CINÉMA I CULTURE I TECHNOLOGIE
NUMÉRO 54 I ÉTÉ 07
Julie Gayet Benjamin Biolay NUMÉRO MUSIQUE ET CINÉMA AVEC JACK BLACK, ASIA ARGENTO, WILL OLDHAM...
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SOMMAIRE # 54 06_ 14_
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Tendances, Ciné fils, Regards Croisés, Scène culte ON VOUS AIME : Julie Gayet / Benjamin Biolay PLEIN ÉCRAN : 4 mois, 3 semaines, 2 jours de Cristian Mungiu Waitress d’Adrienne Shelly Les Fantômes de Goya de Milos Forman Old Joy de Kelly Reichardt LE GUIDE des sorties en salles
CULTURE 44_ 46_ 48_ 50_ 52_ 54_
DVD : 50 ans de rock au cinéma LIVRES : Lectures d’été pour enfants et adultes MUSIQUE : Les disques de comédiens LES BONS PLANS DE ART : Le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris aux Rencontres photographiques d’Arles
TECHNOLOGIE 56_ 58_ 60_ 62_ 64_ 66_
TRIBUNE LIBRE : Les limites de la télé-réalité RÉSEAUX : MySpace : le marketing fait-il le buzz? JEUX VIDÉO : Consoles à tout faire VIDÉO À LA DEMANDE : Libero de K. R. Stuart SHOPPING : High-tech musical et estival SCIENCE-FICTION : Le Seadoo
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CINÉMA
ÉDITO DESTINS CROISÉS Il est timide et réservé. Elle est franche et spontanée. Pourtant, entre Julie Gayet et Benjamin Biolay règne une vraie complicité. Pour ce numéro d’été spécial musique et cinéma, ils nous présentent leur actualité : un nouvel album, Trash yéyé, pour Biolay, le prochain film d’Emmanuel Mouret, Un Baiser s’il vous plait, pour Gayet. Ils nous dévoilent aussi leurs projets respectifs : elle prépare un album tenu secret pour l’instant. Lui sera bientôt à l’affiche du film Sang froid, avec Laura Smet. Deux destins se croisent. Saisissons l’occasion pour redécouvrir en DVD les films marquants de l’histoire du rock ; pour nous plonger dans le genre singulier du «disque de comédien» ; et pour nous interroger sur la valeur réelle du fameux « buzz MySpace », qui a certes révélé les jolies chansons de l’actrice Soko, mais dont la plupart des champions sont marqués du sceau de l’éphémère. Alors, en attendant de découvrir les surprises qu’ils nous réservent à la rentrée, souhaitons à Julie et Benjamin que leurs aventures se poursuivent plus longtemps que le songe d’une nuit d’été. _Elisha KARMITZ
ÉDITEUR MK2 MULTIMÉDIA / 55 RUE TRAVERSIÈRE_75012 PARIS / 01 44 67 30 00 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION > Elisha KARMITZ I RÉDACTEUR EN CHEF > Elisha KARMITZ elisha.karmitz@mk2.com I DIRECTEUR DE LA RÉDACTION > Auréliano TONET aureliano.tonet@mk2.com / troiscouleurs@mk2.com I CONSULTANTE > Florence VALENCOURT florence.valencourt@mk2.com I LE GUIDE > Bertrand ROGER bertrand.roger@mk2.com I SECRÉTAIRE DE RÉDACTION « LE GUIDE » > Caroline LESEUR caroline.leseur@mk2.com I ÉVÉNEMENT > Maud BAYOT maud.bayot@mk2.com I LIVRE > Pascale DULON pascale.dulon@mk2.com I CINÉMA / DVD > Sandrine MARQUES sandrine.marques@mk2.com I MUSIQUE > Auréliano TONET I INTERNET/JEUX VIDÉO / HIGH-TECH > Etienne ROUILLON etienne.rouillon@mk2.com I ART > Anne-Lou VICENTE annelou.vicente@mk2.com I STAGIAIRE > Léo RUIZ leo.ruiz@mk2.com I Ont participé à ce numéro : Yann BERTIN, Christophe CONTE, Thomas CROISY, Antonin DELIMAL, Joachim DEVASSELOT, Florian JARNAC, Jean-Michel FRODON, Rémy KOLPA KOPOUL, Maïa GABILY, Erwan HIGUINEN, Roland JHEAN, Oscar PARENGO, Wilfried PARIS, Sophie QUETTEVILLE, Sundy TASKER, Antoine THIRION I ILLUSTRATIONS > Laurent BLACHIER, Thomas DAPONT, DUPUY-BERBERIAN, Fabrice GUENIER, Arnaud PAGÈS I REMERCIEMENTS > Café de Flore DIRECTRICE ARTISTIQUE > Marion DOREL marion.dorel@mk2.com I IMPRESSION / PHOTOGRAVURE > ACTIS I PHOTOGRAPHIES > Agence VU’, DR I PHOTOGRAPHIE COUVERTURE > Richard SCHROEDER au Café de Flore DIRECTEUR DE LA PUBLICITÉ > Marc LUSTIGMAN / 01 44 67 68 00 marc.lustigman@mk2.com I RESPONSABLE CLIENTÈLE CINÉMA > Vincent OLIVE / 01 44 67 30 13 vincent.olive@mk2.com I CHEF DE PUBLICITÉ > Solal MICENMACHER / 01 44 67 32 60 solal.micenmacher@mk2.com © 2007 trois couleurs // issn 1633-2083 / dépôt légal quatrième trimestre 2006. Toute reproduction, même partielle, de texte, photos et illustrations publiés par MK2 est interdite sans l’accord de l’auteur et de l’éditeur. // TIRAGE : 200 000 EXEMPLAIRES // Magazine gratuit // Ne pas jeter sur la voie publique
Jack Black, le grand jeu
À 38 ans, l’énorme Jack Black explose enfin. Rockeur ahurissant dans le récent Tenacious D, il jouera le premier rôle dans le prochain film de Michel Gondry. Jack Black. Black Jack. Un nom qui claque comme un riff de (black) métal, aux sonorités joueuses, agressives, efficaces. Un nom qui résume plutôt bien le bonhomme : voix élastique, corps exubérant, vulgarité assumée, mimiques drolatiques – ses sourcils sont tout un poème! Si L’Amour extra large des frères Farelly exploite à fond ce potentiel burlesque, proche de Tex Avery, c’est dans les rôles de fan de rock que sa sauvagerie bouffonne et puérile s’exprime le mieux (High Fidelity, Rock Academy). Dingue des Who, de Meat Loaf et d’AC/DC, Black a d’ailleurs son propre groupe, The Tenacious D, déjà culte, disques platine et show télévisé à la clef. Ovni jouissif, le film Tenacious D, qui vient de sortir, raconte la genèse de ce vrai-faux duo sur un mode parodique et outrancier, entre Wayne’s World et This Is Spinal Tap. Mais loin de se cantonner à un genre, le Californien sait se montrer sérieux (King Kong), voire romantique (The Holiday), quand il ne joue pas les lutteurs mexicains dans Super Nacho. Consécration ultime : devenu « bankable », l’ancien protégé de Tim Robbins tient le premier rôle dans le prochain film de Michel Gondry, le très attendu Be Kind Rewind. Ça y est, le Jack est enfin branché !
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TENDANCES
CALÉ
DÉCALÉ
RECALÉ
Biolay
Boulez
Boulay
Il est à l’affiche de deux films et sort son plus bel album : à la rentrée, Benjamin Biolay devrait élargir son audience au-delà du cercle des amateurs de lait bio.
Faut-il ne plus bouder Pierre Boulez? Lors du prochain festival lyrique d’Aix, le chef d’orchestre collaborera avec le metteur en scène Patrice Chéreau, trente ans après leur dernier opéra en commun.
Gros boulet ou simple boulette ? La chanteuse à voix québécoise Isabelle Boulay vient de sortir un nouvel album, le bien laid De retour à la source. Plouf.
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Bobines à la plage
Sous le ciné, la plage : une déferlante de films dépose sur le rivage son lot d’histoires romanesques, triviales ou mélancoliques. Coup de projecteur sur des cinéastes pris la main dans le (res)sac. Un grain de sable et la machine cinéma, loin de s’enrayer, s’emballe au contact de ses héros plagistes. Parangon de « l’érotisme mouillé », Ursula Andress campe une inoubliable naïade dans James Bond contre Dr. No. Quarante ans plus tard, Halle Berry lui pique son bikini pour faire une apparition très humide dans Meurs un autre jour. Le bord de mer est ainsi le théâtre du désir et des amours naissantes, comme chez Eric Rohmer (Pauline à la plage, Conte d’été) ou Jacques Rozier (Adieu Philippine). Lieu dédié des Français en vacances, la plage ratisse son lot de comédies populaires sur le thème « sea, sex and sun ». Chez Max Pécas (Les Branchés à Saint-Tropez), des dragueurs récoltent plus de râteaux que de pelles. Salés, les portraits de groupes que livrent Patrice Leconte (Les Bronzés), Pascal Thomas (Les Maris, les femmes, les amants) ou Bruno Podalydès (Liberté Oléron) grattent comme le sable dans la chaussure. Sur la plage, la menace se profile au loin et s’incarne chez Spielberg par un aileron de requin (Les Dents de la mer) ou par un débarquement de soldats (Il faut sauver le soldat Ryan). D’autres ont le vague à l’âme. Dans Petits Arrangements avec les morts de Pascale Ferran, un château de sable cristallise les blessures existentielles d’une petite communauté. Déclin, enlisement et mélancolie s’invitent également sur la rive dans Huit et demi de Fellini ou Mort à Venise de Visconti. Dans le creux de la vague, mais pour le frisson cette fois-ci, des surfeurs (A Scene At The Sea, Point Break, Brice de Nice et le dégénéré Surf Nazis Must Die) attendent sur le sable « de s’insinuer dans les plis (…), de se faire accepter dans le mouvement d’une grande vague, d’une colonne d’air », comme l’écrit le philosophe Gilles Deleuze. Sur la berge, le cinéma gamberge…
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CINÉ FILS
La bande originale
BERTRAND BONELLO «My New Picture» Shellac Sud «Mon nouveau film est un disque », affirme dès la pochette Bertrand Bonello. « On a souvent dit que je faisais des films de musiciens, justifie l’auteur du Pornographe et de Tiresia. Là, ce serait un album de cinéaste.» Dans la lignée de John Carpenter ou de David Lynch – eux aussi musiciens assumés –, ce multi-instrumentiste prolonge l’univers inquiétant, onirique et violemment érotique de ses films en un disque au scénario et à la mise en scène très maîtrisés.
Le ciné livre
PASCAL MÉRIGEAU « Pialat, la rage au cœur » Ramsay Poche Cinéma
On garde de Maurice Pialat l’image d’un homme solitaire, impossible et impétueux. Journaliste au Monde puis au Nouvel Observateur, Pascal Mérigeau nuance cette caricature. En 350 pages d’une langue précise et vivante, il dresse le portrait d’un cinéaste passionné, exigeant et épris d’humanité(s), dont l’œuvre, puissante et crue, lui fait dire : «Pour parvenir à cette simplicité, cette nudité, cette pureté qui semble celle des origines, il n’y a que Pialat. »
TRAIT LIBRE
Pour TROISCOULEURS, l’artiste Simon Dara revisite les affiches de grands classiques de l’histoire du cinéma. Ce mois-ci Les Dents de la mer de Steven SPIELBERG.
Graphistes, illustrateurs, artistes, si vous souhaitez participer à la rubrique Trait Libre, envoyez nous vos créations à l’adresse suivante : marion.dorel@mk2.com
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REGARDS CROISÉS
Manson vs Argento
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on nom de scène est la contraction de ceux de la star de cinéma Marilyn Monroe et du tueur en série Charles Manson. D’emblée, c’est sous le signe de l’ambivalence que se présente Brian Hugh Warner, le croquemitaine préféré des adolescents gothiques, leader du groupe Marilyn Manson. Une appellation destinée à refléter la dualité d’une Amérique puritaine tiraillée entre le bien et le mal, au centre de l’album concept Holy Wood mais aussi du Livre de Jérémie, la seconde réalisation de l’iconoclaste Asia Argento. Fille du cinéaste culte Dario Argento avec qui elle a tourné trois «giallo» (Trauma, Le Syndrome de Stendhal, Le Fantôme de l’opéra), la vénéneuse Asia dresse avec ce film un portrait au vitriol d’une Amérique bigote. Dans ce brûlot, Manson, démaquillé pour l’occasion, fait un caméo remarqué. Mais l’ombre du chanteur planait déjà sur Scarlet Diva, le premier film sans concession, romantique et déglingué de la précoce actrice italienne (enfant, elle campait la fille de Nanni Moretti dans Palombella Rossa). Tournant avec des auteurs internationaux subversifs (Ferrara, Breillat, Bonello), l’actrice, par ailleurs DJ émérite, entretient avec la scène rock des liens étroits. Elle enregistre une reprise de Serge Gainsbourg avec son troublant jumeau Brian Molko du groupe Placebo, côtoie les membres des groupes Einstürzende Neubauten ou Trash Palace. Principe des vases communicants, Manson multiplie les apparitions à l’écran. On le voit dans le teen movie Sex Academy, en pleine fornication dans Lost Highway de David Lynch ou témoignant chez Michael Moore à propos du massacre de Columbine (Bowling For Columbine). Animal et androgyne, Manson complète Asia Argento, toute en force masculine. Mais dans les deux cas, ces habitants de la nuit inspirent un désir puissant, mêlé de peur.
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Illustration_© Fabrice GUENIER
La belle et la bête (de scène), version néo-glam rock : d’un côté, Asia Argento, l’égérie sulfureuse du dernier Festival de Cannes, de l’autre, Marilyn Manson, un chanteur adepte du travestissement. Deux icônes trash liées par un goût prononcé pour la provocation.
SCÈNE CULTE Le Genou de Claire
Génuflexion LA PETITE HISTOIRE : De la nuque de Jacqueline dans La Boulangère de Monceau aux chaussures de Suzanne dans La Carrière de Suzanne, le fétichisme traverse l’œuvre de Rohmer. Ici, l’obsession de Jérôme (Jean-Claude Briali) se cristallise sur le genou « aigu, étroit, lisse » de Claire. Celle-ci devait tenir le premier rôle, mais c’était sans compter la complicité qui lia le cinéaste à l’interprète de Laura (Béatrice Romand). Tout en aspérités, à l’image de la montagne qui surplombe les protagonistes, Laura symbolise l’évolution de l’héroïne rohmerienne. D’abord plats, ses personnages féminins gagnent en relief au fil des films, jusqu’au pic artistique que représente Le Genou de Claire.
LE PITCH : Jeune diplomate, Jérôme passe quelques jours près d’Annecy. Il y retrouve une vieille amie, la romancière Aurora, qui lui présente Laura, une adolescente de seize ans. Après une brève romance avec cette dernière, il jette son dévolu sur sa demi-sœur, Claire, dont le genou l’obsède. Jérôme lui apprend ici que son fiancé la trompe et en profite pour accomplir ce qu’il décrira plus tard comme un geste «héroïque», «le seul acte de volonté pure de (sa) vie».
JÉRÔME : Oui, bien sûr… Je te dis, je l’ai vu cet aprèsmidi, alors il t‘a menti, il n’est pas à Grenoble… CLAIRE : Il a pu être retardé … JÉRÔME : Enfin, si tu veux… Ils se promenaient tous les deux, il la serrait contre lui… Remarque, il n’y a peut-être pas de mal, et puis, il n’était pas forcé d’aller à Grenoble. Alors admettons que je ne t’aie rien dit. CLAIRE : Oh taisez-vous !
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JÉRÔME : Je ne voulais pas te le dire mais enfin il faut que tu le saches, c’est pour ton bien… Tu aimes Gilles, mais lui, est-ce que tu es sûre qu’il t’aime ?
JÉRÔME : Je me tais, mais tu es drôle… Tu me dis qu’il est à Grenoble, moi, je le vois à Annecy. Tu permets que je m’étonne...
CLAIRE : Qu’est-ce que ça peut vous faire ? Cela ne vous regarde pas, enfin !
CLAIRE : Enfin, Gilles fait ce qu’il veut ! Ça ne vous regarde pas, enfin !
JÉRÔME : Ah ! T’en es pas sûre alors… Ah oui ! Alors, qu’est ce qu’il faisait, ce midi, en embrassant une fille sur les quais d’Annecy ?
JÉRÔME : Ecoute, ne le prend pas comme ça, je te disais ça pour...
CLAIRE : Quelle fille ? JÉRÔME : Tu la connais, elle jouait au tennis… Elle s’appelle Muriel.
CLAIRE : Oh, taisez-vous! Taisez-vous ! [Claire éclate en sanglot. Jérôme lui donne un mouchoir, s’approche et lui caresse délicatement le genou]
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CLAIRE : Ah oui, Muriel, c’est une camarade, il a bien le droit de la voir. Le Genou de Claire d’Éric Rohmer, 1970 (DVD disponible chez Opening Distribution)
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Pages 06 à 12 réalisées par F.V., S.M., L.R. et Au.To.
ON VOUS AIME...
