Trois Couleurs #72 – Juin 2009

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CINéMA CULTURE TECHNO

by

CHRISTIAN

BALE SUPER - MAN(N)





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ÉDITEUR MK2 MULTIMÉDIA 55 RUE TRAVERSIÈRE_75012 PARIS 01 44 67 30 00 Directeur de la publication & directeur de la rédaction Elisha Karmitz (elisha.karmitz@mk2.com & troiscouleurs@mk2.com) Rédacteur en chef & chef de rubrique « culture » Auréliano Tonet (aureliano.tonet@mk2.com) Chef de rubrique « cinéma » Sandrine Marques (sandrine.marques@mk2.com) Chef de rubrique « technologies » étienne Rouillon (etienne.rouillon@mk2.com) Direction artistique Marion Dorel (marion.dorel@mk2.com) Sarah Kahn (sarah.kahn@mk2.com) Maquette Louise Klang Stagiaires Mathilde Roger Raphaëlle Simon Ont collaboré à ce numéro Philippe Azoury, Benoit Basirico, Ève Beauvallet, Marc Cerisuelo, Rafik Djoumi, Pascale Dulon, Clémentine Gallot, joseph Ghosn, Anne-Laure Griveau, Florian Guignandon, Donald james, jérôme Momcilovic, julie Nabady, Wilfried Paris, Sophie Quetteville, Bernard Quiriny, juliette Reitzer, Adrien Rohard, Bruno Verjus, Anne-Lou Vicente Illustrations Laurent Blachier, Dupuy & Berberian Photographie de couverture Vincent Peters / Acte 2 Photographes Antoine Doyen (rubrique « In Situ »), Agnès Mazeau (rubrique « Alter gamo »), jean-Marc Ruellan (rubrique « Underground »), Vincent Peters / Acte 2 (ouverture dossier Christian Bale), DR

© 2009 TROIS COULEURS // issn 1633-2083 / dépôt légal quatrième trimestre 2006. Toute reproduction, même partielle, de textes, photos et illustrations publiés par MK2 est interdite sans l’accord de l’auteur et de l’éditeur. Magazine gratuit // Ne pas jeter sur la voie publique.

Publicité Responsable clientèle cinéma Laure-Aphiba Kangha 01 44 67 30 13 (laure-aphiba.kangha@mk2.com) Directeur de clientèle hors captifs Daniel Defaucheux 01 44 67 68 01 (daniel.defaucheux@mk2.com)

SOMMAIRE # 72 7 éDITO 8 COUP POUR COUP > jean-jacques Aillagon 10 SCÈNE CULTE > Collateral 12 PREVIEW > Thirst, ceci est mon sang

14 LES NEWS 15 CLOSE-UP > Xavier Dolan 16 LE K > Bronson 18 KLAP ! > Alice au Pays des merveilles 20 LE PROFIL FAKEBOOK DE… > Ashton Kutcher 21 UNDERGROUND > Madlib 22 IN SITU > Bruno Podalydès 24 LE BUZZLE > Dark Night of the Soul 26 AVATARS > Virtua Tennis 2009 28 BATTLE ROYALE > Navigon vs Mio

31 LE GUIDE 32 SORTIES CINé 44 SORTIES EN VILLE 54 LA CHONIQUE DE DUPUY & BERBERIAN

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DOSSIERS

56 CHRISTIAN BALE // PUBLIC ENEMIES 62 LOS ANGELES // TOY BOY

69 LE BOUDOIR 70 DVD-THÈQUE > La Frontière de l’aube de P. Garrel 72 CD-THÈQUE > Sonic Youth 74 BIBLIOTHÈQUE > Arto Paasilinna 76 BD-THÈQUE > Kiki et Loulou Picasso 78 LUDOTHÈQUE > Fuel 80 COMIC-STRIP > M de jon j. Muth 81 HOLLYWOOD STORIES > Hollywood année zéro 82 SEX TAPE > Very Bad Trip



éd I tO

BALE AU CENTRE La scène se passe le 15 mai dernier, en plein festival de Cannes. Avant qu’il ne débute sa conférence de presse, Martin Scorsese voit surgir une forme féminine. Bravant les molosses qui rôdent autour, la jeune femme dépose un exemplaire de Trois Couleurs sur la table du maestro. Celui-ci saisit le magazine, le regarde, se lève, fait le beau ; et les flashs de crépiter… Quinze jours plus tard, la même journaliste part à l’assaut d’une autre de ses idoles : Christian Bale, présent à Paris pour assurer la promo de Public Enemies de Michael Mann. Précautionneuse, notre reporter est venue avec deux dictaphones. Las, en plein entretien, l’un, puis l’autre tombent en panne. Gardant son sang-froid, notre « super-woman » emprunte tout de go l’enregistreur d’une confrère qui passait par là, pour conclure, comme si de rien n’était, son interview avec Batman. Si ce n’est la témérité de notre rédactrice, ces deux anecdotes n’ont a priori rien à voir. Quoi de plus opposé, en

effet, que le cinéma de Martin Scorsese et celui de Michael Mann? Le premier est tout entier absorbé par la question des origines – qu’elles soient intimes (ses racines italiennes), nationales (la naissance sanglante des états-Unis), mythologiques (son goût pour la Bible et les biopics) ou cinématographiques (son combat pour la restauration des films). Michael Mann, au contraire, est un cinéaste de perspectives, de surplomb : comment réinventer le cinéma à l’heure du numérique ? Côté Scorsese, New York et ses bagarres de rue. Côté Mann, L.A. et ses courses-poursuites élusives… Alors, incompatibles, les deux cinéastes ? « Il est rare de trouver des gens qui sont ou tout blancs ou tout noirs », nous confie Christian Bale, pressenti pour bientôt jouer chez Scorsese. Ce mois-ci, le comédien interprète un résistant du futur dans un blockbuster hanté par les trois derniers épisodes de la saga (Terminator Renaissance), en même temps qu’un flic des années 1930 dans un film d’auteur travaillé par l’horizon digital (Public Enemies). «L’homme est une corde tendue entre l’animal et le Surhomme», écrit Nietzsche. Comédien ambigu, Christian Bale est un Surhomme animal auquel il arrive, de temps à autres, de revêtir une carapace humaine. _Auréliano Tonet


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© Jeff Koons - Photo Laurent Lecat / Éditions Xavier Barral

COUP POUR COUP /// TAPAGE, RATTRAPAGE, DéCRYPTAGE

Jeff Koons - New Hoover Convertibles Green, Green, Red, New Hoover Deluxe Shampoo, Polishers, New Shelton Wet/Dry 5-Gallon, Displaced Tripledecker. 1981-1987, Trois aspirateurs Hoover convertibles, deux shampouineuses Hoover Deluxe, un Shelton, 312,4 × 137,2 × 71,1 cm

DE L’AUDACE !

CHÂTEAU PHARE Ancien ministre de la République, il est désormais Président de Château. À Versailles, JEAN-JACQUES AILLAGON est celui qui a opposé le classicisme des dorures au kitsch de jeff Koons. Une exposition qui a trôné cinq mois durant, et un reflet de controverse en pleine galerie des glaces... Et après ? _Propos recueillis par Adrien Rohard

Louis XIV aurait-il aimé recevoir Jeff Koons au Château ? Ce roi a aimé l’art avec passion, il a recherché la compagnie des artistes et n’a jamais reculé devant l’audace… J’en déduis que Louis XIV aurait dû aimer Jeff Koons. Regrettez-vous l’exposition Jeff Koons Versailles ? Non. Qu’il y ait débat autour d’une exposition comme celle-là, c’est inévitable, et même légitime. Quand le débat tourne à la polémique, c’est plus regrettable parce que si le débat a recours aux arguments de la raison, la polémique est souvent animée par les préjugés et la mauvaise foi.

Avez-vous des reproches à formuler à ceux qui ont douté de la pertinence de votre démarche ? Je respecte la liberté de leurs points de vue. Je sais d’autre part que les détracteurs les plus violents de cette exposition en ont été les meilleurs promoteurs… On a toujours tout à gagner à savoir se délester de ses préjugés, à considérer que rien, dans l’aventure humaine, n’est jamais conclu. Vous avez fait de Versailles un château plus audacieux, plus pop...Vous semblez moins aimer la naphtaline que vos prédécesseurs ? Ils ont tout de même su prendre des risques, mais peut-être que mes expériences antérieures et mon goût personnel me disposaient à plus d’audace encore... Comment va-t-elle se manifester, cette audace, après Jeff Koons ? Vous pouvez d'ores et déjà découvrir les fontaines du Château détournées par le plasticien Bertrand Lavier. Cet été, un des personnages les plus surprenants de la scène musicale française se produira sur le Bassin de Neptune : il s'agit du chanteur Christophe qui viendra accompagné de ses invités le 15 juillet. Puis à l'automne, dans la lignée de Jeff Koons, c'est Xavier Veilhan qui va investir Versailles, l’un des meilleurs artistes français de sa génération, innovant, déstabilisant.

Christophe En concert le 15 juillet sur le Bassin de Neptune du Parc de Versailles, dès 21h, de 38,5 € à 160 €.

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SCèNE CULTE /// COLLATERAL

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DOMMAgE(S) LE PITCH Chauffeur de taxi rêveur, Max (Jamie Foxx) est contraint de conduire Vincent (Tom Cruise), tueur à gages sans états d’âme, à ses cibles dans les rues de Los Angeles. Au volant pour mener Vincent à sa prochaine mission, Max demande des explications après avoir assisté à un règlement de comptes inutilement sanglant.

MAX : Qu’est-ce qu’ils ont fait ?

VINCENt : Qu’est-ce que j’en sais ? Pour moi, ils ont tous l’air de témoins à charge. Sûrement une grosse inculpation, quelqu’un qui ne veut pas plonger. MAX : C’est ça, la raison ? VINCENt : L’explication, pas la raison. Il n’y a pas de raison à la vie ou à la mort. MAX : Alors tu es quoi ? VINCENt : Indifférent. Contente-toi de ça. Au milieu d’un milliard d’étoiles, un point sur l’une d’entre elles. On est perdu dans l’espace. [Désabusé] Le flic, toi, moi… qui nous remarque ? […] MAX [Écœuré] : Je pense que tu vas mal, très mal. COLLATERAL Un film de Michael Mann. Scénario de Stuart Beattie, 2004, DVD disponible chez Dreamworks.

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Tu es qui ? Y a quelqu’un là-dedans ? Tout ce que les gens sont censés avoir en eux, toi tu ne l’as pas. Et pourquoi tu ne m’as pas encore tué ? VINCENt [Blasé] : Sur tous les taxis de L.A., je devais tomber sur Max, Freud, et Dr. Ruth. MAX [Fulminant] : Réponds-moi. VINCENt : Regarde-toi. Serviettes en papier, taxi nickel, un beau projet… Combien t’as économisé ? MAX : Ça te regarde pas ! VINCENt : « Un jour, mon rêve se réalisera ? » Une nuit, tu te réveilleras, et tu verras que tu n’as rien fait. C’est à portée de main, mais rien n’arrivera. D’un coup, tu seras vieux, et tu n’auras rien fait. Tu retarderas sans cesse ton projet et tu finiras par l’oublier, hypnotisé par la télé pour le reste de ta vie. Ne me parle pas de meurtre. Tout ce qu’il t’aura fallu, c’est un prêt pour une voiture de taxi. C’est comme cette fille. Tu n’oses même pas l’appeler. Qu’est-ce que tu fous à conduire un taxi ? MAX [Pris de folie] : Je ne me suis jamais senti assez fort pour y réfléchir moi-même. J’aurais dû. [Il accélère violemment]

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12 PREVIEW

THIRST, CECI EST MON SANG Après sa trilogie sur la vengeance consacrée par Old Boy, le réalisateur coréen poursuit ses règlements de comptes. Suite à une expérience médicale ratée, un prêtre se transforme en vampire. Habité par ses pulsions, il s’éprend de la femme d’un ami, à coup de succions et de jouissances sanguines... Jamais PARK CHANWOOK n’aura pris tant de libertés : sans vergogne, il combine les genres (érotisme, drame, comédie, horreur), transgresse les conventions sociales, fait valser les mouvements d’angle, déforme les sons en faisant résonner les morsures comme des bisous baveux, les effusions de sang comme des geysers. Une liberté parfois gratuite, mais qui étanche bien des soifs de cinéma. _Raphaëlle Simon Sortie le 30 septembre. Prix du jury (ex-æquo) au dernier festival de Cannes.


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LES

NEWS

SECOUEZ, AGITEZ, SAVOUREZ : L’ACTU CINÉ, CULTURE, TECHNO FRAÎCHEMENT PRESSÉE

CLOSE-UP Son premier film, J’ai tué ma mère, en salles le 15 juillet, a raflé trois prix à la Quinzaine des réalisateurs. À tout juste 20 ans, le Québécois XAVIER dOLAN réalise, interprète, écrit. Et célèbre la différence. « Ma mère était employée dans un collège. Mon père acteur, chanteur, compositeur. J'ai eu une enfance passablement banale. » À le voir incarner avec ferveur un ado déchiré par la relation amour-haine qu’il entretient avec sa mère, on pourrait en douter. Acteur dès l’âge de 5 ans, Xavier a depuis quitté l’école, de crainte d’avoir à entrer dans un moule. Autodidacte bercé par l’influence de Cocteau et Wong Kar-wai, il affiche son homosexualité et confie trouver sa force dans l’écriture : « La meilleure façon de m'affranchir et de vaincre mes peurs. » Son prochain film contera l’histoire d’amour impossible entre une femme et un homme décidé à changer de sexe. Signe que la différence, blessante ou salutaire, empreindra les nombreuses pages qu’il lui reste à écrire. _juliette Reitzer

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16 NEWS /// POLéMIQUE

K

LE

IL Y A CEUX QU’ IL ÉNERVE ET CEUX QUI LE VÉNèRENT À la sortie de la projection, deux spectateurs discutent du film Bronson de NICOLAS WINdING REFN… - j’avais vraiment adoré la trilogie des Pusher, tu te rappelles, ce carton au box-office danois ? Mais là, je ne comprends pas ce que le réalisateur a voulu faire avec ce film de prison. - Ce n’est pas vraiment un film de prison, mais plutôt un voyage mental dans la vie de l'ex-Michael Peterson, qui a changé de nom en hommage à Charles Bronson, l’acteur d’Un Justicier dans la ville. - je trouve qu’on n’éprouve pas d’empathie pour ce prisonnier réputé être « le plus violent du Royaume-Uni ». Même l’art ne le sauve pas. C’est très dérangeant. - C’est un film sur la célébrité en général. On entend Charles Bronson dire au début : « Toute ma vie, j'ai voulu être célèbre ». C’est un phénomène culte, presque une pop star en Angleterre. Le réalisateur s’est inspiré de Ian Curtis de Joy Division pour construire son personnage. - Ah oui ? Ça n’empêche que le traitement est très artificiel, avec ses allers-retours sur la scène de théâtre où Bronson interpelle une audience imaginaire… - C’est très justifié, au contraire. Bronson, qui est le narrateur, contrôle son image et c’est son processus de transformation qui intéresse le réalisateur. - Il finit en cage, comme l’animal sauvage qu’il est. La dernière image est terrible. - C’est un happy end : Bronson a réussi à devenir célèbre. C’était son seul but.

