TROISCOULEURS #168 - avril 2019

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N 168

O

AVRIL 2019 GRATUIT

JESSICA FOREVER DE CAROLINE POGGI ET JONATHAN VINEL POÉTIQUE DU GANG


© Raymond Cauchetier

FILMER À 30 ANS AUDITORIUM DU LOUVRE Une sélection de dix films mythiques réalisés pardes cinéastes à l’orée de leur 30e anniversaire, pour fêter les 30 ans de la Pyramide du Louvre.

avril 2019

— L’Âge d’or et Un chien andalou de Luis Buñuel 05/04 à 20 h L’Atalante de Jean Vigo 12/04 à 20 h Hôtel du Nord de Marcel Carné 14/04 à 17 h Les Fiancées en folie de Buster Keaton 25/04 à 15 h

juin 2019

— Jeux d’été d’Ingmar Bergman 14/06 à 20 h I Vitelloni de Federico Fellini 19/06 à 20 h

septembre 2019 — Shadows de John Cassavetes

À bout de souffle de Jean-Luc Godard Le Feu follet de Louis Malle

Retrouvez toute la programmation sur www.louvre.fr Réservations au 01 40 20 55 00 ou sur fnac.com


ÉDITO Sauvés

par le gang : serrés les uns contre les autres, des jeunes gens assoupis sur l’herbe forment un groupe uni, paisible. En couverture de ce numéro, cette image de Jessica Forever, le premier long métrage des Français Caroline Poggi et Jonathan Vinel, marque une trêve dans la fuite en avant des héros, une bande de garçons orphelins au passé violent, pourchassés par des drones tueurs et qui trouvent refuge auprès d’une femme mystérieuse, mi-madone mi-déesse. Nourris d’Internet et de jeux vidéo (où ils piochent un certain langage visuel et des références, comme ils le démontrent dans un portfolio p. 34), Poggi et Vinel signent des poèmes visuels bouleversants dans lesquels des grappes d’adolescents inquiets semblent attendre, impuissants, une inéluctable fin des temps – ce spleen collectif, cette léthargie de meute donnent à Jessica Forever ses plus belles images. Chez les cinéastes, cette fin du monde qui menace s’incarne presque toujours dans l’éclatement du groupe ; avant ce premier long, il y avait déjà dans leurs courts métrages (une dizaine) l’angoisse mortifère de la solitude. Dans After School Knife Fight, c’est un groupe de musique qui se rassemble une dernière fois en forêt avant le départ d’une de ses membres ; dans Martin pleure, un personnage de jeu vidéo qui déambule dans la ville, entre mélancolie et accès de rage, à la recherche de sa bande d’amis disparue… Cette utopie menacée du collectif est au cœur de Jessica Forever : aussi tendre et belle soit-elle, la bande d’orphelins, bientôt recluse dans une villa corse avec des montagnes de friandises et des fusils d’assaut, semble inexorablement vouée à disparaître. À travers elle, c’est bien l’inquiétude, la candeur et la sentimentalité de toute une génération que les cinéastes parviennent à saisir. • JULIETTE REITZER


CINÉ-SUD PROMOTION présente

‘‘ TOUT EST NORMAL MAIS TOUT EST MAGIQUE ’’ POSITIF

‘‘ SUBTILEMENT ENVOÛTANT ’’ TROIS COULEURS

MARLEYDA SOTO ENRIQUE DIAZ MARIA PAULA TABARES PEÑA ADOLFO SAVILVINO

un film de BEATRIZ SEIGNER

© 2019 - Joao de Almeida - Pyramide

AU CINÉMA LE 3 AVRIL


POPCORN

P. 14 RÈGLE DE TROIS : DIMA • P. 24 FLASH-BACK : MATRIX P. 26 LE NOUVEAU : TOM MERCIER

BOBINES

P. 28 EN COUVERTURE : JESSICA FOREVER • P. 40 MOTS CROISÉS : NADAV LAPID • P. 42 INTERVIEW : JORDAN PEELE

ZOOM ZOOM

P. 54 MONROVIA, INDIANA • P. 58 CÓMPRAME UN REVÓLVER P. 60 LOS SILENCIOS • P. 62 LIZ ET L’OISEAU BLEU

COUL’ KIDS

P. 88 INTERVIEW : ÉRIC JUDOR • P. 90 LA CRITIQUE DE LÉONORE : ALEX. LE DESTIN D’UN ROI • P. 91 TOUT DOUX LISTE

OFF

P. 92 ENQUÊTE : LA REVANCHE DES BEATMAKERS P. 108 SONS : CHRIS COHEN • P. 110 SÉRIES : VERNON SUBUTEX

ÉDITEUR MK2 AGENCY — 55, RUE TRAVERSIÈRE, PARIS XIIE — TÉL. 01 44 67 30 00 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ELISHA.KARMITZ@MK2.COM | RÉDACTRICE EN CHEF : JULIETTE.REITZER@MK2.COM RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE : TIME.ZOPPE@MK2.COM | RÉDACTEURS : QUENTIN.GROSSET@MK2.COM, JOSEPHINE.LEROY@MK2.COM GRAPHISTE : JÉRÉMIE LEROY | SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : VINCENT TARRIÈRE | STAGIAIRE : CORENTIN LÊ ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : JULIEN BÉCOURT, LILY BLOOM, CHARLES BOSSON, ADRIEN DÉNOUETTE, JULIEN DOKHAN, JULIEN DUPUY, CORENTIN DURAND, MARIE FANTOZZI, YANN FRANÇOIS, CLAUDE GARCIA, AÏNHOA JEAN-CALMETTES, RAMSÈS KEFI, DAMIEN LEBLANC, VLADIMIR LECOINTRE, GRÉGORY LEDERGUE, STÉPHANE MÉJANÈS, WILFRIED PARIS, MICHAËL PATIN, PERRINE QUENNESSON, BERNARD QUIRINY, CÉCILE ROSEVAIGUE, ÉRIC VERNAY, ANNE-LOU VICENTE, ETAÏNN ZWER & LÉONORE ET ADÈLE | PHOTOGRAPHES : PALOMA PINEDA, JAMES WESTON, ERIOLA YANHOUI | ILLUSTRATEURS : AMINA BOUAJILA, PABLO COTS, SAMUEL ECKERT, ÉMILIE GLEASON, ANNA WANDA GOGUSEY, PABLO GRAND MOURCEL | PUBLICITÉ | DIRECTRICE COMMERCIALE : STEPHANIE.LAROQUE@MK2.COM RESPONSABLE MÉDIAS : CAROLINE.DESROCHES@MK2.COM | ASSISTANTE RÉGIE, CINÉMA ET MARQUES : EVA.LEVEQUE@MK2.COM RESPONSABLE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : ALISON.POUZERGUES@MK2.COM ASSISTANTE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : CLAIRE.DEFRANCE@MK2.COM TROISCOULEURS EST DISTRIBUÉ DANS LE RÉSEAU LE CRIEUR CONTACT@LECRIEURPARIS.COM © 2018 TROISCOULEURS — ISSN 1633-2083 / DÉPÔT LÉGAL QUATRIÈME TRIMESTRE 2006 — TOUTE REPRODUCTION, MÊME PARTIELLE, DE TEXTES, PHOTOS ET ILLUSTRATIONS PUBLIÉS PAR MK2 AGENCY EST INTERDITE SANS L’ACCORD DE L’AUTEUR ET DE L’ÉDITEUR. — MAGAZINE GRATUIT. NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE.


INFOS GRAPHIQUES

Les

FRENCH TOUCH

studios français d’effets spéciaux ont plus que jamais la cote, comme le confirme le CNC dans un communiqué publié début février* – en 2017, la filière a enregistré un nombre d’emplois record. Alors qu’on fête les 20 ans de Matrix, dont le fameux effet bullet time de la scène dans laquelle Neo esquive des balles au ralenti fut conçu par la toujours très active société parisienne BUF Compagnie (Blade Runner 2049, Twin Peaks, X-Men Apocalypse…), retour – sans chauvinisme – sur quelques exemples d’un savoir-faire bien de chez nous. • JOSÉPHINE LEROY

Le camera mapping dans Fight Club de David Fincher (1999)

Les foules dans la série Game of Thrones (2011)

L’assassinat de John F. Kennedy dans Jackie de Pablo Larraín (2017)

Pour cette scène choc dans laquelle on voit nettement la boîte crânienne du président américain exploser sous l’impact d’une balle, le studio parisien Digital District a conçu un visage virtuel sur le modèle de celui de l’acteur Caspar Phillipson (qui incarne JFK dans le film).

Pour peupler les décors immenses de la série américaine épique, la start-up rennaise Golaem a mis au point un logiciel qui permet d’animer individuellement et collectivement les mouvements et les comportements (manifestations de peur, de joie, de colère…) de milliers de figurants virtuels.

Les hologrammes dans Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve (2017)

Elvis Presley et Marilyn Monroe apparaissent dans une salle de spectacle abandonnée où l’officier K (Ryan Gosling) et Rick Deckard (Harrison Ford) se battent. Ces hologrammes ont été conçus sur le modèle de sosies des deux stars puis modélisés à partir de films et de photos par BUF.

Les écrans dans Valérian et la Cité des mille planètes de Luc Besson (2017)

Ce trip sci-fi regorge d’effets spéciaux en partie supervisés par les Parisiens de Mikros Image. Ils ont notamment créé une myriade d’interfaces 3D hyperréalistes grâce auxquelles des officiers, à bord d’un vaisseau spatial, élaborent leurs missions.

* « L’emploi dans les effets visuels poursuit sa croissance » (CNC)

ÉMOPITCH JESSICA FOREVER DE CAROLINE POGGI ET JONATHAN VINEL (SORTIE LE 1er MAI) 6

ILLUSTRATION : JÉRÉMIE LEROY

La caméra s’infiltre derrière le frigo du narrateur (Edward Norton) juste avant que l’appareil n’explose et ne détruise toute la cuisine. Pour cette scène, Fincher et BUF ont photographié la pièce sous tous les angles, l’ont reconstituée en 3D, puis ont mêlé ces images numériques à des prises de vues réelles.



FAIS TA B.A.

À chaque jour ou presque, sa bonne action cinéphile. Grâce à nos conseils, enjolivez le quotidien de ces personnes qui font de votre vie un vrai film (à sketchs). • JOSÉPHINE LEROY POUR VOTRE TANTE MARSEILLAISE QUI NE SE PLAÎT PLUS DANS LE SUD Fan d’Ingmar Bergman, elle a pris un aller simple pour les contrées fraîches et sauvages de l’île de Fårö, refuge où a vécu jusqu’à sa mort le célèbre cinéaste suédois (il y a tourné six films, dont Persona). En guise de cadeau de départ, offrez-lui un coffret réunissant deux docus passionnants signés Jane Magnusson sur le maître : Bergman. Une année dans une vie et Bergman. Une vie en quatre actes.

: Coffret « Bergman mode d’emploi » (Carlotta)

© CINÉ TAMARIS

POUR VOTRE SŒUR REPORTER QUI BROIE DU NOIR

Varda par Agnès d’Agnès Varda (2019)

À force de ramener dans ses bagages des histoires pas joyeuses, elle frise la crise. Il est temps que cesse la déprime. Un remède pour cette amoureuse des faits : le Cinéma du réel. Parallèlement aux découvertes, on aura le plaisir d’y croiser des pontes du documentaire : Claire Simon, Frederick Wiseman ou encore Agnès Varda. « Le bonheur », comme dirait cette dernière.

: « Cinéma du réel – Festival international du film documentaire », jusqu’au 24 mars au Centre Pompidou

POUR PROUVER À VOTRE AMI PARIGOT QUE C’EST À LILLE QUE ÇA SE PASSE Pur Parisien, il a la gâchette facile concernant tout ce qui ne touche pas l’Île-de-France. Invitez-le à la dixième édition du festival Séries Mania, qui accueille invités de marque (dont la badass Uma Thurman) et jurés classieux (Audrey Fleurot, Thomas Lilti…) et propose un chouette programme mêlant longs et courts formats (on a très envie de voir State of the Union réalisé par Stephen Frears).

: « Festival Séries Mania », jusqu’au 30 mars à Lille

© MALAVIDA

POUR CET EXPLOITANT D’UN PETIT CINÉ À VILLENEUVE-SAINT-GEORGES

Signes particuliers : néant de Jerzy Skolimowski (1964)

Grand amateur de Roman Polanski et d’Andrzej Wajda, il est passé à côté du cinéaste, acteur et artiste Jerzy Skolimowski, savant conteur de récits autour de l’innocence perdue qui a participé, dans les années 1960, au renouveau du cinéma polonais. Achetez-lui un coffret contenant ses plus grands films (dont Le Départ), à découvrir aussi en salles (priorité à l’inédit Signes particuliers : néant).

: coffret « Jerzy Skolimowski » (Malavida) et au cinéma à partir du 20 mars

: « Quand Fellini rêvait de Picasso », du 3 avril jusqu’au 28 juillet à la Cinémathèque française

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MINI, CI NE DI RI © COMU

Même les psys peuvent avoir des failles. Malgré de longues séances, vous ne comprenez pas pourquoi votre patient rêve depuis des mois des Demoiselles d’Avignon de Picasso. Le grand Federico Fellini, réalisateur de sublimes films oniriques (Huit et demi, Amarcord), avait des obsessions similaires. La Cinémathèque vous raconte cette folle histoire à travers une expo et une rétrospective.

NE TECA

POUR VOTRE PATIENT DONT LE CAS VOUS PRÉOCCUPE PLUS QUE DE RAISON

derico 67 » de Fe nvier 19 ja s, vol. 1 18 ve u rê d e mes « Rêve u Livre d d ré ti , Fellini


SEULS LES VAINCUS BAISSENT LES BRAS

ANTONIO DE LA TORRE

CHINO DARÍN

ALFONSO TORT

COMPANEROS UN FILM DE ALVARO BRECHNER

AU CINÉMA LE 27 MARS

CINEMA


HOME CINÉMA

Chaque mois, une traversée des tendances du design, de l’art de vivre et de la culture portées par le grand écran et disponibles au mk2 store du mk2 Bibliothèque. Ce mois-ci : une sélection qui décline le thème du jardin d’Éden, verdoyant ou utopique. • CORENTIN DURAND

LE DVD DE MÉTAMORPHOSES DE CHRISTOPHE HONORÉ Tourné sous un soleil de printemps, Métamorphoses de Christophe Honoré (2014) transpose l’œuvre d’Ovide de nos jours, avec des jeunes gens. Plongés dans la singulière nature des périphéries urbaines françaises, les mythes grecs résonnent avec force dans la réalité contemporaine.

LA RÉÉDITION EN VINYL D’EDEN’S ISLAND (THE MUSIC OF AN ENCHANTED ISLE) D’EDEN AHBEZ Son utopie, Eden le hippie avant l’heure l’a vécue en s’installant sous le premier L du panneau Hollywood, à la fin des années 1940. Il a signé le standard « Nature Boy » et des titres exotica restés peu connus. Noah Hawley a pioché dans l’unique album paru de son vivant, réédité par Captain High, pour la saison 1 de la série Fargo.

LE CHIRASHI D’AU TRAVERS DES OLIVIERS D’ABBAS KIAROSTAMI En septembre 1994, Au travers des oliviers est présenté au festival international du film de Tokyo. Pour l’occasion, le film d’Abbas Kiarostami, qui nous promène dans la fabuleuse nature iranienne, a eu droit à une affiche au petit format typique de l’industrie japonaise : un chirashi. Un bel objet à encadrer et à conserver précieusement.

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LE ROMAN SUR LA ROUTE DE JACK KEROUAC Le roman phare de la Beat Generation, écrit sur un rouleau de papier de 36 mètres de long et paru en 1957, est devenu un symbole de l’utopie libertaire. Porté à l’écran en 2012 par le Brésilien Walter Salles, ce voyage initiatique fiévreux ne cesse de fasciner les assoiffés d’aventures et de grands espaces.



CHAUD BIZ

POPCORN

BREXIT, AND SO WHAT?

Trois

Star Wars. Épisode IX, ont rapporté quelque 2,7 milliards de livres à l’économie nationale. Mais ce bilan positif ne concerne que les productions à fort budget, et le challenge se situe du côté des films art et essai, britanniques et étrangers, qui risquent d’être très fragilisés par cette sortie annoncée de l’Europe, tant au niveau de leur production que de leur diffusion en salles. Le Royaume-Uni avait en effet jusqu’à présent accès à Europe créative, un programme de l’Union européenne qui, entre autres missions, soutient financièrement l’industrie du cinéma des pays membres – et en particulier les films les plus fragiles. Si aucun deal n’est signé avant la date fatidique du 29 mars par la Première ministre britannique, Theresa May, et les dirigeants des autres États membres de l’UE, le Royaume-Uni devra quitter ce programme. En résultera nécessairement un grand danger pour la diversité des œuvres en salles – seuls ceux qui auront les moyens se feront une place. En revanche, si un accord est signé, le pays aura encore deux années, dites transitoires, pour réfléchir à une solution. Fingers crossed. • PERRINE QUENNESSON ILLUSTRATION : ÉMILIE GLEASON

ans après le référendum qui, contre toute attente, a vu les Britanniques se prononcer en faveur du Brexit, le Royaume-Uni sort officiellement de l’Union européenne ce 29 mars 2019. Et l’industrie du cinéma national devient bipolaire. Sur place, personne ne sait réellement à quelle sauce il va être mangé, et le monde du septième art ne fait pas exception. Pourtant, récemment, ça n’allait pas si mal pour le cinéma outre-Manche : d’après des statistiques publiées par le British Film Institute, la fréquentation des salles en 2018 a été la plus forte depuis les années 1970, avec 177 millions de spectateurs – Avengers 3, Mamma Mia 2 et Bohemian Rhapsody ont été les cartons de l’année. Par ailleurs, en raison de nouveaux crédits d’impôt particulièrement avantageux et peu complexes à obtenir, de nombreuses sociétés étrangères comme Disney ou Netflix sont venues tourner des films et des séries au Royaume-Uni, profitant du savoir-faire local. Ainsi, depuis 2016, année du vote du Brexit, les productions réalisées sur le sol britannique, telles que The Crown, Pokémon. Détective Pikachu ou encore

Pourtant, récemment, ça n’allait pas si mal pour le cinéma outre-Manche.

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RÈGLE DE TROIS

DIMA Le film que tu as regardé 3 fois ou plus ? J’ai eu une grosse période Kubrick, jusqu’à acheter les coffrets et des morceaux de pellicules originales. Je les ai tous vus au moins trois fois. Je connais par cœur Midnight Express d’Alan Parker aussi. J’ai été fan de Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato, un film italien fait en 1980 dans le style du reportage hyperréaliste. Lors des projections entre potes, je me retrouvais souvent seul à le regarder tellement c’est sale et réaliste à la fois. 3 B.O. obsédantes ? Celle d’Orange Mécanique de Kubrick. Sa compositrice, Wendy Carlos, n’est pas reconnue à sa juste valeur. Je me suis beaucoup inspiré de sa Moog music, qui consiste à reprendre des partitions écrites pour des instruments traditionnels avec des synthés. Le thème de Midnight Express, « The Chase », signé Giorgio Moroder, est certainement responsable à 50 % du fait que je sois devenu musicien électronique. Je me souviens

© JÉRÉMIE BLANCFENE, 2018

Star de l’electro sous le pseudo de Vitalic, le Dijonais Pascal Arbez-Nicolas revient sous deux autres identités : Dima (l’alias de ses débuts sur la scène rave), avec l’EP jouissif Sounds of Life sorti en septembre ; et KOMPROMAT, son nouveau groupe avec Rebeka Warrior, dont le disque aux influences germaniques Traum und Existenz sort en avril. Le DJ a répondu à notre questionnaire cinéphile. du choc, la première fois que je l’ai entendu sur une cassette dans un lecteur Brandt tout pourri. Mon père avait, dans sa collection de vinyles, Tubular Bells de Mike Olfield [dont l’ouverture sert de thème à L’Exorciste, ndlr]. Je jouais le disque dans ma chambre, volets fermés, pour me faire flipper, avec sa boucle de notes bien angoissantes. 3 personnages de cinéma dans lesquels tu te retrouves ? Mon film préféré de tous les temps, c’est Palerme d’Emma Dante, qui raconte la rencontre entre deux automobilistes qui refusent chacune de laisser passer l’autre dans une ruelle étroite de Sicile. Je me retrouve dans les deux héroïnes, et on s’y retrouve tous quand on refuse de lâcher prise sur des choses ridicules. On a tous un peu de bêtise en nous, comme le personnage principal d’Idiocracy, mais j’essaye de lui ressembler le moins possible. Et Le Créateur de Dupontel m’a beaucoup fait rire. Il montre

comment un artiste peut réagir à la pression quand il a pris des engagements. Le film que tu as arrêté au bout de 3 minutes ? Sale comme un ange de Catherine Breillat. Je suis resté dix minutes et je suis parti. C’était la fête du cinéma, je sortais de The Wall et, franchement, ça ne collait pas avec mon humeur. 3 cinéastes pour lesquels tu aimerais composer ? Je rêvais de faire une B.O. pour Davide Manuli et il me l’a finalement demandé pour La Légende de Kaspar Hauser. Je serais ravi de composer pour le prochain film de Bertrand Mandico. Avec son clip pour le morceau de KOMPROMAT « Niemand », je me suis rendu compte que nos univers font très bon ménage. J’aimerais aussi collaborer avec Gaspar Noé, que je trouve à part dans le cinéma français, il y a de la profondeur dans son œuvre. Je suis aussi fan de Sofia Coppola. • PROPOS RECUEILLIS PAR TIMÉ ZOPPÉ

— : « Sounds of Life »

— : « Traum und Existenz »

de Dima

de KOMPROMAT (Clivage Music),

(Citizen)

sortie le 5 avril

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7 GOYA

U N

F I L M

D E

MEILLEUR ACTEUR MEILLEUR RÉALISATEUR MEILLEUR SCÉNARIO DONT

R O D R I G O

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S O R O G O Y E N

AV R I L


L’AVIS PUBLIC

#MEMEPASPEUR @JTATV5MONDE

#Memepaspeur Lors de la 26e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) plusieurs actrices ont accusé des cinéastes africains de harcèlement sexuel et d'agressions. Posez vos questions pour notre rubrique "On en parle" de jeudi 7 mars

@FRANCE24_FR

POPCORN

Harcèlement sexuel : "Je ne veux plus avoir peur parce que la peur doit changer de camp", témoigne l'actrice ivoiro-franco-sénégalaise @ NBeausson Avec le hashtag #MêmePasPeur, elle appelle les victimes à dénoncer le harcèlement et les agressions sexuelles en Afrique

@ROKHAYADIALLO

@TV5MONDE_PRO

Au #Fespaco les langues se délient : Azata Soro raconte avec courage l’ignoble agression que le réalisateur Tahirou Tasséré Ouédraogo lui a faite subir. Une pétition circule pour exclure sa série de la compétition #memepaspeur #metoo #BalanceTonPorc

TV5MONDE ne diffusera pas la série « Le trône » et exclut toute collaboration à venir avec Tahirou Ouedraogo @ TV5MONDE @ YvesBigot #Fespaco #DroitsDesFemmes @ nnpmmlelivre #cinema

@AUDREYPULVAR

Bon week-end la twitterre. Eh, les filles, n’oubliez pas... c’est écrit dessus ! #MemePasPeur Merci à #ElMarto

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C I U D A D L U N A R , B L O N D I N D I A N , P I M I E N TA F I L M S

ET

SNOWGLOBE

PRÉSENTENT

LES OISEAUX D E PA S S A G E UN FILM DE ET C I R O

CRISTINA GALLEGO

GUERRA

SORTIE LE 10 AVRIL


SCÈNE CULTE

TÉMOIN À CHARGE (1958)

POPCORN

« Ce n’est pas moi, malgré les apparences ! Il faut me croire ! Vous me croyez ? »

Dans

jouant avec la réflexion du soleil, braque une lucarne aveuglante sur le visage de Vole. C’est un simple champ-contrechamp : Laughton, debout, imperturbable, qui braque son rayon, et Power, assis, ébloui, luttant pour garder sa contenance. « Ce n’est pas moi, malgré les apparences ! Il faut me croire ! Vous me croyez ? » Le monocle est devenu un projecteur, et l’avocat, un metteur en scène qui dirige la lumière pour révéler une vérité. Et si celle-ci s’avérait finalement être un mensonge, c’est parce que le cinéma selon Wilder est d’abord un art de l’illusion : c’est nous, spectateurs, qui sommes aveuglés, pris au piège de la lumière, menés à croire ce que l’on nous montre. D’ailleurs, l’idée du monocle n’est pas de Wilder, mais de Charles Laughton, qui l’avait lui-même piquée à son avocat… Témoin à charge peut se regarder comme un miroir aux alouettes dans lequel le cinéaste diffracte son image. • MICHAËL PATIN

le documentaire Portrait d’un homme à 60 % parfait : Billy Wilder qui accompagne la réédition de Témoin à charge chez Rimini Éditions, Michel Ciment explique pourquoi il considère Sherlock Holmes comme l’alter ego du cinéaste : « C’est un enquêteur qui veut trouver la vérité, […] un homme rationnel. » On se permettra de contredire un peu le critique : si un personnage ressemble à Wilder dans sa filmographie, c’est bien sir Wilfrid Robarts, le ténor du barreau de Témoin à charge interprété par Charles Laughton. Un peu terne dans la pièce originelle d’Agatha Christie, il est doté dans le film d’un humour à froid, d’une énergie physique explosive, d’un amour immodéré pour le cigare et d’une persévérance qui sont l’apanage du cinéaste. Surtout, ce dernier file tout au long du film une analogie unique entre son métier et celui d’avocat. Dans l’une des premières scènes, Robarts reçoit dans son bureau Leonard Vole (Tyrone Power), suspect numéro un du meurtre d’une riche bourgeoise qui clame son innocence. Pour mettre à l’épreuve sa sincérité, le juriste chausse un monocle et,

— : de Billy Wilder, sortie en DVD (Rimini Éditions)

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PYRAMIDE présente

ZORICA

NUSHEVA

UN FILM DE

LABINA

MITEVSKA

TEONA STRUGAR MITEVSKA

AU CIN É MA L E 1 MAI

©2019 - PYRAMIDE - LOUISE MATAS

ER


TROIS IMAGES

AU SOMMET DU MONDE AVEC MAMAN Dans Les Oiseaux de passage, Cristina Gallero et Cirro Guerra placent la mère au centre du monde criminel, s’inscrivant dans une véritable tradition du cinéma de gangsters.