Chant con andis que sort son album le plus abouti, Trash yéyé, il fait ses débuts au cinéma dans Sang froid de Sylvie Verheyde et En visite de Vincent Dietschy, en salles d’ici la fin de l’année. En attendant la sortie de l’élégant Un Baiser s’il vous plaît d’Emmanuel Mouret, prévue pour décembre, elle enregistre ses premières chansons, avec un groupe d’amis. Au moment où leurs chemins se croisent, voir s’enlacent, comme dans leurs vidéoclips en commun, nous avons souhaité faire dialoguer Benjamin Biolay et Julie Gayet, 35 ans tous les deux. Où l’on constate que les artistes n’ont pas attendu les politiciens pour pratiquer l’ouverture…
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Vous jouez les premiers rôles dans les deux prochains vidéoclips de Benjamin, au noir et blanc très cinématographique. Comment est née cette collaboration ? BENJAMIN_J’avais envie de sortir des standards très codifiés du vidéoclip, de raconter une histoire. JULIE_Clarisse Canteloube, la réalisatrice, par ailleurs excellente photographe, a eu l’idée de nous faire travailler ensemble. Benjamin et moi nous sommes rencontrés sur le tournage de Clara et moi. Je jouais le personnage féminin principal, et Benjamin avait composé – gratuitement – la bande originale du film, une partition très poétique, très narrative… En France, on a toujours peur de l’excès. Clarisse, elle, n’a pas peur des émotions. Son travail est très sensuel, presque érotique. Sur le tournage du clip, elle ne nous a jamais dit : «Stop, vous en faites trop». 14 I TROIS COULEURS_ÉTÉ 07
Photo_© Richard SCHROEDER
trechamp Julie, chanter, c’est quelque chose qui vous attire ? JULIE_J’ai une formation de chanteuse lyrique. Trois heures de chant par jour, de 8 à 21 ans. Quand j’ai arrêté, je pensais que c’était pour de bon. Mais, j’ai dû m’y remettre, puisque mes rôles dans Clara et moi et Un Baiser s’il vous plaît l’exigeaient… Et ça m’a donné envie de chanter à nouveau, ce que je fais avec un groupe d’amis. Nous allons sortir un 45 tours en format vinyle, pressé en Angleterre. BENJAMIN_Dans Clara et moi, sa voix est parfaitement timbrée, parfaitement placée. Les morceaux de son groupe sont plus pop, même si les références sont très pointues. Cela me fait penser à tous ces groupes de Manchester de la fin des années 1980, les Happy Mondays, Primal Scream, Ian Dury… JULIE_C’est exactement ça. Je suis tombé dans la house quand j’avais 16 ans… BENJAMIN_Julie a l’âge idéal pour se lancer dans la musique. Elle sait ce qu’elle veut, tous les rites initiatiques sont derrière elle. Son projet est extrêmement précis, JULIE A L’ÂGE IDÉAL POUR SE LANCER DANS LA sans aucune forme de concession. En même temps, il n’a rien à voir avec la MUSIQUE. ELLE SAIT CE QU’ELLE VEUT, TOUS LES RITES B. BIOLAY démarche trop velléitaire de certaines INITIATIQUES SONT DERRIÈRE ELLE. comédiennes, qui cherchent à prouver par la chanson qu’elles ne sont pas que des pin-ups. JULIE_Je veux d’abord me faire plaisir. Ce projet me ressemble. Il est assez dark et barré, avec des textes absurdes, en anglais. Faire de la musique, ce n’est pas jouer un rôle, c’est être absolument soi, à poil.
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Extraits (en noir et blanc) des clips Dans la Merco Benz et Laisse aboyer les chiens, réalisés par Clarisse Canteloube.
Benjamin, vous effectuez le chemin inverse. Vous disques de deux actrices, Chiara Mastroianni et Valérie Lagrange. débutez au cinéma dans deux films à sortir prochainement... Qualifieriez-vous votre écriture de cinématographique ? BENJAMIN_Je ne fais pas cela pour prouver quoi que ce soit, mais parce que ça me plaît. Lorsqu’on m’a contacté, j’étais un peu sceptique, mais dès les essais, j’y ai pris goût. JULIE_Benjamin est un véritable acteur. À part Kassovitz ou Magimel, les comédiens français sont très cérébraux. On retrouve chez lui une vraie générosité de jeu, une capacité presque instinctive à se laisser aller, à vivre la scène. C’est peut-être lié au fait de se mettre à nu dans ses disques… BENJAMIN_Je ne sais pas si c’est parce que je débute, mais j’ai l’impression de retrouver dans chacun de mes rôles une parcelle de moi-même. L’un est très fermé, très violent, un peu perdu ; l’autre est un glandeur qui ne sait pas où il va. Benjamin, votre nouvel album semble condenser tout ce que vous avez fait jusqu’ici…
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BENJAMIN_Quand j’écris, j’ai des images dans la tête. Certaines viennent de films que j’ai pu apprécier, d’où l’abondance de violons... C’est un pur hasard, mais la plupart de ces images que j’avais dans la tête, au moment de l’écriture, Clarisse a réussi à les restituer dans les deux clips. Pourtant, on ne s’est pas concerté ! Julie, dans le clip, vous embrassez fougueusement Benjamin. Curieusement, votre prochain film, Un Baiser s’il vous plaît, tourne tout entier autour de cette question du baiser…
BENJAMIN A UNE VRAIE GÉNÉROSITÉ DE JEU. J. GAYET
BENJAMIN_C’est un grand bordel, enregistré de manière très spontanée, en parallèle de mes différents tournages. Je n’avais plus l’énergie de passer quatre mois dans une cave, et de rater, ce faisant, ma vie personnelle. Dans ce disque, j’ai mis tous les styles de musique qui me touchent. Mes textes ont rarement été aussi autobiographiques. JULIE_J’ai adoré l’album. La musique est très pénétrante, avec ces voix de femmes fantomatiques... BENJAMIN_Il y a effectivement une chanteuse lyrique. De la même manière, je ne suis pas MC, mais j’écoute beaucoup de rap. On le retrouve peut-être dans ma manière de chanter, très directe et parlée, presque crue. Certaines textes ont un sens tellement lourd que les chanter me semble dérisoire.
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JULIE_Dans le clip, mon personnage est bien moins distant que celui que j’incarne dans le film d’Emmanuel Mouret, où l’héroïne est très tiraillée entre le désir et la retenue. Il n’y a pas un mot de son texte que je dirais dans la vie, tout est très écrit. Elle me rappelle le «feu sous la glace » des actrices d’Hitchcock…
Le film d’Emmanuel Mouret est très dialogué, presque théâtral. En quoi la voix du comédien se distinguet-elle de celle du chanteur ?
BENJAMIN_Un des points communs entre le comédien et le musicien, c’est la faculté de concentration. J’ai remarqué que les actrices, lorsqu’elles chantent, sont toujours très en place. Dans une chanson, la voix est le seul organisme de chair et de sang. Comme tout instrument, la voix se doit alors d’être d’une précision, d’une technique invraisemblable. JULIE_Au cinéma, le corps joue un rôle prépondérant par rapport à la voix. Si tu pousses un peu trop ta voix, si tu la technicises, cela fera surjoué. Mais si tu es juste dans ton Benjamin, vous avez samplé les chansons de Marilyn corps, tu seras juste dans ta voix. Monroe sur votre premier album. Depuis, vous avez réalisé les _Propos recueillis par Auréliano TONET
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PLEIN ÉCRAN 4 mois, 3 semaines, 2 jours_Cristian MUNGIU
EN 3 DATES
CRISTIAN MUNGIU 1968_Naissance à Lasi, en Roumanie. 1998_Il est diplômé de l’Académie de Théâtre et de Films de Bucarest. 2005_Il collabore avec cinq cinéastes de l’Europe de l’Est au projet Lost And Found (quatre courts-métrages).
Une affaire de fem À travers la chronique âpre d’un avortement dans la Roumanie de Ceaucescu, Cristian Mungiu livre, pour son second film, une critique en creux de l’oppression des femmes. Un film coup de poing, Palme d’Or 2007.
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nceinte de quatre mois, une étudiante s’en remet à sa camarade de chambrée pour organiser son avortement. Mais, illégale dans la Roumanie de la fin des années 1980, la pratique n’est pas sans danger. Les jeunes filles font appel à un homme douteux qui profite
de leur détresse. Cristian Mungiu escamote le pathos au profit d’un film digne, débarrassé de toute afféterie formelle. Le drame intime vécu par des héroïnes en résistance est porté par des plans-séquences épurés, impressionnants d’efficacité. Tourné en décors et lumière naturels, 4 Mois, 3 semaines, 2 jours esquive habilement la reconstitution folklorique de l’ère communiste déliquescente. De sorte que cette tragédie des corps revêt un caractère intemporel autant qu’universel. Situé du côté des femmes – les premières victimes des régimes totalitaires –, ce film sec et tendu laisse ses interprètes évoluer sans entrave dans le cadre. Un parti pris de mise en scène intelligent, qui surligne le propos même du film : la liberté pour une femme de disposer de son corps. Cristian Mungiu, qui s’inspire d’une histoire vraie, stigmatise une loi anti-IVG promulguée en 1966 et abolie à la chute du régime communiste en 1989. Véritable plaie sociétale, ce décret fut à l’origine de nombreux décès dus aux avortements illégaux. Le film met en évidence le courage de femmes solidaires jusqu’à l’extrême dans l’adversité. Pour sa première apparition à l’écran, l’actrice Anamaria Marinca porte de bout en bout un film aux allures de thriller. 4 Mois, 3 semaines, 2 jours enregistre un état d’urgence, délivrant ce constat amer : l’émancipation féminine reste une réalité à conquérir. _Sandrine MARQUES Un film de Cristian MUNGIU Avec Anamaria Marinca, Laura Vasiliu, Vlad Ivanov… Distribution : Bac Films // Roumanie, 2006, 1h53
18 I TROIS COULEURS_ÉTÉ 07
SORTIE LE 29 AOÛT
EN 3 FILMS
CRISTIAN MUNGIU Capitaine Conan (1996) de Bertrand Tavernier, sur lequel il est le second assistant réalisateur. L’Occident (2002), son premier long-métrage, une histoire d’amour caustique, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs. 4 Mois, 3 semaines, 2 jours (2007), qui lui vaut la Palme d’Or et le Prix international de la critique à Cannes.
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3 RAISONS D’ALLER VOIR CE FILM 01 Pour la force d’un sujet rarement traité au cinéma. Pour les actrices, exceptionnelles, 02 à travers lesquelles s’exprime la difficile condition des femmes. 03 Pour un témoignage de l’intérieur sur ce que fut le régime de répression de Ceaucescu.
LES GÉNIES DES CARPATES Le cinéma roumain se porte bien. Dès 2001, avec l’augmentation quantitative et qualitative de sa production, il a commencé à donner des signes de son éclatante vitalité. Aujourd’hui, entre dix à quinze films par an se tournent sur le territoire national, lesquels se caractérisent par l’excellence de leurs scénarios. Cette capacité à raconter des histoires à la fois simples, originales et fortes tient à un passif collectif encore bien présent : la vie sous le régime totalitaire de Ceaucescu. Né au lendemain de sa chute en 1989, le mouvement «post-décembre» regroupe des cinéastes emblématiques comme Cristi Puiu (La Mort de Dante Lazarescu), Corneliu Porumboiu (12h08, à l’Est de Bucarest) ou Cristian Mungiu (L’Occident), dont les oeuvres entretiennent un rapport étroit à la communauté. Derrière cette efflorescence de talents se cache le même producteur, Daniel Burlac. À Cannes, en mai dernier, il affirmait : « Le niveau d'exigence du cinéma roumain est élevé. C'est comme le saut à la perche : nous devons sauter toujours plus haut. Le cinéma roumain est intéressant car il est pris en charge par une génération de trentenaires qui n'a pas connu le communisme mais qui vit de façon intense la transition. » Obtenant la consécration suprême lors de l’édition 2007, 4 Mois, 3 Semaines, 2 Jours est la première Palme d’Or roumaine de l’histoire du Festival de Cannes, qui a récompensé également à titre posthume le jeune réalisateur Cristian Nemescu pour California Dreamin’ (Prix Un Certain Regard). Applaudi dans le monde entier, le cinéma roumain consolide sa présence tant auprès de la critique que du public : « red carpet » pour le cinéma des Carpates ! _S. M.
19 I TROIS COULEURS_ÉTÉ 07
PLEIN ÉCRAN Waitress_Adrienne SHELLY
EN 3 DATES
ADRIENNE SHELLY 1997_Elle met en scène, écrit et joue dans Sudden Manhattan, un premier film comparé à After Hours de Martin Scorsese. 1999_Elle remporte le prix de la meilleur réalisatrice à Aspen, au US Comedy Arts Festival pour I’ll Take You There. 2006_Après sa disparition tragique, la Fondation Adrienne Shelly est créée, afin d’aider les réalisatrices à monter leurs films.
Bonne pâte L’original et très personnel Waitress suit la trajectoire d’une femme qui s’accomplit à travers sa passion pour la pâtisserie. Sur cet argument, Adrienne Shelly confectionne une comédie gourmande, pas tarte pour un sou.
E
t si préparer des gâteaux aux recettes inspirées par le quotidien permettait de transcender son existence? C’est ainsi que l’imaginative Jenna (Keri Russell), une serveuse appréciée de tous mais mariée à un imbécile, documente sa vie chaotique : la crise matrimoniale qu’elle traverse avec son époux a l’amertume d’une tarte au chocolat noir ; sa grossesse non désirée s’accommodera d’une garniture au cake et à la bouillie de céréales. Cependant, épaulée par ses deux pétulantes collègues, Jenna assume progressivement ses désirs d’émancipation, qu’illustre sa liaison avec un gynécologue. Comédie douce-amère, Waitress affiche une belle singularité par rapport au stéréotypes du genre. Le film se démarque des productions guimauve par son ancrage dans des problématiques existentielles et féministes. Comment être une épouse et une mère sans sacrifier sa passion ? L’héroïne résout in fine cette difficile équation – qui fut celle d’Adrienne Shelly elle-même. Sous le nappage onctueux de la comédie de mœurs point une réelle interrogation sur la condition féminine et l’inflexion que chacun donne à sa vie. La réalisatrice ne se contente pas d’aligner les situations et les répliques humoristiques, elle peint avec tendresse une petite communauté où évoluent des personnalités aussi vivantes qu’attachantes. Cerise sur le gâteau, des interprètes savoureux se bousculent à l’écran, parmi lesquels Jeremy Sisto. Figure de proue du cinéma indépendant américain, l’acteur campe un mari aussi pathétique qu’inquiétant. Film sensuel où le collectif vibre au diapason des émotions de sa touchante héroïne, l’appétissant Waitress affole autant les papilles que les pupilles. _S. M. Un film de Adrienne SHELLY Avec Keri Russell, Nathan Fillion, Jeremy Sisto… Distribution : Twentieth Century Fox // France, 2005, 1h28
20 I TROIS COULEURS_ÉTÉ 07
SORTIE LE 05 SEPTEMBRE
EN 3 FILMS
ADRIENNE SHELLY Trust Me (1991) du cinéaste indépendant Hal Hartley, où le public la découvre. Searching For Debra Winger (2005), documentaire de Rosanna Arquette dans lequel elle joue son propre rôle. Factotum (2005), inspiré de la vie de Charles Bukowski, où elle donne la réplique à Matt Dillon. Son dernier rôle.
3 RAISONS D’ALLER VOIR CE FILM Le film donne l’eau à la bouche : pas moins 01 de cent tartes ont été confectionnées pendant le tournage. 02 Pour la recette improbable de la tarte aux spaghettis, qu’avale stoïquement Jeremy Sisto. 03
Pour l'apparition de la réalisatrice Adrienne Shelly dans le rôle d'une serveuse fleur bleue.
ADRIENNE SHELLY, LA FEMME D’À CÔTÉ Elle incarnait la New-Yorkaise typique. L’attachante égérie du cinéma indépendant américain s’est éteinte à l’âge de quarante ans, après avoir réalisé son troisième long-métrage Waitress. Si Adrienne Shelly avait tout de la girl next door idéale dans les comédies où elle irradiait, elle a pourtant été assassinée à cause d’une sordide histoire de voisinage. On retient d’elle sa ressemblance troublante avec Rosanna Arquette, qui l’a d’ailleurs fait tourner dans son documentaire Searching For Debra Winger, une série de portraits d’actrices autant investies dans leur vie de famille que dans la création. Le joli minois d’Adrienne Shelly, encadré par une cascade de cheveux roux, a éclairé une vingtaine de films indépendants américains. Parmi les plus notables, ceux que l’actrice a tournés avec Hal Hartley et qui ont permis de la faire découvrir outre-Atlantique. Mais en artiste complète, Shelly ne pouvait se contenter de se tenir devant la caméra. Réalisatrice, scénariste et interprète de plusieurs courts et longs-métrages primés dans différents festivals internationaux, elle enseignait récemment la réalisation, l’écriture de scénario et la comédie à l’Université de New-York. Débordante de talent et d’activité, Shelly était également un auteur dramatique reconnu. À l’origine de nombreuses pièces de théâtre qu’elle a écrites et mises en scène, elle a occupé pendant cinq années consécutives le poste de directrice artistique du Missing Children Theater Company. La fondation qui lui est dédiée a pour objectif d’aider des réalisatrices à mener à bien leurs projets artistiques, tout en menant de front leurs vies de femmes. Adrienne Shelly est devenue une source d’inspiration pour toutes les artistes américaines. _S. M.
