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CINéMA CULTURE TECHNO
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NOUVELLE FORMULE
+ E 32 PAGES D CULTURE
ALMODÓVAR
ENFIN PAPA
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ÉDITEUR MK2 MULTIMÉDIA 55 RUE TRAVERSIÈRE_75012 PARIS 01 44 67 30 00 Directeur de la publication & directeur de la rédaction Elisha Karmitz (elisha.karmitz@mk2.com & troiscouleurs@mk2.com) Rédacteur en chef & chef de rubrique « culture » Auréliano Tonet (aureliano.tonet@mk2.com) Chef de rubrique « cinéma » Sandrine Marques (sandrine.marques@mk2.com) Chef de rubrique « technologie » étienne Rouillon (etienne.rouillon@mk2.com) Création et design de la nouvelle formule Sarah Kahn (sarah.kahn@mk2.com) Directrice artistique Marion Dorel (marion.dorel@mk2.com) Maquette Louise Klang Stagiaires Raphaëlle Simon Juliette Reitzer Victoire Soulez Ont collaboré à ce numéro Ève Beauvallet, Serge Bozon, Marc Cerisuelo, Rafik Djoumi, Luc Dubanchet, Pascale Dulon, Clémentine Gallot, Joseph Ghosn, Anne-Laure Griveau, Florian Guignandon, Benoît Hické, Donald James, Jérôme Momcilovic, Sophie Quetteville, Bernard Quiriny, Anne-Lou Vicente Illustrations Dupuy & Berberian, Sarah Kahn Photographie de couverture Juan Gatti / El Deseo Photographes Raphaël Duroy (rubrique Alter gamo) Philippe Quaisse (rubrique Close-up) Renaud Monfourny (dossier Iggy Pop) Paolo Verzone/Agence Vu (rubrique Coffee & Cigarettes), DR Publicité Responsable clientèle cinéma Laure-Aphiba Kangha 01 44 67 30 13 (laure-aphiba.kangha@mk2.com) Directeur de clientèle hors captifs Daniel Defaucheux 01 44 67 32 60 (daniel.defaucheux@mk2.com)
© 2009 TROIS COULEURS issn 1633-2083 dépôt légal quatrième trimestre 2006. Toute reproduction, même partielle, de textes, photos et illustrations publiés par MK2 est interdite sans l’accord de l’auteur et de l’éditeur. Magazine gratuit. Ne pas jeter sur la voie publique.
SOMMAIRE # 70 7 éDITO 8 COUP POUR COUP > Le Tigre 10 SCÈNE CULTE > Talons aiguilles 12 PREVIEW > The Limits of Control
15 LES NEWS 15 CLOSE UP > Eleonore Hendricks 16 LE K > La Femme sans tête 18 KLAP ! > Blanc comme neige 20 INTERVIEW MOT-NOMANIAQUE > OSS 117 22 LE PROFIL FAKEBOOK DE… > Clive Owen 24 UNDERGROUND > Fredo Viola 26 IN SITU > Michel Vinaver 28 LE BUZZLE > Sita Sing the Blues 30 AVATARS > Empire : Total War 32 BATTLE ROYALE > Orange vs SFR
35 LE GUIDE 36 SORTIES CINé 48 SORTIES EN VILLE 58 LA CHONIQUE DE DUPUY & BERBERIAN
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DOSSIERS
60 PEDRO ALMODÓVAR, EN PÈRE ET EN OS 66 ENTRETIEN AVEC BERTRAND TAVERNIER 68 IGGY POP, PEAU DE CHAGRIN
77 LE BOUDOIR 78 DVD-THÈQUE > Luc Moullet 80 CD-THÈQUE > Dominique A 82 BIBLIOTHÈQUE > Benoît Duteurtre 84 BD-THÈQUE > Conrad Botes et Joe Dog 86 LUDOTHÈQUE > Afro Samurai 88 TRAIT LIBRE > Saint Kilda 89 HOLLYWOOD STORIES > Hollywood année zéro 90 SEX TAPE > Le Sens de la vie pour 9$99
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ÉDITO
êtrE PAPA (OU PAS)
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« Almodóvar enfin papa» titrons-nous en couverture. Paternité
fictive, précisons-le, sur laquelle l’auteur de Volver revient longuement dans l’entretien qu’il nous a accordé : « Pendant
longtemps, j’ai ressenti une nécessité presque compulsive d’être père, même si j’ai fini par contrôler ce besoin, car il ne me semblait pas adéquat : je voulais être père, mais je ne voulais pas fonder une famille.» Ce désir de paternité, Almodóvar ne l’a jamais aussi explicitement abordé que dans Les Étreintes brisées, son nouveau film. Aux figures maternelles, caractéristiques de son oeuvre, se substituent ici deux personnages de pères, l’un réalisateur, l’autre producteur : manière de dire, pour Almodóvar, qu’être père de cinéma, c’est déjà être père tout court. Voilà ce qui touche le plus dans Les Étreintes brisées – cette certitude que le cinéma est un formidable outil pour appréhender les problèmes de la vie, les résoudre parfois, les déplacer souvent, les réfléchir toujours. Nous aussi, nous sommes parents d’un bébé que nous aurons mis de longs mois à accoucher. Cet heureux événement, vous le tenez pour la première fois entre les mains. Maquette, logo, pagination, rubriques, nous avons (presque) tout changé. À l’instar d’Almodóvar avec Les Étreintes brisées, nous avons cherché la sobriété, en élaborant une mise en page que l’on espère plus claire et agréable de nos articles. De même, encore, que le cinéaste madrilène, nous envisageons le septième art comme un prisme : Trois Couleurs, c’est l’envie de lire l’actualité culturelle et technologique avec les
lunettes du cinéma, c’est accompagner la création à travers ses différents âges, depuis la jeune Eleonore Hendricks jusqu’à l’icône Iggy Pop, à travers ses différents lieux aussi, du théâtre au restaurant, de la salle de montage à la chambre à coucher. Pareillement au réalisateur des Étreintes brisées, enfin, nous n’avons pas peur du mélange des genres : marier le sérieux de l’analyse au jeu sur les tons, les mots et les formes, varier les angles et les rythmes de lecture, rafraîchir, dans l’humble mesure de nos moyens, le champ parfois moribond de la presse culturelle. Faire un journal de jeunes parents, d’accord ; du journalisme à la papa, jamais. _Auréliano Tonet
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COUP POUR COUP TAPAGE, MATRAQUAGE, DéCRYPTAGE
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UN DésIr DE LIBERTÉ ABSOLUE L’ŒIL DU TIGRE
En novembre 2008, Le Tigre publie le «portrait Google » d’un parfait inconnu, Marc L***, réalisé uniquement à partir des informations qu’il a laissées sur le Net. Rencontre postbuzz avec RAPHAËL MELTZ, co-fondateur de ce « curieux magazine curieux ». _Propos recueillis par étienne Rouillon et Auréliano Tonet
L’emballement médiatique autour du portrait de Marc L*** a brutalement sorti votre titre de la confidentialité. Un coup réussi ? L’idée de la rubrique est venue simplement, pour le plaisir de réaliser un portrait comme ça. On n’a pas voulu faire parler de notre magazine, ni faire passer de message. De nouveaux lecteurs lisent Le Tigre, mais si on avait voulu faire un coup, on aurait fait beaucoup mieux. Le Tigre ne se résume pas à cette rubrique. Au fil des versions (papier, web) et du bouche-àoreille (presse régionale, nationale, internationale, 20h de TF1...), ce portrait, au départ absolument véridique, s’est transformé en pure fiction…
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C’est devenu un idéal-type, un sujet de discussion en soi. Cela échappe au Tigre et n’a plus rien à voir avec lui. Alain Juppé en parle dans une interview au Figaro : «On m’a conseillé d’aller sur Facebook, mais j’ai refusé. Je n’avais pas envie de me retrouver comme cet homme, Marc L., dont toute la vie a été affichée de A à Z. » J’ai analysé le phénomène médiatique autour de cette affaire dans notre numéro 30 (mars-avril). À l’image de ce portrait, Le Tigre navigue entre littérature et journalisme, sans choisir son camp… C’est ça, Le Tigre : regarder le monde avec des yeux littéraires, ou au moins avec un désir créatif. Michel Butel disait de son magazine L’Autre Journal qu’il était « un journal sans journalistes ». Cette définition nous va très bien. Le Tigre est bimestriel. À l’instar de titres comme Amusement ou XXI, vous pratiquez une presse que rien ne presse, formellement très soignée. Est-ce par réaction aux médias traditionnels ? On rend compte de l’actualité en refusant un style plutôt qu’en en imposant un. refuser l’écriture journalistique, c’est présupposer que le lecteur est intelligent. Le Tigre, c’est un désir de liberté absolue. Je ne veux rendre de comptes à personne, uniquement au lecteur. Et encore… s’il n’aime pas, il n’achète pas.
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SCèNE CULTE TALONS AIGUILLES
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MEssE FUNÈBRE LE PITCH MANUEL SANCHO s’est fait assassiner. trois de ses amantes sont suspectées du meurtre : sa femme, rebeca (Victoria Abril), présentatrice télé, la collaboratrice de rebeca, qui traduit le Jt en langage sourd-muet, et la mère de rebeca, qui vient de regagner Madrid après une longue absence. rebeca et sa traductrice présentent côte à côte la messe du 20h, qui prend ce soir des allures de requiem…
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REBECA : Cet après-midi, on a enterré Manuel sancho Bermejo, assassiné il y a trois jours, entre 9h et 11h du soir dans sa maison de campagne. Depuis très jeune, il s’est dédié à la communication, et dirigeait tV7 au moment de sa mort. Diverses personnalités du monde du spectacle ainsi que sa famille ont rendu un dernier hommage à Manuel cet après-midi. [très émue] Pardonnez ma familiarité en l’appelant Manuel, mais en plus d’être le directeur de cette chaîne, il était aussi mon mari… Il avait reçu dernièrement des menaces de mort. Malheureusement, il n’en a pas tenu compte…
me voilà, j’essaie de le faire… Le juge Domínguez instruit l’affaire sans avoir de piste pour le moment. selon l’autopsie, la victime venait de faire l’amour juste avant de mourir. Mais ce n’était pas avec moi… LA TRADUCTRICE [chuchote face caméra à Rebeca] : si tu continues, je pars… REBECA : À 11h, ce jeudi, je suis allée dans notre maison et j’ai découvert le cadavre dans le lit… UN TECHNICIEN : Attends ! Ne coupe pas ! REBECA [l’air hagard] : Et je sais qui a commis le crime… Même si je ne l’ai pas encore dit. [on découvre sa mère devant son écran de télé, horrifiée] REBECA : C’est moi… [la traductrice pousse un cri d’horreur] REBECA : Je l’ai tué…
UN TECHNICIEN [affolé, s’adresse à la régie] : Prépare la suite !
LA TRADUCTRICE [elle pointe Rebeca du doigt] : Elle l’a tué !
REBECA : Un jour il m’a demandé : « S’il m’arrivait quelque chose, tu le dirais sur TV7 ? » J’ai répondu que non… [en regardant le ciel] Eh bien, Manuel,
LE JUGE DOMINGUEZ [depuis son appartement, au téléphone] : Allez immédiatement à tV7 et arrêtez rebeca Giner.
TALONS AIGUILLES Un film de Pedro Almodóvar. Scénario de Pedro Almodóvar, 1991, DVD disponible chez TF1 Vidéo.
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12 PREVIEW
THE LIMITS OF CONTROL Vu à New York, où il vient de sortir, le nouveau JIM JARMUSCH, The Limits of Control, conte l’itinéraire d’un tueur solitaire et sans nom à travers l’Espagne. sa fugue est jalonnée par la rencontre de silhouettes étranges (Bill Murray, Gael García Bernal ou Paz de la Huerta), qui le mèneront à sa cible ultime. La précision poétique du cadre (Christopher Doyle, chef op’ de Wong Kar-wai) décrit une réalité énigmatique qui défile sous le regard placide d’Isaach de Bankolé, gueule afro-rock qui signe sa quatrième apparition chez Jarmusch. Hommage hyper-maîtrisé au Samouraï de Melville, le film chemine par fragments allusifs qui finissent par s’incarner, comme souvent chez l’Américain, dans une orgie géométrique. _Clémentine Gallot
Sortie dans les salles françaises prévue pour l’été 2009.
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LES
NEWS
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SECOUEZ, AGITEZ, SAVOUREZ : L’ACTU CINÉ, CULTURE, TECHNO FRAÎCHEMENT PRESSÉE
HAUT VOL
Le plaisir d’être volé : il n’est pas interdit de voir, derrière le titre du premier film de Josh safdie, une belle définition du métier d’actrice. « Elle est une facette de moi-même, dit Eleonore Hendricks du personnage qui a subtilisé son prénom. À certains moments de ma vie, je me suis sentie comme elle, volatile, errant dans la ville comme une ombre. » Quand Josh safdie la rencontre, Eleonore est photographe. Au détour de castings sauvages dans les rues de Big Apple, elle s’immisce dans la vie d’inconnus dont elle dérobe le portrait. Une démarche qui a nourri son personnage de kleptomane évanescente, butinant des bribes de vie dans le sac des passants. De l’une à l’autre, un même art du grappillage élevé en art de la rencontre, dont Josh safdie est tombé, littéralement, amoureux. À la voir évoluer, gracieuse et bouleversante, dans The Pleasure…, on ne saurait lui donner tort : toute chapardeuse qu’elle est, Eleonore n’a volé son talent à personne. _Jérôme Momcilovic
Photo : © Philippe Quaisse
Primée à Belfort, l’actrice new-yorkaise ELEONORE HENDRICKS est la révélation de The Pleasure of Being Robbed, qu’elle a co-écrit. Portrait volé.
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16 NEWS /// POLéMIQUE
IL Y A CEUX QU’ IL ÉNERVE ET CEUX QUI LE VÉNèRENT
K
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À la sortie de la projection, deux spectateurs discutent du film La Femme sans tête de LUCRECIA MARTEL...
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- La Femme sans tête certes, mais moi, là, j’ai vraiment mal au crâne ! - C’est peut-être parce que tu te mets Martel en tête, mon cher. - Très drôle. Mais avoue, dans le genre film cérébral pétri d’intentions, on ne fait pas mieux. Quand je pense que Lucrecia Martel incarnait le renouveau du cinéma argentin il y a quelques années… - Et à raison. Son film est magnifique. - En quoi ? Une femme croit avoir renversé quelqu’un en voiture, puis la voilà qui empile des pots de fleurs tout le reste du film, et ce, après une visite chez le dentiste. Bref, tout ce qu’il y a de plus ennuyeux dans la vie. - Tu n’as pas compris. C’est un film sur la dictature argentine. Ce qui compte, c’est le sentiment de culpabilité… - Je n’ai rien vu de tout ça à l’écran. Juste une classe aisée qui s’ennuie dans un quotidien poisseux. - Justement. C’est bien ce que Martel voulait montrer : l’oppression diffuse et impunie d’une classe par une autre. C’est pour cela que la cinéaste soigne autant l’atmosphère sonore et visuelle de son film… - N’empêche, pour moi, c’est un cinéma décapité de sa faculté de séduction. Comme si raconter un récit était devenu vulgaire. - C’est sûr qu’on n’est pas dans le registre du divertissement, mais bien d’un grand film politique sans concession.
> CALÉ L’ESPAGNE Les auteurs se rêvent matadors et prennent la caméra par les cornes. Francis Coppola (Tetro) et Jim Jarmusch (The Limits of Control) tournent, après Michel Houellebecq et Woody Allen, dans la patrie d’Almodóvar. Une vraie auberge espagnole !
>> DÉCALÉ L’UTOPIE tournages dans les nuages pour utopies atypiques : Alain Guiraudie situe Le Roi de l’évasion dans un pays légendaire, James Gray cherche une cité perdue en Amazonie (The Lost City of Z) et Terrence Malick, un arbre censé donné l’immortalité (The Tree of Life).
>>> RECALÉ LA FRANCE La France, vous la filmez ou vous la quittez ! Abdel Kechiche s’installe en Afrique du sud (La Vénus noire), Bertrand Tavernier (Dans la brume électrique) et Olivier Dahan (My Own Love Song) goûtent au rêve américain. France rime-t-elle avec rance ?
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Distribution : Ad Vitam // France, Argentine, 2007, 1h27 // Sortie le 29 avril
LA RÉPLIQUE
« - Vous confondez les Juifs et les Musulmans ! - Ne jouez pas sur les mots, Dolorès. » Extrait de OSS 117 : Rio ne répond plus. AVRIL 2009
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18 NEWS /// KLAP !
ZOOM SUR UN TOURNAGE
FONDU AU BLANC
LA TECHNIQUE
Après Une Femme d’extérieur, CHRISTOPHE BLANC a démarré en février le tournage de son second long métrage, Blanc comme neige. Louise Bourgoin, François Cluzet et Bouli Lanners y règlent leurs comptes dans la poudreuse finlandaise... Maxime (François Cluzet) est un homme brillant : gérant d'une concession automobile haut de gamme, il vit avec sa femme (Louise Bourgoin) dans une villa somptueuse. toute bascule le jour où son associé (Bouli Lanners) se fait assassiner par une bande de malfrats qu’il avait, peu avant, arnaqués. Pour leur faire face, Maxime appelle à l'aide ses frères (Olivier Gourmet et Jonathan Zaccai). Mais les choses se compliquent... revendiquant l’influence de John Cassavetes ou de James Gray, Christophe Blanc (comme…) mêle à l’intrigue policière l’exaltation des tourments familiaux : « Blanc comme neige sera à la fois une histoire de famille, une histoire fraternelle et d’une certaine façon d’amour, un film à suspense, explique le réalisateur. L’action, la tension qui courent tout le long du film sont essentiels, mais ce sont les sentiments qui priment. » travaillée par Laurent Brunet, le directeur de la photo césarisé de Séraphine, la lumière tiendra un rôle de révélateur : après une introduction colorée dans un superbe palace marseillais et un détour sous les spots du salon de l’auto à Bruxelles, le film se déroulera sous la lumière hivernale de la Finlande, où l’équipe a dû supporter des températures descendant jusqu’à -25 Co ! reste à voir si le casting de choc, réuni pour la première fois à l’écran, parviendra à réchauffer l’ambiance…. réponse début 2010 sur les écrans.
>>
_Par Raphaëlle Simon
LE COMPOSITING
Contrairement à la croyance populaire, le cinéma contemporain n’abuse pas du « tout numérique » et des films récents tels que Star Trek continuent de recourir aux traditionnelles maquettes et autres fonds « peints ». Ce que l’ordinateur a, par contre, résolument changé est la technique du compositing, ou l’art de « recomposer » une image. Chaque élément (maquette du vaisseau, pilote dans le cockpit, planète en arrière-plan, flamme sur l’aile…) est d’abord filmé séparément, puis détouré, puis patiemment intégré dans une image unique à l’aide d’un algorithme complexe appelée l’« alpha blending ». Les jeux de mise au point, d’éclairage, de reflets détermineront la véracité du plan final. _Rafik Djoumi Star Trek de J.J. Abrams. Sortie le 6 mai.
INDISCRETS DE TOURNAGE Dans Le Dernier Vol de Lancaster de Karim Dridi (Khamsa), Marion Cotillard part à la recherche de son fiancé, Guillaume Canet, dont l’avion s’est crashé en plein Sahara… Sortie début 2010.
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Pour The Human Factor, Clint Eastwood revisite l’année 1995 en Afrique du Sud (Coupe du Monde de rugby, fin de l’apartheid, premier mandat de Nelson Mandela). Avec Matt Damon et Morgan Freeman.
Brad Pitt sera acteur et producteur du nouveau film de James Gray, The Lost City of Z. Dans les années 1920, l’explorateur P. H. Fawcett disparaît au cours d’une mission en Amazonie… Tournage prévu cet été.
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20 NEWS /// INTERVIEW MOT-NOMANIAQUE
L’ENTRETIEN QUI PART DANS TOUS LES SENS (DU TERME)
DétOUrNEMENtD’ESPION Le plus crétin des espions français revient dans de nouvelles aventures bariolées. OSS 117, Rio ne répond plus n’est pas un film de potaches, mais de pastiches savoureux et intelligents. Auteurs de cette brillante comédie pop, MICHEL HAZANAVICIUS et JEAN DUJARDIN nous ont raconté leur film en un mot : détournement. _Propos recueillis par Sandrine Marques et Auréliano Tonet
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L
e Grand Détournement
Jean Dujardin : En ce qui me concerne, j’ai rencontré Le Grand Détournement en même temps que Michel [réalisé en 1993 par le duo Hazanavicius / Mézerette, jamais sorti en salles, ce long métrage culte est constitué d’extraits de classiques de la Warner redoublés, ndlr]. Michel Hazanavicius : Ce film a nourri la série des OSS 117. Il a un statut underground très particulier, car ce n’est pas une marchandise achetable ou montrable dans les circuits traditionnels. Avec OSS 117, je ne voulais pas être uniquement dans le second degré. Je voulais un premier degré fort. C’est ce qui, selon moi, distingue le détournement de la parodie. Même si je ne renie pas ce qu’on appelle, à tort ou à raison, « l’humour Canal + », mes modèles de comédies contemporaines se situent du côté de séries américaines comme The Office ou Californication, à la fois pointues et viables économiquement.
Détour au Brésil J.D. : Avec un tournage au Brésil, on est assez loin de l’industrie, du cinéma. On vit ensemble. Ce n’est pas un film de vacances pour autant, même s’il y avait de cette humeur-là. M.H. : On est passé de l’orientalisme du premier volet à un exotisme très années 1960. Le Français qu’incarne Jean est à lui seul une carte postale ambulante. Il enfile les clichés avec beaucoup de bonhomie. Pour résumer, c’est un film qui joue sur les clichés, y compris formels. Détourner l’attention du spectateur
M.H. : Ça ne l’empêche pas d’avoir de la classe. Mais il ne faut pas à tout prix chercher à le faire rentrer dans un corps humain. C’est une idée, ce personnage. Une idée pour faire rire. On aimerait être à sa place lorsqu’il est entouré de super gonzesses au bord de la piscine, mais on ne voudrait surtout pas lui ressembler quand il sort des conneries énormes. J.D. : On s’amuse avec la figure de l’agent secret qui a priori n’a pas de tendances homosexuelles, n’a pas le vertige. Il fallait lui trouver des conflits intérieurs, comme ici la bisexualité, ou le trapèze. Détournement de fond M.H. : Visuellement, c’est La Mort aux trousses qui a le plus influencé le film, notamment dans le final. Mais plus généralement, ce sont les James Bond. Le jeu ne consiste pas à placer des références pour placer des références, mais à construire l’histoire en piquant dans le patrimoine cinématographique. Voler des plans à Lubitsch, Hitchcock ou Chaplin pour les replacer ici ou là. J.D. : Michel m’a prêté des films avec Dean Martin ou Paul Newman comme Harper - Détective privé. Je m’en suis imprégné. C’est venu très naturellement. Je suis arrivé sur le tournage le premier jour en sean Connery. Il a disparu très vite pour laisser place à quelque chose de plus décontracté, veste ouverte, clopes et chewing-gum. Il n’y a rien de plus agréable à incarner au cinéma que la décontraction. M.H. : Dean Martin, c’était l’époque du cool. Dans mon film, il y a ce mélange d’éléments pop qui vient pimenter l’ensemble. Détournement de marchandise
M.H. : Comme OSS 117 est un détournement de films d’espionnage, le spectateur sait très bien où il en est dans l’histoire. Le film peut donc prendre son temps pour que le héros bifurque, se gare, s’égare. Et après, on reprend le fil du récit. Plus le cadre est posé, plus il est passible d’être détourné. Le danger, c’est le grand n’importe quoi, partir en roue libre si le cadre n’est pas posé. L’idée de ralentir le rythme commence avec le slapstick à la Tom et Jerry. La scène de coursepoursuite en déambulateur s’inscrit dans cette lignée.
