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MAI 2009
SPÉCIAL CANNES
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CINéMA CULTURE TECHNO
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MARTIN SCORSESE DE
L’APPRENTI À L’AFFRANCHI
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avant - propoS by
martin SCORSESE
« There’s so much left to discover in the history of cinema. This may seem like an obvious notion, but it’s worth repeating. There are the titles that we believe to be lost that are miraculously found, from Borzage’s Lucky Star to the original version of Metropolis. There are movies that have become difficult to see for a period of time, like Hitchcock’s Universal titles – when we were finally able to view them again, they were revelatory experiences. There are movies that suddenly reappear as if by accident, like Rowland Brown’s three extraordinary pictures from the 30’s. There are the movies that arrived late here in the West: from Japan, Ozu in the early 70’s, Naruse in the 80’s, and Shimizu in the 90’s all felt new to us. And, of course, there are the films we keep going back to, films with which we develop a history. Every viewing is a new experience. In a sense, we all write our own history of cinema. And every picture informs our experience of every other picture, of the way we look at the evolution of movies. Over the last few years, I’ve become increasingly conscious of cinema from all over the globe – from Korea, from Central Asia, from Argentina and Mali. We’ve all known that the history of film was a more complicated story than the one we learned in the 50’s. To experience this shift has been a source of wonder. Almost 30 years ago, we started The Film Foundation in order to encourage the studios and the archives in the United States to work together in the preservation and, when needed, the restoration of American cinema. A lot has been accomplished: most of the studios have a preservation program in place. The Film Foundation has restored 500 and counting. The work is constant, and so is the sense of urgency. As time went on, I realized that there was a need for assistance in nations with little money to spare on the creation and maintenance of a functioning archive. A few years ago, we started another organization called the World Cinema Foundation. Thus far, we’ve restored and presented nine titles, through Gian Luca Farinelli at the Bologna Film Archive, from Morocco, Senegal, Turkey, Ethiopia, South Korea, Taiwan, Mexico, Egypt and Sweden, with two more in progress from Romania and Brazil, and we’re spearheading an initiative to build an archive in Mali. Some of these, like Ahamed El Maanouni’s Trances or Chadi Abdel-Salam’s Al-Momia or Edward Yang’s A Brighter Summer Day, are pictures I’ve always loved. Others, like Kim KiYoung’s The Housemaid or Redes, a film made by Fred Zinnemann and Emilio Gómez Muriel in Mexico in the 30’s, were new to me and to many others as well. Again, the work is constant, the situation urgent. I was recently asked to reflect on the question of why film preservation is important. I wondered, how could it not be? No one questions the preservation of painting or literature or music, and they should no longer question the preservation of cinema. The ongoing stewardship of every art form is fundamental to the life of all cultures, and to the formation of a meeting ground between cultures. But it’s also important to remember the unique properties of cinema as a recording medium. Right from the start, it has offered us something rare: the power of vision and the ability to witness the world as it shifts and changes – who we were, who we are, who we could be. Sometimes all in one image. So film preservation isn’t just important. It’s essential. » Martin Scorsese (May 7, 2009) Retrouvez en V.F. et en intégralité le texte de Martin Scorsese sur mk2.com
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ÉDITEUR MK2 MULTIMÉDIA 55 RUE TRAVERSIÈRE_75012 PARIS 01 44 67 30 00
SoMMaIrE # 71
Directeur de la publication & directeur de la rédaction Elisha Karmitz (elisha.karmitz@mk2.com & troiscouleurs@mk2.com) Rédacteur en chef & chef de rubrique « culture » Auréliano Tonet (aureliano.tonet@mk2.com) Chef de rubrique « cinéma » Sandrine Marques (sandrine.marques@mk2.com) Chef de rubrique « technologie » étienne Rouillon (etienne.rouillon@mk2.com) Création et design de la nouvelle formule Sarah Kahn (sarah.kahn@mk2.com) Directrice artistique Marion Dorel (marion.dorel@mk2.com) Maquette Louise Klang Stagiaire Raphaëlle Simon Ont collaboré à ce numéro Hubert Artus, Ève Beauvallet, François Bon, Marc Cerisuelo, Michel Ciment, Pascale Dulon, Clémentine Gallot, Joseph Ghosn, Jacky Goldberg, Anne-Laure Griveau, Florian Guignandon, Donald James, Jérôme Momcilovic, Wilfried Paris, Bernard Quiriny, Juliette Reitzer, Adrien Rohard, Léo Soesanto, Bruno Verjus, Anne-Lou Vicente, Michael Henry Wilson Illustrations Laurent Blachier, Dupuy & Berberian Photographie de couverture Nicolas Guerin / Corbis Photographes Raphaël Duroy (rubrique « Alter gamo ») Nicolas Guerin / Corbis (dossier Martin Scorsese, rubrique « Fakebook »), Renaud Monfourny (rubrique « In Situ »), DR
3 AVANT-PROPOS BY MARTIN SCORSESE 7 éDITO 10 COUP POUR COUP > Philippe Vandel 12 SCÈNE CULTE > Raging Bull 14 PREVIEW > Notorious B.I.G.
Publicité Responsable clientèle cinéma Laure-Aphiba Kangha 01 44 67 30 13 (laure-aphiba.kangha@mk2.com) Directeur de clientèle hors captifs Daniel Defaucheux 01 44 67 68 01 (daniel.defaucheux@mk2.com)
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16 LES NEWS 17 CLOSE-UP > Ashton Kutcher 18 LE K > Totò qui vécut deux fois 20 KLAP ! > Persécution 22 INTERVIEW MOT-NOMANIAQUE > Ken Loach et éric Cantona 24 FIGURES DE STYLE > Millénium, le film 26 LE PROFIL FAKEBOOK DE… > Quentin Tarantino 28 UNDERGROUND > Ebony Bones 30 IN SITU > Riad Sattouf 32 LE BUZZLE > Bananaz 34 AVATARS > Le Parrain 2 36 BATTLE ROYALE > Philips vs Samsung
38 LE GUIDE 40 SORTIES CINé 52 SORTIES EN VILLE 62 LA CHONIQUE DE DUPUY & BERBERIAN
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DOSSIERS
64 MARTIN SCORSESE 74 FESTIVAL DE CANNES 2009
85 LE BOUDOIR 86 DVD-THÈQUE > La Chine d’Antonioni 88 CD-THÈQUE > Bob Dylan 90 BIBLIOTHÈQUE > Antoine Chainas 92 BD-THÈQUE > Dan Clowes 94 LUDOTHÈQUE > X-Men Origins : Wolverin 96 COMIC-STRIP > Gitans 97 HOLLYWOOD STORIES > Hollywood année zéro 98 SEX TAPE > Les Beaux Gosses
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édIto
Woodstock TOC TOC
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Un festival peut en cacher un autre. Alors que s’ouvre la 62ème édition cannoise, quarante ans plus tôt, on célébrait la grande messe de Woodstock pour la première fois. Rencontre de l’avant-garde musicale et exaltation des pulsions primitives, ce rassemblement hors du commun n’emblématise pas seulement la contre-culture hippie des années 1960. Il résonne aussi avec le tout premier film de Martin Scorsese, Who’s That Knocking at My Door ?, qui fait ce mois-ci l’objet d’une ressortieévénement dans les salles françaises. Œuvre de jeunesse sauvage et expérimentale, ce film percutant pose les jalons des grandes obsessions de l’auteur américain : la musique, la religion catholique, la cinéphilie… Who’s That Knocking… s’inscrit de plain-pied dans le Nouvel Hollywood, constellé d’auteurs bien décidés à bousculer les conventions, à l’instar des anticonformistes chevelus de Woodstock. Bien avant Ang Lee et sa fiction très attendue, Taking Woodstock, en compétition officielle à Cannes cette année, le festival hippie fut immortalisé par un documentaire fleuve, sorti en 1970, monté par pas moins de sept techniciens. parmi eux, le jeune Martin Scorsese et Thelma Schoonmaker, la compagne de Michael Powell. Devenue depuis la fidèle complice de travail de Scorsese, elle se charge du montage du premier long métrage du débutant. La boucle est bouclée. Le 1er mai dernier, en pleine ébullition, la rédaction reçoit un coup de téléphone. Au bout du fil… le bureau de Martin Scorsese. Le cinéaste est enthousiaste à l’idée de s’exprimer dans nos pages. Il tient à communiquer sur sa Fondation pour la restauration des films, sa grand-œuvre, en parallèle de ses chefs-d’œuvre. Il va d’ailleurs faire le déplacement sur la Croisette pour la représenter. Dans le texte qu’il a rédigé pour nous, le maestro rappelle « la spécificité du cinéma comme vecteur du souvenir », qui « depuis ses débuts témoigne du monde, de ses mues et bouleversements, et donne un regard inédit sur ce que nous avons été, ce que nous sommes, ce que nous pourrions devenir. » À l’image de Scorsese, apprenti devenu affranchi au fil de sa filmographie.
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_Sandrine MARQUES
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© aurélia blanc / m6
COUP POUR COUP /// TAPAGE, RATTRAPAGE, DéCRYPTAGE
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mettre fin À UN TABOU L’AGITÉ DU BOCAL «Suppression de la publicité», «restructuration de France Télévisions », «réforme de l’audiovisuel public » : les expressions valsent. Et après ? pHILIppE vandEL présente PIF PAF sur Paris Première. Spécialiste ès télévision, il sait l’allumer. Interview-bilan. _Propos recueillis par Adrien Rohard
Il y a six mois, que pensiez-vous de cette réforme ? Je n'y croyais pas du tout ! Pas au 1er janvier 2009 en tout cas... Quand je fais une erreur, je la reconnais, et je peux le dire aujourd'hui : je pensais que ça se ferait, mais pas si vite. Le service public meurt donc plus vite que prévu... non, cette réforme est à mon sens une bonne idée ! ma seconde surprise est que le rapport de force privé / public n'a pas changé. il est normal que l'argent public aille au public, et que l’argent privé aille au privé. Je regrette même que le Parti socialiste n'y ait pas pensé avant ! [rires]
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Et si on dressait le bilan ? La question qui fait désormais débat, c'est le financement du secteur public, car la télé, c'est d'abord de l'argent. Les sommes promises à france télévisions ont été allouées. reste à voir si ça va continuer année après année, et on ne le sait évidemment pas. d'un autre côté, comme personne n'a été capable de prévoir la crise boursière, il était impossible de deviner que tf1 verrait ses revenus publicitaires baisser, contre toute attente ! Qu'est-ce qui va encore changer ? ce n’est pas un pronostic, mais un vœu. Je souhaite que le secteur public mette fin à un tabou, à une rente de situation. Les marques ne se font jamais attaquer à la télé ! Quand les multinationales de l’industrie alimentaire utilisent des produits chimiques ou dangereux dans leur produit, on ne les dénonce jamais directement, car les chaînes attaqueraient leurs propres annonceurs. donc si vraiment il n'y a plus de pub, j'aimerais que les Jt et les magazines osent parler de ce qui emmerde les gens au quotidien, qu'on critique ces produits qui ont tous les soirs des tribunes libres jamais contestées : la publicité.
PIF PAF, présenté par Philippe Vandel le samedi à 17h45 sur Paris Première.
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SCèNE CULTE /// RAGING BULL
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bête À CORNES LE PITCH après avoir mis k.o. tous ses adversaires, le « taureau du bronx» JakE La Motta (robert de niro) entame une phase de déclin destructrice. dans son délire paranoïaque, il en vient à accuser son propre frère Joey (Joe Pesci) du pire…
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JakE : Quand il s’agit de ma femme, je fais confiance à personne. dis-moi ce qu’il s’est passé. JoEY : Je te l’ai dit ! il a dépassé les bornes, je l’ai frappé. tommy a arrangé les choses, et voilà ! JakE : J’aime pas ce regard, Joey. J’ai pas d’autre choix que de te croire, mais si j’entends quoi que ce soit, je jure que je tue quelqu’un.
tommy, salvy, toi. tu t’es inclus dans le groupe. tu aurais pu citer n’importe qui, mais tu as parlé de toi, et d’eux. JoEY : tu laisses cette fille te gâcher la vie. t’es dingue. regarde ce qu’elle a fait de toi ! JakE : tu baises ma femme ? [« You fuck my wife ? » en V.O.] JoEY : Quoi ? JakE : tu baises ma femme ? JoEY : comment tu peux me demander ça ? Je suis ton frère, tu me demandes ça ? comment tu peux ?
JoEY : Va tuer quelqu’un, gros dur ! tue Vickie, salvy, tommy ! et tue-moi tant que tu y es ! c’est toi que tu tues en t’empiffrant comme ça, gros lard !
JakE : réponds.
JakE : Pourquoi je te tuerais ?
JakE : tu es très malin, Joey. tu m’as donné toutes ces réponses, mais tu m’as pas donné la bonne. Je vais te reposer la question. tu l’as fait ou pas ?
JoEY : tue-moi ! fais-moi plaisir, parce que tu me rends dingue ! c’est toi le meilleur, tu es un tueur ! JakE : Pourquoi je te tuerais ? JoEY : Qu’est-ce que ça veut dire ? JakE : tu sais pas toi-même ce que tu veux dire ? JoEY : Ça voulait rien dire ! JakE : si, ça voulait dire quelque chose. t’as parlé de
JoEY : Je ne réponds pas à ça. c’est stupide !
JoEY : Je réponds pas. c’est une question de malade et je suis pas assez malade pour y répondre. Je vais partir. Je vais pas rester dans cette maison de fou avec toi. tu me fais pitié. essaie de baiser plus et de manger moins. t’auras moins de problème au lit et tu t’en prendras moins à moi. tu comprends, espèce de taré ? tu perds la boule ! [il s’en va]
RAGING BULL Un film de Martin Scorsese. Scénario de Paul Schrader et Mardik Martin, 1980, DVD disponible chez MGM / United Artists.
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14 PREVIEW
NOTORIOUS B.I.G. Le parcours du génial rappeur newyorkais, de l’enfance aux deals de drogue, de la prison aux hit-parades (son premier album, Ready To Die, s’est écoulé à plus de 4 millions d’exemplaires). Une ascension fulgurante stoppée net en 1997 : biggie est assassiné, il a 24 ans. si la réalisation de GEorGE tILLMan Jr. n’évite pas les écueils du biopic à la sauce hip-hop (ralentis sur grosses cylindrées et bimbos peroxydées), elle bénéficie d’une bande-son et d’un casting impeccables. Produit par Voletta Wallace, maman du rappeur, le film propose en outre une version de l’assassinat de tupac (la star West Coast assassinée un an avant biggie) qui promet de relancer la polémique bien connue de tout amateur de hiphop… alors, plutôt East Coast ou West Coast ? _Juliette Reitzer
Sortie le 24 juin
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LES
NEWS
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SECOUEZ, AGITEZ, SAVOUREZ : L’ACTU CINÉ, CULTURE, TECHNO FRAÎCHEMENT PRESSÉE
CLOSE-UP Toy Boy était son surnom dans la presse people, au début de sa liaison avec son aînée Demi Moore. C’est aussi le titre du film dont aSHton kUtCHEr est l’acteur principal, le coproducteur et l’initiateur, prouvant qu’il est loin d’être un pantin. depuis ses débuts dans la série décalée That 70’s Show, l’acteur américain collectionne les rôles de beau gosse rustre et potache dans des comédies romantiques à succès, exception faite du plus sombre Effet papillon. avec Toy Boy, il incarne un séducteur manipulateur qui se fait rattraper par un alter-ego féminin. mais la belle gueule n’est pas dupe et sait jouer de son image, comme de celle des autres. investigateur d’émissions de téléréalité railleuses, il piège tantôt les stars dans Punk’d, tantôt les paparazzis dans Pop Fiction. Le jeune trentenaire a surtout su remporter la course au million de membres sur sa page twitter, devant le géant cnn… La sortie de Toy Boy le 8 juillet confirme par t+b qu’ashton kutcher n’est pas qu’un acteur plastique. _Raphaëlle Simon
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18 NEWS /// POLéMIQUE
IL Y A CEUX QU’ IL ÉNERVE ET CEUX QUI LE VÉNèRENT
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À la sortie de la projection, deux spectateurs discutent du film Totò qui vécut deux fois de danIELE CIprI et FranCo MarESCo…
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- Ça va tout de même loin dans la provocation ! Je ne suis pas sûr d’être à l’aise avec les scènes zoophiles ou la séquence cauchemardesque des sodomites. Quel intérêt ? - Gaffe ! Tu épouses le langage des censeurs de l’époque qui jugeaient le film « inutile et pervers ». À sa sortie en 1998, Totò a suscité une vraie bataille d’Hernani chez nos amis ritals. Le résultat ? L’abolition de la censure cinématographique en Italie. - Ça m’ennuierait de me ranger du côté de la censure, mais que faut-il retirer de ce film maniériste, à part un bel hommage au cinéma de Pasolini et Buñuel ? - Tu n’as pas été sensible à la dimension sacrée du film, à la beauté logée dans ces corps prolétariens ? - Franchement, pas vraiment. Entre l’obsédé sexuel, prêt à tout pour se payer les services d’une prostituée, la cupidité d’un inverti qui dépouille son amant sur son lit de mort, et le Messie qui jure comme un charretier, ces trois sketches m’ont tenu à distance. - L’idée, c’est de transcender ce réalisme cru, de lui conférer un caractère grotesque, ce que permet le noir et blanc sublime. Il y a une vraie dimension épique dans ces trois sketches. - C’est vrai que les cadres sont admirablement composés, presque fordiens. La séquence de la Cène, où les apôtres ne pensent qu’à bâfrer, est par ailleurs loufoque à souhait. - Même encore aujourd’hui, l’hostie sera dure à avaler pour certains !
> CaLé JOJO ce n’est pas une illusion d’optique : le duo Johnnie (to) et Johnny (Hallyday) s’associe dans l’électrisant Vengeance. dans la peau d’un ancien tueur à gages, Hallyday manie le gun comme un chef. Loin d’être affreux, les jojos.
>> déCaLé COCO chanel voit double. après anne fontaine qui l’habillait pour le bal des débutantes, Jan kounen la rhabille en femme fatale. Prêt-àporter ou haute couture, coco collectionne les biopics, taillés à la mesure de sa légende.
>>> rECaLé TOTO Le couple daniele cipri et franco maresco s’entête à ressusciter Totò, un faux Messie, dans le farfelu et blasphématoire Totò qui vécut deux fois. totò, l’acteur fétiche de Pasolini, n’attendait pas tel hommage.
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Distribution : ED // Italie, 1998, 1h35 // Sortie le 10 juin
LA RÉPLIQUE
«QUAND LES MOUETTES SUIVENT UN CHALUTIER, C’EST QU’ELLES PENSENT QUE DES SARDINES SERONT JETÉES À LA MER.» Éric Cantona dans Looking for Eric MAI 2009
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20 NEWS /// KLAP !
ZOOM SUR UN TOURNAGE
Les POSSÉDÉS LA TECHNIQUE
patrICE CHérEaU vient d’achever le tournage de Persécution, son dixième long métrage. Sur fond d’aliénation amoureuse, Charlotte Gainsbourg, Romain Duris et Jean-Hugues Anglade se livrent à un chassécroisé qui vire à l’obsession. dépendance affective, infidélité et jalousie : ces thèmes infusent le nouveau film de Patrice chéreau. filmé d’octobre à mars dernier à Paris, principalement la nuit, Persécution déroule un récit fiévreux, où les sentiments consument et dévorent les protagonistes. chez chéreau, on aime jamais bien, mais toujours trop. Parfois même jusqu’à l’anéantissement. cependant, la fin du film réserve un espoir, l’idée qu’on peut s’affranchir de l’autre et vivre sa vie. c’est daniel (duris) qui va subir cette transformation. Poursuivi au début du film par un inconnu (anglade) qui s’introduit par effraction chez lui, il persécute lui-même sonia (Gainsbourg), sa petite amie. réclamant d’incessantes preuves d’amour, il l’étouffe mais est incapable d’être fidèle. Quinze ans après La Reine Margot, chéreau retrouve son complice Jean-Hugues anglade : « Bien qu’ils se connaissent très bien, Patrice est très précautionneux avec Jean-Hugues, commente bruno Lévy, producteur du film. Il l’approche moins frontalement que les autres. » À propos de l’ambiance sur le plateau, bruno Lévy a noté que « les situations, dures et implicantes pour les acteurs, ont été tempérées par une distance qui a rendu les choses plus légères ». Quant à charlotte Gainsbourg, elle atteint avec ce rôle « une grâce absolue, toute en retenue et en puissance ». on l’aime déjà.
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_Par Sandrine Marques
LE STOP-MOTION
comme dans L’Étrange Noël de Mr. Jack, qu’il avait réalisé sur un scénario de tim burton, Henry selick a conçu Coraline en animation stopmotion, c’est-à-dire en filmant chaque scène image par image après déplacement des objets. chaque élément a été fabriqué et inséré à la main dans plus de 130 décors – fleurs de cerisiers en pop-corn peint, souliers issus de gants en cuir extra-fin de l’ère victorienne... Hautes d’une vingtaine de centimètres, équipées d’un mécanisme intérieur aussi complexe qu’une montre suisse, vingt-huit figurines en silicone ont été façonnées pour le seul personnage de coraline, qui dispose de 200 000 expressions faciales, contre 150 pour le démodé mr. Jack ! _Raphaëlle Simon Coraline d’Henry Selick. Sortie le 10 juin.
INDISCRETS DE TOURNAGE À l’affiche du prochain Michel Gondry, Seth Rogen incarnera le super-héros Le Frelon vert, épaulé par son valet Kato (Stephen Chow). Remake d’une série 60’s culte, le film devrait sortir à l’été 2010.
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Pour The Expendables, sa nouvelle réalisation, Sylvester Stallone s’entoure de gros bras (Rourke, Schwarzenegger…) en vue de renverser un dictateur sudaméricain… Tournage au Brésil, en salles début 2010.
Russell Crowe enfile le costume de Robin des bois dans le prochain film de ridley Scott. Le tournage a débuté en Angleterre avec Cate Blanchet et Vanessa Redgrave, pour une sortie au printemps 2010.
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22 NEWS /// INTERVIEW MOT-NOMANIAQUE
L’ENTRETIEN QUI PART DANS TOUS LES SENS (DU TERME)
Un anGe PASSE Que cela passe ou casse à Cannes, où l’atypique Looking for Eric est présenté en sélection officielle, le réalisateur kEn LoaCH et l’acteur érIC Cantona ont transformé l’essai de leur collaboration. Un gracile pas de deux pour une touchante histoire d’ange gardien chez les mordus du ballon rond, qu’ils nous résument en un mot : passe. _Propos recueillis par étienne Rouillon et Auréliano Tonet
Un film de Ken LOACH // Avec Steve Evets, Éric Cantona… // Distribution : Diaphana // France-GB, 2008, 1h59 // Sortie le 27 mai
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ooking for Eric fait l’éloge du collectif et de l’échange, tant au niveau social que footballistique. pourquoi avoir choisi le motif de la passe comme fil directeur ? ken Loach : Le film s’ouvre sur la phrase : « Tout a commencé par une passe d’Éric Cantona». Le film est né de son désir. c’est lui qui est venu me voir. au début, j’ai pensé que c’était une blague. L’idée était de faire un film sur sa relation avec les fans. si vous partez de là, cela peut vite devenir cliché. nous avons beaucoup échangé, et pour éviter cet écueil, nous sommes partis de quelque chose de plus spécifique : eric bishop, le personnage principal. Un homme perdu qui confie ses échecs à Éric cantona, dans un dialogue sorti de son imagination. éric Cantona : ken, même s’il est derrière sa caméra, fait passer beaucoup de choses sur le plateau : un esprit d’équipe, une complicité construite sur des années. sur le tournage, on ne joue pas seul, on doit être en constante réaction, comme sur le terrain. Le plaisir de faire une passe à un joueur qui marque, c’est une forme de générosité et de confiance en l’autre que l’on retrouve entre comédiens.