21 I TROIS COULEURS_ÉTÉ 07
PLEIN ÉCRAN Les Fantômes de Goya_Milos FORMAN
EN 3 DATES
NATALIE PORTMAN Léon (Luc Besson, 1994) : son premier film, avec une perruque noire. Closer (Mike Nichols, 2005) : son meilleur rôle, avec une perruque rose. V pour Vendetta (James McTeigue, 2006) : son second meilleur rôle, avec le crâne rasé.
La question Après Amadeus, Valmont, Larry Flint et le comique américain Andy Kaufman dans Man On The Moon, Milos Forman poursuit dans la lignée du biopic avec un film en costumes, pas seulement inspiré par l’art du maître espagnol Goya.
S
ept ans après Andy Kaufman, Milos Forman se consacre à Francisco Goya. Pas exactement le même personnage, mais un tel attachement aux biopics force à croire que le cinéaste tchèque a en tête d’offrir une version contemporaine desVite de Vasari, en mêlant aux grandes figures historiques des agitateurs récents. Ces figures plus ou moins célèbres servent surtout de branchements entre des vies et l’Histoire ; elles permettent de marquer les basculements sociaux ou politiques d’un siècle. C’est encore vrai ici, même si Forman ne fait pas l’impasse sur le travail du peintre – par exemple, une séquence décrit avec une belle exactitude les étapes de fabrication d’une gravure. De la vie de Goya, le cinéaste et son scénariste Jean-Claude Carrière n’ont conservé que deux époques, à deux décennies d’écart : celle de l’Inquisition sous le règne des Bourbon et celle de l’invasion napoléonienne. Forman prend soin de disposer ces deux parties en miroir, autour d’un point de rupture : Goya perd l’ouïe en assistant à l’autodafé d’un de ses portraits représentant Frère Lorenzo (Javier Bardem), qui passe du camp de l’Inquisition à celui de Napoléon. Hypocrisie égale que de défendre la vertu ou la liberté par les moyens de la terreur. La surdité offre paradoxalement à l’ex-peintre du roi une plus grande acuité : il ne dessine plus, il « enregistre ». Avec son habituelle ironie cinglante, Forman offre toute autre chose qu’un portrait d’homme : une réflexion sur le sens des mots et des images à l'heure du terrorisme. C’est un film où l’on dit « prier » pour « violer », où la torture est rebaptisée « la Question », où le pouvoir se gagne par le terrorisme, où les choses ne disent plus leur nom. Dans le double rôle d’une jeune bourgeoise injustement torturée et d’une orpheline devenue prostituée, Natalie Portman est parfaite. _Antoine THIRION Sortie le 25 juillet // Un film de Milos FORMAN Avec Javier Bardem, Natalie Portman, Stellan Skarsgard… Distribution : Studio Canal // Etats-Unis - Espagne, 2005, 1h54
22 I TROIS COULEURS_ÉTÉ 07
3 RAISONS D’ALLER VOIR CE FILM 01 Pour Natalie Portman : jeune bourgeoise, prostituée, fantôme. 02
Pour Javier Bardem : Inquisiteur, révolutionnaire, imposteur.
Parce qu’il s’agit d’un film historique dont les 03 costumes sont d’abord les nôtres.
PLEIN ÉCRAN Old Joy _Kelly REICHARDT
EN 3 DATES
WILL OLDHAM 1987_Will Oldham occupe son premier rôle à l’écran dans Matewan de John Sayles. 2000_Il fait un duo avec Johnny Cash sur l’album American III : Solitary man. 2006_Il sort sous le pseudo Bonnie “Prince” Billy l’album The Letting Go, synthèse idéale entre rock, folk et country.
Le lien défait Ode sensible à la nature, sur fond de déshérence morale d’une nation, Old Joy raconte l’histoire d’une amitié révolue entre deux hommes. Un road-movie nostalgique signé Kelly Reichardt, co-produit par Todd Haynes.
A
dapté d’une nouvelle de Jonathan Raymond, Old Joy relate le périple de deux amis dans une forêt de l’Oregon. Mark, qui s’est installé dans une existence conformiste, s’apprête à devenir père. Kurt, plus marginal, ne s’est jamais intégré au système. Autrefois complices, les héros, que maintenant tout oppose, tentent le temps d’un week-end de se retrouver, au contact d’une nature sensuelle et bruissante. Dans son élégie résolument minimaliste, Kelly Reichardt (ancienne collaboratrice de Hal Hartley) stigmatise la fin des utopies et l’aliénation des sociétés modernes. Sa caméra enregistre les non-dits comme autant de frémissements de l’âme. Dans les silences qui ponctuent les conversations s’engouffre le souffle d’une nature habitée. Véritable paysage intérieur, la forêt trouve dans la source d’eau chaude où se régénèrent les protagonistes son cœur palpitant. Cette séquence de baignade, parmi les plus belles du film, se charge d’un érotisme sourd qu’accompagnent, en désirs tapis, les bouillonnements de l’eau. « La tristesse est une joie passée » et «l’univers une larme» affirme Kurt, que la nostalgie de son amitié passée avec Mark dévaste. Tout en retenue, l’interprétation de Mark par Daniel London exacerbe un récit grevé par des tensions latentes. Dans le rôle de Kurt, le pape de la country alternative Will Oldham (alias Bonnie « Prince » Billy) bouleverse. À l’inverse du précédent long-métrage de la réalisatrice, le prolifique artiste ne signe pas ici la bande originale, composée par les élégants Yo La Tengo. Pour autant, Old Joy apparaît comme le plus vibrant commentaire de sa musique : une tranquillité de surface que des grondements souterrains ébranlent. _S. M.
Sortie le 25 juillet // Un film de Kelly REICHARDT Avec Daniel London, Will Oldham, Tanya Smith… Distribution : Epicentre Films // États-Unis, 2006, 1h16
24 I TROIS COULEURS_ÉTÉ 07
3 RAISONS D’ALLER VOIR CE FILM 01
Pour le chanteur-comédien Will Oldham, dont le physique étrange oscille entre le vieillard et le bébé.
02
Pour la représentation sensuelle et animiste de la nature.
Pour la chienne Lucy, qui appartient 03 à la réalisatrice et accompagne les acteurs dans leur périple.
LE GUIDE
DES SALLES
DU MERCREDI 18 JUILLET AU MARDI 11 SEPTEMBRE
Les Simpson – le film de David Silverman
SOMMAIRE SORTIES DU 18 JUILLET 28_ Le Feu sous la peau de Paul Goldman // Half Nelson de Ryan Fleck SORTIES DU 25 JUILLET 28_You Kill Me de John Dahl // Waiter ! d’Alex Van Warmerdam 30_Les Simpson – le film de David Silverman SORTIES DU 01 AOÛT 30_Tel Père telle fille d'Olivier de Plas // Ratatouille de Brad Bird // Interview de Steve Buscemi SORTIES DU 08 AOÛT 32_Cartouches gauloises de Mehdi Charef // Intolérance – la trilogie de Phil Mulloy // La Fille coupée en deux de Claude Chabrol SORTIES DU 15 AOÛT 33_Caramel de Nadine Labaki // Planète terreur de Robert Rodriguez // Armin d’Ognjen Svilicic 36_Naissance des pieuvres de Céline Sciamma // Le Fils de l’épicier d’Éric Guirado SORTIES DU 22 AOÛT 38_Boarding Gate d’Olivier Assayas // Hairspray d’Adam Shankman // La Maison de Manuel Poirier SORTIES DU 29 AOÛT 40_Ceux qui restent d’Anne Le Ny SORTIES DU 05 SEPTEMBRE 40_La Vie d’artiste de Marc Fitoussi 41_Les Méduses d’Etgar Keret et Shira Geffen // Sicko de Michael Moore // Les Amours d'Astrée et Céladon d’Éric Rohmer LES ÉVÈNEMENTS MK2_42 > 43 27 I TROIS COULEURS_ÉTÉ 07
LE GUIDE_SORTIES DU 18 > 25 JUIL.
LE FEU SOUS LA PEAU
HALF NELSON
Un film de Paul GOLDMAN Avec Emily Barclay, Michael Dorman, Mia Wasikowska… Distribution : Wild Side Films // Australie, 2006, 1h30
Un film de Ryan FLECK Avec Ryan Gosling, Shareeka Epps, Anthony Mackie… Distribution : Colifilms Diffusion // États-Unis, 2006, 1h42
Quatre ans après The Night We Called It A Day, le réalisateur australien Paul Goldman réalise Le Feu sous la peau, un thriller haletant en Compétition cette année au Festival du Film Policier de Cognac. Katrina, une jeune mère célibataire de dix-neuf ans, évolue dans le monde des petits voyous d’un quartier résidentiel du sud de l’Australie. Lorsque son père menace de lui couper les vivres, elle échafaude un plan machiavélique pour échapper à ses injonctions… Inspiré de l’univers de films tels que Faster Pussycat! Kill! Kill! réalisé par Russ Meyer en 1966, Le Feu sous la peau révèle l’actrice Emily Barclay, étonnante en manipulatrice sans scrupules.
Prix du Meilleur Film au Festival de Sundance en 2006, Half Nelson a également remporté le Prix du Jury au Festival de Locarno. Dann Dune est un brillant professeur qui enseigne à des adolescents en difficulté dans un lycée de Brooklyn. Instable dans sa vie privée, il s’adonne aux plaisirs des paradis artificiels pour supporter la solitude du quotidien. Un soir, il est surpris par l’une de ses élèves en train de se droguer. La jeune Drey saura-t-elle le sortir de son addiction? Pour sa saisissante performance dans Half Nelson, l’acteur Ryan Goslin a été nominé cette année à l’Oscar® du Meilleur Acteur.
_Oscar PARENGO
_Florian JARNAC
YOU KILL ME
WAITER !
Un film de John DAHL Avec Ben Kingsley, Téa Leoni, Luke Wilson… Distribution : Metropolitan FilmExport // États-Unis, 2007, 1h30
Un film d’Alex VAN WARMERDAM Avec Alex Van Warmerdam, Ariane Schluter, Mark Rietman… Distribution : Bac Films // Pays-Bas, 2006, 1h37
Thriller décalé, You Kill Me offre à l’acteur Ben Kingsley le rôle peu ordinaire d’un tueur sous contrat confronté à de graves problèmes de boisson. Alors qu’il officie pour le compte d’un caïd de la pègre de Buffalo, Frank réalise qu’il a de plus en plus de mal à concilier son métier et son alcoolisme. Envoyé en mission pour éliminer le chef d’un gang adverse, il connaît un échec cinglant. Afin de le contraindre à revenir dans le droit chemin, son patron décide alors d’envoyer Frank à San Francisco, afin d’y suivre les réunions locales d’alcooliques anonymes... Spécialiste du polar depuis ses débuts, John Dahl excelle ici à en détourner les codes.
En Sélection au Festival International de Toronto, Waiter ! est la sixième réalisation de l’acteur et cinéaste néerlandais Alex Van Warmerdam. À cinquante ans, Edgar est serveur dans un restaurant modeste. Entre sa femme malade, ses problèmes de voisinage et ses tentatives malhabiles de conquêtes extra-conjugales, il mène une existence misérable et morose. Jusqu’au jour où, conscient de son statut de personnage de fiction, il décide d’aller se plaindre à l’homme qui l’a créé… Plongés dans des situations surréalistes, les protagonistes de Waiter ! rappellent par leurs troubles existentiels certains personnages du dramaturge italien Luigi Pirandello.
_O. P.
_Thomas CROISY
28 I TROIS COULEURS_ÉTÉ 07
LE GUIDE_SORTIES DU 25 JUIL. > 01 AOÛT
LES SIMPSON – LE FILM
TEL PÈRE TELLE FILLE
Un film de David SILVERMAN Animation Distribution : Twentieth Century Fox France // États-Unis, 2006, 1h28
Un film d’Olivier DE PLAS Avec Vincent Elbaz, Élodie Bouchez, Léa Drucker… Distribution : SND // France, 2007, 1h25
Première adaptation au cinéma de la célèbre série d’animation américaine, Les Simpson - le film ne devrait pas trahir l’univers désopilant et subversif qui a assuré le succès mondial de la saga à la télévision. Une agence de protection de l’environnement décide de mettre la ville de Springfield en quarantaine en réponse aux périls de pollution infligés au lac par le citoyen Homer Simpson, dont les mœurs douteuses en matière de pêche à la ligne interpellent jusqu’à son fils Bart. Décidés à lyncher le coupable, les habitants de la commune contraignent rapidement la famille à la fuite. Nos facétieux protagonistes s’exilent donc en Alaska…
Adaptation du roman de Virginie Despentes Teen Spirit, Tel père telle fille scelle les retrouvailles à l’écran de l’acteur Vincent Elbaz avec la comédienne Élodie Bouchez, dix ans après Le Péril jeune de Cédric Klapisch. À trente ans, Bruno, une rock star désormais oubliée, vit toujours aux crochets de sa fiancée Catherine. Le jour où son ancienne petite amie de lycée vient lui apprendre qu’il est le père d’une jeune fille de treize ans nommée Nancy, Bruno comprend qu’il va lui falloir évoluer s’il entend faire face à ses nouvelles responsabilités. Parfaitement mis en scène, Tel père telle fille est une comédie contemporaine touchante et enlevée.
NB : Nous n’avons pas pu voir ce film dans nos délais de parution.
_F. J.
_F. J.
RATATOUILLE
INTERVIEW
Un film de Brad BIRD Animation Distribution : Buena Vista International // États-Unis, 2007, 1h58
Un film de Steve BUSCEMI Avec Steve Buscemi, Sienna Miller… Distribution : Diaphana Distribution // États-Unis, 2007, 1h23
Nouveau film des studios Pixar, Ratatouille est le deuxième long métrage d’animation du cinéaste Brad Bird, après le succès des Indestructibles réalisé en 2004. Remy est un jeune rat d’égout doté d’un don de cuisinier hors pair. Virtuose dans l’art de marier les saveurs et de créer de nouveaux arômes, il rêve de devenir un grand chef. Plongé au cœur de la vie parisienne, il découvre bientôt les cuisines d’un fameux restaurant de la capitale : l’établissement de feu Auguste Gusteau, son idole, le dieu des fourneaux… Un an après Cars de John Lasseter, Ratatouille confirme une nouvelle fois la créativité toujours renouvelée de l’animation nord-américaine.
Sélectionné aux Festivals de Sundance et de Berlin, Interview est le quatrième long métrage de l’acteur et réalisateur Steve Buscemi. Grand Reporter spécialiste des conflits internationaux, Pierre Peders est contraint par son rédacteur en chef d’interviewer Katya, une starlette de feuilletons américains. Entre le journaliste et la reine des «people», la rencontre s’annonce explosive. Pourtant, malgré le fossé qui les sépare, le chroniqueur et la star finissent par se dévoiler l’un l’autre. Bientôt, une relation passionnelle s’installe entre eux… Pertinent et incisif, Interview est le remake du film éponyme du réalisateur Theo Van Gogh réalisé en 2003.
_Antonin DELIMAL
_T. C.
30 I TROIS COULEURS_ÉTÉ 07
LE GUIDE_SORTIES DU 08 AOÛT
CARTOUCHES GAULOISES
INTOLÉRANCE – LA TRILOGIE
Un film de Mehdi CHAREF Avec Hamada, Thomas Millet, Tolga Cayir… Distribution : Pathé Distribution // France, 2006, 1h32
Un film de Phil MULLOY Animation Distribution : E.D. Distribution // Royaume-Uni – Allemagne, 2000-2004
Largement autobiographique, Cartouches gauloises évoque l’enfance de son réalisateur Mehdi Charef au printemps 1962 en Algérie, quelques semaines avant l’été de l’Indépendance. Ali, onze ans, est vendeur de journaux. Avec son meilleur ami Nico, ils survivent au milieu des attentats et de la guerre qui sévit. Occupés à jouer au football et à s’abriter dans une cabane qu’ils ont construite sous la voie ferrée, les deux enfants voient progressivement le monde changer autour d’eux. D’ici peu, l’Algérie sera indépendante et Nico devra partir vivre en France… Film poignant, Cartouches gauloises était en Sélection Officielle au dernier Festival de Cannes.
Florilège de courts métrages d’animation, Intolérance – la trilogie raconte en plusieurs épisodes la mythologie des Zogs, extra-terrestres peu ordinaires. Une bobine de film est retrouvée, sur laquelle s’illustre la vie quotidienne des membres d’une étrange civilisation extraterrestre : les Zogs. Assez semblables aux humains, ces derniers sont néanmoins caractérisés par des mœurs curieuses. Scandalisés par le spectacle impudique des coutumes de ces êtres extravagants, les Terriens demandent l’extermination de la planète Zog. Mais les Zogs ont déjà envahi la Terre… Inclassable, Intolérance – la trilogie mêle l’absurde à l’humour noir.
