TROISCOULEURS #174 - novembre-décembre 2019

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N 174

O

NOV.  - D ÉC. 2019 GRATUIT

RÉVÉLATION

ALEXIS LANGLOIS PETIT PRINCE DU TRASH


SRAB FILMS PRÉSENTE

REPRÉSENTANT DE LA FRANCE

AUX OSCARS

“IMPLACABLE ET VIRTUOSE” JDD

“UN ÉLECTROCHOC” “SENSATIONNEL” ELLE LES INROCKS

“UN FILM

“UNE ŒUVRE

UNIVERSEL”

MAGISTRALE” LE PARISIEN

L’EXPRESS

UN FILM DE LADJ LY

AU CINÉMA LE 20 NOVEMBRE


ÉDITO Combien

de cinéastes peuvent se targuer d’avoir à la fois inventé une esthétique et donné un grand coup de pied aux normes sociétales de leur époque ? Ils sont peu et viennent tous de l’underground : Jean Genet, Chantal Akerman, Pier Paolo Pasolini… Le jeune réalisateur qui trône en couverture de ce numéro nous passionne parce qu’il se nourrit lui aussi de sa révolte pour bousculer les codes visuels en place. Puisant son énergie dans les luttes LGBTQ+, et ses sources formelles dans l’univers flamboyant et énervé des films de Werner Schroeter, de Jack Smith et surtout du « pape du trash », John Waters, Alexis Langlois réussit aussi, dans la poignée de courts métrages qu’il a pour l’heure réalisés, à injecter ce qui remue la génération post-Internet, inventant une grammaire cinématographique truffée d’émojis mignons et traversée par le caractère aléatoire et l’humour trollesque de la navigation sur les applis. Son dernier court, De la terreur, mes sœurs !, est un revenge movie pailleté, musical et parfois gore, sorte de Faster, Pussycat! Kill! Kill! des années 2020, centré sur quatre copines trans qui se vengent par l’imaginaire contre les insultes, l’objectivation, les brimades qu’elles subissent au quotidien. Alors que le film a remporté le Grand Prix du court métrage au festival de Bordeaux, et que le cinéaste prépare son premier long métrage, on a eu envie d’en savoir plus : d’où vient-il ? où a-t-il forgé son style déglingué et onirique qui détonne dans le cinéma français ? qui est la bande qui fait bloc autour de lui, véritable troupe comme Fassbinder ou Waters en avaient ? Du Havre au bar Les Souffleurs dans le Marais, des soirées queer Flash Cocotte au plateau de tournage de De la Terreur mes sœurs ! et à la prépa de son premier long, Les Reines du drame, on a retracé le parcours de ce petit prince du trash qui fera bientôt trembler le cinéma français. • JULIETTE REITZER ET QUENTIN GROSSET



POPCORN

P. 12 CHAUD BIZ : LA GUERRE DES PLATEFORMES • P. 14 RÈGLE DE TROIS : RAMZY BEDIA • P. 22 FLASH-BACK : AVATAR

BOBINES

P. 26 EN COUVERTURE : ALEXIS LANGLOIS • P. 40 ENTRETIEN : ROBERT GUÉDIGUIAN • P. 50 PORTFOLIO : MARIE LOSIER

ZOOM ZOOM

P. 60 INDIANARA • P. 62 LE BEL ÉTÉ • P. 64 LES MISÉRABLES P. 66 IT MUST BE HEAVEN • P. 68 LILLIAN

COUL’ KIDS

P. 82 INTERVIEW : COLAS GUTMAN • P. 84 LA CRITIQUE DE LÉONORE : LE VOYAGE DU PRINCE • P. 85 TOUT DOUX LISTE

OFF

P. 86 LA CUISINE ISRAÉLIENNE À PARIS • P. 95 CONCERTS : KOMPROMAT • P. 105 BD : DÉDALES

ÉDITEUR MK2 AGENCY — 55, RUE TRAVERSIÈRE, PARIS XIIe — TÉL. 01 44 67 30 00 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ELISHA.KARMITZ@MK2.COM | RÉDACTRICE EN CHEF : JULIETTE.REITZER@MK2.COM RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE : TIME.ZOPPE@MK2.COM | RÉDACTEURS : QUENTIN.GROSSET@MK2.COM, JOSEPHINE.LEROY@MK2.COM GRAPHISTE : JÉRÉMIE LEROY | SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : VINCENT TARRIÈRE | STAGIAIRES : DAVID EZAN, EMILIO MESLET ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : LÉA ANDRÉ-SARREAU, JULIEN BÉCOURT, LOUIS BLANCHOT, LILY BLOOM, CHARLES BOSSON, RENAN CROS, JULIEN DUPUY, MARIE FANTOZZI, YANN FRANÇOIS, ADRIEN GENOUDET, DAMIEN LEBLANC, GRÉGORY LEDERGUE, OLIVIER MARLAS, BELINDA MATHIEU, STÉPHANE MÉJANÈS, THOMAS MESSIAS, JÉRÔME MOMCILOVIC, WILFRIED PARIS, MICHAËL PATIN, LAURA PERTUY, PERRINE QUENNESSON, BERNARD QUIRINY, GAUTIER ROOS, CÉCILE ROSEVAIGUE, ANNE-LOU VICENTE, ETAÏNN ZWER & LÉONORE ET LIAM PHOTOGRAPHES : JULIEN LIÉNARD, PALOMA PINEDA, JAMES WESTON | ILLUSTRATEURS : JERRY CAN, PABLO COTS, SAMUEL ECKERT, ÉMILIE GLEASON, ANNA WANDA GOGUSEY, PABLO GRAND MOURCEL | PUBLICITÉ | DIRECTRICE COMMERCIALE : STEPHANIE.LAROQUE@MK2.COM | RESPONSABLE MÉDIAS : CAROLINE.DESROCHES@MK2.COM ASSISTANTE RÉGIE, CINÉMA ET MARQUES : MANON.LEFEUVRE@MK2.COM RESPONSABLE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : ALISON.POUZERGUES@MK2.COM ASSISTANTE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : CLAIRE.DEFRANCE@MK2.COM PHOTO DE COUVERTURE : PALOMA PINEDA POUR TROISCOULEURS / MERCI AU DOC TROISCOULEURS EST DISTRIBUÉ DANS LE RÉSEAU LE CRIEUR CONTACT@LECRIEURPARIS.COM © 2018 TROISCOULEURS — ISSN 1633-2083 / DÉPÔT LÉGAL QUATRIÈME TRIMESTRE 2006 — TOUTE REPRODUCTION, MÊME PARTIELLE, DE TEXTES, PHOTOS ET ILLUSTRATIONS PUBLIÉS PAR MK2 AGENCY EST INTERDITE SANS L’ACCORD DE L’AUTEUR ET DE L’ÉDITEUR. — MAGAZINE GRATUIT. NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE.


INFOS GRAPHIQUES

Avis

FINES LAMES

aux détectives amateurs : le 27 novembre sort À Couteaux tirés, huis clos policier de Rian Johnson dans lequel un patriarche est retrouvé sauvagement assassiné dans le manoir familial. Pour tester vos capacités d’enquêteurs, rien de tel qu’un Cluedo cinéphile : reliez ces armes illustres à leur propriétaire. • LÉA ANDRÉ-SARREAU — ILLUSTRATION : JERRY CAN

L’équipe des Ghostbusters

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il est déjà trop tard.

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mise à mort. Ça vous

a sauvé plus d’une fois

un colt automatique.

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fait rire ? Attendez qu’il

la vie de scientifiques

Son but : tirer plus vite

d’exterminer des

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passionnés par le

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hordes de zombies.

inconnus.

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un miroir.

ne sort jamais sans son meilleur ami, un pistolet de poche aussi appelé Criquet infernal.

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SOLUTIONS :

ÉMOPITCH PROXIMA (SORTIE LE 27 NOVEMBRE) 6


MON VOISIN PRODUCTIONS ET ÉPITHÈTE FILMS PRÉSENTENT

« UN COUP DE MAÎTRE ÉBLOUISSANT » L’Obs

CAMILLE COTTIN

JEAN-PIERRE DARROUSSIN

ÉRIC CARAVACA

CÉLESTE BRUNNQUELL

COURAMIAUD - Photos © CHRISTOPHE BRACHET

UN FILM DE SARAH SUCO

AU CINÉMA LE 20 NOVEMBRE


FAIS TA B. A .

À chaque jour ou presque, sa bonne action cinéphile. Grâce à nos conseils, enjolivez le quotidien de ces personnes qui font de votre vie un vrai film (à sketchs).

L.L.C. TO

US

POUR VOTRE PLUS VIEILLE POTE, AVEC LAQUELLE VOUS AVEZ FAIT LES QUATRE CENTS COUPS

: « Richard Linklater. Le cinéma, matière-temps »,

Boyhoo

du 25 novembre au 6 janvier au Centre Pompidou

d (2014

© BOYHO DROITS OD INC. IFC PR RESERV ODUC TI ES ONS I,

Elle a vu vos chutes les plus honteuses et a subi vos délires alcoolisés… Pour fêter vos quinze ans d’amitié, allez voir ensemble l’expo (qui montre des photos de tournages, des documents préparatoires et une vidéo expérimentale inédite) et la rétro que le Centre Pompidou consacre à Richard Linklater (Dazed and Confused, Boyhood), figure du ciné indé américain et auteur de teen movies culte. )

POUR VOTRE MERE, QUI REGARDE SANS ARRÊT SON ALBUM PHOTO DE MAI 68

© ROBERT KRAMER

Berlin 10/90 (1990)

Nostalgique des luttes d’hier, elle passe sa retraite à feuilleter sempiternellement le même album sur le canapé rouge de son salon. Emmenez-la à la Cinémathèque pour la rétro Robert Kramer (1939-1999), cinéaste américain engagé et voyageur, qui a notamment filmé la résistance vietnamienne (People’s War, 1970) et la réunification allemande (Berlin 10/90, 1990). De quoi l’inciter à sortir sa Super 8 de sa cave.

: « Rétrospective Robert Kramer », jusqu’au 24 novembre à la Cinémathèque française

POUR VOTRE PROF D’ARTS MARTIAUX, QUI VOUS A LIBÉRÉ(E) DE VOTRE RAGE INTÉRIEURE Vous êtes désormais apaisé(e) grâce à ses sessions de kung-fu. Parce que vous avez repéré le portrait de Bruce Lee qui trône dans son bureau, offrez-lui cette captivante bio consacrée à la trop courte vie de l’acteur et réalisateur, star des arts martiaux née dans une famille très métissée, et habité, depuis son enfance à Hong Kong, par une vraie fureur de vaincre (du titre de son film sorti en 1973 en France) qui l’a mené jusqu’à Hollywood.

: « Bruce Lee. Un gladiateur chinois » d’Adrien Gombeaud (Capricci, 144 p.)

© SURVIVANCE

POUR VOTRE COUSIN BRÉSILIEN, UN MILITANT PRO-BOLSONARO QUI VOUS REND VISITE

Les Bruits de Recife de Kleber Mendonça Filho (2014)

Si dans la vraie vie il est assez cool, ses posts Facebook vous irritent. Lors de son passage à Paris, invitez-le au festival « Un état du monde » qui, pour sa 11e édition, promet une belle et large exploration du cinéma brésilien contemporain avec des invités de prestige (dont Kleber Mendonça Filho, coréalisateur du fou Bacurau). Au mieux, il virera écolo ; au pire, vous aurez des débats passionnés.

: « Un état du monde », du 15 au 24 novembre au Forum des Images

POUR IMPRESSIONNER VOTRE VOISIN DE CLASSE, UN REBELLE HYPER CRÉATIF Il sèche les cours pour faire de l’art et vous trouvez ça classe. Pour l’approcher avec style, révisez votre Brian De Palma, ambitieux cinéaste déçu par Hollywood qui n’a rien lâché (son dernier film, Domino, est sorti en V.O.D. en octobre), grâce à ce coffret contenant six DVD (dont Phantom of The Paradise) et un livre d’entretiens menés par les journalistes Samuel Blumenfeld et Laurent Vachaud.

: « Coffret Brian De Palma » (Carlotta Films)

• JOSÉPHINE LEROY 8


RECTANGLE PRODUCTIONS NAZIRA FILMS PALLAS FILM POSSIBLES MEDIA ET ZEYNO FILM PRÉSENTENT EN ASSOCIATION AVEC DOHA FILM INSTITUTE

un conte burlesque qui rappelle buster keaton et jacques tati FRANCE INFO

mention spéciale du jury

It Must Be Heaven UN FILM DE ELIA SULEIMAN

4

DÉC


HOME CINÉMA

Chaque mois, une traversée des tendances du design, de l’art de vivre et de la culture portées par le grand écran et disponibles au mk2 store du mk2 Bibliothèque. Ce mois-ci : une sélection de beaux-livres sur le cinéma, à offrir ou à demander au Père Noël. • DAVID EZAN

D’APRÈS UNE HISTOIRE DE STEPHEN KING DE MATTHIEU ROSTAC ET FRANÇOIS CAU Si les écrits fantastiques de Stephen King n’en finissent pas de fasciner depuis quarante-cinq ans, ils ont aussi tapé dans l’œil des cinéastes qui, de Brian De Palma (Carrie au bal du diable, 1977) à Stanley Kubrick (Shining, 1980) en passant par Tommy Lee Wallace puis Andrés Muschietti (Ça), en ont fait l’auteur vivant le plus adapté. Cette anthologie inédite, indispensable à tout fan, se propose de confronter ces adaptations (du film culte à la série Z) à l’œuvre originale.

AMIS AMÉRICAINS DE BERTRAND TAVERNIER Pour les mordus de cinéma américain, la réédition de ce livre de Bertrand Tavernier devrait faire son petit effet. Compilant des entretiens menés durant cinq décennies par le cinéaste français, on y croise aussi bien de grands anciens comme John Ford et Elia Kazan que des réalisateurs actuels tels que Quentin Tarantino. Agrémentées par plus de quatre cents photos, ces conversations constituent autant un hommage cinéphile qu’un travail d’historien méticuleux.

ISABELLE HUPPERT PAR CAROLE BELLAÏCHE Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre : le corps de l’impériale Isabelle est le sujet principal de ce livre d’obsessionnelle, offrande de la photographe Carole Bellaïche à sa muse et amie depuis vingt-cinq ans. Accompagnées d’un texte du critique Alain Bergala, les photographies de Bellaïche capturent l’essence quasi divine du visage de la comédienne sur deux décennies, et tentent d’en percer les mystères.

— : mk2 store du mk2 Bibliothèque 128, avenue de France, Paris XIIIe

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ENCYCLOPÉDIE DU FILM POLICIER & THRILLER DE PATRICK BRION Après une encyclopédie consacrée au film noir américain de 1912 à 1960, Patrick Brion, historien du cinéma et figure emblématique du Cinéma de minuit sur France Télévisions, poursuit son exploration de 1961 à nos jours dans ce second volume. Véritable malle aux trésors, ce livre ravira les amateurs du genre puisqu’il contient, outre ses textes érudits, des centaines de photos et d’affiches.


« PUISSANT, POÉTIQUE, BOULEVERSANT » FRANCE INFO

EX NIHILO - AGAT FILMS & CIE PRÉSENTENT

ARIANE ASCARIDE JEAN-PIERRE DARROUSSIN GÉRARD MEYLAN

2 7V. NO

( SIC TRANSIT )

UN FILM DE

ROBERT GUÉDIGUIAN

CRÉDITS NON CONTRACTUELS

GLORIA MUNDI ÉCRIT PAR SERGE VALLETTI ET ROBERT GUÉDIGUIAN

RETROUVEZ L’INTÉGRALE DE ROBERT GUÉDIGUIAN À PARTIR DE NOUVEAUX MASTERS HD RESTAURÉS

COFFRET DVD DISPONIBLE DÈS LE 19 NOVEMBRE


CHAUD BIZ

LA GUERRE DES PLATEFORMES EST DÉCLARÉE

POPCORN

Jusqu’à

vient de racheter, prenant bien soin d’en priver les autres plateformes. De son côté, la firme de Cupertino mise sur la puissance de l’App Store, bien implanté dans les foyers, ainsi que sur des partenariats exclusifs pour les prochains projets de grands cinéastes tels que Steven Spielberg, Alfonso Cuarón ou Sofia Coppola. Elle compte même, à l’instar d’Amazon, sortir en salles les longs métrages qu’elle produira avant de les proposer en streaming. Ces services de streaming semblent ainsi réinventer le système des studios hollywoodiens des années 1940, qui maîtrisaient toute la chaîne de production et de diffusion des œuvres. Dans cette mêlée, aucune méthode n’est trop mesquine, Disney ayant, par exemple, fait interdire les publicités Netflix sur l’ensemble de ses chaînes, à l’exception d’ESPN, dédiée au sport. Pas de quartier. Et cette querelle à taille mondiale risque de s’envenimer davantage avec les arrivées prochaines de HBO Max et de Peacock (pilotées respectivement par Warner et NBC Universal). Toujours plus de choix, certes, mais aussi un encouragement indirect à télécharger illégalement, les abonnés potentiels n’ayant pas un porte-monnaie élastique et ne pouvant ainsi souscrire qu’à un nombre limité de plateformes. Et on ne vous a même pas encore parlé des initiatives françaises à venir… • PERRINE QUENNESSON ILLUSTRATION : ÉMILIE GLEASON

présent, Netflix et Amazon régnaient en maîtres. Mais les nouvelles plateformes de streaming arrivent, et elles ne leur feront pas de cadeaux. La petite bataille entre Netflix et Amazon Prime Video ne sera bientôt plus qu’un doux souvenir face à la guerre qui se prépare. Le 1er novembre dernier, Apple a dégainé le premier en lançant Apple TV+, son service de streaming par abonnement. Le 12 du même mois, Mickey a frappé un grand coup en mettant Disney+ sur le marché aux États-Unis (arrivée en France prévue au printemps prochain). Pour l’instant, Netflix ne semble pas en danger – selon un sondage réalisé par la firme d’investissement Piper Jaffray, 75 % de ses abonnés américains n’ont pas l’intention de rejoindre les rangs des nouveaux entrants –, mais la plateforme a beau multiplier les investissements pour développer son contenu original et tenter de résister, elle est clairement dans le viseur de ses concurrents. Et tous les coups sont permis pour grappiller du terrain. Il y a d’abord la croisade des prix, avec un abonnement à 4,99 € pour Apple TV+ et à 6,99 € pour Disney+, contre 7,99 € pour Netflix. Il y a aussi la bataille du contenu. La firme aux grandes oreilles mise ainsi sur sa popularité et celles de ses productions, de Star Wars à Marvel en passant par le catalogue de la Fox qu’elle

Ces services de streaming réinventent le système des studios hollywoodiens des années 1940.

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"UN DOUBLE COUP AU CŒUR." LE PARISIEN

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RÈGLE DE TROIS

RAMZY BEDIA 3 films de fin du monde à voir et revoir ? Les Fils de l’homme. L’humanité ne génère plus d’enfants, et, alors qu’on pourrait penser que c’est un moindre mal (c’est assez doux, finalement, comme extinction), ça rend les gens totalement fous. Pareil dans Mad Max. Tu comprends que, lorsque ça tournera au vinaigre, seuls les plus cinglés s’en sortiront. Et je sais pas pourquoi, mais je pense aussi à The Truman Show. Peut-être parce que le héros y expérimente une sensation pire que celle de disparaître : celle de n’avoir jamais existé. 3 cinéastes que tu ressusciterais pour qu’ils t’embauchent ? Yves Robert, peu importe le rôle, peu importe le film. Après, par curiosité, je n’aurais rien contre une petite expérience avec Alfred Hitchcock. Dans Sueurs froides par exemple – en plus, j’ai vraiment la phobie

du vide, donc je pense que j’aurais mieux joué le truc que James Stewart. Enfin, John Ford ou un autre grand réalisateur de western classique. Juste pour faire plaisir à mon père, avec qui je regardais ce genre de films à la télé quand j’étais môme. S’il était vivant, je sais qu’il en aurait rien eu à faire de ma carrière – mais si j’avais joué dans un western classique, je n’ose imaginer sa fierté. 3 médecins de fiction à conseiller à tout le monde ? Je suis absolument fou de Dr House – pour son cynisme, son ironie, qui laissent croire qu’il est un salaud alors que c’est un brave type qui souffre juste de la solitude des génies. Un autre solitaire : Doctor Strange, mon super-héros préféré de jeunesse, à une époque où tout le monde n’en avait que pour Batman ou Superman. Et le dernier, que je consulte régulièrement, c’est Dr. Dre. Je ne sais pas si ses diplômes sont en règle, mais

— : « Terminal Sud » de Rabah Ameur-Zaïmeche, Potemkine Films (1 h 36), sortie le 20 novembre

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Dans le troublant Terminal Sud de Rabah Ameur-Zaïmeche, une fiction ambitieuse dans laquelle un pays (qui n’est jamais nommé, mais qui ressemble beaucoup à la France) se trouve gouverné par une milice militaire à l’idéologie obscure, il campe un médecin aux prises avec cette société orwellienne et s’éloigne du registre comique qu’on lui a connu quand il formait un tandem avec Éric Judor. On a soumis Ramzy Bedia à notre questionnaire cinéphile.

je me prescris sa musique quand je manque d’énergie. 3 films de Ramzy Bedia qui te font encore mourir de rire. Ce qui me fait rire au cinéma, c’est l’absurde. Parce que l’absurde ne vieillit pas : c’est intemporel, indémodable. Raison pour laquelle avec Éric on s’est toujours efforcés de ne pas se complaire dans l’humour à punchlines. Steak, par exemple, je pense que ce sera toujours aussi drôle dans dix ans, vingt ans. C’est ma grande fierté. La Tour Montparnasse infernale aussi, je ne l’oublierai jamais, parce que c’était notre vrai baptême de cinéma et qu’on a tout fait pour qu’il nous ressemble. Après, contrairement à ce qu’on peut penser, je n’arrive pas trop à rigoler de mes blagues ou de mes films. Enfin, il y a une exception : Halal police d’État. Quand je retombe par hasard dessus, je me marre toujours.

• PROPOS RECUEILLIS PAR LOUIS BLANCHOT


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LE 4 DÉCEMBRE


SCÈNE CULTE

L’ÂME DES GUERRIERS (1994)

POPCORN

«  C’est l’histoire d’une jeune fille qui avait grandi dans cet endroit merveilleux. »

C’est

carmin, compositions graphiques inspirées par Francis Ford Coppola et Martin Scorsese) le quotidien de ces autochtones déclassés, qui bradent leurs mythes contre les restes d’une sous-culture mondialisée. Ce n’est qu’après avoir touché le fond que Beth revient sur les terres de ses ancêtres et que le film explicite sa nature de conte universel. La mise en scène épouse l’émotion du deuil, resserrée sur les visages, accordant à chacun un temps de parole et de recueillement, avant que les chants archaïques ne ravivent une fierté presque éteinte. Loin de ce lieu sacré, Jake noie sa détresse dans la bière, rentre en trombe dans la baraque vide, puis s’empare d’une hache pour abattre l’arbre auquel sa fille s’est pendue. En vain. Dans cette scène en miroir (brisé), Tamahori pose le dilemme d’un peuple dominé : préserver l’âme commune et survivre, ou crever de déracinement. • MICHAËL PATIN

une scène de tangihanga, le rite funéraire traditionnel maori. Beth Heke (Rena Owen), assise à côté du cercueil ouvert de sa fille, s’adresse à la défunte en lui caressant le visage. « C’est l’histoire d’une jeune fille qui avait grandi dans cet endroit merveilleux. On lui fit un grand honneur. Elle devint puhi de la marae. La privilégiée. Cette jeune fille tomba amoureuse, comme tous les jeunes. Mais les anciens n’acceptèrent pas le jeune homme. La fille, étant impulsive et têtue, partit avec lui quand même. Son père lui dit qu’elle serait de retour. Que quand tout irait mal, elle reviendrait. » Cette histoire, son histoire, nous est dévoilée après quatre-vingts minutes de drame effroyable dans un ghetto d’Auckland, en Nouvelle-Zélande. La jeune fille y est une femme battue, luttant pour élever ses cinq enfants au milieu des gangs, et le jeune homme, un macho alcoolique et brutal appelé Jake et surnommé « Muss » (« le muscle »), incarné par Temuera Morrison. Dans ce premier long métrage, qui fit grand bruit à sa sortie, Lee Tamahori attaque le malaise social au bulldozer, filmant avec une rage antinaturaliste (photographie rouge

— : de Lee Tamahori, ressortie en version restaurée le 27 novembre

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TROIS IMAGES

ROUGES PROFONDS In Fabric de Peter Strickland met en scène, dans une boutique de prêt-à-porter, une robe rouge maudite qui provoque drames et cauchemars chez ceux qui la portent. Entre la passion et le sang, retour sur quelques autres grands films dans lesquels on voit rouge.

© D. R.

Strickland, réalisateur de Berberian Sound Studio (2013), poursuit son exploration subtile des liens qui unissent le raffinement et la cruauté. Avec In Fabric, l’esthète héritier de Rainer Werner Fassbinder et de Dario Argento suit le parcours d’une robe écarlate hantée qui sème la mort d’un client à l’autre, dans un univers baroque et fantasmatique. Chaque plan est comme contaminé par la couleur, comme celui où l’héroïne Sheila, vêtue de rouge, contemple fascinée son reflet diffracté. Influence manifeste de Strickland, le giallo italien a poussé à son paroxysme la stylisation du rouge – et du sang – au cinéma. Le splendide Six femmes pour l’assassin de Mario Bava (1964) n’est rien de moins qu’une symphonie de couleurs, comme l’illustre ce plan : traquée par un assassin, une jeune femme vêtue d’une robe aux motifs carmin apparaît prise au piège entre un mannequin et des rideaux flamboyants, qui annoncent le sang qui bientôt s’écoulera de son cadavre. Mais le rouge peut aussi symboliser une enivrante pulsion de vie, et un désir ardent, comme dans la scène du coup de foudre de Phantom Thread de Paul Thomas Anderson (2018). Le styliste Reynold Woodcock attend pour commander son breakfast quand Alma, une jeune serveuse, s’avance vers lui et trébuche. Elle croise soudain son regard, et c’est tout son visage qui s’empourpre, conférant à l’instant une sensualité rare. • CHARLES BOSSON

— : « In Fabric » de Peter Strickland, Tamasa (1 h 58), © D. R.