Le personnage principal peine à se défaire d’un passé qui le hante. En tant qu’artistes, comment gérez-vous le poids des ans ? E.C. : J’ai vécu des choses si intenses dans le football… Je pourrais me retrouver prisonnier de la nostalgie. bien sûr, je me retourne de temps en temps sur mon passé, mais, très tôt, j’ai essayé d’anticiper ma retraite footballistique, cet arrêt des montées d’adrénaline chaque semaine. La solution, c’est de développer d’autres passions, de rester constamment dans la création. k.L. : il faut vivre dans un état d’insatisfaction permanente, sinon on ne peut plus travailler. il n’est pas question d’être fier ou non de son travail, il s’agit d’aller de l’avant. Le jour où vous regardez en arrière, vous êtes déjà en train de reculer. eric bishop n’a pas réussi à devenir un père et n’a pas digéré son passé de jeune adulte. c’est resté un gosse qui va au foot, traine avec ses amis et se saoule. tout autour de lui se désagrège et il ne peut le percevoir à mesure qu’il coule. son ange gardien, incarné par Éric cantona, dit ce que bishop sait inconsciemment mais qu’il est incapable de formuler. Le film fonctionne comme un passage en revue de vos meilleurs moments : gestes et phrases les plus marquants pour éric, thèmes et personnages de prédilection pour ken (fragilité adolescente, solidarité prolétaire, mutations socio-économiques du royaume-Uni…). Qu’est-ce qui vous attire l’un chez l’autre ? E.C. : il y a certains réalisateurs dont vous regardez un film qui vous donne l’envie de voir tous les autres. ken Loach est de ceux-là. Je retrouve dans ses films une part de moi, ce à quoi j’aspire. Je crois qu’il y a autant d’œuvres que d’observateurs. si j’aime ken et ses films, c’est pour la même raison qui m’a fait partir jouer en angleterre. il y avait là-bas quelque chose que je n’avais pas et que j’ai trouvé au-delà de mes espérances. tout cela est très cohérent. k.L. : Éric a mis beaucoup de lui dans son football, de la créativité, de l’audace, de la passion. d’autres joueurs très talentueux ne communiquent pas cet engouement sur le terrain. on est allés voir un match ensemble, la réaction des gens autour était
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« QUELQU'UN QUI SAIT NATURELLEMENT FAIRE UNE PASSE SAIT DONNER LA RÉPLIQUE » extraordinaire. Pas seulement parce que c’est un grand joueur, mais parce qu’ils avaient une perception de lui comme personne humaine à part entière. c’était très émouvant. il y a un parallèle entre le jeu de cantona sur le terrain et sur un tournage. Je pense que quelqu’un qui sait naturellement attendre une passe sait donner la réplique. il faut attendre le bon moment pour répondre à celui avec qui vous jouez, trouver le bon tempo. Le danger, c’est d’en faire trop là-dessus. si vous en parlez avec les acteurs, cela tue la spontanéité de leur jeu. cela doit être instinctif. Looking for Eric dresse un constat en demi-teinte de l’état du football, en pleine dérive mercantile, voire mafieuse. Selon vous, ce sport traverse-t-il une mauvaise passe ? k.L. : Le football a beaucoup changé depuis qu’il a été racheté par des oligarques russes. ces hommes d’affaire ne sont pas des gens du foot. La dimension populaire du sport disparait. c’est triste. E.C. : L’argent dans le foot a fait plus de mal aux supporters qu’aux joueurs. Le plaisir du jeu, de gagner des titres est toujours là pour les joueurs. Par contre, beaucoup de supporters venant de milieux populaires ne peuvent plus aller voir les matchs. Les stades s’agrandissent et le prix des places augmente d’année en année. c’est une évolution qui ne va pas dans le bon sens. éric, vous jouez ici le rôle d’un coach intime et fantasmatique. passer le flambeau en devenant, par exemple, entraineur, c’est quelque chose qui vous tente ? E.C. : c’est vraiment dur d’être entraineur en ce moment. si un jour je décide de le devenir, il faudra qu’il y ait cette passion qui permet de faire des sacrifices. Joueur, j’avais quelques fois envie de ne pas me coucher à 22h, de manger des pizzas ou une paëlla, mais ma passion était si intense que je dépassais cela. devenir entraineur, pourquoi pas, mais à la condition de pouvoir apporter quelque chose de nouveau, d’inventer, de créer. k.L. : Éric a la stature d’un entraineur. il a toutes les qualités, surtout humaines, pour construire une équipe. mais aujourd’hui, être un entraineur c’est s’exposer à des injures terribles tous les samedis. nous qui faisons des films, on ne risque seulement que de mauvaises critiques, et ce, une fois par an.
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24 NEWS /// FIGURES DE STYLE
DU LIVRE AU FILM, UN PERSONNAGE CHANGE DE TENUE
LisbetH SALANDER Avec Millénium, le film, le réalisateur danois nIELS ardEn opLEv livre une adaptation plutôt fidèle du best-seller de Stieg Larsson. La preuve avec l’héroïne de la saga, la hackeuse Lisbeth Salander, célèbre pour son look sombre et gothique…
DE L’ÉCRIT... ... À L’ÉCRAN
“
armanskij avait du mal à s’habituer au fait que son plus fin limier soit une fille pâle, d’une maigreur anorexique, avec des cheveux coupés archi-court et des piercings dans le nez et les sourcils. elle avait un tatouage d’une guêpe de deux centimètres sur le cou et un cordon tatoué autour du biceps gauche. Les quelques fois où elle portait un débardeur, armanskij avait pu constater qu’elle avait aussi un tatouage plus grand sur l’omoplate, représentant un dragon. rousse à l’origine, elle s’était teinte les cheveux en noir aile de corbeau. elle avait toujours l’air d’émerger d’une semaine de bringue en compagnie d’une bande de hard-rockers. elle ne souffrait pas de troubles nutritionnels – armanskij en était convaincu –, au contraire, elle semblait consommer toute sorte de mauvaise bouffe. elle était simplement maigre, avec une ossature fine qui la rendait frêle et délicate comme une petite fille, avec de petites mains, des chevilles fines et des seins qu’on distinguait à peine sous ses vêtements. elle avait 24 ans mais on lui en donnait 14. sa bouche était large, son nez petit et ses pommettes hautes, ce qui lui conférait un vague air d’orientale. ses mouvements étaient rapides et arachnéens et, quand elle travaillait à l’ordinateur, ses doigts volaient d’une façon presque surexcitée sur les touches. son corps était voué à l’échec pour une carrière de mannequin, mais avec un maquillage adéquat, un gros plan sur son visage n’aurait déparé aucun panneau publicitaire. sous le maquillage – parfois elle arborait un répugnant rouge à lèvres noir –, les tatouages et les piercings elle était… disons… attirante. d’une manière totalement incompréhensible.
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Extrait de Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes (Millénium 1) de Stieg Larsson (Actes Sud).
L’actrice suédoise Noomi Rapace joue le rôle de Lisbeth Salander dans Millénium, le film de Niels Arden Oplev. Sortie le 13 mai. Lire la critique du film page 36.
TAUX DE FIDÉLITÉ :
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26 NEWS /// LE PROFIL
DE...
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28 NEWS /// UNDERGROUND
DÉJÀ CULTE, BIENTôT DANS LES BACS
ostÉo PYTHIE Ex-comédienne reconvertie pirate funk-punk, EBonY BonES publie Bone of My Bones, premier album craquant, aux articulations inattendues. Radiographie d’un spécimen. _Par étienne Rouillon
de ses origines caribéennes, la Londonienne tire une démarche pirate, à l’image de ces corsaires freak, affublés de fémurs et de têtes de mort pour mieux porter l’assaut. Bone of My Bones est l’album-squelette d’une bataille pour une reconversion. celle d’ebony bones, ancienne marionnette de série télé (elle a joué sept saisons dans Family Affairs sur channel 5), aujourd’hui grande prêtresse d’un vaudou sonique composé et réalisé (presque) toute seule, en autodidacte. télescopage de cultures sonores et graphiques, entre drum n’ bones multicolore et afro-beat martial, l’ossature de l’album éclate en tous sens : « La tracklist de mon disque est contradictoire et ressemble à celle de mon iPod en lecture aléatoire : Kraftwerk, A Certain Ratio, Grace Jones…» c’est sous ces auspices qu’ebony entre en transe, telle une pythie, pour délivrer un message qui atteint les cœurs en passant par les corps : « La musique est un langage spirituel. Bob Dylan et Patti Smith l’utilisaient pour toucher les gens et composer la B.O. d’une époque baignée d’enjeux politiques. Aujourd’hui, il n’y a plus rien de comparable. » avec des tubes empreints de gravité comme Story of St. Ocwell, qui revient sur une bavure policière en marge des attentas de Londres, ebony bones rappelle le clash période This Is England et relègue santogold dans les catacombes des disquaires. Bone of My Bones (Pias), disponible le 15 juin. En concert le 31 mai à Villette Sonique, Parc de la Villette.
COPIER COLLER >> arielle dombasle, en plein trip « mystico-pop », sort Glamour à mort (sony). Un album concocté aux cotés des super-héros Philippe katerine et Gonzales.
>> Plus encore que les filandres psyché de barbarella, le lasso de l’icône pop Wonder Woman a griffé de son empreinte la garderobe de « super arielle ».
LE MYSPACE CHARTS DE LA RÉDACTION PASSION PIT Sleepyhead 1 884 005 lectures http://www.myspace.com/passionpitjams PHOENIX 1901 402 040 lectures http://www.myspace.com/wearephoenix EBONY BONES We Know All About U 127 312 lectures http://www.myspace.com/ebonybones
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DANS L’ATELIER DE…
riad SATTOUF Tandis que son premier film, Les Beaux Gosses, squatte les salles obscures, nous nous sommes incrustés dans l’atelier de rIad SattoUF, dessinateur culte et artiste ambidextre. Visite guidée.
Photo : © Renaud Monfourny
_Propos recueillis par Joseph Ghosn (www.menstyle.fr)
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NEWS /// IN SITU
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Les Beaux Gosses, l’hilarant premier film de Riad Sattouf, est un condensé de toutes les obsessions qui hantent ses livres : les adolescents, le collège, les puceaux, les premières fois… Nous nous sommes rendus dans son atelier du XXème arrondissement parisien, où il occupe deux petites pièces, remplies d’objets pop : monstres japonais en vinyle, poupées de Daniel Clowes, originaux de Chris Ware et Richard Corben, étagères de livres (on y croise aussi bien des ouvrages sur Krazy Kat qu’un exemplaire du Gauchisme de Park Avenue de Tom Wolfe), instruments de musique dont une petite collection de guitares et, surtout, des images d’astronautes et de conquête spatiale, grand fantasme caché de Sattouf, qui dit « mettre de l’argent de côté pour voyager dans l’espace » – en rigolant à moitié.On a hâte de le voir enfiler sa combinaison, parce que Sattouf dans l’espace, ça devrait être bien plus fou que Tintin sur la Lune, et surtout bien plus drôle.
« L’ÉCOLE ME FASCINE : J’AI TOUJOURS CRU QUE ÇA RESSEMBLAIT À UNE PRISON. »
Nous sommes dans ton atelier. Depuis combien de temps y travailles-tu ? Ça fait sept ans. Je partage l’endroit avec mathieu sapin et christophe blain, qui font aussi des bandes dessinées. Les deux premières années, il y avait aussi Joann sfar qui a finalement préféré travailler chez lui. Je viens ici tous les jours, avec mes deux « collègues » et nous nous parlons chaque matin comme le feraient de vrais collègues de bureau.
On retrouve dans le film certains lieux-clés de tes albums, à commencer par le collège, la salle de classe… L’école me fascine parce que j’ai toujours cru que ça ressemblait à une prison. il y a des règles, il faut bien s’y tenir et il y a là quelque chose de l’ordre du dressage. récemment, j’ai trouvé sur internet des photos de mon école en syrie. elle ressemble beaucoup à celle du film, mais en complètement détruite, pourrie, avec des ordures partout…
Partager un atelier, c’est pour éviter la solitude ? oui, bien sûr. Là, ça fait une semaine que blain et sapin sont en vacances et je me fais trop chier sans eux ! Je n’arrive pas à rester tout seul, l’endroit est trop grand. du coup, j’écoute les bruits des mails, de msn, de facebook. de magnifiques raisons pour ne pas bosser… Le travail sur le film t’a-t-il éloigné de l’atelier ? non, non, tout le film a été conçu ici, sur mon ordinateur, depuis l’écriture jusqu’aux derniers visionnages. Je ne vois pas de différence avec le reste de ce que je fais : l’atelier, c’est là où l’on travaille. et j’ai continué à y dessiner, même pendant le film. Je faisais chaque semaine ma chronique de Charlie Hebdo [intitulée La Vie secrète des jeunes, ndlr], ainsi que les histoires de Pascal brutal. Comme Marjane Satrapi et bientôt Joann Sfar, le cinéma était-il pour toi un lieu à investir tout aussi naturellement que la BD ? ce sont les circonstances qui m’y ont poussé. J’avais fait des études de cinéma d’animation, mais ça me déprimait d’avance de devoir écrire un projet, convaincre des producteurs, etc. Je rêvais qu’on me propose de faire un film en ayant toute ma liberté, et c’est exactement ce qui s’est passé. La productrice aimait mes livres et m’a demandé de réaliser un film sur les ados. on avait parlé d’adapter Retour au collège, mais j’ai préféré faire un film original.
Un autre lieu essentiel du film, c’est la chambre du personnage principal… oui, je voulais que la chambre soit le reflet de son cerveau, de tout ce qui s’y bouscule, de ses contradictions et de toute son intimité. c’est pour cela qu’il est hors de question que la mère y pénètre. cela dit, tout le reste de l’appartement a été conçu pour vraiment ressembler à un cocon maternel, très englobant, comme à l’intérieur du ventre maternel. même les rideaux aux fenêtres ont des imprimés très organiques. La salle de bain, elle, est le lieu partagé entre la mère et l’adolescent, là où ils se confrontent et se chamaillent. Une scène du film se déroule dans un magasin d’instruments de musique. Tu as d’ailleurs participé à la B.O. du film… J’ai composé une démo initiale et flairs a fait le reste, sous ma direction. Je voulais un son électronique cheap, qui évoque les jeux vidéo et les années 1990. J’ai aussi écrit et chanté les morceaux de rap… et j’ai ajouté à la bande-son You Think You’re a Man, une chanson du travesti divine reprise dans une version fabuleuse par les Vaselines, avec boite à rythmes et guitare typique des années 1980 et 1990. Un morceau qui résume bien toutes les tensions de ces adolescents en quête de leur identité masculine et sexuelle.
Un film de Riad SATTOUF // Avec Vincent Lacoste, Anthony Sonigo… // Distribution : Pathé // France, 2008, 1h30 // Sortie le 10 juin MAI 2009
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32 NEWS /// LE BUZZLE
LE NET EN MOINS FLOU _Par étienne Rouillon
BUZZ’ART
BananES FLaMBéES
STATUTS QUOTES
Cerise sur les galettes musicales de Gorillaz, le documentaire Bananaz vous fait entrer dans les cuisines du premier rock-band virtuel. Une gourmandise grasse qui sent bon le cramé.
Sélection des meilleurs statuts publiés le mois dernier sur
Bananaz, ou comment deux têtes brûlées par les deux bouts ont réussi à vendre près de 15 millions de disques en se cachant derrière des personnages de dessin animé. depuis 2000, le soufflé Gorillaz enfle sous l’œil du réalisateur anglais ceri Levy, qui a suivi pendant six ans les deux chefs cuistots damon albarn (leader de blur) et Jamie Hewlett (dessinateur de Tank Girl). ce tour halluciné dans les coulisses pour de vrai d’un groupe pour de faux est disponible gratuitement sur le net et sortira en dVd le 1er juin. au menu : interviews édentées après une mise en boîte à la sortie d’un club, vomi à répétition en répèt’, port de pénis en baudruche... et comme une bonne nouvelle n’est jamais servie seule, albarn vient de mettre un inespéré projet de troisième album sur la table. miam.
FaCEBook. Claro is poke back moutain. Thierry : mot d’ordre en temps de crise : « soyez stages ». Steven : si l'argent ne pousse pas sur les arbres, pourquoi les banques ont des branches ?
http://www.bananazfilm.com
L’APPLI MOBILE YEtISportS 1 Le jeu flash le plus joué sur le web repose sur un principe simple, qui fonctionne ici à merveille, grâce à l’accéléromètre de l’iPhone : mettre des pingouins sur orbite à grands coups de batte. Plateforme : iPhone et iPod touch // Prix : 2,39 €
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Inap@Work L’institut national du sommeil recommande 20 minutes de sieste par jour. inap@Work vous file un coup de pouce tactile en simulant des bruits d’agrafeuse ou de taille-crayon, qui couvriront vos ronflements au boulot. Plateforme : iPhone et iPod touch // Prix : 0,79 €
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MAL BUZZÉ
BUZZONS FUTÉS SIGnÊ GondrY Piquez une tête dans les petits papiers du roi de la gribouille dÊbrouillarde‌ L’artisan-rÊalisateur michel Gondry a mis en ligne sur son site une offre qui a une drôle de binette. il se propose de tirer votre portrait d’après photo, sur canson, t-shirt ou papier toilette. après daft Punk, bjÜrk ou mos def, devenez sa nouvelle muse pour 15 ₏. ensuite, il faudra attendre de deux à trois mois pour recevoir sa bobine retournÊe par le bricolo du super-8. Pour les moins patients, on peut se faire massacrer par les portraitistes de la place du tertre (prix moyen de la catastrophe : 20 ₏), mais aussi filer à cannes oÚ Gondry prÊsentera L’Épine dans le cœur, un portrait‌ de sa tante. on attend le nôtre. http://www.michelgondry.com
GrIppE-SoUk Est-ce de l’art ou du cochon ? Avec une sÊrie de buzz à l’humour douteux, l’alerte au H1NI a fait gripper le web‌ Vrais-faux virus informatiques, e-cards truffÊes de calembours suspects ( tout est bon dans le cochon , ou, pas moins gore,  le goret est un loup pour l’homme ), et maintenant un jeu vidÊo fÊbrilement intitulÊ Pandemic 2. dÊveloppÊ en flash par crazy monkey Games, cette simulation vous met dans la peau d’un virus mortel dont le but est d’infecter le plus rapidement l’ensemble de la population mondiale pour faire place nette. il faudra être plus malin que les bipèdes qui ne font rien qu’à poser des brevets de vaccins ou des dÊcrets d’embargo pour vous empêcher de visiter des muqueuses aux quatre coins du monde. http://www.crazymonkeygames.com/fullscreen.php?g ame=Pandemic-2
– [tuite] v.
MOT @ MOT
(Du nom anglais twitter : gazouillement bref de petits oiseaux comme le rossignol. Le verbe to twitter signifie Êgalement jacasser) 1. Poster un texte court sur la plateforme sociale Twitter. CrÊÊ en 2006, ce rÊseau de micro-blogging permet de se raconter par le menu en moins de 140 signes, depuis un ordinateur ou un mobile. Le ministère des affaires Êtrangères twitte toutes les infos relatives à la grippe porcine sur son compte Twitter. Syn. : Êcrire un statut Facebook. 2. Avoir l’habitude de s’exprimer par des petites phrases dont l’utilitÊ reste à prouver. SÊgolène Royal a twittÊ ses excuses au peuple mexicain pour l’ÊpidÊmie de H1N1.
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34 NEWS /// AVATARS
DANS LA PEAU D’UN HÉROS DE JEU VIDÉO…
cata nostra Francis Ford Coppola, réalisateur de la saga du Parrain, ira se dorer la pilule à Cannes pour présenter son nouveau film, Tetro. Trop, c’est trop pour Dominic, bras droit de la pègre dans le jeu Le Parrain 2 (Electronic Arts). Notre chroniqueur lui donne la parole.
RÉTRO GAMO La GaME BoY FÊtE SES 20 anS
_Par étienne Rouillon
« FranCIS nous plante au pire moment. L’homme sans âge ferait bien de grandir. Ma che cazzo ! faire des châteaux de sable sur la croisette quand c’est tout l’empire de la famiglia qui part en cendres… Ford. au volant de ma tire fumée jusqu’à la jante, j’ai vite fait le tour d’une Little Italy qui fait talon bas. en trois films, on nous a fait ranger les pétoires pour investir dans des pétards mouillés. L’immobilier ? Subprimes ! fraude fiscale ? madoff ! trafic de drogue ? Grippe mexicaine ! CopEaUx de battes de baseball ou de jambon de Parme envoyés à nos meilleurs clients. on a beau jouer de la carotte et du bâton, nos protégés sont insolvables, plus personne ne paye notre pizzo [somme d’argent donnée à la Mafia en l’échange d’une protection, ndlr]. de toute façon, comment protéger un pizzaiolo de la délocalisation ? Plus rien à tripoter dans nos tripots, reduction de masse salace. LaS, il direttore a beau s’excuser façon royal (la gauchiste, pas la pizza, capisci ?), nous on veut des mesures concrètes pour notre pouvoir d’assassinat. sinon promis, à son retour, on séquestre le patron. » Le Parrain 2 // éditeur : Electronic Arts // Plateforme : PC, PS3, X360
200 millions d’exemplaires de la reine des consoles portables ont été vendus par l’ancien éditeur de jeux de cartes Nintendo. Tant que les bulletins scolaires ne suivaient pas, ce sont les parents qui se sont écorché les pouces sur Tetris (1989). En 1996, les moins de 15 ans reprennent les commandes avec le raz-de-marée Pokémon. Aujourd’hui recyclé en instrument de musique ou électrocardiographe à Madagascar, le vieux garçon passe de mains en mains pour moins de dix euros sur le Net. Game Boy // Nintendo Date de sortie : 21 avril 1989
ALTER GAMO
MAXIME, 25 ANS « Je ne suis pas un gros joueur, même si je me fais prêter les consoles pour les jeux immanquables. Mon identité virtuelle, ici pour le jeu NBA 2K9, existe avant tout par son nom : Ministre ou Le Ministre, pour les grandes occasions. La plupart du temps, il est celui que je ne suis pas – je le fais rarement ressembler à un Parisien de vingt-cinq piges avec des lunettes... Et oui, j'aimerais être lui, avec un faible pour les muscles surdimensionnés et les coupes afro. » Envoyez-nous votre photo et celle de votre avatar à troiscouleurs@mk2.com, nous publierons les meilleures.
