Trois Couleurs #100 – Avril 2012

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cinéma culture techno avril 2012 n°100 by Rencontre avec F. F.  Coppola Et aussi...

Mœbius • Benoît Forgeard • Luther • Skrillex • Titanic 3D • Dominique A • World Cinema Foundation • Christian Petzold • L’Enfant d’en haut • Jonathan Caouette • David Whitehouse

Max

Payne

TUDO BEM ?

SPÉCIAL NUMÉRO

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SOMMAIRE Éditeur MK2 Media 55 rue Traversière 75012 Paris Tél. : 01 44 67 30 00 Directeur de la publication Elisha Karmitz (elisha.karmitz@mk2.com) Rédacteur en chef Étienne Rouillon (etienne.rouillon@mk2.com) Rédactrice en chef adjointe Juliette Reitzer (juliette.reitzer@mk2.com) Chef de rubrique « cinéma » Clémentine Gallot (clementine.gallot@mk2.com) Rédactrice Laura Tuillier (laura.tuillier@mk2.com) Directrices artistiques Marion Dorel (marion.dorel@mk2.com) Sarah Kahn (hello@sarahkahn.fr) Secrétaire de rédaction Thierry Lepin Iconographe Juliette Reitzer Stagiaires Quentin Grosset, Isaure Pisani-Ferry Collaborateurs Stéphane Beaujean, Ève Beauvallet, Kate Brilhante, Léa Chauvel-Lévy, Renan Cros, Julien Dupuy, Sylvain Fesson, Yann François, Donald James, Jérôme Momcilovic, Bernard Quiriny, Wilfried Paris, Laura Pertuy, Pamela Pianezza, Guillaume Regourd, Louis Séguin, Nana Tucci, Bruno Verjus, Éric Vernay, Anne-Lou Vicente Illustrateurs Dupuy et Berberian, Stéphane Manel, Charlie Poppins Illustration de couverture © Rockstar Games Publicité Directrice commerciale Emmanuelle Fortunato Tél. : 01 44 67 32 60 (emmanuelle.fortunato@mk2.com) Responsable de clientèle cinéma Stéphanie Laroque Tél. : 01 44 67 30 13 (stephanie.laroque@mk2.com) Responsable de clientèle hors captifs Laura Jais Tél. : 01 44 67 30 04 (laura.jais@mk2.com) Stagiaire Estelle Savariaux

© 2011 TROIS COULEURS issn 1633-2083 / dépôt légal quatrième trimestre 2006. Toute reproduction, même partielle, de textes, photos et illustrations publiés par MK2 est interdite sans l’accord de l’auteur et de l’éditeur. Magazine gratuit. Ne pas jeter sur la voie publique.

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7 … ÉDITO 8 … PREVIEW › Laurence Anyways

13 LES NEWS 11 … CLOSE-UP › Camille Rutherford 12 … BE KIND, REWIND › American Pie 4 14 … EN TOURNAGE › The Bling Ring 16 … COURTS MÉTRAGES › Réussir sa vie 18 … MOTS CROISÉS › Thomas Bardinet 20 … SÉRIES › Luther 22 … ŒIL POUR ŒIL › Nana vs. Ponette 24 … FAIRE-PART › Mœbius 26 … PÔLE EMPLOI › David Krane 28 … ÉTUDE DE CAS › Skrillex 30 … TOUT-TERRAIN › Electric Guest, Nouveau Départ 32 … AUDI TALENTS AWARDS › Grégoire Lassalle, Emmanuel Montamat 34… SEX TAPE › Helmut Newton au Grand Palais

36 DOSSIERS 36 … MAX PAYNE 3 › Entretien avec Jeronimo Barrera ; le jeu ; reportage à São Paulo 46 … TITANIC 3D › Les dessous de l’iceberg ; test : quel spectateur de Titanic êtes-vous ? 50 … FRANCIS FORD COPPOLA › Interview pour Twixt ; Coppola à contretemps 58 … NUMÉRO 100 › Trois Couleurs fête son anniversaire

69 LE STORE 69 … OUVERTURE › Hors-série Sur la route 70 … EN VITRINE › La World Cinema Foundation 74 … RUSH HOUR › Carnet Marilyn, Le Voyage dans la lune, la borne Atari 76 … KIDS › À pas de loup 78 … VINTAGE › Talk Talk 80 … DVD-THÈQUE › Husbands de John Cassavetes 82 … CD-THÈQUE › Vers les lueurs de Dominique A 84 … BIBLIOTHÈQUE › Couché de David Whitehouse 86 … BD-THÈQUE › Cinérama, une sélection des meilleurs plus mauvais films du monde 88 … LUDOTHÈQUE › Mass Effect 3

91 LE GUIDE 92 … SORTIES EN VILLE › Method Man, Andrew W.K., Edgar Degas, Information Fiction Publicité, Avenue Q, Pina Bausch, Akihiro Horikoshi 106 … SORTIES CINÉ › À moi seule, Le Juif qui négocia avec les nazis, I Wish, L’Enfant d’en haut, Les Vieux Chats, Margin Call, Walk Away Renée, Barbara 124 … LES ÉVÉNEMENTS MK2 › Naissance du label Révélation avec le film Querelles, Vanessa Bruno 128 … TOUT OU RIEN PAR DUPUY & BERBERIAN 130 … LE CARNET DE CHARLIE POPPINS

NOUVEAU

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ÉDITO

100 Frais

Hier j’ai essayé demain. Il y a cinq ans, cette rubrique d’anticipation terminait les 58 pages du premier numéro de Trois Couleurs. Hier, personne ne songeait aux 132 pages d’aujourd’hui. Ce numéro est rythmé par la trotteuse d’un métronome qui bat d’avant en arrière, du passé vers le futur. Hier, James Cameron mettait à flot un projet titanesque, qui ressort demain dans une version en 3D relief. On y a embarqué avec une nostalgie amusée, quiz spécial Céline Dion à la clé. Hier, les jeux vidéo du studio Rockstar étaient montrés du doigt pour leur violence, aujourd’hui ils mettent le doigt sur la force narrative de cette forme de création. Le brillant Max Payne 3 nous a inspiré un intriguant reportage dans le ciel de São Paulo, noir d’hélicoptères. Hier, Francis Ford Coppola prophétisait l’avènement d’un « cinéma électronique », sans que les lendemains ne lui donnent tort, pas plus que son sublime Twixt, où l’on trouve un inquiétant beffroi aux horloges toutes déréglées. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il confie : « C’est un petit film qui ne semblait pas très important. Mais quelque chose de plus profond a émergé. » En replongeant dans nos précédents numéros – avec le prétexte facile du n° 100 – c’est la face cachée de l’iceberg qui a émergé. La mémoire nous est revenue. Celle du regretté Mœbius en couverture de notre numéro 85. D’autres retours vers le futur sont à lire : de la réunion de la bande d’American Pie jusqu’à la rénovation d’un patrimoine cinématographique par la World Cinema Foundation, sous le patronage de Martin. Mais si, vous savez, Scorsese, l’auteur de l’édito du numéro 71 de Trois Couleurs. _Étienne Rouillon

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PREVIEW

Sans contrefaçon Laurence Anyways de Xavier Dolan Avec : Melvil Poupaud, Suzanne Clément… Distribution : MK 2 Dif fusion Sor tie : 18 juillet

« C’est mon premier film purement fictif, mais toujours sur le thème des amours impossibles. » Certainement le tout premier dont on parlera sans insister sur la jeunesse de Xavier Dolan, comète prodige de 23 ans, réalisateur de J’ai tué ma mère (2009) et Les Amours imaginaires (2010). Débarrassé de cet effet surprise, le cinéma de Dolan mûrit son discours sur notre rapport à la différence, et assoit son style, onirique et cru, avec Laurence Anyways : « En 1989, un homme et une femme filent le parfait amour, quand lui décide de devenir une femme. » La bande-son grisante, entre la froideur d’une sauce électro eighties et les tubes du début 1990, est au diapason de cette balade contrariée sur la frontière des genres. _Étienne Rouillon

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NEWS

© Philippe Quaisse

Close-up

Camille Rutherford

« Je suis plutôt Gregg Araki que Robert Bresson », précise Camille Rutherford d’une voix rauque qui donne le ton de Low Life. Le film de Nicolas Klotz et Élizabeth Perceval est son premier grand rôle, après une apparition dans le dernier Philippe Garrel et une voix off dans le prochain Leos Carax. Vingt et un ans, diplômée du Conservatoire, elle emporte Low Life vers une douceur à la fois placide et douloureuse, alors que pour Carmen, son personnage, sonne l’heure d’une révolte politique. « Carmen est calme. Moi, je veux en baver, je rêve de rôles à la Cassavetes », dit-elle, bien décidée à tracer sa route au théâtre – bientôt Les Bonnes de Genet – comme au cinéma : « Je veux réaliser des films, même des trucs à l’arrache. » Dernier tournage : Marie Stuart de Thomas Imbach, « parce que je la trouve trash, cette reine ! ». _Laura Tuillier

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NEWS BE KIND, REWIND

la bande dure

Réunion au sommet des ex-puceaux dans American Pie 4. Du teen movie à la comédie de trentenaires, la saga aura vu vieillir son héros, Jim, en suivant son éducation sentimentale et sexuelle sur plus d’une décennie. L’équivalent US d’Antoine Doinel ?

© Universal Pictures

_Par Quentin Grosset

American Pie 4 de Jon Hur witz et Hayden Schlossberg Avec : Jason Biggs, Alyson Hannigan… Distribution : Universal Pictures International France Durée : 1h52 Sor tie : 2 mai

© Universal Pictures

© Universal Pictures

American Pie © Universal Pictures

Trois fois

American Pie

American Pie 2

de J. B. Rogers (2001)

de Jesse Dylan (2003)

Du cinéma boutonneux et ­v ulgos, c’est ainsi que le premier film de la franchise est reçu par la critique. Aujourd’hui classique de la teen sex comedy, le film a réussi à imposer son ton potache, avec la séquence culte de la tarte aux pommes devenue crumble. Le dépucelage comme quête suprême, c’est un poncif du cinéma ado, mais le film de Weitz s’écarte de la traditionnelle compétition virile, en dressant le portrait de gentils maladroits très soucieux du plaisir de leurs copines. Des garçons ­sensibles annonçant Michael Cera, qui reprendra le flambeau du vierge effarouché huit ans après dans Superbad. ♦

Du high school au campus movie, les humiliations sexuelles de Jim continuent sur une même voie pédagogique – les forums Internet de l’époque regorgeaient d’ados qui se demandaient à quoi pouvait lui servir sa chaussette lorsqu’il se masturbe. Après la découverte du sexe, les vacances sont l’occasion pour Jim d’afficher ses sentiments pour Michelle, sa toute première partenaire. Une comédie romantique version hormones bouillonnantes, avec forcément plus de références aux fluides corporels. Comme si Antoine Doinel, dont Truffaut a filmé les escapades amoureuses sur une période de vingt ans, était constamment en rut. ♦

Dur de vieillir quand on écoute encore Sum 41 et qu’on voit ses amis se ranger. Dans les troisième et quatrième films de la série, Steve Stifler incarne à lui tout seul la tendance crépusculaire du teen movie. Nostalgique de son adolescence, il perpétue une crétinerie réjouissante au milieu de ses acolytes, tous futurs papas et hommes mariés. Comment remuer une soirée d’amis trentenaires assagis ? Comment rivaliser avec la génération Projet X devant laquelle Jim et sa clique doivent bien s’incliner niveau déglingue ? Les derniers épisodes de la saga proposent finalement un paradoxe unique : du cinéma ado avec des vieux. ♦

de Paul Weitz (1999)

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American Pie : marions-les !


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© Franco Biciocchi/Focus Features

NEWS EN TOURNAGE

Le chef opérateur Harris Savides avec Sofia Coppola sur le tournage de Somewhere, en 2010

JEUNESSE DORÉE E The Bling Ring de Sofia Coppola Avec : Emma Watson, Israel Broussard… Distribution : non communiquée Sortie prévue : 2013

Fille à papa, Sofia Coppola avait jusqu’ici dressé le portrait de pauvres petites filles riches ou de vedettes mélancoliques. Elle change de camp en adaptant un fait divers : en 2008, une clique d’ados appelée Bling Ring cambriola la jet-set hollywoodienne. _ Par Quentin Grosset

n tournage depuis début mars à Los Angeles, Sofia Coppola explore à nouveau, après Somewhere, la vacuité matérialiste des célébrités. Le script de 80 pages s’inspire de l’affaire du gang d’ados qui avaient dépouillé les villas huppées de Paris Hilton, Orlando Bloom ou Rachel Bilson, en les repérant sur Google Earth. D’après le site Indiewire, The Bling Ring s’ouvrirait sur un tweet de la starlette Nicole Richie, coutumière des réflexions type « Couper un sandwich dans sa diagonale est une entreprise désespérée pour paraître riche ». Puis on se retrouverait au cœur de l’intrigue, en plein cambriolage. Si Robert Pattinson avait

Clap !

_Par I.P.-F.

1 Édgar Ramírez L’acteur vénézuélien césarisé pour Carlos campera un vétéran de la guerre en Irak dans Corpus Christi, le nouveau thriller de Richard Kelly (Donnie Darko). Il est aussi pressenti pour participer à la traque de Ben Laden dans le prochain Kathryn Bigelow.

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été pressenti pour rejoindre le film, c’est dans la saga Harry Potter que Coppola a finalement pioché : Emma Watson est ainsi l’une des recrues du casting. Annoncée en rôle principal, l’ex-Hermione campe finalement un personnage secondaire. Les leaders du clan sont incarnés par de nouvelles têtes : Israel Broussard est Marc, 16 ans, un obsessionnel de la mode qui tombe amoureux de Rebecca, la tête pensante du groupe, probablement jouée par Katie Chang. S’y ajoutent Taissa Farmiga (petite sœur de Vera Farmiga), Leslie Mann, Claire Pfister et Georgia Rock. Le tout-fashion de Hollywood en tremble déjà. ♦

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2 Michel Gondry Le réalisateur d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind s’attaque à un morceau de taille : adapter au cinéma l’univers métaphorique de L’Écume des jours de Boris Vian. Y joueront Audrey Tautou, Romain Duris, Gad Elmaleh, Omar Sy et Charlotte Le Bon.

3 Nick Cassavetes Après Alpha Dog ou N’oublie jamais, le fils de John Cassavetes réalise Yellow, histoire d’une jeune femme dont la dépendance à la drogue est le cadet des problèmes existentiels. Avec Sienna Miller en tête d’affiche et Gena Rowlands (la mère de Nick).


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NEWS COURTS MÉTRAGES Courts, toujours _Par Lo.Sé.

© Ecce Productions

Trois fois Forgeard

© Ecce Productions

Fuck UK Gaspard Proust est le chef d’une bande hostile aux Britanniques. Avec eux, le slogan politique « Pour une France plus smooth » devient « Pour une France plus onctueuse », et les disques des Beatles finissent mal. Mais la racine sentimentale de cette haine refait bientôt surface.

tiercé gagnant I

l est coton de dialoguer avec Benoît Forgeard en restant dans le ton de son cinéma : l’ancien élève des BeauxArts et du ­Fresnoy a « toutes les peines du monde à parler sérieusement » de ses films, marqué par ses années d’école où « la justification des œuvres était nécessaire ». Ses courts métrages euxmêmes, dont trois sont réunis pour former un long, Réussir sa vie, déjouent par l’absurde un potpourri de situations prosaïques et contemporaines. Le tout orchestré par le ­p ersonnage du réalisateur (interprété par ­Forgeard lui-même) qui s’invite lors d’interludes dans un studio de ­bruitage. L’humour de ­Réussir sa vie, qui ne sauve aucun de ses personnages, évoque le Steak de ­Q uentin Dupieux.

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­Forgeard confirme : « C’est un des rares films qui m’ait vraiment fait marrer ces dernières années et qui me comble esthétiquement. C’est un cinéma proche de la low culture : télé, musique, cinéma populaire et fantastique… Mais c’est aussi un film jubilatoire. » Car il y a chez Forgeard, outre cette jouissance de l’absurde, une recherche plastique encouragée par Emmanuel ­Chaumet, son producteur depuis 2004 (à l’origine, entre autres, des films de Sophie Letourneur). Une manière, pour le cinéaste et comédien, de « transformer les choses déprimantes en choses poétiques ». Sans doute la clé de la réussite. ♦ Réussir sa vie de Benoît Forgeard Avec : Darius, Sylvain Dieuaide… Distribution : Shellac Durée : 1h24 Sortie : 4 avril

Coloscopia Jackie, playmate superstar, devient Coloscopia à la faveur d’une opération du colon. Loin de faire fuir ses fans, sa poche de digestion pourrait bien faire des émules. Ambiance sitcom des années 1970 et érotisme douteux.

© Ecce Productions

_Par Louis Séguin

© Ecce Productions

Doit-on se mettre à nu pour rembourser ses dettes ? Comment devenir Alain Souchon ? Réponses en salles avec Réussir sa vie, long métrage constitué de trois courts réalisés par BENOÎT FORGEARD.

Respect Steph vit en couple avec Flippy, l’ourson mascotte d’une marque de céréales. Quand Steph décide de quitter le foyer pour intégrer une école de ninjas, Flippy laisse éclater sa rancœur. Darius, acteur récurrent de Forgeard, prête sa voix douce et cruelle à l’ourson.


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NEWS MOTS CROISÉS

Pendant ses vacances d’été en Charente-Maritime, le jeune Nino découvre l’amour, partagé entre la brune Nathalie et la blonde Natacha. Avec Nino, une adolescence imaginaire de Nino Ferrer, THOMAS BARDINET propose une variation sensible et estivale sur l’univers du chanteur trublion. Ce bol de fraîcheur juvénile nous offre le prétexte idéal pour replonger dans ses chansons, dont quelques extraits sont ici commentés par le réalisateur. _Par Quentin Grosset _Illustration : Stéphane Manel

Nino, une adolescence imaginaire de Nino Ferrer de Thomas Bardinet Avec : David Prat, Lou de Laâge… Distributeur : NiZ ! Durée : 1h15 Sor tie : 25 avril

Ferrer prend l’air « On aurait pu vivre / Plus d’un million d’années / Et toujours en été » (Le Sud)

« je suis très sensible à l’idée qu’on ne guérit jamais vraiment des histoires d’amour. »

« Qu’est-ce qu’il faut faire /Quand on ne sait rien faire ? /On devient un homme à tout faire »

de transmettre directement au spectateur la vérité du moment et la beauté des acteurs.

Au départ, il y a le plaisir tout bête de faire un « film de vacances ». Pour certains, l’appellation est quasiment péjorative mais, pour moi, ça correspond à un univers de liberté et de sensualité, même si le film est très pudique. C’est bien sûr lié à certains souvenirs de jeunesse, alors j’ai choisi d’exclure les parents de l’intrigue. Quand j’étais ado, j’avais l’impression qu’en vacances je n’avais pas de comptes à leur rendre.

(Les Hommes à tout faire)

Sur le film, je suis à tous les postes, de la réalisation à la photographie, en passant par la production. Cette polyvalence est assez proche de celle de Nino Ferrer qui a joué de tous les instruments. J’ai mis du temps à accepter l’idée que mes maladresses avaient quelque chose de très personnel. En général, je travaille en équipe mais ici j’avais envie

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« C’est une légende / Mais tu lui ressembles / La fille s’appelait comme toi / oerythia » (Oerythia)

C’est clairement la chanson qui a inspiré le film. Nino la chante lors d’un moment d’intimité avec Natacha, sous la tente. En creux, il y a l’idée de la légende qu’était Nino Ferrer, incarnée par ce jeune acteur qui lui ressemble fortement. La voix de


La réplique

« la voix de nino ferrer dans un corps d’adolescent provoque un décalage, comme si l’on convoquait un fantôme. » Nino Ferrer dans ce corps d’adolescent, provoque une sorte de décalage mystérieux, comme si l’on convoquait un fantôme ou que le chanteur s’était réincarné.

« Il me faudra retrouver / Dans ma vie /  Un amour qui n’est pas toi / Natacha »

« Ce n’est que de l’argent. » Jeremy Irons, spéculateur sans scrupule dans Margin Call de J. C. Chandor (en salles le 2 mai).

La phrase « Les fans devraient respirer un grand coup, faut se détendre. Ils n’ont pas lu le scénario. » Le réalisateur Michael Bay répond sur son site Internet, après le tollé sucité par la présentation de son adaptation des Tortues ninjas : elles seraient des extraterrestres et non des mutants.

(Il me faudra…Natacha)

Je suis très sensible à l’idée qu’on ne guérit jamais vraiment des chagrins d’amour. Dans le film, l’histoire entre Nino et Natacha est vouée à l’échec, mais je suis à fond avec lui. J’avais déjà tourné avec Lou de Laâge, qui joue Natacha, et j’ai écrit en pensant à elle. Elle a cette attitude un peu distante, boudeuse, très Nouvelle Vague. Sa ressemblance avec Brigitte Bardot a une résonnance souterraine, puisque Nino Ferrer a eu une aventure avec l’actrice.

« La vie c’est comme de l’eau / Qui coule d’une fontaine / Mais elle n’a pas eu le temps de boire la sienne / La petite Nathalie lointaine » (Chanson pour Nathalie)

Dans le film, Nathalie (Sarah Coulaud) est un personnage au destin tragique, qui a existé et que je traîne depuis plusieurs films. Je n’avais jamais réussi à l’incarner, mais cette adolescente incapable de malice me touche au plus haut point. Pour moi, c’est presque un idéal de vie. J’adore le contraste entre Natacha, la comédienne qui n’est jamais aussi sincère que quand elle ment, et Nathalie qui, au contraire, est extrêmement frontale.

« Rien n’est changé, tout est pareil /  Tout est pourtant si différent / Il flotte comme un goût de sommeil / Ou de tristesse, je ne sais comment » (L’Arbre noir) Cette chanson est mélancolique, voire désespérée. C’était la préférée de Nino Ferrer. Il était surtout connu pour ses chansons comiques, et il en souffrait énormément. Nino a une apparence légère, mais je crois que la douleur d’aimer infuse aussi l’histoire. Ceux qui savent que Ferrer s’est suicidé regardent le film autrement ; on découvre cet adolescent plein de vie et on se dit : c’est un destin tragique. On pourrait résumer le film ainsi : « C’est l’histoire d’un jeune homme qui écrit un poème qui s’appelle L’Arbre noir. » ♦

Status quotes Notre sélection des meilleurs statuts du mois sur les réseaux sociaux.

Paul : Si je télécharge un film en Jamaïque, est-ce que ça fait de moi un pirate des Caraïbes ? Étienne : C’est pas Chuck Norris qui joue dans The Expendables 2, c’est The Expendables 2 qui joue autour de Chuck Norris. Beths : Berck-Plage c’est pas dégueu. Hughes : « Maintenant » is the new « tout à l’heure ». Nassim : À vendre : stock de parrainages, bon état, jamais utilisés. Ben : On ne dit plus « testicules » mais « œufs à la cock ». Maïté : Publiez ceci comme statut, si un parent ou quelqu’un que vous connaissez a été mangé par un dragon. Les dragons sont presque impossibles à arrêter et, si vous ne le saviez pas, ils peuvent cracher du feu. 93 % des gens ne copieront pas ceci, parce qu’ils ont déjà été mangés par un dragon, 6 % sont assis en position fœtale dans la douche, armés d’extincteurs, et le 1 % qui reste est assez burné pour copier ce statut.

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NEWS SÉRIES le caméo © Rue des Archives/BCA

Leonard Nimoy dans The Big Bang Theory Les producteurs de The Big Bang Theory (alias TBBT) lui faisaient des appels du pied depuis cinq saisons. Leonard Nimoy, 81 ans, s’est fait désirer, peut-être lassé des clins d’œil à répétition au rôle qu’il tenait dans la série Star Trek. Toujours est-il que la rencontre de Sheldon Cooper, le héros de la sitcom de CBS, avec son idole absolue, Spock, a enfin eu lieu le 29 mars dernier, le temps de quelques répliques – en voix off ! Et tant qu’à visiter le panthéon personnel de Sheldon, on annonce pour bientôt le scientifique Stephen Hawking du côté de TBBT. _G.R.

bad lieutenant D’une efficacité redoutable, la série britannique Luther offre à Idris Elba un rôle en or. En flic borderline, l’acteur au jeu physique crève l’écran et met Hollywood à ses pieds. _Par Guillaume Regourd

Luther saison 1 (Royaume-Uni) Dif fusion : à par tir du 23 avril sur Canal+ DVD disponible le 22 mai chez StudioCanal

© BBC/Canal+

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oings serrés, les épaules ramassées, rage contenue… L’inspecteur Luther, héros de la série éponyme de la BBC, est une bombe à retardement. Sa hiérarchie en est convaincue : à force de déraper, cette force un peu trop vive de Scotland Yard finira par perdre définitivement le contrôle. Et en effet, le jeu dangereux qu’il mène avec les criminels le fera glisser dans une spirale infernale, donnant lieu à un récital de haut vol. La réussite de ce polar baroque repose largement sur la ­c apacité de sa star, Idris Elba, à laisser ­progressivement affleurer la vulnérabilité sous la montagne de certitudes du personnage. Physique intimidant et démarche chaloupée, l’acteur n’a pas volé son Golden Globe pour le rôle. Sa ­performance rappelle celle qui le révéla dans The Wire, où il incarnait le charismatique gangster

Stringer Bell. Avec un parfait accent de Baltimore, le Londonien crevait l’écran par cette alliance, déjà, d’intelligence froide, d’élégance canaille et de sauvagerie domptée. Un temps envisagé par Quentin Tarantino pour Django

Unchained, Elba retrouve Ridley Scott pour Prometheus (après un petit rôle dans American Gangster, en 2007) et figurerait dans la short list des acteurs pressentis pour succéder à Daniel Craig dans le costume de James Bond. ♦

Zapping

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Séries Mania Du 16 au 22 avril se tiendra la troisième édition du festival parisien consacré aux séries. Un événement ouvert au public, proposant tables rondes de créateurs, conférences et projections d’œuvres inédites du monde entier. Rendezvous au Forum des images.

Sherlock Holmes Comme si les adaptations concurrentes de l’œuvre de Conan Doyle par Guy Ritchie et par la BBC ne suffisaient pas, CBS développe son propre projet, Elementary. Une relecture contemporaine avec Johnny Lee Miller et, dans le rôle de Watson, Lucy Liu.

© Rue des Archives

Alan Ball Le capitaine de True Blood quitte le navire. Occupé sur sa nouvelle série, Banshee, un polar pour Cinemax, filiale de HBO, il quitte son poste de showrunner sur la série de vampires. Il restera consultant et son départ ne prendra effet qu’après la saison 5.

© Todd Williamson/WireImage

_Par G.R.


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© RDA/CSFF

NEWS ŒIL POUR ŒIL

Ponette de Jacques Doillon DVD disponible chez MK 2 Vidéo

Mère nature

Nana, 4 ans, héroïne du premier long métrage éponyme de Valérie Massadian, pourrait être la petite sœur de Ponette, filmée quinze ans plus tôt par Jacques Doillon. Chacune à sa manière, les deux fillettes font l’apprentissage de la solitude, au sein d’une nature verdoyante. _Par Juliette Reitzer

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© Epicentre Films

Nana de Valérie Massadian Avec : Kelyna Lecomte, Alain Sabras… Distribution : Épicentre Films Durée : 1h08 Sor tie : 11 avril

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n jour, en rentrant de l’école, Nana trouve la maison vide. Sa mère a disparu et la fillette reproduit seule, avec une obstination désarmante, les gestes du quotidien : chercher du bois pour alimenter le poêle, lire une histoire avant d’aller au lit... Reprenant les codes du conte initiatique (la forêt où vit la fillette est filmée comme un lieu de transition, de découverte de soi), Valérie Massadian convoque avec Nana le souvenir de Ponette, réalisé par Jacques Doillon en 1996 : au cœur de la Drôme provençale, une gamine tout aussi entêtée refusait

d’accepter la mort de sa mère. Là où Massadian choisit une approche quasi documentaire (longs plans séquences, économie des dialogues qui laissent toute la place aux bruissements de la nature), chez Doillon dominait la fluidité des travellings, les répliques apprises par cœur et les larmes à fendre l’âme. Mais au-delà de ce fossé formel, les deux cinéastes trouvent un terrain d’entente en exaltant la force vitale, primaire, que leurs jeunes héroïnes puisent dans la nature : la tristesse et la solitude passeront, emportant avec elles un peu de l’insouciance de l’enfance. ♦

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© Nicolas Guerin

NEWS FAIRE-PART

décès

L’éternel

Après une vie passée à rêver d’ailleurs, Jean Giraud, alias Mœbius, a quitté notre dimension à l’âge de 73 ans, laissant une empreinte indélébile dans nos imaginaires. _Par Julien Dupuy

A

vec la mort de Jean Giraud, des nuées d’univers sont orphelines. On le connut d’abord sous le nom de Gir, révélé par le magazine Pilote pour lequel il dessine dans les années 1960 les aventures du cow-boy ­Blueberry. Le trait de Gir se distingue déjà par son efficacité, un sens rare des textures et une fluidité sans égale. Il se réinvente ensuite sous le pseudonyme de Mœbius, emprunté à l’astronome August Ferdinand Möbius, théoricien de

l’anneau de Möbius. C’est l’époque glorieuse du magazine Métal hurlant, qu’il cofonde avec Druillet et Dionnet, de l’album révolutionnaire Arzach, et de sa rencontre avec le poète et réalisateur chilien ­Alejandro Jodorowsky. Ensemble, ils fantasment une adaptation cinématographique de Dune, qui ne verra jamais le jour, et échafaudent l’épopée métaphysique L’Incal, peutêtre le magnum opus de Mœbius. Son style influence les artistes du monde entier, des concept designers

Le carnet

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Naissance Le premier numéro de la version française de The Believer, ambitieuse revue d’entretiens et de critique littéraire américaine, est sorti fin mars. Mensuel aux États-Unis, le magazine devient trimestriel et regroupe le meilleur de la V.O., des articles de Nick Hornby à ceux de Greil Marcus.

Mariage Le Mistral sous magic mushrooms. Pour le week-end de Pâques, les Looney Tunes viendront se taper une bouillabaisse chez les héros de Plus belle la vie. Nos pronostics : Johanna va craquer pour Taz, et Roland va courir après Bip-Bip. Un cross-over zarbi, diffusé le 8 avril sur France 3.

© Warner Bros

© Pascal Chantier/Rue des Archives

_Par Q.G. et I.P.F.