POPCORN

Peter

sortie le 20 novembre

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HAUT ET COURT PRÉSENTE

“ Un suspense constant, un polar efficace et sophistiqué ” TÉLÉRAMA MOSTRA DE VENISE

GIORNATE DEGLI AUTORI

DENIS

MÉNOCHET LAURE

CALAMY DAMIEN

BONNARD NADIA

TERESZKIEWICZ BASTIEN

BOUILLON GUY ROGER « BIBISSE »

N’DRIN

ET VALERIA

CRÉDITS NON CONTRACTUELS © 2019 HAUT ET COURT RAZOR FILMS PRODUKTION FRANCE 3 CINÉMA VISA N° 150 076 ©PHOTO JEAN-CLAUDE LOTHER

BRUNI TEDESCHI

UN FILM DE DOMINIK MOLL

LE 4 DÉCEMBRE


LE TEST PSYNÉPHILE

EST-CE QUE TU RÊVES ENCORE ? Dans l’ascenseur, un sosie d’Henri Salvador louche sur toi…

À quoi ressemblent tes lundis ? Un tour un poil trop long en centrifugeuse.

Tu refroidis ses ardeurs avec ton regard de glace.

Adultère mode d’emploi, chapitre 1.

Ose d’abord, dose ensuite…

POPCORN

Tu simules une crise d’hystérie. Qu’est-ce qui est pire qu’une nuit avec Donald ?

Fais-toi discret, Olaf…coucou tout le monde ! « Jour 3 » de ton régime avant Noël… Tu te transformes en Tatie Danielle. Tu es vert(e) mais tu voles comme Dumbo.

Être mascotte à temps complet à Disneyland Paris. Ta mère qui s’envoie en l’air à Dharamsala. Les nounous psychopathes.

Le vent qui hurle en toi ne pense plus à demain. On te propose de partir sur Mars…

Jack, ton ex, te quitte, mais…

Ah ! Pourquoi pas ? Tu serais la nouvelle Ève. Tu chiales, vomis dans ton casque et fais pipi dans ta combi.

Il veut garder la maison qu’il a construite. Libéré(e), délivré(e), il ne reviendra plus.

Croyez en vos rêves, peu importe leur impossibilité.

Tu as confiance, il ne sait pas vivre sans toi.

SI TU AS UN MAXIMUM DE : OUI, TU Y CROIS MÊME TRÈS FORT On te félicite d’aller au bout de tes rêves. Ta fille, Stella, va faire vingt-deux ans de psychanalyse : et alors ? Tu es comme Sarah dans Proxima d’Alice Winocour (sortie le 27 novembre), une maman astronaute tiraillée entre son amour maternel et l’appel des étoiles. Alors, si on te regarde de travers parce que tu as oublié la réunion parents-profs, dis-leur que tu es comme Eva Green, une femme libre, et que ça ne t’empêche pas d’être une bonne mère.

NON, TES ENFANTS ONT PIÉTINÉ TES RÊVES Il y a six ans, un rideau de brouillard s’est refermé sur toi… Tu as eu des enfants ! Depuis, tu te sens persécuté(e) par la reine des neiges, tu la vois partout. Dès que tu ne penses à rien, le refrain s’enclenche : « Libéréééée… » Réalisé par Jennifer Lee et Chris Buck, La Reine des neiges 2 débarque le 20 novembre. Yep ! Tu n’y couperas pas. Et comme Elsa, tu aimerais bien comprendre pourquoi ce calvaire a commencé. Libérééééeeeeeee…

OUI, MAIS IL FAUT QUE TU TE RÉVEILLES D’UN COUP Ta vie est un rêve éveillé, mais tu n’as pas retenu les leçons des thrillers des années 1990 : ne jamais faire confiance à une nounou qui a l’air parfaite – même si c’est Karin Viard. Dans Chanson douce de Lucie Borleteau (sortie le 27 novembre), les parents sont comme toi. Au-delà d’une réflexion sociologique intéressante à propos d’un fait divers sordide, Chanson douce est aussi une piqûre de rappel salutaire pour ceux qui n’auraient pas vu La Main sur le berceau.

• LILY BLOOM — ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL 20



FLASH-BACK

AVATAR

En plus d’avoir relancé la technologie 3D, Avatar aurait-il éveillé la conscience écologiste mondiale et créé un courant filmique ? Réponse à l’occasion des 10 ans du blockbuster de James Cameron.

Triomphe

public qui battit des records et cumula 2,7 milliards de dollars de recettes dans le monde, Avatar (sorti en France le 16 décembre 2009, deux jours avant les États-Unis) raconte l’histoire d’un homme envoyé en 2154 sur la planète Pandora où il infiltre un clan de Na’vis, des autochtones vivant en symbiose avec leur environnement. Tombé amoureux d’une princesse na’vis, il doit lutter à ses côtés pour protéger Pandora d’une invasion militaire. « Avatar donnait à ressentir ce qu’on a fini par nommer le deuil écologique et l’écoanxiété », explique Camille Brunel, auteur du Cinéma des animaux (UV Éditions, 2018). « Dans la longue séquence d’effondrement de l’arbre-maison, on perçoit le traumatisme des Na’vis qui voient s’écrouler un pilier de leur monde. Avec la sixième extinction de masse et la disparition des écosystèmes, de plus en plus de gens éprouvent aujourd’hui cette crainte intime d’assister à la soudaine destruction d’une nature sublime qui a mis des millénaires à se construire. » Le film d’anticipation de

James Cameron – qui signait là son retour à la fiction, douze ans après Titanic – a en cela eu un impact réel sur le public. « Il a été constitutif d’un imaginaire dans lequel de grandes sociétés capitalistes détruisent tout en s’en prenant autant à la nature qu’aux humains. Il a touché différentes générations et a accentué les convictions écologistes bien plus efficacement que les responsables politiques. » Selon Brunel, Avatar a aussi révolutionné la représentation animale à Hollywood. « La technologie mise en place a permis de créer une faune et une flore photoréalistes, ce qui a ouvert la porte aux animaux numériques de L’Odyssée de Pi ou du nouveau Roi Lion. Le cinéma n’a désormais plus besoin de filmer des animaux dressés. » La portée du film sera-t-elle néanmoins durable ? « Quatre nouveaux Avatar sortiront entre 2021 et 2027, le phénomène sociétal prendra une vraie ampleur. Cameron est aussi devenu végane, et les suites défendront sûrement une écologie encore plus radicale. » • DAMIEN LEBLANC ILLUSTRATION : ANNA WANDA GOGUSEY

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LA NOUVELLE

POPCORN

ANNE ÉMOND

Dans

sa chambre, une ado trépigne en s’écrivant une lettre d’amour légèrement érotique, qu’elle signe par le prénom du bad boy sur lequel elle fantasme. Cette scène de son drôle et subtil film Jeune Juliette (lire p. 76), Anne Émond nous confie, un brin embarrassée, l’avoir puisée dans son propre vécu. Née dans le petit village « sans ciné-club » de Saint-Roch-des-Aulnaies, au Québec, la cinéaste a forgé sa cinéphilie à la télé, devant les teen movies américains des années 1980 comme The Breakfast Club de John Hughes et Karate Kid de John G. Avildsen. Passionnée, elle a étudié le cinéma sur les bancs de l’université à Montréal avant de se mettre à la réalisation. Alors que ses trois premiers longs métrages

tiraient plutôt vers le drame, Jeune Juliette lui permet de renouer avec ses « premières amours », les films d’adolescence donc. « Cette façon de tout vivre intensément me manque », lâche avec nostalgie la trentenaire à la voix juvénile et enjouée. Sous l’impulsion de sa jeune héroïne effrontée et rêveuse, le talent de la cinéaste éclate au grand jour. • JOSÉPHINE LEROY PHOTOGRAPHIE : JULIEN LIÉNARD

— : « Jeune Juliette » d’Anne Émond, Ligne 7 (1 h 37),

sortie le 11 décembre

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ALEXIS LANGLOIS BOBINES

ET SES SÅ’URS

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BOBINES

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VISIONS FÉROCES

En quelques courts métrages baroques, Alexis Langlois a affirmé une griffe queer outrée et ravageuse qui tranche net dans le lard des canons esthétiques décrépits d’un certain cinéma français. Il revient avec le court De la terreur, mes sœurs !, un revenge movie trans survolté qui balaie tout sur son passage, finissant de l’imposer à nos yeux comme digne héritier de John Waters – rien que ça. Alors qu’il prépare son premier long métrage, portrait éclaté du cinéaste et de son univers à la fois drôle, déglingué, inventif et militant.

Par

le passé, il y a eu des gangs de cinéma qui ont bousculé l’ordre établi, aussi bien dans la vie qu’à l’écran. En Allemagne, ce sont les héros scandaleux de l’Antiteater de Fassbinder ; aux États-Unis, ce sont les outrageants Dreamlanders de John Waters. Désormais, en France, il faudra compter avec les « Terreurs » d’Alexis Langlois, cinéaste drôle et énervé à la tête d’émoji koala. Il n’y a qu’à voir cette équipée folle dans Fanfreluches et idées noires (2016), son film tourné à l’arrache lors d’un vrai after, pour se rendre compte que ces protagonistes hors normes peuvent transfigurer nos écrans. Dans l’inquiétude du jour qui perce, les

couleurs dark fluo créent un espace hors de tout, au sein duquel notre œil hypnotisé dérive sur des corps fatigués, s’entremêlant dans des positions incandescentes. « On avait un budget drogue non crédité au générique… Il y a eu une fête avant l’after, qui n’a évidemment pas été filmée. Tout le monde était bourré ou défoncé », se souvient Langlois, gardien pas farouche d’un cinéma envisagé comme une fête ingérable. Dans cette utopie chimérique, cela ne nous étonnerait pas de croiser le Télétubby Tinky Winky les yeux révulsés et travaillant ses postures bitchy, l’icône grosse Edith Massey échappée du Pink Flamingos de John Waters (1972) dévorant des

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ALEXIS LANGLOIS LEXIQUE — TRANS (pour « transgenre ») : Désigne une personne dont l’identité de genre n’est pas en adéquation avec celle qui lui a été assignée à la naissance. Le terme « transexuel(le) » est peu utilisé par la communauté, car il renvoie à l’époque où la transidentité était considérée comme une maladie mentale (l’O.M.S. l’a déclassifiée en 2010). — CIS (pour « cisgenre ») : Désigne une personne dont l’identité de genre est en adéquation avec celle qui lui a été assignée à la naissance. — TRANSITION : Cette notion décrit le chemin d’une personne trans et prend des aspects très divers. Certaines personnes prennent des hormones ou se font opérer, d’autres non ; elles peuvent adopter l’apparence classique de leur genre ressenti, osciller entre les codes ou les réinventer.

RENCONTRES D’APRÈS MINUIT

Le jeune cinéaste né en 1989 a fait ses premières armes bigger than life dans la ville grise et bétonnée du Havre. Avec sa sœur, Justine Langlois, actrice dans tous ses films, il commence par parodier des clips de rap ou de R&B (« Je mettais des faux seins et on refaisait Full Moon de Brandy en version un peu ratée », se souvient-elle) tout en se nourrissant des frasques délirantes des Looney Tunes et des combats musclés de la série Buffy contre les vampires. Au lycée, il découvre le Freaks de Tod Browning (1932), développant déjà un goût pour l’étrange. Arrivé dans la capitale en 2007 pour suivre des études de cinéma à Paris-VIII puis à l’École nationale supérieure d’art de Paris-Cergy, il fréquente ce qui va devenir son gang. Le programmateur Pipi de Frèche, l’actrice et scénariste Carlotta Coco, la musicienne et DJ Nana Benamer, les modèles et performeuses Raya Martigny et Dustin Muchuvitz, le graphiste Cadinette, la poétesse Esmé Planchon. « Notre petite

bande est très liée par nos origines sociales, on est toutes enfants de prolos, et on déteste les bourgeois », précise Naelle Dariya, actrice dans plusieurs films de Langlois et créatrice des soirées trans Shemale Trouble. Ces artistes, pour la plupart LGBTQ+ et issus de la scène clubbing des années 2010, sont ceux qui ont redéfini la nuit queer parisienne au bar du Marais Les Souffleurs, aux soirées Flash Cocotte et Trou aux Biches, la rendant tout à la fois plus flamboyante et plus politique. « Dans ces espaces safe [lieux permettant aux personnes marginalisées de se réunir dans un environnement bienveillant, ndlr], on pouvait s’amuser, s’exprimer. Ça nous a portés vers quelque chose de positif, d’artistique », déclare Raya Martigny. « Je me revois dans la cave

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Carlotta Coco dans Mascarade (2012)

© ALEXIS LANGLOIS

œufs compulsivement, ou la chanteuse Dolly Parton à la choucroute peroxydée trustant soudain la musique avec ses ballades country. C’est que Langlois esquisse un paysage imaginaire artificiel et excessif, très loin de tout ce qui se fait en France.

BOBINES

— MÉGENRER : Ne pas respecter le pronom correspondant à l’identité ressentie d’une personne.


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Alexis Langlois esquisse un paysage imaginaire artificiel et excessif, très loin de tout ce qui se fait en France.

Aurélien Deseez, Carlotta Coco et Raya Martigny dans À ton âge le chagrin c’est vite passé (2016)

« Alexis n’a peur de rien. Pas peur de faire déborder l’écran, le make-up, les couleurs. Pas peur de porter la marge en étendard et de s’en faire une robe de bal sublimement rapiécée. » Ces mots que nous a envoyés le cinéaste Yann Gonzalez, un fan, disent bien en quoi l’univers de Langlois est unique, se raccrochant peut-être aux chantres (très rares) de l’immodération formelle en France : Jacques Demy, Paul Vecchiali, Marie Losier, Gonzalez lui-même… Cette griffe-là, elle lui vient d’un paquet d’inspirations qui, dans ce qu’elles proposent de reconfiguration rêvée des genres et des sexualités, de réérotisation du monde aussi, font écho aux nuits queer qu’il passe avec sa bande. En premier lieu Jack Smith et l’orgie en fusion de son Flaming Creatures (1963) dont on retrouve

Nana Benamer dans De la terreur, mes sœurs !

© LES FILMS DU BÉLIER

BOBINES

FROUFROUS ET PACOTILLE

des réminiscences dans Fanfreluches et idées noires. Langlois se passionne aussi pour un cinéma ornemental, surchargé de froufrous et de pacotille, qui a finalement très peu influencé les Français. À la fac, il rédige ainsi un mémoire sur Magdalena Montezuma, égérie de l’œuvre furieusement lyrique de Werner Schroeter, avec un sous-titre en guise de programme : « L’artifice comme source de vérité. » Il écrit également des lettres enflammées à Ingrid Caven, autre figure au charme opératique des films du cinéaste dandy. « Je lui confiais qu’elle avait fait partie de ces deux familles de cinéma – Schroeter, Fassbinder – que j’adore, et que je voulais qu’elle intègre la mienne comme pour faire un lien. Elle m’a appelé. Elle m’a dit qu’elle ne voulait plus être filmée, mais qu’elle voulait qu’on se rencontre. Ça ne s’est jamais fait. » On retrouve surtout cet esprit suranné et décadent dans les premiers films érogènes d’Alexis Langlois, autoproduits et expérimentaux. Des courts qui s’avancent comme des cérémonies incantatoires emphatiques, invoquant on ne sait quel démon. Dans Mascarade (2012), des apollons

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Félix Maritaud et Justine Langlois dans De la terreur, mes sœurs !

© LES FILMS DU BÉLIER

des Souffleurs, buvant de la Heineken, en train de parler des théories féministes radicales de Monique Wittig, Judith Butler, Paul B. Preciado à trois heures du mat’, ajoute Alexis Langlois. Mais je ne sors plus, je suis trop vieille ! »


ALEXIS LANGLOIS

© DREAMACHINE PRODUCTIONS

comédie musicale camp, une ado se morfond dans le spleen après une rupture. Le film évoque d’abord les ambiances sucrées de Demy, rendues contemporaines à coups de lyrics gangsta et d’une narration libre mimant la navigation aléatoire sur les applis. Mais le titre est aussi un hommage à un dialogue du documentaire Les Années 80 (1983) de Chantal Akerman. De la cinéaste belge, le réalisateur retient la tristesse diffuse et stagnante, qui rejoint d’ailleurs un peu la sensibilité emo du clip Lace Dress qu’il vient tout juste de réaliser pour le musicien affilié à l’internet-wave Lëster.

En 2019, Langlois déboule avec De la terreur, mes sœurs !, court métrage en surrégime, revenge movie musical et parfois gore, qui constitue pour nous le Faster, Pussycat! Kill! Kill! (film culte de Russ Meyer sorti en 1965) des années 2020. Quatre copines trans (Nana Benamer, Naelle Dariya, Raya Martigny et Dustin Muchuvitz) disent « À bas le cis-tème » et se rebellent, dans des saynètes fantasmées, contre les insultes, l’objectivation, les brimades, la violence. Le film, politique dans son ton, n’hésite pas à amplifier son côté cartoon, comme l’observe Justine Langlois, qui, avec Félix Maritaud, joue un duo de méchants transphobes façon Team Rocket dans Pokémon : « Alexis m’a fait porter des talons immenses, et j’ai dû courir avec. Il m’a en plus scotché les genoux pour que ma démarche soit ridicule, burlesque. Ça m’a agacée, et ça a créé la violence nécessaire à une scène. » Avec panache, Langlois déconstruit la rhétorique transphobe, la faisant apparaître dans ce qu’elle a de terne, de répétitif, d’étriqué. Dans une stratégie d’empowerment, il lui oppose des récits de vengeance inventés par ses héroïnes douées d’un imaginaire vaste et débridé. « Le cinéma cis est terroriste ! » clame alors Kalthoum (Nana Benamer),

nus et épileptiques paraissent possédés, tandis qu’une reine drag grimaçante trinque à la pisse dans des calices aux pierreries mirifiques. Dans Je vous réserve tous mes baisers (2014), un trio d’innocents fardés se perd dans la violence d’une nuit tentaculaire. Les danses tribales se frottent alors aux attitudes lascives et thugs des clips de rap hardcore. Pris sous l’aile d’Aurélien Deseez, producteur aux Films du Bélier, ses films vont ensuite évoluer grâce à plus de moyens et à un cadre d’écriture. Le style toujours foufou se fait plus volontiers bouffon et grotesque, dans la lignée trash et intense des beaux diables John Waters et Gregg Araki, dont il apprécie la veine carnavalesque, jouant sur les codes de la féminité et de la masculinité à travers des corps protubérants rendus glamour. « Son style tranche. Les gens qu’il choisit ne sont pas ceux qui valident les critères de beauté vus et revus du cinéma français actuel », avance Nana Benamer. Quant à l’impression d’abondance, de prolifération qui règne dans ses films, elle laisse bizarrement le champ libre à une mélancolie sourde. Ainsi, dans À ton âge le chagrin c’est vite passé (2016), sa

DE LA TERREUR Si on avait vaguement entendu parler de transidentité dans les années 1930 avec les premières chirurgies de réattribution sexuelle, ce n’est qu’à partir des émeutes de Stonewall, en 1969 à New York (un raid de la police dans un bar gay ayant provoqué la rébellion de toute la communauté), que le militantisme LGBT a véritablement éclos. Cinquante ans plus tard, la visibilité des trans est encore réduite et sélective. Le meurtre par balle de Vanesa Campos, trans prostituée sans-papiers d’origine péruvienne, en août 2018 au bois de Boulogne, a provoqué peu d’émoi dans la presse, tout comme les centaines d’autres perpétrés chaque année dans le monde – l’association Transgender Europe en a recensé 325 au cours de l’année 2016-2017. L’agression filmée et partagée sur les réseaux sociaux de Julia Boyer à Paris fin mars a davantage remué la France, permettant à cette jeune femme trans d’avoir, pour une fois, voix au chapitre dans les médias. Une visibilité qui devrait, on l’espère, finir par ouvrir la voie à des revendications comme le changement d’état civil libre et gratuit, sans homologation par un juge, l’application de la dépsychiatrisation (qu’aucun certificat psychiatrique ne soit demandé lors des démarches administratives et médicales) et l’ouverture de la PMA aux trans. • T. Z .

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BOBINES

À BAS LE CIS-TÈME


Naelle Dariya, Raya Martigny, Dustin Muchuvitz et Nana Benamer dans De la terreur, mes sœurs !

© LES FILMS DU BÉLIER

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BOBINES

Quatre copines trans se rebellent contre les insultes, l’objectivation, les brimades, la violence. dans une référence directe à une réplique de Cecil B. Demented (2000) de Waters. Le pape du trash y mettait en scène un groupe de réalisateurs underground guérilleros qui piratait l’industrie flétrie du cinéma dominant, un peu comme les héroïnes du film de Langlois, particulièrement échauffées par les représentations que les récits hégémoniques renvoient des personnes trans. C’est toujours le même schéma : la difficulté d’une transition, forcément appréhendée par le regard pathologisant d’un entourage cis, le tout sur un ton doloriste et compassionnel. « On le voit bien dans Girl de Lukas Dhont, où comme d’habitude c’est un garçon cis qui joue une fille trans forcément obsédée par sa bite », fustige Nana Benamer. Changer les récits pour faire évoluer les mentalités s’annonce dès lors compliqué. « Dans la commission du soutien au scénario du CNC, un célèbre réalisateur français quinquagénaire m’a dit que le film faisait “Michou” – comme il est flamboyant et qu’il met en scène des femmes trans. Il a mégenré les actrices et il a dit que le film était “trop compliqué” parce qu’elles jouent différents personnages au cours du récit », se souvient Alexis Langlois, qui s’écarte de la culture auteuriste française en moquant un cinéma qui se présente comme neutre et universel mais estompe toute expression minoritaire pour indéfiniment raconter les mêmes histoires. Le projet De la terreur, mes sœurs ! s’est donc nourri de tous les refus de financement qu’il a essuyés pour intensifier son humour mordant et

sa rage, avec la complicité d’une équipe essentiellement composée de personnes queer ou trans – comme par exemple le réalisateur bruce (Vos papiers, 2013), deuxième assistant sur le film, qui a aidé Langlois à écrire la séquence très forte dans laquelle des hackeuses trans brûlent leurs papiers d’identité. « J’ai été hackeuse plus jeune, ça m’a grave parlé ! » s’enthousiasme Dustin Muchuvitz, qui joue la cheffe de ces mercenaires du dark web. Alors que le film a obtenu le Grand Prix du court métrage au festival de Bordeaux en octobre, Langlois prépare un court d’horreur, Les Démons de Dorothy, sur une réalisatrice empêchée de faire ses films (« Le personnage de Buffy apparaîtra ! » annonce-t-il), et un premier long, Les Reines du drame, « une comédie un peu sociale et tragique, avec une histoire d’amour qui serait comme une rencontre entre Courtney Love et Mariah Carey », on se dit que le jeune cinéaste fait lui-même son hackeur. Car le petit prince du trash risque bien de percuter les imaginaires, puis d’inspirer une profusion de scénarios fictifs vengeurs contre un cinéma sclérosé. • QUENTIN GROSSET

— : « De la terreur mes sœurs ! » d’Alexis Langlois (27 min) •

Le film sera projeté dans le réseau mk2 en novembre,plus d’infos bientôt troiscouleurs.fr

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Design : Benjamin Seznec / TROÏKA

avec PAULINE SERIEYS NAFSICA LABRAKOS et BENJAMIN EWERS scénario et dialogues de VALÉRIE DONZELLI et BENJAMIN CHARBIT produit par ALICE GIRARD et EDOUARD WEIL image LAZARE PEDRON montage PAULINE GAILLARD ingénieur du son LAURENT GABIOT montage son VALÉRIE LE DOCTE mixage EMMANUEL CROSET assistant mise en scène LUC CATANIA scripte VIRGINIE PRIN conseillère artistique ALBA THÉROND création des costumes ELISABETH MÉHU chef décoratrice GAËLLE USANDIVARAS musique PHILIPPE JAKKO direction de production VÉRONIQUE LAMARCHE régisseur général DAMIEN GAYRARD-LAVAL directeur de casting ALEXIS MILLET directrice de casting enfants ELSA PHARAON chef costumière CLAIRE DUBIEN chef maquilleuse MARION CHEVANCE chef coiffeur ARNAUD GUELLE direction de post-production EUGÉNIE DEPLUS supervision musicale MATTHIEU SIBONY pour SCHMOOZE une coproduction RECTANGLE PRODUCTIONS FRANCE 2 CINEMA SCOPE PICTURES et LES FILMS DE FRANÇOISE avec la participation de CANAL+ CINÉ+ et FRANCE TÉLÉVISIONS avec le soutien de AD VITAM et PLAYTIME avec le soutien de LA RÉGION ÎLE-DE-FRANCE en partenariat avec LE CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE en association avec CINEMAGE 13 PALATINE ETOILE 16 CINECAP 2 INDÉFILMS 7 et PLAYTIME réalisé avec le soutien du TAX SHELTER DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL BELGE VIA SCOPE INVEST avec le soutien de L’ANGOA développé avec le soutien de COFINOVA DÉVELOPPEMENT 7 PALATINE ÉTOILE 14 DÉVELOPPEMENT ET CINÉVENTURE DÉVELOPPEMENT 4 distribution france AD VITAM ventes internationales PLAYTIME © 2019 RECTANGLE PRODUCTIONS-FRANCE 2 CINEMA-SCOPE PICTURES-LES FILMS DE FRANÇOISE

AU CINÉMA LE 18 DÉCEMBRE


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SŒURS PUISSANTES Dans la vie, ces quatre actrices trans sont aussi badass, magnétiques et engagées que leur personnage dans De la terreur, mes sœurs ! Revue de troupe.

