avec nuance et émotion. • Q. G
— : de David Roux (Pyramide, 1 h 33) Sortie le 23 janvier
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COUL’ KIDS
ALBIN DE LA SIMONE MUSICIEN
Adèle a 12 ans. Elle a rencontré le chanteur, auteur et compositeur Albin de la Simone, qui est aussi musicien pour d’autres artistes, comme Vanessa Paradis, Arthur H ou Matthieu Chedid. Pour son nouveau projet, Albin a choisi d’adapter sur scène Le Carnaval des animaux, une œuvre musicale classique composée en 1886 par Camille Saint-Saëns.
Petit, tu as appris la musique au conservatoire ? Pas du tout. Mon père était clarinettiste de jazz, c’est lui qui m’a mis au piano, il m’a appris les accords, et l’harmonie. Je lui servais en quelque sorte d’accompagnateur. Ensuite, à 9 ans, j’ai pris des cours particuliers, mais ça m’ennuyait terriblement alors j’ai tout envoyé balader. C’est à 17 ans que j’ai repris la musique, j’ai pris des cours de solfège, je m’y suis mis sérieusement. Comme c’était une envie personnelle, ça m’a plu. Comment as-tu découvert Le Carnaval des animaux ? Je ne sais pas, tout le monde connaît un peu cette œuvre sans le savoir. Le morceau « L’Aquarium », qui est tiré du Carnaval des animaux, est le générique du Festival de Cannes, ça l’a rendu très célèbre. Et le morceau « Le Cygne » est un vrai tube, tous les violoncellistes l’apprennent au conservatoire. Camille Saint-Saëns était un grand
L’INTERVIEW D’ADÈLE, 12 ANS LE DÉBRIEF
compositeur du xixe et du xxe siècle, il a écrit beaucoup d’œuvres. Le Carnaval des animaux, c’est une pièce qu’il a écrite pour fêter Mardi gras. Pour lui ce n’était pas sérieux, c’était pour rigoler, mais aujourd’hui c’est une de ses œuvres les plus connues ! Pourquoi as-tu voulu monter un spectacle à partir de cette œuvre ? J’avais envie que les enfants viennent découvrir la musique classique à travers une œuvre faite spécialement pour eux. Comme Pierre et le Loup ? Oui, mais Pierre et le Loup, c’est un texte avec une musique, alors que Le Carnaval des animaux, c’est juste une musique, il n’y a pas d’histoire dans l’œuvre originale.
Donc tu as inventé une histoire ? Oui, avec Valérie Mréjen, qui est auteure et plasticienne, on a écrit une intrigue. Un matin, tous les animaux d’une ville se sont échappés des zoos, des fermes, des aquariums. Une femme enquête sur cette mystérieuse disparition, aidée par une agence de détectives qui lui a attribué quatre musiciens pour l’aider à résoudre cette énigme. Musicalement, qu’est-ce que ta version a de particulier ? Normalement, cette œuvre est jouée par vingt-six musiciens. Là, ils sont quatre. Et il y a une guitare électrique et un banjo. On a pris beaucoup de libertés, même s’il reste les mélodies de Saint-Saëns. On voulait que ce spectacle puisse plaire aussi bien à nos enfants qu’à nous. Et toi, quel style de musique tu écoutais quand tu étais enfant ? De la chanson : Alain Souchon, Jacques Higelin… Et j’avais une passion pour Kiss, un groupe de hard-rock. Je les aimais surtout pour leur look génial ! • PROPOS RECUEILLIS PAR ADÈLE (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE) — PHOTOGRAPHIE : FLORENT VINDIMIAN
— : «Le Carnaval des animaux » du 11 au 13 janvier au Centquatre
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TOI AUSSI TU AS ENVIE DE RÉALISER UNE INTERVIEW ? DIS-NOUS QUI TU AIMERAIS RENCONTRER EN ÉCRIVANT À BONJOUR@TROISCOULEURS.FR
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COUL' KIDS
Adèle : « J’ai déjà vu Albin en concert, il était très drôle. J’étais très contente de le rencontrer. On a fait une séance photo dans un parc pour enfants. À un moment, il s’est mis sur une balançoire en forme de tortue, et il a failli rester coincé dedans ! »
LA CRITIQUE DE LÉONORE, 8 ANS
COUL’ KIDS
MIRAÏ. MA PETITE SŒUR
« C’est l’histoire d’un petit garçon qui va avoir une petite sœur. Et quand il est énervé, il voit plein de gens bizarres dans la cour de sa maison : sa petite sœur mais en grande, son chien mais sous une autre forme, et il se voit lui aussi mais à une autre époque. Je crois que ces choses de son imagination l’aident à comprendre sa petite sœur. Dans l’imagination du petit garçon, il y a des moments qui peuvent faire peur aux gens, même si, moi, ça ne m’a pas complètement fait peur. Mais des fois ça fait du bien d’avoir peur au cinéma : comme on sursaute, toutes les petites gouttes de sueur qu’on a sur notre corps s’enlèvent d’un coup. Ça donne de l’air ! Miraï se passe dans un pays genre Chine ou Japon. Mais ça n’a pas d’importance, parce qu’en France on a des voitures, des vélos, des petits frères ou des petites sœurs, comme les gens en Chine ou au Japon. Du coup, l’histoire va pour le monde entier. D’ailleurs, je pense qu’un grand frère, une grande sœur ou leurs parents qui viennent d’avoir un bébé devraient aller voir le film. Ça peut aider tout le monde à se comprendre. »
LE PETIT AVIS DU GRAND Mamoru Hosoda poursuit sa magnifique série de portraits mêlant l’intimisme le plus profond à l’épique le plus déluré. Comme c’était le cas de ses quatre précédents films (et en particulier des Enfants loups. Amé et Yuki), Miraï. Ma petite sœur dépeint les émotions les plus puissantes de ses personnages à travers des péripéties qui dépassent l’entendement. Et, encore une fois, c’est en s’émancipant du cadre étriqué du réalisme qu’il atteint la vérité la plus secrète de ses personnages. • JULIEN DUPUY
— : de Mamoru Hosoda Wild Bunch (1 h 38) Sortie le 26 décembre, dès 7 ans
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COMPOSE LE MOT MYSTÈRE À PARTIR DES LETTRES DE COULEURS CACHÉES DANS LE TEXTE :
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TOUT DOUX LISTE LA LIGUE DES SUPER FÉMINISTES LIVRE Avec cette nouvelle BD drôle et pop, Mirion Malle (Commando Culotte) détricote les représentations de genre de notre société, abordant sans tabou et avec pédagogie les thèmes du consentement, de l’homosexualité ou des diktats de la beauté. • H. M. D. C.
: de Mirion Malle (La ville brûle,
64 p.), dès 8 ans, dispo le 4 janvier
ESPÈCES EN VOIE D’ILLUMINATION © CHINA LIGHT FESTIVAL
EXPO Dans le zoo et la ménagerie du Jardin des plantes, de 18 heures à 23 heures, cette promenade enchanteresse parmi de colossales structures lumineuses représentant des espèces éteintes ou menacées (dinosaures, requin blanc...) éclaire sur la nécessité de préserver la biodiversité. • H. M. D. C.
: jusqu’au 15 janvier au Jardin des plantes, dès 2 ans
LE RETOUR DE MARY POPPINS CINÉMA Dans les années 1930, Mary Poppins (Emily Blunt, qui remplace la Julie Andrews du film culte de 1965) n’a pas pris une ride, et embarque à nouveau Jane Banks et son frère, Michael – qui eux ont bien vieilli d’une vingtaine d’années – dans de féeriques nouvelles aventures, épaulée par sa farfelue cousine Topsy (Meryl Streep). • H. M. D. C.
: de Rob Marshall (Walt Disney, 2 h 11) Sortie le 19 décembre, dès 5 ans
ILLUSIONS
© R. THENADEY
EXPO Qui n’a jamais rêvé de connaître les trucs des magiciens ? C’est notamment ce que propose cette exposition interactive où l’on déjoue, par une quarantaine d’expériences ludiques, les tours que jouent les illusions visuelles et cognitives à notre cerveau. • H. M. D. C.
: jusqu’au 25 août au Palais de la découverte, dès 7 ans
OFF
CECI N’EST PAS DU CINÉMA
QUAND LE JEU VIDÉO DÉPOSE LES ARMES Et si, au lieu de se courser un flingue à la main, on arpentait rêveusement la campagne en suivant le chant des oiseaux ? C’est, en exagérant à peine, ce que proposent des jeux vidéo pas comme les autres : les walking simulators. Gagnant jusqu’aux grosses productions du moment, ce parti pris contemplatif bouleverse la relation que les joueurs entretiennent avec les mondes virtuels.
