CINÉMA I CULTURE I TECHNOLOGIE
NUMÉRO 56 I OCTOBRE 07
PLEIN ÉCRAN SECRET SUNSHINE LA FORÊT DE MOGARI LE RÊVE DE CASSANDRE
MUSIQUE DEVENDRA BANHART ET LE RENOUVEAU HIPPIE
LIVRES LES BD HORS NORMES DE CHRIS WARE
TRIBUNE LIBRE HOMMAGE À JEAN-FRANÇOIS BIZOT
RÉSEAUX ONOWA.COM LA QUALITÉ AVANT LA QUANTITÉ
LE NOUVEAU FILM DE GUS VAN SANT
PARANOID
PARK
10 PAGES DE DOSSIER // LA GALAXIE GVS + INTERVIEW EXCLUSIVE D’HEDI SLIMANE
LA GALAXIE
GUS VAN
SANT PAGE 14
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SOMMAIRE # 56 06_ 15_
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Tendances, Ciné fils, Regards Croisés, Scène culte DOSSIER GUS VAN SANT : La galaxie GVS, Paranoid Park, Interview d’Hedi Slimane... PLEIN ÉCRAN : Le Rêve de Cassandre de Woody Allen La Forêt de Mogari de Naomi Kawase Secret Sunshine de Lee Chang-Dong LE GUIDE des sorties en salles
CULTURE 46_ 48_ 50_ 52_ 54_ 56_
DVD : La mode au cinéma LIVRES : ACME de Chris Ware enfin traduit MUSIQUE : Devendra Banhart et le renouveau hippie LES BONS PLANS DE ART : Diaspora au Musée du Quai Branly PAR Stéphane Duroy
TECHNOLOGIE 58_ 60_ 62_ 64_ 66_
TRIBUNE LIBRE : Hommage à J.-F. Bizot RÉSEAUX : Onowa.com : la qualité avant la quantité JEUX VIDÉO : La déferlante des FPS VOD : The Brown Bunny de V. Gallo SCIENCE-FICTION : L’ordinateur-table de Microsoft
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CINÉMA
ÉDITO « TEEN-ART » Au début du mois d’octobre, Paris se peuple de silhouettes longilignes, aux visages irréels, qui font claquer leurs talons sur les pavés de la place du Palais-Royal. La semaine de la mode s’achève et cette année un homme s’est fait remarquer par son absence : Hedi Slimane. Pour vous, TROISCOULEURS a retrouvé l’ancien styliste de Dior en exil aux ÉtatsUnis. Parti chercher de nouvelles inspirations dans la photographie, en attendant un retour aux fripes version féminine, Slimane nous raconte les coulisses de son amitié avec Gus Van Sant, le complice avec qui il partage sa passion de l’underground et cette vision si personnelle de l’esthétique contemporaine. Lorsque l’un manque à l’appel, l’autre prend la relève et nous livre Paranoid Park, le dernier opus très attendu du réalisateur originaire de Portland. En revenant sur ses terres, Gus Van Sant retrouve ses adolescents solitaires, mais délaisse ce moment énigmatique qui précède la mort (Gerry, Elephant, Last Days) pour s’intéresser à celui qui lui succède. Un retour aux sources réussi, qui hisse Paranoid Park à la quintessence de ce que Chris Doyle, son chef opérateur déjanté, a déjà baptisé le « teen-art ». _Elisha KARMITZ
ÉDITEUR MK2 MULTIMÉDIA / 55 RUE TRAVERSIÈRE_75012 PARIS / 01 44 67 30 00 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION > Elisha KARMITZ I RÉDACTEUR EN CHEF > Elisha KARMITZ elisha.karmitz@mk2.com I DIRECTEUR DE LA RÉDACTION > Auréliano TONET aureliano.tonet@mk2.com / troiscouleurs@mk2.com LE GUIDE > Bertrand ROGER bertrand.roger@mk2.com I SECRÉTAIRE DE RÉDACTION «LE GUIDE» / ÉVÈNEMENTS > CAROLINE LESEUR caroline.leseur@mk2.com I CINÉMA / DVD > Sandrine MARQUES sandrine.marques@mk2.com LIVRES > Pascale DULON pascale.dulon@mk2.com I MUSIQUE > Auréliano TONET I INTERNET / JEUX VIDÉO / HIGH-TECH > Étienne ROUILLON etienne.rouillon@mk2.com I ART > Florence VALENCOURT florence.valencourt@mk2.com I STAGIAIRE > Pihla HINTIKKA pihla.hintikka@mk2.com I ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO : Yann BERTIN, Delphine CHOURAQUI, Thomas CROISY, Antonin DELIMAL, Pascale DULON, Baptiste DUROSIER, Sofia GUELLATY, Erwan HIGUINEN, Florian JARNAC, Roland JHEAN, Rémy KOLPA KOPOUL, Joseph NAHIB, Olivier NICKLAUS, Jean-Christophe NOTHIAS, Oscar PARENGO, Sophie QUETTEVILLE, Antoine THIRION, Anne-Lou VICENTE I ILLUSTRATIONS > Laurent BLACHIER, Thomas DAPON, DUPUY-BERBERIAN, Fabrice GUENIER I COUVERTURE > DIRECTRICE ARTISTIQUE ET MAQUETTE> Marion DOREL marion.dorel@mk2.com I IMPRESSION / PHOTOGRAVURE > ACTIS I PHOTOGRAPHIES > AGENCE VU’, DR DIRECTEUR DE LA PUBLICITÉ > Marc LUSTIGMAN / 01 44 67 68 00 marc.lustigman@mk2.com I RESPONSABLE CLIENTÈLE CINÉMA > Laure-Aphiba KANGHA / 01 44 67 30 13 laure-aphiba.kangha@mk2.com I CHEF DE PUBLICITÉ > Solal MICENMACHER / 01 44 67 32 60 solal.micenmacher@mk2.com © 2007 TROIS COULEURS// issn 1633-2083 / dépôt légal quatrième trimestre 2006. Toute reproduction, même partielle, de textes, photos et illustrations publiés par MK2 est interdite sans l’accord de l’auteur et de l’éditeur. Tirage : 180 000 exemplaires // Magazine gratuit // Ne pas jeter sur la voie publique.
This is artcore
Johan Tamer-Morael, 29 ans, a co-fondé l’an dernier SLICK, une foire alternative qui se tient chaque automne en marge de la FIAC. Portrait d’un galeriste épatant. D’origine libanaise et flamande, Johan a déjà vécu dans quatre pays (France, États-Unis, Liban et Mexique) et eu plusieurs vies quand il rentre à Paris en 2005, à la mort de sa sœur Laïla. Iconoclaste, la jeune femme avait créé la galerie Artcore deux ans plus tôt ; en guise d’hommage, il décide de reprendre le flambeau et la rebaptise Artcore JTM. En 2006, il co-fonde la SLICK. Parfaitement bilingue, il explique : « Slick, ça veut dire cool, brillant. C’est un mot qui bouge et un pied de nez au jargon de l’art branché de New York. » SLICK, c’est surtout une FIAC «off», pour toutes les galeries émergentes « n’ayant pas les moyens de se payer un stand au Grand Palais ». Un succès. Cette année, la SLICK compte 11 galeries de plus (34) et lance un catalogue / magazine bilingue, le Slicker. Enfin, la galerie évolue encore puisque Johan s’associe à Cécile Griesmar (ex- Hors Sol) pour fonder Griesmar & Tamer. Leur première exposition sera consacrée au travail du photographe Vincent Debanne, en novembre. Une rentrée sur les chapeaux de roue pour ce garçon charmant, qui ne donne même pas l’impression d’être pressé. Rare. Galerie Griesmar & Tamer, 40, rue de Richelieu, 75001 Paris. SLICK Art Fair, du 19 au 22 octobre à la Bellevilloise et au Carré de Baudouin, 75020 Paris.
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TENDANCES
CALÉ
DÉCALÉ
RECALÉ
Les écrivains cinéastes
Les écrivains journalistes
Les écrivains écrivains
Les films de Houellebecq et Paul Auster bientôt à l’affiche, ceux de Norman Mailer réédités en DVD, Bégaudeau acteur et co-scénariste, Beigbeder documentariste... Mais qu’attend BHL pour se remettre au cinéma ?
Le dernier Bégaudeau (encore lui) décrit la conférence de presse post-Irak de Florence Aubenas. Le nouveau Yasmina Reza raconte la campagne de Sarkozy, qu’elle a suivie de près. Bientôt sur les plateaux de FOG et PPDA ?
Sombres histoires de plagiat, comédie des prix littéraires… Le landerneau germanopratin offre, ces derniers temps, un spectacle assez ronronnant. Littérateurs engourdis : se souvenir qu’une plume gagne, parfois, à prendre l’air.
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Promenons-nous dans les bois
Les derniers films d’Éric Rohmer, Pascale Ferran ou Naomi Kawase s’y abritent langoureusement : l’air pur de la forêt inspire, ces temps-ci, nombre de réalisateurs. À l’orée du sentier, suivons les traces de ce cinéma buissonnier. Paradoxal décor que la forêt au cinéma : les personnages s’y retrouvent autant qu’ils s’y perdent. C’est le cas des héros endeuillés de La Forêt de Mogari. Récemment, une efflorescence de fictions a consacré un retour sensible à la nature. Dans Old Joy, d’anciens camarades tentent de restaurer leur amitié le temps d’un week-end. La grâce d’un bain lustral, pris au cœur d’une forêt palpitante, n’empêche cependant pas l’échec de leurs retrouvailles. Dans cette même veine écolo, le cinéma asiatique livre régulièrement des fables saisissantes (Charisma, La Forêt sans nom, Princesse Mononoké) qui stigmatisent la décadence des sociétés modernes. Un déclin qui n’entrave pas l’éclosion des sentiments : les amoureux se retrouvent souvent au bois galant. La sylve abrite les ébats d’un couple illégitime (Lady Chatterley), nimbe les amours d’un soupirant maudit (Les Amours d’Astrée et de Céladon), frémit au diapason d’une passion (Le Nouveau Monde), vibre de la présence d’un amant transfiguré (Tropical Malady). Ce décor sensuel est également le lieu du refoulé et de l’inconscient. Les studios Disney y exploitent abondamment nos peurs primales (Bambi, Blanche Neige et les sept nains). Le danger se tapit dans les profondeurs de la forêt (Le Projet Blair Witch, Cabin Fever, Promenonsnous dans les bois), où des parties de chasse dégénèrent (Les Chasses du Comte Zaroff, Délivrance) quand elles ne préfigurent pas la mort de soldats américains au Vietnam (Voyage au bout de l’enfer). Mais quand il en revient, un vétéran (Rambo) déclenche une guerre contre le système qui l’a exclu, rappelant qu’entre le civilisé et le primitif, la frontière est ténue. Voilà un cinéma qui ne pratique pas la langue de bois.
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CINÉ FILS
La bande originale
SCOTT WALKER And who shall go to the ball ? And what shall go to the ball ? (4 AD / Beggars)
Scott Walker est un musicien rare, un ou deux disques par décennie, pas plus. Autant en profiter. Après Pola X de Leos Carax en 1999, l’Américain livre son deuxième score, destiné cette fois à un ballet de danse contemporaine pour handicapés. Loin des « torch-songs » de ses débuts, voici quatre instrumentaux ténébreux, succession de stridences et d’ombres sourdes, fantômes de Stravinski, spectres de Bernard Herrmann, effroi maximal.
Le ciné livre
CHRISTIAN GUÉRY « Justices à l’écran » Puf
Juge d’instruction et cinéphile : tel est Christian Guéry. Son livre Justices à l’écran revient sur la manière dont le cinéma a représenté la justice au cours des âges, de Wilder à Depardon. Spectacle souvent dramatique, composé de règles et d’acteurs variés, la justice est une aubaine pour le cinéma. En retour, celui-ci aide à éclairer, non sans déformations, les rouages complexes de l’institution judiciaire. Le tout dit dans une langue de juriste, claire, précise et argumentée. Plus qu’instructif, donc.
TRAIT LIBRE Second volet d'une série de six caricatures, TROISCOULEURS a demandé à l'illustrateur Laurent BLACHIER de croquer le réalisateur Woody Allen, dont le nouveau film Le Rêve de Cassandre sort le 31 octobre dans les salles. www.laurentblachier.com
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REGARDS CROISÉS
Al Pacino vs Farrell
S
idney Lumet, qui l’a dirigé dans Un Après-midi de chien et Serpico, définit Pacino comme un « baromètre de vérité », à l’instar de Marlon Brando ou d’Henry Fonda. Impossible qu’une scène sonne faux sous l’influence de l’interprète. D’instinct, Pacino investit les histoires et leur insuffle la force de son jeu organique – quitte à tronçonner ses ennemis comme dans Scarface. Colin Farrell partage avec lui une présence très physique à l’image. Durant sa jeunesse tumultueuse, l’Irlandais a même hésité entre une carrière de footballeur et la comédie. Mais Pacino va plus loin : son corps devient un instrument de vérité au service des fictions. Sa précision nourrit des compositions particulièrement habitées, comme dans Cruising de William Friedkin, où il campe un policier ambigu, infiltré dans le milieu homosexuel. Un rôle très « cuir» que rejoint la prestation tout aussi queer de Farrell en Alexandre le Grand, version peroxydée. Mais avant d’accéder à la consécration grâce au film d’Oliver Stone, Farrell réalise un rêve personnel : dans La Recrue, il donne la réplique à Pacino, son mentor à l’écran comme dans la vie. Une transmission s’opère en direct, comme sur les bancs de l’Actors Studio où Pacino enseigne encore son art à des comédiens aspirants. Éternel Don Corleone (Le Parrain), inoubliable Carlito Brigante (L’Impasse), Pacino accomplit des prodiges dans un face à face d’anthologie avec De Niro (Heat). Michael Mann l’emploie encore dans Révélations mais se tourne vers la relève dans Miami Vice. Farrell y joue un flic amoureux et dévoile une sensibilité qui affleurait déjà dans Le Nouveau Monde de Terrence Malick. Le bad boy a ses fêlures, qu’exploite habilement Woody Allen dans Le Rêve de Cassandre. De Pacino à Farrell se perpétue ainsi une tradition : celle du voyou au grand cœur. Les filles sont sur les rangs.
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Illustration_© Fabrice GUENIER
Hollywood aime les mauvais garçons. Surtout quand ils ont une gueule d’ange comme Colin Farrell. Son modèle avoué ? Al Pacino, le monstre sacré formé à l’Actors Studio. Correspondances entre une jeune révélation et un acteur né.
SCÈNE CULTE Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe (sans jamais oser le demander)
En guise d’introduction LA PETITE HISTOIRE : Composé de sept sketches irrévérencieux autour de questions cruciales sur le sexe comme Les Aphrodisiaques sont-ils efficaces ?, le film de Woody Allen parodie les ouvrages de vulgarisation scientifique, en vogue dans les années 1970. Culte à bien des niveaux, cette fantaisie absurde a inspiré des personnages contemporains de séries TV. Dans Urgences, George Clooney se prénomme Doug Ross, du nom du médecin qui tombe fou amoureux d’un mouton chez Allen. Quant à la chroniqueuse Carrie Bradshaw, elle « n’a pas peur de demander », devise que l’on retrouve dans le générique de la série, typiquement new-yorkaise, dont elle est l’héroïne : Sex and the City.
LE PITCH : Que se passe-t-il pendant l’éjaculation ? C’est à cette question épineuse que tente de répondre le réalisateur. Un homme dîne avec une femme et la soirée s’annonce prometteuse. Dans son cerveau, tous s’activent à la réussite d’un rapport sexuel fait d’aléatoire. Mais au moment du passage à l’acte, un spermatozoïde interprété par Woody Allen est en plein doute existentiel. Va-t-il faire le grand saut dans le vide ?
“
LE CENTRE DE CONTRÔLE DU CERVEAU : Attention, sperme ! Attention, sperme ! À vos postes ! LES SPERMATOZOÏDES : - Allez, c’est reparti ! - Tu crois qu’on va sortir cette fois ? - J’espère que ce n’est pas une fausse alerte. - Il y a eu des pépins à la Mécanique. - Apparemment, ce serait mental. Hé, tu marches sur mon flagelle. - Désolé. (…)
LE CENTRE DE CONTRÔLE DU CERVEAU : Préparez-vous pour la pénétration. LES SPERMATOZOÏDES : - Bon, je crois qu’on y est. - Comment c’est dehors ? - C’est comme on nous l’a dit à l’entraînement : un ovule. - J’ai peur. Je ne veux pas y aller. - C’est le but de tout notre entraînement. - Mais qui sait comment ça va être là-bas ? - Tu as vu les diapos en classe. - Mais on entend ces histoires étranges. Du genre, cette pilule que prennent les femmes. Ou parfois on se cogne la tête contre un mur de caoutchouc. - Oh, balivernes ! - Et si c’était une rencontre homosexuelle ? - Ce n’est pas le moment de douter de notre mission. Tu as fait un serment à l’école du sperme : fertiliser un ovule ou périr à la tâche.
”
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe (sans jamais oser le demander) de Woody Allen (1972, DVD disponible chez MGM).
12 I TROIS COULEURS_OCTOBRE 07
Pages 06 à 12 réalisées par S.M., F.V. et Au.To.