Décès Michel Duchaussoy, comédien fidèle à Claude Chabrol, est décédé le 13 mars à l’âge de 73 ans. Le 14, Pierre Schoendoerffer, le réalisateur de La 317e Section et du Crabe-tambour, s’est éteint à l’âge de 83 ans. Tonino Guerra, scénariste de Fellini et Antonioni, est décédé le 21 mars, à l’âge de 92 ans.

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hollywoodiens (il participe à Tron ou Abyss) aux mangakas japonais (Miyazaki, Taniguchi et Ōtomo lui doivent beaucoup), en passant par les auteurs de comics (il dessine un épisode du Surfer d’argent avec Stan Lee). S’il est difficile d’admettre la disparition de cet artiste protéiforme, on l’imagine aisément survolant les mondes superposés du Garage hermétique, l’un de ses univers de science-fiction. Après tout, l’anneau de Möbius n’est-il pas symbole d’éternité ? ♦


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NEWS PÔLE EMPLOI

Fine oreille Nom : David Krane Profession : compositeur, arrangeur, coach vocal Dernier projet : My Week with Marilyn de Simon Cur tis Sor tie : 4 avril

On l’entend souvent : parler correctement une langue étrangère, c’est une question d’oreille. Le compositeur américain DAVID KRANE en est l’exemple. Dans un français parfait, il nous raconte comment il a aidé l’actrice Michelle Williams à chanter comme Marilyn Monroe.

«

_Par Juliette Reitzer

Est-ce que vous savez lire la musique ? Sur une partition, l’alignement des notes noires ressemble à une œuvre d’art. C’est pareil avec le français : il y a des lettres qui ne se prononcent pas, ce qu’on voit à l’écrit est différent de ce qu’on entend. » Figure incontournable de Broadway (il a participé à trente-cinq musicals depuis plus de trente ans) et compositeur pour la télévision et le cinéma (Chicago, Nine), l’Américain David Krane sait lire entre les lignes. Lorsque le producteur Harry Weinstein lui demande d’intervenir sur My Week with Marilyn de Simon Curtis, le tournage du film est déjà terminé ; il s’agit d’y insuffler la note qui lui fait pour l’instant défaut : « Harry s’est aperçu que le film n’abordait pas du tout le rapport de Marilyn à la musique, alors que ses chansons ont marqué la mémoire populaire. Il m’a téléphoné pour que je fasse la connaissance de Michelle Williams, et que je voie si elle avait 26

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« Elle n’avait pas l’expérience du studio d’enregistrement, donc, pour la préparer, je lui ai donné une bouteille d’eau et je lui ai dit : “Fais comme si c’était le micro.” »

CV

les capacités pour chanter. » Dès lors, sa mission est double. D’abord, il doit signer l’arrangement et la production de deux morceaux pour la bande originale du film. Ensuite, il lui faudra apprendre à Michelle Williams comment chanter comme l’actrice mythique des Hommes préfèrent les blondes – mais, dans un premier temps, lui apprendre à chanter tout court.

Krane débute sa carrière à Broadway, sous la houlette du compositeur de West Side Story, Leonard Bernstein.

Gammes majeures L’an dernier, à l’occasion des sorties simultanées de Blue Valentine et La Dernière Piste, Michelle Williams nous confiait : « Quand

1969 À 17 ans, David Krane sort diplômé de la High School of Music & Art, à New York, le lycée qui a inspiré Fame.

1976

1992 Depuis New York, il travaille sur l’arrangement des musiques du Gershwin d’Alain Resnais.

2001 Le réalisateur Rob Marshall et son producteur Harry Weinstein l’embauchent pour Chicago, puis pour Nine en 2009.

2012 Sortie de My Week with Marilyn, où il est crédité comme coach vocal et arrangeur.


L’actrice Michelle Williams dans la peau de Marilyn Monroe

j’étais gamine, j’ai lu les biographies de James Dean et Marlon Brando, j’ai toujours rêvé de travailler à leur manière, en suivant la méthode dispensée par Lee Strasberg à ­l’Actors Studio, dont Marilyn Monroe était proche. » Dans le biopic de Simon Curtis, la blonde incendiaire est ainsi sous la coupe de Paula Strasberg (Zoë Wanamaker), sa répétitrice, confidente et épouse de Lee, qui l’accompagnait sur tous les plateaux. Le film raconte l’idylle de Monroe avec un jeune assistant, pendant le tournage du Prince et la Danseuse, en 1956. Outre les trois heures quotidiennes de maquillage, Michelle Williams s’est entourée de coachs pour aborder ce rôle intimidant. « Comme pour une leçon de théâtre, je lui ai fait répéter chaque parole, chaque intonation, raconte David Krane. Elle n’avait pas l’expérience du studio d’enregistrement, donc, pour la préparer, je lui ai donné une bouteille d’eau et je lui ai dit : “Fais comme si c’était le micro.” »

À plein tube Après un mois de répétitions intensives, l’actrice est enfin prête : « Michelle est très timide, mais aussi incroyablement forte, avec un point de vue très affirmé. Elle m’a impressionné », se souvient Krane, qui supervise l’enregistrement final de deux morceaux, utilisés en ouverture et clôture du film. Le générique de fin est ainsi une reprise du très beau standard That Old Black Magic, chanté par Monroe en 1956 dans Arrêt d’autobus. Arrangé par Krane et interprété par Williams, il acquiert une tonalité sensuelle et rêveuse, raccord avec l’érotisme teinté de vulnérabilité qui caractérisait Marilyn. « Vous savez à qui ressemble vraiment Michelle ? À Jean Seberg dans À bout de souff le », sourit Krane avant de nous quitter, ajoutant : « Je serais très reconnaissant, si vous disiez que je suis francophone. Ce serait vraiment un rêve pour moi de travailler en France. » À bon entendeur… ♦

Deauville Asia Chaque année, en mars, le festival du Film asiatique de Deauville fait un tour d’horizon des formes esthétiques et narratives venues d’Asie, des Philippines à la Chine, en passant par l’Iran. Lors de cette quatorzième édition, un hommage était rendu au Japonais Kiyoshi Kurosawa, alors que The Raid de Gareth Huw Evans (réalisateur gallois qui vit en Indonésie), nous ébouriffait tard dans la nuit. On a aussi remarqué l’omniprésence de bambins mutins, les enfants de ­Hirokazu Kore-eda (I Wish), les petits galopins de Wang Xiaoshuai (11 Fleurs), ou ceux de Saya Zamuraï de Hitoshi Matsumoto. Lotus du meilleur film, Querelles de Morteza Farshbaf, ex-assistant d’Abbas Kiarostami, se place lui dans la lignée du maître iranien. _C.G.

La technique © 2011 MVLFFLLC. TM © 2011 Marvel

© Studio Canal

© Urban Distribution

Brève de projo

Bon sang ! Depuis quelques années, les reproductions numériques d’un être de chair bénéficient du subsurface scattering, méthode qui consiste à imiter la transparence de la peau humaine, parfois désignée en France sous le terme « transluminescence ». Pour créer le subsurface scattering d’un personnage numérique, il faut donc définir les teintes de son sang et de ses entrailles : dans le cas d’un personnage de couleur chair, le rouge s’impose comme la couleur idoine. Mais dans le cas de Hulk, la question est sujette à débat. Ang Lee avait choisi de donner un sang vert au double du Dr Banner. Louis Letterier et Joss Whedon, pour L’Incroyable Hulk et Avengers, ont opté pour un sang rouge. _J.D. Avengers de Joss Whedon // Sor tie le 25 avril

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NEWS ÉTUDE DE CAS

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millions de dollars. C’est la perte prévue par Disney après la sortie de John Carter. Avec un budget total de 375 millions, le film n’a pas su se hisser suffisamment haut dans le box-office. À charge de Avengers et de Rebelle de redresser la barre.

longs métrages produits en France et agréés par le CNC en 2011, soit 4 % de plus qu’en 2010. C’est un record pour la production nationale, grâce notamment à une forte augmentation du nombre de coproductions internationales.

millions de dollars de recettes pour Hunger Games, dès le premier week-end d’exploitation mondiale. Le film monte sur le podium des meilleurs démarrages de l’histoire, derrière The Dark Knight et Harry Potter et les reliques de la mort – 2e partie.

Skrillex a-t-il tué le dubstep ? OUI

© Ethan Saks

Exilé de son groupe de rock From First to Last, pour cause de cordes vocales endommagées, l’ex-brailleur Sonny Moore a décidé de nous casser les tympans derrière des platines : sous le nom de Skrillex, le gamin de Los Angeles, à l’improbable look émo-geek, a en effet réussi l’exploit, à 24 ans, de placer l’âpre dubstep dans les hauteurs des hit-parades mondiaux, raflant même la couronne promise à David Guetta lors des derniers Grammys. Né à la fin des années 1990 dans le sud de Londres, popularisé par des artistes discrets tels que Burial, Kode9 ou Skream, le dubstep a ainsi vu ses beats hypnotiques de fond de hangar se faire traîner à une séance gonflette/UV made in California : dopé aux stéroïdes, racolant le kid en mal de sensations fortes, le dub­step roule désormais des mécaniques sur des breaks forains. _Éric Vernay

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C’est un jeune courant musical qui s’est retrouvé d’un coup sur toutes les bandes-son : publicité, docu de sport extrême, instant romantique dans Bref. Le dubstep produit même des pop stars avec SKRILLEX. Consécration ou déperdition, c’est selon.

Bangarang de Skrillex Label : Warner Music Sor tie : déjà disponible

NON Malgré les apparences, Skrillex n’est pas au big beat (The Prodigy, Fatboy Slim) ce que Tokyo Hotel est au glam rock. Certes, il y a dans sa musique un côté lessiveuse techno de mélodies faciles. Mais Skrillex marque l’heureux retour de la musique premier degré dans les écouteurs des ados, loin de l’électro cynique de Justice ou de la froideur des boucles de Kavinsky. Le dubstep à la sauce Skrillex est réduit à certaines grosses ficelles du genre : synthés très saturés dans le grave et breaks de batterie plus que syncopés. Ça se danse enfermé dans sa chambre après une claque des parents, comme jadis on pogotait au dessus de son sommier, les Chemical Brothers à fond les ballons. Oui, on va vite saturer, mais le dubstep grand public de Skrillex va surement ouvrir d’autres pistes furibardes. _Étienne Rouillon


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NEWS TOUT-TERRAIN COVER boy +

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Le vétéran du gangsta rap, Too $hort, a d’autres chats à fouetter. Alors on embarque sur la fusée « new rave » bricolée par les Klaxons. Direction la galaxie potache de la très prolifique bande d’allumés hip-hop Odd Future qui sort The Of Tape Vol.2. _Q.G.

UNDERGROUND

© Noah Abrams

LA TIMELINE D’ELECTRIC GUEST

Invité sur prise ELECTRIC GUEST ne restera pas longtemps dans les rubriques « underground » des magazines. Leur pop va inonder tous les terrains. _Par Sylvain Fesson

Mondo d’Electric Guest Label : Because Music Sor tie : 23 avril

La pop music ronronne souvent, mais son pelage est parfois frappé d’une électricité tout sauf statique. Celui à qui l’on doit ce nouveau coup de fouet se nomme Asa ­Taccone. Sans le savoir, ­l’Américain s’est déjà faufilé jusqu’à nous. Le ­vidéoclip potache de Dick in a Box, signé des Lonely Island avec Justin Timberlake, meilleure chanson

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aux Emmy Awards en 2007, c’était son frère Jorma, avec lequel il a collaboré pour l’occasion. Voilà enfin qu’il se glisse dans la lumière pour former, avec le batteur Matthew Compton, le duo Electric Guest, produit par Brian Burton a.k.a. Danger Mouse (Gnarls Barkley, Gorillaz, Beck). Les influences ? Il pourrait s’agir d’UB40, Simply Red, The Cure, mais Asa n’ose pas s’avancer, parce qu’il a « un faible pour la musique FM », avoue-t-il. Mais qu’importe, ce qui compte ici c’est le mot « faible ». Dans cette electro-pop sixties, tout est gracile, fluide, truffé de groove. Au bar qu’il fréquentait après son renvoi du lycée, une serveuse lui avait dit de ne pas oublier qu’il était « un invité électrique de l’univers ». Le courant est passé. ♦

Hier Fils d’une bonne famille de Berkeley, en Californie, Asa s’éprend de musique dès la primaire, économise son argent de poche pour acheter le clavier du voisin et monte un groupe de jazz. À la fac, il étudie plusieurs disciplines artistiques.

Aujourd’hui Son frère Jorma n’est pas en reste. Il officie dans le trio des Lonely Island, célèbre pour ses parodies musicales au Saturday Night Live. Jorma branche Asa avec le producteur Danger Mouse qui, en 2007, lui propose d’enregistrer un album à L.A.

Demain Avec un EP fin février, This Head I Hold, puis les dix titres moelleux et entêtants de Mondo, tout sourit au duo. Leur ligne claire d’une classe folle va ravir radios et télés, à l’instar des groupes Metronomy et Foster the People.


CALÉ

Amy Adams : elle est partout. Caméo dans Ricky Bobby, roi du circuit et dans Tenacious D in The Pick of Destiny. Elle revient en épouse décrépie de l’écrivain William S. Burroughs dans Sur la route de Walter Salles, en attendant d’incarner Lois Lane pour Zack Snyder.

DÉCALÉ

Amy Adams : en mai, la rousse poussera la chansonnette avec les marionnettes des Muppets (en DVD). Enrôlée dans la secte de Paul Thomas Anderson (The Master), elle serait aussi du prochain film de Spike Jonze et Charlie Kaufman.

RECALÉ

Amy Adams : malgré un énième film de baseball (Trouble With the Curve), 2012 devrait redorer sa crédibilité indé. Histoire de faire oublier ses débuts hasardeux en apprentie-pâtissière dans Julie et Julia ou en princesse nunuche pour Il était une fois.

OVERGROUND Damon et merveilles À Hollywood, la coutume recommande aux acteurs de ne pas tourner avec des enfants et des animaux, de peur qu’ils ne vous volent la vedette. MATT DAMON fait pourtant bien de prendre avec Cameron Crowe un Nouveau Départ : on ne voit que lui. _Par Renan Cros Nouveau Dépar t de Cameron Crowe Avec : Mat t Damon, Scarlet t Johansson… Distribution : Twentieth Centur y Fox France Durée : 2h03 Sor tie : 18 avril

© 20th Century Fox 2012

Adapté du roman autobiographique We Bought a Zoo de l’Anglais Benjamin Mee, Nouveau Départ avait, sur le papier, de quoi faire sévèrement ricaner. Un mari endeuillé (Matt Damon) plaque tout, achète un zoo avec ses deux enfants et reprend goût à la vie. On craignait le pire, d’autant qu’à la leçon de vie animalière s’ajoute une histoire d’amour entre le brave patriarche et une gardienne revêche (Scarlett ­Johansson). Mais sous son vernis policé (la belle Scarlett, les bébés tigres…), ce drame doux-amer confirme l’habileté de ­Cameron Crowe, auteur des surprenants Jerry Maguire et Presque célèbre et protégé de James L. Brooks. À partir d’une fable naïve, il tire le portrait d’une famille en cage et livre une réflexion sur le deuil et l’enfance, avec une énergie communicative. Porté par un casting ­parfait, le film associe la présence adolescente d’Elle ­Fanning et celle, vieillissante, de Matt Damon, à qui Crowe offre une nouvelle jeunesse, après avoir déjà sublimé Orlando Bloom (Rencontres à Elizabethtown) ou Tom Cruise (Jerry Maguire). ♦

LA TIMELINE De MATT DAMON Hier En 1998, Matt Damon reçoit, avec son ami Ben Affleck, un Oscar pour le scénario de Will Hunting. Il est promu au rang d’acteur que tout le monde s’arrache, y compris Steven Spielberg (Il faut sauver le soldat Ryan) et Steven Soderbergh (Ocean’s Eleven).

Aujourd’hui Après Au-delà, le mélodrame mystique de Clint Eastwood, True Grit, le western moderne des frères Coen, et Contagion, thriller hyperréalsite signé Soderbergh, Matt Damon excelle dans la comédie mélancolique Nouveau départ de Cameron Crowe.

Demain En 2013, Matt Damon s’en remet au jeune réalisateur Neill Blomkamp (District 9) avec Elysium, un film d’anticipation politique. Il sera à l’affiche de Behind the Candelabra (encore Soderbergh) et du prochain Gus Van Sant, The Promised Land, dont il signe le scénario.

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© David Guinehut

NEWS AUDI TALENTS AWARDS

Grégoire Lassalle, PDG du site Allociné

EN PISTE Membres du jury de la prochaine édition des Audi Talent Awards pour la catégorie court métrage, Grégoire Lassalle – PDG d’Allociné – et Emmanuel Montamat – producteur délégué de la Petite Reine – sont certes deux businessmen, mais aussi des amoureux du septième art. Rencontre. _ Par Claude Garcia

Mener une troupe de clowns sur la place Beaubourg pour faire la manche, c’est un peu pareil que diriger une entreprise. » Le parallèle est étonnant dans la bouche d’un PDG, mais Grégoire Lassalle a un profil qui détonne franchement dans l’univers des entrepreneurs. Avant d’être à la tête ­d’Allociné, le manager de

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300 employés éparpillés dans le monde n’est pas passé par HEC, mais par l’École nationale du cirque. Ex-clown reconverti en chef de village, il a d’abord roulé sa bosse au gré d’une quantité démente de petits boulots : animateur radio, vendeur de peignes à Barbès ou encore assistant metteur en scène de Claude Berri. Emmanuel Montamat, producteur de la Petite Reine (la société qui a produit The Artist) partage avec Lassalle un passé lié au producteur emblématique qu’était Berri, puisque Montamat est associé à son fils, Thomas Langmann : « Tous les deux, nous sommes complémentaires. Il est plutôt tourné vers le côté artistique tandis que je suis plus du côté business.» Lancé sur le financement de films aussi différents que Stars des années 80 et The Search, le prochain Michel Hazanavicius, Montamat devrait composer un fameux tandem avec Lassalle pour le jury des ATA, qui a déjà un mot d’ordre pour 2012 : l’éclectisme. ♦

whATA's up ? Des avantages non négligeables pour les jeunes créateurs en compétition. Les lauréats du prix du court métrage remporteront une prise en charge de la production et de la diffusion de leur projet, tandis que les vainqueurs de la catégorie musique gagneront un contrat d’édition musicale d’un an, pour devenir compositeurs attitrés d’Audi France. Le constructeur automobile s’engage aussi à assurer, pour les deux concours, des mises en relations professionnelles garantissant de riches échanges artistiques. _C.G. Plus d’informations sur w w w.myaudi.fr


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NEWS SEX TAPE

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French Vogue, Paris, 1994


Hot chicks Helmut Newton, jusqu’au 17 juin au Grand Palais w w w.grandpalais.fr

© Helmut Newton Estate

Elles sont là, qui rôtissent dans l’éclat blanchâtre d’une après-midi californienne, les poulettes croquées par Helmut Newton. Coupe dantesque et gorge déployée, la femme exulte sous l’œil du photographe allemand, disparu il y a huit ans. La rétrospective que lui consacre le Grand Palais met à l’honneur sa vision de la femme, assise dans des décors citadins qu’elle soumet par sa seule pose, frontale et débridée. Au luxe crade que cuisine l’ancien photographe de Playboy, l’érotisme toujours au bord des yeux, s’ajoute une brutalité du contraste, parfois assagie par des portraits plus intimes, presque flous de pudeur. Une sacrée popote à déguster avec les doigts. _Laura Pertuy

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Š Rockstar Games

Max Payne 3


Dose maximum Dix ans auront été nécessaires, mais le roi peut réclamer son trône. Max Payne a beau être un doyen du genre – avec un premier jeu vidéo sorti en 2001–, il semble bel et bien déterminé à enterrer toute forme de concurrence. Quand Rockstar Games, créateur mythique des GTA, s’annonce maître des cérémonies de son come-back, le résultat dépasse toutes les espérances. Dès ses premières cinématiques, une puissance sourde balaie toute appréhension, bénissant l’ingérence de Rockstar, comme une évidence pour la résurrection de la série. Animations, dialogues, ambiances : non seulement le jeu n’a rien perdu de sa noirceur d’antan, mais il s’adapte à merveille aux canons modernes du cinéma d’action. Au terme de quelques niveaux jouables, on ne peut que se pâmer devant un tel spectacle ; chaque fusillade devient un feu d’artifice visuel, doublé d’une épreuve sans concession où sévit une intelligence artificielle remarquablement perverse. Bon sang ne saurait mentir, la lignée Max Payne semble avoir accouché là de son meilleur héritier. Avouons-le sans honte : en quelques heures, Max Payne 3 nous a lessivés. Mais il avait tout d’un géant. _Dossier coordonné par Yann François et Étienne Rouillon


Max Payne 3

Star système Il y a un an, la rédaction de Trois Couleurs planchait sur un hors série dédié au jeu vidéo. Elle a fait des pieds et des manettes pour monter un entretien avec les personnes responsables de ce qui se pratique le mieux lorsque l’on est enfoncé dans son canapé. Mais le studio Rockstar préfère jouer de son mystère. Jeronimo Barrera, vice-président du développement des productions, nous a concédé une entorse à la règle. _Propos recueillis par Étienne Rouillon

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ax Payne forme désormais une trilogie. Comment associer l’héritage des deux premiers opus et la nécessité du renouveau ?

Nous avons eu la chance de travailler sur les premiers jeux avec les développeurs du studio Remedy. Nous n’étions pas simplement fans des originaux, mais également très familiers de toutes les facettes de l’histoire de Max. Il y a bien sûr de la pression face à la nostalgie des aficionados qui ont joué à ces deux volets révolutionnaires. Mais nous avons le plus grand respect pour le travail de Remedy et pour le legs de cette série. Nous avons envoyé nos premiers travaux aux équipes du studio pour avoir leur avis. Ils ont été très précieux dans nos efforts pour approcher l’univers de Max Payne au plus juste. Manette en main, ce qui frappe c’est la densité de cet univers et de sa mise en contexte. Il en découle une immersion immédiate pour le joueur. Cela tient aussi au choix atypique de São Paulo comme lieu de l’intrigue.

Nous recherchons cette résonnance entre le joueur et le jeu. La fin de Max Payne 2 est sans

ambiguïté : l’arc narratif aurait été vidé de sens, si Max était resté un membre de la police de New York. Nous voulions certes pousser ce personnage dans une direction fidèle à celle des titres précédents, mais aussi le porter vers de nouveaux horizons, géographiques et personnels. Travailler comme membre d’une compagnie de sécurité rapprochée, c’est un job ­parfait pour un ex-flic. Et les démons intimes de Max devaient bien sûr le suivre où qu’il aille. Le New York d’aujourd’hui ne ressemble plus au New York de l’époque des premiers épisodes. Il est devenu beaucoup plus sûr, beaucoup plus aseptisé. Au moment où l’on reprend le fil des évènements, Max est un ancien détective à la dérive, avec un passé vraiment trouble, accro à la bibine et aux analgésiques, à la recherche d’une opportunité pour fuir la vie à laquelle il s’est condamné. Il se retrouve à São Paulo grâce à un ancien collègue oublié, qui lui propose du boulot. À première vue, ça a l’air parfait. Un nouveau départ. Rapidement Max découvre que les problèmes de São Paulo ne sont pas si éloignés de ceux qu’il espérait laisser derrière lui. Cela nous a permis d’exploiter ce personnage dans ses derniers retranchements. Le fondateur du studio Rockstar, Dan Houser, et son coscénariste, Michael Unsworth, ont abattu un incroyable travail pour ouvrir le champ des possibles avec ce personnage, tout en s’inscrivant dans la suite logique et naturelle de son aventure. Certains passages sont très soutenus, éprouvants. Le joueur est continuelle ment placé au cœur des évènements et en sort tout aussi lessivé que le personnage qu’il contrôle. Comment structurez-vous le rythme d’une séquence de jeu ?

Nous voulions que Max Payne 3 soit absolument cinématographique. Nous avons mobilisé toutes les techniques qui nous permettaient de porter cette idée. Par exemple, nous nous sommes assurés que les temps de chargements soient invisibles et qu’ils se déroulent pendant que le joueur agit. Ainsi, ce dernier est constamment plongé dans l’action. Il fallait dissoudre totalement la ligne entre phases de jeu et scènes de cinématique, pour que ­l’expérience soit homogène sur l’ensemble de l’aventure. C’est de là que vient ce sentiment de mouvement constant, frénétique. Le joueur est absorbé.

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Cette idée d’expérience unique, à mi-chemin entre phases passives et séquences d’inter­ action pour le joueur, c’est un équilibre que beaucoup de productions veulent trouver.


« max payne a toujours été inspiré par l’atmosphère du roman noir et par le cinéma d’action hongkongais»

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Max Payne 3

Les loupés sont nombreux. Comment parvenir à concilier les deux ?

Comme Dan Houser a pu le dire par le passé, notre but n’est pas de faire des films interactifs, mais de faire en sorte que la jouabilité s’approche d’une expérience cinématographique. Cela confère un effet d’immersion et de cohérence à l’ensemble. Les techniques que j’évoquais sont un exemple. Mais nous avons aussi prêté une attention particulière aux détails. Le scénario nous aide bien sûr à créer un cadre, une base, mais nous sommes minutieux jusqu’à l’obsession quand il s’agit de bâtir un environnement, aussi bien pour la météo, l’architecture, que les vêtements ou l’accent des personnages. Comment nourrissez-vous cet appétit du détail ?

La série des Max Payne a toujours été inspirée par l’atmosphère du roman noir et par le cinéma d’action hongkongais pour ce qui est des chorégraphies de combats ou du rythme de l’action. Concernant Max Payne 3, compte tenu des sujets traités et du lieu, nous avons trouvé beaucoup de matière dans certains grands films

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Images extraites du jeu Max Payne 3

venus du Brésil ces dernières années, tels que Tropa de Elite de José Padilha ou La Cité de Dieu de Fernando Meirelles. La série Max Payne est célèbre pour l’effet bullet time, qui donne au joueur la capacité de ralentir l’action. Simple gadget visuel ou principe narratif ?

Le bullet time est l’élément central de la structure du jeu, du point de vue de la jouabilité, mais aussi d’un point de vue esthétique. Cela affecte également toute décision que vous pouvez prendre. Tout dans le jeu doit donner le sentiment d’évoluer impeccablement, que l’on soit en vitesse réelle ou en ralenti poussé à l’extrême. Voilà pourquoi nous avons refusé tout compromis sur les plus infimes détails, contrairement à la plupart des jeux. Pour Max, nous avons créé tout un panel de mouvements au ralenti, et puisque la plupart des scènes de fusillade se produisent au ralenti, il a fallu modeler la moindre balle tirée. Ce n’est pas un principe narratif au sens propre du terme, mais cela permet de comprendre comment Max a pu survivre dans un monde qui souhaitait, le plus souvent, le voir raide mort. ♦

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Max Payne 3

ÊTRE EN PEINE

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2001 : caché au fond d’une zone d’activité finlandaise, Remedy, petit studio indépendant alors inconnu, ne sait pas qu’il va créer un mythe. Son projet : un jeu de tir à la troisième personne, incarné par un ancien flic new-yorkais qui, anéanti par les meurtres de sa femme et de sa fille, se reconvertit dans la vengeance de masse. _Par Yann François

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asé sur un scénario d’autojustice classique pour les films du genre vigilante, auquel Remedy ajoute une jouabilité originale – inspirée à la fois du cinéma hongkongais et des dernières technologies hollywoodiennes (le bullet time hérité de Matrix) –, Max Payne naît en 2001. Un conte moderne¸ dont la noirceur et le cynisme rappellent avec éclat l’imagerie ­crépusculaire de certains comics (Frank Miller et son Sin City). Deux ans plus tard, le jeu connaît une suite, véritable bombe technologique, tragédie folle criblée de fulgurances métaphysiques et de ballets endiablés avec la mort. Deux jeux majeurs, qui transcendent et anoblissent le TPS (Third Person Shooter), jeu de tir à la troisième personne, genre trop longtemps confiné au rang de défouloir.

Joga bonito

Aujourd’hui, Rockstar clame sa ferme intention de replacer Max Payne sur le podium des références, où innovation rime avec refus des concessions. Le jeu est exigeant, parfois impitoyable, et impose une cadence harassante comme vitesse de croisière. Bâti comme un comic book animé, il témoigne d’un sens aigu du découpage kaléidoscopique, usant du split screen et d’incrustation de dialogues écrits, dans un somptueux amalgame des tics visuels du cinéma contemporain, où l’on reconnaît autant l’influence de Tony Scott (Man on Fire) que celle du néo-cinéma 40

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brésilien (La Cité de Dieu). Avec une maîtrise hallucinante du montage, où chaque plan chasse l’autre dans une chorégraphie visuelle raccord avec les voltiges du héros. Max Payne s’est toujours fait le chantre des nouveaux potentiels du jeu vidéo, le bullet time comme la motion capture. Philosophie entièrement partagée par Rockstar, roi des innovations techniques. Si le personnage se fend ­toujours d’hallucinantes arabesques au ralenti, le studio de développement a néanmoins misé sur une approche gestuelle plus réaliste qu’à l’accoutumée. Constamment malmené, Max accuse chaque chute, son corps se cognant au moindre rebord mal anticipé avec un naturel saisissant. En cela, Max Payne 3 sera peut-être vécu comme l’épisode le plus mélancolique. Les retrouvailles avec Max sont un véritable choc émotionnel : chauve, barbu, accroc aux anti-douleurs, l’homme a tombé l’imper et ne semble plus être que l’ombre de lui même. Bien sûr, l’aventure nous prouvera le contraire. Mais Rockstar a gagné d’avance son pari, en suscitant une empathie immédiate pour Max, perçant un peu plus sa carapace de gros dur, pour y révéler, avec la plus grande classe, un écorché vif bouleversant. ♦ Max Payne 3 Genre : action Éditeur : Rockstar Games Plateforme : PC, PS3, Xbox 360 Sor tie : 18 mai ( 1 er juin sur PC)


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TÊTES EN L’AIR Situer l’action de Max Payne 3 dans la bouillonnante São Paulo est un choix atypique. Le Brésil est rarement un théâtre vidéoludique. La curiosité a augmenté avec la découverte des premières images du jeu : un hélicoptère survolait une ville criante de vérité. Comme les hélicos de São Paulo. Ils sont chaque jour des centaines à quadriller le ciel, transportant des citadins d’un building à l’autre. Avec les favelas en toile de fond, on pense d’abord à un moyen de se protéger d’une criminalité motivée par les écarts de richesse. L’essor du recours à l’héliportage répond surtout à une logique toute autre, éviter les bouchons automobiles infernaux et s’approprier l’un des attributs les plus visibles de l’élite pauliste. _Texte et photos : Nana Tucci, depuis São Paulo Texte traduit du brésilien par Kate Brilhante et Étienne Rouillon

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epuis trois ans, il scrute ce ciel griffé par les pales des hélicoptères. Gilmar Rodrigues a les yeux vissés sur ses jumelles, huit heures par jour, sur le tarmac d’un héliport qui surplombe la principale voie automobile de São Paulo, la Marginal Tietê. Au départ, le job de Gilmar consistait à surveiller le flot des véhicules entre le pont Casa Verde et le pont Júlio de Mesquita Neto. Une portion de 4 kilomètres. Sept minutes de trajet. En théorie seulement, car São Paulo est la plus grande ville du Brésil : plus de 11 millions d’habitants intramuros et près de 7 millions de véhicules qui traversent quotidiennement ce monstre urbain du sud-est du pays. Un nombre qui augmente à mesure que croît ce pôle de l’économie sud-américaine. Les minutes de trajet se sont muées en heures. Raison pour laquelle la Compagnie d’ingénierie du trafic a engagé 34 personnes qui, comme Gilmar, sont dépêchées sur les héliports qui maillent la métropole.