© D. R.

le remarqué L’Étreinte du serpent, Ciro Guerra cosigne avec Cristina Gallego Les Oiseaux de passage (lire p. 68), film de genre hallucinogène qui se déroule au début des années 1960 en Colombie, sur la terre des Wayúu. Le jeune Rapayet, s’il veut épouser Zaida, doit fournir à la matriarche Úrsula une dot considérable. Pour ce faire, il se lance dans ce qui deviendra le commerce mondial de la marijuana. La mère de Zaida dicte au film son rythme, comme ont pu le faire en leurs temps don Corleone ou Tony Soprano. 2010, un électrochoc venu d’Australie et qui s’appelle Animal Kingdom suit les errances de Joshua, un jeune adolescent qui trouve refuge dans sa famille à Melbourne après le décès par overdose de sa mère. Il supporte la violence de ses oncles et découvre le véritable visage de sa grand-mère, Cody (jouée par Jacki Weaver), cheffe de clan qui tient ses fils en laisse et guide leurs activités criminelles. Délicieux monstre de cruauté, Cody, au sommet de la pyramide mafieuse, est prête à tout sacrifier pour protéger l’équilibre familial. Avant Úrsula, avant Janine Cody, il y a une mère criminelle qui préfigure toutes les autres : c’est Ma Jarrett, qui fera hurler à son fils joué par James Cagney « Je l’ai fait maman ! Le sommet du monde ! » avant de mourir brûlé vif dans L’Enfer est à lui de Raoul Walsh (1949). Cette obsession pour la mère va se lover dans le cinéma américain de gangster et pourrait s’incarner parfaitement dans cette image mythique d’une mère qui sépare son fils et son amante lors d’une escapade au drive-in gâchée. • CHARLES BOSSON

— : « Les Oiseaux de passage »

de Cristina Gallego et Ciro Guerra Diaphana (2 h 05) Sortie le 10 avril

© D. R.

POPCORN

A rès

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CURIOSA FILMS PRÉSENTE

Crédits non contractuelles • Design : Benjamin Seznec / TROÏKA

CATHERINE DENEUVE KACEY MOTTET KLEIN OULAYA AMAMRA

UN FILM DE

ANDRÉ TÉCHINÉ

LE 24 AVRIL


LE TEST PSYNÉPHILE

C’ÉTAIT MIEUX AVANT, MAIS QUAND ?

Ta grand-mère avait l’habitude de dire de toi : « Quand la merde tombe du ciel, le malchanceux n’a pas de chapeau. » Que tu as été adopté(e).

POPCORN

Que tu as sniffé beaucoup trop de fausse cocaïne. Tu te prends pour un demi-dieu mais t’es quoi sans ton armure ? Un poil de cul. Un génie milliardaire, play-boy, philanthrope. Un rat sur un scooter. Le mec que tu veux absolument rencontrer… Celui qui, en regardant une tortue, s’est dit : « Les gens vont adorer voir une version ninja de ça. »

Celui qui a dit : « Errer dans l’espace sans espoir d’être sauvé est plus cool qu’on ne le pense. » Le bonheur est …. Dans le pré. Dans le skatepark. Dans la guerre infinie. La phrase la plus gênante que ton ex t’a dite après l’amour : « Je me laverai pas pour garder ton odeur. » « J’adore ta façon de perdre le contrôle en devenant un monstre vert ultra violent. » « Je te fais un doggy bag de homards ? » Les cons ont une armée mais toi, tu as… Hulk.

Celui qui a dit : « Vous me faites bander, Marielle. »

Tatie Danielle. Judd Apatow.

SI TU AS UN MAXIMUM DE : QUAND ON AVAIT TOUS DES BANANES REMPLIES DE POGS Les années 1990, perso, j’ai eu l’impression de traverser une grande décennie morne ; mais ça, ça doit être parce que je n’ai pas fait de skate avec des copains cool à Los Angeles. Tu te dis que tu n’attends pas grand-chose du premier film de Jonah Hill, 90’s (sortie le 24 avril). Eh bien tu as tort. C’est beau à pleurer, pleurer fort même – autant qu’à la mort de Kurt Cobain.

QUAND ON N’ÉTAIT PAS ENCORE OFFICIELLEMENT DES ADULTES C’est dur à avouer, je sais, mais tu as un Tanguy en toi qui a envie de traîner en pyj chez papa maman. Je ne te blâme pas, moi aussi. Tanguy, le vrai, revient, dix-huit ans après… Merci Étienne Chatiliez pour ce cadeau ! Alors oui, ça fait toujours peur la suite d’un film culte, mais Tanguy. Le retour (sortie le 10 avril), c’est comme un bon pain au chocolat : réchauffé ou pas, ça réconforte !

QUAND C’ÉTAIT EXCITANT D’ALLER VOIR UN FILM DE SUPER-HÉROS Avengers. Endgame, réalisé par Joe Russo (sortie le 24 avril), porte bien son nom. Les débats passionnés autour d’une pizza ultime avec les copains ont été ruinés par Thanos, et maintenant, avec Black Widow, Thor, Hawkeye et Captain America, vous mâchez juste en silence un chawarma. OK, mais si tu as compris ce que je viens de dire, viens saluer les Avengers une dernière fois.

• LILY BLOOM — ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL 22


LA RÉCRÉ EST TERMINÉE

LE 10 AVRIL AU CINÉMA


FLASH-BACK

MATRIX

POPCORN

En mars, on fête les 20 ans du film d’action intello des Wachowski. Retour sur un phénomène culturel à l’impact retentissant qui a pris Hollywood par surprise et a bouleversé les codes des blockbusters.

« Même

la Warner ne croyait pas vraiment au projet. Elle visait surtout le marché vidéo et avait donc laissé les Wachowski travailler en totale liberté », nous explique Rafik Djoumi, journaliste et créateur du site Matrix Happening. « Sauf que le film est arrivé à une période cruciale. Le bouillonnement était intense chez les geeks qui avaient passé les années 1990 plongés dans le manga et le jeu vidéo. Matrix a soudain rendu cette culture visible auprès de Hollywood et du grand public. » Le triomphe de Neo, Trinity et Morpheus – qui récoltèrent 464 millions de dollars à travers le monde avec ce premier volet sorti le 31 mars 1999 aux États-Unis – s’explique aussi par la pertinence d’un scénario qui imagine un futur dans lequel l’humanité croit évoluer dans une réalité qui se révèle être une simulation virtuelle. « Le film a capturé un sentiment sur lequel personne n’avait encore mis de mots. Tout le monde sentait qu’Internet allait redéfinir notre rapport au réel, mais Matrix a trouvé le récit adapté pour en parler. » Au point d’être vite considéré comme un objet philosophique. « Les Wachowski n’ayant

jamais explicité leur propos, chacun est invité à faire son propre chemin à l’intérieur de cette œuvre érudite qui multiplie les références littéraires, religieuses ou picturales. » Plusieurs livres (dont l’ouvrage collectif Matrix. Machine philosophique, publié en 2003 par Ellipses) se sont engouffrés dans la brèche. « Matrix pousse à se demander qui on est, afin d’échapper au statut que la société veut nous imposer », renchérit Djoumi. Les cinéastes, devenues dans les années 2010 les sœurs Lana et Lilly Wachowski après une transition de genre, ont elles-mêmes pleinement vécu leur questionnement sur l’identité. Les remises en question philosophiques de l’œuvre ont été pensées pour un développement sur trois volets dès le départ par les deux cinéastes, sans crainte de dérouter les spectateurs et loin de toute préoccupation commerciale – autre grande révolution s’agissant d’un film de science-fiction de ce type. « Matrix Reloaded et Matrix Revolutions, les deux suites sorties en 2003, ont remis en cause tout ce qu’on croyait avoir compris du premier film. D’où le violent rejet des fans. » • DAMIEN LEBLANC ILLUSTRATION : ANNA WANDA GOGUSEY

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LAOKOON FILMGROUP, PLAYTIME et AD VITAM présentent

PA R L E R É A L I S AT E U R D E

LE FILS DE SAUL

UN FILM DE

OSCAR® DU MEILLEUR FILM ÉTRANGER

LÁSZ LÓ NEMES

LAOKOON FILMGROUP eN cOPROdUctION Avec PLAYtIMe PRéseNteNt Avec Le sOUtIeN dU HUNGARIAN NAtIONAL FILM FUNd, HUNGARIAN FILM INceNtIve eURIMAGes AIde AUX cINéMAs dU MONde ceNtRe NAtIONAL dU cINéMA et de L’IMAGe ANIMée INstItUt FRANÇAIs INdéFILMs 6 tORINOFILMLAB et cReAtIve eUROPe MedIA UN FILM de LÁsZLÓ NeMes “sUNset” (NAPsZÁLLtA) Avec JULI JAKAB vLAd IvANOv MARcIN cZARNIK eveLIN dOBOs et JUdIt BÁRdOs BeNJAMIN dINO BALÁZs cZUKOR JULIA JAKUBOWsKA cHRIstIAN HARtING LeveNte MOLNÁR eNRIQUe KeIL tOM PILAtH sUsANNe WUest ZsOLt NAGY sÁNdOR ZsÓtéR PéteR FANcsIKAI dOROttYA MOLdOvÁN MÓNI BALsAI scéNARIO cLARA ROYeR MAttHIeU tAPONIeR & LÁsZLÓ NeMes MONtAGe MAttHIeU tAPONIeR sON tAMÁs ZÁNYI MUsIQUe LÁsZLÓ MeLIs décORs LÁsZLÓ RAJK IMAGe MÁtYÁs eRdéLY cOPROdUcteURs FRANÇOIs YON NIcOLAs BRIGAUd-ROBeRt & vALéRY GUIBAL PROdUcteURs GÁBOR sIPOs & GÁBOR RAJNA veNtes INteRNAtIONALes PLAYtIMe dIstRIBUtION Ad vItAM © LAOKOON FILMGROUP PLAYTIME PRODUCTION 2018

LE 20 MARS


LE NOUVEAU

POPCORN

TOM MERCIER

Pour

sa toute première interview, on ne sent chez lui aucune timidité, mais un grand plaisir à manier la langue française. Évoquant son grand-père, qui vit près de Béziers et parle patois, l’Israélien Tom Mercier s’enthousiasme pour la « richesse incroyable » de la langue de Molière. Dans le troublant Synonymes de Nadav Lapid (récompensé par l’Ours d’or à la Berlinale, lire p. 40), il incarne avec fougue un Israélien qui renie l’hébreu, fuit son pays et cherche asile à Paris. Si le sculptural et énergique acteur de 25 ans s’est lui aussi installé en France il y a deux ans, ce n’est pas par rébellion, mais après avoir décroché à Tel-Aviv le premier rôle du film de Lapid. Pour se préparer à jouer en français, lui

qui n’avait alors déclamé qu’en hébreu pour le théâtre – après avoir abandonné le service militaire israélien pour raison médicale –, Mercier a trouvé sa méthode : « J’ai d’abord écouté la musique de la langue à la radio ou dans des films de Jean-Luc Godard ou de Leos Carax, avant d’analyser le sens. » On en est sûrs : le talentueux comédien n’a pas dit son dernier mot. • JOSÉPHINE LEROY PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA

— : « Synonymes » de Nadav Lapid SBS (2 h 03) Sortie le 27 mars

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GAUMONT PRÉSENTE MANDARIN PRODUCTION ET CINÉ-@

UNE COPRODUCTION

LOU

ISABELLE

DE LAÂGE HUPPERT CHARLES

DAMIEN

JONATHAN

RICHARD

VINCENT

PABLO

BENOÎT

BERLING BONNARD COHEN FRÉCHETTE MACAIGNE PAULY POELVOORDE

blanche comme neige UN FILM DE

Photo : Emmanuelle Jacobson © 2019 Mandarin Production - Gaumont Design : Benjamin Seznec / TROÏKA

ANNE FONTAINE

produit par ERIC ALTMAYER NICOLAS ALTMAYER et PHILIPPE CARCASSONNE scénario de PASCAL BONITZER et ANNE FONTAINE avec la collaboration de CLAIRE BARRÉ

Au cinéma le 10 avril


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JESSICA FOREVER 28


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ENFANTS TERRIBLES

Avec leur prodigieux premier long métrage, Jessica Forever, Caroline Poggi et Jonathan Vinel affirment la fascination pour les gangs tendres déjà présente dans leurs courts. Cette dystopie à fleur de peau suit l’errance d’un escadron de jeunes hommes orphelins fugitifs (Lukas Ionesco, Paul Hamy…) mené par une femme énigmatique (Aomi Muyock). D’un style sombre et suave, les cinéastes subliment toute la rage contenue dans la candeur de la jeunesse. Envers et contre tous. 30


La famille formée par Jessica et les orphelins a-t-elle quelque chose d’une utopie ?

comment s’en sortir une fois qu’elle est là. On est dans un temps où on condamne vite les gens ; on essaye peu de les comprendre, parce que c’est comme si on les excusait. Or, tenter de comprendre, ce n’est pas excuser. C’est plutôt s’interroger sur comment faire pour que ça n’arrive plus. Vos personnages portent une sorte d’uniforme militaire qui détonne par rapport à leur caractère très enfantin. Vous avez envie de complexifier une certaine idée viriliste de la masculinité liée au combat ? C. P. : On veut aller là où ça accroche, et c’est souvent lorsque deux extrêmes se rencontrent. Tout le monde est d’accord pour dire que les armes c’est mal, mais on peut aussi y voir une sorte de totem, quelque chose qui nous permet de ne pas être seuls au monde. J. V. : On a aussi grandi avec ça. Quand t’es gamin et que tu joues aux FPS [jeux de tirs à la première personne, ndlr], les contrastes sont partout. Comme tous les gosses, tu es très mignon quand tu manges ton goûter, mais en même temps tu es un expert en armes à feu. D’où est venue cette image de drones qui pourchassent sans relâche les orphelins ? J. V. : Le drone est un objet de loisir, mais, à la base, c’est quand même utilisé en temps de guerre, avec des mecs qui les manipulent pour larguer des bombes alors qu’ils sont à des kilomètres de leur cible… Dans Jessica Forever, on a voulu les déshumaniser encore plus, il n’y a personne derrière ces machines. C. P. : Dans l’animation, on a voulu que les drones bougent un peu comme des insectes. Ils ont tous les traits du contemporain, mais aussi un côté heroic fantasy, chevalerie, qui nous aide à placer le film ailleurs.

Jonathan Vinel : Clairement. Créer une communauté, c’est une façon de s’extraire de la société et de construire celle dont on rêve. Quand j’étais petit, c’était vraiment mon but d’appartenir à une bande ; mais l’époque nous pousse à nous isoler. On ressent une envie de communauté avec les ZAD, mais tout est fait pour les briser. Il n’y a que les enfants qui sont censés faire des trucs en coopération. L’entraide est vue comme quelque chose de puéril, d’immature. Caroline Poggi : C’est par cette complémentarité qu’on peut trouver un sens à son existence. Par le partage, on se rend nécessaire. C’est ce qu’on a essayé de transmettre dans le film, guidés par cette question : « Comment raconter l’histoire d’un groupe ? » Au final, ce sont les sensations et les émotions éparses des différents orphelins que les voix off, la musique, le cadrage et le mouvement viennent lier. Pourquoi avoir choisi de ne pas expliquer la violence ? Celle qui s’exerce contre les garçons, mais aussi celle à laquelle ils se sont eux-mêmes livrés par le passé ? C. P. : C’est une façon de la rendre plus universelle, moins rattachée à un truc social, politique. Si on l’avait ancrée par rapport à une certaine réalité, on aurait donné des excuses. J. V. : Pour moi, la violence, c’est un virus qui est là, dans le monde, et tu l’attrapes ou pas. Nous, ce qui nous intéressait, plus que de savoir d’où vient la violence, c’est de savoir

LES NOUVEAUX OUTSIDERS Des garçons orphelins taciturnes au passé violent avancent comme des fantômes dans un monde qui les a bannis. Menés par une femme dont on ne sait si elle est une guerrière ou une déesse, ils recréent un cocon aimant et errent de pavillons en villas de fortune abandonnés, alors que de redoutables drones tueurs les pourchassent… On est tentés de penser que, ce qui s’incarne à travers cette tribu de nouveaux outsiders (on pense à ceux filmés par Coppola en 1983 qui, comme les gamins de Poggi et Vinel, évoluaient dans un univers d’artifice tout en étouffant leur rage pure et sincère), c’est ce monde enveloppant de la candeur, de l’aventure et du chill, un refuge duquel une vie adulte morose chercherait toujours à vous débusquer. C’est pourquoi, malgré sa faculté à projeter un sentiment générationnel (de ceux qui ont connu la sonnerie qui rame des modems 56k à ceux qui se transforment à coups de filtres Snapchat), Jessica Forever parlera aussi aux plus vieux – ceux qui ne sont pas encore totalement rentrés dans le rang. • Q. G.

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ENTRETIEN


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« Tenter de comprendre la violence, ce n’est pas l’excuser. » Certains de vos courts métrages (Martin pleure, Notre amour est assez puissant) empruntent beaucoup à la manière de raconter des jeux vidéo. Que retrouve-t-on de l’esthétique vidéoludique dans Jessica Forever ? J. V. : Pendant l’écriture, c’est surtout Metal Gear Solid V [suite sortie en 2015 du jeu d’action-infiltration conçu par Hideo Kojima, ndlr] qui a eu beaucoup d’importance. La figure de Quiet à partir de laquelle on a imaginé Jessica apparaît au milieu du jeu. Elle ne parle pas, elle a un côté hyper mystérieux… Mais beaucoup d’autres jeux nous ont aussi accompagnés : The Witcher 3, GTA, même Final Fantasy… En fait, c’est plutôt le rapport au monde qu’ils proposent qui nous plaisait. On voulait que ça se passe dans le monde réel, mais qu’on en soit déconnectés. C’est quelque chose qu’on peut ressentir à travers le graphisme de certains jeux où tout est réaliste mais en même temps décalé. On a voulu recréer ça avec les images numériques ; on a poussé la netteté à fond. C’est cette esthétique hyperréaliste qui crée une sorte d’étrangeté. C. P. : Il y a le rapport au temps aussi. Le fait de zoner, de ne rien faire, d’explorer au hasard… Beaucoup de jeux travaillent cet aspect où on fait tout autre chose que ce qu’on est censés faire. L’influence du jeu vidéo se perçoit aussi dans la manière dont vous envisagez vos décors : cette province pavillonnaire sans histoires apparaît divisée en différents niveaux reliés par des points de passage. C. P. : Les personnages sont perdus dans le monde. Du coup, on a essayé de donner un côté dédaléen à ces quartiers résidentiels. J. V. : C’est pour ça aussi qu’on cadre de manière hyper précise. Pour créer une impression de similarité, comme un clonage des différents décors qui vient perturber la façon dont on les perçoit. C. P. : On fait des plans fixes dans lesquels les personnages ne bougent pas et où ils sont très précisément situés. Du coup, les lieux

prennent de l’importance. J. V. : Je pense que, quelque part, ces endroits où on a grandi nous manquent. C’est une façon de prolonger nos fictions d’adolescents. Le lycée qu’on voit à la fin dans le film, c’est là où j’ai fait mon collège. Je suis juste content de voir des guerriers dedans ! En matière d’écriture, il vaut d’ailleurs toujours mieux s’imaginer un lieu précis plutôt qu’un lieu plus abstrait. Le fait de les connaître à l’avance nous aide beaucoup. C’était évident pour nous d’aller tourner à Bouloc [en Haute-Garonne, où a grandi Jonathan, ndlr] et en Corse [où a grandi Caroline, ndlr]. Il y a dans vos films un romantisme noir qui évoque la sensibilité emo [courant du punk qui porte la mélancolie avec emphase, ndlr]. Ça vous parle ? J. V. : Oui, et j’ai l’impression que ça revient en plus. Par exemple, dans une certaine partie du rap d’aujourd’hui avec Yung Lean ou, avant son décès tragique, XXXTentacion. Ils ont remis l’emo au premier plan. Avant, j’étais dans un groupe d’emo-hardcore. J’adorais ces musiques violentes et en même temps très mélodieuses qu’on pouvait trouver dans le punk-hardcore ou même le black-metal. Il y a un truc très romanesque dans cette culture : les gens sont presque heureux de souffrir ! C. P. : Il y a surtout l’idée d’assumer la pureté de l’émotion. C’est sans filtre et très premier degré dans les extrêmes : la violence, la tristesse, l’amour. C’est vraiment un don de soi. J. V. : C’est l’idée de jouer au dur sans en être capable. T’aimerais être méchant mais t’as juste envie de pleurer.

• PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET ET CORENTIN LÊ — PHOTOGRAPHIE : JAMES WESTON — : « Jessica Forever »

de Caroline Poggi et Jonathan Vinel (Le Pacte, 1 h 37) Sortie le 1er mai

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" UN RÊVE ÉVEILLÉ AU CŒUR DE L’AMAZONIE " LE MONDE

un film de

JOÃO SALAVIZA & RENÉE NADER MESSORA

LE 8 MAI AU CINEMA


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Banlieue pavillonnaire (auteur, date et provenance inconnus)

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Notre amour est assez puissant (2014) de Jonathan Vinel

« À

une époque, je saignais vraiment beaucoup Tumblr, comme un livre dont tu peux tourner les pages à l’infini. Je me souviens d’une phase de montage où on n’avait pas assez de rushs pour raconter l’histoire qu’on voulait. J’ai alors puisé dans cette collection folle de cinq mille images que j’avais rassemblées dans un dossier “Random” sur mon ordi. Je devrais les jarter… » Caroline Poggi a bien fait de ne pas mettre ces curiosités à la corbeille. Car ce recueil d’archives étranges et absurdes glanées sur Internet – Tumblr, Instagram, Imgur, Facebook, Pinterest, Blogspot et autres sites obscurs – est une aide précieuse pour mieux cerner l’esthétique rêveuse des films qu’elle fait avec Jonathan Vinel. Baignant dans une culture visuelle marquée

par le digital, les jeunes cinéastes, auteurs d’une dizaine de courts métrages et de clips (notamment Tant qu’il nous reste des fusils à pompes, Ours d’or du meilleur court métrage à Berlin en 2014), proposent spontanément une écriture marquée par l’exploration ambulatoire propre au web : ils zonent sans faire de hiérarchie entre Bruno Dumont, les cosplays, le jeu vidéo GTA, le rap emo, les pornos de Pierre Woodman, et toutes les offrandes les plus incongrues et anonymes des tréfonds d’Internet. On leur a demandé de réagir à des thèmes qui résonnent fort avec leur œuvre en puisant des images dans leur fameux dossier, que l’on fait ici dialoguer avec certains plans de leurs films. • QUENTIN GROSSET

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© D. R.

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GROUPE

C. P. : « On a ce questionnement de comment exister autrement. Moi, j’adore avoir une team ; bien connaître les gens, c’est hyper rassurant. Faire des films, c’est reproduire à l’échelle d’un tournage cette idée de communauté avec des acteurs et une équipe. Dans Jessica Forever, la bande des garçons existait autant à l’écran que dans la vie, les acteurs adoptaient presque les caractères de leurs personnages. Je trouve ça assez beau quand ça se déplace en dehors. Souvent, les gens qu’on filme deviennent des amis, on crée des souvenirs avec eux. »

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Garçons désœuvrés (auteur, date et provenance inconnus)

After School Knife Fight (2017) de Caroline Poggi et Jonathan Vinel

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After School Knife Fight (2017) de Caroline Poggi et Jonathan Vinel

EMO

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C. P. : «L’emo [subculture dérivée du punk qui porte la mélancolie avec emphase, ndlr], c’est une culture où on se lâche. Sur certains Tumblr, en regardant les archives, on peut voir que des questions hyper personnelles sont souvent posées. Il y a des personnes qui veulent se suicider et qui appellent à l’aide. Les réponses sont souvent très empathiques, alors que c’est un réseau d’anonymes. » J. V. : « En même temps, ça fait parfois partie des codes de la communauté. Toute la complexité du mouvement est là : parfois, se dire suicidaire peut paraître cool – selon le groupe auquel tu te rattaches. »

Main et couteau (auteur, date et provenance inconnus)

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GRANDIR

Homme avec épée (auteur, date et provenance inconnus)

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J. V. : « Quand on a commencé à réaliser, on était assez jeunes. C’était une période où se demandait comment on allait grandir. J’ai l’impression que, dans la vie adulte, on essaye de te saper la petite part d’enfance qu’il te reste. Nous, on essaye de la conserver à travers nos souvenirs d’ados, ceux où tu te retrouves seul dans ta chambre et où tu te mets à rêver d’heroic fantasy. On fait des films avec des adultes qui sont dans le même état d’esprit. En fait, ce n’est pas une question d’âge, mais de regard sur le monde.»