LA GALAXIE
GUS VAN
SANT
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Cinéaste atypique, Gus Van Sant est l’un des rares à avoir réussi l’aller-retour entre la marge et le cœur du système des studios californiens. Si ses premiers films, tournés avec peu de moyens, annoncent la vague du cinéma indépendant des nineties, GVS ne cessera tout au long de sa carrière de questionner son positionnement sur l’échiquier du cinéma international. International, car son œuvre traverse les frontières, tant en ce qui concerne sa réception critique et publique que sa confection. D’Hollywood à Portland, en passant par Paris, son univers est peuplé de corps célestes, de figures amies et influentes. À l’heure où sort son nouveau film, Paranoid Park, voyage au cœur d’une galaxie aussi discrète qu’étincelante. _Par Sofia Guellaty (avec Sandrine Marques et Auréliano Tonet)
15 I TROIS COULEURS_OCTOBRE 07
LA GALAXIE
GUS VAN
SANT LES AMIS
LES LIEUX
« Je crois que je suis attiré par les gens sauvages. Mais la contrepartie de ce type de caractères, c’est souvent l’autodestruction. Ce côté sauvage est très différent de moi. C’est pour ça que je l’aime, je crois... » En effet, les amis de Gus ont tous un point commun : rock and roll, baby !
S’il reste très attaché à Portland, où ont été tournés la plupart de ses films, la géographie intime de GVS ne se limite pas à la capitale de l’Oregon. À Hollywood, Van Sant a fait l’expérience de budgets ambitieux (Will Hunting), tandis que Paris a reconnu, avant d’autres, ses indéniables qualités d’auteur.
PENNY LANE Son vrai nom : Pamela Des Barres. Mais dans l’inconscient collectif, elle s’appelle Penny Lane, comme la chanson des Beatles, comme surtout le personnage principal du film de Cameron Crowe, Presque Célèbre, qu’elle a inspiré. Hier l’une des groupies les plus notoires de la planète, elle vit aujourd’hui dans une ferme à Portland, non loin de son ami Gus.
PORTLAND Gus Van Sant a fait une partie de ses études dans cette ville pluvieuse du Nord-Ouest américain. Il y tourne son premier long-métrage (Mala Noche), avant de s’y installer définitivement à la fin des années 1980. De Drugstore Cowboy à Paranoid Park, la plupart de ses films sont fortement marqués par l’urbanisme de la ville, comme par les paysages boisés et vallonnés qui la surplombent.
HEDI SLIMANE De beaux éphèbes longilignes, cheveux gras, jeans slim et guitare à la main : Hedi et Gus ont la même vision du mâle. Tous deux semblent s’entendre à merveille (voir notre interview page 20-23). Leur dernière collaboration : une exposition sur les jeunes artistes américains, Young American. CHRIS DOYLE Ancien protégé de Wong Kar-Wai, le chef opérateur de Psycho, à la dégaine d’éternel rockeur, collabore de nouveau avec GVS sur Paranoid Park. Il définit le film comme du «teen art», autrement dit une œuvre qui saisit mieux qu’aucune autre l’esprit de la jeunesse. RED HOT CHILI PEPPERS GVS a réalisé pour eux le clip de la chanson Under the Bridge en 1992. Il est tout particulièrement lié à Michael Balzary, alias Flea, le bassiste du groupe. On peut d’ailleurs le retrouver en tant que figurant dans quelques films de Gus.
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HOLLYWOOD GVS entretient des rapports ambivalents avec les studios californiens. En 1986, après le succès critique de Mala Noche, il leur propose plusieurs projets et n’essuie que des refus. Dix ans plus tard, sa réputation d’auteur affirmé lui permet de franchir, cette fois, les portes d’Hollywood. Cette période « commerciale» est couronnée d’un Golden Globe (Prête à tout) et de deux Oscars (Will Hunting). Après un intermède européen, il semble qu’Hollywood rentre à nouveau, ces derniers temps, dans les plans de Gus… PARIS À l’orée des années 2000, le cinéma de GVS évolue dans une direction plus arty. Boudée aux États-Unis, sa « trilogie de la mort» (Gerry, Elephant, Last Days), que complète Paranoid Park, gagne les faveurs de la Vieille Europe. En France, le cinéaste récoltera une Palme d’or, un producteur-distributeur (MK2), ainsi qu’un très large écho critique et public.
LES ACTEURS
LES INFLUENCES
En matière de casting, les films de GVS ont su donner la part belle à des stars confirmées (Robin Williams, Julianne Moore, Sean Connery, Keanu Reeves). Mais ils ont surtout révélé nombre de nouveaux talents, de Joaquin Phoenix à Nicole Kidman. La preuve par quatre.
Auteur influent (il a produit Kids, le premier film de Larry Clark), Gus Van Sant n’a jamais hésité à s’inspirer d’artistes qu’il admire, tel Andy Warhol. Littérature, musique, mode ou photo traversent ainsi, de part en part, son cinéma. Rapide tour d’horizon.
MICHAEL PITT Jusqu’ici connu pour ses rôles dans la série TV Dawson et dans le film Dreamers de Bertolucci, ce jeune comédien a séduit GVS par sa silhouette androgyne et son amour du rock. Résultat : le cinéaste en a fait son Blake, alter ego de Kurt Cobain dans Last Days.
BLAKE NELSON Grand lecteur, GVS a multiplié les ponts entre littérature et cinéma. À la rencontre de Forester s’inspire de la figure énigmatique de JD Salinger, tandis que Paranoid Park est une adaptation d’un roman de son ami et voisin Blake Nelson, qui s’intéresse lui aussi de près au monde de l’adolescence.
GASPARD ULLIEL C’est à l’occasion du film collectif Paris, je t’aime, dans lequel ils tournent ensemble, que le jeune acteur et Gus Van Sant font connaissance. Le réalisateur ne tarit pas d’éloges sur le Français et il semblerait qu’une prochaine collaboration pour un long-métrage ne soit pas exclue.
TOM WOLFE Après avoir fait jouer William Burroughs dans My Own Private Idaho, GVS s’apprête à rendre hommage à un autre grand écrivain allumé : Tom Wolfe. Il a en projet l’adaptation au cinéma de son roman Acid Test, road trip halluciné dans l’Amérique des sixties.
GABE NEVINS Le rôle principal du nouveau film de Gus, Paranoid Park, n’est âgé que de 17 ans. À partir d’un casting organisé sur MySpace, GVS a sélectionné cet acteur au visage d’ange et aux allures de skateur, dont le jeu tout en retenue fait mouche.
ALFRED HITCHCOCK Plus encore que Béla Tarr ou Alan Clarke, Hitchcock est le réalisateur qui a le plus obsédé Van Sant. La fameuse scène de la douche figure à trois reprises dans son oeuvre : de manière parodique dans une publicité, dans son remake de Psycho et récemment dans Paranoid Park, où le clin d’œil est évident.
MATT DAMON Avec les frères Ben et Casey Affleck, le Bostonien Matt Damon forme depuis l’enfance une bande d’amis soudés. À travers l’oscarisé Will Hunting et l’expérimental Gerry, dont ils ont co-écrit les scénarios, GVS révèle leur talent protéiforme. Fidèle, Damon sera du prochain film du cinéaste, une évocation du militant Harvey Milk avec Sean Penn.
ELLIOTT SMITH Féru d’indie-rock, GVS a fait tourner Kim Gordon (du groupe Sonic Youth) dans Last Days, évocation des derniers jours de Kurt Cobain. La proximité est plus grande encore avec Elliott Smith, originaire de Portland et dont le folk mélancolique orne les B.O. de Will Hunting et Paranoid Park. Sa mort tragique, en 2003, laissera Van Sant terrassé. 17 I TROIS COULEURS_OCTOBRE 07
LE FILM
PARANOID
PARK L
es adolescents de Paranoid Park déambulent avec nonchalance dans des couloirs de lycées sinueux, et traversent Portland à bord de skates décorés comme des fétiches de guerre. Gus Van Sant les filme au moment même où la vie pose à ces corps innocents des questions beaucoup trop grandes pour eux : qu’est-ce que signifie, à cet âge-là, la distinction entre le bien et le mal ? Comment réagiriez-vous si à dix-sept ans vous étiez subitement tenu pour responsable de la mort d’un homme ? Y a-t-il seulement une figure de skate qui puisse se substituer aux problèmes métaphysiques ? En entrant dans Paranoid Park, on croira reconnaître le monde d’Elephant, et on n’aura rien reconnu du tout. Paranoid Park signe une volonté manifeste chez Gus Van Sant de rompre (définitivement ?) avec les grands pans monumentaux de la trilogie Gerry / Elephant / Last Days, ce cinéma gigantesque et extérieur aux évènements qui faisaient de ces trois précédents films des œuvres d’art contemporains en même temps que des films mordant sur le présent, commentant l’actualité (le massacre de Columbine, ou encore le suicide de Kurt Cobain, on n’y reviendra pas). Ces deux dernières années, le cinéaste a changé de chef opérateur : son nouvel allié s’appelle Chris Doyle, il fut longtemps le maître de la lumière et de la photographie des plus beaux Wong Kar-Wai. GVS s’est aussi occupé une fois pour toute de la re-sortie de Mala Noche, son premier film. Tout son univers tenait déjà dans Mala Noche mais à revoir le film, on était étonné par une innocence d’approche, la façon dont il affrontait directement les émotions. C’est ce contact direct avec les acteurs, avec la scène, une relation entre des personnages et une caméra qui se gère à hauteur d’homme, que Van Sant a visiblement cherché à retrouver. Dans une carrière aussi maîtrisée que celle de GVS, il n’y pas beaucoup de place pour le hasard : aussi, on ne s’empêchera pas de voir dans Paranoid Park une volonté manifeste de signer un film dont l’humilité rejoint précisément celle de Mala Noche. Mais vingt ans ont passé, le cinéma est devenu chez lui une arme familière, et avec elle l’apprentissage de la maîtrise des émotions. Sous l’humilité affichée se cache une maestria encore une fois stupéfiante : il suffit de voir comment Van Sant met en scène le skate park malfamé qui prête son nom au titre, comment le film, à l’instar de son jeune héros, ne va jamais cesser de tourner autour de ce cercle de l’enfer. L’attirance pour le sombre, pour le Mal, reste l’une des grandes obsessions du cinéaste. On le sait, Gus Van Sant a eu recours au site MySpace pour trouver les acteurs de son film. Quand on voit comment il dirige le jeune Gabriel Nevins (Alex, l’ange du film), on réalise qu’il est aussi depuis plus de vingt ans le plus brillant directeur de casting sur lequel puisse compter le cinéma contemporain.
«ON CROIRA RECONNAÎTRE LE MONDE D'ELEPHANT, ET ON N'AURA RIEN RECONNU DU TOUT.»
_Joseph NABIH 18 I TROIS COULEURS_OCTOBRE 07
Un film de Gus VAN SANT+ + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + ++ + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + +
Avec Gabriel Nevins, Jake Miller, Daniel Liu… + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + ++ + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + +
MK2 // France-États-Unis, 2007, 1h25+ + + + + + + + + + + + + + +++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++
Prix du 60ème anniversaire du Festival de Cannes + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + ++ + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + +
SORTIE LE 24 OCTOBRE
HEDI SLIMANE
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«GUS EST POUR MOI UNE SORTE DE REPÈRE »
© Y.R.
Chez Dior Homme, le styliste Hedi Slimane a su imposer sa touche, et renouveler en profondeur le vestiaire masculin – silhouettes longilignes, jeans slim et fines cravates rock n’roll. Une esthétique qu’il partage avec Gus Van Sant. Au moment où il s’oriente vers d’autres horizons (les femmes, la photo, l’art contemporain), Hedi nous raconte ses projets et porte un regard amical sur l’art de Van Sant.
21 I TROIS COULEURS_OCTOBRE 07
INTERVIEW
HEDI SLIMANE
« J’AI TOUJOURS TOUT FAIT PAR ENVIE, DE MANIÈRE ORGANIQUE, EN ME DISSOCIANT DE TOUTE ATTENTE. »
Après avoir quitté Dior Homme en début d’année, vous vous tournez désormais, paraît-il, vers la mode féminine. Comment gérez-vous la pression ? J’évite autant que possible de me poser trop de questions. J’ai toujours tout fait par envie, de manière organique, en me dissociant de toute attente. Je suis parfois rattrapé par les pronostics et quelques raseurs, en particulier après mon départ de Dior. Finalement, je m’en suis soustrait en voyageant sans relâche, aux États Unis en particulier. J’ai juste poursuivi mon projet, passant d’un medium à l’autre sans transition. Aussi, habiller les filles m’a toujours semblé naturel. Une fille ou un garçon, je n’ai jamais fait le détail. D’ailleurs, c’est sans doute ma définition du masculin, et la raison de mes proportions. Vous êtes le designer du rock d'aujourd'hui, comme Vivienne Westwood l'était pour le punk. Quel rapport établissezvous entre la mode et la musique ? Toutes deux sont travaillées par la notion de style, c’est-à-dire l’invention spontanée et l’accumulation de signes et de codes vestimentaires par un groupe, partageant le même goût pour un courant musical émergeant, et définissant un territoire d’expression et de création. Le groupe, c’est l’échange affectif permanent entre des musiciens et leurs fans. Ce processus de création est invariablement le même depuis les années 1950, et définit l’ensemble de ce que les Anglais appellent la «culture de rue». Aussi, un certain nombre de designers se sont retrouvés associés, par hasard ou par simples affinités, à la création du style d’un mouvement musical. C’est vrai pour Westwood avec les Sex Pistols à la fin des années 1970. Le punk, parti de King’s Road, s’est propagé comme une traînée de poudre, démultipliant le style des Pistols inventé par Westwood. En ce qui me concerne, j’ai à la fois habillé et documenté, au début des années 2000, la nouvelle scène rock britannique, des Libertines aux Franz Ferdinand, et des dizaines d’autres groupes dans la foulée. Une sorte d’âge d’innocence, avant la déferlante, qui n’intéressait pas grand monde du reste. Le milieu de la mode était plus que sceptique lorsque j’ai défini mon style, lancé le slim, raccourci mes vestes ou affiné les cravates. Je faisais défiler au pas de charge la scène anglaise, les groupes et leurs fans, sur des titres composés pour l’occasion par The Rakes, Littl’ans ou These New Puritans. J’improvisais à Paris des concerts de Pete Doherty, des Paddingtons, etc. J’ai surtout tenté de définir clairement une allure, et une idée de l’époque dans laquelle je vivais, avec en face un nombre conséquent de détracteurs. Quelques livres, portfolios, et un Libération plus tard, tout s’est accéléré, et le mouvement s’est globalisé.
« UN ESPRIT FORT DANS UN CORPS VULNÉRABLE : C’EST CE QUE J’AI TOUJOURS SOUHAITÉ DÉFENDRE. »
Une exposition à Berlin, une autre à Lisbonne, une troisième à Amsterdam : à en croire votre actualité récente, vous semblez de plus en plus vous investir dans la photographie et l'art contemporain. Quelles sont vos ambitions dans ces domaines ? Aucune, comme pour le reste d’ailleurs. Je réagis toujours aux projets qu’on me propose, et ceux-là me semblaient intéressants. C’est d’ailleurs la tangente que j’ai prise sans transition en quittant Dior Homme. Je présume qu’il s’agissait de poursuivre la description du même sujet. D’un médium à l’autre, je n’ai jamais cessé d’approcher le même personnage. Deux de ces expositions, Young American à Amsterdam et Sweet Birth of Youth à Berlin, qui viennent de s’achever, s’intéressent aux scènes émergentes. Pourriez-vous nous faire part de vos coups de cœur ? Comme toujours, je préfère ce qui est en devenir, sans enjeux ni spéculations. Young American est un projet que j’ai commencé à mon départ de Paris, en février dernier. J’ai voyagé essentiellement sur la côte ouest, Los Angeles, San Francisco, Santa Cruz et Portland, où j’ai rejoint Gus Van Sant pour quelque temps. J’ai documenté une sorte de voyage initiatique, loin de Paris et du psychodrame sur Dior Homme. À New York, j’ai photographié la jeune scène artistique, et en particulier mes amis Banks Violette et Ryan McGinley, mais aussi Nate Lowman, Dan Colen, etc. L’exposition à Amsterdam est sans doute un point de départ. Je ne fais que commencer ce projet. Young American reste un livre en cours sur les scènes émergentes américaines, et sans doute aussi et toujours le portrait d’une certaine adolescence.
22 I TROIS COULEURS_OCTOBRE 07
Tout comme vous, Gus Van Sant est très attaché au thème de l’adolescence. On vous dit amis. Comment vous êtes-vous rencontrés ? J’ai rencontré Gus à Cannes. Nous étions dans un lobby d’hôtel. Nous partions tous les deux pour Paris. Elias, un des acteurs d’Elephant, lui a soufflé un truc à l’oreille, et Gus m’a souri. Étrangement, nous nous sommes croisés soixante-douze fois, à New York ou Los Angeles, toujours au même endroit, un hôtel le plus souvent, au même moment. Nous sommes devenus très amis. Je suis très attaché à lui. Je le trouve très apaisant, et pur. Il est pour moi une sorte de repère. Je voudrais pouvoir être comme lui dans quelques années, et protéger mes idées autant que lui. C’est d’ailleurs chez Gus que j’ai atterri après m’être sauvé de Paris. Gus est aussi la seule personne à avoir documenté et filmé Dior Homme de l’intérieur. Vous partagez avec Gus Van Sant une esthétique masculine voisine : des silhouettes extrêmement fragiles, pâles, longilignes, des visages purs mais en même temps un esprit extrêmement rock et rebelle… C’est assez frappant. Nous sommes effectivement très proches dans l’expression d’une certaine idée masculine. Chez Gus comme chez moi, la vulnérabilité est un trompe l’œil, une sorte de déphasage archétypal, au large des conventions masculines orthodoxes. Le cheminement personnel, la création d’un monde intérieur prend le dessus, et constitue la véritable identité. Un esprit fort dans un corps vulnérable. C’est d’ailleurs ce que j’ai toujours souhaité défendre, ou approcher, quels que soient les champs d’expression. Vos portraits photographiques privilégient les icônes rock, comme Pete Doherty ou Courtney Love. Gus Van Sant s'intéresse lui aussi aux figures blessées du rock n’ roll, comme Kurt Cobain… J’ai tenté, en photographie en particulier, de décrire la ritualisation et l’émergence de l’icône, ce qu’elle représente et renvoie. J’ai par exemple suivi Pete de nombreuses années, passant par toutes les périodes possibles et imaginables, avant et après les tabloïds et la chasse médiatique... En décalage complet avec ce qu’est Pete pour ses fans. Gus approche aussi ses icônes de manière oblique, vivant dans un espace scénique sacralisé, sans connexion possible, dépassées par les enjeux et pris au piège, s’agrippant en dernier recours à leur guitare à défaut d’autre chose. Que pouvons-nous vous souhaitez pour la suite de votre carrière ? Je ne sais pas trop. De ne pas penser en terme de carrière je présume. Je m’en remets à Gus. Prendre de la distance au quotidien.