_T. C.
NB : Nous n'avons pas pu voir ce film dans nos délais de parution.
_F.J.
LA FILLE COUPÉE EN DEUX Un film de Claude CHABROL Avec Ludivine Sagnier, Benoît Magimel, François Berléand… Distribution : Wild Bunch Distribution // France, 2006, 1h55
Après La Fleur du mal en 2003 et La Demoiselle d’honneur en 2004, La Fille coupée en deux est la troisième collaboration du cinéaste Claude Chabrol avec le comédien Benoît Magimel. Une jeune femme ambitieuse et séduisante s’éprend d’un écrivain prestigieux. Délaissée par ce dernier qui refuse de quitter son épouse, la belle arriviste finit par céder aux avances d’un jeune milliardaire déséquilibré. Mais bientôt, le passé obscur de l’héritier finit par refaire surface… De l’aveu du réalisateur Claude Chabrol, l’idée de La Fille coupée en deux doit son origine à un fait divers qui défraya la chronique au début du XXème siècle : l’assassinat à Manhattan de Stanford White, l’architecte du Madison Square Garden. Analyse des fondements du crime passionnel, La Fille coupée en deux offre à l’acteur François Berléand le rôle d’un écrivain pervers et bon vivant, qu’une relation destructrice avec une sensuelle séductrice va définitivement bouleverser. Nouvelle collaboration de l’actrice Mathilda May avec le cinéaste du Beau Serge, vingt ans après Le Cri du hibou, le film évoque la violence des rapports de classe, dans un monde largement régi par les médias. _A. D.
32 I TROIS COULEURS_ÉTÉ 07
LE GUIDE_SORTIES DU 15 AOÛT
CARAMEL Un film de Nadine LABAKI Avec Nadine Labaki, Yasmine Al Masri, Joanna Moukarzel… Distribution : Bac Films // Liban - France, 2006, 1h36
En Sélection à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes cette année, Caramel est le premier long métrage de Nadine Labaki. À Beyrouth, cinq femmes se croisent régulièrement dans un institut de beauté – véritable microcosme où les membres de plusieurs générations se rencontrent et se confient. Parmi elles, Layale est amoureuse de Rabih, mais celui-ci est déjà marié. Nisrine est une musulmane que l’imminence de son mariage inquiète car elle n’est plus vierge. Jamale refuse de vieillir. Rose, quant à elle, a sacrifié sa vie pour s’occuper de sa sœur âgée. Quant à Rima, elle est de plus en plus tourmentée par son attirance pour les femmes… Peinture d’un univers typiquement féminin, Caramel lève le voile sur les considérations de ses protagonistes, en proie aux jugements d’une société conservatrice. Film personnel et abouti, Caramel évoque la confrontation des traditions orientales au modernisme occidental. Pour la distribution de son film, la réalisatrice Nadine Labaki a fait appel à des actrices non professionnelles, recrutées au hasard de ses rencontres dans la ville de Beyrouth, afin de privilégier l’authenticité de ses personnages. _O. P.
PLANÈTE TERREUR – UN FILM GRINDHOUSE
ARMIN
Un film de Robert RODRIGUEZ Avec Rose McGowan, Freddy Rodriguez, Josh Brolin… Distribution : TFM Distribution // États-Unis, 2007, 1h45
Un film de Ognjen SVILICIC Avec Emir Hadzihafizbegovic, Armin Omerovic… Distribution : ASC Distribution // Croatie, 2007, 1h22
Deuxième volet de la saga Grindhouse après Boulevard de la mort de Quentin Tarantino, Planète terreur est un hommage aux films d’épouvante de série B. William et Dakota Block, un couple de médecins, constatent que leurs patients sont frappés par la gangrène et se muent progressivement en zombies. Employée dans un club de gogo-danseuses, la sculpturale Cherry se fait bientôt arracher la jambe lors d’une attaque… Dans un rôle clin d’œil, l’apparition inattendue de Bruce Willis apporte toute sa saveur à ce divertissement qui ravira les amateurs du genre.
En Sélection au 56ème Festival International du Film de Berlin, Armin suit le parcours d’un père et de son fils dans la Croatie d’aujourd’hui. Partis de leur petite ville de Bosnie, Ibro et son fils unique Armin se rendent à Zagreb, où l’adolescent doit passer une audition en vue d’obtenir un rôle dans un long métrage. Jugeant tout d’abord le jeune homme trop âgé pour interpréter le personnage recherché, l’équipe du film accepte néanmoins de lui donner une chance de démontrer ses talents. Pour cela, il devra interpréter un morceau traditionnel d’accordéon… Réflexion sur le rapport filial, Armin évoque les conséquences traumatiques de la guerre en Bosnie.
_T. C.
_O. P.
33 I TROIS COULEURS_ÉTÉ 07
LE GUIDE_SORTIES DU 15 AOÛT
NAISSANCE DES PIEUVRES Un film de Céline SCIAMMA Avec Pauline Acquart, Louise Blachère, Adèle Haenel… Distribution : Haut et Court // France, 2006, 1h25
Premier film de la jeune réalisatrice Céline Sciamma, ancienne étudiante de la Fémis, Naissance des pieuvres explore les sensibilités divergentes de ses protagonistes, trois adolescentes confrontées à la naissance et à la satisfaction du désir. Pour se soustraire à l’inactivité estivale, Marie, quinze ans, se rend régulièrement à la piscine municipale, où elle assiste à des cours de natation synchronisée. Séduite par la beauté de Floriane, une jeune fille élancée qui lui confie ses secrets intimes, Marie finit par délaisser Anne, sa meilleure amie. Peu à peu, la fréquentation de Floriane provoque chez Marie des sentiments nouveaux et une attirance jusqu’alors inconnue… En Sélection Officielle au Festival de Cannes cette année dans la section « Un Certain Regard», Naissance des pieuvres aborde avec sobriété le sujet du désir féminin, à travers les formes multiples qu’il revêt avant l’âge adulte. Mis en scène sans fioritures, faisant la part belle aux silences et aux ellipses, le film de Céline Sciamma – lauréate en 2006 du Prix Junior du Meilleur Scénario organisé par Barbara et Philippe Maynial – a valu à sa réalisatrice le Prix de la Jeunesse au dernier Festival du Film de Cabourg. _F. J.
LE FILS DE L'ÉPICIER Un film d’Éric GUIRADO Avec Nicolas Cazalé, Clotilde Hesme, Daniel Duval… Distribution : Les Films du Losange // France, 2007, 1h36
Tourné quatre ans après Quand tu descendras du ciel, premier long métrage remarqué, Le Fils de l’épicier est le nouveau film du cinéaste Éric Guirado, révélé en 2001 pour Un petit air de fête – Prix Kodak de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, et César du meilleur court métrage. À trente ans, Antoine est désargenté et mène à Paris une existence précaire, occupé ici et là à des tâches peu lucratives. Redevable envers sa meilleure amie Claire d’une somme d’argent considérable, il est contraint de remplacer son père pour l’été. Celui-ci était épicier ambulant dans un village du sud de la France, lorsqu’un infarctus récent l’a mené en maison de convalescence. En même temps qu’il retrouve la région de son enfance, le jeune homme s’ouvre à l’amour… Quelques mois après ses performances dans le thriller de Régis Warnier Pars vite et reviens tard et dans U.V. de Gilles Paquet-Brenner, dont il partageait l’affiche avec Jacques Dutronc et Laura Smet, le comédien Nicolas Cazalé donne la réplique à l’actrice Clotilde Hesme, l’héroïne des Amants réguliers de Philippe Garrel. Pour créer ses personnages, le réalisateur du Fils de l’épicier s’est inspiré des protagonistes des films de Wim Wenders Alice dans les villes et Paris, Texas. _A. D.
36 I TROIS COULEURS_ÉTÉ 07
LE GUIDE_SORTIES DU 22 AOÛT
BOARDING GATE Un film d’Olivier ASSAYAS Avec Asia Argento, Michael Madsen, Carl Loong Ng… Distribution: ARP Sélection // France, 2006, 1h45
En Sélection Officielle au 60ème Festival de Cannes, Boarding Gate est un polar sulfureux où brille l’actrice italienne Asia Argento. À Londres, Sandra, une jeune italienne originaire de Rome, entretient une relation tumultueuse avec Miles Rennberg, un golden boy déchu. Désireuse de mettre un terme à cette passion destructrice, sans pour autant renoncer à l’argent de Rennberg, la jeune femme décide de fuir à Hongkong avec son autre amant, le sino-américain Lester Wang. Mais une fois là-bas, Lester disparaît… Cinq ans après Demonlover, Olivier Assayas revient au genre du thriller. Interrogé à Cannes pour la promotion de son film, le réalisateur reconnaît avoir laissé libre cours à l’improvisation de ses interprètes, notamment dans les scènes de tensions entre ses protagonistes. Boarding Gate entend analyser les travers des relations de dépendance qui se nouent parfois entre les êtres. Figure récurrente du cinéma de Quentin Tarantino qui l’a fait tourner en 1992 dans Reservoir Dogs et dans Kill Bill en 2003, Michael Madsen s’illustre devant la caméra d’Olivier Assayas, deux ans après sa performance _F. J. dans Sin City de Robert Rodriguez. NB : Nous n’avons pas pu voir ce film dans nos délais de parution
HAIRSPRAY
LA MAISON
Un film de Adam SHANKMAN Avec John Travolta, Michelle Pfeiffer, Christopher Walken… Distribution: Metropolitan FilmExport // États-Unis, 2007, 1H45
Un film de Manuel POIRIER Avec Sergi Lopez, Bruno Salomone, Bérénice Béjo, Barbara Schulz… Distribution : Diaphana Distribution // France, 2007, 1h35
Inspiré du film éponyme de John Waters, Hairspray est une comédie musicale délirante et subversive. Malgré son physique arrondi, Tracy n’a qu’un rêve en tête : celui de danser dans la célèbre émission de Corny Collins. Alors qu’il assiste à une de ses performances, ce dernier propose à la jeune fille de rejoindre son équipe. Devenue star du jour au lendemain, Tracy s’attire bientôt la jalousie d’Amber, qui régnait jusqu’ici sur le show… Nouvelle adaptation de la célèbre comédie musicale, Hairspray donne à John Travolta l’occasion de revenir à un registre qu’il affectionne particulièrement depuis La Fièvre du samedi soir réalisé par John Badham en 1977.
Film intimiste, La Maison est l’occasion pour le réalisateur Manuel Poirier de mettre une nouvelle fois en scène son acteur fétiche Sergi Lopez. Malo, père de trois enfants, est aujourd’hui en instance de divorce. Au cours d’une escapade avec son ami Rémi, il découvre une maison isolée dans un lieu-dit, dont il tombe sous le charme. Saisie par la justice et vouée à être prochainement vendue aux enchères, la demeure est la propriété familiale de deux jeunes sœurs qui ne peuvent se résoudre à la voir concédée. Mais déjà, Rémi veut s’en porter acquéreur… Onzième long métrage de Manuel Poirier, La Maison analyse le rapport des êtres aux lieux de leur enfance.
_O. P.
_O. P.
NB : Nous n’avons pas pu voir ce film dans nos délais de parution.
38 I TROIS COULEURS_ÉTÉ 07
LE GUIDE_SORTIES DU 29 AOÛT > 05 SEPT.
CEUX QUI RESTENT Un film d’Anne LE NY Avec Emmanuelle Devos, Vincent Lindon, Yeelem Jappain… Distribution : Studio Canal // France, 2007, 1h34
Premier long métrage réalisé par l’actrice et scénariste Anne Le Ny, Ceux qui restent suit le parcours de deux âmes isolées, dont les conjoints respectifs sont atteints de maladies graves. Bertrand (Vincent Lindon) et Lorraine (Emmanuelle Devos) arpentent chaque jour les couloirs de l’établissement hospitalier où leurs mari et femme se font soigner depuis des mois. Entre le kiosque à journaux, la cafétéria et le toit de l’immeuble dominant la ville où ils se retrouvent pour fumer, les deux personnages s’aident mutuellement à ne pas céder à la peine et à supporter la culpabilité d’être vivants. Bientôt, leur attachement réciproque prend une nouvelle forme… En abordant des thèmes essentiels tels que la maladie, l’amour ou la mort, Ceux qui restent explore les souffrances enfouies de ses protagonistes. Deux ans après leur troublante performance commune dans La Moustache d’Emmanuel Carrère, Emmanuelle Devos donne à nouveau la réplique à Vincent Lindon – qui s’est illustré récemment dans le romantique Je crois que je l’aime de Pierre Jolivet aux côtés de Sandrine Bonnaire. _T. C.
LA VIE D'ARTISTE Un film de Marc FITOUSSI Avec Sandrine Kiberlain, Émilie Dequenne, Denis Podalydès… Distribution : Haut et Court // France, 2006, 1h47
Film choral drôle et mélancolique, La Vie d’artiste est le premier long métrage du cinéaste Marc Fitoussi. Alors qu’elle prête sa voix à l’héroïne d’un dessin animé japonais pour gagner sa vie, Alice, une comédienne désenchantée, rêve de se voir sur un écran de cinéma ou de brûler les planches. Professeur de français, Bertrand tente d’achever son second roman afin d’obtenir enfin la reconnaissance littéraire à laquelle il aspire. Quant à Cora, la jeune animatrice d’un bar karaoké, elle espère bouleverser le petit monde de la chanson française grâce à ses talents vocaux. Mais les chemins de la gloire sont semés d’embûches… Sur le thème de la quête de la célébrité, La Vie d’artiste explore le malaise personnel que sous-tend généralement le besoin de reconnaissance. Avec tendresse pour ses personnages, le film de Marc Fitoussi analyse les effets pervers d’une société moderne fondée sur l’image, où le succès et les paillettes semblent accessibles à tous. Dans un rôle complexe de femme fragile, Sandrine Kiberlain retrouve le comédien Denis Podalydès, huit ans après leur collaboration sur le film de Pascal Bonitzer Rien sur Robert. À noter la remarquable bande originale, co-signée par l’ofèvre pop Sean O’Hagan. _A. D.
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LES MÉDUSES Un film d’Etgar KERET et Shira GEFFEN Avec Sarah Adler, Nikol Leidman, Gera Sandler… Distribution : Pyramide Distribution // Israël - France, 2007, 1h18
En Sélection cette année à la Semaine Internationale de la Critique au Festival de Cannes, Les Méduses a été récompensé par la Caméra d’Or. Alors qu’elle s’apprête à partir en lune de miel aux Caraïbes avec son époux, Keren se casse la jambe le jour de son mariage et se voit contrainte de rester en ville. Dans le même temps, une petite fille blonde débarque mystérieusement dans la vie de Batya, une jeune femme esseulée, et va progressivement bouleverser son quotidien. Parallèlement, une employée de maison en exil parvient sans le vouloir à renouer le lien entre une vieille femme acariâtre et sa fille. À la recherche de l’amour, de l’oubli ou de la mémoire au cœur de Tel-Aviv, chacun des protagonistes des Méduses compose tant bien que mal avec l’existence et ses absurdités. Premier film d’Etgar Keret et Shira Geffen, couple d’écrivains atypiques de la scène artistique israélienne, Les Méduses oscille constamment entre drame et comédie. À mi-chemin entre les univers cinématographiques de Terry Gilliam, Roman Polanski, Aki Kaurismäki ou des frères Coen, ce premier long métrage singulier explore avec finesse et humour les thèmes de l’incommunicabilité entre les êtres, et du refuge dans l’imaginaire. _F. J.
SICKO
LES AMOURS D'ASTRÉE ET CÉLADON
Un film de Michael MOORE Documentaire Distribution : TFM Distribution // États-Unis, 2007, 2h
Un film d’Éric ROHMER Avec Andy Gillet, Stéphanie Crayencour, Cécile Cassel… Distribution : Rezo Films // France, 2006, 1h49
Après avoir dénoncé le commerce des armes aux États-Unis dans Bowling For Colombine, puis fustigé les accointances suspectes du président George W. Bush avec de hauts dignitaires au Moyen-Orient dans Fahrenheit 9/11, le réalisateur américain Michael Moore présente Sicko, une enquête minutieuse sur les failles du système de santé américain. Polémique et incisif, Sicko stigmatise les travers d’un système médical national essentiellement privé. Pour son non-respect de l’embargo imposé par les États-Unis sur Cuba, où il a tourné une partie de son documentaire, le cinéaste a fait l’objet d’une enquête personnelle commanditée par les autorités américaines.
Trois ans après Triple Agent, le cinéaste Éric Rohmer change de registre avec cette fable sentimentale. Dans une forêt merveilleuse, le berger Céladon et sa fiancée Astrée s’aiment d’un amour pur. Abusée par un de ses prétendants, Astrée quitte son compagnon qu’elle soupçonne d’infidélité. Au désespoir, le jeune homme se jette alors dans un torrent où des nymphes le recueillent. Céladon se jure de reconquérir sa dulcinée, mais une malédiction lui interdit de réapparaître à ses yeux… Inspiré du roman d’Honoré d’Urfé L’Astrée, Les Amours d’Astrée et Céladon nous transporte dans un cadre bucolique où règnent croyances et traditions.