M.H. : Le mot d’ordre, sur le premier volet d’OSS 117, était « classe » ; sur le second, c’était « pop », dans les diverses acceptions du mot. Il n’y avait aucun interdit. Pour y parvenir, il a fallu prendre le pouvoir. L’immense chance était d’avoir un acteur populaire comme Jean, qui a envie d’aller vers des univers différents. sa présence légitime le film et ne l’embrigade pas. sans lui, obtenir le budget qui a été le nôtre avec un scénario comme celui-ci était évidemment inenvisageable.
J.D. : En même temps, mon personnage n’a aucun recul, donc aucune raison de s’arrêter.
Se détourner du droit chemin
M.H. : Le récit non plus. À un moment donné, le film doit avancer et ne pas s’arrêter avec un gag. Au détour de la conversation M.H. : J’aime les calembours complètement nuls. On ne peut pas savoir à l’avance si ça va être marrant, il faut essayer. « Monsieur Lee en portefeuille », c’est niveau CM1. J’aime ensuite pousser la situation jusqu’à ce qu’elle s’essouffle. Détournement d’agent M.H. : Oss 117 est un abruti, mais un abruti complexe. Il ne révèle pas, il provoque. C’est un mec sans méchanceté qui est le reflet du discours dominant de l’époque. Il débite des clichés sans les remettre en question et n’a aucune échelle de valeurs. J.D. : C’est un con magnifique.
J.D. : Je n’avais aucune réticence à jouer ou à dire certaines choses, car j’ai confiance en Michel et je savais que le travail avait été bien fait en amont. C’était toujours drôle et justifié. Je fais ce métier-là pour essayer plein de choses et ce film en fait partie. C’est une musique, une partition avec laquelle je me suis senti libre, même si tout était très écrit. Je ne me suis jamais senti en danger, sauf quand je tends mon cul à un barbu… M.H. : Je t’assure, ce n’étaient que deux doigts ! [rires] sinon moi, je pense que le film est très politiquement correct. Ce qui serait incorrect, ce serait de faire croire que toute la France a résisté pendant la seconde Guerre Mondiale. C’est un film très bien-pensant, avec des phrases choquantes dont on sait qu’elles le sont. Rien que pour vos cheveux avec Adam sandler, dont je suis fan, va encore plus loin sur les histoires israélopalestiniennes. Je ne pense pas qu’on ait déjà vécu une époque plus libérale que celle-ci.
Un film de Michel HAZANAVICIUS // Avec Jean Dujardin, Louise Monot, Alex Lutz… // Distribution : Gaumont // France, 2007, 1h40 // Sortie le 15 avril
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22 NEWS /// LE PROFIL FAKEBOOK DE...
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24 NEWS /// UNDERGROUND
DÉJà CULTE, BIENTôT DANS LES BACS
L’OIsEAU RARE
COPIER COLLER
Voici FREDO VIOLA, frêle volatile dont le premier album, The Turn, mêle gazouillis mélodiques et hululements expérimentaux. Portrait d’un musicien haut perché. _Par Auréliano Tonet
Ce printemps, l’actualité musicale a des airs de volière, où pleuvent les noms d’oiseaux : Birdy Nam Nam, Phoenix, Andrew Bird, Emily Loizeau… Une nuée dont s’échappe Fredo Viola, faux poussin, mais vraie chouette. Comme celle de Minerve, l’Américain a pris son envol à la tombée de la nuit – publiant son premier album à 39 ans. C’est sur la toile que l’animal a appris à vaincre ses vertiges : « Je me suis toujours senti mal à l’aise en société. Internet m’a aidé à rencontrer des gens qui me ressemblent, à diffuser ma musique tout en me protégeant. » son nid, Viola l’a tissé à Woodstock, loin de New York, qu’il a fui «effrayé par le 11 septembre». seul au milieu des bois, il enregistre de somptueuses comptines polyphoniques, inspirées par Bach, Harry Nilsson et d’obscurs rituels païens. Diplômé de cinéma, Viola y réalise aussi ses premiers clips, dont celui, magnifique, de The Sad Song : «La vidéo a tellement été téléchargée que le site qui l’hébergeait m’a demandé une somme colossale en compensation... Cet épisode a cependant attiré l’attention de mon futur label et de Massive Attack, qui m’a invité à chanter sur son prochain album.» Le sien, d’album, s’appelle The Turn – soit « le tournant». Manière de dire, au moment où il s’apprête à le défendre sur scène, que, tout chouette qu’il est, Fredo Viola est fin prêt à affronter les lumières du monde. The Turn (Because), disponible courant avril. Retrouvez l’interview filmée de Fredo Viola sur www.mk2.com
>> Le duo australien Empire of the Sun sort son premier album, Walking on a Dream (EMI), biberonné à l’électro-pop juvénile de MGMt.
>> Plus encore que sting dans Dune, les dompteurs de tigres germano-américains Siegfried & Roy semblent avoir été leur influence esthétique principale.
LE MYSPACE CHARTS DE LA RÉDACTION PASSION PIT Sleepyhead 1 884 005 lectures http://www.myspace.com/passionpitjams PHOENIX 1901 402 040 lectures http://www.myspace.com/wearephoenix EBONY BONES We Know All About U 127 312 lectures http://www.myspace.com/ebonybones
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DANS LES COULISSES DE LA COMÉDIE FRANçAISE AVEC...
MICHEL VINAVER Printemps 2009 : L’Ordinaire, ovni théâtral de MICHEL VINAVER, se crashe au cœur de la Comédie Française. Rencontre avec l’auteur sur le lieu de l’accident.
Photo : © Paolo Vezone / Vu
_Propos recueillis par Ève Beauvallet
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NEWS /// IN SITU
Drôle de pièce que L’Ordinaire : une carcasse d’avion échouée dans la Cordillère des Andes, des dirigeants d’entreprise poussés à l’anthropophagie, un microcosme social en réinvention, le tout dans une mise en scène radicale, (co)signée par l’auteur octogénaire. Pour son entrée au répertoire de la maison de Molière, nous avons discuté avec Michel Vinaver dans la salle dite « du comité », l’endroit où se prennent toutes les décisions... En tant que spectateur, quels sont les lieux théâtraux que vous affectionnez ? Je ne suis pas ce qu’on appelle un amateur de théâtre. Je suis plus volontiers spectateur d’opéra et de cinéma. Je ne fréquente donc pas plus la Comédie Française que d’autres théâtres. Cependant, il me semble que certains dispositifs spatiaux sont plus conducteurs que d’autres pour le texte. Mes pièces se comportent mieux dans un espace rond que dans un dispositif frontal. J’aime les configurations circulaires, car les points de vue y sont non-hiérarchisés. C’est ce souci qui nous a amené, Gilone Brun et moi, à contrer l’ordonnancement traditionnel de la salle richelieu en concevant un promontoire qui vient dévorer l’orchestre et bouleverser la perception d’ensemble du lieu. L’esthétique fastueuse de la salle Richelieu semble contradictoire avec celle de vos pièces, fondée sur la banalité. De quelle façon avez-vous déjoué cette contrainte ? La résistance est souvent stimulante. Mais enfin, il a été très étrange pour moi de me trouver dans le velours, dans l’ornement. La grande salle de la Comédie Française est déjà un décor, une orientation pour les spectateurs, presque un commentaire. Il a fallu lutter contre le lieu pour ne pas qu’il cannibalise le propos. Notre but était d’avoir un plateau en métal. Le métal c’est le froid, et c’est également une absence de décor. Nous voulions un non-décor. Vous proposez une pièce qui traite de l’utopie démocratique à la Comédie Française, symbole du fonctionnement hiérarchique. De quelle façon le parallèle a-t-il été perçu par le personnel de la maison ? D’une manière générale, je crois que les acteurs du Français aiment casser l’image qu’ils projettent habituellement. J’avais affaire à des super-pros. Je voulais un jeu le plus dépouillé possible, débarrassé des oripeaux du «métier d’acteur». Je pense que ma manière de travailler les a dépaysés et enthousiasmés. Dans L’Ordinaire, les hiérarchies au sein de l’entreprise Housies sont redéfinies, à travers l’expérience du crash et du cannibalisme. En sortant de sa « maison » naturelle, le groupe se réinvente. Encouragez-vous, de même, le théâtre à sortir des lieux institués ? Oui, car presque tous les lieux institutionnels sont formatés par la même configuration scène/salle. Mon utopie théâtrale va plutôt à l’abri : un hangar, un champ, un lieu indéterminé. L’idée d’indétermination était l’une des lignes de force de notre mise en scène. Chercher à ce que la parole prononcée par les acteurs soit indéterminée, de façon à ce que des significations différentes puissent se manifester.
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« IL A FALLU LUTTER CONTRE LE LIEU POUR NE PAS QU’IL CANNIBALISE LE PROPOS.» VINAVER EN
LIEUX
L’ENTREPRISE : Cadre (« par accident ») puis patron des filiales française et italienne de Gillette, Michel Vinaver a mené de front, entre 1955 et 1982, ses activités de chef d’entreprise et d’écrivain. Avec Par-dessus bord ou La Demande d’emploi, il est l’un des premiers dramaturges à s’emparer du champ du travail pour le projeter loin du formatage idéologique et de la satire moralisante. L’UNIVERSITÉ : En marge du monde théâtral pendant des décennies, il est propulsé au centre de la recherche dramaturgique en 1982, à l’Institut d’études théâtrales de Paris III sorbonne-Nouvelle. En 1988, il déménage vers la périphérie, à Paris VIIIVincennes, où il continue de penser ses « piècespaysages », affranchies des schémas narratifs et soumises au rythme des paroles ordinaires. LE THÉÂTRE : Il en écrit depuis 1955, en discute avec roland Barthes qui le défend contre les adeptes de Brecht, et assiste à ses propres pièces montées par quelques poids lourds de la mise en scène, comme roger Planchon ou Antoine Vitez. Ce n’est qu’en 2006 que Michel Vinaver s’essaie à la mise en scène avec À la renverse. son « théâtre moléculaire » est publié aux éditions Actes sud et L’Arche. L’Ordinaire, texte de Michel Vinaver, mise en scène de Michel Vinaver et Gilone Brun, jusqu’au 19 mai à la Comédie Française, salle Richelieu.
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28 NEWS /// LE BUZZLE
LE NET EN MOINS FLOU BUZZ’ART
BOLLYWOOD FREE STYLE Ce pourrait être la rencontre de Bollywood, de Persepolis et du grolandais Revolta Kilomètre Zéro, premier long métrage jamais diffusé sur DailyMotion. Loin de l’esthétique bling-bling de Slumdog Millionnaire, Sita Sings the Blues de Nina Paley fait partie de ces films homemade qui n’existent que grâce au web. Depuis le festival de tribeca il y a un an, ce long métrage d’animation est devenu un mini-phénomène, en même temps que l’étendard aux états-Unis du mouvement free culture (culture libre en VF). Conçu sur une période de cinq ans, le film mélange, avec un kitsch foisonnant, quatre styles d’animation différents. Cette relecture en forme de comédie musicale Bollywood du mythe indien Ramayana chronique la rupture d’une déesse et de son divin mari – transposition fictive des chagrins de la cinéaste, dont l’époux, après avoir déménagé en Inde, l’a galamment larguée via email. Dessinatrice de comics et de films d’animation indépendants (Fetch, la série The Stork), Nina Paley s’est tournée vers le web et les circuits alternatifs pour compenser son manque de moyen par une visibilité accrue. Geekette assumée, elle a utilisé pour le film une licence Creative Commons, qui permet d’exploiter et de diffuser un contenu librement. Quant aux 200 000 dollars dépensés pour le financement du film, elle compte les amortir grâce à des dons et à la vente de DVD. Primé au festival d’animation à Annecy, le film ne sortira jamais en salles, la faute au coût prohibitif des droits de la BO (du jazz 1920’s). On se consolera en (re)regardant Sita sur le site de la réalisatrice, où il est disponible en téléchargement intégral et gratuit.
« CE LONG MÉTRAGE D’ANIMATION EST DEVENU L’ÉTENDARD DU MOUVEMENT FREE CULTURE. »
_C.G.
www.sitasingstheblues.com
L’APPLI MOBILE VIAMICHELIN Le téléphone à la pomme vous aide à choisir vos dix fruits et légumes quotidiens dans les meilleurs paniers du guide Michelin. Le calepin rouge déroule ses bonnes adresses 2009 sur iPhone et iPod touch. Pour mettre les pieds sous les tables les plus délectables qui quadrillent la nappe française, à vous de titiller sur écran de poche le bibendum de vos doigts boudinés. L’institution gastronomique fait monter la mayonnaise, en ouvrant une communauté d’internautes critiques : en un clic, ceux-ci pourront souiller de tomates le menu des étoilés, ou au contraire l’oindre de sainte huile. Pour les plus affamés des gyrovagues, une version européenne est également disponible. _E.R.
Plateforme : iPhone et iPod touch // Disponible : sur l’App Store via iTunes // Prix : 7€99 (FR) 14€99 (EU)
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MAL BUZZÉ
BUZZONS FUTÉS TACTIQUE TACTILE Plus un rond ? Microsoft vous donne la motivation d’Êconomiser sur dix ans.â€ˆĂ€â€ˆl’occasion de la Wharton Business technology Conference, la firme a prĂŠsentĂŠâ€ˆune vidĂŠo de prospective prophĂŠtique, mais crĂŠdible. En 2019, le tactile, l’Êcran flexible et l’encre numĂŠrique seront membres permanents d’un triumvirat qui changera (notez le futur et non le conditionnel) nos comportements. On parlera toutes les langues, de part et d’autre d’unâ€ˆĂŠcran transparent affichant une traduction instantanĂŠe de ce que dit notre interlocuteur. Le journal restera papier mais seraâ€ˆĂŠlectronique, la photo de  Une muant en vidĂŠo d’une pression de l’index. Les diodes OLED remplaceront l’affichage LCD  et permettrontâ€ˆĂ â€ˆl’utilisateur de plier sonâ€ˆĂŠcran tĂŠlĂŠâ€ˆdans sa poche. Un futur qui n’est pas exempt de points sombres : l’atteinteâ€ˆĂ â€ˆla vie privĂŠe admise par le consommateur, et la disparition programmĂŠe des boutons – volcans en cours d’extinction du high-tech. _E.R.
DAVID AFTER DENTIST
http://www.youtube.com/watch?v=DQdGvfV4WnU
ChargĂŠâ€ˆcomme une mule par un anesthĂŠsique que lui a prodiguĂŠâ€ˆson dentiste, un enfant  de sept ans, mais pas toutes ses dents, plane  plus haut que le chignon d’Amy Winehouse. Il est filmĂŠâ€ˆpar son père avec lequel il entretient une rĂŠflexion empirique, complètement dans le coaltarâ€ˆĂ â€ˆl’arrière d’une voiture, sur le parking  du crack doctor. David After Dentist (labellisĂŠâ€ˆ ÂŤ DAD Âť par les internautes), c’est 1min59  d’un dialogue qui tient autant de Platon que  de Platoon : ÂŤ Est-ce la vraie vie? Aaaaah ! Âť La vĂŠritĂŠâ€ˆsort toujours de la bouche des  enfants, mĂŞme si leurs molaires baignent dans  les opiacĂŠs. Bidonnant,â€ˆĂŠmouvant, obscène  ou crispant selon l’humeur de vos zygomatiques, ce trip mĂŠdico-illĂŠgal a fait rire plus de 16 millions d’internautes et rougir les dialoguistes de Dr. House. _E.R.
http://www.youtube.com/watch?v=txqiwrbYGrs
CC
- [sese] acronyme.
MOT @ MOT
(De l’anglais Creative Commons, organisation à but non lucratif fondÊe en 2001 par un professeur de droit. Elle propose gratuitement des contrats flexibles de droits d’auteur.) 1. n.f. Licences peu restrictives qui dÊfinissent la reproduction et l’exploitation de crÊations artistiques, reprenant certaines (ou aucune) des conditions proposÊes par le classique copyright. Je te fais une copie de la chanson What U Sittin’ On? de Danger Mouse? Hadopi compatible, panique donc pas. C’est de la CC, et de la bonne. 2. v. CÊcer. AltÊrer un objet, un concept ou une personne. Si tu rayes ma Porsche, je te cÊcÊ la tronche à coup de tatane.
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30 NEWS /// AVATARS
LES hÉROS DE JEUX VIDÉO TIRENT LA MANETTE D’ALARME
BÊrÊZINADEs NapolÊon B., chef de l’armÊe française dans le jeu Empire : Total War (SEGA), a grave les boulets. L’hyper-consul nous raconte son supplice de Tantale, cornaquÊ au clavier par des djeuns pour qui stratÊgie est une anagramme de tragÊdie.
RÉTRO GAMO SEGA MEGA DRIVE ULTIMATE COLLECTION
_Par ĂŠtienne Rouillon
ÂŤ AUSTERLITZ. Ce devaitâ€ˆĂŞtre mon grand retour : David avait ressorti ses pinceaux, JosĂŠphine osĂŠâ€ˆla couronne. J’allais pouvoir tâter le lobe de milliers de grognards renfrognĂŠs, apprendre la brasse coulĂŠe aux Anglais, faire des concours de murge avec les russes. ÂŤ Éditeurs, je suis content de vous Âť, leur ai-je dit chez sega. WATERLOO. C’Êtait avant qu’on m’annonce que je serais tĂŠlĂŠcommandĂŠâ€ˆpar des zouaves pour qui la cartographie est  une scienceâ€ˆĂŠsotĂŠrique. Les jeunes aujourd’hui n’ont aucun goĂťt pour la tactique : et vas-y que je rentreâ€ˆĂ â€ˆdouze dans une salle  de permanence pour cogner l’instructeur avec des barresâ€ˆĂ â€ˆmine disgracieuses. Et les sièges, c’est pour les chiens ? On s’est fait avoiner quinze fois cette nuit par les Prussiens. La fauteâ€ˆĂ â€ˆKevin,  16 piges, qui ne bite rienâ€ˆĂ â€ˆce jeu. Morne peine. ST-CYR. Ă€â€ˆpart un ou deux cyrards qui ne viennent pas me chier dans les bottes quand je donne la cavalerie, les joueurs qui ont posĂŠâ€ˆleurs paluches entre les boutons de ma veste m’ont mis le porte-ĂŠtendard en berne. Il leur faudrait une bonne guerre.â€ˆÂť Empire : Total War ĂŠditeur : Sega // Plateforme : PC
C’Êtait plus fort que toi. Il y a vingt ans, la MÊgadrive te menait par le bout des pixels : vol de la monnaie de la boulangerie, tours de vaisselle jusqu’à la noyade, tout Êtait bon pour se payer un jogging avec un hÊrisson bleu ou une bonne tape rageuse dans la rue. Streets of Rage, Sonic, Ecco the Dolphin font partie des 50 hits de l’âge d’or de la 2D ludique qui sont ici rÊunis, pour la somme douillette d’une quarantaine d’euros. 262 francs et 38 centimes pour les irrÊductibles Gaulois. Éditeur : Sega // Plateforme : PS3, X360
ALTER GAMO
ANTOINE, 22 ANS  Je suis une sorte de geek par intermittence : 10h de jeu par semaine avec les Êtudes, un job alimentaire et une copine, c’est pas mal ! Dans World of Warcraft, prendre un personnage humain est un avantage stratÊgique – ce n’est pas une projection de vie rêvÊe comme dans Second Life. L’idÊe, c’est de zigouiller des monstres, de ne pas se prendre au sÊrieux. C’est pour ça que mon avatar a une coupe de beauf, qu’il s’appelle Hoegaarden et qu’il a des bières sur la poitrine...  Envoyez-nous votre photo et celle de votre avatar à troiscouleurs@mk2.com, nous publierons les meilleures.