© Y.R.
_Propos recueillis par S.G. et Au.To
PLEIN ÉCRAN Le Rêve de Cassandre_Woody ALLEN
EN 3 RÉPLIQUES
WOODY ALLEN « La vie n’imite pas l’art, elle imite la mauvaise télévision. » (Maris et Femmes) « Quand j'écoute trop de Wagner, j'ai envie d'envahir la Pologne. » (Meurtre mystérieux à Manhattan) « La dernière fois que j'ai pénétré une femme, c'était en visitant la statue de la Liberté. » (Crimes et Délits)
L’oncle d’Amériq L’exil sied à Woody Allen qui achève, avec Le Rêve de Cassandre, une trilogie anglaise en forme de renaissance artistique. Sur fond d’affects de classe et de dilemme moral, deux frères se déchirent. Une tragédie moderne acide.
W
oody Allen se mettrait-il à faire du cinéma social ? Dans Le Rêve de Cassandre, sa caméra en immersion le laisse à penser. Outre un changement de territoire fructueux au plan artistique, son cinéma opère ici un autre déplacement. Délaissée l’élite qu’il croque depuis de nombreuses années : l’auteur se tourne vers les milieux populaires. Deux frères caressent des rêves d’élévation sociale. Ils s’achètent un voilier alors qu’ils n’en ont pas les moyens. Simple mécanicien, Terry (Colin Farrell) est un joueur invétéré, aux insolents revers de fortune. Ian (Ewan McGregor) gère de son côté le restaurant familial. Sa rencontre avec une belle comédienne émancipée le rend dispendieux. La chance tourne défavorablement pour Terry qui accumule une colossale dette de jeu. Financièrement acculés, les deux garçons voient dans leur oncle qui s’est enrichi aux États-Unis un deus ex machina. L’homme accepte d’aider ses neveux, à condition qu’ils commettent un crime pour lui. Leur existence bascule. Fable morale sur l'ambition, Le Rêve de Cassandre n’a pas l’opacité fiévreuse et l’ironie du brillant Match Point avec lequel il entretient d’évidentes correspondances. On y retrouve en effet le thème de la contingence, allié au vain jeu des apparences. Pour autant, cet opus foncièrement pessimiste n’en est pas moins remarquable. Woody Allen inverse les polarités de son duo masculin, en faisant du viril Colin Farrell le maillon faible et scrupuleux d’une terrible machinerie. Pris dans la débâcle de conflits qui les écrasent, les héros accomplissent leur destinée tragique, sous des cieux bas et ternes. Le voyage est sans retour et l’Amérique, décidément bien loin. _Sandrine MARQUES Un film de Woody ALLEN Avec Ewan McGregor, Colin Farrell, Tom Wilkinson… Distribution : TFM // France, 1h44, 2007
24 I TROIS COULEURS_OCTOBRE 07
SORTIE LE 31 OCTOBRE
EN 3 MUSES
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WOODY ALLEN Mia Farrow_Elle tourne, de 1982 à 1992, dans treize de ses films, dont Hannah et ses Sœurs. Diane Keaton_Une collaboration de sept films qui s’achève avec Meurtre mystérieux à Manhattan (1993). Scarlett Johansson_Nouvelle égérie du cinéaste, elle est à l’affiche de deux films tournés à Londres.
3 RAISONS D’ALLER VOIR CE FILM 01 Pour le duo paradoxal mais complémentaire formé par Ewan McGregor et Colin Farrell. 02
Pour la musique inquiétante de Philip Glass en lieu et place de l’habituelle bande-son jazzy.
03 Pour sa variation réussie sur le thème du hasard et de la nécessité.
ALLEN À L’HEURE DE BIG BEN Le personnage de magicien qu’il interprète dans Scoop a beau clamer qu’il ne se fait pas à la conduite anglaise (ce qui lui sera d’ailleurs fatal), sa villégiature cinématographique britannique aura profité à Woody Allen. En ancrant ses trois derniers films (Match Point, Scoop, Le Rêve de Cassandre) dans la patrie de Queen Mum, le cinéaste a regagné en souffle et en inspiration. Ce changement de décor prend des allures d’adultère à l’égard de New York, «vieille maîtresse » à qui Woody Allen est tout de même resté fidèle quarante ans durant. Certes, le fébrile créateur a flirté avec Paris, le temps d’un film romantique (Tout le monde dit I love You), mais il est reparti filmer aux États-Unis immédiatement après. Si bien qu’aujourd’hui on ne sait si Allen incarne New York ou l’inverse. Il en a saisi l’essence et l’esprit, en donnant successivement à cette ville bohême les visages de Mia Farrow et de Diane Keaton, ses comédiennes et compagnes. Bien qu’elle ne joue que dans deux films de la période anglaise, la blonde et sensuelle Scarlett Johansson est la nouvelle muse du cinéaste. Dans Match Point et Scoop, elle interprète des Américaines libérées, dont l’affranchissement détonne avec le conservatisme britannique ambiant. En écho au statut de Woody Allen, la figure de l’expatrié domine dans cette trilogie à la tonalité générale très sombre (exception faite du réjouissant Scoop). La présence de Scarlett Johansson, «femme de Londres», plane même sur le dernier film, Le Rêve de Cassandre, à travers la troublante ressemblance physique qu’entretient avec elle l’actrice Sally Hawkins, blondie pour l’occasion. Pour Woody Allen, la ville a décidément le visage d’une femme. Pour preuve, il part prochainement filmer la belle madrilène Pénélope Cruz en Espagne. S.M.
25 I TROIS COULEURS_OCTOBRE 07
PLEIN ÉCRAN La Forêt de Mogari_Naomi KAWASE
EN 3 DATES
NAOMI KAWASE 1969_Naissance le 30 mai à Nara (Japon). 1997_Moe no Suzaku remporte la Caméra d’or lors du Festival de Cannes. 2007_La Forêt de Mogari obtient le Grand Prix du Jury, à Cannes également.
Lost in Mogari Dans une maison de retraite de campagne, une jeune aide soignante se lie d’amitié avec un veuf hanté par le souvenir de sa femme. Film de fantômes très personnel, La Forêt de Mogari montre avec sensibilité des êtres détruits, à la lisière de la folie.
U
n carton l’explique, au Japon, «Mogari» désigne à la fois le lieu et la période d’accomplissement d’un deuil. En arrivant dans la petite maison de retraite qui l’a engagée, l’aide soignante Machiko se heurte vite à l’absolue solitude dans laquelle le vieux et infantile Shigeki s’est emmuré depuis la mort de sa femme, trente trois ans plus tôt. Cet anéantissement la renvoie à la perte d’un être cher qu’elle a elle-même vécue. Lorsque, parvenue à entrer avec lui dans un rapport de confiance, elle se décide à l’emmener en excursion sylvestre, l’atonie du vieil homme la trompe : peut-être a-t-il en réalité délibérément décidé d’aller se perdre au cœur de la forêt, où il s’affalera finalement sur la tombe de sa femme, sobrement enterrée selon un rite funéraire perpétué de siècle en siècle. Cinéaste japonaise connue pour un très beau longmétrage Shara (2003), ainsi que pour des documentaires où elle aborde sans pudeur aussi bien la mort de ses proches que ses propres grossesses, Naomi Kawase livre avec La Forêt de Mogari une nouvelle variation sur la mort et la renaissance. Le résultat n’a peut-être jamais été, chez Kawase, aussi loin du documentaire et aussi proche d’un genre, le kwaidan eiga, ainsi qu’on désigne au Japon les films de fantômes. Si Kawase n’en emprunte pas l’imaginaire frelaté, type bouches tordues et flaques de cheveux, elle en garde le principe : devant des humains qui ne paraissent pas pouvoir se libérer physiquement du poids de leurs tourments, les fantômes se mettent à danser. Machiko et Shigeki font alors l’expérience à la fois violente et sublime de la forêt environnante, et la nature se déchaîne à mesure que les deux inconsolables s’épanchent dans les bras l’un de l’autre. Leur libération s’accomplit dans la durée ; l’attention que celle-ci réclame se paie en retour d’une émotion rare. _Antoine THIRION Un film de Naomi KAWASE Avec Shigeki Uda, Machiko Ono… Distribution : Haut et Court // France-Japon, 1h37, 2007
26 I TROIS COULEURS_OCTOBRE 07
SORTIE LE 31 OCTOBRE
EN 3 FILMS
LE KWAIDAN EIGA (« FILM DE FANTÔMES » EN JAPONAIS) Kwaidan (1965) de Masaki Kobayashi : la référence. Ring (1998) de Hideo Nakata : le plus célèbre. Kaïro (2001) de Kiyoshi Kurosawa : le plus complexe.
3 RAISONS D’ALLER VOIR CE FILM Pour sa manière de renouveler un genre très 01 japonais, le film de fantômes. 02
Pour l’attention qu’il porte aux traditions japonaises.
Pour l’émotion que procure l’expérience de la 03 nature.
RENAISSANCE Subitement, alors qu’il entreprend de traverser la cascade, un torrent menace d’emporter Shigeki sous les cris affolés de Machiko. Cette image est une métaphore récurrente dans le cinéma de Naomi Kawase : la libération des eaux précédant l’accouchement. Dans les dernières minutes de Shara, une mère de famille enceinte, incarnée par la cinéaste elle-même, mettait un enfant au monde ; grossesse dont traite encore un documentaire réalisé l’année dernière, Tarachime. On peut trouver la métaphore un peu grossière, elle a néanmoins une importance centrale dans le cinéma de Kawase puisqu’elle règle son rapport à la manière dont le cinéma incarne les êtres. La maternité comble un vide. Dans Shara, un garçon a perdu son frère jumeau et c’est en compagnie d’un fantôme qu’il court dans les rues de Nara. Dans La Forêt de Mogari, Shigeki a perdu sa femme, et c’est elle que la forêt réenfante peu à peu afin que le veuf puisse enfin plonger les mains dans la terre, reposer sur le sol où gît sa femme. Si les fantômes sont là, autour de nous, c’est que quelque chose de la réalité a été perdu. La tradition japonaise considère qu’il y a, après la mort, un « autre monde » qui ne diffère du nôtre que par un léger décalage. Ce décalage, dont Kawase se sert comme tout kwaidan eiga, est prétexte à recalculer la distance de chaque film entre la fiction et le documentaire. La première superpose l’ici et l’au-delà ; le second fait exploser l’un dans l’autre, rend consistance aux morts en libérant les humains de leurs tourments. La naissance, comme une résurrection. _An.Th.
27 I TROIS COULEURS_OCTOBRE 07
PLEIN ÉCRAN Secret Sunshine_Lee CHANG-DONG
EN 3 DATES
LEE CHANG-DONG 1990_Renonce à sa carrière d’écrivain pour se tourner vers le cinéma. 2002_Il devient Ministre de la Culture et du Tourisme de Corée du Sud, et le reste jusqu’en 2004. 2004_Il fonde sa société de production, enseigne le cinéma, réalise et publie à nouveau.
Double peine Pour son retour au cinéma, le Sud-Coréen Lee Chang-Dong signe un film déroutant sur la rémission incertaine d’une femme doublement touchée par la fatalité. L’interprétation lumineuse et pointilliste de Jeon Do-Yeon lui donne la grâce.
T
rès vite, la caméra se pose sur l’héroïne, Shin-Ae (Jeon Do-Yeon), et ne la lâchera plus de tout le film, tant le propos est l’observation – presque clinique – de cette femme prise dans la tourmente. Ébranlée par le décès de son mari, ShinAe quitte brusquement Séoul avec leur fils Jun, et vient s’installer dans la ville natale de celuici, Myriang (signifiant «ensoleillement secret » en coréen). Là, la jeune veuve essaie tant bien que mal de se reconstruire, maladroitement aidée par Jong-Chan, un garagiste qui s’est entiché d’elle (génial Song KangCho). Mais alors qu’elle semble avoir fait son deuil et retrouvé un début d’équilibre dans cette petite ville de province, le sort s’acharne : son fils Jun est enlevé, puis tué. D’étude de mœurs classique, le film bascule alors dans le polar, avant de se muer en sorte de quête métaphysique. Car la mère, ivre de chagrin, se réfugie dans la religion avant de la rejeter aussi violemment qu’elle ne s’y était convertie, et de sombrer un temps dans la folie. Tous ces revirements narratifs pourraient rebuter et affaiblir le film s’ils n’étaient en fait la transposition cinématographique des propres errements de l’héroïne. En effet, si l’histoire bouleverse réellement, c’est surtout grâce au talent singulier de l’actrice qui réussit par son jeu à redonner du souffle au film quand il frôle parfois l’asphyxie. Quant au message, il est clairement induit par les premier (le ciel) et dernier (une parcelle de terre sale) plans du film, et explicité par le réalisateur lui-même lors de la conférence de presse au Festival de Cannes : «Le sens de la vie ne se trouve pas dans le Ciel, mais sur la Terre ». Amen. _Florence VALENCOURT Un film de Lee CHANG-DONG Avec JEON Do-Yeon, SONG Kang-Ho… Distribution : Diaphana // Corée du Sud, 2h22, 2007 Sortie le 17 octobre
28 I TROIS COULEURS_OCTOBRE 07
3 RAISONS D’ALLER VOIR CE FILM 01
Pour le jeu tout en nuances de Jeon Do-Yeon (prix d’interprétation féminine 2007 à Cannes).
02 Pour l’analyse en filigrane de la société coréenne contemporaine. 03 Pour son interrogation subtile sur le Mal.
LE GUIDE
DES SALLES
DU MERCREDI 10 OCTOBRE AU MARDI 06 NOVEMBRE
This Is England - un film de Shane Meadows
SOMMAIRE SORTIES DU 10 OCTOBRE 30_This Is England de Shane Meadows // Interdit d’interdire de Jorge Durán // Un Jour sur terre d’Alastair Fothergill et Mark Linfield SORTIE DU 17 OCTOBRE 32_Deux vies plus une d’Idit Cébula // Michael Clayton de Tony Gilroy 36_Bienvenue chez les Robinson de Stephen Anderson // Jours d’hiver de Kawamoto Kihachirô 37_Avant que j’oublie de Jacques Nolot SORTIES DU 24 OCTOBRE 38_Le Cœur des hommes 2 de Marc Esposito // Le Deuxième Souffle d’Alain Corneau 40_La Part animale de Sébastien Jaudeau SORTIES DU 31 OCTOBRE 42_L’Heure zéro de Pascal Thomas // Le Royaume de Peter Berg 43_Le Dernier Gang d’Ariel Zeitoun // Chrysalis de Julien Leclercq LES ÉVÈNEMENTS MK2_44>45
31 I TROIS COULEURS_OCTOBRE 07
LE GUIDE_SORTIES DU 10 OCTOBRE
THIS IS ENGLAND Un film de Shane MEADOWS Avec Thomas Turgoose, Stephen Graham, Jo Hartley… Distribution : Ad Vitam // Royaume-Uni, 2006, 1h38
Cinq ans après Once Upon A Time In The Midlands, le cinéaste britannique Shane Meadows realise This Is England, le portrait d’un jeune adolescent qui découvre au cœur des années 1980 les rites de la culture « skinhead ». Dans une ville côtière du nord de l’Angleterre, Shaun, 12 ans, vit avec sa mère. À l’occasion des vacances d’été, le garçon fait la connaissance d’un groupe de jeunes skinheads de la région. En leur compagnie, Shaun découvre le monde des fêtes ainsi que les premiers émois amoureux. Mais un jour, Combo, un skinhead raciste et plus âgé, sort de prison. Alors que sa bande fait la vie dure aux communautés étrangères locales, Shaun se confronte à la violente réalité du quotidien de ses camarades. Le voilà propulsé de plain-pied dans l’univers des adultes... Tourné en 16 mm entre les villes de Grimsby et de Nottingham, This Is England revendique l’héritage esthétique des films d’Alan Clarke, de Mike Leigh et de Ken Loach. Réalisé avec un budget restreint, le film de Shane Meadows a été récompensé par le Prix du Meilleur Film lors des British Independant Films Awards. D’inspiration autobiographique, This Is England a également reçu le Prix du Jury au dernier Festival de Rome. _Oscar PARENGO
INTERDIT D’INTERDIRE
UN JOUR SUR TERRE
Un film de Jorge DURÁN Avec Caio Blat, Maria Flor, Alexandre Rodrigues… Distribution : Labrador Films // Brésil, 2006, 1h45
Un film d’Alastair FOTHERGILL et Mark LINFIELD Documentaire Distribution : Gaumont // Royaume-Uni, 2007, 1h38
Prix du jury au Festival du film de Valenciennes, Proibido proibir (Interdit d’interdire) est la nouvelle réalisation de Jorge Durán, auteur du film A Cor do seu destino, élu meilleur long-métrage au Festival de Brasilia en 1986. À Rio de Janeiro, Léon et Paulo, deux universitaires, partagent un appartement. Le jour où Léon présente à son camarade sa petite amie Leticia, une étudiante en architecture, les relations se tendent entre les jeunes gens. En effet, Paulo ne semble pas insensible au charme de Leticia… Pour sa prestation dans Interdit d’interdire, l’actrice Edyr Duqui a obtenu le Prix d’Interprétation au Festival de Marseille.