La
nature à perte de vue. Pas âme qui vive à l’horizon, sauf à considérer que les petits lapins qui croisent notre chemin en possèdent une. Ou le cheval, notre infatigable compagnon pour ce lent et long voyage presque hypnotique sous un ciel immense. Le jeu qui provoque ces sentiments singuliers n’est pas l’une de ces productions indépendantes quasi expérimentales qui se posent régulièrement en alternative aux blockbusters. Au contraire : il s’agit de Red Dead Redemption 2 (lire p. 124), le plus gros jeu de l’année et le plus vendu – moins de deux semaines après sa sortie, le 26 octobre dernier, son éditeur Rockstar Games (qui est aussi celui de Grand Theft Auto) en avait déjà écoulé 17 millions d’exemplaires. Même si cette aventure à rebondissements
JEUX VIDÉO
Plutôt que de tuer des gens, on traverse des lieux en collectionnant des impressions ou des fragments de récits. visites guidées (la bibliothèque d’Alexandrie, les pyramides de Gizeh…) qui se substituent aux habituelles missions violentes (éliminer une cible, libérer des prisonniers…). Ainsi s’effacent les combats et, plus généralement, tout ce qui pourrait contraindre ou encadrer nos déplacements.
© ROCKSTAR GAMES
Red Dead Redemption 2
regorge de scènes musclées, son rythme et son rapport aux lieux sont bien différents de celui des jeux d’action traditionnels. Assassin’s Creed est un autre symptôme de ce parti pris contemplatif qui bouleverse l’univers vidéoludique. Dans les semaines qui viennent, le (très bon) volet 2018 de la saga historique d’Ubisoft, baptisé Odyssey et situé dans la Grèce antique, gagnera un mode discovery tour similaire à celui inauguré l’an dernier pour l’épisode égyptien Assassin’s Creed Origins et dont le succès a dépassé toutes les attentes. Proposé à la vente séparément ou offert aux possesseurs du jeu, celui-ci se présente comme une variante pédagogique permettant aux joueurs d’explorer librement un passé patiemment reconstitué grâce à une série de
En anglais, on parle de walking simulator, et l’expression est très connotée. À l’époque du Gamergate, cette fronde ultra réac née à l’été 2014 d’une frange majoritairement mâle et blanche de la communauté des gamers hostile à tout ce qui ne ressemblait pas à un jeu vidéo au sens le plus traditionnel et restrictif du terme, les walking simulators firent partie des premières cibles. Imaginez : non seulement, plutôt que de tuer des gens, on y traverse des lieux en collectionnant des impressions ou des fragments de récits, mais en plus certains de ses représentants se révèlent plutôt progressistes, voire carrément féministes. – le « pire » de ceux-ci étant sans doute Gone Home, émouvante exploration d’une maison vide par la fille de la famille rentrée de la fac, qui ose parler ouvertement d’homosexualité féminine. Au départ péjorative, l’expression « walking simulator » a finalement été récupérée avec un mélange d’ironie et de fierté par ses adeptes. Dans le même temps, la diversité du genre, devenu l’un des préférés de la scène indé, explosait. On compte ainsi des walking sims (selon le diminutif qui a émergé à l’usage) très narratifs (Dear Esther et sa balade crève-cœur avec voix off sur une île écossaise) ou au contraire impressionnistes (le stylisé Proteus, l’ésotérique Shape of the World), des walking sims d’épouvante (Soma) ou de science-fiction (Tacoma et sa station lunaire désertée), ultra geeks (The Stanley Parable) ou lynchiens (Virginia, avec
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BRAQUER LES RÉACS
Gone Home
© THE FULLBRIGHT COMPANY
Everybody’s Gone to the Rapture
© SONY COMPUTER ENTERTAINMENT
DÉCRYPTAGE
Serait-ce un signe des temps ? Un indice que le jeu vidéo et ses adeptes, arrivés à maturité, ne s’épanouiraient plus seulement dans l’hyperactivité ?
Kona
son récit en morceaux), ensoleillés (le très beau Firewatch, qui fait de nous un garde forestier en crise existentielle) ou glacés (le surréel Kona). Et même mutique, avec l’épopée désertique Journey. La marche laisse la place à la nage dans l’aquatique Abzû, et Shelter 2 nous transforme en maman lynx. Quant à What Remains of Edith Finch, il contredit la réputation de monotonie de la simulation de promenade en nous faisant revivre successivement, entre émotion et humour noir, et avec une folle diversité de dispositifs ludiques (une partie de balançoire, une journée de travail à l’usine, un bain d’enfant…), la mort de treize
EN QUÊTE DE SENS Si elle peut, à l’occasion, tenir de l’expérience relaxante voire de la méditation zen assistée par ordinateur, la promenade vidéoludique remue aussi parfois des choses extrêmement profondes. Dans un beau texte intitulé « Trahir pour survivre » et publié dans le numéro 2 de la fort recommandable revue Immersion (juin-décembre 2018), Céline Béguian et Grégory Andron le montrent en analysant plusieurs de ces walking simulators (Gone Home, Firewatch, Everybody’s Gone to the Rapture…) qui se focalisent « moins sur un objectif à atteindre, accompagné de conditions de victoire, que sur le déploiement d’un récit ». Ils relèvent que, si l’on y retrouve souvent « une progression typique jusqu’à une confrontation finale », celle-ci n’a pas « lieu dans le domaine physique » (comme souvent avec les jeux vidéo) mais relève d’une « confrontation à soi-même », avec l’accumulation de savoir comme voie vers le salut. « Survivre, c’est faire sens », ajoutent-ils. • E. H.
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Firewatch
JEUX VIDÉO
Shadow of the Colossus
MAÎTRE JAPONAIS
© PARABOLE
En faire moins plutôt que plus, retirer au lieu d’ajouter et remettre en question ce qui semble aller de soi dans un jeu vidéo. Le Japonais Fumito Ueda (Ico, The Last Guardian) est l’un des pionniers de ce « design par soustraction » quasi hérétique pour l’industrie vidéoludique sur lequel reposent bien des walking simulators. Ressorti en version remasterisée il y a quelques mois, son chef-d’œuvre Shadow of the Colossus, qui lâche sans un mot le joueur dans un monde sombre et mystérieux, est d’ailleurs, si l’on met de côté ses (déchirantes) séquences de combat contre d’immenses créatures qui ne nous avaient rien fait, un modèle du genre. Pas de villages animés, de personnages hauts en couleur ou d’objectifs chiffrés dans cette œuvre que beaucoup voient comme un Zelda – la célèbre série de jeux d’aventure de Nintendo – épuré. La traversée, inquiète et lente, de ses architectures et paysages n’en est que plus ensorcelante. • E. H. : « Shadow of the Colossus », (Sony | PS4)
ancêtres de l’héroïne qui marche dans la demeure familiale. N’oublions pas non plus la part d’errance contemplative, d’immersion dans des ambiances sur laquelle reposent les jeux d’énigmes The Witness et The Talos Principle, dont les casse-tête se déploient majestueusement en extérieur.
© PANIC
MÉLANCOLIE LUDIQUE
Malgré cette extrême variété, on peut pointer un certain nombre d’éléments communs à la plupart de ces titres : la prééminence du regard sur l’action, la valeur accordée aux déplacements (qui ne sont pas qu’un moyen d’atteindre un point précis), une interrogation plus ou moins explicite sur la place des personnages dans le monde qu’ils traversent (et, en miroir, sur celle du joueur, entre protagoniste et spectateur) ; et puis, souvent, en attendant l’illumination, une certaine forme de mélancolie – car si le temps des walking simulators n’est pas celui de l’action, c’est qu’il est peut-être déjà trop tard. Mais ce goût pour les longues promenades n’est pas si nouveau, argueront certains. Après tout, se balader sans but précis est depuis longtemps une manière comme une autre, et pas la moins maline, de profiter d’un monde « ouvert » comme celui de Grand Theft Auto. La différence est que, avec Red Dead Redemption 2, ce qui relevait
en partie du détournement d’expérience par le joueur gagne le cœur même du jeu. Serait-ce un signe des temps ? Un indice que le jeu vidéo et ses adeptes, arrivés à maturité, ne s’épanouiraient plus seulement dans l’hyperactivité ? Possible. D’autant que, même dans le phénomène ado Fortnite, qui fait s’affronter cent joueurs sur une île jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un, chaque concurrent passe énormément de temps à marcher seul en écoutant les bruits environnants. Il fait beau, on prend son temps. Et voilà que le jeu le plus belliqueux du moment nous réapprend en somme à être au monde, au présent. Il n’y a pas âme qui vive à l’horizon, là non plus. Sauf la nôtre, émue. • ERWAN HIGUINEN
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EXPOS
GRAYSON PERRY — : « Vanité, Identité, Sexualité » © RICHARD ANSETT
jusqu’au 3 février à la Monnaie de Paris
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Grayson Perry, 2017
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Lauréat
du prestigieux Turner Prize en 2003 et figure extrêmement populaire en Angleterre, l’artiste et travesti Grayson Perry n’avait jamais eu les honneurs d’une grande monographie en France. Voilà chose faite avec cette exposition qui se joue de tous les tabous. Arborant froufrous et robes extravagantes, Grayson Perry revêt en public l’identité de Claire, son alter ego féminin. Enfant de la classe ouvrière britannique, cet apôtre du camp milite pour une déconstruction de l’identité masculine, en opposition aux normes établies. Commencée dans les années 1980, son œuvre hétéroclite entend notamment réhabiliter des formes artisanales, longtemps méprisées par le monde de l’art contemporain. Vases en émail, sculptures en céramique, médailles et autres bibelots sont ici détournés de leur fonction décorative pour devenir les supports d’illustrations qui tournent en dérision le conservatisme de la société britannique. À y regarder de plus près, leur kitsch apparent interroge des sujets brûlants : violence, sexe, guerre, spiritualité. Dans sa seconde moitié, l’exposition présente une série de tapisseries, « symbole traditionnel de la réussite sociale […] pour représenter un drame courant, celui de la mobilité sociale », comme l’indique l’artiste dans le dossier de presse. La satire et la provocation font office de refouloir à la barbarie ordinaire et à la lutte des classes qui secoue l’Angleterre post-Brexit. Cerise sur le pudding, un cycle de tables rondes vient compléter cette exposition haute en couleur. Jamais la notion d’identité sexuelle et de normalisation des mœurs n’aura été remise en cause avec tant de panache. • JULIEN BÉCOURT
Cet apôtre du camp milite pour une déconstruction de l’identité masculine.