> CALé N.Y.C. Retour au pays pour Woody Allen, après une escapade régénératrice en Europe. De la petite musique de Whatever Works à la rage primitive de The Eternal du groupe newyorkais Sonic Youth, la grosse Pomme est toujours aussi craquante.

>> déCALé L.A. Ville-mirage, glissant de surfaces planes en Apocalypse, Los Angeles aspire, dans son centre vide, les stars en devenir. Du gigolo amer de Toy Boy au leader désabusé John Connor (Terminator Renaissance), la cité des anges semble, plus que jamais, désenchantée.

>>> RECALé D.C. Bureau ovale et tête au carré, Jeux de pouvoir montre un Washington corrompu, dans la lignée d’autres brûlots anti-système (W, Burn After Reading…). Une veine dont on se demande, avec l’élection d’Obama, si elle va perdurer longtemps…

Distribution : Le Pacte // Royaume-Uni, 2009, 1h32 // Sortie le 15 juillet

LA RÉPLIQUE

« ESPÈCE DE FILS DE CAPOTE TROUÉE ! » (Après l'océan, en salles le 8 juillet)

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18 NEWS /// KLAP ! /// ZOOM SUR UN TOURNAGE

SUIVEz LE LAPIN tIM BURtON, l’ensorceleur, s’est attelé à l’adaptation d’Alice au Pays des merveilles de Lewis Carroll. Alternant prises de vue réelles et 3D, ce film à l’atmosphère gothique promet monts et merveilles. Sortie prévue en mars 2010.

Échos de tournage : l’actrice serait affublée d’une tête hypertrophiée, trois fois plus grosse que la normale !

_Par Sandrine Marques

On n’est jamais mieux servi que par soi-même ! Mécontent des adaptations qui ont été faites jusqu’à présent de son livre de chevet, Tim Burton s’est lancé un défi tant artistique que technique : réaliser Alice au Pays des merveilles en 3D. Dans le rôle-titre, Mia Wasikowska (Eaux troubles, Les Insurgés) croise l’acteur fétiche Johnny Depp, dans le costume du Chapelier Fou ou encore Helena Bonham Carter, dans le rôle de la démoniaque Reine Rouge.

Face à l’ambition du projet, Tim Burton, lui, n’a pas attrapé le melon. Pourtant, le pari formel est de taille puisque le film mélange des prises de vue réelles, une animation générée par ordinateur et de l’animation image-par-image (ou stopmotion) : une combinaison complexe jamais utilisée dans un long métrage. Expérimentant pour la première fois la 3D, Tim Burton entend en faire « une utilisation plus viscérale, plus émotionnelle », en mixant « beaucoup de textures différentes ». Quant au Pays des merveilles, revisité par l’auteur, il risque de faire faire des cauchemars à plus d’un : menaçant et sombre, il vit sous la terreur du monstre Jabberwock. On attend, fébriles, que Tim Burton sorte un nouveau chefd’œuvre de son chapeau.

INDISCRETS DE TOURNAGE Dans L’Autre Monde de Gilles Marchand, le jeune Grégoire Leprince-Ringuet savoure ses premiers émois amoureux, jusqu’à sa rencontre avec deux frères et sœurs tourmentés (Louise Bourgoin et Melvil Poupaud). Le tournage vient de débuter, sous le soleil marseillais. Isabelle Huppert sera Maria, femme-courage qui tente de sauver sa récolte de café des rebelles africains dans White Material de Claire denis, en postproduction. Christophe Lambert et Nicolas Duvauchelle seront aussi à l’affiche de ce combat éthique et ethnique. L’auteur iranien Abbas Kiarostami emmène juliette Binoche dans un village italien reculé, Lucignano. La Française y joue une galeriste qui fait la rencontre d’un écrivain spécialiste de la copie dans l’art. Actuellement en tournage, Copie conforme devrait sortir fin 2010.

LA TECHNIQUE L’ESCAMOtAGE L’escamotage est une ancienne technique théâtrale qui consiste à recouvrir une portion de l’acteur avec un tissu dont la couleur se confond à l’arrière-plan, faisant ainsi « disparaître » ce fragment. On retrouve son équivalent actuel dans The Dark Knight ou Terminator Renaissance, où la portion à faire disparaître est recouverte d’un vert chromatique (couleur « non naturelle » qui sera éliminée de l’image). La carcasse de robot qui apparaît est composée à la fois d’une capture de mouvement du visage de l’acteur (opérée en studio) et d’une pure création 3D pour les éléments mécaniques (avec leur aspect chromatique et leurs reflets). _Rafik Djoumi // Terminator Renaissance de McG. Sortie le 3 juin. jUIN 2009

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20 NEWS /// LE PROFIL

DE...


© Photo jean-Marc Ruellan

21 NEWS /// UNDERGROUND /// DÉJà CULTE, BIENTôT DANS LES BACS

OREILLE ABSOLUE Bouche cousue (d’or) mais oreilles grandes ouvertes, MAdLIB est le secret le mieux gardé du label Stones Throw, dans le répertoire duquel Mos Def vient de puiser l’essentiel de son nouvel album. Portrait d’un producteur orfèvre. _Par étienne Rouillon et Auréliano Tonet

Vous aimez le hip-hop ? Écoutez Madlib. Vous n’aimez pas le hiphop ? Écoutez Madlib. Réputé mutique, le Californien de 35 ans laisse sa musique parler pour lui – et il fait bien, se dit-on à l’entendre dialoguer depuis vingt ans avec des croches transfrontalières. Auditeur éponge, multi-instrumentiste virtuose, l’étalon de l’écurie Stones Throw éperonne ses prod’ de samples aux pédigrées amples et pointus, de jazz Blue Note en pop indonésienne et autre funk turc. Il est libre, Mad, lui qui change de pseudonymes comme d’autres changent de casaques : le voici Madvillain (en duo avec MF DOOM), le voilà Quasimoto (son alterego, rappeur sous hélium), quand il n’enfourche pas le groupe fictif Yesterdays New Quintet. Compagnon de cette chevauchée sans œillères, son petit frère de producteur, Oh No, lui aussi chez Stones Throw. Un catalogue dont raffole Mos Def, quitte à en faire l’ossature de The Ecstatic, qui passe au tamis les pépites de la fratrie. « Madlib et Oh No sont des retro-producteurs maniant le hip-hop avec lequel Mos Def a grandi, mais ils le confrontent à d’autres sons du passé, plus exotiques. C’est ce qui fait l’actualité de leur musique », explique Egon, manager de Stones Throw. gemme seize carats, serti de trouvailles inouies, The Ecstatic est le must définitif de Mos Def. Un album écouté par les disquaires, réécouté par leur mère. Beat Konducta Vol. 5-6: A Tribute to... de Madlib (Stones Throw Records) The Ecstatic de Mos Def (Downtown Records / Cooperative)

COPIER COLLER >> Auteur d’un délicat premier album, Music for a While (EMI), le trio Revolver a choisi son nom en hommage au titre du septième album des Fab Four.

>> Si leurs amours chorales et boisées lorgnent volontiers du côté du White Album, c’est bien à la pochette de Meet the Beatles que se réfère celle des Franciliens.

LE MYSPACE CHARTS DE LA RÉDACTION AMAZING BABY Bayonets 45 370 lectures http://www.myspace.com/amazingbaby YAS Get It Right 31 805 lectures http://www.myspace.com/yaspopmusic LA ROUX Bulletproof 21 333 lectures http://www.myspace.com/larouxuk

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PODALYDèS EN SON JARDIN Dix ans après Dieu seul me voit (VersaillesChantiers), BRUNO PODALYDèS retrouve ses quartiers versaillais avec Bancs publics (Versailles rive droite). Nous l’avons rencontré dans le square où a été tournée cette hilarante variation sur la solitude.

© Photo Antoine Doyen

_Propos recueillis par Auréliano Tonet


23 NEWS /// IN SITU

«

Les jardins ouvrent sur d’autres jardins », écrit votre frère denis dans Voix off. Pourquoi avoir situé Bancs publics dans ce square ? C’est un square intime, dans tous les sens du terme. Le square est le premier terrain d’enfance et de jeux. Denis et moi allions souvent au Parc de Versailles et pour moi, ça reste un refuge. Le nom du film, Bancs publics, a été inspiré par une nouvelle d’un copain écrivain : un gars constate qu’on a enlevé tous les bancs publics du jardin du Luxembourg, rentre chez lui et se suicide. Cette histoire m’a marqué. C’est le sens de la chanson de Brassens, que je salue au début de film : elle est à la fois précieuse et fédératrice, comme le sont les bancs publics. Le film s’articule autour de trois lieux distincts : le bureau, le magasin de bricolage et le square, qui fonctionne comme un centre… Oui, c’est l’axe. De même qu’un village peut s’organiser autour d’une gare, d’une grande place… J’ai choisi ce square en particulier, parce qu’il ressemble à un carrousel, avec quatre petites scènes : le petit train, les jeux sur ressorts, le bac à sable et les balançoires. Un peu comme un cirque à l’américaine, où il y a plusieurs pistes de jeu. On peut d’ailleurs imaginer que ces pistes se multiplient comme une série de cercles concentriques, du square au bureau, du bureau au magasin, etc., dans un mouvement très apaisant, très horloger. On retrouve, dans l’architecture du square et notamment de sa fontaine, le motif du cercle, qui traverse votre cinéma. Est-ce une manière d’évoquer la circularité de l’intrigue ? C’est un motif qui me parle beaucoup – le petit bassin rond de mon enfance, la bille de la lune, le visage de ma mère… J’aime beaucoup La Ronde de Max Ophüls. Dans Le Parfum de la dame en noir, mon précédent film, le puits représente lui aussi une mini-aire de jeu, une rondeur dans laquelle les personnages sont comme protégés. En ce qui concerne l’intrigue, en revanche, il faut se méfier des purs effets de boucle. On prend le risque, comme disait Truffaut, de « revenir au point de départ ». Un film doit progresser. Ce lieu, cette ville ont compté dans votre enfance. Le cinéma n’est-il pas une manière de domestiquer l’espace public ? Pour Liberté-Oléron, je suis, de même, revenu sur des lieux de ma jeunesse. Le cinéma permet de redonner vie à des endroits appelés à disparaître. Abderrahmane Sissako disait qu’il avait tourné dans la cour de son père parce qu’il sentait qu’à cet endroit-là, il avait encore le droit de faire des bêtises. Ça m’a beaucoup touché.

L’interview a failli se dérouler dans le jardin du Palais Royal, qui jouxte la Comédie Française, dont votre frère est sociétaire. dans Voix off, ce dernier suggère que vous n’êtes guère friand de théâtre… Au théâtre, les dix premières minutes me sont toujours pénibles. Quand j’entends la porte qui claque sur scène et qui sonne complètement faux,

j’ai un mal fou… Tandis qu’au cinéma, je ne m’ennuie jamais, même devant les pires films, parce que j’ai toujours un paysage à regarder, un rapport au réel. Cela dit, Bancs publics semble construit comme une pièce de théâtre, avec une unité de lieux, de temps… Oui, comme chez Resnais, dont Cœurs m’a beaucoup marqué. J’adore les films qui empruntent des dispositifs théâtraux : un effet de rideau, un cadre fixe avec des entrées et sorties de champ … Ce square est vraiment bâti comme un décor de théâtre, avec un amphithéâtre et des découvertes, derrière. Bancs publics bénéficie d’un casting royal : deneuve, Arditi, les Inconnus, Seimoun, Amalric... Pourtant, tous les personnages sont traité à égalité, sur un mode très démocratique… J’ai filmé ce jardin comme un hémicycle. Il faut choisir ses comédiens sans a priori : il y en a de très bons au cabaret, au music-hall, à la télé. Dans Bancs publics, Il y a beaucoup d’acteurs, mais tous sont pris individuellement. Il ne s’agit pas d’un film choral. Au contraire, chacun entonne sa musique personnelle.

«J’AI FILMÉ CE JARDIN COMME UN HÉMICYCLE. » Votre précédent film versaillais, Dieu seul me voit, contait les difficultés qu’il y a à s’engager – politiquement, sentimentalement, etc. Ici, il s’agit plutôt de dégager un homme de sa solitude, comme on dégage une cloison, une haie… J’avais l’idée de reprendre cette espèce de trilogie, qui est une histoire sans en être une. Bancs publics n’est pas une suite de Dieu seul me voit, même si j’y trouve des échos. C’est toujours amusant de retrouver les même personnages d’un film à l’autre, comme dans la série des Doinel chez Truffaut. Au départ, je pensais tous les filmer mariés, avec des enfants, mais finalement, ils sont tous seuls. Ce square est plutôt bien taillé, malgré, çà et là, quelques herbes folles. Votre cinéma me semble, pareillement, en constant équilibre entre écriture et liberté, précision pointilleuse et exubérance… La nature, dans mes films, est toujours protégée, enclose. Mon coin préféré à Versailles est le domaine du Petit Trianon de Marie-Antoinette, qui donne l’illusion d’une nature non-domestiquée. J’adorerais tourner un film en pleine nature, comme les frères Larrieu. Puisque vous aimez les métaphores, disons que je continue de rêver de jardins à l’anglaise, cependant que ma haine des jardins à la française va s’amenuisant.

Un film de Bruno Podalydès // Avec Denis Podalydès, Florence Muller… // Distribution : UGC // France, 2007, 1h50 // Sortie le 8 juillet jUIN 2009

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24 NEWS /// LE BUZZLE

LE NET EN MOINS FLOU _Par étienne Rouillon

BUZZ’ART

STATUTS QUOTES Sélection des meilleurs statuts publiés le mois dernier sur

FACEBOOK. Aurélien : Le porc a ses travers que les travers de porc n'ont pas. Christophe is Haneke coucou ! Yan V. prend des sens interdits sur google Map en songeant à la horde de stagiaires qui doivent flouter les plaques d'immatriculation. Julien is Travail Famine Pâtes Riz. Laetitia a un pénis elbow.

RÂLES dE LABORAtOIRE Projet mourant, ressorti des éprouvettes de dANGER MOUSE et SPARKLEHORSE, Dark Night of the Soul sort sous la forme d’un CD vierge. À vous de graver les chansons – par tous les moyens. Danger Mouse se muerait-il en chevalier noir du piratage ? Piqué au vif par la guerre juridique que lui mènent les majors, le producteur américain a décidé de se passer d’elles, inondant les plateformes bitorrent et peer-to-peer des MP3 de son nouveau (et plus ambitieux) projet. Un album par ailleurs offert – sous la forme d’un CD vierge ! – en complément du livre Dark Night of the Soul… Soient 100 pages de photos noir et blanc signées David Lynch, qui mettent en image les treize pistes composées par le membre fondateur de gnarls

Barkley, associé à la pop irréelle du délicat Sparklehorse. Pour leur seconde collaboration, la souris dangereuse et le cheval étincelant ont bénéficié de cobayes de choix (Iggy Pop, Julian Casablancas,The Flaming Lips, Frank Black, Jason Lytle…), dont ils ont méticuleusement ablaté les attributs vocaux, pour les greffer à de somptueux corps mutants, mi-pop, miaou. Précision : ces tubes-là ne fonctionnent pas au comptegouttes.