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32 NEWS /// BATTLE ROYALE
LE CLASh
OrANGE VS sFr Frères ennemis, les deux opérateurs français dégainent simultanément leur Google phone, des mobiles équipés du système d’exploitation Android. Dans le coin orange le G1, dans le coin rouge le G2 : ding ! _Par étienne Rouillon
HTC DREAM PAR ORANGE Nom de code G1, avec un « G » comme « Google » ou « Grosse innovation ». s’il ressemble comme un jumeau à son voisin de la page de droite, le HtC Dream est bien l’ainé du HtC Magic (alias le G2). Commercialisé depuis le 12 mars, c’est le premier téléphone fonctionnant en France avec le système d’exploitation de Google. Le moteur de recherche a racheté la start-up Android, qui donne son nom au logiciel pour terminaux mobiles équipant le G1 et le G2. Android est développé sur le noyau de Linux (logiciel concurrent de Windows). Il est donc développé en «open source» (logiciel libre), ce qui garantit une grande vitalité dans le développement futur d’applications ou de mises à jour. Ces dernières sont déjà annoncées pour ce printemps, afin de pallier les critiques des premiers utilisateurs qui reprochaient une sortie un peu à la va-vite du G1. reste que le HtC Dream est un smartphone très convaincant, à l’ergonomie éprouvée. C’est une excellente alternative à l’iPhone. Une révolution logicielle et matérielle pour les téléphones portables, qui n’est pas sans rappeler celle que fut l’arrivée de l’EeePC dans le monde des ordinateurs portables. HTC Dream, déjà disponible, à partir de 99 € avec un forfait. http://boutiques.orange.fr
L’OUTSIDER BOUYGUES TELECOM L’opérateur ne propose pas encore de Google phone, mais on chuchote que HtC planche sur un G3… Pour l’heure, puisque c’est dans les vieilles barattes que l’on fait son beurre, Bouygues proposera l’iPhone 3G à partir du 29 avril. Comment leur en vouloir ? iPhone 3G, à partir de 24,90 € avec un forfait. www.bouyguestelecom.fr
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HTC MAGIC PAR SFR Le petit frère du G1 a des airs de grand. Ce bébé poids plume de 118 g sera accouché par sFr à la fin du mois d’avril. Faut-il pour autant attendre, quand on louche déjà sur le HtC Dream ? Le Magic sera livré avec une version d’Android plus récente et plus complète que celle du Dream (bien que sa prochaine mise à jour nivellera tout le monde par le haut). La différence fondamentale entre les deux arsouilles réside ailleurs : le Dream présente un clavier physique coulissant, quand le Magic fait le pari du tout tactile. Bien que très confortables tous les deux, le clavier physique est plus indiqué si l’on pianote mails et sMs à longueur de journée. Le combat entre les deux Google phones ne sera donc pas sanglant : chacun correspond à des profils d’utilisateurs bien différents. D’un côté, les nostalgiques de la machine à écrire ; de l’autre, les virtuoses de l’index touche-à-tout. Quelle que soit votre crèmerie, vous pourrez retrouver tous les services de Google (dont Youtube) au fond de votre poche. HTC Magic, disponible fin avril, à partir de 99 € avec un forfait. www.sfr.fr
LA RELÈVE FREE Le fournisseur d’accès, pionnier de l’Internet français, affiche cette année un succès financier insolent (+29 % de ventes en 2008) qui lui assure l’assise économique nécessaire pour pouvoir prétendre à l’attribution de la quatrième licence de téléphonie mobile. seul candidat déclaré pour l’instant (les dossiers peuvent être déposés jusqu’au 30 juin), Free est déjà prêt à investir 700 millions d’euros pour devenir le quatrième opérateur mobile hexagonal. Téléphone hybride WiFi-GSM, 119,99 €. www.free.fr
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LE
GUIDE CALENDRIER MALIN POUR AVENTURIER URBAIN
DU MERCREDI 15 AVRIL AU MARDI 12 MAI
« C’EST SOUS LES EAUX QU’ON RENCONTRE LA VÉRITÉ. » LUCÍA PUENZO P.42
SORTIES EN SALLES SORTIE LE 15 AVRIL 36 Un Eté italien de Michael Winterbottom SORTIES LE 22 AVRIL 37 Still Walking de Kore-Eda Hirokazu 38 Coco avant Chanel d’Anne Fontaine 39 Ils mourront tous sauf moi ! de Valéria Gaï Guermanika SORTIE LE 29 AVRIL 40 The Pleasure of Being Robbed de Josh safdie SORTIE LE 6 MAI 42 El Niño Pez de Lucía Puenzo LES AUTRES SORTIES 44 Adoration ; L’Idiot ; Let’s Make Money ; Rachel se marie ; 17 ans encore ; Celle que j’aime ; Le Secret de Lily Owens ; Humains ; Incognito ; Wolverine ; Sœur Sourire ; Romaine par moins 30 ; Commis d’office ; Good Morning England ; Je l’aimais ; L’Enfant cheval
P.42
46 LES ÉVÉNEMENTS MK2
SORTIES EN VILLE 48
CONCERTS Festival Les Femmes s’en mêlent L’oreille de… sliimy
50 CLUBBING Les 20 ans de Warp à la Cité de la musique surprise Party : L.A. Nights
52 EXPOS Le Siècle du jazz au Quai Branly Le cabinet de curiosités : Quelqu’un est tombé
54 SPECTACLES Laurent Pelly au rond Point et à l’Opéra Comique Le spectacle vivant non identifié : La Mélancolie des dragons
56
FOODING La Gazetta Le palais de... Oxmo Puccino
P.50
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36 CINÉMA
VOYAGE EN ITALIE
SORTIE LE
15/04
Un Été italien 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1...Pour réécouter le sulfureux Lemon Incest des Gainsbourg, père et fille. 2...Pour découvrir Gênes, sublimée par la photo du génial Marcel Zyskind. 3...Pour les acteurs, tous remarquables, notamment la jeune Perna Harney-Jardine, apparue dans Kill Bill.
Un film de Michael WinterBottoM // Avec Colin Firth, Catherine Keener, Willa Holland… // Distribution : Diaphana // États-Unis, 2008, 1h34
Avec Un Été italien, MICHAEL WINTERBOTTOM confirme ses talents impressionnistes : par des jeux d’ombre et de lumière, il filme avec une élégante pudeur les tâtonnements d’une famille en deuil. _Par Raphaëlle Simon
« Grise ? Verte ? Noire ? » Deux sœurs se cachent les yeux pour deviner la couleur des voitures qui passent, avec pour juge leur mère au volant. soudain, un écran noir et un bruit de choc tombent comme un couperet. Pas d’effusion de sang ou d’accident spectaculaire. Cette ouverture, agressive sans être violente, annonce d’emblée le choix esthétique et moral du réalisateur : c’est en filmant la douleur hors champ qu’il nous fera passer Un Été italien. Après la mort de la mère, le père (Colin Firth) et les deux fillettes quittent Chicago et ses fantômes pour s’installer à Gênes. Exil ? Luminothérapie ? Pèlerinage ? Winterbottom se garde bien de trancher. Face à ce deuil, chacun garde la tête hors de l’eau comme il peut : les pieds sur terre ou la tête dans les nuages. La plus jeune, responsable de l’accident, traverse une phase mystique, guidée par le fantôme de sa mère qui lui rend visite régulièrement. Pleine de rancœur vis-à-vis de sa sœur, l’aînée fait en solitaire ses premiers pas dans les tourments adolescents, avec pour seul remède ses écouteurs scotchés aux oreilles et pour seule obsession les beaux Italiens du coin. Le père s’accorde un peu de (bon) temps, et tente de gérer au mieux des traumatismes qui ne sont pas les siens. C’est avec une pudeur et une distance lucides que Winterbottom filme comme un miroir ces rapprochements maladroits, ces douleurs silencieuses, sans jamais juger ses personnages : à la fin de l’été, personne n’est guéri, personne n’est condamné. Fétichiste de la lumière, il nous emmène dans les ruelles ensoleillées de Gênes la Magnifique, qui peut à tout moment devenir un dédale sinistre et menaçant : c’est bien dans le contraste que l’on trouve la lumière.
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37 CINÉMA
EN SOUR DINE
SORTIE LE
Still Walking 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1...Pour la photo de Yamazaki Yutaka qui nimbe le film d’une sourde mélancolie. 2...Pour la singulière You, actrice qui nous avait remués dans nobody Knows. 3...Pour le caractère universel de ce drame familial, sensible et pudique.
Un film de Hirokazu Kore-eDA // Avec Hiroshi Abe, Yoshio Harada, Haruko Kato… Distribution : Diaphana // Japon, 2008, 1h55
Un week-end dans la vie d’une famille où tout est simple et compliqué, dit et sous-entendu, banal et universel. Le réalisateur de Distance et Nobody Knows au sommet de son art. _Par Isabelle Danel
La mère et la fille font la cuisine en se chamaillant gentiment. Le père, médecin à la retraite, erre l’air bougon. Le beau-fils et ses deux enfants s’égaillent dans la cour. Le frère arrive, avec sa compagne divorcée et le petit garçon de celle-ci. Dans l’entrée de la maison, chacun se signe devant un autel, allumé depuis quinze ans à la mémoire du fils aîné, disparu tragiquement. À la manière d’Ozu, Kore-Eda filme à pas lents la réunion de gens qui s’aiment sans savoir se le montrer et se détestent pour tout ce qu’ils ne se sont jamais dit. Un geste, un soupir, une œillade, une phrase anodine, un silence pesant, une chanson populaire… Le réalisateur peint par petites touches chacun des membres de cette famille à la fois singulière (parce que c’est la sienne) et banale (parce qu’elle ressemble à la nôtre). Les caractères contradictoires des parents, la souffrance et la jalousie des enfants, l’indifférence joyeuse ou feinte des petitsenfants : tout est révélé sans être démontré. Un film grave et léger, douloureux et rédempteur.
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22/04
HIROKAZU KORE-EDA Votre film a été déclenché par la mort de votre mère. Vous a-t-il permis de faire le deuil ? Il a, sans doute, fait partie de mon travail de deuil, mais je pense qu'il me faudra encore un peu de temps. Dans le film, l’acteur Abe Hiroshi est mon alter ego, par sa petitesse, sa froideur envers ses parents et ses regrets de n'être pas à la hauteur. Souhaitiez-vous montrer l’écart entre les générations ? Oui, un des thèmes du film était de montrer le décalage existant entre les trois générations, les façons de penser ou de ressentir la maison, la famille. J'ai compris que l'on pouvait faire un film riche en tensions, simplement en superposant des conversations banales et quotidiennes. Comment avez-vous pensé la lumière du film? J'ai tenu à rendre compte de la façon dont la lumière extérieure éclairait l'intérieur de la maison. Et comment cela évoluait au fil du temps. Pour que le vert de l'été soit plus éclatant, j'ai choisi le contrepoint rose vif du lilas des Indes.
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38 CINÉMA
À CHEVAL
SORTIE LE
22/04
Coco avant Chanel 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1...Pour Benoît Poelvoorde qui campe avec sensibilité un aristo dévoyé, gagné par l’amour. 2...Pour le soin scrupuleux apporté à la lumière, aux costumes et aux décors. 3...Pour la scène de bal costumé où une robe noire stricte attise les passions.
Un film d’Anne FontAine // Avec Audrey tautou, Benoît Poelvoorde, emmanuelle Devos… // Distribution : Warner // France, 2008, 1h50
ANNE FONTAINE se lance dans le biopic, avec un parti pris intéressant : raconter Coco Chanel intime, avant sa consécration. Retour sur le parcours d’une affranchie, qui a contribué à décorseter les femmes et les conventions. _Par Sandrine Marques
Avant Coco, il y avait une cocotte. Chanteuse dans un beuglant pour arrondir son salaire de petite couturière, la jeune Gabrielle y hérite du surnom de Coco, en référence à la chanson qu’elle interprétait en duo avec sa sœur Adrienne (Marie Gillain). Nous sommes à la fin du XIXème siècle, à l’aube de la modernité. D’emblée, Anne Fontaine présente son héroïne comme une avant-gardiste. Dotée d’une liberté de parole peu commune pour l’époque, la déterminée Coco n’entend pas s’inscrire dans la séduction. Pourtant, peu d’options s’offrent alors aux femmes sans condition : être entretenues ou vivre dans la misère. Par pragmatisme plus que par intérêt, Coco devient donc la maîtresse d’étienne Balsan (Benoît Poelvoorde, remarquable), un aristocrate débauché. D’abord cachée par son amant, elle fait son entrée dans le grand monde, lors d’une mémorable partie de chasse où elle se refuse à monter en amazone. Moment-clé du film, Coco, à cheval entre deux époques, troque la robe contre le pantalon d’équitation. tout le style Chanel est là, dans la rupture avec la surcharge mais aussi dans la volonté de libérer le corps de la femme de ses entraves. Le film, comme le jeu des acteurs, y ressemble : épuré et sans fioritures, même si la réalisatrice surligne parfois des détails, propres aux futures collections de vêtements – là, un nœud, ici une marinière. tautou, comédienne « popu » parfaite pour le rôle, tire élégamment son épingle du jeu, même si expliquer le génie de Coco Chanel à travers son rapport aux hommes (l’abandon du père, la passion pour Boy Capel, son amour tragiquement disparu) en réduit quelque peu l’impact. Biopic « haute couture », Coco avant Chanel dit surtout que la liberté d’esprit est indémodable.
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39 CINÉMA
LES LIENS DEFAITS
SORTIE LE
Ils mourront tous sauf moi! 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1...Pour la maturité de la réalisatrice qui, à 25 ans, réalise un film sans concession. 2...Pour l'impressionnante Polina Philonenko dans le rôle de Katia, qui tombe et se relève toujours. 3...Pour la justesse avec laquelle est figuré l'écart entre les parents et les adolescents.
Un film de Valéria Gaïa GUerMAniKA // Avec Polina Filonenko, Aghnia Kouznetsova, olga Chouvalova… // Distribution : CtV international // russie, 2008, 1h25
Pour sa première fiction, la Russe VALÉRIA GAÏA GUERMANIKA livre un portrait désenchanté de trois adolescentes. Premières expériences amoureuses, délitement du lien familial et amical, brutalité éparse : ce film sauvage remue. _Par Sandrine Marques
trois lycéennes, Janna, Vika et Katia, sont à l’âge des serments d’amitié indéfectibles. solidaires contre le monde raide et violent des adultes, les jeunes filles en fleur rêvent de braver les interdits. La boum de fin d’année, porteuse de promesses transgressives, les électrise. Coma éthylique, viol et manipulations, l’expérience se révèlera finalement amère pour chacune d’entre elles. Katia, la plus éprouvée du trio, se transforme au fur et à mesure de son chemin de croix. « Ça sert à ça, ces soirées », lâche-t-elle, lucide, après avoir été trahie et abusée. Le film ne se borne pas au récit d’apprentissage âcre. Il documente le quotidien brutal de la jeunesse russe contemporaine. Caméra à l’épaule, la réalisatrice opère de brusques décadrages et restitue avec justesse les désillusions d’un âge pas si tendre. Implacable.
AVRIL 2009
22/04
VALÉRIA GAÏA GUERMANIKA Votre film réunit tous les motifs du teenmovie américain. En est-il, selon vous, le pendant âpre ? Ce film est surtout issu de mon expérience personnelle et de mes lectures de journaux intimes d’adolescentes en souffrance. Je n’ai jamais pensé que je faisais un teen-movie, genre que je ne connais pas bien. Quand les adultes voient le film, ils pleurent. Les adolescents, eux, n’ont pas le recul suffisant. Je voulais faire un film pour toutes les générations. Plus qu’un film initiatique, on a l’impression que vous filmez un récit de résistance… C’est juste. À la base de tout drame, il y a la naissance d’un conflit. Mes personnages essaient de se défendre contre le monde extérieur, de rester intègres. Pourquoi ce parti pris de mise en scène très naturaliste ? J’ai fait des documentaires, centrés sur la psychologie des gens et plus particulièrement des adolescents. J’ai appris le cinéma au fur et à mesure que j’ai fait des films. Je n’imaginais pas d’autre forme ou méthode pour raconter mon histoire. WWW.MK2.COM
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40 CINÉMA
LA DERO BADE
29/04
SORTIE LE
The Pleasure of Being Robbed 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1...Pour Eleonore Hendricks, coscénariste et prix d’interprétation au dernier festival de Belfort. 2...Pour Josh Safdie, l’un des jeunes réalisateurs new-yorkais les plus prometteurs. 3...Pour cette réplique sublime : « Je cherche la voiture qui va avec ces clefs. »
Un film de Josh SAFDie // Avec eleonore Hendricks, Josh Safdie, Wayne Chin… // Distribution : Sophie Dulac // États-Unis, 2008, 1h10
Bercé par la déambulation rêveuse d’une jeune kleptomane dans le flux new-yorkais, The Pleasure of Being Robbed est un premier film à la beauté volatile, d’une exquise fragilité. _Par Jérôme Momcilovic
D’emblée, le terrain semble familier. Dans les rues new-yorkaises où Josh safdie promène son héroïne, on jurerait croiser quelques pères et deux-trois cousins. Des pères : son art très urbain du portrait volé et de l’improvisation, sa manière d’être le généreux réceptacle des remous de la ville, ressortissent à une tradition indépendante on ne peut plus new-yorkaise, une voie découverte en leur temps par Cassavetes ou shirley Clarke. Des cousins : se joue ici l’éloge d’un art do it yourself qui fait son lit, depuis quelques années, dans la bouillonnante scène underground de la Grosse Pomme – red Bucket Films, le collectif qui produit le film, collabore entre autres avec les têtes chercheuses du groupe Animal Collective. D’emblée, donc, le film s’invite en ami. Grisette planquée sous sa frange, Eleonore y bat le pavé au gré de ses menus larcins : une grappe de raisin, quelques sacs à mains, un sac de voyage d’où émerge une portée de chatons, une voiture qui donne lieu à une balade vaguement amoureuse. sur le siège passager, c’est Josh safdie qui s’invite en personne, s’invente un personnage (mais garde son prénom, tout comme Eleonore Hendricks), pour s’installer dans le sillon fictionnel tracé par Eleonore. toute la beauté du film est là, dans sa manière de se laisser pleinement guider par les arabesques de son héroïne qui pioche ses péripéties dans le sac des passants. Eleonore dérobe et se dérobe (elle passe la nuit avec Josh mais disparaît au petit matin, emportant son couvre-chef), s’immisce de force dans la vie de tout le monde mais reste à jamais insaisissable : c’est à ce seul mouvement qu’obéit The Pleasure of Being Robbed, repliant la curiosité candide et désinvolte d’Eleonore sur une douleur secrète, joliment effleurée par les dernières séquences. Grand petit film.
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42 CINÉMA
VAGUE A L'AME
SORTIE LE
El Niño Pez 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1...Pour le premier rôle au cinéma d’Emme, chanteuse et star du rock au Paraguay. 2...Pour la tension dramatique instaurée par le montage en puzzle. 3...Pour le mélange des genres, de la romance adolescente au thriller morbide.
Un film de Lucia PUenZo // Avec inés efròn, emme, Pep Munné… Distribution : MK2 Diffusion // Argentine, espagne, France, 2008, 1h36
Après XXY, primé à Cannes en 2007, l’Argentine LUCÍA PUENZO poursuit sa plongée dans les eaux troubles des amours adolescentes. Film de genre sombre et intime, El Niño Pez instaure un inquiétant jeu de miroirs. _Par Juliette Reitzer
Depuis XXY, choc frontal entre une ado hermaphrodite et le monde standardisé des adultes, l’actrice Inès Efron habite de son regard sibyllin l’univers de Lucía Puenzo. Longiligne et évanescente, elle est ici Lala, jeune fille fortunée éperdument amoureuse de Guayi, la domestique de sa famille. Une relation fusionnelle, à l’image d’un plan où les visages se superposent comme en écho au Persona de Bergman, vite rompue par la mort du père de Lala. À la source de ce film ombreux – couleurs désaturées et réminiscences surnaturelles –, il y a un lac du Paraguay où se projettent les rêves d’avenir des deux amantes. Fil conducteur de l’intrigue, l’eau est tour à tour menaçante et réconfortante : le lac abrite une funeste créature (le « niño pez » du titre), quand la vapeur du bain nimbe les amoureuses d’un voile protecteur, avant la douche froide de leur séparation forcée. Par sa chronologie fragmentée, Puenzo instaure une symétrie protéiforme entre des figures ébréchées, affirmant avec brio que les drames du présent reflètent ceux du passé.
AVRIL 2009
06/05
LUCíA PUENZO D’où vient la légende de l’enfant-poisson ? El Niño Pez est un enfant qui vit dans un lac au Paraguay et qui mène par la main les noyés au fond du lac. J’aime beaucoup les légendes indigènes Guarani, et j’ai inventé celle-ci pour ma nouvelle, dont est tiré le film. Quelle est la part de fantastique dans le film ? C’est sous les eaux qu’on rencontre la vérité. Pour moi, l’eau est ce monde utérin, onirique et inconscient où s’enfouissent les choses les plus importantes de notre quotidien… Il y a un effet de symétrie dans la relation des deux filles avec leur père défaillant… Le père de l’héroïne n’est pas mauvais, même s’il est très compulsif et qu’il vole à sa fille ce qu’elle a de plus précieux, sa fiancée. En revanche, le père de la domestique, qui est un acteur de télénovela très connu, a violé sa fille, même s’il ne représente pas le stéréotype du pervers. L’inceste est très répandu en Amérique latine. Nous voulions en parler.
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44 CINÉMA
AGENDA SORTIES CINÉ 15/04 SORTIES DU
ADORATION d’Atom egoyan Avec Scott Speedman, Arsinee Khanjian… ArP Sélection, Canada, 1h40
Un orphelin s’invente une vie et des parents sur Internet. Puzzle chronologique et identitaire inspiré par un fait divers, le douzième long métrage d’Atom Egoyan brasse les thèmes favoris du Canadien, notamment son obsession pour les faux-semblants.
L’IDIOT de Pierre Léon Avec Jeanne Balibar, Sylvie testud… Baba Yaga Films, France, 1h01
Nastassia Philippovna reçoit quatre prétendants qui veulent la marier ou l’épouser. Ce vilain petit monde se livre à un jeu de la vérité cruel, qui tourne mal. Adaptation osée du roman Dostoïevski, ce combat de coqs merveilleusement interprété brille par ses accents doucement théâtraux.
SORTIES DU
22/04 17 ANS ENCORE de Burr Steers Avec Zac efron, Matthew Perry… Metropolitan, États-Unis, 1h40
Et si c’était à refaire ? Un quadra troque sa vie ratée contre les années lycées, encore pleines de promesses. Matthew Perry (Friends) rajeunit sous les traits de Zac Efron (High School Musical). Un Big à l'envers, jamais incorrect, mais sympathique.
CELLE QUE J’AIME d’Élie Chouraqui Avec Barbara Schulz, Gérard Darmon… Mars Distr., France, 1h43
élie Chouraqui rend hommage aux femmes d’aujourd’hui et au Paris des cartes postales. Une comédie romantique légère, soutenue par Gérard Darmon – excellent – et Barbara schulz, aussi crédible en femme d’affaires qu’en mère courage passionnée. .
LET’S MAKE MONEY d’erwin Wagenhofer Avec Antonio Baena Perez, George Belton… Ad Vitam, Autriche, 1h47
Après We Feed the World, documentaire militant à visée écologiste, l’Autrichien Erwin Wagenhofer dénonce l’immoralité du capitalisme libéral. À travers une longue investigation auprès d’acteurs de l’économie mondiale, il dissèque la crise actuelle. Un film coup de poing.
RACHEL SE MARIE de Jonathan Demme Avec Anne Hathaway, Bill irwin... Sony, États-Unis, 1h53
sur un scénario de Jenny Lumet, fille du célèbre cinéaste, Jonathan Demme filme des retrouvailles conflictuelles, sur fond de secret familial. Anne Hathaway joue les éléments perturbés et perturbateurs dans un film en roue libre. Mais son excellente prestation emporte tout.
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LE SECRET DE LILY OWENS de Gina Prince-Bythewood Avec Dakota Fanning, Queen Latifah… 20th Century Fox, États-Unis, 1h50
1964, Caroline du sud. Une gamine blanche et sa nounou noire rejoignent une communauté d’apicultrices. Porté par de tonitruantes actrices, ce mélodrame fait son miel des secrets douloureux, du racisme ambiant et de la rédemption par la famille (choisie).
HUMAINS de J.-o. Molon et P.-o. thévenin Avec Dominique Pinon, Lorant Deutsch… La Fabrique de Films, Lux.-Suisse-Fr., 1h27
Bloqués au fond d’une gorge inaccessible en suisse, une famille et trois paléontologues sont poursuivis par des hommes qui ressemblent étrangement à ceux de Neandertal. Un thriller d’aventure loufoque qui remet en cause la théorie de la filiation avec un humour plus ou moins volontaire.