ANA MENDIETA
BÉATRICE BALCOU
Disparue en 1985, l’artiste cubano-américaine a réalisé une centaine de films entre 1971 et 1981 dans lesquels elle se confronte aux éléments naturels, dans un rapport quasi fusionnel. Convoquant rituels et autres traditions ancestrales, on la voit recouverte de terre, d’herbe ou de pierres, immergée dans le flux incessant d’une rivière, la silhouette recréée en poudre d’artifice embrasée, ou dessinant avec son sang… Le corps est, directement ou symboliquement, mis à l’épreuve et à l’échelle du temps et de l’histoire. • ANNE-LOU VICENTE
Le travail de Béatrice Balcou met en perspective et en abyme les conditions de (re)production, de représentation, d’exposition et de réception de l’œuvre d’art. Cette exposition est l’occasion de découvrir ses répliques en bois « placebos » d’œuvres existantes, ou encore d’assister à l’une de ses « Cérémonies », au cours desquelles elle manipule avec soin et dévoile une pièce empruntée à une collection. Ou comment voir les œuvres sous un nouveau jour et prendre (enfin) le temps de les regarder avec attention. • A.-L. V.
: jusqu’au 27 janvier au Jeu de Paume
: jusqu’au 10 février à La Ferme du Buisson (Noisiel)
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ART COMPRIMÉ Tous les mois, notre chroniqueuse vous offre un concentré des dernières réjouissances du monde de l’art.
Un nouveau venu dans le cercle des musées insolites : ouvert fin octobre à Malmö, en Suède, le Disgusting Food Museum (« musée de la nourriture dégoûtante ») présente les plats les moins ragoûtants consommés aux quatre coins du monde : le pénis de taureau (Chine) ; le casu marzu, un fromage aux larves vivantes (Sardaigne) ; ou le hákarl, du requin faisandé (Islande)… Pour les plus téméraires, des visites avec dégustation sont organisées. • Au Japon, cela fait deux ans que deux chats – un noir et un roux – essaient régulièrement de pénétrer dans le musée d’art de la ville d’Onomichi… en vain. Si l’on ne connaît pas les motivations de Ken-chan et Go-chan, comme ils ont été baptisés, on les voit se faire gentiment mais inlassablement refouler à l’entrée par un gardien dans des vidéos qui ont massivement circulé sur les réseaux sociaux ces dernières semaines, apportant une publicité inattendue au musée. • À Doha, au Qatar, lors de l’inauguration mi-novembre de l’hôpital Sidra, le public a pu découvrir quatorze utérus géants en bronze, illustrant la croissance d’un fœtus. Leur auteur, Damien Hirst, se dit fier de cette installation dans un pays réputé très conservateur. • En Italie, les populistes italiens ont décidé de revenir sur l’accord de prêt d’œuvres de Léonard de Vinci au Louvre dans le cadre d’une vaste exposition en 2019 à l’occasion des 500 ans de la mort de l’artiste. Dixit la secrétaire d’État à la Culture, Lucia Borgonzoni : « Les Français ne peuvent pas tout avoir ! » • MARIE FANTOZZI ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL
RUINE
SPECTACLES
— : d’Erwan Ha Kyoon Larcher,du 19 janvier au 2 février au Centquatre, puis du 13 au 23 mars au Monfort © LAURENCE HEINTZ
théâtre (1 h 15)
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Homme-orchestre
ou couteau suisse, Erwan Ha Kyoon Larcher sait à peu près tout faire, ou semble du moins n’avoir peur d’aucune expérimentation. Danseur un temps, acrobate pour Mathurin Bolze, comédien dans deux pièces de Christophe Honoré, il n’hésite pas non plus à devenir une taupe musicienne sous le regard de Philippe Quesne ou à prendre l’apparence d’une petite boule de paille intrépide chez Clédat et Petitpierre. En tournée depuis un an avec son premier projet solo, le concert ToutEstBeau, il revient en 2019 à ses premières amours : le cirque. Et quand on sait que sa famille artistique est composée de ses anciens acolytes du collectif Ivan Mosjoukine, la trapéziste Maroussia Diaz Verbèke et le duo Vimala Pons & Tsirihaka Harrivel, la nouvelle est réjouissante. Chacun à leur manière, ils défendent un cirque sobre et hautement symbolique, délesté de son folklore parfois légèrement kitsch ou vieillot, le tout avec une devise simple : « L’idée est physique. » Dans Ruine, faire sera donc dire. Et chacun des gestes ou actions menés sera le vers d’un poème à recomposer soi-même, la pièce d’un grand puzzle toujours aussi compliqué, celui de l’identité. Erwan Ha Kyoon Larcher s’y dévoile tel qu’il est, c’est-à-dire caméléon, tantôt tireur à l’arc, artisan pyrotechnique, équilibriste ou danseur pour multiplier les tentatives. Viser, tomber ou scier une branche sur laquelle on est assis, autant d’actes aussi limpides que profonds, qui en disent parfois plus que les longs discours. • AÏNHOA JEAN-CALMETTES
Erwan Ha Kyoon Larcher défend un cirque sobre et hautement symbolique.
PAVILLON NOIR
LES IDOLES
Les collectifs Traverse et OS’O hissent le pavillon des pirates du deep web. À partir d’histoires réelles – celle d’activistes écolos nantais assignés à résidence par l’État, ou celle d’une hackeuse ukrainienne ayant mis en open source des milliards d’articles scientifiques –, ils naviguent sur les eaux troubles d’Internet, espace de toutes les libertés comme de la surveillance de masse. Un tourbillon d’ingéniosité réalisé sans aucune technologie. • A. J.-C.
Que signifie créer, quand tous ceux que l’on admirait sont décédés, emportés par l’épidémie du sida ? Après son film Plaire, aimer et courir vite et son roman autobiographique Ton père, Christophe Honoré poursuit au théâtre son exploration intime. Il fait revivre sur scène ses idoles, leurs rêves et leurs combats. Où l’on verra Jacques Demy passer de la chorégraphie des Demoiselles de Rochefort à du voguing… • A. J.-C.
du 8 au 19 janvier au Centquatre (2 h 15)
à l’Odéon-Théâtre de l’Europe (2 h 30)
: des collectifs OS’O et Traverse,
: de Christophe Honoré
du 11 janvier au 1er février
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Les Idoles
La galerie des Batailles - © EPV/Thomas Garnier
Cet hiver, impressionnez la galerie.
un spectacle de Christophe Honoré
© Jean-Louis Fernandez
Ouverture de la galerie des Batailles pour l’exposition « Louis-Philippe et Versailles » jusqu’au 3 février 2019
avec Youssouf Abi-Ayad Harrison Arévalo Jean-Charles Clichet Marina Foïs Julien Honoré Marlène Saldana et la participation de Teddy Bogaert
01 44 85 40 40 theatre-odeon.eu #LesIdoles
Vos billets sur www.chateauversailles.fr
En partenariat média avec
Avec le soutien de
11 janv 1er fév 2019 Odéon 6e
LUXE ET VOLUPTÉ
RESTOS
© FRANCIS AMIAND
On aime ou on déteste Noël et le jour de l’an, fêtes obligées, festins caloriques. Mais ne boudons pas notre plaisir quand il s’agit de déguster la trilogie caviar-truffe-foie gras. Chez Petrossian, Balme et Astair, on le fait même sans casser sa tirelire.