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36 NEWS /// BATTLE ROYALE
LE CLASH
PHiLiPs VS samsUnG En mai, quelques privilégiés tiennent salon à Cannes. Ce n’est pas une raison pour se laisser aller dans son séjour. Tenez, voici le CInéMa 21:9 et le LEd tv, deux nouveaux téléviseurs qui brouillent la différence entre petite lucarne et grand écran. _Par étienne Rouillon
CInéMa 21:9 par pHILIpS WHo’S WHo : Un écran 56 pouces full HD qui affiche un temps de réponse de 1 ms, capable de traiter 500 millions de pixels par seconde. des courbes sobres mais généreuses avec pas moins de cinq ports Hdmi, connectivité wi-fi et tout le toutim. IndICE révoLUtIonnaIrE : fort. exit les bandes noires castratrices sur vos films. Philips prouve que c’est la taille qui compte avec ce format 21:9 qui affiche la vidéo telle qu’elle est projetée dans les salles obscures. La technologie péri-luminescente ambilight spectra parfait l’immersion cinématographique. ne reste plus qu’à s’empoisser les doigts du sucre des pop-corn. pandéMIE vIraLE : Puissante. La blogosphère ne tarit pas d’éloges sur la vidéo de promotion de l’écran hors normes. Le film Carousel, un planséquence en « bullet time effect », est une très belle démonstration technique mettant aux prises policiers et braqueurs de banque dans une ambiance proche du film The Dark Knight. C’ESt poUr QUI ? Les cinéphiles intégristes, qui regardent peu les chaines télé et grillent des ampoules de vidéo-projecteur par pack de douze. portEFEUILLE : 3990 €. on peut baver devant sur : www.cinema.philips.com
L’OUTSIDER LE vIdéo-proJECtEUr p410M par SaMSUnG si vous êtes partisan du home cinema qui tient dans la poche (enfin, une grosse poche kangourou, format 14,7 x 6,4 x 14,5 cm), optez pour le P410m, un vidéo-projecteur compact et plein de tact. Équipé d’une lampe Led, sans mercure pour respecter la planète et ses kangourous, le P410m assure 30 000 heures de visionnage avant le blackout. Parmi les plus lumineux projecteurs de sa catégorie, ce tout-en-un silencieux sait aussi donner de la voix avec deux haut-parleurs intégrés (1 watt chacun). P410M, disponible en mai. Prix : 590 €. www.samsung.fr
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LEd tv SérIE 8 par SaMSUnG WHo’S WHo : avec la quatrième génération de Led tV, c’est la fête des mélioratifs. Plus de contrastes, plus de design, plus de fluidité, noirs plus noirs, blancs plus blancs. d’un autre coté, il consomme moins d’énergie, mais ça, c’est aussi un plus. IndICE révoLUtIonnaIrE : satisfaisant. Le rétro-éclairage des écrans Led (en français deL, et en clair « diodes électroluminescentes ») de samsung a déjà fait ses preuves. tout semble bon dans le Led, et nombreux sont ceux qui boudent déjà les technologies concurrentes (plasma, Lcd…). La rupture tranquille, donc. pandéMIE vIraLE : féroce. La vidéo Extreme Sheep LED Art a été vue plus de 7 millions de fois par les internautes. ce fake (vidéo truquée) présente des bergers du Pays de Galles qui nous font tourner en bourrique avec des moutons revêtus de manteaux lumineux. Un coup de pub sous la forme d’un happening poétique. C’ESt poUr QUI ? Les mordus de couleurs charnues, qui utilisent leur écran de manière protéiforme mais exigeante : télé, jeux vidéo, cinéma, ordinateur. portEFEUILLE : 3000 € pour un 46 pouces. régal des mirettes sur www.samsung.com/fr/led
LA RELÈVE L’oLEd FLExIBLE par SonY L’écran plat déjà raplapla ? Voilà deux ans que la firme japonaise parie sur l’oLed flexible pour les téléviseurs du futur, en présentant régulièrement des prototypes toujours plus proches de franchir le cap de la commercialisation grand public. dernier en date : un baladeur-bracelet, le contrast flex oLed Walkman. La technologie oLed, pour « diodes électroluminescentes organiques », devrait remplacer d’ici à dix ans le Lcd ou le plasma, permettant la construction de moniteurs souples et éco-responsables. http://www.youtube.com/watch?v=ARCNWxJpQN8
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LE
GUIDE CALENDRIER MALIN POUR AVENTURIER URBAIN
DU MERCREDI 13 MAI AU MARDI 16 JUIN
« JE NE ME SOUPÇONNAIS PAS CAPABLE DE FAIRE UNE teLenoVeLa… » carLos sorin P.44
SORTIES EN SALLES SortIE LE 13 MaI 40 Millénium, le film de niels arden oplev SortIE LE 20 MaI 42 Étreintes brisées de Pedro almodóvar SortIE LE 3 JUIn 44 La Fenêtre de carlos sorin LES aUtrES SortIES 46 Anges et démons ; Clara ; La Sicilienne ; Le Secret de Moonacre ; À l’origine ; La Nuit au musée 2 ; Les Enfants invisibles ; Où est la main de l’homme sans tête ? ; Departures ; Quelque chose à te dire ; The Other Man ; Un Éclair de génie ; La Maison Nucingen ; Mariage à l’islandaise ; Terminator Renaissance ; The Women ; Coraline ; Jaffa ; Story of Jen ; Sunshine Cleaning La séance de rattrapage de… serge bozon
50 LES événEMEntS Mk2
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festival filmer la musique #3 exposition Faces cachées
SORTIES EN VILLE 52
ConCErtS festival villette Sonique L’oreille de… dominique a
54 CLUBBInG revival psyché sur les dance-floors Les nuits de… Pedro Winter
56 ExpoS Dans l’œil du critique, Bernard Lamarche-Vadel au musée d’art moderne de la Ville de Paris Le cabinet de curiosités : Vraoum ! Bande dessinée et art contemporain
58 SpECtaCLES thomas Lebrun aux rencontres de seine st-denis Le spectacle vivant non identifié : Yves-Noël Genod
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rEStoS L’agapé Le palais de... Phoenix
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40 CINÉMA
SORTIE LE
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Millénium, le film 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1...Pour Michael Nyqvist dans le rôle de « super Blonqvist », héros faillible et attachant. 2...Pour la fluidité du récit, haletant de bout en bout (2h40, quand même !). 3...Pour l’atmosphère glaciale des paysages côtiers suédois.
SAGA SUÉDOISE Un film de Niels Arden OPLEV // Avec Michael Nyqvist, Noomi Rapace… // Distribution : UGC // Suède, Danemark, 2008, 2h20
Thriller solidement cramponné aux reliefs des côtes suédoises, Millénium, le film de nIELS ardEn opLEv offre un brillant exemple d’adaptation littéraire, sombre et épuré. _Par Juliette Reitzer
depuis quarante ans, le vieil industriel Henrik Vanger ne cesse d’être hanté par le souvenir de sa nièce Harriet, mystérieusement disparue à l’âge de 16 ans. Pour relancer l’enquête, il fait appel au sulfureux journaliste d’investigation mikael blomqvist, épaulé par une jeune hackeuse aussi brillante que ténébreuse, Lisbeth salander (noomi rapace, parfaite dans la peau de cette écorchée vive bisexuelle, tatouée et adepte de la loi du talion). Leur enquête les conduit à déterrer les secrets de la famille Vanger, sur la piste d’une sordide affaire de meurtres. Polar en trois tomes vendu à plus de 10 millions d’exemplaires dans le monde, le « phénomène » Millenium n’a pas volé son succès : personnages atypiques, imbrication de plusieurs strates d’intrigues et d’époques, réflexion critique sur le capitalisme, le fascisme et le sexisme, le tout baigné d’un humour impertinent… si une adaptation au cinéma était prévisible, la (bonne) surprise est ailleurs : c’est un scandinave qui s’en est chargé (il transpose ici le premier tome de la trilogie : Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes), nous épargnant ainsi une déconvenue made in Hollywood. Le danois niels arden oplev parvient à substituer au langage littéraire un langage cinématographique sobre et efficace, à l’image de la séquence où blomqvist découvre un indice sur une vieille photographie, dans un cheminement comparable à celui de thomas développant et agrandissant un cliché dans le Blow Up d’antonioni (autre adaptation littéraire, au passage). au-delà du brio de son modèle sur papier, Millénium, le film est donc une belle réussite cinématographique, dont on devra hélas se contenter : les droits des deux tomes suivants ont été acquis par la télévision suédoise, et n’emprunteront donc jamais le chemin des salles obscures.
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42 CINÉMA
SORTIE LE
20/05
étreintes brisées 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1...Pour ses belles variations sur la notion de reproduction, qu’elle soit artistique ou biologique 2...Pour le magnifique générique du film, jalonné d’images volées de tournage. 3...Pour Filles et valises, remake ludique du classique d’Almodóvar Femmes au bord de la crise de nerfs.
MÛREMENT RÉFLÉCHI Un film de Pedro ALMODÓVAR // Avec Penélope Cruz, Lluís Homar… // Distribution : Pathé // Espagne, 2008, 2h07
« Un film est toujours une représentation de la réalité, un miroir de quelque chose », nous confiait pEdro aLModÓvar le mois dernier en interview. Cette formule n’a jamais sonné aussi juste qu’avec Étreintes brisées, film-miroir d’un cinéaste arrivé à maturité. _Par Raphaëlle Simon
Le madrilène, fatigué de son étiquette kitsch et provoc’ de « roi de la movida », signe ici son film le plus sobre, le moins pudique. tout comme almodóvar, le personnage principal est cinéaste. aujourd’hui scénariste aveugle, matteo raconte à son fils spirituel sa vie d’hier, celle où il réalisait la comédie Filles et valises, interprétée par Léna, sa maîtresse adorée (Penélope cruz, grandiose). Persécutés par le mari jaloux de Léna, les deux amants prennent la fuite jusqu’au moment fatal où, après un accident de voiture, matteo perd deux trésors : sa bienaimée et sa vue. À l’image du cinéaste qui mûrit, Étreintes brisées tend vers la transparence. almodóvar épingle ses protagonistes sous les projecteurs, radiographie leurs os fracturés, multiplie les références limpides à ses réalisateurs de chevet (sirk, rossellini, Hitchcock), et va jusqu’à aborder pour la première fois de front la question de la paternité, lui qui avait fait de la madre en talons aiguilles la figure emblématique de son cinéma. Une paternité à double tranchant : conflictuelles lorsqu’elles ne sont que biologiques, les relations père / fils s’adoucissent à l’aune du cinéma. malgré une intrigue baroque, tout en flashes-back et forward, les codes du film noir sont déformés mais repérables, les personnages assagis, les situations moins loufoques, la musique épurée. c’est enfin le premier film d’almodóvar à établir un équilibre des genres, à la fois filmiques (polar, mélodrame, comédie) et sexuels : ces Étreintes ne sont plus exclusivement masculines ou féminines, mais réunissent des hommes et des femmes qui aiment, trompent, tombent et se relèvent main dans la main. Pas de doute : le cinéma d’almodóvar gagne à la réflexion.
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44 CINÉMA
SORTIE LE
03/06
La Fenêtre 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1...Pour la photographie lumineuse et onirique. 2...Pour la prestation touchante de l’écrivain Antonio Larreta. 3...Pour la musicalité des bruits de la nature et du quotidien
LE SENS DU DÉTAIL Un film de Carlos SORiN // Avec Antonio Larreta, María del Carmen Jiménez… Distribution : CTV international // Argentine-Espagne, 2008, 1h15
Avec La Fenêtre, film intime et éblouissant, l’Argentin CarLoS SorIn pointe frustrations, oublis, habitudes, et rappelle des vérités insoutenables : on meurt comme on a vécu, irrémédiablement seul. _Par Donald James
suggérer tout cela sans le dire ouvertement, c’est ce que réussit à faire carlos sorin (Historias Minimas, Bonbon el Perro). Le spécialiste des histoires minimales signe un film superbe et pudique, parsemé d’échos intimes. tout le pouvoir du cinéma, pour le réalisateur, se situe non pas sur l’écran mais dans la tête de chacun. La Fenêtre engage naturellement notre imaginaire. carlos sorin détaille avec une précision d’horloger une journée passée au chevet d’un vieil homme, antonio. chaque plan, chaque trait participent à un grand tableau d’entre-saison, simple mais mystérieux. au cœur de l’hacienda argentine isolée, dans la chambre d’antonio, le temps s’allonge. « Cette maison, confie le réalisateur, finit par être une intériorité, par devenir le reflet du personnage… » entre plaisir et hommage, le cinéaste convoque Jorge Luis borges et adolfo bioy casares, nous parle de l’immortalité, des cycles, de la mort et de la cruauté dans un film sourire-aux-lèvres, léger, traversé par une lumière printanière.
CarLoS SorIn Pensiez-vous avec La Fenêtre que vous alliez faire pleurer les spectateurs ? Lors des avant-premières, ma femme, lorsqu’elle sortait des toilettes, me disait : « Il y en a cinq ou six qui sont en larmes. » Je ne me soupçonnais pas capable de faire une telenovela… [rires] L’émotion lacrymale n’était pas mon objectif, mais je comprends que chacun puisse faire le lien avec sa vie personnelle. Vous êtes considéré comme le spécialiste des histoires minimales… Dans mes films précédents, j’ai effectivement élaboré une certaine poétique du quotidien. Dans La Fenêtre, je travaille de même sur un laps de temps très court, je cultive mon obsession pour les détails, mais cela ne veut pas dire que les personnages vivent des choses minimes. La journée que nous passons au chevet d’Antonio est loin d’être insignifiante. Comment expliquez-vous votre obsession pour le détail ? Cela a peut-être à voir avec mon besoin de dédramatiser. Je n’ai jamais filmé un personnage qui pleure. Suggérer une chose peut avoir beaucoup plus de poids que de la montrer.
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46 CINÉMA
AGENDA SORTIES CINÉ
13/05
SORTIES DU
anGES Et déMonS
CLara
de Ron Howard Avec Tom Hanks, Ewan McGregor… Sony Pictures, États-Unis, 2h20
d’Helma Sanders-Brahms Avec Martina Gedeck, Pascal Greggory… Bodega Films, France-Allemagne, 1h44
Une société, secrète évidemment, a pris en grippe le Vatican. ces têtes de cochons d’« illuminati » intriguent pour détruire l’Église. c’est le héros du Da Vinci Code, l’efficace robert Langdon, qui se charge de désaucissonner ce complot prenant.
Portrait d’une femme d’exception tiraillée entre son rôle d’épouse d’un robert schumann qui sombre dans la folie, son attirance pour le jeune Johannes brahms et sa propre carrière de musicienne virtuose. Une histoire follement romantique, mise en scène avec discipline.
La SICILIEnnE
LE SECrEt dE MoonaCrE
de Marco Amenta Avec Gérard Jugnot, Veronica d’Agostino… Rezo Films, italie-France, 1h53
de Gabor Csupo Avec Dakota Blue Richards, ioan Gruffudd… Metropolitan, France-GB-Hongrie, 1h43
après Le Secret de Terabithia, le Hongrois Gabor csupo réinvente un monde parallèle, riche en couleurs et en effets spéciaux. cette fois, la jeune maria doit faire face à une malédiction familiale qu’elle a réveillée en s’installant dans l’étrange manoir de son oncle….
fille et sœur de mafieux assassinés, rita refuse de céder à l’omerta et débute, à seulement 17 ans, un combat juridique qui la contraint à quitter la sicile. Pour sa première fiction, le documentariste narre l’histoire vraie d’une martyre devenue héroïne. Et aUSSI CEttE SEMaInE :
MILLénIUM, LE FILM de niels arden oplev (lire la critique p. 40)
LA SÉANCE DE RATTRAPAGE DE… UnItEd rEd arMY
SERGE BOZON
dE koJI WakaMatSU « United Red Army raconte la naissance de l'armée rouge japonaise dans les années 1960 et ses dérives progressives. J’ai toujours été intéressé par la question de la représentation du terrorisme au cinéma, c’est pourquoi j’ai hâte de découvrir le film en salles, à condition qu’il soit encore à l’affiche. sur un sujet voisin (l’extrêmegauche américaine néo-hippie), la dimension douloureuse d’Ice de robert kramer m’a gêné. Je préfère le picaresque Week-end de Godard, qui explore le rapport à la violence et dépeint une communauté révolutionnaire dandy. » Un film de Koji Wakamatsu // Avec Maki Sakai, Akie Namiki… // Japon, 2008, 3h10 En salles depuis le 6 mai. Serge Bozon est acteur, réalisateur et critique de cinéma. il prépare actuellement son prochain long métrage, intitulé Tip Top.
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SORTIES DU
20/05
À L’orIGInE de Xavier Giannoli Avec François Cluzet, Emmanuelle Devos… EuropaCorp, France, 2h30
Un petit escroc s’enrichit en se faisant passer pour un chef de chantier, jusqu’au jour où il rencontre une femme qui va perturber ses plans. avec ce film en compétition officielle à cannes, Xavier Giannoli fait joliment rimer rédemption et sentiments.
La nUIt aU MUSéE 2 de Shawn Levy Avec Ben Stiller, Robin Williams… 20th Century Fox, États-Unis, 1h45
La nuit venue, les exposés du plus grand musée du monde prennent vie, de la statuette égyptienne au mannequin de napoléon (incarné par alain chabat !)… Hilarant en gardien de nuit débordé, ben stiller réédite la réussite comique du premier volet.
LES EnFantS InvISIBLES
SORTIES DU
27/05 dEpartUrES de Takita Yojiro Avec Masahiro Motoki, Ryoko Hirosue… Metropolitan Filmexport, Japon, 2h11
de retour dans son village natal du Japon, un violoncelliste accepte un poste dans une entreprise de pompes funèbres et trouve au contact de la mort un nouveau sens à son existence. oscar 2009 du meilleur film étranger pour ce drame musical à portée universelle.
QUELQUE CHoSE À tE dIrE de Cécile Telerman Avec Mathilde Seigner, Pascal Elbé… Studio Canal, France, 1h40
dans la famille celliers, tout le monde est timbré, surtout quand de vieux secrets remontent à la surface… Une Famille Tenenbaum en version française et grand public, qui tire son épingle du jeu grâce à la méchanceté mordante de charlotte rampling et mathilde seigner.
tHE otHEr Man
d’Emir Kusturica, Jordan et Ridley Scott, John Woo… Avec Adama Bila, Elysée Rouamba… Acte Films, italie-France, 2h04
de Richard Eyre Avec Liam Neeson, Laura Linney… Pretty Pictures, GB, 1h30
sept destins d’« enfants invisibles » racontés par sept grands cinéastes. mention spéciale à spike Lee, qui livre avec nervosité le portrait d’une petite noire séropositive à brooklyn, et à katia Lund, qui ose faire cohabiter misère et joie de vivre dans les favelas de são Paulo.
Lorsque Peter (Liam neeson) s’aperçoit que sa femme a une liaison, il songe à éliminer son rival (antonio banderas)… n’est-il pas déjà trop tard ? Petits secrets et grandes révélations scandent ce thriller milanais, au casting sanguin.
oÙ ESt La MaIn dE L’HoMME SanS tÊtE ? de Stéphane et Guillaume Malandrin Avec Cécile de France, Bouli Lanners… Eurozoom, Belgique-France, 1h44
Un plongeon mal exécuté précipite eva, jeune athlète entraînée par un père despotique, dans le coma. À son réveil, elle constate que son frère a disparu… Un thriller anxiogène, immergé dans les eaux nébuleuses de la cellule familiale. Et aUSSI CEttE SEMaInE : ConFESSIonS d’UnE aCCro dU SHoppInG de P.J. Hogan, étrEIntES BrISéES de Pedro almodóvar (lire la critique p. 42), vEnGEanCE de Johnnie to (lire l’interview du réalisateur p. 81 et le portrait de Johnny Hallyday p. 82)
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Un éCLaIr dE GénIE de Marc Abraham Avec Greg Kinnear, Lauren Graham… Universal Pictures international, Etats-Unis, 1h59
bob invente l’essuie-glace et y voit l’espoir d’un avenir fortuné pour sa famille. c’est oublier le peu de scrupules de l’industrie automobile américaine… Une version sociale et hollywoodienne du combat de david et Goliath, inspirée de faits réels.
Et aUSSI CEttE SEMaInE : JUSQU’En EnFEr de sam raimi, LookInG For ErIC de ken Loach (lire l’interview du réalisateur et d’Éric cantona p. 22)
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48 CINÉMA
AGENDA SORTIES CINÉ 03/06 SORTIES DU
La MaISon nUCInGEn de Raoul Ruiz Avec Elsa Zylberstein, Jean-Marc Barr… Zelig, France, 1h30
Un couple d’étrangers vient s’installer dans une grande propriété retirée au chili, qui abrite de drôles de fantômes... de retour dans son pays d’origine, ruiz ose une mise en scène et une narration expérimentales, truffées de références médiévales.
MarIaGE À L’ISLandaISE de Valdís Óskarsdóttir Avec Nanna Kristìn Magnúsdóttir… Memento Films, islande, 1h35
comme le veut la tradition, les citadins inga et bardi partent se marier à la campagne avec famille et amis. encore faut-il trouver l’église ! admiratrice de kusturica et monteuse de Gondry (Eternal Sunshine…), Óskarsdóttir illustre avec humour l’art du dérapage contrôlé.
tErMInator rEnaISSanCE de McG Avec Christian Bale, Sam Worthington … Sony Pictures, Allemagne-GB-EU, 1h48
L’humanité, conduite par John connor, lutte pour sa survie face à de vilains robots exterminateurs. Un grand barnum atomique, sans schwarzenegger mais avec christian bale, échappé de Gotham city.
tHE WoMEn de Diane English Avec Meg Ryan, Eva Mendes… TFM, États-Unis, 1h53
mary, la quarantaine, a une bande d’amies en or. mais son univers bascule quand son mari la trompe… remake inégal du film homonyme réalisé par cukor en 1939, The Women brille surtout pour l’interprétation d’eva mendès, parfaite en croqueuse d’homme et de diamants. Et aUSSI CEttE SEMaInE : antICHrISt de Lars Von trier (lire le résumé p. 76), J’aI oUBLIé dE tE dIrE de Laurent Vinas-raymond, La FEnÊtrE de carlos sorin (lire la critique p. 44) nE tE rEtoUrnE paS de marina de Van (lire le résumé p. 77)
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10/06
SORTIES DU
CoraLInE d’Henry Selick Avec les voix de Teri Hatcher, Jennifer Saunders… Universal Pictures, États-Unis, 1h40
coraline trouve une petite porte qui la mène chaque nuit vers un monde parallèle, bien plus accueillant que le monde ordinaire. elle est en réalité prise au piège d’une affreuse sorcière ! Un très beau conte sur l’amour et le courage, par le réalisateur de L’Étrange Noël de Mr Jack.
JaFFa de Keren Yedaya Avec Ronit Elkabetz, Dana ivgy… Rezo Films, France-Allemagne-israël, 1h50
dans la ville de Jaffa, près de tel aviv, une jeune israélienne et un «arabe israélien» s’aiment en secret, jusqu’au moment où cette vérité qui dérange éclate au grand jour. La réalisatrice de Mon Trésor traque les non-dits familiaux et politiques dans un film empreint d’humanité.
StorY oF JEn de François Rotger Avec Laurence Lebœuf, Marina Hands… Ad Vitam, France-Canada, 1h52
Une mère s’isole à la campagne avec sa fille, à l’abri d’un monde trop cruel. mais un homme étrange va casser cet équilibre... d’un trait virtuose, rotger dresse le portrait d’une amérique arriérée, entre naturalisme et fantastique.
SUnSHInE CLEanInG de Christine Jeffs Avec Amy Adams, Emily Blunt... Surreal Distribution, États-Unis, 2008, 1h20
deux sœurs un peu paumées montent une entreprise de nettoyage de scènes de crime, pour assurer au fils de l’une d’entre elles une scolarité dans une institution privée. Une jolie comédie familiale, très bien écrite et interprétée. Par les producteurs de Little Miss Sunshine. Et aUSSI CEttE SEMaInE : LES BEaUx GoSSES de riad sattouf (lire l’interview du réalisateur p. 30 et la « sex-tape » p. 98), totÒ QUI vECUt dEUx FoIS de daniele cipri et francesco maresco (lire la critique p.18), WHo’S tHat knoCkInG at MY door ? de martin scorsese (lire le dossier p. 64-73)
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50 CINÉMA
LES ÉVÉNEMENTS BASTILLE
BIBLIOTHÈQUE
HAUTEFEUILLE
ODÉON
QUAI DE LOIRE
BEAUBOURG
GAMBETTA
NATION
PARNASSE
QUAI DE SEINE
CINÉMA
PASSERELLES
FLASHBACKS & PREVIEWS
LE DIALOGUE DES DISCIPLINES
Jeudi 14 mai – 20h / Le Pacha de GEorGES LaUtnEr
du 3 au 9 juin – 20h / ConCErt / revolver Pour la sortie de leur album Music for a While, le jeune trio pop se produira chaque soir en acoustique dans une salle du réseau mk2 (plus d’infos sur www.mk2.com).