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Depuis ces postes d’observation privilégiés, ils rendent compte des bouchons. Officieusement, leur mission est toute autre et se joue quelques mètres plus haut.

Slalom ou survol

« Le trafic infernal de São Paulo ne nous laisse que deux choix : avoir un hélicoptère ou une moto », résume Olivier Ilg, homme d’affaires et utilisateur régulier d’hélicoptères. Les jours où les jumelles de Gilmar sont noires de tacots, les bouchons peuvent s’étendre sur 200 kilomètres. La municipalité a beau tenter de décongestionner ses artères, à grand renfort de circulation alternée ou de restriction pour les camions, le seul moyen d’être à l’heure, c’est le slalom (entre 2001 et 2010, le nombre de motos a augmenté de 118 % dans la ville) ou le survol. En dix ans, le nombre d’hélicoptères civils a connu un boom de 51 %. Quotidiennement, pas moins de 400 appareils se promènent au dessus des buildings et des favelas, avant de se poser sur les 188 points d’atterrissage ­disponibles. Les plus fortunés des paulistes peuvent passer des jours sans poser le pied sur le macadam, évoluant de toit en toit. Devant New York et Tokyo, São Paulo est aujourd’hui la ville qui diqpose de la plus grande flotte d’hélicoptères en zone urbaine au monde. Un développement rendu possible par la loi brésilienne, des plus laxistes en la matière. Contrairement à Paris, interdit de survol, et aux villes du Royaume-Uni où la hauteur de vol minimale est de 300 mètres, les hélicos se baladent librement au Brésil, autorisés à voler au-dessus de 150 mètres, et avec peu de restriction horaire. Voilà pourquoi Gilmar est, avec le temps, devenu vigie de ce grand barnum aérien. « Parfois j’en vois huit qui survolent le ciel en même temps », explique-t-il sans décoller les yeux de ses jumelles pointées vers le ciel 44

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au lieu du sol. Il les connaît par cœur, ceux des chaînes de télévision, avec leurs logos, leurs circuits au dessus des gratte-ciel et des favelas. On pourrait croire que le recours des particuliers au transport aérien répond à une crainte sécuritaire, dans une ville aux forts contrastes économiques et sociaux. Mais la motivation première des élites n’est pas la peur du kidnapping ou de l’agression. C’est bon pour les affaires. C’est pour cela qu’Olivier Ilg, à la tête de son entreprise Sterling Yachts, a l’habitude de prendre « un taxi aérien » avec ses clients, depuis São Paulo jusqu’à la ville portuaire de Santos. Le voyage est certes cher, mais « un bateau à la vente vaut 1,4 million d’euros. Si le client se rend sur place, la probabilité d’achat augmente de 100 %. Ce tour en hélico fait toute la différence entre vendre et ne pas vendre. » Fin de l’interview, il doit filer et s’engouffre dans un modèle Écureuil qui s’élève au dessus de l’aéroport Campo de Marte, devenu si prisé qu’on y trouve une franchise de l’un des bars les plus branchés de São Paulo : le bar Brahma. Oui, la ville a l’un des plus hauts PIB au monde ; elle est connue pour son coût de la vie élevé et ses nombreux consommateurs de produits de luxe. Mais, ce qui frappe aujourd’hui, c’est que ce moyen de locomotion n’est plus réservé aux millionnaires, il devient accessible à la classe moyenne, qui en fait un usage autant professionnel que récréatif. Une mode, une commodité un brin m’as-tu-vu, comme un tour en limo sur les Champs-Élysées.

Citrouille ou carrosse

« Certains de mes proches se moquent de moi, m’appellent “la petite princesse”. Je ne suis pas matérialiste, j’ai peu d’objets de luxe, mais je suis très fière de me payer des tours en hélicoptère », dit Patricia Whitaker, 28 ans, gérante d’une société de vente en ligne. « J’ai sauté le pas après avoir passé dix heures


© NanaTucci

Max Payne 3

le tour en hélico est devenu une mode, une commodité un brin m’as-tu-vu, comme un tour de limo sur les champs-élysées. sur la route de la plage de Juqueí (à 180 kilomètres de São Paulo, ndlr), pour le réveillon du Nouvel An. L’année d’après, dilemme. Je ne voulais plus affronter le trafic, mais je ne voulais pas non plus rater le réveillon avec mes amis. » Elle a donc tapé « services héliportés São Paulo » sur Google. Le prix du voyage était salé. Déçue. Jusqu’à ce qu’une amie lui donne un tuyau : les prix chutent si on contacte directement le pilote. Quand elle trouve deux comparses, le voyage de trente minutes jusqu’à Juqueí dans un hélico Robinson 44 lui revient à 270 euros au lieu de 125 euros de péage et d’essence pour la voiture. Il lui est même arrivé de prendre un taxi des airs pour aller de son travail jusqu’à l’aéroport international de Guarulhos, à seulement 20 kilomètres de São Paulo.

Cher ou très cher

Prendre l’hélico est une chose. En posséder un en est une autre. Robinson, Écureuil… ou le modèle Vario, dont Olivier Ilg a accroché une maquette au plafond de sa chambre. Chaque jour, il écoute religieusement le bruit des rotors de son voisin, qui décolle à 8 h 30 et atterrit à 17 h 30. Il raconte que c’est monnaie courante chez les millionnaires qui habitent le bunker pour riches ultra-sécurisé nommé Alphaville, à quelques minutes de São Paulo. Construit dans les années 1970 pour des riches aux envies d’autarcie, Alphaville fut

le premier quartier de ce type, aujourd’hui emblématique de la fracture sociale du Brésil. « Si vous ne volez pas au moins trente ou quarante heures par mois, il n’y a pas d’intérêt à acquérir un hélico, vu le salaire du pilote, la maintenance, le gardiennage », estime George Bitar, pilote et propriétaire de l’une des principales sociétés de taxis aériens à São Paulo, l’Helimarte. « La demande pour ce genre de service croît de 15 % par an. Nos clients ont des profils différents, mais un unique besoin de traverser la ville en quelques minutes. » Compter 625 euros l’heure, dans le plus simple des appareils. L’homme d’affaires José Silva (le nom a été modifié, ndlr), l’une des plus grosses fortunes du pays, possède son propre hélicoptère. Un modèle Agusta Power, utilisé notamment pour le secours en montagne en Suisse, qui sort du hangar une à trois fois par semaine. Un coût de 58 250 euros par mois, ainsi justifié : « L’hélicoptère n’est pas indispensable, mais il facilite beaucoup la vie. En ville, je l’utilise pour aller à des endroits faciles d’accès par les airs et qui sont à plus d’une heure en voiture. » Il y a vingt ans, l’entrepreneur João Apolinário s’est offert un Écureuil, pour se déplacer entre les différents magasins de son réseau de matériel électroménager et informatique. « De mon bureau à Santo Amaro, jusqu’au centre commercial Aricanduva, à l’est de la ville, cela me prend dix minutes en hélicoptère, contre une heure et demie par la route. » João déplore la difficulté de traverser São Paulo, lorsqu’il doit assister à plus d’une réunion par jour. Une contrainte que la journaliste qui l’interroge entend parfaitement. Elle vient de traverser péniblement les 28 kilomètres du nord au sud de la ville pour le rencontrer. Et pendant tout le trajet, elle ne pensait qu’à ça, à l’hélicoptère. ♦ www.mk2.com

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LES DESSOUS DE L’ICEBERG

1997 : les amours engloutis de Jack et Rose déferlent en raz-de-marée lacrymal. Avec Titanic, James Cameron réussit un tour de force, en associant comédie romantique et blockbuster catastrophe, sur fond de pipeau irlandais. Quinze ans plus tard, à l’occasion de sa ressortie en 3D relief, le navire est-il toujours à flot ? _Par la rédaction / Illustration : Marion Dorel

Titanic 3D de James Camron Avec : Leonardo DiCaprio, Kate Winslet… Distribution : Twentieth Centur y Fox France Durée : 3h14 Sor tie : 4 avril

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proue du bateau

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2 Cabine de commandement

Têtes de pont

Main de Maître

Le nez au vent, Jack s’y époumone, à peine embarqué : « Je suis le roi du monde ! » Quelques séquences plus tard, Jack et Rose y échangent leur premier baiser, face à un coucher de soleil flamboyant et tragique – le dernier auquel assisteront ensemble les tourtereaux. Une scène transcendée par un poignant fondu enchaîné sur la proue de l’épave engloutie. _L.T.

Adepte des fonds marins mais aussi amateur de peinture (des Picasso, Monet et Degas apparaissent dans le film), le Canadien James Cameron tient lui-même le fusain dans la scène de dessin. Les mains baladeuses, héroïques ou agonisantes sont omniprésentes à l’écran. Une fascination pour le contact tactile que l’on retrouvera chez les Na’vi d’Avatar. _C.G.

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3 salle de réception Citations cultes « My heart will go on » « You jump, I jump » « I will never let you go » (Avec force trémolos dans la voix.)


canots de sauvetage Bain de foule • 1 000 figurants • 200 millions de dollars de budget • 1,8 milliard de dollars de recettes • 160 jours de tournage • 2 reflets de caméra visibles à l’écran

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4 salle des cartes Titanic, les vrais chiffres • 14 AVRIL 1912 naufrage du Titanic

• 7,5 millions de dollars de construction • 269 mètres de longueur de coque • 2 baignoires pour la troisième classe • 2 200 passagers à bord, pour 20 canots

5 salle des machines

poupe du bateau

Calfatage en 3D

No pasarán

La conversion en relief d’un film tourné « à plat » se déroule en trois grandes étapes : déterminer quels éléments doivent être dissociés dans l’espace tridimensionnel de l’image ; déplacer ces fragments pour créer les distinctions entre les deux images destinées à chaque œil du spectateur ; et enfin, combler, image par image, les espaces vides créés par ces déplacements. _J.D.

Les histoires parallèles du film révèlent la lutte des classes. Lorsque, à la poupe, Rose tente de se suicider, c’est parce qu’elle ne voit pas d’issue à sa vie d’aristo paumée. Quant à Jack, s’il s’en sort plutôt bien pendant le dîner en première, il n’échappe pas à son destin glacé. Pas de canot de sauvetage pour la troisième classe. _L.T.

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TITANIC

QUEL SPECTATEUR DE TITANIC ÊTES-VOUS ? _Par Laura Tuillier

Votre scène préférée :

Titanic, la première fois, c’était avec :

Le générique de fin, lorsque Céline chante enfin.

Votre premier amour, qui essuyait vos larmes.

Les fouilles sous-marines du début.

Vos parents, pour tout commenter.

La parodie Titanic Park de Mozinor.

© Twentieth Century Fox 2012

© Twentieth Century Fox 2012

© Twentieth Century Fox 2012

Votre meilleur(e) pote, avec qui vous vous êtes bien poilés.

Votre personnage préféré du film : Céline Dion.

Vous avez pleuré… : Dès que Rose, 100 ans passés, annonce que Jack était son premier amour.

L’architecte du Titanic qui attend, résigné, le naufrage. Cal Hockley, faux beau gosse et vrai salaud.

Au moment où l’iceberg se profile à l’horizon et que vous, vous savez que c’est plié.

Magnétoscope ou grand écran ? Vous avez cramé votre VHS à force de soirées mouchoirs. Vous l’aviez vu seize fois au ciné en deux semaines. Vous ne l’avez jamais revu, vous y retournez uniquement pour la 3D. 48

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© Twentieth Century Fox 2012

© Twentieth Century Fox 2012

JAMAIS.

Titanic 3D, ce sera avec : Votre nouvel amour, rencontré à un concert de Céline. Votre petit frère, qui termine sa maquette du bateau. Tout seul, pour ricaner tranquille.

vous avez un max de  : vous êtes le spectateur pleureur Titanic est votre film préféré ! Vous partagerez vos trois heures quinze de plaisir lacrymal avec toute une salle, en parfaite communion. Your heart will go on. vous avez un max de  : vous êtes le spectateur geek La taille de l’iceberg, le minutage de la catastrophe, le modèle des canots de sauvetage n’ont aucun secret pour vous. Lorsque vous regardez le film de James Cameron, c’est avec un œil de marin à qui on ne la fait pas. vous avez un max de   : vous êtes le spectateur cynique De James Cameron vous préférez Alien ou Terminator. L’amour sur la proue du bateau et à l’arrière des calèches vous laisse de glace. Vous avez déjà annoncé que vous ne reverrez pas Titanic, vous choisirez donc une séance tardive en catimini.


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francis ford coppola

À 73 ans, Francis Ford Coppola, cinéaste, producteur, entrepreneur et patriarche, signe un film sublime sur la perte, la filiation et la création, à travers l’histoire d’un écrivain sur le déclin embarqué dans une enquête aux contours fantastiques. Avec ses vampires, ses horloges déréglées et son héros endeuillé, Twixt condense les obsessions de son créateur sur un mode follement juvénile, faussement léger. Comme nous l’a soufflé le cinéaste, « que ce soit sérieux ou pas, c’est à vous de le décider ». © Nicolas Guerin/Getty Contour

_Dossier coordonné par Juliette Reitzer

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« C’est un petit film qui ne coûte pas cher, qui ne semblait pas très important. Mais quelque chose de plus profond a émergé. »

e passage dans une petite ville pour une séance de dédicaces, l’écrivain Hall Baltimore (Val Kilmer), pathétique « Stephen King au rabais », croise un shérif (Bruce Dern) qui le convainc de consacrer son prochain roman aux meurtres mystérieux qui hantent les lieux. Pour résoudre l’enquête et trouver la trame de son livre, Hall cherche le sommeil : dans ses rêves, il croise V (Elle Fanning), jeune vampire à la blondeur diaphane, et le poète Edgar Allan Poe (Ben Chaplin), qui le mettent sur la voie. Au-delà des jeux de cache-cache facétieux entre les personnages, Coppola exorcise la mort de son propre fils, il y a vingt ans. D’une étonnante liberté formelle – avec ses split-screens, ses nuits américaines, son noir et blanc teinté de rouge, sa 3D ponctuelle –, cette fable gothique se double d’un discours personnel sur la décadence des auteurs : le cinéaste oriente désormais sa carrière loin des contraintes de Hollywood, ranimant les motifs qui lui sont chers. En remontant à la source de son oeuvre, Coppola réconcilie les vivants et les morts.

_Propos recueillis par Clémentine Gallot et Juliette Reitzer

Comment expliquez-vous ce paradoxe : alors que vous vieillissez, vos films semblent rajeunir ?

Je suis ravi que l’on trouve mes films extravagants. Pour Twixt, je voulais m’amuser, interroger la technique et apprendre des choses sur moi. Ma petite-fille Gia, qui a 24 ans, a réalisé le making-of. Nous avons beaucoup rigolé pendant le tournage, c’était dur de prendre Val Kilmer et Bruce Dern au sérieux. Mais parfois vous riez, et soudain vous vous apercevez que ce n’est pas drôle. C’est un petit film qui ne coûte pas cher, qui ne semblait pas très important. Mais, en fait, quelque chose de plus profond a émergé. Twixt semble plus introspectif que Dracula (1992), votre précédent film de vampires…

L’idée de Twixt vient d’un rêve que j’ai fait. Je suis dans une forêt, une jeune fille arrive ; elle porte un appareil dentaire, que je remarque aussitôt. « Vous regardez mes dents… », affirme-t-elle. Je lui réponds : « Non, je regarde tes bagues, elles sont si grosses ! » Elle continue : « Avez-vous peur de moi ? ». Je lui dis : « Non, tu n’es qu’une petite fille. » « Mais je suis un vampire », répond-elle. Puis elle m’emmène dans une vieille maison, à l’intérieur de laquelle se trouve une tombe d’où sortent des enfants. Exactement comme dans le film. Et là, Edgar Allan Poe apparait et je me réveille à cause de l’appel à la prière – j’étais à Istanbul. J’aurais voulu connaître la fin du rêve, mais je n’arrivais pas à me rendormir, alors j’ai décidé d’inventer la suite : il fallait que je trouve une histoire. J’ai eu l’idée d’un écrivain sur le déclin, qui n’est plus aussi célèbre qu’avant, un type fini, un peu comme moi… www.mk2.com

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francis ford coppola

Elle Fanning, dans les oripeaux immaculés de V, l’adolescente vampire qui hante le héros de Twixt

Vous pensez sérieusement être « un type fini » ?

Oui, c’est ce que je ressens ! Quand j’avais votre âge, j’ai réalisé Le Parrain, et depuis on ne cesse de me demander pourquoi je ne refais pas la même chose. Ensuite, j’ai tourné Apocalypse Now, à l’époque tout le monde détestait le film. Vous savez, toute cette histoire de succès ou d’échec est très liée au contexte. Il faut du temps pour comprendre la valeur d’une œuvre. Tout bon cinéaste a connu l’échec, car l’échec est une conséquence possible du risque. Et si vous ne prenez pas de risques, comment faire un grand film ? Vous ressemblez donc beaucoup à Hall Baltimore, l’écrivain de votre film ?

Quand Hall cherche la fin de son histoire, Edgar Allan Poe lui dit : « Tu es la fin que tu cherches. » Poe était hanté par la mort de sa très jeune femme, toutes ses œuvres parlaient d’elle. En tant que réalisateur, j’ai réalisé que j’étais aussi la fin que je cherchais. J’ai filmé de cette manière la mort de la jeune fille du film, car c’est comme ça que mon propre fils est mort, dans un accident de bateau (lire l’encadré page 54). Tout parent qui perd un enfant se sent responsable. Malgré ses vampires, Twixt n’est pas un film d’épouvante. Comment définiriez-vous son genre ?

J’ai toujours aimé les vampires. Quand j’étais animateur de théâtre dans une colonie, j’avais une petite amie, mais je n’avais pas le droit de la rejoindre tant que 52

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« Si vous ne prenez pas de risques, comment pouvezvous faire un grand film ? »

les enfants n’étaient pas endormis. Donc je leur lisais des histoires. Je leur ai lu tout Dracula de Bram Stoker. Pour Twixt, j’étais intéressé par les thèmes du roman d’amour gothique, mais je ne crois pas au cinéma de genre, je le déteste même, car il vous contraint. Les concepts naissent du besoin de vendre les films, pas de celui de les faire. Vous utilisez la 3D seulement pour deux séquences du film. Comment cette idée vous est-elle venue ?

Tout le monde parlait de la 3D, mais moi je me disais : « Elle existe depuis cinquante ans ! » En plus, je déteste devoir porter une deuxième paire de lunettes, cela assombrit l’image et, dans la plupart des films, c’est ennuyeux. Quand vous avez deux personnes qui parlent, quel intérêt ? Seules certaines scènes méritent d’être en 3D, donc c’est ce que j’ai décidé de faire, en prévenant les spectateurs au moment adéquat pour qu’ils mettent leurs lunettes. Cet aspect interactif vous séduit-il ?

Oui, et je pourrais même faire davantage. Par exemple, une projection en public, où je pourrais monter le film en direct. Maintenant que les films sont des fichiers


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Val Kilmer (à gauche) et Ben Chaplin en Edgar Allan Poe

« Dans la vie, vous pouvez perdre votre enfant, votre mariage, le succès… La perte est constitutive de l’être humain. »

numériques, le montage pourrait être évolutif, adaptable aux goûts du public et au rythme d’une musique jouée en live… Le cinéma atteint le moment où il peut être une performance en direct, et c’est merveilleux. Le processus créatif est au cœur du récit : alors que Hall se lance dans l’écriture de son nouveau roman, son éditeur lui interdit d’utiliser la phrase : « Il y avait du brouillard sur le lac. » Pourquoi ?

Quand j’étais jeune, je travaillais pour la Warner Brothers. Jack Warner était très drôle, il me disait : « Souviens-toi, pas de brouillard sur le lac ! » Je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire. En fait, certains réalisateurs prenaient du retard sur leur plan de tournage, car ils perdaient du temps à régler la machine à brouillard. Warner ne voulait pas que les réalisateurs gaspillent leur temps avec l’ambiance, il voulait qu’ils se concentrent sur l’histoire. Quelle est l’origine du titre, Twixt ?

C’est une formule archaïque et poétique qui signifie

« entre ». Le titre initial était Twixt Now and Sunrise (« entre maintenant et l’aube »). Pour moi, le film est entre le rêve et la réalité, le succès et l’échec, le jour et la nuit, la jeunesse et la vieillesse, la vie et la mort. Je voulais faire un film sur la perte et le deuil. Dans la vie, vous pouvez perdre votre enfant, votre mariage, votre succès… La perte est constitutive de l’être humain. Les figures adolescentes peuplent vos œuvres. Vos films s’adressent-ils à un public jeune ?

Enfant, mon père déménageait souvent, je n’ai jamais vécu longtemps au même endroit. J’ai fréquenté vingtquatre écoles différentes, je n’ai jamais vraiment eu d’amis. Puis j’ai attrapé la polio, et je n’ai pas croisé un enfant pendant trois ans. Cela me manquait énormément. J’ai eu mes enfants très jeune, vers 22 ans. Je leur apprenais des tours de magie, je les emmenais sur les tournages. C’était comme voyager avec un cirque. C’est comme ça qu’ils ont tout appris sur le cinéma. Votre filmographie est émaillée de portraits d’hommes mélancoliques et solitaires…

J’avais un grand frère que j’adorais, il était très beau, brillant, c’était le seul à m’encourager quand mon père pensait que j’étais un raté. J’avais de lui une image très romantique, comme Motorcycle Boy dans Rusty James. (Il nous montre un portrait noir et blanc de son frère en jeune homme, sur son téléphone www.mk2.com

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francis ford coppola

Val Kilmer et Bruce Dern

portable.) Dans Tetro, c’est lui. Et comme dans le film, un jour il a disparu. Il ne s’entendait pas bien avec mon père, mais je ne m’en étais pas rendu compte. Je l’ai compris en réalisant Tetro.

Avant, j’essayais d’adapter ma mise en scène au sujet : Le Parrain est une œuvre shakespearienne sur la succession, avec une mise en scène très classique. Apocalypse Now traite de l’explosion de la morale, donc la camera virevolte sans arrêt. Maintenant que j’ai vieilli, j’ai tendance à filmer avec un cadre très statique, comme Yasujirō Ozu. Si le personnage se lève, je ne fais pas de panoramique pour le suivre, mais un nouveau plan pour le filmer une fois qu’il est debout. Je ne crois pas que le public soit impressionné par la virtuosité des mouvements de caméra. Dans La Soif du mal, Orson Welles a passé trois jours à régler un plan très compliqué, mais à la fin, qui le remarque ? Quel rapport entretenez-vous avec les studios et ­l’industrie de Hollywood ?

J’ai beaucoup d’admiration pour la tradition hollywoodienne. Jack Warner, Samuel Goldwyn, Harry Cohn ou Louis B. Mayer étaient des hommes vulgaires et brutaux, mais des showmen qui aimaient les films, un peu comme Harvey Weinstein aujourd’hui. Je suis fier d’avoir fait partie de Hollywood, mais je n’aime pas ce que c’est devenu. Les studios sont aujourd’hui dirigés par des financiers, ils appartiennent à de grosses entreprises qui veulent seulement faire du profit. Il est devenu impossible de tourner quoi que ce soit, y compris un drame. C’est un genre que plus personne ne veut produire. ♦ Twixt de Francis Ford Coppola Avec : Val Kilmer, Bruce Dern… Distribution : Pathé Durée : 1h29 Sor tie : 11 avril

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Comment adaptez-vous votre style aux différents films que vous réalisez ?

Family man

Par un double effet miroir, le vampire de Twixt renvoie à la fille décédée du ­personnage principal, alors que Coppola reste traumatisé par la mort de son fils aîné, Giancarlo, disparu dans un ­accident de hors-bord, à 23 ans. Des enfants ­perdus, comme ceux qui hantent les films du réalisateur, des orphelins d ­ ’Outsiders aux motards de Rusty James. La ­tragédie familiale est souvent au centre de la dramaturgie coppolesque : décès de la mère du héros dans un accident de voiture (Tetro), assassinat de la fille de Corleone, jouée par la propre fille de Francis Ford (Le Parrain 3)… Oncle de Nicolas Cage et Jason Schwartzman, Coppola règne sur la société American Zoetrope, empire familial géré avec ses deux enfants, Roman et Sofia. « J’admire beaucoup Sofia », nous a confié le cinéaste. Jusqu’à emprunter pour Twixt la jeune actrice qu’elle avait révélée dans Somewhere, Elle Fanning. _C.G.


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Dans Dracula (1992), le vampire millénaire a le pouvoir de rajeunir. À l’inverse, le petit garçon de Jack (1996) est condamné à vieillir trop vite

Un cinéaste à contretemps

Quel est aujourd’hui l’âge de Francis Ford Coppola ? Ses films offrent une réponse plus complexe que son état civil : dans Twixt, comme dans Tetro, le maître trouve à la fois une seconde jeunesse et la maturité éclatante de son œuvre. _Par Jérôme Momcilovic

À

défaut de donner l’heure juste, l’inquiétant beffroi qui domine la petite ville de Twixt livre sans doute le secret de l’œuvre de Francis Ford Coppola. Chacune de ses faces est ornée d’une horloge, mais chaque horloge s’entête à indiquer une heure différente, si bien que le temps s’y démultiplie : pour qui cherche l’heure, il est encore hier et déjà demain. Ce drame des temps qui ne concordent pas, les personnages de Coppola l’ont souvent connu. Condamnés à vieillir trop vite – Rusty James, Jack, voire Le Parrain – ou à rajeunir sans joie – Peggy Sue, Dracula, L’Homme sans âge –, enterrant leurs enfants – Jardins de pierre, Le Parrain 3, Twixt – ou démêlant à rebrousse-temps les mystères de leur propre enfance – Tetro –, ils sont soumis aux caprices d’une horloge toujours plus détraquée et paradoxale. Laquelle, à bien y regarder, semble avoir réglé la carrière de Coppola lui-même. Le réalisateur n’a guère plus de 30 ans lorsqu’on lui confie les rênes du Parrain, dont il fait, avec une maturité incroyablement précoce,

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le chef d’œuvre que l’on sait. Il a à peine dépassé les 40 ans quand, suite à l’échec de Coup de cœur, l’empire American Zoetrope – sa société de production fondée en 1969 avec George Lucas et dont l’ambition avait décuplé après Apocalypse Now – s’effondre. Cette fin de règne est aussi précoce que son génie : Coppola le visionnaire a grandi trop vite, et l’époque reste sourde à ses prophéties quand, en 1979, devant le public des Oscars, il trace le portrait parfaitement juste du cinéma des trente prochaines années [voir encadré]. Aujourd’hui, le « cinéma électronique » qu’il annonçait alors est devenu la norme, et Coppola trouve une nouvelle jeunesse à partir de L’Homme sans âge (Youth Without Youth en V.O., les deux titres sont de parfaits autoportraits), en reprenant les choses là où il ne les avait pas commencées : loin des studios, soumis aux seules lois de son inspiration. Laquelle désormais s’autorise absolument tout, libérée à la fois de Hollywood et de l’ambition qui fut celle de ses débuts : trouver dans sa soif


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d’innovation matière à révolutionner l’industrie. En 1997, à la sortie de L’Idéaliste (avant de disparaître des écrans durant dix ans), Coppola se décrivait aux Inrockuptibles comme un « cinéaste prometteur » et parlait de ses grandes œuvres des années 1970 comme des « exercices d’apprentissage ». On aurait tort de ne voir là qu’une boutade. L’inventivité prodigieuse avec laquelle Tetro et Twixt s’emparent aujourd’hui du numérique (cette vertigineuse fluidité narrative qui les autorise à faire coïncider sans heurt tous les régimes d’images possibles), ne signale pas seulement la vigueur retrouvée du laborantin Coppola. C’est

Condamnés à vieillir trop vite ou à rajeunir sans joie, les personnages de Coppola sont soumis aux caprices d’une horloge toujours plus détraquée et paradoxale. aussi la promesse tenue d’une poétique qui, d’expérimentation en expérimentation, n’a eu de cesse de chercher son expression la plus pure, comme s’il s’était agi pour Coppola d’essayer sans relâche de retrouver la limpidité des spectacles de marionnettes qu’il donnait, pour lui seul, dans sa chambre d’enfant. Twixt est le film d’un homme sans âge, retrouvant dans le numérique la merveilleuse simplicité de la lanterne magique, tout comme Coup de cœur revenait au théâtre pour inventer le cinéma du futur. Grâce au numérique, qu’il avait vu venir avant tout le monde, Coppola atteint aujourd’hui, avec une exemplaire modestie, la plénitude de ses ambitions : une seconde jeunesse, en même temps qu’une éblouissante maturité. Nul doute que ce tout jeune cinéaste de 73 ans est plus prometteur que jamais. ♦

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L’horloge détraquée de Twixt (à gauche), et celle, sans aiguille, de Rusty James (1983) : le temps, une obsession coppolesque

Coup de cœur (1982)

Retour vers le futur

Twixt réalise le rêve d’un « cinéma éléctronique » explicité par Coppola en 1979 : « Avec l’électronique numérique et les satellites, je vois venir une révolution dans le monde des communications, qui va affecter l’art, la musique, en un mot le talent humain, et obliger les maîtres du cinéma à croire à des choses jusque-là impossibles. » Lorsqu’il prononce ces mots, personne n’y croit vraiment. Mais pour Coppola, ce présage est plus qu’une simple révolution technique, c’est la promesse d’une nouvelle forme d’expression pour son propre cinéma. La véritable innovation de Coup de cœur, en 1982, ne tient pas tant à son utilisation d’autres procédés techniques (visualisation et prémontage en direct), mais plutôt à la façon dont, avec des moyens quasi primitifs (incrustations, trucages de plateau), il invente l’esthétique du futur cinéma numérique : montage extrême dans le plan, glissement des couches du récit... Pour cela, il n’a pas d’héritiers plus pertinents que les Wachowski de Speed Racer. _J.M. www.mk2.com

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Un peu d’arnaque : vous tenez le centième, mais Trois Couleurs, tel que vous le connaissez, est né au numéro 50. Cinq années de regards excités par les films, d’oreilles bercées par les disques, de dictaphones gavés d’entretiens, de joues rosies par les jeux de mots honteux. Plongée dans nos disques durs pleins de souvenirs doux.