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I Find Love (2017), clip pour Aamourocean réalisé par Caroline Poggi et Jonathan Vinel

Notre héritage (2015) de Caroline Poggi et Jonathan Vinel

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MASCULINITÉ

Chaton dans une armure (auteur, date et provenance inconnus)

Tant qu’il nous reste des fusils à pompes (2014) de Caroline Poggi et Jonathan Vinel

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J. V. : « Pour Tant qu’il nous reste des fusils à pompes, on nous a beaucoup reproché de mettre en scène des mecs aux crânes rasés, comme si cet attribut se rattachait forcément aux skinheads, à l’extrême droite – sachant qu’au départ les skins ne sont pas rattachés à cette mouvance politique mais aux musiques soul et ska. Bref, on n’a pas du tout compris ces critiques. Pour nous, ce look dégage un certain cachet, un visage sans artifice duquel naît une certaine violence avec laquelle on a envie de jouer en y injectant de la douceur. Nos émotions naissent de ce contraste-là. »


MOTS CROISÉS Oh ! Paris est la cité mère / Paris est le lieu solennel / Où le tourbillon éphémère / Tourne sur un centre éternel ! / Paris ! feu sombre ou pure étoile ! / […] Où pour se nourrir de l’idée / Viennent les générations. « À l’arc de triomphe », Les Voix intérieures de Victor Hugo

TERRE PROMISE Avec Synonymes, Ours d’or à la dernière Berlinale, l’Israélien Nadav Lapid (Le Policier, L’Institutrice) fusionne les souvenirs de sa découverte de Paris et les tribulations de son héros (magnétique Tom Mercier, lire p. 26), un jeune soldat israélien féru de langue française qui rejette son pays d’origine et cherche asile dans la capitale, fantasmée. On a voulu faire réagir le cinéaste, qui déclame dans le film son amour de la littérature et questionne les valeurs des deux pays, à des citations piochées dans sa filmographie et dans de grands textes épiques, romantiques et théoriques.

« C’est très beau. Sur ce film, un des plus grands challenges a été de trouver mon propre Paris, une terre de fantasmes, de rêves, mais aussi d’angoisses. Quand je suis arrivé ici [à l’époque de ses études, Nadav Lapid s’est installé à Paris, puis est retourné vivre en Israël, ndlr], j’ai eu l’impression que, d’une manière ou d’une autre, je me retrouverais seul, affamé, nu dans les bois. Le tournage de Synonymes m’a un peu guéri, mais je me suis demandé comment filmer cette ville visitée par des millions de gens et vue tant de fois au cinéma. C’est aussi le but du héros. Pour lui, la beauté de Paris, c’est une sorte de triche. Il veut arracher le cœur de la capitale et le bouffer. Quand il marche dans la rue tête baissée, il a le sentiment de découvrir le vrai Paris. »

Les autres fils des Achéens vinrent alors l’entourer et contempler la taille et la beauté admirable d’Hector […] et chacun disait […] : “Ah ! comme il est, Hector, bien plus doux à palper que lorsqu’il jetait, avec un feu ardent, l’incendie sur nos nefs !” » L’Iliade d’Homère « Le mythe d’Hector [très présent dans le film, ndlr], c’est celui du beau battu [pendant la guerre de Troie, Achille et Hector s’affrontent, jusqu’à ce qu’Hector perde la vie, transpercé par l’épée de son ennemi. Pour marquer sa victoire, Achille attache le cadavre à son char, ndlr]. Je viens d’un pays qui est obsédé par la crainte de la défaite, qui sanctifie la victoire. En Israël, on se sent obligés de gagner ; car, si jamais on perd, c’est la fin de tout. Quand j’utilise cette figure du perdant noble, il y a une forme de révolte par rapport à ça. La scène de la mort d’un autre personnage [un officier de sécurité travaillant à l’ambassade israélienne, incarné par Jonathan Boudina, ndlr] est inspirée par ce passage dans l’Iliade. Je me suis demandé

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NADAV LAPID par exemple, que la caméra, la perche, les lumières ne dansent pas en même temps qu’un personnage. L’idée que la caméra est un personnage en soi m’intéresse beaucoup. »

comment se déroulerait la mort d’Hector dans la vie moderne, si sa tête n’avait pas été traînée par un char mais par une bagnole ; pas sur le sable, mais sur la route ; pas près d’un palais, mais près d’un gratte-ciel. »

Brute : personne qu’une violence exagérée, une totale inculture, un manque de subtilité rapprochent de l’animal. Synonymes : bête, sauvage, inculte. »

Être un poète dans notre monde, c’est s’opposer à la nature du monde.  Nira dans L’Institutrice de Nadav Lapid (2014) « Je pense que le monde n’est pas poétique. Qu’il est concret, pratique, simple. En ce sens, la poésie est un acte d’opposition. Murmurer des synonymes dans la rue [ce que fait le héros de Synonymes, ndlr], c’est aller contre la marche du monde. En fait, les deux Yoav [le prénom du héros dans Synonymes, et également celui de l’enfant poète dans L’Institutrice, ndlr] font acte de rébellion de manière très discrète. Quand ils élèvent leurs voix, c’est finalement l’aveu d’une situation d’échec. »

« C’est exactement l’idée que je me faisais des Israéliens en arrivant à Paris, et celle que Yoav se fait de ses compatriotes. J’ai grandi dans la bourgeoisie artistique de Tel-Aviv et, quand je me suis installé ici, j’ai rencontré un Français qui est devenu mon ami [joué dans le film par Quentin Dolmaire, ndlr]. Je me voyais comme une brute à côté de lui. Au début, j’ai voulu me débarrasser de ça, je pensais qu’il y avait une dichotomie culturelle entre la brutalité des Israéliens et le raffinement des Français. Mais j’ai réalisé qu’il pouvait y avoir une forme de poésie à cette violence. »

La tranquillité est un mensonge. Le silence est une fange. Michaël dans Le Policier de Nadav Lapid (2012)

Liberté, égalité, fraternité.  Devise de la République française,

« Aujourd’hui, on fait souvent l’éloge de la tranquillité. Mon cinéma est plus inspiré par le bruit, le tumulte. Avec Synonymes, j’ai essayé de faire un film en vibration permanente, dans lequel l’âme du héros ne trouve l’apaisement ni dans son passé ni dans son présent. Il s’enfuit de l’enfer israélien mais fantasme un paradis français. On a comparé les scènes d’errance du film à des scènes d’action. Je suis assez d’accord. Il y a l’idée d’un cri continu. »

citée dans Synonymes « C’est très subjectif ce que je vais dire – je ne suis pas sociologue –, mais il me semble que les Français, parce qu’ils ont inventé les plus belles valeurs du monde, s’attendent à ce que les autres suivent. Ce que je dis n’est pas de l’ordre de la politique, c’est plutôt de l’ordre de la pulsion, des émotions. Dans le film, quand Yoav hurle La Marseillaise, c’est une manière de chercher une France imaginaire. Il reprend cet hymne guerrier comme un chant de combattants, ce sont ses codes. Il voit la France comme une idée, comme l’action de monter en haut de la Bastille, le lieu d’une rencontre imaginaire entre Napoléon et Paul Pogba. Il ne la voit pas comme un pays. »

MODÈLES : Mouvement du dehors vers le dedans. (Acteurs : mouvement du dedans vers le dehors.) […] Entre eux et moi : échanges télépathiques, divination. Notes sur le

• PROPOS RECUEILLIS PAR JOSÉPHINE LEROY PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA

cinématographe de Robert Bresson

— : « Synonymes » de Nadav Lapid

« J’ai beaucoup lu Bresson. En général, au cinéma, on observe le personnage comme un spectateur, on reste à l’écart, dans le dehors. Je voulais que le film nous mette dans l’état du héros. Je ne comprends pas,

SBS (2 h 03) Sortie le 27 mars

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Dictionnaire Larousse


INTERVIEW

© UNIVERSAL PICTURES

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VISIONS HANTÉES

Depuis le succès fou de son excellent Get Out en 2017, Jordan Peele n’a pas fermé l’œil, puisqu’il a cocréé plusieurs séries (The Last O.G. sur TBS, Weird City sur YouTube et The Twilight Zone, en avril sur CBS), a coproduit le dernier Spike Lee et a tourné son nouveau film, Us. Avec ce récit d’une famille afro-américaine en villégiature qui tente d’échapper à son double maléfique, il retrouve la formule magique de Get Out : un mélange d’horreur et d’humour bien senti sur fond de retour du refoulé. Dans les studios d’Universal, à Los Angeles, on l’a interrogé sur son regard si aiguisé en matière de cinéma et de représentations. 42


Vous retrouver face à votre double, ça vous ferait peur ? Évidemment ! Le double touche à une peur ancestrale, quelque chose d’enfoui. C’est sans doute pour ça que c’est une figure récurrente dans les mythologies, on la retrouve dans toutes les cultures et toutes les civilisations. Mais je n’avais jamais vu une histoire dans laquelle une famille entière rencontre son double. Je trouve les connotations de cette situation encore plus mystérieuses. Get Out portait beaucoup sur la question du regard des Blancs sur les Noirs. Avec ce thème du doppelgänger dans Us, vouliez-vous explorer la manière dont les Noirs se perçoivent eux-mêmes ? Je crois que ce film est plus libre d’interprétation que Get Out. Ce qu’on peut y percevoir à propos de la culture afro-américaine découle sans doute de ce que j’y ai mis de manière inconsciente, mais j’ai vraiment cherché à faire une histoire universelle. À mon sens, Us ne traite pas de questions raciales, excepté que je n’ai jamais vu de film d’horreur avec une famille noire en son centre. Enfant, vous sentiez que quelque chose clochait dans la représentation des Noirs américains ? Bien sûr ! À commencer par le fait qu’on n’en voyait pas assez. J’ai grandi en me sentant marginal, ça m’a poussé vers l’horreur, la science-fiction et le fantastique. Les Noirs y sont très souvent réduits aux mêmes fonctions narratives : ce sont les premiers à mourir, comme si c’étaient des personnages impossibles à développer, ou alors ce sont des magical negros [des personnages noirs dont la principale fonction narrative est de venir en aide aux héros blancs, ndlr]. Il y a tellement de récits dans lesquels des Noirs pourraient avoir une place… ça renouvellerait les genres. Comme dans Get Out, votre caméra insiste sur des visages étranges, des regards dérangeants et des corps rigides. Comment avez-vous travaillé la manière de filmer les corps ici ? Us est un tour de passe-passe, un jeu d’illusion. Les acteurs jouent face à eux-mêmes, les regards qu’ils échangent avec leur double sont donc un des principaux motifs du film. Je me rends compte que les gros plans deviennent une figure emblématique de mon style. Dans le cinéma

d’horreur, je trouve que l’image la plus importante est celle du visage de la personne qui a peur, c’est à ça qu’on peut s’identifier en tant que spectateur. D’où vient votre passion pour le gothique, le macabre ? Difficile à dire… Je pense que j’ai une imagination très vive, ce qui fait que j’ai été violemment affecté par les films d’horreur que j’ai vus dans ma jeunesse : Freddy. Les griffes de la nuit de Wes Craven, L’Exorciste de William Friedkin, Halloween de John Carpenter… Je crois qu’ils m’ont vraiment traumatisé. Mais bizarrement, ça n’a jamais cessé de m’attirer. Il a fallu que je commence à raconter moi-même des histoires effrayantes pour commencer à regarder mes peurs en face et à les affronter. C’est là que j’ai compris que je me sens chez moi parmi les monstres. Quel est le premier film que vous avez vu ? Le premier que ma mère m’a emmené voir au cinéma était un film musical appelé Show Boat [de George Sidney, 1951, ndlr]. Elle adore les films, mais sa première passion, ce sont les livres. Le cinéma, c’était plus mon truc, c’est comme ça que je me suis forgé une identité – au lycée, je collectionnais les VHS, j’en avais plus de trois cents. Le premier film qui m’a transformé, c’est E.T. L’extra-terrestre. Je devais avoir 5 ou 6 ans. J’ai senti qu’il m’était destiné, plus qu’aux adultes. Spielberg raconte cette histoire depuis le regard d’E.T. et d’Elliott, sans les prendre de haut, ni eux, ni les spectateurs. Il prend l’enfance au sérieux. Déjà dans les sketchs de votre duo Key & Peele avec Keegan-Michael Key entre 2012 et 2015, on sentait chez vous un regard analytique précis, un plaisir de jouer avec les codes de tous les genres filmiques. Comment avez-vous forgé cet œil ? Mon langage cinématographique provient de la vingtaine de cinéastes qui ont changé ma vie. Depuis le début de ma carrière,

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Lupita Nyong’o, Evan Alex et Shahadi Wright Joseph

BOBINES

JORDAN PEELE


INTERVIEW

Le double maléfique de la famille

BOBINES

« Je n’ai jamais vu de film d’horreur avec une famille noire en son centre. » j’ai toujours eu peur de reproduire ce qu’ils ont fait. Mais j’ai fini par comprendre que tous les artistes que j’admire ont forgé leurs œuvres à partir de ce qui les a inspirés. Je pense que c’est en décomposant ces influences plutôt qu’en en faisant un copier-coller qu’on peut arriver à quelque chose de totalement original. Le plus angoissant au cinéma, c’est souvent la suggestion, ce qu’on imagine sans le voir. Quelles sont la chose visible et la chose invisible qui vous font le plus peur ? Voyons voir, la chose invisible qui m’effraie le plus… L’océan, la nuit, me terrorise, parce qu’au-delà d’un mètre on ne voit plus rien. Mon imagination me suggère des trucs bizarres, comme des poissons géants. Pour la chose visible, je dirais les cafards. Les tout petits cafards immobiles qui se mettent soudain à bouger super vite. Cette façon d’être statique puis de s’agiter brusquement est une technique que j’ai réutilisée pour les doubles dans Us. Ça laisse supposer une forme de sapience, ils en savent plus que nous. Et plus ils en savent, moins j’en sais… Vous avez grandi à New York. Comment vous êtes-vous adapté à Los Angeles ? Plutôt bien ! Au départ, j’étais persuadé que je ne m’y ferais jamais. Mais maintenant que j’y vis depuis seize ans, que j’y ai fondé une famille [il s’est marié en 2013 avec l’humoriste et actrice Chelsea Peretti, ndlr] et ma société Monkeypaw Productions, c’est un vrai rêve.

On peut dire que je suis un mec de la côte ouest maintenant. Vous avez eu un fils, quelques mois après la sortie de Get Out. Comment cette paternité a-t-elle influencé l’écriture de Us, centré sur une famille ? Je pense que le fait d’avoir un enfant pousse à se regarder et à se demander qui l’on est vraiment. C’est une sorte de crise identitaire : on passe du fait d’être mu par sa propre ambition à celui de protéger et soutenir quelqu’un d’autre. Le premier truc que je me suis dit, c’est : « OK, je sais qui est Jordan Peele. Mais qui est-il version père et mari ? » Us traite précisément du fait de se regarder en profondeur. Quel impact a eu le colossal succès de Get Out sur votre vie ? Ça m’a enlevé beaucoup de pression, et ça m’en a rajouté aussi. Quand je pitchais Get Out, personne ne voyait ce que ça pourrait devenir. Et puis ceux qui m’avaient claqué la porte au nez ont vu que ça marchait, et ça a tout changé. Disons que ça devrait m’attirer les sympathies pour un petit moment.

• PROPOS RECUEILLIS PAR TIMÉ ZOPPÉ — : « Us » de Jordan Peele Universal Pictures (1 h 59) Sortie le 20 mars

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“Une comédie sociale aussi sincère que drôle”

TÉLÉRAMA

Leïla BEKHTI

UGC ET ORANGE STUDIO PRÉSENTENT UNE PRODUCTION KARÉ PRODUCTIONS

Ramzy BEDIA Edouard BAER

un film de Michel

LECLERC

Tom LEVY Baya KASMI Eye HAÏDARA Oussama KHEDDAM Scénario Baya KASMI Michel LECLERC

AU CINÉMA

LE 3 AVRIL


PORTRAIT

PILE OU FACE

Dans Us de Jordan Peele, elle campe une mère de famille confrontée à son effrayant double. Avant de jouer avec autant d’agilité avec son visage, Lupita Nyong’o s’est fait connaître sous les traits d’une esclave dans 12 Years a Slave de Steve McQueen en 2013 puis sous ceux de l’ex-petite amie badass du super-héros dans le blockbuster Black Panther, l’an dernier. Par ailleurs mannequin et réalisatrice, l’actrice mexico-kenyane de 36 ans a plus de figures qu’on ne saurait en compter.

Fin

février, sur le trajet pour aller la rencontrer, on est accompagné par non pas un mais deux visages de Lupita Nyong’o, placardés en énorme sur les buildings qui bordent les rues de Los Angeles. Sur l’affiche de Us, elle enlève un masque à son effigie souriante pour découvrir son même faciès terrifiant, l’œil écarquillé et larmoyant. Quand l’actrice – en chair et en os – nous rejoint, démarche assurée et port altier, dans une petite salle des

studios d’Universal, ses traits fins forment une expression neutre, plus dure à lire. Dès qu’elle se met à parler, on sent qu’elle maîtrise parfaitement son langage corporel et ses intonations. Un sens de la performance qui, à l’évidence, lui permet de tout jouer. « J’ai la passion du storytelling, dit-elle avec douceur. J’ai toujours aimé m’inventer des mondes et y inviter d’autres gens. Voir la vie d’un autre point de vue, se suspendre de sa propre existence et être quelqu’un d’autre,

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LUPITA NYONG’O

© UNIVERSAL PICTURES

« Voir la vie d’un autre point de vue, se suspendre de sa propre existence, ça m’intrigue. »

ça m’intrigue. » En 1983, après sa naissance à Mexico où son père était prof de science politique invité, sa famille retourne à Nairobi. Elle y passe une enfance heureuse et agitée, entourée de cinq frères et sœurs. « J’étais un garçon manqué, se souvient celle qui est aujourd’hui l’un des visages de Calvin Klein. J’aimais autant grimper aux arbres et jouer au foot que créer des histoires avec mes poupées. » Elle profite de ses études de lettres au Hampshire College d’Amherst, aux États-Unis, pour enfiler plusieurs casquettes de cinéma : assistante de production (pour The Constant Gardener de Fernando Meirelles en 2005), de postproduction et de décoration, avant d’opter pour l’art dramatique quand elle intègre Yale, en 2010. Entre-temps, elle s’est essayée à la réalisation lors d’un retour au Kenya : un clip pour la chanteuse Wahu, et le documentaire In My Genes, sur la difficulté d’être albinos dans son pays.

FORTE TÊTE

Quand on lui demande pourquoi Steve McQueen l’a choisie parmi mille actrices pour le rôle intense d’une esclave abusée par

c’est très excitant. » Son rôle dans le succès planétaire Black Panther a eu l’effet inverse. « Je n’ai pas encore assez de recul pour dire ce que ça a changé dans ma carrière, mais on me reconnaît en tout cas beaucoup plus souvent dans la rue. » Pour célébrer ses 3 millions de fans sur Instagram, elle a publié une vidéo dans laquelle on la voit rapper. L’annonce d’une nouvelle carrière ? Elle éclate d’un rire sarcastique et réplique : « Non. Mon alter ego est strictement pour Insta. » Jamais lasse de se diversifier, elle a écrit un livre pour enfants, Sulwe, à paraître cet automne aux États-Unis. « C’est sur une petite fille qui apprend à aimer sa peau noire. » Elle-même rêvait, enfant, de se réveiller avec la peau plus claire, jusqu’à découvrir la top-modèle sud-soudanaise Alek Wek, à la carnation très sombre. « C’est en ça que c’est important d’avoir des représentations plus inclusives dans les médias. » Il fallait commencer par accepter sa propre peau pour pouvoir se glisser dans toutes les autres. • TIMÉ ZOPPÉ

47

BOBINES

son maître dans le multi-oscarisé 12 Years a Slave, sa réponse est sans appel : « C’est une question pour Steve », avant qu’elle ne se barde derrière un sourire énigmatique. L’évocation de Jordan Peele la déverrouille – sur Instagram, elle a avoué avoir vu Get Out cinq fois au cinéma. « J’aurais accepté d’être perchman sur le film s’il me l’avait demandé ! » Il a préféré lui offrir deux rôles opposés. « Il fallait les préparer dans un laps de temps prévu pour un seul, j’ai dû faire un travail de séparation mentale pour créer deux vocabulaires différents. » Il faut dire qu’elle aime les défis de ce genre : elle se cache aussi derrière la peau orange toute ridée de Maz Kanata, une pirate extraterrestre des épisodes VII et VIII de Star Wars. « Pas besoin d’être vue pour raconter une histoire. Souvent, on nous propose des rôles basés sur ce qu’on projette déjà sur notre corps. Avec la motion capture, on donne vie à un nouvel être,




20 MARS Us de Jordan Peele Universal Pictures (1 h 59) page 42

Signes particuliers : néant de Jerzy Skolimowski Malavida (1 h 16)

27 MARS

Still Recording de Saeed Al Batal et Ghiath Ayoub Arizona (2 h 08) page 78

Dumbo de Tim Burton Walt Disney (2 h 10)

M de Yolande Zauberman New Story (1 h 46) page 56

Synonymes de Nadav Lapid SBS (2 h 03) pages 26 et 40

La flor Partie 3 de Mariano Llinás ARP Sélection (3 h 24)

Cómprame un revólver de Julio Hernández Cordón Rezo Films (1 h 24) page 58

Compañeros d’Álvaro Brechner Le Pacte (2 h 02) page 64

Love, Cecil de Lisa Immordino Vreeland Dean Medias (1 h 39)

Dernier amour de Benoît Jacquot Diaphana (1 h 38) page 78

Styx de Wolfgang Fischer Sophie Dulac (1 h 34) page 64

Sergio et Sergei d’Ernesto Daranas Bodega Films (1 h 33)

Résistantes de Fatima Sissani Les Films des Deux Rives (1 h 16) page 78

Boy Erased de Joel Edgerton Universal Pictures (1 h 55) page 66

Sunset de László Nemes Ad Vitam (2 h 21) page 78

C’est ça l’amour de Claire Burger Mars Films (1 h 38) page 66

Los silencios de Beatriz Seigner Pyramide (1 h 29) page 60

La flor Partie 2 de Mariano Llinás ARP Sélection (3 h 10)

La Cacophonie du Donbass d’Igor Minaiev Zelig Films (1 h 02) page 68

La Lutte des classes de Michel Leclerc UGC (1 h 43) page 78

3 AVRIL


La familia de Gustavo Rondón Córdova Tamasa (1 h 22) page 70

Curiosa de Lou Jeunet Memento Films (1 h 47) page 80

Ray & Liz de Richard Billingham Potemkine Films (1 h 48) page 70

J’veux du soleil de Gilles Perret et François Ruffin Jour2fête (1 h 15) page 80

Genèse de Philippe Lesage Shellac (2 h 11) page 80

Tanguy Le retour d’Étienne Chatiliez SND (1 h 40)

17 AVRIL « UN ÉBLOUISSANT CONTE MUSICAL » Cahiers du cinéma

© AYANO TAKEDA - TAKARAJIMASHA/HIBIKE! PARTNERS

Comme si de rien n’était d’Eva Trobisch Wild Bunch (1 h 34) page 80

Liz et l’Oiseau bleu de Naoko Yamada Eurozoom (1 h 29) page 62

Un film de NAOKO YAMADA

AU CINÉMA 17 AVRIL MIZORE YOROIZUKA : ATSUMI TANEZAKI ; NOZOMI KASAKI : NAO TÔYAMA ; LIZ/FILLETTE : MIYU HONDA KONOMI FUJIMURA ; YÛKO YOSHIKAWA : YURI YAMAOKA ; RIRIKA KENZAKI : SHIORI SUGIURA ; KUMIKO ÔMAE : TOMOYO KUROSAWA ; HAZUKI KATÔ : AYAKA ASAI ; SAPPHIRE KAWASHIMA : MOE TOYOTA ; REINA KÔSAKA : CHIKA ANZAI SATOMI NIIYAMA : HÔKO KUWASHIMA ; MASAHIRO HASHIMOTO : YÛICHI NAKAMURA ; NOBORU TAKI : TAKAHIRO SAKURAI REIKO YOSHIDA DIRECTEUR DE L'ANIMATION FUTOSHI NISHIYA CHANSON ORIGINALE « SONGBIRDS » PAR HOMECOMINGS MUTSUO SHINOHARA COLORISTE NAOMI ISHIDA EFFETS SONORES HIROYUKI TAKAHASHI DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE KAZUYA TAKAO RÉALISATEUR 3D TETSURÔ UMETSU MUSIQUE KENSUKE USHIO AKITO MATSUDA PRODUCTION MUSICALE LANTIS UNIVERSITÉ MUSICALE SENZOKU CONSULTANT INSTRUMENTS À VENT MASAHIRO ÔWADA PRODUCTION DE L’ANIMATION KYOTO ANIMATION PRODUCTION HIBIKE! PARTNERS DISTRIBUTION EUROZOOM

YÛKI NAKAGAWA :

AUTEURE DE L'OEUVRE ORIGINALE AYANO TAKEDA (HIBIKE! EUPHONIUM) RÉALISATRICE NAOKO YAMADA SCÉNARISTE DIRECTEUR ARTISTIQUE

COLLABORATION À LA PRODUCTION SONORE

Tel Aviv on Fire de Sameh Zoabi Haut et Court (1 h 37) page 80

Blanche comme neige d’Anne Fontaine Gaumont (1 h 30) page 82

L’Époque de Matthieu Bareyre Bac Films (1 h 34) page 72

Tito et les Oiseaux de Gustavo Steinberg, Gabriel Bitar et André Catoto Damned (1 h 13) page 91

Le Vent de la liberté de Michael Bully Herbig ARP Sélection (2 h 06) page 82

Première campagne d’Audrey Gordon Jour2fête (1 h 12) page 72

La flor Partie 4 de Mariano Llinás ARP Sélection (3 h 28)

Alex Le destin d’un roi de Joe Cornish 20 th Century Fox France (2 h 01) page 90

Seule à mon mariage de Marta Bergman Destiny Films (2 h 01) page 74

PRIX SPÉCIAL DU JURY

© design e.dorot

10 AVRIL

Royal Corgi de Ben Stassen et Vincent Kesteloot Apollo Films (1 h 25) page 91

Les Oiseaux de passage de Cristina Gallego et Ciro Guerra Diaphana (2 h 05) pages 20 et 68

Les Grands Squelettes de Philippe Ramos Alfama Films (1 h 10)

Alpha The Right to Kill de Brillante Mendoza New Story (1 h 34) page 82

MONTAGE SON ALBERT MICHAEL IDIOMA DÉCORS DANTE MENDOZA MONTAGE DIEGO MARX DOBLES MUSIQUE DIWA DE LEON DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE JOSHUA A. REYLES PRODUCTEURS ASSOCIÉS ANTONIO DEL ROSARIO AURORA CRUZ SCÉNARIO TROY ESPIRITU PRODUCTEUR CARLO VALENZONA PRODUCTEUR EXÉCUTIF BRILLANTE MA MENDOZA CONSULTANT CRÉATIF ARMANDO LAO RÉALISATEUR BRILLANTE MA MENDOZA

Menocchio d’Alberto Fasulo Rouge (1 h 43) page 82


le combat d’une femme et KMBO PRÉSENTENT LAMA PRODUCTIONS

t contre le harcèlemen

working woman

liron ben shlush

menashe noy

oshri cohen

El reino de Rodrigo Sorogoyen Le Pacte (2 h 11) page 82

Mais vous êtes fous d’Audrey Diwan Wild Bunch (1 h 35) page 84

Working Woman de Michal Aviad KMBO (1 h 32) page 84

Un tramway à Jérusalem d’Amos Gitaï Orange Studio / UGC (1 h 34) page 84

aviad un film de michal

Alice T. de Radu Muntean Bac Films (1 h 45) page 86

keira

alexander

jason

Cœurs ennemis de James Kent Condor (1 h 48) page 86

FOX SEARCHLIGHT PICTURES présente en association avec BBC FILMS avec le soutien de DEUTSCHER FILMFÖRDERFONDS et FILMFÖRDERUNG HAMBURG SCHLESWIG-HOLSTEIN une production SCOTT FREE FILMS et AMUSEMENT PARK FILM “COEURS ENNEMIS” KEIRA KNIGHTLEY ALEXANDER SKARSGARD JASON CLARKE casting NINA GOLD musique MARTIN PHIPPS costume BOJANA NIKITOVIC montage BEVERLEY MILLS décors SONJA KLAUS directeur de la photographie FRANZ LUSTIG producteur éxécutifs SARAH JANE WHEALE produteurs délégués CARLO DUSI BETH PATTINSON JOE OPPENHEIMER producteur délégué RIDLEY SCOTT produit par JACK ARBUTHNOTT, p.g.a & MALTE GRUNERT, p.g.a adapté du roman “DANS LA MAISON DE L’A UTRE” de RHIDIA N BROOK scénario JOE SHRAPNEL ANNA WATERHOUSE et RHIDIA N BROOK réalisé par JAMES KENT

scripte sharon azulay eyal michal vinik michal aviad directeur de la photographie daniel miller monteur nili feller casting michal koren Directeur artistique eyal elhadad costumes keren eyal melamed MAQUILLAGE ET COIFFURE ZIV KATANOV sound designer aviv aldema Enregistreur son moti hefetz directeur de production meir tezet 1er assistant réalisateur jonathan rozenbaum producteurs exécutifs moshe edery leon edery producteurs ayelet kait amir harel réalisateur michal aviad

Monsieur Link de Chris Butler Metropolitan FilmExport (1 h 32) page 88

Victor et Célia de Pierre Jolivet Apollo Films (1 h 31) page 84

Dieu existe, son nom est Petrunya de Teona Strugar Mitevska Pyramide (1 h 40) page 86

La camarista de Lila Avilés Bodega Films (1 h 42)

Avengers Endgame d’Anthony et Joe Russo Walt Disney (N. C.)