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RESTAURANT PETROSSIAN Depuis 1920, en France, caviar rime avec Petrossian. Melkoum et Mouchegh Petrossian, deux frères d’origine arménienne, ont fait découvrir aux Parisiens le goût puissant du caviar malossol (« peu salé »). Presque cent ans plus tard, la maison reste une référence, sous la houlette de l’héritier, Armen, et de son fils Michaël. Installés depuis toujours au 18 du boulevard de La Tour-Maubourg, ils ont traversé la rue, non pour déménager, mais pour ouvrir un nouveau restaurant consacré aux œufs d’esturgeon. Dans un décor chic sans ostentation, bleu et blanc, avec du bois sur les murs ornés d’une frise inspirée des estampes japonaises de Katsushika Hokusai et sa Grande Vague de Kanagawa, on s’attable pour un voyage en terre inconnue. Il faut dire que les occasions de déguster du caviar ne sont pas si fréquentes. On peut d’ailleurs vivre sans, mais pourquoi se priver ? Le jeune chef Renaud Ramamourty, ancien des restaurants de Mathieu Pacaud, Hexagone et Histoires, aborde le sujet en toute simplicité. Quelques grains dans les menus du déjeuner, bien plus dans les plats, dont une déjà classique tarte fine à la crème fumée et au crémeux d’oignon (39 €) ou un judicieux quasi de veau de lait, gnocchis de panais (45 €), les deux généreusement agrémentés de caviar Alverta maturé. Mais le bon plan, c’est de ne surtout pas oublier de demander sa dégustation de trois caviars maison, dispensée avec brio au bar. Elle est gratuite ! À défaut de repartir avec une boîte, l’amateur impécunieux approche son Graal. Menus du midi : 39 € et 46 €. Carte : 80 €. • STÉPHANE MÉJANÈS
: 13, boulevard de La Tour-Maubourg, Paris VIIe
ASTAIR
BALME PARIS
Quand trois étoiles montantes de la restauration parisienne (Farago, Canard et Champagne, Candelma) s’associent à un chef triplement étoilé, Gilles Goujon, ça donne Astair (clin d’œil à Fred), néobrasserie avec un fameux foie gras de canard landais mi-cuit, chutney de figues et pain de campagne. Menu déjeuner : 20 € ou 25 €. Carte : 55 €. • S. M.
Héritier de trois générations de trufficulteurs du Luberon, Thomas Balme a appris avec son oncle Géo et s’est associé à son ami d’enfance, Mikel Poueyts, pour ancrer la maison dans son époque. Au Printemps du goût, ils proposent de petits plats à petits prix, brouillade, risotto, pâtes (coquillettes à 14 €) et un addictif croque-madame (18 €). • S. M.
: 19, passage des Panoramas, Paris IIe
: 64, boulevard Haussmann, Paris IXe
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CASSE-NOISETTE ET LES QUATRE ROYAUMES avec Keira Knightley et Mackenzie Foy avec la voix de Laurent Lafitte
LE GRINCH
LOLA ET SES FRÈRES de Jean-Paul Rouve avec les voix de Christian Clavier et Alex Lutz
PUPILLE
ASTÉRIX - LE SECRET DE LA POTION MAGIQUE
avec Sandrine Kiberlain, Gilles Lellouche et Élodie Bouchez
de B. Persichetti, P. Ramsey et R. Rothman
SPIDER-MAN : NEW GENERATION
UNE AFFAIRE DE FAMILLE avec Kad Merad et Julie Gayet
de Hirokazu Kore-eda
LE GENDRE DE MA VIE
LE RETOUR DE MARY POPPINS avec Emily Blunt avec Amber Heard et Willem Dafoe
AQUAMAN
avec Carey Mulligan et Jake Gyllenhaal
WILDLIFE - UNE SAISON ARDENTE
BUMBLEBEE *Frais de dossier de 30€ offerts pour tout nouvel abonnement. Conditions générales d’abonnement consultables sur ugc.fr
– UGC CINÉ CITÉ – RCS de Nanterre 347.806.002 – 24 avenue Charles de Gaulle, 92200 Neuilly-sur-Seine – Capital social 12.325.016€
L’EMPEREUR DE PARIS avec Vincent Cassel
de Travis Knight
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DU 5 DÉCEMBRE 2018 AU 8 JANVIER 2019
PLUS DE 1000 FILMS PAR AN DANS PLUS DE 700 SALLES
CONCERTS
LÉONIE PERNET — : le 25 janvier à La Gaîté Lyrique • « Crave » (InFiné) © CHILL OKUBO
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OFF
Depuis
sa ritournelle saturée « Two of Us », hymne des fins de soirées en 2014, le premier album de Léonie Pernet se faisait attendre comme une Arlésienne à longueur de nuits repoussée. Après une longue maturation, la DJ et productrice parisienne – également batteuse pour Yuksek, compositrice de musiques de films (Bébé tigre de Cyprien Vial en 2014 et Marvin d’Anne Fontaine en 2017) et militante (LGBT+, pour l’accueil des réfugiés) – a enfin sorti, avec Crave (comprendre : « éprouver un désir insatiable »), l’album qui lui ressemble. Métissé et contrasté, entre electro (C.A.R., Mansfield. TYA) et musiques savantes (Rachmaninov, Philip Glass), clubbing et songwriting, évidence mélodique et richesse texturale, nourri par son expérience de la nuit autant que par la théorie musicale (elle a étudié les arts sacrés et la musique liturgique à la fac), Crave révèle une artiste complète. Étirant les mots, les durées et les effets comme autant de murmures subliminaux, multipliant les incarnations (à la façon de Klaus Nomi sur le morceau-titre, ou en filtrant et modulant sa voix), elle alterne messes gothiques et berceuses numériques, basses technoïdes et xylophones tintinnabulants, spatialisation et saturations. Ce singulier alliage de violence et de tendresse est reconduit sur scène en compagnie de Hanaa Ouassim (dont on entend la voix sur le titre en arabe « Auaati »), le duo mélangeant sonorités acoustiques (batterie, percussions orientales, chœurs) et électroniques (séquences, claviers), aussi deep qu’in your face, donc. • WILFRIED PARIS
Ce singulier alliage de violence et de tendresse est reconduit sur scène.
ADRIANNE LENKER
DEENA ABDELWAHED
Nouvelle – et sublime – échappée solo pour la chanteuse de Big Thief : son art épuré du songwriting et sa voix chaleureusement tourmentée font merveille sur Abysskiss. Un feu indie-folk couvé dans un enchevêtrement soyeux de guitares ensorcelantes, de mélodies ajourées de bruissements discrets et de microrécits où perce une terrible beauté. Un monde de sensations, aux secrets bien gardés, que sa présence scénique animale achèvera d’embraser. • ETAÏNN ZWER
Un E.P. (Klabb), et la productrice tunisienne aura imposé, contre tout cliché electroriental, sa techno mutante et insurgée. Avec Khonnar (prononcez « Ronnar »), son premier LP, siglé InFiné, elle affûte cette poésie âpre, tissant dans un déséquilibre fascinant traditions panarabes et expérimentations noise, esthétique et politique. Une transe d’une insolente beauté, à éprouver lors de ses lives féroces – la révolution se joue aussi sur le dancefloor. • E. Z .
: le 20 janvier à La Maroquinerie
: le 31 janvier à La Gaîté lyrique
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RÉALITÉ VIRTUELLE
JURASSIC FLIGHT VOL PLANANT
— : (Somniacs), dès 6 ans
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OFF
Depuis
le classique Jurassic Park, le royaume des dinosaures est devenu un rêve de gosses. Fabian Troxler et Gian Klainguti, les créateurs de cette expérience aérienne sur Birdly – installation qui vous met littéralement dans la position d’un oiseau en vol, allongé sur le ventre, les bras écartés – l’ont bien compris. Le cadre : une vallée, traversée de cours d’eau, que l’on survole paisiblement. Un petit piqué vers le sol et le miracle opère : un troupeau de stégosaures apparaît à l’orée du bois et vient s’abreuver au bord d’un étang. Plus loin, un autre herbivore devient le festin d’un trio de raptors diablement organisés. Puis, en un battement d’ailes, une course s’engage avec un ptérodactyle qui nous tourne autour – il suffit d’ailleurs de tourner la tête pour s’apercevoir que notre corps est aussi celui d’un de ces volatiles géants. Jurassic Flight dure un peu plus deux minutes, ce qui peut paraître court. Pourtant, ce sont sûrement les deux minutes les plus intenses qu’il nous a jamais été donné de vivre en VR tant elles incarnent le croisement parfait entre un support mécanique et une technologie immersive. En quelques arabesques aériennes, l’expérience nous projette des millions d’années en arrière. Le vrai coup de génie est de proposer ici autant une balade contemplative qu’un jeu d’enquête. Passé le cap de l’ébahissement vient l’obsession de trouver tous les dinosaures qui peuplent cette merveilleuse vallée. De haut vol. • YANN FRANÇOIS
En un battement d’ailes, une course s’engage avec un ptérodactyle.