« Trois Couleurs, c’est le magazine qui prouve qu’être gratuit,   c’est parfois payant »

er rri u o C des s r teu lec

_Par la rédaction

Frédéric D., Paris

Pagination *nouvelle formule

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92

68

2007 > 56 pages

2008 > 68 pages

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116

2009 > 92 pages *

Errata -----------------------------------

A .K . A . ----------------------------------------

I Wesh I Knew

Le nom du magazine vient de la trilogie Trois Couleurs de Krzysztof Kieślowski. Mais les têtes en l’air nous appellent parfois : ----------------------------------------

>>>> au lieu de <<<<

I Wish I Knew Film de Jia Zhangke, en 2010 -----------------------------------

Kill Bill Laden >>>> au lieu de <<<<

1, 2, 3 Soleil ----------------------------------------

1, 2, 3 Couleurs

Kill Bin Laden

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Projet cinématographique de Kathryn Bigelow, en 2012 -----------------------------------

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« L’amour est dans le près » >>>> au lieu de <<<<

« L’amour est dans le pré » À propos de Bovines, documentaire d’Emmanuel Gras, en 2012

58

avril 2012

Quatre Couleurs Bleu Blanc Rouge ----------------------------------------

Couleur 3 Nom d’une radio suisse romande. Confusion qui nous a permis de nous faufiler backstage pendant les Eurockéennes de Belfort, en 2008. ----------------------------------------

132

2010 > 116 pages*

2011 > 132 pages*

R.I.P. Rubriques Irrémédiablement Perdues

~

Abandonnées sur le bord de la feuille de route, elles nous manquent un chouia.

Battle Royale Buzzons futé Fakebook Hier j’ai essayé demain Hollywood Stories Le Net en moins flou Mot@mot Scène culte Trait Libre


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Hiver 2010

Printemps 2011

Contre Culture

Eyes Wide Open Spécial Stanley Kubrick

Spécial Hedi Slimane

Été 2011

Été 2010

Tout ou rien

Rock, Sexe & Poésie

Spécial Dupuy & Berberian

Spécial The Doors

Automne 2011

Automne 2010

Games Stories

Hollywood Princess

Spécial jeu vidéo

Spécial Sofia Coppola

Printemps 2012

Hiver 2011

Sur la route L’odyssée du roman culte de Jack Kerouac -------------------

JR 2001-2011 Spécial street art ------------------Hors-séries

Casting Ils ont FAIT Trois Couleurs

A

deline Grais-Cernea Adrian Walter ADRIEN FAUCHER Adrien Rohard AGENCE VU’ AGNÈS MAZEAU Amélie Leenhardt Anna Apter Anna Lhune Anna Mazas Annabelle Laurent Anne de Malleray Anne-Laure Griveau Anne-Lou Vicente ANTOINE DOYEN Antoine Thirion Antonin Delimal Arnaud Pagès Audrey Levy Auréliano Tonet Axel Zeppenfeld

B

aptiste Durosier Bastien Hader Benoît Basirico Benoît Hické Bernard Quiriny Bertrand Roger Bethsabée Krivoshey Bettina Maillard Blutch Bruno Dubois Bruno Verjus

C

amille Tennesson Caroline Eliacheff Caroline Leseur Cassandre Dessarts Charles Bataillie Charlie Poppins Christian Viviani Christophe Alix Christophe Conte Claire Bastin Claire Lefeuvre Claude Garcia Clémentine Gallot

D

avid Elbaz David Lanaspa David Scrimat DAVID VICENTE Daxia Rojas Delphine Chouraqui Dominique Dreyfus Donald James Dupuy-Berberian

E

ileen Hofer Elisha Karmitz Elsa Badenelli Eric Vernay Erwan Higuinen

Étienne Greib Étienne Rouillon Eve Beauvallet

F

abienne Arvers Fabrice Dordor Fabrice Guenier Fabrice Montignier Florence Valencourt Florian Guignandon Florian Jarnac Francis Dordor François Bégaudeau François Bon François Bonnet Frédéric Gimello-Mesplomb Frédéric Rivière

G

éraldine Roussel Gérard Lefort Gianpaolo Pagni Gladys Marivat Guillaume Fédou Guillaume Regourd

H I J

ubert Artus

gor Hansen-LØve Isaac BOnan Isabelle Danel ISAURE PISANi-FERRY

acky Goldberg Jacques Kermabon jamie Hewlett Jean-Baptiste Thoret Jean-Christophe Manuceau Jean-Christophe Nothias Jean-Christophe Servant Jean-Michel Frodon JÉRÉMIE NASSIF Jérôme Momcilovic Jérôme Provençal Jessica Gourdon Joachim Devasselot Jonathan Fischer Joseph Ghosn Julie Guérin Julie Nabady Julien Canavezes Julien Dupuy Juliette Reitzer

L

abomatic Laura Mattei Laura Pertuy Laura Tuillier Laureen Guhur Laurence Lemaire Laurent Bastide Laurent Blachier

Laurent Matteï Léa Chauvel-Levy Leo Ruiz Léo Soesanto Lorenzo Soccavo Louis Séguin Louise Klang Luc Dubanchet

M

aïa Gabily Marc Cerisuelo MARC DOMAGE Marie Déhé Marie Gratias Marion Dorel Massoumeh Lahidji Mathieu Marois Mathilde Roger Maud Bayot Max Tessier Maxime Chamoux Mélanie Uleyn Mélanie Wanga Michael Henry Wilson Michaël Patin Michel Ciment Michel Thomas Moland Fengkov

N O

NICOLAS GUERIN NUméro 10

livier André Olivier Joyard Olivier Nicklaus Olivier Père Ollivier Pourriol Oscar Parengo

P

ablo René-Worms Pamela Pianezza PARTEL OLIVA Pascale Dulon Patrick Zelnick Paul Bourgois Philippe Azoury pierre jampy PHILIPPE QUAISSE Pierre Rouillon Pierre-Simon Gutman Pihla Hintikka Police

Q R

uentin Grosset

afik Djoumi RAPHAEL DUROY Raphaël GARNIER, VASCO Raphaël Lefevre

Raphaël Valet Raphaëlle Leiris Raphaëlle SIMON Remy Kolpa Kopoul Renan Cros RENAUD MONFOURNY RICHARD DUMAS RICHARD SCHROEDER Roland Jhean Romain Brethes Romain Genissel Ruppert et Mulot

S

andrine Marques Sarah Kahn Sébastien Arnoult Septime Meunier Serge Bozon Serge Toubiana SIMON DARA Simon Istolainen Smaël Bouaici Sofia Guellaty Sophian Fanen Sophie de la Serre Sophie Quetteville STANISLAS ZANKO Stéphane Beaujean Stéphane Delorme Stéphane Manel Stéphane Petiruisso Stéphanie Alexe Sundy Tasker Sylvain Bourmeau Sylvain Fesson

T

heo Gennitsakis THIERRY LEPIN Thomas Croisy Thomas Dapon Titiou Lecoq Tristan Clair

V

ictoire de Charrette Victoire Soulez Vincent Glad Vincent Malausa Violaine Schütz

W X Y

ilfried Paris

avier Barraden Xavier Privat

al Sadat Yann Bertin Yann François Yassine Ben Miled et un paquet d’autres…

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2007

NUMÉRO 100

3 citations « J ’ai toujou rs é té obsédé par le tem ps – pas par le passé, mais par le tem ps » – Patrick Modiano –

« ma règ le n u m éro u n ? ê tre g entil avec ma m ère » – Ste ve Buscemi –

« J e n ’ai pas b e aucou p de reg re ts dans l a vie » – Gus Van Sant –

DR

3 révélations

Sam Riley

© Épicentre

« Chanteur d’un obscur groupe anglais et acteur occasionnel, gageons que cet inconnu ne le restera guère », écrivions-nous au moment de la sortie de Control d’Anton Corbijn, où il tenait le premier rôle. Tout est dit.

Affiche de L’Inspecteur Harry revisitée par Simon Dara

Année zéro

Trois Couleurs se limite à un rédacteur en chef fraîchement sorti du CFJ, tapotant le clavier d’un iMac acidulé, et à une directrice artistique, funambule dans des pages encore à inventer. Les premières conférences de rédaction se déroulent le mercredi après-midi, non pas parce que c’est le jour des sorties cinéma, mais parce que nombre des pigistes sont encore étudiants à la fac, voire lycéens, peu disposés à sécher les cours. Avec ce numéro 50 et sa couverture Mélanie Laurent – César 2007 du meilleur espoir féminin, Trois Couleurs espère gagner son pari de transformer le petit fascicule des salles MK2 en un magazine culturel parisien à part entière. Dans la douleur de bides explosés par les pizzas de bouclages nocturnes, le journal pose ses premiers pas sur la planète cinéphile, interroge les candidats de la présidentielle (Bayrou, Royal, Sarkozy) sur le droit d’auteur et Internet. Hommage également à Jean-François Bizot, regretté fondateur d’Actuel et modèle d’une rédac qui commence à s’étoffer. ◆ _É.R.

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Dans Old Joy, la cinéaste américaine met en scène une amitié qui s’étiole le temps d’une balade en forêt. L’errance des deux héros annonce celles filmées depuis par Reichardt dans Wendy et Lucy et La Dernière Piste.

© Haut et Court

© Simon Dara

Kelly Reichardt

Céline Sciamma Son premier film, Naissance des pieuvres, explore l’affleurement du désir chez trois adolescentes et vaut à la jeune réalisatrice, diplômée de la Femis, une sélection cannoise en section Un certain regard.

#53 Marjane Satrapi

#56 Gus Van Sant

#57 Cate Blanchett

Persepolis

Paranoid Park

est Bob Dylan

avril 2012

Le titre recalé > Bobby à la pointe


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2008

NUMÉRO 100

3 citations « Ré aliser ce film apportait u n dém enti . Il y avait u rg ence » – Ch ristoph e Honoré –

« D’ ici cinq ans , il n ’ y au r a plus de films en pellicu le » – Sidne y Lumet –

(À propos de La Belle Personne.)

« J e con nais des tas de m ec s q u i n e savent pas rel ation n er avec des seins e t u n cerve au » – Ag n ès Jaoui –

© Jérémie Nassif

« Tu es si douce que tu ferais passer du sel pour du sucre » Boulevard de la mort Quentin Tarantino

« Je n’ai rien dit. C’est par respect pour toi et pour le couscous » La Graine et le Mulet Abdellatif Kechiche

Léa Seydoux dans La Belle Personne de Christophe Honoré

© Antoine Doyen

« Spider cochon, spider cochon, il peut marcher au plafond » Les Simpson – Le Film David Silverman

Feuilleter les numéros de cette deuxième année, avec nostalgie et discernement, c’est s’apercevoir que la mode du faux docu, tourné à l’arrache en caméra DV (Cloverfield et autres [Rec]), faisait déjà sensation en 2008. L’année où Olivier Assayas triomphe avec L’Heure d’été, où Laetitia Casta grimpe sur les barricades dans Nés en 68 de Ducastel et Martineau, pendant que gronde la révolte des scénaristes à Hollywood. La gratuité est le prix à payer sur le Net, ce qui inquiète le monde de la culture. C’est aussi l’année où la bande à Judd Apatow (producteur de Frangins malgré eux) fait des siennes aux États-Unis, ça tombe bien, on les remarque enfin en France. Ici comme là-bas, l’addiction au web fait des ravages, y compris du côté de la rédac, au moment où l’on fait fièrement nos premiers pas sur la Croisette, retransmis sur notre tout nouveau blog. Après de belles rencontres (James Gray, Arnaud Desplechin, Joaquin Phoenix…), on enregistre aussi quelques loupés, dont une interview vidéo d’Arthur H sans batterie dans la caméra. On s’est rattrapé depuis. _C.G.

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Michael Fassbender dans Hunger de Steve McQueen

©Todd Williamson/WireImage

Cannes attacks !

Diablo Cody scénariste de Juno de Jason Reitman

#59 Daniel Day-Lewis

#65 Steve McQueen

#66 Joaquin Phoenix

There Will Be Blood

L’autre Steve McQueen

Son dernier film ?

avril 2012 Le titre recalé > Joaquin renaît de ses cendres


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2009

NUMÉRO 100

3 citations « J e vais vous don n er u n en foiré de con nard » – Iggy Pop –

« Q u elq u ’ u n q u i sait natu rellem ent faire u n e passe sait don n er u n e répliq u e » – É ric Cantona –

« Se servir du cin éma com m e ouvreu r de portes dans l a tê te e t le cœu r » – Alain Cavalier –

#68 Sean Penn Le Gay pouvoir

#70 Almodòvar Enfin papa

#73 Tahar Rahim Prisonnier modèle Le titre recalé >

DR

Tahar – Sa gueule À Cannes, Marty pose avec notre numéro de mai

Les Affranchis

Fin 2011, nous avons passé un coup de fil à Martin Scorsese pour qu’il nous parle de Hugo Cabret, son conte de Noël pour enfants. Mais notre première rencontre date de mai 2009, lorsqu’à Cannes une de nos journalistes (sûrement la plus intrépide) glisse un Trois Couleurs dans les mains du maestro – auteur de l’édito du magazine – et laisse les flashs crépiter. Cette année-là, nous étions chauds bouillants. C’était l’époque de nos « fakebooks » insolents, l’année où l’on a demandé à Steve McQueen s’il était plutôt « pouilleux ou soyeux Noël », où l’on estimait que Sacha Grey (Girlfriend Experience de Steven Soderbergh) « réconciliait godes et Godard, tennis et pénis ». En 2009, nous n’avions pas hésité à illustrer notre numéro spécial Cannes par un photomontage avec, au premier plan, Emmanuelle Devos, seins nus. Pour nous, Iggy Pop commentait Michel Houellebecq, Almodóvar nous apparaissait « en père et en os », on analysait les premiers tweets chelous de Danny DeVito. Au printemps, nous changions de formule, toilettage obligé pour ne jamais piétiner. Nouveau logo, nouvelles rubriques, toujours pas froid aux yeux. ◆ _L.T.

396 films vus/an

192

interviews réalisées/an

1 500 pages imprimées/an

2 670 648 signes écrits/an

144

livres et BD lus/an

3 titres

Bat Art

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avril 2012

Grecs sauce piquante pour les films Canine et Strella pour le jeu Batman • Cata Nostra pour le jeu Le Parrain 2


2010

NUMÉRO 100

3 citations « J e n ’ai qu ’ u n dieu, j e n ’ai qu ’ u n maître : c ’ est l a natu re » – Abbas Kiarostami – « vieillir ne me fait pas peu r , c ’ est u n combat perdu d’avance » – j ulie delpy – « L a mémoire, c ’ est u n e machine à ou blier » – Michel Gondry –

« You just fucked with the wrong Mexican »

« C’est que ça se prend pas pour un Seven-up ça, ostie » Les Amours imaginaires xavier dolan

© Jamie Hewlett

Machete robert rodriguez

En mai, les singes de Gorillaz piratent la rédac

On a la banane

« Tout est suspect, sauf ton corps, ton élégance et ton style » Tournée mathieu amalric

3 titres Oh la L.A.

pour notre dossier Les Frenchies à Hollywood

En avril, les singes farceurs de Gorillaz nous font des blagues et piratent la rédac. Pour nous, ils babillent, dessinent, nous préviennent qu’on sera « des Gorillaz pour la vie, mon pote ! ». Tant mieux. Avant ça, ce fut au tour de Tim Burton de nous épater, autour d’une tasse de thé londonienne. Puis un beau jour, nous réalisons un numéro spécial animation pour le Festival d’Annecy et nous dessinons l’édito. Ensuite, nous sommes partis voyager en Italie avec Abbas Kiarostami, nous avons rêvé tout l’été des Amours imaginaires avec Xavier Dolan et acheté nos fournitures de rentrée avec John C. Reilly (Cyrus), réorganisé nos bureaux pour accueillir une nouvelle formule. En juin, nous avions l’immense honneur de rencontrer Mœbius qui nous offrait son plus beau sourire en couverture. Puis deux filles de feu ont chamboulé notre automne : Léa Seydoux, pour Belle Épine, et Sofia Coppola, à qui nous avons consacré notre troisième hors-série à l’occasion de la sortie de Somewhere. Toujours frais et dispos. ◆ _L.T.

Ça va

bardem pour Biutiful avec Javier Bardem

Araki rit pour Kaboom de Gregg Araki

#79 Tim Burton

#85 Mœbius

#86 Léa Seydoux

Wonder Boy

Retour vers le futur

De plus belle

Le titre recalé > Léa – Si doux

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2011

NUMÉRO 100 3 citations « Dans Hab emus Papam , j ’affirm e sim plem ent q u e, dans l a vie, on peut parfois dire non » – Nanni Moretti – « Est- ce normal de n e pas faire u n film si on n ’a pas deux millions ? » – Dj inn Carrénard – « C ’ est un mir acle que les auteurs ne deviennent pas des dictateurs assoiffés de pouvoir » – Stan Lee –

3 titres

© Mike Mills

Et toi où tu NYC ? pour Shame de Steve McQueen

Mike Mills sauve notre couverture de mai en dessinant pour nous l’acteur Ewan McGregor

En trois coups de crayon Début mai, l’air est moite, on se bagarrerait pour un ventilo. On se réjouit déjà d’avoir Robert « le Président » De Niro en une de notre numéro cannois. Caprice de star : nous n’aurons pas la moindre photo. C’est alors que l’on aperçoit Mike Mills de l’autre côté de la cour, le nez à la fenêtre pour se rafraîchir les idées entre deux interviews. Ni une ni deux, il relève le défi de croquer pour nous Ewan McGregor, son acteur dans Beginners, qui squatte avec bonheur la couverture de Trois Couleurs. Ouf ! Pour le reste, 2011 file à toute berzingue, entre quatre hors -séries (du cinéma de Kubrick aux joysticks de Game Stories, en passant par les photos de JR et les bulles de Dupuy & Berberian), quelques uppercuts échangés avec Frederick Wiseman (auteur de Boxing Gym), une virée au Texas pour prendre le pouls du cinéma indé made in USA, un été en compagnie des jeunes espoirs du septième art français, une rencontre désopilante avec John Landis (blagues douteuses à la pelle), la mort du Minitel, un corps-à-corps avec Michael Fassbender, et des filles en couverture (Natalie Portman, Michelle Williams, Shannyn Sossamon), comme jamais dans l’histoire de Trois Couleurs. Pourvu que ça dure. ◆ _L.T.

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Que Nanni pour Habemus Papam de Nanni Moretti

Justice :

~

coupable ou innocent ?  pour le dernier album du groupe

#90 Shannyn Sossamon

#92 Michelle williams

#95 Ryan Gosling

Independent Woman

L’Âge d’or

Chauffeur de salles

avril 2012

Le titre recalé > Ryan (bô)Gosling


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avril 2012


LE STORE

Hit the Road

Sur la route arrive sur nos écrans le 23 mai. Walter Salles (Carnets de voyage) signe la réalisation de cette adaptation du roman culte de Jack Kerouac, avec Garrett Hedlund, Sam Riley et Kristen Stewart. Pour l’occasion, la rédaction de Trois Couleurs s’est mise en route pour faire le tour de la question. Résultat : un hors-série bourré à craquer d’archives rares et de portfolios inédits, soit 244 pages sur les chapitres les plus marquants de la Beat Generation. Rendez-vous en kiosques et en librairies le 9 mai. _C.G.

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EN VITRINE

AU TOUR DU MONDE

Les premiers films restaurés par la World Cinema Foundation, créée en 2007 par Martin Scorsese, sont diffusés en avril sur Ciné+ et rassemblés dans un coffret DVD. Autant de perles arrachées à l’oubli et guéries des outrages du temps, parmi les joyaux du patrimoine mondial du cinéma. _Par Isaure Pisani-Ferry

« En 1989, nous avons tourné La Flûte de roseau sans argent, parce que Moscou considérait qu’on ne pourrait rien faire de bon au Kazakhstan, se souvient le réalisateur Ermek Shinarbaev. Le film portait sur un sujet tabou, la diaspora coréenne chassée de Russie en 1937. Il a été sélectionné à Cannes, mais il n’est jamais sorti au cinéma, ni au Kazakhstan, ni en Russie, ni ailleurs. Moi-même, je n’avais qu’une mauvaise copie VHS, faite avec un caméscope amateur. Vous imaginez mon étonnement lorsque Kent Jones, le directeur de la World Cinema Foundation, m’a appelé pour m’informer que le film était sélectionné pour la restauration… » La Flûte de roseau s’ouvre sur une tortue centenaire, cheminant, le souffle court, dans les gras herbages de l’ExtrêmeOrient russe… et se termine avec deux vieilles femmes, murmurant face au soleil couchant. Entre-temps, plus d’une heure trente de pure poésie, où Shinarbaev croise l’histoire sanglante d’une vengeance familiale, et la parabole d’un poète errant, qui fuit la haine et le pouvoir. La résurrection de La Flûte de roseau est l’un des miracles réalisés par la World Cinema Foundation (WCF). Composée d’un comité Limite 1931 Unique film de l’écrivain brésilien Mário Peixoto, alors âgé de 22 ans, cet ovni muet expérimental, est demeuré invisible pendant des décennies. Trois naufragés dérivent dans une barque et délirent en attendant la mort. L’une des femmes raconte son histoire.

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avril 2012 février 2012

Transes d’Ahmed El Maanouni, 1981

La restauration de La Flûte de roseau est l’un des miracles réalisés par la World Cinema Foundation. international –avec, entre autres, les cinéastes Martin Scorsese, Stephen Frears, Alejandro González Iñárritu, Abbas Kiarostami, Walter Salles, Abderrahmane Sissako, Elia Suleiman, Bertrand Tavernier, Wim Wenders et Wong Kar-wai –, elle a pour but d’identifier, de retrouver et de restaurer les chefs-d’œuvre du cinéma mondial – à l’exception des films américains, pris en charge par la Film Foundation. Elle compte déjà seize titres à son répertoire, dont six diffusés sur Ciné+ en avril : La Flûte de roseau, Transes, Le Voyage de la hyène, Les Révoltés d’Alvarado, La Servante et La Loi de

Les Révoltés d’Alvarado 1936 Ce court récit de la montée de la révolte au sein d’un village de pêcheurs mexicains est la première réalisation de Fred Zinnemann (High Noon). Le film vaut surtout pour sa photographie, signée Paul Strand, qui fait de chaque image une œuvre à admirer.

La Servante 1960 Avec exaltation, la caméra de Kim Ki-young colle aux pulsions des personnages. Ce classique du cinéma sud-coréen conte la prise de pouvoir cauchemardesque d’une servante devenue maîtresse de l’époux, dans le huis clos d’une maison bourgeoise.


© 1981 Interfilms/Carlotta

Une fois le film choisi commence l’investigation : il s’agit de mettre la main sur les négatifs originaux. Dans des pays où l’archivage n’est pas systématique, c’est une tâche ardue, voire impossible.

la frontière (lire la frise ci-dessous). Les quatre premiers d’entre eux font conjointement l’objet d’une édition DVD chez Carlotta. Pour chaque film, la WCF effectue un travail de longue haleine. La première étape est empirique : les membres du comité se remémorent les œuvres qui les ont marqués et les proposent à l’étude de tous. La résurrection de Transes ­d’Ahmed El Maanouni tient aussi du hasard : une nuit de 1981 où Scorsese, maintenu éveillé par le montage de La Valse des pantins, découvre sur une chaîne câblée ce documentaire sur le groupe marocain Nass El Ghiwane. Happé par la manière de filmer les corps possédés par la musique, fasciné par l’art avec lequel le réalisateur dessine le portrait du Maroc d’hier et d’aujourd’hui, à travers la figure de quatre

musiciens des quartiers populaires, Scorsese est devenu, selon ses propres termes, obsédé par ce film. De fait, Transes a été l’un des premiers films restaurés, avec Limite, ovni brésilien de 1931, proposé par Walter Salles. Une fois le film accepté, commence l’investigation : il s’agit de mettre la main sur les négatifs originaux. Dans des pays où l’archivage n’est pas systématique, c’est une tâche ardue, voire impossible. Pour Les Révoltés ­d’Alvarado de Fred Zinnemann et Emilio Gómez Muriel, tourné au Mexique en 1936, les négatifs sont demeurés introuvables. Il a fallu se contenter d’une copie positive : « Celle utilisée pour la projection dans les cinémas », explique Davide Pozzi, directeur du laboratoire italien L’Immagine Ritrovata, qui restaure la plupart des films pour la WCF. « Ces copies sont lacunaires, couvertes de l’huile des projecteurs, rayées, brûlées. Il y a beaucoup plus de travail à faire. » La restauration est l’étape la plus longue : elle dure six mois et se fait à la main. Il faut d’abord reconstituer les bobines (dix par film, en moyenne), vérifier qu’aucune séquence ne manque, recoller les morceaux de négatifs ensemble. Puis, grâce aux ultrasons, enlever poussières, graisses… et parfois champignons, comme ce fut le cas pour Une belle journée d’été du Taïwanais Edward Yang, dont les quatre heures de bobines étaient parcourues de traînées vertes. Il faut ensuite numériser le film pour effacer à la palette les rayures, corriger les tremblements de l’image – besogne pointue, effectuée par une équipe dédiée qui y passe entre mille et deux mille heures. Après vient l’étalonnage, qui consiste à corriger la couleur et les contrastes, à « redonner ses lumières au film », comme le résume Pozzi. Cela demande autant de technique que de culture : l’intensité

La Loi de la frontière 1966

La Momie 1969

Par ce film, le cinéaste Lüfti Ömer Akad introduit le réalisme dans le cinéma turc. La Loi de la frontière dépeint avec force les problèmes sociaux d’une Turquie paysanne et illettrée, où l’homme doit choisir entre mourir de faim et devenir contrebandier.

Une mission d’égyptologues se rend à Louxor et découvre qu’une tribu vit depuis des siècles du pillage des tombes de la vallée des Rois. Cette fresque hypnotique, premier film de l’Égyptien Chadi Abdel Salam part de faits réels pour explorer l’identité égyptienne.

Le Voyage de la hyène 1973 Djibril Diop Mambety filme, façon Nouvelle Vague, les quartiers pauvres de Dakar, où un garçon vacher et une étudiante, amoureux et révoltés par une société qu’ils jugent archaïque, sont prêts à tout pour s’embarquer pour Paris. Cruel et ironique.

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© 1973 Cinegrit/Carlotta

EN VITRINE Le Voyage de la hyène de Djibril Diop Mambety, 1973

chromatique, les tonalités ne se définissent pas mathématiquement, mais dépendent des époques, des choix du réalisateur. Pour La Momie, chefd’œuvre ténébreux de l’Égyptien Chadi Abdel Salam, une lumière diffuse et des couleurs pastel ; à l’inverse, pour Le Voyage de la hyène de Djibril Diop Mambety, révolte de deux adolescents sous le soleil écrasant du Sénégal, des couleurs vives et fortement contrastées. Arrive enfin la dernière étape : la production d’une copie numérique ou 35 mm pour les salles ou d’un master haute définition pour l’édition DVD. La mission de la WCF n’est pas uniquement de montrer les spécificités des cinémas du monde. Qu’ils soient coréen, turque, kazakh, sénégalais, marocain ou mexicain, au-delà de leur ancrage culturel et historique, les films choisis pour être restaurés frappent par leur universalité. Les réalisateurs sont parvenus à s’émanciper de l’esthétique dominante et des clichés de leurs contemporains, se sont libérés des formes classiques du récit et, pour reprendre la formule d’Ahmed El Maanouni, auteur de Transes, ont « osé leurs propres fulgurances ». Par exemple, La Servante, réalisé par le Transes 1981 Bien plus qu’un documentaire sur Nass El Ghiwane, groupe très populaire au Maroc, le film d’Ahmed El Maanouni croise images d’archives, scènes de rue et interviews de musiciens, pour raconter le formidable essor de la culture populaire marocaine.

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avril 2012

Qu’ils soient coréen, turque, kazakh, sénégalais, marocain ou mexicain, au-delà de leur ancrage culturel et historique, les films choisis pour être restaurés frappent par leur universalité. Coréen Kim Ki-young, « montre le désir comme levier légitime dans les rapports humains, nous explique le critique et historien du cinéma JeanMichel Frodon. Le film suit les pulsions sans les condamner, les laisse librement balayer les hiérarchies sociales, sexuelles et maritales. » Avec sa mise en scène frontale, dans le huis clos d’une maison bourgeoise, La Servante est aussi bouleversant aujourd’hui qu’il l’était sans doute pour ses premiers spectateurs . Audacieuses dans leur forme, les œuvres sélectionnées ont en commun d’être parvenues à toucher à la quintessence du désir de liberté et de la quête d’identité. ♦ World Cinema Foundation Vol. 1, cof fret 4 DVD Édition : Carlot ta Sor tie : 18 avril 2012 Programmation du 8 au 27 avril sur Ciné+ Club et Ciné+ Classic

La Flûte de roseau 1989 Conte d’une incroyable beauté, conçu en chapitres à la manière des Mille et Une Nuits, le film du Kazakh Ermek Shinarbaev, allégorique et lumineux, raconte la quête d’une vengeance léguée de père en fils, et l’errance du poète parmi les hommes.

Une belle journée d’été 1991 Dans le Taipei des années 1960, où se mélangent Taïwanais et Chinois du continent ayant fui le communisme, un jeune garçon tombe amoureux d’une camarade mêlée à des affaires de gang. Une fresque de près de quatre heures par Edward Yang (Yi Yi).