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45
SORTIES DU
29/04
ROMAINE PAR MOINS 30 d’Agnès obadia Avec Sandrine Kiberlain, Pascal elbé… UGC, France-Canada, 1h25
Comédie délirante aux dialogues savoureux, ce road-movie pétrifié dans le froid québécois livre un portrait tendre et pince-sans-rire de trentenaires branquignoles. Excessive et crédible, sandrine Kiberlain est magnifique dans le rôle-titre. Un sans faute.
SŒUR SOURIRE de Stijn Coninx Avec Cécile de France, Sandrine Blancke… océan Films, France-Belgique, 2h18
Mystérieuse et sujette aux railleries, sœur sourire a vendu en 1963 plus de disques qu’Elvis ou les Beatles. Quinze ans après Daens ou l’histoire d’un prêtre ouvrier, le Belge stijn Coninx s’attaque à la sœur chantante et à sa quête d’amour. Cécile de France est bénie.
06/05
SORTIES DU
COMMIS D’OFFICE d’Hannelore Cayre Avec roschdy Zem, Jean-Philippe ecoffey… Bac Films, France, 1h28
Avocate et romancière, Hannelore Cayre livre un réjouissant réquisitoire, entre comédie potache et satire sociale. Méprisés par leurs pairs, les commis d’office (roschdy Zem et Mathias Mlekus, grandioses) illustrent les limites d’une machine judiciaire rouillée.
L’ENFANT-CHEVAL de Samira Makhmalbaf Avec Ziya Mirza Mohamad, Haron Ahad… Wild Bunch, iran, 1h42
L’auteur de La Pomme (1997), réalisé à 18 ans à peine, revient avec une fable morale sur l’esclavage moderne. Un jeune Afghan est embauché contre un dollar par jour, pour porter un riche adolescent unijambiste. Mais l’enfant ne sera jamais un vrai cheval… .
X-MEN ORIGINS : WOLVERINE de Gavin Hood Avec Hugh Jackman, Danny Huston… 20th Century Fox, États-Unis, 2h
JE L’AIMAIS de Zabou Breitman Avec Daniel Auteuil, Marie-Josée Croze… SnD, France, 1h52
toujours interprété par le bellâtre Hugh Jackman, Wolverine ressort ses griffes et c’est au réalisateur de Mon Nom est Tsotsi, Gavin Hood, de trancher dans le passé de l’indestructible héros pour faire ressurgir ses origines. Un biopic sF sabré d’effets spéciaux.
Un homme mûr raconte sa grande histoire d’amour à sa belle-fille, en pleine séparation. Adaptation du premier roman d’Anna Gavalda, Je l’aimais est un récit dans le récit. Zabou Breitman évite les pièges scénaristiques, et dirige ses comédiens avec sensibilité et sensualité.
INCOGNITO
GOOD MORNING ENGLAND
d’Éric Lavaine Avec Bénabar, Franck Dubosc… Pathé, France, 1h34
Chanteur adulé, Lucas vit sur un mensonge : ses chansons à succès ont été écrites par un autre… Pitch infernal et équipe qui gagne (Bénabar dans son premier rôle à l’écran, Dubosc en éternel looser) pour ce deuxième long d’un transfuge de Canal + et de la série H.
AVRIL 2009
de richard Curtis Avec Philip Seymour Hoffman, Bill nighy… StudioCanal, royaume-Uni, 2h15
1966 : huit DJ déjantés animent une radio pirate en pleine Mer du Nord. renvoyé de son lycée, Carl s’initie aux plaisirs interdits sur le bateau, tandis que le gouvernement anglais part en guerre contre ce «temple de l’immoralité». sexe, drogues, rock’n’roll et gros ploufs au programme.
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46 CINÉMA
LES ÉVÉNEMENTS BASTILLE
BIBLIOTHÈQUE
HAUTEFEUILLE
ODÉON
QUAI DE LOIRE
BEAUBOURG
GAMBETTA
NATION
PARNASSE
QUAI DE SEINE
CINÉMA
PASSERELLES
FLASHBACKS & PREVIEWS
LE DIALOGUE DES DISCIPLINES
SAMEDI 11 AVRIL – 11H / CINÉPOLAR Rush de LILI FINI ZANUCK présenté par Michel Boujut.
JUSQU’AU 21 AVRIL / EXPO / Repérages de FRANÇOIS CATONNÉ
LUNDI 20 AVRIL - 20h / L'Idiot de PIERRE LÉON en présence du réalisateur et de l'acteur Laurent Lacotte JEUDI 23 AVRIL – 20H30 L’Aigle des mers de MICHAEL CURTIZ SAMEDI 25 AVRIL – 11H / CINÉPOLAR Dans la brume électrique de BERTRAND TAVERNIER présenté par Michel Boujut et François Guérif LUNDI 27 AVRIL - 20H30 / RDV DES DOCS Vidéoletters de ROBERT KRAMER et STEPHEN DWOSKIN en présence de Jean Douchet, historien, écrivain et enseignant de cinéma MARDI 5 MAI - 20H / AVANT-PREMIÈRE Good Morning England de RICHARD CURTIS LUNDI 11 MAI – 18H / DOCUMENTAIRE SUR GRAND ÉCRAN / Reprise du palmarès du festival VISIONS DU RÉEL 2009 en présence de cinéastes et de l’équipe du festival MARDI 12 MAI - 20H30 / SOIRÉE BREF FIGURES DU CORPS Dix de BIF, Je vous hais petites filles de YANN GONZALEZ, Peau neuve de CLARA ELALOUF, Nue de CATHERINE BERNSTEIN, Les Mains de CHRISTOPHE LOIZILLON
22 AVRIL - 12 MAI / EXPO / Making Of de THIERRY OZIL JEUDI 23 AVRIL - 19H30 / RENCONTRE / THIERRY BEAUCHAMP La librairie du MK2 Quai de Loire et les éditions Le serpent à plumes vous invitent à une rencontre autour du second roman d’Errol Flynn, L'Épreuve de vérité, en présence de thierry Beauchamp, préfacier du roman. SAMEDI 25 AVRIL - 17H / RENCONTRE / MAGALI BRENON et BÉATRICE RILOSZ. rencontre animée par Yves Jolivet, organisée par MK2 Livres et les éditions Le mot et le reste, dans le cadre de la fête du livre par les libraires indépendants, à l’occasion de la parution de J’attends Mehdi et Is this Love. SAMEDI 25 AVRIL - 11H30 / CINÉ BD : RENCONTRE / BRUNO LE FLOC’H L’auteur viendra présenter Saint-Germain, puis rouler vers l’ouest, un road-movie romantique qui ressemble à un morceau de jazz… La rencontre sera suivie de la projection du film Pierrot le fou de Jean-Luc Godard. MARDI 28 AVRIL - 20H / CINÉDANSOIR en partenariat avec Le Dansoir – Karine saporta. JEUDI 7 MAI - 19H30 / SOIRÉE ZÉRO DE CONDUITE / GEORGE DELAW La librairie du MK2 Quai de Loire et les éditions Attila vous invitent à bord du Zéro de conduite, autour des marins et bateaux du dessinateur George Delaw et plus largement autour du thème de la mer et du dessin.
JEUNESSE* DES PASTELS AUX RÊVES : MIYAZAKI LE CHÂTEAU AMBULANT Les mercredis à 13h30, les samedis et dimanches à 11h KIKI LA PETITE SORCIÈRE Les mercredis, samedis et dimanches à 10h40 MON VOISIN TOTORO Les mercredis, samedis et dimanches à 10h30 NAUSICAÄ DE LA VALLÉE DU VENT Les mercredis, samedis et dimanches à 10h50 LE CHÂTEAU DANS LE CIEL Les mercredis à 14h, les samedis et dimanches à 11h PRINCESSE MONONOKÉ Les mercredis, samedis et dimanches à 11h LE VOYAGE DE CHIHIRO Les mercredis, samedis et dimanches à 13h55 *Les horaires peuvent être sujets à modifications, pour plus de détails : mk2.com
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RIL, EN AV MK2 ÉMAS IN C S T LE N E L IL E ACCU CLES LES CY TS SUIVAN
FOCUS
_par J.R.
LES CINÉPOLARS INVITENT BERTRAND TAVERNIER Forte de quatre années d’existence et d’un public grandissant, l’association universitaire Cinéma et musiques organise chaque mois deux événements chez MK2 : les cinémusicales et les cinépolars, projections animées par des réalisateurs, musiciens, scénaristes ou journalistes. En ce mois d’avril, l’association dirigée par Gilles Pidard réalise l’alliance parfaite entre ses deux marottes, avec une séance dédiée au nouveau film de Bertrand tavernier, Dans la brume électrique, adapté d’un polar de James Lee Burke. tourné en Louisiane avec tommy Lee Jones, Levon Helm et Buddy Guy, ce superbe film noir est aussi un hommage à la musique cajun et zydeco du sud des états-Unis. La séance sera animée par Michel Boujut, critique de cinéma (notamment producteur de la célèbre émission Cinéma, Cinémas) et par François Guérif, spécialiste du film noir et auteur, entre autres, des ouvrages Le Film noir américain et Le Cinéma policier français. Samedi 25 avril à 11h. 6 €. wwwcinemusiques.blogspot.com
RENCONTRE AVEC RAYMOND DEPARDON Immense photographe, reporter notamment au Vietnam et en Algérie, Depardon cofonde en 1966 la prestigieuse agence Gamma. À la croisée du journalisme et de la photographie, c’est tout naturellement qu’il se lance dès 1963 dans le documentaire, réalisant pas moins de 18 longs métrages d’une incroyable diversité : milieu journalistique (Le Matin de Paris, Reporters), psychiatrique (Urgences), judiciaire (10ème Chambre) ou paysan, avec la trilogie Profils Paysans entamée en 2001, et achevée en 2008 par La Vie moderne : « J’ai passé mon enfance dans une ferme, et j’ai fui ce milieu par complexe, quelque fois même par honte. Ensuite, s’est installé doucement un phénomène inverse, mais je n’arrivais pas à faire un film sur ce sujet-là. Il a fallu que je fasse un grand détour, le tour du monde en quelque sorte, pour oser filmer les paysans.» Un film intense et apaisé, exceptionnellement projeté en présence du cinéaste pour sa sortie en DVD. Samedi 9 mai à 10h30. DVD disponible le 6 mai, éditions Arte Vidéo
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LES CYCLES L’ORIGINE DU MONDE Le MK2 Hautefeuille programme Delta (2008) du Hongrois Kornel Mundruczo. Un frère et une sœur se rencontrent pour la première fois alors qu’ils sont adultes, et tombent amoureux… Prix du jury au festival de Cannes 2008. JIA ZHANG-KE : L’ÉCHELLE DU MONDE Outre le récent 24 City, docufiction sur la reconversion d’une cité ouvrière, le MK2 Hautefeuille diffuse le précédent film du Chinois Jia Zhang-Ke, Still Life (2006). Une comédie dramatique sur la quête amoureuse et les mutations d’un pays en plein essor. JAIME ROSALES, UN CINÉMA DE FRONTALITÉ L’Espagnol Jaime rosales, réalisateur du très remarqué La Soledad en 2007, vient de sortir son nouveau long métrage : Un Tir dans la tête. Adapté d’un fait divers, il revient sur une rencontre fortuite et meurtrière entre policiers et membres de l’EtA. AUTOUR DE LA PIÈCE TABLEAU D’UNE EXÉCUTION DE HOWARD BARKER En partenariat avec l’Odéon théâtre de l’Europe, programmation thématique en matinée : Cinq Femmes autour d’Utamaro de Kenji Mizoguchi, La Ronde de nuit de Peter Greenaway, Le Décameron de Pier Paolo Pasolini et Van Gogh de Maurice Pialat. AUTOUR DE WENDY ET LUCY DE KELLY rEICHArDt La sortie de Wendy et Lucy, bouleversant récit initiatique en forme d’hommage aux gens de peu, est l’occasion idéale de redécouvrir le précédent et premier long métrage de la réalisatrice Kelly reichardt, Old Joy (2006).
Toute la programmation sur mk2.com
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CONCERTS
48 SORTIES EN VILLE
La musicienne argentine Juana Molina.
TOUT FEU, TOUTLesFEMMES Femmes s'en mêlent Les Femmes s’en mêlent, et elles ont un sacré tempérament ! Depuis sa première édition en 1997, ce festival amoureux de la scène indie-rock féminine a grandi. Il gambade désormais à travers toute la France, sans perdre son esprit défricheur. _Par Benoît Hické
Pour stéphane Amiel, le chef d’orchestre de ce rendez-vous printanier devenu incontournable, le pari est permanent : « L’indépendance et la modestie sont des choix délibérés. Notre modèle économique réside davantage dans l’augmentation du nombre d’artistes et de dates (24 en 2008, 30 cette année) que sur l’étalage de noms vendeurs. » Une stratégie qui réussit bien aux Femmes s'en mêlent. Le festival aligne depuis douze ans un casting et un mélange des genres sans complexes : Feist, Cat Power, tender Forever, Chicks on speed, Peaches, DJ Chloé ou encore Electrelane ont toutes un jour participé à l’aventure. « Je suis épaté par la vitalité de la scène féminine, qu’elle soit électro, do it yourself ou rock, s’enthousiasme stéphane Amiel. J’ai tenté de restituer cette énergie dans ma programmation en favorisant le rythme et les bonnes ondes, même si je laisse une bonne place à des sensibilités plus intimistes. » Et souvent nordiques. Cette année, la palme revient à la Danoise Anna Bronstead, qui produit avec Our Broken Garden la musique la plus éthérée recensée depuis des lustres. Les Américaines Au revoir simone et Clare & the reasons (proche de sufjan stevens) dispenseront une mélancolie plus veloutée, tandis que la jeune Londonienne Micachu dévidera des chansons électro-zinzin, assez proches de l’univers de Juana Molina. Parions sur les probables révélations de ce cru 2009 : la future star suédoise Fryda Hyvönen et ses comptines trash, le rock languide de scary Mansion et celui, plus brut et sinueux, de Battant et telepathe, l’électro-pop chamarrée des Brésiliens Lucy and the Popsonics, et enfin le duo Wildbirds & Peacedrums, très réputé pour ses hold-up scéniques. Autant de raisons, ce printemps encore, de battre la semelle… Festival Les Femmes s’en mêlent, du 15 au 30 avril à la Maroquinerie, au Point Éphémère, au trabendo, à l’Alhambra, au théâtre Marigny et dans toute la France : www.lfsm.net. Avec Holden, Au revoir Simone, Micachu, Battant, Fryda Hyvönen... AVRIL 2009
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L’OREILLE DE… SLIIMY
LILY ALLEN, le 6 mai à la Cigale « J’aimerais beaucoup voir ce qu’elle donne sur scène. son premier album, Alright, Still, fut un vrai coup de cœur. J’y retrouvais tout ce que j’aime : une écriture à la fois rigolote et trash, très british, pleines de mélodies pop et sucrées, en contradiction avec son côté peste. son nouvel album, It’s Not Me, it’s You, marque une nette évolution, au niveau des sonorités notamment. Lorsque j’écris mes chansons, je ne me dis pas : « Là, je vais faire pareil que Lily Allen. » Cependant, qu’on me compare à elle ne me dérange pas, bien au contraire. » _Propos recueillis par A.T.
Paint your Face (Warner). Déjà disponible.
AGENDA CONCERTS 1 BONNIE ‘PRINCE’ BILLY La barbe drue du barde folk déroule ses blonds filaments à l’élysée Montmartre. Héritier le plus crédible de Dylan, Cash et Cohen, le Prince est imprévisible en concert. Comme l’indique le titre de son très beau dernier album : Beware ! Le 24 avril à l’Elysée Montmartre, 25 €
2 GONZALES tous les dimanches jusqu’au 17 mai, Gonzo investit la petite scène du Ciné 13, sise en pleine Butte Montmartre. Le zigoto promet des surprises à plein gaz, même si l’on suppute qu’invités et piano solo joncheront le show de cet entertainer retors. Tous les dimanches jusqu’au 17 mai au Ciné 13 Théâtre, 10 €
3 MATHIEU BOOGAERTS ET FLÒP Les Bienfaisances sont des galas mensuels et « auto caritatifs » tenus par Les Disques Bien, label de qualité s’il en est. Ce mois-ci, de Flòp (tongwriter tout-terrain) à Mathieu Boogaerts (talent aiguille), nul doute que vous trouverez chanson à votre pied. Le 7 mai à la Java, 7 €
4 GHOSTFACE KILLAH Facétieux gardien de l’étiquette hip-hop, Ghostface est peut-être, avez rZA, le membre du Wu-tang Clan le plus pertinent en solo. Client de rap rocailleux et tripier, le public parisien devrait saluer avec ardeur l’auteur de Supreme Clientele. Le 14 mai à l’Élysée Montmartre, 27,5 € Et aussi… Loney Dear, le 22 avril au Point ephémère // Vanessa Da Mata, le 25 avril à l’Élysée Montmartre // Brakes, le 4 mai au Point ephémère // Jeffrey Lewis, le 10 mai à la Maroquinerie
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CLUBBING
50 SORTIES EN VILLE
Le combo américain !!! (prononcez « tchick tchick tchick»).
WARP ATTACK ! Les 20 ans de Warp Ironie du sort : c’est début mai, alors que le très attendu Star Trek et ses moteurs Warp supra-luminiques sort sur nos écrans, qu’un autre vaisseau Warp fête en grandes pompes son vingtième anniversaire… Retour sur un label phare de l’électro. _Par Anne-Laure Griveau
W.A.r.P. nous a menti. En 1989, à sheffield, steve Beckett et rob Mitchell, les créateurs du label, prétendaient être des gens raisonnables : « We Are Reasonable People » faisaient-ils dire à leur acronyme. Mais il n’en est rien. La preuve : ces vingt dernières années passées à dénicher le meilleur de l’électro. sans eux, pas de LFO, pas de richie Hawtin, pas de Boards of Canada. On comprend mieux pourquoi il fallait bien plus qu’une soirée pour célébrer l’événement. À Paris, c’est tout un week-end de fête qui lui est consacré. Les 8 et 9 mai, une vingtaine d’artistes maison (Pivot, !!!, DJ Mujava…) envahiront littéralement la Cité de la Musique. Le choix du lieu, plus habitué au classique qu’à la techno, semble à lui seul donner ses lettres de noblesses au label. Peak-time de cet anniversaire, la participation exceptionnelle du rarissime Aphex twin, l’un des DJs les plus novateurs des années 1990. Entamées le 29 avril par une soirée au rex Club, où toute une génération de DJ’s nourris au son de Warp (Mr Oizo, Busy P, Gilb’r…) lui rendra hommage, les festivités ne se limiteront pas, cependant, au strict champ musical : des installations d’artistes, des projections de clips et de films produits par le label (This is England, Toute l’histoire de mes échecs sexuels…) sont prévues. Car c’est aussi cela qui fait de Warp un label pionnier, et à part : une curiosité interdisciplinaire jamais démentie, conjuguée à une identité visuelle forte – l’éclair de son logo et ses pochettes mauves font partie des signatures graphiques les plus marquantes des dernières décennies. si Paris a été choisie pour souffler les premières bougies, les événements se poursuivront tout au long de l’année, à tokyo, New York ou sheffield, avant de s’achever à Londres en septembre prochain. Déraisonnable, vous disait-on… Warp Celebration, le 29 avril au rex, dès 23h30, gratuit. 20 ans de Warp, les 8 et 9 mai à la Cité de la musique, dès 21h, de 40 à 45 €.
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SURPRISE PARTY L.A. NIGHTS
se faire des films dans une soirée, ça arrive. Le collectif Elegangz, lui, les réalise. sous le nom de code « L.A. nights », il entend organiser les soirées les plus folles de Paris et s’en servir comme base d’une série mi-docu, mi-fiction – sorte de mix entre Friends et Entourage, nous dit-on. Lancées début avril au New York Club, les L.A. nights se poursuivent au Crazy Horse, où les soldats les moins vêtus de sa Majesté mettront les fêtards et les DJ’s (Greg Boust et Ariel Wizman) au garde-à-vous. Après une escale au festival de Cannes, L.A. nights fera tomber le clap de fin lors d’une pool-party démente sise, en toute logique, à Los Angeles. _A.-L.G.
Crazy Night, le 23 avril au Crazy Horse, dès 22h15, 50 €
AGENDA CLUBBING 1 MISS KITTIN & THE HACKER Le légendaire duo électro-pop est de retour. Leur First Album a marqué toute une génération – Karl Lagerfeld et Marilyn Manson en tête. Huit ans après, ils sortent l’élégant Two, qu’ils défendent à la Cigale pour une date qui s’annonce électrisée, et bondée. Le 22 avril à la Cigale, dès 19h30, 28 €
2 CAMPUS PARIS FAIT SON ANTISOCIAL Chaque semaine pour ses soirées « Antisocial », le social Club ouvre sa programmation à un label ou un media amis. Ce mercredi, c’est radio Campus qui s’y colle et accueille, entre autres, les indie-rockeurs de stuck in the sound (DJ set). Le 29 avril au Social Club et tous les mercredis, dès 23h, gratuit
3 STUNTS NIGHT Le label rap de la maison Institubes, stunts, fête la sortie de sa première mixtape au Nouveau Casino. Au programme, DJ sets maison (Orgasmic, Young Pulse, Manaré) et lives d’artistes fraîchement signés, de so Fresh squad à Joke, en passant par l’épicé Cuizinier. Le 30 avril au Nouveau Casino et au Café Charbon, de 23h à l’aube, 13 €
4 BURAKA SOM SISTEMA 2009, année baroque : après Barack O., Buraka som sistema s’en vient casser la baraque – en l’occurrence le Point éphémère. Pionnier de la scène hip-hop portugaise, le quatuor lisboète mêle électro, rap et kuduro, du nom de cette dance music angolaise apparue dans les années 1990. secousses garanties. Le 12 mai au Point Éphémère, dès 20h, 15,70 € AVRIL 2009
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© Design Niklaus Troxler
EXPOS
52 SORTIES EN VILLE
Arthur Blythe Quartet, affiche de niklaus troxlert, 1982, sérigraphie.