NB : Nous n'avons pas pu voir ce film dans nos délais de parution.
_T. C.
_T. C.
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ÉVÉNEMENTS DES SALLES MK2
CYCLES EN MATINÉES
FOCUS
SUR LES QUAIS Les samedis et dimanches matin toute l’année, autour de 11h, le MK2 Quai de Seine / Quai de Loire vous propose une sélection de films venus des quatre coins du monde, unis par une thématique commune, en résonance avec l’actualité des sorties et en partenariat avec les associations du quartier. • À partir du 30 juin au MK2 Quai de Seine : La Lutte ou l’exil ?, avec les films État des lieux de JeanFrançois Richet, Punishment Park de Peter Watkins, La Vie est belle de Franck Capra, Casablanca de Mickaël Curtiz, Notre Musique de Jean-Luc Godard, Le Vent se lève de Ken Loach, Nos Meilleures Années de Marco Tullio Giordana. • À partir du 14 juillet au MK2 Quai de Loire : Amitié - la vivre, la filmer, avec les films Le Plein de super d’Alain Cavalier, Husbands de John Cassavetes, Gerry de Gus Van Sant, L’Année des 13 lunes de Rainer Fassbinder, Stand By Me de Rob Reiner, Le Péril jeune de Cédric Klapish, The Anniversary Party de Jennifer Jason Leigh. MK2 QUAI DE SEINE_La lutte ou l’exil ?_à partir du 30 juin. MK2 QUAI DE LOIRE_ Amitié - la vivre, la filmer_à partir du 14 juillet.
UN ÉTÉ 2007 VUES CONTEMPORAINES Un regard porté sur le cinéma contemporain, tout au long de l’été. Sous l’éclatant soleil ou dans les brumes, à l’abri du monde ou dans l’embrasure de son chantier même, dans les mots ou le silence ; à la recherche de soi, de l’autre, une ouverture sur le sensible, en divers points du monde. Dong de Jia Zhang Ke, Jours d’août de Marc Recha, Jour après jour de Jean-Daniel Pollet, Still Life de Jia Zhang Ke, Les Climats de Nuri Bilge Ceylan, Turning Gate de Hong Sang Soo, Le Papier ne peut pas envelopper la braise de Rithy Panh, Honor de cavalleria d’Albert Serra. MK2 HAUTEFEUILLE_à partir du 18 juillet_ en matinée Tarif: 5.60€ _Carte Le Pass acceptée.
DANS LES SALLES 3 JOURS, 3 EUROS MK2 et la Mairie de Paris, en concertation avec la Fédération Nationale des Cinémas Français (FNCF), renouvellent l’opération 3 jours, 3 euros qui permet à tous les spectateurs de bénéficier dans toutes les salles MK2 d’un tarif exceptionnel de 3 euros, à chaque séance, pendant 3 jours. Les 19, 20 et 21 aout 2007 dans toutes les salles MK2.
3ÈME RENCONTRE INTERNATIONALE DE COURTS MÉTRAGES HIP-HOP En partenariat avec l’association R.Style, le MK2 Quai de Seine accueille la 3ème rencontre internationale de courts métrages hip-hop : des réalisateurs de tous horizons donnent leur vision du mouvement hip-hop à travers l’œil d’une caméra. En parallèle, sur une scène extérieure, une programmation éclectique (danse, concerts, etc.) fait référence à l'univers du rap. Pour plus de renseignements : www.rstyle.fr. MK2 QUAI DE SEINE_Samedi 8 septembre_5,60 € à partir de 11h Carte Le Pass non acceptée.
EXPOSITION DE PHOTOGRAPHIES RÉPIT CYRILLE MAGALDI Depuis bientôt deux ans, Cyrille Magaldi photographie le MK2 Quai de Seine / Quai de Loire, ses salles, ses couloirs, ses silhouettes. En septembre, sur la coursive du Seine, il vous proposera une sélection de ses clichés. En les observant, on s’interroge sur ce moment particulier que représente la séance de cinéma pour le spectateur : « Pendant deux heures, plongé dans un univers de fiction, l’existence du spectateur, mais uniquement la sienne, est mise en pause, écrit le photographe. Par conséquent lorsqu’il ressort, ses ami(e)s ont vieilli de deux heures, le gâteau au chocolat repéré dans la vitrine du pâtissier est forcément moins frais, il fait peut-être nuit, le lait a peut-être débordé, les pâtes sont sans doutes trop cuites, les restaurants ne servent plus ou pas encore, le ticket de stationnement n’est plus valable… Deux heures, c’est long. Et il ne faut pas se mentir : après avoir marché sur le lune, renversé un dictateur, été initié à la sorcellerie, retrouvé le Graal, épousé Nicole Kidman, et fait trois fois le tour de cette planète et d’un tas d’autres, la réalité peut, éventuellement, avoir un goût amer. C’est ce qui fait la magie du lieu Cinéma : une frontière étroite entre fiction et réalité. N’oublions pas ses règles.» MK2 QUAI DE SEINE_du 3 au 30 septembre.
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RETROUVEZ TOUS LES ÉVÉNEMENTS SUR
FESTIVAL PARIS PLAGE - FILMS DE PLAGE Cette année, Paris Plage s’agrandit : du vendredi 20 juillet au dimanche 19 août, une nouvelle plage accueillera les Parisiens – petits et grands – sur le Quai de la Seine. MK2 a décidé de s’associer à l’événement en proposant une programmation spéciale chaque lundi à 20h30. Des films sur la plage, qui parlent de plage, à consommer après la plage. Nous vous présenterons : Lundi 23 juillet : Crustacés et coquillages, d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, lundi 30 juillet : Il faut sauver le soldat Ryan, de Steven Spielberg, Lundi 6 août : A Scene At The Sea, de Takeshi Kitano, Lundi 13 août : Pauline à la plage, d’Éric Rohmer.
CARTE BLANCHE À KARIM MADANI En prolongement de ce festival, le MK2 Quai de Loire donne carte blanche à l’écrivain Karim Madani à l'occasion de la parution de Hip-Hop Connexion (collection Exprim', éditions Sarbacane), le samedi 15 septembre : • 11h_ projection de The King Of New York, d’Abel Ferrara suivie d'une lecture de Hip-Hop connexion et d'un débat avec l'auteur. • 15 h_rencontre-dédicace à la librairie du MK2 Quai de Loire MK2 QUAI DE LOIRE_Samedi 15 septembre à 11h_5,90 € Carte Le Pass acceptée.
ÉVÉNEMENT LE CINÉMA JAPONAIS À L’HONNEUR Le MK2 Bibliothèque accueille cet été trois cinéastes phare de la nouvelle génération japonaise : Kiyoshi Kurosawa, le réalisateur de Jellyfish, pour la sortie de Retribution (le 15 août), Takashi Shimizu, auteur de la saga culte The Grudge, pour Reincarnation (le 22 août) et Hideo Nakata, le réalisateur de Ring et Dark Water, pour Kaidan (le 29 août). En exclusivité au MK2 BIBLIOTHÈQUE.
POUR LES ENFANTS MK2 JUNIOR « OH LES FILLES, OH LES FILLES ! » Pour cette nouvelle programmation, venez voir ou revoir Little Miss Sunshine de Jonathan Dayton et Valerie Faris, Zazie dans le métro de Louis Malle, Ü de Grégoire Solotareff, La Belle et la Bête de Jean Cocteau, Manue Bolonaise de Sophie Letourneur, Le Cheval de SaintNicolas de Mischa Kamp, La Reine Soleil de Philippe Leclerc. Les enfants vont enfin emmener leurs parents au cinéma ! Du 25 juillet au 25 septembre 2007 dans sept salles MK2.
MK2 QUAI DE SEINE_Les lundis 23 juillet, 30 juillet, 6 août et 13 août à 20h30. Tarif : 6,90 € la séance. Carte Le Pass acceptée.
JAZZ À LA VILLETTE MK2 s’associe au festival Jazz à la Villette en proposant une carte blanche à deux de ses prestigieux artistes, Wayne Shorter et Julien Lourau. Venez donc découvrir les films qu’ils ont choisis pour vous !
CARTE BLANCHE À WAYNE SHORTER : • Samedi 1er septembre à 11h_Le Loup-garou de George Waggner et Moulin rouge de John Huston. • Dimanche 2 septembre à 11h_Le Magicien d’Oz de Victor Fleming et Blue Velvet de David Lynch. • Lundi 3 septembre à 20h30_Les Chaussons rouges de Michael Powell, suivi d’une rencontre exceptionnelle avec Wayne Shorter.
CARTE BLANCHE À JULIEN LOURAU : • Samedi 8 septembre à 11h_Do The Right Thing de Spike Lee, Mad Dogs de Larry Bishop et Les Aventures du Baron de Münchhausen de Terry Gilliam. • Dimanche 9 septembre à 11h_La Planète sauvage de René Laloux et Neuf reines de Fabian Bielinsky. MK2 QUAI DE SEINE_Du 1er au 9 septembre_5,90 € pour les séances en matinée, 6,90 € pour la rencontre du 3 septembre_Carte Le Pass acceptée (sauf pour Le Loup-garou).
LES JOURNÉES ROMANTIQUES DU VAISSEAU FANTÔME À l’occasion du Festival des Journées Romantiques sur la péniche du Vaisseau fantôme, nous vous proposons quatre films où la musique classique devient acteur à part entière : Édouard et Caroline de Jacques Becker, Le Cavaleur de Philippe de Broca, Ariane de Billy Wilder, Une Nuit à l’opéra de Sam Wood avec les Marx Brothers. MK2 QUAI DE LOIRE_Samedi 8 septembre, dimanche 9 septembre, samedi 15 septembre, dimanche 16 septembre_ à 11h_5,90 € la séance_Carte Le Pass acceptée.
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DVD Comment filmer le rock ?
Rock ‘n’ rôles Comédie (Tenacious D), documentaire (Glastonbury, Joe Strummer) ou biopic (Control) : quel que soit le genre, les films sur le rock rythmeront les sorties de l’été. Avant d’aller les voir en salles, petite révision de cinquante ans de rock au cinéma.
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el un aîné condescendant devant composer avec l’insolente réussite de son benjamin, le cinéma a longtemps tourné autour du rock, sans se résoudre à le traiter en égal. Dans les années 1950, l’introduction du rock dans le cinéma américain ressemble plus à un piment dans la recette du succès auprès des teenagers qu’à un véritable désir d’en capturer les premières flammes. Ainsi le beau Graine de violence (avec la musique de Bill Haley) ouvrira la voie à une longue caravane de nanars ayant pour toile de fond la métamorphose révoltée de la jeunesse américaine. Un décor dans lequel les premiers rockers se retrouvent épinglés comme des papillons, domestiqués en faux-agitateurs de l’ère du tout entertainment dont ils symbolisent malgré eux l’avènement. Et si Elvis sera sacré roi d’entre tous, c’est probablement parce qu’il aura réussi à s’imposer en véritable acteur (voir Les Rôdeurs de la plaine de Don Siegel) plutôt qu’en simple rebelle de service.
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LE ROCK SAURA TOUJOURS OFFRIR AU CINÉMA SA DOSE D’OUTRAGE, DE SPECTACULAIRE, DE SULFUREUX.
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Il faudra donc que le rock devienne un phénomène culturel à part entière – autrement dit, qu’il vieillisse – pour que le regard des cinéastes modifie sa focale vers plus de précision, d’empathie, de désir. Il faudra surtout que des cinéastes ayant grandi avec lui prennent le pouvoir (Scorsese, Wenders, Lynch, Van Sant) pour que les films sur le rock atteignent le même degré de fièvre et de ferveur que leur sujet. Hormis chez Godard, qui filme en 1968 les Rolling Stones en studio (One + One) comme il filmera plus tard les ouvriers, le rock saura toujours offrir au cinéma sa dose d’outrage, de spectaculaire, de sulfureux et aiguiser ainsi l’appétit de cinéastes en quête de mythes urbains – sujets tellement cinégéniques. Modèle du genre, l’exaltant Rude Boy (1980) reprenait autour de The Clash le même principe de docu-fiction employé par Richard Lester à propos des Beatles seize ans plus tôt (A Hard Day’s Night ), la froide réalité de l’Angleterre en crise ayant pris le pas sur l’euphorie pop du swingin’ London. Avec l’irrésistible This Is Spinal Tap (1984), Rob Reiner inversera le principe en montrant sous une forme documentaire finalement très crédible les vicissitudes d’un groupe de hard rock inventé de toutes pièces – et qui finira, comble de l’absurde, par exister pour de vrai ! Plus récemment, le formidable Dig transformera
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Extraits de One + One de Jean-Luc Godard (en haut à gauche et en bas à droite, DVD chez Carlotta)
une minable querelle intestine de deux groupes rivaux américains en épopée romanesque. Depuis Phantom Of The Paradise (1974) de Brian de Palma, qui greffait le mythe de Faust sur celui du producteur Phil Spector, les films qui montrent divers aspects plus où moins morbides ou amusants de l’histoire du rock sont légion. Du raté (par rapport au livre) High Fidelity aux excellents Velvet Goldmine (sur un fausse star du glam-rock) et Presque célèbre (sur le rock-critic Lester Bangs), du clinquant Dreamgirls (inspiré de la Motown) au poignant Eight Miles (sur et avec Eminem), ces dernières saisons ont vu bourgeonner des films qui embrassent pleinement ce continent complexe qu’est devenu le rock. Restent deux genres radicalement opposés, qui donnent parfois d’éblouissants résultats. D’un côté le concert filmé, souvent par de grands cinéastes qui parviennent à capturer la vérité furtive d’un groupe en tournée (The Last Waltz
LA SÉLECTION BORAT DE LARRY CHARLES Fox Pathe Europa
Candide au pays des Yankees. Un inénarrable reporter kazakh sillonne les Etats-Unis et révèle le refoulé d’une nation schizophrène. Une comédie décapante.
COFFRET JEAN-FRANÇOIS DAVY 6 DVD Opening Distribution
Dans ses truculentes comédies érotiques, Jean-François Davy aborde le sexe de manière joyeuse et décomplexée, en posant de vraies questions sur le couple. À redécouvrir de toute urgence.
COFFRET SOUNDWALK : PARIS Paris autrement. Une jeune actrice, comme Isild Le Besco pour le Marais, vous emmène à la découverte de son quartier. Il y en a 5, à regarder en DVD ou à vivre via le CD inclus. Plus d’infos sur soundwalk.com.
FUR : UN PORTRAIT IMAGINAIRE DE DIANE ARBUS DE STEVEN SHAINBERG Seven7 Bel exercice de style, ce film raconte la vie de la photographe Diane Arbus, de la naissance de sa vocation d’artiste à l’affirmation de son univers si particulier, à la fois bizarre et documentaire.
THE OTHER DE ROBERT MULLIGAN MK2 Éditions
Extraits de This Is Spinal Tap de Rob Reiner (en haut à droite et en bas à gauche, DVD chez Studio Canal)
de Scorsese sur le dernier concert de The Band, le fougueux Year Of The Horse de Jarmusch sur Neil Young, le chef d’œuvre du lot demeurant Stop Making Sense de Jonathan Demme, parfaitement en adéquation avec la musique graphique des Talking Heads). À l’autre bout du spectre, le très en vogue « biopic » peut s’avérer aussi emphatique que son sujet (Oliver Stone avec The Doors) ou au contraire lui rendre un bel hommage à peine ripoliné comme Ray (sur Ray Charles) ou Walk The Line (sur Johnny Cash). Utilisant la même trame narrative, ces deux derniers films s’arrêtent en plein vol, aux heures de la gloire, se refusant à montrer la vieillesse et la déchéance. Car s’il est un mythe jumeau de celui du rock, et qui fascine tout autant les cinéastes, c’est bien celui de l’éternelle jeunesse. _Christophe CONTE
Plongée dans les méandres de l’esprit torturé d’un enfant schizophrène. Mulligan filme avec habileté paysages pastoraux et scènes d’intense suspense. Un classique du cinéma fantastique des années 1970.
ACTUALITÉ ZONE 1 Plus connu pour ses productions cinématographiques (Le Poséidon et La Tour infernale), Irwin Allen est également le créateur de séries télés aussi originales que Time Tunnel ou Lost In Space. Fox a décidé d’éditer sa dernière série marquante, Land Of Giants, sous forme de coffret intégral «gigantesque». S’inspirant du cultissime L’Homme qui rétrécit, Allen en a transposé le scénario sur une équipe d’explorateurs de l’espace. Décors de carton de pâte et effets très spéciaux à la Ed Wood sont au programme, mais si vous avez gardé une âme d’enfant, vous saurez y déceler un peu de poésie. C’était la télé des années 1960, tout aussi inventive que celle d’aujourd’hui. _Roland JHEAN
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LIVRES Lectures d’été pour les grands et les petits
Valise de livres Les vacances d’été arrivent… Avant de partir, n’oubliez pas de glisser un livre dans votre bagage. Pour ces vacances familiales, nous vous proposons, à travers trois thèmes, un roman ou une bande-dessinée pour les jeunes associé(e) à un livre pour les adultes.