© MARION BERNARD

NANA BENAMER Performeuse et musicienne au look dark seventies à la Patti Smith, cette enfant des nineties campe un personnage à la fois émouvant et ivre de vengeance dans le court métrage d’Alexis Langlois – pour lequel elle a obtenu (avec Lëster) le Prix de la meilleure musique au dernier festival de Bordeaux. On compte sur les compos futuristes de cette fan d’Ennio Morricone et des B.O. tranchantes de Dario Argento pour électriser le monde de la musique de film, cantonné selon elle à « des tartines de violons ou de cuivres sur une image sombre en 16/9 qui rend tout bien conforme ».

Dans le film, sa composition potache évoque tout autant la plantureuse Lolo Ferrari que l’indécente Divine. On a notamment vu l’actrice, qui a cofondé avec le réalisateur bruce les soirées trans Shemale Trouble, dans 120 battements par minute de Robin Campillo. Elle crée des performances qui évoquent l’humour burlesque des Deschiens ou des Robins des Bois (« Faute d’avoir des rôles réguliers, faut bien écrire pour nous-mêmes ! ») et rêve de fonder une troupe qu’elle appellerait La Croupe splendide. Elle se verrait bien aussi dans les univers foufous de Bertrand Mandico et d’Alain Guiraudie.

© PALOMA PINEDA

NAELLE DARIYA

© MARION BERNARD

RAYA MARTIGNY 1 m 90, visage oblong, crinière brune et taches de rousseur : Raya Martigny était vouée au mannequinat (elle a notamment défilé pour Mugler). Si elle en impose dès qu’elle pénètre dans une pièce, elle laisse vite tomber sa resting bitch face pour lancer des punchlines teintées d’autodérision, comme son personnage dans De la terreur… Débarquée de la Réunion à 17 ans, Raya baigne depuis dans la nuit parisienne. À 23 ans, elle a des projets liés à la danse, passe des castings et rêve de cinéma fantastique – on la verrait bien en cheffe amazone dans un film d’heroic fantasy.

Comme une émanation du futur, Dustin Muchuvitz arbore une bouille d’ange et un look de cyborg, cheveux rouges et sourcils blond platine. Avec une telle aura, elle peut se permettre de camper des personnages muets dans les courts d’Alexis Langlois. Son adolescence de hackeuse, qui laisse imaginer une certaine timidité, a inspiré son rôle dans De la terreur… : « C’est un film sur la sororité, le tournage était hyper doux. » DJ (elle a mixé aux soirées de Dior, de Chloé, de YSL), elle est aussi mannequin (pour Margiela, Gaultier). 24 ans, et encore une infinité de mues à prévoir.

• QUENTIN GROSSET ET TIMÉ ZOPPÉ 34

© PALOMA PINEDA

DUSTIN MUCHUVITZ


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PHOTOS ©2019 IRIS PRODUCTIONS, INC.

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LE 11 DÉCEMBRE AU CINÉMA


BOBINES

TRANS FIGURÉ(E)S

Euphoria (2019)

Avec ses héroïnes trans et sa façon outrancière et jubilatoire de dynamiter les oppressions dont elles sont victimes au quotidien, le court métrage d’Alexis Langlois invite aussi à s’interroger sur la sous-représentation des personnes trans à l’écran, souvent diabolisé(e)s ou martyrisé(e)s. État des lieux, de Pulsions de Brian De Palma à la série Euphoria.

La

Pulsions de Brian De Palma (1981)

RUE DES ARCHIVES / DILTZ

psychopathe de Pulsions de Brian De Palma (1981), c’est en fait une femme trans frustrée que son psy lui refuse l’agrément pour se faire opérer. Dans Le Silence des agneaux de Jonathan Demme (1991), une personne dépèce des femmes pour pouvoir littéralement se glisser dans une peau féminine. Ces exemples, tirés de la poignée de films d’avant les années 2000 comptant des personnages trans, montrent bien l’angoisse que suscitaient ceux-ci, désignés comme des déséquilibrés obsédés par l’opération de réassignation sexuelle. Il faut sonder du côté du cinéma underground pour trouver un peu d’empathie : Glen or Glenda d’Ed Wood (1953), qui tente de distinguer travestissement,

transidentité et intersexualité, ou L’Année des treize lunes de Rainer Werner Fassbinder (1981), qui suit une trans au destin tragique en épousant son point de vue. Si, à partir des émeutes de Stonewall en 1969 (lire l’encadré p. 31), les trans se sont battu(e)s pour être visibles, il a fallu du temps pour qu’ils et elles soient intégré(e)s dans un cinéma plus grand public : dans Boys Don’t Cry de Kimberly Peirce (2000), on suit l’histoire vraie d’un trans assassiné dans une petite ville américaine ; dans Hedwig and the Angry Inch de John Cameron Mitchell (2001), celle d’un personnage subissant par amour une vaginoplastie qui s’avère ratée ; dans Transamerica de Duncan Tucker (2006), l’héroïne doit renouer avec son fils avant de pouvoir se faire opérer… La visibilité des trans progresse et se diversifie – ce qui élargit le public touché –, mais des problèmes demeurent : les trans sont presque toujours joué(e)s par des acteurs cisgenres – avec souvent un prix à la clé pour ces rôles « de composition » (un Oscar pour Hilary Swank dans Boy’s Don’t Cry et un autre pour Jared Leto dans Dallas Buyers Club de Jean-Marc Vallée en 2014) –, et les récits, volontiers doloristes, réduisent généralement la 36

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DÉCRYPTAGE transidentité à la question des organes génitaux (dans Girl de Lukas Dhont, en 2018, l’héroïne était campée par un acteur cis et la scène finale reposait sur un suspense sensationnaliste lié à son entrejambe). Si le nombre de films traitant de transidentité ne cesse d’augmenter depuis les années 2010 (avec par exemple trois sorties ce mois-ci, lire l’encadré ci-dessous), les représentations justes et nuancées sont encore rares.

Tangerine de Sean Baker (2015)

Noé l’an dernier. Dans De la terreur, mes sœurs ! d’Alexis Langlois, la rêverie d’une des héroïnes nous transporte sur un plateau de cinéma où non seulement les interprètes sont trans, mais où toute l’équipe technique l’est aussi – dans la lignée de Jill Soloway, la créatrice de la série Transparent, qui avait imposé en 2014 l’embauche d’au moins une personne trans dans chaque département technique et artistique. On peut en tout cas commencer par espérer l’émergence de davantage de cinéastes trans – outre les stars Lilly et Lana Wachowski, réalisatrices de Matrix (1999) et créatrices de Sense8, citons le Français Océan, qui sort son premier docu ce mois-ci, et l’Américain Silas Howard, qui a sorti son troisième long aux États-Unis l’an dernier, A Kid Like Jake, avec Claire Danes. Gageons qu’en matière d’inventivité, de liberté, de nouveauté, le cinéma y gagnerait beaucoup. • TIMÉ ZOPPÉ

OCÉAN

INDIANARA

LOLA VERS LA MER

Le comédien et humoriste Océan a fait de sa transition un documentaire à la fois drôle et émouvant, débarrassé des clichés misérabilistes liés aux personnes trans. Entre moments de joie et d’appréhension, le film est un témoignage lumineux et self-made sur la transidentité. • D. E .

Ce documentaire (lire p. 60) consacre la femme trans Indianara Siqueira comme une Marianne brésilienne, symbole des luttes LGBTQ+ dans un pays cédant aux sirènes du fascisme. Son courage et sa foi bouleversent tant ils sont mis à l’épreuve. • D. E .

À la mort de sa mère, une jeune fille trans doit retrouver un père intolérant avec qui elle ira disperser les cendres de la défunte… Ce road trip à fleur de peau est un beau récit d’émancipation qui offre à une actrice trans (Mya Bollaers) un premier rôle à sa hauteur. • D. E .

M. Barbosa (New Story, 1 h 24),

(Les Films du Losange, 1 h 30),

sortie le 27 novembre

sortie le 11 décembre

: d’Océan (Arizona, 1 h 51), sortie le 13 novembre

: d’A. Chevalier-Beaumel et

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: de Laurent Micheli

BOBINES

C’est en fait par les séries que la vraie révolution arrive. Orange Is the New Black dès 2013 avec la détenue noire américaine au verbe haut, Sophia ; Sense8 et sa hackeuse lesbienne, Nomi ; Transparent et sa prof retraitée qui annonce sa transition à ses enfants ; Pose, et son irrésistible « famille » de voguing ; ou encore Euphoria et son héroïne ado frondeuse, ont marqué le début d’un empowerment de la communauté en proposant des supports d’identification plus honnêtes et crédibles : en choisissant des actrices trans (Laverne Cox, Jamie Clayton, Hunter Schafer), en misant sur une écriture plus fine des personnages (tout ne tourne plus autour de la « révélation choc » de leur sexe de naissance). Dans Euphoria, la transidentité est naturellement intégrée dans les questionnements sur l’identité propres à l’adolescence et ne constitue que l’une des nombreuses facettes de l’héroïne. Côté cinéma, quelques films ont suivi le mouvement, comme Tangerine de Sean Baker (2015) ou Port Authority de Danielle Lessovitz (sorti en septembre), et on a même vu – fait rarissime – une actrice trans, Claude-Emmanuelle Gajan-Maull, jouer une femme cis dans Climax de Gaspar

© D. R.

DE L’AUTRE CÔTÉ


PORTRAIT

BOBINES

ENTRE CIEL ET TERRE

C’est une silhouette nerveuse, volubile et précise que le cinéma français a tôt fait d’essayer de dompter. Apparu aussi bien chez des auteurs comme Robin Campillo (120 battements par minute, avec à la clé un César du meilleur acteur dans un second rôle) ou Arnaud Desplechin (Roubaix. Une lumière) qu’à l’affiche de succès populaires comme La Vie scolaire de Mehdi Idir et Grand Corps Malade ou Les Invisibles de Louis-Julien Petit, Antoine Reinartz a multiplié les seconds rôles marquants en à peine deux ans. Portrait d’un acteur en pleine ascension. 38


ANTOINE REINARTZ on évoque sa carrière de comédien, Antoine Reinartz, assis sur la banquette tordue d’un troquet parisien, contemple très concentré les quelques années qui viennent de s’écouler, les yeux rivés sur son lait fraise (sa boisson préférée). Né au cinéma sur les marches de Cannes et porté par l’émotion forte qui accompagna 120 battements par minute (2017), l’acteur lorrain de 34 ans explique son succès soudain par une pirouette. « Je ne sais pas trop ce que ça veut dire, une carrière… Bizarrement, j’ai l’impression d’être là où je dois être. J’ai eu un parcours personnel assez chaotique [des études de management qui l’emmènent à New York, un poste dans la réinsertion des détenus, le Conservatoire de Paris, dont il sort en 2014, ndlr]. Et puis, soudain, à 30 ans, quelque chose s’est débloqué, et tout est allé très vite. C’est encore un peu vertigineux pour moi. » Il a pourtant construit en un temps record une carrière exemplaire. 120 battements par minute, donc, mais aussi Les Invisibles, Roubaix. Une lumière, Alice et le maire, La Vie scolaire, aujourd’hui Chanson douce de

collectif, populaire, excentrique, la rapidité et en même temps l’exigence du texte des Trois Mousquetaires, c’est tout à fait moi. »

MARATHON MAN

Pourtant, cette vis comica (« force comique »), le cinéma l’a encore très peu exploitée. Parfait en père surmené indolent face à Leïla Behkti et Karin Viard dans l’adaptation du roman Chanson douce de Leïla Slimani, Antoine Reinartz imprime plutôt sur les écrans une colère rentrée, à travers des personnages souvent agacés ou inquiets qui décrivent une société en crise. « Je rêve de pouvoir faire une grande comédie au cinéma. Mais pour l’instant on ne m’en propose pas. Je ne sais pas si ce sont mes cernes ou mon côté fragile, mais on ne me propose que des mecs en plein burn-out », plaisante-t-il. Peut-être le revers amusant de cette ascension rapide. Mais le comédien ne cache pas ses moments de doute. Si 120 battements par minute a été un fabuleux coup d’accélérateur, un film à propos duquel il dit s’être « battu pour en être », l’euphorie a été entachée par un accident qui l’a immobilisé

« Quand tu sors du Fouquet’s avec ton César et que tu rentres tout seul dans ton petit studio parisien, ça fait relativiser. » Lucie Borleteau. Des films qui regardent la France en face, s’interrogent sur la solidarité. Du cinéma politique qui fait écho au parcours associatif de l’acteur. Militant queer de longue date, très impliqué dans le développement de la culture ballroom en France (il a longtemps organisé lui-même des balls), Antoine Reinartz n’aime rien tant que la force motrice du groupe. Logique, quand on a fait ses armes sur les planches du Conservatoire. La première fois qu’on l’a croisé, il portait une perruque longue, une chemise à jabot et lançait des petits pains au lait rassis d’un air excédé sur le public hilare des Trois Mousquetaires, fabuleuse série théâtrale en six épisodes par le collectif 49 701. Un chefd’œuvre pharaonique de près de douze heures dans lequel la troupe menée par Jade Herbulot et Clara Hédouin redonnait vie avec une inventivité pop stupéfiante au célèbre roman d’Alexandre Dumas. « Plus jeune, je rêvais d’être Isabelle Adjani, confie Reinartz. Quand je suis monté sur scène, on m’a très vite fait comprendre que ça allait être compliqué. J’ai une nature comique, c’est comme ça. Le côté

pendant plus de six mois. « Au moment où tout s’accélérait, où j’aurai dû kiffer, je me suis juste demandé comment j’allais survivre et si un jour j’allais être capable de rejouer. » Même ce César du meilleur acteur dans un second rôle dès sa première nomination ne lui fait pas tourner la tête. « Quand tu sors du Fouquet’s avec ton César et que tu rentres tout seul dans ton petit studio parisien, ça fait relativiser. Et tant mieux. Une des choses que la culture ballroom m’a apprise, c’est la valeur du travail. On n’est jamais arrivé. » En tournage actuellement et en simultané d’Arthur Rambo, le nouveau Laurent Cantet, et de Petite Nature, le prochain Samuel Theis, on se dit que la course vers les sommets d’Antoine Reinartz ne fait en fait que commencer. • RENAN CROS PHOTOGRAPHIE : JAMES WESTON

— : « Chanson douce »

de Lucie Borleteau, StudioCanal (1 h 40), sortie le 27 novembre

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BOBINES

Quand


BOBINES

INTERVIEW

GARDER LE CAP

Marseille, la lutte des classes, la vie de couple et de famille : le cinéma de Robert Guédiguian est fait de décors, de visages et de motifs quasi permanents. Mais loin de se répéter ou de tourner en rond, le cinéaste donne plutôt, au fil de sa vingtaine de films, l’impression de persévérer, d’insister, de ne rien lâcher. À l’occasion de la sortie de Gloria Mundi, il revient sur sa méthode, ses convictions qui l’ont amené à ne jamais transiger sur sa manière de faire. Pourquoi emprunter d’autres voies quand on a, depuis le début, la certitude d’être sur le droit chemin ? 40


On est frappé par la noirceur du film, le plus sombre peut-être de votre filmographie.

À cet effet, il s’agissait de mettre en évidence les répercussions de cet individualisme à différentes échelles, observer comment il corrompt la moindre parole, le moindre geste, la moindre interaction. Jusqu’au rapport sexuel, puisque c’est un de vos films les plus sexués, et en même temps celui où la relation charnelle est la plus triste, la plus égoïste, la plus amorale. Gloria Mundi a pour sujet l’explosion de tous les liens sociaux – et particulièrement ceux, prétendument sacrés, du couple et de la famille. Raison pour laquelle il fallait aussi s’attarder sur la corruption du désir sexuel. Depuis À l’attaque ! [sorti en 2000, ndlr], où je formulais la chose explicitement, je reste convaincu que les deux données les plus importantes pour comprendre une société, ce sont les rapports de classe et la sexualité. En gros : Marx et Freud. Pourquoi avoir ouvert le film sur la naissance de l’enfant, la Gloria du titre ? Afin de lancer le récit sur une note optimiste. À l’occasion de cet heureux événement, le spectateur découvre tous les protagonistes, et pense peut-être que celui-ci va rayonner positivement sur chacun d’entre eux. Et c’est précisément l’interrogation qui agite en sous-main le film : comment une naissance pourrait-elle être autre chose qu’une absolue réjouissance pour une famille ? À l’occasion de ce préambule, vous citez explicitement un court métrage sublime d’Artavazd Pelechian, Life, qui filmait lui aussi un accouchement sur le Requiem de Verdi. Comment vous est venue cette inspiration ? J’ai réfléchi à la façon dont je pouvais mettre en scène cette naissance, à sa fonction dans le récit, et je me suis dit qu’il fallait la présenter comme quelque chose de sacré, en opposition avec le reste du film qui exposera plutôt des situations triviales, quotidiennes – des petits arrangements

Après La Villa, j’ai renoncé à une comédie qui était pourtant toute prête, parce que je sentais que ce n’était pas opportun. Je sentais qu’on était dans une séquence de notre histoire où les mentalités se durcissent, où les rapports humains s’enveniment. En réaction à ce constat, j’ai voulu dresser un tableau sans concession de notre société. Mais cette détermination a été, je crois, amplifiée par une envie d’ordre formel, que j’essaie de cultiver depuis quelques années maintenant : celle de scénariser mes films de façon plus efficace, tranchante, à la manière des films noirs des années 1950. Je fais des films pour qu’ils soient vus et compris, et je crois que le rapport du public au film passe majoritairement par une lecture au premier degré. Ma conviction est qu’il faut pouvoir maîtriser au maximum cette première couche de sens, en rendant le récit le plus efficient possible. Cela affecte uniquement le travail d’écriture ? Non, c’est même la question fondamentale de la mise en scène. Beaucoup disent que je suis un cinéaste naturaliste, ou réaliste, mais en vérité je suis théâtral, ou, plus précisément, brechtien. Je ne recherche pas l’immersion, mais la juste distanciation. Pour ce faire, il n’y a pas vraiment de règle. C’est plutôt une affaire de dosage. Pour chaque séquence, il s’agit d’être à la fois assez près pour que le spectateur puisse avoir une réaction émotionnelle face à ce qu’on lui montre et assez loin pour lui permettre de problématiser cette émotion. L’essentiel n’est pas d’émouvoir, mais de faire réfléchir à la raison pour laquelle on a été ému. Dans La Villa, il était question d’un héritage matériel. Gloria Mundi, lui, gravite plutôt autour de la transmission des valeurs. Or, sur ce point, le constat d’échec est accablant : la nouvelle génération ne croit plus en rien, tandis que les seniors tentent de maintenir un semblant d’harmonie familiale, en vain. À travers le destin de cette famille, je voulais montrer des gens devenus incapables d’entretenir des rapports de convivialité, de solidarité, de fraternité : ils ne vivent plus les uns avec les autres – alors que c’est le principe de la famille et, en théorie, d’une société –, mais les uns contre les autres.

Anaïs Demoustier et Robinson Stévenin

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BOBINES

ROBERT GUÉDIGUIAN


INTERVIEW

BOBINES

« Comment une naissance pourrait-elle être autre chose qu’une réjouissance pour une famille ? » avec le réel. Cette naissance devait ainsi apparaître comme une sorte de miracle – un événement sans contextualisation, sans explication. Cela m’a rapidement emmené vers Pelechian, à qui j’étais ravi de pouvoir rendre hommage, et pas simplement à cause de mes origines arméniennes. Cette enfant, c’était le point de départ du projet ? Pas tout à fait. Le point de départ, c’était l’idée d’une situation tragique – en l’occurrence, un homme n’ayant pas vu grandir sa fille parce qu’il a passé trois décennies en prison – qui risquait de se reproduire si on n’enrayait pas la mécanique du destin. À l’origine, il y avait donc un grand-père qui sortait de prison et une petite fille qui venait de naître, et, autour de cet axe, le quotidien de cette famille reconstituée, bricolée à partir des aléas de l’existence, et passablement désunie. Le personnage de l’enfant et celui du grand-père tout juste sorti de prison ont un

point commun : on pourrait presque dire que ce sont tous les deux des « nouveau-nés ». Le personnage du grand-père a, comme celui de la petite fille, un regard neuf sur le monde. Sa longue absence lui a paradoxalement conféré la capacité de cerner son environnement avec une forme de lucidité – une lucidité que ne peuvent avoir ceux qui sont pris dans le tourbillon de la vie en société. À sa sortie, il mesure d’emblée l’évolution des comportements et le délabrement de certaines valeurs. Cependant, il n’est pas dans le jugement, plutôt dans la compassion. Il ne regarde pas ces gens comme des coupables, mais comme des aliénés. Les deux personnages demeurent aussi tous les deux à la périphérie de l’intrigue… Jusqu’à l’épilogue, où ils se retrouvent soudain au cœur de l’interrogation décisive du film : peut-on conjurer la fatalité du destin ? Et c’est là où je pense avoir fait un film certes sombre dans le ton et dans le détail, mais optimiste dans le message, parce que, malgré l’accumulation de circonstances économiques, sociales, familiales condamnant cette enfant, celle-ci va peut-être s’en sortir grâce à la décision d’un seul homme. Le film dessine le portrait d’une famille, mais aussi celui d’une ville, Marseille, qui ne nous est jamais apparue aussi terne, blafarde. Je ne tourne pas sur Marseille, mais à Marseille. Les décors et les ambiances que je convoque, je les convoque donc en fonction des besoins de mon récit. Au début de la préparation de Gloria Mundi,

Gérard Meylan

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PLUS MAL LA VIE Gloria Mundi ausculte le délabrement d’une cellule familiale que vient pourtant de fédérer la naissance d’une petite fille – qui donne au film son beau titre évangélique. Le cinéaste y radicalise comme jamais son art de la narration polyphonique, en entremêlant avec une adresse déconcertante les trajectoires de tous ses personnages. Généreux en incidents et en coups du sort, le film pousse dans ses retranchements chaque membre de la famille afin de lui arracher une vérité souvent démoralisante sur notre société – ici rongée par l’individualisme, le cynisme, les démissions de l’esprit… Dans un Marseille méconnaissable de noirceur, cette comédie humaine tire pourtant sa force de tous les fragments de bonté et d’empathie qui semblent s’échapper par hasard des péripéties, jusqu’à un épilogue astucieux dans lequel Guédiguian réconcilie la dureté de la chronique sociale avec la douceur proverbiale du conte pour enfants. • L. B.

on a par exemple décidé avec mon équipe qu’on ne tournerait pas une seule séquence à l’Estaque – on ne voulait surtout pas de petites ruelles, de petits pavés, de ce côté village de pêcheurs qu’on peut observer dans Marius et Jeannette ou dans Les Neiges du Kilimandjaro [ses films sortis en 1997 et en 2011, ndlr]. On voulait au contraire des autoroutes qui déchirent la ville, des immeubles de plus de six ou sept étages qui bouchent l’horizon, on souhaitait filmer le nouveau tramway… On me demande souvent lequel de mes films résume le mieux l’identité de Marseille, et je réponds systématiquement : vous juxtaposez tous mes films, et vous aurez un portrait juste de la ville, de ses multiples facettes.

Vous renouvelez assez peu votre distribution. Plus particulièrement, on retrouve Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan dans quasiment tous vos films. Comment ce triangle s’intègre-t-il à chacune de vos histoires ? J’aime travailler avec les mêmes comédiens car, au-delà du plaisir humain, il y a une optimisation de l’énergie, de la concentration, du travail. Ce n’est pas une contrainte absolue – j’ai d’ailleurs fait quelques films où Darroussin et Meylan avaient des rôles vraiment secondaires. Mais je serais hypocrite en disant que ces trois comédiens n’influent pas sur l’élaboration des films, surtout à l’écriture. Je pense que cela trouve son explication dans une 43

BOBINES

ROBERT GUÉDIGUIAN


INTERVIEW

Gérard Meylan

BOBINES

« Je pense avoir fait un film certes sombre, mais optimiste. » observation toute bête : ils ont le même âge que moi et me permettent d’inscrire à chaque fois mon point de vue. Parfois, je répartis un peu de ma personnalité dans les trois ; d’autres fois, je me retrouve dans un personnage en particulier – dans Gloria Mundi, par exemple, je m’identifie clairement à Gérard Meylan, qui joue le grand-père. Au-delà du confort et des habitudes, on vous imagine très attaché, politiquement, à l’idée de « troupe ». Le collectif est pour moi une notion fondamentale, chevillée à mon destin. C’est ma pierre de touche à la fois comme être humain, comme citoyen et comme cinéaste. Par l’exemple, je veux montrer que l’idéal collectif est possible – et ce même à l’échelle

de la production, puisque AGAT Films & Cie, qui produit mes films depuis mes débuts, est un collectif de producteurs qui existe depuis maintenant vingt-cinq ans. Or, vous pouvez me croire, dans ce milieu, rester aussi longtemps sans se fâcher, ce n’est pas donné à tout le monde, ça nécessite un certain état d’esprit.

• PROPOS RECUEILLIS PAR LOUIS BLANCHOT PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA — : « Gloria Mundi »

de Robert Guédiguian, Diaphana (1 h 46), sortie le 27 novembre

LE FIL D’ARIANE Ariane Ascaride et Robert Guédiguian sont deux artistes qui ne se lassent pas l’un de l’autre : en près de quarante ans, elle a joué vingt fois pour lui. Dans une seule circonstance (Le Promeneur du Champ-de-Mars), l’actrice a passé son tour. Alors sur quoi repose une collaboration aussi solide ? Pas uniquement sur le mariage qui a célébré leur union dans les années 1970, après une rencontre sur les bancs de la fac. Pas seulement sur les différentes consécrations officielles qui auront (pour elle plus que pour lui) émaillé ce parcours, du César de la meilleure actrice en 1998 pour Marius et Jeannette jusqu’à la récente coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine pour Gloria Mundi. Mais plutôt sur une cohérence gardée secrète, solidifiée par l’épreuve du temps, et qui donne le sentiment que, d’un film à l’autre, Ascaride n’aura cessé de tisser qu’un seul rôle, comme Guédiguian, une seule œuvre. • L. B.