Etienne : Les enfants, c’est comme les pets, on ne supporte que les siens. Marie combat le mal par le mâle. Clémence a rêvé qu’elle tournait dans Quatre queutards au Qatar. Romain is Antichrist : du Lars et du cochon. Max is Cantona que l’amour. John is Lesbien raisonnable ? Hortense is Quoi ça ? « Les portes du pénis entier », il a chanté, Johnny ?

Livre en édition limitée + CD vierge : www.dnots.com

APPLIS MOBILES ALCOO tEL Bien qu’ils doivent être sévèrement rincés pour pondre des spots télés aussi horripilants, les assureurs de la MAAF ont conçu cet indicateur alcoolémique (trop) ludique. iPhone qui sourit : vroum ! iPhone qui vomit : boum ! Plateforme : iPhone et iPod touch // Prix : gratuit

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WORLd CUP PING PONG L’enfer avec les carrés quatre places des wagons TgV, c’est les autres. Prêtez votre iPhone aux moutards fratricides qui s’étriperont dans des parties de pingpong, calmement du bout du doigt. Profitez du silence jusqu’à Marseille. Plateforme : iPhone et iPod touch // Prix : 0,79 €

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MAL BUZZÉ

BUZZONS FUTÉS SPACE INVAdERS Affiches mystérieuses à Paris : mais qui sont ces immigrés venus d’ailleurs ? Au mois de mai, sur le chemin du bar-tabac, fleurissent les appels à votre corde philanthrope. Il faut slalomer entre les militants contre la faim, la guerre et les maladies pour arriver à la porte du PMU. Un ultime credo humanitaire est placardé : « Rejoignez la lutte pour l’égalité entre humains et non-humains ! » Bardot n’est pas sortie de sa niche : il s’agit d’une publicité virale pour le film District 9, en salles le 14 août. Produit par Peter Jackson (Le Seigneur des anneaux), ce docufiction sur des immigrants extraterrestres parqués dans des camps en Afrique du Sud est une adaptation du saisissant court-métrage de Neill Blomkamp. www.anti-mnu.org et www.d-9.com pour le site officiel

ESSAIE ENCORE Parce que Vidéo Gag n’est plus, il faut bien se remonter le moral autrement, trouver une autre écurie d’ânes bâtés… Failblog, c‘est l’idiotie sans les exégèses d’un présentateur. On y retrouve l’humour « Paf! Dis bonjour au bitume avec ta cloison nasale » qui chatouillait jadis les canapés dominicaux. Moins comique de situation que comique d’intentions contrariées, les « fails » font passer nos échecs pour d’éclatants Austerlitz. Quelques morceaux de bravoure (sûrement dus à des stagiaires en colère) : des robinets trop courts pour couler dans l’évier, un terrain de minigolf en forme de pénis, de la réclame pour des « tacos gratuits : hier », ou encore « nous battons TOUS les prix, presque ». zygomatiquement imbattable. www.failblog.org (ou www.failblog.fr pour le comique de proximité)

Fail

- [fεil] n.m.

MOT @ MOT

(Du verbe anglais to fail, «échouer») 1. Photo soulignant un échec motivé par un coup du sort ou la bêtise d’un hominidé, rarement d’un animal. Comme tout «mème» (iconographie persistante au sein d’une communauté Internet), le FAIL présente une situation cocasse en image, explicitée par une légende. Le tout est frappé de l’inscription «FAIL». «Nicolas voulait passer quelques jours à buller sur les plages normandes avec Barack : FAIL.» 2. Objectivisation de l’adage «le mieux est l’ennemi du bien». «Depuis le mois dernier, General Motors milite chez les écolos : FAIL.»

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26 NEWS /// AVATARS /// DANS LA PEAU D’UN hÉROS DE JEU VIDÉO…

À REVERS Le numéro 1 de la raquette raccroche les tennis. Roland Garros lui inspire des relents guerriers qu’il ravale devant un écran, en enchainant les aces sur le jeu Virtua Tennis 2009. Les masters de tennis ? Pour Rafael, c’est nada ! Notre chroniqueur lui donne la parole.

RÉTRO GAMO SERPENt à SONNEttE

_Par étienne Rouillon

« JE reconnais pleinement la responsabilité de cet échec parisien, et moi, Rafael Nadal, j’en tire les conclusions en me retirant de la vie tennistique. « Hou le menteur », diront les internautes. Ils n’ont pas tort : je rebondis sur la surface molle de mon canapé en me lançant dans le circuit des joueurs virtuels pros. SEt de table sous ma pizza et soda dans la gourde, le tennis sur console, c’est de la balle. On va faire pipi aux goguenots quand on veut, sans le sourire goguenard de l’arbitre assistant qui tire la chasse. En plus, je rentre à nouveau mon bras gauche dans mon pyjama. Et ça tombe bien, ce soir Federer vient jouer à la maison. Pauvre Roger, depuis qu’un spectateur a tenté de le prendre dans son filet, il a décidé de ne plus y monter. On ne crache pas dans la coupe non plus, mais maintenant on la remplit de chips. C’est un peu court central jeune homme, dirait l’autre, mais pour nous le gazon est aujourd’hui maudit et la terre abattue. MÂCHE bien ta quatre-fromages Roger, on va leur faire mordre la ligne à ces juges qui pensaient nous mettre sur la touche. » Virtua Tennis 2009 // éditeur : Sega // Plateforme : PC, PS3, X360, Wii

Bientôt interdit dans les écoles par voie législative, le portable au collège était une brèche ouverte de haute lutte dans le bastion parental. À la fin des 1990’s, on a mendié le premier véritable téléphone dédié aux ados : «Mais môman, tout le monde a un 3210 ! Steuplait, pitié.» Plus encore que par son antenne intégrée et son écriture intuitive T9, le mobile de Nokia a marqué les esprits (et les pouces) grâce au jeu Snake. Pour cinq euros sur eBay, retrouvez le plaisir de faire péter les scores, en douce du prof’ de latin, les mains dans la trousse. 3210 // Nokia // Date de sortie : 1999

ALTER GAMO

CHOUPI, 25 ANS « je joue de temps en temps après le travail – je suis serveuse –, pour m'évader, avoir l’impression que tout est facile. En général, je bloque sur un jeu puis je ne joue plus pendant longtemps, du moins jusqu'à mon prochain « blocage » ! Carl johnson de GTA San Andreas est le super héros du XXIème siècle, « l'homme pluriel » capable de voler des voitures, se faire tatouer, tuer des flics et dealer dans une même journée. La moitié de ses capacités rendraient ma vie beaucoup plus simple. » Envoyez-nous votre photo et celle de votre avatar à troiscouleurs@mk2.com, nous publierons les meilleures.

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CHOUPI, 25 ANS « je joue de temps en temps après le travail – je suis serveuse –, pour m'évader, avoir l’impression que tout est facile. En général, je bloque sur un jeu puis je ne joue plus pendant longtemps, du moins jusqu'à mon prochain « blocage » ! Carl johnson de GTA 4 est le super héros du XXIème siècle, « l'homme pluriel » capable de voler des voitures, se faire tatouer, tuer des flics et dealer dans une même journée. La moitié de ses capacités rendraient ma vie beaucoup plus simple. » Envoyez-nous votre photo et celle de votre avatar à troiscouleurs@mk2.com, nous publierons les meilleures.


28 NEWS /// BATTLE ROYALE

LE CLASh

NAVIgON VS MIO Transhumance estivale : il est temps de brûler de la gomme sur l’asphalte européen. Deux GPS sont en tête de liste pour cette élection sans frontières et débattent de la bonne route à suivre pour les vacances. À droite, le Moov Spirit 500 HF de MIO ; à gauche, le 7310 de NAVIGON. À vous de juger. _Par étienne Rouillon

7310 PAR NAVIGON LUCARNE : Un large écran 4,3 pouces au format 16:9, sans cadre, pour flatter l’index. Il affiche la pléthore d’informations stockées dans la mémoire flash de 4gB. On peut le synchroniser avec l’option kit mains-libres de son portable pour tripatouiller son répertoire sans finir dans un platane. EN ROUtE : grâce aux techniques City View, Panorama View et Landmark View, le 7310 modélise en trois dimensions tout ce qui se passe dans votre parebrise façon Google Street View : rues, paysages et même monuments, histoire de se faire mousser auprès des auto-stoppeuses suédoises. CAUSE tOUJOURS : Cette pipelette indiscrète jacte utile : distances, noms des rues et description des embouteillages. Elle sait aussi être à l’écoute : son système de reconnaissance vocale vous permet de naviguer à la voix dans les menus ou de dicter votre destination. C’ESt POUR QUI ? Pour les technophobes mal sortis du XXème siècle qui aiment quand la techno est logique et esthétique. Une bonne vulgarisation des services les plus aboutis. PORtEFEUILLE : 349 €. On peut loucher sur les courbes explicites de ce Monet de la cartographie sur www.navigon.com.

L’OUTSIDER KIt MAINS-LIBRES BLUEtOOtH PAR BEEWI Une fois arrivé sur la plage, on a l’air un peu concon si on joue le kéké avec son gPS : « Tournez à droite derrière le Club Mickey. Voilà. Vous êtes arrivé à votre serviette. » Pour ne pas couper le cordon avec sa charrette, on prendra ce kit mains-libres Bluetooth, format carte de crédit, qui fait office de haut-parleur sans-fil pour la musique de son téléphone portable. Histoire de gagner de l’espace vital à grand renfort du dernier tube de Francky Vincent : « Tu veux mon Beewi ? Oui, oui, oui, oui… » Bluetooth Speaker, disponible. Prix : 59,90 €. www.bee-wi.com

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MOOV SPIRIt 500 HF PAR MIO LUCARNE : Moins de 14mm d’épaisseur pour ce boîtier qui enchâsse un écran de 4,7 pouces. Mio redonne un coup de jeune à ses gPS avec le logiciel Spirit et un système de navigation à partir de photos géolocalisées. EN ROUtE : Spirit permet d’associer votre ordinateur ou téléphone portable à votre gPS pour profiter des moteurs de recherche de google et des Pages Jaunes, qui vous indiquent les points d’intérêts touristiques ou routiers alentours, en complément du guide de voyage Wcities. Une vue 3D des croisements de route préviendra toute crispation entre papa et maman pour cause de loupé de la sortie du périph’. MARCHE OU CRèVE : Ce gPS vous indique les limites de vitesse sur route. Mais si vous êtes à l’aise comme Alesi, le Spirit vous enjoint de lever le pied en amont des radars. En cas de retrait de permis, ce gPS dispose d’un mode piéton pour rentrer penaud à la maison. C’ESt POUR QUI ? Pour les touristes insatiables qui ne veulent jamais rester en rade et misent sur l’à-propos de leur sens de l’orientation plutôt que sur le coup de la panne pour charmer les cœurs. PORtEFEUILLE : À partir de 229,99 €. Spirit, es-tu là ? Ici même : http://eu.mio.com.

LA RELÈVE GPS : GAdGEt POUR PéRIPAtétICIENNE StYLéE À l’avenir, la technologie gPS ne vous dira plus où aller, mais caftera aux autres là où vous n’étiez pas censé folâtrer. Une designer brésilienne, Lucia Iorio, a mis au point de la lingerie équipée d’un gPS pour localiser les prostituées en mauvaise passe. Dans le même genre, le Aphrodite Project a conçu ces chaussures à talons compensés, embarquant un gPS et une alarme de détresse silencieuse, reliée aux associations de protection des gagneuses. Déroutant. Lingerie GPS. à partir de 572 €

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LE

GUIDE CALENDRIER MALIN POUR AVENTURIER URBAIN

DU MERCREDI 17 JUIN AU MARDI 21 JUILLET

« JE FAIS DU CINÉMA POUR DÉBOUCHER LES HORIZONS, CRÉER DU POSSIBLE. » ALAIN gUIRAUDIE

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SORTIES EN SALLES SORtIE LE 17 JUIN 32 Fausta de Claudia Llosa 33 Ce Cher Mois d’août de Miguel gomes SORtIE LE 24 JUIN 34 Fais-moi plaisir ! d’Emmanuel Mouret SORtIE LE 1ER JUILLEt 35 Whatever Works de Woody Allen SORtIE LE 15 JUILLEt

36 Le Roi de l’évasion d’Alain guiraudie LES AUtRES SORtIES 38 Tellement proches ; Lascars ; Amerrika ; Grido ; Jeux de pouvoir ; Transformers 2 ; Sherrybaby ; Very Bad Trip ; L’Âge de glace 3 ; Le Hérisson ; Dans tes bras ; Les Vacances de Monsieur Hulot ; Girlfriend Experience ; Parque Via ; Amorosa Soledad ; Divorce à l’italienne ; The Reader ; Harry Potter et le Prince de sang-mêlé ; Sans rancune ! ; Tricheuse

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50 LES éVéNEMENtS MK2 Festival Paris Cinéma Fête du cinéma

SORTIES EN VILLE 44 CONCERtS Festival Sous la plage L’oreille de… Antoine de Caunes 46 CLUBBING Le retour en piste de la Java Les nuits de… Helena Noguerra

48 EXPOS Félicien Marboeuf à la Fondation Ricard Le cabinet de curiosités : Philippe Parreno

50 SPECtACLES Pastorale au Théâtre du Châtelet Le spectacle vivant non identifié : les TJCC

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REStOS Adeline grattard au Yam’ Tcha Le palais de… Alain guiraudie

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32 CINÉMA

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17/06

Fausta 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1...Pour la singularité d’un scénario écrit comme une partition musicale. 2...Pour le ton grave et léger d’un film couronné de l’Ours d’or au dernier festival de Berlin. 3...Pour la graine de star Magaly Solier, parfaite dans le rôle de la femme-fleur Fausta.