Gloria Bell de Sebastián Lelio Mars Films (1 h 41) page 86

HOMEMADE FILMS, SISTER PRODUCTIONS & SENSE PRODUCTION PRéSENTENT Sélection Officielle

24 AVRIL

1er MAI

Festival International de Toronto 2018

Her Job de Nikos Labôt Jour2fête (1 h 30) page 86

design graphique :

un film de nikos labôt

HOMEMADE FILMS, SISTER PRODUCTIONS ET SENSE PRODUCTION PRéSENTENT HER jOb UN FILM éCRIT DE NIKOS LAbôT PAR KATERINA KLEITSIOTI & NIKOS LAbôT AVEC MARISHA TRIANTAFYLLIDOU DIMITRIS IMELLOS KONSTANTINOS GOGOULOS MARIA FILINI ELENI KARAGIORGI DANAI PRIMALI ORFEAS AGGELOPOULOS DIMITRA VLAGOPOULOU GEORGIA TSAGKARAKI IRINI ASIMAKOPOULOU ARETI SEINTARIDOU IMAGE DIONYSIS EFTHYMIOPOULOS GSC MONTAGE DOUNIA SICHOV MUSIQUE ONNO DéCORS DAPHNE KOUTRA COSTUMES VASILEIA ROZANA MAQUILLAGE KYRIAKY MELIDOU COIFFURE HRONIS TZIMOS SON YANNIS ANTIPAS bENOIT GARGONNE jEAN-GUY VERAN éTALONNAGE ISAbELLE jULIEN PRODUITPAR MARIA DRANDAKI ET jULIE PARATIAN COPRODUITPAR MILAN STOjANOVIC PRODUCTIONUNE HOMEMADE FILMS SISTER PRODUCTIONS ET SENSE PRODUCTION EN COPRODUCTION AVEC LE AVEC ERT SOUTIEN DU CENTRE NATIONAL DU CINéMA ET DE L’IMAGE ANIMéE ET DU CENTRE DU CINéMA GREC (GFC) - AIDE À LA COPRODUCTION D’OEUVRES CINéMATOGRAPHIQUES FRANCO-GRECQUES MINISTÈRE DES AFFAIRES éTRANGÈRES ET DU DéVELOPPEMENT INTERNATIONAL INSTITUT FRANÇAIS FILM CENTER SERbIA SEE VENTES CINEMA NETWORK EN ASSOCIATIONAVEC CINEVENTURE 3 DISTRIbUTION FRANCE jOUR2FÊTE INTERNATIONALES jOUR2FÊTE

sortie le 1er mai 2019

Monrovia, Indiana de Frederick Wiseman Météore Films (2 h 23) page 54

Jessica Forever de Caroline Poggi et Jonathan Vinel Le Pacte (1 h 37) page 28

Nous finirons ensemble de Guillaume Canet Pathé (N. C.)

90’s de Jonah Hill Diaphana (1 h 25) page 74

68, mon père et les clous de Samuel Bigiaoui Sophie Dulac (1 h 24) page 76

Piranhas de Claudio Giovannesi Wild Bunch (1 h 45)

Coming Out de Denis Parrot KMBO (1 h 03) page 76

Tremblements de Jayro Bustamante Memento Films (1 h 40)

L’Adieu à la nuit d’André Téchiné Ad Vitam (1 h 43) page 84

DRYADES FILMS ET UPSIDE FILMS PRÉSENTENT

DOK LEIPZIG FESTIVAL 2018

SHEFFIELD DOC/FEST 2018

PRIX IMPACT

CNC - IMAGES DE LA CULTURE FIPADOC 2019

BUSAN

FESTIVAL 2018

FREE SPIRIT AWARD WARSAW FESTIVAL 2018

U N FI LM DE

[ Nom masculin invariable ] Contraction de l’expression coming out of the closet, sortir du placard. Annonce volontaire de son orientation sexuelle ou d’une identité de genre.

DRYADES FILMS et UPSIDE FILMS présentent avec la participation de CANAL+ de CINÉ+ et de KMBO avec le soutien du CNC et de LA RÉGION ILE-DE-FRANCE. un film de DENIS PARROT « COMING OUT » montage image DENIS PARROT OLIVIER LAURENT mixage BRUNO MERCÈRE étalonnage SASHA SAVIC directrice de production BÉNÉDICTE PERROT superviseur postproduction FABIEN MIGNÉ produit par CLAIRE BABANY et ÉLÉONORE BOISSINOT SÉBASTIEN DEURDILLY producteur associé JOHAN DE FARIA ventes internationales UPSIDE DISTRIBUTION montage son

co - produit par


ARTS VISUELS CONCERTS PERFORMANCES DANSE DESIGN RENCONTRES ATELIERS

EXPOSITION DU 4 AVRIL AU 16 JUIN 2019

design graphique : deValence

261 BOULEVARD RASPAIL 75014 PARIS Plus d’informations sur fondation.cartier.com #FONDATIONCARTIER #EXPOJEUNESEUROPE


ZOOM ZOOM

LES FILMS DU MOIS À LA LOUPE

MONROVIA, INDIANA

Monrovia,

Après plusieurs films urbains (At Berkeley, In Jackson Heights, Ex Libris. The New York Public Library), le prolifique Frederick Wiseman est allé prendre le pouls de Monrovia, commune agricole de l’Indiana. Du haut de ses 89 ans, l’éminent documentariste complète en toute maîtrise son portrait tentaculaire de l’Amérique.

Indiana s’ouvre sur une succession de terres agricoles qui contrastent avec l’urbanité grouillante du dernier film de Frederick Wiseman, Ex Libris. En dépit de l’apparente opposition entre les bibliothèques new-yorkaises et les exploitations bovines de l’Indiana, le cinéaste américain, toujours guidé par l’envie de synthétiser un lieu et ses rouages en un seul et même film, continue de façonner une œuvre d’une indéniable cohérence, depuis son premier long métrage, Titicut Follies, il y a plus de cinquante ans. Dans cette radiographie de la ruralité à Monrovia, le documentariste chevronné dresse une imposante mosaïque composée d’une multitude de plans et de situations hétérogènes. Avec une attention particulière portée à l’expression collective de la citoyenneté locale, Monrovia, Indiana révèle les soubresauts socioculturels contenus au sein des réunions associatives, des petits commerces, des clubs sportifs ou des cérémonies religieuses de la petite ville. Contre toute attente, Wiseman est aussi parvenu à réaliser un film sur l’Amérique rurale d’aujourd’hui sans que jamais ne soit


FILMS

© JOHN EWING

3 QUESTIONS À FREDERICK WISEMAN

cité le nom de son nouveau président ; le cinéaste montre cette frange du pays sans fard (blanche, portée sur la religion, la famille, le travail et la consommation) mais surtout sans une once de condescendance, ne répétant aucun lieu commun sur cette fameuse Amérique de Trump qui nourrit tant de fantasmes. Au-delà de cet exploit, la belle idée du film réside dans la présence souterraine d’une inquiétude commune et persistante, la perte hantant cette communauté d’environ un millier d’habitants. Que ce soit la grande tribulation – la fin des temps selon les chrétiens – évoquée au début du film ou l’amputation de la queue d’un chien sur la table d’opération d’un vétérinaire, Monrovia, Indiana semble ainsi habité par la peur d’une disparition imminente. Implacablement, celle-ci surgira dans les dernières minutes bouleversantes du film, qui résonnent avec les derniers plans de Belfast, Maine, sorti en 1999. Le drame s’y mue alors en apaisement salvateur : l’enterrement d’une habitante de la ville s’accompagne de son ancrage définitif dans la terre même de Monrovia, où elle demeurera à jamais parmi les siens. • CORENTIN LÊ

76 % des habitants de Monrovia ont voté pour Donald Trump à la présidentielle. Pourquoi n’est-il jamais mentionné dans le film ? Les habitants de Monrovia ne parlent quasiment jamais du monde extérieur. Ils sont avant tout préoccupés par leur vie quotidienne : la religion, le travail, la famille, le sport local. Ils sont aussi intéressés par la politique de la ville, mais pas par celle du pays. J’ai passé dix semaines à Monrovia et je n’ai entendu personne parler de Trump. Son élection est quelque part l’expression de leurs inquiétudes, mais ce n’est pas un sujet de conversation. Comment la structure du film s’est-elle affirmée ? Pendant une dizaine de semaines, j’ai emmagasiné les rushs et les notes à propos de Monrovia, sans avoir de ligne particulière. Le montage m’a ensuite pris une année, durant laquelle j’ai suivi ma méthode habituelle. Je porte toujours différentes casquettes au montage : je dois veiller à ce qu’il soit fidèle à l’expérience que j’ai eue au tournage, penser à une structure dramatique et narrative, et réfléchir à la relation entre les événements littéraux et ceux plus abstraits. C’est ce que je préfère faire au cinéma. Est-ce que la coupe est toujours un crève-cœur pour vous après toutes ces années ? Non, car je dois être toujours exigeant. Dans Monrovia, le ratio de ce que j’ai conservé est d’environ une heure gardée pour soixante-cinq filmées. Pour décider de conserver un plan ou une séquence, il faut que je sois absolument convaincu de sa nécessité et de son sens, littéral ou abstrait, par rapport à la dynamique du film. Sinon, c’est le début des problèmes !

— : de Frederick Wiseman Météore Films (2 h 23) Sortie le 24 avril

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FILMS

ZOOM

ZOOM

M

Avec

ce documentaire stupéfiant, la trop rare cinéaste française Yolande Zauberman lève le voile sur le tabou de la pédophilie au sein de la communauté juive ultraorthodoxe et signe une œuvre puissante comme un cauchemar. Pour présenter Menahem au spectateur, Yolande Zauberman le filme alors qu’il chante, seul, sur une plage, la nuit. Il semble tout à la fois souffrir et se libérer – un sentiment ambivalent qui perdurera tout au long du film. Cet homme de 35 ans était autrefois un enfant prodige, adulé pour sa voix d’or. Mais la chanson qu’il ne pourra jamais oublier, c’est celle qu’il fredonnait dans sa tête, gamin, « pour ne pas penser au présent », à chaque fois qu’il était abusé sexuellement par un rabbin. Devant la caméra de Zauberman (à qui l’on doit notamment le mémorable Moi Ivan, toi Abraham en 1993), Menahem revient sur le lieu du crime, dix ans après l’avoir quitté : Bnei Brak, la banlieue de Tel-Aviv où il a grandi au sein d’une communauté hassidique. M prend la forme d’une odyssée nocturne au cours de laquelle Menahem part à la recherche de ses bourreaux, pour recueillir des aveux et engager un dialogue.

Au fil du voyage, il récolte les témoignages, nombreux, d’autres victimes – en voix off, Zauberman compare joliment sa caméra au joueur de flûte qui, dans le conte de Grimm, attire vers lui tous les enfants de la ville. Plus le film avance, et plus le spectateur, bercé par la musique d’Ibrahim Maalouf et par la musicalité de la langue yiddish, s’enfonce dans des eaux troubles. Car c’est bien d’une immersion qu’il s’agit, dans un univers à part et secret. Avec un mélange d’audace et de respect, la cinéaste capte de saisissants moments de vérité, comme la confrontation de Menahem avec ses parents. Dans une autre scène, Menahem explique que ceux qui deviennent religieux vont « vers la réponse » alors que lui, devenu laïque, a accompli le chemin inverse : il est allé « vers la question ». On pourrait en dire autant de la démarche passionnante de Zauberman, qui filme au plus près et sans jugement les corps de ces hommes cachés sous un chapeau noir et des papillotes, unis par le sérieux de la prière, la joie de la danse et une terrible loi du silence. • JULIEN DOKHAN

Plus le film avance, et plus le spectateur s’enfonce dans des eaux troubles.

— : de Yolande Zauberman

New Story (1 h 46) Sortie le 20 mars

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e m m e f e n ’u d t a b m le co rcèlement TENT S et KMBO PRÉSEN LAMA PRODUCTION

contre le ha

g n i k r o w n a m o w

liron ben shlush

menashe noy

oshri cohen

al aviad un film de mich

scripte sharon azulay eyal michal vinik michal aviad directeur de la photographie daniel miller monteur nili feller casting michal koren Directeur artistique eyal elhadad costumes keren eyal melamed MAQUILLAGE ET COIFFURE ZIV KATANOV sound designer aviv aldema Enregistreur son moti hefetz directeur de production meir tezet 1er assistant réalisateur jonathan rozenbaum producteurs exécutifs moshe edery leon edery producteurs ayelet kait amir harel réalisateur michal aviad


FILMS

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CÓMPRAME UN REVÓLVER

Pétri

de références littéraires et cinématographiques, Julio Hernández Cordón signe une saisissante fable sur la violence de la société mexicaine, dans laquelle des enfants démunis luttent contre le règne des narcotrafiquants. La jeune Huck vit dans une caravane avec son père, au milieu d’un Mexique apocalyptique et sauvage. Le terrain de baseball voisin, laissé à l’abandon, est régulièrement utilisé par des narcotrafiquants qui font régner une terreur nocturne et ont pour habitude de kidnapper les femmes et les petites filles. Dans cet environnement où les enfants cultivent l’art du camouflage, le père de Huck, junkie soumis à la domination des narcos, tente de protéger sa fille en l’affublant d’un masque qui la fait passer pour un garçon. Cette histoire de survie face à la violence prédatrice emprunte autant à la réalité sociale mexicaine qu’à l’atmosphère du conte. Influencé par Peter Pan ou par La Nuit du chasseur (de Charles Laughton,

1956), le cinéaste livre une relecture féminisée des Aventures de Huckleberry Finn de Mark Twain pour mieux exprimer ses angoisses paternelles. On pense aussi aux Bêtes du Sud sauvage (de Benh Zeitlin, 2012) ou à Mud (de Jeff Nichols, 2013) devant ce récit picaresque d’une innocence brisée qui multiplie les figures mythologiques (le grand méchant loup prend ici les traits d’un criminel au look androgyne). Filmant la désolation tout en cherchant à insuffler des sentiments d’amour, Julio Hernández Cordón pousse un tragique cri du cœur et dépeint brillamment un monde en lambeaux dans lequel la meilleure manière de résister à la cruauté est d’inventer des formes ludiques, de croire au pouvoir du jeu et d’investir le champ de la fiction, ultimes voies d’accès à la lucidité, au salut et à la libération. • DAMIEN LEBLANC

— : de Julio Hernández Cordón

Rezo Films (1 h 24) Sortie le 20 mars

3 FILMS AVEC UN TERRAIN DE BASEBALL LE PETIT FUGITIF de R. Abrashkin, R. Orkin et M. Engel (1953) Dans ce film, qui inspira notamment Les Quatre Cents Coups de François Truffaut, un garçon de 7 ans s’enfuit à Coney Island et s’émancipe à la fête foraine en jouant seul au baseball.

HOOK de Steven Spielberg (1991) Père indigne qui rate le match de son fils, Peter Pan est emmené au Pays imaginaire où le stade de baseball local devient soudain un lieu de reconnexion familiale. 58

COMMENT SAVOIR de James L. Brooks (2010) Dans cette comédie mal aimée, un sportif nombriliste (Owen Wilson) comprend au bord d’un terrain de baseball, et à la suite d’une remarque graveleuse, qu’il est amoureux.


SAÏD BEN SAÏD et MICHEL MERKT présentent

un film de Nadav Lapid Tom Mercier Quentin Dolmaire Louise Chevillotte PRIX DE LA CRITIQUE INTERNATIONALE

AU CINÉMA LE 27 MARS


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LOS SILENCIOS

Découverte

à la Quinzaine des réalisateurs, une subtile réflexion sur le sort des réfugiés, entre chronique sociale et film de fantôme. Nuria et Fabio arrivent sur une île avec leur mère, Amparo. Ils ont fui la guerre civile en Colombie, où leur père a été tué. Les démarches qu’Amparo doit accomplir sur place (inscrire les enfants à l’école, trouver un emploi) sont d’autant plus pénibles qu’elle ne peut prétendre à une indemnisation, le corps de son mari n’ayant pas été retrouvé… La Brésilienne Beatriz Seigner décrit avec une belle empathie ce travail de reconstruction, mais la profonde originalité de son film tient à la place qu’occupent les phénomènes surnaturels dans le parcours de cette combattante. Car selon une croyance des habitants de l’île (la bien nommée Isla de la

Fantasia, située entre le Brésil, la Colombie et le Pérou), des fantômes cohabiteraient pacifiquement avec les vivants. C’est ainsi qu’Amparo voit son mari apparaître et s’inviter dans la cuisine ou à la table du repas, comme s’il veillait sur sa famille – on n’est guère étonnés d’apprendre que la cinéaste, attentive aux bruits de la jungle dans la nuit, est une grande admiratrice de Naomi Kawase et d’Apichatpong Weerasethakul. Un voyage en barque aux allures de traversée enchantée, une réunion de morts qui débattent du conflit colombien sont autant de fascinantes étapes, au fil d’une plongée poétique et politique dans les limbes. • JULIEN DOKHAN

— : de Beatriz Seigner Pyramide (1 h 29) Sortie le 3 avril

3 QUESTIONS À BEATRIZ SEIGNER Quelle part documentaire vouliezvous injecter dans la fiction ? J’ai écrit le scénario à partir de la réalité que j’ai observée. Les acteurs sont presque tous des non-professionnels qui jouent leur propre rôle, dans leur environnement naturel. J’aime être à l’endroit où la puissance de la fiction et l’honnêteté du documentaire se rencontrent.

On baigne dans un entre-deux : réel et imaginaire, vivants et morts… Quand on traverse un deuil, comme la mère dans le film, on perd ses repères. De même, quand on est un immigré, on cherche sa place. L’île sur laquelle nous avons tourné est fascinante, car elle est sous la mer pendant quatre mois, ce qui renvoie aussi à cette idée de flottement. 60

L’aspect onirique du film vient du travail sur la lumière et l’obscurité. Absolument. Plutôt que de conception de la lumière, je parlerais même de conception de l’ombre ! Certains lieux sont dans l’obscurité, car je souhaitais créer une présence uniquement par le son. En imaginant ce qui se passe hors champ, le spectateur contribue à la création du film.


UNE COMÉDIE IRRÉSISTIBLE ! UN HUMOUR SALVATEUR ET PACIFIQUE. TÉLÉRAMA

AU CINÉMA LE 3 AVRIL

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FILMS

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LIZ ET L’OISEAU BLEU

Après

Silent Voice, la réalisatrice japonaise Naoko Yamada suit les pas d’une lycéenne complexée par sa timidité dans Liz et l’Oiseau bleu, dont la finesse du trait sublime la moindre envolée. Au même titre que Silent Voice (2018), le nouveau film de Naoko Yamada prend place au sein d’un cadre scolaire où des figures d’adolescentes chétives errent à l’intérieur d’établissements désertiques. Liz et l’Oiseau bleu prend pourtant le contrepied des ambitions romanesques de Silent Voice pour ne capter qu’une période réduite de la vie de Mizore, une jeune lycéenne introvertie qui joue du hautbois (le film est un spin-off de Sound! Euphonium, série japonaise à succès qui narre le quotidien des membres d’un club de musique). Aux côtés de Nozomi, une flûtiste qu’elle admire intensément, Mizore découvre le conte illustré Liz et l’Oiseau bleu, qui voit deux jeunes filles nouer une profonde amitié avant que l’une d’elles – auparavant un oiseau – ne finisse par voler de ses propres ailes. Mizore voit dans ce récit chatoyant le reflet merveilleux de sa propre relation avec Nozomi, qui menace de s’achever à mesure que la fin du lycée approche. La trajectoire typique du film d’apprentissage

est ici finement doublée d’une évolution dans l’appréhension de l’espace, Yamada jouant avec les possibilités plastiques de l’animation autant qu’avec l’enchâssement d’une fiction dans une autre. Les vitres du lycée, après avoir symbolisé les barreaux de la prison mentale de Mizore, deviennent par exemple synonymes d’une ouverture salvatrice sur le monde au cours d’une belle séquence musicale ; la profondeur de champ, d’abord très réduite, donne quant à elle l’impression que les personnages font du surplace avant de s’élargir peu à peu pour accompagner ses figures vers l’extérieur. Après avoir souligné l’absence de perspective dans la vie de Mizore, qui ne parvient pas à remplir la fiche d’orientation qu’on lui remet, ces belles idées de mise en scène viennent ainsi ouvrir le champ des possibles pour cette adulte en devenir. Le conte Liz et l’Oiseau bleu aura fini par faire comprendre à la jeune Mizore qu’elle était elle-même cet oiseau emprisonné, prêt à s’envoler. • CORENTIN LÊ

Ces belles idées de mise en scène viennent ouvrir le champ des possibles.