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RUSH HOUR AVANT

PENDANT

APRÈS

Ce printemps sera Marilyn ou ne sera pas. Effigie de l’enthousiasmante affiche du festival de Cannes, la belle blonde est incarnée à l’écran par Michelle Williams dans My Week with Marilyn de Simon Curtis. Elle fera également l’objet d’un biopic réalisé par Liz Garbus. L’occasion de se replonger dans ses Fragments – Poèmes, Écrits intimes, Lettres récemment parus et, qui sait, d’avoir envie, comme l’actrice en son temps, de coucher sur le papier vos chagrins de jeune première dans un carnet idoine.

La copie colorisée du classique de Georges Méliès, tourné en 1902, a récemment été retrouvée, restaurée et mise en musique par le groupe Air. Pour ceux qui auraient raté sa ressortie en salles, profitez de la pleine lune pour un visionnage féérique. D’autant que le coffret DVD, très complet, comprend également le documentaire Le Voyage extraordinaire de Serge Bromberg et Éric Lange, une interview de Air, et deux autres courts métrages de Méliès, kitsch et fripons. De quoi passer une sacrée nuit blanche. _ L.T

Comme Stifler, l’adolescent attardé d’American Pie 4, vous n’en pouvez plus de traîner dans les soirées nazes de trentenaires affadis par le temps ? Humez plutôt le parfum de nostalgie qui émane de l’Atari Arcade Duo Powered. Cet accessoire permet de transformer votre iPad en borne d’arcade, avec toute la panoplie du retrogamer : joystick, gros boutons, et graphisme minimal. Pour retrouver le charme désuet des jeux de la légendaire Atari 2600, Space Invaders ou Asteroïds au premier rang. _Q.G.

Le Voyage dans la lune de Georges Méliès et Le Voyage extraordinaire de Serge Bromberg et Eric Lange (Lobster)

Atari Arcade Duo Powered, disponible au Store du MK 2 Bibliothèque

My week with Marilyn, commencez vos mémoires de starlette sur le carnet Warhol

_ L.T Carnet Marilyn par Andy Warhol, en vente au Store du MK 2 Bibliothèque

La pleine lune du 7 avril, visionnez le DVD du Voyage dans la lune de Georges Méliès

American Pie 4, retrouvez votre esprit teenage avec l’Atari Arcade duo Powered

TROP APPS _ Par É.R. et Q.G.

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Angry Birds Space Mise en orbite de ce nouveau volet de la plus populaire des applications ludiques sur les mobiles intelligents. Après avoir ravi les joueurs avec des déclinaisons du premier opus, l’équipe de Rovio a décidé de faire évoluer ses petits oiseaux vers l’espace intergalactique. Décollage.

Infinity Blade II Voici le deuxième volet d’un jeu qui en a surpris plus d’un. Basé sur une succession plus que redondante de monstres à terrasser, Infinity Blade II arrive pourtant à nous captiver à l’égal de son aîné, usant de la répétition comme un moteur hypnotique qui nous pousse toujours plus en avant.

Vibop L’ingénieuse application Vibop permet essentiellement de créer des cartes postales vidéo à partir de séquences tournées avec la caméra de votre mobile. Vibop ajoute cette année une fonction pour intégrer des éléments de votre compte Twitter, afin d’enrichir votre film.

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© 1973 Cinegrit/Carlotta

KIDS Loup, y es-tu ?

Pour son deuxième long métrage, Olivier Ringer aborde le film pour enfants avec un regard neuf : loin des contes de fées avec preux chevaliers et prudes princesses, il suit le voyage initiatique d’une petite fugueuse. _Par Laura Tuillier

Chaque vendredi soir, les parents de Cathy attachent sa ceinture de sécurité pour partir à la campagne, mais ils ne se soucieront plus d’elle de tout le week-end. C’est

LE DVD

_J.D.

Happy Feet 2

de George Miller (Warner) Derrière ses oripeaux de pantalonnade animalière, la suite des aventures du pingouin Mumble est l’un des films les plus ambitieux de 2011. D’une beauté époustouflante, ce conte métaphysique met en regard l’immensément grand – le continent peuplé par les pingouins est menacé par la fonte des glaces – et l’immensément petit – deux crevettes sortent de leur nuée pour découvrir le sens de la vie. De quoi faire cogiter les petits et émerveiller les grands.

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Cathy elle-même, dont la voix off guide le film, qui explique ce sentiment étrange : être invisible pour ses parents. Longues nattes blondes et figure toute ronde, la petite fille n’a pourtant rien d’une héroïne traditionnelle. Boudeuse, elle multiplie les bêtises pour combler ce manque d’attention parental. Alors, le dimanche soir, lorsque son père reprend le volant, elle décide de s’envoler dans la nature. Le réalisateur, qui filme ici sa propre fille, n’est pas tendre avec les adultes : absents, irresponsables, ils forcent l’enfant à trouver en elle les ressources pour apprendre et grandir. Au fond des bois, dans sa petite cabane improvisée, en compagnie d’un poisson rouge et d’un gros chien, Cathy fait l’apprentissage de la solitude. Un univers à la poésie assez sombre, quelque part entre Le Petit Chaperon rouge et Lars Von Trier. ♦ À pas de loup d’Olivier Ringer Avec : Wynona Ringer, Olivier Ringer… Distribution : DistriB Films Durée : 1h17 Sor tie : 11 avril

LE MAGAZINE GEORGES

_L.T.

(Grains de Sel) Georges est le magazine que vous rêveriez de lire si vous retombiez en enfance. Mutin, il joue avec les codes de la revue traditionnellement destinée à nos bambins. Le numéro « Lunettes » (après « Moustache » ou « Trompette »), très chic, propose l’histoire de Gaspard, une taupe qui a peur du noir, la recette de la salade aux lentilles et une rubrique cinéma bien inspirée, où il s’agit de rejouer une scène du mythique Homme invisible de James Whale. Chaussez vos binocles !


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© Shella Rock

VINTAGE De gauche à droite : Lee Harris, Mark Hollis et Paul Webb, du groupe Talk Talk

PARLANT PARLANT

EMI réédite les quatre premiers albums de TALK TALK dans des versions augmentées d’inédits, sur CD, vinyle et DVD. Talk Talk nous parle dans une langue toujours changeante, le verbe toujours plus nourri. L’occasion de découvrir la trajectoire de ce groupe anglais qui a dialogué avec la pop en s’en affranchissant. _Par Sylvain Fesson

Pourquoi Radiohead n’est pas Muse, qu’Elbow n’est pas Coldplay ? Parce qu’ils cherchent encore leur Spirit of Eden, disque manifeste sorti en 1988. Talk Talk y exploite alors un ressort vertueux de la pop music : c’est un oasis où l’on vient respirer pour trouver un second souffle. Avec cet album, le groupe retrouve enfin sa langue, après un an passé à improviser en studio, à sélectionner des sons inattendus sous

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l’impulsion de son leader, qui refuse concerts et interviews. Les six titres dévoilent une musique à la fois spartiate et spatiale. Du rock progressif mais dépouillé – loin de tout pompiérisme à la Pink Floyd – avec une sensibilité proche du gospel. Au départ, Mark Hollis (chant), Paul Webb (basse), Lee Harris (batterie) et Simon Brenner (synthé, piano) n’étaient pourtant que quatre mecs dans le vent, héritiers des garçons coiffeurs « synthétoc » de Duran Duran. Cela s’entend sur leurs deux premiers disques, Party’s Over (1982) et It’s My Life (1984). Mais grâce à leurs deux tubes qu’on ne présente plus, Such a Shame et It’s My Life, les Anglais onr réussi à s’imposer au sein de leur maison de disques, qui ne voyait pas leur ambition artistique d’un bon œil. Sur The Colour of Spring (1986) exit synthpop et looks néo-romantiques : dix-sept musiciens étoffent les arrangements, l’artiste James Marsh signe une pochette onirique. Ce disque de pop planante est une étape cruciale – et magnifique – vers le silence radieux et « indé-modable » de Spirit of Eden. EMI réédite donc quatre albums majeurs, dont les deux derniers en version vinyle, avec un DVD. Pour rappeler que les dialogues en apesanteur de Talk Talk nous parlent aussi d’une pop libérée des exigences formelles du hit-parade. ♦ The Colour of Spring de Talk Talk Label : EMI Sor tie : 2 avril


RAYON IMPORT

Petite chose Fraîchement diplômée, Aura (Lena Dunham) retourne à New York chez sa mère et s’abandonne en roue libre post-fac. C’est le deuxième long métrage de Lena Dunham, auteur de comédies artisanales diffusées sur YouTube. Tiny Furniture chronique la transition languide vers l’âge adulte, dans un film d’apprentissage truffé de répliques savoureuses. Un second DVD présente son premier essai prometteur, Creative Nonfiction, et ses courts métrages (dont une performance nue dans une fontaine). Parmi les bonus, un entretien avec la réalisatrice Nora Ephron, et un éloge du scénariste Paul Schrader. Girls, série réalisée par Lena Dunham et produite par Judd Apatow, est diffusée ce mois-ci sur HBO. _C.G Tiny Furniture de Lena Dunham The Criterion Collection (en anglais)

BACK DANS LES BACS

Pimp my Blimp Soixante-neuf ans après sa sortie en Angleterre, en pleine Seconde Guerre mondiale, Colonel Blimp s’offre une résurrection au cinéma. Si Michael Powell et Emeric Pressburger (Les Chaussons rouges, Le Narcisse noir) nous content l’histoire du fringuant Clive Candy, alias Sugy (« sucrette »), pitoyablement vieilli en quarante ans de carrière militaire. Le film, lui, n’a pas pris une ride. Soit deux heures quarante menées tambour battant. Colonel Blimp dépeint la vie d’un officier anglais, son amitié pour un officier allemand, leur amour pour une même femme (Deborah Kerr) et l’évolution de l’art de la guerre jusqu’à la barbarie nazie – le tout avec l’excentricité de l’humour anglais. Passionnant. _I.P.-F. Colonel Blimp de Michael Powell et Emeric Pressburger // En salles le 4 avril


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DVDTHÈQUE De gauche à droite : Peter Falk, David Rowlands, John Cassavetes et Ben Gazzara dans Husbands

COPAINS D’ABORD

En 1970, JOHN CASSAVETES tourne Husbands, l’itinéraire erratique de trois potes paumés, après la mort d’un quatrième larron. La sortie en DVD du film – première édition en France – résonne avec la disparition récente de Ben Gazzara. Du trio d’amis, il ne reste plus aujourd’hui qu’un beau moment de cinéma spontané. _Par Laura Tuillier

Dans les très riches suppléments du DVD, Ben Gazzara donne l’une de ses dernières interviews. Il marche dans les rues de New York, les mêmes qu’il parcourait quarante ans plus tôt avec John Cassavetes et Peter Falk, sur le tournage de Husbands. L’acteur lâche : « Cassavetes a été mon meilleur ami, au cinéma et… dans la vie. » C’est ce principe d’amitié qui semble guider toute l’œuvre de John Cassavetes, et particulièrement ce film ; au cours du tournage, le réalisateur et ses deux acteurs ont noué des liens qui leur permettront de travailler ensemble sur leurs projets à venir (dont Meurtre d’un bookmaker chinois). Par son titre, Husbands annonce la couleur : il sera ici question d’hommes, définis par les rapports qu’ils entretiennent avec leurs femmes, pourtant toujours renvoyées hors-champ. 80

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Archie, Gus et Harry, trois quadras, se rendent à l’enterrement de Stuart, leur meilleur ami. Ils ne vont plus se quitter pendant trois jours de beuverie, d’errance urbaine, de voyage (NewYork-Londres et retour), le tout entrecoupé d’une virée dans une salle de sport et d’une séquence désopilante dans le cabinet dentaire de Gus. Conversations fleuves, décousues par l’alcool, tendres bagarres et vives embrassades, les amis passent par tous les stades émotifs de la crise qu’ils affrontent. Sur leur chemin, ils recherchent la compagnie de jeunes filles (jamais de leurs femmes), dont ils se détournent systématiquement. Cette tentation de l’« entre-soi », un brin machiste, John Cassavetes la conjurera plus tard, lorsqu’il écrira Minnie et Moskowitz, Une femme sous influence ou Opening Night, se situant du point de vue de sa femme et actrice, Gena Rowlands. Dans Husbands, il semble plutôt mettre au point sa méthode de mise en scène : centrée sur les acteurs, sa caméra – compagne bienveillante – ne laisse rien passer. Comme si les comédiens, soumis en permanence à son œil scrutateur, finissaient par oublier de jouer et vivaient simplement la vie. Si Peter Falk avouera plus tard « n’avoir pas compris la méthode Cassavetes tout de suite, celle qui a pourtant le mieux marché », à l’écran, la complicité des trois acteurs illumine le film. Ben Gazzara et Peter Falk, survivants de John Cassavetes pendant de longues années, se sont éteints récemment à quelques mois d’intervalle. Husbands permet de continuer à rire avec eux, qui ne supportaient décidément pas les enterrements. ♦ Husbands de John Cassavetes Avec : John Cassavetes, Peter Falk, Ben Gazzara… Édition : Wild Side Durée : 2h0 6 Sor tie : 4 avril


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FILMS La sélection de la rédaction

BLACK HARVEST LE FLEUVE

de Jean Renoir (Carlotta) En 1950, Jean Renoir tourne en Inde sa première œuvre en Technicolor. Éclatant, ce « rêve indien, sans tigre ni éléphant » prendra cinq ans pour se réaliser, mais restera son film préféré. Sur les rives du Gange, dans une famille de colons britanniques, se noue une intrigue amoureuse entre de toutes jeunes filles et un capitaine rentré de la guerre. Au teen movie, Renoir mêle un regard documentaire naïf sur « la sagesse de l’Inde ». En bonus, des archives sur le tournage et un entretien avec Martin Scorsese, artisan de la restauration, pour qui « Le Fleuve et Les Chaussons rouges sont les deux plus beaux films en couleur ». _C.G.

SHAME

de Steve McQueen (MK2) New York, New York… Dans une séquence de Shame, Steve McQueen ralentit le tempo de la chanson de Frank Sinatra, chantée ici par l’actrice Carey Mulligan, comme pour ausculter avec précision ce qui se joue dans le regard de Brandon (Michael Fassbender), lorsque le nom de la ville est prononcé. Sex addict, Brandon est condamné à rechuter, piégé par les nombreuses tentations du quartier de Manhattan. Avec un regard distancié et méticuleux, le réalisateur dresse le portrait d’un homme seul, sorte d’ evil twin de Carrie Bradshaw dans Sex and the City. _Q.G.

de Robin Anderson et Bob Connolly (Survivance) Documentaire culte des années 1990, dernier volet d’une trilogie ethnographique (débutée par First Contact et Joe Leahy’s Neighbours), Black Harvest retrouve Joe Leahy, métisse descendant d’un explorateur colonial et d’une femme papoue. Les cinéastes australiens Robin Anderson et Bob Connolly filment l’intrusion du capitalisme dans les contrées insulaires de Papouasie-NouvelleGuinée. La tribu Ganiga, lancée dans l’exploitation de café, connaîtra la crise économique et les luttes claniques. Récompensé au festival Cinéma du réel en 1992, Black Harvest est enfin édité en DVD. _C.G.

SLEEPING BEAUTY

de Julia Leigh (ARP Sélection) Premier film de la romancière Julia Leigh, Sleeping Beauty a suscité des remous lors de sa sortie en novembre dernier, interdit aux moins de 16 ans. Il avait pourtant été sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes. Ce portrait taiseux et esthète de Lucy (Emily Browning), une belle étudiante qui vend son corps à qui veut, montre pourtant tout au plus – en fait de sexe – une fille droguée aux somnifères, jouet inerte de vieillards impuissants. Le désespoir poignant du personnage risquerait-il de déprimer les jeunes générations ? Comme le dit l’affiche du film : à vous de juger. _I.P.F.

CARNAGE de Roman Polanski (Wild Side)

Un enfant blesse un camarade dans la cour de récré. Les parents se réunissent pour régler à l’amiable l’incident, mais, dans le huis clos d’un appartement new-yorkais, les choses dérapent. Le film de Polanski – coécrit par Yasmina Reza, qui adapte sa pièce Le Dieu du carnage – progresse selon une logique assez peu surprenante : le vernis social s’écaille, jusqu’à ce que les protagonistes, alcoolisés et hystériques, s’entredéchirent. Carnage remporte pourtant le pari d’une mise en scène claustrophobe, dans la droite ligne du Locataire. Et les quatre acteurs – Kate Winslet en tête – sont parfaits. _L.T.

LILI MARLEEN de Rainer Werner Fassbinder (Carlotta) Réalisé en 1980, ce film de Fassbinder s’inspire de la chanson Lili Marleen de Marlene Dietrich, ici popularisée par Willie, une chanteuse allemande sans grand talent qui rencontre la gloire avec cet unique titre, devenu un tube de la Seconde Guerre mondiale. Couverte de tous les honneurs et convoitée par le Führer, Willie retrouve son ancien amant, Robert, membre de la résistance suisse. À l’image de la mise en scène virtuose de Fassbinder, qui multiplie les cadres et les angles, Lili Marleen est tout à la fois un portrait de femme, un drame historique et un thriller politique. Entêtant. _L.T.

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© Cinq7

CDTHÈQUE Dominique A sort son neuvième album solo

Lumineux

Après la récente réédition de ses œuvres, le grand A de la chanson française – genre heureusement renouvelé grâce à La Fossette, en 1991 – fait encore peau neuve, avec Vers les lueurs, album à la fois électrique et aérien, évident et éclatant. _Par Wilfried Paris

Je me souviens de Dominique A disant un jour : « Je ne porte que du noir, car, ne sachant quelle couleur choisir, je préfère n’en porter aucune. » Belle surprise, donc, de l’entendre réunir tant de nuances de couleurs dans ce nouvel album et de le voir enfin apaisé, portant beau un bleu électrique, le visage glabre et frais, les mains se mouvant harmonieusement pour nous expliquer ses nouvelles épiphanies musicales : « La lumière est toujours en rapport avec l’obscurité. Elle existe d’autant plus si tout, autour, est sinistré. Vers les lueurs parle de cela. » Mariant virées électriques et envolées acoustiques, ce neuvième album studio est plus clair qu’obscur : une vraie percée. « Quand les instruments à vents sont arrivés après dix jours de répétition, que les arrangements acoustiques et électriques se sont vraiment assemblés, le résultat dépassait toutes mes espérances. J’étais gonflé à bloc,

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je clamais sur tous les toits que j’allais faire un disque exceptionnel. » Vers les lueurs est bien exceptionnel. C’est l’acmé d’une discographie qui a souvent louvoyé entre dureté (Remué) et vulnérabilité (Auguri). Car l’engagement et la confiance irradient une interprétation aussi tenue que les mots sont chargés : « Quand on n’est pas dans un rapport de confiance, le doute passe par la voix. C’est le problème de Tout sera comme avant, qui avait une ambition similaire. Au-delà des arrangements, il n’était pas tenu par son interprète. La voix est le filtre de tout, elle transmet tout. » Ici le chant projette et éclaire « des moments spirituels, des moments d’abandon ou de joie, des moments simples où les choses font sens, des moments qui justifient l’existence, avant d’arriver à “la rue que rien n’éclaire” ». Dominique A invente des microfictions intimistes (Vers le bleu) ou des épopées du quotidien (La Possession, Le Convoi), chante le désenchantement sur Rendez-nous la lumière  : « une chanson d’exaspération un peu pompière » assumée sans faux-semblant. Pour Contre un arbre, il s’explique : « Je ne parle pas d’un retour à la nature où l’on se débarrasserait de ses problèmes. La nature peut être un réceptacle à angoisses, autant qu’un espace de ressources. La chanson Close West exprime aussi cette impression de familiarité avec un lieu, et, en même temps, un rapport d’étrangeté, d’inquiétude. » C’est le yin et le yang de l’album d’un auteur accompli. ♦ Vers les lueurs de Dominique A Label : Cinq7/Wagram Sortie : déjà disponible


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ALBUMS La sélection de la rédaction

A Different Ship

X-Pianos

de Chassol (Tricatel) Christophe Chassol, seize ans de conservatoire, des B.O. de films et de publicités, clavier chez Phoenix ou Sébastien Tellier, a l’ambitieux projet d’« harmoniser le réel » et d’« arranger le quotidien » : dans cet album, des enfants fredonnent do-ré-mi, une voisine joue du violon accompagnée par des accords mélodieux. En deux CD et un DVD – dont un montage vidéo sur la musique des rues de La NouvelleOrléans – ou encore un ultrascore, pièce surlignant la musicalité d’un discours (à la manière du Brésilien Hermeto Pascoal), Chassol est didactique autant que nostalgique. Grande œuvre. _W.P.

de Here We Go Magic (Secretly Canadian) En solo, Luke Temple se la joue country-folk en mode lo-fi, mais, en groupe, il déploie ses ailes sur les pistes et file du plancher rythmique jusqu’à l’accord parfait, en mêlant histoires et géographies (americana, krautrock allemand, harmonies vocales bulgares). Hard To Be Close débute ainsi country et change de codes en cours de route, quand survient une batterie syncopée. Produit par Nigel Godrich, ce Different Ship voyage de la vie du rail (en intro ambient) à 2001 L’Odyssée de l’espace (trip final de 8 min 17 s) et le falsetto de Temple invite doucement les humains à planer. _W.P.

One Second of Love

de Nite Jewel (Secretly Canadian) Révélée en 2009 par Mike Simonetti et son label disco Italians Do It Better, Ramona Gonzalez sort de la torpeur vaporeuse des nuits blanches de L.A. pour affiner et affirmer un style moins relax qu’éveillé : syncopes R’n’B, glacis de synthés eighties, lyrisme assumé. Nite Jewel s’impose comme une Kate Bush d’aujourd’hui, soutenue par son mari (venu des Haunted Graffitis d’Ariel Pink) et par la nouvelle égérie de la côte Ouest, Julia Holter. Le morceau titre, hit synth pop, est tout à fait dansable ; le reste luit d’intensités variables, entre orgue d’église digne de Badalamenti et romantisme urbain. Sombre joyau. _W.P.

A Wasteland Companion

de M. Ward (Belladona) Avec ce septième album solo, M. Ward prolonge le voyage spatiotemporel de son précédent opus, le superbe Hold Times. Sobrement brillants, les arrangements du compositeur égalent un travail d’orfèvre, ici réalisé dans huit studios différents à travers le monde, de son Portland natal à Bristol. Il est épaulé par une vraie dream team, avec des membres de Sonic Youth et de Bright Eyes, les producteurs de PJ Harvey et de Rufus Wainwright, mais aussi la voix sucrée de Zooey Deschanel (la « She » de She & Him). Et M. Ward ne perd jamais le fil soyeux de son merveilleux folk panoramique. _ É.V.

Tristesse contemporaine

Bound for Glory

de Peasant (Schnitzel) Deux coups durs successifs – une rupture sentimentale et la destruction de son voilier – auront eu l’avantage de libérer la créativité de Damien DeRose. Sous le nom de Peasant, le prolifique songwriter originaire de Pennsylvanie a déjà livré quatre albums, avant même d’atteindre ses 28 printemps. Délicates et mélancoliques, ses chansons ont fait le bonheur des fans de séries TV, telles que Bones ou United States of Tara, mais aussi des amoureux de cette pop romantique et précieuse, à fleur de peau, représentée par Belle and Sebastian, The Shins et le regretté Elliott Smith. _ É.V.

Retrouvez notre playlist sur

de Tristesse contemporaine (Pschent) Une pianiste japonaise fan de la Nouvelle Vague et un aspirant hockeyeur suédois ayant finalement opté pour une carrière de guitariste (chez Jay-Jay Johansson, notamment), tous deux membres du groupe electro-pop Aswefall, forment depuis 2009 le trio Tristesse contemporaine, avec le chanteur anglo-jamaïcain de la formation trip-hop Earthling. Signé sur le label de Danton Eeprom, le premier album de ce drôle de ménage à trois cite Sartre et un philosophe belge de la fin du XIXe siècle. Le tout sur un flow entêtant et des rythmiques empruntées à la new wave. Dark et racé. _É.V.

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BIBLIOTHÈQUE © Plon

Chez Whitehouse, l’obésité morbide est à la fois prétexte à une sorte d’esthétique du monstre et métaphore d’un refus obstiné du monde.

Le poids des mots

En contant l’histoire d’un type qui ne veut plus se lever et devient l’homme le plus gros du monde, DAVID WHITEHOUSE signe un premier roman épatant sur les liens familiaux. _Par Bernard Quiriny

L’actuel record d’obésité serait détenu par un Anglais de 49 ans, Paul Mason, qui surclasse tout le monde avec des pointes à plus de 400 kilos. Voilà qui est impressionnant, mais pas autant que le cas de Malcolm Ede, antihéros du premier roman de David Whitehouse, journaliste au Guardian et réalisateur de courts métrages. Au cours de sa jeunesse, on savait déjà que Malcolm ne serait pas un homme comme les autres. Hyperactif, toujours prêt à relever des défis absurdes, adorant s’exhiber nu, Malcolm tenait toute sa famille en haleine par ses exploits. La vingtaine

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venue, il prend une décision très étrange, celle de ne plus jamais se lever. Son entourage pense d’abord à un caprice, mais non : Malcolm n’a effectivement plus quitté son lit depuis et s’est transformé, à force de gavage, en un horrible bibendum de 600 kilos, veillé, nourri et lavé par sa mère… Incrédule et consterné, son frère, le narrateur, observe sa métamorphose et s’inquiète de la place toujours plus grande qu’occupe Malcolm dans la famille. Mais n’est-ce pas aussi pour lui l’occasion rêvée de conquérir Lou, l’ex-petite amie de Malcolm, dont il est amoureux en secret ? Le thème de l’excès corporel a toujours constitué un ressort narratif, et l’obésité a inspiré de nombreux personnages de la littérature, du Pickwick de Charles Dickens au Nestor de Clara Dupont-Monod. Chez Whitehouse, l’obésité morbide est à la fois prétexte à une sorte d’esthétique du monstre (les descriptions des bourrelets de Malcolm sont saisissantes) et métaphore d’un refus obstiné du monde (on pense à une version grotesque du Bartleby d’Herman Melville). Mais surtout, derrière le tableau gargantuesque d’une baleine humaine, Couché, en focalisant l’histoire sur son frère et ses proches, propose une réflexion subtile sur les liens familiaux et sur l’autonomie des uns par rapport aux autres. Comment le narrateur peut-il trouver sa place, dès lors que son frère occupe tout l’espace, au sens figuré comme au sens propre ? Il faut abattre les cloisons pour agrandir la chambre de Malcolm, tandis que la famille s’entasse dans une caravane au fond du jardin… Habilement, Whitehouse dessine une galerie de personnages secondaires autour de Malcolm et multiplie ainsi les niveaux d’interprétation, en rendant son livre beaucoup plus riche et complexe que ne le suggèrait l’argument initial. Roman habile, touchant et astucieux, Couché, avec ses 300 pages très rythmées, tient un impeccable poids de forme. ♦ Couché de David Whitehouse Traduit de l’anglais par Olivier Deparis Éditeur : Plon Genre : roman Sor tie : 5 avril


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LIVRES La sélection de la rédaction

Un ange meilleur

de Chris Adrian (Albin Michel)

Un gamin d’une dizaine d’années fait le mur avec sa copine, môme psychopathe qui égorge au poignard les animaux du quartier… Une patiente à l’hôpital se voit mourir et son âme s’envole de son corps… Un collégien entame une aventure improbable avec sa prof d’anglais… Oncologue spécialisé en pédiatrie, l’Américain Chris Adrian semble avoir une prédilection pour les narrateurs enfantins et les mystères de l’adolescence, quand l’esprit s’ouvre – effaré – au monde des adultes. Très efficaces, les neuf nouvelles de ce recueil font d’Adrian un nom à suivre, dont on espère lire bientôt les romans. _B.Q.

En l’absence de classement final de Tristan Garcia (Gallimard)

Un boxeur tombe K.-O. et voit Dieu ; un cycliste dopé accumule les ennuis ; une gymnaste est portée au zénith grâce à un quasi proxénète ; un intello donne un cours sur le fascisme du sport… Pour ses premières nouvelles publiées, Tristan Garcia choisit un sujet assez peu fréquenté en littérature : le sport. Le sport libéral, avec son culte de la performance, mais aussi le sport joyeux, celui qui renvoie aux souvenirs d’enfance, au plaisir des classements et à la fascination pour l’athlète. Le tout placé sous les auspices de Joyce, qui apparaît discrètement à deux reprises dans ce recueil rythmé et très réussi. _B.Q.

Cinéma contemporain mode d’emploi de Jean-Baptiste Thoret (Flammarion) Partant du principe qu’un cinéma dit contemporain a toujours existé – par opposition à des films qui, dès leur sortie, paraissent datés –, Jean-Baptiste Thoret en examine les motifs récurrents et les figures majeures, analyse la symbolique des œuvres. Le critique jette d’audacieuses passerelles entre les époques, de Luis Buñuel à Michael Mann, entre les continents (l’Italie de Dario Argento, la Corée du Sud de Bong Joon-ho), entre les domaines d’exploration (technique, mise en scène). Et cartographie un cinéma de films cultes et de classiques, « à l’heure sur son temps », selon les mots de Serge Daney. _L.T

Immortel, enfin

de Pauline Dreyfus (Grasset) 1968 : Paul Morand, 80 ans, repart pour la cinquième fois en campagne pour entrer à l’Académie française. Ce sera la bonne, malgré l’hostilité du général de Gaulle, qui n’a pas oublié sa fuite de Londres en 1940… Pauline Dreyfus trace le tableau de la France littéraire de l’époque (les déjeuners de Florence Gould, le Journal de Matthieu Galey, le jeune Modiano qu’on s’arrache) et offre un magnifique portrait du romancier au crépuscule de sa vie, aux prises avec les clichés qui lui collent depuis toujours. Un premier roman culotté et captivant, truffé de phrases sèches et de formules « à la Morand ». Joli coup. _B.Q.

Congo

d’Éric Vuillard (Actes Sud) Berlin, 1884 : les puissances européennes réunies en conférence par Bismarck se partagent l’Afrique et reconnaissent les droits de Léopold II, roi des Belges, sur le Congo, dont il a fait une possession personnelle. C’est le sujet de ce petit livre, entre récit historique et réflexion satirique. Il mêle portraits des parties en présence (l’ambassadeur français Alphonse Chodron de Courcel, l’aventurier Stanley Hoffmann…), analyse les enjeux (l’exploitation du caoutchouc) et dresse le tableau de la condition faite aux indigènes par les colonisateurs. Sarcastique et inclassable, ce texte revisite l’histoire en toute liberté. _B.Q.