RACKET NX
ASTRO BOT RESCUE MISSION
SQUASH D’ENFER Armé d’une raquette et placé au centre d’une géode décorée de centaines de tuiles, il faut percuter des cibles éphémères avec une balle en apesanteur. Racket NX se place donc au carrefour du squash et du casse-briques, avec une dimension stratégique très présente du fait du défilement impitoyable du chrono. Et lorsque l’on s’essaie au mode multijoueur, dans lequel chacun des deux compétiteurs doit taper la balle à tour de rôle, le jeu tourne même au duel d’anthologie. • Y. F.
: (One Hamsa), dès 6 ans
PLATE-FORME ENCHANTÉE Dans ce jeu de plate-forme en trois dimensions, il faut aider un petit robot nommé Astro à libérer ses congénères dans des niveaux échafaudés comme des casse-tête labyrinthiques, en bougeant notre propre corps pour modifier les perspectives. Chaque tableau exploite divers potentiels de la technologie virtuelle et fait de notre regard un élément clé de l’action. Avec Astro, la VR a enfin trouvé un personnage digne de Mario ou Sonic, au charisme plus qu’enchanteur. • Y. F.
: (Sony), dès 6 ans
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PLANS COUL’ À GAGNER
SIMON FUJIWARA EXPO
— : « Révolution », jusqu’au 6 janvier © ANDREA ROSSETTI
à Lafayette Anticipation
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Vue d’exposition
Les
nous sommes accueillis par des photographies grand format de Joanne, ancienne Miss Irlande du Nord et professeure d’arts plastiques, en quête d’une image « authentique » d’elle-même, pour faire oublier des photos topless qui ont brisé sa carrière. Le fossé s’accroît entre l’expérience du réel et son simulacre, entièrement conditionné par la société du spectacle. Jusqu’à culminer au troisième étage avec une représentation d’Anne Frank en figure de cire, scrutée par des caméras robotiques. Comble du malaise, le drame de la déportation se mue en une représentation dénuée de toute humanité. Glaçant. • JULIEN BÉCOURT
OFF
installations de Fujiwara s’attachent à la fétichisation de l’expérience individuelle, telle qu’elle est véhiculée par les médias de masse et les réseaux sociaux. Nous voilà d’abord enfermés pour quatre minutes dans une attraction conçue pour les parcs de loisirs, harnachés à un siège qui bouge dans tous les sens, face à un défilement de vidéos en caméra subjective glanées sur YouTube. Le réel vécu par procuration se transforme en divertissement des plus ambigus. On continue avec The Happy Museum, collection d’objets promus par des O.N.G., ici dénués de toute incarnation fonctionnelle. Au deuxième étage,
TRANSMISSION/TRANSGRESSION
EXPO
Dans son atelier, ouvert en 1885, le sculpteur Antoine Bourdelle a patiemment enseigné son art à quelque cinq cents élèves venus du monde entier (parmi lesquels Alberto Giacometti et Germaine Richier). Cet espace, devenu musée, retrace ce processus de transmission à travers 165 œuvres (photos, sculptures, dessins) de l’artiste et de ses élèves. • H. M. D. C.
: « Transmission/Transgression », jusqu’au 3 février au musée Bourdelle
L’ART DU CHANTIER
EXPO
L’exposition retrace l’évolution en Occident du xvie siècle à aujourd’hui des chantiers de construction, en en révélant les enjeux techniques (à travers plans et études), artistiques (par ses représentations au cinéma et en peinture) et sociaux (avec un focus sur la condition ouvrière). • H. M. D. C. Lewis Wickes Hine, Un ouvrier à cheval sur un crochet de grue, 1931
: « L’Art du chantier », jusqu’au 11 mars
à la Cité de l’architecture et du patrimoine
JR
EXPO
L’œuvre de JR, tournée vers l’humain et la rue, se dévoile grâce à des installations (dont une fresque interactive avec des témoignages d’Américains sur les armes à feu), des collages, des séries photo (Women Are Heroes) et un cycle de projections (Visages villages, coréalisé avec Agnès Varda). • H. M. D. C.
: « Momentum. La mécanique de l’épreuve », jusqu’au
10 février à la Maison européenne de la photographie
© MUSÉE BOURDELLE / ROGER-VIOLLET ; THE NEW YORK PUBLIC LIBRARY ; RATP – DENIS SUTTON
Anonyme, Bourdelle et ses praticiens dans son atelier impasse du Maine, 1903
SUR TROISCOULEURS.FR/PLANSCOUL
Pierre-Henry GomoNt
Coureur, menteur, buveur, noceur… Gabriel Lesaffre a toutes les qualités. Un jour, il tombe amoureux. Coup de foudre, mariage, trois enfants… Gabriel s’ennuie vite. Il plaque tout, disparaît durant cinq ans. De retour, il emmène avec lui ses deux aînés en Afrique équatoriale. Pour eux, une nouvelle vie bigarrée et frivole commence…
Catherine meuriSSe
« Les filles, la campagne sera votre chance », ont dit les parents. Avec l’humour qu’on lui connaît, Catherine Meurisse raconte les lieux de son enfance et l’imaginaire qui s’y déploie. Les Grands Espaces, comme La Légèreté, son précédent album, l’atteste : la nature et l’art - tout ce qui pousse, tout ce qui vit envers et contre tout seront une chance.
Fabien Nury et BrüNo
Fabien Nury et Brüno réunissent dans ce superbe livre toutes les inspirations cinéphiles qui ont procédé à la création de leur gangster, Tyler Cross. 80 chroniques illustrées qui dessinent en creux une certaine vision de l’Amérique et ses mythologies, et une véritable déclaration d’amour au film noir.
Joann SFar
Ils s’aiment. Lui est juif, elle est catholique. Ils vivent à Alger, et un jour, le Rabbin voit arriver cette jeune femme qui, pour mieux s’intégrer et faire plaisir à son futur époux, veut se convertir au judaïsme. Pourquoi vouloir embrasser une foi si compliquée, si irrationnelle, si pénible ? Le Chat et Zlabya sont d’accord pour la dissuader…
AU RAyoN BANDe DessINÉe
Fabien Nury et matthieu BoNHomme
Élevée par son père Léopold 1er, Charlotte de Belgique est destinée à faire un glorieux mariage. Pour la jeune femme, le choix s’arrête sur l’archiduc Maximilien d’Autriche, frère cadet de l’empereur François-Joseph. Un mariage somptueux vient sceller leur union, qui, disons-le tout de suite, ne sera pas heureuse...
© Catherine Meurisse / Dargaud 2018
LeS PLuS BeauX aLBumS DeS FÊteS
SONS
TIM PRESLEY — : « I Have to Feed Larry’s Hawk » de Tim Presley’s White Fence (Drag City) Sortie le 25 janvier
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© LILLY CREIGHTMORE
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« La
musique et l’art sont mes seuls centres d’intérêt. Ils occupent le plus clair de mon temps, et tout le reste de ma vie en souffre. » Tim Presley n’est pas devenu par hasard l’une des personnalités les plus fascinantes de la pop et du garage-rock américains. Depuis une vingtaine d’années, il jongle avec frénésie entre projets solo (White Fence, W-X), groupes plus ou moins durables (Darker My Love, The Nerve Agents, Model American) et collaborations avec ses meilleurs copains (Ty Segall, Cate Le Bon dans le duo Drinks). Après les nouvelles livraisons de Presley-Segall et Drinks en 2018 (Joy et Hippo Lite, proches de la perfection), il continue d’occuper le terrain avec I Have to Feed Larry’s Hawk, sous l’alias (transitoire ?) de Tim Presley’s White Fence. « Franchement, je comprends qu’on puisse avoir du mal à suivre, mais je ne peux vraiment pas faire autrement. J’ai besoin d’écrire, d’enregistrer, de créer le plus possible. Et changer de casquette me permet d’éviter l’enlisement. C’est le
SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM ? « Dans les paroles de “Lorelei”, le premier single de l’album, je me mets en scène en train de braquer une pharmacie, ou du moins de fantasmer un tel braquage… Du coup, je pense tout de suite à Tueurs nés d’Oliver Stone, dans lequel il y a une scène similaire,
seul moyen que j’ai trouvé pour prendre mon pied. » En effet, là où certains stakhanovistes se montrent inégaux dans leurs productions, laissant à d’autres (nous) le soin de faire le tri, les disques de Presley proposent toujours un décalage exaltant, un glissement esthétique qui entretient notre désir. Composé au calme dans un village anglais, puis enregistré dans son fief de San Francisco, I Have to Feed Larry’s Hawk sonne comme son œuvre la plus « britannique », pleine de piano pop et d’allusions à Ray Davies (The Kinks), Robert Wyatt ou Syd Barrett. Elle réserve aussi quelques chausse-trapes, comme le gros quart d’heure instrumental de Harm Reduction, qui concluent l’album en brisant sa logique. « Tu as raison, ça n’a rien à voir avec le reste, mais je ne pouvais pas m’en passer. Cet album est comme un journal détaillant une période de ma vie, et chaque morceau est un antidépresseur aux vertus spécifiques. » L’art-thérapie selon Tim Presley est une discipline de chaque instant. • MICHAEL PATIN
et dont l’urgence me correspond. Ça pourrait aussi être Bonnie and Clyde d’Arthur Penn, pour la liberté d’esprit, la sensation de danger, l’idée d’amour et de perte entremêlées. Je suis un hors-la-loi, mais seulement dans ma tête ; je me rebelle toujours contre moi-même. » TIM PRESLEY
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JUKEBOX
BALTHAZAR : « Fever »
(Play It Again Sam)
SNEAKS
: « Highway Hypnosis » (Merge)
Les tracks d’Eva Moolchan, alias Sneaks, passent régulièrement sous la barre des deux minutes. La vingtenaire de Washington D.C. ne s’embarrasse pas d’intro ou de pont, élaguant jusqu’à l’os, en équilibre entre rap eighties et post-punk féministe, sur un riff de basse ou un beat rachitique. Son troisième LP dégaine un zapping de ritournelles dégingandées, squelettes sexy à la concision brute et enfantine. • É. V.