De l’océan Arctique filmé au début du printemps à l’Antarctique saisi en plein hiver, Un Jour sur terre est un voyage spectaculaire à travers les paysages les plus sauvages de notre planète. En utilisant les toutes nouvelles technologies en matière de prise de vue en haute-définition, le documentaire d’Alastair Fothergill et Mark Linfield suit la course du soleil pour nous faire découvrir la vie bouillonnante du monde animal qui palpite sous les latitudes les plus extrêmes du globe terrestre. Visuellement impressionnant, Un Jour sur terre invite à une réflexion d’actualité sur la beauté et la fragilité de notre environnement.
_Thomas CROISY
_Florian JARNAC
32 I TROIS COULEURS_OCTOBRE 07
LE GUIDE_SORTIES DU 17 OCTOBRE
DEUX VIES PLUS UNE Un film d’Idit CÉBULA Avec Emmanuelle Devos, Gérard Darmon, Jocelyn Quivrin… Distribution : Rezo Films // France, 2006, 1h30
Deux Vies plus une est le premier long-métrage de la comédienne et cinéaste Idit Cébula après son court-métrage À table ! sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes en 1998. Ce film met en scène la recherche constante d’une femme, en quête d’un nouvel épanouissement personnel. Institutrice depuis de nombreuses années, Éliane étouffe dans son travail ainsi que dans sa vie familiale. Entre son mari trop protecteur, sa mère envahissante et sa fille en pleine mutation adolescente, la jeune femme peine à trouver de réelles satisfactions dans son quotidien. Alors qu’elle se rend au cimetière où est enterré son père disparu, Éliane prend conscience de la nécessité de donner un nouveau sens à son existence. Très vite, elle fait l’acquisition d’un ordinateur, et s’emploie à la remise à jour de ses carnets intimes… Quelques semaines après sa prestation dans Ceux qui restent d’Anne Le Ny où elle avait pour partenaire Vincent Lindon, l’actrice Emmanuelle Devos donne la réplique au comédien Gérard Darmon, également à l’affiche ce mois-ci du Cœur des hommes 2 de Marc Esposito. À leurs côtés, Jocelyn Quivrin confirme des qualités d’interprétation récemment mises en œuvre dans 99 Francs de Jan Kounen. _Antonin DELIMAL
MICHAEL CLAYTON Un film de Tony GILROY Avec George Clooney, Tom Wilkinson, Tilda Swinton, Sydney Pollack… Distribution: SND // États-Unis, 2007, 1h59
Scénariste cette année de La Vengeance dans la peau de Paul Greengrass, le réalisateur Tony Gilroy délivre avec Michael Clayton un premier long-métrage maîtrisé. À New York, Michael Clayton est un brillant avocat, employé dans l’un des plus grands cabinets juridiques de la ville. Désigné pour défendre les intérêts d’une puissante firme agrochimique, il découvre que cette multinationale s’apprête à mettre en péril la vie de millions d’individus pour accroître son chiffre d’affaires. Dès lors, le voilà décidé à faire éclater la vérité. Mais pourra-t-il y parvenir sans mettre sa vie en danger ? Alors que devrait débuter le tournage du nouveau long-métrage des frères Coen Burn After Reading dans lequel il tiendra une nouvelle fois l’affiche avec Brad Pitt, George Clooney campe Michael Clayton, un homme charismatique soumis à d’importantes pressions professionnelles. Pour styliser l’univers urbain de son film, le réalisateur Tony Gilroy s’est inspiré du travail de grands cinéastes américains des années 1970, tels qu’Alan Pakula, Sidney Lumet, Mike Nichols ou Sydney Pollack. Clin d’œil et hommage, ce dernier fait d’ailleurs partie du casting. _A.D.
34 I TROIS COULEURS_OCTOBRE 07
LE GUIDE_SORTIES DU 17 OCTOBRE
BIENVENUE CHEZ LES ROBINSON Un film de Stephen ANDERSON Animation Distribution : Walt Disney Studios – Motion Pictures France // États-Unis, 2007, 1h40
Nouvelle création des Studios Disney, Bienvenue chez les Robinson est le premier film en images de synthèse du réalisateur Stephen Anderson, déjà co-scénariste de Kuzco, l’empereur mégalo de Mark Dindal en 2001. À 12 ans, Lewis est un garçon brillant qui consacre l’essentiel de son temps libre à l’élaboration d’inventions scientifiques rocambolesques, dans l’orphelinat où il séjourne depuis sa naissance. Alors qu’il vient d’achever la finalisation de sa dernière œuvre, le « scanner de mémoire » qui devrait lui permettre de retrouver le souvenir de sa mère, Lewis voit son ouvrage dérobé par l’ignoble Homme au Chapeau. Afin de l’aider à retrouver l’infâme ravisseur, Wilbur Robinson, un garnement à l’allure futuriste, entraîne Lewis dans sa rutilante machine à remonter le temps… Adapté de l’ouvrage illustré de William Joyce Une Journée avec Martin Robinson, Bienvenue chez les Robinson est une aventure riche en émotions et en péripéties, remplie de personnages aussi attachants que singuliers. Servi par la musique du compositeur oscarisé Danny Elfman, le film de Stephen Anderson est une nouvelle preuve de l’innovation constante des Studios Disney en matière d’animation numérique. _T.C.
JOURS D’HIVER Un film de KAWAMOTO Kihachirô Animation Distribution : Les Films du Paradoxe // Japon, 2003, 1h05
Illustration d’un célèbre « renku » (forme classique de la poésie japonaise) du poète Bashô, qui vécut au XVIIème siècle, Jours d’hiver se compose de trente-six séquences d’animation qui correspondent aux chaînons exacts de l’œuvre du maître. Depuis une quinzaine d’années le réalisateur Kawamoto Kihachirô envisage d’adapter pour le cinéma le travail d’un des grands écrivains du « siècle d’or d’Osaka ». Afin de respecter le principe de conception originel de l’ouvrage qui fut, selon la tradition, écrit collectivement par plusieurs poètes, le cinéaste japonais a lui aussi fait appel à de nombreux réalisateurs d’univers variés pour illustrer chacune des strophes du mythique recueil. De Furukawa Taku à Youri Norstein en passant par Raoul Servais ou Bretislav Pojar, de nombreux spécialistes de l’animation ont apporté leur contribution à l’entreprise. Eclectique et envoûtant, Jours d’hiver réunit des styles et des techniques d’animation diverses : images de synthèse, poupées animées ou encre sur papier. Près de quarante ans après Ne Cassez pas les branches, sa première création inspirée du théâtre Nô, Kawamoto Kihachirô démontre la virtuosité et la richesse toujours intactes de la poésie de Bashô. _A.D.
36 I TROIS COULEURS_OCTOBRE 07
AVANT QUE J’OUBLIE Un film de Jacques NOLOT Avec Jacques Nolot, Jean-Pol Dubois, Marc Rioufol… Distribution : ID Distribution // France, 2007, 1h48 // Interdit aux moins de 12 ans
Après L’Arrière-pays (1998) et La Chatte à deux têtes (2002), Avant que j’oublie, dernier opus de la trilogie de Jacques Nolot, explore sans complaisance les errances sexuelles et existentielles de son héros, double du réalisateur. Une fellation, un café, l’addition, tel est le quotidien de Pierre, 60 ans, esseulé depuis la perte de son amant. Prisonnier de son passé et dépressif, il se nourrit aux psychotropes et aux huîtres qu’il déguste avec un vieil ami ex-gigolo, tente d’écrire (en vain), et se rend chez le psychanalyste trois fois par semaine. L’épée de Damoclès de la séropositivité suspendue depuis vingt-quatre ans au-dessus de sa tête vacille. L’heure est venue de suivre une trithérapie. Le champ des possibles s’obscurcit et le suicide devient une éventualité. Son seul exutoire réside dans la pratique d’amours tarifées où il s’adonne à ses fantasmes sado-masochistes. La crudité extrême de ces scènes de sexe, baignées d’une lumière clinique, n’est pas sans déranger le spectateur non averti. Scènes de fellation filmées frontalement, notables s’encanaillant avec des gigolos qui pourraient être leurs fils et virées à Pigalle donnent à voir, et surtout à entendre (car le film s’écoute plus qu’il ne se voit), un univers sordide. Le malaise du héros, incarné par Jacques Nolot avec une authenticité confondante, transpire à l’écran et n’épargne guère le spectateur, otage de nombreux plans séquences hypnotiques et oppressants. Sélectionné à La Quinzaine des Réalisateurs du dernier Festival de Cannes, Avant que j’oublie, film élégiaque et dérangeant, brosse le portrait d’un homosexuel vieillissant, usé par la maladie. L’occasion, encore trop rare au cinéma, de mener en filigrane une réflexion sur le sida, pour pas que l’on oublie. _Delphine CHOURAQUI Une carte blanche à Jacques Nolot est organisée au MK2 Beaubourg à compter du 17 octobre.
37 I TROIS COULEURS_OCTOBRE 07
LE GUIDE_SORTIES DU 24 OCTOBRE
LE CŒUR DES HOMMES 2 Un film de Marc ESPOSITO Avec Bernard Campan, Gérard Darmon, Jean-Pierre Darroussin, Marc Lavoine… Distribution : Pathé Distribution // France, 2006, 1h55
Pour la suite du Cœur des hommes, le scénariste et réalisateur Marc Esposito a réuni une nouvelle fois à l’écran les acteurs principaux du précédent opus. Quatre années ont passé mais Alex, Antoine, Jeff et Manu sont toujours des amis inséparables. En dépit de leur indéfectible solidarité, leurs parcours respectifs ont évolué. Entre les femmes, les secrets partagés et la volonté constante de s’améliorer, chacun tente de trouver à sa manière un équilibre personnel. Hélas, certains événements inattendus vont leur rendre la tâche encore plus délicate… Comédie populaire assumée, Le Cœur des hommes 2 rassemble les ingrédients qui ont fait le succès du premier volet, mêlant situations touchantes ou cocasses et dialogues enlevés. Pour la partition féminine, le réalisateur Marc Esposito a sollicité une nouvelle fois la comédienne Zoé Félix, avec laquelle il avait collaboré sur le tournage de Toute la beauté du monde en 2005. Nouvelle venue dans l’univers de la saga, l’actrice Valérie Kaprisky trouve l’occasion de mettre à l’œuvre les qualités d’interprétation qu’on lui connaît depuis L’Année des méduses de Christopher Frank, ou encore La Femme publique réalisé par Andrzej Zulawski en 1983. _F.J.
LE DEUXIÈME SOUFFLE Un film d’Alain CORNEAU Avec Daniel Auteuil, Monica Bellucci, Michel Blanc, Jacques Dutronc… Distribution : ARP Sélection // France, 2007, 2h36
Deuxième adaptation du roman de José Giovanni Un Règlement de comptes après le film de Jean-Pierre Melville sorti en 1966, Le Deuxième Souffle est le nouveau long-métrage du cinéaste Alain Corneau. À la fin des années 1950, Gu, un dangereux gangster dont la réputation n’est plus à faire, s’évade de la prison où il est incarcéré. Traqué par la police, le malfaiteur envisage de s’enfuir à l’étranger avec Manouche, la femme qu’il aime. Mais à cours d’argent, Gu est bientôt contraint d’accepter de participer à un dernier braquage… Pour incarner les personnages de son film, le réalisateur de Série noire a réuni une distribution prestigieuse. Daniel Auteuil, que l’on a vu dernièrement dans la comédie L’Invité de Laurent Bouhnik aux côtés de Valérie Lemercier et Thierry Lhermitte, s’approprie le rôle tenu autrefois par Lino Ventura. Dans le rôle de sa fiancée, l’actrice Monica Bellucci, récemment associée à Clive Owen pour Shoot'Em Up, renoue avec la meilleure tradition du cinéma français. Quant à Jacques Dutronc, il partage à nouveau l’affiche avec Michel Blanc, cinq ans après leur collaboration sur le tournage du film Embrassez qui vous voudrez. NB : Nous n’avons pas pu voir ce film dans nos délais de parution.
38 I TROIS COULEURS_OCTOBRE 07
_O.P.
LE GUIDE_SORTIES DU 24 OCTOBRE
LA PART ANIMALE Un film de Sébastien JAUDEAU Avec Sava Lolov, Rachida Brakni, Niels Arestrup, Anne Alvaro… Distribution : Solaris Distribution // France, 2006, 1h27
Adaptation du roman homonyme de l’écrivain Yves Bichet, qui en co-signe le scénario, La Part animale est le premier long-métrage du cinéaste Sébastien Jaudeau, après son court-métrage chorégraphique Osmose, réalisé en 2004. Suite à son embauche dans un élevage ultramoderne de dindons Douglas, Etienne, un jeune homme candide et introverti, s’installe au cœur de l’Ardèche avec sa femme et son fils. Entraîné dès les premiers jours de sa formation par Chaumier, son patron calculateur, à considérer avec distance et cynisme le travail à effectuer auprès des animaux de l’entreprise, Etienne modifie progressivement sa perception du monde et d’autrui. Très vite, Claire, sa femme, décèle l’étonnante métamorphose de son époux… Analyse des rapports évolutifs d’un couple confronté à la découverte de l’altérité culturelle, La Part animale fait le portrait d’un homme ordinaire en proie à des pulsions nouvelles. En prenant le parti d’une mise en scène à mi-chemin entre fiction et documentaire, le réalisateur Sébastien Jaudeau nous offre une vision des mœurs rurales particulièrement authentique. Pour composer le casting de son film, le cinéaste s’est inspiré des visages et des physionomies chers au peintre naturaliste italien Caravage, convoquant des comédiens d’origines étrangères, au physique singulier. Niels Arestrup, qui a déjà partagé avec Anne Alvaro l’affiche du film Le Scaphandre et le papillon de Julian Schnabel, retrouve l’interprète féminine de La Chose publique devant la caméra de Sébastien Jaudeau. À leurs côtés, Sava Lolov, ancien comédien du Théâtre du Soleil qui s’est récemment illustré auprès de Marina Hands dans L’Amant de Lady Chatterley de Pascale Ferran, donne la réplique à Rachida Brakni – lauréate du César du Meilleur Espoir Féminin en 2002 pour sa performance dans Chaos de Coline Serreau. Quant à l’actrice Dora Doll, elle démontre dans un rôle attachant l’étendue de son registre, quelques mois après sa prestation dans Jacquou le Croquant de Laurent Boutonnat. _T.C.
40 I TROIS COULEURS_OCTOBRE 07
LE GUIDE_SORTIES DU 31 OCTOBRE
L’HEURE ZÉRO Un film de Pascal THOMAS Avec Danielle Darrieux, François Morel, Laura Smet… Distribution : StudioCanal // France, 2006,1h47
L’« heure zéro », comme l’explique l’un des personnages, c’est celle où tout converge pour que le crime parfait soit exécuté dans ses moindres détails. Alors que la plupart des histoires policières commencent au moment de la découverte du crime, l’originalité de cette adaptation d’Agatha Christie est de se focaliser d’abord sur l’imbrication implacable des pièces du puzzle, avant de revenir à une forme plus classique de Cluedo. Fin d’été en Bretagne, drôle de réunion de famille que celle organisée par Guillaume Neuville (Melvil Poupaud) chez sa riche tante Camilla (Danielle Darrieux) : pourquoi diable mettre sous le même toit ex-femme (Chiara Mastroianni) et nouvelle épouse (Laura Smet), qui sont comme « rose blanche et rose rouge » ? Sans compter les personnages secondaires qui forment une galerie de portraits aussi savoureuse que vénéneuse... Si L’Heure zéro est une tragédie criminelle, Pascal Thomas, par petites touches burlesques (le couple de valets, le bestiaire...) et grâce au personnage columbesque de l’inspecteur (François Morel), réalise une drôle de comédie policière, encore plus réussie que Mon Petit Doigt m’a dit. Qui a dit que le crime ne payait pas ? _Florence VALENCOURT
LE ROYAUME Un film de Peter BERG Avec Jamie Foxx, Chris Cooper, Jennifer Garner… Distribution : Paramount Pictures France // États-Unis, 2007, 1h50
Réalisateur de Bienvenue dans la jungle en 2004, l’acteur et cinéaste Peter Berg présente Le Royaume, le récit d'une intervention militaire officieuse menée par des agents du FBI au Moyen-Orient. À Riyad en Arabie Saoudite, un attentat fait plus de cent victimes civiles, parmi lesquelles de nombreux Occidentaux membres de la société pétrolière Gulf Oasis. Tandis que les bureaucrates américains à Washington tentent de faire adopter sans succès leur «droit d’ingérence » afin d’envisager une riposte officielle, l’agent du FBI James Fleury et les membres de sa section d’intervention se rendent sur les lieux dans le but d’identifier officieusement les responsables du massacre. Freinés par un protocole local qui donne tout pouvoir aux autorités saoudiennes pour mener l’enquête, les agents en mission découvrent bientôt qu’une nouvelle série d’attentats de grande envergure menace leurs compatriotes… Lauréat de l’Oscar® du Meilleur Acteur en 2005 pour sa performance dans Ray de Taylor Hackford où il se glissait dans la peau du musicien Ray Charles, Jamie Foxx donne ici la réplique à Jennifer Garner, l’héroïne la série télévisée Alias créée par le producteur J.J. Abrams en 2001. _A.D.