Supplément à la vie de Barbara Loden

de Nathalie Léger (P.O.L)

Deuxième épouse d’Elia Kazan, actrice et metteur en scène emportée par un cancer avant d’avoir atteint 50 ans, Barbara Loden reste surtout l’auteur d’un unique film, Wanda (1970) : road-movie existentiel et autoportrait féminin déchirant, hanté par sa silhouette solitaire. Dans le film, « rien ne se passe », lit-on dans l’élégant éloge de l’auteur Nathalie Léger, qui tente de circonscrire cette fiction orpheline. Un petit ouvrage qui est aussi l’occasion pour l’écrivain de réaliser une autofiction en miroir. Un Supplément à la vie pour mieux prolonger l’œuvre. _C.G.

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© Charles Berberian/Fluide Glacial

BDTHÈQUE CINÉ FILS

Le cinéma inspire la bande dessinée. Après Blutch et son lyrique Pour en finir avec le cinéma, voici CHARLES BERBERIAN avec Cinérama, sous-titré Une sélection des meilleurs plus mauvais films du monde. _Par Stéphane Beaujean

Évoquer sa cinéphilie, c’est confesser un peu de son intimité. Plus encore pour l’auteur de bandes dessinées Charles Berberian, qui entretient avec le cinéma une relation équivoque, à la fois nostalgique et porteuse d’inspiration pour ses propres œuvres. Ainsi, les images cinématographiques ne renvoient pas uniquement à l’enfance ou à des émois fondateurs : ce panthéon personnel constitue aussi, au fil des ans, une réserve inépuisable d’idées, de sensations et de couleurs à refondre et à réinterpréter par le dessin. Voilà pourquoi certains artistes, tel Berberian ou Blutch avant lui, éprouvent le désir d’inventorier les films et les images qui hantent leur imaginaire. Pour rendre à César ce qui lui appartient ou simplement reconstituer l’arbre généalogique de leurs propres œuvres. S’amusant de son mauvais goût supposé, le dessinateur convoque quelques plagiats fauchés made in Türkiye, ou les comédies musicales

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égyptiennes de sa jeunesse, dont les figures de séducteurs à la virilité exotique renvoient au cosmopolitisme de cet Irakien de naissance. Les premiers émois sexuels, ensuite, sont symbolisés par le corps dénudé d’Edwige Fenech, icône du cinéma bis, que Berberian découvre prématurément grâce à la permissivité insouciante de son père. Puis vient l’âge d’homme et le désenchantement, à travers son engagement socialiste dans les années 1980 et un nanar signé Élie Chouraqui (Paroles et Musique, 1984), témoin de son époque… Anecdotiques ou profondes, intimes ou politiques, les références de Berberian sont immédiatement désacralisées par une écriture burlesque et une ligne tendrement narquoise. Car il ne faut pas hésiter à explorer les liens qui unissent ce catalogue facétieux de mauvais films et l’esthétique très personnelle de Charles Berberian. Lettrages maniérés, couleurs pimpantes, corps faussement pétris d’érotisme, de virilité ou de charisme… La beauté graphique de cet album et la jubilation que l’on ressent à sa lecture proviennent justement de l’hésitation permanente entre l’amour sincère pour ces figures fondatrices et la réinterprétation distanciée du dessinateur enfin mature et amusé par ses goûts. Comble de l’honnêteté, dans certaines pages la ligne assume même sa sensualité et refuse le décalage, comme pour clamer son amour. De bien belles respirations qui donnent instantanément envie de replonger dans ce mauvais cinéma. ♦ Cinérama de Charles Berberian Éditeur : Fluide Glacial Sortie : 21 mars


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BANDES DESSINÉES La sélection de la rédaction _Par Stéphane Beaujean

I AM A HERO

de Kengo Hanazawa (Kana) Par sa culture japonaise et sa réflexion assumée sur le thème du zombie, ce manga d’horreur promet de bousculer un peu les conventions du genre. Le premier tome réussit à surprendre, en jouant la carte de la paranoïa plutôt que celle de l’épouvante sanglante. Impossible de savoir si l’apocalypse a réellement eu lieu ou si le monde donné à voir est filtré par la folie d’un narrateur à tendance schizophrène. D’où la position ambivalente du lecteur face aux images qui, comble de la gêne et de l’ambiguïté, reposent sur une réinterprétation photographique subtilement décalée.

L’ENFANT INSECTE de Hideshi Hino (Imho)

Les fantasmes horrifiques de Hideshi Hino retrouvent enfin le chemin des librairies françaises. Son sthétique morbide et grotesque n’a rien perdu de sa force. Au contraire, dans cette libre adaptation de La Métamorphose de Kafka, Hino renchérit sur ses habituelles angoisses : l’anormalité et la dysfonction de la famille. La mutation du petit écolier désocialisé et battu par son père se déroule très lentement et rappelle La Mouche de Cronenberg. Un raffinement macabre, marqué par le Japon paupérisé de l’immédiat après-guerre.

DEMAIN, DEMAIN

de Laurent Maffre (Actes Sud) Laurent Maffre se passionne pour les amnésies de l’histoire de France. Après sa flamboyante adaptation du livre d’Albert Londres sur le bagne de Cayenne, L’Homme qui s’évada, voici qu’il dresse le portrait d’une famille d’immigrés algériens dans les années 1960, à partir de témoignages et archives audio sur le bidonville de La Folie à Nanterre. Par la richesse des décors, cet ouvrage est un document historique d’une densité et d’une valeur testimoniale indéniables. Baigné d’humanité, refusant la facilité des effets dramatiques, Demain, Demain pourrait tout à fait concourir pour le prix du meilleur livre de l’année.

SOCK MONKEY de Tony Millionaire (Rackam) Dans les ouvrages de Tony Millionnaire flotte une atmosphère désuète de conte anglo-saxon. De ceux, dans la tradition du Peter Pan de J. M. Barrie ou du Alice de Lewis Carroll, où l’onirisme et la quiétude apparente cachent à l’évidence une forme sourde de violence. Son héros, un singe de chiffon, et sa bande d’étranges créatures s’engagent ainsi dans une série d’aventures, sur fond de décors ordinaires. Ils ont la naïveté des enfants pour qui le coin de la rue vaut le bout du monde. La fable morale dans ce qu’elle a de plus élégant et de plus subtil.

SAISON BRUNE

de Philippe Squarzoni (Delcourt) Philippe Squarzoni poursuit son œuvre politique en bande dessinée. Parfois péremptoire, souvent argumenté et éternellement partisan, Squarzoni livre ici son meilleur livre. Saison brune parvient à expliquer les enjeux modernes de l’écologie et ses développements scientifiques, grâce à l’utilisation d’un langage texte/image unique dans la bande dessinée. Mais, de surcroît, l’auteur tisse un dialogue pacifique avec son lecteur, à hauteur d’homme. Pétri de doutes, Squarzoni conjugue ses angoisses personnelles avec son esprit citoyen, dans un essai non seulement pédagogique, mais surtout incarné.

LE TAMPOGRAPHE SARDON de Sardon (L’Association)

Vincent Sardon est fasciné par les tampons, il en fabrique des milliers. Il ne sait pas pourquoi cette activité a tout envahi, tout dévoré, au point qu’il ne fait plus rien d’autre depuis des années. Ce livre – sublime – en rend parfaitement compte, puisqu’il exprime quelque chose de l’image réduite à la forme du logo. Outil capable de répondre au désir de répétition obsessionnelle, comme à la facilité de diffuser un art immédiat, les tampons de Sardon sont aussi étonnants qu’ils retournent contre eux, avec colère, beauté et ironie, les procédés de la communication et de l’industrialisation.

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© Konami

ludoTHÈQUE SILENCE DE MORT

Enfouie, refoulée, elle se cache là, au creux de nos psychés fragilisées. Quinze ans, neuf épisodes et un film plus tard, la saga Silent Hill peut se vanter d’avoir tissé l’une des toiles les plus tentaculaires de l’épouvante, laissant, derrière elle, une palanquée de joueurs traumatisés, à vie. _Par Yann François

Le principe semble immuable, depuis 1999 et le premier volet sorti sur Playstation : survivre. Dans la peau d’un quidam sans défense, à Silent Hill, ville fantôme camouflant une dimension parallèle monstrueuse et psychotique, peuplée d’abominables monstres décharnés. Peu d’armes (on est loin des mercenaires héroïques de Resident Evil), d’incessantes hallucinations pour compagnons de route : la plongée dans Silent Hill se vit comme une forme d’hypnose jouant avec nos nerfs endoloris. Fort de ce cahier des charges sous haute influence (Stephen King, Lovecraft, Lynch…), servi par une bande-son envoûtante et interactive (le compositeur attitré, Akira Yamaoka, s’impose

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comme un artisan révolutionnaire du design sonore), Silent Hill reste la référence du survival horror en terrain psychique. Malheureusement, comme bon nombre de sagas populaires ayant tutoyé les sommets, Silent Hill semblait connaître, au fil d’épisodes mineurs et autre déboires de production, un lent déclin. Mais Konami n’a pas dit son dernier mot. La sortie conjuguée, ce mois-ci, d’un huitième épisode sur console dernière génération, Downpour, d’une réédition HD de Silent Hill 2 et 3, et d’un épisode annexe sur PS Vita, Book of Memories, atteste d’une certitude : la série n’a pas fini d’alimenter nos cauchemars. Première bonne nouvelle : Silent Hill 2 et 3 restent des chefs-d’œuvre absolus et intemporels. Encore mieux : Downpour, tout aussi remarquable, est le signe d’un salutaire retour aux sources, après des épisodes fortement orientés vers l’action. Cet opus est résolument moderne, avec son rendu visuel au diapason des étalons actuels. Reste cette résistance à la tendance actuelle qui veut qu’un jeu facile soit plus vendeur. Ce Silent Hill, plus qu’ardu, nous plonge dans la même situation d’impuissance que ses aînés : armés d’un pauvre hachoir ramassé à même un cadavre putréfié, nous revoilà seuls et démunis, comme au temps de nos terreurs adolescentes. Âmes sensibles de tous les âges, armons-nous de courage. On a beau l’arpenter depuis quinze ans, la ville maudite est toujours pavée de trouille. ♦ Silent Hill Downpour Genre : sur vival horror Éditeur : Konami Plateformes : PS3/ Xbox 360 Sor tie : disponible


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JEUX La sélection de la rédaction

WARGAME EUROPEAN ESCALATION

(Focus Home Interactive, sur PC)

Le jeu de stratégie est en voie d’extinction. Raison de plus, pour ses adeptes, de se précipiter sur ce Wargame, véritable quintessence d’un genre exigeant. Développé par Eugen System, il s’impose comme un monument de réalisme et d’exigence tactique.

_Par Y.F.

I Am Alive

(Ubisoft, sur PSN/XBLA) Exercice radical de survie après l’apocalypse – chaque action précipitée affectant la barre de vie –, I Am Alive a failli ne jamais voir le jour. Par sa noirceur et son minimalisme, ce jeu est pourtant un étalon du genre, qu’il faut essayer à tout prix.

Asura’s Wrath

(Capcom, sur PS3/Xbox 360)

Imaginons un combo surréaliste entre film interactif et Dragonball Z, assaisonné de mystique hindoue. Ajoutons un demi-dieu à six bras, animé d’une rage vengeresse, et nommons le tout Asura’s Wrath. Le résultat est complètement barré, mais il fera date.

MASSIF

© Electronic Arts

En trois coups de maître, Mass Effect aura redéfini les codes de la sciencefiction. Ce troisième volet, non content de conserver l’élan dantesque de la série, s’appuie sur un ressort intimiste. _Par Yann François

C’est là une consécration ultime pour un studio, Bioware, déjà responsable cette année du succès du jeu en ligne Star Wars, The Old Republic. Bijou d’écriture et d’action, Mass Effect 3 s’impose sans peine comme l’aboutissement de la saga. Malgré sa démesure créative, cet épisode est sublimé par la personnalité de son personnage principal, Shepard, profondément mélancolique. Baladé aux quatre coins de la galaxie pour garantir la paix entre les civilisations, il est confronté à l’invasion d’infâmes

colonisateurs extra-terrestres, qui menacent d’exterminer l’espèce humaine. De ce synopsis faussement balisé, Bioware déploie une tragédie à combustion lente, où chacun de nos actes se transforme en dilemme cornélien, face à la promesse d’un génocide. Grâce à un cheminement d’une étonnante complexité, Mass Effect 3 rejoint sans peine le panthéon des œuvres d’anticipation qui ont su, comme Blade Runner, déployer bien plus qu’un décorum, une introspection morale et philosophique. Blockbuster aux accents existentiels, scandé de somptueuses

cinématiques, Mass Effect 3 vibre avec la force d’un chant homérique. Détail ultime : l’usage du Kinect permettant, outre de donner oralement des ordres à ses coéquipiers, d’entonner les dialogues à pleins poumons. Excentricité technique qui, mine de rien, est un pari pour enfin assouvir ce fantasme : unir joueur et avatar, plus que jamais acteurs solidaires d’une même quête. ♦ Mass Effect 3 Genre : jeu de rôle / action Éditeur : Electronic Arts Plateformes : PS3/Xbox 360/PC Sortie : disponible

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LE GUIDE

SORTIES EN VILLE CONCERTS EXPOS SPECTACLES RESTOS

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© Ilmari Kalkkinen/Mamco, Genève

© Musée d’Orsay

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© Ulli Weiss

DR

t r a s h - h i p - h o p / a r t- A R T C ONTEM P O R AIN / c o m é d i e m u s i c a l e -THE ÂTRE / LE C HEF

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SORTIES EN SALLES CINÉMA 118

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© Memento Films Distribution

© Diaphana Distribution

© Les Films Hatari

du mercredi 4 avril au mardi 8 mai

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© Gonzalo Garcia

SORTIES EN VILLE CONCERTS

MéGA TEUF T R A SH Andrew W.K., le 16 avril à la Maroquinerie, 20h, 19,80 €

Entre Abba et Jackass, eurodance et heavy metal, le chevelu Andrew W.K. débarque à Paris en tee-shirt blanc pour asséner sa positive attitude à grands coups de headbang. _Par Wilfried Paris

Ses tubes festifs ont fait sa réputation et son public. Le titre Party Hard est un bon résumé du personnage : martelé en mantra hédoniste sur des guitares heavy metal et une batterie qui bourrine à toute berzingue, le slogan est devenu un « mème » sur Internet (répétition ad nauseam des deux mots sur divers gifs animés). Avec sa pochette culte – Andrew, le nez ensanglanté, comme à la suite d’un headbanging –, le premier album d’Andrew W.K., I Get Wet (paru en 2002 sur Def Jam) reprenait la fête là où les Beastie Boys l’avaient laissée : débraillée et paillarde. Mélangeant pop, punk, metal et disco, Andrew W.K. poussait le bouchon un peu plus loin en gueulant Party Till You Puke (soit « la teuf jusqu’à en vomir ») sur des riffs stridents, bondissant

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comme un cabri sur toutes les scènes du monde, sidérant les médias mainstream (MTV, Cartoon Network) autant que les amateurs d’undergound (les fans de Ween ou des Butthole Surfers). Adoubé par les drôles de cascadeurs de Jackass pour ses mauvaises réceptions – en 2003, il finira sa tournée en fauteuil roulant –, comme par les Japonais avantgardistes de Boredoms, Andrew a toujours dansé sur un fil précaire, entre arnaque commerciale et respectabilité punk (jouant aux côtés de Current 93 ou The Brill Sisters). De sombres déboires juridiques l’ont ainsi empêché de sortir ses derniers albums aux États-Unis, au bénéfice d’une renommée au Japon et en Corée du Sud… Mais cette posture fait partie du personnage. Elle profite de l’attachement que l’on porte à ces représentations pop qui tournent la société du spectacle en ridicule, de Andy Kaufman à Spinal Tap. Sur scène, le volume des amplis d’Andrew est souvent bloqué sur 11. Au max. Et ça fait dix ans qu’est sorti I Get Wet, son meilleur album. Prêts pour la rhinoplastie ? ♦


© Tom Cops

Mariee Sioux, le 19 avril au café de la Danse

L’AGENDA _Par W.P. et É.V.

Kery James Devenu sage avec l’âge, celui qui rappait des textes « hardcore » avec Ideal J, sur des beats de DJ Mehdi, a toujours la rage. Son flow agile et magnétique résonnera en acoustique aux Bouffes du Nord. Du 10 au 28 avril au théâtre des Bouf fes du Nord, 19h, 23 €

MellaNoisEscape + Laetitia Shériff Après avoir traîné ses guitares sur Mobiil, Psykick Lyrikah, Bed ou Dominique A, Olivier Mellano retrouve en solo des torrents électriques et autres cascades soniques, à la croisée de Shellac, Battles et Blonde Redhead. Ça va faire du bruit. Le 13 avril au Point éphémère, 20h, 15 €

Freddie Gibbs + Set&Match Epaulé par les meilleurs beatmakers du monde (The Alchemist, Madlib, Ski Beatz), le prolifique Freddie Gibbs, dont le style rappelle 2Pac, perce aujourd’hui dans le rap game à coup de mixtapes racées. Le 17 avril à la Maroquinerie, 19h, 20 €

Mariee Sioux + Matt Eliott Entre ses tournées avec Alela Diane et ses duos chics avec Will Oldham, la chanteuse de Nevada City a enregistré un bel album, Gift for the End, puisant aux sources du folk son doux psychédélisme. Pocahontas à six cordes. Le 19 avril au café de la Danse, 19h30, 19,80 €

Klub des loosers Leur génial dernier album nous le rappelle, mais certains le savaient déjà : Fuzati, le MC masqué du Klub des loosers, reste le narrateur le plus affûté du spleen des classes moyennes. Loin devant Orelsan. Le 19 avril à la Gaî té lyrique, 20h, 18 €

Keep Portland Weird Les meilleurs groupes de Portland se retrouvent à Paris durant une semaine : Stephen Malkmus (ex-leader de Pavement), Tara Jane O’Neil (folk hanté et féministe), Yacht (dance-pop sectaire), The Thermals, Glass Candy, Slimkid3, Lifesavas… Du 24 au 30 avril à la Gaî té lyrique, 20h, à par tir de 16 €

Of Montreal + NZCA/Lines La pop baroque du groupe originaire d’Athens, emmené par le foufou Kevin Barnes, intègre des éléments disco ou funk de plus en plus torrides, entre deux chansons neurasthéniques. Toujours très spectaculaire. Le 27 avril au Trianon, 18h30, 24,9 0 €

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© Def Jam

SORTIES EN VILLE CONCERTS

Method Man

Méthode appliquée hip -hop Method Man, le 23 avril au Zénith, 19h, 35 €

Le showman du Wu-Tang Clan, c’est lui. Désormais quadragénaire, Method Man débarque au Zénith pour prouver au public français qu’il sait toujours mouiller le maillot. _Par Éric Vernay

Au sommet de son art dans les années 1990, Method Man enchaînait les albums solo. Tical (1994) et Tical 2000 : Judgement Day (1998), sont devenus des classiques, au même titre que les disques du Wu-Tang Clan, Enter the Wu-Tang (1993) et Wu-Tang Forever (1997). Puis la star de l’équipe de Staten Island a traversé une période creuse durant la décennie suivante. Musicalement, du moins. Car Clifford Smith – qui doit son surnom, Method Man, au personnage d’un film d’arts martiaux des Shaw Brothers – s’est alors consacré à une carrière d’acteur au cinéma, avec un certain succès. Modeste, il n’a pas rechigné devant le manque de prestige de certains réalisateurs ou les films directement sortis en cassette. Les genres dits mineurs, 94

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il les a à peu près tous fréquentés : film de défonce hip-hop (How High avec son compère Redman), film d’horreur vaudou (Venom), remake d’un film de baston sud-coréen (Volcano High), hommage paresseux aux films de tueur en série (Scary Movie 3) ou parodie de péplums (Spartatouille). Mais il y aussi du plus présentable, comme les comédies indés Garden State ou Wackness, ou dernièrement, un film de guerre produit par George Lucas. Method Man joue en effet un petit rôle dans Red Tails, blockbuster qui s’intéresse au destin du premier escadron afro-américain pendant la Seconde Guerre mondiale. Par ailleurs, le rappeur s’est distingué sur le petit écran avec Les Experts et dans les incontournables séries que sont Oz et The Wire. Alors : définitivement rangé à Hollywood, le fougueux Meth ? S’il déclare avoir mis la pédale douce sur les substances illicites – par égard pour sa famille –, l’homme reste toujours un MC d’exception. Dans l’attente d’un nouvel album (Crystal Meth, prévu pour 2012), il faut admirer en live cette bête de scène, adepte du crowd surfing et du refrain qui tue. ♦


© Antoine Durand

LES NUITS DE…

Fonky Flav’ (rappeur du groupe 1995) « Il n’y a pas de prestation “classique” de 1995. On est dans la spontanéité, l’interaction avec le public. Chacun de nos concerts est différent. Le plaisir vient de là. Notre but, c’est de sortir de la salle à bout de force. On se donne à fond, on saute dans tous les sens. À Dinard, un spectateur a attrapé le short de Nekfeu et l’a déchiré : Nekfeu a fini le concert en caleçon ! Le live, c’est un sport. On aime aussi improviser, sur les spectateurs devant la scène, l’équipe de foot de la ville, ou ce qu’on a bouffé la veille… C’est une performance, toujours sur le fil du rasoir. Jouer au Zénith avec Method Man, c’est génial, on l’a tous écouté. On a envie de faire un truc spécial. » _Propos recueillis par É.V. 1995 et Method Man le 23 avril au Zénith, 19h, 35 €. EP La Suite (Polydor, déjà disponible)

© De Wilde

L’OREILLE DE…

Matthew Caws (Nada Surf) « On tourne avec des groupes dont on se sent proche musicalement, avec qui il y a une véritable proximité : je pense à Rogue Wave, Delta Spirit, Telekinesis, également à Holly Miranda qui faisait partie des Jealous Girlfriends que nous aimions beaucoup. Pour écrire The Stars Are Indifferent to Astronomy, un des mecs de They Might Be Giants m’a prêté son studio de Brooklyn, c’était un lieu idéal pour la composition. C’est agréable de sentir des liens de solidarité se créer entre musiciens. Sinon, j’ai des goûts assez classiques, mon album favori en 2011 était Let England Shake de PJ Harvey. J’aime aussi beaucoup La Superbe de Benjamin Biolay, j’ai failli faire une reprise de Prenons le large. » _Propos recueillis par L.T. The Stars Are Indifferent to Astronomy de Nada Sur f (Cit y Slang, déjà disponible)

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© Musée d’Orsay

SORTIES EN VILLE EXPOS

Le Tub d’Edgar Degas, pastel sur carton, 1886

MIS À NU ART Degas et le nu, jusqu’au 1 er juillet au musée d’Orsay w w w.musee-orsay.fr

Pour cette exposition monographique consacrée à EDGAR DEGAS, le musée d’Orsay choisit le prisme du nu, genre par lequel le peintre se renouvela le plus, inscrivant son œuvre au cœur des avant-gardes. _Par Léa Chauvel-Levy

Avant lui, le nu artistique se résumait généralement à une représentation fidèle et anatomique du corps, suivant le modèle de la statuaire grecque. S’il s’y prête et y excelle à ses débuts, Edgar Degas cherche vite à représenter la chair avec ses imperfections, en se libérant d’une vision trop idéalisée. Portraits au bain, études de femmes s’habillant, c’est par le nu qu’il innove et fait évoluer son style, à travers le dessin, la sculpture, la peinture ou l’estampe : « Il faut refaire dix fois, cent fois le même sujet », avait-il coutume de dire. Parmi les 170 œuvres exposées à Orsay, une série de monotypes (technique qui consiste à dessiner à même une

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plaque de zinc enduite d’encre, avant de la passer sous presse), datant des années 1870, représente des scènes de maisons closes. Degas y triture la matière comme s’il cherchait à retrouver le grain de la peau, à l’aide de brosses, chiffons et pointes, dans un clair-­obscur passionné. Naturalistes, d’une grande modernité, ces œuvres n’ont jamais été exposées de son vivant. Leur charge sensuelle aurait indisposé le regard d’une société encore trop conformiste, scandalisée quelques années plus tôt par Le Déjeuner sur l’herbe d’Édouard Manet. Degas n’avait sans doute pas le goût du risque et préféra garder dans l’intimité ses belles prostituées, à peine drapées d’une fine serviette. Le peintre et sculpteur passa à la postérité pour ses danseuses, plus respectables et plus habillées. Pourtant, l’œil s’agacerait presque, aujourd’hui, face à ces ballerines trop gracieuses, leur préférant la force conceptuelle des corps dénudés avec lesquels Degas plongea dans la modernité, influençant profondément les œuvres d’artistes tels que Pierre Bonnard ou Pablo Picasso. ♦


© Joel-Peter Witkin

Fétichiste de Nègre de Joel-Peter Witkin, 1991

L’AGENDA

_Par É.B. et L.C.-L.

London Pictures Gilbert & George, ce sont un peu les Laurel et Hardy de l’art contemporain, les Bill Plympton des galeries internationales, connus pour leurs détournements du drapeau britannique et leur sens compétitif de l’absurde. On attend leurs London Pictures avec une curiosité non dissimulée. Du 14 avril au 26 mai à la galerie Thaddaeus Ropac, 7 rue Debelleyme, 750 03 Paris, w w w.ropac.net

Joel-Peter Witkin, enfer ou ciel Les photographies du septuagénaire américain sont le fruit de longues heures de pose où les modèles, pour la plupart difformes, livrent leurs corps nus et se plient au détournement des codes classiques. Les estampes de Picasso ou Goya, choisies par l’artiste pour faire face à ses œuvres, renforcent l’intensité du parcours. Jusqu’au 1 er juillet à la BNF, 5 rue Vivienne, 750 02 Paris, w w w.bnf.fr

Radio, ouvrez grand vos oreilles ! Chronologique et thématique, le parcours retrace la genèse du média, s’attarde de façon limpide sur ses bouleversements, s’interroge sur la liberté de ton d’une station à l’autre, questionne subtilement la limite entre culture et divertissement... Et file même le bourdon des feuilletons radiophoniques. Jusqu’au 2 septembre au musée des Ar ts et Métiers, 60 rue Réaumur, 750 03 Paris, w w w.ar ts-et-metiers.net

Ciné-Archives Aux 7000 films accessibles à tout moment dans la salle des collections, le Forum des Images ajoute un nouveau catalogue d’archives relatif au parti communiste français et aux 90 ans d’histoire du mouvement ouvrier et démocratique. Pour se pencher sur un patrimoine historique et militant méconnu. Forum des Images, 2 rue du cinéma 750 01 Paris, w w w.forumdesimages.fr

Le Crépuscule des pharaons Comment transcender la vision que l’on a des déboires politiques de l’Égypte tardive (après Ramsès et jusqu’à Cléopâtre), envahie et sur le déclin ? En exposant la richesse d’une création artistique produite malgré le marasme : médaillons, statues, sarcophages, masques exhumés de temples et de tombes. Jusqu’au 23 juillet au musée Jacquemar t-André, 158 boulevard Haussmann, 750 08 Paris, w w w.musee-jacquemar t-andre.com

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© Ilmari Kalkkinen/Mamco, Genève

SORTIES EN VILLE EXPOS

Le Plot (IFP) d’Information Fiction Publicité, 1985

ŒUVRE DURABLE a r t con t empor a in Le Théâtron des nuages d’Information Fiction Publicité, jusqu’au 3 juin au Mac/ Val, à Vitr y-sur-Seine, w w w.macval.fr

Collectif inclassable dissout en 1994, Information Fiction Publicité a développé un art marqué par son époque, tout en étant durable. Jusqu’au 3 juin, le Mac/Val présente une rétrospective aussi singulière que les œuvres qu’elle remet en lumière. _Par Anne-Lou Vicente

« L’art est une affaire d’information, de fiction et de publicité », affirment Jean-François Brun et Dominique Pasqualini, deux des trois fondateurs, en 1984, du collectif Information Fiction Publicité, plus connu sous l’acronyme logotypé IFP – le troisième homme, Philippe Thomas, quitte le groupe dès 1985. Dans cette « agence de l’art » viennent délibérément se fondre les identités de ses géniteurs. Information, fiction et publicité : ce pourrait être aussi un résumé en trois mots de ce que propose alors le médium qui en diffuse le plus les images – en pleine ascension de la société du spectacle –, à savoir la télévision. Si l’art d’IFP a pu être perçu comme une critique 98

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en règle de l’univers des médias, c’est davantage la sphère publique qu’il a voulu sonder, voire défigurer, notamment à travers une série d’actions prenant diverses formes, de la conférence à la vente de livres, en ­passant par le défilé de mode ou des inserts dans des revues et catalogues. Intitulée Le Théâtron des nuages, l’exposition du Mac/ Val présente une trentaine d’œuvres au sein d’un dispositif aussi monumental que symbolique, formé d’un échafaudage circulaire accessible par quatre « chemins ». En son centre flotte un ensemble de caissons ovales et lumineux, reprenant ainsi l’un des motifs fétiches d’IFP : un ciel bleu parsemé d’immuables nuages. Sur les parois extérieures de la structure, on retrouve d’autres éléments emblématiques de l’art d’IFP : les strapontins, les images « génériques », les paravents sur roulettes ou encore les plots en ciment. Sur ces derniers tourne une plaque de tôle donnant à lire, en boucle, les mots « Information Fiction Publicité »… Comme une ritournelle qui, définitivement, ne semble pas près de s’éteindre. ♦


© Marc Domage

LE CABINET DE CURIOSITÉS

Untitled de Jason Rhoades, détail, 2004

Néon libéral Si vous voulez en voir de toutes les couleurs, n’hésitez plus : l’exposition Néon, Who’s afraid of red, yellow and blue ? est faite pour vous ! Le commissaire David Rosenberg nous en met plein les yeux, en déployant un large aperçu des multiples manières dont les artistes ont utilisé et détourné l’éclairage au néon, dont l’invention remonte à 1912. Inévitablement associé à la publicité et à l’espace urbain, le néon est devenu un médium incontournable dans l’art contemporain, qu’il soit employé à des fins graphiques (de l’écriture au dessin), sculpturales et/ou perceptuelles, par Dan Flavin, François Morellet, Piotr Kowalski ou encore John Armleder, Claire Fontaine ou Sarkis. _A.-L.V. Néon, Who’s afraid of red, yellow and blue ?, jusqu’au 20 mai à la Maison rouge, w w w.lamaisonrouge.org

© Fred Jagueneau

L’ŒIL DE…

Fred Jagueneau, photographe « J’ai rencontré Nan Goldin à l’occasion de l’exposition Les Visages et les Corps, qui se tenait au Louvre l’année dernière. Pendant neuf mois, je l’ai aidée sur la réalisation de la série Scopophilia. Nous nous sommes très vite entendus et prenions un plaisir immense à nous promener tous les deux dans les salles vides du musée, les mardis, puis à confronter nos moissons d’images. En plus des photographies des œuvres faites sur place, nous avons puisé dans ses archives des milliers d’images inconnues, pour en faire une sélection drastique. Nan m’a ensuite demandé de lui montrer mon travail personnel, c’est là qu’elle m’a proposé de monter une exposition de mes photographies, dont elle serait la commissaire. » _Propos recueillis par L.C.-L. Dreaming of Zerzura, photographies de Fred Jagueneau sélectionnées par Nan Goldin, du 25 avril au 15 mai à la galerie Nikki Diana Marquardt, www.galerienikkidianamarquardt.com


© Olivier Ainouz

SORTIES EN VILLE SPECTACLES

LES MUPPETS CHAUDS Comédie music a l e Avenue Q jusqu’au 27 mai à Bobino, w w w.avenueq.fr

Ainsi font, font, font… les nouveaux laisséspour-compte du rêve américain. La comédie musicale parodique Avenue Q, enfin à l’affiche à Paris, mise sur les marionnettes pour chroniquer ­l’Amérique du XXIe siècle. Ambiance sexe, crise et rock’n’roll réussie. _Par Ève Beauvallet

Les personnages de winners, les sourires Aquafresh et les émotions sucrées des comédies musicales vous terrifient ? Vous avez donc beaucoup en commun avec les créateurs d’Avenue Q, une comédie musicale américaine certes – devenue un classique de Broadway –, mais résolument parodique, puisqu’elle détourne une émission éducative pour les enfants, très populaire aux États-Unis, Sesame Street. Soit un show exubérant, adapté par Bruno Gaccio (le parrain des Guignols de l’info), où les personnages sont en mousse, manipulés à vue par des acteurs-chanteurs d’une virtuosité rare. Aussi « trognons » qu’elles soient, les marionnettes d’Avenue Q parlent de sexe, d’argent 100

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et de multiculturalisme sans trop de détours, pour offrir in fine une peinture sociale de bonne tenue sur ­l’Amérique contemporaine. Habiter sur l’avenue Q, c’est un peu comme résider avenue Henri-Barbusse à Drancy, nettement moins blingbling que le boulevard Saint-Germain, certes, mais les voisins ont parfois plus de gueule. Le show met donc en scène un voisinage de galériens hauts en couleur : le monstre velu Trekkie Monster, sex addict qui a fait carrière dans le porno sur le Net ; Willy, enfant star oublié de la série Arnold et Willy ; Rod, homosexuel refoulé qui peine à faire son coming out… Tous entonnent des chansons sur des thématiques bien connues, Hier semble mieux qu’aujourd’hui ou Internet, c’est pour le cul. Le point fort, c’est que Gaccio n’a justement pas cherché à adapter la comédie à Drancy ou à Sarcelles, préservant donc l’essentiel de la version américaine. Et en dépit d’un moralisme un peu insistant en deuxième partie – la rédemption, la réconciliation dans l’adversité et tutti quanti –, Avenue Q est l’une des chroniques de mœurs les plus décalées et réjouissantes qui soit. ♦


© Shilpa Gupta

Nixon in China, jusqu’au 18 avril au théâtre du Châtelet

L’AGENDA _Par È.B.