PATATE CHAUDE Un film de Claudia Llosa // Avec Magaly Solier, Susi Sanchez… Distribution : Jour2fête // Espagne-Pérou, 2009, 1h33

En faisant de l’intimité d’une jeune Péruvienne le centre de la mémoire d’un pays meurtri, CLAUdIA LLOSA signe avec Fausta une œuvre atypique, où le chant devient libérateur. _Par Sandrine Marques

Fausta souffre d’un mal étrange que lui a transmis sa mère défunte. Pour lui offrir des funérailles décentes, la jeune fille introvertie accepte de travailler comme femme de ménage. Sa décision l’engage sur la voie de la libération… Fausta est sujette à des malaises répétés que provoque la présence d’une pomme de terre au creux de son vagin. Comme des milliers de Péruviennes, de 1970 à 1990, sa mère a été victime de viol et a élevé sa fille dans la peur de l’agression. Rempart contre l’extérieur, le tubercule se met à bourgeonner. Mais avant que la féminité de Fausta n’éclose, il lui faut souffrir les humiliations de son employeuse qu’édulcorent les attentions d’un jardinier, épris de la belle plante. La collision entre deux classes sociales intéresse moins Claudia Llosa que le processus de guérison d’un traumatisme collectif. Catalyseur, le chant permet à Fausta d’extérioriser ses angoisses et à une inspiration artistique tarie de renaître. À sa manière vibrante et pudique, le film montre comment l’art permet de se libérer d’un passé douloureux pour féconder le présent. jUIN 2009

CLAUdIA LLOSA Qu’avez-vous retiré des témoignages de femmes que vous avez rencontrées pour écrire votre film ? je me souviens davantage d’images que d’histoires. Chaque témoignage ressemblait à un poème. Les Quechuas intervertissent les mots et utilisent des verbes peu communs dans notre langue quotidienne. C’est peut-être pour cela que j’ai choisi d’utiliser la chanson comme forme d’expression des peines de Fausta et de sa mère. Votre caméra s’attarde sur le visage de votre héroïne. Pourquoi ce parti pris ? Fausta est impénétrable. Sa crainte constante que quelqu’un la transperce, physiquement ou émotionnellement, la laisse en marge de la vie. je devais la rapprocher du spectateur pour qu’il ressente sa peur. Comment avez-vous dirigé la formidable Magaly Solier ? Elle est débutante et avait seulement participé à mon premier film Madeinusa, dans un rôle plus instinctif. Pour Fausta, je me suis appuyé sur le yoga et les techniques thérapeutiques. Nous avons travaillé la technique pour contrôler les émotions sans les anéantir. WWW.MK2.COM


33 CINÉMA

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17/06

Ce Cher Mois d’août 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1...Pour son rythme envoûtant, sa mise en scène fluide et intelligente, ses images sublimes. 2...Pour la « saudade » mélancolique des soirs d’été portugais. 3...Pour le flirt entre la fiction et le documentaire.

GRANDES VACANCES Un film de Miguel Gomes // Avec Sónia Bandeira, Fábio Oliveira… Distribution : Shellac // Portugal-France, 2008, 2h30

Entre documentaire et fiction, Ce Cher Mois d’août de MIGUEL GOMES dresse le vibrant portrait d’une région reculée du Portugal, au moment où celle-ci renaît à la vie : les vacances d’été. _Par Donald james

Après La Gueule que tu mérites, le jeune cinéaste Miguel gomes signe son deuxième long métrage : une peinture sensuelle des habitants des montagnes de l’Arganil, qu’ils soient ou non estivants. Au cours de ce film-fleuve où coulent des vies entières, plusieurs scénarios s’enchâssent et s’enrichissent. L’envoûtement est promis à travers un puzzle de correspondances. À quoi ressemblent les vacances d’été ? Chansons tristes, promesses d’amour et village peuplé de mille voix… S’il ne fallait retenir ici qu’une histoire, ce serait celle qui décrit une liaison impossible entre deux cousins, Tânia et Hélder. Mais il y a également celle de Meunier qui saute du pont chaque année et qu’on ne verra jamais sauter. Sauter ou ne pas sauter, filmer ou ne pas filmer ? Quand le documentaire contamine la fiction et inversement, le jeune réalisateur a le don de faire surgir la vérité brute et livre un work in progress organique. Écouter les sons qu’on ne voit pas, se baigner dans ce fleuve de la vie pour délier les secrets cachés des volutes du temps, voilà une leçon à retenir. jUIN 2009

MIGUEL GOMES L’image de votre film est très belle… Nous avons tourné en Super 16 mm, c’était une vraie aventure ! Nous devions mesurer les distances pour faire le point et profiter de la lumière naturelle. Le risque d’erreur était plus grand qu’en numérique mais je désirais obtenir cette qualité d'image. je voulais également travailler avec des limites : on ne pouvait pas tout filmer, on devait faire des choix. Vous mettez en scène l’équipe du film. Pourquoi cette mise en abyme ? j’ai essayé de suivre le chemin parcouru : du désir de filmer au désir d'être filmé. On fait du cinéma ensemble et, d'une certaine façon, le cinéma faisait déjà partie de ces fêtes de village qui apparaissent dans mon film. Pourriez-vous nous parler de l’endroit où se déroule votre film ? En août, avec le retour des émigrants au pays, cette région située à l'intérieur du Portugal se transforme singulièrement. Tous les jours s’y succèdent des fêtes. On assiste à un mélange de réalité et de rêverie entre les gens, les spectacles, les chansons, les danseuses du ventre…

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34 CINÉMA

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24/06

Fais-moi plaisir ! 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1...Pour voir Emmanuel Mouret et Frédérique Bel à nouveau réunis en couple attendrissant. 2...Pour les gags, de celui de l’ascenseur à celui de la braguette, triviaux mais toujours élégants. 3...Pour le retournement final, qui résonne comme un conte.

MOURET L’AMOUREUX Un film d’Emmanuel Mouret // Avec Emmanuel Mouret, Frédérique Bel… Distribution : Pyramide // France, 2008, 1h30

Dans Fais-moi plaisir !, l’exquis EMMANUEL MOUREt bafouille toujours avec les mots, mais aussi avec les gestes, et ce face au Président ! Un changement de cap plus que plaisant. _Par Raphaëlle Simon

Emmanuel Mouret ne cache pas son amour pour les « grands maladroits du cinéma », de Buster Keaton à Woody Allen. Dans Fais-moi plaisir !, il revêt son costume de malhabile volubile pour incarner Jean-Jacques, qui voit en 24 heures trois occasions de batifoler lui glisser entre les doigts. Sa très moderne petite amie Ariane (Frédérique Bel) l’avait pourtant encouragé à avoir une aventure avec ce qu’elle croit être l’objet de ses fantasmes, la fille du Président de la République… Après son Changement d’adresse, Mouret change de registre et délaisse ses appartements confinés pour l’Elysée, le temps de quelques scènes d’anthologie. Cet ambassadeur du bégaiement amoureux, des plaidoiries saugrenues sur le désir et l’amour, papillonne cette fois avec le comique de situation, empilant avec fantaisie les gags sur une maquette jamais hasardeuse. Avec ce film-fable, il tourmente ses personnages dans les méandres de l’amour moderne et les fait se relever sans aigreur, la tête un peu plus haute, en bons faux maladroits du cinéma. jUIN 2009

EMMANUEL MOUREt Les jeux de l’esprit et du corps sont-ils compatibles ? L’enjeu du film était justement de jouer autant avec les dialogues qu’avec les corps, alors que nous sommes habitués à voir soit des comédies de dialogue, soit des comédies de situation. Vous torturez ici un couple autour de la question de la fidélité… Le film est une réflexion autour de l’amour aujourd’hui. On m’a dit que Fais-moi plaisir ! est un Eyes Wide Shut burlesque,où un couple se confronte également à la question du désir. Cette méditation est particulièrement légitime aujourd’hui car il est plus facile de se séparer et de retomber amoureux, le désir n’est plus un péché, mais le couple reste sacré. Pourquoi tant de maladresse ? La maladresse au cinéma est pour moi révélatrice de notre condition humaine. Dans la vie, il faut porter des masques pour montrer qu’on sait y faire, mais on reste souvent confronté à l’inédit, qui nous fait nous sentir maladroit. Les grands maladroits du cinéma, Tati, Keaton ou Chaplin, m’ont donné une leçon très riche : ils tombent mais se relèvent toujours sans amertume, et sans accuser la vie. WWW.MK2.COM


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01/07

Whatever Works 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1...Pour l’hommage rendu par Woody à l’un de ses plus dignes héritiers, le scénariste et comédien Larry David. 2...Pour la manière dont Allen a modelé Evan Rachel Wood à l’image de Scarlett Johansson. 3...Pour les répliques d’une misanthropie cinglante et jubilatoire.

RETOUR GAGNANT Un film de Woody Allen // Avec Larry David, Evan Rachel Wood… // Distribution : Mars // États-Unis, 2008, 1h32

Avec Whatever Works, refermant sa parenthèse européenne, WOOdY ALLEN retrouve à New York un terrain familier, sans nier pour autant le chemin parcouru depuis Match Point. _Par jérôme Momcilovic

Whatever Works : le titre est beau et sonne comme un écho retardé de Anything Else, avant-dernier film new-yorkais de Woody Allen avant son escapade londonienne et catalane. Pas de hasard, le film fait retrouver au cinéma de Allen son centre de gravité (New York), mais aussi un pivot narratif qui serait Woody lui-même, en l’espèce, ici, un vieux physicien misanthrope. Sauf que ce n’est pas Allen qui joue ce personnage éminemment allenien, délégué à Larry David, co-auteur de Seinfeld et star éponyme d’une série hilarante, Larry et son nombril. Double effet de transparence, comme si dans ce personnage/avatar cohabitaient deux corps : celui de Larry, celui de Woody. Larry/Woody s’appelle Boris, c’est une brillante peau de vache qui vit seul depuis qu’il a raté, consécutivement, son mariage, un Prix Nobel et son suicide. Débarque Melody, ravissante idiote qui vient de fuir son Sud natal et cherche refuge. Bon gré mal gré, la baderne

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acariâtre recueille l’oisillon, et la cohabitation débouche sur un improbable mariage, bientôt perturbé par l’arrivée des parents de Melody. Whatever Works est certes un « petit » Woody Allen mais, derrière la facilité avec laquelle celui-ci retrouve son décorum, sourdent deux pôles antagonistes découverts dans ses derniers films. Le premier tend vers une profonde noirceur, assumée ici par la doublure Larry David, et culminant dans une étrange scène de suicide, traitée en gag glaçant. L’autre, sur quoi se clôt le film, revient directement de Vicky Cristina Barcelona, c’est une voie libertaire et gaie, une anti-morale hédoniste dont le titre,Whatever Works, constitue le programme. « Ce n’est pas le feel good movie de l’année », prévient Larry/Woody, face caméra, au début du film. Whatever Works tire son charme de sa façon de lui donner successivement raison, et absolument tort.

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36 CINÉMA

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15/07

Le Roi de l’évasion 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1...Pour son hymne à toutes les libertés. 2...Pour le Sud-Ouest décalé d’Alain Guiraudie. 3...Pour le couple le plus inattendu de l’année : la sensuelle Hafsia Herzi et Ludovic Berthillot le costaud.

LE ROI SEMEUR Un film d’Alain Guiraudie // Avec Ludovic Berthillot, Hafsia Herzi… Distribution : Les Films du Losange // France, 2008, 1h39

Drôle, loufoque et enlevé, Le Roi de l’évasion, nouveau film du franc-tireur ALAIN GUIRAUdIE, s’adresse à un public nettement plus large que ses deux longs métrages précédents. Attrapez-le, si vous pouvez. _Par Donald james

« J’ai décidé de faire une comédie dès le début, explique Alain guiraudie. C’est le point sur lequel j’ai le plus appuyé pendant le tournage. » Bien sûr, le réalisateur campe un décor qui lui est propre, une fable irréelle située dans le Sud-Ouest, où l’on parle d’amours lubrifiées entre deux remarques sur le coloris des tracteurs. Quadra homo en pleine crise existentielle, Armand (exceptionnel Ludovic Berthillot) déraille et plonge dans une relation hétéro carburant plein pot à un énergique champignon, la « Dourougne ». Quant à Hafsia Herzi (révélation de La Graine et le mulet), elle incarne Curly, jeune adolescente « qui a déjà vu le loup et a envie de le revoir ». Comme tout le monde ou presque, elle court après l’élusif et dodu Armand, l’amant de tous les hommes mariés... Un adjectif convient au cinéma du réalisateur aveyronnais : « Libertaire, ce ne serait pas pour me déplaire. » Chez guiraudie, l’évasion du roi n’est pas une fuite, mais une ascension.

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ALAIN GUIRAUdIE En voyant votre film, je me suis dit que vous étiez heureux de vivre… je cache bien mon jeu ! Pour moi, vivre c’est quelque chose de très compliqué. Ça fait quelque temps que la société humaine est en pleine crise existentielle et je me sens baigner dans ce marasme collectif. je fais du cinéma pour dépasser ça, pour inventer autre chose, pour déboucher les horizons, créer du possible. Avec ce film, vous êtes là où l’on ne vous attendait pas… Ça m’a tenu à cœur de faire fonctionner cette histoire d’amour hétéro entre Armand et Curly. Il y a chez moi cette envie d’aller contre les codes établis. L’homosexualité d’Armand ne va pas de soi. Pourquoi ? On a vu pas mal d’histoires autour du coming out homo ou de films avec un hétéro qui se pose la question d’essayer l’homosexualité pour ne pas mourir idiot. L’inverse, rarement. Pourtant la question se pose. Si je continue à être homo, est-ce par facilité, par habitude ? Est-ce que ça vaut le coup d’aller vers autre chose ? En filigrane se pose également la question sociale de fonder un foyer, d’avoir des enfants... WWW.MK2.COM



38 CINÉMA

AGENDA SORTIES CINÉ 17/06 SORTIES DU

tELLEMENt PROCHES d’Éric Toledano et Olivier Nakache Avec Vincent Elbaz , Isabelle Carré… Mars, France, 1h42

La famille, quand ça déraille, c’est plutôt duraille. Au programme de cette comédie familiale déjantée, une série de sketches excessifs, une enfilade de répliques funky et des personnages hauts en couleur. Par les auteurs de Nos Jours heureux.

LASCARS

SORTIES DU

24/06 JEUX dE POUVOIR de Kevin Macdonald Avec Russell Crowe, Ben Affleck... StudioCanal, États-Unis, 2h

Dans la tradition du film d'enquête journalistique, Kevin Macdonald réalise un thriller paranoïaque, adapté de la remarquable minisérie State of Play, écrite en 2003 pour la BBC. Un film dense et efficace, servi par un casting irréprochable.

tRANSFORMERS 2

d’Albert Pereira-Lazaro et Emmanuel Klotz Avec les voix de Vincent Cassel, Diane Kruger… Bac Films, France, 1h36

de Michael Bay Avec Shia LaBeouf, Megan Fox… Paramount, États-Unis, 2h24

C’est à Condé-sur-ginette que Tony Merguez, José Frelate et leurs potes passeront l’été à zoner. Avec des répliques plus polies que dans la série télé originelle, la version cinéma profite d’un graphisme et d’un comique de situation plus approfondis.

Deux ans se sont écoulés depuis que le héros (Shia LeBoeuf, coqueluche montante d’Hollywood) a sauvé l’humanité de l’Apocalypse cybernétique. Alors qu’il s’apprête à entrer en fac, une autre menace gronde. Un récit d’apprentissage high-tech, bourré d’humour.

AMERRIKA de Cherien Dabis Avec Nisreen Faour, Melkar Muallem… Memento, Canada-Koweït-États-Unis, 1h32

Mouna et son fils quittent la Palestine pour s’installer chez une parente, en Amérique. Mais le choc culturel transforme vite le rêve américain en cauchemar. Combat sentimental et politique, ce film quelque peu prévisible dégage cependant une belle énergie.