42 I TROIS COULEURS_OCTOBRE 07
LE DERNIER GANG Un film d’Ariel ZEITOUN Avec Vincent Elbaz, Clémence Poésy, Sami Bouajila… Distribution : EuropaCorp Distribution // France, 2006, 2h05
Six ans après Yamakasi, Ariel Zeitoun revient à la réalisation avec Le Dernier Gang, un récit librement inspiré de l’histoire du « gang des postiches », des malfaiteurs associés ayant sévi à Paris au cours des années 1980. Depuis l’enfance, Simon, Bonner, Maxime et Merle forment une petite bande d’escrocs, vivant de divers larcins dans le quartier de Belleville. Devenus adultes, ils constituent le noyau dur d’un gang insaisissable, qui défie les forces de l’ordre en cambriolant une à une les banques de la capitale. Célèbres pour leurs déguisements et leur capacité à se transformer physiquement, les compères ont acquis un sang-froid exceptionnel qui les entraîne à relever des défis toujours plus périlleux. Dans leur sillage, Milan, un policier opiniâtre et obstiné, s’est juré de mettre fin à leur escalade criminelle… Inspiré de l’univers de films majeurs du cinéma américain tels qu’Un Après-midi de chien de Sidney Lumet, L’Impasse de Brian de Palma ou encore Heat réalisé par Michael Mann en 1995, Le Dernier Gang offre à l’acteur Vincent Elbaz un rôle à sa mesure, quelques semaines après sa prestation dans Tel Père, telle fille d’Olivier de Plas aux côtés des actrices Léa Drucker et Élodie Bouchez. _T.C.
CHRYSALIS Un film de Julien LECLERCQ Avec Albert Dupontel, Marie Guillard, Marthe Keller… Distribution : Gaumont Distribution // France, 2007, 1h45
Après son rôle dans L’Ennemi intime de Florent Emilio Siri, le comédien Albert Dupontel s’impose aujourd’hui dans un thriller d’anticipation. Afin de retrouver le meurtrier de sa femme, le lieutenant de la police européenne David Hoffmann se lance à la poursuite d’un dangereux trafiquant soupçonné d'une série de meurtres. Au cours de son investigation, Hoffmann est amené à rencontrer Manon, la mystérieuse patiente d’un établissement hospitalier à la pointe de la technologie. Celle-ci pourrait permettre le dénouement de l’enquête, mais elle doit auparavant recouvrer la mémoire… Conçu pour s’inscrire dans la veine des thrillers hollywoodiens, Chrysalis offre à l’actrice Marthe Keller – que l’on devrait voir prochainement dans Cortex de Nicolas Boukhrief – l’occasion de revenir à un registre qu’elle affectionne particulièrement depuis Marathon Man dirigé par John Schlesinger en 1976. Dans le rôle de Manon, la comédienne Mélanie Thierry renoue avec le genre du film à suspense, quelques mois après sa performance aux côtés de Vincent Martinez et Frédéric Saurel dans Écorchés de Cheyenne Carron. NB : Nous n’avons pas pu voir ce film dans nos délais de parution.
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ÉVÉNEMENTS DES SALLES MK2
TOUS LES SAVOIRS LES MARDIS DE COURRIER INTERNATIONAL Tous les mois, l’hebdomadaire Courrier International propose son rendez-vous du film documentaire étranger. • Where The Sun Rises, de Grace Phan (Singapour) sera projeté au MK2 Quai de Seine. Héros de la résistance timoraise, Xanana Gusmao a été le premier président du Timor-Oriental indépendant. Il évoque la douloureuse question du pardon avec l'ennemi d'hier. Le documentaire sera diffusé en présence de Carlos Semedo (de France Timor Leste) et de Christine Chaumeau (service Asie du Sud-Est de Courrier International ). MK2 QUAI DE SEINE_Mardi 6 novembre à 20 h 30 - 6,90 € ou 5,60 € sur présentation du dernier numéro de Courrier International.
FOCUS FESTIVAL NOS ANNÉES DOCS Pour ses 15 ans, l’association Documentaire sur Grand Écran propose un grand festival avec une carte blanche au réalisateur Chris Marker pour la soirée d’ouverture. L’occasion de voir ou revoir de grands films documentaires qui ont jalonné l’histoire du cinéma international. Amos Gitaï, Vincent Dieutre, Chantal Ackerman, Pedro Costa ou encore Johann Van der Keuken, chacun de ces grands réalisateurs trouvera sa place dans la très belle programmation de Documentaire sur Grand Écran. Des rencontres avec de nombreux cinéastes sont également au programme du festival. Du 17 au 23 octobre 2007 au MK2 BEAUBOURG. Tarif : 6,80 €, 5,60 € pour les adhérents de Documentaire sur Grand Écran et 5,50 € pour les séances en matinées.
LE RENDEZ-VOUS DES DOCS En partenariat avec l’association Documentaire sur Grand Écran, le MK2 Quai de Loire accueillera le film de Renaud Victor Fernand Deligny, à propos d’un film à faire. Après une collaboration avec Fernand Deligny à divers titres et notamment pour ce document exceptionnel sur l’autisme qu’est Ce Gamin-là, il était naturel que Renaud Victor souhaite transmettre la parole de celui qui fut pour lui un père spirituel et nous offrir une trace de cette intelligence au travail. Sandra Alvarez de Toledo, éditrice et responsable de l'édition critique de l'ouvrage Fernand Deligny, Œuvres (Éditions L'Arachnéen) sera l’invitée de cette séance. MK2 QUAI DE LOIRE_Lundi 29 octobre à 20h30 - 6,90 € et 5,60 € pour les adhérents de l’association Documentaire sur Grand Écran. Cartes ILLIMITé et Le Pass acceptées. Signature de l'ouvrage à la librairie du MK2 QUAI DE LOIRE à 19h30.
CINÉ BD LA CROIX DE CAZENAC T.9 - L'ENNEMI Pierre Boisserie, Éric Stalner et Siro Un samedi matin par mois, en partenariat avec Dargaud, un auteur de bande dessinée présente un film de son choix en salle, puis dédicace ses ouvrages à la librairie. Pierre Boisserie, Eric Stalner et Siro viendront présenter La Croix de Cazenac t.9 ; L'ennemi. La Croix de Cazenac est une saga hautement romanesque, pleine d'aventures, mettant en scène la vie des deux héros de cette série, Étienne et Henri Cazenac, espions de père en fils, à travers l'Europe de la Première Guerre mondiale, puis au Caire et maintenant aux États-Unis. Chamanisme, trahison, espionnage, grands paysages, amour et haine se mêlent pour maintenir le lecteur en haleine. • Projection du film Légendes d'automne d'Edward Zwick, choisi et présenté par les auteurs. Au cinéma puis à la librairie du MK2 QUAI DE LOIRE. Samedi 20 Octobre à 11h30_5,90 €_Cartes ILLIMITé et Le Pass acceptées.
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POUR LES ENFANTS MK2 JUNIOR La nouvelle édition est pleine de jolies histoires : La Petite Taupe, Le Corbeau et un drôle de moineau, Plume le petit ours polaire pour nos tout-petits. Papa, Cria Cuervos pour les plus grands, sans oublier Les Simpson et Kiki la petite sorcière pour que leurs sorties au cinéma soient toujours une vraie fantaisie. Enfin, désormais sur les Quais, retrouvez MK2 junior également tous les mercredis à 14h. Régalez-vous ! Du 26 septembre au 27 novembre dans sept salles MK2.
RENCONTRES // LIBRAIRIES EMMANUEL ADELY Dans le cadre de Lire en Fête, MK2 Livres et Inventaire / Invention vous invitent à rencontrer Emmanuel Adely qui lira son nouveau livre Édition limitée. Samedi 20 octobre à partir de 17h00 à la librairie du MK2 BIBLIOTHÈQUE.
GUY CAVAGNAC La librairie du MK2 Quai de Loire et les éditions de l'Œil vous proposent une rencontre avec Guy Cavagnac à l'occasion de la parution d’Une Partie de campagne, Eli Lotar, photographies de tournage. 19h_projection d’Une Partie de campagne de Jean Renoir (Billets en vente avant la séance) 20h30_rencontre-dédicace avec Guy Cavagnac. Le jeudi 11 octobre au MK2 QUAI DE LOIRE.
SANTIAGO GAMBOA Dans le cadre de Lire en fête, la librairie du MK2 Quai de Loire et les éditions Métaillié vous invitent à une lecturesignature avec Santiago Gamboa à l'occasion de la parution de son livre Le Syndrome d'Ulysse. Jeudi 18 octobre à partir de 19h30 suivie à 20h30 de la projection de Perdre est une question de méthode de Sergio Cabrera (adapté du roman de Santiago Gamboa) (Billets en vente avant la séance).
RETROUVEZ TOUS LES ÉVÉNEMENTS SUR
ÉVÉNEMENTS RENCONTRES AVEC IRIT BATSRY Les MK2 Hautefeuille et Beaubourg accueillent une programmation originale réalisée en partenariat et avec le soutien d’Heure exquise ! (www.exquise.org). Au programme, le dernier film de l’artiste Irit Batsry These Are Not My Images et une carte blanche qui lui est consacrée : • Forest Of Bliss de Robert Gardner • Scénario de « Je vous salue Marie » de Jean-Luc Godard • Scénario du film « Passion » de Jean-Luc Godard • Scénario de « Sauve qui peut la vie » de Jean-Luc Godard • Five d’Abbas Kiarostami • Imitations Of Life de Mike Hoolboom MK2 HAUTEFEUILLE et MK2 BEAUBOURG_du 18 octobre au 2 novembre. 5,60 € pour les séances en matinée au MK2 HAUTEFEUILLE. 5,50 € pour les séances en matinée au MK2 BEAUBOURG.
FESTIVAL INFLUENCES CARAÏBES CYCLES EN MATINÉES CARTE BLANCHE A JACQUES NOLOT • L’Arrière-pays de Jacques Nolot • La Chatte à deux têtes de Jacques Nolot • Ken Park de Larry Clark • Un Jeu brutal de Jean-Claude Brisseau • Little Odessa de James Gray (sous réserve) MK2 BEAUBOURG_à partir du 17 octobre.
CARTE BLANCHE A DIANE SCOTT Diane Scott met actuellement en scène à la Maison de la Poésie Blanche-Neige de Robert Walser du 3 octobre au 4 novembre. Elle a choisi 3 films dans le cadre des matinées de Beaubourg dont elle assurera la présentation : • Institut Benjamenta des frères Quay • L’Argent de Robert Bresson • La Niña Santa de Lucrecia Martel Au MK2 BEAUBOURG à partir du 24 octobre.
COURT-MÉTRAGE SAISONS NUMÉRIQUES N°17 (DE)PLANTATIONS D’IMAGES • eDS Remote climax de eDS (c)ollectif • L’Hiver ailleurs 5.1 d’Anne Penders • Adieu ovule de Hiroko Kageyama • Villa Fidelia de Pierre et Jean Villemin • Camelias de Daniela Muttis • Orchid de Nicolas Bernier • Metamorphosis de Christin Bolewski • The Beautiful Garden de Jonathan Franco • Le Monde est rond de Philippe Poirier • Autrement dit le jardin de Marie Herbreteau Au MK2 BIBLIOTHÈQUE Mardi 6 novembre à 20h30.
Ce festival organisé en partenariat avec l’association Le Cri du Peuple a ce mois-ci pour thème : Un tabou caribéen : l’homosexualité. • Des Hommes et des Dieux, d'Anne Lescot et Laurence Magloire, en présence d’Anne Lescot, précédé du court-métrage documentaire E Pluribus Unum, de Maxence Denis. Samedi 3 novembre à 11h00 au MK2 QUAI DE SEINE.
• Paris Is Burning, de Jennie Livingstone précédé du courtmétrage Paradise Lost, d’Inge Blackman. Dimanche 4 novembre à 11h00 au MK2 QUAI DE SEINE. 5,90 €, cartes LE PASS et ILLIMITé non acceptées.
• Sélection de courts-métrages sur le thème des influences caribéennes, et projection exceptionnelle de L’Appel du Bukut, de Tigguy (alias Guy Graçon). Lundi 5 novembre à 20h30 au MK2 QUAI DE SEINE. 9,80 €, cartes LE PASS et ILLIMITé non acceptées.
JOURNEE HALLOWEEN Pour fêter comme il se doit la nuit la plus effrayante de l’année, le MK2 Parnasse organise une journée Halloween avec une programmation toute en frissons… Au programme : • Wallace & Gromit • Les Noces funèbres • Beetle Juice • Shaun Of The Dead • La Nuit des morts-vivants • Evil Dead Au MK2 PARNASSE le mercredi 31 octobre.
AVANT-PREMIERE LA FORÊT DE MOGARI Le MK2 Quai de Seine accueille Naomi Kawase qui viendra présenter son film La Forêt de Mogari. Au MK2 QUAI DE SEINE mardi 16 octobre à 20h30.
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DVD La mode au cinéma
De film en aiguill Lagerfeld Confidentiel de Rodolphe Marconi dans les salles, Marc Jacobs & Louis Vuitton de Loïc Prigent en DVD. L’actualité des sorties met la mode en scène. Retour sur la façon dont le cinéma a rhabillé les falbalas.
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ans Lagerfeld Confidentiel (sortie le 10 octobre), Rodolphe Marconi entend filmer un Karl Lagerfeld intime derrière le masque du couturier surdoué, s’appuyant sur deux ans de tournage et plus de 200 heures de rushes. Dans Marc Jacobs & Louis Vuitton (sorti en DVD le 5 septembre), Loïc Prigent montre la réalité du travail d’un créateur comme Marc Jacobs, loin des discours cousus de fil blanc. Ces deux exemples tirés de l’actualité témoignent du pouvoir de fascination qu’exerce la mode sur le septième art. Ce sont deux documentaires, et ce n’est pas un hasard. Même quand elle revêt des allures de fiction, la mode au cinéma est d’inspiration documentaire. Ainsi le remarquable Qui êtesvous Polly Maggoo ?, tourné en 1966 par William Klein. Sous un vague prétexte scénaristique (un reporter tourne un sujet sur un mannequin), il s’agit avant tout d’une plongée à vif dans l’univers des shootings et des défilés, dont l’esthétique épouse parfaitement le noir et blanc contrasté caractéristique de Klein. Acide, le film montre bien la violence du rapport rédactrice en chef / assistantes, quarante ans avant Le Diable s’habille en Prada de David Frankel.
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MÊME SOUS COUVERT DE FICTION, LA MODE AU CINÉMA EST D’INSPIRATION DOCUMENTAIRE.
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Autre chef-d’œuvre, Falbalas de Jacques Becker (1945), qui met en perspective un drame sentimental dans le milieu a priori frivole de la haute couture. Au cœur du romanesque, Becker pique des séquences purement documentaires (sur un milieu qu’il connaît bien, sa mère travaillait dans la haute couture). Disciple de Renoir, Becker sait faire exister des personnages de toutes conditions sociales (et ce n’est rien de dire que la couture est hiérarchisée), parfois grâce à une ou deux scènes seulement. Dans Blow Up (1966), Michelangelo Antonioni utilise lui aussi le métier de son personnage principal – photographe de mode – pour penser les rapports entre les images et le réel, et rendre compte d’une époque en pleine effervescence pop (le swinging London). Les meilleurs cinéastes utilisent ce terreau documentaire pour styliser leur intrigue. Dans La Femme modèle (1957), Vincente Minnelli oppose une Lauren Bacall styliste de mode, comble de la sophistication, à un Gregory Peck journaliste sportif spécialisé dans la boxe, bêtement viril. Grâce à cet antagonisme cinégénique, Minnelli traite de l’altérité : au-delà des faux-semblants, y a-t-il une vraie rencontre possible? De la boxe à la mode, on trouve en effet une même théâtralité des
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Extraits (de gauche à droite, de haut en bas) de Marc Jacobs & Louis Vuitton, La Fem
univers, scindés entre la représentation d’un côté, et les coulisses de l’autre. À tel point que Minnelli affuble ses deux personnages d'un monologue en voix-off, pour mieux souligner le décalage entre le mensonge extérieur et la vérité intérieure. Mais là où Minnelli a su utiliser la mode pour nourrir son propos, Robert Altman, dans Prêt-à-porter (1994), a en revanche totalement échoué. Prenant son sujet de haut, Altman entend en démontrer la vanité. Las, c’est cette vanité qui rattrape son film. Et quand, dans la scène finale, les mannequins défilent nus, idée censée révéler le vide de ce milieu, c’est plutôt le roi Altman qui est nu, payant d’avoir autant méprisé la matière première de son film. Curieusement, c’est de la télévision qu’est venue, ces dernières années, la nouveauté dans la manière de filmer la mode. Au départ, Loïc Prigent se contente de capter modestement les coulisses et les mœurs du milieu dans un
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LA SÉLECTION COFFRET CARY GRANT Éditions Montparnasse
Cinq films incontournables de l’acteur le plus élégant d’Hollywood réunis dans un coffret. De Hawks à Hitchcock, en passant par McCarey, Cary Grant révèle toutes les facettes de son art burlesque.
MON ONCLE D'AMÉRIQUE D’ALAIN RESNAIS MK2 éditions Mêlant fiction et étude scientifique des comportements humains, sous la houlette du professeur Laborit, ce projet original consacre définitivement Resnais en auteur avide d’expérimentations.
LA VIE DES AUTRES DE F.H. VON DONNERSMARCK Océan Films Vidéo Au temps de la RDA et de la suspicion généralisée, un agent de la STASI (la police secrète est-allemande) évolue au contact d’un écrivain qu’il est chargé de surveiller. Un film poignant, aux saillies documentaires. COFFRET TWIN PEAKS SAISON 2 TF1 Vidéo Plus d’une décennie qu’on espérait que la série de David Lynch et Mark Frost sorte en DVD. Attente récompensée : après la saison 1 le mois dernier, voici la saison 2. Question : mais qui a tué Laura Palmer ?