Nixon in China De façon péjorative, le monde de l’opéra appelle cela le « CNN opéra ». À savoir, ces œuvres lyriques, essentiellement américaines, qui s’emparent de grands sujets politiques, plutôt que des mythes éternels. John Adams en a fait sa signature dès Nixon in China (1987), un opéra en trois actes basé sur la visite en Chine du président américain en 1972. Du 10 au 18 avril au théâtre du Châtelet, www.chatelet-theatre.com

Duo d’Eden

Duo d’Eden, duo culte signé par la chorégraphe Maguy Marin à l’orée des années 1980, rejoue la scène du premier matin du monde, dans un tournoiement incessant et une fusion absolue. Le Ballet de Lorraine reprend cette œuvre incontournable, dans une soirée hommage à la chorégraphe française et à William Forsythe. Du 11 au 14 avril au centre national de la Danse, à Pantin, www.cnd.fr

Christophe Alévêque est Super Rebelle… et candidat libre ! Le personnage de Super Rebelle, les happenings devant le Fouquet’s depuis 2007, la fausse candidature à l’élection présidentielle… L’humoriste Christophe Alévêque n’a pas toujours le talent de Coluche, mais il en a souvent le cran. Les curieux l’entendront réagir aux deux tours de la présidentielle. Du 11 avril au 6 mai au théâtre du Rond-Point, w w w.theatredurondpoint.fr

Hans Was Heiri Néo-prestidigitateurs, dignes héritiers du legs Tati, Keaton and Co., les circassiens Zimmerman et de Perrot tripent autour du dédoublement dans une nouvelle farce muette. Pas de noir et blanc, mais du burlesque bien d’aujourd’hui. Du 11 au 15 avril au théâtre de la Ville, www.theatredelaville-paris.com

The Suit Pilier d’une génération de metteurs en scène et d’acteurs, le grand Peter Brook revient aux Bouffes du Nord, le théâtre qu’il a fondé, pour reprendre The Suit, de l’auteur sud-africain Can Themba. Une pièce musicale sur fond d’apartheid, qui a triomphé aux quatre coins du monde. Jusqu’au 5 mai au théâtre des Bouf fes du Nord, w w w.bouf fesdunord.com

Feu Grand gourou des talons vertigineux, fétichiste de la cheville, Christian Louboutin signe des modèles spéciaux de chaussures et quatre nouveaux tableaux pour le show du Crazy Horse. Un hymne aux gambettes qui donne un bon coup de hype au mythique cabaret. Jusqu’au 31 mai au Crazy Horse, w w w.lecrazyhorseparis.com

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© Ulli Weiss

SORTIES EN VILLE SPECTACLES

1980 – Une pièce de Pina Bausch

ROCK AROUND THE BUNKER THE ÂT R E 19 8 0 – Une pièce de Pina Bausch de Pina Bausch, du 20 avril au 4 mai au théâtre de la Ville w w w.theatredelaville-paris.com

Chronique de la séduction ordinaire, 1980 – Une pièce de Pina Bausch est une des œuvres les plus radicales de la chorégraphe allemande, disparue en 2009. Un véritable traité d’humour noir de près de quatre heures, entre cabaret, cour de récréation et boîte de Prozac. _Par Ève Beauvallet

C’est comme si Pina Bausch avait piqué l’idée de Rock Around the Bunker à Serge Gainsbourg, tant ce titre sied à la chorégraphe comme la pantoufle à Cendrillon. Non pas qu’elle dépeigne ici Eva Braun et les puissants de l’Allemagne nazie – l’histoire nationale reste, chez elle, à l’état de subconscient –, non, ce titre lui va bien, car elle est sans doute l’artiste qui a transposé avec le plus d’élégance l’atmosphère des cabarets et les effluves rétro du vestiaire des années 1940. Mais, surtout, car comme la chanson de Gainsbourg, la majorité des pièces de Pina Bausch se positionne entre insouciance des éclats de rire, charge ironique et angoisse de la catastrophe. 102

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Chorégraphe incontournable du XXe siècle, elle a eu l’art de dépeindre les traumatismes de son temps sous l’énergie primesautière d’un jeu d’enfant. 1980 – Une pièce de Pina Bausch en est sans doute la démonstration la plus radicale, puisqu’elle tisse un joli canevas entre jeux enfantins, jeux de séduction et jeux sociaux. Sur scène, d’hilarants speed dating, plus proches des exercices militaires que du marivaudage, des baisers au rouge à lèvres qui se multiplient jusqu’à l’angoisse sur le visage impassible de l’être aimé… 1980… se présente comme une carte du tendre, éparpillée en courtes saynètes sur les habitus corporels, les conventions sociales et la somme de masques qui nous empêchent de communiquer. Créée en 1980, suite à la disparition de son compagnon et scénographe Rolf Borzik, la pièce fait doublement date dans le corpus de Pina Bausch : œuvre du deuil, elle prend aussi définitivement et irrévocablement ses distances avec toute notion de narration théâtrale et de codification du ballet. Une désinvolture presque rock, qui a fait d’elle le pilier de la culture allemande. ♦


© Jean-Luc Beaujault

LE SPECTACLE VIVANT NON IDENTIFIÉ

Bon vent Avant elle, on n’avait pas bien compris l’intérêt de consacrer un spectacle entier à la jonglerie. Et puis, on a vu Phia Ménard manipuler des blocs et des balles de glace dans P.P.P. (Position Parallèle au Plancher). Cette entreprise de domestication de la matière (à noter que Phia est née Philippe Ménard) a heureusement des suites, qui s’intitulent Vortex et L’Après-Midi d’un Foehn : plus de glaçons, mais des sacs plastiques et des rafales de vent produites par une arène de ventilateurs. Ce ballet aérien sans danseur, loin de s’adresser aux petites sections de maternelles, nous rappelle à quel point le low tech fait son retour chez les artistes, toutes disciplines confondues. On peut ranger les lunettes 3D. _È.B. Vortex et L’Après-midi d’un Foehn, de Phia Ménard, du 12 au 22 avril au parc de la Villette, dans le cadre du festival Hautes Tensions, www.villette.com

DR

l’invité surprise

Cate Blanchett au théâtre de la Ville Il y a un monde entre la reine des elfes Galadriel dans Le Seigneur des anneaux et le personnage qui l’amène aujourd’hui au théâtre de la Ville. La sérénissime Cate Blanchett, qui codirige la Sydney Theatre Company avec son mari Andrew Lipton, fascine par sa façon de sautiller – avec une souplesse de biche – de superproductions hollywoodiennes en projets arty. Elle est la Lotte de Big and Small du dramaturge allemand Botho Strauss – un personnage féminin culte dans le théâtre contemporain, qu’elle décrit au Figaro Madame comme « une femme ouverte et optimiste, alors qu’elle est abandonnée de tous, que le monde entier la rejette ». _E.B. Big and Small de Botho Strauss, jusqu’au 8 avril au théâtre de la Ville, ww.theatredelaville-paris.com

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© Bruno Verjus

SORTIES EN VILLE RESTOS

Akihiro Horikoshi, chef du restaurant La Table d’Aki

Aki de conscience LE CHEF La Table d’Aki, 49, rue Vaneau, 750 07 Paris Tél : 01 45 44 43 48

Dans le VIIe arrondissement de Paris, le restaurant La Table d’Aki habite la rue Vaneau comme le haïku la poésie. En forme de U sur la porte, le poussoir gainé de cuir fleuri, aux tonalités de sang de bœuf, caresse la main de celui qui pénètre les lieux. Un « détail » important pour le chef, Akihiro Horikoshi. La promesse d’une cuisine élégante et résolument sensuelle pour les clients. Par Bruno Verjus (www.foodintelligence.blogspot.com)

Du restaurant triplement étoilé L’Ambroisie où il a ­travaillé vingt ans, Akihiro Horikoshi a retenu la science des produits et le secret des cuissons, tels qu’enseignés par le chef et maître Bernard Pacaud : « Il n’existe nulle part ailleurs une telle exigence dans la cuisine. » Sentiment partagé. Aki vient tout juste de s’installer dans un micro-restaurant, de la taille d’une boite de bento : La Table d’Aki. Dix-huit couverts pour une cuisine directe le midi et sur 104

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mesure le soir. Les tables, semées délicatement le long des murs, s’éclairent de diodes à fil suspensoir, et mènent à une cuisine ouverte sur la salle. Homme-orchestre, Aki cuisine et sert chaque table : maîtrise, maintien et rigueur au service d’une grande sensibilité. De la fraîcheur et de la netteté, il y a tout cela chez Akihiro Horikoshi. Comment ne pas tomber en amour avec ces raviolis de langoustines, proposés en entrée à 12 euros ? Une chair de soie, glacée comme un marron, bercée d’un jus corsé de carapaces de langoustines. C’est l’ultime du ravioli, un chant pour le palais, avec une tessiture à vous donner le frisson, tant les notes de ce plat sont justes et denses. De quoi faire pâlir la plupart des restaurants trois-étoiles. D’autant que le chef propose aussi des rillettes de poisson blanc, joliment relevées d’huile d’olive et de moutarde à l’ancienne, un cabillaud au beurre blanc, réveillé de choux rouge acidulé, de la joue de bœuf braisée, longuement cuite au vin rouge et escortée d’une purée de céleri fondante sa pâmer ! Une petite table par la taille devenue grande par Aki. ♦


© Archives Alinari, Florence, Dist. Service presse Rmn Grand Palais Maura Maglian

Où manger après…

L’exposition Cima Da Conegliano Comme un décor de cinéma, la rue Sainte-Marthe déroule ses échoppes aux saveurs et coloris de bonbons acidulés. La Tête dans les olives de Cédric Casanova, plantée au numéro 2, échappe à la règle, avec ses tons de terre brûlée. En journée, ce coin de Sicile embaume des cédrats de Capaci, des olives et des huile d’olives de Gerarcia, du fenouil de Sambuca, de la sarriette de Corléone... Le soir, la grande table se dresse et quelques convives dînent sous le feu des produits qui peuplent la tête de Cédric Casanova. Cet artiste fildefériste, ancien du Cirque du Soleil, offre le meilleur de sa terre natale en une succession de mets délicats, comme les carottes mentholées à la ricotta salata ou le buccholi à la ventrèche de thon du capitaine Cangemi. _B.V. La Tête dans les olives, 2 rue Sainte-Mar the 75010 Paris. Tél : 09 51 31 33 34. w w w.latetedanslesolives.com Cima Da Conegliano, jusqu’au 15 juillet au musée du Luxembourg. w w w.museeduluxembourg.fr

© Pandora Films slash Marc Comes

la Recette

Le poisson en croûte façon L’Amour et rien d’autre Fêtant leur départ pour Marseille, Paul et Martha cuisinent à leurs amis un poisson en croûte de sel. Rien de plus simple : fourrez une dorade d’herbes aromatiques, recouvrez-la d’un centimètre de gros sel humecté et enfournez à 220 °C. La suite est moins évidente : pour casser la croûte, Paul est contraint d’y aller au pieu et au marteau. Quelques jours plus tard, il se suicide ; Martha découvre alors le passé d’un tout autre homme. Seul moyen de survivre, lui trouver un remplaçant à son image (ce sera Alexander), lui faire préparer la même recette… et lui apporter le pieu et le marteau. En espérant que le poisson, cette fois, ne soit pas de mauvais augure. _I.P.-F. L’Amour et rien d’autre de Jan Schomburg, or tie le 18 avril


SORTIES EN SALLES CINÉMA

L’AGENDA

© Metropolitan FilmExport

_Par C.G., Q.G., I.P-F., J.R., É.R. et L.T.

Lily Collins dans Blanche-Neige de Tarsem Singh, en salles le 11 avril

04/04 Le Fils de l’autre

La Nuit Nomade

En Israël, dans un hôpital d’Haïfa, naissent deux bébés dont les couffins sont intervertis. Voilà les prémices dramatiques du nouvel opus de Lorraine Lévy (sœur de Marc), qui suit la rencontre des deux enfants, devenus ados, tiraillés entre leurs familles respectives.

Dans les paysages somptueux des hauts plateaux himalayens, l’ethnologue Marianne Chaud filme le quotidien des derniers nomades qui résistent encore à l’appel de la ville. Ici, nul jugement, ni critique sous-jacente de l’Occident, simplement une chaleureuse rencontre.

Sur la piste du Marsupilami

Pour lui

Après s’être attaqué aux petits moustachus à potion magique, le réalisateur de Mission Cléopâtre avance dans la jungle de Palombie, en quête du plus formidable animal de la bande dessinée. Le défi de donner à la bête un look photoréaliste est relevé.

Frank, la quarantaine, apprend soudain qu’il est atteint d’une tumeur au cerveau. Avec sa famille, il tente de continuer à vivre malgré cette terrible nouvelle. Dans ce film pudique sur la maladie, Andreas Dresen évite tout voyeurisme.

de Lorraine Lev y Avec Emmanuelle Devos, Jules Sitruk… Haut et cour t, France, 1h45

d’Alain Chabat Avec Jamel Debbouze, Alain Chabat Pathé Distribution, France, 1h45

de Marianne Chaud Documentaire Zed, France, 1h25

d’Andreas Dresen Avec Stef fi Kühner t, Milan Peschel… Sophie Dulac Distribution, Allemagne/France, 1h50

11/04 Blanche-Neige

Je suis

Premier des deux Blanche-Neige de l’année, cette adaptation bigarrée revisite le conte des frères Grimm, avec un sosie d’Audrey Hepburn (Lily Collins, fille de Phil), Julia Roberts, en marâtre obsédée par ses rides, et Armie Hammer, en prince charmant aux dents blanches.

Portrait de patients sur la longue route de la redécouverte de leur corps et de ses facultés, après un accident vasculaire cérébral. Ce regard documentaire est centré sur l’effort quotidien de la rééducation, pour mieux cerner le courage qu’elle réclame.

Plan de table

Radiostars

Un plan de table ruiné par les ébats trop précoces des deux futurs mariés, voilà le point de départ de cette gentille comédie chorale, façon Quatre Mariages et un enterrement. Mention spéciale à Audrey Lamy, en célibataire étourdie.

Ben rencontre Alex, Cyril et Arnold, les animateurs du Breakfast Club, une émission matinale de la radio Blast FM, dont les audiences sont en chute libre. Ensemble, ils parcourent les routes de France à la reconquête du public.

de Tarsem Singh Avec Julia Rober ts, Lily Collins… Metropolitan FilmExpor t, États-Unis, 1h45

de Christelle Raynal Avec Elsa Zylberstein, Franck Dubosc… ARP Sélection, France, 1h24

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avril 2012

de Emmanuel Finkiel Documentaire Les Films du Poisson, France, 1h36

de Romain Lev y Avec Manu Payet, Clovis Cornillac… Mars Distribution, France, 1h40


ET SURTOUT… 4/04

Á MOI SEULE (lire p. 110) LE JUIF QUI NÉGOCIA AVEC LES NAZIS (lire p. 112) LOW LIFE (lire p.11) MY WEEK WITH MARILYN (lire p. 26 et p.74) RÉUSSIR SA VIE (lire p. 16) TITANIC 3D (lire p. 54)

11/04

À PAS DE LOUPS (lire p. 76) I WISH (lire p. 114) NANA (lire p. 22) TWIXT (lire p. 46)

18/04 Nouveau départ (lire p.31) L’ENFANT D’EN HAUT (lire p. 116)

25/04

AVENGERS (lire p. 74) NINO, UNE ADOLESCENCE IMAGINAIRE de Nino Ferrer (lire p. 18) LES VIEUX CHATS (lire p. 118) querelles (lire p.124)

2/05

AMERICAN PIE 4 (lire p. 12) BARBARA (lire p. 123) MARGIN CALL (lire p. 120) WALK AWAY RENÉE (lire p. 122)

18/04 Les Fraises des bois

de Dominique Choisy Avec Juliet te Damiens, Julien Lamber t… Contre-Allée Distribution, France, 1h48

Juliette, fille de riches propriétaires terriens, est une ado perturbée. Un jour, elle commet le pire. C’est à ce moment-là qu’elle croise le chemin de Gabriel, précaire et malheureux. Un film sur une étrange amitié, à la douceur vénéneuse.

L’AMOUR ET RIEN D’AUTRE

de Jan Schomburg Avec Sandra Hüller, Georg Friedrich… Sophie Dulac Distribution, Allemagne, 1h28

Portrait d’une femme trahie qui découvre que le brillant docteur en médecine qu’elle a épousé n’était en réalité qu’un mythomane. Le premier film de Jan Schomburg accroche surtout par le jeu sensible de son actrice principale, Sandra Hüller.

Lock Out

de James Mather et Stephen St. Leger Avec Guy Pearce, Maggie Grace… EuropaCorp Distribution, France, 1h36

Dans une station carcérale en orbite au fin fond de l’espace, 500 détenus plus que dangereux sont plongés dans un sommeil forcé. La fille du président des É ­ tats-Unis débarque en visite officielle… et tout ce petit monde se réveille.

ROCK’N’LOVE

de David MacKenzie Avec Luke Treadaway, Natalia Tena… Wild Bunch Distribution, Grande-Bretagne, 1h20

Le réalisateur de My Name is Hallam Foe signe une comédie romantique survoltée, histoire d’amour entre une star du rock et une chanteuse grunge, au cœur du festival de musique écossais T in the Park.

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SORTIES EN SALLES CINÉMA

L’AGENDA

© DistriB Films

_Par C.G., Q.G., I.P-F., J.R., É.R. et L.T.

Peter Mullan dans Tyrannosaur de Paddy Considine, en salles le 25 avril

25/04 Avé

TUE-MOI

Kamen fait du stop, direction le nord de la Bulgarie. Il rencontre la jeune Avé, fugueuse et menteuse, qui décide de le suivre partout. Sélectionné à la Semaine de la critique, ce road-trip adolescent reste un peu trop fidèle à ses modèles (Gus Van Sant, Jim Jarmusch…).

Une ado malheureuse croise le chemin d’un tueur en cavale et lui propose un marché : elle l’aidera à fuir s’il lui promet de la jeter du haut d’une falaise. Débute alors pour eux un voyage à pied jusqu’à Marseille et, en chemin, une sorte d’amitié.

Les Vacances de Ducobu

TYRANNOSAUR

Pour ce deuxième épisode des aventures de Ducobu, le roi de la triche déchante à cause des vacances imposées par ses parents. Au programme, visites de musées et réveils très matinaux. Jusqu’à ce qu’il découvre l’existence d’un trésor perdu…

Remarqué à Sundance et primé à Dinard, ce premier film très maîtrisé réunit les figures archétypales de la misère humaine. Dans un quartier populaire de Glasgow, une femme battue et dévote rencontre un ivrogne veuf et écorché, campé par le génial Peter Mullan.

Babycall

CHERCHER LE GARÇON

Après avoir été violentée par son ex-mari, Anna s’installe avec son fils dans un nouvel appartement. Elle achète un babycall pour s’assurer de la sécurité de son enfant, mais entend des cris inquiétants. Un thriller dans la lignée de Sixième Sens.

Trentenaire guillerette, Émilie s’inscrit sur le site de rencontre Meet Me et voit bientôt défiler tout l’éventail du genre masculin, du poète transi au fétichiste crade. Le film décline le romantisme sur un mode ludique, dans le décor bleu azur de la cité phocéenne.

Miss Bala

La Cabane dans les bois

Une reine de beauté mexicaine est prise dans les cartels de la drogue. Gerardo Naranjo, qui pourrait bientôt tourner avec Michael Fassbender, s’est fait remarquer à Cannes, l’an dernier, pour ce portrait contrasté d’une jeunesse écrasée par la violence des gangs.

Joss Whedon a encore frappé : alors qu’il vient de signer la réalisation du nouveau Avengers, il produit ce slasher movie porté par Drew Goddard, le scénariste de Cloverfield. On y retrouve un autre habitué des films de super héros, Chris Hemsworth (Thor).

de Konstantin Bojanov Avec Anjela Nedyalkova, Ovanes Torosyan… Le Pacte, Bulgarie, 1h26

de Philippe de Chauveron Avec Elie Semoun, François Viet te… UGC Distribution, France

de Émily Atef Avec Maria-Victoria Dragus, Roeland Wiesnekker… Les Films du Losange, Allemagne, 1h31

de Paddy Considine Avec Peter Mullan, Olivia Colman… DistriB Films, Grande-Bretagne, 1h32

02/05 de Pal Sletaune Avec Noomi Rapace, Kristof fer Joner… Jour2fête, Nor vège, 1h36

de Gerardo Naranjo Avec Stephanie Sigman, Noe Hernandez… Ad Vitam, Mexique, 1h53

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de Dorothée Sebbagh Avec Sophie Cat tani, Moussa Maaskri… Shellac Distribution, France, 1h10

de Drew Goddard Avec Chris Hemswor th, Jesse Williams… Metropolitan Filmexpor t, USA , 1h45


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© Les Films Hatari

02/05

25/04

18/04

11/04

04/04

SORTIES EN SALLES CINÉMA

FACE À FACE à moi seule de Frédéric Videau Avec : Agathe Bonitzer, Reda Kateb… Distribution : Pyramide Distribution Durée : 1h31 Sor tie : 4 avril

À moi seule, troisième long métrage de FRÉDÉRIC VIDEAU, présenté en compétition au dernier Festival de Berlin, est un drame nerveux sur la solitude et l’enfermement. Un coup de maître.

_Par Donald James

À moi seule est un modèle de huis clos anxiogène. Le scénario repose sur un fait divers, variation sur l’histoire de l’Autrichienne Natascha Kampusch : un homme enlève une enfant et la séquestre pendant plusieurs années. Mais Frédéric Videau

(Variété française, 2003) prévient : « Je sais d’où vient le film, je ne le dissimule pas, mais je ne raconte pas l’histoire de Natascha Kampusch. » Le réalisateur choisit de désamorcer tout suspense en annonçant la libération de la victime dès l’ouverture. Il déplace ainsi l’attention sur la relation entre le ravisseur et la captive, qu’il entreprend de décrire à travers des flash-back, sans jugement ni manipulation. De l’humain, seulement de l’humain, qu’il cadre sans chichi. Vincent (Reda Kateb, d’une justesse remarquable), geôlier fragile et solitaire, s’est fixé une règle : il ne violente pas la jeune fille, n’en fait pas un objet sexuel. Séquestrée pendant des années dans une cave aménagée, Gaëlle (Agathe Bonitzer, dans son meilleur rôle au cinéma) trouve peu à peu ses

marques et puise dans sa soumission une détermination et une puissance inouïes. Le chassé-croisé des forces en présence ne cesse d’impressionner, d’autant que le résultat de l’affrontement entre Vincent et Gaëlle importe moins que l’ambiguïté de leurs rapports hors norme, où chacun trouve finalement un semblant de stabilité. Au milieu des flash-back tranchent les irruptions du présent de la narration. Libérée, Gaëlle a retrouvé la compagnie des hommes, une psychologue est à son écoute et ses parents, désemparés, lui servent larmes et ­s ourires circonstanciés. Enfin entourée, la jeune fille peine pourtant à voir la lumière : à la confrontation avec Vincent s’est substitué un face-à-face avec elle-même, tout aussi aliénant, mais aux ressorts plus sombres et plus intimes. ♦

3 raisons d’aller voir ce film 1… Pour son point de vue unique sur la paternité, l’amour, la transmission et l’éducation. Un film qui dépasse l’anecdote.

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2… Pour Reda Kateb, gueule cassée révélée chez Jacques Audiard (Un prophète) et Léa Fehner (Qu’un seul tienne et les autres suivront).

3… Pour la première bande originale de Florent Marchet, qui offre un décalage enjoué à un fait divers sordide.


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02/05

25/04

18/04

11/04

04/04

SORTIES EN SALLES CINÉMA

SOMBRE HÉROS LE JUIF QUI NÉGOCIA AVEC LES NAZIS de Gaylen Ross Distribution : Noblesse Oblige Distribution Durée : 2h Sor tie : 4 avril

Avec ce documentaire passionnant sur Rezső Kasztner, Juif hongrois qui réussit à sauver près de 1 700 Juifs en soudoyant des nazis, GAYLEN ROSS nous fait entrer dans les zones grises de l’histoire. _Par Isaure Pisani-Ferry

Héros ou collabo ? Plus de cinquante ans après la mort de Rezső Kasztner, la question fait toujours polémique en Israël. Modeste avocat de Budapest lorsque débute l’occupation nazie, il est, de toute l’histoire de la Shoah, le Juif qui a sauvé le plus grand nombre de

ses coreligionnaires, en organisant leur fuite en train vers la Suisse. Mais il y est parvenu en fréquentant et en soudoyant les nazis. Cette ambivalence morale – action héroïque, moyens viles –, conduit Kasztner devant un tribunal, en 1953, lorsqu’un journaliste l’accuse de collaboration. Quatre ans plus tard, il est assassiné par un Juif palestinien, jeune militant d’extrême droite.

L’Américaine Gaylen Ross, exactrice de George A. Romero (Zombie) devenue productrice et réalisatrice de documentaires, s’est rendue en Israël pour interroger les témoins de l’affaire : les descendants de Kasztner, qui ­s’efforcent de le réhabiliter ; les rescapés de la Shoah, qui se sentent « survivants de deuxième classe » car leur

« sauveur » n’est pas reconnu ; et, pour la première fois, son assassin, Ze’ev Eckstein, qui rencontre la fille de Kasztner devant la caméra. Si la réalisatrice joue parfois trop des effets visuels et des musiques à suspens, son habile montage entre témoignages récents et archives (coupures de presse, photographies) lui permet de déployer des cercles concentriques autour de ce point noir de ­l’histoire : le mystère des motivations de Kasztner, l’impossibilité de l’ériger en héros, l’enjeu de la représentation du passé lors de la création ­d’Israël… La force du ­propos de Gaylen Ross repose sur son universalité. En s’emparant du cas Kasztner, la réalisatrice montre dans toute sa ­complexité comment une nation choisit ses héros, définit ses valeurs, puis assimile son histoire. ♦

3 raisons d’aller voir ce film 1… Pour comprendre comment s’écrit une histoire nationale, autour de figures tutélaires et de valeurs communes.

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2… Pour le tableau de la naissance d’Israël, avec le poids écrasant du passé et la force d’une jeunesse en quête de revanche.

3… Pour le portrait, face caméra, du glacial Ze’ev Eckstein, ancien indic, extrémiste, assassin fier mais repenti de Rezsö Kasztner.