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LE 4 DÉCEMBRE


COMPTE RENDU

UNE JEUNESSE CHINOISE Partiellement

entourée par de hauts remparts, la ville de Pingyao se visite en flânant dans les ruelles aux lanternes rouges, dans une architecture ancienne remontant au xive siècle. Dans la grisaille d’octobre, on se perd entre les demeures traditionnelles, les scooters fumants, les chiens errants et les vendeurs de vinaigre ou d’éventails. Avant de venir, on nous avait décrit cette cité du Shanxi, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, comme un « Saint-Malo chinois ». Il est vrai que l’on y trouve quelque chose de l’ambiance fortifiée malouine, avec ce caractère multiséculaire quasi muséal (avec notamment de nombreuses banques, les toutes premières du pays, datant du xixe siècle) qui attire en nombre les

touristes chinois. Chaque devanture arbore le drapeau de la République populaire de Chine, qui commémore ses 70 ans d’existence, et l’on entend parfois quelques feux d’artifice pétarader au loin. Dans l’enceinte dévolue au Pingyao International Film Festival, où l’on trouve une salle en plein air (nommée « Platform », comme le film de Jia Zhang-ke) et une ancienne usine de moteurs diesel reconfigurée en multiplexe doté de salles high-tech, de fauteuils massants, de cabines de karaoké et d’un concept store cinéma, on sent beaucoup de ferveur. Alors que la plupart des festivals de cinéma se distinguent rarement par la jeunesse du public, celui de Pingyao est composé en grande partie d’étudiants, souvent issus d’écoles de cinéma (comme la Beijing Film Academy), venus dévorer des films étrangers d’auteurs peu diffusés en Chine (Atlantique de Mati Diop, The Fever de Maya Da-Rin…) à cause du protectionnisme de l’État. De notre côté, ce sont les films chinois qu’on souhaitait découvrir, et là aussi la jeunesse primait, teintée d’une certaine noirceur. • QUENTIN GROSSET

© D. R.

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On s’est rendus en Chine, à Pingyao, à la troisième édition du PYIFF, festival créé en 2017 par le réalisateur Jia Zhang-ke (A Touch of Sin, Les Éternels) dans la cité ancienne où il avait tourné en 2000 quelques séquences de son film Platform. L’événement se donne pour but de faire connaître au monde les jeunes talents du cinéma chinois. Focus sur trois d’entre eux.

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FESTIVAL DE PINGYAO

Premier long métrage du jeune cinéaste chinois Liang Ming, Wisdom Tooth évoque parfois le film Burning du Sud-Coréen Lee Chang-dong dans la manière qu’il a de glisser imperceptiblement, à partir d’un canevas narratif de ménage à trois, de la candeur à la tragédie. Cruel

long métrage, choisit la complexité afin d’aborder ces questionnements inextricables de manière subtile et mélancolique. Qu’il s’agisse d’architecture ou de sentiments, le cinéaste plein d’élan ne cède jamais à une nostalgie qui dresserait l’authenticité du passé contre l’artificialité du présent. • Q. G.

sur la fin de l’innocence, il expose d’abord avec fougue les attentes et les perspectives d’une jeunesse chinoise de la fin des années 1990 (volonté de faire fructifier son commerce, attrait pour la culture occidentale…) à travers l’histoire de la jeune Guxi et de son frère, Guliang, deux orphelins vivant modestement de la pêche près de la frontière nord de la Chine. Lorsqu’arrive dans leur vie Quingchang, une indépendante et riche jeune fille dont le père tient une entreprise gérant la pêche locale, leur entente est mise à mal… C’est à travers une atmosphère glacée et putride (les grandes étendues de neige, les poissons pêchés déjà morts) que le cinéaste dépeint la confusion des sentiments et les antagonismes de personnages représentant différentes strates sociales. La violence des affects qui entraînera la désillusion des héros est alors saisie dans une retenue paisible troublante. • Q. G.

UN ÉTÉ À CHANGSHA DE ZU FENG Dans la province du Hunan, le détective A Bin, endeuillé après le suicide de sa compagne, enquête sur une disparition. Il fait la rencontre de la sœur du disparu, Li Xue, une docteure qui a elle-même perdu sa fille dans des circonstances troubles… Passant du simple polar au psychodrame, ce film tourmenté, qui sort en France début décembre, étonne par sa manière de rendre faillibles des figures d’autorité, comme si les institutions garantes d’un certain ordre étaient gagnées par la désespérance. Isolés dans leur tristesse (A Bin est souvent filmé à l’écart, se détachant de son groupe de flics ; Li Xue a le visage constamment fermé), les deux solitaires vont développer un sentiment d’identification mutuel, et l’on pressent alors la possibilité d’un lien dans un monde dépeint comme absurde et sinistre. Mais Zu Feng, dont c’est le premier long métrage et qui joue le rôle d’A Bin, anéantit vite cette lueur

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d’optimisme : les différentes options (antidépresseurs, religion…) pour lesquelles optent ses personnages en quête de salut ne sont ici qu’illusions. • Q. G.

— : Damned, 1 h 55, sortie le 4 décembre —

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WISDOM TOOTH DE LIANG MING

© D. R.

Wenxin, architecte à Singapour, revient dans la petite ville de Chine où il a grandi, pour enterrer sa mère. Là, un vieil ami lui propose d’être consultant sur un projet de rénovation urbaine. Le retour du jeune homme est chargé d’émotions aussi emmêlées que les installations anarchiques de fils électriques qui strient souvent l’écran. Wenxin doit à la fois renouer le dialogue avec un père dont la vie simple n’a que peu à voir avec le rythme frénétique de sa propre existence, oser avouer son amour à une vieille amie et repenser toute l’organisation des constructions aux façades grises et usées. Rénover ou reconstruire ? Prendre en compte le passé ou repartir de zéro ? En accord avec une croyance feng shui selon laquelle les lieux ont une incidence sur nos existences, Ding Wenjian, ancien architecte qui réalise son premier

© D. R.

© D. R.

BRICK DE DING WENJIAN


MICROSCOPE

LE CRI DE SCYLLA Comme le diable, le cinéma se loge dans les détails. Geste inattendu d’un acteur, couleur d’un décor, drapé d’une jupe sous l’effet du vent : chaque mois, de film en film, nous partons en quête de ces événements minuscules qui sont autant de brèches où s’engouffre l’émotion du spectateur. Ce mois-ci : un cri, et des chiens, dans John Wick. Parabellum (Chad Stahelski, 2019).

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Sofia

crie et un chien sort de l’image. On ne comprend pas ce que dit le cri, c’est le nom du chien sûrement, mais c’est d’abord un cri de guerre, un aboiement aussi : le cri est le premier à mordre. Puis les chiens dévorent des hommes, par l’entrejambe où à la gorge, là où le cri les a guidés. Sofia crie et l’on comprend instantanément plusieurs choses. Que les bons films d’action nous manquent, et que les super-héros qui ont pris leur place ne nous consolent pas de leur absence, parce qu’un monde où l’on ne s’émerveille pas qu’un type vole dans les

Le cri n’appelle rien : il lui fait plutôt pousser des chiens dans le dos. Dans la mythologie grecque, Sofia a un autre nom : c’est Scylla. airs est un monde où il n’est plus permis de s’émerveiller de rien – eux-mêmes ont l’air las de tant de pouvoirs, qui devraient leur faire embrasser le monde et les font plutôt glisser, indifférents, dessus. Tandis que l’on s’émerveille de Sofia, de son cri, et de ses chiens, elle apparaît au milieu du troisième volet en date de John Wick, où l’on s’émerveille de presque tout. Sofia Al-Azwar, que joue Halle Berry, est le double féminin et oriental de John Wick. Ils ont la même morale, qui commence avec les chiens (tuez leur chien et ils se vengent sans pouvoir s’arrêter). Ils doivent tuer pour faire leur

chemin, et cela implique, pendant de longues minutes, de danser d’un plan à l’autre, pour esquiver un coup ou bien en donner un, pour faire parler la poudre ou éviter les balles, danser littéralement avec le film jusqu’à ce que les gestes et les plans ne forment plus qu’un seul et même ruban, battu par l’énergie du montage. Le film d’action vise à ce qu’il n’y ait plus que ces ondes, où s’évanouissent l’un dans l’autre le corps et le décor : plus rien que de la vitesse, et le tournis du spectateur. John Wick y parvient de manière admirable, un peu seul aujourd’hui à continuer la belle histoire du mouvement qu’avaient racontée le burlesque et la comédie musicale, avant de la léguer au cinéma de genre hongkongais, dont il descend. Comme dans la comédie musicale, on se passionne pour le lien quasi médiumnique qu’il y a entre le corps du personnage et son environnement : tout lui est prothèse, le monde entier le prolonge. C’est ce qui fait de Sofia un personnage si électrique et enivrant. Son cri et le mouvement des chiens, qu’il provoque (parfois il n’y a même pas de cri, et c’est alors par télépathie, sûrement, que les chiens s’élancent), sont une seule et même onde, du corps jusqu’aux crocs. Le cri n’appelle rien : il lui fait plutôt pousser des chiens dans le dos. Dans la mythologie grecque, Sofia a un autre nom : c’est Scylla. Ovide la décrit dans les Métamorphoses : « Scylla vient, et déjà elle était à moitié descendue dans l’onde, lorsqu’elle se voit entourée de monstres hurlants. D’abord elle ne croit pas qu’ils fassent partie de son corps : elle s’éloigne, fuit et craint leur rage écumante ; mais, en fuyant, elle entraîne les monstres : elle cherche ses flancs, ses jambes, et ses pieds : partout à leur place elle ne trouve que des gueules de Cerbère, qu’une horrible ceinture de chiens aboyants sans parties inférieures, attachés par le dos autour de son corps. » C’est autre chose que Captain Marvel et Wonder Woman. • JÉRÔME MOMCILOVIC

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MICROSCOPE

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PORTFOLIO

PORTRAITS DE FAMILLE Marie Losier dans son atelier le 30Â octobre 2019

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PORTFOLIO

Trois

catcheuses blondes en combis moulantes posant fièrement sur un ring ; une créature mythologique attirant lumières et couleurs au cœur de la nuit lisboète… Depuis le début des années 2000, la cinéaste (Cassandro the Exotico!, 2018) et artiste franco-américaine Marie Losier tire des portraits poétiques d’amis venus de la scène expérimentale, du cinéma underground, du night-clubbing queer ou encore du sport, en Europe, aux États-Unis ou au Mexique. À l’occasion de la rétrospective de ses films au Jeu de Paume, et avant l’exposition de ses travaux à la galerie Anne Barrault, on a voulu revenir à la source d’amitiés fondatrices à travers, notamment, des photogrammes de ses films documentaires et des Polaroid issus de sa collection personnelle, révélateurs de l’esprit camp et de l’esthétique flamboyante de son cinéma. Vêtue de son tablier vichy rouge et blanc, et affairée à fabriquer des gâteaux en silicone pour son exposition, elle nous a accueillies dans son atelier, niché dans les allées de la résidence d’artistes Villa Belleville, pour évoquer la fascinante galaxie Losier. • JOSÉPHINE LEROY — PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA 51


© MARIE LOSIER

PORTFOLIO

MIKE KUCHAR

BOBINES

photogramme du film Bird, Bath and Beyond (2004) « En 2003, je suis allée au Millennium Film Workshop [un centre d’arts new-yorkais, ndlr] pour voir si quelqu’un pouvait m’apprendre à utiliser ma Bolex 16 mm, avec laquelle je filme encore. Mike Kuchar [figure du cinéma underground à qui elle a consacré le court métrage documentaire Bird, Bath and Beyond, ndlr] était projectionniste là-bas. Avec sa barbe à la Moïse, il mangeait un énorme pot de glace. J’ai éclaté de rire en le voyant et on s’est mis à discuter. Avec son frère, George, ils m’ont appris tout un langage cinématographique ; qu’il fallait tourner tout le temps, même sans moyen. Pour lui, tout est expression artistique. Il a notamment fait des dessins homoérotiques incroyables et a inspiré de grands cinéastes camp, dont John Waters. »

GENESIS P-ORRIDGE

© BERNARD YENELOUIS

photographie de tournage du film The Ballad of Genesis and Lady Jaye (2011) « J’ai rencontré Genesis P-Orridge [artiste, chanteuse, performeuse et autrice britannique, ndlr] en 2005, à New York, à un vernissage. Elle m’a invitée chez elle et avec Lady Jaye, sa compagne, elles m’ont proposé de les suivre en tournée pour faire un petit film, devenu un grand portrait sur leur histoire d’amour et leur transformation [dans le film, le couple veut fusionner au point d’avoir exactement la même apparence, ndlr]. Là, on avait fabriqué pour Genesis un costume en aluminium avec un tutu sur la tête. Ça me rappelle les photos de films hollywoodiens que je chopais dans les marchés aux puces gamine. Finalement, j’ai fait mon Hollywood underground ! »

photogramme du film Alan Vega. Just a Million Dreams (2014) « J’ai connu Alan Vega [du groupe de rock électronique Suicide, ndlr] en même temps que Genesis, dans une petite salle de concert new-yorkaise que j’adore. Sa performance était intense, habitée. Je l’ai revu alors que je tournais un film. Il était très faible à l’époque, c’étaient les deux dernières années de sa vie. On s’est vus chez lui, on a parlé de sa passion pour la boxe, le dessin, et j’ai voulu faire son portrait. Il me lisait des poèmes pendant que ses chaussettes tournaient dans sa machine à laver. J’ai trouvé ça génial. Les lieux du quotidien sont devenus des décors de jeu. »

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© MARIE LOSIER

ALAN VEGA


MARIE LOSIER LES SŒURS MORENAS

© LUCYA GERHART

BOBINES

© MARIE LOSIER

photogramme du film Bim, Bam, Boom. Las Luchas Morenas (2014) « Je tournais Cassandro the Exotico! [portrait d’une star du catch mexicain, sorti en 2018, ndlr] quand Cassandro m’a parlé de ces trois sœurs catcheuses qui vivaient dans la banlieue de Mexico, un lieu ultra dangereux, au point que les sœurs Morenas payaient un mec pour que leurs enfants ne soient pas kidnappés ! Elles étaient d’abord réticentes, mais elles ont fini par follement s’amuser. Quand j’ai fini le film, j’ai amené un projecteur et un écran dans leur quartier. On l’a montré à toutes les filles du coin. Elles ont repassé le film au moins dix fois. C’était magnifique. »

FERNANDO photographie de tournage du film L’Oiseau de la nuit (2016) « Je venais d’arriver de New York, je connaissais mal l’Europe [née en France, Marie Losier a travaillé pendant vingt-deux ans aux États-Unis, avant de revenir vivre en Europe en 2013, ndlr], et mon ami João Pedro Rodrigues [cinéaste portugais, ndlr] m’a emmenée dans l’extraordinaire Finalmente Club de Lisbonne, qui organise des shows de drag-queens. J’ai été captivée par la performance de Fernando, son costume et sa tête de lion. Il m’a permis de faire ce court poétique où il apparaît comme un personnage mythologique qui représente Lisbonne, et incarne cet être hybride mêlant l’homme et l’animal, le masculin et le féminin. »

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© COLLECTION PERSONNELLE, MARIE LOSIER © COLLECTION PERSONNELLE, MARIE LOSIER

BOBINES

© COLLECTION PERSONNELLE, MARIE LOSIER

PORTFOLIO

BERTRAND MANDICO ET MARIE LOSIER / ELINA LÖWENSOHN / YANN GONZALEZ, JONATHAN CAOUETTE ET RAFAEL TORRES « J’adore les Polaroid. Je suis très amoureuse des artistes comme Andy Warhol qui en ont fait un art. Pour moi, c’est comme des bobines de films. J’aime leurs couleurs, la matière. Les deux premiers ont été pris à un Nouvel An, avec Elina Löwensohn et Bertrand Mandico [actrice et réalisateur, notamment, des Garçons sauvages, ndlr] qui font partie de cette nouvelle famille que je me suis créée en arrivant à Paris. Ce soir-là, on a joué sur le thème de la décadence : on a bien mangé, on s’est costumés et on a mis de la bouffe partout ! Le dernier Polaroid a été pris quand j’ai fait se rencontrer chez moi Jonathan Caouette [réalisateur de films underground américains comme Walk Away Renee, 2011, ndlr] et Yann Gonzalez [cinéaste français, auteur notamment d’Un couteau dans le cœur, 2018, ndlr]. Je les accroche tous sur un mur pour que ma grande famille d’amis veille sur moi et me protège. »

— : « Marie Losier. Confettis atomiques ! », jusqu’au 23 novembre au Jeu de Paume • « Marie Losier. Eat my Makeup! », du 11 janvier au 22 février à la galerie Anne Barrault

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13 NOV.

Koko-Di Koko-Da de Johannes Nyholm, Stray Dogs (1 h 26)

Les Éblouis de Sarah Suco, Pyramide (1 h 39), page 80

Océan d’Océan, Arizona (1 h 51), page36

Le Mans 66 de James Mangold, 20 th Century Fox (2 h 33)

Vivre et chanter de Johnny Ma, Épicentre Films (1 h 39), page 80

Le Bel Été de Pierre Creton, JHR Films (1 h 21), page 62

Prendre soin de Bertrand Hagenmüller, Zelign Films (1 h 20)

Knives and Skin de Jennifer Reeder, UFO (1 h 52)

J’accuse de Roman Polanski, Gaumont (2 h 12), page 70

20 NOV.

27 NOV.

Noura rêve de Hinde Boujemaa, Paname (1 h 30), page 70

Terminal Sud de Rabah Ameur-Zaïmeche, Potemkine Films (1 h 36), page 14

Chanson douce de Lucie Borleteau, StudioCanal (1 h 40) page 38

Little Joe de Jessica Hausner, Bac Films (1 h 45), page 80

In Fabric de Peter Strickland, Tamasa (1 h 58) page 18

Gloria Mundi de Robert Guédiguian, Diaphana (1 h 46), page 40

Zibilla ou la Vie zébrée d’Isabelle Favez, Gebeka Films (47 min), page 85

Les Misérables de Ladj Ly, Le Pacte (1 h 42), page 64

Indianara d’Aude ChevalierBeaumel et Marcelo Barbosa, New Story (1 h 24), page 60

J’aimerais qu’il reste quelque chose de Ludovic Cantais, Vendredi (1 h 19)

Les Enfants d’Isadora de Damien Manivel, Shellac (1 h 24), page 72

Proxima d’Alice Winocour, Pathé (1 h 47), page 72



Tenzo de Katsuya Tomita, Survivance (1 h 03), page 74

4 DÉC.

11 DÉC.

Wonder Boy Olivier Rousteing, né sous X d’Anissa Bonnefont, Alba Films (1 h 39), page 80

Un été à Changsha de Zu Feng, Damned (1 h 55), page 47

Jeune Juliette d’Anne Émond, Ligne 7 (1 h 37), pages 24 et 76

À couteaux tirés de Rian Johnson, Metropolitan FilmExport (2 h 11)

It Must Be Heaven d’Elia Suleiman, Le Pacte (1 h 37), page 66

Lola vers la mer de Laurent Micheli, Les Films du Losange (1 h 30), page36

Cocaine Prison de Violeta Ayala, Juste Doc (1 h 15)

Seules les bêtes de Dominik Moll, Haut et Court (1 h 57), page 74

Lillian d’Andreas Horvath, Nour Films (2 h 08), page 68

Freedom de Rodd Rathjen, Apollo Films (1 h 32)

Made in Bangladesh de Rubaiyat Hossain, Pyramide (1 h 30), page 80

Les Envoûtés de Pascal Bonitzer, SBS (1 h 41), page 76

Last Christmas de Paul Feig, Universal Pictures (1 h 43)

Le Voyage du prince de Jean-François Laguionie et Xavier Picard, Gebeka Films (1 h 17), page 84

Une vie cachée de Terrence Malick, Orange Studio / UGC (2 h 53), page 78

L’Orphelinat de Shahrbanoo Sadat, Rouge (1 h 30)

La Famille Addams de Conrad Vernon et Greg Tiernan, Universal Pictures (1 h 27), page 85

La Vie invisible d’Eurídice Gusmão de Karim Aïnouz, ARP Sélection (2 h 19), page 78

Sympathie pour le diable de Guillaume de Fontenay, Rezo Films (1 h 40)

Brooklyn Affairs d’Edward Norton, Warner Bros. (2 h 25)

Pahokee Une jeunesse américaine d’Ivete Lucas et Patrick Bresnan, Arizona (1 h 52)



ZOOM ZOOM

LES FILMS DU MOIS À LA LOUPE

INDIANARA À Rio de Janeiro, Indianara dirige la Casa Nem, refuge permettant aux personnes transgenres d’échapper à l’exclusion. Santé physique et mentale, orientation professionnelle : elle les accompagne sur tous les fronts, pour pallier les manquements d’un gouvernement déficient. Au gré d’un documentaire qui oscille entre joie et ténèbres, Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa filment la lutte acharnée et épuisante d’une véritable héroïne prête à tout pour que son Brésil en finisse avec la transphobie.

Ça

commence par un cercueil. Parce qu’au Brésil l’espérance de vie moyenne d’une personne trans est de trente-trois ans, Indianara affirme sans détour que, être trans, c’est moins vivre que survivre. La transidentité étant souvent synonyme de danger de mort et de précarité, Indianara Siqueira accueille dans sa résidence celles et ceux que la société refuse d’intégrer. Une panic room collective, où l’on se réfugie en espérant que le monde extérieur finisse par se montrer plus empathique. Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa filment le combat autant que la combattante, quadragénaire trans dont la rage reste intacte même lorsque le burn-out militant n’est pas loin. À l’image de ses luttes, on sent Indianara emplie d’une beauté triste, l’espoir finissant toujours par se heurter à l’horreur du réel. Comme autant de respirations, le film décrit son quotidien et celui de Mauricio, son futur mari, soutien aimant mais faillible. L’occasion pour les cinéastes d’observer les frontières souvent floues entre la sphère intime et le champ militant, qui finissent pourtant par se télescoper. C’est le cas


FILMS

© EMMANUEL DAEMERS (NEW STORY)

3 QUESTIONS À AUDE CHEVALIER-BEAUMEL

Le film est traversé par une volonté de démocratiser tous les corps, transgenres ou non. À Rio, il y a une dictature du corps parfait, refait, mais le topless est strictement interdit. Il nous semblait nécessaire de montrer des corps en transition, abîmés par la rue, l’alcool, la drogue, le sida… mais toujours libres et fiers. Après quelques jours aux côtés d’Indianara, les têtes baissées se redressent, les corps meurtris s’affirment et se libèrent. Nous avons toutes et tous besoin de cette révolution corporelle. Il vous semblait important de filmer Indianara dans le quotidien de sa vie de couple ? Sa relation avec Mauricio montre que des éducations différentes n’empêchent ni le dialogue ni l’amour. Son travail militant passe d’abord par lui, le macho conservateur, descendant d’esclavagistes. Ce couple, c’est le Brésil d’aujourd’hui : polarisé en apparence, il est pourtant capable de se mélanger, de se fréquenter et de s’aimer. Mauricio constitue aussi une porte d’entrée dans le film pour le public cisgenre, qui peut s’identifier à lui. Quelles ont été les conséquences de l’élection de Jair Bolsonaro, qui survient en fin de film ? Indianara pensait passer le relais aux plus jeunes, mais la montée de la haine et de l’insécurité l’a convaincue de reporter sa retraite. Après l’élection de Bolsonaro, elle a tenté de mettre fin à ses jours, pour finalement revenir en première ligne. Elle a rassemblé ses forces et ses proches au sein d’une nouvelle organisation plus grande et plus structurée, exclusivement transgenre, afin de mieux faire face aux attaques.

dans l’une des séquences les plus belles et joyeuses de l’ensemble : autour d’une piscine gonflable, Indianara et son clan peuvent enfin rire aux éclats, assumer et dévoiler leurs corps, rêver d’une vie qui ressemblerait tout entière à cet instant suspendu. Mais pas d’idéalisme qui tienne : Chevalier-Beaumel et Barbosa mettent aussi en exergue les conflits internes, le découragement, la sensation d’appartenir à un monde incapable de comprendre. Éminemment politique, Indianara dénonce les hypocrisies d’une gauche faussement inclusive, avant d’en arriver à la tragique arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro (en janvier dernier), prêt à piétiner les minorités. Le Brésil est entré dans une phase de résistance, ce qui inclut également le secteur cinématographique : dès son arrivée au pouvoir, le président d’extrême droite a commencé par supprimer le ministère de la Culture, au nom de son combat contre ce qu’il nomme le « marxisme culturel ». Dans la lutte sans fin contre la bêtise et la haine, Indianara s’impose comme une référence absolue en matière de force de conviction et de ténacité. • THOMAS MESSIAS

— : d’Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa, New Story (1 h 24), sortie le 27 novembre

— 61


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LE BEL ÉTÉ

Dans

la chaleur de l’été normand, Pierre Creton filme la grâce du quotidien et célèbre, avec une évidence bouleversante, la crise des migrants comme possible catalyseur de précieuses rencontres humaines. Robert et Simon passent l’été en bord de mer avec leur amie Sophie, Flora, une adolescente, et Nessim, un migrant de Calais (interprété par Gaston Ouedraogo) qu’ils hébergent. Ce dernier est rejoint par Amed et Mohamed, jeunes réfugiés guinéens ici dans leur propre rôle… Pierre Creton est l’auteur d’une œuvre à mi-chemin entre documentaire et fiction (voir le sublime Va, Toto ! sorti en 2017), aussi hybride que lui – qui est à la fois cinéaste et ouvrier agricole. Le Bel Été part d’une réalité : celle d’une association d’hébergement pour mineurs étrangers (Des lits solidaires) à qui le cinéaste a fait appel pour le film. Dans cette chronique dionysiaque, Creton redonne aux migrants, souvent déshumanisés dans les médias, la dignité qu’ils méritent. En

débarquant dans cette famille aux contours flous (un couple d’hommes, une ado de passage, une amie solitaire), ils invoquent la fiction : le corps de Nessim se place entre ceux de Robert et Simon, la langue d’Amed et Mohamed se superpose au français littéraire des grands auteurs. De cette friction naît une énergie qui, loin du misérabilisme, irrigue Le Bel Été du bonheur de l’altruisme. Le trouble de la circulation du désir (de Mohamed pour Flora, de Robert pour Simon, de Simon pour Nessim) donne au film un potentiel poétique inouï qui se joue dans les interstices des images et non dans les mots. C’est face à l’émotion ressentie lorsqu’on s’adonne à une dernière baignade qu’il semble évident que ce Bel Été est porteur d’un espoir que l’on croyait perdu : celui de l’amour des autres. • DAVID EZAN

— : de Pierre Creton, JHR Films (1 h 21), sortie le 13 novembre

3 REGARDS SUR L’IMMIGRATION AVANT LA FIN DE L’ÉTÉ de Maryam Goormaghtigh (2017) Dans ce docufiction lumineux, les amis d’Arash l’entraînent dans un road trip balnéaire pour le convaincre de ne pas repartir en Iran après ses études à Paris.