AS TIME GOES BY Le Siècle du jazz au Quai Branly Peut-on faire entrer le jazz, musique libre, alerte et enfumée, au musée ? Le philosophe Daniel Soutif, commissaire de l’exposition Le Siècle du jazz, évite les fausses notes, soulignant le rayonnement interdisciplinaire d’un courant né avec le XXème siècle. _Par Juliette Reitzer et Raphaëlle Simon
Quitte à décevoir mélomanes et swingueurs, l’exposition Le Siècle du jazz n’est pas musicale, elle est d’abord visuelle. Les 2000 m² qui la composent s’articulent autour d’une time line centrale cheminant de la fin des années 1910 au début des années 2000, jonchée d’une dizaine de salles aux noms évocateurs : Jazz Age, Harlem renaissance, swing, Bebop, West Coast Jazz, Free Jazz et contemporain. Le parcours commence par « les fausses notes », dessins racistes des « colored man » dans les années 1920. En abordant le jazz dans ses représentations les plus emblématiques, c’est en filigrane une histoire des rapports entre Noirs et Blancs qui nous est contée, comme le souligne avec humour l’œuvre de Larry rivers, America’s Number One Problem, comparant sur un panneau lumineux les tailles de deux pénis, un noir, l’autre blanc… En Europe, il faudra attendre le soutien de l’élite artistique pour que le jazz dépasse le statut de simple curiosité exotique. Car s’il inspire les artistes, il en dépend aussi, comme en témoignent les portraits de Billie Holiday ou Ella Fitzgerald par le photographe new-yorkais Carl Van Vechten, les peintures de Matisse, Basquiat, De staël ou Pollock, les extraits de films-jazz de Méliès ou Murnau, sans oublier une myriade de pochettes et d’affiches au graphisme aussi novateur qu’élégant – quoi de mieux qu’un art populaire pour figurer une musique populaire ? La partie contemporaine reste malheureusement sommaire : le jazz n’est pas mort avec le vinyle et sait s’accorder aux nouvelles technologies, à l’image de la très belle vidéo Long Sorrow d’Anri sala qui montre à elle seule que ce courant est à la fois musique, identité et fantastique moteur des évolutions du XXème siècle. tout un art. Jusqu’au 28 juin 2009 au Musée du Quai Branly, Galerie Jardin, 37 quai Branly, 75007 Paris.
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LE CABINET DE CURIOSITÉS
DOMINIQUE PETITGAND – Quelqu’un est tombé L’art de Dominique Petitgand ne se regarde pas, il s’écoute. ses installations consistent en un agencement de sons – bruits et/ou voix – diffusés par des haut-parleurs au sein d’espaces vides. Une vacuité comblée par les multiples projections mentales que suscitent ses fictions en pointillés… Pour son exposition à l’Abbaye de Maubuisson, jouant des conditions acoustiques particulières des lieux, l’artiste redouble le potentiel narratif de ses œuvres, dont l’immatérialité fait rêver. _A.-L.V.
Du 1er avril-31 août, Abbaye de Maubuisson, rue richard de tour, 95310 Saint-ouen-l’Aumône.
AGENDA EXPOS KREYOL FACTORY De Paris à Miami en passant par Porto rico et la Guadeloupe, l’exposition, dédiée à la mémoire d’Aimé Césaire, explore les identités créoles à travers les œuvres d’une soixantaine d’artistes contemporains originaires des Caraïbes et du monde indoocéanique, mais aussi d’Afrique ou des états-Unis. Du 7 avril au 5 juillet à la Grande Halle de La Villette, 211 avenue Jean Jaurès, 75019 Paris.
LA FORCE DE L’ART 02 La nef du Grand Palais accueille les travaux d’une trentaine d’artistes pour la seconde édition de la triennale La Force de l’art, grand raout de l’art contemporain hexagonal orchestré par les commissaires Jean-Louis Froment, Jean-Yves Jouannais et Didier Ottinger. Du 24 avril au 1er juin au Grand Palais, Avenue Winston Churchill, 75008 Paris.
URBAN PING PONG réunissant les artistes Didier Courbot, éric Hattan et le projet collectif tool Box, l’exposition interroge les rapports entre l’art et la ville, territoire ponctué d’histoires, d’actions éphémères, au sein d’un espace-temps en perpétuelle redéfinition. Du 17 avril au 14 juin à la Galerie Fernand Léger, 93 avenue Georges Gosnat, 94200 ivry-sur-Seine.
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SPECTACLES
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MENAGES ETROITS Laurent Pelly au Rond-Point Avec Talking Heads, le metteur en scène LAURENT PELLY présente les soliloques désolés de l’auteur britannique Alan Bennet. Entre deux cheese-cakes et une manucure, trois « desperate housewives » version british plongent le Théâtre du Rond-Point dans l’obscurité de leur quotidien... _Par Ève Beauvallet
La série télévisée Desperate Housewives n’a pas le monopole des ladies neurasthéniques impeccablement fardées. Dès les années 1990, le scénariste et romancier britannique Alan Bennet en avait déjà réunies une demi-douzaine dans Talking Heads, compile de monologues exclusivement féminins, faisant des cottages « Little Britain » le lieu fleuri des tragédies quotidiennes. Comme les bourgeoises américaines de Wisteria Lane, les miss de Talking Heads camouflent leurs traumatismes sous des couches plâtreuses de discours et des chignons tirés à quatre épingles. Alan Bennet installe leurs living-rooms dans l’œil du cyclone, à l’exact endroit où les porcelaines se fissurent pour répandre des vérités tragiques. Peu connues en France, les darlings névrosées d’Alan Bennet avaient déversé (avec succès) leur flot de discours sur les ondes de la BBC d’abord, à la télévision ensuite. Côté scènes, il leur a fallu attendre l’élégance espiègle de Laurent Pelly pour que leurs fausses confidences trouvent un format théâtral. En gentleman instruit, l’actuel directeur du théâtre National de toulouse s’est souvenu du passé télévisuel des Talking Heads et s’est amusé à soumettre champ/contrechamp, travellings et gros plans aux lois propres du théâtre, à travers un dispositif mouvant signé Chantal thomas. Une scénographie qui multiplie les clins d’yeux à l’émission documentaire Striptease, histoire de voir ce que le théâtre – temple des mensonges – peut avoir à dire de la télé-réalité. Talking Heads, texte d’Alan Bennet, mise en scène de Laurent Pelly, du 28 avril au 30 mai au théâtre du rond Point.
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LE SPECTACLE VIVANT NON IDENTIFIÉ
LA MÉLANCOLIE DES DRAGONS Pas grand-chose de spectaculaire dans La Mélancolie des dragons, monochrome théâtral du saugrenu Philippe Quesne, hormis de la bière, des kilos de neige et des hard-rockeurs en quête de fabulations. Ils resteront bloqués dans une vielle Citroën AX échouée sur scène, en panne. Au point mort, comme ce chien qui n’aboiera pas, comme ces rebondissements dramatiques gelés à jamais. Un théâtre anesthésié, enseveli dans l’attente et les incongruités enfantines, où les tubes des scorpions se jouent à la flûte à bec, loin des pistes balisées de la bienséance poétique. _E.B.
Du 15 au 18 avril au Centre Pompidou. www.centrepompidou.fr
AGENDA SPECTACLES 1 MARIA MAGDALENA Produit non homologué de la scène flamande, Wayn traub n’a pas son pareil pour tisser des scenarii labyrinthiques entre théâtre, opéra et cinéma. Il rentre de Chine avec une muse danseuse, des prières d’exorcisme et un orchestre philharmonique pour signer Maria Magdalena, dernier opus d’un cycle consacré aux grandes icônes chrétiennes, flirtant, comme toujours, avec l’autofiction. Du 28 avril au 9 mai, au théâtre de la Ville. www.theatredelaville-paris.com
2 5ÈME BIENNALE INTERNATIONALE DES ARTS DE LA MARIONNETTE étrangement, certains clichés empoissent encore le théâtre d’objet, comme s’il rimait avec formol et se shootait à la naphtaline. Heureusement pour lui, la Biennale saison 5 décolle les idées reçues en une vingtaine de spectacles de provenance internationale, représentatifs de la jeune garde des arts de la marionnette. Du 24 avril au 24 mai en Île-de-France. www.biam09.com
3 RENDEZ-VOUS CHORÉGRAPHIQUES DE SCEAUX retour au pas de base pour l’édition 2009 des rendez-vous chorégraphiques, avec une rétrospective incontournable sur le parcours de trisha Brown, pionnière de la postmodern-dance américaine, une de ces têtes chercheuses qui affranchirent la danse de la narration. À ses côtés sur la scène du théâtre des Gémeaux, les rythmes bariolés du tandem Montalvo-Hervieu et les transports romantiques d’Abou Lagraa. Du 5 au 30 mai au théâtre des Gémeau. www.lesgemeaux.com
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RESTOS
56 SORTIES EN VILLE
LA VAGUE La Gazetta de Petter Nilsson En ouvrant sa Gazzetta près de la Bastille, le Suédois PETTER NILSSON répond à une question essentielle : peut-on manger bien et pas cher à Paris ? Il trace au passage la voie d’une cuisine sensible, pour mangeur moderne. _Par Luc Dubanchet (www.omnivore.fr)
La nouvelle vague culinaire vient du froid. suède, Danemark… elle se répand sur le sud de l’Europe, propose une cuisine puisant largement dans les produits les plus simples, terriens, paysans, pour les transformer en OVNI gourmands. Par chance, Paris possède son suédois. Il s’appelle Petter Nilsson. Et même s’il n’est pas débarqué d’hier – il officiait il y a déjà cinq ans aux trois salons à Uzès –, il a su ne pas se faire rattraper par la grande cuisine bourgeoise à la française, ses ronds de jambe et ses fanfreluches. Nilsson officie dans un bistrot tout ce qu’il y a de plus bistrot : chaises et tables en bois, banquettes de moleskine, vaste table d’architecte en guise de table d’hôtes familiale. Même le comptoir fait très caoua du matin. Du genre à lire le journal deux heures durant en attendant le déjeuner… sauf que la Gazzetta n’est ni un bistrot, ni un restaurant italien. Plutôt un laboratoire, où le jeune chef expérimente sans cesse et lance sur table (attention, avec élégance !) deux plats hors normes : d’un côté, homard bleu de Bretagne cuit croquant, céleri fumé au foin et cresson de yaourt ; de l’autre, meringue de potimarron, tourteau et consommé de poivron… Vu nulle part, n’est-ce pas ? Et l’on ne parle pas des huîtres belons et gnocchis au jus de pomme de terre, du mulet noir, raifort et aneth ou du veau basque à basse température, cocos de Paimpol et girolles… Des plats magnifiques, lunaires, aux saveurs tantôt vives et croustillantes, tantôt vertes et tourbées. D’autant plus émouvant que le menu du midi (trois tapas dont une incontournable pizza blanche et un plat) est à 16 euros et que le menu du soir démarre à 37 euros, pour quatre plats. À ce prix là, vous ne choisissez pas. C’est le chef qui impose. Mais pourquoi résisteriez-vous à la vague scandinave ? La Gazetta, 29 rue de Cotte, 75012 Paris, tél. : 01 43 47 47 05, www.lagazzetta.fr
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LE PALAIS DE… OXMO PUCCINO
SARDEGNA A TAVOLA « Un restaurant fabuleux que m’a présenté un ami cher. Quand il m’y emmène, on ne demande pas le menu, le cuisinier a carte blanche pour nous apporter ce qui lui plaît. Et là… On part à la découverte du goût. Je ne sais pas où ils se fournissent, mais leurs aliments ont une saveur dépaysante. La cuisson de la viande au feu de bois lui rend le goût qui lui est propre. Les légumes, les champignons ! tout est très fin. C’est la cuisine sarde des familles, celle des jours de fête. Une table très goûteuse, qui expose vos papilles au soleil. » _Propos recueillis par E.R.
1 rue de Cotte, 75012 Paris, tél : 01 44 75 03 28
OÙ MANGER APRÈS… STILL WALKING Chez sobane, coréen trendy et bien fréquenté pour son maquereau grillé accompagné de kimchi (aubergine fermentée) et son menu dégustation haute couture à 32 €. Menu midi autour de 15 €. 5 rue La Tour d'Auvergne, 75009 Paris. tél. : 01 42 81 54 05
LES ÉTREINTES BRISÉES Au Fogon : « Goûtez-moi zet croûquette ! » On obéit au chef et là : « Zimboum, pam ! » C’est l’Espagne d’Alberto Herraiz, la seule, la vraie à Paris, entre tapas mordantes et (surtout) paella atomique. Environ 40 €. 45 quai des Grands Augustins, 75006 Paris. tél. : 01 43 54 31 33
EL NIÑO PEZ Chez Unico, pour une viande argentine de première catégorie – qu’on le veuille ou non, le Charolais est battu – grillée au feu de bois (environ 25 €). Le tout dans un décor design sixties qui n’a rien à voir avec un chalet de Patagonie. 15 rue Paul Bert, 75011 Paris. tél. : 01 43 67 68 08
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58 LA ChRONIQUE DE
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Pour la première fois, PEDRO ALMODÓVAR aborde de front la question de la paternité. À la croisée du polar et du mélodrame, son nouveau bébé, Les Étreintes brisées, déploie une intrigue à l’ossature complexe, jeu subtil de reproductions et de transparences. Très maîtrisé, le film témoigne d’une passion cinéphile intacte, qu’incarne à merveille Penélope Cruz, sublime en femme fatale écartelée. Dialogue avec le démiurge espagnol, au moment où il livre son film le plus sobre, le plus sombre aussi. _Propos recueillis par Raphaëlle Simon et Auréliano Tonet
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ous dites souvent que chacun de vos films s’élabore en réaction au précédent, et que vos histoires s’inspirent toutes de faits réels. Comment avez-vous conçu Les Étreintes brisées ? De manière naturelle, je m’éloigne du film qui précède : Volver est très différent de La Mauvaise Éducation, qui est très différent de Parle avec elle… Et puis, j’observe beaucoup, je prends tout le temps des notes, qui viennent nourrir mes scénarios. Pour ce film, alors que j’étais enfermé dans une chambre avec une migraine terrible, j’ai imaginé un personnage de réalisateur aveugle, en prolongement de l’état dans lequel je me trouvais. Cette idée du réalisateur qui perd un sens indispensable à son métier me taraude
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souvent : j’avais d’ailleurs déjà écrit un scénario sur un réalisateur qui se retrouvait aphone. J’avais imaginé que chacun faisait ce qu’il voulait sur le plateau, et que le résultat de ce film hasardeux était en fait bien meilleur que prévu – de telle sorte que le réalisateur se posait alors des questions sur l’utilité de son travail… C’est la première fois que vous évoquez la question de la paternité de manière aussi explicite... Pendant de nombreuses années, j’ai ressenti une nécessité presque compulsive d’être père, même si j’ai fini par contrôler ce besoin, car il ne me semblait pas adéquat : je voulais être père, mais je ne voulais pas fonder une famille. Cependant, il est vrai que
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62 DOSSIER /// PEDRO ALMODÓVAR
la question de la maternité, ou de la famille au sens large, est bien plus présente dans mon cinéma que celle de la paternité. Je ne sais pas pourquoi ; il faudrait demander à un psy ! Pourquoi avoir construit Les Étreintes brisées autour de deux relations père / fils diamétralement opposées ? La première de ces relations est purement affective et spontanée. Le fils est le prolongement de son père scénariste, qui l’encourage à faire le même métier que lui. tous les pères voudraient que leur fils exerce la même profession qu’eux… Mais c’est une filiation inconsciente : ils ne savent pas qu’ils sont père et fils – c’est le cinéma et le personnage de la mère qui les unissent. L’autre relation filiale illustre, au contraire, la paternité adverse et castratrice. Je me suis ici inspiré des rapports destructeurs qu’entretenait Hemingway avec son fils Gregory : alors qu’Ernest était la représentation même du macho, son fils était gay et se déguisait avec des vêtements de femme… très tôt, Hemingway a fait boire Gregory, l’a poussé à voir des femmes, en espérant le faire changer de voie. résultat : Gregory a eu huit enfants, plusieurs épouses et buvait encore plus que son père ! Quand Hemingway est mort, Gregory a changé de sexe. Il est cependant resté toute sa vie victime de cette relation, car il est devenu alcoolique et a succombé à une mort absurde. Comment expliquez-vous l’arrivée si tardive des pères dans votre cinéma ? Je ne sais pas. C’est une sorte de pudeur. En Espagne, ma mère était très connue [d’abord femme au foyer, Francisca Caballero est devenue sur le tard un
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véritable personnage médiatique ; elle a fait plusieurs apparitions dans les films de son fils, ndlr]. C’est une femme de la campagne, même si elle a vécu la fin de sa vie à Madrid. Elle est restée naturelle – je la trouvais toujours très drôle pendant ses interviews. si ma mère est très présente dans mon cinéma, mon père l’est aussi, mais de façon moins évidente, plus cachée. Par exemple, dans Talons aiguilles, le personnage de Marisa Paredes possède certains attributs de mon père. À la fin de sa vie, victime d’un cancer, il a supplié ma mère de le ramener dans notre village natal. On est allé dans la maison de ma grand-mère, et on l’a installé dans le lit dans lequel il est né, comme un animal qui accomplit son cycle en mourant à l’endroit où il est venu au monde. Marisa Paredes fait la même chose dans Talons aiguilles : elle rentre à Madrid pour mourir dans l’appartement où elle est née. Dans vos films noirs, la plupart des personnages sont masculins ; en revanche, ceux de vos comédies et de vos mélos sont plus exclusivement féminins. Avec ce film, avez-vous recherché l’équilibre des genres – tant cinématographiques que sexuels ? C’est juste. Mes films noirs, comme Matador ou La Mauvaise Éducation, me viennent avec des protagonistes masculins. Je suis incapable de faire une comédie sur mon propre genre. Les femmes m’inspirent toujours davantage de vitalité, d’humour, de surprise – c’est peut-être parce que je les vois d’un œil extérieur. Elles m’apparaissent à la fois plus complexes et moins pudiques. Les Étreintes brisées est un film plus noir, où les femmes sont plus sombres. L’histoire nécessitait cet équilibre des genres.
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Avec sa musique dépouillée, ses paysages noirs et désertiques, ses références limpides, ses personnages malingres, épiés, fracturés, peut-on dire des Étreintes brisées qu’il est votre film le plus osseux, le plus transparent ? Effectivement, j’ai voulu être plus sobre. Les personnages du film ont beaucoup souffert par le passé, ils ont déjà pleuré toutes leurs larmes. Par ailleurs, même si mes sujets sont baroques, je cherche en tant que réalisateur à devenir plus transparent : le spectateur doit avoir le sentiment que les histoires sont fluides, sans remarquer les rouages techniques, comme dans Voyage en Italie de rossellini, un modèle de simplicité, auquel je fais référence dans le film. Mais cette nécessité n’est pas nouvelle, je la recherche de plus en plus en murissant. C’est un vrai défi pour moi, car mes histoires ne sont jamais linéaires, surtout celle-ci, qui est l’une de mes plus compliquées – elle nécessitait donc d’autant plus de transparence par ailleurs. Donner une impression de fluidité est ce qu’il y a de plus difficile au cinéma. Je n’ai jamais eu autant de mal à diriger les acteurs ou à élaborer la bande sonore, car ma musique habituelle ou la musique propre au genre du film noir ne convenaient pas. Depuis une quinzaine d’années, vos films sont jonchés de maladies graves – paralysie, coma, cancer, sida, cécité… Une pente qu’accentue Les Étreintes brisées. Pourquoi ce thème vous hante-t-il à ce point ? Nous sommes malheureusement de plus en plus entourés de maladies. Et puis, une maladie grave ou un assassinat sont des éléments qui dynamisent l’action, qui poussent les personnages dans leurs
« JE VOULAIS QUE PENÉLOPE AIT TOUS LES ATTRIBUTS DE LA FEMME FATALE CLASSIQUE, MAIS QU’ON DÉTRUISE CETTE IMAGE AU COURS DU FILM. » retranchements, et les rendent, de fait, plus expressifs. Pour ma part, j’aime filmer ces grands conflits. J’aurais beaucoup de mal à poser ma caméra quelque part et voir ce qui s’y passe, comme le fait Abbas Kiarostami, ou à réaliser un film sur les petits problèmes quotidiens d’un couple lambda. Comme dans les films d’Éric Rohmer, par exemple ? Oui ! J’adore rohmer : La Femme de l’aviateur, Le Genou de Claire ou L’Amour l’après-midi font partie
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64 DOSSIER /// PEDRO ALMODÓVAR
« PENDANT DE NOMBREUSES ANNÉES, J’AI RESSENTI UNE NÉCESSITÉ PRESQUE COMPULSIVE D’ÊTRE PÈRE. » de mes films préférés. Mais je serais incapable de faire ce genre de cinéma – c’est d’ailleurs pour cela que j’admire tant rohmer ! Dans Les Étreintes brisées, vous glissez une référence explicite à l’un de vos classiques, Femmes au bord de la crise de nerfs, dont vous avez retourné des scènes entières. Comment vous est venue l’idée de cette mise en abyme ? Je ne voudrais pas que cette autoréférence soit perçue comme un hommage à moi-même, car c’est plutôt le contraire… Je voulais que les personnages tournent une comédie légère et joyeuse pour renforcer le drame de leur histoire réelle. J’aime l’idée que le cinéma rend la vie meilleure. J’ai choisi de réadapter mon propre film par facilité : cela m’évitait de payer des droits et cela me laissait plus de liberté. Ce fut un exercice très ludique et stimulant ! Les Étreintes brisées tourne tout entier autour du thème de la reproduction, qu’elle soit biologique ou artistique… C’est vrai, il y a énormément de duplications, d’échos, de résonnances. Le film commence par des images à la texture très étrange, filmées avec une caméra de contrôle…. Ce sont des images volées à l’insu des acteurs – ils ne savaient pas qu’on les filmait ! Je suis fasciné par ces scènes fortuites, hors tournage, qui parlent du cinéma et de la duplication qui le sous-tend. Un film est toujours une représentation de la réalité, un miroir de quelque chose – pour moi tout du moins, qui ne fais pas du cinéma réaliste. En exagérant un peu, je dirais que j’ai voulu réaliser Les Étreintes brisées rien que pour une scène : celle où le personnage de Penélope double mot à mot sa représentation à l’écran, et annonce à son mari qu’elle le quitte. Ces images, produites et commandées
par ce mari jaloux, se retournent alors contre lui, comme un boomerang. Les images prennent une autre signification avec le temps, elles ont une vie propre ; il faut y faire attention. Penélope Cruz incarne une femme fatale atypique, puisqu’on la voit vomir, ramper par terre... Qu’est-ce qui, selon vous, fait d’elle une comédienne à part ? Penélope accepte tout ce que je veux quand elle travaille avec moi. Elle a une confiance aveugle en moi, ce qui me donne un pouvoir énorme. Je voulais qu’elle ait tous les attributs de la femme fatale classique, mais qu’on détruise cette image au cours du film, jusqu’à ce qu’elle devienne le contraire : une femme condamnée à la fatalité. C’est une actrice très versatile, elle contient en elle-même plein de femmes différentes. Elle peut paraître très légère, comme quand elle joue dans Femmes et valises, le film dans le film, où elle ressemble à Audrey Hepburn, et devenir l’exact opposé, quand elle rampe à terre par exemple. Beaucoup de vos acteurs fétiches ont accepté de tourner pour des réalisateurs américains : Antonio Banderas, Penélope Cruz, Javier Bardem ou plus récemment Carmen Maura. N’êtes-vous pas tenté par Hollywood ? Plus que dans d’autres pays, j’ai parfois eu envie de tourner dans d’autres langues, après avoir lu des nouvelles qui m’ont beaucoup plu. Mais je n’ai jamais voulu travailler à Hollywood ou avec des grands studios, et je ne pense pas le faire un jour. Je n’ai jamais fait d’école de cinéma, j’ai toujours travaillé en toute liberté et en toute indépendance sur mes 17 films, ce qui ne serait plus le cas si je travaillais par exemple à Hollywood. D’aucuns estiment que Vicky Cristina Barcelona est le film le plus « almodóvarien » de Woody Allen. Qu’en pensez-vous ? tout le monde me dit ça en France ! C’est parce qu’on y voit une fille marrante et hystérique qui sort en criant… Je suis heureux que ça vous fasse penser à mon cinéma ! [rires] Je crois que Woody Allen a appelé Penélope juste après avoir vu Volver, et qu’il voulait cette femme magnifique avec les cheveux en bataille, qui sonne si juste dans le paroxysme, la dépression. D’ailleurs, Penélope a remarquablement tenu le rôle. J’admire Woody Allen, mais avec ce film, je trouve qu’il dépeint une Espagne très cliché. Je sais qu’en France son film a rencontré beaucoup de succès, mais il a moins plu aux Espagnols. J’aime beaucoup le début de Vicky Cristina Barcelona, qui me fait davantage penser aux contes moraux de rohmer qu’à mes propres films, mais je trouve que le baiser entre les deux femmes sonne faux, par exemple : je pense que c’est simplement un fantasme de Woody Allen, qu’il aurait adoré se retrouver entre scarlett et Penélope – ce que je peux comprendre !