— : de Naoko Yamada Eurozoom (1 h 29) Sortie le 17 avril

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ET

XAVIER RIGAULT MARC-ANTOINE ROBERT PRÉSENTENT

ALICE BELAÏDI

UN FILM DE AVEC LA PARTICIPATION DE

ARTHUR DUPONT

PIERRE JOLIVET

BRUNO BÉNABAR ET BÉRENGÈRE KRIEF

AU CINEMA LE 24 AVRIL


FILMS

COMPAÑEROS

— : d’Álvaro Brechner Le Pacte (2 h 02) Sortie le 27 mars

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Le

film s’ouvre sur un magistral plan circulaire : depuis le poste de surveillance d’une prison, la caméra dévoile, un par un, les couloirs où sont alignées les cellules des détenus. On ne distingue rien de précis dans cet environnement clos où les êtres ressemblent aux murs. Rien, sauf une sensation d’étouffement sans issue qui ne va plus nous quitter pendant deux heures. Le réalisateur Álvaro Brechner (M. Kaplan, Sale temps pour les pêcheurs) nous fait vivre, au plus près des corps, l’emprisonnement de trois opposants à la dictature militaire au pouvoir en Uruguay entre 1973 et 1984. Douze ans de calvaire à tutoyer l’horreur et la folie, qui transformeront ces guérilleros en héros de la nation – l’un d’eux, José Mojica (Antonio de la Torre, vu notamment dans Que Dios nos perdone), sera élu président en 2010. On pense au Hunger de Steve McQueen ou à son voisin Buenos Aires 1977 d’Adrián Caetano, dans cette manière d’inscrire le politique dans les chairs, de frapper d’abord aux tripes pour ébranler les consciences. C’est ce qui donne à cette histoire une portée universelle et terriblement actuelle. • MICHAËL PATIN

STYX

— : de Wolfgang Fischer Sophie Dulac (1 h 34) Sortie le 27 mars

Pour

ses vacances, une médecin urgentiste allemande de 40 ans s’offre un voyage en solitaire au large du continent africain. Depuis Gibraltar, où elle approvisionne son esquif en bouteilles d’eau et denrées nécessaires à son périple, elle planifie de se rendre sur l’île de l’Ascension, au nord de Sainte-Hélène, où Darwin avait planté une forêt. Mais, après plusieurs jours sans encombre, une violente tempête frappe son bateau, faisant basculer son odyssée du rêve au cauchemar. Au petit matin, des jeunes migrants affolés lui font signe depuis un chalutier endommagé que personne ne semble vouloir secourir malgré ses nombreux appels radio… Métaphore à peine voilée d’une Europe impuissante face à l’ampleur du désastre migratoire, le film fait se fracasser les envies d’ailleurs de son héroïne contre une réalité devenue incontournable. Wolfgang Fischer fait ainsi peser chaque corps noyé ou secouru de son poids réel, dans l’économie d’une mise en scène sans afféteries, dont l’enjeu consiste à maintenir au sol le moindre élan d’exotisme – y compris celui, mythologique, de son propre titre. • ADRIEN DÉNOUETTE

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DOK LEIPZIG FESTIVAL 2018

SHEFFIELD DOC/FEST 2018

PRIX IMPACT

CNC - IMAGES DE LA CULTURE FIPADOC 2019

BUSAN

FESTIVAL 2018

FREE SPIRIT AWARD WARSAW FESTIVAL 2018

" UNE EXPÉRIENCE DE CINÉMA BOULEVERSANTE ET UNIVERSELLE " TÊTU

[ Nom masculin invariable ] Contraction de l’expression coming out of the closet, sortir du placard. Annonce volontaire de son orientation sexuelle ou d’une identité de genre.

AU CINÉMA LE 1ER MAI


FILMS

BOY ERASED

— : de Joel Edgerton Universal Pictures (1 h 55) Sortie le 27 mars

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Jared

(Lucas Hedges) annonce à ses parents qu’il est gay. Malgré l’appréhension de sa mère (Nicole Kidman), son père pasteur (Russel Crowe) l’inscrit à une prétendue thérapie de conversion censée le rendre hétéro. Une fois là-bas, le jeune homme s’oppose à la violence de son « thérapeute », joué par Joel Edgerton qui signe ici son deuxième long métrage en tant que réalisateur, après The Gift (2015). Si ce film est très programmatique, la tension latente de sa mise en scène rigide, ainsi que la direction des acteurs secondaires tels que Xavier Dolan ou le chanteur Troye Sivan (en camarades d’infortune de Jared), raides et écorchés, permettent de prendre la mesure des mécanismes insidieux de ce type d’escroquerie à visée normative (les parents sont écartés, la parole est brimée, les participants répètent des attitudes genrées conformistes et anachroniques), qui aboutit surtout à ce que ces jeunes ressentent une vraie haine d’eux-mêmes. À ce propos, il faut saluer la performance empreinte de sobriété de Lucas Hedges (vu dans Lady Bird de Greta Gerwig) qui parvient subtilement à faire ressentir l’asphyxie de son personnage dans ce cadre disciplinaire pesant. • QUENTIN GROSSET

C’EST ÇA L’AMOUR

— : de Claire Burger Mars Films (1 h 38) Sortie le 27 mars

Fonctionnaire

à Forbach, Mario s’occupe seul de ses deux filles adolescentes depuis que sa femme a quitté le domicile conjugal après vingt ans de vie commune. Désemparé émotionnellement, cet homme timide entreprend alors de participer à une pièce de théâtre collaborative. Après Party Girl, Caméra d’or en 2014, qu’elle avait coréalisé avec Marie Amachoukeli et Samuel Theis, Claire Burger délaisse le terreau semi-documentaire pour s’aventurer plus avant dans la fiction. La cinéaste s’inspire néanmoins de ses souvenirs et de son propre père pour esquisser un désordre familial polyphonique où s’entrechoquent peur de la solitude, complexité des désirs naissants et besoin de créer du lien social. Cette tempête affective rappelle le beau film de Paul Newman De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites, sauf qu’un personnage masculin vulnérable remplace ici les habituelles mères célibataires. En privilégiant la bienveillance et l’éclosion des corps, cette palpitante chorégraphie des sentiments célèbre l’amour sous toutes ses formes et fait retrouver le goût des premières fois. • DAMIEN LEBLANC

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« Eva Trobisch réalise un premier film remarquable. COMME SI DE RIEN N’ÉTAIT est complexe, puissant et précis » JAMES GRAY

« Un film subtil, prenant et très actuel » TÉLÉRAMA

FESTIVAL DE LOCARNO

Grand Prix du Jury Meilleure Actrice

Meilleur Premier Film FESTIVAL DE STOCKHOLM

Meilleure Réalisatrice

FESTIVAL DE MUNICH

Meilleure Réalisatrice

FESTIVAL DE MUNICH

Meilleure Actrice

FESTIVAL DE THESSALONIQUE

Prix Spécial du Jury

FESTIVAL DE MARRAKECH

Meilleure Actrice

un film de Eva Trobisch

AU CINÉMA LE 3 AVRIL

FESTIVAL DES HAMPTONS

Meilleur Film

FESTIVAL DE MUNICH

Prix FIPRESCI


FILMS

LA CACOPHONIE DU DONBASS

— : d’Igor Minaiev Zelig Films (1 h 02) Sortie le 27 mars

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Face

à la guerre qui fait rage depuis 2014 dans le Donbass, l’Ukrainien Igor Minaiev retrace plusieurs décennies d’emprise russe sur cette région de l’est de l’Ukraine. Chaotique et remuant, ce documentaire historique, uniquement composé d’images d’archives et d’entretiens, met à jour un terrible basculement : dans sa première partie, il montre comment le régime soviétique s’est d’abord employé à aduler la figure du mineur, édifiant une mythologie ouvrière qui n’a d’égalitaire que le nom ; dans sa seconde, il pointe le remplacement de cette propagande par la campagne militaire actuellement menée par les forces prorusses, qui multiplient les actes barbares (lynchage, torture) au sein de ces terres damnées par l’histoire. En faisant écho au récent film de fiction Donbass de Sergei Loznitsa – dont il est un excellent complément –, La Cacophonie du Donbass vient ainsi replacer avec pédagogie cet affrontement dans son contexte socio-historique sans pour autant prétendre clarifier tous les enjeux d’un conflit aussi pervers que profondément retors. • CORENTIN LÊ

LES OISEAUX DE PASSAGE

— : de Cristina Gallego et Ciro Guerra Diaphana (2 h 05) Sortie le 10 avril

Blow,

Infiltrator, la série Narcos… La fascination de Hollywood – donc la nôtre – pour Pablo Escobar et les cartels de Colombie a transformé le drame d’un peuple en artefact de la pop culture. C’est le constat fait par Ciro Guerra (L’Étreinte du serpent) et Cristina Gallego, qui ont voulu se réapproprier cette histoire en évoquant ses origines oubliées de tous (y compris de leurs concitoyens). Les Oiseaux de passage revient sur la période de la bonanza marimbera, au début des années 1970, quand les indigènes Wayúu décidèrent d’échanger leur âme contre l’argent facile du trafic de cannabis avec les États-Unis. Prenant la forme d’un conte dans lequel l’humour absurde et la poésie mystique sont sans cesse étranglés par des éruptions de violence, le film développe une idée fascinante (et documentée) selon laquelle la Colombie portait en elle les germes de sa destruction. Tout se marchandait chez les Wayúu, l’honneur comme la parole, les richesses comme les femmes… C’est sur leurs tombes sans noms que s’écrit encore la tragédie colombienne. • MICHAËL PATIN

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SOPHIE DULAC DISTRIBUTION PRÉSENTE

« une œuvre poignante,

un voyage intense au cœur d’un océan surpeuplé » Abus de ciné

« une performance

d’actrice fascinante » Variety

« une maîtrise

impressionnante » ★★★ L’Obs

STYX SUSANNE WOLFF

UN FILM DE

WOLFGANG FISCHER

#Styx www.sddistribution.fr

AU CINEMA LE 27 MARS © 2018 SCHIWAGO FILM BERLIN, AMOUR FOU VIENNA / PHOTOGRAPHIES : © 2018 BENEDICT NEUENFELS


FILMS

RAY & LIZ

— : de Richard Billingham Potemkine Films (1 h 48) Sortie le 10 avril

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Ce

ne sont ni des working class heroes, ni des punks flamboyants et autodestructeurs. Ray et Liz forment un couple de prolos alcooliques d’une triste banalité, englués dans l’Angleterre terne des années Thatcher. Après les avoir photographiés (dans la série dérangeante « Ray’s A Laugh », en 1996), leur fils, le renommé photographe britannique Richard Billingham, tire cette fois un portrait fictionnel de ses parents paresseux et irresponsables, aujourd’hui décédés. Pour ce premier film, il s’inspire de trois souvenirs de sa jeunesse, passée dans le Birmingham des années 1980. Le réalisateur n’épargne pas ses géniteurs, en tout point opposés (elle est obèse et directive, lui est chétif et passif), versant parfois dans le trash (on a droit à du vomi ou à de l’urine de chien s’étalant sur une moquette vieillotte). Mais comme chez le photographe Martin Parr, tout jugement moral et tout misérabilisme sont évacués pour s’attarder avec tendresse sur les corps abîmés et sur la fébrilité de ces individus fantasques qui transforment leur logement social en véritable ménagerie. Au-delà de l’esthétisation du borderline, ce film touchant saisit avec brio les failles d’une famille d’écorchés. • JOSÉPHINE LEROY

LA FAMILIA

— : de Gustavo Rondón Córdova Tamasa (1 h 22) Sortie le 10 avril

Dans

une banlieue ouvrière de Caracas, Pedro, 12 ans, blesse gravement un autre gosse du quartier. Paniqué, Andrès, son père, l’oblige à fuir à ses côtés… Pour son premier long métrage, le Vénézuélien Gustavo Rondón Córdova livre un drame social épatant. Caméra à l’épaule, dans un style proche du documentaire, il instille un sentiment d’urgence (qui ne nous quittera presque jamais) et nous emmène dans une zone de non-droit où les garçons doivent faire preuve de virilité – Pedro doit apprendre les codes de la rue et intégrer l’idée que son enfance est déjà derrière lui. Si le début du film nous baigne dans le chaos d’une jeunesse vénézuélienne happée par la corruption et les gangs, la fuite de Pedro et d’Andrès change la donne. Dans les quartiers riches de Caracas où ils enchaînent les petits boulots, la candeur de Pedro renaît sous le regard d’Andrès qui, sans coller au canon masculiniste – il est à la fois discret et doux –, dégage une force rassurante. En détournant la route tracée de ses héros cabossés, le cinéaste infuse une lueur d’espoir dans ce récit au réalisme tranchant. • JOSÉPHINE LEROY

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" UNE CHRONIQUE ADOLESCENTE QUI N’A PAS PEUR DE L’IMAGINAIRE " LES CAHIERS DU CINÉMA

AU CINÉMA LE 8 MAI


FILMS

L’ÉPOQUE

— : de Matthieu Bareyre Bac Films (1 h 34) Sortie le 17 avril

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Inspiré

par Le Joli Mai (1963) de Chris Marker et Pierre Lhomme, qui faisait le portrait documentaire de Paris au printemps, Matthieu Bareyre est allé à la rencontre de la jeunesse dans les rues de la capitale, la nuit, de 2015 à 2017. Film bouillonnant et concerné que l’on sent réalisé dans un état second (les poussées d’adrénaline dans l’exaltation des manifs, l’étourdissement provoqué par les gaz lacrymo des CRS, la frénésie des clubs), L’Époque ne réduit jamais ses rencontres à des profils désincarnés (l’insurgé, le dealeur, l’étudiant en école de commerce…), mais prend le temps de l’écoute empathique – de laquelle il ressort une peur de l’avenir, une détresse liée aux inégalités et à la précarité, mais aussi une énergie communicative. Bareyre prend en revanche le parti de faire de toutes les figures de l’autorité une masse molle qui s’agite vaguement et vainement ; et c’est en la repoussant presque de son film que son Paris à lui paraît aussi vivant. La ville terne et dormante de la gentrification, des bars qui ferment ou du mobilier urbain anti-sdf s’embrase enfin. Si ce n’est pas « Paris est une fête », c’est alors au moins « Paris nous appartient ». • QUENTIN GROSSET

PREMIÈRE CAMPAGNE

— : d’Audrey Gordon Jour2fête (1 h 12) Sortie le 17 avril

Lors

de la dernière élection présidentielle, les éditorialistes chevronnés squattaient les plateaux télé. Ce documentaire vibrant prend le contrepied de ce défilé médiatique balisé. Parallèlement à la marche vers le pouvoir d’Emmanuel Macron, alors outsider de la politique française, on suit la jeune et passionnée journaliste Astrid Mezmorian, qui s’élance pour la première fois dans l’arène d’une présidentielle. Chargée par France 2 de suivre Emmanuel Macron tout au long de sa campagne, elle s’adapte à un agenda politique infernal et aux incessants flux d’infos. Éclairant et intense, le film nous ouvre les coulisses du métier, captant les précieux moments durant lesquels la journaliste transite de l’ombre à la lumière (de ses enregistrements à l’arrière d’une voiture et ses révisions de fiches par terre à ses passages antennes éclairs). « C’est déséquilibrant émotionnellement d’être dans une espèce de surchauffe », confie-t-elle à ses collègues dans le creux du soir, sans projecteur aux alentours. Pour un instant, la pression retombe, avant que la campagne ne reprenne de plus belle. • JOSÉPHINE LEROY

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FILMS

SEULE À MON MARIAGE

— : de Marta Bergman Destiny Films (2 h 01) Sortie le 17 avril

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Pamela

(la révélation Alina Serban), une jeune femme pétillante au manteau léopard, cheveux décolorés et rouge à lèvres pétant, vit avec sa grand-mère et sa fille près de Bucarest et rêve de se marier à un Occidental. Elle s’inscrit dans une agence matrimoniale et entre en contact avec un homme solitaire qui l’invite chez lui, à Liège. Pour ce premier long métrage de fiction, la Belge Marta Bergman s’est en partie inspirée des récits de jeunes Roumaines rencontrées pour son documentaire Un jour mon prince viendra… (1998). Avec finesse, elle observe la bascule de Pamela, qui passe d’un village pauvre et solidaire à cette ville étrangère où l’intégration de la communauté roumaine est difficile. Dans ce portrait doux et dense, elle saisit la frustration de son héroïne, qui voit sa volonté d’émancipation percuter la réalité (sans diplôme ni maîtrise de la langue, elle finit par tourner en rond dans l’appartement). À travers elle, Marta Bergman raconte tout aussi bien le désir brûlant d’échapper à une vie programmée que la détresse et l’isolement des délaissés de la mondialisation dès lors qu’ils tentent leur chance par-delà les frontières de leur pays. • JOSÉPHINE LEROY

90’S

— : de Jonah Hill Diaphana (1 h 25) Sortie le 24 avril

Los Angeles,

dans le courant des années 1990. Un été, Stevie (remarquable Sunny Suljic), 13 ans, ose enfin aborder la bande de skateurs qu’il admire. Avec elle, il va découvrir un nouveau monde. Visage bien connu du cinéma américain, l’acteur Jonah Hill (SuperGrave de Greg Mottola, Le Loup de Wall Street de Martin Scorsese) dévale, comme son jeune héros qui apprend à skater, une nouvelle pente : il signe ici son premier film en tant que réalisateur et scénariste. Remontant à ses souvenirs d’ado des nineties, il en reconstitue avec sa caméra Super 16 l’ambiance à la fois chill (quand la bande s’affale sur le canapé d’un magasin de skate en matant des clips MTV) et nerveuse (la rivalité entre les cultures hip-hop et skate, le stress des compétitions…). Au-delà du plaisir nostalgique (géniale B.O. qui mêle « Wave of Mutilation » des Pixies, « Tearz » de Wu-Tang Clan ou « My Name Is» d’Eminem), le film raconte parfaitement comment l’appartenance au groupe permet à ces jeunes skateurs passionnés d’échapper à leurs milieux familiaux et sociaux. En roulant auprès d’eux, on admire les espaces urbains qu’ils s’approprient (et on crève d’envie de faire partie de leur crew). • JOSÉPHINE LEROY

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FILMS

COMING OUT

— : de Denis Parrot KMBO (1 h 03) Sortie le 1er mai

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Face

à une webcam ou à un téléphone, des ados enregistrent leur tremblante déclaration avant de la diffuser sur Internet. La sobriété de ce dispositif n’a d’égal que la simplicité du propos de Denis Parrot qui, en suivant le principe du found footage, a rassemblé les coming out vidéo de jeunes gays, lesbiennes ou trans du monde entier pour mettre en exergue toute la complexité de ce rite de passage, quelle que soit l’origine des personnes qui s’expriment. Denis Parrot relie ainsi ces fragments de vie par le biais d’un montage minimaliste, ponctué de prénoms, de localisations et de brèves images contextuelles. La nature volontairement programmatique de l’ensemble permet de révéler les disparités individuelles, au-delà du destin collectif qui unit la communauté LGBTQ. Chaque témoignage se révèle in fine aussi singulier que poignant, provoquant parfois des réactions contrastées (elles aussi filmées par les ados) de la part d’un entourage tantôt bienveillant, tantôt insensible, voire violent. Coming Out ne donne aucune leçon quant à la sortie du placard idéale, mais affirme qu’amorcer le dialogue s’avère souvent libérateur. • CORENTIN LÊ

68, MON PÈRE ET LES CLOUS

— : de Samuel Bigiaoui

Sophie Dulac (1 h 24) Sortie le 1er mai

Soixante -huitard

radical reconverti en charismatique quincaillier, Jean refuse d’abord de se confier à la caméra de son fils, Samuel Bigiaoui. Difficile de percer la carapace de cet énergumène proche de la retraite, qui dissimule pourtant bien des secrets, de son passé d’étudiant diplômé à son improbable désir de vendre des clous. Les couloirs de Bricomonge, la quincaillerie bordélique et old school du Quartier latin tenue par Jean, deviennent vite le théâtre d’une lutte acharnée – mais cordiale – entre un fils trop curieux et son bougon de père. Suite aux témoignages des employés de la boutique et aux situations difficiles poussant Jean à la confession (l’ombre de la faillite, un rachat à venir puis le déstockage), Samuel Bigiaoui parvient quand même à récolter, ici et là, quelques bribes d’un intriguant et fascinant passé, entre sabotage militant et grands projets idéologiques depuis abandonnés. Sans complaisance, ce documentaire d’une grande simplicité esquisse ainsi l’histoire d’un anachronisme vivant, s’accommodant avec humilité de ne plus être en phase avec le monde qui l’entoure. • CORENTIN LÊ

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STANK, ANDOLFI ET JHR FILMs PRÉSENTENT

UN FILM DE

PA N

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J IN

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TOV

A

FESTIVAL JEAN ROUCH PRIX MONDE EN REGARD

PREMIERs PLANs D’ANGERS FIGURES LIBRES

FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE NAMUR

FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE LA ROCHELLE

LE 24 AVRIL à Paris en exclusivité au MK2 Beaubourg et dans toutes les bonnes salles en France


FILMS DERNIER AMOUR

À la fin du xviiie siècle, Casanova (Vincent Lindon) est un peu entamé et n’a plus la cote. Alors qu’il s’exile à Londres, la Charpillon (Stacy Martin), une jeune courtisane, ne cède à aucune de ses avances et le regarde s’agiter… Benoît Jacquot livre une vision crépusculaire du mythe en choisissant de s’intéresser à la décadence du célèbre aventurier vénitien. • Q. G.

— : de Benoît Jacquot (Diaphana, 1 h 38)

Sortie le 20 mars

SUNSET

Comme dans son premier long métrage, Le Fils de Saul, László Nemes déploie un dispositif d’immersion propice à une intense désorientation (de longs plans anxiogènes en caméra rapprochée). Ce nouveau film met en lumière la décadence de l’orée du xxe siècle et suit l’errance d’Írisz, une jeune femme à la recherche de son frère dans les rues de Budapest. • C. L .

— : de László Nemes (Ad Vitam, 2 h 21)

Sortie le 20 mars

RÉSISTANTES

Trois ex-militantes du FLN se remémorent, des décennies plus tard, la colonisation et la guerre d’indépendance algérienne… En croisant documents d’archives et souvenirs douloureux narrés avec douceur, ce documentaire lumineux lève le voile sur le racisme, l’antisémitisme et les crimes de guerre tout en faisant resurgir la belle solidarité née de ces temps troublés. • J. L .

— : de Fatima Sissani (Les Films des Deux Rives, 1 h 16) Sortie le 20 mars

STILL RECORDING

Saaed Al Batal a parcouru pendant quatre ans les ruines de Douma, au sud de la Syrie, filmant les fragments d’une guerre menée par la jeunesse locale. Avec son coréalisateur, il livre un documentaire terrassant habité par le devoir de mémoire et par l’envie, pour les cinéastes comme pour les soldats, d’affirmer que leur avenir aura pour théâtre ces terres. • C. L .

— : de Saeed Al Batal et Ghiath Ayoub (Arizona, 2 h 08) Sortie le 27 mars

LA LUTTE DES CLASSES

Alors que leurs amis scolarisent leurs enfants dans le privé, un musicien anar (Édouard Baer) et une avocate (Leïla Bekthi) choisissent de laisser leur fils à l’école publique de Bagnolet, malgré son isolement. Coscénarisé avec Baya Kasmi, comme Le Nom des gens en 2010, le film de Michel Leclerc se risque à aborder avec humour beaucoup de thèmes de société. • T. Z .

— : de Michel Leclerc (UGC, 1 h 43) Sortie le 3 avril

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NWAVE PICTURES PRÉSENTE EN ASSOCIATION AVEC

THE MONTECITO FILM COMPANY

UNE FAMILLE EN OR

AVEC LES VOIX DE

AU CINÉMA LE 10 AVRIL


FILMS TEL AVIV ON FIRE

Quand Salam se fait arrêter par un officier israélien à un checkpoint de Ramallah, il prétend être le scénariste d’un soap opera arabe à succès (en réalité, il est stagiaire régie) et accepte, sous pression, de réécrire le scénario d’un épisode… Portée par ce drôle de héros, cette comédie défend l’idée qu’un dialogue entre Israéliens et Palestiniens est encore possible. • J. L .

— : de Sameh Zoabi (Haut et Court, 1 h 37) Sortie le 3 avril

COMME SI DE RIEN N’ÉTAIT

À une réunion d’anciens camarades, Janne, une jeune éditrice au caractère affirmé, rencontre Martin. Ensemble, ils boivent, ils dansent, et elle accepte de l’héberger, mais la situation tourne au désastre : Martin la viole. Peu après, elle est amenée à le revoir… Dénué de tout sensationnalisme, ce film allemand aborde avec délicatesse la question du déni post-traumatique. • J. L .

— : d’Eva Trobisch (Wild Bunch, 1 h 34) Sortie le 3 avril

CURIOSA

Marie de Hérédia (Noémie Merlant) entretient une relation extraconjugale ardente avec Pierre Louÿs (Niels Schneider). Les deux amants placent la photographie au centre de leurs jeux érotiques… En s’inspirant de leur correspondance, Lou Jeunet souligne toute l’intensité et la modernité de cette relation entre ces deux poètes du tournant du xxe siècle. • Q. G.

— : de Lou Jeunet (Memento Films, 1 h 47) Sortie le 3 avril

J’VEUX DU SOLEIL !

Après avoir piégé une multinationale dans son docu Merci Patron ! (2016), le réalisateur, journaliste et député de la Somme François Ruffin est parti sur les ronds-points de France à la rencontre des « gilets jaunes ». Il en revient avec une collection de portraits de citoyens en grande précarité, à nouveau sous la forme d’un film-tract débordant d’optimisme. • T. Z .

— : de Gilles Perret et François Ruffin (Jour2fête, 1 h 15) Sortie le 3 avril

GENÈSE

Guillaume aime en secret son meilleur ami ; Charlotte, sa demi-sœur avide d’aventures sentimentales, rompt avec son copain ; en colo, Félix tombe amoureux pour la première fois. Ces trois partitions successives sur l’éducation amoureuse, tour à tour drôles, candides et sombres, évoquent l’angoisse sourde d’adolescents face à leurs propres mutations. • J. L .

— : de Philippe Lesage (Shellac, 2 h 11) Sortie le 10 avril

80


prix spĂŠcial du jury

un film de

Š design e.dorot

brillante ma mendoza

le 17 avril au cinĂŠma


FILMS BLANCHE COMME NEIGE

Clara (Lou de Laâge) échappe à un meurtre commandité par sa belle-mère (Isabelle Huppert, délicieusement over the top) jalouse de son éclatante beauté. Dans le village où elle se réfugie, sept hommes tombent amoureux de la jeune fille… S’emparant du conte avec drôlerie, Anne Fontaine imagine une Blanche-Neige qui s’épanouit dans le polyamour. • Q. G.

— : d’Anne Fontaine (Gaumont, 1 h 30) Sortie le 10 avril

LE VENT DE LA LIBERTÉ

En 1979, deux couples vivant en Allemagne de l’Est construisent une montgolfière pour gagner l’Ouest… Inspiré de l’histoire vraie de familles brimées par la politique de surveillance généralisée de la Stasi, ce thriller au rythme haletant reconstitue d’abord le sentiment d’enfermement de ses personnages avant d’offrir une spectaculaire échappée. • J. L .