Mardi 19 mai - 20h / CInédanSoIr / Rei Dom ou la légende des Kreuls de JEan-CLaUdE GaLLotta en présence de la chorégraphe karine saporta. Lundi 25 mai – 20h30 / rEndEZ-voUS dES doCS Mardi 26 mai – 20h30 / SaISonS nUMérIQUES au tarif exceptionnel de 3,50 € pour les 20 ans du magazine Bref. Mardi 2 juin – 20h30 / CoUrrIEr IntErnatIonaL / Mirages d’un eldorado de MartIn FrIGon (documentaire) en présence du réalisateur et d’un journaliste. Samedi 6 juin – 11h / parFUMS dE LISBonnE / Le Miroir magique de ManoEL dE oLIvEIra en présence de l’acteur diogo dòria. Mardi 9 juin - 20h30 / SoIréE BrEF Jeudi 11 juin - 20h30 / FILMEr La MUSIQUE / Les Cœurs verts d’édoUard LUntZ Samedi 13 juin – 11h / parFUMS dE LISBonnE / Nha Fala de FLora GoMES en présence de filomena embalò (União Latina). Samedi 20 juin – 11h / parFUMS dE LISBonnE / Body Rice de HUGo vIEIra da SILva en présence du réalisateur. du 17 au 21 juin / rétroSpECtIvE / GLaUBEr roCHa en partenariat avec le festival signes de nuit (plus d’infos sur www.mk2.com).
du 2 au 24 juin / Expo / Watching the World Falling Down Jeudi 14 mai - 19h / rEnContrE / LaUrEnt GarrEaU avec les Presses Universitaires de france, rencontre autour d’Archives secrètes du cinéma français. dimanche 17 mai - 10h30 / LIttératUrE Et CInéMa / Carte blanche à Gérard GavarrY Pour la parution d’Expérience d’Edward Lee, Versailles (P.o.L.), projection du film L’Enfer est à lui de r. Walsh, suivie d’une rencontre avec G. Gavarry. vendredi 22 mai - 19h30 / rEnContrE-LECtUrE / HéLÈnE BESSEttE avec les éditions Léo scheer, rencontre autour des romans d’H. bessette en présence de Julien doussinault, biographe, et Laure Limongi, éditrice. Samedi 23 mai - 16h / rEnContrE-dédICaCE / aLaIn CHICHE avec les éditions Le sorbier, à l’occasion de la parution de C’est ma santé. Samedi 30 mai - 11h30 / CIné Bd : rEnContrE / MatHIEU SapIn autour des Aventures de Francis Blatte et Le Chant du rastaman, projection du film The Big Lebowski de Joel coen. Samedi 6 juin – 11h / pUCES dU dESIGn / Et Vogue le navire de Federico Fellini carte blanche au collectif ibride, en présence de dominique delouche, ancien assistant de fellini et auteur de Mes Felliniennes Années (P.a.s.).
JUNIOR* UN MONDE PARFAIT
(27 MaI - 16 JUIn)
La LéGEndE dE dESpérEaUx Les mercredis à 13h30, les samedis et dimanches à 11h nIko, LE pEtIt rEnnE Les mercredis, samedis et dimanches à 10h40 LE pEtIt CHat CUrIEUx Les mercredis, samedis et dimanches à 10h30 LE MondE MErvEILLEUx d’IMpY Les mercredis, samedis et dimanches à 10h50 BrEndan Et LE SECrEt dE kELLS Les mercredis à 14h, les samedis et dimanches à 11h ponYo SUr La FaLaISE Les mercredis, samedis et dimanches à 11h La vérItaBLE HIStoIrE dU CHat Botté Les mercredis, samedis et dimanches à 13h55 *les horaires peuvent être sujets à modifications, pour plus de détails : www.mk2.com
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UVREZ DÉCO ÉMA IN C E L DANS N E M T AUTRE K2 ! M LLES LES SA
FOCUS
_Par J.P.
FEStIvaL FILMEr La MUSIQUE # 3 impossible, à Paris, de prolonger la fête pendant une semaine ? Le festival Filmer la Musique fait à nouveau escale sur les quais du bassin de la Villette pour contredire les râleurs avec projections, concerts et performances. « Ce festival est né de notre désir de créer une bulle musicale et visuelle dans la continuité, comme cela existe à New York », confie marilyn Lours, programmatrice avec olivier forest et Éric daviron. « Nous sommes ouverts à tous les styles musicaux, même si le rock s’impose souvent naturellement. Cette année, la programmation navigue de Charles Mingus à Cecil Taylor, de Johnny Hallyday au Groupe de Recherche Musicale, grâce à un tout nouveau partenariat avec l’INA. » La soirée du 11 juin au mk2 Quai de seine, en association avec le label born bad, est dédiée aux « blousons noirs » des sixties parisiennes. au programme, Les Cœurs verts d’Édouard Luntz (1966), un film rare porté par une bande originale de serge Gainsbourg. et juste après, rendez-vous au Point Éphémère, à deux pas, pour un concert punk des magnetix… Jeudi 11 juin à 20h30. 7€50, pass accepté. programmation complète sur www.filmerlamusique.com.
FaCES CaCHéES Expo dE SéBaStIEn dUIJndaM « Au cours d’un voyage, marchant au hasard d’une promenade derrière des passants, je me suis rendu compte que c’était une approche intéressante : photographier ces silhouettes qui s’éloignent, de dos. » L’exposition Faces cachées s’articule autour de deux parties complémentaires : Présence, qui regroupe les photographies de ces marcheurs anonymes des quatre coins du monde, et Absence, qui s’attache aux paysages. « Dans les deux, je voulais questionner la part de mystère. Ne pas montrer les visages de ces passants, ne pas savoir où ils vont, c’est interroger l’après-image. » sébastien duijndam est photographe, mais sa formation de cinéaste imprime l’ensemble de son œuvre, avec un soin particulier apporté à l’histoire, au mouvement, au hors champ : « Quand je faisais du cinéma, j’aimais les plans fixes, je cherchais la photo dans le cinéma. Maintenant, c’est l’inverse. J’aime le mélange des genres. » Une déambulation romantique à laquelle on a envie de se joindre, de dos, de face ou de profil…
LES CYCLES La CEnSUrE Pour la sortie du livre Les Archives secrètes du cinéma français de Laurent Garreau, le mk2 Quai de Loire revient sur des films confrontés à la censure : Le Beau Serge et Les Cousins de claude chabrol, Le Rendez-vous des quais de Paul carpita et Le Pacha de Georges Lautner. dEpardIEU, UnE JEUnESSE d’aCtEUr cycle consacré à Gérard depardieu, avec entre autres : Barocco d’andré téchiné, Buffet froid de bertrand blier, Loulou de maurice Pialat, Le Choix des armes d’alain corneau, La Femme d'à côté et Le Dernier Métro de françois truffaut… vUES doCUMEntaIrES dans Ne me libérez pas, je m’en charge, fabienne Godet relate la vie mouvementée de michel Vaujour, cambrioleur évadé cinq fois de prison. Nous resterons sur terre de Pierre barougier et olivier bourgeois dresse quant à lui un bilan écologique lucide de notre planète. LUCrECIa MartEL : À travErS CorpS À l’occasion de la sortie de La Femme sans tête, le mk2 Hautefeuille programme les précédents films de la réalisatrice, figure du renouveau du cinéma argentin. La Ciénaga (2002) et La Niña Santa (2004) questionnent la place de la femme. danS L’oMBrE dE L’HIStoIrE caméra d’or au festival de cannes 1990, Bouge pas, meurs, ressuscite de Vitali kanevski relate les amours de deux adolescents en 1947 à soutchan, petite ville de l’est russe transformée en zone de détention.
Toute la programmation sur mk2.com
du 7 mai au 4 juin. www.sebastienduijdam.com
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CONCERTS
52 SORTIES EN VILLE
Le groupe Liquid Liquid, princes du punk-funk new-yorkais.
TAMBOURS BATTANTS Villette Sonique Pour sa quatrième édition, le festival parisien villette Sonique bat la mesure hors des sentiers battus avec une programmation pointue et éclectique, qui fait la part belle au rythme sous toutes ses formes. Chargez vos batteries. _Par Wilfried Paris
renouvelant son entreprise de subversion des a priori esthétiques qui lui avait si bien réussi l’année dernière (avec shellac, devo ou throbbing Gristle), Villette sonique accélère la cadence en 2009. Le festival bat le rappel des spectateurs parisiens sur des tambours chamanes, que les programmateurs etienne blanchot et frédéric mazelly n’hésitent pas à qualifier de « mutants » : « On voulait se faire l’écho de cette nouvelle génération de groupes centrés autour du batteur, en réunissant Deerhoof, Liars, Tussle, le trio free-rock de Japonaises furibardes Nisennenmondai, Dan Deacon accompagné par 12 musiciens (dont deux batteries), ou les princes du punk-funk new-yorkais Liquid Liquid, qui ont révolutionné l’approche rythmique rock. Par ailleurs, la notion de tambour a une connotation universelle, festive et propagatrice qui nous plaît bien. » Proposant des concerts gratuits en plein air, complémentaires avec les concerts payants, Villette sonique prend donc le pouls d’une tendance au tribalisme, au primitivisme, à la découverte d'autres continents musicaux : « L’ouverture des publics rock à des musiques qu’on a autrefois hâtivement classées « world » est un des bons côtés de la mondialisation. Le label américain Sublime Frequencies sera ainsi présent avec la star pop syrienne Omar Souleyman. » on vibrera également sous les drones saturés du groupe néo-metal sunn o))), ou avec les retours en fanfare des italiens prog’ rock Goblin et du groupe fondateur de la noise américaine the Jesus Lizard. deux soirées électro permettront enfin au mind (diplo, dJ Hell…) de suivre le body (richie Hawtin, magda…), ensemble sur le même tempo… « Un cœur n'est juste que s'il bat au rythme des autres cœurs. » (Paul eluard) Villette Sonique, du 27 au 31 mai à La Villette : www.villettesonique.com. Avec Diplo, Goblin, Liquid Liquid, Ebony Bones, Liars, Tussle, Jesus Lizard, Dan Deacon… MAI 2009
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L’OREILLE DE… DOMINIQUE A
BAT FOR LASHES, LE 27 MAI AU BATACLAN, dès 20H, 28,5 € « beaucoup d’amis de confiance m’ont dit le plus grand bien de ses concerts. Je ne connais que quelques chansons, mais il y a quelque chose qui me fait me dire : « Ah tiens, c’est peutêtre pour moi cette histoire. » L’imagerie babosgothique me fait penser à danielle dax, une chanteuse eighties dont j’aimais bien certaines chansons psyché-new wave. c’est du pur pressentiment, mais je sens que je vais me faire boulotter par la demoiselle... » _Propos recueillis par A.T.
Dominique A en concert les 10 et 11 juin au Théâtre de L’Athénée Louis Jouvet, dès 20h, à partir de 32,5 €
AGENDA CONCERTS
_Par W.P.
1 La poMpE ModErnE Le groupe anciennement nommé the brassens, qui réinterprète les standards de notre culture présente (daft Punk, iam, diam’s) à la manière du moustachu de sète (pompes de guitare et et rrroulement de rrr) revient hanter les planches, la pipe au bec. Pompez donc, pump it up. Le 23 mai aux Trois Baudets, dès 19h30, 15 €
2 JEan-LoUIS MUrat après Tristan, contant l’impossible amour entre tristan et yseult, et qui l’a placé en maître au cœur de la chanson d’amour française, l’auvergnat revient sur scène, seul à la guitare, avant la sortie en septembre d’un nouvel album. troubadour moderne, éternelle cigale. Le 28 mai à La Cigale, dès 20h, 28 €
3 Yo La tEnGo comme pour une bar-mitsvah ou un mariage, le trio pop-noise d’Hoboken vient jouer à Paris sans set-list et encourage le public à réclamer morceaux préférés et reprises incongrues. ils préviennent : « Vous allez rire, vous allez pleurer. » Vous pourrez surtout dire : « J’y étais. » Le 4 juin à L’Alhambra, dès 19h30, 27 €
4 CrYptaCIZE avec leur deuxième album Mythomania, le trio cryptacize impose une pop percussive, fragile et asymétrique, nourrie d’exotisme (nigéria et cambodge sur la carte géographique) et de surprises sonores précises, précieuses. Le 4 juin au Café de la Danse, dès 19h, 16 €
MAI 2009
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CLUBBING
54 SORTIES EN VILLE
Le groupe Turzi, au Point Éphémère le 23 mai.
COSMIC DANCERS Revival psyché sur les dance-floors Loin de la Trance-Goa qui fit les beaux jours des amateurs de LSD à l’orée des années 1990, on assiste sur les pistes de danse, noires de préférence, à un renouveau psychédélique, vintage et nostalgique. Revue de trips, et de troupes. _Par Wilfried Paris
c’est le nouvel opium du peuple de la nuit. tourné vers l’imagerie 60’s et 70’s (les flyers de La boca, Zeloot ou franceradium), fasciné par les premiers synthétiseurs analogiques (moog, arp, oberheim), le revival psychédélique de 2009 semble préférer les opiacés aux excitants, ralentissant le tempo en dessous des 120 bpm et rallongeant les morceaux jusqu’à créer une transe moins sexuelle et communicative qu’introspective et ouverte sur nos profondeurs. ainsi, le producteur marseillais danton eeprom n’a pas hésité à intituler son morceau phare Confessions of an English Opium-Eater, en référence tant à l’écrivain thomas de Quincey qu’à l’effet que produit sa musique sur le corps du danseur : hypnose, toxicité, désorientation et légère anxiété... La Mort au large, autre eP de danton eeprom, synthétise par son seul titre l’impression de menace sourde qui nourrit ces jours-ci l’électro la plus psychédélique (emperor machine, Padded cell, Zombie Zombie). Un courant marqué par le cinéma horrifique des 70’s (John carpenter, dario argento mis en musique par les italiens Goblin) et le krautrock de can ou kraftwerk (voir les Psychedelic Nights acides et survoltées du label Pan european recordings, dont la prochaine se tiendra au Point ephémère le 23 mai). tandis que les dJs norvégiens Lindstrøm et Prins thomas publient un deuxième album de disco étirée (II) fortement influencée par les trips de tangerine dream, les défricheurs du dirty sound system ne sont pas en reste, qui sortent une compilation de raretés psychédéliques françaises des 60’s et 70’s, de brigitte fontaine à bernard Lavilliers (!), moins dansante, mais pas moins planante… Soirée Dirty (Dirty Sound System, Pilooski, Smith n’ Hack), le 16 mai au Social Club, dès 23h, 15 €. Psychedelic Night (Turzi presents “B”), le 23 mai au Point Éphémère, dès 20h, 12 €. Goblin (« plays Dario Argento soundtracks »), le 29 mai à La Villette, dès 19h30, 26 €. MAI 2009
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LES NUITS DE… PEDRO WINTER
RAY BAN ROCK BATTLE LE 28 MaI aU SoCIaL CLUB « des lunettes noires, des kids et de la techno au programme de cette soirée au social club, mon endroit préféré à Paris. Un sound-system digne de ce nom, de jeunes et jolies filles en sueur et une programmation géniale feront encore passer les autres clubs pour d’insipides macumba. aux platines, entre autres, mon protégé sebastian fera très probablement tourner des extraits de son premier album prévu pour cet automne. J’ai hâte ! » _Propos recueillis par A.-L.G. Avec Sebastian, Annie Mac, Goose, The Cocknbullkid, dès 22h, 12 € Pedro Winter est DJ et patron du label Ed Banger (Justice, DJ Mehdi…).
AGENDA CLUBBING
_Par W.P.
1 katapULtE messe minimale dimanche 17 mai : le label berlinois Perlon est invité au rex par alex & Laetitia. Le patron du label, Zip, et le gourou techno ricardo Villalobos, prêtre gardien de la répétition à l’ère moderne, ordonneront cette nuit de transe. communions. Le 17 mai au Rex Club, dès 23h, 15 €
2 CHICroS CoMIC partY Pour la release-party de son nouvel album Radiotransmission, le groupe parisien Los chicros, fan de bd, invite ses amis dessinateurs à pousser des disques au Panic room. avec Luz (chanson française qui bouge), riad sattouf (tout metallica), Jc menu (sillons éternels)... comic club. Le 20 mai au Panic Room, dès 20h, gratuit
3 LaUrEnt GarnIEr Le célèbre producteur de techno revient avec un nouvel album ambitieux, sur lequel il est à la fois musicien, chef d’orchestre et chanteur. Un disque qu’il présentera sur scène, pour une date unique à Paris. dix heures de musique et des invités surprises. The place to be. Le 28 mai au Bataclan, dès 19h30, 21 €
4 pEtIt BatEaU x kItSUné MaISon En vraI #3 À l'occasion de la sortie de la compile Kitsuné Maison 7, Pipole et kitsuné invitent les anglais de crystal fighters (folktronica), chew Lips (8-bit casiotone drone-disco), delphics (files under Underworld) et magistrates (rock indie vs groove robotique). comme à la maison. Le 5 juin à la Maroquinerie, dès 19h30, 24 €
MAI 2009
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© Fabien Monthubert
EXPOS
56 SORTIES EN VILLE
Bernard Lamarche-Vadel chez lui à Paris - XiV - 1981 - Photographie noir et blanc
LE CRITIQUE ET SESLarmarche-Vadel DOUBLES au MAMVP Du 29 mai au 6 septembre, le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris rend hommage au critique d’art et écrivain français BErnard LaMarCHE-vadEL, à travers une exposition réunissant les artistes qu’il a soutenus. _Par Anne-Lou Vicente
au moment où s’achève la deuxième édition de La Force de l’art, grand-messe de l’art contemporain hexagonal abrité par la nef du Grand Palais, le musée d’art moderne de la Ville de Paris présente, à partir du 29 mai, l’exposition Dans l’œil du critique consacrée à bernard Lamarche-Vadel. en 1986, ce dernier demandait déjà, dans l’exposition éponyme dont il était le commissaire : « Qu’est-ce que l’art français ? » ainsi, Gérard Garouste, roman opalka, Jean-michel sanejouand, Jacques Villeglé ou encore martin barré figurent-ils parmi la cinquantaine d’artistes que bernard Lamarche-Vadel a repérés, défendus, montrés. considéré à juste titre comme l’un des critiques d’art les plus talentueux de sa génération, l’homme fut également romancier, poète, commissaire d’exposition, directeur de la revue Artistes et collectionneur. autant d’engagements forts, sans concessions, qui ont fait de lui un personnage incontournable, inoubliable. instigateur de la « Figuration libre » qui marquera les années 1980, défenseur de la photographie en tant qu’art à part entière, bernard Lamarche-Vadel était avant tout un écrivain, dont le premier roman, Vétérinaires, remporta le Prix Goncourt en 1994. Génie littéraire habité, hanté par la mort, il ira jusqu’à prendre le soin de décrire, dans l’un de ses livres paru en 1998, celle qu’il finira par se donner deux ans plus tard… réunissant plus de 250 œuvres, cette exposition en forme d’hommage reflète la diversité de la scène artistique des années 1980. elle se présente aussi comme l’occasion de redécouvrir le rôle de la critique, aujourd’hui tombée dans les limbes de la logique promotionnelle et événementielle… Dans l’œil du critique, Bernard Lamarche-Vadel et les artistes, du 29 mai au 6 septembre au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, 11 avenue de Président Wilson, 75016 Paris.
MAI 2009
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LE CABINET DE CURIOSITÉS
VRAOUM ! BANDE DESSINÉE ET ART CONTEMPORAIN de Little nemo à superman en passant par iznogoud et astroboy, les personnages et (super)héros du 9ème art ont aussi influencé de nombreux artistes contemporains : andy Warhol, takashi murakami, Wim delvoye ou encore Gilles barbier. L’exposition réunit des planches originales réalisées par les plus prestigieux auteurs de bande dessinée (Hergé, moebius, Hugo Pratt, enki bilal…) ainsi qu’un ensemble d’œuvres d’art qui s’en sont inspirées. _A.-L.V.
Du 29 mai au 27 septembre à La Maison rouge, 10 boulevard de la Bastille, 75012 Paris.
AGENDA EXPOS
_Par A.-L.V.
GYan panCHaL Élaborées à partir de matériaux industriels pauvres et parfois invisibles, les sculptures minimalistes de Gyan Panchal révèlent une fragilité qui les rapproche d’éléments naturels, auxquels elles se trouvent régulièrement associées. Du 16 mai au 27 juin à la Galerie Frank Elbaz, 7 rue Saint-Claude, 75003 Paris.
SaMon takaHaSHI dans Suite N, samon takahashi interroge la mécanique de l’écriture musicale et la fonctionnalité des machines usuelles à travers des dispositifs où vibrations, mouvements et images déclenchent une série de situations musicales non identifiées. Du 18 mai au 30 août au Centre national de l’estampe et de l’art imprimé (Cneai), Île des impressionnistes, 78400 Chatou.
ELLES@CEntrEpoMpIdoU Le musée national d’art moderne présente son nouvel accrochage thématique : honneur aux femmes, qui ne représentent que 17,7% des artistes présents dans les collections. de frida kalho à tatiana trouvé en passant par annette messager et Louise bourgeois… À partir du 27 mai au Centre Pompidou, Place Georges Pompidou, 75004 Paris.
MAI 2009
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© Frédéric Iovino
SPECTACLES
58 SORTIES EN VILLE
VOYAGE INTERSIDÉRÉ Les Rencontres de Seine St-Denis Dans la lumineuse galaxie des Rencontres de Seine St-Denis, La Constellation consternée du chorégraphe tHoMaS LEBrUn, fils prodigue de la danse expressionniste, force l’attraction. _Par Ève Beauvallet
c’est bien connu : sous le fard, le cafard. monomaniaque des strass et paillettes, biberonné aux pop-cultures, le chorégraphe thomas Lebrun aime le rimmel lorsqu’il dégouline. ses pantalonnades ont souvent eu la gueule de bois pour horizon. certes. mais avec son nouveau vaisseau La Constellation consternée, le chorégraphe braque à 180 degrés vers le côté obscur du plateau, avec, à bord, une myriade de danseurs en gravitation autour du motif de l’étoile. Quatre solos et duos pour sonder la résistance et l’anéantissement de l’individu dans un univers qui le submerge. et explorer des gouffres : celui lié à la perte d’un proche dans Gwiadza, à la perte de l’identité dans L’Étoile jaune, ou encore à la perte de la reconnaissance dans Le Temps de briller. après Itinéraire du danseur grassouillet, autoportrait très terrien croqué collectivement, thomas Lebrun sort de l’orbite grand-guignolesque pour une complainte toute lunaire, au plus intime de sa danse. chorégraphie ciselée, riche en ellipses, déraillements rythmiques et rafales abdominales, La Constellation consternée témoigne de cet art virtuose qu’a Lebrun pour mixer épanchements expressionnistes et stylisation tex avery. « Les vieux films d’animation ou le cinéma muet m’ont beaucoup construit, précise t-il. Il y a une nostalgie forte dans ma danse, liée à d’anciennes manières de se placer sur un plateau. » ses plateaux, à lui, sont patinés par les années 1950, marqués au sceau du cabaret et de ses éclairages contrastés. mais les douches et poursuites lumineuses révèlent surtout le noir vertigineux alentour, celui qui, entre autres, engloutira le danseur-étoile du Temps de briller. À l’image de ce solo cristallin, les satellites affligés de thomas Lebrun livrent ensemble une tragédie des hors champs et des éclipses. Un requiem pour planètes mortes dont on perçoit pourtant la lumière. La Constellation consternée, chorégraphie de Thomas Lebrun, du 1 au 5 juin aux Rencontres Chorégraphiques internationales de Seine St-Denis. www.rencontreschoregraphiques.com MAI 2009
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LE SPECTACLE VIVANT NON IDENTIFIÉ
YVES-NOËL GENOD tout espace est aire de jeu pour yves-noël Genod. ses désinvoltures sensuelles et survoltées fleurissent partout : sur un Hamlet sans texte, dans l’obscurité la plus totale avec Le Dispariteur ou sur des tubes de variété old-school dans Blektre. son capharnaüm juvénile a fait de cet « homme de théâtre qui danse » le plus dissident dandy du théâtre performatif. son plus riche terrain de fiction pour parler aux autres ? Lui-même. nous tombons bien, l’auto-fabulateur crée pour le théâtre national de chaillot… Yves Noël Genod. Juste pour jouer. ou déjouer, c’est selon. _E.V.