Planches extraites de la bande dessinée Ma Mère était une très belle femme de Karlien de Villiers (Ça et Là, 2007)
VOIX DE FEMMES
NOIRS SECRETS
Aurore est une adolescente qui se fâche avec sa famille, ses profs, part vivre chez ses grands-parents – solution familiale aux tensions quotidiennes. Voici la suite de son journal intime. « Cher petit journal, tu es tout ce qui me reste de mon ancienne vie. Toi et la note de téléphone.» Et c’est toujours désopilant, tendre, parce que c’est compliqué d’être une ado, de tomber amoureuse, d’avoir des ami(e)s et d’obtenir son brevet des collèges !
Les agents de Cherub ont entre 10 et 17 ans, ils ont été recrutés dans des orphelinats. Leur mission : s’infiltrer dans des enquêtes où les agents adultes du MI5 ne peuvent aller. Mais attention, officiellement, Cherub, James, Kerry et les autres n’existent pas… Après un premier tome plutôt écolo où nos espions s’attaquaient à de puissantes compagnies pétrolières, les voici plongé dans un haletant Trafic, à la poursuite d’enfants dealers de drogue et de la tête pensante de cette pyramide du crime.
Marie Desplechin, Toujours fâchée, Le Journal d’Aurore t.2, coll. « Medium », École des loisirs, 2007. À partir de 12 ans.
Robert Muchamore, Cherub Mission 2, Trafic, Casterman, 2007. À partir de 12 ans.
52 histoires comme 52 semaines d’une année. Un livre qui nous entraîne à la rencontre principalement de femmes : Akka, Mélissa, Nouk et les autres. De leur vie de tous les jours racontée éclot les fantasmes, l’intime, comme une seconde vie. Dans ces douleurs du quotidien, liées à l’enfance, aux amours, à la douleur de voir vieillir ses parents, le lecteur se retrouve ému face au miroir de son existence. Ressentir, n’est-ce pas bien la preuve que nous sommes vivants ?
De Rio de Janeiro à São Paulo, Remo Bellini tente d’élucider deux mystères : mettre la main sur un hypothétique manuscrit inédit de Dashiell Hammett (partie truculente de ce polar brésilien), et enquêter sur le meurtre de la jeune Silvia, assassinée dans son collège. Sur fond de blues américain, on s’attache à ce détective maladroit, frustré et volontiers misogyne.
Geneviève Brisac, 52 ou la seconde vie, éditions de l’Olivier, 2007.
Tony Bellotto, Bellini et le démon, coll. « Actes noirs », Actes Sud, 2007.
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LA SÉLECTION NOUVELLES HISTOIRES DU WYOMING, ANNIE PROULX nouvelles traduites de l’américain, Grasset
Les habitants du Wyoming sont comme la terre qu’ils occupent : sauvages, durs mais non dépourvus d’humour... Onze nouvelles et autant de facettes du grand ouest américain, par l’auteur du Secret de Brokeback Mountain.
CITOYENS CLANDESTINS, DOA roman, Gallimard, Série Noire
Trois personnages se croisent sans se connaître, nous offrant trois appréhensions d'un même processus en marche. Un thriller politique sans complaisance, vertigineux, digne d'un James Ellroy.
MES BIEN-AIMÉ(E)S, LILIANE GIRAUDON dessins de Christophe Chemin, Inventaire / Invention
Treize portraits d’auteurs que Liliane Giraudon fait défiler comme à travers le prisme d’une lanterne magique. Un abrégé de littérature portative.
POUR INVENTAIRE, YAAKOV SHABTAÏ roman traduit de l’hébreu, Actes Sud
Tel-Aviv, années 1970 : trois hommes de la même génération, Goldman, Israël et César, questionnent leur destin. Une somptueuse enquête romanesque, brassant les vivants et les morts.
ÇA BULLE AU SOLEIL Embarquez avec Sardine, le capitaine Epaule Jaune et P’tit Lulu à bord du vaisseau spatial Hectormalo pour de nouvelles aventures cosmico-comiques ! En luttant contre l’obéissance bête et disciplinée prônée par le dictateur de l’univers Supermuscleman, Sardine et ses amis vont défendre la « liberté » des enfants : mieux vaut vivre en s’amusant. Emmanuel Guibert, Sardine de l’espace, t.6 : La cousine Manga, Dargaud, 2007. À partir de 8 ans.
STÉNO SAUVAGE : LA VIE ET LA MORT D’ISAAC BABEL, JÉRÔME CHARYN récit traduit de l’américain, Mercure de France
Ce portrait vif et coloré d’Isaac Babel, l’auteur de Cavalerie rouge et des Contes d’Odessa, se lit comme un roman.
LE SITE http://perso.orange.fr/jerome.attal/journalintime07.html
Ce roman graphique autobiographique plonge ses lecteurs au cœur de l’histoire personnelle de Karlien de Villiers. À travers le portrait d’une famille qui se déchire dans l’Afrique du Sud des années 1970 et 1980, c’est l’histoire du pays qui transparaît : violences entre les communautés, poids des institutions religieuses, endoctrinement des enfants blancs, et – malgré ou à cause de tout cela – premiers signes d’effondrement de l’apartheid. Karlien de Villiers, Ma Mère était une très belle femme, Ça et Là, 2007. _Sophie QUETTEVILLE
Signe : romantique déprimé. Ascendant : nombriliste sarcastique. Depuis 1998, le journal intime de Jérôme Attal, chanteur-écrivain sophistiqué, est suivi par des milliers d’internautes. Entre deux déboires sentimentaux, Attal raconte ses coups de cœur cinématographiques, littéraires et picturaux dans un style spirituel et audacieux. Extrait : «Attention certains passages peuvent être susceptibles de choquer des personnes mineures, ne serait-ce que parfois il y est question de hauts faits majeurs ; d'autres passages peuvent être susceptibles de choquer des personnes susceptibles. »
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MUSIQUE Les disques de comédiens
Rôles de compos Tandis que les chansons de l’actrice Soko buzzent sur Internet, la rentrée verra le retour de ses consoeurs Vanessa Paradis, Isabelle Adjani et Sandrine Kiberlain derrière un micro. Flashback sur un genre ambigu : le disque de comédien.
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ur un pied d’égalité. « Viens voir les comédiens, voir les musiciens... » Pour le grand Charles, pas de distinction possible : musique ou comédie, un enfant de la balle doit savoir jouer des deux pieds. Lui-même remarquable chanteur et acteur, Aznavour s’inscrit dans une lignée d’artistes polyvalents qui, de Dietrich à Chevalier, ont éclos en même temps que le cinéma parlant. Souvent issus de l’opéra, de l’opérette, du cirque ou du musichall, les premiers acteurs de cinéma ont la chanson facile. Question de maîtrise vocale, de prestance, ou tout simplement d’aura, leur va-et-vient entre disques et films est souvent réussi. Montand, Bourvil, Reggiani ou Sinatra chez les hommes, Moreau, Monroe, Bardot ou Lagrange chez les femmes perpétuent dans les années 1950 et 1960 la tradition d’une double carrière, ne sachant sur quel pied – de micro, de caméra ? – danser. Mais le temps où Elvis Presley, Eddie Constantine et autres Petula Clark jouaient tous les rôles à la fois semble révolu : hormis Dutronc, Paradis ou le rappeur Mos Def, rares sont aujourd’hui les comédiens-chanteurs à consacrer une attention égale à leurs deux disciplines.
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ÉCRIRE DES CHANSONS, C’EST UNE SENSATION DE PUR PLAISIR PAISIBLE, DE LIBERTÉ. JULIE DELPY
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Appels du pied. Depuis les sixties, notre bipède ne saute donc plus à pieds joints ; au contraire, il espace au maximum chacune de ses foulées. Si Jean Yanne a commencé par la musique, il n’y est hélas revenu qu’épisodiquement, de même que le folksinger Will Oldham avec le cinéma, où il a débuté. Aux rares rôles de Jean-Louis Murat répond l’unique album d’Isabelle Huppert, d’ailleurs réalisé sous le patronage de l’Auvergnat. À ce sujet, c’est souvent du désir d’un tiers que naît la vocation musicale du comédien : sans Gainsbourg, nul ne sait si Deneuve, Adjani et même Jane Birkin, d’abord actrice, auraient franchi le pas. Tout comme l’Italie, où Morricone a mis le pied à l’étrier à Rita Pavone ou Catherine Spaak, la France est un terrain particulièrement propice à ces associations intermittentes entre un musicien-Pygmalion et une actrice : Dutronc-Zouzou, Burgalat-Lemercier, BiolayChiara Mastroianni, Burger-Balibar, Air-Charlotte Gainsbourg, Souchon(s)-Kiberlain… la liste est longue, et sans cesse renouvelée. Elle ne concerne pas que les filles : François Morel avoue s’être lancé dans la chanson sous l’impulsion de son ami Reihnardt Wagner, qui a mis en musique ses textes.
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© Productions Jacques CANETTI
Prendre son pied. Que l’on ne s’y trompe pas, cependant : le disque de comédien est d’abord un acte égoïste, une volupté de chambre. Habitué à incarner un autre, l’acteur, lorsqu’il chante, ne joue plus qu’à être lui-même. « Chanter, c’est un prolongement plus intime, plus impudique de mon travail de comédien », analyse François Morel, tout empli du « bonheur » que lui procure cette nouvelle occupation. Elle aussi auteur d’un disque, Julie Delpy distingue la phase de composition de l’expérience scénique : « Écrire des chansons, c’est une sensation de pur plaisir paisible, de liberté. L’actrice en moi revient lorsqu’il s’agit de chanter sur scène, un choc d’adrénaline qui se rapproche du tournage. » Comédienne, réalisatrice et musicienne, Julie Delpy se veut artiste de la tête au pied, tout comme Arielle Dombasles, Melvil Poupaud ou l’épatant Vincent Gallo, eux aussi adeptes de l’épanchement multi-supports.
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LA SÉLECTION FINDLAY BROWN «Separated By The Sea» Peacefrog / Discograph Du folk anglais à l’ancienne, pur, boisé, limpide, combinant les accents médiévaux d’un Bert Jansch à la pop bucolique d’un McCartney, et coiffé d’une voix majestueuse.
DIZZEE RASCAL «Dizzee Rascal» XL / Beggars Superstar du «grime» (fusion britannique de rap et d’electro), Dizzee Rascal continue de triturer ses deux matières préférées : les maths – beats précis, anguleux – et l’anglais – verbe puissant, incisif. 10/10.
THE EMBASSY « Tacking » Differ-Ant Nouvel ambassadeur du savoir-faire pop suédois, The Embassy débarque avec cette merveille hédoniste, proche de la dance mélodique et éthérée de New Order, doucement mélancolique.
OKKERVIL RIVER « The Stage Names » Differ-Ant L’écriture très littéraire, presque aride, de Will Sheff gagne ici en ampleur. Hormis quelques restes de folk éploré, le lyrisme irradie de partout, rock, pop ou soul, non loin du meilleur Springsteen.
ARCHITECTURE IN HELSINKI « Places Like This » V2 Ce collectif australien destructure le format pop et l’emmène dans d’euphoriques contrées, peuplées de constructions fauves, de lignes irrégulières, de formes inconnues.
Être fidèle à soi-même davantage qu’à l’image véhiculée par ses rôles, c’est l’option choisie par Emmanuelle Seigner ou Juliette Lewis, devenues rockeuses à quasi plein temps. De même, Robert Mitchum et Agnès Jaoui ont su prendre leur pied en pratiquant l’art subtil du contre-pied, via des disques respectivement de calypso et de musiques latines. Comme un pied. Nonchalance, mauvaises rencontres, marketing hasardeux ? La variété n’est toutefois pas toujours une aubaine pour les acteurs, aussi attachants soient-ils. De Bruel à Lavoine, de Menez à Marchand, de Clara Morgane à Elie Seimoun, sans oublier Bruce Willis et Steven Seagal, leurs disques sentent parfois la chaussette. Faute d’avoir trouvé chaussure à leur taille, certains bipèdes virent boiteux.
LE SITE www.myspace.com/inlets Guitariste du groupe My Brightest Diamond, le New-Yorkais Sebastian Krueger confectionne en solo, sous le nom d’Inlets, de bien plus éclatants diamants. En guise d’écrin gracile, trombones, clarinettes, banjos, xylophones et autres douceurs soutiennent ces bijoux chantés d’une voix lisse et opalescente. Dans la même gamme de gemmes, il n’y a guère que les précieux Sufjan Stevens ou Grizzly Bear pour rivaliser. Téléchargeable gratuitement et en intégralité sur son site www.luvsound.org, le premier EP d’Inlets s’intitule Vestibule. On a hâte de pénétrer dans le salon.
_Auréliano TONET
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LES BONS PLANS Kompilé par Rémy Kolpa Kopoul
Agenda (d’été) by Un été en cours, l’occasion de se propulser hors les murs (parisiens). Voici quelques rendez-vous estivaux, du grand sud à l’ouest extrême, en passant tout de même par Paris, parce que finalement, il y a toujours les Parisiens qui restent et ceux d’ailleurs qui « montent » à la capitale. L’hexagone en zigzag sonore. SCÈNES D’ÉTÉ > PARIS / LA VILLETTE > Jusqu’au 19/08 Rendez-vous estival phare des dimanches après-midi parisiens, les Scènes d’Été se déplacent à la Folie du Belvédère, en gardant leur éclectisme. Brésil, Congo, tzigane, électro et en clôture, le 19 août, une « Carte blanche à Radio Nova » : Caravan Palace, de l’électro-jazz manouche ultra festif, et l’espagnole Buika (photo), la sensation de l’été, âme africaine et voix flamenca à vous scotcher d’émotion. Et aussi… les Tambours de Brazza, Kelelé, Hamilton de Holanda, Ambitronix, Just That, Norig, Ahirkapi Roman Orchestra. Buika
www.villette.com/manif/manif.aspx?id=1053
NUITS DU SUD > VENCE (06) > 20/07 au 18/08 La charmante bourgade azuréenne ouvre son site escarpé à la musique pour cinq week-ends. Des stars (Cesaria Evora, Victoria Abril, Sergent Garcia) et des artistes moins médiatisés mais passionnants (Beat Assailant, Mamani Keita & Nicolas Repac, Seùn Kuti). Et aussi… Los Van Van, Rokia Traoré, Touré Kunda, Johnny Clegg, Burhan Öçal & l'Ensemble Oriental d'Istanboul, La Charanga Habanera. www.nuitsdusud.com
JAZZ DES 5 CONTINENTS > MARSEILLE (13) > 25 au 28/07 La capitale phocéenne a son festival de jazz, chaque année plus étoffé. Cette édition donne vraiment de la voix, avec la lady US Dee Dee Bridgewater pour son African Malian Project, le thatcheur des villes Abd Al Malik et celui des champs Dédé Minvielle. Et aussi… Tigran Hamasyan trio + Pierrick Pedron, Ron Carter Golden Striker, Willy DeVille.
FIEST’A SÈTE > SÈTE (34) > 02 au 09/08 Le cadre magique du Théâtre de la Mer pour un festival pointu et grand public à la fois, où les rencontres d’artistes sont autant de moments forts : Manu Dibango et ses guests-surprise pour 50 ans de carrière, Omar (le soulman anglais), Omar Sosa (le pianiste cubain), Seun Kuti, le fils cadet de Fela avec Egypt 80 (l’orchestre du paternel), les vétérans Fred Wesley et Cachao Lopez (l’inventeur du mambo). Dès le 26/07, concerts dans les villages et quartiers. Du 6 au 9, Radio Nova sera sur place, et en direct (18 - 20h). Et aussi… Los Van Van, Son Reinas, Abl Al Mailk, Beat Assailant, Pee Wee Ellis avec Marva Wright & Martha High, Fanga, Johnny Clegg. www.fiestasete.com
TEMPO LATINO > VIC FEZENSAC (12) > 26 au 29/07 Un long week-end durant, le bourg gersois devient la capitale mondiale de la salsa et musiques connexes. Les arènes font la fête aux Cubains (Cachao Lopez, Maraca), Porto Ricains (Willie Colon), Africains (Africando, Kekelé)… et Japonaises (Son Reinas). Concert Bonus le 30 : Manu Chao. Et aussi... Yerba Buena, Candido Fabre & Tiburòn, Yomo Toro.