Un film de Pedro Almodóvar // Avec Penélope Cruz, Blanca Portillo... // Distribution : Pathé // Espagne, 2008, 2h07 // Sortie le 20 mai
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CADAVrE EXQUIS Avec ses corps fracturés, malades et décharnés, ses citations transparentes, sa mécanique sèche et morbide, Les Étreintes brisées est le film le plus squelettique d’ALMODÓVAR. Radiographie d’un cinéma réduit à sa substantifique moelle.
LES CORNES L’oeuvre d’Almodóvar est criblée de cornes taurines et adultérines, les unes pulsions de mort (Matador, Parle avec elle), les autres de vits (En chair et en os, La Loi du désir).
LA PERRUQUE Brouillant les pistes entre réalité et fiction, les postiches pimentent les récits, en même temps qu’ils bariolent comédiennes (Les Étreintes brisées), chanteuses (Talons aiguilles) ou travestis (Pepi…) d’un fard éclatant.
LA BOUCHE Volubile, crue et râpeuse, la langue d’Almodóvar chante une musique résolument hispanique, mastiquant les clichés ibères (flamenco, corrida, movida, gaspacho) pour en rendre la saveur originelle.
LES YEUX symboles d’une réalité qui se refuse à leur regard, les personnages de cinéastes souffrent d’handicaps : amnésiques (La Loi du désir), paralysés (Attache-moi !), abusés (La Mauvaise Éducation) ou aveugles (Les Étreintes brisées), leurs découvertes sont toujours lacunaires.
LES ÉPAULES Elles supportent de pesants fardeaux : quotidien insoutenable (Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?), secrets enfouis (Volver, La Fleur de mon secret), sentiment de culpabilité (Tout sur ma mère)… Un poids dont on se déleste par le mensonge, la vengeance ou la confession.
LA COLONNE VERTÉBRALE Le cinéma d’Almodóvar s’appuie sur une double ossature : d’une part, une troupe de comédiens fidèles (Maura, Abril, Cruz, Banderas…), de l’autre, des références constantes à ses films et cinéastes de chevet (Fellini, sirk, Mankiewicz…).
LA CAGE THORACIQUE séquestration physique (Attache-moi !) ou psychologique (Les Étreintes brisées), internement (Matador, Parle avec elle) ou huis clos (Qu’est ce que j’ai fait pour mériter ça ?), le Madrilène enferme à plaisir ses personnages, pour mieux les libérer.
LES MAINS souvent égoïstes, les pognes almodovariennes se piquent, se masturbent, cognent ou violent, mais se rachètent au creux de poignées généreuses, solidaires et caressantes (Talons aiguilles, Tout sur ma mère).
LES MENOTTES Masochiste (Attache-moi !), voyeuriste (Kika), fétichiste (Talons aiguilles), nécrophile (Matador) ou incestueux (Volver), le sexe, chez Almodóvar, est toujours débridé.
LES GENOUX Marqué par son passage à l’école des Franciscains, Almodóvar met le cléricalisme à genoux, de nonnes délurées (Dans les ténèbres) en bigotes intolérantes (Matador) et autres prêtres pédophiles (La Mauvaise Éducation).
LA CHEVILLE rebondissements, coïncidences et destins croisés s’emboîtent dans des récits particulièrement bien chevillés, qu’articulent des flash-back tantôt grinçants, tantôt carillonnants.
Texte : Raphaëlle Simon et Auréliano Tonet Création graphique : Sarah Kahn
LES TALONS AIGUILLES résonnant dans tous ses films, les talons hauts sont le symbole absolu des chicas chic et choc d’Almodóvar, à la fois féminines et entreprenantes, maternelles et indépendantes. Ici, le sexe faible est toujours le plus fort.
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66 INTERVIEW /// BERTRAND TAVERNIER
HAUtE TENSION Avec Dans la brume électrique, BERTRAND TAVERNIER s’immerge dans l’atmosphère sombre et embrumée de la Louisiane. Adapté d’un polar de James Lee Burke, le film instaure un dialogue entre passé et présent, France et états-Unis, musique et cinéma. Prise de contact avec un cinéaste électrisé. _Propos recueillis par Juliette Reitzer
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C
omment est né Dans la brume électrique ? D’abord d’un coup de foudre pour les livres de James Lee Burke, que j’ai découverts il y a plusieurs années. Dans la série qui met en scène le policier Dave robicheaux, j’ai choisi Dans la brume électrique avec les morts confédérés, l’un de mes préférés. Je voulais à tout prix préserver l’esprit de Burke, et lui ai d’ailleurs demandé d’écrire certains dialogues qui ne figuraient pas dans le roman. Le livre situe l’intrigue en Louisiane, en 1985. J’ai voulu l’actualiser, car il me semblait impossible de ne pas tenir compte des ravages de l’ouragan Katrina. Il y aurait eu là une forme d’arrogance très déplaisante pour une population qui s’estime abandonnée par son propre gouvernement. Je pense que tommy Lee Jones incarne un Dave robicheaux définitif. Je ne vois pas qui d’autre peut l’incarner après lui. Justement, comment s’est déroulée votre collaboration avec Tommy Lee Jones ? La rencontre s’est faite ici même, dans ce bar [celui de l’Hôtel Normandy, à Paris, ndlr]. On est resté un bon bout de temps, il a bu un nombre important de camparis – j’ai cessé de compter après 12. Je ne voyais pas d’autres acteurs pour ce rôle, et il a accepté à condition de pouvoir revoir les dialogues. Il a écrit plusieurs scènes, comme celle de la pêche, qui est excellente. C’est quelqu’un de très intelligent et cultivé, qui a un sens formidable de ce qu’il appelle « la musicalité de la langue anglaise ». Parlons de la BO, dans ce cas : était-ce un challenge de trouver la bonne partition, quand on traite d’une région, la Louisiane, connue pour sa forte identité musicale ? Cela faisait parti du défi. J’avais déjà depuis les années 1970 des disques de zydeco [genre musical apparu dans les années 1930 en Louisiane, chanté à l’origine exclusivement en français, ndlr]. Par contre, je me suis plongé dans la musique cajun, et j’ai choisi tous les morceaux que l’on entend dans le film, de sydney Bechet à Nathan & the Zydeco Cha Chas, un groupe de st. Martinville. En dehors de ces musiques-sources, il y a la formidable partition du compositeur Marco Beltrami, qui a utilisé des instruments zydecos typiques, comme le washboard et l’accordéon. sa musique syncopée, lyrique et oppressante capture vraiment la thématique du film.
Comment êtes-vous parvenu à restituer avec autant de réalisme cette région, la Louisiane ? Une partie de la force des romans de Burke provient de leur atmosphère ; ce monde, il fallait que j’apprenne à le faire mien. C’était important de sentir l’attachement des gens à leur terre. Ned Beatty, qui joue le flic twinky Lemoyne, a l’air soudé à son bureau, comme s’il connaissait par cœur tous les dossiers qui l’entourent ! J’ai aussi beaucoup écouté ce que disaient les gens sur certains films qui caricaturent la Louisiane sans s’intéresser, entre autres, aux accents de la langue. Je voulais trouver cette réalité-là, parce que de la langue découle la manière dont les acteurs vont bouger ou s’habiller. Ce n’est pas une simple recherche de vérisme ; il s’agit de sonder l’âme du pays. D’ailleurs, la réaction des gens de Louisiane par rapport au film a été formidable.
Les extérieurs jouent un rôle prépondérant… Je voulais tourner en scope. Il fallait que le spectateur soit surpris par les paysages extraordinaires et qu’en même temps il adopte le regard de Dave robicheaux – un mélange d’amour pour la beauté des lieux et d’intuition que derrière cette beauté précaire se terre une énorme violence. J’ai aussi voulu insister sur l’humidité, la moiteur de l’endroit. Le film opère un va-et-vient permanent entre passé et présent… La Louisiane est une région où vous butez sans arrêt sur des vestiges du passé. C’est un thème présent dans tous les livres de Burke, et auquel je suis moimême très attaché. L’importance de la mémoire, j’y ai consacré pas mal de films, qui affrontent le passé avec un regard contemporain. Le tueur de jeunes femmes de Dans la brume… est le produit d’un crime du passé auquel personne n’a voulu se confronter. C’est un thème passionnant, à une époque où l’on veut pratiquer l’amnésie. À ce titre, Nicolas sarkozy me semble moins apte à affronter les situations du futur que Barack Obama, qui fonde une partie de sa politique sur une réappropriation du passé.
« EN LOUISIANE, VOUS BUTEZ SANS ARRÊT SUR DES VESTIGES DU PASSÉ.» Êtes-vous nostalgique de ce qu’on appelle l’âge d’or du cinéma américain ? Mon livre Amis Américains, qui vient d’être réédité, est une manière pour moi de remercier les cinéastes américains, de John Ford à Henry Hathaway ou stanley Donen. Mais je ne suis pas comme certains amateurs de jazz qui considèrent que cette musique est morte après Count Basie. J’aime les films de Clint Eastwood, de Paul thomas Anderson, No Country for Old Men des frères Cohen ou Benjamin Button de David Fincher, même si tout un pan du cinéma hollywoodien actuel semble n’être fait que pour des adolescents attardés, avec un sur-traitement continu de la violence… C’est un peu contre cela que j’essaie de réagir dans mes films, et spécialement dans celui-là. Je voulais retrouver ce qui me touchait dans les films d’Anthony Mann, de richard Fleischer : une violence sèche, épurée, rapide. Une violence qui a des conséquences. Était-ce un rêve de tourner aux États-Unis ? Non, je n’ai jamais voulu faire une carrière de metteur en scène américain. si je pouvais faire encore deux ou trois films en France, j’en serais très heureux, mais ça devient de plus en plus difficile. C’est peut-être un effet de la crise, mais les producteurs sont obsédés par les comédies. si je ne trouve pas de financement pour mon prochain film, La Princesse de Montpensier, alors Dans la brume… sera mon dernier. Je donnerai des cours, comme on me demande de le faire à Berkeley ou à Harvard, et j’écrirai des bouquins.
Un film de Bertrand TAVERNIER // Avec Tommy Lee Jones, John Goodman... // Distribution : TFM // France, États-Unis, 2008, 1h57 // Sortie le 15 avril
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« J’AI REGARDÉ LE PUBLIC, ET JE ME SUIS DIT : ‘ VOUS NE VOULEZ PAS DE ÇA. VOUS VOULEZ UN CONNARD. JE VAIS VOUS DONNER UN ENFOIRÉ DE CONNARD !’’ »
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70 DOSSIER /// IGGY POP
PEAU DE CHAGRIN IGGY POP, ou l’art de sauver sa peau. Parrain des premières gerçures punk avec les Stooges, bête de scène glabre et turgescente, acteur caméléon chez Waters ou Jarmusch, crooner balafré, Peau-rouge féru de jazz et de poésie : l’Iguane est un animal en mue permanente. Au moment où sort son très francophile nouvel album, Préliminaires, nous lui avons demandé de commenter des extraits de La Possibilité d’une île de MICHEL HOUELLEBECQ, principale source d’inspiration de ce beau disque crépusculaire. Rencontre avec un survivant.
«
_Propos recueillis par Sandrine Marques et Auréliano Tonet _Photos : Renaud Monfourny
Soyez les bienvenus dans la vie éternelle, mes amis. » Il s’agit du début du livre. L’auteur demande, dans la foulée : « Qui, parmi vous, mérite la vie éternelle ? » Quelqu’un m’a suggéré le mot français «préliminaires» comme titre pour mon nouvel album. J’ai accepté. J’aime le sens premier du mot, et je soupçonnais qu’il y en avait un second, d’ordre sexuel. Je n’avais jamais pensé, en revanche, au sens musical qu’il peut recouvrir, mais cette acception me plaît : l’idée d’un retour au rock n’roll des débuts, un rock teinté de jazz Nouvelle Orléans, celui de showmen comme Fats Domino ou Ernie K-Doe [il imite ses modèles : «boum ba doum doum»]. Une musique plus « roll » que « rock », très douce et dansante, qui a fortement influencé Préliminaires. Ce disque pose pour moi les jalons d’une nouvelle direction. Initialement, j’avais conçu l’album comme la bande-son d’un documentaire intitulé Derniers Mots, qui retrace la tentative d’adaptation cinématographique par Michel Houellebecq de son propre livre. Mais le projet s’est développé au-delà de ce making of. Après avoir achevé deux ou trois morceaux, j’ai entamé une correspondance avec Michel. Dans le même temps, le producteur de l’album, marié à une Française, avait lu La Possibilité d’une île, comme nous tous. C’est peut-être une coïncidence. Ou le destin.
« Le plaisir est silencieux, tout comme l’est l’état de bonheur. » C’est une très bonne observation. Peu après, Houellebecq pose une question fondamentale : qu’est-ce qu’un homme a vraiment à dire lorsqu’il parle ? Quand ils ouvrent la bouche, les humains sont comme des chiens qui aboient, des chiens apeurés, en colère. Mon album est très apaisé, et je sais que dans ma vie personnelle, mes moments heureux sont silencieux. C’est un paradoxe, compte
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tenu de ce que je fais dans la vie. Mais mon métier m’autorise beaucoup d’heures de calme. Je préfère la quiétude à ce bruit [il mime des riffs agressifs de guitares]. s’absorber dans la lecture est aussi une activité très silencieuse. Vous formez une bulle autour de vous. Au départ, j’avais composé une chanson calme et dépressive intitulée I Want to Go to the Beach. Elle traînait dans mes tiroirs, mais je n’avais pas eu l’occasion de l’utiliser car j’étais alors impliqué dans des projets plus rock. Et puis, ce projet est né. J’ai vu des séquences du film de Michel, j’ai pensé au livre et je me suis dit que ma musique, calme et dépressive, pouvait coller. L’un a commencé à nourrir l’autre. Et c’est parti dans la bonne direction. « Le chien est une machine à aimer avec effet d’entraînement. » Je trouve cela très juste. J’ai des chiens, mais je ne les ai jamais choisis. soit ils étaient errants, soit on me les a imposés, et ça faisait « papi ». Le chien vous inculque des valeurs. Dans le livre, Houellebecq ajoute que malheureusement cet enseignement ne s’étend pas au couple. De I Wanna Be Your Dog, il y a quarante ans, à King of the Dogs sur le dernier album, j’ai écrit beaucoup de chansons canines, avec des grilles de lecture très différentes. Michel Houellebecq a organisé un casting canin pour son film. Dans le documentaire, j’ai vu tous ces cabots alignés dans la pièce qui essayaient d’impressionner le réalisateur. C’était très marrant, très étrange. King of the Dogs décrit ce casting ; c’est aussi un hommage au chien Fox, personnage du roman de Michel. Mon propre chien s’appelle Lucky. C‘est un nom à la fois familier et spécial, qui sonne bien : « Lucky, yeah, Lucky. » En plus d’être un compagnon qui me fait du bien, il soude la famille. Il est toujours curieux de savoir où chacun de nous se trouve dans la maison. Il veut que tout le monde fasse les mêmes choses, au même moment.
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72 DOSSIER /// IGGY POP
« DANS MA VIE PERSONNELLE, MES MOMENTS HEUREUX SONT SILENCIEUX. » « Lorsque le prophète se leva pour prendre à nouveau la parole, il y eut dix minutes d’applaudissements enthousiastes ; sa silhouette argentée, sous les projecteurs, était nimbée d’un halo scintillant. » Vous savez, j’ai vécu les années 1960. Il y avait beaucoup de gars comme ça, des « guides spirituels » indépendants. Beaucoup d’entre eux étaient mes employeurs quand j’ai commencé. Ils se faisaient de l’argent en vendant du haschisch, de la marijuana et d’autres substances du genre. Aussi ridicules soient-ils, ils font parfois preuve de clairvoyance. Certaines avancées significatives, en matière de civilisation, sont promues par des fêlés. En ce qui me concerne, je ne me considère pas comme un prophète rock – même si ma mère me l’a dit, une fois. «Si les filles sont attirées sexuellement par les types qui montent sur scène, ce n’est pas uniquement qu’elles recherchent la célébrité ; c’est aussi qu’elles sentent qu’un individu qui monte sur scène risque sa peau, parce que le public est un gros animal dangereux, et qu’il peut à tout instant anéantir sa créature. » si vous montrez que vous avez les couilles de monter sur scène et d’y faire ce que les gens hésitent habituellement à faire, ça devient une sorte de consécration. Cela suscite un vif intérêt chez les gens, quel que soit leur sexe. Mais je ne monte pas sur scène comme certains, en me disant que je vais livrer une performance. Je me parle à moi-même [il prend une voix de fausset et mime un numéro de ventriloque] : « Salut Iggy, ça va ? Ça pourrait aller mieux. Alors, essaie plus fort. » Jouer devant un public, c’est un cérémonial perverti. L’harmonie qui régissait les cérémonies traditionnelles, comme le sacrifice d’un buffle par exemple, n’existe plus ; la communauté est disloquée entre d’un côté les artistes, de l’autre le public, sans parler des autres maillons de la chaîne… « Je pouvais raconter n’importe quoi, il y aurait toujours des médias pour recueillir mes propos. » Daniel, le héros, est un enfoiré, non ? [rires] C’est vrai que j’aime de temps à autres provoquer. Mais pendant mes vingt-cinq premières années
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de carrière, personne ne se souciait de ce que je pouvais raconter. On ne me reconnaissait même pas dans la rue. Aujourd’hui, c’est l’inverse : je n’ai plus de vie privée, ni d’intimité. « 2711, 325104, 13375317, 452626. À l’adresse indiquée j’eus la vision de sa chatte – saccadée, pixellisée, mais étrangement réelle. » J’aime les chiffres. Je pense qu’ils contribuent à moderniser les paroles de chansons, à les érotiser, en un sens. Lorsque j’étais jeune, j’écoutais beaucoup la chanson 96 Tears de Question Mark & the Mysterians. Je m’en suis inspiré pour 1969 des stooges. Je me souviens aussi de cette chanson de Wilson Pickett qui s’intitule 634-5789, ou de Pennsylvania 6500, que j’adore également. « Ce que nous essayons de créer c’est une humanité factice, frivole, qui ne sera jamais accessible au sérieux ni à l’humour, qui vivra jusqu’à sa mort dans une quête de plus en plus désespérée du fun et du sexe ; une génération de kids définitifs. » Quand je chantais des titres comme No Fun, Fun House ou Real Cool Time avec les stooges, je représentais le groupe. J’agissais en observateur, je chantais ce qu’ils voulaient. J’étais une personne plus sérieuse par nature. Mais à leur contact, j’ai commencé à rechercher le fun. Où commence, où s’arrête la sphère du fun ? C’est un vrai problème. selon une amie de ma femme, les Mexicains ont le sens de la fête, bien que vivant avec le minimum vital. Je crois qu’elle a raison. Il faudrait être capable de s’amuser avec peu. Notre culture matérialiste est en train de s’effondrer. La chute du bloc communiste m’a toujours inquiété. Il ne fallait pas le laisser s’écrouler. tant qu’il se maintenait, nous aussi, nous nous maintenions. Le philosophe américain Allan Bloom fait la même analyse. Il décrit un ado de douze ans, un baladeur dans les oreilles. Au lieu de profiter du legs de millénaires de progrès technologiques et artistiques qui lui offre potentiellement son appareil, le kid écoute du mauvais rap. C’est un bon résumé de l’état de notre civilisation. « Il y a une phrase célèbre qui divise les artistes en deux catégories : les révolutionnaires et les décorateurs. (…) Je suppose que les révolutionnaires sont ceux qui sont capables d’assumer la brutalité du monde, et de lui répondre avec une brutalité accrue. » Cette phrase est aussi forte qu’un dunk claqué en fin de match ! J’étais parti pour faire de la musique très douce. Mes toutes premières chansons parlaient de roses et de petites souris. Les stooges m’accompagnaient, moi et mon orgue. J’ai regardé le public, et je me suis dit : «Vous ne voulez pas de ça. Vous voulez un connard. Je vais vous donner un enfoiré de connard ! » Pour reprendre la terminologie de Michel, il serait commode de classer les hippies comme des décorateurs, et les premiers punks que nous étions comme des révolutionnaires ; cependant, le meurtrier Charles Manson a fait de la musique hippie, et ce n’est pas un décorateur…
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IGGY POP EN 3 ALBUMS
EN 3 CHANSONS
THE STOOGES (1969)
FUN HOUSE (1970)
Produit par un John Cale déguisé en Dracula, sous les yeux d’une Nico enamourée, cet album est le premier d’une série de trois chefs-d’œuvre définitifs. De No Fun à I Wanna Be Your Dog, Iggy préfigure la fureur, sensuelle, lasse et fuligineuse, du punk à venir.
LUST FOR LIFE (1977) Clochardisé, Iggy erre d’asiles en bordels lorsque David Bowie, fan de la première heure, lui tend la main. Entre Paris et Berlin, Bowie produit coup sur coup The Idiot et Lust for Life, dont les tubes et les trouvailles anguleuses relancent la carrière de l’Iguane.