Du 14 mai au 6 juin au Théâtre National de Chaillot. www.theatre-chaillot.fr.
AGENDA SPECTACLES
_Par E.V.
1 CréatIon 2009 Ultima Vez, la compagnie culte du chorégraphe belge Wim Vandekeybus, vient fuser au théâtre de la Ville. fulgurante, intrépide, sa danse est conduite pour cette Création 2009 par des bolides derniers cris. Une équipe entièrement renouvelée de neuf jeunes danseurs, dont l’énergie sauvage et les assauts musculeux défient les sons de mauro Pawlowski, poids lourd du rock indé belge. Du 9 au 13 juin au Théâtre de la Ville. www.theatredelaville-paris.com
2 L’aMantE anGLaISE 1949 : une femme découpe un corps en morceau et l’éparpille méthodiquement dans des trains de marchandises. ce fait divers peu reluisant, filtré par la langue de marguerite duras, devient L’Amante anglaise. Un trio dramatique porté par Ludmila mikaël, areil Garcia Valdès et le magnifique andré Wilms, pour observer, au plus proche du documentaire, les rouages retors de l’appareil judiciaire. À partir du 28 avril au Théâtre de la Madeleine. www.theatremadeleine.com
3 toSCa enième mais immanquable reprise à l’opéra bastille de Tosca, mélodrame phare, révolutionnaire, de l’œuvre de Puccini. aux commandes scéniques, le cinéaste allemand Werner schroeter et ses réglages millimétriques de l’espace. ni fond de teint contemporain, ni étalage multimédia, juste le rouge et noir fantasmatique de la scénographie et la sobriété majestueuse des chanteurs. Du 20 mai au 5 juin à l’Opéra Bastille. www.operadeparis.fr
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RESTOS
60 SORTIES EN VILLE
PREMIÈRE ÉTOILE Bertrand Grébaut à L’Agapé L’Agapé, restaurant créé et dirigé par Laurent Lapaire et Olivier Le Franc, vient de se voir décerner par le Guide Michelin 2009 sa première étoile. Elle consacre le talent du jeune chef BErtrand GréBaUt, et de son équipe. _Par Bruno Verjus
Une relation hédoniste lie Laurent Lapaire et bertrand Grébaut. elle s’énonce aux lettres tracées à même le mur du restaurant : « Agapé. Nom féminin. Exclusivement collectif. Bannit les solitudes, élève les appétits et les récompense par le plaisir. » Une définition extraite du Dictionnaire hédoniste universel, inventé pour l’occasion par l’écrivain ingrid astier. L’endroit donne envie de réinterpréter les paroles de brillat-savarin : « La découverte d’un lieu nouveau fait plus pour le bonheur du genre humain que la découverte d’une étoile. » depuis début mars, L’Agapé nous offre les deux ! bertrand Grébaut, chef de 27 ans passé par les beaux arts à Paris, rejoint en 2006 les cuisines de L’Arpège, le restaurant triplement étoilé d’alain Passard. en deux ans, il occupe tous les postes – de la pluche aux passes, et apprend l’épure. À L’Agapé, il pratique une cuisine ouverte sur le monde, éthique, équitable… des mots qui résonnent promptement en cuisine : les légumes sont bio, les poissons sauvages et non menacés, les viandes tracées. témoin du soin apporté au confort des papilles, les pains sont signés Poujauran, les beurres bordier, les fromages bernard antony. bertrand Grébaut fonde son art sur la justesse des cuissons et des assaisonnements. sa sensibilité débarrasse le superflu au profit d’associations simples, tranchantes, brutes. il propose des plats à l‘équilibre subtil où les saveurs se mêlent… de nous régaler : un délicat pigeon, agrumes et chicon / endive rouge ; de gourmandes asperges habillées de lardo di colonata ou d’un œuf mollet à peine fumé ; une vive noix de veau crue, assaisonnée d’artichauts violets crus et de condiment citron-vanille... des plats au firmament du goût, des saveurs et textures qui font briller mille et une étoiles dans nos yeux. L’Agapé, 51 rue Jouffroy d’Abbans, 75017 Paris. Tél. : 01 42 27 20 18 Fermé dimanche et lundi. Menu du midi : 39 €. Le soir, compter entre 70 et 100 € à la carte. MAI 2009
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LE PALAIS DE… PHOENIX
KUNITORAYA «J’adore aller dans le quartier japonais, vers la rue saint-anne. il y a ce resto dingue, Kunitoraya. c’est fabuleux, on est directement à tokyo – effet Lost in Translation garanti. rien de mieux qu’une bière et un petit saké pour accompagner leurs bols d’udon. Kunitoraya, c’est le spécialiste de ces petites pâtes fraiches au blé. L’exotisme ultime à Paris. Le restaurant a un côté cantine qui me plaît bien – on y mange pour dix euros. certains de nos potes japonais nous assurent que c’est meilleur que chez eux, c’est dire ! » _Propos recueillis par A.T.
39 rue Sainte-Anne, 75001 Paris, tél : 01 47 03 33 65 Phoenix sort le 25 mai l’album Wolfgang Amadeux Mozart (V2).
OÙ MANGER APRÈS… CoraLInE Sur un arbre perché chatouille vos papilles avec sa cuisine inventive (nems de homard et écrevisse, marmite de civet d’oie à l’orange et au cassis…) à déguster du haut d’une balançoire. menu midi à 21 €. 1 rue du 4 septembre, 75002 Paris. Tél. : 01 42 96 97 01
WHo’S tHat knoCkInG at MY door ? c’est Swann et Vincent, pour vous proposer classiques et trésors cachés de la cuisine italienne ! La pasta carbonara « buonissima » et le pain à l’huile d’olive sorti du four raviraient « il maestro » scorsese en personne. menu midi à 14,90 €. 7 rue Saint Nicolas, 75012 Paris. Tél. : 01 43 43 49 40
vEnGEanCE au New Manwa, à deux pas de la gare de Lyon. outre le célébrissime bo bun, le loclac cambodgien et le porc haché thaï, servis par billy et cuisinés par sa maman, désarmeront les plus fins connaisseurs (environ 10 €, sur place ou à emporter). 24 rue Traversière, 75012 Paris. Tél. : 01 43 40 20 06
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62 LA CHRONIQUE DE
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Who's That Knocking at My Door ? : le titre du premier long métrage de Martin Scorsese sonne comme un uppercut. Coup de poing dans le paysage cinématographique américain, cette œuvre de jeunesse pose les jalons d’une filmographie obsessionnelle. À l’occasion de la ressortie événement du film, et tandis que se profile une salve de projets percutants (dont sa prochaine fiction en date, Shutter Island, en salles à l’automne), décryptage des motifsclés de l’auteur de Raging Bull. Dossier coordonné par Auréliano Tonet et Sandrine Marques
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66 DOSSIER /// MARTIN SCORSESE
œUVre DE JEUNESSE, Genèse DE L’ŒUVRE Film de jeunesse, Who’s That Knocking at My Door ? l’est à double titre : portrait de l’artiste en jeune homme, à travers l’évocation du quartier de son enfance, le premier long métrage de MartIn SCorSESE est aussi l’esquisse de l’œuvre à venir. _Par Jérôme Momcilovic
Q
ui connaît bien l’œuvre scorsesienne ne s’étonnera pas de la voir commencer en cuisine. Who’s That Knocking at My Door ?, premier long métrage du jeune martin scorsese, s’ouvre sur une image familière. sous le regard d’une collection de statuettes sulpiciennes, une matrone, jouée par la propre mère de scorsese, prépare le calzone pour sa petite famille. La séquence est muette, mais elle résonne encore de la leçon énoncée, par la même catherine scorsese, dans It’s Not Just You, Murray !, second court métrage de l’apprenti-cinéaste : « Eat first ! », prodiguait-elle à murray, premier de la longue lignée des gangsters scorsesiens. Une vingtaine d’années plus tard, et tandis qu’un corps agonise dans le coffre de leur voiture, ceux des Affranchis feront une halte à la même table, et en vertu du même adage.
c’est la première chose qui frappe, à redécouvrir, à quarante ans d’intervalle, ce film matrice. Qu’il soit à la fois un pur produit de son époque, typique du jeune cinéma new-yorkais de la fin des sixties et de l’éclosion d’une génération ramassée des années plus tard sous la bannière du « nouvel Hollywood », et qu’en même temps l’essentiel des grands motifs scorsesiens y soient déjà plantés, bourgeons évidents de l’œuvre à venir. À commencer par l’épuisante culpabilité qui étreint J.r., le personnage d’Harvey keitel. scorsese, à la demande de son distributeur, a beau draper d’un morceau des doors la rêverie érotique dans laquelle plonge son héros, la séquence ne respire pas exactement la libération sexuelle : sur le lit où le rejoignent les tentatrices, keitel apparaît, littéralement, crucifié. c’est une image qui reviendra à l’identique dans Mean Streets, où keitel sera confronté à de pareils tourments, naviguant
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« LA CATHÉDRALE DU FILM EST CELLE OÙ SCORSESE FUT ENFANT DE CHŒUR. » de la rue à l’église où déjà, à la fin de Who’s That Knocking…, il passait à confesse. La majeure partie de l’œuvre de scorsese baignera, on le sait, dans une telle iconographie, guidant ses personnages sur autant de chemins de croix, de Bertha Boxcar à Taxi Driver, de Raging Bull aux Nerfs à vifs ou À tombeau ouvert. mais, La Dernière Tentation du Christ mis à part, Who’s That Knocking… est peutêtre la figuration la plus littérale de cette obsession héritée par scorsese de son éducation catholique : décidemment programmatique, le film est borné par deux images d’eucharistie (catherine scorsese rompant le pain, puis, à l’autre bout, Harvey keitel buvant métaphoriquement le sang du christ en croix). Probablement parce que ce premier film est, entre tous, le plus directement autobiographique. La cathédrale des derniers plans est celle où il fut enfant de chœur. et dans la névrose de J.r., dans son débit insensé quand, à la fille dont il s’est entiché, il fait l’éloge de Rio Bravo, on reconnaîtra sans peine un autoportrait. ici ou dans la peau de charlie dans Mean Streets, Harvey keitel aura été à l’écran le véritable alter ego de scorsese – de niro, lui, sera plutôt, ainsi que l’expliqua un jour spielberg, l’expression de sa part sombre, l’acting
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La rue (à g. Who’s…, au m. La Valse des pantins, à d. Taxi Driver) : Mal famées, infestées par le péché, sillonnées par les taxis, les rues de New York dessinent la topographie d’un cinéma résolument urbain. On y aperçoit même Joe Strummer, le leader de The Clash (La Valse des pantins).
La bagarre (à g. Who’s…, au m. Gangs of New York, à d. Mean Streets) : Ponctuant le récit de pauses ludiques et pulsatiles, les scènes de bagarres sont rythmées comme des morceaux de rythm n’ blues (doo-wop, Motown) et de rock n’roll (Rolling Stones), grandes passions de ce réalisateur mélomane.
« DU MILIEU ITALOAMÉRICAIN QUI L’A VU GRANDIR, SCORSESE PUISE D’ABORD UN TEMPO, UNE PURE MUSICALITÉ, UNE ÉNERGIE BRUTE. » out d’une violence refoulée dont la découverte du cinéma aura retenu l’éruption. surtout, il tient à cœur à scorsese, avec ce premier film, de documenter la vie du quartier italo-américain du Lower east side où il a grandi : à travers les raggazi de Who’s That Knocking… ou Mean Streets, scorsese dresse un portrait de sa propre jeunesse. Étudiant, il se passionne pour le cinéma-vérité initié par Leacock ou Pennebaker, et la pente documentaire de ce galop d’essai trahit l’influence de l’école new-yorkaise de l’époque.
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Pour autant, il est étonnant de voir combien, sous cet apparent naturalisme, sourd déjà la force opératique des Affranchis ou de Casino. du milieu qui l’a vu grandir, scorsese retient moins une vérité documentaire qu’une énergie brute et un moteur de mise en scène qui l’accompagnera tout au long de sa filmographie. Les premiers plans sur la bande de J.r. s’ébrouant sur le pavé disent bien qu’il y puise d’abord un tempo, une pure musicalité : ballet du corps des petits caïds (qu’ils boivent, se battent ou arpentent simplement le bitume), et surtout, ruban de la parole, dans quoi le film s’enroule jusqu’à l’ivresse. de ce point de vue, le vrai maître new-yorkais de scorsese est bien cassavetes – la scène de fête de Who’s That Knocking… semble tout droit sortie de Shadows. mais la musicalité propre à son cinéma, infusée dans son imaginaire d’enfant (il explique volontiers combien sa passion pour la musique lui fut dictée par l’atmosphère de son quartier), est, elle, affaire de rituel. de la préparation du calzone aux scènes de bande, il montre des gestes qui ont été faits mille fois, un pur refrain, une ritournelle. La rue est, en soi, promesse de récits, jaillissement d’histoires – et d’Histoire : Gangs of New York, de ce point de vue, sera le point d’orgue de ce programme. c’est ce jaillissement que filme scorsese quand sa caméra serpente dans le décor de son enfance. Le geste sera le même, prolongé, loin de Little italy, dans de longs travellings virtuoses, entre les tables de jeu de Casino, ou dans les salons hautement ritualisés du Temps de l’innocence. c’est à cette aune qu’il faut accueillir, aujourd’hui, la radieuse énergie de ce film de jeunesse : dans Who’s That Knocking…, c’est tout le cinéma de scorsese qui, déjà, est en ébullition.
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68 DOSSIER /// MARTIN SCORSESE
«yoU TALKIN’TO ME ?» Mai 1974. Mean Streets, troisième film d’un jeune inconnu, Martin Scorsese, est projeté en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs du festival de Cannes. À cette occasion, le (futur) auteur de Taxi Driver accorde ses premiers entretiens à la presse française, durant lesquels il revient sur son éducation religieuse, clanique et cinéphile. Pour accompagner la ressortie en salles de son premier long métrage, Who’s That Knocking at My Door ?, Trois Couleurs publie des extraits de l’un de ces précieux documents. _Propos recueillis par Michael Henry Wilson et Michel Ciment en mai 1974 et mars 1975
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a religion a tenu une grande place dans votre jeunesse. Est-ce encore le cas aujourd’hui ? ni plus ni moins que ce que vous voyez dans Mean Streets. Un sentiment de culpabilité, oui. beaucoup de superstitions aussi. Je m’entoure de toute une série de rituels, je déteste certains chiffres, il y a certains papiers que je ne jetterais pour rien au monde, mais je ne mets plus les pieds à l’église, je ne parle plus aux prêtres…
vous êtes cependant entré au séminaire ? J’ai seulement suivi un séminaire préparatoire sur la 86ème rue. Je voulais devenir prêtre. c’était vers 1956. c’est alors qu’éclata la révolution du rock’n’roll. La musique, cette musique-là, ça a été très important pour moi. dans mon quartier, les gamins imitaient brando, portaient des blousons de cuir, traînaient dans les bars et les confiseries. Graine de violence, nous vivions cela tous les jours. et puis il y avait les filles… impossible de me concentrer sur mes études dans ces conditions ! J’ai été renvoyé. Pour eux, j’étais un voyou, une graine de gangster. Je suis allé dans un collège catholique avec l’intention de revenir un jour au séminaire, mais plus tard je n’ai pu entrer à l’université des Jésuites, mes notes étant trop mauvaises. Je me suis alors rabattu sur l’Université de new york, où je me suis très vite dirigé vers les cours d’histoire du cinéma. vous avez ainsi, d’une certaine façon, échappé à votre environnement, mais n’était-ce pas exceptionnel ? Quand on a été élevé dans Little italy, que devenir, sinon gangster ou prêtre ? or je ne pouvais faire un gangster acceptable. Je me faisais toujours tabasser. Vous vous souvenez de Manhattan Melodrama, clark Gable devenant un mauvais garçon tandis que son copain William Powell est MAI 2009
« QUAND ON A ÉTÉ ÉLEVÉ DANS LITTLE ITALY, QUE DEVENIR, SINON GANGSTER OU PRÊTRE ? » élu gouverneur et le fait condamner à mort ? eh bien, mes amis sont toujours là-bas, ils s’habillent toujours de la même façon, ils n’ont guère changé. J’ai beaucoup de tendresse pour eux, mais moi j’ai dû prendre une autre voie pour survivre. J’ai survécu en parlant très vite, en débitant des discours insensés, en faisant rire les autres par mes absurdités. et quand il y avait une bagarre, comme par hasard, je la manquais toujours de quelques minutes. sans trop de regrets… il y en a tant qui se sont amochés, détruits, dans ces rixes stupides. Si le cinéma était pour vous une façon de prendre vos distances, comment votre bande a-t-elle réagi à cette « trahison » ? ils ont d’abord été fascinés, ils m’ont aidé à réaliser WWW.MK2.COM
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Le sang du Christ (à g. Who’s…, au m. The Big Shave, à d. Taxi Driver) : Entailles, coupures, stigmates, les effusions d’hémoglobine maculent les fictions scorsesiennes, symbolisant tant le sacrifice du Christ que la culpabilité des héros, voire de la nation toute entière.
Le héros crucifié (à d. Who’s…, au m. La Dernière Tentation..., à d. Les Nerfs à vif) : Écho de son éducation religieuse, le motif de la crucifixion crible les corps des personnages de l’italo-Américain, qui ira jusqu’à filmer la Passion dans le très controversé La Dernière Tentation du Christ.
mes premiers courts métrages, notamment It’s Not Just You, Murray !, ils ont participé de très près à la recherché des décors et des costumes. mais deux ans plus tard, quand j’ai entrepris Who’s That Knocking…, une histoire dramatique cette fois, j’ai utilisé leurs véritables noms, et ils se sont sentis offensés par le film. Le seul personnage bien campé, c’était J.r. et J.r., c’était moi ! ils l’ont très bien senti. c’était beaucoup trop narcissique et complaisant. Je n’ai montré qu’un centième de leur caractère à eux, et ils ont trouvé que je les peignais sous le plus mauvais jour possible. mon ami sally Gaga, duquel je me suis plus tard inspiré pour le personnage Johnny boy dans Mean Streets, a tellement été offensé par Who’s That Knocking… qu’il est sorti de la projection. en réalité, avec ce film, j’avais voulu confronter un garçon qui a été élevé en catholique à une fille en laquelle il veut voir tantôt une madone, tantôt une putain. Un problème vieux comme la sicile ! Quand j’ai projeté le film à mon professeur, il m’a soutenu que tout cela était dépassé depuis longtemps, qu’il fallait être de son temps, parler de drogue et de l’amour libre. mais ceux qui ont été élevés dans les ghettos, les Polonais, les Juifs, les irlandais, les italiens, ont compris. et la tristesse de ces vies, je la vois partout, chez toutes les minorités. robert redford, pour moi, c’est une autre planète, une amérique étrangère que je regarde de très loin. Comment vous situez-vous aujourd’hui par rapport à vos origines ? toujours entre deux chaises ! nous sommes la troisième génération. mes grands-parents ont émigré vers 1910. ils ne parlaient qu’italien et n’ont jamais eu la nationalité américaine. mes parents, eux, sont nés, se sont mariés et ont presque toujours vécu dans manhattan. Leur vie a eu pour toile de fond la Grande dépression, et par bien des MAI 2009
« JE NE POUVAIS FAIRE UN GANGSTER ACCEPTABLE. JE ME FAISAIS TOUJOURS TABASSER. » côtés ils représentent l’électorat de George Wallace [gouverneur de l’Alabama, plusieurs fois candidat indépendant à l’élection présidentielle, Wallace fut notamment partisan de la ségrégation raciale, ndlr]. ils ont toujours habité dans les appartements des autres. d’où des disputes continuelles, des différends familiaux aux ramifications compliquées. Je suis né à Long island, mais en 1950 ils sont revenus dans Little italy, à elisabeth street, là où ils étaient nés. ils ont fait leur premier voyage en sicile l’an dernier. Lorsqu’ils parlent entre eux, ils sautent constamment du sicilien à l’anglais et vice versa. moi, je peux tout juste lire l’italien, mais je ne peux pas le parler, je suis « bloqué ».
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70 DOSSIER /// MARTIN SCORSESE
La sainte mère (à d. Who’s …, au m. italianamerican, à d. Les Affranchis) : Gardienne du foyer, figure sainte et nourricière, la mère de Martin Scorsese, Catherine, multiplie les apparitions dans les films de son fils, jusqu’à sa mort en 1997.
L’aura (à d. Who’s…, au m. Raging Bull, à d. After Hours) : Têtes et mains sont entourés de halos qui consacrent leur caractère sacré et omnipotent. Si l’héroïne scorsesienne est soit une sainte, soit une putain, le désir se cristallise sur les blondes, nimbées d’une aura divine.
« ROBERT REDFORD, POUR MOI, C’EST UNE AUTRE PLANÈTE, UNE AMÉRIQUE ÉTRANGÈRE QUE JE REGARDE DE TRÈS LOIN. » Comment a évolué Who’s That Knocking... jusqu’à sa version définitive ? il m’a fallu trois ans pour le finir. La première mouture, Bring on the Dang Girls, est le premier film en 35 mm à avoir été réalisé dans un cadre universitaire. Le sujet, la rencontre de J.r. et de la jeune fille, n’était pas vraiment traité. J’ai surtout tourné dans Little italy des scènes entre J.r. et sa bande, des bagarres, des beuveries, des orgies. Un désastre : tout le monde a détesté ça. Puis, en 1967, mon ancien professeur, Haig manoogian, qui se lançait dans la production indépendante, me poussa à écrire de nouveaux MAI 2009
épisodes avec la fille, à développer le conflit intérieur de J.r.. Zina bethune remplaça l’actrice antérieure, je récupérai Harvey keitel, et nous tournâmes pendant quatre semaines leurs scènes à tous les deux, avec michael Wadleigh derrière la caméra. La différence entre les scènes photographiées en 35 par richard coll et celles photographiées en 16 par Wadleigh deux ans plus tard saute aux yeux. on ne voit jamais Zina et la bande ensemble dans un plan ! Le film fut présenté au festival de new york, mais ne trouva pas de distributeur. après avoir fait mon court métrage The Big Shave, comme j’étais assez découragé, je me suis laissé convaincre par richard coll, qui vivait à amsterdam, de le rejoindre en europe pour réaliser avec lui des films publicitaires. J’y ai passé six mois. J’ai vite découvert que je détestais la pub. À la cinémathèque de bruxelles, je fis la connaissance de Jacques Ledoux : il me dit que j’étais cinglé de perdre mon temps sur des pubs flamandes ! Heureusement, manoogian me téléphona des États-Unis, m’annonçant que que Joseph brenner, un distributeur de films érotiques qui tentait de s’insérer dans des circuits plus « respectables », voulait bien de mon long métrage, à condition que je rajoute une scène déshabillée. or je ne pouvais rentrer à new york, j’étais coincé là-bas dans un pétrin incroyable. on fit donc revenir Harvey keitel à amsterdam. La scène fut bouclée en deux jours avec anne colette, la comédienne de Tous les garçons s’appellent Patrick [court métrage de Jean-Luc Godard, ndlr], et photographiée par max fisher car richard coll était tombé malade entre-temps. elle n’a aucun rapport avec le reste du film. sans transition, au milieu d’un dialogue sur les filles, les bonnes et les mauvaises, les vierges et les salopes, bang !, on enchaîne sur cette séquence de masturbation, délibérément surexposée, et sur laquelle j’ai plaqué la musique des doors. c’est tellement dingue que le public croit à chaque fois WWW.MK2.COM
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Les cartes (à d. Who’s…, au m. Mean Streets, à d. Raging Bull) : Qu’un destin se joue, les plus puissants le tranchent à la coupe d’un jeu de cartes (Raging Bull). Le jeu extériorise aussi les tensions latentes du groupe (Mean Streets). Jeté sur le corps nu d’une prostituée (Who’s…), c’est un geste expiatoire.