UNLOVED
: « Heartbreak » (Heavenly Recordings)
Vous avez peut-être entendu ces flamboyants « mal aimés » dans la sanglante série Killing Eve. Mais nul besoin d’images pour les apprécier, tant les embardées vaporeuses de ce trio de Los Angeles exsudent le cinéma. La lynchienne Jade Vincent, épaulée par Keefus Ciancia et David Holmes, producteurs-compositeurs spécialisés en B.O., distille un glamour de polar vintage avec sa voix de velours bleutée. • É. V. ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT
Photo : Agathe Poupeney
Quatre ans après Thin Walls, le quintet belge revient avec un quatrième album enjoué, rock et cuivré. Riches de leurs expériences solo respectives, sur des terres jazzy pour Maarten Devoldere sous l’alias Warhaus, R&B pour Jinte Deprez sous le pseudonyme J. Bernardt, les deux têtes pensantes du groupe prennent un plaisir communicatif à recroiser le fer, toutes guitares dehors, au nom de l’« Entertainment ». • ÉRIC VERNAY
Alban Richard Arnaud Rebotini Fix Me
29 janvier – 2 février 2019 DANSE, MUSIQUE
1 place du Trocadéro, Paris www.theatre-chaillot.fr
SÉRIES
ESCAPE AT DANNEMORA © SHOWTIME 2017 – CHRISTOPHER SAUNDERS
— : saison 1 en janvier sur Canal+
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OFF
En
dans leur catégorie est déjà pliée avant même d’avoir démarré. Mais c’est Patricia Arquette qui hérite du plus beau rôle, le plus casse-gueule aussi, et elle qui va tout rafler. Méconnaissable derrière des lunettes épaisses, elle se saisit à bras-le-corps de son personnage d’improbable Bonnie à deux Clyde pour faire affleurer, derrière la naïveté, la frustration de col bleu américaine de Tilly, coincée entre un mari falot, un job ingrat et deux carlins à promener. Des trois protagonistes, et c’est tout le paradoxe dont se régalent Ben Stiller et ses scénaristes Michael Tolkin (The Player) et Brett Johnson, c’est elle qui tourne le plus comme un lion en cage. On ne se lasse pas de l’observer ruminer ses rêves de revanche sociale : une master class de jeu d’actrice délivrée par Arquette. • GRÉGORY LEDERGUE
2015, deux détenus s’évadèrent d’un pénitencier haute sécurité de l’État de New York avec la complicité d’une employée qu’ils avaient tous deux séduite. Une histoire vraie et un pur sujet de cinéma dont Ben Stiller, à la réalisation des sept épisodes, tire une minisérie grisante. Parce que l’on ne se refait pas, Stiller transforme l’affaire en un showcase de luxe pour ses trois stars, Benicio del Toro, Paul Dano et Patricia Arquette, qui n’en avaient certes pas besoin mais trouvent là des performances parmi les plus marquantes de leur carrière. Il faut voir Dano respirer sa première bouffée d’air libre au terme d’une scène ahurissante, ou bien Benicio del Toro passer de meneur charismatique en cabane à bouffon pathétique une fois en cavale, pour mesurer combien la course aux Emmys 2019
REVOIS THE HAUNTING OF HILL HOUSE Venez pour les jump scares, restez pour la profondeur psychologique. Flippante, mais moins à cause des spectres qui l’habitent que pour les vertiges métaphysiques qu’elle suscite, cette histoire de maison hantée se révèle surtout un puissant drame familial sous influence Six Feet Under. Avec en bonus un épisode central en plans-séquences bluffant d’ingéniosité. • G. L .
: saison 1 sur Netflix
VOIS
PRÉVOIS
IL MIRACOLO Lors d’une descente chez un mafieux, la police italienne découvre une statue de la Vierge qui pleure du sang. Quelles conséquences sur l’ordre public, mais aussi, plus directement, sur une poignée de personnages (un prêtre dévoyé, le Premier ministre…) ? Pas de suspense ésotérique à la Dan Brown ici, mais plutôt un portrait en creux d’une société transalpine en pleine crise de foi. Troublant. • G. L .
: saison 1 sur Arte en janvier
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LE COMPLOT CONTRE L’AMÉRIQUE Hollywood vs Trump, round 15. Et cette fois, c’est David Simon (The Wire, The Deuce) qui monte sur le ring en adaptant pour HBO le roman de Philip Roth. Dans ce texte de 2004, Roth imaginait une Amérique dans laquelle le sympathisant à la cause nazie Charles Lindbergh aurait été élu président des États-Unis en 1941. Mais, à l’évidence, il ne sera pas question que de 1941… • G. L .
:
prochainement sur OCS
JEUX VIDÉO
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RED DEAD REDEMPTION 2
— : Rockstar (PS4, One) —
L’année
se termine en apothéose avec ce chef-d’œuvre qui redéfinit les règles du jeu en monde ouvert. Si Rockstar est connu pour Grand Theft Auto et ses odyssées criminelles au cœur des métropoles modernes, on peut lui préférer Red Dead Redemption (2010) et sa fascinante relecture du mythe fondateur américain du western. Bonne nouvelle : cette suite surpasse son aîné en tous points. Nous voilà désormais membre d’un gang de desperados de tous genres et de toutes origines qui, au crépuscule du xixe siècle, vit de combines et d’entourloupes en marge d’une société en pleine modernisation. À nous d’aider cette famille dysfonctionnelle à prospérer, ou bien d’aller explorer les alentours, pour le seul plaisir de communier avec la faune locale – humaine
et animale. Écriture au cordeau, mise en scène virtuose, scénario aux petits oignons dans lequel chaque mission est l’occasion de porter un regard aussi lucide que grinçant sur l’époque et le pays… mais la vraie star de Red Dead Redemption 2 reste évidemment son monde ouvert. Un monde transcendé par des panoramas mythiques – on y traverse aussi bien les Appalaches que la Louisiane et son bayou – et des événements impromptus qui donnent une illusion de réel jamais atteinte dans un jeu. Face à la prolifération des jeux en monde ouvert (lire p. 104), Rockstar nous ramène au plaisir brut d’une telle expérience : l’exaltation de notre curiosité comme moteur d’un émerveillement permanent. La concurrence peut retrousser ses manches, nous ne sommes pas près de vouloir quitter cette terre miraculeuse. • YANN FRANÇOIS
HITMAN 2
SPITKISS
L’assassin chauve revient aux affaires et signe là son épisode le plus abouti. Chaque contrat prend la forme d’un grand niveau ouvert et thématique, qui déborde autant de cibles et de menaces que de moyens pour éliminer celles-ci. Le bac à sable idéal. • Y. F.
Dans ce jeu mobile, de petits personnages cartoonesques communiquent leur amour avec une petite boule de salive qu’il faut acheminer d’un bout à l’autre du niveau en évitant les embûches… Un plaidoyer très mature pour le polyamour. • Y. F.
(PS4, One, PC)
(iOS, Android, PC)
: Warner Bros.
:
Triple Topping Games
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DO NOT FEED THE MONKEYS Dans un futur proche, nous sommes réduits à observer la vie de quidams sur des écrans de surveillance, à récolter le maximum d’informations sur eux et à les revendre pour payer nos factures… Un avant-goût crédible et glaçant du potentiel avenir orwellien de nos sociétés. • Y. F.
: Fictiorama Studios (PC)
Chaque mois, notre chroniqueur explore les mondes du jeu vidéo indépendant en donnant la parole à l’un de ses créateurs.