AVENUE B (1999)
Lancinante déflagration cuivrée, ce morceau illustre la science du rapt de notre doux reptile : revigorer les formes les plus primitives (blues, transes africaines) au feu des avantgardes les plus brûlantes (le freejazz de sun ra,le rock psyché des Doors, le funk de James Brown).
PENETRATION (1973) Percluse de trésors cachés (Kill City, Open Up and Bleed), la discographie d’Iggy est fameuse pour ses sous-bois. L’album Raw Power dispose ainsi de plusieurs mixs alternatifs, dont le bootleg Rough Power, qui offre à Penetration ses mensurations les plus orgasmiques.
I WANT TO GO THE BEACH (2009) Ignoré à sa sortie, Avenue B figure un Iggy Pop rangé des amplis, poète décadent (Nazi Girlfriend), crooner folk (Miss Argentina) et jazz-singer jarmuschien (I Felt the Luxury). sommet d’élégance et d’émotion, Avenue B anticipe le récent et réussi Préliminaires.
Première chanson composée pour Préliminaires, cette ballade dépouillée donne le ton de l’album : apaisé, mélancolique, la voix grave, le cœur serré, l’Iguane bouge à peine. seul sur la grève, il attend la fin. Un avant-goût d’éternité.
EN 3 FILMS
EN 3 FRASQUES
CRY BABY (1990)
POUR LE TOUT premier concert des stooges, au Grande Ballrom d’Ann Arbor en 1967, Iggy se rase l’intégralité des sourcils, et chante le visage peinturluré de blanc, une couronne d’aluminium sur la tête. ses amis le comparent alors à un dénommé Jim Pop, figure locale connue pour avoir perdu toute pilosité faciale suite à une maladie. Iggy, Jim Osterberg pour l’état civil, y trouvera son futur nom de scène.
L’icône punk déboule dans l’univers trash et coloré de John Waters. Il incarne Belvédère, l’oncle de Johnny Depp. troublante coïncidence, Depp avait fait la première partie des concerts d'Iggy Pop, avec son groupe de rock the Kids.
DEAD MAN (1995) Iggy Pop, travesti en vieille pionnière, fait une apparition cocasse dans l’odyssée métaphysique de Jarmusch. sous sa direction, il donnera aussi la réplique à son idole tom Waits dans Coffee and Cigarettes (2003). Un faceà-face mémorable, plein de dérision.
À L’ORÉE DES seventies, les stooges acquièrent une réputation scénique pour le moins chaotique. Un collier de chien autour du cou, Iggy invente le « stage diving », exhibe son sexe, s’enduit le torse de beurre de cacahuète et se mutile d’éclats de verre. Un soir, Elton John, déguisé en gorille, débarque sur scène à l’improviste ; effrayés, les stooges tabassent le Britannique jusqu’à plus soif.
THE PASSENGER (2009)
ENTRE 1973 et 1975, Iggy traverse sa période la plus noire. Drogué, vivant au chevet de prostituées, il lui arrive de dormir dehors, et de se réveiller dans son vomi, les gencives fracassées par des surfeurs hostiles. son état l’empêche d’honorer la proposition des Doors de travailler avec lui. De passage à L.A., Bowie le prend sous son aile et l’emmène à Berlin, où le régime saucisse / héroïne finira de requinquer l’Iguane.
Iggy mis en boîte, à l’occasion d’un biopic qui retrace ses débuts, réalisé par Nick Gomez (Dexter). Elijah Wood, le Hobbit, ne devra pas hésiter à montrer la sienne pour se mettre dans la peau de l’Iguane, qui n’a pas souhaité participé au projet. sortie prévue fin 2009.
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74 DOSSIER /// IGGY POP
«CERTAINES AVANCÉES SIGNIFICATIVES, EN MATIÈRE DE CIVILISATION, SONT PROMUES PAR DES FÊLÉS. » « La vie commence à cinquante ans, c’est vrai ; à ceci près qu’elle se termine à quarante. » Quand j’ai lu cette phrase, je me suis dit : « Pas pour moi ! », car j’ai eu un retour de flamme à cet âge-là. Mais plus loin, Houellebecq parle de la vieillesse et je sais que je m’y dirige, je vais attraper de foutues saloperies, comme n’importe qui. Je me suis plus amusé entre 40 et 50 ans qu’entre 20 et 30 ans. Ces dix dernières années ont été pour moi les meilleures. Quand j’avais 25 ans, j’ai fait la Une d’un journal ; le journaliste précisait que la brigade des mœurs promettait de me mettre un pistolet sur la tempe si je faisais quelque chose de répréhensible. Par défi,
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j’ai bu 25 shots de vodka avant de monter sur scène. Le concert, du coup, a été très mou. Aujourd’hui, mon problème est inverse : « Oh, mon Dieu, je suis sur scène dans quatre heures et je ne me sens pas l’énergie de marcher à travers la pièce. Putain ! » D’un point de vue créatif, ma meilleure période se situe lorsque j’avais entre 21 et 30 ans. Je ne suis pas le seul dans cette situation. J’étais prolifique et j’ai composé sept ou huit albums extrêmement puissants à cette époque, mais personne ne l’a remarqué. Avec le temps, ces disques ont rencontré un impact plus fort. Parfois, vous devez attendre, avant de le boire, que le vin se bonifie avec l’âge. À mesure que l’on fait de moi une institution, il devient de plus en plus tentant pour le music business de m’écarter de la partie. Je me réfère souvent au jour où l’on a demandé aux Américains de voter pour savoir quel Elvis ils souhaitaient voir figurer sur un timbre-poste : le jeune ou le vieux bouffi. Comme tout le monde, je préfère le jeune. « D’une voix profonde, je dois dire assez impressionnante (mais la sono forçait pas mal sur l’écho et sur les graves), le prophète entonna les premières mesures du chant d’accueil aux Élohim. » Ma voix est devenue plus grave, plus profonde avec l’âge. Je n’ai plus envie de faire d’efforts pour crier. Je ne sais pas si je suis en train d’entamer une carrière de crooner, mais j’aime chanter de façon simple et fluide. Danger Mouse et sparklehorse m’ont invité à poser ma voix sur leur album en commun, Danger Horse, qui va sortir cet été ; ils m’ont, de même, poussé dans les graves. si vous réécoutez le premier album des stooges, vous vous apercevrez que j’essaie, par endroits, de chanter grave, mais ça sonne très forcé. Mes couilles étaient encore trop vertes à l’époque. Préliminaires (eMi). Sortie le 18 mai.
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BOUDOIR
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BOUDOIR ÉBATS, DÉBATS, CABAS : LA CULTURE DE CHAMBRE A TROUVÉ SON ANTRE
« À LA FIN DE L’APARTHEID, ON NOUS A DEMANDÉ SI NOUS ALLIONS ARRÊTER DE DESSINER. » JOE DOG P.84
DVD-THÈQUE La rage simiesque de LUC MOULLET
CD-THÈQUE DOMINIQUE A, chanteur lettré
BIBLIOTHÈQUE BENOÎT DUTEURTRE, l’homme sans âge
BD-THÈQUE JOE DOG et CONRAD BOTES, agitateurs de la BD sud-africaine
LUDOTHÈQUE Les tortures ninjas d’AFRO SAMURAI
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78 LE BOUDOIR /// DVD-THÈQUE
UN CHIEN OU UN SINGE? LA RAGE SIMIESQUE DE LUC MOULLET « Le chien qu’il vous faut existe », entend-on sur ce DVD. Cinéaste rase-motte, acteur grégaire et critique chercheur d’os, LUC MOULLET tient cependant plus du singe que du chien. Pourquoi ? La réponse suit. _Par Serge Bozon
Des critiques devenus cinéastes, il y en a plein. Des rage «bête et méchante». Les Larrieu sont plus goguenards critiques devenus cinéastes et restés critiques, il n’y en a que rageurs, Guiraudie plus ludique que rageur, Dietschy pas beaucoup. J’en vois trois : Moullet, Biette, skorecki. plus musical que rageur. Cette rage vient des Chabrol En ces temps où la brillance en surplomb de Daney les plus nihilistes (cf. la scène des Bonnes Femmes où le fait plus qu’école, eux sont restés fidèles héros se tape la tête contre la table). Une à quelque chose hérité de leur jeunesse remarque : Moullet est plus sceptique que pendant la guerre d’Algérie (dernière nihiliste, par où il échappe à la lignée Jarryépoque héroïque de la critique : découverte Céline (cf. le texte définitif de Bodet et de tourneur, Dwan, Fuller, Walsh, Ulmer...) : Levaufre dans La Lettre du cinéma n°22). l’obscurité de l’obsession cinéphilique. Il n’y Alors que Moullet n’a pas vingt ans, truffaut a pas de surplomb, car on se perd dans lui écrit ceci : « Oui, je l’avoue, nous avions ce qu’on voit, ainsi l’amour du cinéma est un peu peur de vous. D’abord parce que nécessairement bloqué et même reclus. votre hargne (sincère et forcenée) fut la On fait des listes et des listes dans le noir. nôtre et qu’il est choquant de voir aux Cette réclusion peut prendre des formes Cahiers ce recommencement éternel, différentes : simiesque chez Moullet, cf. Fuller cette attitude grinçante toujours reprise »1. (le « point de vue du primaire », clé supposée Moullet n’a pas écouté truffaut. tant mieux? de son œuvre),arachnéenne chez Biette, cf Pas sûr, car on me dira qu’il n’a jamais fait tourneur (le secret anonyme, clé supposée de films sublimes. C’est vrai, mais ce n’est de son œuvre), léonine chez skorecki, cf. Dix courts métrages pas le problème, car son œuvre, comme Walsh (la vitalité sexuelle, clé supposée de de Luc Moullet (Chalet, celle de resnais, ne doit pas être jugée film à film, mais en termes d’acharnement son œuvre). On me dira : ce sont juste trois DVD disponible en avril) à expérimenter presque la même chose. curiosités, i.e. des cinéastes curieux ayant La différence, c’est qu’il est aujourd’hui difficile de réalisé une poignée de longs métrages curieux pour regarder les resnais des années soixante et soixantecinéphiles curieux sinon jaloux de leur autonomie dix, car le jeu amidonné de leurs interprètes est recluse. Non. Un des critères pour évaluer un cinéaste, insupportable. Ce n’est qu’en allant au bout de cette c’est sa postérité. Prenez Dietschy, les Larrieu, Guiraudie : logique de théâtre amidonné, mais en la déplaçant tout ce qu’il y a d’intéressant dans la comédie française enfin de l’Odéon aux Grands Boulevards par la aujourd’hui vient de Moullet. découverte de Dussolier, Azéma et Arditi, que resnais Ce qui continue de le séparer de ses héritiers, c’est sa
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« CE QUI SÉPARE MOULLET DE SES HÉRITIERS, C’EST SA RAGE ”BÊTE ET MÉCHANTE”. » a trouvé sa « ligne », pour employer une expression moullettienne. Dans ce DVD, il y a des films géniaux et des films pas géniaux. Je parlerai juste du seul où Moullet sort de sa ligne : Le Fantôme de Longstaff (1996). truffaut, Chabrol et Moullet ont chacun adapté James. Leur méthode est la même : enlever les mondanités, ne garder que l’obsessionnalité des personnages pour filmer à nu la violence du romanesque jamesien. Comment ne garder que l’obsessionnalité des personnages ? Par le jeu d’acteur. D’où la fragilité de ces films, qui vient de Guitry : il n’y a qu’un acteur possible par rôle (comment imaginer quelqu’un d’autre que truffaut dans La Chambre verte ou que Guitry dans Donne-moi tes yeux ?). Pour James, les trois cinéastes ont ainsi déplacé de la critique à la direction d’acteurs le refus du surplomb au profit de la perte dans l’obsession. 1 Lettre publiée dans La Cinéphilie, Antoine de Baecque, Fayard, 2003, p. 202.
LE COFFRET HERZOG KINSKI (COFFRET DEUX DVD, POTEMKINE ET AGNÈS B.)
Werner Herzog et Klaus Kinski : un grand réalisateur et son acteur de génie, ou l’histoire de deux destins liés, entre osmose créatrice et haine fraternelle. Une relation fertile contée dans le documentaire Ennemis intimes (1998), et illustrée par l’excellent Cobra Verde (1987). _J.R.
LE COUP DE CŒUR DU VENDEUR LA TÊTE CONTRE LES MURS
DE GEORGES FRANJU
(FOX PATHÉ EUROPA)
sorti en 1958, La Tête contre les murs de Georges Franju, l’auteur du glaçant Les Yeux sans visage, paraît ces jours-ci en DVD. Avec Jean-Pierre Mocky, Paul Meurisse et Charles Aznavour, ce film, dès les premiers cartons d’introduction, affiche clairement son ambition de porter un regard critique sur le fonctionnement des hôpitaux psychiatriques. Mais la force de cette œuvre provient avant tout d’une mise en scène épurée, sensible et pleine de pudeur, qui, sans avoir recours à une hystérisation obscène, dévoile la souffrance et le profond déchirement intérieur de ces êtres. _Florian Guignandon, vendeur à la boutique du MK2 Quai de Loire
_par J.R.
DVD RUMBA
DE D. ABEL, F. GORDON ET B. ROMY (MK2 ÉDITIONS)
sur la trame de ce qui pourrait être un drame – un couple victime d’un accident de voiture voit son quotidien basculer –, les trois réalisateurs dansent les difficultés qu’il y a à rester debout. Une tragicomédie burlesque et colorée, pleine de poésie.
DEUX FILMS
DE PIERRE PAOLO PASOLINI (CARLOTTA FILMS)
L’œuvre de Pasolini est un constant dialogue entre mythes anciens et modernité. À (re)découvrir en version intégrale restaurée, Carnet de notes pour une orestie africaine et Salò, transposition crue des écrits de sade dans l’Italie fasciste.
TONNERRE SOUS LES TROPIQUES DE BEN STILLER (PARAMOUNT)
Un casting de stars débarque en pleine jungle pour tourner le plus grand film de guerre de tous les temps… Une satire d’Hollywood impertinente et délicieusement régressive signée Ben stiller, avec le déjanté robert Downey Junior, nominé aux Oscar 2009.
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80 LE BOUDOIR ///CD-THÈQUE
sACré CARACTÈRE DOMINIQUE A, ChANTEUR LETTRÉ Pour de vrai, il s’appelle Dominique Ané, mais il se fait épeler DOMINIQUE A. Au moment où sort son excellent nouvel album, La Musique, exégèse d’une lettre capitale, qui a réformé la syntaxe de la chanson made in France. _Par Auréliano Tonet
C’est une lettre qui, depuis une bonne quinzaine d’années, trône en haut des meilleurs alphabets. Une lettre qui donne le la à tous les grammairiens de la chanson française, à tous ses hardis rénovateurs. Ce signe distinctif, c’est le A de Dominique A. On l’a longtemps écrit en minuscules, pour la manière qu’a eu le jeune homme, à ses débuts, de tout minimaliser – chant, textes, arrangements, posture médiatique. Marqués par l’épure du post-punk et du folk lo-fi, les premiers disques du Nantais inventent une variété de chambre traquant l’infiniment petit, l’infiniment précis : plissures de la peau (La Fossette), amours hivernales et rabougries (Va-t’en), sons étouffés (L’écho, Un Disque sourd)…
dessinées en tête. Quant aux arrangements, ils s’imprègnent de polices grasses et variées (sampler, cuivres, cordes), élaborées de plus en plus collectivement, sous l’ombre grandissante de Brel, Bashung ou Manset.
Ceci jusqu’au jour où A décide de rentrer à la maison – il vit désormais à Bruxelles – pour y enregistrer, quinze ans après La Fossette, un album en totale autarcie. Le résultat s’appelle La Musique et paraît ces jours-ci. Il s’agit moins d’un disquesomme que d’un disque de liaisons, mariant capitales et bas de casse, pleins et déliés au creux d’une même et magnifique typographie. Grand A demeure cerné par les grands espaces (Des étendues), les grands sujets (Le La Musique (Cinq 7, sortie Bientôt cependant, ce A quasi-muet, Sens), les grandes questions (Qui esle 6 avril) las d’être lettre de rupture ou de tu ?), tandis que petit A retrouve les condoléance, s’improvise majuscule. joies des notes manuscrites (il joue Comme pour conjurer une calvitie rampante, le de tous les instruments), des partitions gauchement voilà coiffé d’accents moins graves – lyrisme aigu, dactylographiées (les boites à rythme, nombreuses, sont tilde flamenco, nomadisme circonflexe. sa voix machinées avec un amateurisme charmant). androgyne gagne en force de corps, quand ses textes s’accommodent de décors moins renfermés, de En tant que préfixe, nous dit le dico, « a » marque la formulations plus vagues (Tout sera comme avant, privation ; en tant que préposition, en revanche, « à » indique le but à atteindre. Deux sens – privatif et L’Horizon). Plutôt que de s’en tenir à sa bande d’amis directif – au centre de La Musique, comme nous (Miossec, Katerine, tiersen) et d’héritiers gagas (Delerm, Marchet), Dominique aère son style au contact l’explique A, rencontré à Paris début mars : « Disons que c’est le disque d’un naufragé perdu en mer d’écritures inattendues – belles lettres et bandes
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«JE PENSE HÉLAS QUE JE SUIS MEILLEUR QUAND JE SUIS TOUT SEUL. » d’Écosse, cherchant désespérément à rejoindre l’Espagne. L’idée, c’était d’aller le plus loin possible dans un fonctionnement solitaire. Même si j’ai besoin de respirations collectives, je pense hélas que je suis meilleur quand je suis tout seul. Il y a quelque chose de plus resserré qui convient bien à l’intimité des chansons. Il s’agissait aussi de mesurer le chemin parcouru depuis La Fossette, de remettre un pas dans la chanson d’appartement, en la guindant d’une dose de mystère, en assumant mes penchants lyriques et new wave, loin du côté « journal intime de jeune garçon » que pouvait avoir ce disque-là. L’introspection, le parlé-chanté, ce n’est plus jouable. J’avais envie d’impuretés, d’artifices, de claviers rigides un peu pourris, à rebours du tout venant acoustique dont on nous rabat les oreilles. La Musique est vendu avec un disque plus expérimental en complément, qui s’appelle La Matière. C’est un thème qui me fascine : l’idée de la dématérialisation du contact physique liée à l’arrivée d’Internet dans nos vies. » sois le bienvenu, Dominique @.
CHERCHEZ L’INSTRU THE B-SUITE
(ED BANGER / BECAUSE)
Parmi les plus beaux instrumentaux printaniers, relevons la « suite en si » de ce jeune protégé de Pedro Winter. Le Marseillais étire sa note singulière le long de quatre mouvements électro-cuivrés, striés de beats tournicoteurs. Vous n’y croyez pas ? Mais si. _A.T.
LE TRÉSOR CACHÉ BI
DE FRENCH (LES DISQUES BIEN)
Chez French, les chansons sont toujours à la hauteur de leur titre. Ça tombe bien, on en a rarement croisé de si altiers : Je penche du côté je vais tomber, La Vénus démolie, Tu es partout (surtout partie), L’alter m’est bien égal, etc. Des titres justes, jamais juste tristes, qui disent tout de l’art de François Gallet (son vrai nom), sa science de la chute ricochée, du rebond traitre. Dans Bi, troisième album sorti ces jours-ci, il y a deux galettes (un disque homogène, l’autre hétéroclite), des bijoux boisés, des bisous biaisés et bien d’autres bienfaits. Qui m’aime me fait suivre, dit l’un d’entre eux : vous feriez bien de l’écouter – à plus d’un titre. _A.T.
_par A.T.
CD TOGETHER THROUGH LIFE
DE BOB DYLAN
(COLUMBIA)
« Il n’y a rien au-delà d’ici » cingle le Zim’, voix de cendre, cœur calciné, sur cet album en forme de périple existentiel. sur le rétroviseur défilent James Joyce, flonflons cajuns, blues mortuaire et fragments amoureux. Dylan à son meilleur.
AROUND ROBERT WYATT DE L’ORCHESTRE NATIONAL DE JAZZ (BEE JAZZ)
Entouré de voix amies (Camille, rokya traoré, Daniel Darc…), le duo Artaud / Yvinec explicite les assonances entre jazz et Wyatt, dont le timbre libre et fluté enchante quatre morceaux de ce tribute-album impressionniste.
TOUCHDOWN
DE BRAKES
(FAT CAT)
À ne pas confondre avec the Brakes, the rakes ou star trek, les Anglais de Brakes signent un merveilleux troisième album, braquant les déflagrations bruitistes des Pixies sur la sincérité et les mélodies de Belle & sebastian. touché.
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Photo : © Charoy
82 LE BOUDOIR /// BIBLIOTHÈQUE
PLACArD À BALLETS BENOîT DUTEURTRE, L’hOMME SANS âGE En revenant sur le scandale des « ballets roses », vieille affaire de mœurs qui a accompagné la naissance de la Cinquième République, BENOÎT DUTEURTRE continue son exploration nostalgique de la « France d’avant », celle des années 1950. Portrait d’un écrivain décalé. _Par Bernard Quiriny
Avec ses cheveux en bataille et son allure d’éternel À l’époque, c’est un scandale (certains journalistes adolescent, Benoît Duteurtre donne un peu la même l’accusent carrément de révisionnisme), qui lui vaut impression que ses livres : on dirait qu’il n’a pas d’âge, l’admiration d’un cercle de lecteurs séduits par son ou plutôt qu’il est à l’aise dans toutes les époques, impertinence, ses enthousiasmes et sa manière de la sienne mais aussi les précédentes, qu’il ne pas s’en laisser conter par les discours cherche à reconstituer à travers leurs pré-formatés que l’époque tient sur elleimages, leurs histoires ou leurs musiques. même. C’est ce mélange de scepticisme Voici quelques mois, dans Les Pieds dans et de passion qui l’a rapproché par la suite l’eau, il explorait ses souvenirs d’enfance d’auteurs comme Philippe Muray, François (les vacances à étretat) et sa généalogie taillandier ou Lakis Proguidis (avec qui il (il est l’arrière-petit-fils du Président Coty, anime la revue L’Atelier du roman), et qu’il locataire de l’Elysée de 1953 à 1958) pour injecte dans des romans où, à la façon décrire le crépuscule de la France d’avant, d’un La Bruyère new-look, il met en scène que balayera au tournant des années 1960 les caractères de notre société, du patron l’entrée dans la modernité gaulliste. Ce goût rapace au bobo hypocrite. pour l’histoire et le parfum des époques Ballets roses, son nouveau livre, retrouve révolues, on le retrouve dans ses marottes la veine plus nostalgique et distanciée des musicales, comme l’opérette et l’opéraPieds dans l’eau et replonge dans ces comique qu’il s’efforce de faire découvrir années 1950 qui le fascinent tant. Le texte dans ses émissions sur France Musique. a été conçu pour la collection « Ceci n’est Benoît Duteurtre, Ballets Pour autant, Duteurtre n’a rien d’un passéiste : roses, les dessous de mai pas un fait divers », basée sur des histoires vraies. Après Philippe Besson (sur l’affaire ce jeune homme de 49 ans est parfaitement 1958 (Grasset) Grégory) ou Didier Decoin (sur l’assassinat de son temps, à ceci près qu’il refuse de considérer qu’une chose est bonne parce qu’elle est de Kitty Genovese à New York, en 1964), Duteurtre s’est récente. Appliqué à la musique, ce rapport critique à lancé dans l’aventure avec un choix tout naturel pour la modernité lui a inspiré en 1995 le célèbre Requiem lui : les « ballets roses », une affaire d’attouchement pour une avant-garde, pamphlet retentissant dans sur mineures qui a défrayé la chronique en 1958, lors du changement de république, et dans laquelle lequel il déboulonnait quelques idoles de la musique s’est trouvé impliqué un personnage éminent, l’ancien contemporaine, notamment l’intouchable Boulez.