L’HÉROÏQUE LANDE de N. Klotz et É. Perceval (2018) D’une rare poésie, cet objet protéiforme montre la jungle de Calais jusqu’à son démantèlement et fait la part belle à la parole des migrants. 62

AMIN de Philippe Faucon (2018) Un film humaniste sur le destin d’un immigré sénégalais, tiraillé entre sa famille restée au pays et sa relation naissante avec une Française aisée.


Crédit photo : Broadway Asia International, LLC

Un Américain à Paris MUSIQUE ET LYRICS

George Gershwin et Ira Gershwin

Comédie musicale

LIVRET

Du 28 novembre 2019 au 1er janvier 2020

Craig Lucas MISE EN SCÈNE ET CHORÉGRAPHIE

Christopher Wheeldon Spectacle présenté par le Théâtre du Châtelet et Broadway Asia International, LLC. – Production Théâtre du Châtelet et Pittsburgh CLO.

JE PRENDS MA PLACE

chatelet.com

– En accord spécial avec Stuart Oken, Van Kalplan, Roy Furman et Elephant Eye Theatrical – En anglais, surtitré en français

@theatrechatelet #chateletuaap


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LES MISÉRABLES

Sensation

du dernier Festival de Cannes, où il a obtenu le Prix du jury, ce thriller social mû par une conscience politique ardente nous dévoile le quotidien d’une unité de la BAC à Montfermeil. Sous la plume de Victor Hugo, les Thénardier tenaient une gargote dans une rue de Montfermeil. Au-delà du clin d’œil à une œuvre pas si éloignée du présent, Les Misérables, version 2019, c’est l’histoire d’un autre regard acéré – celui du cinéaste Ladj Ly, enfant de la cité des Bosquets, en Seine-Saint-Denis – qui façonne le nôtre à travers les yeux de Stéphane (Damien Bonnard), policier de Cherbourg fraîchement muté dans une cité dont il ne connaît ni les codes ni les repères tracés par les collègues de la BAC. Repoussant très longtemps le point de bascule du récit – une bavure, lors de l’interpellation d’adolescents, filmée

grâce à un drone –, Ladj Ly documente moins l’irruption de la violence que les conditions de sa naissance. Aux vues aériennes figurant les lieux tel un amas de boîtes oppressantes répondent ainsi de nombreuses scènes en espace confiné dans lesquelles s’engouffrent les jeux de domination verbale (y compris entre baqueux) et les germes du rapport de force. Nimbé d’un humour féroce, d’une énergie bouillonnante qui mène à la lisière du chaos, ce premier long métrage éclaire un sujet épineux sans moraliser ses enjeux. Vingt-quatre ans après La Haine de Matthieu Kassovitz, une nouvelle fiction comme un télescope pointé vers la réalité des banlieues délaissées par l’État. • OLIVIER MARLAS

— : de Ladj Ly,

Le Pacte (1 h 42), sortie le 20 novembre

3 QUESTIONS À LADJ LY De par son sujet et sa dimension radicale, votre film est souvent comparé à La Haine… Ce sont deux époques différentes, mais il y a des similitudes au niveau de l’histoire, avec la bavure. En même temps, il n’y a pas eu 36 000 films sur les banlieues non plus. Si on écoute tout ce qui se dit, on a l’impression qu’il y en a eu plein, mais on peut les compter sur les doigts des deux mains.

Comment avez-vous travaillé le personnage de Chris, le policier borderline ? Malheureusement, ce genre de personnage existe dans chaque quartier sensible, et j’en ai connu aux Bosquets. Je ne m’inspire que de faits réels, de mes histoires. Et encore, ici, ça reste très mignon, car l’équipe de la BAC est confrontée à des enfants, mais la réalité dépasse la fiction. 64

En trente ans, qu’est-ce qui a changé dans le quotidien des habitants de Montfermeil ? Mis à part le plan de rénovation urbaine, pas grand-chose. C’est même pire, notamment au niveau de l’accueil des gamins pendant les vacances. Les politiques en sont les premiers responsables. On espère que le président verra le film. On lui a envoyé un DVD et on attend sa réaction.


SAÏD BEN SAÏD ET MICHEL MERKT PRÉSENTENT

SARA GIRAUDEAU

NICOLAS DUVAUCHELLE

LES

ENVOÛTÉS UN FILM DE

© 2019 PHOTO GUY FERRANDIS / SBS PRODUCTIONS

PASCAL BONITZER NICOLAS MAURY ANABEL LOPEZ ILIANA LOLIC

ET JOSIANE

SCÉNARIO, ADAPTATION, DIALOGUE

PASCAL BONITZER ET AGNÈS DE SACY D’APRÈS LA NOUVELLE « LES AMIS DES AMIS » DE HENRY JAMES

LE 11 DÉCEMBRE AU CINÉMA © 2019 SBS PRODUCTIONS

BALASKO


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IT MUST BE HEAVEN

Dix

ans après Le Temps qu’il reste, Elia Suleiman emmène son cinéma burlesque jusqu’à Paris et à New York pour amplifier son regard poétique sur l’identité palestinienne. Mention spéciale du jury à Cannes. Poursuivant la veine autofictionnelle du cinéma d’Elia Suleiman, It Must Be Heaven débute en Palestine, où son personnage de cinéaste taciturne passe des journées oisives au milieu de voisins intrusifs et de rues anxiogènes. Un terrain connu qui va créer des envies d’ailleurs et va pousser notre héros, en quête de producteurs, à s’envoler pour Paris. La capitale française, observée avec des yeux savamment burlesques, apparaît comme un concentré de chorégraphies fantaisistes, qui dessinent une ville marquée par l’individualisme et la surveillance policière. Ces tensions sécuritaires et ces dérèglements

absurdes redoubleront d’intensité à New York, où le protagoniste continue son périple (et croise Gael García Bernal). Le portrait d’une planète entièrement imprégnée d’étrangeté et de conflits larvés met ainsi en exergue la connexion entre les différentes régions d’un monde qui a tendance à s’uniformiser. Filant la métaphore de l’envol des anges, le cinéaste y interroge les conditions de sa liberté et la spécificité de son identité palestinienne, jusqu’à une conclusion déchirante de simplicité. Suleiman peut enfin contempler la jeunesse de son pays – et naît alors dans son regard une lueur qui ressemble à de l’espoir. • DAMIEN LEBLANC

— : d’Elia Suleiman, Le Pacte (1 h 37), sortie le 4 décembre

3 QUESTIONS À ELIA SULEIMAN Vous parcourez trois villes dans le film : Nazareth, Paris et New York. Pourquoi ces choix ? Parce que j’ai vécu dans ces trois cités. Quand j’ai eu l’idée de me filmer en voyage, j’ai voulu éviter d’observer les lieux de façon exotique. J’ai fini par choisir les lieux les plus touristiques de ces villes que je connais bien pour en montrer une vision plus contrastée.

Vous délocalisez les clichés en montrant que la guerre est partout, pas seulement au Moyen-Orient. Oui, j’ai voulu parler d’une violence qui se propage dans le monde entier. Venant d’un pays qui a toujours été en guerre, je sens bien les tensions, particulièrement vives à Paris, où je vis et où on ne peut pas sortir de chez soi sans entendre des sirènes ou voir des policiers… 66

PAR J. L .

Dans ce tableau des plus sombres, il vous reste quand même un peu d’espoir ? Disons que je me rassure face à un monde profondément désespérant. Cela dit, je sens une évolution positive chez les jeunes Palestiniens, qui n’ont pas eu comme moi besoin de voyager pour se faire une place et qui défendent leur cause sans nationalisme. Ils sont ce que j’ai toujours rêvé d’être.


INDIANARA UN FILM DE

Design : E. Dorot - Illustration : Michael Gimenez

SÉLECTION OFFICIELLE

AUDE CHEVALIER-BEAUMEL

ET

MARCELO BARBOSA


FILMS

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LILLIAN

Dans

ce film énigmatique, l’Autrichien Andreas Horvath porte le road movie fictionnel jusqu’aux frontières du documentaire et en tire une errance passionnante dans l’Amérique des laissés-pour-compte. Sur la télévision d’un espace abstrait, des images pornographiques surgissent. On dit à Lillian (hypnotique Patrycja Płanik) qu’il est impossible de l’embaucher pour ces films, qu’elle devrait retourner en Russie. Elle prononce quelques mots puis s’en va dans les rues grouillantes de New York. Ces mots seront les derniers à sortir de sa bouche. Seule, mutique, elle marche vers l’ouest comme l’ont fait les pionniers avant elle. Inspiré d’un fait divers survenu au milieu des années 1920, le film relève plus de l’œuvre conceptuelle que de la fiction à proprement parler. La démarche du cinéaste est radicale en cela qu’il reproduit fidèlement le parcours de la vraie Lillian Alling et qu’il brouille les pistes du réel. Si le film, au départ, appartient sans équivoque à la fiction, la forme documentaire émerge à mesure de la perdition progressive de Lillian dans la part invisible de l’Amérique des grands espaces. Dès lors, la présence de l’actrice, du personnage (ou bien des deux) parasite

le réel au cours de séquences purement documentaires comme celle, saisissante, d’une manifestation d’Amérindiens en colère contre la cupidité des Blancs. Le fait que beaucoup d’images aient été tournées sans autre équipe qu’Andreas Horvath et son actrice n’est pas surprenant tant ce dispositif minimaliste confine à une liberté narrative absolue. Le film est aussi le récit d’une disparition, et c’est sa plus belle idée : en s’effaçant elle-même, Lillian traverse l’Amérique comme un fantôme, un corps étranger que l’on remarque à peine. L’errance y est portée à son paroxysme, et n’est pas sans rappeler celle qui hante le cinéma de Gus Van Sant (Gerry, bien sûr, mais aussi My Own Private Idaho ou Last Days), mais sous un jour plus autistique encore, déserté par toute forme de psychologie. Ce rigorisme formel participe de l’atmosphère presque fantastique de Lillian, qui nous maintient dans un état d’hébétude jusqu’aux confins de l’Alaska et vers la frontière magique qui sépare la Russie des États-Unis. • DAVID EZAN

Lillian traverse l’Amérique comme un fantôme, un corps étranger que l’on remarque à peine.

— : d’Andreas Horvath, Nour Films (2 h 08), sortie le 11 décembre

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UN SUBLIME MÉLO TROPICAL UN SUBLIME MÉLO TROPICAL

©CARACTÈRES ©CARACTÈRES ©CARACTÈRES - CRÉDITS - CRÉDITS NON- CONTRACTUELS CRÉDITS NON CONTRACTUELS NON CONTRACTUELS

LA VIE LA LA VIE VIE

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KARIM AÏNOUZ KARIM KARIM AÏNOUZ AÏNOUZ

11 DECEMBRE 11 11 DECEMBRE DECEMBRE

PRIX DU JURY ET DE LA PRESSE

BIARRITZ 2019 PRIX DU JURY ET DE LA PRESSE

BIARRITZ 2019 PRIX DU JURY ET DE LA PRESSE

BIARRITZ 2019


FILMS

J’ACCUSE

— : de Roman Polanski, Gaumont (2 h 12), sortie le 13 novembre

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Roman

Polanski s’empare de l’affaire Dreyfus et en livre une adaptation toute personnelle, écrite avec le scénariste de son Ghost Writer (2010), Robert Harris. Comme dans le roman de ce dernier intitulé D., le célèbre scandale judiciaire qui démarra en 1894 est narré à travers le point de vue du lieutenant-colonel Picquart (Jean Dujardin) qui, après avoir été promu chef du contre-espionnage, découvre la machination orchestrée contre le capitaine Alfred Dreyfus (Louis Garrel), condamné à tort pour trahison. Façonnant un thriller d’espionnage et un huis clos asphyxiant (les bureaux de Picquart sont littéralement étouffants, à l’image d’une fenêtre que le héros ne parvient jamais à ouvrir), le réalisateur renoue avec le cinéma de paranoïa de Rosemary’s Baby (1968) ou du Locataire (1976), mais dépeint aussi avec causticité une hiérarchie militaire furieusement entêtée. Si cet événement historique, qui divisa le pays et déchaîna les démons de l’antisémitisme dans l’opinion publique, fait écho aux tourments de la France contemporaine, c’est en même temps, par cet humour pince-sans-rire, à une prise de distance émotionnelle qu’invite le film. • DAMIEN LEBLANC

NOURA RÊVE

— : de Hinde Boujemaa, Paname (1 h 30), sortie le 13 novembre

Plus

que cinq jours avant que le divorce tant espéré par Noura, qui a retrouvé le bonheur dans les bras de Lassad, soit enfin prononcé. Alors que cette mère dévouée a hâte de vivre son histoire d’amour au grand jour, elle apprend que son époux, un détenu récidiviste prêt à tout pour empêcher la séparation, a été relâché plus tôt que prévu… À travers cet intense thriller, la Tunisienne Hinde Boujemaa (C’était mieux demain, 2012) critique habilement la justice de son pays, où l’adultère est un crime passible de cinq ans de prison et est très fréquemment imputé aux femmes. Portrait d’une héroïne à la fois passionnée et résiliente (superbement incarnée par Hend Sabri), le film montre parfaitement comment l’étau politique se resserre autour de celles qui osent goûter la même liberté que les hommes. Dans une mise en scène implacable, la réalisatrice figure cette idée par des gros plans et des décors asphyxiants. Évoquant dans cette ambiance saturée le captivant Jusqu’à la garde (2018) de Xavier Legrand, dans lequel une femme tente de protéger son fils de son ex violent pendant leur divorce, ce beau film est de ceux qui font bouger les lignes, de l’autre côté de la Méditerranée comme ici. • JOSÉPHINE LEROY

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Tanit dʼor JCC 2019

Prix du public Festival du film de Lama

Prix spécial du Jury Prix Fipresci Istanbul Film Festival

Meilleur Film Documentaire Prix Talent Variety El Gouna Film Festival

Prix spécial du Jury Hampton Film Festival

Prix du public

AGAT FILMS & CIE PRÉSENTE

UN FILM DE SUHAIB GASMELBARI

LE 18 DÉCEMBRE

Meilleur documentaire


FILMS

LES ENFANTS D’ISADORA

— : de Damien Manivel, Shellac (1 h 24), sortie le 20 novembre

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Inspiré

par un solo de danse bouleversant, Les Enfants d’Isadora sonde les questions de la transmission et du geste guérisseur. « La vraie danse est la force de la douceur », écrivait, dans son autobiographie, Isadora Duncan, prêtresse de la danse contemporaine. C’est après la mort tragique de ses deux jeunes enfants qu’elle crée La Mère, adieu dansé que découvrent, dans le film, quatre femmes de notre époque. Damien Manivel – dont Le Parc et Un jeune poète disaient déjà le goût pour l’épure comme moteur de l’émotion – suit de manière presque documentaire le temps de la création autour d’une œuvre dont ne subsiste quasiment aucune trace. Ancien danseur, le réalisateur interroge la renaissance par le mouvement, l’idée sublime de puiser dans l’œuvre d’une autre un éveil de soi et une réflexion sur la maternité. L’image, d’abord diaphane, comme prête à vaciller, se fait de plus en plus nette à mesure que le travail s’installe, tant dans le temps que dans l’espace. Un bercement aux lignes amples et pures passe des bras d’Agathe Bonitzer à ceux d’Elsa Wolliaston, toutes deux habitées par le geste ; et de la douleur s’extirpe la beauté. • LAURA PERTUY

PROXIMA

— : d’Alice Winocour, Pathé (1 h 47), sortie le 27 novembre

À

contre-courant des films de science-fiction où le héros endeuillé part dans l’espace chercher un parent mort ou disparu, Alice Winocour suit une astronaute qui se prépare à laisser sa fille sur terre pour pouvoir s’envoler. Sarah (Eva Green, très investie) n’a pas la tâche facile : séparée de son conjoint, elle mène de front son travail d’astronaute et l’éducation à temps partiel de sa fille. Elle touche son rêve du doigt quand elle est sélectionnée pour un programme d’un an sur une station en révolution autour de la Terre… Dans l’esprit (mais selon une forme de cinéma opposée) du Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman, Alice Winocour (Augustine, Maryland) décrit méticuleusement chaque étape de l’entraînement intensif de son héroïne, la misogynie old school dont elle est victime de la part de son coéquipier (Matt Dillon) et l’autre surcharge de travail qu’elle doit endosser en plus du reste : trouver une méthode pour couper habilement le cordon avec sa fille de 8 ans. Tout ça sans ciller. Prenant le contrepied des épopées spatiales spectaculaires, la cinéaste invente une haletante Iliade au féminin. • TIMÉ ZOPPÉ

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FILMS

TENZO

— : de Katsuya Tomita, Survivance (1 h 03), sortie le 27 novembre

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Après

le stupéfiant Bangkok Nites (2017), le prodige du cinéma japonais contemporain délaisse les grandes fresques pour un film en forme de haïku sur le bouddhisme. Chiken et Ryûgyô sont deux moines bouddhistes liés par une forte amitié. L’un soigne les allergies de son fils grâce à l’alimentation zen, l’autre aide la région de Fukushima à guérir des conséquences du tsunami de 2011… Katsuya Tomita, dans une mise en scène toujours sur le fil entre documentaire et fiction où se chevauchent entretiens filmés et séquences très écrites, humanise ces bonzes confrontés aux affres de la société japonaise. Derrière l’apparente quiétude de leur méditation, ils sont en prise avec le réel – Chiken jongle entre une vie de famille mouvementée et son investissement dans une structure d’écoute des suicidaires, nombreux au Japon. Chapitré en quatre « saveurs » distinctes, Tenzo est avant tout une œuvre poétique assez inclassable, qui s’autorise des écarts narratifs surprenants et qui, éclairée par la pensée philosophique de la nonne Shunto Aoyama, ouvre un champ de réflexion universel sur l’idéal du zen. • DAVID EZAN

SEULES LES BÊTES

— : de Dominik Moll, Haut et Court (1 h 57), sortie le 4 décembre

Fidèle

à ses thrillers à la lisière du film de genre, Dominik Moll (Harry. Un ami qui vous veut du bien) relate la mystérieuse disparition d’une femme dans une région montagneuse et enneigée. Cinq personnages sont touchés de près ou de loin par ce drame, et les secrets de chacun se dévoilent progressivement, au sein d’une structure en puzzle qui nous fait voyager de la campagne française à Abidjan. Au-delà de l’art du suspense, le cinéaste explore des thématiques variées : la solitude rurale, l’idéalisation amoureuse, les fantasmes engendrés par la technologie, l’appât du gain, la dimension d’irrationalité à laquelle on confie parfois son destin… Tous ces éléments, tirés du roman éponyme de Colin Niel, composent une sombre tragédie, pourtant traversée par la chaleureuse lumière qui émane du casting. Aux côtés de Laure Calamy, Denis Ménochet ou Damien Bonnard, Valeria Bruni Tedeschi retient ainsi particulièrement l’attention, dans la peau d’une quinquagénaire cherchant à contrôler ses sentiments pour une jeune femme. • DAMIEN LEBLANC

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house on fire et image x présentent

Ce film ChiNOis est uN ChOC esthétique !” PREMIèRE

20 NOV


FILMS

LES ENVOÛTÉS

— : de Pascal Bonitzer, SBS (1 h 41), sortie le 11 décembre

ZOOM

ZOOM

Avec

un sens du romanesque épatant, Pascal Bonitzer signe un film retors qui juxtapose la passion amoureuse aux théories paranormales. Pour les besoins du « récit du mois » d’un magazine féminin, Coline (Sara Giraudeau), une journaliste, part dans les Pyrénées rejoindre Simon (Nicolas Duvauchelle), un solitaire qui affirme avoir vu le fantôme de sa mère… Le titre du film dit bien le trouble dans lequel le cinéaste, en usant habilement de l’atmosphère inquiétante que suscite ce récit d’apparition, va s’amuser à plonger ses deux héros. Le visage et la voix si particuliers de Sara Giraudeau, mélange de malice et de dangerosité féline, y sont pour beaucoup, la présence de l’actrice portant le film à des degrés de tension charnelle insoupçonnés. Il faut voir aussi à quel point Pascal Bonitzer ose l’excès romanesque, entre hystérie amoureuse et revirements narratifs, jusqu’à s’aventurer sur les chemins tortueux du thriller psychologique. La réussite des Envoûtés tient de ce pari risqué, la présence des morts aux extrémités du cadre servant de prétexte à un jeu des faux-semblants dans lequel le désir se mêle à la perversion. • DAVID EZAN

JEUNE JULIETTE

— : d’Anne Émond, Ligne 7 (1 h 37) Sortie le 11 décembre

À

14 ans, Juliette (excellente Alexane Jamieson), une ado en surpoids, refuse de courber l’échine face aux moqueries qu’elle subit dans son bahut. Pour se faire remarquer par Liam (ami de son grand frère et sosie cheap de Kurt Cobain), elle commence à sécher les cours et organise une fête en l’absence de son père. Son entourage est surpris par ses nouvelles velléités… Pour son quatrième long métrage, la Québécoise Anne Émond (Les Êtres chers, 2015 ; Nelly, 2016) livre un teen movie semi-autobiographique qui fleure bon les années 1980-1990. Comme Richard Linklater (Génération rebelle, 1993) ou Paul Feig (showrunner de la série Freaks and Geeks, diffusée aux États-Unis entre 1999 et 2000) avant elle, la cinéaste (lire notre portrait p. 24) évoque cette période d’ébullition avec un grand talent d’équilibriste : tout en scrutant avec douceur les affres de cet âge cruel (le harcèlement scolaire, le sentiment d’inadéquation), elle explore, notamment avec de très drôles ralentis, la naissance des premiers désirs et les réactions maladroites qui en découlent. Célébrant à la fois les misfits et un genre cinématographique longtemps méprisé, son joli film invite à ne jamais rentrer dans le rang. • JOSÉPHINE LEROY

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SARRAZINK PRODUCTIONS ARTE FRANCE CINEMA ET POTEMKINE FILMS PRÉSENTENT

SLIMANE DAZI AMEL BRAHIM-DJELLOUL

AU CINÉMA LE 20 NOVEMBRE


FILMS

LA VIE INVISIBLE D’EURÍDICE GUSMÃO — : de Karim Aïnouz,

ARP Sélection (2 h 19), sortie le 11 décembre

ZOOM

ZOOM

Rio

de Janeiro, 1950. Alors qu’Eurídice, 18 ans, vise une prestigieuse carrière de pianiste, sa grande sœur, Guida, n’a qu’une idée en tête : trouver le grand amour. À cause d’un père qui régit la cellule familiale d’une main de fer, les deux inséparables vont devoir faire cavalier seul. Elles passeront les décennies qui viennent à tenter de renouer contact, enserrées dans la tenaille d’une société qui les assigne à un destin tout tracé (et franchement pas reluisant). Hyper stylisé, le nouveau film du Brésilien Karim Aïnouz (Praia do futuro) assume pleinement son horizon mélo, consacrant sa débauche de couleurs à la célébration des femmes. Tiré du roman de Martha Batalha Les Mille Talents d’Eurídice Gusmão (2016), le film vivote entre les désillusions conjugales, les corps féminins sous contrôle et les carrières minées par l’effarante bêtise des conventions. Il n’a jamais peur de toucher la corde sensible, choisissant l’épopée pleine d’emphase plutôt que l’obsession naturaliste souvent de vigueur pour ce type de récit aux échos très actuels. Une grande valse des sentiments exhibés durant plus de deux heures, dont la direction artistique au cordeau devrait ravir les fans d’un certain Todd Haynes. • GAUTIER ROOS

UNE VIE CACHÉE

— : de Terrence Malick, Orange Studio / UGC (2 h 53), sortie le 11 décembre

Le

plus mystérieux des cinéastes américains revient avec ce film-fleuve, en équilibre entre les deux versants d’une filmographie erratique et singulière. Franz et Fani, paysans autrichiens, voient leur vie bouleversée par la Seconde Guerre mondiale et la mobilisation des hommes. Franz, en dépit des risques encourus, refuse de se joindre aux nazis. Le fait qu’Une vie cachée soit inspiré d’événements réels marque un enracinement inhabituel dans une œuvre qui, depuis The Tree of Life (2011), s’est plutôt déployée jusqu’aux confins de l’univers. La fin de Song to Song (2017), quand les deux héros renonçaient à leurs rêves pour « une vie simple » sur un chantier, amorçait pourtant ce revirement terre à terre. Mais si la linéarité narrative et le cadre emprunté aux Moissons du ciel (1979) nous ramènent à ses films du siècle dernier, le cinéaste reste fidèle à ses expérimentations. À la voix off continuelle s’ajoute la beauté plastique d’images déformées par le grand-angle et diffractées par le montage, qui élèvent le récit déjà christique à une amplitude lyrique époustouflante : pas de doute, nous sommes bien chez Terrence Malick. • DAVID EZAN

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MONKEY PACK FILMS ET GO FILMS PRÉSENTENT

"UN JOURNALISTE SE DOIT D’ÊTRE À L’ENDROIT EXACT OÙ ON LUI INTERDIT D’ÊTRE." PAUL MARCHAND

PUISSANT ET POIGNANT ÉCRANLARGE

NIELS SCHNEIDER

À NE PAS RATER

VINCENT ROTTIERS

TÉLÉRAMA

ELLA RUMPF

GRAND PRIX PRIX DU PUBLIC PRIX DU JURY JEUNES MEILLEUR ACTEUR SAINT-JEAN-DE-LUZ FESTIVAL 2019

PRIX DU PUBLIC PRIX DE LA CRITIQUE MEILLEUR ACTEUR MEILLEURE ACTRICE WATERLOO FESTIVAL 2019

CRÉATION

© MONKEY PACK FILMS - GO FILMS - LOGICAL PICTURES - NEXUS UMÉDIA

UN FILM DE GUILLAUME DE FONTENAY INSPIRÉ DU RÉCIT « SYMPATHIE POUR LE DIABLE » DE PAUL MARCHAND SCÉNARIO GUILLAUME VIGNEAULT GUILLAUME DE FONTENAY JEAN BARBE AVEC LA COLLABORATION DE PAUL MARCHAND IMAGE PIERRE AÏM 1ÈRE ASSISTANTE RÉALISATEUR VALÉRIE ARAGUES SON DOMINIQUE LACOUR SYLVAIN BELLEMARE BERNARD GARIÉPY STROBL MONTAGE MATHILDE VAN DE MOORTEL COSTUMES CÉLINE GUIGNARD RAJOT DÉCORATRICE SANDA POPOVAC PRODUCTEURS DÉLÉGUÉS JEAN-YVES ROBIN MARC STANIMIROVIC NICOLE ROBERT PASCAL BASCARON PRODUCTEUR EXÉCUTIF LUDOVIC NAAR MAISON DE SERVICES PRO BA /AMRA BAKSIC CAMO UNE COPRODUCTION FRANCE CANADA MONKEY PACK FILMS GO FILMS LOGICAL PICTURES EN ASSOCIATION AVEC NEXUS FACTORY UMEDIA TITLE MEDIA UFUND AVEC LA PARTICIPATION DE CANAL + ET CINÉ +

AU CINÉMA LE 27 NOVEMBRE


FILMS LITTLE JOE Une scientifique (Emily Beecham, Prix d’interprétation féminine à Cannes) crée une plante qui serait capable de répandre le bonheur dans son environnement… Avec son regard caustique et sa mise en scène très stylisée, Jessica Hausner interroge l’idée de bien-être, dans une société dont les travailleurs sont hyperspécialisés, mais déconnectés d’eux-mêmes. • T. Z .