L’église comme sanctuaire (à d. Who’s…, au m. Mean Streets, à d. Les infiltrés) : icônes, ex-voto, crucifix nourrissent l’imagerie religieuse des films. En proie à de vifs conflits intérieurs, les héros se recueillent dans le silence des églises. Scorsese, le cinéphile, assimile également ce sanctuaire à la salle de cinéma.
que c’est le projecteur qui déraille ! Jonas mekas voulait à tout prix que je la coupe afin de pouvoir la projeter comme un film en soi ! Who’s That Knocking… est un peu le premier volet de votre autobiographie… chaque incident est autobiographique. Plus encore que dans Mean Streets. il n’y a pas vraiment d’intrigue : J.r. tombe amoureux d’une jeune fille, mais est toujours fourré avec ses copains, qui sont jaloux d’elle. se sentant coupable, il refuse de faire l’amour avec elle sur le lit de sa mère (j’ai tourné cette scène dans la propre chambre de ma mère, avec des statues religieuses partout…), elle ne le comprend pas, alors il l’emmène voir Rio Bravo et Scaramouche, et là il lui désigne angie dickinson en lui expliquant que c’est son type de femme… Les scènes avec la bande sont à peine structurées. on les voit, vêtus de noir, jouant avec des armes, puis on les retrouve à la montagne, tout à fait déplacés et maladroits, craignant les serpents, s’invectivant. au sommet, J.r. leur fait admirer le crépuscule. Puis bang ! on enchaîne sur la fille disant qu’elle n’est plus vierge. J.r. refuse de l’admettre, ne peut croire qu’elle a été violée, rejoint ses copains au cours d’une partie orgiaque. Le lendemain, lui qui aime Percy sledge et ray baretto, il la retrouve en train de lire Tendre est la nuit et d’écouter un disque de sinatra ! il l’embrasse, s’excuse, lui pardonne, puis la traite à nouveau de putain et casse tout. il part rejoindre sa bande, mais en fait il les quitte eux aussi. tout s’écroule autour de lui. c’est ce qui m’arrivait à l’époque, et je crois que c’est la raison pour laquelle je n’ai pas réussi à faire un film intelligible. Je n’avais pas de recul. c’est un patchwork, mais il y a tout de même, par-ci par-là, quelques bonnes séquences, comme celle où la bande regarde charlie chan à la télévision et celle, au ralenti, où baretto chante El Watusi. MAI 2009
Les extraits de films, dans Who’s That Knocking… ou Mean Streets, sont-ils seulement là en hommage à leurs réalisateurs ? Ils constituent également un contre-point… ces films ont fait partie de notre vie. nous en parlions pendant des heures. ford, par exemple, mon réalisateur favori, nous revoyions continuellement ses films, nous en apprenions par cœur les dialogues. on se définissait par rapport à ses personnages, par rapport à John Wayne, Jeffrey Hunter ou ken curtis. dans Who’s That Knocking…, Harvey keitel, attendant le ferry, voit sa petite amie lire un article sur La Prisonnière du désert dans Paris Match, et il se met à en parler comme un cinglé pendant neuf minutes ! dans Who’s That Knocking… et Mean Streets, n’y a-til pas un rapport de cause à effet entre l’éducation religieuse des personnages et leur névrose ? ce n’est pas propre aux italo-américains. Les Juifs connaissent ça. Les irlandais ? non, ils savent goûter les plaisirs de la table, ils s’amusent aux enterrements, ils prennent la vie du bon côté. c’est un autre catholicisme. nous, quand nous nous mettons à table, nous entrons sur un champ de bataille. aux veillées funèbres, nous crions, nous pleurons. Les vieilles tentent d’arracher le corps du cercueil. si vous n’avez pas le même comportement, on en conclut que vous n’aimiez pas le défunt. c’est ce que je montrerai dans la suite de Mean Streets, cette hystérie, cette culpabilité, cette héritage de l’ancienne génération. Entretien extrait de l’ouvrage « Martin Scorsese – Entretiens avec Michael Henry Wilson» (Cahiers du cinéma / Centre Pompidou, coll. Albums, 2005, 55 €, copyright Cahiers du cinéma), avec l’aimable autorisation de Michael Henry Wilson. Une nouvelle édition mise à jour de cet ouvrage devrait paraître d’ici la fin de l’année. Who’s That Knockin on My Door ? Un film de Martin SCORSESE // Avec Harvey Keitel, Zina Bethune, Michael Scala… Distribution : Solaris // États-Unis, 1969, 1h30 // Sortie le 10 juin
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72 DOSSIER /// MARTIN SCORSESE
seriaL LECTEUR On connaît le cinéphile qui se bat pour la restauration des films. On connaît le fou de musique. Mais Martin Scorsese est aussi un cinéaste qui ne cesse de puiser dans la littérature, comme en témoigne sa myriade de projets en cours, de Shutter Island (sortie prévue le 14 octobre prochain) à Silence ou au Loup de Wall Street, en salles courant 2010. Portrait d’un adaptateur obsessionnel. _Par Hubert Artus
c
’est en réalisant un rêve d’enfant que scorsese vint au livre. celui qui, à 14 ans, entrait au séminaire est arrivé à l’adaptation littéraire par le sacré : La Dernière Tentation du Christ (1988) est tiré de La Dernière Tentation, publié en 1954 par le Grec nikos kazantzakis. depuis toujours, les films de l’américain sont empreints de quatre obsessions : religion, mal, trahison et mafia. ses goûts littéraires dessinent la même quadrature. LE Goût dU SaCré
en 1988 donc, scorsese se glisse dans les pas de Pier Paolo Pasolini, lui aussi obsédé par la Passion du christ. et qui, lui aussi, aura droit à foudres et procès à la sortie de L’Évangile selon Matthieu en 1963. si l’opus de Pasolini avait choqué par son dépouillement – le film était fidèle au texte d’origine –, scorsese choquera, lui, par un Jésus complètement déchristifié. Un homme comme les autres, qui cède à la tentation. Silence, un des projets auxquels tient le plus martin scorsese, sera catholiquement plus correct. depuis dix ans en effet, le cinéaste souhaite adapter Chinmoku (Silence), du Japonais shusaku endo. Chinmoku est le livre le plus connu d’endo, un des grands romanciers du Japon d’après-guerre. Un roman trouble qui ne pouvait qu’intriguer l’italo-américain : l'histoire d'un missionnaire portugais dans le Japon du début du XViième siècle, qui devient apostat… mais uniquement aux yeux des autres, l’homme gardant en secret sa foi chrétienne. Le tournage devrait débuter d’ici l’été, au Japon et en nouvelle-Zélande, avec un casting prometteur : daniel day Lewis, benicio del toro et Gael García bernal. Le livre avait déjà été adapté en 1971 par son compatriote masahiro shinoda. on retrouve donc ici, en doublon, une marotte scorsesienne : le remake (Les Nerfs à vif, Les Infiltrés).
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noIr ESt Sa CoULEUr autre manie : le film noir. de La Couleur de l’argent à Casino, c’est le genre le plus fréquemment plébiscité par scorsese. s’y déploient toutes les obsessions artistiques et politiques de l’auteur de Mean Streets : les fondations mafieuses des ÉtatsUnis, les villes et les destins bâtis sur l’argent, la paranoïa, les trahisons, l’identité des américains originaires d’italie. si Casino s’appuie sur l'histoire réelle de frank rosenthal et d’anthony spilotro (incarnés par robert de niro et Joe Pesci), il est basé sur un livre éponyme signé nicholas Pileggi, écrivain et journaliste italo-américain, déjà auteur de Wiseguy (adapté par scorsese sous le titre Les Affranchis). LE CInéaStE dE La paranoïa Parmi les grands réalisateurs de thrillers, scorsese reste, d’abord et avant tout, un maître de la paranoïa – on se rappelle Les Nerfs à vif. il est donc logique que Shutter Island l’ait frappé. après Mystic River par clint eastwood (2003), puis Gone Baby Gone par ben affleck (2007), l’adaptation par scorsese de ce roman sera la troisième transposition au cinéma d’un livre de dennis Lehane. Grand récit politique et paranoïaque, le roman se déroule en 1954. c’est une enquête sur la disparition d'une patiente échappée d'un hôpital psychiatrique situé sur une île, au large de boston. Un centre où l’on mène des expériences sur le seul être capable de schizophrénie : l’homme. Lorsqu’il est venu à Paris cet hiver pour la promotion de son nouveau livre, Un Pays à l’aube, dennis Lehane s’est dit très enthousiaste sur les rushes que scorsese a bien voulu lui montrer. « Marty venait tous les jours en me parlant de séries B des années 1950 comme bedlam ou La chute des Héros. C’étaient mes influences lors de l’écriture et
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Lectures aléatoires (en h. à g. After Hours, en h. à d. et en b. à g. Les Nerfs à vif, en b. à d. Who’s…) : Le sulfureux Henry Miller, le dandy Francis Scott Fitzgerald, la Bible : les livres de chevet des héros scorsesiens traduisent une opposition entre des aspirations spirituelles élevées et l’exploration de pulsions enfouies.
j’imagine que c’est pour ça qu’il a voulu l’adapter. » avec richard Price (qui a écrit le script de La Couleur de l’argent), dennis Lehane est l’un des quatre scénaristes de la série The Wire. Une expérience déterminante, selon l’écrivain : « Travailler sur cette série, et voir mes livres adaptés au cinéma auparavant, m’a aidé à distiller différemment l’action et les informations dans mes romans. » LE CLan S’éLarGIt ce qui a le plus impressionné Lehane dans ce qu’il a vu de Shutter Island ? La performance de Leonardo di caprio, devenu un comédien aussi fétiche pour scorsese que robert de niro. ce dernier avait d’ailleurs convaincu son ami cinéaste d’adapter L’Hiver de Frankie Machine de don Winslow, dont de niro a acheté les droits. Un polar pur sang, qui conte l’itinéraire d'un ancien mafieux de retour aux affaires. mais devant la pléthore de projets où scorsese s’est engagé (l’adaptation de American Darling de russell banks, un documentaire sur George Harrison, les biopics de frank sinatra, theodore roosevelt, John martorano…), c’est finalement michael mann qui devrait réaliser le film. Les deux amis se retrouveront quand même dans I Heard You Paint Houses, adapté du roman éponyme de charles brandt, paru en 2005 aux États-Unis. L'histoire de frank sheeran, dit « l'irlandais », qui revendiqua plus de vingt-cinq assassinats avec têtes mises à prix, d’où les éclaboussements de sang sur les murs… et le titre du livre. en 2007, martin scorsese a également posé une option (700 000 $) sur Le Loup de Wall Street, l’autobiographie de Jordan belfort. Un livre écrit en prison où cet ancien trader, un des plus gros de la bourse américaine durant les années 1990, purgea une peine pour blanchiment d’argent. Le livre est paru au printemps en france, après s’être écoulé à 200 000 exemplaires outre-atlantique. c’est durant
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« APRÈS MYSTIC RIVER ET GONE BABY GONE, SHUTTER ISLAND SERA LE TROISIÈME LIVRE DE DENNIS LEHANE ADAPTÉ AU CINÉMA. » sa détention, en parlant avec son co-détenu – le comédien tommy chong, dirigé par scorsese dans After Hours, en cellule pour avoir commercialisé des pipes à eau – que belfort s’est décidé à écrire sa vie. « J’ai essayé, essayé, et au bout de deux mois je n’y arrivais toujours pas. C’est alors que je suis tombé sur Le bûcher des vanités de Tom Wolfe. Je me suis dit : « C’est ça qu’il faut écrire ». J’ai étudié la structure du truc, le cheminement. Déclic ». belfort avoue attendre un autre déclic : « Que c’est lent à se faire, un film ! Je trouve Scorsese lent ! Je suis si pressé ! » nous aussi, à dire vrai. Jordan Belfort - Le Loup de Wall Street (Max Milo, 597 p., 24,90 €) Dennis Lehane - Shutter Island (Payot et Rivages, 392 p., 9,50 €).
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Le banquet cannois a, cette année, des allures d’orgie licencieuse et arrosée. Eclaboussé par un gang d’auteurs polémiques, irrigué par une importante délégation asiatique, le 62ème festival de Cannes risque de faire des vagues. Immersion en eaux troubles. Dossier coordonné par Auréliano Tonet, avec Sandrine Marques, Raphaëlle Simon, Juliette Reitzer et étienne Rouillon
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SPÉCIAL CANNES
1. Un vent diabolique souffle sur la Croisette (Thirst, Ceci est mon sang, Antichrist, Agora, Jusqu’en enfer), emportant dans le ciel cannois poupées gonflables (Air Doll) et ballons de baudruche (Là-haut). 2. Le charme français rayonne sur le cinéma mondial : de Johnny (Vengeance) à Cantona (Looking for Eric), de Charlotte Gainsbourg (AntiChrist) à Laetitia Casta (Visage) ou Mélanie Laurent (Inglorious Basterds), nos comédiens ne se sont jamais aussi bien exportés. 3. La sélection officielle donne la part belle à un cartel d’agitateurs : parmi ces bad boys, Lars Von Trier, Michael Haneke, Park Chan-wook, Gaspar Noé et Quentin Tarantino se promettent d’encore secouer le cocotier cannois. Dans leur sillage, Brad Pitt (Inglourious Basterds), Robert Guédiguian (L’Armée du crime) et Marco Bellocchio (Vincere) déchiquètent chemises brunes et noires. 4. L’écrivain anglais John Keats (Bright Star) tient salon avec un autre poète, éric Cantona (Looking for Eric). Ils lorgnent sur Emmanuelle Devos, qui joue les muses dans Les Herbes folles, Les Beaux Gosses et À l’origine.
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5. Gothiques, hippies ou puceaux, les ados s’apprêtent à emballer les festivaliers (Les Beaux Gosses, Navidad, Fish Tank, Taking Woodstock).
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6. Echappés d’Un Prophète et I Love Philip Morris, les bagnards débarquent comme des boulets de canon au banquet cannois.
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7. Pedro Almodóvar, Mia Hansen Løve, Elia Suleiman et Axelle Roppert inscrivent la cellule familiale sur celluloïd. 8. Mythe de Salomé et obstination maternelle sont servis sur un plateau dans Visage, Mother et J’ai tué ma mère. 9. Présidente du Jury, Isabelle Huppert dirige la partition de cette 62ème édition. Musique maestra ! 10. Sous l’œil de Johnny Hallyday, cuisinier impérial et vengeur impérieux chez Johnnie To, les saveurs asiatiques composent l’essentiel du menu cannois (Soudain le vide, Map of the Sounds of Tokyo, Yuki & Nina, Nuits d’ivresse printanière, Visage). De son côté, la mafia corse saucissonne le scénario d’Un Prophète. Miam. © illustration : Laurent blachier
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76 DOSSIER /// CANNES 2009
SPÉCIAL CANNES
PitcH SOCCER Il va y avoir du sport sur les plages cannoises. On y croisera sûrement éric Cantona, l’entraineur de l’équipe de France de « beach soccer » (football de plage). À l’affiche du dernier Ken Loach en coach personnel fantasmé, le « King éric » nous a donné l’envie de jouer, nous aussi, aux sélectionneurs. Retenus parmi la centaine de films présents sur la Croisette, voici dix pitchs, deux dream-teams (les « plus » contre les « moins »), et pas un grain de sable.
LES PITCHS LES PLUS... REBELLE
SANGLANT
fisH tank
tHirst, ceci est mon sanG
d’Andrea Arnold Avec Katie Jarvis, Michael Fassbender… MK2 Diffusion, États-Unis, 2h02 Sélection officielle stratégie de repliement pour mia, adolescente de 15 ans mal dans sa peau, expulsée par le proviseur de son lycée et bouleversée par l’intrusion du nouvel amant de sa mère. après son Prix du Jury en 2006 pour Red Road, l’anglaise andrea arnold revient fouler le terrain cannois.
de Park Chan-wook Avec Song Kang-Ho, Shin Ha-Kyun… Le Pacte, Corée du sud, 2h13 Sélection officielle Un prêtre dévoué se retrouve métamorphosé en vampire, suite à une expérience scientifique ratée. Un match sanglant débute alors entre sa part d’humanité et les démons naissants de la dépravation… après son Grand Prix en 2004 pour Old Boy, Park chanwook rêve d’une nouvelle coupe à son palmarès.
FAMILIAL
ROCOCO
tetro
tHe imaGinariUm of doctor ParnassUs
de Francis Ford Coppola Avec Alden Ehrenreich, Maribel Verdu… Argentine-Espagne-Italie, 2h07 Quinzaine des réalisateurs de new york à buenos aires, le jeune bernie cherche son frère tetro, qui a plié bagages depuis plus de dix ans, lassé par la compétition artistique instaurée dans la famille… très autobiographique sur le papier, le nouveau coppola a été rétrogradé à la Quinzaine des réalisateurs, sélection réputée pour sa radicalité. il n’en est que plus attendu.
de Terry Gilliam Avec Heath Ledger, Johnny Depp… Metropolitan FilmExport, France-Canada, 2h02 Hors compétition Pour déjouer l’offensive du diable (incarné par tom Waits !), le docteur Parnassus tente d’arbitrer le destin des spectateurs de son théâtre ambulant. Heath Ledger ayant hélas abandonné la partie, il a été remplacé par trois champions du box-office : Johnny depp, Jude Law et colin farrell.
SUR LE BANC DE TOUCHE… LookinG for eric de ken Loach (lire l’interview p. 22) Les beaUX Gosses de riad sattouf (lire l’interview p. 30) MAI 2009
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SPÉCIAL CANNES
LES PITCHS LES MOINS... ANGÉLIQUE
POLITIQUEMENT CORRECT
anticHrist
inGLoUrioUs basterds
de Lars Von Trier Avec Charlotte Gainsbourg, Willem Dafoe… Les Films du Losange, Allemagne-Danemark-France, 1h44 Sélection officielle Un couple en deuil (charlotte Gainsbourg, William dafoe) se rend à « eden », un chalet isolé en pleine forêt. ils espèrent y soigner leurs cœurs blessés, mais la nature leur réserve un accueil démoniaque... Von trier, convalescent après s’être fait durement tacler par la critique (Manderlay, The Direktør), retrouvera-t-il sa forme d’antan ?
de Quentin Tarantino Avec Brad Pitt, Samuel L. Jackson… Universal Pictures International France, Etats-UnisAllemagne, 2h40 Sélection officielle durant la seconde Guerre mondiale, des soldats alliés condamnés à mort acceptent une mission-suicide dans le camp adverse... toujours à la limite du hors-jeu, et dans un style qui s’annonce plus agressif que jamais, tarantino ose un débordement sur la droite (extrême).
TRANSPARENT Vincere de Marco Bellocchio Avec Giovanna Mezzogiorno, Filippo Timi… Ad Vitam-MK2 Diffusion, Italie-France, 2h08 Sélection officielle L'histoire d'ida dalser et de son enfant, né de sa liaison secrète avec benito mussolini. reléguée sur le banc de touche quand elle apprend que l’homme de sa vie est marié à une autre, elle n’aura de cesse de contre-attaquer pour être reconnue…
VERT Les Herbes foLLes d’Alain Resnais Avec Sabine Azéma, André Dussollier… StudioCanal, France-Italie, 1h36 Sélection officielle marguerite se fait dérober son sac à la sortie d’un magasin. Un accident qui siffle le début d’une série de rencontres étonnantes… enneigée d’un casting grisonnant mais toujours alerte (azéma,dussollier…), la pelouse d’alain resnais promet des rebondissements en cascade.
PAISIBLE ne te retoUrne Pas
COLLECTIF
de Marina De Van Avec Sophie Marceau, Monica Bellucci… Wild Bunch Distribution, France, 1h50 Séance de Minuit Une-deux spectaculaire entre sophie marceau et monica bellucci, sur un terrain fantastique : Jeanne (marceau) voit son corps se transformer en celui d’une autre (bellucci), sans que personne ne s’en aperçoive. feinte ? simulation ? Pour comprendre sa métamorphose, Jeanne devra alterner dribbles et passements de jambe…
Un ProPHète de Jacques Audiard Avec Tahar Rahim, Niels Arestrup… UGC, France, 2h34 Sélection officielle nouvelle sélection cannoise pour le milieu de terrain français, après Un Héros très discret en 1996. incarcéré pour six ans, malick, qui ne sait ni lire, ni écrire, va développer son propre schéma tactique au sein d’une partie verrouillée par les prisonniers corses…
Étreintes brisÉes de Pedro almodóvar (lire la critique p. 42) L’enfer d’Henri-Georges clouzot (lire la critique p. 78) takinG Woodstock d’ang Lee (lire la critique p. 79) VenGeance de Johnnie to (lire l’interview p. 81 et le portrait p. 82) MAI 2009
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SPÉCIAL CANNES
« MARQUÉ PAR 8 ½ ET L’AVANTGARDE, CLOUZOT VOULAIT ROMPRE AVEC SON IMAGE «CLASSIQUE ». »
Paradis PERDU Inachevé, maudit, obsessionnel, L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot se dévoile grâce à un documentaire exceptionnel de SErGE BroMBErG et rUxandra MEdrEa, présenté dans la section Cannes Classics, en salles à l’automne. Avec une Romy Schneider incandescente. _Par Léo Soesanto
L
’Enfer (1964) devait marquer la rencontre entre Henri-Georges clouzot et romy schneider. elle est au centre de cette histoire couchée sur papier par le réalisateur de Quai des Orfèvres après une nuit d’insomnie : un drame où la jalousie d’un hôtelier marié (serge reggiani) culmine à la névrose. mais L’Enfer gagne littéralement le tournage. clouzot, d’habitude précis, tergiverse, prend (trop) son temps et épuise son équipe. malade, reggiani quitte le plateau au bout de trois semaines pour ne jamais revenir. Puis, tandis qu’il filme sur une barque des ébats saphiques entre romy schneider et danny carrel, clouzot est frappé par un infarctus. Le film ne sera jamais achevé.