— : de Michael Bully Herbig (ARP Sélection, 2 h 06) Sortie le 10 avril

MENOCCHIO

Dans un village des montagnes du Frioul, à la fin du xvie siècle, un meunier est accusé d’hérésie par l’Inquisition. Dans une mise en scène dépouillée, à l’image du mode de vie du héros, Menocchio travaille finement la lumière – même dans la grotte où il est détenu, le meunier ne laisse jamais sa chandelle s’éteindre, comme il le fait avec ses convictions. • T. Z .

— : d’Alberto Fasulo (Rouge, 1 h 43)

Sortie le 17 avril

ALPHA. THE RIGHT TO KILL

Au cœur des quartiers pauvres de Manille, un policier et son jeune indic s’investissent corps et âme dans la guerre contre la drogue… Entre deux scènes d’actions menées tambour battant, Brillante Mendoza fait la part belle au montage parallèle, opposant les deux faces d’une société philippine scindée entre misère sociale et zèle nationaliste. • C. L .

— : de Brillante Mendoza (New Story, 1 h 34) Sortie le 17 avril

EL REINO

Sur le point de rejoindre la direction nationale d’un important parti espagnol, le politicien Manuel López-Vidal est rattrapé par une sombre affaire de corruption. Sa tentative de dissimulation des preuves de son implication le fait tomber dans une spirale criminelle infernale… Un thriller en forme de satire souvent acide et haletante. • Q. G.

— : de Rodrigo Sorogoyen (Le Pacte, 2 h 11) Sortie le 17 avril

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APRÈS EX LIBRIS LE NOUVEAU FILM DU PLUS GRAND CINÉASTE DE L’HISTOIRE DE L’AMÉRIQUE CONTEMPORAINE

A ZIPPORAH FILMS RELEASE

MONROVIA ‚ INDIANA UN FILM DE FREDERICK WISEMAN

AU CINÉMA LE 24 AVRIL


FILMS WORKING WOMAN

À Tel-Aviv, une mère de famille accepte un poste dans une entreprise immobilière réputée. Harcelée par son nouveau patron, elle doit jongler entre sa vie familiale et la pression qu’elle subit au quotidien… L’Israélienne Michal Aviad signe un drame à l’impact immédiat, en écho à la (trop) récente prise de conscience concernant les violences sexuelles au travail. • C. L .

— : de Michal Aviad (KMBO, 1 h 32) Sortie le 17 avril

UN TRAMWAY À JÉRUSALEM

Amos Gitaï fait le portrait de Jérusalem à travers les passagers de son tramway, un peu comme Jim Jarmusch faisait celui de New York au prisme des clients d’un taxi dans Night on Earth (1990). Si toutes les saynètes ne se valent pas, certaines sont fascinantes : ce sont les plus méditatives, quand les personnages ne font pas autre chose que regarder par la fenêtre. • Q. G.

— : d’Amos Gitaï (Orange Studio / UGC, 1 h 34) Sortie le 24 avril

MAIS VOUS ÊTES FOUS

Avec Camille (Céline Sallette) et leurs deux filles, Roman (Pio Marmaï), dentiste, semble heureux. Sauf qu’il cache à sa famille sa cocaïnomanie… Pour son premier film, la scénariste Audrey Diwan (Ami-Ami de Victor Saint Macary) met son talent d’écriture au profit d’un drame contemporain bien rythmé qui souligne la difficulté de jongler entre travail et vie intime. • J. L .

— : d’Audrey Diwan (Wild Bunch, 1 h 35) Sortie le 24 avril

L’ADIEU À LA NUIT

Muriel (Catherine Deneuve), propriétaire d’un poney club, accueille son petit-fils, Alex (Kacey Mottet Klein), quelques jours avant qu’il ne parte étudier au Canada. Quand elle découvre qu’il est en fait sur le point de partir faire le djihad en Syrie, elle tente de l’en empêcher… André Téchiné confronte son sens du romanesque à un sujet contemporain épineux. • Q. G.

— : d’André Téchiné (Ad Vitam, 1 h 43) Sortie le 24 avril

VICTOR ET CÉLIA

Victor (Arthur Dupont) et Célia (Alice Belaïdi), anciens camarades et amants, se lancent dans la grande aventure de l’entreprenariat et décident de monter leur propre salon de coiffure, en dépit des difficultés qui s’accumulent… Pierre Jolivet (Ma petite entreprise) réalise un feel-good movie porté par un attachant duo de comédiens. • C. L .

— : de Pierre Jolivet (Apollo Films, 1 h 31) Sortie le 24 avril

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le somptueux portrait d’une anticonformiste The Guardian

Un film de

Pernille Fischer Christensen ©CARACTÈRES CR"DITS NON CONTRACTUELS

avec

ALBA AUGUST

8 mai


FILMS ALICE T.

Une adolescente tombe enceinte et procède en secret à une IVG médicamenteuse. Lui faisant croire qu’elle porte encore l’enfant, elle renoue avec sa mère adoptive qui, elle, n’a jamais pu donner la vie… Avec ce drame social précis dans sa mise en scène, Radu Muntean creuse la thématique du conflit générationnel caractéristique de la nouvelle vague roumaine. • C. L .

— : de Radu Muntean (Bac Films, 1 h 45) Sortie le 1er mai

CŒURS ENNEMIS

Hambourg, 1946. Au lendemain de la guerre, les retrouvailles entre Rachel (éclatante Keira Knightley) et Lewis, son mari, un officier anglais chargé de reconstruire la ville en ruines, sont troublées par l’arrivée d’un architecte allemand (Alexander Skarsgård) et sa fille dans leur maison… Ce film d’époque nous plonge avec tact dans la psyché d’une héroïne tourmentée. • J. L .

— : de James Kent (Condor, 1 h 48) Sortie le 1er mai

DIEU EXISTE SON NOM EST PETRUNYA

Une jeune Macédonienne en perte de repères s’immisce dans un rituel réservé aux hommes qui consiste à aller récupérer une croix jetée dans une rivière… Débute alors pour Petrunya une série de persécutions (par la police, les autochtones, les médias) à travers laquelle Teona Strugar Mitevska dresse le cinglant portrait d’une société vampirisée par la misogynie. • C. L .

— : de Teona Strugar Mitevska (Pyramide, 1 h 40) Sortie le 1er mai

GLORIA BELL

L’Argentin Sebastián Lelio (oscarisé pour Une femme fantastique en 2017) adapte son film Gloria (2013) sur le sol américain. Une quinquagénaire divorcée tente d’y retrouver la joie de vivre avant de faire la rencontre d’un homme dont elle tombe éperdument amoureuse… Julianne Moore est éclatante dans ce drame haut en couleur porté par la musicalité du montage. • C. L .

— : de Sebastián Lelio (Mars Films, 1 h 41) Sortie le 1er mai

HER JOB

Dans l’espoir d’une émancipation, Panayiota, une mère au foyer sans diplôme, parvient à décrocher un poste de femme de ménage dans un centre commercial d’Athènes… Le réalisateur grec Nikos Labôt filme avec attention les espoirs et les peines de cette femme déterminée qui finit par buter sur le plafond de verre d’une société gangrenée par la précarité. • C. L .

— : de Nikos Labôt (Jour2fête, 1 h 30) Sortie le 1er mai

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« UN ÉBLOUISSANT CONTE MUSICAL »

© AYANO TAKEDA - TAKARAJIMASHA/HIBIKE! PARTNERS

Cahiers du cinéma

Un film de NAOKO YAMADA

AU CINÉMA 17 AVRIL


COUL’ KIDS

ÉRIC JUDOR Après s’être fait connaître au sein du duo comique Éric et Ramzy, il est aujourd’hui à la fois comédien, auteur et réalisateur, par exemple du film Problemos (2017) et de la série Platane, dont la troisième saison est en préparation. En avril, il prête aussi sa voix au personnage principal du dessin animé américain Monsieur Link, une drôle de créature poilue de 2 m 40 qui engage un explorateur pour retrouver ses cousins lointains à l’autre bout du monde. Adèle l’a interviewé.

Quels points communs as-tu avec Monsieur Link, le personnage auquel tu prêtes ta voix ? Physiquement, c’est mon sosie. Ensuite, sous son air un peu rustre, il est plutôt éduqué : il sait écrire, je sais écrire… ça nous fait déjà plusieurs points communs. En revanche, il est immense, et j’ai un peu de mal à m’identifier à un grand. Comment se passe une séance de doublage et combien de temps cela prend en général ? Pour un comédien normal, je dirais trois jours ; pour un mec comme moi, je dirais neuf… Non, je plaisante, j’ai mis un jour et demi à enregistrer les dialogues. C’est plutôt fatigant, c’est un exercice très précis. Par exemple, même si on a du mal avec la prononciation d’un mot, on doit le garder, il n’y a pas de place pour l’improvisation. C’est une figure imposée, comme au patinage artistique. Monsieur Link et l’explorateur Lionel ont chacun un rêve. Et toi ? Racheter la tour Eiffel. Mais si je n’y arrive pas, j’aimerais faire un film avec les acteurs Larry David, Ricky Gervais ou Dwayne Johnson. Est-ce que tu as montré le film à tes enfants ?


L’INTERVIEW D’ADÈLE, 12 ANS LE DÉBRIEF

Non, pas encore, mais j’ai montré la bande-annonce à mon fils qui a 4 ans, et ça l’a fait flipper que le monstre ait ma voix. J’ai un peu peur qu’il fasse un transfert. Du coup, je vais attendre qu’il ait 5 ans pour regarder le film avec lui. Quand tu étais enfant, tu savais déjà ce que tu voulais faire comme métier ? Oui, mais ça changeait tous les quinze jours ! J’ai voulu être cycliste, puis tennisman, puis chef d’entreprise. J’ai eu pour objectif de devenir le plus gros vendeur de croissants et de pains au chocolat du monde. J’ai échoué : je livrais les viennoiseries du petit déjeuner très en retard, vers 14 h 30, alors forcément les gens étaient déçus. Je suis passé par plein d’étapes et puis, vers 27 ans, alors que j’étais logisticien dans une entreprise très sérieuse, j’ai fait un point sur ma situation et je me suis interrogé : « Quand je suis en réunion, est-ce que les gens m’écoutent ? Oui… un peu ; mais surtout… ils se marrent ! » Alors, j’ai décidé de creuser ce talent et je me suis lancé dans la comédie. Avec Ramzy, on s’est très vite retrouvés à faire

la première partie de Gustave Parking devant 1 500 personnes. On a eu les pétoches mais on a continué, et voilà comment tout a commencé. Tu as déjà écrit un dessin animé ? Oui, j’ai déjà créé une série d’animation, Mout-Mout [diffusée sur Canal+ en 2007, ndlr]. J’ai aussi travaillé avec Ramzy sur une idée de long métrage qui s’appelait Deux merguez à New York, l’histoire de deux merguez qui veulent percer dans la saucisse au royaume du hot-dog. Malheureusement le film américain Sausage Party est sorti en 2016 et on a dû abandonner l’idée ! Mais en ce moment on écrit une nouvelle histoire. Quels sont les films qui t’ont marqué quand tu étais enfant ? Mes parents regardaient beaucoup de films muets, comme les comédies de Charlie Chaplin, et j’ai aussi des souvenirs de toute la famille morte de rire devant les Marx Brothers. C’est un humour absurde, ils sont dingues, c’est tellement débile que cela devient poétique. J’ai été élevé à ça, d’où mon goût du burlesque et mon envie de jouer la comédie avec le corps. • PROPOS RECUEILLIS PAR ADÈLE (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE) — PHOTO : ERIOLA YANHOUI

— : « Monsieur Link » de Chris Butler Metropolitan FilmExport (1 h 32) Sortie le 17 avril, dès 3 ans

TOI AUSSI TU AS ENVIE DE RÉALISER UNE INTERVIEW ? DIS-NOUS QUI TU AIMERAIS RENCONTRER EN ÉCRIVANT À BONJOUR@TROISCOULEURS.FR

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COUL' KIDS

« J’ai vraiment adoré Monsieur Link, c’est une aventure drôle et émouvante à la fois. Quelques jours plus tard, j’ai rencontré Éric. Il est très blagueur, et j’ai cru que je n’arriverais jamais à poser ma première question : il n’arrêtait pas de me faire rire. Il m’a donné envie de découvrir les films des Marx Brothers qu’il regardait quand il était petit. »


LA CRITIQUE DE LÉONORE, 8 ANS

COUL' KIDS

ALEX. LE DESTIN D’UN ROI

« Je connaissais l’histoire du roi Arthur grâce à mon imagier des chevaliers. Mais là c’est différent, parce que ça ne se passe pas au Moyen Âge. C’est l’histoire d’un petit garçon d’aujourd’hui qui trouve l’épée d’Arthur. Mais Morgane, la demi-sœur d’Arthur, pense que c’est elle qui devrait avoir l’épée, et du coup elle l’attaque toutes les nuits avec ses gardes. Les gardes sont chouettes et font peur en même temps. J’aime beaucoup voir des êtres comme ça au cinéma. Les enfants reçoivent l’aide de Merlin, le magicien. Il peut se transformer en chouette, être jeune et vieux. Il est très rigolo, parce qu’il se tient bizarrement, un peu comme un Napoléon. Pour repousser les méchants, les chevaliers ont un code qui est : être brave, ne jamais mentir, ne pas se séparer et ne pas faire mal à ceux qui sont avec toi. Dans notre monde ça ne va pas bien, mais si on suivait tous le code des chevaliers nous aurions une Terre en quelque sorte parfaite. Je pense qu’avec ce code les enfants peuvent sauver le monde. »

LE PETIT AVIS DU GRAND L’auteur-réalisateur Joe Cornish n’a pas son pareil pour dynamiter le quotidien le plus morose avec un imaginaire déluré : après l’invasion extraterrestre d’une banlieue défavorisée d’Attack the Block, il transforme un jeune écolier grassouillet en héritier du roi Arthur. Ce faisant, il livre avec Alex. Le destin d’un roi une réflexion passionnante sur la nécessité des mythes, mais aussi sur l’héroïsme et la solidarité. Autant de thématiques qui, accessoirement, prennent une résonance savoureuse à l’heure du Brexit. • J. D.

— : de Joe Cornish 20th Century Fox France (2 h 01) Sortie le 10 avril dès 7 ans

COUL’ KIDO EST CACHÉ 3 FOIS DANS CETTE DOUBLE PAGE… SAURAS-TU LE RETROUVER ?

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TOUT DOUX LISTE TITO ET LES OISEAUX CINÉMA Dans un Brésil sombrant dans la peur et l’isolement, un jeune garçon féru d’ornithologie se met à la recherche de son père pour sauver le monde d’une dangereuse contamination… Coups de pinceau et jeux de perspectives nourrissent avec fougue cette aventure qui résonne avec l’actualité. • C. L .

: de Gustavo Steinberg, Gabriel Bitar et André Catoto (Damned, 1 h 13), sortie le 3 avril, dès 10 ans

il

L’ÎLE AUX CHIENS

av r

LIVRE

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5

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Atari part à la recherche de son chien, Spots, exilé sur une île à la suite d’une épidémie de grippe canine… Adapté du beau film de Wes Anderson sorti l’an dernier, ce manga marie l’imaginaire foisonnant du cinéaste à la finesse des traits du mangaka Minetarō Mochizuki. • C. L .

: de Minetarō Mochizuki

(Le Lézard noir, 70 p.), dès 9 ans

ROYAL CORGI CINÉMA Après avoir commis une bourde, Rex, le toutou favori de la reine d’Angleterre, fugue et atterrit dans un chenil… Ce film d’animation coloré et survitaminé offre d’hilarantes cascades burlesques aux plus petits et de savoureuses piques politiques aux plus grands. • J. L .

: de Ben Stassen et Vincent

Kesteloot (Apollo Films, 1 h 25),

© TAKASHI MURAKAMI ET KAIKAI KIKI

sortie le 10 avril, dès 5 ans

MONSTRES, MANGA ET MURAKAMI EXPO Avant d’envahir nos consoles avec la série Shangri La Blue de jeux Yo-kai Watch, les yōkai, ces esprits malicieux qui hantent le quotidien des mortels, ont toujours peuplé l’imaginaire nippon. Cette exposition révèle leur omniprésence dans les œuvres de Takashi Murakami, les mangas, les figurines ou l’art ancestral japonais. • C. L .

: jusqu’au 22 septembre

au Musée en herbe, dès 3 ans

LA bandE dessinéE Au cRoisEmeNt deS Arts Posy Simmonds Catherine Meurisse Alberto Breccia / Lamia Ziadé Atak / Chabouté … expos (ouvertes jusqu’au 28 avril), spectacles, rencontres, cinéma, librairie…

la

fermE du buisson scène nationale de marne-la-vallée

lafermedubuisson.com – RER A Noisiel


OFF

CECI N’EST PAS DU CINÉMA

DJ Weedim


SONS

LA REVANCHE DES BEATMAKERS

Alors que le rap français est devenu la musique pop d’aujourd’hui, alignant chaque semaine les records de ventes et de stream, les producteurs, longtemps relégués dans l’ombre des studios, veulent désormais leur part du gâteau.

États-Unis, les grands producteurs de rap, qui composent les instrus (sur lesquelles les MCs posent leurs textes) et qui participent à l’enregistrement et à la réalisation des morceaux (alors que les beatmakers se contentent de « fabriquer » des beats dans leur coin et de les envoyer à qui veut bien poser dessus) sont des stars depuis longtemps. De Marley Marl à Mike Will Made It, en passant par Pete Rock, Dr. Dre, The Neptunes, Timbaland ou J Dilla, les noms de ces architectes sonores sont connus, leurs styles identifiables et identifiés. En France, on n’en est pas encore là. Mais il semblerait que les choses soient en train de bouger, conjointement avec la prise de pouvoir du rap dans l’Hexagone – en 2018, c’était le genre musical préféré des Français, avec quatre rappeurs placés dans top 10 des meilleures ventes d’albums de l’année (Maître Gims, Orelsan, Damso et Soprano) aux côtés de Johnny Hallyday et de Mylène Farmer, et avec Vald, Booba et Niska en embuscade aux douzième, treizième et quatorzième rangs. En parallèle, plusieurs producteurs de rap ont gagné en visibilité, à l’instar de Skread (Orelsan), Dany Synthé (MHD, Maître Gims), Katrina Squad (SCH), Tefa (Sofiane), DJ Weedim (Alkpote) ou Seezy qui apparaît au travail dans XEU. Le doc, un making of de l’enregistrement de l’album à succès de Vald, XEU, diffusé sur YouTube. « Depuis un an environ, ça a bien changé pour nous, les producteurs, confie le jeune homme

de 23 ans, natif d’Évry. De plus en plus de rappeurs nous rendent hommage, que ce soit sur Instagram, sur YouTube ou dans les médias. Sur Insta, les beatmakers ont de plus en plus d’abonnés. Moi, par exemple, j’en ai 49 000. J’ai envie d’être reconnu à ma juste valeur, et pas seulement comme un rat de studio. » Si Seezy n’a pas encore la notoriété d’un Vald (un million d’abonnés sur le réseau), c’est un bon début.

SORTIR DE L’OMBRE

D’ailleurs, les producteurs hip-hop hexagonaux n’hésitent plus à monter un album sur leur nom. L’an dernier, on a ainsi vu défiler les disques solo de DJ Weedim (Boulangerie Française. Vol 2), Ikaz Boi (Brutal), Ghost Killer Track (Slimer Alchemists 2) ou Kore (Taxi 5. La B.O inspirée). Myth Syzer s’est même payé le luxe de livrer deux projets en moins d’un an (l’album Bisous et la mixtape Bisous mortels), sur lesquels le beatmaker de La Roche-sur-Yon n’hésite pas à pousser la chansonnette ou à rapper. « En France, ça ne se fait pas trop, les beatmakers qui passent derrière le micro, avance DJ Weedim. À part Myth Syzer, je ne vois personne. Peut-être parce qu’on a un côté geek. Mais il y a un moment où, à force d’attendre les gens, tu fais le truc toi-même ! » Un mantra que le DJ producteur d’origine niçoise de 37 ans applique sur son nouvel album 20/20, où il lâche un couplet en compagnie de son vieux complice Alkpote, et même un morceau

© NICOLAS PRADO

BEAT MACHINE L’art du beatmaking s’est démocratisé avec l’apparition de logiciels peu onéreux (ou piratés) comme FL Studio. « Il suffit d’un ordi et d’une connexion web, explique Heezy Lee. En deux semaines, tu sais faire une prod ; en un mois, quelque chose d’écoutable. Tu l’envoies à un rappeur, le son pète et voilà ! » Simple « comme un jeu vidéo », d’après Seezy, le logiciel serait utilisé par les trois quarts des producteurs. « Avant, c’était la galère, rappelle Heezy Lee, il fallait payer le matos, les vinyles, la MPC, et venir avec tes instrus au studio pour les faire écouter aux MCs. Aujourd’hui, n’importe qui peut envoyer un mail à Booba, il écoute tout, il ouvre ses mails. » DJ Weedim ajoute : « On a tous accès aux mêmes banques de sons, au même moment, aux États-Unis comme en France. Venir d’un bled n’est plus un handicap, ça donne une saveur ! » Parole de producteur originaire de Nice. • É. V.

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OFF

Aux


SONS

© SEEZY

de 28 ans, qui compose et chante aussi en solo, est également intervenu sur « DKR », le hit de Booba certifié diamant : « Jack Flaag a fait la prod’, moi j’ai ajouté quelques idées de mélodie sur l’instru et c’est tout. J’ai plus été topliner sur ce morceau. Mais je ne sais pas si j’ai le droit de le dire… » Un léger tabou persiste sur l’aspect collégial de la fabrique du rap en France, comme si le mythe de l’auteur demiurge devait absolument être préservé. DJ Weedim va plus loin. « Les toplines ne sont pas du tout assumées par les rappeurs français aujourd’hui. J’ai regardé les crédits du dernier album de Travis Scott. C’est un truc de fou. Il y a

OFF

Seezy

en solitaire. « À la base j’écris les refrains pour certains rappeurs, et puis on m’a dit : “Si tu sais faire un bon refrain, tu sais faire un bon couplet.” C’est vraiment les rappeurs qui m’ont poussé à me lancer en fait. S’ils valident, c’est que ça doit être bon. »

TOPLINES OF THE POP

Vous l’aurez compris, les rappeurs sont loin de tous écrire leurs refrains. Pour trouver la topline, cette petite rengaine addictive qui va hameçonner l’auditeur, ils s’en remettent souvent à un producteur. « Par exemple, pour le tube “Réseaux” de Niska, la topline a été trouvée par un producteur, rappelle DJ Weedim. La mélodie ne vient pas du rappeur. Et ce n’est pas dégradant pour lui d’aller chercher une topline chez quelqu’un d’autre. » Le producteur Heezy Lee confirme : « Le gimmick du refrain, le fameux « pouloulou », on l’a trouvé quand j’étais en studio avec Niska. On était trois compositeurs sur ce morceau, avec Le Motif et Pyroman. » Le Manceau

« Dans un morceau, la moitié des auditeurs aime quoi ? L’instru. » DJ WEEDIM

quinze mecs par morceau, c’est complètement transparent. En France, si tu dis d’un rappeur qu’on lui a écrit ses lyrics, je ne sais pas si t’imagines le tollé ! C’est impossible. » Mais il serait injuste de mettre tout le monde dans le même panier. Comme le souligne Heezy Lee, certains MCs comme Niska, Lacrim ou Dosseh ne cachent pas leur recours aux topliners. Il ajoute : « Les autres pourraient publier les crédits de manière plus visible, notamment dans leurs clips, sans faire croire qu’ils ont tout fait tout seul. » Ce serait un début. Mais on part de loin. Pour un DJ Mehdi (Mafia K’1Fry) ou un Pone (Fonky Family), beaucoup de producteurs de hits sont restés anonymes depuis « l’âge d’or » des nineties. « Les gens savent-ils qui a produit “Ma Benz” de NTM ?, s’interroge DJ Weedim [c’est DJ Spank, ndlr]. Ce n’était pas important à l’époque. Or dans un morceau, la moitié des auditeurs aime quoi ? L’instru. Aujourd’hui, les gens se rendent compte que le rap est un travail d’équipe. » Mieux vaut tard que jamais. • ÉRIC VERNAY

SIGNATURES Signer son instrumental en début de morceau avec un petit gimmick audio, c’est le principe du producer tag, également appelé liner. La pratique n’est pas nouvelle dans le rap américain – DJ Premier ou Just Blaze, par exemple, l’utilisent depuis longtemps –, mais elle s’est généralisée dans les années 2010 (les tags emblématiques de DJ Mustard, Metro Boomin ou Mike Will Made It), y compris en France. Quelques tags parmi d’autres : « Fuck it’s easy » (Seezy), « AWA the Mafia my nigga » (Kore) ou « You make me feel so good » (DJ Weedim). « Les producteurs en avaient tellement marre de ne pas être calculés qu’ils ont mis leur signature sur les instrus, explique DJ Weedim. Ils voyaient bien que certains artistes ne les mettaient pas en avant alors qu’ils avaient fait une grosse partie du job… Là, tu mets un tag, t’es protégé là-dessus. Les peintres signent leur tableau ; nous, nos sons. » Un bon moyen de marquer son territoire. • É. V.