GRIdO de Pippo Delbono Avec Pippo Delbono, Pepe Robledo... Pierre Grise, Italie, 1h15

Le dramaturge italien Pippo Delbono évoque, à travers ce voyage autobiographique étonnant, sa rencontre avec Bobò, un petit homme longtemps enfermé dans un asile psychiatrique. Une fable fragile qui mêle poésie du quotidien, théâtre et politique. Et AUSSI CEttE SEMAINE : FAUStA de Claudia Llosa (lire la critique p.32), CE CHER MOIS d’AOÛt de Miguel gomes (lire la critique p.33)

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SHERRYBABY de Laurie Collyer Avec Maggie Gyllenhaal, Danny Trejo… Zootrope, États-Unis, 1h36

Deuxième film-performance pour l’actrice américaine Maggie gyllenhaal (inoubliable Secrétaire). Après le chaos de la drogue et de la prison, Sherry Swanson rêve de retrouver la garde de sa fille. Débordant d’émotion, le film s’inspire de faits réels.

VERY BAd tRIP de Todd Philips Avec Ed Helms, Bradley Cooper... Warner, États-Unis, 1h30

Après un enterrement de vie de garçon très arrosé à Las Vegas, des compères se réveillent groggy. Afin de retrouver le futur marié, qui manque à l’appel, ils entreprennent de reconstituer leur nuit de folie. Un film hilarant et incorrect, porté par des talents de la comédie US. Et AUSSI CEttE SEMAINE : FAIS-MOI PLAISIR ! d’Emmanuel Mouret (lire la critique p.34)

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01/07

SORTIES DU

L’ÂGE dE GLACE 3 de Carlos Saldanha Avec les voix françaises de Gérard Lanvin, Vincent Cassel ... 20th Century Fox, États-Unis, 1h40 // Sortie le 03/07

Troisième volet de la saga animalière givrée, situé au temps des dinosaures. Au programme : spectacle, aventures, glissades et maladresses... Où l’on découvre pour la première fois à l’écran la femelle écureuil la plus sexy de la Terre : Scratina.

LE HéRISSON de Mona Agache Avec Josiane Balasko, Garance Le Guillermic Pathé, France, 1h40 // Sortie le 03/07

Dans un immeuble parisien, trois marginaux vont réapprendre à sourire en se rencontrant : une petite fille surdouée et suicidaire, la concierge qui se cache pour lire et un élégant Japonais. Le film manie plutôt efficacement le ton acerbe et touchant du bestseller dont il est adapté.

dANS tES BRAS de Hubert Gillet Avec Michèle Laroque, Martin Loizillon… Haut et Court, France, 1h23

Dans tes bras suit les pérégrinations d’un garçon à la recherche de sa mère biologique. Éblouissante révélation, Martin Loizillon donne la réplique à la belle Lola Naymark, vue dans Brodeuses. Un premier long métrage délicat.

LES VACANCES dE MONSIEUR HULOt de Jacques Tati Avec Jacques Tati, Nathalie Pascaud… Carlotta Films, France, 1h23

La côte atlantique s’emplit de citadins, venus goûter des vacances bien méritées. Parmi eux, un grand maladroit sème la pagaille. Le réjouissant Monsieur Hulot s’offre une nouvelle jeunesse, dans une comédie burlesque remarquablement restaurée. Et AUSSI CEttE SEMAINE : WHAtEVER WORKS de Woody Allen (lire la critique p.35)

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40 CINÉMA

AGENDA SORTIES CINÉ 08/07 SORTIES DU

GIRLFRIENd EXPERIENCE de Steven Soderbergh Avec Sasha Grey, Timothy J. Cox… Metropolitan, États-Unis, 1h17

Après la saga des Ocean’s et son diptyque sur Che guevara, retour au film expérimental low budget pour Steven Soderbergh. Tourné en DV, Girlfriend Experience est une plongée naturaliste et perspicace sur le business du sexe, en pleine crise économique.

PARQUE VIA d’Enrique Rivero Avec Nolberto Coria, Nancy Orozco… ASC, Mexique, 1h26

Pour son premier long métrage, Enrique Rivero dépeint la fracture sociale et économique du Mexique contemporain, à travers les errements du gardien d’une demeure inoccupée. Coupé de toute relation sociale, il devra affronter le monde extérieur…

AMOROSA SOLEdAd

15/07

SORTIES DU

tHE REAdER de Stephen Daldry Avec Kate Winslet, Ralph Fiennes… SND, États-Unis, 2h03

Le réalisateur de Billy Elliot filme avec pudeur, mais académisme, les amours transgressives d’une femme mûre et d’un adolescent pendant la Seconde guerre Mondiale. Kate Winslet a obtenu l’Oscar de la meilleure actrice pour ce rôle complexe.

HARRY POttER Et LE PRINCE dE SANG-MÊLé de David Yates Avec Daniel Radcliffe, Rupert Grint… Warner Bros., États-Unis-Grande-Bretagne, 2h33

Le combat final avec « celui dont on ne doit pas dire le nom » approche pour l’apprenti sorcier à lunettes, qui doit aussi faire face aux démons des amours adolescentes. Même équipe que pour les précédents opus et succès annoncé pour ce 6ème volet de la saga.

tRICHEUSE

de Martin Carranza et Victoria Galardi Avec Inès Efron, Fabian Vena… Chrysalis Films, Argentine, 1h16

de Jean-François Davy Avec Hélène de Fougerolles, Zinedine Soualem… Colifilms, France, 1h35

Suite à une rupture amoureuse, une jeune névrosée décide de rester seule trois ans, pour se prémunir d’un nouvel échec. Mais une nouvelle rencontre va changer son programme… Une comédie romantique fraîche et authentique.

Après avoir réalisé des films pornographiques dans les années 1970 (dont le célèbre Exhibition), Jean-François Davy s’assagit et signe une comédie sentimentale dans l’air du temps, sur les atermoiements d’une avocate ambitieuse, rattrapée par l’amour.

dIVORCE à L’ItALIENNE de Pietro Germi Avec Marcello Mastroianni, Stefania Sandrelli… Ad Vitam, Italie, 1h44

Un homme marié cherche à contourner la loi qui interdit le divorce… Prix de la meilleure comédie en 1962 au festival de Cannes, la ressortie de ce chefd’œuvre caustique en salles, où il n’a pas été montré depuis quarantedeux ans, constitue un événement. Et AUSSI CEttE SEMAINE : BANCS PUBLICS de Bruno Podalydès (lire l’interview p.22), PUBLIC ENEMIES de Michael Mann (lire la critique p.60), tOY BOY de David MacKenzie (lire la critique p.66)

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SANS RANCUNE ! d’Yves Hanchar Avec Thierry Lhermitte, Milan Mauger… Pyramide, France, 1h44

Laurent, 17 ans, soupçonne son professeur de français d’être le père qu’il a perdu pendant la Seconde guerre Mondiale… Un divertissement à la fois drôle et touchant, qui révèle Milan Mauger, jeune talent à suivre.

Et AUSSI CEttE SEMAINE : J’AI tUé MA MèRE de Xavier Dolan (lire le portrait p.15), BRONSON de Nicolas Winding Refn (lire la critique p.16), LE ROI dE L’éVASION d’Alain guiraudie (lire la critique p.36)

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42 CINÉMA

LES ÉVÉNEMENTS BASTILLE

BIBLIOTHÈQUE

HAUTEFEUILLE

ODÉON

QUAI DE LOIRE

BEAUBOURG

GAMBETTA

NATION

PARNASSE

QUAI DE SEINE

CINÉMA

PASSERELLES

FLASHBACKS & PREVIEWS

LE DIALOGUE DES DISCIPLINES

Mercredi 17 juin – 11h / FEStIVAL SIGNES dE NUIt – Barravento de GLAUBER ROCHA

du 2 au 24 juin / EXPO / Watching the World Falling Down. Une réinterprétation du monde moderne à travers la photo, la musique ou le dessin. Avec Y. Couedor, le groupe As the Stars Fall, g. gouverneur et Sheitan M.

Jeudi 18 juin – 11h / FEStIVAL SIGNES dE NUIt – Le Dieu noir et le diable blond de GLAUBER ROCHA Jeudi 18 juin – 20h30 / Pirates de ROMAN POLANSKI Vendredi 19 juin – 11h / FEStIVAL SIGNES dE NUIt – Terre en transe de GLAUBER ROCHA Samedi 20 juin – 11h / FEStIVAL SIGNES dE NUIt – Antonio das Mortes de GLAUBER ROCHA Samedi 20 juin – 11h / CINéMUSICALES / Autour de minuit de BERtRANd tAVERNIER Samedi 20 juin – 11h / PARFUMS dE LISBONNE Body Rice de HUGO VIEIRA dA SILVA suivi d’une conférence-débat animée par José Salgado, en présence du réalisateur. dimanche 21 juin – 11h / FEStIVAL SIGNES dE NUIt – L’Âge de la Terre de GLAUBER ROCHA Lundi 22 juin – 20h30 / RENdEZ-VOUS dES dOCS / The Store de FREdERICK WISMAN. Séance présentée par Charlotte garson, critique aux Cahiers du Cinéma. Jeudi 9 juillet – 19h / Comédie de MARIN KARMItZ Jeudi 9 juillet – 20h30 / L’Impitoyable Lune de miel de BILL PLYMPtON

Jeudi 18 juin - 20h30 / RENCONtRE / JULIEN CAMPREdON autour de l’ouvrage Brûlons tous ces punks pour l’amour des elfes. Projection de Pirates de R. Polanski. Samedi 20 juin – 11h30 / CINé Bd : RENCONtRE / JEAN dUFAUX et ANA MIRALLèS autour de Djinn t.9 : Le Roi gorille. Projection de L’Ombre et la proie de S. Hopkins. Jeudi 25 juin - 19h30 / SOIRéE ZéRO dE CONdUItE / Les forçats de la mer Avec les éditions Attila, autour des textes Le Quart de Kavvadias, Le Vaisseau des morts de Traven et Le Navire poursuit sa route de N. grieg, en présence de l’éditeur J.-F. Bourdic. (insc. au 01.44.52.50.70) Samedi 27 et dimanche 28 juin - 14h / FEStIVAL Bd Avec les éditions Emmanuel Proust, rencontre avec les auteurs Piskic, Jef, Chandre et P. Bertho, Lilao, R. Pennelle, S. Ferran, Lepithec, S. Astier… Jeudi 9 juillet - 19h / RENCONtRE / MARIN KARMItZ Projection de Comédie et rencontre autour du livre Silences, un propos de Marin Karmitz en présence du graphiste M. Levin, et de J. Pigaudier-Cabot, directrice des musées de Strasbourg. Jeudi 9 juillet - 19h30 / RENCONtRE autour du livre-dVd Défouloir de R. tOPOR et B. PLYMPtON, avec les éditions Attila Louverture. Projection de L’Impitoyable Lune de miel.

JUNIOR* UN MONDE PARFAIT

(17 JUIN – 7 JUILLEt)

LA LéGENdE dE dESPEREAUX Les mercredis, samedis et dimanches à 10h30 NIKO, LE PEtIt RENNE Les mercredis à 13h30, les samedis et dimanches à 11h LE PEtIt CHAt CURIEUX Les mercredis à 14h, les samedis et dimanches à 11h LE MONdE MERVEILLEUX d’IMPY Les mercredis, samedis et dimanches à 13h55 BRENdAN Et LE SECREt dE KELLS Les mercredis, samedis et dimanches à 11h PONYO SUR LA FALAISE Les mercredis, samedis et dimanches à 10h40 LA VéRItABLE HIStOIRE dU CHAt BOtté Les mercredis, samedis et dimanches à 10h50 * les horaires peuvent être sujets à modifications, pour plus de détails : www.mk2.com

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UVREZ DÉCO ÉMA IN LE C S T DAN N E M E AUTR K2 ! M S E L L LES SA

FOCUS

_Par j.R.

FEStIVAL PARIS CINéMA Vous avez manqué le festival de Cannes ? Bonne nouvelle : accessible à tous, la programmation du festival Paris Cinéma n’a rien à envier à son aîné. «C’est une manifestation festive et cinéphile que j’aime beaucoup, créée par le cinéaste Costa Gavras il y a sept ans», nous confie sa présidente, Charlotte Rampling. Outre la compétition internationale dédiée aux fictions et documentaires indépendants, la liste des avant-premières laisse rêveur : Le Ruban blanc de Michael Haneke (Palme d’or 2009), Fish Tank d’Andrea Arnold (Prix du Jury à Cannes), The Reader de Stephen Daldry (Oscar pour l’actrice Kate Winslet), Bancs Publics (Versailles rive droite) de Bruno Podalydès… Soit 31 avant-premières au total, dont 24 au MK2 Bibliothèque ! Comme si cela ne suffisait pas, le cinéma turc, la sublime actrice italienne Claudia Cardinale, le réalisateur malaisien Tsaï Ming-liang, la réalisatrice japonaise Naomi Kawase et l’acteur français Jean-Pierre Léaud seront au rendez-vous, entre autres expos, concerts et brocante cinéphile… Qui osera dire que Paris n’est plus la capitale du cinéma ? du 2 au 14 juillet, tarif unique de 5 € la séance. toute la programmation sur www.pariscinema.org

LA FÊtE dU CINEMA Saviez-vous qu’avec ses 5418 salles obscures, la France est la mieux équipée d’Europe, et arrive en quatrième position mondiale ? Voilà qui explique en partie le succès de la traditionnelle Fête du Cinéma, qui célèbre cette année son 25ème anniversaire et s’offre pour l’occasion une nouvelle jeunesse. Si le principe tarifaire reste le même – la première place, achetée au tarif normal, vous fait bénéficier d’un prix unique de 3 euros pour chacune des séances suivantes –, l’opération dure cette année deux fois plus longtemps, soit sept jours au lieu des trois habituels. Plus de jours, c’est surtout plus de séances et plus de films, parmi lesquels, pêle-mêle : L’Âge de Glace 3, Very Bad Trip, Fais-moi plaisir !, Le Hérisson, mais aussi le nouveau Woody Allen, Whatever Works ou la version restaurée des drolatiques Vacances de Monsieur Hulot de Jacques Tati... Sûr que cette année encore, chacun y trouvera son compte.

LES CYCLES MICHELANGELO ANtONIONI Projection en deux séances de La Chine d’Antonioni, commande de la RAI détournée au profit d'une méditation sur l'image et le sens de la vie, ou plutôt son absence de sens. Derrière le voile idéologique de la Chine maoïste ne semble se tenir qu’un vide existentiel, litanie de non-événements particulièrement stimulante pour le cinéaste italien qui signe un long et beau documentaire de 3h30. CYCLE EStIVAL 2009 Chaque mois, le MK2 Hautefeuille choisit de mettre en avant une œuvre et un auteur à travers la programmation d’un film qui ouvre le cinéma à l’invention, la forme et l’originalité. À partir du 1er juillet et autour du thème « Un été italien », il vous propose un parcours cinéphile avec quelques unes des grandes figures du cinéma contemporain, de l’Avventura à Gomorra. Retrouvez toute la programmation sur mk2.com. JEAN-PIERRE MELVILLE Le cycle a pour but de revisiter les origines du film noir et de constater l’empreinte qu’a laissée Jean-Pierre Melville, plusieurs décennies après la sortie de ses films, dans l’histoire du cinéma et plus précisément dans le cinéma des années 1990, avec les projections de L’Armée des ombres, Les Enfants terribles, Un Flic de Jean-Pierre Melville, Ghost Dog de Jim Jarmusch, Réservoir Dogs de Quentin Tarantino, J’ai engagé un tueur d’Aki Kaurismäki et Tueur à gages de Darejan Omirbaev.