Rien ne prédestinait Lucas Pope à la célébrité. En 1998, alors qu’il était étudiant en ingénierie, ce jeune Américain crée son premier studio, mais il attendra quinze ans avant de commercialiser son premier jeu indé. Et quel jeu ! Papers, Please (2013), qui nous propulsait à la place du garde-frontière d’une dictature imaginaire, fut un séisme mondial, qui catapulta son auteur au rang de superstar. On attendait donc de pied ferme, en cette fin d’année, son deuxième jeu, Return of the Obra Dinn, pour lequel Pope change de décor (un bateau de la marine anglaise, au xixe siècle) et d’esthétique. « J’aime les défis techniques. Je voulais des graphismes 3D, mais avec la contrainte d’affichage des premiers ordinateurs en 1 bit. » Nous incarnons ici un agent en assurances qui, après le retour d’un bateau disparu en mer, doit enquêter sur la disparition de son équipage au moyen d’une montre magique qui lui permet de remonter le temps pour vivre les derniers instants de chaque matelot. À nous de nous balader dans ces bouts de mémoire (qui sont figés dans le temps) et de déduire l’identité de chacun et son destin funeste. « J’ai toujours aimé transformer une action banale, qui n’aurait pas sa place dans un jeu, en mécanique interactive. Car, souvent, la pire des vérités se cache derrière l’ordinaire. » En effet, à force de recoupements entre les divers souvenirs, cette enquête minimaliste a tôt fait de révéler une monstruosité humaine que l’on ne soupçonnait pas. Elle confirme surtout le génie caméléon d’un auteur décidément incontournable. • YANN FRANÇOIS
— : « Return of the Obra Dinn » (Lucas Pope | PC, Mac)
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LIVRES
AU GRAND COMPTOIR DES HALLES Toute
bibliothèque sur Paris se doit de comporter quelques livres sur le Paris populaire du siècle dernier, celui des bistrots et des Halles, des ouvriers et des clochards, le Paris secret et souterrain des milieux interlopes, du petit peuple et des chansons tristes. Parmi les chefs-d’œuvre du genre figurent le célèbre Paris insolite de Jean-Paul Clébert, Le Vin des rues de Robert Giraud, Rue des maléfices de Jacques Yonnet, ainsi que les textes de Jacques Prévert, André Vers ou Robert Doisneau, tous compagnons d’errances et voisins de zinc. Ancien libraire, né auvergnat comme tant de cafetiers parisiens, Patrick Cloux arpente depuis longtemps cette littérature qu’il connaît comme sa poche, tout comme les ruelles et les histoires de la capitale, notamment le quartier des Halles avant sa transformation. Il se confie aujourd’hui dans Au grand comptoir des Halles, livre magnifique qui tient à la fois de la chronique – c’est le sous-titre, Chronique (en noir et blanc) –, de l’essai historique, de la galerie de portraits, de l’étude d’urbanisme et d’architecture, de la critique littéraire et de l’évocation poétique du Paris disparu, le tout dans une langue piquante, volontiers mal élevée, hantée d’un côté par l’argot des troquets et, de l’autre, par le beau style coulant de Léon-Paul Fargue, maître à penser de tous les piétons de Paris. La capitale que l’on découvre ici n’a pas grand-chose à voir avec la mégapole triomphante et ripolinée d’aujourd’hui : c’est une cité douteuse et
trouble, populeuse et populaire, qui, comme l’écrit joliment Cloux, « libère des tonnes de nostalgie, d’alcool, d’aventures, de vinasse, de forfaitures, de crimes ». De misère, aussi : Cloux n’enjolive pas, il rappelle les conditions de vie douloureuses de l’époque, la dure existence des petites gens, ouvriers, putains et mendiants. L’état d’esprit, en revanche, l’ambiance libertaire et solidaire, lui manque
OFF
La capitale que l’on découvre ici n’a pas grand-chose à voir avec la mégapole ripolinée d’aujourd’hui. terriblement, tout comme les pavillons Baltard évoqués en introduction et en conclusion. Vous repérerez facilement ce Grand comptoir sur les tables de votre libraire à cause de la photo de couverture (signée Doisneau) : trois types au zinc, improbables et louches, de véritables gueules. Ce livre est comme eux, il a de la gueule. • BERNARD QUIRINY
— : « Au
grand comptoir
des Halles » de Patrick Cloux (Actes Sud, 336 p., 22 €)
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DIX PETITES ANARCHISTES
LE CARROUSEL DES MALÉFICES
Dix jeunes ouvrières suisses, pénétrées d’idées anarchistes, quittent leur Jura natal pour s’inventer une vie en Amérique du Sud… Daniel de Roulet recrée l’effervescence utopiste de la fin du xixe siècle dans ce beau roman libertaire, drôle et tonique. • B. Q.
: Daniel de Roulet
Romancier, nouvelliste, Jean Ray (1887-1964) fut le maître du fantastique et du bizarre, un cousin belge de Lovecraft. Alma achève en beauté son grand chantier de réédition intégrale avec ce Carrousel, dix récits exemplaires de son art inquiétant et glauque. • B. Q.
: Jean Ray
L’auteure du Nécrophile admirait le marquis de Sade, Marcel Proust, Alfred Jarry, Gustave Flaubert, E. T. A. Hoffmann : elle leur rend hommage dans ce livre de pastiches, sortes d’effractions amoureuses dans leurs univers et leurs styles. Le vingtième et dernier n’est autre… qu’un pastiche d’elle-même ! • B. Q.
(Buchet-Chastel, 144 p.)
(Alma Éditeur, 290 p.)
(Verticales, 176 p.)
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USAGES DE FAUX
: de Gabrielle Wittkop
BD
NO WAR CíEST LíING…NIEUR RAGNAR, CELUI QUE TOUT LE MONDE RECHERCHE SUR LA C‘TE DEPUIS UNE SEMAINEÖ ON LUI A TIR… DESSUS !
TONTON, JE DESCENDS, JE VEUX LE VOIR.
FAUT PAS QUíON FOUTE EN LíAIR LES EMPREINTES.
NON !
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TU NE BOUGES PAS !
12
Au
— : d’Anthony Pastor (Casterman, 130 p., 15 €) —
Vukland, petit archipel au sud du Groenland, les tensions sociales se doublent d’un conflit opposant traditions ethniques et souci de productivité. Le héros, un ado, ne sait comment se situer entre ses parents divorcés : sa mère milite pour le respect des coutumes ancestrales et de la nature, tandis que son père œuvre à l’édification d’un barrage qui ensevelira des terres sacrées. La découverte d’un cadavre au cœur d’une ZAD en devenir mettra-t-elle le pays en ébullition ? Anthony Pastor part souvent d’un lieu précis pour en extraire des caractéristiques universelles. Là, il invente carrément son propre décor – le Vukland est totalement imaginaire. Il compose ainsi une fantasy contemporaine qui lui offre toute latitude pour aborder les thèmes de l’engagement et de l’héritage, en introduisant harmonieusement une dose de magie. Le rythme et l’inspiration puisent ici davantage que par le passé aux sources de la série américaine, mais la riche galerie de personnages aux liens complexes distingue l’œuvre des divertissements stéréotypés. • VLADIMIR LECOINTRE 127
mk2 SUR SON 31 JUSQU’AU 1er JANV. CYCLE BOUT’CHOU Pour les enfants de 2 à 4 ans : Le Petit Monde de Bahador et Le Rêve de Galiléo.
: mk2 Bibliothèque, mk2 Gambetta, mk2 Bastille (côté Beaumarchais) et mk2 Quai de Seine Les samedis et dimanches matins
JUSQU’AU 29 JANV. CYCLE JUNIOR Pour les enfants à partir de 5 ans : Merlin l’Enchanteur ; Cendrillon ; Fantasia.
: mk2 Bibliothèque, mk2 Quai de Loire et mk2 Gambetta Les samedis et dimanches matins
LUNDI 7 JANV. 1 HEURE, 1 ŒUVRE « Francisco Goya, El tres de mayo de 1808 (1814). »
: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h
LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « Le Louvre de Paris. »
: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 12 h 30
LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « L’identité nous fait-elle plus de mal que de bien ? »
: mk2 Odéon (côté St Germain)
PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Paris impérial : au carrefour de l’Europe. »
: mk2 Grand Palais à 20 h
SAISON ACID POP « Créer en liberté : comment perdre son scénario pour mieux le retrouver ? » Projection d’Avant l’aurore de Nathan Nicholovitch, en présence du réalisateur et de Vincent Dieutre.