PORTO LATINO > ST FLORENT (20) > 03 au 06/08 Un beau site urbain niché dans un fortin, avec la baie en fond de scène. La petite cité corse décline les esprits latins… et assimilés, avec le retour de Kid Creole & the Coconuts, les Guinéens électrisés de Ba Cissoko, les électro latinos de Sidestepper, le Marseillais DJ Oil (de Troublemakers). Et aussi... Clube Do Balanço, Cesaria Evora, Terra Samba, Los Van Van.
www.tempo-latino.com
www.porto-latino.com
www.festival-jazz-cinq-continents.com
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Radio Nova ASTROPOLIS > BREST (29) > 02 au 05/08 Électro à gogo pour le grand raout d’août en Bretagne, dans le cadre classieux du manoir de Keroual. Avec les success boys de Justice, le créatif duo Gonzales & Mocky, les deux centurions du label britiche Ninja Tune Kid Koala / Amon Tobin. Et aussi… Hocus Pocus, Miss Kittin, Zenzile, Wax Tailor (live-set), Dj Hell, Agoria, Elisa do Brasil & Big Red, Manu Le Malin. www.astropolis.org
LES ESCALES > ST NAZAIRE (44) > 03 et 04/08 Thématique 2007 pour ce festival qui occupe l’immense espace des docks : les trois mers du sud, Adriatique, Mer Noire, Mer Rouge. 5 scènes et 200 artistes, dont la diva orientale Natacha Atlas, le spectacle tzigane « Vertiges » de Tony Gatlif, le rapper soudanais Emmanuel Jal, le vertigineux clarinettiste bulgare Ivo Papasov, le DJ Italien Nicola Conte. Et aussi… Officina Zoé, Burhan Öçal, Baba Zula, Iacob Maciuca, Tsehaytu Beraki, Abdulatif Yagoub & DuOud, TransGlobal Underground, DJ Clic. www.les-escales.com JAZZ A LA VILLETTE > PARIS > 29/08 au 9/09 La Grande Halle réouverte après deux ans de travaux, la Cité de la Musique, le Cabaret Sauvage, le Point Ephémère, Le Trabendo, le Plateau : c’est Jazz around le Canal St Martin. Avec un focus sur quatre artistes en configurations diverses : Julien Lourau, Sonic Youth, Steve Coleman, Wayne Shorter. De l’orchestre symphonique aux rappers ou aux rumberos, des rencontres jazz tous azimuts. Et aussi… Bojan Z, Fred Wesley & Pee Wee Ellis + David Krakauer & SoCalled, Ravi Coltrane, Lionel Loueke. www.jazzalavillette.com
ART Le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris change de directeur
Nouvelle directio Nouveau directeur du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, Fabrice Hergott veille à mettre en perspective l’art d’hier et d’aujourd’hui, comme en attestent les trois expositions présentées au public durant tout l’été.
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endant près de vingt ans, Suzanne Pagé a contribué à faire du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris une référence culturelle tant au plan national qu’international, grâce à la qualité et à l’audace de ses choix. Un bien bel héritage laissé à son successeur, Fabrice Hergott, qui devra relever le défi d’aller encore plus loin dans l’excellence. Installé dans le palais de Tokyo édifié à l’occasion de l’Exposition universelle de 1937, et inauguré en 1961, le musée a rouvert en janvier 2006, après deux ans de travaux. Il rassemble dans ses collections plus de 8000 œuvres et présente des expositions temporaires illustrant différents courants de l'art du XXème siècle. Trois nouvelles expositions ont démarré le 20 juin dernier : Blow up 19522007 - Quand j’étais petit je ne faisais pas grand, de l’artiste français François Morellet, Rodtchenko photographe, la Révolution dans l’œil, ainsi que Mon ennemi, mon frère, mon bourreau, mon amour de l’Américaine Kara Walker, une jeune artiste de renommée internationale mais peu connue en France. Trois expositions qui, précise Fabrice Hergott, «couvrent tout le champ chronologique du musée », du début du siècle avec Rodtchenko jusqu’à nos jours avec Kara Walker, en passant par François Morellet, qui revisite aujourd’hui en les agrandissant ses premières œuvres réalisées en 1952.
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Photomontage de 3 doubles trames 0°-30°-60°, 1975 de François M
ON NE PEUT PAS ÊTRE CONTEMPORAIN AUJOURD’HUI SANS PORTER UN REGARD VERS FABRICE HERGOTT LE PASSÉ.
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Cette programmation répond à une volonté forte de mettre en perspective et en résonance les époques, à la fois artistiques et historiques. « Je ne crois pas que l’on puisse être contemporain aujourd’hui sans porter un regard vers le passé », estime Fabrice Hergott. L’artiste russe Alexandre Rodtchenko (1851-1956), qui abandonna la peinture au profit de la photographie, a participé activement à la propagande bolchevique et soviétique dans les années 1920-1930. Empreinte d’histoire, l’œuvre de l’artiste Kara Walker, âgée de 38 ans, l’est aussi à bien des égards : jouant sur les silhouettes, ses dessins, films d’animation et collages sont « une réactualisation de la violence des rapports humains dans l’histoire des ÉtatsUnis, et plus largement, de tous les rapports humains entre oppresseurs et oppressés», analyse Fabrice Hergott. «Le lien entre Rodtchenko et Morellet est évident, poursuit-il, puisque le premier est l’un des fondateurs de l’abstraction géométrique, réinvestie par le second qui se trouve être en quelque sorte l’inventeur européen du minimalisme. » Faire découvrir, transmettre, donner des clés et des repères, telle se doit d’être la mission d’un musée de cette envergure. Son nouveau directeur, fort d’une longue expérience aux Musées de Strasbourg et au Centre Pompidou, aspire à en faire « un lieu d’expérimentations ». À suivre... _Anne-Lou VICENTE Expositions jusqu’au 16 septembre 2007 : François Morellet - Blow up 1952-2007 - Quand j’étais petit je ne faisais pas grand / Alexandre Rodtchenko photographe - La Révolution dans l’œil / Kara Walker - Mon ennemi, mon frère, mon bourreau, mon amour Musée d’Art moderne de la Ville de Paris / ARC - 11, avenue du Président Wilson, 75116 Paris.
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1952 x 4 n°10 - Quand j’étais petit je ne faisais pas grand, 2006 de F
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EXPOSITIONS ROCK’N’ROLL 39-59 22 JUIN-28 OCT. Alors que l’on fête les 30 ans de la mort d’Elvis, cette exposition revient sur la genèse et l’âge d’or du rock’n’roll aux États-Unis. À travers photographies, disques et objets rares, on comprend son rôle dans la lutte pour les droits civiques et l’avènement de la figure du teenager. Fondation Cartier pour l’art contemporain - 261, Boulevard Raspail, 75014 Paris
© ADAGP, Paris, 2007 © Musée d'Art moderne de la Ville de Paris
VOGUE EN BEAUTÉ 1920-2007 12 JUIN-2 SEPT.
Morellet
Vogue en une centaine de clichés de grands photographes, tels Guy Bourdin, Helmut Newton ou Mario Testino… Avec cette exposition, l’historien du corps Georges Vigarello met au jour l’évolution de la représentation de la beauté féminine au sein du magazine fondateur de sa modernité. BNF – Site François Mitterrand - Quai François Mauriac, 75013 Paris
L’ÉTOFFE DES HÉROÏNES 29 JUIN-19 AOÛT Projet à la fois culturel et social, cette exposition vise à intégrer des femmes en difficulté en leur rendant accessible l’espace muséal. Leurs travaux sont présentés ici en miroir d’œuvres d’autres artistes comme le photographe Benoît Peverelli. Musée des Beaux-Arts de la ville de Paris - Le Petit Palais Avenue Winston Churchill, 75008 Paris.
ENLARGE YOUR PRACTICE 7 JUIL.-15 SEPT. Des jeunes artistes décomplexés, de Cyprien Gaillard à Olivier Babin, récupèrent la culture fan et Internet de la « génération Jackass», pour créer une nouvelle esthétique aux codes bien moins rigides. La Friche Belle de Mai - 41, rue Jobin, 13003 Marseille
LE SITE
© ADAGP, Paris, 2007
www.tinaberning.de Jeune illustratrice allemande installée à Berlin, Tina Berning s’est notamment imposée dans le domaine de l’illustration de mode. Après des études d’arts graphiques, elle réalise pochettes d’albums et posters avant de travailler pour le supplément visuel du principal quotidien du sud de l’Allemagne, Sueddeutsche Zeitung. Internationalement reconnue, elle collabore depuis à de nombreux magazines et campagnes publicitaires, séduits par son univers girly aux accents romantiques et par son style épuré, doux et vaporeux.
François Morellet
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AUX RENCONTRES D'ARLES 2007
Mathieu Pernot : Série des « Témoins », 2006
GALERIE VU : 2, rue Jules Cousin - 75004 Paris - Tél : 01 53 01 85 81 LES RENCONTRES D'ARLES 2007 Expositions organisées par la Galerie VU’ Du 03 juillet au 16 août Le Capitole - 21 rue Laurent Bonnemant - 13 200 Arles
Arja Hyytiainen : Série « Distance – Now », 2004-2006
Mathieu Pernot : Série « Le Meilleur des mondes », 2006
Martin Kollar : New Orleans, 2005
Mathieu PERNOT, Arja HYYTIAINEN, Martin KOLLAR Tous trois sont contemporains et assignent, de par leurs pratiques différentes du medium, des fonctions différentes à la photographie. Mais tous trois se situent dans le champ du documentaire et, à leur manière, ils sont représentatifs de l’éclectisme de la galerie VU’, attentive aux écritures nouvelles, refusant le décoratif et soutenant des points de vue tranchés.
TRIBUNE LIBRE Les limites de la télé-réalité
Cette télé qui tait Plus de cinq ans après le Loft, la télé-réalité refait parler d’elle. Après la mise en scène factice d’un don d’organes sur un plateau néerlandais, TF1 vient de lancer Secret Story, lui aussi produit par Endemol. Jean-Michel Frodon, directeur des Cahiers du cinéma, analyse pour TROISCOULEURS ce qui distingue la télé-réalité des formes de représentation qui ont prévalu jusqu’à elle : l’absence de limites.
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oqueluche du début du XXIe siècle, la télé- avec l’idée de la démocratie. À l’époque, ça s’appelait le réalité a connu son heure de gloire médiatique et théâtre : une mise en représentation des affects humains, pour intellectuelle au moment de la diffusion du Loft. les humains assemblés. Ce spectacle reposait sur la séparation Sans disparaître ni des antennes ni de l’audimat, (la limite, que plus tard on nommera « la rampe ») entre les elle avait depuis cessé d’attirer l’attention. Deux non-événements spectateurs et le spectacle. Il n’est pas question d’affirmer que savamment orchestrés l’ont rappelée à notre souvenir : à tout spectacle est garant d’un progrès éthique et politique. quelques jours d’intervalle, le faux jeu néerlandais d’Endemol Mais il en est la possibilité. Toute l’histoire des représentations, sur un don d’organes et la reprise sur TF1 d’une variante théâtrales, picturales, photographiques, cinématographies et du Loft, Secret Story, rallumaient les feux de la rampe (de télévisuelles, conserve et redéfinit le fonctionnement de cet lancement) médiatique. Supercherie dans le premier cas, écart – y compris Blanche-neige et les sept nains. C’est dans résultats d’audience médiocre dans le deuxième, ce tour de cet écart, entre le monde et sa représentation, et grâce aux piste en forme de faux-semblant paraît signifier une perte émotions que la représentation suscite en chacun et que d’influence du phénomène. chacun transforme en éléments pour se construire comme Et si c’était le contraire ? Si la télé-réalité avait si bien infusé sujet, que le spectacle fut un des plus importants agents de nos environnements réels et imaginaires (de la couverture démocratie, d’humanisation de l’humain – au sens à la fois par les télés américaines de la guerre en Irak à la récente de s’éloigner de l’animal et de se constituer en collectivité campagne électorale en France) qu’il n’y avait plus vraiment consciente d’individus plutôt qu’en agrégat tribal. Ça ne besoin d’émission « de » télé-réalité, de programme marche pas à tous les coups, c’est le moins qu’on puisse dire, spécialement destiné à ce qui, LA TÉLÉ-RÉALITÉ SE FONDE SUR LA DISSOLUTION DU de toute manière, est partout ? Nous vivons une période qui RAPPORT ENTRE SPECTACLE ET SPECTATEURS. s’enorgueillit d’abolir, grâce notamment aux « nouvelles technologies », beaucoup des mais c’est le principe. Y compris, évidemment, en interrogeant limites qui avaient cours auparavant. Abolir des limites, la place, la nature et les effets de la rampe, ce que le théâtre c’est bien. Ah bon ? Pourquoi, au fait ? Il existe une limite par moderne a beaucoup fait – et parfois le cinéma aussi, exemple qui dit qu’il ne faut égorger son voisin même si sa tête l’exemple le mieux connu étant La Rose pourpre du Caire ne vous revient pas. Qui considère comme un progrès qu’on (mais voyez l’admirable Film de Samuel Beckett avec Buster abolisse cette limite ? J’exagère. Mais : A) beaucoup de limites Keaton, qui va beaucoup plus loin). contribuent à structurer la vie en collectivité pour en faire autre C’est ce principe qui est renversé par la télé-réalité. Celle-ci chose qu’une jungle. Sans croire que toutes les lois soient se fonde sur la dissolution du point de vue (par la multiplicité justes ni même que cette société soit organisée selon les des caméras de type télésurveillance), du statut de ceux que moins mauvaises règles possibles, je préfère savoir qu’en nous voyons (acteurs supposés ne pas en être), de la nature principe les voitures s’arrêtent quand le feu est rouge, cette de ce qu’ils font (ils jouent des petites saynètes qui souvent limite imposée aux automobilistes me permet de traverser les singent ce qu’eux-mêmes ont vu dans les feuilletons télé), du rues. B) Autre type de limites : ce qui fait que je suis moi, et que rapport entre spectacle et spectateurs (qui ont l’illusion de vous êtes vous, et que nous sommes distincts. C’est parce que pouvoir intervenir sur le déroulement du récit par l’envoi nous sommes distincts que nous pouvons nous rencontrer, de SMS). Une illusion de liberté qui, en supprimant les limites nous regarder, nous parler, peut-être devenir amis, ou amants. entre réalité et show, abolit en fait ce qui, dans tout Cette limite fait de nous des personnes, ce qu’on appelle des spectacle, aide à percevoir un peu de notre rapport au « sujets » – et des sujets parlants : des êtres humains. monde, aux autres, et à nos propres sentiments, à nos peurs Quel rapport avec la télé-réalité ? Celle-ci abolit un dispositif et à nos désirs. _Jean-Michel FRODON - Directeur des Cahiers du cinéma né dans l’Antiquité, à Athènes, en même temps et en rapport
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les réalités
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RÉSEAUX Sur MySpace, le marketing fait-il le buzz ?
MySpace :du buz
illustration : © Arnaud PAGÈS
Arctic Monkeys, Kamini, Justice... Les artistes « découverts » sur MySpace deviennent la norme. Que valent ces buzz ? S'agit-il d'un engouement réel des internautes, ou du résultat de stratégies marketing orchestrées par les maisons de disques ? Enquête.
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remier site au monde de « social networking », MySpace a ouvert en 2006 la version française de sa plateforme. Plus qu’un réseau social, le site s’est surtout développé comme outil de promotion de la musique. Signé ou pas signé, star ou obscur, tout le monde du rock, de la pop ou de l’electro s’y retrouve pour faire entendre sa voix et étendre son carnet d’«ajouts», en mode autogestion, « démocratique » et branché. Dès lors, des artistes émergent et se font repérer par les maisons de disques, sur la foi de statistiques prometteuses (le nombre de visites, d’écoutes ou d’«amis »). En France, Justice, Yelle ou Kamini ont ON PARLE BEAUCOUP DE STAGIAIRES EMPLOYÉS vécu ces effets de notoriété «virale», suivis d’une signature sur un label. DANS LES LABELS POUR ENVOYER DES « REQUESTS », Aujourd’hui, on s’interroge cependant SPAMMER LES FORUMS ET ALIMENTER LES BUZZ. sur la légitimité du caractère prescripteur de MySpace. Les maisons de disques (majors et indépendants) ont bien compris l’intérêt de cette plateforme comme outil promotionnel, et l’on parle beaucoup de stagiaires employés dans les labels pour envoyer des « requests », spammer les forums et alimenter les buzz. Du coup, l’idéal démocratique que représentait MySpace à ses débuts semble un peu faussé
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par la disproportion de moyens mis en oeuvre, entre le petit groupe autoproduit et la grosse machine commerciale et ses petites mains. Disponibles sur Internet, des programmes de robots-spammers comme Add Friender ou des lignes de scripts html permettraient également de gonfler automatiquement son nombre d’amis. Marc Mayor, directeur général de la filiale française, est très ferme à ce sujet : « On est très à cheval sur les abus. Des milliers de profils sont supprimés tous les jours parce qu’ils ne respectent pas nos conditions d’utilisations. » Une politique qui vise à faire de MySpace « un environnement où l’on va vers les autres plutôt qu’où ils s’imposent à nous, ajoute-t-il. Les maisons de disques sont évidemment soumises aux mêmes conditions. Il n’y a pas de compte «prémiums». La promotion n’a pas de sens si elle ne rencontre pas l’adhésion de la communauté. » On observe cependant une visibilité accrue accordée par MySpace à certains labels et artistes (comme Justice ou Tekilatex), sur la base de partenariats commerciaux ou d’échanges publicitaires. « On a des équipes de contenus, qui regardent ce qui se fait et décident de mettre en avant les contenus intéressants, en relation avec les artistes, les managers ou les maisons de disques, concède Marc Mayor. Cela dit, ce n’est pas l’équipe MySpace, mais la communauté qui doit être prescriptrice. Qu’elles qu’aient été les campagnes de promotion faites par les uns et les autres, c’est Soko qui a le plus de « plays » ces derniers mois et elle n’a pas de maison de disques derrière elle, mais une communauté. ». De fait, la petite parisienne Soko totalise plus de 16 500 « amis » sur la foi de sa bluette folk I’ll Kill Her, qu’elle chante en anglais avec un accent « so charming ». Une notoriété dont la spontanéité et l’ampleur laissent à penser que tout n’est pas complètement foutu au royaume de MySpace, et que le succès n’est pas qu’une affaire de marketing. _Wilfried PARIS
MOT @ MOT
POST
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z au business ENCYCLOPÉDIE BRASILO-POP Épris de musique brésilienne, un animateur radio californien couche son obsession sur un site : samba, bossa ou forró, nouveautés, classiques ou trésors cachés, tout y est raconté avec passion. Ótimo! http://www.slipcue.com/music/brazil/brazillist.html
CARTES PERSO Voilà une adresse qui devrait cartonner : Moo vous aide à fabriquer et customiser vos cartes de visite en piochant dans vos banques d’images Flick’r, Vox ou Second Life. http://www.moo.com/
LA CLAQUE Déjà cultes, ces marionnettes québécoises distillent un humour à la fois tendre et absurde. Le sketch Willi Waler 2006 et ses fameuses « p’tites p’tates » est à « watcher» sans modération. http://www.tetesaclaques.tv/
CHICHE « Informations, enquêtes et mauvais esprit », annonce en page d’accueil ce webzine satirique, sorte de Canard Enchaîné 2.0, subtil décrypteur de la vie politique française et africaine. http://www.bakchich.info/
CLIP TOP Face aux hypermarchés de la vidéo en ligne que sont You Tube et Daily Motion, préférons cette charmante Supérette : ici, les clips sont finement choisis et commentés, tels des épices supérieures. http://supe-r-aitte.blogspot.com/
[post] n.m. (2007, de l’anglais post, « une inscription »)
1°. Désigne un message bref publié par l’internaute sur tout espace en ligne dédié à la l’information et à la discussion communautaire, tel MSN, DailyMotion ou MySpace. Elle a ajouté un post dithyrambique sur ton blog. 2°. Par extension, littérature numérique spontanée, voire névrotique, régie par une orthographe hasardeuse. Sur facteur.fr lé posts d’agent postau passen a la postériteé.