— : de Jessica Hausner (Bac Films, 1 h 45), sortie le 13 novembre

LES ÉBLOUIS S’inspirant de son propre vécu, l’actrice Sarah Suco dépeint, dans son premier long métrage, l’embrigadement sectaire d’une famille dans une communauté religieuse. Le fanatisme des parents dépassés, aimants, mais de plus en plus dangereux, est abordé de front dans ce récit d’insurrection raconté du point de vue d’une ado – la révélation Céleste Brunnquell. • D. E .

— : de Sarah Suco (Pyramide, 1 h 39), sortie le 20 novembre

VIVRE ET CHANTER Lorsque le théâtre où se produit sa compagnie familiale d’opéra chinois est menacé de destruction, Zhao Li décide de se battre pour le préserver… Faisant l’état des lieux de la Chine contemporaine, ce film dessine aussi le lumineux tableau d’une tradition théâtrale ancestrale dont les spectacles débordent du cadre lors de saisissantes séquences oniriques. • D. E .

— : de Johnny Ma (Épicentre Films, 1 h 39), sortie le 20 novembre

WONDER BOY. OLIVIER ROUSTEING, NÉ SOUS X Le tout jeune directeur artistique de la maison de couture française Balmain se livre à l’introspection : dans ce documentaire tendre, il part à la recherche de ses origines. Creusant de maigres pistes, il espère trouver sa mère biologique et ainsi calmer ses angoisses qui, paradoxalement, ont favorisé son ascension fulgurante dans le monde de la mode. • T. Z .

— : d’Anissa Bonnefont (Alba Films, 1 h 39), sortie le 27 novembre

MADE IN BANGLADESH Au revers des vêtements étiquetés « made in Bangladesh », il y a la souffrance des femmes. C’est ce que dénonce ce film d’insoumises qui, porté par l’interprétation enragée de Rikita Shimu, raconte le calvaire d’une jeune ouvrière décidée à monter un syndicat avec ses collègues d’usine, bravant la réprobation d’une société indienne étouffante. • D. E .

— : de Rubaiyat Hossain (Pyramide, 1 h 30), sortie le 4 décembre

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DÉCEMBRE 2019

artekinofestival.com

Festival en ligne du cinéma européen

Psychobitch ©Erik Evjen

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COUL’ KIDS

COLAS GUTMAN Auteur de la célèbre série Chien Pourri !, Colas Gutman vient de publier le roman Les Collégiens, l’histoire de Camille, un garçon qui entre en sixième. Comme le héros du livre, Liam vient de faire sa rentrée au collège. C’est lui qui s’est chargé de cette interview.

Vous avez écrit vos premiers textes en CM2. Vous vouliez déjà être écrivain ? Pas du tout, mais en classe de CM2 il m’est arrivé quelque chose de magique. Le maître nous avait demandé d’écrire un texte, avec pour seule contrainte d’utiliser le mot « mouche ». Moi qui étais complètement bloqué et nul en orthographe, le fait d’avoir cette liberté m’a donné envie de me lancer. Je suis devenu tout rouge ; je ne sais pas ce que j’ai écrit, mais je me suis éclaté. Mais alors, qu’est-ce que vous vouliez faire comme métier ? Ça changeait très souvent. J’ai par exemple voulu être professeur de tennis. Mes parents, eux, étaient écrivains. Chez nous, il y avait des livres partout. Écrire, c’était pour moi la pire activité au monde : c’était un métier où tu souffrais, où tu n’arrêtais pas de te plaindre. Alors pourquoi êtes-vous devenu écrivain, finalement ? J’ai commencé à écrire vers 25 ans, en vacances avec des potes qui dessinaient beaucoup. Moi, je suis une bille en dessin,


L’INTERVIEW DE LIAM, 10 ANS LE DÉBRIEF

alors pour ne pas m’ennuyer je me suis mis à inventer des histoires. J’ai retrouvé cette sensation formidable de liberté que j’avais éprouvée en CM2. Écrire, ça me permet de réfléchir et de penser autrement. Vous êtes-vous inspiré de vrais élèves pour Les Collégiens ? Pour ce livre, je me suis glissé dans la peau du collégien que j’étais pour retrouver mes impressions quand, par exemple, j’ai mis le pied pour la première fois dans la cour du collège. Vos copains ressemblaient à ceux de Camille ? J’avais un copain en primaire dont la mère n’a pas voulu qu’il aille dans le collège de notre secteur. L’établissement n’avait pas très bonne réputation. Il était désespéré de quitter ses copains, c’était déchirant. J’ai transposé ce souvenir d’enfance dans mon roman. Mon copain est devenu le personnage de Cheveux, la fille dont la mère veut à tout prix qu’elle aille dans des écoles prestigieuses.

Vos livres sont très drôles. Vous n’avez pas envie de changer de style, d’écrire des livres d’aventure ou des livres tristes ? Je trouve que Chien Pourri ! est triste – il a beaucoup de problèmes existentiels, ce chien… Les histoires sont drôles, mais le fond n’est pas très gai. J’aborde notamment le thème de l’exclusion. Dans Les Collégiens, c’est la même chose : ce n’est pas toujours facile pour le héros. Déjà, il s’appelle Camille, et certains considèrent que c’est un prénom de fille. Ensuite, il est amoureux de Cheveux, et il n’arrive pas à l’aborder… Oui, mais vous faites beaucoup de blagues quand vous écrivez. L’humour, c’est une façon de répondre avec drôlerie à la dureté des situations. Alors plus c’est triste, plus ça devient drôle. C’est une mécanique, un peu comme dans les films de Charlie Chaplin. Vous alliez au cinéma quand vous étiez petit ? Oui, au moins deux fois par semaine. J’habitais à Gambetta, à côté d’une salle de cinéma. Je voyais tout ! Mais il y a un film qui m’a particulièrement marqué : Les Contrebandiers de Moonfleet de Fritz Lang. • PROPOS RECUEILLIS PAR LIAM (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE) PHOTOGRAPHIE : JULIEN LIÉNARD

— : « Les Collégiens » de Colas Gutman (L’École des Loisirs, 176 p.)

TOI AUSSI TU AS ENVIE DE RÉALISER UNE INTERVIEW ? DIS-NOUS QUI TU AIMERAIS RENCONTRER EN ÉCRIVANT À BONJOUR@TROISCOULEURS.FR

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COUL' KIDS

« On s’est rencontrés un samedi matin vers 10 heures. On avait rendez-vous dans un parc, mais finalement on est allés dans un café, pour se réveiller tranquillement. Colas était avec son fils, Gaspard, qui est lui en CM2. On a passé un bon moment tous ensemble. »


LA CRITIQUE DE LÉONORE, 8 ANS

COUL’ KIDS

LE VOYAGE DU PRINCE

« C’est un film particulier, j’en ai jamais vu des comme ça. Déjà, dans les films pour enfants habituels, on a des histoires de sauvetage, d’enquête ou d’amour. Alors que, là, on ne sait pas trop qui sont les méchants, et ça explique plus quelque chose sur les humains et les animaux. Et puis, j’ai du mal à raconter ce film, parce que l’histoire est plus compliquée et qu’il y a des mots vraiment difficiles. On voit un prince arriver dans une ville. Le prince est plutôt calme et très intelligent, on ne sait pas vraiment d’où il vient, mais c’est pas grave parce que c’est pas le grand projet du film. Dans la ville, il y a beaucoup d’autorité et pas de bonheur. Elle ressemble aux temps modernes, mais sans gens pauvres. C’est aussi plus joli que notre monde, certaines barres de fer font un peu penser à la tour Eiffel. Cette ville est envahie par des arbres et j’aime bien cette idée. Si seulement ça arrivait, ça nous ferait pas de mal : on a tellement de voitures et de technologie que ce serait chouette si les arbres pouvaient venir casser tout ça. »

LE PETIT AVIS DU GRAND Belle déclinaison du Château des singes, que Jean-François Laguionie réalisa en 1999, Le Voyage du prince embarque en douceur son public dans un périple méditatif parallèle à celui du héros. Ce dernier, maître de guerre zen arraché à la Renaissance, découvre par accident les splendeurs de la révolution industrielle. Et comme ce personnage, tour à tour attachant et inquiétant, le spectateur est invité à questionner les convictions de ce monde a priori idéal cloitré dans sa suffisante foi dans les dogmes de la science. • JULIEN DUPUY

— : « Le Voyage du prince » de Jean-François Laguionie et Xavier Picard, Gebeka Films (1 h 17), sortie le 4 décembre, dès 7 ans

COUL’ KIDO EST CACHÉ 3 FOIS DANS CETTE PAGE… SAURAS-TU LE RETROUVER ?

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TOUT DOUX LISTE LA FAMILLE ADDAMS CINÉMA Vous avez aimé le film culte de 1992, son manoir hanté, ses créatures drôles et flippantes ? Si ce remake animé perd un peu de son esprit romantique au profit d’un discours sur le vivre-ensemble, n’ayez crainte : Morticia, Mercredi et l’oncle Fétide ont gardé leur fascination bien tordue pour le macabre. • J. R.

: de Conrad Vernon et Greg Tiernan

(Universal Pictures, 1 h 27), sortie le 4 décembre, dès 6 ans

SALON DU LIVRE ET DE LA PRESSE JEUNESSE ÉVÉNEMENT Rendez-vous des lecteurs en herbe, ce salon fête sa 35e édition en faisant « l’éloge de la lenteur », à contresens de notre époque. Outre quatre installations immersives (dont une sur la technique du pop-up), on y croise des auteurs et des illustrateurs avec qui l’on peut converser. • D. E .

: du 27 novembre au 2 décembre

à l’Espace Paris-Est Montreuil, tout public

ZIBILLA OU LA VIE ZÉBRÉE CINÉMA Zibilla, jeune femelle zèbre adoptée par des chevaux, est moquée pour ses rayures. Lorsqu’on lui vole son doudou lion, elle part à l’aventure… Aussi délicat qu’un dessin d’enfant, ce conte animé explore des questions sensibles et met en scène une héroïne aussi farouche qu’adorable. • D. E .

: d’Isabelle Favez (Gebeka, 47 min),

© ADAGP, PARIS, 2019 © BERTRAND HUET / TUTTI IMAGE

sortie le 13 novembre, dès 4 ans

LE RÊVEUR DE LA FORÊT EXPO La forêt est empreinte d’un imaginaire unique. Laure Prouvost, Parle Réunissant une centaine Ment Branches (1), 2017 d’œuvres, cette expo révèle les regards qu’ont portés les artistes sur le monde sylvestre et enclenche une réflexion écologique à mesure que son parcours nous guide de l’orée jusqu’aux tréfonds des bois. • D. E .

: jusqu’au 23 février

au musée Zadkine, dès 6 ans


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CECI N’EST PAS DU CINÉMA


RESTOS

TEL-AVIV-SUR-SEINE

© STÉPHANE MÉJANÈS

© STÉPHANE MÉJANÈS

Vous avez décidé de devenir cuisinier à quel âge ? J’avais 16 ans. Mon premier job d’étudiant, c’était plongeur dans un restaurant italien de Tel-Aviv. Mon père travaillait comme commercial pour un cuisiniste, je fréquentais de grandes maisons en Israël. Il a voulu me dissuader en me montrant la dureté du métier, mais ça a eu l’effet exactement inverse. La nourriture avait-elle une importance particulière dans votre famille ? Mes parents n’étaient pas des épicuriens, et moi, j’étais comme tous les jeunes, j’aimais la street food, le McDo. En revanche, il y avait les repas liés à la religion, les repas de fête ; c’est là que l’on se retrouvait tous autour de la table. Je me souviens particulièrement des schnitzels [escalopes de veau panées, ndlr] de ma mère, des boulettes de shabbat de ma grand-mère et du challah, ce pain brioché qui est béni au début du repas avant d’être partagé entre tous les convives. Comment est né Salatim ? Presque par hasard. Je venais de quitter mon poste au BAT, je marchais rue des Jeûneurs et je suis tombé sur un restaurant cacher tenu par un homme d’une soixantaine d’années. Je lui ai demandé s’il connaissait une affaire à racheter. Il m’a répondu : ici, je pars à la retraite. Je suis venu pendant un mois pour faire la plonge. L’endroit était compliqué, petit et bas de plafond, mais j’ai appris à aimer le quartier et ses habitants. En participant au livre d’Annabelle Schachmes La Cuisine juive [aux éditions Gründ, ndlr], j’ai été décomplexé quant à cette cuisine que je n’avais jamais pratiquée. Je suis retourné aux bases, avec ma

grand-mère notamment. Et j’ai gardé l’esprit de quartier. Il y a toujours une table pour Raymond, 80 ans, l’un des habitués. Il mange son plat du jour avec du riz, sort le tapis de cartes et joue au rami avec ses amis pendant une heure ou deux. Y a-t-il une différence entre la cuisine de Jérusalem et celle de Tel-Aviv ? Jérusalem est plus traditionnelle, Tel-Aviv a un temps d’avance. C’est un peu comme Lyon et Paris. De plus, à Tel-Aviv, les gens courent tout le temps. On ne s’arrête pas, on mange à n’importe quelle heure, et vite. Quand je suis revenu à Paris, je ne comprenais pas que les restaurants soient fermés à 14 heures, ça a été un choc énorme. Doit-on parler de cuisine israélienne ou de cuisine juive ? La cuisine israélienne s’est construite à partir de la cuisine juive, et même « des » cuisines juives. C’est l’histoire de ce pays. Chacun est arrivé avec son passé, sa culture, ses traditions, ses savoir-faire, ses ingrédients. Les Séfarades et les Ashkénazes à la création de l’État d’Israël, en 1948, les Russes aujourd’hui, et d’autres encore. La cuisine qui a émergé à Tel-Aviv et à Jérusalem est née de ce métissage, de cette fusion. La cuisine israélienne peut ressembler à celle d’Afrique du Nord, par exemple. Les mafroum, ces pommes de terre farcies à la viande hachée, cuites dans une sauce à base de tomate, sont un plat que l’on trouve au Maroc, en Tunisie ou en Libye. Mais il n’est connu là-bas que de la communauté juive. Il est arrivé ainsi jusqu’à nous. Tout comme la pkaïla, typique de la cuisine juive tunisienne, à base d’épinards, de haricots, de viande de bœuf et de semoule. Qu’est-ce qui définit la cuisine juive ? Les restrictions alimentaires en sont un

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Depuis l’ouverture de Miznon en 2013, déclinaison d’un restaurant phare de Tel-Aviv, le succès de la cuisine israélienne à Paris ne faiblit pas. Yariv Berreby, 36 ans, en est l’une des figures centrales. Né à Tel-Aviv, il a grandi à Paris entre 1 et 10 ans, et y est revenu à l’âge de 22 ans pour y apprendre la cuisine. Après avoir fait ses classes avec William Ledeuil, Jérôme Banctel et Yannick Alléno, il a ouvert Salatim (« salade » en hébreu) et, tout récemment, Maafim (« boulangerie »). On y mange une cuisine authentiquement juive, goûteuse et généreuse.


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© STÉPHANE MÉJANÈS

RESTOS

élément essentiel. La cuisine cacher est une cuisine de contraintes, et la contrainte est source de créativité. Mon restaurant n’est pas certifié cacher Beth Din, parce que je ne veux pas être trop communautariste, mais je joue avec les restrictions de la cacherout [le code alimentaire du judaïsme, ndlr]. Je n’ai pas droit au beurre ? J’utilise de l’huile d’olive. Je ne peux pas mélanger la viande et le lait ? Je vais remplacer le produit laitier, souvent trop gras, comme la feta ou la mozzarella, par du tahina [crème de sésame, ndlr]. Je fais même un labneh [lait fermenté, ndlr] végétal avec du lait de coco. Grâce à ma formation, j’ai le bagage technique pour pallier ces interdits. Et puis, par-dessus tout, la cuisine juive est une cuisine généreuse, d’abondance. Ma femme, qui est alsacienne, devient folle quand on invite des amis : je prépare quatre plats, quatre garnitures, quatre desserts… Il est inconcevable de quitter la table en ayant faim. Il faut être rassasié, comblé. Même au restaurant, quand des gens sont déçus de ne pas trouver le plat qu’ils attendaient, comme le schnitzel, que l’on sert seulement le mercredi,

Il est inconcevable de quitter la table en ayant faim. Il faut être rassasié, comblé.

je ne les laisse pas repartir. Je sors une escalope de poulet et je la prépare pour eux. Quel est le repas idéal pour vous ? Du houmous avec un quart d’oignon et du pita, cela peut me suffire. Au déjeuner, ça cale jusqu’au dîner. Mais j’aime aussi beaucoup les grillades. La cuisine Al Ha’esh [« sur le feu », en hébreu, ndlr] est devenue un sport national en Israël. On peut se poser au bord de la mer ou dans n’importe quel parc, sortir son barbecue et se régaler en famille ou entre amis. Je me souviens encore quand mon père allait chercher les ailes de poulet, la viande de kebab, les saucisses, c’était le bonheur. • PROPOS RECUEILLIS PAR STÉPHANE MÉJANÈS

— : « Salatim », 15, rue des Jeûneurs,

Paris IIe • « Maafim », 5, rue des Forges, Paris IIe

LES TABLES MIZNON

NENI

TAVLINE

Le comptoir du chef star Eyal Shani, où l’on vient pour les sandwiches pita (bœuf, agneau, sardines) et leurs légumes grillés (patate douce, chou-fleur).

Haya Molcho, cheffe originaire de Tel-Aviv, et ses quatre fils, vous accueillent dans un lieu cosy pour des mezze à partager (chawarma de poulet, baba ganoush).

La cuisine israélienne dans toute sa splendeur d’épices (traduction de « tavline » en hébreu), betteraves rôties au zaatar ou vraie shakshouka (œufs mijotés, sauce tomate relevée et feta).

: 22, rue des Écouffes,

: 12, boulevard de Denain,

: 25, rue du Roi-de-Sicile,

Paris IVe

Paris Xe

Paris IVe

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LA RENCONTRE HILARANTE ENTRE LES MYTHES FONDATEURS ET NOTRE SOCIÉTÉ !

Avec le mouvement des « toisons jaunes » les Argonautes bloquent les ronds-points à la sortie de Corinthe ; le cheval de Troie est remplacé par un Uber, et les déesses excédées par le harcèlement sexuel des Dieux de l’Olympe lancent le hashtag « #MythToo »... Entre planches de bande dessinée et articles malicieux, Jul et Charles Pépin revisitent notre patrimoine mythologique dans une indispensable leçon de sagesse éternelle !

2 TOMES AU RAYON BANDE DESSINÉE


FUTUR, ANCIEN, FUGITIF — : « Futur, ancien, fugitif. Une scène française », jusqu’au 5 janvier au Palais de Tokyo

Installation de Renaud Jerez

PHOTO AURELIEN MOLE – COURTESY RENAUD JEREZ ET GALERIE CRÈVECŒUR PARIS

EXPOS

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À

chaque décade son exposition collective valorisant de jeunes artistes aux idées larges. C’est au tour de la génération abreuvée à Instagram et à l’activisme alternatif d’investir les vastes espaces en béton du Palais de Tokyo. Danger, explosif ! Délégué à quatre jeunes commissaires – Claire Moulène, Adélaïde Blanc, Daria de Beauvais et Franck Balland –, l’événement prend le pouls de la scène contemporaine, dans ses tendances les plus iconoclastes. Les artistes conviés s’en sont donné à cœur joie, de l’installation in situ (Mali Arun, Fabienne Audéoud, Renaud Jerez, Adrien Vescovi) à la peinture figurative (Corentin Grossmann, Vidya Gastaldon), en passant par les héritiers du fanzinat (Jonas Delaborde & Hendrik Hegray, Antoine Marquis, Julien Carreyn) ou une histoire illustrée du vandalisme (Nayel Zeaiter). Tous ont pour point commun de dépasser les frontières du bon et du mauvais goût, dans une imbrication de formes « mineures » et de matériaux précaires, selon un processus de dévoration-régurgitation des rebuts du capitalisme. Zappant joyeusement d’une période à l’autre, l’exposition met aussi en lumière des figures méconnues de l’art. On (re)découvre ainsi les « cellules » bariolées de Nathalie Du Pasquier, pilier du groupe de design Memphis dans les années 1980, les compressions en plastique d’Anita Molinero, le mobilier ornementé de Jean Claus ou les toiles phosphorescentes de Nina Childress. Il y a là matière à remuer les méninges autant que les rétines. • JULIEN BÉCOURT

L’événement prend le pouls de la scène contemporaine, dans ses tendances les plus iconoclastes.

CRUELS OBJETS DU DÉSIR. GIACOMETTI / SADE

FLORENTINE ET ALEXANDRE LAMARCHE-OVIZE

Au début des années 1930, Alberto Giacometti rejoint le mouvement surréaliste, nourri et influencé par les écrits du marquis de Sade. Chez l’artiste suisse, la représentation d’un érotisme chargé de cruauté s’affirme alors, et s’incarne notamment à travers une série d’objets dont les béances et les pics acérés évoquent les sexes féminin et masculin, participant pleinement à la puissance onirique, psychique et fantas(ma)tique du Surréalisme. • ANNE-LOU VICENTE

Si, au cœur de l’hiver, vous tournez en rond et broyez du noir, courez voir l’exposition « Élisée, une biographie » pour un tour du monde haut en couleur inspiré par la vie et l’œuvre d’Élisée Reclus. À la fin du xixe siècle, ce géographe a étudié passionnément la nature, point de jonction entre l’humain, l’animal, le végétal. À notre tour, nous observons les dessins du duo d’artistes qui foisonnent de détails et apparaissent sans détour comme une invitation au voyage de l’imagination. • A.-L. V.

à la Fondation Giacometti

jusqu’au 9 janvier au Drawing Lab

: du 21 novembre au 9 février

: « Élisée, une biographie »,

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ART COMPRIMÉ Tous les mois, notre chroniqueuse vous offre un concentré des dernières réjouissances du monde de l’art.