BERLIN ALEXANDERPLATZ DE R.W. FASSBINDER Carlotta Films Les années 1920 vues des bas-fonds de Berlin. Le destin de Franz se mêle à celui de la République de Weimar, en 13 épisodes que tourna pour la télévision le grand Fassbinder. Une œuvre personnelle et ambitieuse, adaptée de l’écrivain Alfred Döblin.
mme modèle, Le Diable s’habille en Prada et Falbalas.
rendez-vous baptisé Habillées pour l’hiver (ou variante, pour l’été), diffusé sur Canal +. À l’arrivée, ce feuilleton haletant devient un rendez-vous prisé pour son regard tendrement ironique. Le talent de Prigent sera reconnu lors de la diffusion de la saga Signé Chanel sur Arte, où en cinq épisodes, il décortique la préparation d’une collection de la marque de luxe, ravalant Lagerfeld au rang de personnage, au même titre que l’inénarrable Madame Pouzieux, qui coud ses galons dans le calme de sa ferme. Le milieu de la mode détient cette capacité de créer des personnages hauts en couleurs. Et le cinéma, qui a besoin de personnages forts, devrait logiquement continuer d’y puiser, à l’avenir, certains de ses plus beaux récits. _Olivier NICKLAUS
ACTUALITÉ ZONE 1 Saluons la sortie ce mois-ci chez Warner du second volet du coffret Leading Ladies, consacré à des comédiennes de renom. Au programme, plusieurs inédits, dont le sublime Rachel Rachel (1968) de Paul Newman, portrait d'une vieille fille, institutrice de province, cherchant à s'émanciper de l'emprise tyrannique de sa mère. Joanne Woodward, la femme de Newman, y campe l’un de ses plus beaux rôles. Autre portrait de femme, le méconnu Shoot The Moon (1982) d'Alan Parker, chronique désenchantée d'une séparation, avec Diane Keaton et l'immense Albert Finney. Et pour finir Up Down Staircase (1967) de Robert Mulligan, qui retrace le parcours chaotique d'une jeune professeur dans un collège de banlieue. _Roland JHEAN, vendeur à la boutique MK2 DVD
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LIVRES ACME de Chris Ware enfin traduit
La BDà son acmé Après le cultissime Jimmy Corrigan, l’Américain Chris Ware revient avec une nouvelle BD éclatante, ACME, traduit chez Delcourt. Rencontre avec un auteur chez qui la virtuosité formelle se double d’une réflexion sur l’art, les sens et les États-Unis. otre nouvel ouvrage, ACME, expérimente des formats très originaux en bande dessinée, peu habituée à un tel éclatement du récit. Comment s’est construit le livre ? Il s’agissait, au départ, d’assembler de manière cohérente les différents comic-strip humoristiques que j’ai dessiné ces dix dernières années. J’ai passé un an à réfléchir à la structure du livre, à son ordonnancement, à dessiner de nouvelles planches, de manière à créer, je l’espère, une sorte d’entité vivante. Je voulais que ce livre vaille son prix, qu’il soit aussi dense, beau et rigoureux que possible, que le lecteur ressente le même type d’excitation que je ressentais lorsqu’on m’offrait des comics pour Noël, quand j’étais enfant.
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Le livre est constitué d’une dizaine de personnages récurrents, sur lesquels plane l’ombre d’une mystérieuse organisation tentaculaire, ACME… Ces personnages éclairent différents aspects de moi-même. Par extension, ils disent aussi comment les Américains se regardent. Quant à « acmé », c’est un mot d’origine grecque qui signifie « apogée » ou « paradigme ». C’était aussi un nom d’entreprise très répandu au XIXème siècle, caractéristique de l’optimisme et de la hardiesse de l’industrie américaine de
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LA BD EST L’UN DES SEULS ARTS À NE PAS AVOIR ÉTÉ CORROMPU PAR LA THÉORIE. CHRIS WARE
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l’époque. Je me méfie des idées, des théories, qui souvent empoisonnent l’inspiration artistique. Cependant, pour ce livre, je me suis laissé guider par l’idée suivante : montrer comment nos sensations, nos désirs, nos sentiments, mais aussi l’art, l’histoire et la morale de nos civilisations sont distordus par le monde des idées. Cette ambition peut paraître arrogante et ridicule ; je me suis dit qu’une suite de gags était le seul moyen d’en rendre compte.
Qu’appelez-vous le monde des idées ? Un exemple : l’un des personnages principaux d’ACME est la Lune. Enfant, j’ai toujours regardé la Lune comme si elle disposait d’un visage. Aujourd’hui encore, je n’arrive pas à ne pas voir de visage sur la Lune. Mes idées prennent le pas sur ce que mes yeux voient. Même chose pour les constellations : là où nous ne devrions voir qu’un assemblage arbitraire d’étoiles, nous croyons apercevoir des formes familières. Ainsi, s’il regarde attentivement, dans le noir, la constellation d’étoiles figurant au début du livre, le lecteur
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Planches extraites d’ACME de Chris Ware (Delcourt).
verra apparaître les formes de mes différents personnages. Cette différence fondamentale entre concevoir et percevoir, je la retrouve dans ce qui sépare la bande dessinée des autres arts visuels : la BD est faite pour être lue, les vrais dessins sont faits pour être vus. D’un côté, le monde obscur de l’esprit ; de l’autre, le monde sensible, lumineux. Dans le livre, les Américains apparaissent comme un peuple immature, matérialiste, mélancolique et dangereux… J’ajouterais «naïf», «non-prétentieux» et «parfois généreux » à votre liste. L’un de nos rares avantages sur le reste du monde est notre aversion à faire partie de tout système intégré – ce qui est formidable lorsqu’il s’agit de créer une forme viscérale d’art, mais désastreux en matière de politique étrangère, par exemple. Vous semblez prendre plaisir à mélanger les âges et les époques : votre futur est très vintage, et vos personnages semblent à la fois des bébés et des vieillards… C’est peut-être dû à mon désir de montrer tout en même
LA SÉLECTION CERCUEIL ET FOSSOYEUR CHESTER HIMES roman traduit de l’américain, Gallimard / « Quarto »
À travers les inspecteurs héros des huit romans que rassemble ce volume, Chester Himes revisite Harlem «cancer de l’Amérique», mêlant l’ironie et le pittoresque. Un cycle incontournable pour les amateurs de roman noir.
ET MAINTENANT DANSEZ ANDRÉS BARBA roman traduit de l’espagnol, Christian Bourgois
Cette épopée en quatre mouvements s’ouvre sur Inès, la mère, au moment où sa vie bascule, dévidant ainsi l’écheveau familial. Jeux de miroirs, introspection, violence scandent ce roman à l’écriture âpre et prometteuse.
J’AVAIS PEUR DE VIRGINIA WOOLF RICHARD KENNEDY récit traduit de l’anglais, Anatolia
Londres, 1926. Richard Kennedy, 16 ans, est apprenti dans la maison d’édition de Léonard et Virginia Woolf, la Hogarth Press. S’ensuivent de savoureuses mésaventures dans l’univers de Bloomsbury, avec des illustrations de l’auteur.
ÉDITION LIMITÉE EMMANUEL ADELY poème, Inventaire / Invention
Remarquable manifeste poétique, ce livre est une voix, «je cherche, je pose la question», portée par une écriture inventive. Défense et illustration du livre de créateur, fragilisé par la concentration massive du monde de l’édition.
BE SAFE XAVIER-LAURENT PETIT Roman, École des Loisirs, coll. « Médium » À partir de 12 ans
Un fait d’actualité marquant, la guerre en Irak, mis à la portée des jeunes lecteurs. Une écriture sobre pour un roman touchant et intelligent.
temps. Mais ce mélange des âges est aussi propre à la BD : moins il y a de détails physiques, plus l’empathie du lecteur est grande. Je me suis beaucoup inspiré d’Hergé, capable de rendre ses dessins aussi lisibles qu’un mot. La beauté vient alors, non pas du dessin lui-même, mais du récit, du rythme des images, de la composition de la page, des couleurs.
LE SITE
Dans ACME, vous vous moquez ouvertement des auteurs de BD, dont le travail est présenté comme lent, frustrant, déconsidéré… La BD est un art ingrat, mais c’est aussi l’un des seuls à ne pas avoir été corrompu par la théorie et l’analyse. Lorsqu’on ne comprend pas un tableau, on pense qu’on est idiot ; mais si on ne comprend pas une BD, on se dit que c’est l’auteur qui est idiot. Cette relation directe et honnête avec le lecteur nous aide, nous autres auteurs, à garder les pieds sur terre.
S'il ne devait rester qu'une newsletter, ce serait celle-là. Alors que ses consoeurs atterrissent souvent dans la poubelle à spams, A Very Short List fait le pari de magnifier le format en la jouant élitiste, classe et concis. En guère plus de 1000 caractères, cette lettre expédiée de New-York s'arrête chaque jour sur une actu culturelle dans tous les genres pourvu que ça soit « interesting and obscure ». La mode est décidément aux formats courts sur le Net. Ainsi va twitter.com, qui a révolutionné le blogging en le corsetant dans 140 caractères, ou shortnews.com, le site qui condense l'info. Un nouveau mode d'écriture ?
www.veryshortlist.com
_Propos recueillis par Auréliano TONET
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MUSIQUE « Freak-folk » et renouveau hippie
Le freak, c’est ch Autour de Devendra Banhart, de Cocorosie ou d’Animal Collective, une vaste famille de musiciens américains redéfinit les canons du folk, à base de psychédélisme androgyne, de formats barrés et de voix étranges. Revue d’effectifs.
S
es disques sont plutôt bavards, mais ce jour-là, Devendra Banhart n’est guère d’humeur au blabla. Il a passé la nuit en cellule de dégrisement, et laissera par conséquent son physique parler pour lui, autant que faire se peut. Tatouée, percée, parée, velue, sa chair est une espèce en voie de disparition. Plus que le fard et les bijoux, ce sont les poils du jeune homme qui attirent l’œil. Et lui tirent ce commentaire : « Mes poils sont comme mes chansons. Ils sont de plus en plus longs, et ils puent. » On lui demande s’il se sent seul dans ce cas : « Heureusement, non. La famille suit l’exemple de mes cheveux. Elle grandit. » La famille, chez Devendra Banhart, est une notion assez floue. Elle regroupe une communauté fluctuante de musiciens marginaux, apparue au début du millénaire. En guise de tatas, ou plutôt de tontons, il y a les sœurs moustachues de Cocorosie. La belle-mère, c’est la crooneuse Antony, fan de Boy George. Il y a aussi des mamies respectées (Vashti Bunyan, Linda Perhacs), des petites sœurs prometteuses (Alela Diane, Joanna Newsom, Rio en medio), des beauxfrères new-yorkais rebelles et bruyants (Animal Collective,
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MES POILS SONT COMME MES CHANSONS. ILS SONT DE PLUS EN PLUS LONGS, ET ILS PUENT. D.BANHART
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Grizzly Bear), et même un vague cousin français (Spleen). Ce qui rassemble cette drôle de tribu ? D’abord et avant tout, le mépris des formats et des genres établis, qu’ils soient sexuels ou musicaux. Certes, la plupart de leurs chansons pourraient être qualifiées de folk, pour la prédominance des plages acoustiques. Mais c’est un folk vicié, déviant, « freak » qui nous est proposé. Des morceaux qui oscillent entre une et dix minutes, des instruments excentriques (harpes, banjos, casseroles…), des constructions baroques, voire barrées, donnant le primat à l’étrangeté vocale – voix spectrales, androgynes, enfantines, toujours singulières. « Pour nous, comme pour certains de ces musiciens, la voix est un instrument à part entière, et les mots des sons à triturer sans complexe », explique Panda Bear, dont les cris scandent les créations inouïes d’Animal Collective. Le jeune homme ajoute : «Si le psychédélisme, c’est la croyance en l’énergie et la vitalité des sons, alors, oui, nous sommes psychédéliques.» Le mot est lâché. Le psychédélisme, cette vieille barbe seventies, ce truc ringard et boursouflé, le voilà réhabilité.
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Là encore, il s’agit en partie d’une histoire de famille : « J’ai grandi et je vis à Nevada City, une ville californienne de 3000 habitants, où se sont installés de nombreux hippies dans les années 1960, comme mes parents », raconte Alela Diane, dont l’envoûtant premier album vient de sortir chez Fargo. « Joanna Newsom ou certains musiciens de Devendra y sont mes voisins… », ajoute-t-elle, surprise que cela puisse nous étonner. Si leur base est principalement californienne, nos néo-hippies ont les idées larges, et leurs influences ne se cantonnent pas à Grateful Dead et autres groupes moribonds. Alela s’enchante de bluegrass, Animal Collective se berce de chants sacrés bouddhistes, la délicate Rio en medio cite des poètes anglais du XIXème siècle… Quant à Devendra, il ne peut se passer de post-tropicalisme brésilien, de garage mexicain et de folk chilien, quitte à chanter en espagnol
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LA SÉLECTION THE GOSSIP « Standing in the way of control » (Back Yard / PIAS) L’énorme chanteuse de The Gossip a beau être l’icône des grosses qui s’assument, son disque est exempt de toute trace de gras. Une voix férocement soul, que matraque un rock primitif : la Janis Joplin des années 2000 ? BEIRUT « The Flying Club Cup » (4AD / Beggars) Revoici Beirut, jeune voyageur surdoué. Sa pop gracieuse, vantée à raison, s’évente en cuivres balkaniques, chants de marins bretons, dub celtique, souvenirs de Bach… Grand.
RICHARD HAWLEY « Lady’s Bridge » (Mute / Virgin) Crooner granuleux, guitariste crémeux, sorte de George Clooney rock, Richard Hawley signe l’un de ses plus arômes les plus goûteux, noir profond que nuance une larme de lait olé, olé.
ROBERT WYATT « Comicopera » (Domino / PIAS) Dans les 1970’s, Wyatt faisait du rock progressif. À 62 ans, cet Anglais communiste et barbu progresse encore. Dérives jazz ou latines, harmonies raveliennes, voix lunaire, intelligence, émotion, tout y est : album de l’année.
OH NO ONO « Yes » (Third Side) Yes d’Oh No Ono s’approuve en bloc. Il s’agit d’un orgasme organisé avec soin, par des Danois de surcroît, avec orgues dopées aux années 1980, organes (vocaux) à la Billy Corgan, saccades rythmiques, fouets, tubes, etc. Et oui. sur les trois-quarts de son excellent dernier album. « Nous sommes très échangistes, nous nous prêtons nos disques préférés, et même parfois les artistes qui jouent dessus», sourit le Californien. Référence à Vashti Bunyan, qui chante sur son second album, ainsi que sur un maxi d’Animal Collective. Cette Anglaise au timbre pur avait disparu de la circulation après un premier essai enchanteur, publié en 1970. Trente ans plus tard, ses hirsutes admirateurs la sortaient de sa retraite bucolique, l’enjoignant à enregistrer de nouveau et à dévoiler des inédits (voir la somptueuse compilation éditée ce mois-ci chez PIAS). Ainsi va la famille, nombreuse, prolixe et reconnaissante. À entendre les piaillements de ses derniers rejetons, on aimerait que ses branches ne cessent, comme les poils de papa Banhart, de pousser.
LE SITE www.myspace.com/musicpacific Dennis Wilson : un nom de code que s’échangent sous le manteau les amateurs de pop solaire, terminale. Ces gens-là estiment que le frère cadet de Brian Wilson est le Beach Boy le plus précieux, le plus abrasif – une trentaine de compos, un seul album (Pacific Ocean Blues, 1977), autant de chefs d’œuvre. Le duo suédois Pacific! fait partie de cette secte souterraine d’admirateurs. Son electro-pop est un fantasme de Californie (le tube Sunset blvd), plages heureuses et doucereuses, dessinées de chœurs, que caressent divers joujous en plastique – synthés eighties, beats à la New Order, etc. Le premier album est prévu pour 2008;on s’y baignera paisiblement, pacifiquement, l’âme en paix.
_Au.To.
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LES BONS PLANS Kompilés par Rémy Kolpa Kopoul
Bons Plans Paris “ÇA BALANCE PAS MAL À PARIS”, CHANTAIT... FRANCE GALL ! HOCUS POCUS > 23/10 > LA CIGALE Les Nantais d'Hocus Pocus ont pris The Roots comme modèle. Leurs beats joués sur de véritables instruments sont enchanteurs comme un jour férié, excitants comme une nuit de fête. Ils ont choisi de se priver de DJ sans pour autant dénigrer le «real hip-hop». Un équilibre fragile mais tellement excitant. SOCALLED > 23/10 > DIVAN DU MONDE Son tube You're never alone a fait le bonheur des auditeurs de Nova. On l'a vu fréquemment aux côtés du clarinettiste klezmer David Krakauer et sous son nom, avec un projet hip hop et un album The Ghetto blaster (Label Bleu). Le jeune prodige canadien SoCalled est rappeur (en anglais et yiddish !), scratcheur et trafiquant de sons synthétiques. SOLOMON BURKE > 25/10 > LA CITÉ DE LA MUSIQUE Il fut avec Otis Redding, Wilson Pickett et autres Sam & Dave un pilier des labels Atlantic et Stax. Ce boss de la soul music est un sacré pasteur à succès qui ne boude pas pour autant le bon vieux Rn’B profane. Et dieu que le colosse a du coffre ! GILLES PETERSON + SOIL & PIMS SESSIONS + JOSÉ JAMES (BROWNSWOOD REC) > 28/10 > LA FLÈCHE D’OR Le DJ «worldwide» de Londres fait mouche avec son nouveau label Brownswood. Il vient chauffer ses groovy platines et présenter ses poulains, les Japonais jazz vitaminé de Soil & Pimp Sessions et une lumineuse découverte US, le crooner musclé José James (photo), du sucré-pimenté. La trouvaille du mois. LES 25 ANS DU SUNSET > 31/10 > THÉÂTRE DU CHÂTELET Un grand raout hors-les-murs-mais-pas-loin pour le club-phare de la rue du jazz (rue des Lombards) animé par Dee Dee Bridgewater, avec quelques noms marquants de l’Hexagone qui y ont marqué le tempo : Didier Lockwood, Sixun, les frères Belmondo, Giovanni Mirabassi, JJ Milteau, Julien Lourau, Bojan Z. URBAN SAX > 06/11 > LA CIGALE Cette douce horde de saxophonistes en tenue de cosmonautes se mouvant au ralenti a quadrillé les années 1970 et 1980, un maximum de musiciens pour une musique finalement minimaliste, comme perchée sur une note. La fantasmagorie a survécu au changement de millénaire, Urban Sax demeure éternellement futuriste... Et unique au monde !