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BETH GIBBONS ET

L’ORCHESTRE SYMPHONIQUE NATIONAL DE LA RADIO POLONAISE INTERPRÈTENT

HENRYK GÓRECKI | SYMPHONY NO. 3 |

“SYMPHONY OF SORROWFUL SONGS” SOUS LA DIRECTION DE

OP. 36

KRZYSZTOF PENDERECKI DISPONIBLE LE 29.03 EN CD/LP & ÉDITION DELUXE (INCLUS LE CONCERT FILMÉ EN DVD)


EXPOS

LAUREN HURET — : « Praying for my Haters », jusqu’au 28 avril au Centre culturel suisse

© MARGOT MONTIGNY

Vue de l’exposition

OFF

Lauren

Huret attire notre attention sur l’une des parties immergées de l’iceberg Internet. Le trop-plein des images qui y défilent sous nos yeux aurait tendance à nous faire oublier une réalité largement occultée, et que la jeune artiste suisse s’applique ici à mettre en lumière : l’effacement d’images (jugées) impossibles à regarder, et de fait invisibles pour les usagers. Une tâche qui n’est pas prise en charge par des algorithmes et autres intelligences artificielles, mais bien par des êtres humains à qui il revient de voir, trier et faire disparaître ce contenu explicitement violent et potentiellement traumatisant. Les fameux GAFA et autres géants du web ont recours à des entreprises de sous-traitance, principalement localisées aux Philippines et en Inde, qui emploient des centaines de milliers de content managers (sur)exposés à ces radiations visuelles sans aucun soutien psychologique. Alors qu’une imposante maquette architecturale évoque le caractère labyrinthique des bureaux et réseaux de ce système d’exploitation contemporain, une vidéo mêlant les registres documentaire et fictionnel est présentée : poursuivant ses recherches jusque sur le terrain, l’artiste s’est rendue à Manille pour filmer le lieu de travail de milliers de modérateurs de contenu contaminés, en martyrs, par ces images maudites et invasives. Une réalité ici amplifiée par un imaginaire mythologique et catholique qui soulève de passionnantes questions relatives aux liens entre vision et croyance(s), à l’aune d’une société (déjà) post-humaine. • ANNE-LOU VICENTE

Les modérateurs de contenu sont contaminés par ces images maudites et invasives.

LUIGI GHIRRI

JULIEN CREUZET

Cartographe poétique de l’Italie des années 1970, cet ancien géomètre révèle dans ses photographies des éléments isolés d’un paysage en voie d’urbanisation : décorations pavillonnaires, stations balnéaires, devantures de magasins, affiches publicitaires, décors de fêtes foraines… À travers ces (dé)cadrages conceptuels, Ghirri met en relief les faux-semblants de la société de consommation, prêtant à des détails anodins une force d’évocation atemporelle. • JULIEN BÉCOURT

Ancrés dans le concept de créolisation, les environnements de Julien Creuzet forment une constellation d’œuvres aux contours indéfinis, fatras de rhizomes dans lesquels les médiums se fragmentent et s’encastrent les uns dans les autres : poèmes, vidéos, musiques, sculptures… L’artiste reconstitue un archipel fantasmatique, hybridant rituels primitifs et low-tech, où même la réalité virtuelle devient prétexte à des mutations transculturelles. • J. B.

: « Julien Creuzet. Les lumières

: « Luigi Ghirri. Cartes et territoires »,

affaiblies des étoiles lointaines […] »,

jusqu’au 2 juin au Jeu de Paume

jusqu’au 12 mai au Palais de Tokyo

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06.03 - 26.05.2019 MEP · VILLE DE PARIS 5/7 RUE DE FOURCY 75004 PARIS MERCREDI ET VENDREDI DE 11H À 20H JEUDI DE 11H À 22H · LE WEEK-END DE 10H À 20H

© C o c o C a p i t á n , c o u r t e sy o f t h e a r t i s t

Qu’est-ce qui est bleu, blanc, noir, mesure 26 centimètres et vaut une petite dizaine de milliers d’euros ? Un vase de la série « Le Hibou » réalisée par Pablo Picasso en 1953, qu’un septuagénaire dit avoir oublié à bord d’un train, entre Cassel et Düsseldorf, mi-février. Immédiatement alertée, la police allemande a ouvert une enquête et a lancé un appel à témoins, mais la jolie cruche en céramique reste toujours introuvable. • Une œuvre un peu particulière était en vente fin février à la foire internationale d’art contemporain ARCO de Madrid. L’on pouvait s’offrir cette statue de cire de plus de 4 mètres de haut à l’effigie du roi Felipe VI contre 200 000 euros, à condition – et ce n’était pas négociable – de la brûler ensuite, comme les ninots, ces grandes figurines destinées à être passées par le feu lors de la traditionnelle fête des fallas à Valence. Les artistes, Santiago Sierra et Eugenio Merino, jouent avec (le feu) la liberté d’expression. • Parmi les croustillantes révélations faites par Michael Cohen, ancien avocat de Donald Trump, fin février, on a appris que le futur président aurait soudoyé un acheteur pour faire grimper la cote d’un portrait de lui vendu aux enchères en 2013. Cohen affirme que Trump lui aurait demandé de faire acheter par un tiers cette peinture de William Quigley 60 000 dollars, somme qu’il aurait ensuite remboursée avec les fonds de la Trump Foundation, son ex-association caritative. La croûte trônerait désormais dans l’une de ses résidences secondaires. • MARIE FANTOZZI ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL

TROIS COULEURS MAG • 85 x 285 mm PP Tel • Visuel: COCO CAPITAN • Remise le 6 mars

Tous les mois, notre chroniqueuse vous offre un concentré des dernières réjouissances du monde de l’art.

COCO CAPITÁN

BAT BoF •

ART COMPRIMÉ

mep.paris


SPECTACLES

OONA DOHERTY — : « Hard to Be Soft. A Belfast Prayer », le 23 mars au Théâtre Antoine Vitez (Ivry-sur-Seine), du 8 au 12 avril au Théâtre de la Bastille (50 min) • à l’Atelier de Paris – CDCN (1 h)

Lady Magma (2019)

© LUCA TRUFFARELLI

« Lady Magma », les 3 et 4 avril

OFF

En

2017, Oona Doherty débarquait sur les scènes françaises telle une comète. Personne, ou presque, n’avait entendu parler d’elle avant ce premier solo. Huit minutes incandescentes pendant lesquelles, large tee-shirt blanc et jogging immaculé, chaîne massive autour du cou et cheveux plaqués en arrière, elle charriait dans son corps nerveux toute la rage contenue des adolescents de Belfast. Une fulgurance au goût de reviens-y que le printemps théâtral permettra de rassasier. Pour la biennale de danse du Val-de-Marne, et dans la foulée au Théâtre de la Bastille, la chorégraphe reprend ainsi cette première prière, « Lazarus and The Birds of Paradise », et les trois autres qui composent la grande fresque Hard to Be Soft dédiée aux âmes tourmentées qui hantent l’Irlande : « Sugar Army », pour les rêves tenaces des filles-mères ; « Meat Kaleidoscope » pour les cœurs bourrus des pubs et les piliers de bar ; et enfin « Helium », un final plus abstrait, comme un appel à vivre le présent intensément. Si elle a longtemps observé ses concitoyens et planqué quelquefois son dictaphone dans son sac, la jeune femme se défend de faire de l’art social. C’est bien plus un hommage à ces anonymes qu’elle croise tous les jours et qui mériteraient un peu plus de douceur que ce que la vie leur offre qu’elle entend façonner. Et si sa dernière création, Lady Magma, semble changer radicalement de registre, c’est bien le même langage chorégraphique vibrant, à la frontière de la danse, qu’elle continue de creuser, célébrant cette fois une vision contrastée de la féminité. • AÏNHOA JEAN-CALMETTES

Une grande fresque dédiée aux âmes tourmentées qui hantent l’Irlande.

JR

MÉDUSE

Les pièces de FC Bergman ne craignent pas la démesure. Dans Le Pays de Nod, le collectif reconstituait grandeur nature une salle du musée royal des Beaux-Arts d’Anvers. Pour leur adaptation du roman de William Gaddis, il compose un immeuble désossé de plusieurs étages, espace de jeu à tiroirs et support de projection de films tournés en direct. Une scénographie verticale pour rejouer l’ascension fulgurante d’un impitoyable tradeur… âgé de 11 ans. • A. J.-C.

De prime abord, on a l’impression d’entrer au tribunal. Légèrement en hauteur, la juge trône et appelle à la barre Jean-Baptiste Savigny, officier rescapé du naufrage de La Méduse. Sauf que tout va déraper. Depuis les gradins, un marin se lève pour remettre en cause les justifications trop bien huilées de la caste dirigeante. Alors, la logique rationnelle se met à vaciller et nous porte, sans que l’on s’en aperçoive, vers un état trouble flirtant avec la folie. • A. J.-C.

: de FC Bergman, du 12 au 16 avril

à la Grande Halle de la Villette (4 h)

: du collectif Les Bâtards dorés, du 16 au

19 avril au T2G – Théâtre de Gennevilliers et du 24 au 27 avril au Centquatre (1 h 45)

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jusqu’au 21 avril

2019 — Berthier 17e

La Trilogie de la vengeance création

texte et mise en scène Simon Stone librement inspiré de John Ford, Thomas Middleton, William Shakespeare, Lope de Vega

avec Valeria Bruni Tedeschi Éric Caravaca Servane Ducorps Adèle Exarcopoulos Eye Haïdara Pauline Lorillard Nathalie Richard Alison Valence 01 44 85 40 40 theatre-odeon.eu #LaTrilogiedelavengeance


RESTOS

COQS EN PÂTE

OFF

© JULIE LIMONT

On voulait d’abord vous parler d’un coup de cœur : Rooster. Si son nom – « coq » en anglais – est trompeur (le poulet rôti n’est pas le concept du lieu), on en profite quand même pour vous guider aussi jusqu’au Coq Rico et à Pouledeluxe. Vous nous remercierez.

ROOSTER Rooster, en anglais du Nouveau Monde, ça veut dire « coq » – les British préfèrent cock, dont le double sens peut faire sourire. Mais bon, le coq, pour le chef Frédéric Duca, c’est la France, son pays, tandis que le rooster, c’est un clin d’œil à sa vie d’avant, dans la Grosse Pomme. On vous explique. Né à Marseille il y a un peu plus de quarante ans, ce cuisinier n’est pas le perdreau de l’année. Gérald Passédat, Hélène Darroze, le Martinez, Taillevent : il a fait ses gammes auprès de chefs prestigieux et dans des établissements qui ne le sont pas moins. Après avoir ouvert seul L’Instant d’Or, à Paris, il est allé planter Racines à New York, chez le serial restaurateur David Lahner. Il vient de nous revenir et a réaménagé un vieux rade parisien en bistrot à la déco brute : pierre, bois (superbe vaisselier chiné trônant au centre), cuir et marbre. Au service, Morgane et Camille, aperçues chez Racines des Prés, sont aux petits soins, pros et cool à la fois. Dans l’assiette, l’accent Méditerranéen est bien prononcé : panisses, beignets de cervelle d’agneau à la sauce putanesca, linguine à l’encre de seiche et aux oursins, encornets au chorizo et citron confit, meringue et sorbet citron vert, sablé anis. Mais aussi : rouget et oignons de Roscoff, bœuf en jus de daube, légumes de saison et confit d’agrumes. On est bien au chaud dans ce nouvel antre du bon goût qui réchauffe l’âme autant que l’estomac. Menus : 26 €, 32 €, 68 € – Carte : 50 € • STÉPHANE MÉJANÈS

: 137, rue Cardinet, Paris XVIIe

LE COQ RICO

POULEDELUXE

Créé en 2012 par Antoine Westermann, jadis triplement étoilé, le lieu se réinvente avec un tour de France des belles volailles : une race différente chaque mois – pintade perle noire en avril, caille de Haute-Loire en mai. Les cuissons sont parfaites, les garnitures aussi : gratin de macaroni, pommes frites, fricassée de légumes. Menu : 27 €. Carte : 55 €. • S. M.

Ne pas se fier au nom : ici, pas de poulaillers d’acajou, de belles basse-cours à bijoux. On s’y régale sans chichi de plats simples. Volailles bio, Label Rouge, races pattes noires ou de Bresse, on choisit son morceau préféré (comme en famille, mais sans se battre) et sa garniture (poêlée de légumes, salade de haricots verts moutardés). Plat : 17 €. • S. M.

: 98, rue Lepic, Paris XVIIIe

: 117, avenue Mozart, Paris XVIe

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LES CONFÉRENCES FRANCE INTER Cycle « Cerveau »

Les mystères du sommeil Studio 104 de Radio France Jeudi 18 avril à 20h

Une conférence animée par

Et en direct au cinéma dans toute la France

Crédit photo : Radio France, Christophe Abramowitz

MATHIEU VIDARD LIONEL NACCACHE


CONCERTS

GEORGIA ANNE MULDROW — : le 11 avril à La Bellevilloise © DREW GURIAN

OFF

Pour

découvrir les pépites des musiques actuelles, il est souvent plus utile d’écouter ce que disent les artistes que de suivre le vote du public ou même les louanges de la critique. Georgia Anne Muldrow n’a pas l’aura de Beyoncé ou le sex-appeal de Rihanna. C’est pourtant l’une des plus grandes voix soul de sa génération, comptant parmi ses fidèles Erykah Badu, Blood Orange ou Mos Def (qui la compare volontiers à Nina Simone et Ella Fitzgerald). Le « problème » de cette Angeline de 36 ans, c’est d’avoir toujours fait passer la musique avant ses intérêts personnels. Non contente de mettre son âme résistante et généreuse dans ses interprétations, elle est la productrice de la plupart de ses chansons, une experte en beats et en sampling qui n’a rien à envier à son copain Madlib. Elle souffre par ailleurs d’une prolixité presque maladive qui ne lui laisse que peu de temps pour s’occuper de son image – dix-sept disques depuis 2006, qui dit mieux ? Il est sans doute trop tard pour qu’elle se change en aimant à Grammy Awards, mais pas pour inscrire son nom au firmament de la great black music. Accompagnée de son groupe The Righteous, elle viendra faire entendre son « negro-spiritual esthétiquement réactualisé » sur la scène de la Bellevilloise. Si à l’avenir elle devient une légende comme Nina Simone ou Ella Fitzgerald, vous pourrez dire que vous y étiez, quand elle jouait ses chansons étincelantes en toute intimité dans une ancienne coopérative de l’est parisien. • MICHAËL PATIN

C’est l’une des plus grandes voix soul de sa génération comptant parmi ses fidèles Erykah Badu ou Mos Def.

LES FEMMES S’EN MÊLENT

NILÜFER YANYA

Mêlée toujours aussi excitante pour cette vingt-deuxième édition du festival qui célèbre la scène féminine indé, avec la magnétique Anna Calvi, la coolcore Camilla Sparksss, le folk équilibriste de Tiny Ruins et toute une bande de juniors époustouflantes parmi lesquelles Silly Boy Blue et sa dreampop serre-cœur, Dope Saint Jude et son hip-hop queer , Regina Demina et sa techno gore et girly, Otha et sa pop dancefloor pastel, et l’ardente Pongo, nouvelle reine du kuduro. • ETAÏNN ZWER

Depuis le single Small Crimes (2016), la jeune prodige londonienne affole les radars. La faute à son indie-pop lo-fi et cosmopolite, bricolage habilement infusé de soul et de groove insulaire, de mélodies vaporeuses et de guitares exaltées. Un art brut et vrai qu’elle livre sur un premier album aussi brillant que désarmant, Miss Universe, vignette sci-fi à l’humour noir et à l’esprit plus rock (« In Your Head »). Promesse d’un live très séduisant. • E. Z .

: du 3 au 6 avril au Trabendo

: le 26 avril au Point Éphémère

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RÉALITÉ VIRTUELLE

MANIFEST 99 TRAIN FANTÔME

— : (Flight School), dès 7 ans

OFF

C’est

l’une des plus belles scènes du Voyage de Chihiro de Hayao Miyazaki : un wagon file sur l’océan, avec à son bord une fillette et quelques fantômes d’allure bienveillante, tandis que défilent sur les vitres des paysages oniriques. Manifest 99 rappelle cette aura contemplative de train fantôme, avec un parfum d’angoisse en sus. Vos meilleurs amis sont ici des corbeaux. Il s’agit de trouver leur regard blafard dans les recoins cachés du décor, pour progresser dans les couloirs en clair-obscur du tortillard. Pas besoin de manettes dans cette expérience VR, vos yeux suffisent amplement à vous téléporter. Le but du voyage se montre vaporeux au départ, ce qui, loin d’être frustrant, participe grandement du plaisir. Il faut à la fois être attentif au surgissement des sombres volatiles et s’ouvrir à la logique surréelle de la narration. Alors que les angles de vues se font toujours plus perchés (le plafond, sous les fauteuils, dans un cageot…) et que les contre-plongées violentes sculptent un imaginaire impressionniste, on se laisse gagner par l’atmosphère de conte gothique, par le biais de quatre rencontres avec des passagers à l’apparence d’animaux mythologiques. Quel lourd secret cache donc cet ours assis en face de vous ? Et cette chouette ou cette biche ? Là encore, la progression se fera de rétine à rétine, puisque croiser leur regard s’avère le seul moyen de déclencher des flash-back, par télépathie. Une manière ludique et hantée de vérifier que l’œil est bien le miroir de l’âme. • ÉRIC VERNAY

Pas besoin de manettes, vos yeux suffisent amplement à vous téléporter.

THEBLUE

LUNA PUZZLE MUSICAL

PLONGÉE SOUS-MARINE

Porte d’entrée idéale vers la VR pour les plus petits, Luna est un jeu intuitif, stimulant et totalement apaisant, qui libère des espaces ludiques insoupçonnés. Dans la peau d’un oisillon rouge, le joueur aura à rétablir l’équilibre naturel – rien que ça ! – à l’aide de ses manettes. Même si planter des forêts ou dessiner des constellations n’est pas toujours un jeu d’enfant, l’harmonie zen aide à résoudre ces casse-tête bucoliques. • É. V.

: (Funomena), dès 5 ans

Dans l’océan, on se sent minuscule. Notamment lorsqu’une baleine bleue approche sa gigantesque silhouette à quelques centimètres de votre tête et se met à vous fixer… Une tortue céleste et un banc de méduses roses plus tard, vous voilà dans l’obscurité, au milieu de crabes albinos, à la rencontre d’un dragon des abysses : ce poisson du troisième type est précédé d’une sorte de lampe torche naturelle… À moins que ce ne soit une canne à pêche laser ? • É. V.

: (Wevr), dès 5 ans

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Musée Marmottan Monet 07 mars 21 juillet

L’ORIENT DES PEINTRES © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Ur tado

DU RÊVE À LA LUMIÈRE


PLANS COUL’ À GAGNER

LA TRILOGIE DE LA VENGEANCE SPECTACLE

© CAROLE BELLAÏCHE

— : de Simon Stone, jusqu’au 21 avril aux Ateliers Berthier – Odéon-Théâtre de l’Europe (2 h 10)

Simon

d’Avignon. Pour son retour en France, c’est du côté du théâtre élisabéthain que l’Australien part en vadrouille. S’inspirant de Shakespeare, bien sûr, mais également de Thomas Middleton et de John Ford, il crée une Trilogie de la vengeance dans laquelle il s’agit, aux côtés d’un réjouissant casting presque exclusivement féminin (Valeria Bruni Tedeschi, Adèle Exarchopoulos, Nathalie Richard…), d’exorciser la misogynie. Le temps a sonné, pour le théâtre, de se relire à l’aune de la domination patriarcale. • AÏNHOA JEAN-CALMETTES

OFF

Stone est jeune, brillant, et fait partie de ces metteurs en scène qui pensent que les textes classiques n’ont pas dit leur dernier mot. Il n’hésite pas à se confronter aux monstres de la tradition, quitte à les réécrire. On pourra citer le dramaturge norvégien Henrik Ibsen, dont il s’empare pour sa première excursion du côté du cinéma – The Daughter, inspiré du Canard sauvage en 2016 –, ou bien chez qui il puise personnages et intrigues pour composer Ibsen Huis, la pièce qu’il a présentée l’an dernier au Festival

PULP FESTIVAL

BANDE DESSINÉE

Pour sa 6e édition, ce festival continue de faire la part belle aux croisements artistiques. On pourra notamment y découvrir une adaptation scénique du roman illustré Ô Nuit Ô Mes Yeux de Lamia Ziadé, les œuvres d’autrices telles que Posy Simmonds et Catherine Meurisse ou une relecture de Tintin par Atak. • C. L .

: « Pulp Festival 2019. La bande dessinée au croisement des

arts », du 5 au 7 avril à La Ferme du Buisson (Noisiel)

PASSER-BY

EXPO

Beca Lipscombe et Lucy McKenzie, les créatrices du label de mode Atelier E.B, livrent une exposition qui interroge l’histoire des arts plastiques par la figure du mannequin. En dévoilant sous toutes les coutures leurs recherches textiles, les deux artistes construisent un récit visuel dans lequel se côtoient silhouettes désarticulées et fragments de leurs superbes collections. • C. L .

: « Atelier E.B. Passer-by », jusqu’au 28 avril Vue de l’exposition

à Lafayette Anticipations

COMPUTER GRRRLS

EXPO

Parce que la machine n’est pas qu’une affaire d’hommes, le travail d’une vingtaine d’artistes s’expose à La Gaîté Lyrique. Des origines computationnelles à l’intelligence artificielle, les impressions 3D de Simone C. Niquille, les vidéos de Tabita Rezaire ou les installations VR du collectif Hyphen Labs viennent révéler l’apport essentiel des femmes au numérique. • C. L . Nadja Buttendorf, Soft Nails, 2018

: « Computer Grrrls », jusqu’au 14 juillet à La Gaîté Lyrique

© CATHERINE MEURISSE ; PIERRE ANTOINE, LAFAYETTE ANTICIPATIONS ; NADJA BUTTENDORF

Dessin de Catherine Meurisse

SUR TROISCOULEURS.FR/PLANSCOUL



SONS

CHRIS COHEN — : « Chris Cohen » (Captured Tracks)

OFF

© EBRU YILDIZ

L’ancien

membre de Deerhoof, de The Curtains et de Cryptacize poursuit sa lumineuse carrière solo en bouclant en beauté le troisième volet d’une trilogie pop psychédélique, aussi sincère et sensible que virtuose et savamment composée. Après Overgrown Path (2012) et As if Apart (2016), merveilles de pop alambiquée, d’harmonies complexes et d’accords composés, le songwriter californien conclut ce cycle introspectif avec des chansons évoquant sans pudeur, d’une voix douce et blanche, la séparation de ses parents, après cinquante-trois ans de vie commune. De Chris Cohen, ce premier album qui porte son nom, il dit : « Je me sentais prêt à parler ouvertement de ma vie privée. Par le passé, j’ai écrit des chansons autobiographiques, mais je n’étais pas prêt à verbaliser certaines choses. J’étais ensuite déçu de constater que tout le monde n’avait pas compris de quoi parlaient mes chansons. C’était difficile de trouver une manière de dire qui ne soit pas cheap, ou qui ne donne pas l’impression que je portais un

SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM ? « Ce serait Soft Fiction de Chick Strand. Je pense souvent à la maison qui y apparaît – le soleil qui traverse les feuilles et frappe le plancher de bois, quelqu’un frappe à la porte d’entrée, personne à la maison, les plantes et les bibelots partout. J’aimerais que ma musique soit à la hauteur de

jugement sur les événements et les gens. Alors j’essaie de nouveau, d’une façon différente. » Et de jolie manière : ballades douces-amères, aux progressions harmoniques aussi surprenantes qu’entêtantes, serties de batteries mates, de basses rondes et d’arrangements parcimonieux mais toujours essentiels, les chansons de Chris Cohen distillent une léthargie ambivalente dont les soubassements sophistiqués affleurent en lumineuses éclosions colorées. Entre torpeur californienne (« Twice in a Lifetime », dans la lignée des productions seventies de la scène de Laurel Canyon) et psychédélie new-yorkaise (les guitares velvetiennes de la litanie « House Carpenter »), Chris Cohen « espère avoir trouvé un nouveau type de palette, qui n’est pas une chose en particulier, mais une combinaison de plusieurs éléments. Comme un autel à ma musique préférée, ou la musique de mes rêves. » Sa musique, suave et feutrée, augmentée ici de saxophones mélancoliques et là de brillantes ornementations jazz, est bien pour nous en tout cas une musique de rêve. • WILFRIED PARIS

l’ambiance qui se dégage de ce film. On y voit des gens qui parlent à la première personne, mais on n’est jamais sûr qu’il s’agisse d’acteurs. Ils racontent des histoires intimes, parfois difficiles, mais elles sont présentées d’une manière si assumée, ouverte, que ça nous permet d’en penser ce qu’on veut. » CHRIS COHEN

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JUKEBOX JAKUZI

: « Hata Payı » (City Slang)

Alors que la Turquie d’Erdoğan traverse une période trouble, un regain d’énergie parcourt l’underground rock du pays. Témoin de ce bouillonnement, le duo Jakuzi. Venus du punk, Kutay Soyocak et Taner Yücel expriment leurs doutes, leurs angoisses et leur rage rentrée dans l’écrin synthétique et eighties de la new-wave. Ces Depeche Mode stambouliotes méritent votre attention. • É. V.

ZOLA

: « Cicatrices » (AWA) Âgé de 19 ans, le protégé du producteur vedette Kore a grandi entre l’est de la France et la banlieue parisienne. En bombardant YouTube de ses clips aux millions de vues, Zola s’était imposé l’an dernier comme un rappeur à suivre. Sur son premier album, il enquille les morceaux imparables avec une agilité folle, dans la lignée sautillante d’un Koba LaD, basé comme lui à Évry. Salace, brut, décomplexé. • É. V.