Giono Bad buzz inattendu pour un célèbre centre d’art parisien : fin septembre, le président des Amis du Palais de Tokyo, Bernard Chenebault, a appelé, sur Facebook, au meurtre de la jeune militante écologiste Greta Thunberg – « Il faut l’abattre » ; « J’espère qu’un désaxé va l’abattre ». Après que ses propos, et d’autres commentaires racistes exhumés sur le réseau social, ont provoqué un tollé médiatique, le collectionneur a plaidé « l’humour », mais la directrice de l’institution, Emma Lavigne, a annoncé son éviction. • Il y a quelques semaines, le musée d’Amsterdam a fait savoir qu’il bannissait le terme « âge d’or » pour désigner le xviie siècle, afin de ne plus occulter les problématiques liées au passé colonial des PaysBas. • Le suspense aura duré jusqu’au bout pour l’Homme de Vitruve… Le célèbre dessin anatomique de Léonard de Vinci était au cœur d’un bras de fer entre l’Italie et la France à l’occasion de la grande exposition du Louvre célébrant les 500 ans de la mort du maître italien. Une association vénitienne avait tenté d’empêcher son prêt, mais le tribunal de Vénétie a tranché, à quelques jours de l’ouverture de ce grand événement : la fragile feuille de dessin a rejoint temporairement Paris. • Au Louvre, les appartements de la Joconde ont fait peau neuve : le chef-d’œuvre de Vinci, toujours accroché dans la salle des États, ne repose plus sur une cloison couleur terre de Sienne, mais sur un mur bleu de Prusse rehaussé de noir à l’éponge du plus bel effet. • MARIE FANTOZZI ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL

Exposition 30 oct. 2019—17 févr. 2020

Mucem Avec le soutien de

Partenaires institutionnels

En partenariat avec

Photographie : Portrait de Jean Giono par Irving Penn, Manosque, 1957, Irving Penn © Conde Nast


SPECTACLES

TROTTOIR — : de Volmir Cordeiro, du 10 au 12 décembre au Centre national de la danse (Pantin, 1 h)

© ARTHUR CRESTANI

OFF

Avec

son allure de grand pantin longiligne et désarticulé, difficile de passer à côté de ce Brésilien atypique. Cet interprète hors pair remplit instantanément la scène, nous entraînant, grâce à sa gestuelle atypique et à son expressivité magnétique, dans son univers empreint de folie, un poil inquiétant. Après avoir dansé au Brésil, notamment pour Lia Rodrigues, Volmir Cordeiro s’est illustré en France, grâce à des pièces singulières et marquantes, dont Rue (2015) et L’Œil la bouche et le reste (2017). Il explorait alors à travers la danse la figure de celles et ceux que l’on appelle les « marginaux » – mendiants, prostitués, réfugiés –, des corps considérés comme honteux, indésirables, rejetés de la société et qui occupent l’espace public. Dans sa dernière création, Trottoir, il poursuit ce questionnement en déployant un délire bigarré pour six interprètes. Recouverts de collants de couleur, les danseurs déploient une énergie frénétique, portant différents couvre-chefs ou mimant la population qui circule sur les trottoirs, des enfants aux clochards en passant par des policiers. Une série de métamorphoses que Cordeiro nous exhorte à voir comme un espace de liberté, autant individuel que collectif. On plonge allègrement dans ce joyeux désordre de carnaval, qui renverse les normes et invite à la transe. • BELINDA MATHIEU

Recouverts de collants, les danseurs déploient une énergie frénétique.

RÉMI

HOLES AND HILLS

Inspirée par la version manga de Sans Famille d’Hector Malot, cette mise en scène est le premier essai pour jeune public de Jonathan Capdevielle. On embarque pour un voyage carnavalesque aussi fascinant qu’étrange, influencé par l’univers des marionnettes, dans lequel s’illustrent des comédiens masqués. L’aventure se poursuit grâce à une seconde partie sonore, que l’on peut emporter et écouter dans l’intimité de sa chambre. • B. M.

Pour la Suissesse Julia Perazzini, l’identité est loin d’être quelque chose de fixé, et son solo virtuose et déluré en est bien la preuve. Affublée d’une cotte de maille ou d’un carré blond, la performeuse et metteuse en scène fait résonner une multitude de voix, des fragments d’interviews, parmi lesquelles on reconnaît Dalida et Marguerite Duras. Avec humour, elle flotte d’une identité à l’autre, explorant le genre et les représentations des femmes. • B. M.

du 21 au 30 novembre au Théâtre

du 26 au 28 novembre

des Amandiers (Nanterre, 1 h 10)

à la Ménagerie de verre (1 h 10)

: de Jonathan Capdevielle,

: de Julia Perazzini,

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RESTOS

CHEFFES, OUI, CHEFFES !

OFF

© WELLINGTON NEMETH

Dans un monde idéal, elles feraient leur métier sans qu’on les remarque. Mais les femmes en cuisine souffrent encore de mille préjugés et rencontrent autant d’obstacles. Alors, pleins feux sur Anne Legrand, Clio Modaffari, Eleonora Zuliani et Erica Archambault.

L’INNOCENCE L’endroit est si minuscule que l’on entrerait presque directement dans la cuisine. Dès la porte poussée, on tombe sur le sourire mystérieux de la taiseuse Anne Legrand, vue chez Itinéraires ou au Clarence, tandis que s’agite juste derrière la plus volcanique Clio Modaffari, aperçue au Frenchie ou en résidence à Fulgurances l’Adresse. Une Française et une Italienne qui font des étincelles entre un plongeur et un directeur de salle volubile, Jonathan Caron. Un signe ne trompe pas : lorsqu’on s’en va, on a très vite envie de retrouver L’Innocence. Parce qu’ici on n’est pas perdu. La cuisine est enrobante, fondée sur la transparence du sourcing et la générosité. Du végétal, du terrien, du marin : on se laisse embarquer par une raviole d’artichaut aux jeunes pousses de pissenlit jaune, éclats de noisettes et émulsion confite de vin jaune et parmesan ; on nage dans le bonheur avec une simple lotte au beurre relevé de curry et ses courgettes trompettes, haricots verts tendres émincés à la thaï et têtes de pourpier ; et que dire de cette soupe de figues, mascarpone fleur d’oranger et granité de shiso ? Sachez que l’on vous a juste mis l’eau à la bouche : ces plats de saison, vous ne les retrouverez pas de sitôt. Ici, tout est vivant. Le vin aussi, que Jonathan débouche avec précision, pour des accords bien sentis à base de chenin blanc de Laurent Charrier (Domaine du Pas Saint Martin à Saumur) ou de chardonnay d’Athénaïs de Béru (Château de Béru à Chablis). Menus : 25, 30, 35, 69 € (accord : 29 € le soir). • STÉPHANE MÉJANÈS

: 28, rue de la Tour-d’Auvergne, Paris IXe

IL BACARO

OURSIN

C’est une adresse que l’on se refile sous le manteau, tenue par une ancienne architecte, Eleonora Zuliani, et par son mari, Fred. On s’y régale d’une savoureuse cuisine du Frioul sans chichi : risotto du jour, linguine à l’encre de seiche, raviolis de pomme de terre à la courge, ricotta et citron, et tiramisu, bien sûr. Formules midi : de 13 à 18 €. • S. M.

En collaboration avec le styliste Simon Porte Jacquemus et Caviar Kaspia, les Galeries Lafayette Champs-Élysées ont ouvert Oursin. Un caboulot confié à Erica Archambault, ancienne de Septime et de Clamato, qui a concocté une carte sudiste : rouget en escabèche, poulpe grillé, artichauts poivrade frits, chèvre frais. Carte : de 23 à 55 €. • S. M.

: 9, rue Auguste-Laurent, Paris XIe

: 60, avenue des Champs-Élysées, Paris VIIIe

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CONCERTS

KOMPROMAT — : le 12 décembre à La Cigale

© LUC VALIGNY

l’histoire de deux Français qui prennent un nom russe pour faire de la techno allemande. Si le concept derrière Kompromat ressemble à une blague de cour de récré, la musique imaginée par Vitalic et Julia Lanoë (Mansfield. TYA, Sexy Sushi) n’est pas non plus sans lien avec l’enfance. L’enfance de l’art, d’abord, sous forme d’un rappel très conscient de la fin des années 1970, quand les punks échangeaient leurs guitares pour des synthétiseurs et qu’une esthétique froide, agressive et industrielle se diffusait en Europe par l’intermédiaire de D.A.F. (qu’ils reprennent sur Le Brigand et le Prince EP, qui sort le 22 novembre), Malaria! ou Fad Gadget (à qui ils ont emprunté le goudron et les plumes sur la pochette de l’album). C’est aussi un retour à l’insouciance des premiers pas : loin de l’electro maximaliste et compressée de La Mort sur le dancefloor, leur première collaboration en 2012, ils opèrent par soustraction (de sons, d’effets, de textes) pour renouer avec une efficacité intuitive, poétique et dangereuse dans la relation entre voix et machines. Pas question pour autant de sombrer dans la nostalgie ou la régression : si Kompromat reste pertinent, c’est parce qu’il n’oublie pas de s’adresser aux gamins d’aujourd’hui, accros aux kicks surpuissants et aux illuminations nocturnes (les textes de Julia Lanoë côtoient de nouvelles profondeurs), sans qui les dancefloors seraient désespérément vides. Après un Trabendo complet en avril dernier et une tournée des festivals, le duo viendra occuper La Cigale avec un show bien rodé, plein de lasers aveuglants et d’appels à la transe, conçu pour les vrais jeunes et tous ceux qui refusent de grandir. Pas de jouvence sans expérience. • MICHAËL PATIN

Un show bien rodé, plein de lasers aveuglants et d’appels à la transe.

SAMPA THE GREAT

KOKOKO!

En quatre ans à peine, la poétesse zambienne a séduit la scène hip-hop sur la foi de prodigieuses mixtapes, a ouvert pour Kendrick Lamar, Ibeyi et Little Simz, et vient de dévoiler l’impressionnant The Return, un voyage comme un retour aux sources, au flow spirituel et aux atmosphères louvoyantes, dans lequel elle invoque ses racines sous le patronage flamboyant de Lauryn Hill et d’Erykah Badu. Aussi poignant que triomphant. • ETAÏNN ZWER

Hardiment mené par le performeur Makara Bianco, produit par le Français Débruit et bardé de l’explosif manifeste Fongola, le collectif ovni de Kinshasa ébouriffe les clubs à guichets fermés. La faute à son orchestre d’instruments « tunés » (bidons, pièces de moteur, guitare monocorde, volant muté en harpe...) et à son groove théâtral croisant house, techno, afro-funk et joie bruitiste en une bande-son radicale et futuriste taillée pour la transe. Puissant. • E. Z .

: le 21 novembre à La Bellevilloise

:le 7 décembre à La Gaîté Lyrique

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OFF

C’est


PLANS COUL’ À GAGNER

EXPO

© KUNSTMUSEUM DEN HAAG – THE HAGUE – THE NETHERLANDS

MONDRIAN FIGURATIF — : jusqu’au 26 janvier au musée Marmottan Monet

On

Piet Mondrian, Bois près d’Oele, 1908

la collection de celui-ci. À travers un parcours chronologique et thématique condensé, on suit l’éveil du peintre : les inspirations décisives du symbolisme et du fauvisme (lumineux Bois près d’Oele de 1908), du cubisme (magistral Moulin de 1911), mais aussi son approche spirituelle de la création. En même temps qu’il opte pour une abstraction de plus en plus radicale, Mondrian s’éloignera de son mécène et ami – qui goûte moins ce pan de son œuvre –, mais accédera à la postérité. • MARIE FANTOZZI

OFF

connaît surtout de lui ses compositions abstraites aux aplats de couleurs franches, emboîtés dans de régulières matrices monochromes. Mais Piet Mondrian s’est d’abord attaché à une forme de naturalisme, aux motifs ruraux prégnants et à une palette d’abord sombre puis de plus en plus éclatante. Le début de sa carrière a été marqué par sa rencontre avec Salomon Slijper, qui fut longtemps un mécène confiant et fidèle – les quelque soixante-dix tableaux, exposés sur de beaux fonds de couleur, sont issus de

EXPO

Immortalisant la culture underground new-yorkaise, les photographies en noir et blanc de Peter Hujar s’exposent au Jeu de Paume, retraçant la vie de cette insaisissable figure gay des années 1950 à 1980. Rarement montrée en France, son œuvre crue mêlant portraits ténébreux et paysages urbains transfigure les corps avec une sobriété désarmante. • D. E .

: « Peter Hujar. Speed of Life », Peter Hujar, Candy Darling on Her Deathbed, 1973

jusqu’au 19 janvier au Jeu de Paume

SAISON VIENNOISE

EXPO

L’Art nouveau viennois s’exporte à Paris dans deux expos : l’une consacre l’architecte Otto Wagner à travers des objets d’art, des maquettes et des films qui témoignent de son influence ; l’autre mêle des dessins d’architectes variés, des rêves les plus fous aux ébauches d’édifices devenus mythiques. • D. E . Otto Wagner, Église Saint-Léopold am Steinhof – Projet de concours perspective, 1902-1903

: « Otto Wagner » et « Trésors de l’Albertina », jusqu’au 16 mars à la Cité de l’architecture et du patrimoine

PIERRE ET GILLES

EXPO

Le couple d’artistes français le plus fantasque de sa génération, qui a sacralisé les stars comme autant d’icônes religieuses, inaugure pour la première fois un parcours musical dédié à ces figures pop. Rendues évangéliques, elles sont exposées parmi leur collection de produits dérivés et d’objets liturgiques. • D. E .

: « Pierre et Gilles. La fabrique des idoles », Pierre et Gilles, For Ever (Stromae), 2014

du 20 novembre au 23 février à la Philharmonie de Paris

© PETER HUJAR ARCHIVE LLC COURTESY PACE-MACGILL GALLERY, NYC, ET FRAENKEL GALLERY, SAN FRANCISCO ; VIENNE WIEN MUSEUM ; COLLECTION PRIVÉE / PIERRE ET GILLES

PETER HUJAR

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-26 ans : gratuit les week-ends et les jeudis en nocturne !

* Fonds de dotation Famille Moulin, Paris

Mélanie Matranga, You, 2016 © Mélanie Matranga © Collection Lafayette Anticipations

You

Œuvres de la collection Lafayette Anticipations  * Jusqu’au 16 février 2020


ARLT

SONS

— : « Soleil enculé » (Objet Disque / Murailles Music)

© BREST BREST BREST

OFF

Dix

ans de carrière et cinq albums ont installé le groupe Arlt comme une des plus singulières propositions de rénovation de la chanson française depuis Brigitte Fontaine et Areski. Éloïse Decazes, chanteuse astrale fixant les fantômes dans les yeux, un marteau à la main, et Sing Sing, parolier lettré, à l’unisson, et à la guitare de plomb, avaient trouvé en Mocke, guitariste tisserand (ex-Holden, actuel Midget), le tiers leur tenant lieu de pont. Cette alchimie équilibriste, entre gouffres et astres, se déploie plus largement (librement, follement) sur un nouvel album au titre gentiment blasphématoire, Soleil enculé, dans lequel le trio s’adjoint les percussions, cuivres et vents de Clément Vercelletto (Kaumwald, Orgue Agnès) et la science tapageuse du mix d’Ernest Bergez (Sourdure, Kaumwald, Orgue Agnès). Avec ses fraternels invités (Bertrand Belin au violon, Léonore Boulanger, Marion Cousin, Claire Vailler ou Jean-Daniel Botta en enfants de chœurs azimutés), l’ensemble augmenté (Éloïse se faisant davantage instrumentiste, aux claviers et magnétophones à bandes) métamorphose

SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM ? « J’aimerais qu’il ait quelque chose de Passe montagne, la “baroquerie forestière” [dixit François Truffaut, ndlr] de Jean-François Stévenin, qui est un mélange ultramagnétique d’écriture hirsute et de lâcher-prise karatéka, de douceur et de véhémence, une odyssée

ainsi le folklore naturaliste d’Arlt en magma bouillonnant de libertés formelles, improvisations sauvages, orchestrations savantes dissonantes, harmonies de villages tambours battants. Convoquant l’art aussi naïf qu’érudit de Pascal Comelade ou la virtuosité free de Sun Ra ou de l’Art Ensemble of Chicago en un joyeux retour à l’enfance (de l’art), « l’album est traversé par l’idée de métamorphoses, nous explique Sing Sing : devenir frère et sœur, fratrie, meute, et aller ensemble vers un territoire d’enfance à venir, pas dans un souvenir, pas dans une régression, mais en considérant l’enfance comme un territoire quasiment spatial qui est devant nous, à découvrir. » Usant du studio et du mix comme d’instruments à part entière (réverbes à ressort, delays dub, guitares trouées), l’album le plus instrumental d’Arlt pose la question enfantine, brute (comme l’art brut) et éminemment actuelle (face à l’angoisse du futur) : « Combien de temps dure l’instant même ? » (sur le morceau « L’Instant même ») ; et y répond à sa manière, une des plus belles et salvatrices qui soit. • WILFRIED PARIS

à trous où deux grands cons bifurquent vers une enfance mythique à retrouver coûte que coûte au gré de cartes imaginaires, au milieu d’une météo instable et dans une joie inquiète, étrange et ivre. Un chien y chante, on est toujours au bord de tout mais rien : superbe. » SING SING

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JUKE-BOX

PHILIPPE KATERINE : « Confessions » (Cinq7)

Le chanteur de « Louxor j’adore » confesse et assume ses obsessions (sexe et clergé, biffle et homosexualité refoulée) et son goût pour le hip-hop californien (sensualité des basses, kicks et claps) en une grande partouze pop polyphonique, invitant une kyrielle hétéroclite de featurings (Angèle, Lomepal, Gérard Depardieu, Oxmo Puccino…). Le résultat est joyeusement enfantin, transgressif, polymorphe, renversant. • W. P.

DAVID SZTANKE : « Air India »

Nous pour un moment d’Arne Lygre mise en scène Stéphane Braunschweig création 15 novembre – 14 décembre Berthier 17e

(Entreprise / A+LSO)

Premier album du compositeur de B.O. (pour Quentin Dupieux, Christophe Honoré, Éric Judor) sous son nom propre (anciennement Tahiti Boy & the Palmtree Family), Air India voyage, façon conte de fées ou Piccolo, Saxo et Cie, entre Chennai et Pondichéry, rêve psychédélique et clichés exotiques. Mariant pop française, musique d’illustration et ambiances bollywoodiennes, ces impressions indiennes forment un véritable film mental, riche en couleurs et en sensations. • W. P.

VINCENT DELERM : « Panorama » (Tôt ou Tard)

Invitant divers musiciens (Herman Dune, Peter von Poehl, Keren Ann, Voyou) à arranger ses vignettes intimistes, souvenirs furtifs, évocations nostalgiques, Vincent Delerm réunit ces singularités musicales au service d’une poésie aussi épurée qu’incarnée. Moins tourné vers l’intériorité que vers l’autre et ce qui rassemble, il métamorphose les petits riens du quotidien en un grand tout malickien, panoramique. • W. P.

Les Mille et Une Nuits une création de Guillaume Vincent jusqu’au 8 décembre Odéon 6e

01 44 85 40 40 theatre-odeon.eu

ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT © Élizabeth Carecchio


SÉRIES

WATCHMEN — : Saison 1 en US+24 sur OCS

© OCS

OFF

Le

créateur des séries Lost et The Leftovers, Damon Lindelof, adapte le roman graphique d’Alan Moore et Dave Gibbons dans une relecture sérielle cruellement pertinente. Comme à son habitude, Alan Moore a refusé d’être associé au projet, et ses personnages, s’ils sont bien là, sont confinés à la périphérie du récit, loin du portage littéral proposé au cinéma par Zack Snyder en 2009. L’action se déroule de nos jours, dans l’univers uchronique (Robert Redford est président des États-Unis) de l’œuvre originale, mais le Comédien et les autres héros ne sont plus que des figures folkloriques du passé, tandis que Dr Manhattan, la déité bleue omnisciente, s’est isolé sur Mars. De la BD séminale parue en 1986, Damon Lindelof a surtout retenu la

REVOIS

foisonnante réflexion sur le recours à la violence que développaient les auteurs, résumée dans le slogan « Qui surveille ceux qui sont censés veiller sur nous ? » Ici, la frontière est plus floue que jamais entre vigilantes considérés hors la loi, terroristes clandestins se réclamant les héritiers du très énervé Rorschach et policiers réduits à porter des masques par crainte des représailles. Dans une Amérique en pleine crise morale, gangrenée par le suprémacisme blanc et les brutalités policières, ces Watchmen 2019 ne rechignent pas à se confronter frontalement à l’actualité la plus brûlante. À en juger par ce que nous avons pu voir, Alan Moore aurait tort de crier à la trahison. « Who watches the Watchmen? » À la télé, pas mal de monde – on parie ? • GRÉGORY LEDERGUE

VOIS

PRÉVOIS

UNDONE

PRIMAL

MASTERS OF THE AIR

Pour leur nouvelle série d’animation, les producteurs de BoJack Horseman ne pouvaient opter pour un parti pris graphique plus éloigné : entièrement réalisé en rotoscopie, Undone, beau mélo familial tirant sur le fantastique, offre de saisissantes embardées visuelles d’une poésie parfois éblouissante. • G. L .

La chaîne américaine Adult Swim, berceau de séries telles que Robot Chicken et Rick & Morty, a depuis cet été une antenne française. N’y ratez pas le dernier bébé du génie de l’animation Genndy Tartakovsky (Samurai Jack). Primal est un survival préhistorique féroce qui captive et bouleverse sans recourir à la moindre ligne de dialogue. Un pur bijou. • G. L .

Après Band of Brothers et The Pacific, Steven Spielberg et Tom Hanks vont une nouvelle fois produire une minisérie sur la Seconde Guerre mondiale en mettant cette fois en lumière l’action de la 8e Air Force américaine et le bombardement des positions allemandes qu’elle mena. Jugé trop coûteux par HBO, le projet sera diffusé par le service de vidéo Apple. • G. L .

: Saison 1 sur Amazon Prime Video

: Saison 1 sur Adult Swim

100

: Prochainement sur Apple



JEUX VIDÉO

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SAYONARA WILD HEARTS

Mix

— : Annapurna Interactive (iOS, PS4, Switch) —

parfait entre course-poursuite et clip interactif, Sayonara Wild Hearts nous happe dans un tourbillon musical qui fera date. Connu pour ses jeux mobiles expérimentaux (Device 6, Year Walk), le studio suédois Simogo livre aujourd’hui son projet le plus ambitieux, qu’il présente lui-même comme un « album pop interactif ». Un album composé de vingt morceaux oscillant entre electro pop sucrée et relectures synthétiques de classiques (le « Clair de Lune » de Claude Debussy…) qui sont autant de niveaux à jouer sur le mode d’une course effrénée. Prisonnière de ses propres songes, notre héroïne se lance à la poursuite de son double sur une autoroute astrale segmentée en multiples épreuves : ici, c’est un gang de bikers masqués que l’on défie dans une course de motos supersoniques ;

là, c’est une virée en forêt que l’on traverse à dos de cerf magique ; plus loin, c’est un labyrinthe dont il faut s’échapper en slalomant entre les menaces géométriques qui nous foncent dessus. Le scénario a beau partir dans tous les sens, les styles (manga, art abstrait, opéra-rock) ont beau se mélanger sans hiérarchie, l’inventivité et l’énergie sont telles que l’on succombe vite au charme vénéneux de ce marathon haletant. Seul petit bémol : parce qu’il vise l’efficacité maximale, Sayonara Wild Hearts est un jeu assez court (deux petites heures) auquel on aurait adoré jouer plus longtemps ; mais le voyage reste mémorable, ses vingt courses endiablées méritant toutes de passer à la postérité comme autant de preuves inouïes d’un mariage parfait entre jeu vidéo et culture pop. • YANN FRANÇOIS

UNTITLED GOOSE GAME

LUIGI’S MANSION 3

DISCO ELYSIUM

Ce n’est pas tous les jours qu’on peut incarner une oie, qui plus est chargée de semer le chaos dans une petite bourgade tranquille. Rempli de gags burlesques, ce jeu indé est une ode à l’irrévérence, incarnée par le volatile le plus charismatique qui soit. • Y. F.

La saga hantée de Nintendo revient sur Switch pour un épisode jonglant à merveille entre aventure et réflexion. Armé de son aspirateur à fantôme, notre bon Luigi doit venir à bout d’une armée de spectres et d’énigmes en tout genre. Une belle renaissance. • Y. F.

Un détective se réveille, amnésique, à Révachol, ville gangrenée par le crime et les conflits sociaux, dans un xxe siècle alternatif… Dans ce RPG à l’écriture soignée, la quête de mémoire se double d’un portrait désespéré mais brillamment lucide de notre humanité. • Y. F.

: House House

(Mac, PC, Switch)

: Nintendo (Switch)

102

: ZA/UM (PC)


LAURA CAHEN Chaque mois, notre chroniqueur explore les mondes du jeu vidéo indépendant en donnant la parole à l’un de ses créateurs.