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ROBERTO FONSECA > 07/11 > LA CIGALE Vous avez aimé Rubén González, le délicieux papy tiré de sa retraite pour tricoter sur le piano du Buena Vista Social Club? Vous apprécierez Roberto Fonseca, Cubain comme lui, et son héritier dans le jeu subtil du piano caraïbe, entre classique façon Eric Satie, mambo genre Perez Prado et surtout jazz gouleyant. Un vigoureux petit prince. JOSÉ GONZALEZ > 17/11 > LA MAROQUINERIE Son nom ne donne pas la piste de sa nationalité (il est né à Göteborg, en Suède) mais trahit ses origines argentines. L’album Veneer n’induit pas que ce Gonzalez-là soit... speedy, au contraire, c’est une jolie cuisine entre folk, pop et bossa. Il est un artisan à façon, comme on disait jadis dans la couture, ses mélodies cultivent une finition sophistiquée. ET AUSSI... 22/10 Eddie Bo au Divan du Monde et Richard Galliano à Pleyel... 23/10 Karim Ziad au New Morning... 24/10 Henri Salvador à Pleyel... 25/10 Massilia Sound System à l’Élysée Montmartre... 26/10 Biz Markie au Bus Palladium... 27/10 Blind Boys of Alabama à la Cité de la Musique... 01/11 Ze Renato au Satellit’ Café... 02/11 Pink Martini au Grand Rex... 19/11 Emir Kusturica au Bataclan
NEUF-UN, NEUF-DEUX, NEUF-TROIS, NEUF-QUATRE, NEUF-CINQ... LA BANLIEUE AUSSI ! K’NAAN À EMB > 20/10 > SANNOIS (95) Il n'a que 26 ans mais déjà un parcours planétaire. Né à Modagiscio (Somalie) qu'il quitte à 14 ans pour... Toronto, K'Naan prend goût à la culture urbaine sans zapper ses racines est-africaines. Résultat, un hip hop aussi mature que foisonnant, aux textes très concernés et au flow magnétique, sur canapé végétal afro. MCANUFF + ALTON ELLIS + DR ALIMANTADO + MANJUL AU FESTI’VAL DE MARNE > 20/10 > CHOISY (94) Un gros plateau reggae avec le plus parisien des Jamaïquains, Winston McAnuff et son énergique groupe Homegrown, Manjul et son dub sénégalais, Dr Alimantado, parrainé par Lee Perry, aux riddims acérés, et surtout le très rare Alton Ellis, dont le 1er tube date de... 1959 (il avait 15 ans), voix d’or dans le ska, le rocksteady et bien sûr le reggae.
... Banlieue AVISHAI COHEN TRIO > 25/10 > CENTRE CULTUREL PAUL BAILLIART - MASSY (91) Le musicien israélien, adoubé par Chick Corea (il est son bassiste de chevet), est devenu un créateur en nom propre. Avishaï Cohen reprend et rhabille aussi bien Gabriel Fauré que Stevie Wonder, et sa culture moyen-orientale, doublée d'une attirance certaine pour le latino, achève de brouiller les pistes.
JACQUES COURSIL > 07/11 > LA DYNAMO DE BANLIEUES BLEUES - PANTIN (93) Au tout début des années 1970, le trompettiste antillais était 100 % underground, pionnier de ce courant free jazz hexagonal qui écumait sur le label BYG-Actuel. Devenu new-yorkais, il nous cogite un album délicieusement introspectif, loin des stridences d’antan mais toujours épris de cet élan libertaire. Quelles retrouvailles !!!
PABLO MOSES AU CAP > 27/10 > AULNAY SS BOIS (93) + 28/10 AU PLAN - RIS ORANGIS (91) En tournée française, le Moïse du reggae fait deux haltes dans nos banlieues, dans des salles à la programmation soignée et pointue, le CAP et le Plan : le Jamaïquain reste la valeur constante depuis ses débuts en 1975. Son reggae-roots défie les décennies qui passent.
ABD AL MALIK > 13/11 > L’ESPACE CARPEAUX À COURBEVOIE (92) Il cartonne et détonne dans une scène hip-hop au renouvellement très lent. Avec son album Gibraltar, il claque des rimes efficaces et tire le rap dans le giron de la chanson française, où il rafle les prix (Constantin, Victoires de la Musique). En baladin, il continue d’arpenter les scènes de l’Hexagone.
ART Exposition Diaspora au Musée du Quai Branly
Éclats d’Afrique Ils participent tous deux à l’exposition collective Diaspora au Musée du Quai Branly, produite par Charles Gillibert (MK2). Dialogue africain entre la cinéaste Claire Denis, initiatrice du projet, et son homologue égyptien Yousry Nasrallah.
Q
uelles sont les origines de ce projet ? CLAIRE DENIS : Le projet a démarré il y a près de cinq ans lorsque Stéphane Martin, le président du Musée du Quai Branly, m’a proposé de réfléchir à une exposition temporaire. Je n’avais jamais fait ça ! On s’est accordé sur l’idée de faire entrer le monde contemporain dans ce musée, qui n’existait pas encore physiquement à l’époque, en contrepoint des collections permanentes.
Claire, vous avez vous-même un lien très fort à l’Afrique notamment pour y avoir vécu enfant. Beaucoup de vos films disent cet attachement et cet intérêt que vous lui portez. C.D. : Je ne crois pas que ce lien soit forcément utile lorsqu’il faut mettre sur pied ce genre d’entreprise. On peut avoir grandi en Afrique et ne pas l’aimer ou bien l’aimer d’une mauvaise manière. À l’inverse, quelqu’un comme le musicien Jeff Mills est né à Détroit et n’a jamais été en Afrique, mais il peut très bien vous parler de la diaspora africaine. L’exposition est marquée par la diversité, des artistes, des projets… YOUSRY NASRALLAH : Il faut casser cette idée que l’on se fait de l’Afrique comme étant une espèce d’entité homogène. La diversité, c’est l’énergie. Cette exposition donne une autre image du continent, au-delà de la misère et du simple folklore. Pourquoi avoir précisément choisi de parler de la diaspora ? C.D. : L’Afrique est le cœur. La diaspora, c’est l’énergie qui sort de l’Afrique. C’est très difficile de partir de chez soi pour aller s’implanter ailleurs. C’est à la fois un mouvement de vie et un arrachement. Mais si on ne bouge pas, on dépérit… Les civilisations se sont construites par ces mouvements de populations. L’exposition évoque des choses douloureuses mais c’est la vie qui prime ici. Yousry, comment avez-vous abordé ce projet d’exposition en tant que cinéaste ? Y.N. : Claire n’a pas imposé de cahier des charges. Elle nous a vraiment laissé carte blanche. Pour moi, ça a été une occasion inédite de faire autre chose que du cinéma. Et ça m’a beaucoup plu. Il était impensable que je fasse un film comme j’en ai l’habitude de faire. Votre installation, Le Fond du lac, qui évoque le lac Nasser, immerge totalement le spectateur… Y.N. : Situé à la frontière entre l’Egypte et le Soudan, en plein désert, le lac Nasser recouvre l’ancienne Nubie. Plusieurs milliers de villages ont été évacués lors de sa création à l'issue de la construction du barrage d’Assouan, entre 1958 et 1970. Je donne à voir un drame historique de façon très sensorielle. On ne voit pas de morts mais des gens qui vivent, sous l’eau.
_Propos recueillis par Anne-Lou VICENTE
Diaspora, Exposition sensorielle. Du 2 octobre 2007 au 6 janvier 2008. Musée du Quai Branly, 37, quai Branly, 75007 Paris. Avec Claire Denis & Lilian Thuram, Jean-Pierre Bekolo, Caroline Cartier, John Galliano, Agnès Godard, Mahamat-Saleh Haroun, Jeff Mills & Brice Leboucq, Mathilde Monnier, Yousry Nasrallah. Mardi, mercredi et dimanche de 11h à 19h. Nocturne le jeudi, vendredi et samedi jusqu’à 21h. Tarif plein : 8,50 €. Tarif réduit : 6 €.
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Extraits du film Le Fond du lac de Yousry Nasrallah, réalisé dans le
EXPOSITIONS MOSCOPOLIS 21 SEPTEMBRE - 31 DÉCEMBRE Paris continue de fêter l’art russe : la nouvelle exposition de l’espace Louis Vuitton réunit onze artistes contemporains, travaillant à Moscou et s’intéressant à l’identité de leur ville, plus grande métropole d’Europe. Mosaïque d’une ville en pleine mutation. Espace Louis Vuitton - 60, rue de Bassano / 101, avenue des Champs-Élysées, 75008.
ULTRALAB 9 OCTOBRE - 30 DÉCEMBRE Le collectif Ultralab inaugure la programmation « Satellite » du Jeu de Paume avec une nouvelle version de son Île de Paradis. Leur dispositif multimédia, qui reconstruit l’espace comme un terrain de jeu vidéo, introduit différents niveaux de réalité et invite le visiteur à se muer en joueur. L’Île de Paradis™ (version 1.15) / Un voyage au milieu du temps Galeries du Jeu de Paume - site Concorde - 1, place de la Concorde, 75001.
MIROIR, MON BEAU MIROIR 12 OCT. - 10 NOV. Temple de la beauté, la maison Guerlain devient l’écrin d’une exposition d’art contemporain. Reprenant la célèbre phrase prononcée dans le conte des frères Grimm, douze vidéastes, photographes et portraitistes (Candice Breitz, Leandro Erlich…) questionnent à leur manière l’illusion et la vanité. Maison Guerlain 68, avenue Champs Elysées, 75008 Paris.
LE LABORATOIRE À PARTIR DU 19 OCTOBRE Le Laboratoire ouvre enfin ses portes, sur plus de 1200 m2 de salles d’expositions et d’ateliers de travail. Fondé par David Edwards, chercheur à Harvard, il a vocation à être un lieu d’échange et de créativité entre artistes et scientifiques. Le thème retenu pour 2007 / 2008 est l’intelligence. Le Laboratoire - 4, rue du Bouloi, 75001 Paris.
LE SITE
© Musée du Quai Branly / Yousry Nasrallah
www.psyop.tv Vous en avez assez de la publicité à la télé ? La créativité débordante de Psyop vous ôtera sûrement l’envie de zapper. Créé en 2000, le collectif new-yorkais spécialisé dans le motion design compte les plus grandes firmes internationales parmi ses clients, de Coca-Cola à Ford en passant par Bouygues Télécom et Adidas. Particules en apesanteur et créatures loufoques peuplent un univers chargé d’humour et de poésie, en renouvellement permanent, qui détourne avec brio les sentiers battus des spots commerciaux, habillages télé ou vidéo-clips.
cadre de l’exposition Diaspora.
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STEPHANE DUROY
UNKNOWN STÉPHANE DUROY L’enjeu du travail photographique de Stéphane Duroy est d’envisager l’Amérique comme terre d’accueil, réceptacle des drames de la Vieille Europe, transposition optimiste de la misère, de la brutalité des guerres et révolutions. L’exil impose à l'homme américain une mutation radicale qui lui permet d’intégrer une nouvelle conception du monde fondée sur l'éphémère, l’abandon et le mouvement perpétuel, proche du nomadisme. STÉPHANE DUROY - UNKNOWN Filigranes Éditions - Hors collection - 64 pages 40 photographies en couleurs et noir et blanc - 35 € Titre à paraître le 20 octobre 2007. AGENCE VU 17, Bd Henri IV - 75004 Paris - www.agencevu.com
TRIBUNE LIBRE Hommage à Jean-François Bizot
Allo Bizot ? Ici la Il ne reviendra pas. Remonté sur le ring face à son cancer, Jean-François Bizot, fondateur du magazine Actuel et de Radio Nova, a perdu. Et nous qu’avons-nous perdu ? À la demande de TROISCOULEURS, le journaliste Jean-Christophe Nothias célèbre la mémoire de son ancien mentor à Actuel, décédé le 8 septembre dernier.
E
n quelques regards, usant de trois tournevis verbaux, il vous perçait à jour, vous mettait dans les cordes et déjà, vous étiez sous son joug. Un joug à plusieurs entrées : exigence, remise en question, humour. Une triplette qui une fois tombée sur vos nerfs et vos neurones vous jetait au pied d’un mur jamais escaladé… Homme de presse, Jean-François Bizot était une force de cette nature, à la fois solitaire, chaleureuse et brillante. Jamais, depuis, n’ai-je rencontré cette parfaite combinaison d’intelligences dans le métier du journalisme.
Sans doute était-il inquiet d’échouer dans son entreprise de renversement du monde du spectacle. Aussi allait-il encore plus loin : il découvrait les talents, balançant entre le camp des amuseurs et celui des reporters. Inattendu, il exhibait une pépite musicale zaïroise, offrait sa générosité à un roi d’Amazonie, bombardait de fax l’administration chinoise au moment de Tian’anmen avant de protéger quelques survivants, sauvait un écrivain de talent des griffes de Ceausescu, hébergeait des sans-culottes, aimait une belle, puis une autre, soutenait Coluche dans son engagement présidentiel, planquait son reporter ancien des services secrets espagnols exposé à la vindicte d’anciens camarades de jeu, lançait une collection de CD...
Travailler à Actuel était une bénédiction en même temps qu’une épreuve. Magazine mensuel, Actuel fut l’infusion d’une époque. Il alluma plus d’une mèche dans plus d’une tête. Au début des années 1980, les radios n’étaient point La liste serait trop longue. Aussi sûrement pouvait-il libres, la télévision à peine sortie de l’ORTF entrait en léthargie participer au lancement de «L’Île de Lumière» de Médecins commerciale, les téléphones portables n’obstruaient sans Frontières, armer un bateau radio pour soutenir les les oreilles de personne et quand vint en janvier 1984 IL ÉTAIT PRÊT À TOUS LES COCKTAILS le premier MacIntosh, il parut un engin tombé du cerveau dérangé de quelque Californien. De ce côté CULTURELS, SON DÉCAPSULEUR D’ÉPOQUE de l’Atlantique, la France venait de s’offrir à Mitterrand BIEN EN MAIN. tandis que Jean-François était à la manœuvre en coulisses, son décapsuleur d’époque bien en main, prêt à tous les dissidents chinois, organiser trois jours de fête inoubliable, cocktails culturels. Le monde semblait de nouveau en baptisée « les jours meilleurs », pour relancer les débats de société. Avec la même détermination, il enfermait trois mouvement et nous avec. jours Gainsbourg en studio, lui dérobant avec finesse les À son contact, ma béate vocation de jeunesse s’était muée clefs de son jardin secret, assez élégant pour ne pas tout en féroce conviction d’appartenir à la tribu des ouvreurs publier. Dans les colonnes du journal, puis à la radio, il de fenêtre. L’air entrait dans les têtes, rapporté par offrait le meilleur de ce qu’un journaliste honnête aurait d’intrépides reporters dans leurs éprouvettes littéraires. aimé apporter à ses lecteurs. C’était sa façon à lui de les Nous étions sans a priori et dépouillés des idéologies respecter. « Pas question de mollir », disait-il. Et puis il y morbides des vendeurs de bonheur collectif. Ici, pas a tout ce que l’on ne sait pas et qu’il cachait par pudeur. d’éteigneurs de réverbères, lui était adorateur de la nuit blanche, toujours à la pointe du moindre mouvement, Avec ou sans fortune familiale, Jean-François se voulait empêcheur de dormir en long, adepte du petit jour qui vous insaisissable. C’était son assurance vie, sa manière décale et vous épargne des idées toutes faites. Avec d’échapper à tout enfermement ou autoritarisme. Il y a Jean-François, nous glissions parfois de la vocation à la réussi, sauf que nous parlons encore de lui. Au fait, où est provocation. En son for intérieur bataillaient l’impérative le média d’aujourd’hui qui donnerait pareille envie de faire obligation du rire salutaire – le sien était salvateur – et le bien un métier qui a tant souffert dans la grande décharge désir ardent du storyteller, précis et implacable dans sa du Net et de l’image ? À chaque époque son coma, à chacun démonstration ; être à la fois saltimbanque et irréprochable sa révolte. Un autre Bizot viendrait ? Je nous le souhaite. dans son enquête, narrant son récit en jouant son je et vous _Jean-Christophe NOTHIAS piéger jusqu’au bout d’un palpitant « nouveau et intéressant ».
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Terre
Couverture du numéro 44 d’Actuel (juin 1983).
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RÉSEAUX Lancement du site Onowa.com by MK2
Toile de maîtres Finie l’anarchie ! Les sites de partage communautaire essayent d’éditorialiser leurs contenus pour se poser en vrais médias. Dans cet esprit, Onowa, le nouveau site de MK2, veut développer une pépinière d’artistes multimédias.