L’œuvre incomplète – démos de chansons, bootleg, rushes – pousse les fans à rêvasser devant ce qui aurait pu être, ou à les finir tout en sachant la futilité de la démarche (Jess franco montant le Don Quichotte fragmentaire d’orson Welles, les beatles survivants appliquant une couche à un inédit). serge bromberg, inlassable passeur de cinéphilie, se situe ici entre les deux attitudes, ressuscitant les bobines de L’Enfer dans une optique à la fois de making of et de recréation. il fait défiler les témoins de l’époque (dont costa-Gavras, assistant sur le film) et comble les blancs : les rushes étant silencieux, il ajoute une b.o. jazzy ou met en scène bérénice béjo et Jacques Gamblin, reprenant les rôles principaux lors de lectures du script. ce fantasme documentaire de reprise, respectueux, sensuel, met surtout en lumière des images fascinantes : marqué par 8 ½ et l’avant-garde contemporaine (de l’art cinétique à boulez), clouzot voulait rompre avec son image « classique », façonnée par les jeunes turcs de la nouvelle Vague, qui avaient fait de lui le parangon de la « qualité française ». on pense à Kaléidoscope, projet avorté et tout aussi expérimental d’alfred Hitchcock. clouzot tournera des heures d’essais, radicaux et sublimes, avec schneider, dédoublée, passée sous filtre ou en rouge à lèvres bleu, pour inspirer les visions de reggiani lors de ses crises de jalousie. Lequel l’imagine ligotée à des rails sur le passage d’un train ou derrière un rideau de pluie. romy y est incandescente, comme une icône hitchcockienne psychédélique. et L’Enfer devient simplement paradis. Un documentaire de Serge BROMBERG et Ruxandra MEDREA // Avec Romy Schneider, Serge Reggiani… // Distribution : MK2 // Sortie prévue le 23 septembre
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beLLe PRISE 2009, année nostalgique : la comédie flower power d’anG LEE est l’un des films les plus attendus de la sélection cannoise. Taking Woodstock, et ses troupeaux de hippies en burnous, revisite un moment-clé de l’histoire du rock, quarante ans après. _Par Clémentine Gallot (à New York)
W
oodstock (1970), le documentaire de référence de michael Wadleigh, avec martin scorsese comme assistant et monteur, fait encore aujourd’hui office d’archive « officielle » du festival (sanctifié par un oscar à l’époque). c’est au contraire un principe narratif behind the scenes qui guide le film d’ang Lee : Taking Woodstock s’intéresse à la genèse du festival qui draina, pendant trois jours, plus de 500 000 personnes venues écouter, dans les champs, the Grateful dead, the Who ou encore Jimi Hendrix. Le scénario de James schamus, patron de focus features (et producteur de Brokeback Moutain, Harvey Milk…), se base sur les mémoires d’eliott tiber. ce jeune décorateur d’intérieur gay, forcé de réintégrer le nid familial (un motel redneck paumé), fut l’organisateur accidentel du festival, en même temps que le témoin des émeutes pour les droits des homosexuels du stonewall, à Greenwich Village.
dépenaillée pour l’occasion, la nomenclature de ce film choral fait office de « who’s who » du young Hollywood : emile Hirsch (réchappé d’Into the Wild) en vétéran du Vietnam, mammie Gummer (fille de meryl streep) en assistante du producteur michael Lang, Paul dano (There Will Be Blood) en longue crinière et sandalettes au bras de Zoe kazan (« petite-fille de »)... et surtout, dans le rôle titre, demetri martin, star montante de comedy central. basée à new Lebanon, une bourgade voisine et tout aussi pastorale que le site historique de bethel, l’équipe a tenté de préserver l’esprit communautaire qui s’incarne dans le film. Un tournage psychédélique fleurant bon l’amour libre, la weed et le banjo, nous raconte alexandra, 22 ans, étudiante dans le Vermont, qui faisait partie des 6000 figurants recrutés au casting : « Tout le monde s’est éclaté, j’ai joué en bikini dans la boue, on se serait vraiment cru au festival ! » Quant à ang Lee, il renoue avec un genre – la comédie – auquel il avait renoncé depuis Eat Drink Man Woman en 1993. après un détour par le film de baston (Tigre et dragon) et le polar coincé (Lust, Caution), le cinéaste de taiwan, new-yorkais d’adoption, reprend son exploration bucolique du territoire (l’amérique gay) qu’il avait laissée en suspens avec Brokeback Mountain. Un film d’Ang LEE // Avec Demetri Martin, Emile Hirsch, Paul Dano… // Distribution : Universal // États-Unis, 2008,1h50 // Sortie prévue le 9 septembre
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JoHnnie to RIPOSTE Quand l’efficacité et la stylisation du cinéma asiatique rencontrent la mélancolie d’un vieux loup solitaire, interprété par Johnny Hallyday, cela donne Vengeance, le nouveau chefd’œuvre de JoHnnIE to, en compétition officielle à Cannes. éclairage par son auteur. _Propos recueillis par Sandrine Marques
V
ous avez été très impressionné par les concerts de Johnny Hallyday que vous avez visionnés en dvd. Exubérant sur scène, son jeu d’acteur est très intériorisé. L’avez-vous dirigé dans ce sens ? depuis le premier jour du tournage, Johnny avait une idée claire de son personnage. Je n’ai pas vraiment eu à le diriger car son approche de costello m’a séduit. il joue avec beaucoup d’humanité cet ancien tueur à gages, à la manière d’un père ordinaire, frappé d’affliction. sa prestation donne au film une émotion réaliste.
En quoi la personnalité et le physique de Johnny ont-ils nourri son personnage ? Le visage de Johnny m’a frappé la première fois où je l’ai rencontré, surtout ses yeux bleus. Pour moi, ils semblent raconter beaucoup d’histoires, mais vous ne pouvez pas vraiment savoir lesquelles. Comment avez-vous conçu la magnifique scène d’échanges de coups de feu dans les bois, rythmée par le clair de lune ? Je ne voulais pas que cette scène soit un simple morceau de bravoure. c’est le premier moment du film où l’on voit Johnny en action et je voulais que ce soit poétique. tandis que la Lune disparaît sous les nuages et réapparaît, les personnages font face à des dangers invisibles. La scène a été longue à tourner car j’ai dû coordonner les impacts de balle avec la chute des feuilles, les changements de lumière avec les mouvements de caméra. en tout, sept jours de travail pour en venir à bout.
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Vengeance cite la scène des parapluies de Sparrow, votre précédent film. pourquoi ce clin d’œil ? La scène des parapluies dans Vengeance est très différente de celle dans Sparrow, car les parapluies sont en arrière-plan. dans Sparrow, ils s’insèrent dans une chorégraphie. Costello perd progressivement la mémoire. peut-on voir dans ce processus une métaphore de Hongkong , oublieuse de son histoire et de sa culture ? Je n’ai pas écrit le personnage pour le rattacher à un contexte plus large. Pour moi, la perte de la mémoire chez costello recouvre un sens philosophique. Que signifie la vengeance si vous n’en avez aucun souvenir ? peut-on considérer Vengeance comme une variation autour du Samouraï de Jean-pierre Melville, d’autant que votre héros s’appelle Costello, comme delon dans le film de 1967 ? Je suis très fan du cinéma de melville et Vengeance est émaillé de références aux films de truands des années 1960-1970, que j’aimais beaucoup quand j’étais plus jeune. mais mon film ne fait pas référence à un long métrage de melville en particulier. vous vous apprêtez à tourner le remake du Cercle Rouge de Melville. où en êtes-vous ? Je suis toujours en train de développer le scénario avec mon producteur. J’espère réaliser le film très bientôt. Un film de Johnnie TO // Avec Johnny Hallyday, Sylvie Testud… Distribution : ARP Sélection // Hong-Kong, 2008, 1h48 // Sortie le 20 mai
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L’acteUr STUDIEUX Impérial dans le film Vengeance de Johnnie To, en compétition officielle, Johnny y éclipse Hallyday, le showman qui électrise la scène depuis cinquante ans. Dans la peau d’un tueur brisé, perdant progressivement la mémoire, le chanteur à la voix puissante révèle l’immense acteur en sourdine. _Par Sandrine Marques
s
es concerts démesurés, spectaculaires et physiques, ont consacré son incroyable présence. La prestation scénique chez Johnny Hallyday a le caractère d’une mythologie. Quand le monstre sacré entre sur scène, il est prêt à y laisser sa peau. repoussant toujours plus loin ses limites dans des tournées-événements éreintantes, le chanteur se meut en colosse, au risque de la surcharge. Johnny Hallyday ne se contente pas de chanter, il porte la scène. sa voix surpuissante et son corps, tout en tension, s’élèvent à la hauteur des décors monumentaux de ses spectacles, là où la mise en scène grandiose écraserait n’importe quel autre interprète. Pour y parvenir, il ne suffit pas d’avoir du coffre, mais une aura que la charismatique «idole des jeunes » a gagné au fil du temps. avec l’âge, Johnny Hallyday s’est mis de plus en plus à ressembler aux modèles américains qu’il révérait, adolescent.
moitié cowboy, pour le sentiment de solitude qui ne l’a jamais quitté, moitié cheyenne, pour sa part sauvage indomptée, il concentre les figures fondatrices d’une amérique rêvée depuis sa tendre enfance. d’ailleurs, au tout début de sa carrière, Johnny (alors Jean-Philippe smet) se fait passer pour un chanteur d'origine américaine. son patronyme lui vient de son oncle Lee Halliday, père tutélaire grâce auquel il fait ses premiers pas sur scène à l’âge de 11 ans. trois ans plus tard, il suit des cours de chant et d’art dramatique. après avoir tourné dans quelques publicités, il investit l’univers vénéneux des Diaboliques d’Henri-Georges clouzot, aux côtés de simone signoret et Véra clouzot. dans ce film inquiétant, il joue le rôle d’un élève : ses débuts d’acteur studieux.
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« QUAND LA VOIX SE POSE, LE JEU SE CHARGE D’UNE MÉLANCOLIE SOURDE ET SENSUELLE. » La rencontre avec le cinéma et son modèle absolu, elvis Presley, intervient la même année, à l’occasion de la projection du film Amour frénétique d’Hal kanter. elvis y joue le rôle de deke rivers, un jeune chien fou, chauffeur-livreur dont les talents de chanteur sont découverts par une femme mariée, agent de publicité. sur fond de bluette, le film documente la jeunesse sauvage du « king » et ses concerts tumultueux de 1956 et de 1957. L’acteur Johnny Hallyday est né. comme Presley, en prise avec des producteurs opportunistes qui exploitent sa notoriété, il va connaître une carrière cinématographique en dents de scie – pour les mêmes raisons. Vedette
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« yéyé » à l’orée des années 1960, Johnny tourne dans Cherchez l’Idole de michel boisrond et D’où viens-tu Johnny ? de noël Howard, des films légers sans grand intérêt, si ce n’est qu’au casting, on retrouve sylvie Vartan, sa première compagne. après des incursions chez robert Hossein (Point de chute) ou claude Lelouch (L’Aventure, c’est l’aventure), Jean-Luc Godard saisit enfin le vrai potentiel dramatique de l’artiste avec Détective en 1985. L’irruption de l’icône populaire dans le cinéma intello de l’auteur suisse détonne. Johnny endosse le rôle de Jim fox Warner, un manager de boxe amoureux. si, sur scène, le chanteur exulte dans une débauche d’effets, sa partition est nettement plus sobre sur grand écran. Quand la voix se pose, le jeu se charge d’une mélancolie sourde et sensuelle. chanteur furieux mais acteur ténébreux, la filmographie de Johnny se nourrit de ce hiatus. en 2003, il obtient le prix Jean Gabin pour son interprétation d’un gangster taciturne, dans L’Homme du train de Patrice Leconte. alors qu’on n’espérait plus grand chose d’une carrière cinématographique redevenue très anecdotique (il croise Harvey keitel dans le potache Wanted et s’attaque avec dérision à son propre mythe dans le fantaisiste Jean-Philippe), voilà que Johnnie to l’engage. « J’ai tout de suite vu qu’il avait une grande masculinité. Les concerts m’ont fait comprendre l’immensité de sa popularité. Je n’imaginais pas l’idole qu’il était ! Mais ce n’est qu’en le rencontrant que j’ai su qu’on pourrait travailler ensemble. Son allure, sa silhouette, sa présence, son visage, et ses yeux incroyables, sont chargés d’un passé qu’on imagine intense », commente l’auteur chinois. Johnny prête à son personnage de tueur sa stature hiératique et
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son physique marqué. on le pensait américain dans l’âme, le voici devenu samouraï, comme delon (initialement pressenti pour jouer le rôle) chez JeanPierre melville. intériorisée, la fureur des concerts donne toute leur envergure aux personnages que Johnny incarne avec précision. ce que confirme Johnnie to : « Il est arrivé très concentré, prêt dans sa tête. Il posait peu de questions. Il est juste, dans son jeu, et dans ses gestes. Sa sincérité est évidente. » alors que Johnny va faire ses adieux à la scène dans une tournée baptisée « tour 66 » (référence à son âge et à la mythique route rock), une carrière d’acteur s’ouvre à lui. aujourd’hui fatigué, mais pas usé, il est prêt à renoncer au rôle majeur qu’il a tenu pendant près d’un demi-siècle : le sien. « Peut-être que j'en ai marre de jouer Johnny Hallyday... J'ai de plus en plus envie d'être Jean-Philippe Smet. » Pour lui, la vie va commencer.
« INTÉRIORISÉE, LA FUREUR DES CONCERTS DONNE TOUTE LEUR ENVERGURE AUX PERSONNAGES QUE JOHNNY INCARNE. » WWW.MK2.COM
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BOUDOIR ÉBATS, DÉBATS, CABAS : LA CULTURE DE CHAMBRE A TROUVÉ SON ANTRE
« JEUNE ADULTE, JE ME SENTAIS ISOLÉ, JE NE ME SENTAIS INTÉGRÉ À RIEN. » dan cLoWes P.92
DVD-THÈQUE La Chine vue par MICHELanGELo antonIonI
CD-THÈQUE BoB dYLan, actu et inactu
BIBLIOTHÈQUE Les polars polaires d’antoInE CHaInaS
BD-THÈQUE Les phylactères en colère de dan CLoWES
LUDOTHÈQUE Le coup de fourchette de WOLVERINE
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Portrait CHINOIS LA CHINE VUE PAR ANTONIONI Ressortie d'un film méconnu de MICHELanGELo antonIonI, long et beau documentaire sur La Chine maoïste, commande détournée au profit d'une méditation sur l'image et le sens de la vie, ou plutôt son absence de sens. _Par Jacky Goldberg
À propos de ses Carnets de voyage en Chine, rédigés en presque ne l'aima, ce documentaire, trop naïf pour les 1974 et récemment édités1, roland barthes écrivait : « Si uns, trop peu militant pour les autres. Le « maestro di je les publiais ainsi, ce serait exactement de l'Antonioni.» ferrara » en gardera d'ailleurs rancœur, qu'il tentera barthes venait alors de passer plusieurs semaines en d'épancher dans Profession reporter, son film suivant, chine en compagnie d'intellectuels maos et l'un de ses plus pessimistes – se souvenir et s'était trouvé confronté à la même impasse du documentariste joué par nicholson, esthétique que son « cher »2 confrère, un embourbé dans le sable, en plein désert an plus tôt : derrière le voile idéologique du sens. c'est qu'antonioni n'a jamais été (particulièrement prégnant en europe à homme d'appareil, si ce n'est ceux qui cette époque), ne semblait se tenir qu'un tournent en 35 mm. arrivé sur place avec vide existentiel, expérience radicale de son équipe, il est immédiatement flanqué l'ennui retranscrite par une litanie de nond'une armée de vigiles, lui conseillant de évènements. sauf que l'impasse, inhibante filmer tel monument, l'empêchant de filmer chez l'essayiste qui refusa de publier les tel autre, et ainsi de suite durant les huit carnets de son vivant, allait se révéler semaines nécessaires pour traverser le particulièrement stimulante pour le cinéaste pays, de Pékin à shanghai. Une pression italien : lentement et méthodiquement, tel qui n'est pas forcément violence physique, l'accouchement sous acuponcture pratiqué mais qui est constante, insidieuse, totalitaire au début du film, antonioni édifia un en somme. contraint, le cinéaste résiste Michelangelo Antonioni documentaire de 3h30. alors comme il peut. sa première arme ? La Chine La vitesse : il filme ainsi jusqu'à 24 plans par (Carlotta, déjà disponible) jour, le plus souvent caméra à l'épaule. il lui commandé par la rai en 1972, avec l'aval arrive aussi de cacher celle-ci, pour, dit-il, du gouvernement chinois alors désireux, au plus fort de la révolution culturelle, de créer ce « saisir les lieux dans leur réalité quotidienne ». surtout, qu'on n'appelait pas encore un buzz, China Chung il multiplie les zooms et les panoramiques, afin de Kuo est l'exact inverse d'un film de propagande : trancher dans la foule, et d'en extraire – blasphème une coulée contemplative sans l'once d'un message maoïste – des individus. il filme alors des femmes, des à délivrer, un regard alerte, à la poésie diffuse mais ouvriers, des enfants, des vieillards, tous ceux qui indélébile. Un film d'antonioni donc, incontestablement passent devant sa caméra, de bon ou mauvais gré. plus biseauté que biaisé. À l'époque, personne ou
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« UNE COULÉE CONTEMPLATIVE, SANS L'ONCE D'UN MESSAGE À DÉLIVRER.» Plutôt qu'une divagation sur l'incommunicabilité – concept-valise auquel on a trop souvent réduit antonioni –, La Chine est surtout une affirmation de la nécessaire humilité du cinéma face au réel, de son incapacité à le saisir entièrement, scientifiquement (ce qu'auraient souhaité, au fond, les détracteurs du film). cette symphonie de visages hébétés, le plus souvent illisibles et néanmoins fascinants, est ainsi contemporaine de la photo du crime cent fois agrandie de Blow Up, ou du documentaire perdu dans Profession reporter, dans lequel un sorcier africain provoque un trouble existentiel chez nicholson en retournant simplement la caméra : entre le cinéma et le réel se niche un hiatus, qu'on peut effleurer mais jamais réduire. antonioni affirmera plus tard qu'il n'avait pas « cherché à comprendre la Chine, seulement à la voir » ; dans cette affirmation réside toute sa modernité, faisant du film, rétrospectivement, un des plus extraordinaires documents sur ce pays désormais au centre des attentions. 1. chez christian bourgois / imec 2. barthes écrivit une célèbre lettre, publiée dans les Cahiers du cinéma en 1980 : « Cher Antonioni ».
LE CoFFrEt aLaIn rESnaIS (COLLECTION 2 FILMS, CAHIERS DU CINEMA)
Un homme tente de convaincre une femme qu’ils se sont aimés l’année précédente (L’Année dernière à Marienbad, 1961), et un flamboyant escroc des années 1930 fait faillite avec panache (Stavisky, 1974). deux œuvres majeures, réunies par un même plaisir du verbe et du jeu. _J.R.
LE CoUp dE CœUr dU vEndEUr MES prEMIErS FILMS
dE JEan-MICHEL BarJoL
(BQHL)
cinéaste trop peu connu, ayant coréalisé avec Jean eustache un film sur le dépeçage d’un cochon, l’œuvre de Jean-michel barjol oscille entre documentaire et fiction. scandés par une voix off douce et poétique, jonchés d’airs de jazz discrets, baignés d’un noir et blanc brut et lumineux, ces quatre courts métrages nous montrent des individus déclassés, symbolisant un monde voué à disparaître. face à eux, le regard du réalisateur, bien que respectueux du réel, ne cherche pas à dissimuler une approche subjective révélant sa profonde obsession face à la mort et la disparition. _Florian Guignandon, vendeur à la boutique du MK2 Quai de Loire
_Par J.R.
dvd HUnGEr
dE StEvE MCQUEEn (MK2 ÉDITIONS)
Pour son premier long métrage, le plasticien britannique steve mcQueen revient sur la grève de la faim menée par bobby sands et ses camarades activistes de l’ira. Un huis-clos carcéral viscéralement politique, caméra d’or à cannes l’an dernier.
tWo LovErS
dE JaMES GraY (WILD SIDE)
avec cette vibrante variation sur l’obsession amoureuse, James Gray revisite ses motifs de prédilection : le retour du fils prodigue (Joaquin Phoenix, sublime), le dilemme entre liens du cœur et liens du sang, new york comme archipel de solitudes... chef-d’œuvre.
SparroW
dE JoHnnIE to (TF1 VIDÉO)
Quatre amis pickpockets tombent sous le charme de chun Lei, une belle plante qui n’a pas croisé leur route par hasard… styliste virtuose, en compétition officielle à cannes cette année, Johnnie to filme Hongkong avec humour et mélancolie.
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88 LE BOUDOIR ///Cd-tHÈQUE
bon ON BOB BOB DYLAN, ACTU ET INACTU « Ensemble pour la vie » dit le titre du nouvel album de BoB dYLan, le beau Together Through Life. Nous avons demandé à l’écrivain François Bon, auteur de Bob Dylan, une biographie, de commenter l’actualité de ce précieux compagnon de vie. _Par François Bon
il est reparti. deux soirs à Paris, le voilà pour trois dates en disque, la tournée en cours. L’an passé, dylan a ouvert Écosse (il y a une maison) avant de reprendre le 5 juillet un autre pan de son atelier : Tell Tale Signs: Rare and à milwaukee (Wisconsin) puis sauget (illinois), south Unreleased 1989-2006. Un soir à dunkerque, où il reprend bend (indiana), Louisville (kentucky), sans jamais dire à à la guitare sèche une vieille rengaine de la carter personne ce qui le pousse à tout ça. family. ou lorsqu’il s’assoit avec daniel des concerts où chaque mot des vieilles Lanois, et qu’avec deux guitares, et chansons sera décortiqué, creusé et livré, raclement de pieds, on cherche en et d’autres où une silhouette enfoncée dessous de ce qui deviendra chanson sous son chapeau, de profil, restera vissée (« La seule connerie que j’ai faite / Quitter à son clavier. est-ce que la question n’est le Mississipi un jour trop tard »). album pas pour nous : que demandons-nous à de l’année aux Usa : dylan, éternel dylan. bob dylan, que cherchons-nous, qui a et qu’il serait donc, avec les autres nom bob dylan ? L’an passé, il livre toute légendes des années 1960, notre propre une série d’émissions de radio : est légende, jamais vieillissante, et ce « chanteur » celui qui chante et en fait bientôt septuagénaire inusable métier, bien au-delà du genre (on l’a vu l’attestation que tout cela est vrai ? écouter sinatra, il révère aznavour, il connaît tous ceux des années 1930 et 1950), et Bob Dylan – Together Through dylan est une fiction. « Je suis Bob Dylan Life (Columbia / Sony BMG, ce serait sa dernière incarnation ? ainsi déjà disponible) quand j’ai besoin d’être Bob Dylan. – Et ce disque qu’il nous livre, Together Through le reste du temps, vous êtes qui ? – MoiLife, incantation blues et country sur fond de cet même. » Une fiction donc pour lui aussi, peintre obstiné orchestre rodé qui l’accompagne – à écouter rien que qui n’a pas révolutionné la peinture, écrivain ou qui s’est pour l’accordéon (« J’aurais dû me servir beaucoup rêvé tel et fut un vrai lecteur et vrai poète, mais dans le plus de l’accordéon dans mes disques d’avant », dit-il). miracle bref des chansons ? dylan : une somme éclatée de personnages. celui que reconstruisent chacun des alors, une figure éternellement nomade, un peu dépassée, témoins de la grande somme du portrait scorsese (au mais que nous vénérons pour ce qu’elle représente, point que todd Haynes, dans I’m not There, reconstruit en cheveux frisés en bataille sur le regard myope, au faux les entretiens du scorsese). et toujours celui qui temps de la guerre froide, des droits civiques pour les surgit ailleurs qu’où on l’attend : comme à Woodstock, noirs et du Vietnam ? c’est à notre société qu’il faudrait quand le festival s’installe à sa porte, mais que lui s’en renverser la question. Privilégier le nouveau, le dernier va chanter – mal – à l’île de Wight.
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« DYLAN : UNE SOMME ÉCLATÉE DE PERSONNAGES. » et puis on peut toujours revenir aux sources. ce Bringing it all Back Home, le premier de la trilogie 65-66, écrit dans le choc beatles, avec une face acoustique et une face électrique, que les Lennon ou les Hendrix useront jusqu’à fin des sillons – et la langue, la langue folle des surréalistes, de rimbaud et des beats. ou, même printemps, celui où les magazines passent à la couleur, où le transistor devient l’appareil de tout le monde, Dont Look Back : la commande faite à un cinéaste, david Pennebaker, de suivre trois semaines de la tournée anglaise – la cohue des loges, la cocaïne planquée dans les toilettes, et tout d’un coup seul avec un tabouret, un verre d’eau et des harmonicas (à cette époque-là, on ne les offrait pas aux puissants) devant quelques centaines de visages éblouis et tétanisés : nous avons la chance de pouvoir y accéder, à la légende. et comprendre qu’elle soit si lourde pour que même lui, bob dylan, ne puisse s’en défaire, n’ait d’autre choix que continuer.
_Par W.P.
Cd MUSIC For a WHILE
dE rEvoLvEr
(EMI)
Purcell, elliott smith et mccartney dans un sous-marin jaune, c’est revolver, un trio de cordes (violoncelle hendrixien), de voix (harmonies étagères) et de cœur (chœurs amicaux). Passé l’omniprésence des fab four, la musicologie mélancolique touche.
pLUS CHEr
dE tantE HortEnSE (LES DISQUES BIEN / ABEILLE)
tante Hortense, de la famille tropicaliste, rejeton percussif de tom Zé et cousin fantaisiste de katerine, agrandit le cercle aux voisins, musicaux (neman Herman dune, Étienne Jaumet) ou de paliers, pour un album pas onéreux et qui vous sera cher.