WAND

: « Laughing Matter » (Drag City)

Le groupe de L.A. a surgi dans le paysage indé avec une rafale de trois albums psyché dégainés en quatorze mois seulement, suivis d’un superbe album en 2017 et d’un EP l’an dernier. Proches du garage-rockeur californien Ty Segall, Cory Hanson et ses acolytes reviennent explorer de nouveaux territoires biscornus, à l’image du premier single « Scarecrow », héritier du Radiohead post-OK Computer. • É. V. ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT


SÉRIES

VERNON SUBUTEX — : saison 1 en avril sur Canal+

© XAVIER LAHACHE

OFF

L’adaptation

très attendue de la trilogie de Virginie Despentes ne déçoit pas, portée par un Romain Duris étincelant en ex-figure du rock clochardisée. En même temps, qui mieux que l’interprète de l’insolent Tomasi du Péril jeune de Cédric Klapisch pouvait incarner Vernon Subutex, ancien disquaire incontournable de la capitale désormais au chômage ? Le même, vingt-cinq ans plus tard, rattrapé par la crise, les excès, le temps qu’on n’a pas vu passer… Dès la première séquence, hirsute, clope au bec, en passe d’être expulsé de son appart, Duris EST le personnage des livres. Et le reste de la série réalisée par Cathy Verney et coécrite avec Benjamin Dupas est à l’avenant. Au gré des plans logement foireux que se cherche Vernon le crevard en

REVOIS

remontant le fil de ses vieux amis Facebook, c’est tout ce milieu artistique parisien et toute la géniale galerie de quadras-quinquas abîmés que Despentes a peint dans sa trilogie qui prend fidèlement vie à l’écran sous les traits de Laurent Lucas, Philippe Rebbot ou encore Céline Sallette, impériale dans le rôle de l’emblématique fouille-merde la Hyène. Moins polyphonique, fatalement plus resserrée sur son héros, davantage linéaire dans son intrigue fil rouge autour du testament vidéo laissé à sa mort par le vieux pote de la bande devenu star, Alex Bleach, la série conserve intacte ce qui faisait la puissance des romans : sa férocité de ton et sa justesse d’observation. Avec en plus le luxe de pouvoir faire entendre en vrai la bande-son de cette génération. Forcément rock. • GRÉGORY LEDERGUE

VOIS

PRÉVOIS

POUPÉE RUSSE

THE LITTLE DRUMMER GIRL

RAISED BY WOLVES

Révélation au timbre éraillé d’Orange Is the New Black, Natasha Lyonne se donne le premier rôle de ce Un jour sans fin new-yorkais qu’elle a cocréé avec Leslye Headland et Amy Poehler. En fêtarde condamnée à revivre éternellement la même soirée, elle est extraordinaire de générosité et de vulnérabilité mêlées dans cette comédie existentielle enthousiasmante. • G. L .

Park Chan-wook (Old Boy) adapte John Le Carré. Le résultat est un thriller d’espionnage d’une précision implacable sauvé d’une froideur certaine par les décors naturels européens, la patine seventies, Michael Shannon en agent israélien aux trousses de terroristes palestiniens et la douée Florence Pugh (The Young Lady) en actrice recrutée pour infiltrer lesdits terroristes. Classieux. • G. L .

Producteur télé très actif (The Good Wife), Ridley Scott mettra en scène les deux premiers épisodes de la série de science-fiction qu’écrit Aaron Guzikowski (scénariste de Prisoners) à propos d’une colonie humaine sur une lointaine planète, encadrée par un couple d’androïdes. Voilà qui pourrait avoir de l’allure. • G. L .

: saison 1 sur Netflix

: saison 1 sur Canal+

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: prochainement sur TNT aux États-Unis, en attente de diffuseur français


Un drôle de festival

nou v eau ! 100% rigolo

Drôles de rencontres, de films, d’expos, d’idées, d’équipe Drôle de public

Non mais sérieux, tu viens ? 18 21 avril 2019 Design graphique : ABM Studio

forumdesimages.fr


JEUX VIDÉO

OFF

METRO EXODUS

Ce

— : Deep Silver (PS4, One, PC) —

FPS fait de la fin du monde un spectacle permanent, traversé de fulgurances visuelles et sensitives. Adaptée d’un classique de la science-fiction russe, la saga Metro imagine une Russie postapocalyptique envahie par les radiations nucléaires et les mutants dans laquelle l’humanité n’a eu d’autre choix que de se terrer dans les tunnels du métro moscovite pour survivre. Ce troisième épisode marque le départ de son héros, Artyom, vers l’est du pays, guidé par l’espoir de trouver un nouveau havre de paix, à l’air libre. Soumis à un réalisme drastique, le jeu assume toujours – et même encore plus que ses prédécesseurs – une certaine âpreté dans son gameplay, pour coller aux conditions de vie draconiennes de ses protagonistes. Ici, ni interface virtuelle ni GPS : on se repère au moyen d’une boussole,

on bichonne son arme pour ne pas qu’elle s’enraye, on enfile un masque à gaz dès que l’air vient à manquer dans certaines zones irradiées, on se fabrique ses propres outils et munitions avec les pièces détachées glanées çà et là au milieu des ruines. Très inspiré par Stalker (le roman comme le film de Tarkovski), Metro Exodus privilégie une approche sensorielle de ce futur néfaste, sublimé par une technique de pointe. Ici, la fin du monde se contemple autant qu’elle se ressent : chaque décor semble palpable, chaque effet climatique (brume, pluie, blizzard, canicule) trouble nos sens d’une illusion presque épidermique. Comme si l’apocalypse n’était plus un cauchemar lointain mais une réalité bien tangible, que seul le jeu vidéo nous permettait de toucher du doigt. • YANN FRANÇOIS

RESIDENT EVIL 2

ASTRONEER

Classique de l’horreur sorti en 1998, Resident Evil 2 connaît enfin un remake à la hauteur de sa légende. Entièrement modernisée, sa mise en scène surpasse même tout ce qui se fait ailleurs en matière d’horreur. Un chef-d’œuvre increvable, tout comme ces maudits zombies. • Y. F.

Approche pop et méticuleuse de la conquête spatiale, Astroneer nous met dans la peau d’un(e) astronaute devant survivre par ses propres moyens sur des planètes aussi bariolées qu’hostiles. Hypnotique (pour ne pas dire chronophage), le jeu est un vrai bijou du genre. • Y. F.

: Capcom (PS4, One, PC)

: System Era Softworks (PC, One)

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ACE COMBAT 7. SKIES UNKNOWN Si le jeu d’avion a quasi disparu de nos écrans, il reste encore des challengeurs comme Ace Combat pour lui redonner de la superbe. Ses sensations de vol sont tellement enivrantes qu’on rempile avec plaisir – malgré son parti pris de blockbuster fantasque. • Y. F.

: Bandai Namco (PC, PS4, One)


Chaque mois, notre chroniqueur explore les mondes du jeu vidéo indépendant en donnant la parole à l’un de ses créateurs.

Dans un paysage digne d’un dessin de maternelle, un petit bonhomme rouge tente de sauver les habitants d’une bourgade des griffes d’une compagnie industrielle qui les exploite allègrement en leur promettant de l’argent gratuit (sic). On pourrait croire au prologue d’un livre Monsieur Madame. Mais non, il s’agit bien là d’un jeu ; l’un des plus drôles de l’année, de surcroît. On le doit à une collaboration ponctuelle entre deux artisans du jeu indé français, Rémi Forcadell et Arnaud De Bock. Tout part d’un prototype, campé par un bonhomme aux mouvements élastiques, que Forcadell poste un jour sur les réseaux sociaux. Immédiatement séduit, De Bock le contacte et se propose de l’aider pour en faire un jeu à part entière. « L’idée, raconte-t-il, était de créer une expérience accessible et légère, mais qui reste surprenante. Comprendre un environnement, y voir des références internes pour mieux y entrer, c’est ce que je préfère dans un jeu. » S’il reprend les bases de tout jeu d’aventure qui se respecte, Pikuniku vaut surtout pour ses saynètes et dialogues hilarants, qui torpillent autant l’actualité (le méchant inspiré d’Elon Musk) que certains tropes du jeu vidéo, comme la collectionnite maladive de pièces d’or dans Super Mario. « Je trouve cette idée tellement absurde, atteste Forcadell, que j’ai décidé d’en rendre compte à travers le gameplay : les pièces que vous ramassez tout au long de l’aventure n’auront jamais aucune utilité. » Toute la force de Pikuniku se tient là : transformer le monde et ses aberrations en thérapie par le rire – que l’on devrait déclarer d’utilité publique. • YANN FRANÇOIS

— : « Pikuniku » (Sectordub | Switch, PC)


LIVRES

EXPLORATEURS, TOURISTES ET AUTRES SAUVAGES Quiconque

a déjà ouvert un vieux récit de voyage ou d’ethnographie sait combien la rencontre avec des peuplades lointaines est une aventure qui nous fait prendre conscience de la relativité de notre mode de vie et de notre vision du monde. Les mœurs des Esquimaux, des Papous de Nouvelle-Guinée et des Indiens Bella Coola ne sont-elles pas aussi raisonnables que les nôtres ? Connaissant ce pouvoir irrésistible du dépaysement, Jean Talon, qui – comme son nom ne l’indique pas – est italien (il est membre en Italie de l’Oulipo, à l’instar de Perec dont il est le traducteur), s’est plongé dans la littérature de voyage et dans les classiques de l’ethnologie pour écrire Explorateurs, touristes et autres sauvages, un savoureux essai dans lequel il relate quelques rencontres célèbres entre Occidentaux et « primitifs », du xvie siècle à nos jours. Ce qui l’intéresse dans ces histoires vraies n’est pas tant la bizarrerie, aux yeux des voyageurs français ou anglais, des Indiens Hän ou des habitants de Formose que l’incompréhension fatale entre les cultures, même quand l’observateur est un savant renommé. D’un ton grinçant, Talon raconte ainsi comment le grand Bronisław Malinowski, légende de l’ethnographie contemporaine, auteur du livre culte La Vie sexuelle des sauvages du nord-ouest de la Mélanésie, a été mené en bateau par les Trobriandais, dont il était venu partager le quotidien. Le trouvant attachant mais un peu stupide, ils lui auraient en effet raconté n’importe quoi, suivant ce qu’il

voulait entendre, en le poussant du coup à échafauder une théorie complètement fausse sur leurs mœurs prétendument libertines et délurées… Jean Talon, cela dit, n’est pas du genre à jouer les redresseurs de torts : qu’ils aient eu raison ou qu’ils se soient trompés sur toute la ligne, les aventuriers et ethnologues qu’il met en scène, véritables hérauts du dialogue entre les hommes, lui inspirent principalement

OFF

Trouvant Bronisław Malinowski attachant, les Trobriandais lui auraient raconté n’importe quoi. de l’admiration, et même de la reconnaissance. Derrière le ton ironique et amusé, Explorateurs, touristes et autres sauvages recèle ainsi une belle méditation sur la disparition des cultures non occidentales, détruites ou banalisées par la mondialisation, et, par-delà la réflexion sur l’incommunicabilité et le malentendu, un éloge vibrant de la diversité humaine et de l’émerveillement. • BERNARD QUIRINY

— : de Jean Talon,

traduit de l’italien par Stéphanie Leblanc (Plein Jour, 160 p.)

COMME À LA GUERRE

LA GUERRE DES PAUVRES LE PASSEUR

D’habitude, l’écrivain voyageur Julien Blanc-Gras nous emmène au bout du monde. Cette fois-ci, il reste chez lui pour explorer ce continent immense et méconnu : l’éducation d’un enfant, à l’ère du terrorisme et de la peur. Ses vannes font mouche à chaque fois. • B. Q.

Le prix Goncourt 2017 transforme un nouvel épisode historique – la révolte menée par l’humble Thomas Müntzer au xvie siècle – en matériau romanesque dont il tire une méditation miniature sur la lutte des classes remplie de raccourcis saisissants. • B. Q.

Un recueil de textes brefs sur Gracq, Déon, Tournier, Mohrt, de Gaulle, Aragon, Chaillou et d’autres, tous membres du panthéon personnel de Le Guillou, à prendre comme une invitation à la lecture et comme une carte du paysage littéraire de l’auteur. • B. Q.

(Stock, 288 p.)

(Actes Sud, 80 p.)

(Mercure de France, 192 p.)

: de Julien Blanc-Gras

: d’Éric Vuillard

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: de Philippe Le Guillou


BD

OFF

SACCAGE

Le

— : de Frederik Peeters (Atrabile, 96 p.) —

paysage de la bande dessinée est parcouru par les inquiétudes des artistes face à la catastrophe écologique en cours. Frederik Peeters s’insère dans cette perspective avec un livre au format à l’italienne en marge des catégories. Aucun texte en effet ne vient troubler ces 74 grands dessins pleine page toutefois organisés narrativement. Un homme traverse un monde à la fois foisonnant et dévasté. Il est accompagné du fantôme instable d’un enfant dont il tente de faire le deuil. Sous le stylo bille virtuose de l’auteur, les visions de cauchemar s’amoncellent. Aux enfers mythologiques se superpose celui du nucléaire. Les références assumées s’accumulent. Nous sommes plongés dans les allégories poétiques, et l’émotion et la douleur n’en sont que plus fortes. Les amateurs de BD rechignent souvent face aux ouvrages muets, ayant la sensation de ne pas en avoir pour leur argent. Saccage est la preuve qu’ils se trompent, tant sa durée de consommation, de contemplation et de décryptage peut se prolonger. • VLADIMIR LECOINTRE 115


MK2 SUR SON 31

© WALT DISNEY

LES JARDINS D’ÉDEN

OFF

À la poursuite de demain de Brad Bird (2015)

A rès

un hiver passé sur les rives du cinéma de l’Asie de l’Est, mk2 invite ses spectateurs à se promener dans « Les jardins d’Éden ». Une nouvelle saison culturelle à l’ombre des plus belles pousses du cinéma mondial. Du début du printemps à la fin de l’été, près de cent films, cycles thématiques, rétrospectives, séances exclusives, conférences et événements dans les cinémas, pour trouver son petit coin de paradis. Le nouveau mk2 store, au mk2 Bibliothèque, propose dans le même temps des objets et des signatures d’ouvrages qui explorent les différentes incarnations du jardin au cinéma. Matt Damon y fait pousser des patates pour survivre dans Seul sur Mars, Cécile de France et Édouard Baer y dessinent un labyrinthe amoureux dans Mademoiselle de Joncquières,

Timothy Spall en saisit les mystères, armé de ses toiles et de ses pinceaux dans Mr. Turner, George Clooney y rêve une cité utopique dans À la poursuite de demain… Pour creuser les différents sillons du jardin à l’écran, mk2 propose différents cycles, avec notamment des documentaires portant sur les notions d’écologie et de préservation de la biodiversité, des longs métrages de science-fiction où le jardin ne pousse plus sous le ciel bleu mais dans des serres extraterrestres, une sélection de films d’auteurs, ou encore un cycle de films pour enfants. • CLAUDE GARCIA

— : du 10 avril au 10 octobre. Infos et réservations sur www.mk2.com

DES RÉTROSPECTIVES ET DES CYCLES

DES OBJETS UNIQUES

DES CONFÉRENCES INSPIRANTES

Tout au long de la saison, une programmation exceptionnelle de près de cent films, avec notamment Madame Bovary, Petit paysan, Cloud Atlas, Jessica Forever et des rétrospectives de maîtres de la mise en image des jardins et autres forêts.

Livres, DVD, affiches de films, magazines rares, mais aussi accessoires design, petit mobilier et textiles… La boutique mk2 store, au mk2 Bibliothèque, présente une sélection d’objets qui résonnent avec la thématique de la saison, pour faire pousser son petit coin de paradis.

Auteurs, scientifiques et conférenciers partagent leurs savoirs et leurs expériences autour de thématiques comme « Comment quitter la ville pour la campagne », « Sur la route du plus grand road trip de tous les temps » ou « La véritable histoire des free parties ».

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mk2 SUR SON 31 JUSQU’AU 9 AVRIL CYCLE JUNIOR Pour les enfants de 2 à 4 ans : La Petite Fabrique de nuages et Le Cochon, le renard et le moulin ; Le Rêve de Sam et Les Espiègles.

DIMANCHE 24 MARS INITIATION À L’ART EN FAMILLE « La lutte de Gorgone Méduse et Persée : un regard pétrifiant. »

: mk2 Quai de Seine à 11 h

: mk2 Quai de Seine, mk2 Gambetta, mk2 Bastille (côté Beaumarchais) et mk2 Bibliothèque, les samedis et dimanches matins

JUSQU’AU 7 MAI CYCLE JUNIOR Pour les enfants à partir de 5 ans : Ratatouille ; 1 001 Pattes ; Le Monde de Nemo ; Rebelle.

: mk2 Gambetta, mk2 Bibliothèque et mk2 Quai de Loire, les samedis et dimanches matins

JEUDI 21 MARS ARCHITECTURE ET DESIGN « Les années 60 : design pop et anti-design. »

: mk2 Bibliothèque

MARDI 26 MARS UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Analyse d’un classique : Shining de Stanley Kubrick. » Conférence suivie de la projection de Room 237 de Rodney Ascher (à réserver en complément de la conférence).

KARMA CINÉMA Cours de méditation en salle, ouvert à tous (enfants et adultes, pratiquants et néophytes) sous la conduite de Sophia L. Mann.

: mk2 Odéon (côté St Michel)

: mk2 Quai de Seine

ARCHITECTURE ET DESIGN « Design et utopies. »

à 11 h

CULTISSIME ! Projection de Ponyo sur la falaise de Hayao Miyazaki.

: mk2 Gambetta dans l’après-midi

LUNDI 25 MARS 1 HEURE, 1 ŒUVRE « Alberto Giacometti, L’Homme qui marche (1960). »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

(entrée BnF)

LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « Le MoMA de New York. »

à 20 h

: mk2 Bastille

à 20 h

JEUDI 28 MARS : mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h

LA PHOTOGRAPHIE « Panorama de la photographie aujourd’hui. »

: mk2 Quai de Loire à 20 h UNE HISTOIRE DE L’ART « Paris 1900. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

SAMEDI 30 MARS L’ART CONTEMPORAIN « Les grandes figures de l’art contemporain : Jeff Koons, Damien Hirst, Haruki Murakami. »

: mk2 Bastille

(côté Beaumarchais)

(côté Beaumarchais)

à 12 h 30

à 11 h

: mk2 Quai de Loire

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Qu’est-ce qu’une éducation réussie ? »

à 20 h

: mk2 Odéon (côté St Germain)

FASCINANTE RENAISSANCE « Le Maniérisme. »

LA PHOTOGRAPHIE « Du daguerréotype à l’argentique : la nostalgie du passé ? »

UNE HISTOIRE DE L’ART « Les nabis et l’Art nouveau. »

à 18 h 30

: mk2 Beaubourg

PORTRAITS DE FEMMES « Maria Callas, la voix d’une tragédienne. »

à 20 h

: mk2 Parnasse

SAMEDI 23 MARS L’ART CONTEMPORAIN « La sculpture contemporaine. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

FASCINANTE RENAISSANCE « La Renaissance française et l’école de Fontainebleau. »

: mk2 Beaubourg à 11 h

à 18 h 30

: mk2 Beaubourg à 11 h

DIMANCHE 31 MARS INITIATION À L’ART EN FAMILLE « Narcisse : un amour impossible. »

: mk2 Quai de Seine à 11 h

LE DOCUMENTAIRE DU LUNDI Avant-première de Still Recording de Saaed Al Batal et Ghiath Ayoub suivie d’un débat avec les deux réalisateurs et la distributrice du film, Bénédicte Thomas.

: mk2 Quai de Loire à 20 h

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Défis et grands travaux : le Paris du xxie. »

: mk2 Grand Palais à 20 h

CULTISSIME ! Projection d’Edward aux mains d’argent de Tim Burton.

: mk2 Gambetta dans l’après-midi

LUNDI 1er AVRIL LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « La réalité existe-t-elle ? » Avec Albert Moukheiber.

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

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L’AGENDA


mk2 SUR SON 31 SCIENCES SOCIALES ET CINÉMA « Quelle(s) identité(s) ? » Projection d’Après Mai d’Olivier Assayas, suivie de son commentaire par un enseignant-chercheur de l’EHESS.

: mk2 Bibliothèque à 19 h 45

MARDI 2 AVRIL

INITIATION À L’ART EN FAMILLE « Orphée et Eurydice : perdus dans les enfers. »

CULTISSIME ! Projection de La Mouche de David Cronenberg.

: mk2 Quai de Seine à 11 h

: mk2 Gambetta

LUNDI 8 AVRIL LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Vouloir être libre : le plus court chemin vers la servitude ? »

UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Stanley Kubrick : un misanthrope qui fascine ? »

: mk2 Odéon (côté St Germain)

: mk2 Odéon (côté St Michel)

SAISON ACID POP « Filmer les sentiments : romantisme ou réalisme, faut-il vraiment choisir ? » Projection de L’Amour debout de Michaël Dacheux en présence du réalisateur et de Vladimir Mathieu Lis.

à 20 h

JEUDI 4 AVRIL ARCHITECTURE ET DESIGN « Le temps de la rupture : le postmodernisme. »

: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h

à 18 h 30

: mk2 Quai de Seine à 20 h

MARDI 9 AVRIL UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « François Truffaut : l’élève sérieux de la Nouvelle Vague ? »

: mk2 Quai de Loire à 20 h

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

: mk2 Beaubourg à 20 h

SAMEDI 6 AVRIL

JEUDI 11 AVRIL ARCHITECTURE ET DESIGN « Le groupe Memphis : libérer la couleur et la forme. » (entrée BnF) à 20 h

: mk2 Bastille

UNE HISTOIRE DE L’ART « Derain et Vlaminck, l’aventure fauve. »

: mk2 Beaubourg à 20 h FASCINANTE RENAISSANCE « El Greco, le plus espagnol des Crétois. »

: mk2 Beaubourg à 11 h

DIMANCHE 7 AVRIL ENTRONS DANS LA DANSE « Les chorégraphes d’aujourd’hui : William Forsythe, Anne Teresa De Keersmaeker, Ohad Naharin. »

SAMEDI 13 AVRIL L’ART CONTEMPORAIN « Berlin, ville ouverte. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

: mk2 Bastille

VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « Peut-on aller vivre sur une autre planète ? »

(côté Fg St Antoine)

: mk2 Quai de Loire à 11 h

à 11 h

CULTISSIME ! Projection de La Colline aux coquelicots de Gorō Miyazaki.

: mk2 Gambetta dans l’après-midi

: mk2 Odéon (côté St Germain)

MARDI 16 AVRIL UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Quentin Tarantino : est-il bien sérieux ? »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

JEUDI 18 AVRIL ARCHITECTURE ET DESIGN « L’architecture high-tech : du Centre Pompidou au viaduc de Millau. »

: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h

UNE HISTOIRE DE L’ART « L’Expressionnisme en Allemagne. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

LUNDI 6 MAI

: mk2 Bibliothèque

L’ART CONTEMPORAIN « Lumière sur Paris. » (côté Beaumarchais) à 11 h

LUNDI 15 AVRIL LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Vaut-il mieux être seul ou mal accompagné ? » à 18 h 30

LA PHOTOGRAPHIE « Penser la photographie : de Walter Benjamin à Michel Poivert. »

UNE HISTOIRE DE L’ART « Matisse et Picasso, deux grandes figures de l’art moderne. »

dans l’après-midi

DIMANCHE 14 AVRIL NOS PREMIÈRES FOIS « 30 (pré)histoires extraordinaires. » Rencontre avec Nicolas Teyssandier.

: mk2 Bibliothèque à 11 h

120

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Et si nous entrions vraiment en relation avec les machines ? » Avec Philippe Nassif.

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

SCIENCES SOCIALES ET CINÉMA « Quelle(s) identité(s) ? » Projection de De l’autre côté de Fatih Akın, suivie de son commentaire par un enseignant-chercheur de l’EHESS.

: mk2 Bibliothèque à 19 h 45

MARDI 7 MAI UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Michelangelo Antonioni : l’architecte du cinéma. »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h


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OFF

LE BRAS CASSÉ DU CINÉ

Tu

INTELLIGENCE A

as découvert qu’un nouveau voisin dans l’immeuble d’à côté était scénariste. Le job de tes rêves, ton fantasme, ton Graal. Deux fois, tu l’as alpagué pour lui proposer ton aide. « Je vois ce que les autres ne voient pas », as-tu insisté. La première fois, il t’a caressé les cheveux (sans enlever ses moufles) en face de l’immeuble ; la seconde, il t’a tapoté le dos près des poubelles (comme on le ferait avec une jument). Double humiliation : ton diable intérieur s’est réveillé en sursaut. Une nuit, tu as décidé de contacter Janusz, un vague cousin geek, pour espionner le voisin méprisant et le mettre sur écoute : s’il a un projet, tu dois savoir lequel – il en parlera peut-être au téléphone. Janusz t’a prévenu : « Espionner va te rendre fou. Fais attention, peut-être qu’il n’y aura rien, ça peut durer des mois. » La folie naviguait déjà dans tes veines, paisiblement, comme une boîte de thon catalane éventrée sur la Seine. Elle t’avait rendue totalement insomniaque. La nuit, tu restais en short de bain sur le balcon, avec des jumelles braquées sur l’appartement de

ton voisin, au cas où tu l’apercevrais en train d’écrire. Le soir où ton cousin s’est mis à parler d’intelligence artificielle pour mener à bien le projet d’espionnage, ton père, présent, l’a chopé par le col. « Pourquoi tu veux nous fourguer un truc artificiel ? T’as pas une vraie intelligence ? » Long silence. Tout passerait donc par une enceinte connectée et piratée – un cadeau de ton entreprise que tu avais en double lui dirais-tu – que tu offrirais à ta victime en guise d’amitié sincère. Celui-ci ne se méfierait pas : il ne se nourrit que de yaourts au bifidus, il vit dans un monde parallèle. Bingo : il l’a prise de bon cœur, comme prévu. Pendant douze jours, Janusz n’a rien eu à se mettre sous la dent, si ce n’est flatulences et petits cris pendant la nuit. Le treizième, il t’a divulgué un secret douloureux : « Il prépare un film sur un voisin. Je crois que c’est toi. Il dit qu’il t’a vu jardiner sur ton balcon avec la raie découverte et prendre ton bain sur le ventre. Il a appelé un collègue pour l’aider à écrire. Ça s’appellera Le Bras cassé. » • RAMSÈS KEFI ILLUSTRATION : AMINA BOUAJILA

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LE

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