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ouTube et DailyMotion ont ouvert la voie. Dans leur sillon, l’Internet est devenu communautaire, créatif et foisonnant. Un modèle s’est imposé : les images coulent à flot, le meilleur côtoie le pire, l’internaute doit s’y retrouver lui-même. « La première logique a été d’atteindre une taille critique, d’où la bataille sur la quantité de vidéos, explique Ouriel Ouhayon, spécialiste du web 2.0 et blogueur sur TechCrunch. Aujourd’hui, les sites communautaires sont entrés dans une deuxième phase où la qualité devient le nerf de la guerre. Ce sont toujours les internautes qui produisent les contenus, mais on a rajouté une équipe éditoriale qui est chargée de MK2 PROMET DE DIFFUSER DANS SES mettre en avant les meilleures vidéos. » Onowa s’inscrit dans cette nouvelle donne du communautaire. SALLES LES COURTS-MÉTRAGES LES PLUS Comme un vrai média, le site bénéficie du travail d’une BRILLANTS REPÉRÉS SUR ONOWA. rédaction chargée de mettre en avant les contenus les plus intéressants. Pour l’épauler dans cette tâche, Onowa invente le statut d’«éditeurs» : des internautes de premier rang, sélectionnés par la rédaction, qui ont pour charge de regarder et de valider les œuvres avant la publication en ligne. Ils sont actuellement une quinzaine, mais leur nombre est appelé à évoluer à mesure que la communauté grandit. Après deux ans d’adolescence effrénée, le petit monde du communautaire met un pied dans l’âge adulte en s'imposant une démarche qualitative. DailyMotion a ainsi lancé un programme baptisé «Motion Maker», qui permet aux utilisateurs semiprofessionnels de s’enregistrer comme cinéaste, reporter ou musicien et d’être mis en avant sur le site en tant que créateurs de contenu. Objectif : tirer la qualité vers le haut et faire oublier que le portail héberge encore une dose de contenus illégaux.
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_Baptiste DUROSIER http://www.onowa.com
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MK2 refuse cette logique de site à deux vitesses : « Depuis sa création, MK2 a toujours eu à cœur de valoriser les auteurs. En luttant contre le piratage, en proposant des contenus sélectionnés, Onowa prolonge ce combat sur Internet », explique Emmanuel Gillibert, responsable du site Onowa. Les « éditeurs » veillent ainsi à ce que les contenus (vidéos, photos, BD, dessins…) soient originaux et présentent un intérêt esthétique. Pour attirer les meilleurs sur son portail, MK2 promet de diffuser les courts-métrages les plus brillants dans ses salles de cinéma, juste avant les films. Des expositions photos seront également montées avec des œuvres repérées sur Onowa. En attendant, quelques artistes s’illustrent déjà sur le site : François Chatelain et ses flip-books, le photographe Sébastien Mazière ou encore Aurelio, qui réalise des courtsmétrages animés. En misant tout sur l’artistique, Onowa suit un mouvement général de segmentation des sites communautaires. N’osant pas défier sur leur terrain les mastodontes YouTube et DailyMotion, les nouveaux arrivants parient souvent sur une thématique forte pour s’imposer : l’humour pour JibJab, la cuisine pour Cookshow ou même les contenus pornographiques pour YouPorn… Cette profusion rappelle l'arrivée des bouquets-satellites dans le monde de la télévision : après le règne sans partage des grandes chaînes généralistes, de multiples canaux spécialisés se sont taillés une petite part du gâteau en couvrant le spectre des passions du téléspectateur. Mais dans cette guerre asymétrique, l'épouvantail TF1 n'a pas beaucoup perdu de terrain, restant très loin devant. YouTube, qui écrase le marché du communautaire, a-t-il des raisons de s’inquiéter de l’arrivée de ces sites thématiques? Ouriel Ohayon estime qu’aucune position n’est jamais acquise sur le web : « YouTube est incontestablement le vainqueur de la première bataille. La question est de savoir qui va gagner la prochaine… »
DOUBLE V, DOUBLE V, WC Cela en soulagera certains : Geopipi propose un vrai service de proximité en listant tous les WC publics de France. Google Maps est mis à contribution et les internautes peuvent parfaire ce grand œuvre. www.geopipi.fr
BIENVENUE Le blog américain BoingBoing s’est fait connaître en mariant pop culture et culture geek en un grand déferlement de liens. Le BoingBoing français est peutêtre arrivé, il s’appelle BienBienBien. www.bienbienbien.net
BD OBSÉDÉE Saint dessein que celui de cette bande de blogueurs-dessinateurs de talent. Tous les jours ou presque, leurs cartoons ironisent sur le sexe et ses petites complications, sous le haut patronage de leur mascotte, un lapin priapique. www.bdcul.com
LA MORT DES BLOGS Les blogs, c’est comme les chiens. Même si on en a un peu honte, on aimerait bien leur offrir une digne sépulture. C’est ce que propose un site de salubrité publique : le Cimetière des blogs. Qu’ils reposent en paix. http://lecimetieredesblogs.blogspot.com
PEINTRE EN BÂTIMENTS Blu peint sur les murs du monde entier d’imposants personnages de BD. Son site Internet est à l’image de son art : raffiné et mystérieux. « Blu doesn’t exist», donnet-il pour toute explication sur son blog. www.blublu.org
[gikÂt˝] n.f.
(2006, dérivé de l'anglais « geek », qui désigne à l'origine un babillage enfantin ou un clown de carnaval) 1. Compagne du « geek », internaute pointu et asocial, grand amateur de nouvelles technologies, dont la principale fierté est d'en être un. Joan a plaqué sa geekette car elle télécharge légalement sa musique sur le Net. 2. Mouvement associatif de blogueuses éructant leurs difficultés de couple. Sur copinedegeek.com, les geekettes confessent leurs bugs amoureux et prônent le boycott des adresses IP 90-60-90. => synonymes : freakette, nerdette
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JEUX VIDÉO La déferlante des FPS
À vos armes! Prê La sortie en rafale, cet automne, de Halo 3, Metroid Prime 3 et du coffret Half-Life 2 est l’occasion de revenir sur un genre de plus en plus populaire : le « first person shooter » (FPS), ou jeu de tir en vue subjective. Plongée dans un univers plus divers qu’il n’y paraît.
Extrait du jeu Halo 3 (Bungie Sofware / Microsoft Games), sorti le 25 septembre sur Xbox 360.
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out commence par une disparition. Au revoir Mario, Sonic et Lara Croft. À l’écran, le joueur n’a plus d’alter ego visible, de personnage qui le « représente» matériellement. Seul lien entre son espace domestique (le canapé sur lequel il est vautré) et celui, moins douillet, où se déploie le jeu : le canon froidement métallique d’une arme. Le voilà, littéralement, dans la tête d’un tueur, épousant son champ de vision. Né à l’aube des années 1990, le FPS a vu sa popularité croître rapidement grâce à un petit studio de développement texan du nom d’id Software, d’où sortirent les influents blockbusters LE JOUEUR SE TROUVE LITTÉRALEMENT Doom et Quake. FPS : « first person shooter », jeu de tir en vue subjective. L’intitulé est clair, et la mauvaise DANS LA TÊTE D’UN TUEUR, ÉPOUSANT SON réputation du genre fort compréhensible. Mais, avec CHAMP DE VISION. le temps, la réalité s’est complexifiée. L’un des grand événements vidéoludiques du mois de septembre fut la parution chez Microsoft du troisième volet de la saga de science-fiction Halo, dont l’épisode précédent avait battu aux États-Unis le record de recettes pour un produit culturel le jour de sa sortie : 125 millions de dollars. L’intérêt stratégique pour les éditeurs avides de conquérir les 18-25 ans (et plus si affinités) est flagrant. En octobre sont encore attendus l’épatant Metroid Prime 3 et le coffret Half-Life 2, mais aussi les moins médiatiques Timeshift, Jericho, Blacksite : Area 51… Sans parler, le mois suivant, de l’ambitieux Haze ou des faux-jumeaux du jeu de guerre hollywoodien, Call of Duty 4 et Brother’s in Arms : Hell’s Highway, devancés dans les bacs par le troisième mousquetaire Medal of Honor Airborne. Une avalanche, assurément.
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Faut-il s’en alarmer et rejoindre au sprint les croisés antiviolence ? Pas tout de suite, car le FPS est aujourd’hui tout sauf un genre uniforme. Il est même devenu au fil de son évolution, aussi étonnant que cela puisse paraître, l’un des plus stimulants de l’époque. Entre le cathartique Counter Strike, pilier des compétitions de sport électronique qui n’est jamais qu’un équivalent moderne des parties de gendarmes et voleurs d’antan, et la subtilité du game-design d’un Halo ou la narration expérimentale d’un Half-Life 2, il y a un monde. Quant à la trilogie Metroid Prime, elle s’apparente moins à une simulation de meurtres qu’à un voyage au cœur d’un sentiment éminemment humain : la solitude. Si la violence structure l’expérience, c’est sur l’objectivation des affects que travaillent les meilleurs shooters, à travers une mise en danger, concrète et toujours recommencée, du regard. Plus que dans ses budgets étourdissants et les campagnes de pub tapageuses qui accompagnent la sortie de ses plus gros représentants, la cause du succès du FPS est sans doute à chercher dans ses évolutions heureusement divergentes. Et moins sous l’angle du perfectionnement d’un genre que de l’exploration d’un point de vue. Celui-là même qui, au cinéma, n’a que rarement dépassé la tentative ponctuelle (un plan, une séquence tout au plus) depuis La Dame du lac (1947) de Robert Montgomery. Son adoption par le jeu vidéo est plus fructueuse, la vue subjective ayant pour conséquences une frontalité du rapport au monde virtuel (sans l’image d’un corps de substitution qui ferait écran), des effets de désorientation momentanée, une impossibilité de se «protéger» en se dissociant mentalement du personnage agissant... En un mot : une exposition plus directe aux idées des créateurs. Pour l’avenir, la balle est donc plus que jamais dans leur camp. Mais, de Deus Ex à Half-Life, de Metroid Prime à BioShock, ils ont déjà entraîné le FPS bien au-delà des courses-poursuites déchaînées d’autrefois. _Erwan HIGUINEN
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ts ? Tirez ! PROJECT GOTHAM RACING 4 Modèle d’équilibre entre sensations et technicité, PGR s’ouvre aux deux roues. Et célèbre plus que jamais la conduite stylée. Disponible : 12 octobre Éditeur : Microsoft // Plateforme : Xbox 360
THE LEGEND OF ZELDA PHANTOM HOURGLASS Sur DS, Zelda reprend l’esthétique cartoon et l’ambiance maritime de The Windwaker. La console est petite, pas l’aventure. Disponible : 19 octobre Éditeur : Nintendo // Plateforme : DS
THE EYE OF JUDGMENT Armés de cartes, deux joueurs se disputent les cases d’un plateau de jeu que scanne une caméra. Un concept étonnant qui pourrait tourner au phénomène online. Disponible : 24 octobre Éditeur : Sony // Plateforme : PS3
PRO EVOLUTION SOCCER 2008 Les footeux virtuels vont reprendre l’entraînement : le PES nouveau est en vue. Une version Wii est attendue pour 2008. Disponible : 25 octobre Éditeur : Konami Plateformes : PS2, PS3, PSP, Xbox 360, DS et PC
TONY HAWK’S PROVING GROUND Indifférent au concurrent Skate, Tony Hawk est un nouveau festival de figures acrobatiques. Et la ville, un terrain de jeu. Disponible : 2 novembre Éditeur : Activision Plateformes : PS2, PS3, DS, Wii et Xbox 360
LE SITE www.twingalaxies.com En 1981, l’Américain Walter Day se lance dans l’œuvre de sa vie : recenser les meilleurs scores réalisés sur jeux d’arcade. Ainsi naît Twin Galaxies, qui organisera des compétitions, s’ouvrira aux consoles et aux ordinateurs et édite désormais un livre des records du jeu vidéo. Entre portraits de joueurs (dont l’un détient plus de 3000 records mondiaux...) et annonces diverses, son site abrite une ahurissante base de données où l’on apprend, par exemple, que le meilleur score au jeu Donkey Kong est passé en juin à 1 050 200 points, record à battre. Avis aux amateurs.
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VIDÉO À LA DEMANDE www.mk2vod.com
THE BROWN BUNNY Vincent Gallo Un film poignant de l’acteur-réalisateur Vincent Gallo, hanté par l’absence de l’être aimé (Chloë Sevigny).
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l lui arrive de porter des tee-shirts d’adolescentes, de se vanter de conquêtes inutiles (Paris Hilton), de se proclamer républicain et de vendre son sperme sur Internet ; mais même s’il fallait prendre Vincent Gallo au sérieux, on le lui pardonnerait. Derrière une guitare ou une caméra, il la joue en effet profil bas. The Brown Bunny est l’Easy Rider des années 2000 : la grande énergie à laquelle carburait le cinéma des 1970’s s’est dissoute dans le quotidien. Encore mieux que son premier long-métrage (Buffalo ’66), The Brown Bunny se résume à un motif – V.G., dont la caméra ne décolle pas – mais c’est un motif de sérigraphie, le combustible d’un road-movie expérimental, sauvage et répétitif, mineur et puissant. Pendant 90 minutes, B.B. joue une seule et même note, modeste et terrible, celle de l’amour perdu et de la consolation impossible. Et c’est bien parce qu’un être manque absolument que celui qui reste ne doit pas cesser de s’incarner. La fellation qui conclut le film, célèbre depuis le tolé qu’elle provoqua un certain jour de Cannes 2003, n’est pas là par hasard. Lorsque des journalistes lui demandaient s’il s’agissait ou non d’une prothèse, V.G. répondait simplement non, parce que toute réponse est égale : en termes de présence, B.B. ne distingue pas plus le vivant et le mort que le vrai du faux. _Antoine THIRION ++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++
L’ASIE DANS TOUTE SA DIVERSITÉ Célébration de la diversité du cinéma asiatique ce mois-ci sur MK2vod. Plaque tournante de la cinéphilie de la région, Hong Kong est représenté par le polar virtuose Confession of Pain, mais aussi par les films de kung-fu seventies de la Shaw Brothers, mythiques. Étoile montante, la Corée concilie blockbusters et films d’auteurs (Turning Gate), tandis le Japon reste une valeur sûre en matière d’expérimentations plus ou moins horrifiques (Ring).
FILMS CULTES, MODE D’EMPLOI Tentative de définition du caractère culte d’un film : relativement discret lors de sa sortie en salles, un film devient culte lorsqu’une niche de fanatiques s’en empare pour l’encenser tous azimuts, célébrant qui sa violence sans concession, qui sa réalisation baroque. De Sin City à Old Boy, en passant Testuo, MK2vod regorge d’exemples en la matière…
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SCIENCE-FICTION La chronique des objets de demain... L’ordinateur-table
Services de table Après six années de brainstorming autour de tables plus conventionnelles, les chefs de Microsoft ont mitonné leur petit dernier : Microsoft Surface, un ordinateur tactile à l’apparence de table basse, meublant les halls d’hôtels dès la fin de l’année. Le sexappeal du groom en moins.
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raîcheur de vivre dans la capitale du cinéma international. Bois sacré et acier briqué, chastement couverte de carton ondulé, la nouvelle muse de Bill Gates fait une entrée remarquée dans mon hôtel hollywoodien, au luxe raccord avec la notoriété de ses pensionnaires. « Froggy, tu me déballes ce merdier quick and fast », baragouine le directeur de l’établissement.
Et moi de m’exécuter, réceptionniste érasmusé d’une école d’hôtellerie hexagonale. Pensez donc, une table qui « brise la frontière entre réel et virtuel » d’après ses géniteurs, de quoi répondre d’une pression de l’index aux caprices les plus abscons des stars les plus fantasques. Urgence, George Clooney réclame que l’on remplisse sa tasse d’un jus chaud et noir. Le récipient, à peine déposé sur la nappe de cristaux liquides, se remplit d’un café délicat. «What else ?» Moins brune mais tout aussi stress et paillettes, une habituée attire mon attention. La truffe méticuleusement humidifiée à l’eau minérale, Tinkerbell fait le tour du propriétaire avec son héritière de maîtresse, Paris Hilton. D’humeur chieuse, le chiwawa défèque contre un lampadaire 2.0 qui pousse tous pixels dehors, au beau milieu de la table.
Mais quand Angelina, au bras d’un Brad bravache, me charge de commander un énième moutard, le précédent mouflet à peine accouché par la desserte high-tech, le laquais se rebiffe et biffe le trop plein d’exigence clientéliste d’une salutaire pression de l’index sur… l’interrupteur. _Etienne ROUILLON
EN SURFACE, CE N’EST QU’UNE TABLE… Visible. L’engin s'expose sur dailymotion.com. Taper « Microsoft Surface », soit le nom officiel de cet ordinateur-table pour le moins intrigant. Tactile. Pour le moment, Microsoft Surface ne fonctionne qu’en deux dimensions grâce à un écran tactile et des caméras intégrées. Mais, du côté de Bill Gates, on table déjà sur de futures retransmissions de matchs de football en trois dimensions. Où ? Le Surface sera utilisable dans de nombreux hôtels outre-Atlantique dès la fin de l’année. Pour les particuliers, il conviendra de se demander s’il est judicieux de faire l’acquisition d’une table si l’on doit revendre le canapé pour l’acheter. 30 pouces. Un écran de 76,20 cm de diagonale, soit un demi-Tom Cruise rien qu’à soi dans son salon.
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illustration : © Thomas Dapon
À peine le pourboire canin balayé, le ballet reprend de plus belle, digne de Fantasia. Voici l’onc’ Picsou posant carte sur table et débitant une piscine olympique de billets verts. Voilà Bruce Willis, tout heureux de sa nouvelle crinière piquée au leader de Tokyo Hotel, obtenue après frottement de son cuir chevelu contre l’autel numérique. Quant au belliqueux Keanu Reeves, je dois l’empêcher de télécharger des missiles antichars Milan visant à réduire en cendres notre agent (de sécurité) M. Smith.