Alors que notre narrateur toque à la porte de la maison de son ex-compagne, un cri déchirant lui (et nous) glace le sang. Celle-ci vient de mettre fin à ses jours. Comment se relever après une telle tragédie ? Comment l’annoncer à l’enfant issu de cette union ? Ces questions hantent Lie in My Heart, comme elles ont pu hanter Sébastien Genvo il y a quelques années. Après avoir vécu le pire, cet enseignant-chercheur a décidé de l’exorciser sous la forme d’un jeu autobiographique. « Plutôt que de proposer une thérapie personnelle ou d’apporter des réponses toutes faites, je voulais que les joueurs puissent réfléchir et, dans une certaine mesure, s’exprimer sur le sujet. » Par exemple par le biais des pensées ou des choix de notre personnage au quotidien. « Le but du jeu à choix multiple, c’est de donner aux joueurs l’impression d’explorer différents possibles. Mais l’autobiographie, elle, impose une vision de faits établis, immuables. La solution a été de s’inspirer de l’histoire contrefactuelle, une approche qui autorise l’exploration de scénarios alternatifs et qui permet d’éviter cette tension entre témoignage et jouabilité. » Si le jeu est grave, douloureux parfois, notamment par les émotions qu’il suscite, son auteur se refuse à tout voyeurisme. « Je voulais confronter le joueur à la violence du réel lors de ce genre de drame, sans pour autant tomber dans l’obscène. Mon but, c’est de montrer le jeu vidéo dans toute sa pluralité expressive. Faire ressentir des émotions et interroger l’individu dans un espace fait de contraintes et de libertés, c’est là que réside l’art vidéoludique. » • YANN FRANÇOIS

— : « Lie in My Heart »

(Expressive Game Studio | PC)

(c) Xilam Animation - Auvergne- Rhône-Alpes Cinéma


LIVRES

DANS L’ŒIL DU DÉMON C’est

toujours gênant d’avoir un ami fou. En même temps, sa folie peut provoquer des aventures intéressantes. Par exemple, l’ami du narrateur de ce roman de Tanizaki le somme d’assister en sa compagnie à un meurtre. « Qui tuera qui, je l’ignore […] j’ai appris que cette nuit, en un certain lieu, pour une certaine raison, une certaine personne va en assassiner une autre. » Les deux compères se rendent dans les bas-fonds de Tokyo, où ils assistent en cachette à un spectacle inoubliable : une geisha se livre à une séance de pose en compagnie d’un cadavre, puis le dissout dans un bain d’acide avec l’aide du photographe. Ses vêtements, sa coupe tsubushishimada et son parfum donnent à cette scène macabre une dimension puissamment érotique, de sorte que l’ami du narrateur tombe amoureux d’elle… Paru en feuilleton en 1918 dans des journaux d’Osaka et Tokyo, ce court roman, déjà traduit en anglais et en italien (sous le titre suggestif de Morbose fantasie), était resté inédit en français jusqu’à aujourd’hui. Comme de nombreux récits écrits par Tanizaki au tournant des années 1920, il s’inscrit au carrefour de deux traditions : d’un côté le roman d’énigme, avec un mystère à base de codes et de cryptographie, placé sous le signe de Sherlock Holmes et du Scarabée d’or d’Edgar Poe ; de l’autre le récit érotico-fétichiste, autour des thèmes chers à l’auteur – le voyeurisme, la jouissance morbide, les simulacres de mise à mort. Sur un ton guilleret duquel l’humour et l’ironie ne sont pas absents, Tanizaki déploie une intrigue à plusieurs niveaux, articulée autour de révélations successives. Les

meurtres s’avèrent n’être que des mises en scènes, les testaments, des canulars. Tout est mensonge, comédie sensuelle, illusion. L’ami fou est dupe de sa geisha, le narrateur est dupe de son ami fou, tout le monde trompe tout le monde au nom du fantasme et de la transgression. Très visuel, ce récit vénéneux donnerait de bonnes scènes au cinéma ; il n’est pas exclu que Tanizaki, qui écrira par la suite

OFF

Tout le monde trompe tout le monde au nom du fantasme et de la transgression. de nombreux scénarios de film, ait eu l’idée d’une adaptation. La chute, excellente, rétablit la bienséance de justesse : Tanizaki décrit le sourire enfantin de la geisha meurtrière, « dénué de la moindre parcelle de mal ». L’ironie, vous dis-je. • BERNARD QUIRINY

MENACES

L’ÎLE INTROUVABLE

Un dentiste perd la boule après la mort de sa femme. Partout dans leur maison, il tombe sur des messages menaçants... L’Américaine Amelia Gray signe une sorte de polar lynchien dans lequel tous les repères du lecteur vacillent. Pour amateurs d’ambiances troubles. • B. Q.

Les tribulations d’un écrivain dans le Paris des années 1980, entre vie mondaine et tentation du grand œuvre. Jean Le Gall signe un tableau balzacien dans lequel le monde politique rencontre l’édition et le showbiz. Avec bon nombre de personnages réels cités. • B. Q.

Éditions de l’Ogre, 320 p.)

(Robert Laffont, 420 p.)

: d’Amelia Gray (les

: de Jean Le Gall

104

— : de Jun’ichirō Tanizaki (traduit du japonais par Patrick Honnoré et Ryōko Sekiguchi, Éditions Picquier, 132 p.)

BLUES POUR TROIS TOMBES ET UN FANTÔME Une série de textes en prose sur la ville chérie de l’auteur : Liège. L’occasion pour lui de rappeler qu’elle fut aussi la capitale du jazz en Belgique, refuge de Chet Baker avant sa mort – d’où la photo de couverture, et le titre. • B. Q.

: de Philippe Marczewski (Inculte, 230 p.)


BD

OFF

DÉDALES

« Je

— : de Charles Burns (Cornélius, 64 p.) —

suis un alien compressé, assis à une autre table, dans un autre monde. » Voilà ce que l’on peut lire dès les premières cases du tant attendu Dédales de Charles Burns, édité par Cornélius, premier album d’une nouvelle série. Dans ce que l’on pourrait appeler un autoportrait au grille-pain, comme d’autres le faisaient avec un miroir, le nouveau personnage de Burns qui se dessine est à l’image de son œuvre : gonflé, sans point de fuite, aux proportions difformes. Le génial auteur américain de Black Hole plante ici le décor d’un malaise : le personnage oscille entre une réalité faite de potes et de films d’horreurs et un autre monde intérieur, perdu, volontiers lynchien, dans lequel le réel s’évade et où les fantasmes s’étirent. Si le scénario, au premier abord, peut paraître un rien binaire, la décharge graphique de Burns (la plus sombre des lignes claires) vient plonger le lecteur, dès le départ, dans un entre-monde propre à l’auteur qui happe le regard, les sens et pousse au vertige, jusqu’au prochain épisode. • ADRIEN GENOUDET 105


LES ACTUS mk2

CULTURE POP ET PSYCHIATRIE

Une fois par mois au mk2 Beaubourg, Jean-Victor Blanc, psychiatre et auteur du livre Pop & Psy (Plon), analyse les troubles psychiques à l’aide de la pop culture et notamment du cinéma. Ses prochaines conférences seront consacrées à la dépression dans Melancholia et aux addictions avec Requiem for a Dream.

En quoi la pop culture aide-t-elle à mieux comprendre les troubles psychiques ? Elle permet de décaler le regard avec quelque chose de moins anxiogène et de plus ludique. Les troubles psychiques sont très fréquents et de plus en plus présents dans les films, mais il y a beaucoup d’idées reçues sur la maladie mentale, son traitement et ses conséquences. D’où l’idée d’utiliser la pop culture comme support pour une meilleure compréhension. Pourquoi est-ce difficile de bien représenter les maladies mentales au cinéma ? Le cinéma est un art essentiellement visuel. Du coup, par exemple, les hallucinations visuelles sont très fréquentes dans les films, alors qu’elles le sont peu dans la vie réelle. Il y a aussi des contraintes scénaristiques. On étiquette facilement quelqu’un comme fou pour justifier son comportement. C’est une paresse artistique. Et le troisième élément est le manque de connaissance. Comme le reste de la population, les réalisateurs sont empreints de clichés sur la maladie mentale.

Dans Melancholia, Lars von Trier évoque la dépression. Diriez-vous qu’il en fait une description juste ? Oui, plutôt. On voit bien que c’est dur pour le personnage de Kirsten Dunst de se réjouir, de participer aux festivités de son mariage, et qu’elle est en décalage avec son entourage qui n’est pas aussi compréhensif qu’on pourrait l’espérer. Dans la deuxième partie, sa sœur essaye de l’être, mais ça ne fonctionne pas car, quand on est mélancolique, ce n’est pas une balade à cheval qui nous guérit. C’est assez réaliste. Et le réalisateur s’abstient de tout jugement moralisateur. Faut-il avoir vu les films dont vous parlez pour apprécier vos conférences ? C’est mieux, mais ce n’est pas indispensable. Les gens qui ne les ont pas vus ne seront pas exclus, car ce n’est pas une analyse précise d’un film. • PROPOS RECUEILLIS PAR EMILIO MESLET

— : prochaines séances

le 16 novembre et le 14 décembre au mk2 Beaubourg à 11 h

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15 → 24 novembre 2019

forumdesimages.fr

Design graphique : ABM Studio – Visuel : Madame Sata © Wild Bunch / Much Loved © Pyramide / Le Mariage de Tuya © Pretty Pictures

festival Un état du monde

11e édition


LES ACTUS mk2

OFF

Lola vers la mer de Laurent Micheli

Pour fêter ses 25 ans d’existence, le festival lesbien, gay, bi, trans et queer Chéries-Chéris renoue avec l’activisme de ses origines à travers une programmation plus militante que jamais.

Cette

année, les festivités débutent le week-end du 16 et 17 novembre par un focus sur les docus militants mettant en lumière la richesse de la production LGBTQ+ française. Grégory Tilhac, délégué général de Chéries-Chéris depuis l’an dernier, est fier de pouvoir rendre hommage aux origines du festival. « À l’occasion des 25 ans, c’est important de rappeler que le festival a vu le jour dans un contexte de militantisme très fort en lien avec la lutte contre le sida, de mettre en avant les combats contre la discrimination et le conformisme. D’autant plus face à la violence des réactions suscitées par le débat sur la PMA et la GPA. » C’est donc tout naturellement que

La sélection semble délaisser les grosses machineries pour un cinéma plus sensible.

le film d’ouverture, Lola vers la mer de Laurent Micheli (lire p. 36), révèle une jeune actrice trans, Mya Bollaers, qui brille aux côtés de Benoît Magimel. « On a eu un coup de cœur pour ce film fédérateur, populaire dans le meilleur sens du terme. C’est une œuvre importante pour la représentation et l’inclusion des personnes transgenres à l’écran. » La sélection semble délaisser les grosses machineries (comme La Favorite de Yórgos Lánthimos l’an dernier) pour un cinéma plus sensible venu en majorité d’Europe et d’Amérique latine. En Compétition, on note la présence d’El príncipe de Sebastián Muñoz, qui suit les aventures impétueuses d’un prisonnier homosexuel au Chili, et d’Après la nuit du Roumain Marius Olteanu, drame bisexuel qui explore les désirs contraires d’un couple marié, deux films respectivement présentés à la Mostra et à la Berlinale. La compétition et le festival se clôtureront avec Deux de Filippo Meneghetti, un film français audacieux sur un couple de femmes sexagénaires. Résonnant avec la fiction, la programmation documentaire abonde, entre introspections sur le genre (Madame de Stéphane Riethauser,

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© LES FILMS DU LOSANGE

CHÉRIES-CHÉRIS


El príncipe de Sebastián Muñoz

© PATRA SPANOU

Madame de Stéphane Riethauser

© LAMBDA PROD

&

dialogue intime entre un gay et sa grand-mère) et charges politiques. Pour la Journée internationale du souvenir trans, le 20 novembre, sera projeté en avant-première le bouleversant Indianara de Marcelo Barbosa et Aude Chevalier-Beaumel (lire p. 60), qui relate le combat de la figure majeure des luttes LGBTQ+ Indianara Siqueira au Brésil. « On a voulu mettre en avant ce film puisque, depuis l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro [le 1 er janvier 2019, ndlr], on assiste à une recrudescence d’une homophobie décomplexée au Brésil. C’est paradoxalement l’un des pays les plus prolifiques en matière de production LGBTQ+, constat que l’on peut d’ailleurs étendre à toute l’Amérique latine », résume Grégory Tilhac. Enfin, une soirée dédiée au X lesbien et féministe confirme l’ambition défricheuse de cette édition. Si ce cru 2019 n’hésite pas à montrer les crocs, il conserve intacte sa dimension festive puisqu’il faudra prévoir son plus beau pyjama pour la projection du teen movie Clueless, réalisé par Amy Heckerling en 1995, qui sera précédée d’une sélection de clips de divas qui devrait en faire se trémousser plus d’un(e). • DAVID EZAN

— : du 16 au 26 novembre aux mk2 Beaubourg, mk2 Quai de Seine et mk2 Bibliothèque www.cheries-cheris.com

@thepenelopes

thepenelopes.com


mk2 SUR SON 31 JUSQU’AU 17 DÉC. CYCLE BOUT’CHOU Pour les enfants de 2 à 4 ans : Professeur Balthazar et Monsieur et monsieur ; Pat et Mat en hiver et Les Amis animaux ; Zébulon le dragon et Une surprise pour Noël.

MASTER CLASS ZIDANE À l’occasion de la sortie de la biographie Zidane de Frédéric Hermel (Flammarion), master class de l’auteur et de Carlo Ancelotti suivie d’une séance de dédicace en librairie.

Bastille (côté Beaumarchais) et mk2 Gambetta les samedis et dimanches matin

CYCLE JUNIOR Pour les enfants à partir de 5 ans : Dumbo ; Mary Poppins ; Les 101 Dalmatiens.

: mk2 Bibliothèque, mk2 Quai de Loire et mk2 Gambetta les samedis et dimanches

1 HEURE, 1 ARCHITECTE « Mies van der Rohe. »

: mk2 Bibliothèque à 12 h 30 1 HEURE, 1 ARTISTE « Rembrandt. »

1 HEURE, 1 CITÉ MILLÉNAIRE « Entre mythe et réalité : Troie (Turquie). »

VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « Le temps existe-t-il ? »

: mk2 Grand Palais

: mk2 Quai de Loire à 11 h

DIMANCHE 17 NOV. 1 HEURE, 1 CHORÉGRAPHE « George Balanchine. »

VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « Le temps existe-t-il ? »

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 12 h 30

SAMEDI 16 NOV. 1 HEURE, 1 FEMME D’INFLUENCE « Rosa Luxemburg. »

: mk2 Odéon

(côté Fg St Antoine) à 11 h

: mk2 Bibliothèque à 11 h

CULTISSIME ! Projection de L’Amant de Jean-Jacques Annaud.

(côté Beaumarchais) à 11 h

1 HEURE, 1 HISTOIRE DE PARIS « Le Paris de Richelieu. » à 12 h 30

1 HEURE, 1 FILM Vertigo d’Alfred Hitchcock. Séance suivie par la projection de Fenêtre sur cour, à réserver en complément de la conférence.

: mk2 Odéon (côté St Michel)

JEUDI 21 NOV. 1 HEURE, 1 ARTISTE « Vermeer. »

dans l’après-midi

: mk2 Beaubourg à 20 h

LUNDI 18 NOV. 1 HEURE, 1 ŒUVRE « Le Caravage, L’Incrédulité de saint Thomas (1603). »

: mk2 Parnasse

SAMEDI 23 NOV. 1 HEURE, 1 FEMME D’INFLUENCE « George Sand. »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 11 h

à 11 h

: mk2 Parnasse

: mk2 Beaubourg à 11 h

: mk2 Bastille

: mk2 Gambetta

1 HEURE, 1 MYTHE EN FAMILLE « La chute d’Icare, un vol trop près du soleil. »

CULTURE POP ET PSYCHIATRIE « La dépression : je t’aime Melancholia. »

1 HEURE, 1 ŒUVRE « Andy Warhol, Campbell’s Soup Cans. »

à 20 h

1 HEURE, 1 MUSÉE « La National Gallery de Londres. »

à 11 h

MARDI 19 NOV.

: mk2 Beaubourg L’ATLAS DE LA BEAUTÉ AU NATUREL Avec Victoire de Taillac et l’Officine Universelle Buly, découvrez des secrets de beauté authentiques, issus de la richesse du monde végétal et de l’ingéniosité humaine qui a su les adapter.

(côté St Michel) à 11 h

: mk2 Quai de Loire

à 20 h

: mk2 Bastille

: mk2 Beaubourg à 20 h

VENDREDI 15 NOV.

à 19 h 45

à 11 h

matin

JEUDI 14 NOV.

: mk2 Bibliothèque

: mk2 Bibliothèque

: mk2 Bibliothèque, mk2 Quai de Seine, mk2

SCIENCES SOCIALES ET CINÉMA Projection de Captain Fantastic de Matt Ross, suivi d’une discussion avec l’anthropologue Maxime Vanhoenacker.

1 HEURE, 1 MYTHE EN FAMILLE « Les 12 travaux d’Héraclès. »

: mk2 Quai de Loire à 11 h

à 12 h 30

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Le beau est-il l’éclat du vrai ? »

DIMANCHE 24 NOV.

Beaumarchais) à 12 h 30,

VOTRE CERVEAU VOUS JOUE DES TOURS AVEC ALBERT MOUKHEIBER « Neurosciences : mythe ou réalité ? »

mk2 Odéon (côté St Germain)

: mk2 Bibliothèque

à 18 h 30

à 11 h

: mk2 Bastille (côté

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ON AIME BEAUCOUP ET VOUS ? EXPOSITION

JUSQU’AU 24/02/20 PARIS, FONDATION LOUIS VUITTON

LE MONDE NOUVEAU DE CHARLOTTE PERRIAND La Fondation présente une grande exposition consacrée à Charlotte Perriand (19031999), une femme libre, pionnière de la modernité, l’une des personnalités phares du monde du design du XXème siècle qui a contribué à définir un nouvel art de vivre.

Exposition du 9 octobre 2019 au 5 janvier 2020

KATINKA BOCK TUMULTE À HiGIENÓPOLIS Fondation d’entreprise Galeries Lafayette 9 rue du Plâtre 75004 Paris

HUMOUR MUSICAL

ACTUELLEMENT PARIS, LE THÉÂTRE LIBRE

THE OPERA LOCOS Porté par 5 chanteurs lyriques, The Opera Locos revisite avec humour et folie les plus grands «tubes» de l’Opéra pimentés de quelques emprunts à la pop, toujours dans le respect de la musique et de la discipline classique.

CINÉMA

DU 20/11 AU 05/01/20 PARIS, LE GRAND REX

LA FÉÉRIE DES EAUX ET LA REINE DES NEIGES 2 Retrouvez la suite des aventures de Elsa, Anna et Olaf à travers « La Reine des neiges 2 » dans la grande salle du Rex redécorée aux couleurs de noël ! Chaque séance avec le mythique spectacle de la Féerie des Eaux, qui fête cette année son 65ème anniversaire !

ENCORE PLUS SUR FNACSPECTACLES.COM

lafayetteanticipations.com Entrée libre #expoKatinkaBock


mk2 SUR SON 31 CULTISSIME ! Projection de L’Ours de Jean-Jacques Annaud.

: mk2 Gambetta dans l’après-midi

LUNDI 25 NOV. 1 HEURE, 1 ŒUVRE « Rembrandt, La Ronde de nuit (1642). »

: mk2 Parnasse à 11 h

1 HEURE, 1 MUSÉE « Kunsthistorisches Museum. »

: mk2 Parnasse à 12 h 30

MARDI 26 NOV. 1 HEURE, 1 ŒUVRE « Marcel Duchamp, Fontaine. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

1 HEURE, 1 HISTOIRE DE PARIS « Les hôtels particuliers parisiens. »

: mk2 Beaubourg à 12 h 30

1 HEURE, 1 CINÉASTE « Akira Kurosawa. » Séance suivie par la projection de Sanjuro, à réserver en complément de la conférence.

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

AVANT-PREMIÈRE DE GLORIA MUNDI En présence du réalisateur Robert Guédiguian

: mk2 Quai de Loire à 20 h

MERCREDI 27 NOV. AVANT-PREMIÈRE D’OCÉAN Suivie d’un débat avec le réalisateur Océan.

VENDREDI 29 NOV. AVANT-PREMIÈRE D’OCÉAN Suivie d’un débat avec le réalisateur Océan.

1 HEURE, 1 ŒUVRE « Gustave Courbet, L’Origine du monde. »

: mk2 Beaubourg

(côté Beaumarchais)

à 19 h

JEUDI 28 NOV.

: mk2 Bastille à 11 h

SAMEDI 30 NOV. 1 HEURE, 1 FEMME D’INFLUENCE « Louise Michel. »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 11 h

1 HEURE, 1 MYTHE EN FAMILLE « La lutte de Gorgone Méduse et Persée : un regard pétrifiant. »

: mk2 Quai de Loire à 11 h

RENCONTRE EXCEPTIONNELLE AVEC AMÉLIE NOTHOMB À l’occasion de la sortie de son dernier roman, « Soif » (Albin Michel). Rencontre suivie d’une séance de dédicace de 15 heures à 18 heures.

1 HEURE, 1 HISTOIRE DE PARIS « Le Paris du Roi-Soleil. »

: mk2 Beaubourg à 12 h 30

KARMA CINÉMA Cours de méditation par Sophia L. Mann.

: mk2 Bastille (côté Fg St Antoine) à 12 h 30

1 HEURE, 1 FILM « Michelangelo Antonioni. » Séance suivie par la projection de Blow-Up, à réserver en complément de la conférence.

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

JEUDI 5 DÉC.

: mk2 Bibliothèque à 14 h

DIMANCHE 1er DÉC. CULTISSIME ! Projection de Carrie au bal du diable de Brian De Palma.

: mk2 Gambetta dans l’après-midi

LUNDI 2 DÉC. 1 HEURE, 1 ŒUVRE « Diego Vélasquez, Les Ménines (1656). »

: mk2 Parnasse à 11 h

1 HEURE, 1 ARTISTE « Claude Monet. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

SAMEDI 7 DÉC. 1 HEURE, 1 FEMME D’INFLUENCE « Marie Curie. »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 11 h

1 HEURE, 1 MYTHE EN FAMILLE « Narcisse, un amour impossible. »

: mk2 Quai de Loire à 11 h

1 HEURE, 1 MUSÉE « Le musée du Prado de Madrid. »

: mk2 Parnasse à 12 h 30

: mk2 Beaubourg à 19 h

MARDI 3 DÉC.

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Les derniers seront-ils les premiers ? »

: mk2 Bastille (côté

1 HEURE, 1 ARTISTE « Eugène Delacroix. »

Beaumarchais) à 12 h 30,

: mk2 Beaubourg

à 18 h 30

mk2 Odéon (côté St Germain)

LA POUDRE REPLAY AVEC LAUREN BASTIDE « Pénélope Bagieu. » Écoute collective du podcast La Poudre suivie d’un échange avec l’invitée.

: mk2 Quai de Seine à 11 h

DIMANCHE 8 DÉC. 1 HEURE, 1 CHORÉGRAPHE « Maurice Béjart. »

: mk2 Bastille

à 20 h

(côté Fg St Antoine) à 11 h

112


exposition AU CHÂTEAU DE VErSAILLES Le Bain de la marquise, par Alexandre Benois, 1906 (détail). © Moscou, La Galerie d’État Tretiakov / © Adagp, Paris, 2019. Design Graphica

19 novembre 2019 15 mars 2020

Vos billets sur chateauversailles.fr

1867-1937

Gratuit pour les – de 18 ans (– de 26 ans pour les résidents de l’UE) Audioguide gratuit sur l’appli Château de Versailles

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En partenariat media avec Avec le mécénat de

et de Madame Krystyna Campbell-Pretty et sa famille


mk2 SUR SON 31 CULTISSIME ! Projection de The Big Lebowski des frères Coen.

: mk2 Gambetta dans l’après-midi

JEUDI 12 DÉC. 1 HEURE, 1 ARCHITECTE « Oscar Niemeyer. »

: mk2 Bibliothèque à 12 h 30

LUNDI 9 DÉC. 1 HEURE, 1 ŒUVRE « Johannes Vermeer, L’Allégorie de la peinture (1666). »

: mk2 Parnasse à 11 h 1 HEURE, 1 MUSÉE « La galerie des Offices. »

: mk2 Parnasse à 12 h 30 LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Et si nous cessions de “communiquer” pour apprendre à nous parler ? »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 12 h 30, mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

MARDI 10 DÉC. 1 HEURE, 1 ŒUVRE « Pablo Picasso, Les Demoiselles d’Avignon. »

: mk2 Bastille (côté

DIMANCHE 15 DÉC. CULTISSIME ! Projection de Shakespeare in Love de John Madden.

: mk2 Gambetta dans l’après-midi

1 HEURE, 1 ARTISTE « Toulouse-Lautrec. »

LUNDI 16 DÉC.

: mk2 Beaubourg

1 HEURE, 1 ŒUVRE « Antoine Watteau, Pierrot (1719). »

à 20 h

VENDREDI 13 DÉC. VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « Qu’est-ce que la matière noire ? »

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 12 h 30

SAMEDI 14 DÉC. 1 HEURE, 1 FEMME D’INFLUENCE « Gertrude Stein. »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 11 h

1 HEURE, 1 MYTHE EN FAMILLE « Orphée et Eurydice, perdus dans les Enfers. »

: mk2 Quai de Loire

: mk2 Parnasse à 11 h 1 HEURE, 1 MUSÉE « L’Ermitage de Saint-Pétersbourg. »

: mk2 Parnasse à 12 h 30 LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Le populisme : peut-on faire de la politique autrement ? » Avec Olivier Dhilly.

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 12 h 30, mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

1 HEURE, 1 CITÉ MILLÉNAIRE « Le Paradis perse : Persépolis (Iran). »

: mk2 Grand Palais à 20 h

MARDI 17 DÉC.

Beaumarchais) à 11 h

à 11 h

1 HEURE, 1 HISTOIRE DE PARIS « Le Paris de Voltaire. »

CULTURE POP ET PSYCHIATRIE « Les addictions : de Requiem for a Dream à la Rehab. »

1 HEURE, 1 HISTOIRE DE PARIS « Paris à l’heure de la Révolution française. »

: mk2 Beaubourg

: mk2 Beaubourg à 12 h 30

: mk2 Beaubourg à 12 h 30 1 HEURE, 1 FILM Blow-Up de Michelangelo Antonioni. Séance suivie par la projection de L’Éclipse, à réserver en complément de la conférence.

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

Après

à 11 h

VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « Qu’est-ce que la matière noire ? »

1 HEURE, 1 CINÉASTE « Brian De Palma. » Séance suivie par la projection de Blow Out, à réserver en complément de la conférence.

: mk2 Quai de Loire

: mk2 Odéon (côté St Michel)

à 11 h

à 20 h

mk2 NATION

plus d’un an de travaux colossaux, le cinéma mk2 Nation rouvre ses portes le 20 novembre. Au programme, toujours l’ambition d’être une vraie salle de quartier, à deux pas de la place de la Nation, dotée d’une sélection mêlant art et essai, films populaires, séances jeunesse, avant-premières et rencontres ; mais aussi des nouveautés : deux salles supplémentaires (soit un total de

six salles), des projecteurs laser pour une qualité d’image optimale, et une vraie ambition verte. Tous les consommables (pailles, gobelets…) sont recyclables, des poubelles de tri sont mises à disposition du public, et la confiserie propose, en plus des douceurs habituelles, une vaste sélection de produits bio – notamment du pop-corn 100 % français. • DAVID EZAN

: mk2 Nation | 133, bd Diderot, Paris XIIe

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CRÉATION ORIGINALE ¢

C O N D A M N É S

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