T o u t e l a p r o g r a m ma t i o n s u r m k 2 . c o m

du 27 juin au 3 juillet dans toutes les salles MK2. www.feteducinema.com jUIN 2009

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CONCERTS

44 SORTIES EN VILLE

Étienne Jaumet, échappé du combo horrifique Zombie Zombie.

PLAGES SONORES Le festival Sous la plage Pour la septième édition du festival parisien Sous la plage, grands et petits, amateurs et éclairés, pourront s’alanguir sur les pelouses du Parc André Citroën, ou danser sur des sonorités encore inédites par ici. Un petit bain de soleil, et de musique.. _Par Wilfried Paris

Depuis 2003, l’équipe de l’association guinguette Pirate - Petit Bain développe son festival d’été gratuit Sous la Plage dans les jardins colorés du Parc André Citroën. Une programmation curieuse et aventureuse, loin de l’uniformisation grandissante des affiches estivales, les seuls critères de choix étant la découverte et la qualité scénique des artistes présentés. « Le plein air et l'implantation nous permettent de proposer des concerts de groupes relativement « pointus » à un public qui n'aurait pas fait la démarche d'aller les voir en salle, explique Dimitri Perrier, programmateur. C’est rafraichissant pour ce public, mais aussi pour les artistes qui sont confrontés à une audience complètement dépourvue d'a priori et surtout beaucoup plus large (branchés, enfants, seniors...). » Seront ainsi présents sur les pelouses du parc : l’électro vintage et planante d’Étienne Jaumet, de zombie zombie (son premier album, coproduit par Carl Craig, sortira à la rentrée aux USA) ; le kraut-funk extraterrestre de They Came from the Stars and I Saw Them ; The Invisible, décrits par la presse anglaise comme les TV on the Radio d’outre-Manche… « La contrainte d'un budget relativement faible nous oblige à aller chercher des groupes avant qu'ils ne deviennent inabordables, précise Dimitri. Cela nous a permis de programmer des artistes comme Cocorosie ou Ebony Bones bien avant les autres festivals. » Sous la Plage se finira comme un voyage imaginaire sur les rives du Bosphore, avec un « Bal Turc » le soir de la Fête Nationale, petit pied de nez aux institutions, qui permettra de découvrir l’« oriental dub » de Baba zula, ou les edits disco-turcs de Baris K., qui n’ont rien à envier à ceux de Pilooksi. On ne le savait pas, mais sous la plage, il y a le septième ciel… Sous la plage 2009, dimanche 12 et lundi 13 juillet au Parc André Citroën : www.souslaplage.com. Avec Étienne Jaumet, The Invisible, They Came from the Stars and I Saw Them, Baris K., Baba Zula… jUIN 2009

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© Solidarité Sida

L’OREILLE DE… ANTOINE DE CAUNES

SOLIDAYS 2009 « Je suis fidèle à Solidays depuis onze ans maintenant, en tant que président d’honneur de l’association Solidarité Sida. Être partenaire ou bénévole d’une manifestation comme cellelà, c’est exprimer le plaisir solidaire de lutter contre le sida. On attend près de 150 000 personnes : musiciens, festivaliers, associations, médecins bénévoles… À chaque fois, c’est un sentiment unique, mais cette année, avec la programmation exceptionnelle, de Keziah Jones à Ayo, d’Alela Diane à Manu Chao… ça sera chaud ! » _Propos recueillis par M.R.

Du 26 au 28 juin à Paris Longchamp, pass journée : 30 €, http://www.solidays.org

AGENDA CONCERTS

_Par W.P.

1 FREdO VIOLA Perché entre Sigur Rós et les Beach Boys, l’électronique et l’orchestre excentrique, l’oiseau bariolé Fredo Viola devrait transformer le Café de la danse en jolie volière où, pour une fois, il sera permis de siffler. Le 22 juin au Café de la danse, dès 20h30, 22 €

2 LEONARd COHEN Leonard Cohen, auteur-compositeur mythique et mystique de Suzanne et First We Take Manhattan, 75 ans en bandoulière et guitare sèche au poing, fait son grand retour sur scène. Hallelujah. Le 7 juillet à Bercy, dès 20h, de 78,5 à 155,5 €

3 CHRIStOPHE Dandy populaire, esthète lunaire, chanteur légendaire, « Sa Majesté » Christophe jouera dans le Bassin de Neptune du Château de Versailles ses succès fous et ses belles bizarreries. Guests pyrotechniques à prévoir. Le 15 juillet au Château de Versailles, dès 21h, de 38,5 € à 160 €

4 ANIMAL COLLECtIVE Le collectif animal new-yorkais revient à Paris pour une nouvelle transe électrique et psychédélique, qui ne devrait pas faire tomber la pluie, mais mettre du soleil dans les pupilles. Des Indiens dans la ville. Le 16 juillet à La Cigale, dès 19h30, 27,5 €

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CLUBBING

46 SORTIES EN VILLE

JAVA MIEUX Le retour en piste de la Java Tigersushi, label électro-tigré au flair bien aiguisé, a choisi la java pour fêter la sortie d’Imperator, le maxi de DyE, sa nouvelle recrue. Programmation défricheuse, patine vintage, public conquis : le club de Belleville est en passe de renouer avec son passé faste. _Par Anne-Laure Griveau

Dissimulé au fond d’une galerie classée monument historique, l’endroit fait partie de ces adresses connues des seuls noctambules. Pourtant, tous les soirs, on se presse dans l’escalier art déco qui mène à l’ancien dancing. « Il y a là-bas ce côté désuet qu'on aimait au temps du Pulp. C’est un lieu rare, ne serait-ce que pour sa piste en bois », explique Joakim, artiste et patron de Tigersushi. Un cocon idoine pour ces dandys de la techno, fanatiques des machines et des synthés vintages… De fait, la Java est l’une des plus anciennes salles de Paris. Les murs, qui – on le sait – ont des oreilles, ont dû bien se régaler : « C’est ici qu’a débuté Edith Piaf, elle chantait alors avec un porte-voix », raconte Mani, co-directeur du lieu. Musette, jazz (Django Reinhardt y avait ses quartiers) ou rock (du zazou au punk, on y a vu raccourcir les jupes), le lieu est « moderne depuis 1923 », dixit son patron. Rachetée en mai 1968, la Java multiplie pourtant les faux-pas, et ne trouve son salut qu’à l’orée des années 1990, dans la… salsa. « Il s’est très vite créé un ping-pong musical entre les soirées Mambo-Mania de la Coupole et les Cuban Jam Sessions de la Java, jeu auquel clubbers et peoples ont volontiers joué, se souvient Rémy Kolpa Kopoul, spécialiste des musiques latines à Radio Nova. La Java se démarquait en changeant de programmation chaque semaine. » Aujourd’hui, c’est aussi ce « principe de découverte » qui explique le retour en grâce de la salle. En témoignent les soirées Bienfaisances du label résident Les Disques Bien, qui mêlent chanson tropicaliste, happenings et autre « play-front » (play-back inversé). Artiste et co-fondateur du label, Flóp résume l’esprit du lieu : « Les gens qui viennent ici doivent s’attendre à l’inattendu. » Tigersushi DyE Imperator Party le 26 juin, dès minuit, 10 €. Avec DyE (live), Shit Robot (live), Joakim (DJ) et Poni Hoax (DJ). Les Bienfaisances des Disques Bien reviennent dès septembre prochain, tous les premiers jeudis du mois. La Java, 105 rue du Faubourg du Temple : www.lajava.fr

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LES NUITS DE… HELENA NOGUERRA

BAL DE CLÔTURE DU FESTIVAL PARIS CINÉMA LE 14 JUILLET AU CENTQUATRE « J’aime passer des disques, en soirée, dans des boîtes de nuit ou chez des amis. Ma musique est éclectique, elle diffère selon mon humeur et me ressemble : je fais ce qu’il me plaît ! De Britney Spears à Miss Kittin en passant par les Beatles ou The Mamas & The Papas, je n’ai pas envie de me cantonner à un genre particulier. La soirée sera à l’image de la manière dont je mène ma vie : ouverte et festive. » _Propos recueillis par j.R.

Avec Helena Noguerra, Francis et ses peintres, Emiko Ota et Maia Barouh. De 21h30 à 2h, entrée libre.

AGENDA CLUBBING

_Par A.-L.G.

1 JE KIFFE MES COPS Un peu de finesse dans un monde de brutes : une fois par mois, sous la houlette de deux jeannettes dévergondées (Miss Prane et Jill « JVC »), les filles investissent les platines du Social Club. Leur meilleure copine, ce soir : la rappeuse anglaise Lady Sovereign (live). Le 18 juin au Social Club, dès 23h, 10 €

2 FREAKS KARNAVAL Exit les jeans slim et les chemises à carreaux : le dress code, ici, c’est l’excentricité. Émaillé de lives, de DJ-set et de performances, le carnaval parisien le plus underground devrait une fois encore prendre des allures de cirque. Le Freaks ? C’est : « Chiche ! » Le 19 juin au Glazart, dès minuit, l’entrée se joue aux dés (gratuit, 5 € ou 10 €)

3 BEFORE UNdER Comme leur nom l’indique, les soirées Before Under servent de rampe de lancement au salon Under le Louvre, plateforme de rencontres autour de la mode. Terrasse, parasols, barbecues, prix façon rades, DJ’s et lives : on y danse, on y mange et l’on y débat, puisqu’un thème (la musique, la street culture…) animera chacune des soirées. Tous les mercredis, jeudis et vendredis jusqu’au 25 juin au Limelight, dès 19h, gratuit

4 BERLIN HEUtE Oubliez le Week-End Club et le Panorama bar : c’est à la Cité de la musique que sera réunie, le temps d’une nuit, la crème de l’électro berlinoise. Moritz Von Oswald & Max Loderbauer, Pole, gundrun gut & Fehlmann… Son minimal, sensations maximales. Le 27 juin à la Cité de la musique, dès 22h, 24 € jUIN 2009


EXPOS

48 SORTIES EN VILLE

Pascal Martinez - Composition(s) de F.M. 2009, trous sur papier, dimensions variables, courtesy de l'artiste.

FICTION(S) Félicien Marbœuf à la Fondation Ricard jusqu’au 11 juillet, la Fondation d’entreprise Ricard accueille l’exposition Félicien Marbœuf (1852-1924). Une proposition de jean-Yves jouannais réunissant les œuvres d’une vingtaine d’artistes autour de cet écrivain fictif, ainsi (ré)animé. _Par Anne-Lou Vicente

Publié en 1997 et récemment réédité aux éditions Verticales, l’essai de Jean-Yves Jouannais intitulé Artistes sans œuvres, I would prefer not to, consacré aux artistes et écrivains n’ayant jamais ou très peu produit, dédie l’un de ses chapitres à Félicien Marbœuf. Ce dernier pourrait être lu comme étant à Jean-Yves Jouannais ce que, par exemple, Pierre Ménard est à Jorge Luis Borges : un écrivain fictif, inventé de toutes pièces par l’auteur. Lequel, comme pour pallier cette supercherie littéraire, convoque aujourd’hui la figure du « plus grand des écrivains n’ayant jamais écrit » dans une exposition présentée à la Fondation d’entreprise Ricard. De gilles Barbier à Christian Lacroix en passant par Dora garcia, Pascal Quignard et Jacob+MacFarlane, une vingtaine d’artistes de toutes disciplines – plasticiens, écrivains, musiciens, architectes, et même stylistes – évoquent à travers leurs œuvres cet écrivain du silence, dont l’unique intervention littéraire serait une correspondance avec Marcel Proust – écrite par Jouannais – qui aurait largement influencé ce dernier dans l’écriture de son chef-d’œuvre, À la recherche du temps perdu… Accusé pour attentat à la pudeur, Félicien Marbœuf s’exile au Sud du Nouveau-Brunswick dans la ville de glooscap, dont il devient quelques temps plus tard, en 1905, citoyen d’honneur… Écrivain sans texte et à ce titre, artiste sans œuvre, il n’en est pas pour autant un personnage sans vie. Cette exposition en forme de mise en abyme fictionnelle donne un second souffle à son existence, d’ores et déjà inscrite dans une certaine réalité. Félicien Marbœuf (1852-1924). Fondation d’entreprise Ricard, 12 rue Boissy d'Anglas, 75008 Paris. Entrée libre du mardi au samedi de 11h à 19h.

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LE CABINET DE CURIOSITÉS

PHILIPPE PARRENO À titre de rétrospective, l’artiste français Philippe Parreno propose un « voyage dans le temps » qui s’articule autour de plusieurs œuvres et dates clés. Recouvert d’une moquette rouge au sol et de centaines de ballons réfléchissants au plafond, l’espace, entièrement vitré, est plongé dans l’obscurité toutes les dix minutes, ainsi isolé de l’agitation extérieure. Certaines œuvres, uniquement visibles dans le noir, apparaissent alors, dont un film énigmatique projeté sur l’écran géant qui sépare les 1200 m2 en deux aires – de repos, comme de rêve et de mémoire. _A.-L.V.

Du 3 juin au 7 septembre au Centre Pompidou, Place Georges Pompidou, 75004 Paris.

AGENDA EXPOS

_Par A.-L.V.

USAGES dU dOCUMENt L’exposition, qui rassemble une quinzaine d’artistes utilisant photographies, coupures de presse ou extraits de films comme éléments constitutifs de leur œuvre, se penche sur la place et les usages du document dans l’art contemporain. Du 16 mai au19 juillet au Centre culturel suisse, 38 rue des Francs-Bourgeois, 75003 Paris.

tHOMAS LéON Light Incident présente un ensemble de vidéos numériques et de tirages photographiques du jeune artiste Thomas Léon, dont l’œuvre se plaît à jouer des faux-semblants de l’image et nous projette au sein d’espacestemps, oscillant entre réalité et (science) fiction. Du 6 juin au 18 juillet à la Galerie Isabelle Gounod, 13 rue Chapon, 75003 Paris.

AUtRES MESURES De nature très diverse, les œuvres visibles dans cette exposition bousculent notre rapport quotidien aux échelles et aux proportions, remettant ainsi en question la notion de standard, de modèle convenu, érigé en norme par la société. Du 28 avril au 12 juillet au Centre photographique d’Îlede-France, 107 avenue de la République, 77340 PontaultCombault.