: mk2 Quai de Seine à 20 h
MARDI 8 JANV. UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Le mélodrame : sortez les mouchoirs. »
: mk2 Odéon (côté St Michel)
JEUDI 10 JANV. ARCHITECTURE ET DESIGN « Le design scandinave et la figure d’Alvar Aalto. »
: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h
INITIATION À L’ART EN FAMILLE « Prométhée et le feu : la création des hommes. »
: mk2 Quai de Seine à 11 h
LUNDI 14 JANV. 1 HEURE, 1 ŒUVRE « Édouard Manet, Olympia (1863). »
: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h
LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « Le musée d’Orsay de Paris. »
: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 12 h 30
LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Comment devenir plus créatif ? » Avec Émilie Paul de Bueil. (côté St Germain) à 18 h 30
: mk2 Beaubourg à 20 h
SAMEDI 12 JANV. L’ART CONTEMPORAIN « Face à la société de consommation : l’Arte povera. »
: mk2 Bastille (côté Beaumarchais)
FASCINANTE RENAISSANCE « Sandro Botticelli, l’art de la ligne. »
: mk2 Bibliothèque
à 11 h
: mk2 Odéon UNE HISTOIRE DE L’ART « Le Maniérisme. »
PORTRAITS DE FEMMES « Lucrèce Borgia, la mal aimée. »
SCIENCES SOCIALES ET CINÉMA « Quelle(s) identité(s) ? » Projection de Tel père, tel fils de Hirokazu Kore-eda, suivie de son commentaire par un enseignant-chercheur de l’EHESS.
: mk2 Bastille
à 20 h
à 11 h
à 18 h 30
ENTRONS DANS LA DANSE « Le théâtre dansé : Pina Bausch. » (côté Fg St Antoine)
à 18 h 30
: mk2 Parnasse
DIMANCHE 13 JANV.
PORTRAITS DE FEMMES « Madame de Sévigné, chroniqueuse du Grand Siècle. »
: mk2 Parnasse à 18 h 30
PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Le Paris romantique : du Marais à la Nouvelle Athènes. »
: mk2 Grand Palais
: mk2 Beaubourg
à 20 h
MARDI 15 JANV.
à 11 h
UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Le drame : au-delà des larmes. »
VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « Le temps existe-t-il ? »
: mk2 Odéon
: mk2 Quai de Loire à 11 h
à 19 h 45
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(côté St Michel) à 20 h
L’AGENDA JEUDI 17 JANV. ARCHITECTURE ET DESIGN « L’industrie et la guerre : le temps des grandes inventions. »
: mk2 Bibliothèque
LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Peut-on vaincre ses peurs pour mieux aimer ? »
: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30
(entrée BnF) à 20 h
LA PHOTOGRAPHIE « La photographie de mode : de Blumenfeld à Sarah Moon. »
: mk2 Quai de Loire
: mk2 Beaubourg à 20 h
SAMEDI 19 JANV. L’ART CONTEMPORAIN « L’école de Londres : Lucian Freud, Bacon et Frank Auerbach. »
: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h
FASCINANTE RENAISSANCE « Léonard, ce génie. »
: mk2 Beaubourg à 11 h
PORTRAITS DE FEMMES « Olympe de Gouges, révolutionnaire féministe. »
: mk2 Parnasse à 18 h 30
à 20 h
MARDI 22 JANV. UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Le cinéma policier : good cops. »
: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h
JEUDI 24 JANV. ARCHITECTURE ET DESIGN « La reconstruction : du Havre à la Cité radieuse. »
: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h
INITIATION À L’ART EN FAMILLE « Pandore et sa boîte mystérieuse. »
à 20 h
LUNDI 21 JANV. 1 HEURE, 1 ŒUVRE « Claude Monet, Impression, soleil levant (1872). »
: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h
LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « Le Centre Pompidou de Paris. »
: mk2 Bastille
: mk2 Quai de Loire
UNE HISTOIRE DE L’ART « Rococo et Néo-classicisme, les fêtes galantes et le retour à l’antique. »
: mk2 Beaubourg à 20 h
SAMEDI 26 JANV. L’ART CONTEMPORAIN « Les mouvements BMPT et Supports/Surfaces : la toile mise à nu. »
1 HEURE, 1 ŒUVRE « Gustave Caillebotte, Les Raboteurs de parquet (1875). » (côté Beaumarchais) à 11 h
LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « La Gemäldegalerie de Berlin. »
: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 12 h 30
PORTRAITS DE FEMMES « George Sand, l’écriture de la passion. »
: mk2 Parnasse à 18 h 30
MASTER CLASS RITHY PANH Dans le cadre des Journées internationales du film sur l’art, projection de courts métrages des étudiants cinéastes du Centre Bophana et rencontre avec le réalisateur Rithy Panh.
: mk2 Bibliothèque à 19 h 45
PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « À la conquête de la nature : les jardins parisiens. »
: mk2 Grand Palais à 20 h
MARDI 29 JANV. UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Le cinéma criminel : bad cops. »
: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h
: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h
(côté Beaumarchais) à 12 h 30
LUNDI 28 JANV.
: mk2 Grand Palais
LA PHOTOGRAPHIE « La photographie de guerre. »
à 11 h
: mk2 Quai de Seine
: mk2 Bastille PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Le grand “pari” d’Haussmann. »
DIMANCHE 20 JANV. : mk2 Quai de Seine
INITIATION À L’ART EN FAMILLE « La guerre de Troie : un conflit légendaire. » à 11 h
à 20 h
UNE HISTOIRE DE L’ART « Baroque et Classicisme, de Rubens à Poussin. »
DIMANCHE 27 JANV.
FASCINANTE RENAISSANCE « Raphaël, le maître de la grâce. »
: mk2 Beaubourg à 11 h
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OFF
LE BRAS CASSÉ DU CINÉ
Ton
ADULTE AIR
déménagement, et donc le déshabillage intégral de ton ancien appar tement, a conduit à une découver te majeure : un vieux magnétoscope, dans lequel était coincé un bout de quatre-quarts (enroulé dans un slip) et, surtout, une cassette VHS. En extase, ton père a poussé son cri strident – « Hiiiii ! » – de jeune jument. Sa madeleine de Proust était là, en face de son nez aquilin et de son front couleur flan. Cette bécanelà fait partie intégrante de son histoire. Dans les années 1990, et alors qu’il était en pleine addiction – il consommait des films avec Mark Dacascos jusqu’au bout de la nuit –, ta mère lui avait mis sous le nez l’ultimatum basique : soit il levait le pied, soit elle filait avec Ysengrain, un collègue de boulot aux petits soins et déjà végane. Ton vieux s’était alors saisi d’un stylo pour dessiner son épouse, un avion – « Adulte A ir » – et une flèche indiquant une por te ouverte taguée d’un grand Y. Et maman avait filé à la gare routière. Le magnéto retrouvé n’a pas voulu cracher la VHS, et ton père a fait de son sauvetage une quête. Très vite, il fut
convaincu que cette cassette était un trésor oublié, qui le rapprocherait de ses souvenirs cinématographiques les plus suaves. Chaque jour était consacré à son extraction. Chou blanc, malgré les conseils d’un ingénieur américain qui, sur un forum, conseillait d’utiliser un tournevis trempé dans de l’huile d’olive. En attendant la libération imminente, ton paternel parlait de fleurs, de Pétrole Hahn, des yeux de Simone Signoret et d’amour platonique à longueur de dîners. Un voisin diplômé d’Oxford a finalement trouvé l’astuce en jetant l’appareil sur le mur à trois ou quatre reprises. Ton père a siffloté en faisant tourner en l’air sa gabardine beige, déchirant son holster dans l’euphorie. Le soir même, il avait installé des bougies dans son salon et un magnéto emprunté à un copain pour savourer le contenu de la bobine sacrée. Chou rose : c’était un film très câlin réservé aux majeurs. • RAMSÈS KEFI ILLUSTRATION : AMINA BOUAJILA
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YOGA
à la Cité de l’architecture Le musée & du patrimoine qui rend zen
STAGES avec Aurélie Delarue
LES DIMANCHES 16 DÉCEMBRE, 24 FÉVRIER, 14 AVRIL ET 23 JUIN Renseignements et vente sur
CITEDELARCHITECTURE.FR M° Trocadéro
www.samsung.com Le S Pen jaune est disponible uniquement pour les Galaxy Note9 Bleu Cobalt. DAS Galaxy Note9 : 0,381 W/kg. DAS Galaxy S9 : 0,362 W/kg. DAS Galaxy Tab S4 WiFi : 0,340 W/kg. DAS Galaxy Watch 46 mm : 0,159 W/kg. Le DAS (débit d’absorption spécifique) des appareils mobiles quantifie le niveau d’exposition
maximal de l’utilisateur aux ondes électromagnétiques. La réglementation française impose que le DAS ne dépasse pas 2 W/kg pour une utilisation à l’oreille et 4 W/kg pour une utilisation au niveau des membres. L’utilisation d’un kit mains libres est recommandée. Visuels non contractuels. Images d’écran simulées. Samsung Electronics France CS2003 - 1 rue Fructidor - 93484 Saint-Ouen Cedex. RCS Bobigny 334 367 497. SAS au capital de 27 000 000 €.