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JEUX VIDÉO Consoles à tout faire
À la limite du hor
illustration : © Arnaud PAGÈS
Utilisées comme instruments de musique, boîtes e-mail ou météorologues, contribuant même à la recherche scientifique, les consoles s’inventent de nouveaux usages, au ludisme plus ouvert sur le réel. Le point sur ces pratiques originales, voire transgressives.
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auver le monde ? Pour les gamers, c’est presque la routine. Mais, depuis la fin mars, les possesseurs de PlayStation 3 peuvent jouer les bienfaiteurs de l’humanité d’une manière nettement moins virtuelle qu’en dézinguant les envahisseurs visqueux de Resistance : Fall Of Man. En collaboration avec l’université de Stanford, Sony a en effet installé sur sa console nouvelle génération un petit programme tournant en tâche de fond, intitulé Folding@Home. Déjà ouvert aux PC et Mac depuis l’automne 2000, celui-ci met en commun les capacités de calcul des ordinateurs reliés à Internet au profit de la recherche sur les protéines, MÊME NINTENDO, ENCORE IL Y A PEU APÔTRE DU JEU dont sont attendues des retombées sur la connaissance et le traitement VIDÉO PUR ET DUR FACE AUX AMBITIONS MULTIMÉDIAS de la maladie d’Alzheimer ou de DE LA CONCURRENCE, S'Y EST MIS. certains cancers. Loin du simple coup de pub, l’arrivée de la PlayStation 3 a eu pour conséquence une sérieuse accélération du programme, dont l’instigateur Vijay Pande affirme avoir pu réaliser en un mois un travail qui demandait auparavant plus d’un an. Et ce, grâce à une heureuse coïncidence : les capacités dont a été dotée la console pour gérer des environnements 3D complexes répondent aussi très bien aux besoins des calculs scientifiques…
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Le supplément d’âme en plus, Folding@Home est aussi une preuve supplémentaire de la détermination des concepteurs de consoles à dépasser les limites traditionnelles de la sphère ludique. Même Nintendo, encore il y a peu apôtre du jeu vidéo pur et dur face aux ambitions multimédias de la concurrence, s’y est mis. Aux côtés des spots télé vantant le débridé Wii Sports ou le dernier Zelda, la dernière campagne publicitaire de la maison Mario n’hésitait ainsi pas à souligner, par la mise en scène d’utilisateurs évidemment réjouis, que la Wii permet aussi de consulter à volonté les prévisions météo… Terminaux de divertissement connectés au réseau, les consoles s’affirment ainsi toujours un peu plus comme des machines à ludiciser le monde. Tout devient jeu, qu’il s’agisse de localiser sur une planisphère les PS3 contribuant à Folding@Home, de comparer les climats de Nairobi et de Vladivostok, de participer à des sondages farfelus sur la « chaîne vote » de la Wii ou de s’abandonner au kaléidoscopique synthétiseur de lumières conçu par Jeff Minter pour le lecteur audio de la Xbox 360. En la matière, l’industrie ne fait cependant que suivre la voie ouverte par les utilisateurs eux-mêmes, qui ne l’ont pas attendue pour découvrir que l’on pouvait faire bien d’autres choses que jouer avec les consoles. Née à la fin des années 1990 et portée par la mode du jeu rétro, la «GameBoy music» en est symptomatique : séduits par ses sons «primitifs», de nombreux musiciens ont érigé la portable en instrument à part entière. Dans un article publié dans le magazine américain Wired en 2003, l’ex-« inventeur » des Sex Pistols, Malcolm McLaren, avait d’ailleurs cru déceler un nouveau punk rock dans leur inventivité nourrie du rejet de la techno hightech. De Mikro Orchestra à Nullsleep, de Glomag à Bitshifter, ces musiciens présentent Mario à Kraftwerk et teintent leurs expérimentations bruitistes de tonalités kitsch eighties. En attendant de faire avancer la recherche médicale, le jeu vidéo nous invite déjà à danser tout l’été. _Erwan HIGUINEN
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s-jeu CEREBRALE ACADEMIE Sur DS, notre cerveau ne pesait pas lourd. La version Wii propose en plus un mode multijoueur, pour déterminer enfin qui est le plus malin. Disponible : 20 juillet Éditeur : Nintendo // Plateforme : Wii
CRAZY TAXI : FARE WARS Réunissant les épatants volets Dreamcast, Fare Wars venge les mauvais conducteurs : pour arriver à bon port, tout est permis. Disponible : 20 juillet Éditeur : Sega // Plateforme : PSP
POKEMON DIAMANT / PERLE Depuis 1996, les jeux Pokémon ne connaissent que de subtiles évolutions. Celui-ci se révèle comme les précédents : dangereusement addictif. Disponible : 27 juillet Éditeur : Nintendo // Plateforme : DS
MEDAL OF HONOR AIRBORNE Tombée dans la routine, la série Medal Of Honor se réinvente pour la nouvelle génération de consoles. Les fans retiennent leur souffle. Disponible : 24 août Éditeur : Electronic Arts // Plateforme : PS3, Xbox 360 et PC
BOOGIE Un micro pour chanter, la manette pour marquer le rythme : Boogie est un jeu complet. Et complètement barré, ce qui ne gâte rien. Disponible : 31 août Éditeur : Electronic Arts // Plateforme : Wii
LE SITE www.vgmuseum.com Pour les articles de fond, il y a de meilleures adresses, mais on ne connaît pas de plus fascinant espace d’exposition du jeu d’hier et d’aujourd’hui que l’autoproclamé Video Game Museum. La base de donnée en constante expansion de ce site créé en 1999 regroupe les photos de plus 13 000 jeux, des reproductions de pochettes, des publicités d’époque… Mais il est d’abord fameux pour sa rubrique « Game Endings » qui retrace en détail, au moyen de captures d’écrans, les derniers instants de 4 000 jeux. Une mine d’or pour ceux qui ont toujours peiné à finir leurs parties…
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VIDÉO À LA DEMANDE www.mk2vod.com
LIBERO Kim Rossi Stuart Les acteurs sont des réalisateurs-nés. La preuve avec Libero, premier long-métrage de Kim Rossi Stuart.
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uand un réalisateur fait l’acteur, c’est généralement comme s’il venait visiter un ami – tranquillement et sans effort. Quand un acteur fait le réalisateur, on a parfois l’impression que sa vie en dépend. Eastwood hors-compétition, il n’y a qu’à voir l’immense sérieux que Robert de Niro a mis dans son récent film Raisons d’État, au détriment de tous ses rôles depuis dix ans (un mafieux en tongs, un beau-père redoutable, une voix de requin…). Autre exemple, moins connu mais plus spectaculaire : celui du premier long-métrage de la star italienne Kim Rossi Stuart, Libero, ce mois-ci en première ligne sur MK2vod. Si une barbe et une chanson de variété entonnée dans la voiture familiale font un clin d’œil aussi drôle qu’inconscient à Nanni Moretti, KRS s’attribue le rôle plus ingrat d’un preneur de son colérique. Au bout de vingt minutes, la star traite de «putain», devant son fils effaré, la mère qui a déserté le domicile familial, manière pour le réalisateur de montrer ce qu’il a dans le ventre. Le père force alors le fils à prendre sur les terrains de foot la position de libero, au lieu de jouer éternellement au centre, et à ne pas demeurer, dans la famille, la victime impuissante des crises qui la secouent. _Antoine THIRION ++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++
CYCLE ICONOPHILE Tandis que sort au cinéma Les Fantômes de Goya, MK2vod vous propose une série de films liés à la peinture et à la photographie : Pillow Book de Peter Greenaway, tout en calligraphies et peintures sur corps, Cindy The Doll Is Mine de Bertrand Bonello, qui s’interroge sur le processus de création artistique, et enfin le torride Premiers Désirs, du grand photographe David Hamilton. De quoi soigner vos penchants iconolâtres…
LES STUDIOS EALING : «SO BRITISH» Nés au début du XXème siècle en Angleterre, les studios Ealing figurent parmi les plus vieux au monde. Leur période faste débute en 1938, avec l’arrivée de Michael Bacon à leur tête. Si la production est très variée, c’est grâce à ses comédies noires, grinçantes, délirantes que le studio se fait un nom. Dans les années 1950 sortent trois modèles du genre : Noblesse oblige de R. Hamer, De l’or en barres de C. Crichton et Tueurs de dames d’A. Mackendrick, d’ores et déjà disponibles sur MK2vod.
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SHOPPING Accessoires de plage pour mélomanes avertis
Sea, sex & sound LOVE ON THE BEAT Ouïr, pour mieux jouir... Avec cet accessoire sexy, vos coups de cœur musicaux prennent une autre dimension (19 cm pour être précis). L’engin se branche sur un iPod ou n’importe quel autre baladeur ; sa vibration s’intensifie en fonction de la musique sélectionnée. Gageons que, munie de cet iGode dernier cri, vous n’écouterez plus le tube de Diam’s de la même façon («laisse-moi kiffer la vibe sans mon mec… »). OhMiBod : http://mybod.loneline.fr // Prix : 70 euros
ECOUTER VOIR Cette paire de lunettes de soleil Oakley surfe, elle aussi, sur la vogue des synesthésies (« perceptions sensorielles simultanées », selon le dictionnaire) ; avec son lecteur MP3 intégré, elle réconciliera le voyeur et le mélomane qui sommeillent en vous. 1 Go de mémoire : pas de quoi relier l’Angleterre en windsurf, mais assez pour mater de manière thématisée, avec Où sont les femmes ? ou Sexy boy en tête de playlist. Oakley Thumb Pro : http://oakley.com Vente en ligne (279 $) et magasins spécialisés.
TOUT EN NAIN Marre du sac de plage rempli à ras bord ? Si vous ne deviez emporter qu’une seule chose sur la grève, songez au N95 de Nokia. C’est simple, malgré sa mini-taille, il fait tout : radar GPS pour trouver le meilleur spot, Internet WiFi pour prévenir le bureau de votre retard, lecteur MP3 pour rêvasser en musique, appareil photo 5 mégapixels pour immortaliser le soleil couchant… Bien vu ! Nokia N95. Revendeurs spécialisés. // Prix de vente : 800 euros
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Vous aimez autant les plages de vos disques que celles, toutes de sable fin, où vous passerez votre été ? Petite sélection d’objets pour marier au mieux le son des notes à celui des vagues – qu’elles soient d’écume ou de plaisir...
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MONTRE LE SON Grâce au système Bluetooth, cette montre permet de télécommander, dans un rayon de 10 mètres, le lecteur MP3 de votre téléphone portable. Elle peut également afficher les nouveaux messages de votre mobile. L’inspecteur Gadget, James Bond et autres control-freaks n’ont qu’à bien se tenir. Quant à votre petit frère et son énorme ghettoblaster vintage, pas sûr qu’il reste longtemps le caïd du club Mickey… Montre Sony Ericsson MBW 150 Music Edition. Revendeurs agréés.
ROULEAU COMPRESSEUR Seul lecteur MP3 complètement étanche et anti-choc du marché, le Freestyle Audio DMP risque de faire des vagues : grâce à sa brassière en néoprène, vous pourrez surfer en musique, même sous un rouleau de 3 mètres… Avec plus de 30 heures d’autonomie et une mémoire de 320 chansons, il devrait satisfaire les riders les plus acharnés. Prix de vente constaté : 145 euros. Revendeurs agréés.
À L’EAU ? Si vous passez vos vacances en Bretagne ou que vous transpirez des oreilles (!), ce casque est fait pour vous. Car, comme son nom l'indique, le Splash Proof est imperméable à l'eau. Nacré ou argent, vous pourrez continuer à écouter Purple Rain sur votre lecteur MP3, ou téléphoner à Météo France sur votre portable, en toute sérénité. Tip-top. Casque Pioneer Splash Proof SE-E22. Prix conseillé : 22 euros Plus d'infos au 08 10 786 400. _F.V.
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SCIENCE-FICTION La chronique des objets de demain... Le Seadoo
Aquaboulevard Dans cinq ans, Paris sera presque entièrement submergé, Laure Manaudou boira la tasse et nous nous déplacerons en Seadoo, un propulseur sous-marin qui en jette pas mal. Plongée dans un futur pour le moins trouble.
2012
Après un quinquennat placé sous le signe du Vélib’ et de la valeur travail, les cyclistes parisiens ont transpiré sang et eau, entraînant réchauffement climatique, fonte des glaces et calvitie de Nicolas Hulot. Le lit kingsize de la Seine offre un terrain de jeu on ne peut plus propice au Seadoo, propulseur personnel subaquatique. L’eau encercle à perte de vue les côtes de Montmartre. Autour de cet îlot hospitalier s’entassent les (b)eau-(b)eau, communauté post-baba se la coulant douce, et dont mes parents restent la figure de proue. Artistes marins, ces nantis surnagent dans des lofts sur pilotis, vivotant de leurs aquarelles et du peu de liquide qu’elles leur rapportent.
« J’veux mon seeeeeeeeeeaaaaaaaadooooooooo ! » La revendication par martèlement acoustique a eu raison de mes pauvres géniteurs. Et pour cette rentrée, je vais au collège juché sur mon scooter sous-marin, véritable aspirateur à sardines aguicheuses. Jugez plutôt : caisson de basse 800 watts, turbine débridée, néons rouge Cousteau, je règne sans partage sur un monde aux frontières de Waterworld et Fast And Furious.
« Blblbllbllbbbllbblbbllbllb !! » Sifflé par la brigade maritime pour avoir grillé un thon rouge, on me retire trois surimis de mon permis à bulles. Un chapelet de bigorneaux autour du poignet, menacé par une matraque de poisson pané, j’atterris dans un panier à algues, au milieu d’un banc de morues. Barboter ou conduire, j’ai choisi. _Etienne ROUILLON
LE SEADOO EN CHIFFRES 399€ Soit le prix du Seadoo, d’ores et déjà disponible en magasin ou sur Internet. Pas si doux pour le porte-monnaie… 90 minutes d’autonomie pour la propulsion, soit le temps de cuire un gigot de 3 kilos. Nous rappelons que le temps de cuisson du gigot est inversement proportionnel à son poids et que le rumsteck ne se barde pas. Bon appétit. 6,8 kg C’est le poids du Seadoo avec sa batterie, soit le volume moyen de déjections avicoles produites par une pintade élevée en batterie au bout de trois semaines. Bon appétit. 3,2 km/h C’est la vitesse maximale du Seadoo, soit à peu près la vitesse de croisière d’une pintade lancée à la poursuite d’un gigot. Bon appétit. Pour se procurer l’engin, rendez-vous sur www.seascooterfrance.fr
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illustration : © Thomas DAPONT
Sur le chemin du bahut, entre deux chaluts de pêche, je dépasse le Paloma, siège insubmersible du pouvoir politique. Compact, le Seadoo est plus que maniable et un habile looping sous-marin me permet d’éviter une Laure Manaudou pétée au chianti, slalomant dans le canal d’arrêt d’urgence.
France 2007. BK - RCS Strasbourg 332 266 428.
www.1664blanc.com
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.