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© Pierrick Sorin - Théâtre du Châtelet

SPECTACLES

50 SORTIES EN VILLE

UNE PARTIE DE CAMPAGNE Pastorale au Théâtre du Chatelet Dans Pastorale, opéra du compositeur GéRARd PESSON, des « candidats à l’amour » sont donnés en pâture aux reality shows. Ou quand Honoré d’Urfé rencontre L’Île de la tentation... _Par Ève Beauvallet

Et si le véritable ancêtre du Loft était L’Astrée d’Honoré d’Urfé (1567-1625) ? Ce traité de mœurs ne disait-il pas des bergers qu’ils transformaient abusivement l’amour en tyrannie ? Une préfiguration de cet « impératif de jouir » propre à notre société, dénoncé par le philosophe Alain Badiou ? C’est en tout cas la chaîne ADN qui se dessine dans Pastorale, opéra du très prolifique gérard Pesson, inspiré des amours avortées du berger Céladon et de la bergère Astrée. Soit un immense jeu de rôles sur fond de madrigaux (musiques vocales datées de la Renaissance) placé sous le signe de l’ivresse égotique des soaps télévisés. La mise en scène est due à Pierrick Sorin, plasticien nourri au cinéma de Méliès et gourmand d’auto-filmages fantasques. Le manipulateur visuel, pour la seconde fois aux commandes d’un opéra, réunit sur le plateau du Théâtre du Châtelet un troupeau de vedettes made in Nouvelle Star pour un talk-show bucolique et transgenre. Avec nymphes, saules et bruissements d’oiseaux, c’est l’addiction moutonnière et décomplexée au simulacre que chantent les bergers. On retrouve alors, dans les vertes pâtures d’Arcadie, un Céladon relooké en malchanceux candidat à l’amour, moqué par le chœur et soumis aux rires télécommandés. Car c’est bien dans une forme mutante entre scène et écrans que nous immerge Pierrick Sorin : jeux de profondeurs avec renforts de tulles, effets spéciaux old-school hérités des « théâtres optiques », bouleversements d’échelles... Tout pour jouer à saute-moutons sur les conventions opératiques. Le grand écart entre le dépouillement de la musique et les chorégraphies kitchs d’un Kamel Ouali (qui seconde Sorin pour l’occasion) illustre, de façon manifeste, la politique d’ouverture du Théâtre du Châtelet : quitter l’enclos traditionnel pour s’abreuver aux sources des pop-cultures diverses. Pastorale, opéra de Gérard Pesson, direction musicale Jean-Yves Ossonce, mise en scène et vidéos Pierrick Sorin, du 18 au 24 juin au Théâtre du Châtelet, www.chatelet-theatre.com jUIN 2009

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LE SPECTACLE VIVANT NON IDENTIFIÉ

LES TJCC TJCC : « très jeunes créateurs contemporains ». Une formule espiègle qui déclencherait une série d’infarctus aux détracteurs du jeunisme s’ils ne regardaient de plus près. Évidemment, les TJCC sont sans limite d’âge – par contre, ces créateurs explorent tous des formes limites. Ainsi de la grande bouffe des Chiens de Navarre assaisonnée de sangria et de non-jeu dramatique. Ainsi des danseurs frivoles de David Wampach, saucissonnés dans une gaine en résille. Ainsi de tous ces irrévérencieux créateurs qui s’amusent à trafiquer les vieilles farces et attrapes de la scène. _E.B

Du 25 au 27 juin au Théâtre de Gennevilliers, www.theatre2gennevilliers.com

AGENDA SPECTACLES

_Par E.B.

1 POSItION PARALLèLE AU PLANCHER Certains jonglent avec les mots, d’autres avec de la glace. C’est avec cette matière tout à la fois ludique et meurtrière que le jongleur Philippe Ménard propose une poésie du coming out : elle raconte un homme en train de changer de sexe et un artiste capable de modeler la matière la plus contraignante pour l’adapter à ses rêves. De Philippe Ménard, du 23 au 27 juin au Parc de la Villette (dans le cadre du festival Des auteurs, des cirques), www.villette.com

2 NOUS N’IRONS PAS à AVIGNON Loin d’Avignon, à Vitry-sur-Seine, c’est l’école buissonnière pendant tout le mois de juillet. Les sales gosses de la compagnie gare au Théâtre boudent le temple de l’art dramatique estival et proposent une contre-teuf en 33 spectacles, à base de music hall, nouveau cirque, danse et autres formats chaleureux. Du 1er au 26 juillet à Gare au Théâtre, Vitry-sur-Seine, www.gareautheatre.com

3 WALKING NEXt tO OUR SHOES... La chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin débarque avec la chorale Phuphuma Love Minus pour une fantaisie autour des traditions zouloues et des réalités post-apartheid. Une chorégraphie contemporaine au-delà du folklore que l’on retrouvera version concert au Musée du Quai Branly. De Robyn Orlin, du 15 au 19 juillet au Palais Royal et au Musée du Quai Branly (dans le cadre du festival Paris Quartier d’Été), www.quartierdete.com

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© Photo Bruno Verjus

RESTOS

52 SORTIES EN VILLE

La chef Adeline Grattard aux fourneaux.

TOUT FEU TOUT FEMME Adeline Grattard au Yam’ Tcha De retour de Hong Kong, AdELINE GRAttARd et son mari Chiwah Chan nous rapportent une philosophie appliquée à la cuisine : le Yam’ Tcha. _Par Bruno Verjus (www.foodintelligence.blogspot.com)

Littéralement, cette expression cantonaise (饮 茶) se traduit par « boire le thé. » Plus poétiquement, elle consacre l’instant dévoué au thé, une pause codifiée de gourmandises – petites vapeurs et raviolis grignotés, en Chine du Sud-Est, le matin ou en fin de soirée. De cet enseignement, Adeline grattard a retenu l'intransigeance, le dénuement et l’humilité. Le décor du restaurant en témoigne : lacis de pierres blondes et de poutres sombres, fresque minimaliste, il affiche en écho l’éloge de l’ombre. La lumière, elle, habite la cuisine de cette jeune chef de 31 ans. Comme l’écrit Emmanuel Rubin : « Il y a quelque chose du Samouraï de Melville dans ce Yam’ Tcha. Une tension, un suspense, un scénario, mais pas vraiment de dialogue. » Le dialogue s’ébauche dans une minuscule cellule, ouverte sur la salle et dévouée à la cuisine. Pour cuire : la flamme brute et un wok – cette poêle de tôle fine, creuse comme une demi-sphère, emmanchée d’une quille de bois. La jeune chef, vêtue de blanc, fait corps avec son noir wok, dialogue de femme et de flammes. S’engage alors une danse à la chorégraphie brute et précise. De ce creuset naissent des harmonies sans autre souci que celui de l'instant : épure des mets. Les Saint-Jacques séchées épousent pleinement de grosses asperges blanches zestées de kumquats pour tisser un doux/amer hespéridé et subtil. Les aubergines mêlées au poivre de Sichuan et haricots de soja noir salés nichent d’une tiédeur piquante et herbacée (tiges de coriandre) un canard de Challans rôti. Les poissons blancs (barbue, merlan) s’offrent après un bain de vapeur à la ciboulette chinoise échaudée d’huile de tournesol bouillante. De quoi émoustiller nos sens ! Boire le thé (Yam’ Tcha), c’est aussi Chiwah Chan qui infuse une sommellerie autour de cette eau envoûtée, en belle escorte aux plats d’Adeline, sa flamme. Yam’ Tcha, 4 rue Sauval, 75001 Paris. Tél. : 01 40 26 08 07. Fermé lundi et mardi. jUIN 2009

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LE PALAIS DE… ALAIN GUIRAUDIE

LA FERRONNERIE « Ce resto n’est pas loin des films du Worso, mon producteur, à côté du Lutécia. C’est un peu comme à la maison mais en vachement mieux foutu. Dernièrement, j’y ai mangé une très bonne blanquette de veau. Des plats sans chichi, traditionnels, copieux, servis sur des nappes vichy rouges et blanches. Foie de veau, carré d'agneau, style bistrot. J’aime le vin làbas. J’y bois un Menetou-Salon frais. Le service y est agréable, familial. Le patron Hugues, détendu, aime bien brancher les gens. » _Propos recueillis par D.j.

18, rue de la Chaise, 75007 Paris. Tél. : 01 45 49 22 43 Lire la critique du Roi de l’évasion d’Alain Guiraudie page 36.

OÙ MANGER APRÈS… _Par B.V.

WHAtEVER WORKS Chez Schwartz’s Deli, pour un allerretour à New York sans quitter le cœur de Paris. Un delicatessen juif new-yorkais où le hot-dog Manhattan, le pastrami sandwich et autres hamburgers n’ont rien à envier à leurs cousins yiddish d’outre-Atlantique. Schwartz’s Deli, 16 rue des Ecouffes, 75004 Paris. Tél. : 01 48 87 31 29

BANCS PUBLICS Chez Baan Boran, petite échoppe occupée en majeure partie par une imposante vitrine réfrigérée. Elle engage à grignoter sur un banc public quelques soupes parfumées et à jouer les road snakers avec des sandwiches – généreux Samui au poulet, soja et sauce crevette. Baan Boran, 103 rue Saint-Honoré, 75001 Paris. Tél. : 01 40 13 96 70

tELLEMENt PROCHES À La Famille, sympathique restaurant aux mains de Jaune Morera. Depuis sa création par Inaki Aizpitarte, l’esprit de famille subsiste et se célèbre autour de parmentier de bœuf ou de carrelet au chipirons. La convivialité s’émoustille et les familles se réinventent avec les cocktails moléculaires de Houssin Azizi. La Famille, 41 rue des Trois-Frères, 75018 Paris. Tél. : 01 42 52 11 12

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54 LA ChRONIQUE DE

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Š Photo Vincent Peters / Acte 2


DOSSIER /// CHRISTIAN BALE

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Actuellement à l’affiche de Terminator Renaissance de McG et Public Enemies de Michael Mann, l’acteur gallois CHRIStIAN BALE est devenu la valeur sûre du box-office américain. S’illustrant souvent dans des rôles de sauveurs, il aborde également, avec un perfectionnisme exacerbé, des personnages plus sombres. Rencontre avec un acteur ambivalent, partagé entre l’ombre et la lumière. _Par Sandrine Marques

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l est loin le temps où, adolescent, Christian Bale vantait, pour la télévision, les mérites de paquets de céréales. La belle gueule, qui semblait promise aux lumières des shootings de mode, a su s’imposer dans l’industrie. Il éclipse dorénavant des stars déchues comme Tom Cruise, définitivement évincé des grosses productions. Aujourd’hui à l’apogée de sa carrière, l’acteur sauve des franchises tombées en désuétude (Batman, Terminator), par la grâce de sa présence très physique et de son charme nébuleux.

Avant le nocturne Batman, il y eut le tout aussi sombre Patrick Bateman d’American Psycho. Pour incarner le golden boy meurtrier, imaginé par Bret Easton Ellis, et porté à l’écran par Mary Harron, Bale s’est façonné un corps musculeux. Connu pour s’imposer des préparations physiques extrêmes, il aurait raflé le rôle à Leonardo Di Caprio (qui lui avait été préféré, deux ans plus tôt, pour Titanic). Remarqué à l’âge de 13 ans dans L’Empire du soleil de Spielberg, Bale ignorait que ce film, passablement raté, allait pourtant mettre sa carrière à flots. Impossible de ne pas voir l’éclosion d’un vrai corps de cinéma dans ce récit dédié au culte de la réussite et de la perfection plastique, propres aux

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années Reagan. Dès lors, le goût pour les personnages obsessionnels n’a plus quitté Christian Bale. Quand on l’interroge à ce sujet, dans l’hôtel parisien où il assure une promo marathon pour Public Enemies, l’acteur relativise pourtant l’évidence : « Je ne me qualifierais pas de perfectionniste car je pense que les accidents rendent souvent les compositions plus intéressantes. Mais il est essentiel pour moi de faire beaucoup de recherches. Le niveau d’obsession que vous pouvez atteindre pendant le processus de fabrication d’un film me stimule. Quand vous jouez, vous voulez que tout soit parfait, ce qui ne peut se faire sans erreurs. Rechercher la perfection à tout prix conduit à la frustration, si les choses ne suivent pas vos plans. Et je n’ai pas de plan. Je m’adapte. » Son obsession a rencontré celle de Michael Mann, qui lui a confié le rôle de Melvin Purvis, un agent du FBI obstiné, qui a traqué et arrêté les plus célèbres gangsters pendant la grande Dépression : « J’ai rencontré en Michael Mann une personne qui apprécie encore plus que moi de faire des recherches. Sa connaissance de Purvis était encyclopédique. Il m’a envoyé des tonnes d’articles et d’archives, nous sommes allés dans les

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58 DOSSIER /// CHRISTIAN BALE

Christian Bale dans Public Enemies de Michael Mann

« DANS LA VRAIE VIE, IL EST RARE DE TROUVER DES GENS QUI SONT OU TOUT BLANCS OU TOUT NOIRS. » bureaux du FBI, en Caroline du Sud, où nous avons rencontré la famille et des proches de Purvis. J’aime la manière dont Mann s’immerge dans un projet. Son dévouement à son art est absolu. » Pour approcher au mieux son personnage, Bale s’est entraîné au maniement des armes à feu : « J’ai tiré sur des milliers de cibles. Je pouvais encore sentir le goût du métal dans ma bouche, après. » Mais, chose plus étrange, il a pris des leçons d’équitation, alors que le film se déroule en milieu urbain. En riant, l’acteur, avantageusement cintré dans une chemise noire, concède : « Bien sûr, vous ne me voyez pas monter à cheval dans le film mais ça m’a permis de documenter la démarche de Purvis. Il avait quelque chose de très britannique et adorait les chevaux. C’était important pour situer sa manière de se tenir. » Méticuleux, Bale s’investit dans

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ses personnages, au risque de sa santé, gonflant et dégonflant à l’envi. Il apparaît décharné dans le thriller psychologique The Machinist, pour lequel il perd 30 kilos. Paradoxalement, c’est à ce moment-là que Bale a gagné en épaisseur aux yeux des studios, toujours sensibles aux performances. Dans les futuristes Règne du feu, Equilibrium, Batman Begins et Terminator Renaissance, il renoue avec le muscle, mais aussi avec sa part d’ombre. Difficile de démasquer l’homme, sous les innombrables costumes qu’il endosse régulièrement. Soucieux de préserver sa vie privée, l’acteur de 35 ans, marié à l’ancienne assistante de son amie Winona Ryder (pleurez, les filles !), est père d’une petite Emmeline. Enfant de la balle (sa mère était danseuse dans un cirque), il ironise sur sa médiatisation : « Toutes sortes d’informations erronées circulent à mon sujet sur Internet. » Et de rectifier : « Je ne suis pas impliqué dans des organisations caritatives, mais j’ai été élevé par un père engagé. » Sa discrétion a, malgré tout, été mise à mal récemment. Dans un enregistrement diffusé sur la Toile, on entend l’acteur insulter copieusement un technicien, pendant le tournage de Terminator Renaissance. Un pétage de plombs homérique qui a failli lui valoir une radiation à vie des Oscars. Quelques mois plus tard, il est accusé de violences sur sa mère et sa sœur, puis disculpé. Sa vie personnelle semble faire écho à ses personnages ambigus. Impossible de ne pas songer au flic corrompu, sujet à de violentes crises de rage, que Bale interprète avec conviction dans Bad Times. Pendant l’entretien, il ne regarde que rarement ses interlocuteurs dans les yeux, et tempère : « Dans la vraie vie, il est rare

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Christian Bale dans Terminator Renaissance de McG

de trouver des gens qui sont ou tout blancs ou tout noirs. C’est plus complexe. Je suis comme tout le monde, vous savez, j’aime me détendre. » La nature ambivalente de l’acteur s’exprime particulièrement chez Christopher Nolan, qui le dirige dans deux volets de la saga Batman (Batman Begins, The Dark Knight) et dans Le Prestige, situé dans l’univers concurrentiel de la magie. Sur fond d’illusion, la créature de la nuit y croise son double. Curieux effet de miroir avec Glamorama, le cinquième roman de Bret Easton Ellis, où les sosies de Christian Bale se multiplient tout au long d’un récit paranoïaque. Mystère de la célébrité, énigme de l’incarnation : il y avait toute la littérature écrite autour de Christian Bale, il y a à présent des œuvres littéraires qui documentent son statut d’icône. Pour les besoins du film de Todd Haynes, I’m Not There, Bale n’hésite pas à en devenir une autre : il se transforme en Dylan période « folk » et « born again », ce qui lui permet d’exprimer ses talents de musicien. Mais s’il dégage une aura hors du commun, le comédien au regard pénétrant et à la mâchoire serrée se fait voler régulièrement la vedette par ses partenaires. À sa nature double répondent de mémorables duels d’acteurs. Impeccable dans 3h10 pour Yuma, le méchant charismatique de l’histoire, joué par Russell Crowe, lui fait de l’ombre. Idem pour le Joker (Heath Ledger) dans The Dark Knight. Dans Terminator Renaissance, Sam Worthington a beau camper un cyborg, il dégage plus d’humanité que John Connor, qu’interprète avec un sérieux désarmant Christian Bale, absent à l’image pendant une bonne demi-heure. Enfin, dans Public Enemies, où l’on pouvait s’attendre à une confrontation spectaculaire entre

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« J’AIME LA MANIÈRE DONT MANN S’IMMERGE DANS UN PROJET. SON DÉVOUEMENT À SON ART EST ABSOLU. » Bale et Depp, comme celles qu’avait orchestrées Michael Mann dans Heat, Le Sixième Sens ou Révélations, elle est volontairement décevante. Preuve que Christian Bale a trouvé, dans le chevalier noir, son effigie : pour s’accomplir, il lui faut emprunter une voie solitaire. En attendant, on devrait le retrouver au générique des suites de Batman et de Terminator, ou encore chez Bryan Singer (The Prisonners) – informations que ne confirme évidemment pas l’acteur, passé maître dans l’art du clair-obscur.