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« UNE GALERIE DE PERSONNAGES TOUT DROIT SORTIS D'UN ROMAN DE MODIANO. » Président de l’Assemblée Nationale André Le troquer. À la manière d’un enquêteur, Duteurtre reconstitue l’itinéraire de ce self-made-man socialiste sur le retour, ancien résistant, pilier de la vie parlementaire sous la Quatrième et Don Juan doté d’un appétit sexuel incontrôlable. À tel point qu’il ne résiste pas lorsque l’inquiétant Jean Merlu, ex-flic reconverti dans l’organisation de parties fines, lui propose des cinqà-sept avec de jolies demoiselles à peine nubiles… Plus que le récit d’un fait divers politico-sexuel, Ballets roses est une évocation passionnante des années 1950, depuis les sphères du pouvoir jusqu’aux milieux louches, avec une galerie de personnages interlopes tout droit sortis d’un roman de Modiano. À travers la chute pathétique d’André Le troquer, Duteurtre reconstitue magnifiquement le parfum disparu de ces années-là, celui de « ce monde en noir et blanc si proche et si lointain, juste avant les bouleversements de notre modernité ».
LE CINÉ LIVRE LES FILMS DE SCIENCE-FICTION DE MICHEL CHION (CAHIERS DU CINÉMA)
De Godzilla à Terminator, en 400 pages et autant de photos, l’auteur nous embarque pour un sidérant voyage dans le temps et l’espace d’un genre clivé entre séries Z, blockbusters et avant-garde. Un cinéma hyper-visuel, à forte portée ludique et métaphorique. _J.R.
LE COUP DE CŒUR DE LA LIBRAIRE UN DON
DE TONI MORRISON (CHRISTIAN BOURGOIS, ROMAN TRADUIT DE L’ANGLAIS)
Avec ce neuvième roman, toni Morrison, Prix Nobel de littérature en 1993, poursuit son projet fictionnel de dénonciation de l’esclavage et des difficultés d’être AfroAméricain. Maryland, le Nouveau Monde, à la fin du XVIIème siècle. Une ferme isolée où se mêlent les destins de femmes, et leurs voix, notamment celle de Florens, fille renvoyée par sa mère afin de la sauver – nouvelle variation des relations mère-fille chères à l’auteure. _Pascale Dulon, libraire au MK2 Bibliothèque
_par B.Q.
LIVRES L’OMBRE EN FUITE
DE RICHARD POWERS (CHERCHE-MIDI, ROMAN TRADUIT DE L’ANGLAIS)
Après La Chambre des échos, où il s’attaquait au fonctionnement du cerveau, l’Américain richard Powers, physicien de formation, continue de se passionner pour les vertiges de la techno-science avec ce superbe roman polyphonique.
ANDY WARHOL, LE DÉSIR D’ÊTRE PEINTRE DE MICHEL BULTEAU (LA DIFFÉRENCE, ESSAI)
Alors que l’exposition Le Grand Monde d’Andy Warhol bat son plein au Grand-Palais, Michel Bulteau, qui a fréquenté l’artiste dans les années 1970, explore toute son œuvre dans ce petit livre concis, admirablement écrit et magnifiquement illustré.
LA LETTRE E
D’AUGUSTO MONTERROSO (PASSAGE DU NORD-OUEST, JOURNAL TRADUIT DE L’ESPAGNOL)
Bibliomane loufoque qui compte parmi les secrets les mieux gardés d’Amérique du sud, Augusto Monterroso (1921-2003), vénéré par Italo Calvino, était un maître de la forme brève, comme en témoigne ce journal en forme de méditation sur la littérature. AVRIL 2009
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© Conrad Botes / Cornélius
84 LE BOUDOIR /// BD-THÈQUE
AU VITRIOL JOE DOG ET CONRAD BOTES, AGITATEURS DE LA BD SUD-AFRICAINE En Afrique du Sud, la fin de l’apartheid a coïncidé avec l’émergence d’une bande dessinée corrosive, graphiquement située entre Crumb, Pratt et Hergé. Entretien avec deux de ses fers de lance, au moment où la France les (re)découvre. _Propos recueillis par Joseph Ghosn (www.menstyle.fr)
Conrad Botes et Joe Dog sont les fondateurs de un auteur de BD. Bitterkomix, une publication périodique qui rassemble Bitterkomix est-il dès le départ, en 1992, un projet depuis le début des années 1990 leurs BD en prise politique ? directe avec l’Afrique du sud. L’Association vient d’en C.B. : Nos premières histoires ont tout de suite été publier une somptueuse anthologie, tandis que chez politiques, de manière quasi-automatique. Nous Cornélius sort Rats et Chiens, un recueil étions entraînés à faire cela – c’est ce qui d'histoires courtes et saisissantes dues correspondait le mieux à notre époque au seul Conrad Botes. Dans un noir et et à notre environnement. Nous n’avons blanc profond, ce dernier dresse de son pas voulu adopter de style trop abscons pays un portrait au charbon vitriolé – ou difficile. Nous avons préféré utiliser religion, racisme, violence, sexualité, tout des images qui parlent immédiatement y passe. Nous avons rencontré les deux aux gens, qui puissent être identifiées dessinateurs, lors de leur récent séjour facilement. Nous nous sommes servis de parisien. l’attrait de la BD pour mieux attaquer, et Comment avez-vous débuté en bande choquer. dessinée ? J.D. : Au lieu de les situer à New York, nous Conrad Botes : Nous avons commencé avons voulu dessiner des histoires se par étudier ensemble à l’université, en déroulant chez nous, que nos compatriotes 1988. Je voulais faire des études d’art, puissent reconnaître immédiatement et mais mes parents étaient contre, ils Conrad Botes - Rats lire dans leur langue. Nous nous sommes auraient voulu que je travaille dans une et chiens (Cornélius) confrontés à ces sujets sociaux et politiques Anthologie - Bitterkomix pour sortir de notre société patriarcale, agence de pub ou quelque chose du (L’Association) pour échapper à notre milieu fermé, genre. Joe et moi avons alors commencé à dessiner ensemble, à publier nos premiers fanzines. encadré par l’état et l’église. Les réactions furent Joe Dog : À l’université, nous avons étudié le design et immédiates, bien que limitées – nous n’avions imprimé l’illustration. C’est ce dernier cursus qui m’intéressait que 1000 exemplaires du premier numéro… Plus tard, nous nous sommes montrés plus agressifs, attaquant parce que je savais que je voulais faire des bandes dessinées dès mon plus jeune âge. Cependant, j’étais les institutions de manière plus frontale, choquant nos parents, notamment en dessinant des histoires bien conscient qu’en Afrique du sud, il n’y avait aucune culture de la bande dessinée, qu’il était difficile d’être ouvertement pornographiques.
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« NOUS NOUS SOMMES SERVIS DE L’ATTRAIT DE LA BD POUR MIEUX ATTAQUER, ET CHOQUER. »
LA RÉEDITION
Bitterkomix a-t-il changé depuis ces premiers numéros ? C.B. : Nous sommes partis de l’idée de changer la politique et la culture de notre pays pour aboutir à des travaux plus personnels, qui ne sont plus typiquement sud-africains. J.D. : La plus grande évolution est celle qui nous a menés à considérer des sujets plus vastes que nousmêmes. Par exemple, j’ai commencé par faire des histoires sur mon père, ce qui m’a valu de me fâcher avec lui, pour, finalement, aborder des thématiques plus politiques, plus allégoriques aussi. À la fin de l’apartheid, on nous a demandé si nous allions arrêter de dessiner, mais les choses sont loin d’être aussi simplistes et tranchées. Nous continuons à travailler, car notre société est loin d’être idéale.
L’ALBUM JEUNESSE
LA VIE EST BELLE MALGRÉ TOUT
Le Canadien seth est un maître des BD atmosphériques. Cette réédition le met en scène à la poursuite d'un dessinateur inconnu. Introspection, ligne claire, moments élégiaques : un roman graphique fragile et précieux. _J.G.
IL PLEUT DES HAMBURGERS DE JUDI ET RON BARRETT (ÉCOLE DES LOISIRS, POUR LES 5-7 ANS)
Comme disait le poète, « il pleure dans mon cœur comme il pleut… des hamburgers ! » Et oui, dans la minuscule ville de ratatouille, il n’y a pas de magasin d’alimentation, puisque la nourriture tombe du ciel. Mais avec la météo, il faut toujours se méfier. Quand le temps se détraque, les spaghettis étranglent la ville, tempêtes et orages mettent tout sens dessus dessous. Attention à l’indigestion mais surtout à ne pas se faire écraser par une boulette de viande ou une crêpe géante. Et même si c’est Grand-Père qui vient d’inventer ce conte, la colline enneigée nous semble alors nappée de beurre, dégageant une bonne odeur de purée. _Sophie Quetteville, libraire au MK2 Quai de Loire
_par J.G.
BD AEIOU
DE JEFFREY BROWN (EGO COMME X)
suite de l’autobiographie amoureuse de l’Américain Jeffrey Brown. Comme les précédents Clumsy et Unlikely, AEIOU est un bijou minimaliste et elliptique, comme une chanson de Pavement transformée en roman graphique. très attachant.
DANS MES YEUX
DE BASTIEN VIVES
(KSTR)
Après Le Goût du chlore, Vivès poursuit son exploration du genre amoureux en caméra subjective : tout y est vu à travers le regard d’un garçon sur une fille. L’auteur dissèque tout : leur rencontre, leurs jeux, leurs questionnements… Beau à pleurer.
GRINGO
DE OSAMU TEZUKA (KANA)
Œuvre tardive de tezuka, réalisée dans les années 1980, Gringo est une étrange somme de son travail, questionnant l'identité nippone à travers l’histoire d’un salaryman expatrié. Une fiction picaresque et haletante, au dessin qui ne faiblit jamais.
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DE SETH
(DELCOURT)
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86 LE BOUDOIR /// LUDOTHÈQUE
LA VOIX DU SAMURAI LES TORTURES NINJAS D’AFRO SAMURAI Adapté d’un manga culte qui mixe blaxploitation et sabres nippons, le jeu Afro Samurai nous fait visiter un Japon médiéval où les ninjas s’envoient des SMS. En guise de guides audio : Samuel L. Jackson et RZA. Fume, c’est du bon. _Par étienne Rouillon
Le multimédia a trouvé son chevalier servant : Afro faux pas qui fera tiquer les adeptes ? Que nenni. Samurai est le Graal des cultures périphériques. C’est Irréprochable et surprenant, le titre rend hommage à d’abord un manga OVNI, créé en 1999 par le Japonais la fine lame. La jouabilité tranchante des combats au takashi Okazaki. Dans un Japon médiéval uchronique, katana s’avère jubilatoire. Marqué par un cell-shading la BD conte l’histoire d’un virtuose du chiadé, le style graphique s’inspire du coutelas au look d’Huggy-les-bons-tuyaux, style vaporeux des estampes japonaises. mû par le désir de venger son père tué Quant à l’absence de tout indicateur à pour une histoire de chiffons, ou plutôt l’écran, elle sert l’ambiance des niveaux, de bandeaux, qui ceignent le front des très soignée. Vraie réussite, Afro Samurai meilleurs samouraïs. En 2007, la légende est simple et funky. Au micro, on retrouve est adaptée avec brio sur petit écran le duo Jackson / rZA, échappé du septième en une série de cinq épisodes animés. art : jamais, peut-être, la bande-son d’un Aujourd’hui culte, cette adaptation tV est titre n’eut autant d’impact sur l’expérience portée à bout de langue par le bagou de du joueur, exacerbant son sentiment son narrateur, samuel L. Jackson. La gouaille d’invincibilité. Une ivresse phonique qui haut perchée de l’acteur s’enchâsse dans vous fait prendre tous les risques avec un écrin hip-hop ciselé par rZA, membre la morgue d’un maître du cool. L’intrigue fondateur du Wu-tang Clan et baguette suit la progression par épisodes. Les avoir de partitions cinématographiques sans vus avant de presser la gâchette est un fausses notes (Ghost Dog, Kill Bill volumes 1 plus. Jouer à Afro, c’est devenir à son tour Genre : Beat’em all et 2). Chansons de gestes martiaux contées le metteur en scène d’un drame vengeur Éditeur : Atari par des ninjas du verbe (talib Kweli, Plateforme : PS3, Xbox 360 qui enfle au rythme des têtes coupées, avant un final qui conclut le propos de Q-tip), les titres de l’album Afro Samurai manière inédite. marient l’impensable : les beats de la côte Est américaine et l’éclat sanguin du soleil levant. Beat’em all classique, mâtiné de séquences de plateforme qui rappellent celles du dernier Prince Of Persia, Afro Après un manga, un dessin animé et un disque, Afro Samurai est jugé comme ses pairs sur deux éléments : Samurai éventre donc aujourd’hui la sphère vidéoludique. 1) la bravitude des boss de fin de niveau ; 2) sa La franchise vit avec une épée de Damoclès sur la capacité à nous faire oublier la répétitivité inhérente tête : attendu au tournant, le jeu vidéo serait-il le premier
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« JAMAIS LA BANDESON D’UN TITRE N’EUT AUTANT D’IMPACT SUR L’EXPÉRIENCE DU JOUEUR. »
L’ADAPTATION CINÉ
au genre (coupe-coupe, et recoupe). résultats : 1) nous avons eu les larmes aux yeux lors de l’affrontement entre le ghetto samurai et son vieux frolo Jinno, séquence qui entre au panthéon des morceaux de bravoure du jeu vidéo ; 2) la grande qualité graphique du titre, qui reproduit avec exactitude le style de l’animé, fait rimer routine meurtrière déambulatoire avec « Encore ! Encore ! ». Un jeu à défaire et refaire pour débloquer de vrais bonus de fin : un générique qui vaut à lui seul le coup d’œil, l’accès à la playlist imparable. Afro est affreux, certes réservé à un public adulte*, mais démembrer, énucléer ou mammectomiser n’a jamais été aussi classe. Yes, it can.
L’ACCESSOIRE
*Parents, afin de nous épargner un nouveau vent de panique médiatique, nous vous le disons prosaïquement : un jeu interdit aux moins de 18 ans n’est pas indiqué pour occuper votre portée le mercredi après-midi.
WANTED, LES ARMES DU DESTIN (WARNER INTERACTIVE, SUR PC, PS3, X360)
Wanted a ressuscité les gunfights au cinéma. Ce jeu de tir fait honneur au film de timur Bekmambetov. La jouabilité exploite habilement le postulat balistique suivant : les balles n’observent pas nécessairement une trajectoire rectiligne. Carton plein. _E.R.
LES BASKETS MÉGAMAN DISPONIBLE SUR WWW.STORE.PUMA.COM
La meilleure façon de marcher, c’est encore celle de Mégaman. En 1987, sur Nes, le robot de Capcom mets les pieds dans le plat du jeu vidéo de plateforme. Depuis, rares sont les successeurs qui lui arrivent à la cheville. Puma édite les baskets 917 Lo Mega ! aux couleurs osées du héros de nos mercredis après-midi. Pour une cinquantaine d’euros, vous pourrez chausser les pompes de celui qui tire au fusil dans des chaussetrappes pixellisées. En attendant les ballerines Lara Croft, avec des souliers comme ceux-là, on est vernis. _E.R.
_par J.R. et E.R.
JEUX EMPIRE : TOTAL WAR (SEGA, SUR PC)
Adoubé par le magazine Historia, loué par les despotes éclairés du jeu de stratégie, ce volet de la série épique nous plonge dans la mappemonde de l’effarant XVIIIème siècle. Escarmouches chez les Iroquois, canonnade à Gibraltar, jusqu’à 6000 unités sur votre écran. total et historique.
EAT LEAD : THE RETURN OF MATT HAZARD (D3 PUBLISHER, SUR PS3, X36O)
Un curieux sous-titre pour cette parodie qui signe le retour de Matt, ancienne gloire du jeu vidéo, déchue par les suites sans succès et les produits dérivés. Ça ne vous dit rien ? Logique, il s’agit d’une bonne excuse pour revisiter vingt ans de clichés vidéoludiques dans un pot pour rire complètement barré.
GRAND THEFT AUTO : CHINATOWN WARS (ROCKSTAR, SUR DS)
La série interdite aux moins de 18 ans débarque sur console familiale, sans perdre l’interactivité et les plaisirs simples (voler / dealer / tuer) qui ont fait son succès. Mêlant la vue plongeante des débuts à la fluidité graphique d’aujourd’hui, la version Ds s’infiltre dans la triade. Libérateur.
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88 TRAIT LIBRE
SAINT-KILDA, Les Esprits d’Hirta de Pascal Bertho et Chandre, Éditions emmanuel Proust, sortie le 20 mai. Depuis mille ans, la société de Saint-Kilda vit en autarcie sur un archipel au large de l’écosse. En 1860, Darius Kingley, jeune étudiant londonien, est envoyé sur l’île pour y mener une étude naturaliste. Peu à peu, il découvre les mœurs étranges de la communauté et réalise que le guide spirituel de Saint-Kilda maintient volontairement les habitants dans l’ignorance du monde extérieur… Pour ce premier tome, Pascal Bertho, scénariste de Chéri Bibi, pose sa plume sur les peintures à la gouache de Chandre, qui, entre falaises brumeuses et mer houleuse, créent une ambiance romantique très singulière.
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hOLLYWOOD STORIES // GRANDES ET PETITES hISTOIRES DU CINÉMATOGRAPhE 89
HOLLYWOOD ANNÉE ZÉRO Premier épisode de notre feuilleton sur les débuts d’Hollywood, conté par l’historien et philosophe MARC CERISUELO. Où l’on découvre qu’Edison, non content d’avoir inventé l’ampoule, éclaira l’avènement des premières étoiles hollywoodiennes…
ÉPISODE 1, SAISON 1 ET LA LUMIÈRE FUT. On ignore souvent, au pays des
© roy Export sAs.
frères Lumière, que thomas Edison inventa le cinéma (deux brevets en 1892 et 1894) ; mais le kinétoscope n’est pas le cinématographe, Edison n’avait pas pensé au projecteur, contrairement à Louis Lumière qui, le premier, rassembla un public autour d’un écran, si l’on veut bien oublier la Caverne de Platon ou les fantasmagories de robertson dans le Paris de la fin du XVIIIème siècle. On ne sait pas davantage, ici ou ailleurs, que thomas Edison fut bien involontairement à l’origine d’Hollywood. L’industrie cinématographique ne s’installa vraiment sur la côte Ouest des états-Unis qu’à partir de 1913. Avant cette date, on tournait les films à New York, surtout dans le New Jersey et aussi à Chicago. On trouvait bien quelques studios pionniers, comme ceux de William selig, qui ouvraient dès 1907 en Californie, mais il fallut attendre 1910 et l’arrivée de Griffith, puis de Carl Laemmle pour que commence vraiment l’aventure. Futur fondateur d’Universal, Laemmle, « oncle Carl » pour ses employés, fut le premier, parmi les «moguls» et autres « tycoons » à venir, à tirer les leçons pratiques de la terreur exercée sur la concurrence par Edison et son trust.
EDISON LE GLAS. Car l’inventeur de l’ampoule électrique était tout sauf un illuminé. Homme d’affaires autant que de sciences, il avait tout simplement interdit à quiconque d’utiliser un matériel autre que le sien tant au tournage qu’à la projection. son association avec Eastman lui donnait aussi le monopole sur la pellicule. À cette époque en Amérique le cinéma s’épelait EDIsON et qui n’était pas avec lui – au sein de la MPPC (Motion Picture Patents Company) – était contre lui. Or les futurs fondateurs d’Hollywood n’étaient pas entrés dans le monde du cinéma par la porte de la production, mais par celle de l’exploitation. À New York, Boston et Philadelphie, les Zukor, Meyer et autres Warner ont tous commencé la même année (1904) en ouvrant des espaces qui devinrent peu à peu des salles, les seuls endroits, expliquait l’ancêtre de l’un d’entre eux, « où l’on paie avant d’avoir vu la marchandise »…
LES LUMIÈRES DE LA VILLE. Mais ces exploitants en avaient plus qu’assez des diktats et des oukazes de la MPPC ; de devoir faire le coup de poing avec les sbires d’Edison qui venaient saisir ou casser le matériel « illicite ». Ou attendre des semaines de la pellicule quand ils s’aventuraient dans la production. Voilà pourquoi, insensiblement, ces jeunes gens eurent l’idée eux aussi d’aller vers l’Ouest, et de grandir avec le pays, hors de portée des édisonniennes bastonnades. Bientôt, en 1915, le trust serait dissous et ils n’auraient plus rien à craindre. Encore un pas et ils seraient les maîtres. Chaque mois, chaque semaine de la Grande Guerre verrait Hollywood, avec Griffith, DeMille, sennett et Chaplin, détrôner inlassablement, sûrement et définitivement le cinéma français de Gaumont et Pathé (vieille histoire) qui était en ces temps glorieux la première du monde. Mais ceci est une autre histoire… Deuxième épisode à suivre le mois prochain dans Trois Couleurs AVRIL 2009
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90 SEX TAPE // L’INSTANT éROTIQUE
sEXE SUR PÂTE
La vie manque de mode d’emploi. Le Sens de la vie pour 9.99$ regorge d’appartements, autant de possibilités parmi lesquelles niche une gorge profonde : la blonde tatiana, machine sexuelle surclassée, rencontre son voisin Lenny, un lénifiant playboy. Pour ces jeunes oiseaux, nul besoin de pilule bleue. Ils sont beaux, ils aiment partager un steak saignant et les corps-à-corps. Mais la lubricité de tatiana n’a pas de limite. On ne révèlera pas ici tous les secrets de leur hôtel particulier. Disons seulement que le mystère rime avec absence de pilosité, ce qui, pour des poupées de pâte à modeler, ne manque pas de sel. se raser de près, d’accord, mais jusqu’où nous mène cette recherche de la douceur ? Les arcanes de l’amour sont définitivement impénétrables... _Donald James Le Sens de la vie pour 9.99$ de Tatia Rosenthal. Sortie le 29 avril.
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