BIttE orCa
dE dIrtY proJECtorS (DOMINO / PIAS)
ces new-yorkais font ce qu’ils veulent de leurs mains (ambidextres), de leurs doigts (doigté) et de leurs voix (polyphonies), virtuoses nerds d’une pop mutante, qui assimile byrne, Zappa et Prince, les doigts dans le nez. La grâce, c’est la facilité.
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Photo : © Les Pictographistes
90 LE BOUDOIR /// BIBLIotHÈQUE
no Pain, NO GAIN LES POLARS POLAIRES D’ANTOINE CHAINAS Nouveau pilier de la « Série Noire », antoInE CHaInaS revient avec Anaisthêsia, un polar glacial en forme de méditation sur la souffrance et le mal. La France aurait-elle trouvé son Palahniuk ? _Par Bernard Quiriny
Quoi de neuf du côté des polars ? de tous les secteurs crews) et écrire ses livres. après Versus, il revient avec de l’édition, c’est l’un de ceux qui se portent le mieux, un troisième opus glacial, qui met mal à l’aise dès le ainsi qu’en témoignent des phénomènes d’édition titre : Anaisthêsia, avec une magnifique radio de crâne comme fred Vargas, Henning mankell ou stieg Larsson. humain en couverture. ambiance. dès les premières dans l’ensemble, les auteurs étrangers pages, on y retrouve les éléments-clefs qui tiennent toujours le haut du pavé, qu’ils frappaient déjà dans Versus : un décor viennent des États-Unis, d’italie (camilleri) urbain ultra-glauque, qui pourrait être celui ou du monde scandinave (indridason, de n’importe quelle ville de france ; un Läckberg ou la paire historique sjöwall et goût très sûr pour les milieux louches, les Walhöö), mais le polar français connaît lui boîtes à partouzes clandestines et les aussi une période faste, avec un mélange échoppes plus ou moins déviantes ; enfin, stimulant d’auteurs-vedettes et de nouvelles un personnage de flic puissant, épais et plumes et, surtout, un foisonnement inédit tordu, avec un caractère en béton et une de genres et de collections, de nombreux morale ambiguë. en l’espèce, il s’agit de éditeurs ayant ajouté un rayon polar à leur désiré saint-Pierre, premier enquêteur noir à catalogue. même la vénérable « série noire» intégrer un groupe d’investigations depuis participe de ce renouveau, qui a troqué les émeutes qui viennent de ravager le depuis quelques temps sa vieille maquette pays, dealer à la petite semaine et victime semi-poche pour le grand format et, sous la toute fraîche d’un accident de voiture qui, houlette d’aurélien masson, s’est lancé à Antoine Chainas en plus de l’avoir défiguré, l’a rendu Anaisthêsia la recherche de sang neuf. avec antoine (Gallimard, « Série Noire », complètement insensible à la souffrance. chainas, on peut dire qu’elle a tiré le bon 309 p., 17,50 €) médicalement, désiré est le premier dans numéro : son premier roman, Aime-moi, son genre : « Un cas d’indifférence à la Casanova, a fait l’effet d’une bombe lors de sa parution douleur tel que personne n’en avait jamais vu. Une en 2007, et l’a aussitôt imposé comme l’un des auteurs chance unique de comprendre les mécanismes de la les plus prometteurs de sa génération. somesthésie. » né en 1971, chainas a écumé une multitude de jobs avant de devenir postier de nuit dans le sud de la france, métier qui lui laisse ses journées pour lire ses auteurs fétiches (Hubert selby Jr, John fante, Harry
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Pendant que ses collègues traquent en vain une tueuse en série qui signe ses crimes en laissant une bague sur les cadavres, désiré est aux prises avec le caïd de son quartier, qui l’accuse de lui avoir volé un kilo
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« LE TROISIÈME ROMAN DE CHAINAS MET MAL À L’AISE DÈS LE TITRE : anaistHêsia. » de cocaïne avant son accident. Les deux histoires progressent en parallèle dans des chapitres brefs et très rythmés, avec un style clinique et un luxe de détails techniques qui, paradoxalement, donnent au texte une tournure presque poétique. mais ce qui fait la réussite du livre, ce sont les sujets annexes que chainas greffe sur l’intrigue : la réalité sordide de la vie de flic, avec ses inspecteurs dépressifs soumis aux diktats d’une hiérarchie qui ne raisonne qu’en fonction des sondages, et surtout l’insensibilité irréelle du narrateur, déshumanisé par son incapacité à souffrir, transformé en « humanoïde postmoderne que toute la communauté scientifique attend comme le messie ». À travers son inquiétant héros, chainas dépasse le cadre du polar et fait d’Anaisthêsia une méditation sur la souffrance et le paradoxe de notre société, adepte du risque zéro mais fascinée par l’hyper-violence. sado-maso, l’univers de chainas ? Voire. Glauque, froid et terriblement addictif, en tous cas. Âmes sensibles…
LE CIné LIvrE LES CLaSSIQUES dU CInéMa BIS dE LaUrEnt aknIn (NOUVEAU MONDE ÉDITIONS, DICTIONNAIRE)
Le cinéma « bis », cinéma populaire à petit budget (gore, fantastique, kung-fu, western, porno…), est minutieusement recensé à travers 500 analyses de films, des navets ringards aux chefs-d’œuvres incontestés. Un voyage cocasse et instructif, aux illustrations soignées, dirigé de main de maître par l’historien et critique de cinéma Laurent aknin. _R.S.
LE CoUp dE CœUr dE La LIBraIrE ExpérIEnCE d’EdWard LEE, vErSaILLES dE Gérard GavarrY (P.O.L, ROMAN)
revisitant une série de photos d’Édouard Levé intitulée Amérique, l’auteur s’attache à démasquer une réalité cachée derrière l’apparente banalité des portraits ou paysages urbains saisis par le photographe. avec cette tentative d’épuisement du réel portée par une narration fragmentée, un dispositif de la brisure et de la répétition, une interpénétration des temps et des espaces, et une écriture dépouillée, Gérard Gavarry livre une œuvre singulière, violente, signe que la littérature est aussi une expérience plastique. _Pascale Dulon, libraire au MK2 Bibliothèque
_Par B.Q.
LIvrES avEC poE JUSQU’aU BoUt dE La proSE dE HEnrI JUStIn (GALLIMARD, ESSAI))
Le Scarabée d’or, La Lettre volée et autres chefs-d’œuvre : Poe, le maître du conte policier et fantastique, aurait eu 200 ans cette année. Érudite mais accessible, cette captivante étude est idéale pour pénétrer les arcanes de son génie.
LE MYStÈrE dE La tortUE d’HEnrY dE MonFrEId (GRASSET, ROMAN)
Voyageur, contrebandier et romancier, Henry de monfreid (1879-1974) est l’archétype français de l’écrivainaventurier. il est à l’honneur ce mois-ci avec une série de rééditions où l’on retiendra notamment ce savoureux roman historique dans le décor de la mer rouge.
LE CInQUIÈME évanGILE
dE MICHEL FaBEr (L’OLIVIER, ROMAN TRADUIT DE L’ANGLAIS)
Qui n’a pas un jour cédé à la curiosité devant l’un de ces bestsellers façon Da Vinci Code, soidisant truffés de révélations sur le christ et le sens de la vie ? L’anglais michel faber les brocarde dans cette sympathique comédie sur fond d’édition et de fanatisme religieux.
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© dan clowes / cornélius
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La maison CLOWES LES PHYLACTèRES EN COLèRE DE DAN CLOWES On réédite deux chefs-d’œuvre de la BD indépendante américaine : Eightball, recueil de comic-strips nerveux et habités, et David Boring, fiction plus mélancolique. Rencontre avec leur auteur, l’immense dan CLoWES, en marge du dernier festival d’Angoulême. _Propos recueillis par Auréliano Tonet
Eightball compile vos premiers comic-strips, réalisés pour certains il y a plus de vingt ans. Qu’avez-vous ressenti en relisant ces planches ? Je déteste l’admettre mais je ne relis quasiment jamais mes vieilles bd. dessiner a pour moi une vertu cathartique. Je n’ai pas envie de revoir ces choses horribles dont j’ai essayé de me débarrasser. de temps en temps cependant, je me surprends à lire mes histoires et à en rire, ce qui est bon signe !
La rage qui habitait vos premiers livres semble s’être transformée, avec le temps, en quelque chose de plus mélancolique… À l’époque, j’avais autour de moi beaucoup d’amis qui fulminaient à cause de choses ridicules. Je trouvais ça amusant de mettre en scène des personnages qui s’expriment avec une telle colère. c’étaient généralement mes propres opinions, mais à un degré exagéré. Puis cette colère m’a semblée trop univoque, trop unidimensionnelle pour les histoires que j’ai voulu raconter. on retrouve cette colère dans mes bd ultérieures, mais elle est réprimée, sous-jacente.
vous vous mettez beaucoup en scène dans ces premiers strips. Une tendance que vous avez abandonnée au fil du temps… Pendant longtemps, mon but était d’exprimer mon point de vue sur le monde, et je Une des histoires d’Eightball tourne pensais qu’il était plus honnête de me le autour de la ville de Chicago, où vous faire dire en me dessinant. Progressivement, avez longtemps vécut. Cette ville est je me suis rendu compte que j’étais en associée à un fort sentiment de solitude train de créer un personnage qui disait ce dans vos œuvres.vous vivez aujourd’hui que je voulais que les gens entendent. à oakland, où vous semblez vous être ouvert à une forme de communauté – ce personnage est devenu de moins en Dan Clowes - Eightball moins moi. Je pense qu’il est plus facile de et David Boring familiale, artistique… c’est exactement ça. J’ai vécu à chicago raconter des choses personnelles avec (Cornélius) enfant et jeune adulte, et je m’y sentais des personnages de fiction. aujourd’hui, la plupart des personnages de mes bd mêlent des isolé, je ne me sentais intégré à rien, je n’entretenais aspects de ma personnalité à des éléments qui ne me pas de relations amicales avec les autres, même avec ma famille. J’ai déménagé à oakland avec celle qui ressemblent pas du tout. c’est un processus très difficile est ma femme depuis quinze ans, nous avons un fils, à identifier. une famille… J’ai effectivement l’impression d’appartenir
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à une communauté ici. Je n’ai pas mis tout ça consciemment dans mes bd, je l’ai fait sans m’en rendre compte. La vérité finit toujours par transparaître… ma femme serait heureuse de lire ça ! vous écrivez beaucoup de scénarios pour le cinéma, où vous collaborez avec Jack Black, Michel Gondry ou terry Zwigoff. dans quel média vous sentez-vous le plus à l’aise ? dans la bd, sans hésiter. c’est ma langue maternelle, je la maîtrise avec fluidité. Le cinéma est une discipline très exigeante. Un film romantique devra mettre en scène un couple qui se sépare et se retrouve. si je faisais une comédie romantique en bd, on attendrait autre chose de moi, que les personnages s’entretuent par exemple ! en tant que scénariste, j’essaie de me mettre à la place d’un spectateur de cinéma lambda, d’anticiper et combler ses attentes, de les déjouer parfois. Quel regard portez-vous sur la Bd américaine d’aujourd’hui ? des gens très talentueux testent des choses complètement déjantées, jusqu’alors cantonnées aux bd de super-héros. La génération précédente, celle de rober t crumb, faisait des bd dites «underground». ma génération, celle de charles burns ou chris Ware, a créé la bd appelée, sans doute à tort, «alternative» – une drôle d’avenue dans laquelle s’engagent aujourd’hui des gamins de 16 ans. J’ai hâte de lire tout cela.
_Par J.G.
Bd rYoSHI
dE GaBrIEL SCHEMoUL (CORNÉLIUS)
Le jeune Gabriel schemoul plonge au sein de l'imaginaire japonais pour inventer une histoire tendue, à la violence latente, qui évoque dans ses plus beaux moments la force d'évocation et le trait du blutch d'il y a dix ans. Un auteur à suivre de près.
LES CarnEtS dE Gordon MCGUFFIn dE pIErrE SEnGES Et nICoLaS dE CréCY (FUTUROPOLIS)
Pas vraiment une bd, mais une collaboration entre l'écrivain Pierre senges et le dessinateur nicolas de crécy, dont le style explose ici en une myriade de visions précises et poétiques, soulignant le beau texte de l'écrivain. drôle de livre, expérimental et décalé.
EnCorE Un EFFort
dE BaLadI (L'ASSOCIATION)
Un livre sur la bd, par un excellent auteur suisse, composé à la manière d'une confession en plusieurs petits chapitres s'attaquant à tout ce qui concerne la découverte et la pratique de la bande dessinée. Un petit ouvrage intelligent, critique, acéré. MAI 2009
La réEdItIon
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La Griffe DU MÂLE LE COUP DE FOURCHETTE DE WOLVERINE Que ceux que la barbaque barbe passent leur chemin. Le mois dernier, Wolverine débitait de la bidoche au cinéma. Cette fois, c’est dans un jeu pur-sang, X-Men Origins : Wolverine, que le héros tranche dans le vif. Une aventure classée X. _Par étienne Rouillon
Logan, Weapon X, James Howlett, serval, le « Glouton »… reprenant le scénario du long métrage avec malice, Le super-héros canadien Wolverine a porté tous les les différents niveaux du jeu alternent entre charcutage noms depuis sa création en 1974, pour devenir l’un dans les couloirs de complexes scientifiques et missions des personnages les plus charismatiques de l’éditeur flash-back dans la jungle africaine. Graphiquement marvel comics, aux cotés de captain très accomplis, quoique peu originaux, america ou spider-man. À l’instar de l’ami les décors mettent en scène des bagarres spidey, Wolvie peut désormais facilement jouissives de brutalité outrancière. Les rapporter un paquet de numéraire, pour boites des jeux sont pressées avec la peu qu’un jeu vidéo sorte au même moment mention «édition bestiale» sur la jaquette*. qu’un film au propos idoine. si de nombreux on ne peut reprocher aux développeurs pigeons sont tombés dans la toile mal d’avoir édulcoré l’animalité qui fait le ficelée des adaptations vidéoludiques piquant du griffu. Loin d’être aseptisés, les des films de l’araignée, le portage des combats sont d’une précision chirurgicale. aventures de Wolverine est quant à lui un L’utilisation des « fentes », attaques toutes défouloir très réussi. en même temps, un griffes dehors permettant d’atteindre jeu vidéo sur Wolverine, c’est un peu de un ennemi en un saut démesuré, relève la triche au vu de l’attente des fans. dans de l’enchantement chorégraphique. les années 1990, de nombreux marmots cette ripaille de tripaille n’est jamais ont singé leur héros, bondissant en forêt écœurante ou rébarbative grâce à une de fontainebleau armés de fourchettes Genre : Action jouabilité aux petits oignons. en mijotant Éditeur : Activision figurant les griffes de Logan. ils n’en ont Plateforme : PC, PS3, X360 de concert inventivité et intuitivité, X-Men Origins : Wolverine décroche la timbale tiré que deux enseignements douloureux : on ne déconne pas avec l’argenterie des grands- d’adamantium (du nom du métal qui constitue le parents, et on ne guérit pas tout seul d’un planté de squelette de Logan). trident dans le gras du bras. cette frustration décennale de ne pouvoir faire siens les attributs du mutant bourru accessible aux néophytes, le jeu fourmille de clins (griffes rétractables et pouvoir d’auto-guérison) vole d’œil bien vus qui régaleront les adeptes chatouilleux. enfin en éclat avec un jeu taillé à la mesure des il est possible de jouer avec les différents costumes que Wolverine arbore dans les comics d’origine. mieux, on espoirs des fans, un poil déçus par le film.
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« LES BOITES DES JEUX SONT PRESSÉES AVEC LA MENTION « ÉDITION BESTIALE » » peut à loisir rentrer et sortir les griffes du gros matou. ne rigolez pas, c’est crucial : vous imaginez un Jedi avec un sabre-laser toujours allumé ? naviguer dans les bas-fonds du labo qui a vu naître la bête tient du pèlerinage mythologique. Les ordinateurs, croisés çà et là entre deux pugilats, apportent leur lot d’anecdotes rigoureuses. Là où des concepteurs peu scrupuleux auraient simplement validé le cahier des charges des vases communicants entre cinéma et jeu vidéo, l’équipe de développeurs de raven software a accompli un remarquable travail de documentation. résultat : le jeu se révèle en fin de compte plus complet et audacieux que le long métrage. L’univers vicié des adaptations franchisées ciné/jeu semble avoir quitté son orbite miséreuse. Un monde enfin à l’envers qui tient compte des critiques faites à son endroit. on a une pensée émue pour iron man, Hulk et les autres héros qui ont malheureusement essuyé les plâtres de cette révolution. *Parents, ce n’est pas parce qu’il est chouette que ce jeu est pour tout le monde. Prenez acte de ce que dit Wolverine : « Je suis le meilleur dans mon domaine. Mais c’est pas beau à voir. »
L’adaptatIon CIné aSSaULt on dark atHEna (ATARI, SUR PC, PS3, X360)
séance de rattrapage deux-en-un pour les fans de la saga riddick, héros nyctalope campé au cinéma par Vin diesel. ce deuxième opus vidéoludique, un fPs bien sous tous rapports mais sans plus, est livré avec une version remasterisée d’Escape from Butcher Bay, monument du jeu d’infiltration. _E.R.
L’aCCESSoIrE LE BataranG À l’occasion de la sortie du jeu où vous incarnez la chauve-souris milliardaire, jouant des coudes dans une prison qui ferait rougir le rapport albrand, eidos nous livre un superbe coffret en édition limitée. il comporte un niveau exclusif du jeu, des dossiers très documentés sur les compagnons de cellule du Joker, un making-of… mais surtout un batarang de 35cm reposant fièrement sur son socle. et avec ce boomerang à l’effigie de batman, je vous jure que personne ne moufte à la récré. _E.R Coffret collector Batman Arkham Asylum, disponible sur www.eidoshop.fr
_Par E.R.
JEUx rEd FaCtIon GUErrILLa (THQ, SUR PC, PS3, X360)
nouvel amarissage sur la Planète rouge ! on y incarne toujours un ouvrier armé d’une masse, rebelle aux exigences patronales, qui casse tout sur son lieu de travail. Un jeu d’action complètement marteau.
FUEL (CODEMASTERS, SUR PC, PS3, X360)
dans un futur à la Mad Max, c’est-à-dire tristement voisin, les rares chanceux qui ont du pétrole s’affrontent dans des courses apocalyptiques, sur un terrain de jeu de plus de 14 000 km². Vaste programme.
LE parraIn 2 (ELECTRONIC ARTS, SUR PC, PS3, X360)
de new york à cuba ou miami, la Pieuvre a le bras long dans l’univers tentaculaire de coppola. ambiance coups de pression gominés et battes de baseball maculées dans ce GTA-like al dente, pimenté d’un soupçon de gestion-stratégie. Molto bene, capisci ?
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96 TRAIT LIBRE
GITANS, Le Pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-Mer de KKrist Mirror (Éditions Emmanuel Proust, sortie le 7 mai). Après son témoignage sur les « Tsiganes oubliés » de la Seconde Guerre mondiale, KKrist Mirror livre avec Gitans un BD-reportage sur le plus grand pèlerinage des gens du voyage. Depuis le XIIème siècle, les gitans du monde entier arpentent avec ferveur le littoral méditerranéen en l’honneur de leur patronne Sara, la vierge noire. En illustrateur de presse aguerri, l’auteur propose un vrai travail documentaire historique et sociologique. Les dessins crayonnés en pleines pages se suivent comme autant de portraits pris sur le vif pour relater les croyances les plus intimes d’une population précaire, et mal connue. _R.S.
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HOLLYWOOD STORIES // GRANDES ET PETITES HISTOIRES DU CINÉMATOGRAPHE 97
HoLLyWood ANNÉE ZÉRO Résumé de l’épisode précédent : Fuyant les nervis de Thomas Edison qui ne craignaient pas d’utiliser la matraque pour faire respecter la loi du Trust, les professionnels du cinéma ─ exploitants, producteurs, cinéastes ─ se retrouvent peu à peu à Los Angeles avant 1914. Les choses sérieuses peuvent commencer.
ÉPISODE 2, SAISON 1
_Par Marc Cerisuelo (historien, philosophe)
LoSt. À la veille de la Grande Guerre, on l’oublie souvent, le cinéma français est le plus puissant du monde et le studio elgé (acronyme de Léon Gaumont) de la rue des alouettes restera jusqu’en 1914 le plus formidable terrain de jeu des cinéastes, grâce notamment à un appareillage électrique qui laissait loin derrière lui tous ses concurrents. mais le harakiri collectif du vieux continent va laisser place nette au géant américain dans tous les secteurs de l’économie, et en particulier dans le domaine du cinéma.
CaLIFornICatIon. tout débute vraiment avec david Ward Griffith qui commence à tourner en californie en 1910, après avoir réalisé près de 200 films (!) en 1908 et 1909. ce n’est cependant qu’en 1913, avec son départ de la biograph et la décision de tourner des (plus) longs métrages pour la mutual, que le merveilleux train électrique dont parlait orson Welles à propos du cinéma démarre sur la côte ouest des États-Unis. Griffith passe l’essentiel de l’année 1914 à préparer Naissance d’une nation, premier très long métrage (2h40) de l’histoire, prouesse technique et plastique inouïe avec une direction parfaite d’innombrables figurants, le début du déplacement latéral de la vision et la véritable mise sur orbite du montage parallèle.
d.W. Griffith
pLUS BELLE La vIE. comme cette histoire de deux familles prises dans la tourmente de la guerre de sécession virait tout de même à l’apologie du ku klux klan, Griffith met tout le monde de son côté en 1916 avec la réalisation d’Intolérance, immense fresque en quatre périodes (babylone, la Passion du christ, la saint-barthélemy, l’amérique contemporaine) où le montage parallèle fournit le principe de l’ubiquité cinématographique et de la mise en cause de l’intolérance à travers les âges. À la même époque en europe, Verdun…
EntoUraGE. mais l’importance de Griffith ne se limite pas à ses propres œuvres. autour du maître gravite un aréopage qui formera la substance de Hollywood. il avait déjà découvert mary Pickford, « la petite fiancée de l’amérique », première véritable star nationale ; il lancera bientôt la carrière de Lilian et dorothée Gish. dès 1909, il avait formé mack sennett, le futur roi du burlesque. il a pour assistants W. s. Van dyke, tod browning, monte blue, Victor fleming, allan dwan, raoul Walsh – et un certain eric Von stroheim… LE CaS dEMILLE. Pendant ce temps-là, cecil b.demille explore les chemins du drame avec Forfaiture (1915) et permet à adolf Zukor, encore associé à Jesse Lasky, de poursuivre la fondation de ce qui deviendra bientôt l’empire Paramount. demille passe pour avoir réalisé le premier film « hollywoodien » avec The Squawman (1913), mais on retiendra surtout ses comédies du remariage, appelées aussi « comédies salles de bain », qui permettent de découvrir la charmante anatomie de ses jeunes premières. La plus connue s’appelle Gloria swanson, que l’on retrouvera bien plus tard sur le Sunset Boulevard de billy Wilder. mais ceci est une autre histoire… troisième épisode à suivre le mois prochain dans Trois Couleurs
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98 SEX TAPE // L’INSTANT éROTIQUE
PeLLes ET RÂTEAUX
boutonneux, complexés et désespérément puceaux, Hervé et camel, les jeunes héros des Beaux Gosses, ont la langue bien pendue quand ils parlent des filles. À défaut de la tourner sept fois dans leur bouche, ils salivent à tout va sur le catalogue de La Redoute. abonnés aux râteaux, ils reluquent leurs copines de classe, l’eau à la bouche. mais après les circonvolutions verbales et en prévision du premier baiser, rien ne vaut un petit entrainement buccal, face au miroir de la salle de bain, où une mère intrusive, très en verve, ne manquera pas de surprendre Hervé, bouche bée. __Sandrine Marques Les Beaux Gosses de Riad Sattouf. Sortie le 10 juin.
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