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© Wild Side Films

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SORTIES EN SALLES CINÉMA

PETITS FRÈRES I WISH, NOS VŒUX SECRETS de Hirokazu Kore-eda Avec : Koki Maeda, Ohshirô Maeda… Distribution : Wild Side/Le Pacte Durée : 2h08 Sor tie : 11 avril

Avec I Wish, nos vœux secrets, le Japonais HIROKAZU KORE-EDA signe une comédie douceamère sur la famille et la fraternité, en suivant le parcours de deux enfants séparés après le divorce de leurs parents. Magique. _Par Donald James

Sur l’île de Kyushu, où se déroule tout le film, l’inquiétant volcan Sakurajima nous rappelle que les Japonais vivent sous la menace d’une catastrophe imminente. Après le tournage d’I Wish, le tsunami de mars 2011 ravageait l’archipel. L’œuvre d’Hirokazu Koreeda est souvent hantée par la solitude et la mort : enfants livrés

3 questions à à eux-mêmes dans Nobody Knows, famille réunie autour d’un deuil dans Still Walking. Pourtant, rarement le cinéaste ne s’est fait aussi léger. Sa rencontre avec les frères Koki et Ohshirô Maeda, âgés de 12 et 14 ans, duo loufoque du petit écran nippon, y est pour beaucoup. Deux frères au tempérament bien trempé, l’un habitant chez son père, l’autre vivant chez ses grandsparents avec sa mère, veulent être à nouveau réunis. Ils se donnent rendez-vous clandestinement le jour de l’inauguration d’un TGV. Film buissonnier éclairé par la naïveté de l’enfance, I Wish, nos vœux secrets donne à voir les insoupçonnables miracles du quotidien, pour mieux dire l’écume des jours, nous révéler l’essence du monde. Un train qui passe, le sourire d’un enfant, un repas partagé, un pas de danse… Chez Kore-eda, les dieux sont dans les petites choses. ♦

Hirokazu Kore-eda Vos personnages sont très riches, à la fois simples et complexes. Comment les imaginez-vous ? J’ai cherché à décrire une relation typique entre un frère aîné et un frère cadet. Mais au départ, il faut toujours tailler à la serpe. Le cadet se montre plus joyeux ; l’aîné, lui, est plus réfléchi. Ensuite, en fonction de l’événement qui se produit, je dessine ou décrit leurs réactions. Les personnages existent à travers leurs actions : ranger les choses, nettoyer les cendres. Qu’est-ce qui vous passionne dans le monde de l’enfance ? À l’époque de Still Walking, on me demandait souvent pourquoi j’avais filmé comme ça. J’avais choisi d’adopter le point de vue du passé, du mort sur le présent. Dans I Wish, les enfants portent un regard objectif sur les adultes. Ils incarnent le futur. Était-il important de filmer loin de Tokyo ? C’était très difficile, car je ne connais que Tokyo. Pour ne pas me trouver en porte-à-faux sur cette région et ses habitants, j’ai fait en sorte que les deux enfants découvrent, comme moi, la région.

3 raisons d’aller voir ce film 1… Pour la virtuosité de cette chronique familiale, qui pourrait constituer le premier épisode d’une saga à venir.

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2… Pour le regard romanesque et minimaliste d’un cinéaste préoccupé depuis toujours par le sens des petites choses de la vie.

3… Pour la mise en scène, à hauteur d’enfant, jamais mièvre ni moraliste, mais toujours légère et radieuse. Une leçon de maître.


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02/05

© Diaphana Distribution

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SORTIES EN SALLES CINÉMA

DEUXIÈME ÉTOILE L’ENFANT D’EN HAUT d’Ursula Meier Avec : Léa Seydoux, Kacey Mot tet Klein… Distribution : Diaphana Distribution Durée : 1h37 Sor tie : 18 avril

Ours d’argent au Festival de Berlin, L’Enfant d’en haut, de la Suissesse URSULA MEIER, réunit Léa Seydoux et le jeune Kacey Mottet Klein. Rencontre au sommet, entre chronique familiale et conte moderne. _Par Quentin Grosset

Simon, 12 ans, venge tous ceux qui, enfants, n’avaient pas la chance de skier pendant les vacances de février. Petit voleur des montagnes, il vivote, seul avec sa grande sœur Louise (Léa Seydoux, plus revêche que jamais), dans une plaine industrielle reliée par une télécabine à une station de ski huppée. Là-haut, Simon s’adonne à un trafic de

matériel de ski, qu’il chipe aux touristes pour le revendre à ses amis. Louise, qui enchaîne les petits boulots, accepte sans broncher cet apport financier, de plus en plus dépendante des larcins de Simon.

« Kacey a beaucoup appris d’Olivier Gourmet qui, pour moi, ne joue pas mais incarne. » Déjà repéré en 2008 dans le premier film d’Ursula Meier, Home, puis en petit Gainsbourg aux oreilles décollées chez Joann Sfar, Kacey Mottet Klein interprète Simon avec une impressionnante spontanéité pour son tout jeune âge. Tour à tour petit frère en manque d’amour et adulte responsable, il excelle en brouillant les pistes, au sein d’un foyer familial atypique. « Sur le tournage de Home, je pense qu’il a beaucoup

appris d’Olivier Gourmet qui, pour moi, ne joue pas mais incarne, nous confiait la réalisatrice. Avant L’Enfant d’en haut, Kacey a fait un stage dans un magasin de ski, et on lui a même demandé de voler quelques petites choses dans une grande surface. Il nous expliquait ensuite ce qu’il avait ressenti physiquement : “dans la racine des cheveux”, disait-il. » Comme si les émotions suivaient chez lui le même trajet ascensionnel que celui emprunté quotidiennement par son personnage dans le film. Face à l’apprenti comédien, Léa Seydoux s’est inspirée des performances de ses aînées, Sandrine Bonnaire (dans Sans toit ni loi d’Agnès Varda) et Bulle Ogier (dans La Salamandre d’Alain Tanner) et le physique de l’actrice, atemporel, hisse le film de la simple chronique sociale à des contrées plus oniriques. Simon et Louise occupent, dans la société des hommes, une place difficile

3 raisons d’aller voir ce film 1… Pour Kacey Mottet Klein, jeune acteur prometteur, qui illumine le film par son interprétation naturelle et facétieuse d’un petit voleur.

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2… Pour son univers « vertical », tout aussi réussi que celui, « horizontal », du précédent film d’Ursula Meier, Home.

3… Pour une cinéaste qui rejette l’imagerie idyllique des paysages montagneux, qui envahit habituellement les écrans.


« À Berlin, tout le monde faisait le lien entre mon film et ceux des frères Dardenne, alors que l’intrigue n’est pas réaliste. »

Si les déterminismes ne sont pas l’affaire d’Ursula Meier, une forte disparité de classes s’incarne néanmoins dans la cartographie des lieux. À la manière du conte, le contraste entre l’opulence de la Suisse « d’en haut » et le dépouillement « d’en bas » est d’abord exagéré. Au sommet, les couleurs criardes et le faste des décors installent la station de ski comme un

vase clos, protégé et fantasmagorique – on y croise d’ailleurs l’actrice de X-Files, Gillian Anderson, avec sa longue chevelure blonde. Au pied de la montagne s’étend la plaine, épurée, presque rassurante, baignée d’une lumière bleutée. Après Home, œuvre horizontale qui se déroulait en bordure d’autoroute, Meier a voulu tracer une ligne verticale, qu’elle prend d’ailleurs plaisir à inverser. Si le petit Simon monte chaque jour infiltrer l’élite de la station de sport d’hiver, c’est pour en déjouer les mécanismes, s’approprier ses codes. « En Suisse, en ce moment, il y a une résurgence du “heimatfilm”, des productions nostalgiques exaltant les valeurs du patrimoine, déclare la réalisatrice. La montagne y est montrée comme un lieu grandiose, où le personnage se révèle et atteint sa vérité, ce que je trouve complètement idiot. Moi, mon film commence dans des toilettes : c’est une sorte de pied de nez à ce repli du cinéma suisse. » Qui veut gravir une montagne commence par le bas. ♦

3 questions à

Ursula Meier Comme dans votre premier film, Home, la famille vit quasiment en autarcie. Est-ce un thème qui vous travaille ? Oui, mais c’est très inconscient. Ce sont des gens qui vivent en marge, avec un équilibre un peu étrange, mais cela peut quand même fonctionner. Ils ont d’autres règles de vie, qui nourrissent leur propre utopie. J’aime raconter des histoires où le spectateur se dit : « C’est possible. » Quelle était la relation entre Léa Seydoux et Kacey Mottet Klein lors du tournage ? À la fin, ils s’adoraient. Mais Kacey était inconstant dans sa relation à Léa, car il entretenait un rapport assez conflictuel avec son propre personnage, qui traverse une large palette de sentiments envers sa sœur. Le décor contrasté de la région a-t-il motivé l’écriture du scénario ? Oui, mais également un souvenir. J’ai grandi au pied des montagnes du Jura où on allait souvent faire du ski : j’avais l’âge de Simon et il y avait un petit voleur. Tout le monde faisait attention à lui et, moi, il me fascinait. _Par C.G. et Q.G.

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à définir, et leur histoire reste opaque : viennent-ils d’une famille fauchée ou d’un milieu bourgeois que, révoltés, ils auraient quitté ? La réalisatrice s’explique : « À Berlin, tout le monde faisait le lien entre mon film et ceux des frères Dardenne, alors que l’intrigue n’est pas réaliste. Il aurait été très ­tentant de faire intervenir les flics ou les services sociaux dans le scénario : cela aurait permis de relancer le récit. Mais ce n’était pas le propos. Aujourd’hui, je commence quand même à accepter la tonalité sociale que je récusais au moment du festival. »

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SORTIES EN SALLES CINÉMA

MAMIE GATO LES VIEUX CHATS de Pedro Peirano et Sebastián Silva Avec : Bélgica Castro, Claudia Celedón… Distribution : Memento Films Distribution Durée : 1h29 Sor tie : 25 avril

Dans Les Vieux Chats (Gatos Viejos en V.O.), les Chiliens SEBASTIÁN SILVA et PEDRO PEIRANO filment le quotidien ronronnant d’une nonagénaire, bouleversé par la maladie d’Alzheimer. Portrait, entre quatre murs, d’une forte tête dont la raison s’étiole.

_Par Juliette Reitzer

Les jours s’égrènent lentement pour Isadora et Enrique, deux vieillards qui partagent avec leurs chats un appartement cossu de Santiago du Chili. Mais un matin,

tout commence à dérailler. Isadora (Bélgica Castro, grande actrice du théâtre chilien) se réveille avec un drôle d’air. Elle a oublié d’acheter des croquettes, et l’ascenseur est tombé en panne, la condamnant à une retraite forcée. Visiblement à côté de la plaque, elle omet de couper un robinet et provoque un début d’inondation. Cerise sur le gâteau, son insupportable fille Rosario, lesbienne toxicomane et néo-­ hippie cupide, a décidé de s’inviter pour le goûter… Le nouveau film de Pedro Peirano et Sebastián Silva, respectivement coscénariste et réalisateur du délicieux La Nana (Grand Prix de Sundance en 2010), capture avec brio les réalités de la vieillesse  – l’isolement, la mélancolie, la lourdeur des corps qui fatiguent – en filant la métaphore de

l’enfermement. La panne d’ascenseur transforme le logis douillet en prison, quand les très gros plans enserrent les yeux hagards d’Isadora, de plus en plus cloîtrée à mesure que la maladie accapare son esprit. Heureusement, le film déploie, autour de cette trame dramatique, un humour tendre et attentif, qui repose à la fois sur la lenteur constitutive de son sujet – l’interminable prise de médicaments, le climax atteint lorsqu’Isadora entreprend une périlleuse descente des escaliers – et sur l’ambivalence de son personnage principal. Aussi bougonne que vulnérable, la vieille dame fait montre d’une froide intransigeance lorsque sa fille lui rend visite, avant de s’adoucir, en équilibre sur le fil de sa conscience qui vacille. Moment fragile et précieux, et dernière chance pour elle d’apaiser les conflits du passé. ♦

3 raisons d’aller voir ce film 1… Pour la tension dramatique de la scène où la vieille dame impotente décide de descendre à pieds les escaliers. On retient son souffle.

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2… Pour les deux matous du film, gourmands et bien en chair, qui se faufilent au mépris du danger entre les jambes de leurs vieillards de maîtres.

3… Pour la vigueur du jeune cinéma chilien, après Bonsái de Cristian Jimenez et avant Violeta d’Andrès Wood, primé à Sundance.


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© ARP Sélection

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SORTIES EN SALLES CINÉMA

LE JOUR D’AVANT Margin Call de J. C. Chandor Avec : Kevin Spacey, Zachar y Quinto… Distribution : ARP Sélection Durée : 1h50 Sor tie : 2 mai

J. C. CHANDOR condense les quelques heures précédant le krach financier de 2008 et la crise des subprimes dans Margin Call, haletant huis clos bancaire. _Par Pamela Pianezza

Peter (Zachary Quinto), analyste financier junior, découvre par hasard que la banque d’investissement pour laquelle il travaille achète et vend, depuis des mois, des biens financiers sans valeur. L’établissement tout entier est ruiné, à moins d’élaborer une stratégie miraculeuse avant l’aube

et l’ouverture des premiers marchés. En prévenant Will, son supérieur direct, Peter déclenche parmi sa hiérarchie une réaction en chaîne, qui tisse la trame dramatique du récit : Will alerte son supérieur Sam, qui prend lui-même ses ordres d’un patron juvénile, Jared. On réveille même le big boss, et tous se retrouvent en réunion de la dernière chance. Mais à quoi bon, si le seul à pouvoir les aider est introuvable depuis son licenciement, survenu le jour même ? Contournant l’hystérie maniériste de Oliver Stone dans Wall Street, L’argent ne dort jamais (2010), Margin Call est une tragédie silencieuse. Patiemment, la caméra de Chandor scrute ces criminels aux mains propres, qui se refusent jusqu’au bout à aborder le problème autrement que comme une simple

équation mathématique. Sans égard pour la catastrophe qu’ils vont faire advenir pour quelques milliers de familles américaines – futures victimes de la crise des subprimes –, chaque pion de cet échiquier bancaire affronte un dilemme moral ultra-classique et très égocentrique : saisir l’opportunité de devenir un héros ou sauver lâchement sa peau. Parmi le casting fourni de ce premier film (Kevin Spacey, Paul Bettany, Jeremy Irons, Demi Moore…), l’acteur au physique hors norme Zachary Quinto excelle. Si Hollywood ressasse depuis plus de deux ans la décadence de la finance américaine, le réalisateur J. C. Chandor, lui-même rejeton d’un banquier, la résume brillamment, l’ordonne en une matière intelligible, ajoutant une pierre ciselée au genre particulièrement retors du film de crise. ♦

3 raisons d’aller voir ce film 1… Parce que Zachary Quinto peut aussi jouer Monsieur Tout-le-monde. Ni Vulcain aux oreilles pointues (Star Treck), ni serial killer (Heroes).

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2… Sélectionné à Sundance et à Berlin l’an dernier, ce premier film à petit budget dispense un nécessaire cours de finance en accéléré.

3… Pour ne pas rater l’une des rares apparitions de Demi Moore au cinéma, en executive woman glaciale aux dents longues.


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© UFO Distribution

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SORTIES EN SALLES CINÉMA

CERCLE BIPOLAIRE Walk Away Renée de Jonathan Caouet te Avec : Jonathan Caouette, Zoe Emre Dahan… Distribution : UFO Distribution Durée : 1h30 Sor tie : 2 mai

Filmeur invétéré de sa propre vie, l’Américain JONATHAN CAOUETTE signe avec Walk Away Renée un portrait maternel criard et déglingué. _Par Clémentine Gallot

Les affaires reprennent pour Jonathan Caouette : après son ­autoportrait cathartique, Tarnation – chef d’oeuvre pour les uns, film hideux et narcissique pour les autres –, qui l’avait présenté au monde en 2003, voici Walk Away Renée. Ce nouveau psychodrame est fait du même bois : l’excentrique cinéaste new-yorkais consacre ici un portrait à sa mère, Renée, schizophrène et beauté ­f létrie, affaiblie par des années de traitements psychiatriques. Ce roadmovie hétéroclite suit le transfert

3 questions à de Renée, d’un asile texan à une maison de repos de l’État de New York, pour se rapprocher de son fils installé à Brooklyn. « Si l’on n’est pas entouré de membres de sa famille, on devient facilement un cobaye, c’est l’enfer », raconte le réalisateur. Walk Away Renée tient du patchwork, entre journal intime et film fait maison ; en toute logique, puisque Caouette se filme sans relâche depuis l’enfance, développant une autofiction, dont la longévité s’inscrit en négatif des téléréalités voyeuristes. Le résultat est un objet indéfinissable, mêlant la tournure pop queer d’un John Cameron Mitchell aux envolées f luos psychédéliques de Gregg Araki, d’un mauvais goût revendiqué. À travers le sort de Renée, usée par les électrochocs et les médicaments au lithium, le film retrace une histoire passionnante des effets de la psychiatrie sur une classe moyenne américaine médicalisée à gogo. ♦

Jonathan Caouette Comment définiriez-vous un tel objet cinématographique ? Ce film est comme une matière organique qui évolue sans cesse. Tout le matériau accumulé pourrait même devenir une installation vidéo dans une galerie. Avez-vous décidé de réaliser ce film à cause du drame que vous viviez à la même période ? J’ai accumulé tellement d’heures de rushes que je ne me souviens plus avoir décidé de faire un film. Je voulais tourner, sur la route, avec ma mère. Nous devions traverser le pays ensemble, je trouvais intéressant de la filmer, sans savoir à quoi cela allait aboutir. Votre démarche intimiste s’inscritelle en porte-à-faux des images télévisuelles, parfois voyeuristes ? Le regard que je porte sur ma vie n’a rien à voir avec une forme d’exploitation. C’est tout ce que je connais, et il se trouve que je suis cinéaste, donc c’est ce que je filme.

3 raisons d’aller voir ce film 1… Pour la ballade de The Left Banke, Walk Away Renée, composée en 1966, qui a donné son titre au film et nous dit : « You’re not to blame. »

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2… Pour une scène démente qui présente la secte des Cloudbusters, ardents défenseurs de la quatrième dimension.

3… Parce que ce documentaire atypique et sans le sou a failli ne pas voir le jour, jusqu’au soutien d’agnès b.


SORTIES EN SALLES CINÉMA 040/04 11/04 18/04 02/05

© Pyramide Distribution

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ZONE LIBRE Barbara de Christian Petzold Avec : Nina Hoss, Ronald Zehr feld… Distribution : Pyramide Distribution Durée : 1h45 Sor tie : 2 mai

Prix de la mise en scène à la dernière Berlinale, Barbara de Christian Petzold, se penche avec justesse et loin de tout manichéisme sur les destins mêlés d’une femme et d’une nation. Un souffle de liberté dans la RDA des années 1980. _Par Laura Tuillier

Sur l’affiche de Barbara, l’héroïne est de dos, résolument tournée vers la mer, espace que l’on devine libérateur. « J’aime les gens qui arrivent avec un coffre vide », explique Christian Petzold en guise de présentation. Comme le personnel de l’hôpital d’Allemagne de l’Est où Barbara est nommée, nous l’observons avec curiosité ; elle ne semble

3 questions à pas tenir à ce que l’on perce ses secrets. Si la jeune femme organise avec détermination son évasion vers l’Europe de l’Ouest, elle se rapproche affectivement du médecin chef, André. Troublée dans ses certitudes, Barbara se dévoile. Même soumise au contrôle permanent de l’État communiste, elle trouve à l’Est les ressources nécessaires pour faire des choix, résister et occuper sa vie ­professionnelle et sentimentale. Témoin de cette émancipation : la jeune Stella, patiente ­victime de la dureté de la répression, en qui Barbara reconnaît la rebelle qu’elle veut rester. À mesure que la vie à l’Est se matérialise (couleurs vives, brillant travail sur les sons), l’Ouest apparaît à Barbara comme un repoussoir, comme lorsque son amant lui promet que, là-bas, elle n’aura plus besoin de travailler et pourra s’occuper du foyer. Femme libre en territoire occupé, Barbara choisit son camp. Nous sommes avec elle. ♦

Christian Petzold Vous aviez 20 ans en 1980. Quels sont vos souvenirs de cette période ? Chaque été, nous retournions à l’Est alors que les autres allaient en France et en Espagne. L’Est, c’était spécial : les paysages se poursuivaient pardelà la frontière, la langue restait la même et pourtant tout était différent, comme décalé, cinglé. Notre position d’enfants de l’Ouest nous privilégiait de manière assez malsaine. Barbara a-t-elle un avenir en Allemagne de l’Est ? Je pense que Barbara et André se sont ouvert une porte, qu’ils ont construit du possible. Ce fut un sentiment beau et étrange pour moi que le narrateur abandonne le récit, avec la conscience que les protagonistes eux, allaient poursuivre. Ils sont dans « l’ouvert », dirait Hölderlin. Pourquoi avoir choisi de situer l’action à la campagne, aux marges de la RDA ? C’est intéressant de voir les systèmes se défaire à partir des bords. C’est là que surviennent les premières déchirures, les « cracks ». La mer aussi était importante, car le communisme s’est toujours vu comme une île entourée d’ennemis.

3 raisons d’aller voir ce film 1… Pour retrouver l’actrice fétiche de Christian Petzold, Nina Hoss, qui impose au fil du film son personnage d’héroïne entêtée et libre.

2… Pour un regard subtil et décalé sur l’Allemagne de l’Est des années 1980, loin des clichés des villes industrielles.

3… Pour la magnifique scène de clair de lune au bord de l’eau, lorsque Barbara choisit finalement d’assumer sa vie, ici et maintenant.

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© KMBO

LES ÉVÉNEMENTS DES SALLES

avant première

EN SILENCE Ce mois-ci, MK2 crée le label Révélation, pour mettre en lumière les premiers films d’auteurs à suivre. Après Nana de Valérie Massadian (sortie le 11 avril), l’ambitieux Querelles de Morteza Farshbaf – Lotus d’or au festival Deauville Asia – est la deuxième réalisation sélectionnée. _Par Isaure Pisani-Ferry

Le premier film du jeune réalisateur iranien de 25 ans s’ouvre sur des cris dans le noir et se poursuit dans le silence d’une interminable journée de trajet en voiture. Morteza Farshbaf, ex-collaborateur d’Abbas Kiarostami, rend un bel hommage à son aîné avec ce silencieux huis clos, un road trip – à travers les vertes montagnes d’Iran – d’un couple de sourds-muets, Sharaeh et Kamran, et de leur neveu de 10 ans, Arshia. Le père et la mère de ce dernier ont été tués la veille dans un accident de voiture. Leurs corps ont été emmenés à Téhéran, où son oncle et sa tante le conduisent. Personne ne lui a annoncé la nouvelle mais, assis au fond de la voiture, Arshia observe leurs mains s’agiter devant lui. Le couple exprime, en langage des signes, ses émotions d’abord, puis ses angoisses à l’idée que la garde de l’enfant lui revienne. Pendant que défile la route, l’histoire de Sharaeh et Kamran ressurgit : la réussite matérielle, l’amertume du handicap, les jalousies familiales. Tapi sur la 124

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banquette arrière, Arshia qui, contrairement au spectateur, n’entend rien à ces querelles sous forme de jeux de mains, respire enfin. L’enfant se trouve soulagé par le passage à ce monde du silence, loin du quotidien saturé des disputes de ses parents – si violentes qu’ils en oubliaient son existence. Le scénario, particulièrement habile, s’appuie sur ce jeune personnage bientôt endeuillé, comme ressort dramatique poignant. Passager prisonnier de cette voiture, symbole du temps qui avance inexorablement et qu’il se met en tête d’arrêter pour que Téhéran et l’annonce d’une mort qu’il pressent n’arrivent jamais. ♦ Le 24 avril à 20h

Avant-première de Querelles de Morteza Farshbaf > MK2 Beaubourg Présence du réalisateur sous réserve. Avec : Sharareh Pasha, Kiomars Giti… Distribution : KMBO Durée : 1h25 Sor tie : 25 avril


DR

exposition

Tim Burton À partir du 4 avril, ceux qui viendront voir un film au MK2 Bibliothèque pourront profiter de l’exposition photographique consacrée à Tim Burton que MK2 organise en partenariat avec la Cinémathèque française et les magasins Arteum. Une sélection d’une douzaine de photographies, où éclate le gothisme coloré et farfelu qui fait la patte du célèbre cinéaste, tirées des films les plus prisés par les fans : Batman, Charlie et la chocolaterie, Alice au pays des merveilles, Edward aux mains d’argent, L’Étrange Noël de Monsieur Jack, Ed Wood. Les photographies seront exposées dans le grand hall du sous-sol du MK2 Bibliothèque et sont consultables sur le site www.arteum.com. _I.P.-F. Du 4 au 30 avril au MK 2 Bibliothèque

écoute en salle

Sandra Nkaké Avant chaque séance, un album choisi par la rédaction de Trois Couleurs est diffusé dans les salles MK2. Ce mois-ci, le groove explosif et hybride de Sandra Nkaké, dont l’album Nothing for Granted est disponible depuis le 20 mars dernier, bousculera les spectateurs. Dans un mix électrique entre rock, jazz et soul, la chanteuse offre un souffle épique aux petites scènes de tous les jours, en prêtant sa voix déterminée aux choix existentiels de destins individuels ou collectifs. Avec les chouettes baskets qu’elle porte dans le clip de Like a Buffalo, elle court déjà vers le café de la Danse, qu’elle enchantera le 11 avril prochain. _Q.G. Nothing for Granted de Sandra Nkaké (Harmonia Mundi, déjà disponible)

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LES ÉVÉNEMENTS DES SALLES

court métrage

DIALOGUES IMAGINAIRES Dans Moonlight, son court métrage réalisé pour la créatrice Vanessa Bruno, Stéphanie Di Giusto met en scène la nouvelle collection printemps-été de la styliste française. Avec pour écrin, l’onirisme d’un désert marocain où se perd l’actrice Kate Bosworth. _Par Claude Garcia

Stéphanie Di Giusto, réalisatrice et photographe, parle de « poèmes visuels » pour désigner la demi-douzaine de courts métrages qu’elle a réalisés pour Vanessa Bruno (un par saison). Débutée il y a trois ans avec Lou Doillon en personnage principal, la série a désormais pour muse l’actrice américaine Kate Bosworth (vue récemment dans Another Happy Day). Elliptiques et évocateurs, ces courts métrages subliment la fine beauté ­nordique de l’actrice, perdue dans un monde de sensations et de souvenirs. « Vanessa Bruno me parle de ses inspirations pour sa collection, je me raconte une histoire et, surtout, je construis les images sur la musique qu’elle a choisie pour son défilé », nous explique Stéphanie Di Giusto. Pour la collection printemps-été 2012 – à la fois futuriste et influencée par les années 1960 –, Moonlight alterne les scènes où Bosworth erre dans un paysage rocheux baigné de lumières crépusculaires, et celles – chaleureuses et nostalgiques – d’un après-midi au bord

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de la piscine. Avec, par intermittence, la prouesse technique d’une Kate Bosworth qui marche au plafond… « Kate se perd dans l’espace et le temps. J’avais envie de mêler le futur et le passé, la lune et les souvenirs d’enfance. » L’absence de paroles et une histoire à peine évoquée confèrent une grande importance aux lieux, que Di Giusto a choisi avec soin : « Nous avons tourné les paysages lunaires dans le désert marocain. La scène où Kate marche sur le plafond est réalisée dans un studio : une pièce dans un cylindre qui tourne avec la caméra. Pour les scènes du souvenir, on a filmé dans l’unique hôtel de Ouarzazate, construit dans les années 1970, une sorte d’improbable Palm Springs berbère. » Une manière originale, pour deux créatrices, de se nourrir chacune des inspirations de l’autre et de mettre en valeur un imaginaire commun. ♦ Retrouvez Moonlight de Stéphanie Di Giusto, en salles avant votre film, durant tout le mois d’avril


agenda _Par I.P.F.

Du 28 mars au 29 mai

Cycle Nos animaux politiques > MK2 QUAI DE SEINE

Le samedi et dimanche en matinée, avec Général Idi Amin Dada de B. Schroeder, 1974, une partie de campagne de R. Depardon, Tempête à Washington d’O. Preminger, Douze hommes en colère de S. Lumet, L’Exercice de l’État de P. Schoeller, Un roi à New York de C. Chaplin, Le Promeneur du Champ-de-Mars de R. Guédiguian, Il Divo de Paolo Sorentino, Film Socialisme de J.-L. Godard, Pater d’A. Cavalier. Du 29 mars au 29 avril

Cycle Films noirs > MK2 QUAI DE LOIRE

Le samedi et dimanche en matinée, avec Arsenic et vieilles dentelles de F. Capra, Le Faucon maltais de J. Huston, Le Grand Sommeil de H. Hawks, La Soif du mal d’O. Welles, Les Tueurs de R. Siodmak, Le Coup de l’escalier de R. Wise, Crime passionnel d’O. Preminger. Le 3 avril à 19h

Projection-lecture > MK2 QUAI DE LOIRE

Olivia Rosenthal présente son dernier livre, Ils ne sont pour rien dans mes larmes. Lecture suivie à 20h30 de la projection du film Le Retour d’Andreï Zviaguintsev. Le 4 avril à 10h30

Lectures pour les 3-5 ans > MK2 QUAI DE LOIRE Les crocodiles mangent-ils toujours les enfants ? Tombent-ils parfois amoureux ? (Inscription au 01 44 52 50 70.) Le 7 avril de 16 à 18h

Dédicace > MK2 BIBLIOTHEQUE

David Foenkinos et Soledad Bravi dédicacent leur album jeunesse Le Saule Pleureur de bonne humeur, à la librairie du Store. Le 10 avril à 20h30

Soirée courts métrages > MK2 QUAI DE SEINE

En partenariat avec le magazine Bref, séance de trois courts métrages : Ce qu’il restera de nous de V. Macaigne, Les Meutes de M. Schapira et La Vie parisienne de V. Dietschy. Le 13 avril à 19h

Rencontre > MK2 QUAI DE LOIRE

Rencontre avec le photographe Philippe Robin pour son premier livre, Dubaï Show, et avec l’équipe de la toute jeune maison d’édition qui le publie, Avril Éditions. Le 19 avril à 19h15 et 20H15

Balade-lecture > MK2 QUAI DE LOIRE

Avec les éditions Attila, balade sur le bassin de la Villette et lecture des textes de Bérengère Cournut : Schasslamitt, L’Écorcobaliseur, Palabres. Le 23 avril à 20h30

Rendez-vous des docs > MK2 QUAI DE LOIRE

Federico Rossin, critique et historien du cinéma, présente Nature et Nostalgie de Digna Sinke, sur treize ans de transformations de l’île néerlandaise Tiengemeten. Du 29 avril au 29 mai

Cycle Carl Theodor Dreyer > MK2 QUAI DE LOIRE

Le samedi et dimanche matin et tous les jours pendant les vacances scolaires, diffusion de cinq films du réalisateur danois : Le Maître du logis, Vampyr, Jour de colère, Ordet et Gertrud. www.mk2.com 127


la chronique de dupuy & berberian

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Le carnet de Charlie Poppins

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