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60 DOSSIER /// CHRISTIAN BALE

PUBLICENEMIES AU-dELà dE L’IMAGE, IMAGES dE L’AU-dELà On l'avait laissé sur Miami Vice. Au sommet, croyait-on, de sa démarche esthétique. Mais c'était mal connaître MICHAEL MANN : avec Public Enemies, il repousse encore l'horizon du cinéma numérique. Direction l'abstraction. _Par julie Nabady

Comment faire du cinéma aujourd'hui ? Tout Michael Mann est là, dans cette question aux airs de conundrum. Et c'est pour le résoudre que le cinéaste explore depuis dix ans le continent numérique. Ali, Collateral, Miami Vice en ont hier dessiné les contours. Public Enemies s'aventure aujourd'hui en son centre. Tourné intégralement en numérique HD, le dernier Mann tient autant du prolongement que du terminal. Comme si tous les fils de son œuvre convergeaient là, au cœur de ces années 1930 capturées en digital. Mieux qu'un film, un geste plastique. Public Enemies, c'est l'histoire de John Dillinger, star des gangsters de la grande Dépression. Braqueur, hâbleur, dragueur : la presse voit en lui le Robin des Bois des temps modernes ; le FBI, l'ennemi public n°1. Johnny Depp à ma gauche, Christian Bale à ma droite : la chasse peut commencer. Heat en numérique et borsalinos ? Pas si simple. Derrière les atours du polar ultra-réaliste, Mann façonne autre chose. Un objet plus sensitif, plus déceptif aussi. D'avantage encore que dans Miami Vice, l'acuité du numérique ne sert pas à reproduire la réalité, mais à l'exhausser, à regarder au-delà de sa surface. Comme au travers d’une vitre. Une évasion, un gunfight nocturne, une love-story fugitive, et la sensation de direct devient abstraction hyper-réelle, des images jusqu'alors invisibles sortent du flux :

les cicatrices incandescentes des coups de feu, les volutes d'humidité dans la nuit, une peau nue presque idéelle… Autant de formes, d’émotions cachées qui surgissent des strates du scénario. Et bousculent les réflexes du genre : le mano a mano, l’histoire d’amour, le gangster-movie, tout s’étiole peu à peu, se diffuse sans bruit. Pour le chef op’ Dante Spinotti, « c'est comme si un Caravage se changeait en Kandinsky ». Et John Dillinger devient comme un support théorique à tout ça. Surfacique et volatile, impénétrable mais translucide, il est l'incarnation même du numérique, au-delà de l'image et déjà plus que réel. Symboliquement, les flics ne suffisent plus pour le traquer, c'est la technologie qui prend le relais (la salle d'écoute, concentré des obsessions manniennes). Il faut voir Dillinger parader dans les bureaux du FBI, toiser son propre avis de recherche, incognito, planqué dans son régime limbique. Il faut le voir au cinéma, surtout, dévisager littéralement l'image granuleuse de Clark gable. La pulvériser d'un champ-contre-champ assassin. On n'est pas près d'oublier son regard spectral, coupant et transparent comme le cristal, qui zoome puis s'infiltre dans le visage de l’acteur pour s'y substituer. Comment faire du cinéma aujourd'hui ? Avec des fantômes, révèle Public Enemies.

Un film de Michael Mann // Avec Johnny Depp, Christian Bale, Marion Cotillard… // Distribution : Universal // États-Unis, 2009, 2h23 jUIN 2009

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65 DOSSIER /// LOS ANGELES

Récit des déconvenues d’un apprenti gigolo sous le soleil californien, Toy Boy de dAVId MACKENZIE est aussi, entre les lignes, un portrait de Los Angeles. Profitons-en pour nous balader dans la ville, telle que l’ont visitée quelques grands cinéastes, de Mann à Lynch, de Cassavetes à Carpenter. _Par jérôme Momcilovic

P

osant, dans Amérique, un regard européen sur Los Angeles, scrutant l’aurore qui monte sur les collines d’Hollywood, Jean Baudrillard écrit : « On sent distinctement que le soleil n’a fait qu’effleurer l’Europe pour venir se lever ici, sur cette géométrie plane où sa lumière est encore celle, toute neuve, des confins du désert. » Lumière virginale et plate géométrie : le souvenir des films ramène d’abord cet alliage, l’horizontalité ardente de la ville, comme étalée sous l’effet de la chaleur. C’est le premier plan de Toy Boy, depuis les hauteurs d’Hollywood. D’abord le bleu du ciel, plein cadre. Puis on descend et la ville couchée se découvre, pareille à un océan. Image vertigineuse et un peu irréelle, image familière surtout, qui renvoie à toute une généalogie de films installés dans la cité des anges. déRIVE Los Angeles n’existe pas : les plus grands cinéastes l’ont tous représentée comme un mirage, une hallucination. D’abord, évidemment, parce qu’elle

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est le siège de l’usine à rêves hollywoodienne, pure fabrique de fantasmes, surface de projection de l’American dream – à l’instar du simple panneau routier qui donne à la danseuse de Showgirls (Paul Verhoeven, 1995), reprenant la route au sortir de Las Vegas, l’ultime direction de son rêve. Mais il y aurait, aussi, une ivresse propre à la physionomie de la ville, à son atmosphère, au soleil qui la baigne le jour ou aux lumières artificielles qui la font briller la nuit. Villeocéan, disait-on. Pas seulement parce qu’elle est longée par le Pacifique, mais parce que son tempo aurait à voir avec un flottement, une dérive. Dans Heat (Michael Mann, 1995), le personnage de Robert De Niro contemple, depuis les hauteurs, la nuit scintillante de L.A., « city of lights », et compare le scintillement à celui des algues iridescentes qui, une fois par an, apparaissent au large des îles Fidji. Du Sixième Sens à Heat, de Révélations à Collateral, Los Angeles chez Michael Mann est traversée de quelque chose d’irréalisant : c’est un milieu abstrait et spectral, tout en surfaces, lignes, reflets, sur lesquels les personnages semblent rester sans prise, condamnés

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64 DOSSIER /// LOS ANGELES

Blade Runner de Ridley Scott

« MATÉRIALITÉ DE N.Y.C. CONTRE ÉVANESCENCE DE L.A. – RÉEL CONTRE FANTASME, EN SOMME. » à la mélancolie. Dans un décor ainsi déshumanisé, est-il encore possible d’avoir un échange ? La question traverse Heat, qui cherche à transformer une poursuite en rencontre. À la fin, une main se tend, le flic (Pacino) et le voyou (De Niro) se voient enfin réunis dans un même plan, mais c’est au prix de la mort du second. Dans Collateral, Los Angeles est moins un océan qu’un désert – désert des affects et désert tout court, quand surgit un coyote dans ses rues vidées. Un tueur à gage (Tom Cruise) y entraîne un chauffeur de taxi (Jamie Foxx) dans une dérive nocturne et meurtrière. Dans les mégapoles modernes, prévient le tueur au début du trajet, on peut mourir dans le métro sans éveiller l’attention. Formule prémonitoire : il y mourra seul, au petit matin, avalé définitivement dans la circulation. Mais avant cela,

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la rame-tombeau où l’accompagne le taximan aura donné lieu, enfin, à leur face-à-face. dISPARAîtRE ICI Toujours, la logique de l’engloutissement : au bout de la dérive, dans la ville-océan, il y a, forcément, la menace de la noyade. Au royaume des apparences, dans cet empire du faux qu’est Los Angeles, le risque est celui de l’effacement pur et simple. Dans Moins que zéro, premier roman de Bret Easton Ellis qui dévoile l’envers morbide de L.A., le jeune narrateur est pris d’une bouffée d’angoisse à la vue d’un slogan croisé sur Sunset Boulevard, et qui dit : «Disparaître ici ». Effroi encore, mais sur un mode comique, quand s’aventurent à L.A., avant de fuir à toutes jambes, quelques New-Yorkais pure souche, du Woody Allen de Annie Hall (1977) aux cocottes de Sex & the City, dans un épisode cocasse. New York versus Los Angeles : si l’opposition est si structurante, c’est qu’il se joue là deux expériences radicalement antagonistes de la ville. Et, au fond, la concurrence de deux humeurs, presque deux imaginaires : matérialité de l’un contre évanescence de l’autre – réel contre fantasme, en somme. Parce qu’il reste, dans l’inconscient cinéphile, le prototype du cinéaste new-yorkais, on oublie souvent que John Cassavetes a réalisé certains de ses plus beaux films à Los Angeles. Dans ces films, il est frappant de voir comment le geste « new-yorkais » inauguré par Shadows se nappe discrètement, malgré le rythme soutenu, d’une certaine langueur, d’un voile somnambulique, par exemple dans Meurtre d’un bookmaker chinois. Et à voir, dans Une Femme sous influence, Mabel

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Toy Boy de David MacKenzie

Longhetti onduler sur la chaussée dans la lumière du matin, on jurerait que c’est le soleil de L.A. qui est la cause de son ivresse. SIMULACRE Sur le terrain du film d’action, John McTiernan s’est amusé, lui, à inverser la configuration des deux villes, imaginant une fiction verticale à Los Angeles (dans la tour de Piège de cristal, 1988), puis, en miroir, une fiction horizontale à New York (Une Journée en enfer, 1998). Mais entre les deux, Last Action Hero (1993) réinstalle l’une et l’autre dans leur imaginaire propre. Si le monde factice où évolue le personnage fictionnel de Schwarzenegger est forcément californien, c’est à New York qu’il fait, une fois tombé de l’autre côté de la rampe, l’expérience de la réalité. Il existe pourtant bien, à L.A., loin des palmiers de Sunset Boulevard, une réalité âpre et coupante, réalité de la misère telle que la révélaient, notamment, les émeutes raciales de 1992. Plusieurs films l’ont documenté dès le début des années 1990 (Boyz’n the Hood de John Singleton, ou le Colors de Dennis Hopper), quelques séries aussi (ainsi, plus près de nous, The Shield). John Carpenter choisit lui la voie du fantastique, avec Invasion Los Angeles (1988), pour mettre la lumière sur les exclus du rêve américain. Dans cette brillante satire des années Reagan, il oppose la réalité des bidonvilles à un Los Angeles désigné comme un pur simulacre, œuvre de yuppies extra-terrestres. Vingt ans plus tard, Larry Clark prendra à nouveau acte du gouffre qui sépare les deux Los Angeles, en envoyant de jeunes skateurs de South Central se perdre dans les collines huppées de Beverly Hills (Wassup Rockers).

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« DANS CET EMPIRE DU FAUX QU’EST LOS ANGELES, LE RISQUE EST CELUI DE L’EFFACEMENT PUR ET SIMPLE. » LOSt HIGHWAYS « Nobody walks in L.A. », dit une chanson locale. Ville tentaculaire et dépourvue de centre, L.A. se parcourt en voiture, et l’imaginaire de la ville est indissociable de son immense entrelacs de freeways, immortalisé par William Friedkin en 1985, dans l’éprouvante scène de poursuite de Police fédérale Los Angeles (To Live and Die in L.A., en V.O.). Quiconque ici marche à pied est forcément perdu, marginal, à l’image du personnage d’Ashton Kutcher dans Toy Boy, ou de la Breezy de Clint Eastwood, tous deux égarés

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66 DOSSIER /// LOS ANGELES

Extrait de la série TV The Shield, créée par Ryan Shawn

« IL EXISTE POURTANT BIEN, À L.A., LOIN DES PALMIERS DE SUNSET BOULEVARD, UNE RÉALITÉ ÂPRE ET COUPANTE. » dans les collines. C’est dans le film noir, tel qu’il s’y installe dès les années 1940, que s’exprime le mieux l’ampleur labyrinthique de Los Angeles. Du Grand Sommeil d’Howard Hawks, en1946, jusqu’au Point de non retour de John Boorman vingt ans plus tard, le trajet des protagonistes, qui n’en finissent pas de sillonner la ville, se dilue jusqu’à l’absurde – promis, là encore, à un irrémédiable engloutissement. « Les gens ont peur de se retrouver sur les autoroutes de Los Angeles », dit, en préambule, le narrateur de

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Moins que zéro. Traversant le miroir, David Lynch suivra jusqu’au bout ce devenir-cauchemar de la « city of dreams ». Noyée dans les ténèbres, pure trajectoire mentale, la route de crête de Mulholland Drive (2001), comme avant elle la Lost Highway (1997), ne débouche plus sur rien, sinon un trou noir, dévoilant comme jamais, pour la comédienne ingénue jouée par Naomi Watts, l’envers anxiogène et spectral de l’usine à rêves. VIVRE Et MOURIR à L.A. Rien d’étonnant alors à ce que Mulholland Drive renvoie explicitement à un autre chef-d’œuvre, qui, cinquante ans en arrière, peignait déjà Hollywood en cimetière des illusions perdues : le Boulevard du crépuscule de Billy Wilder. Rêve et cauchemar, inextricablement mêlés : ainsi va Los Angeles au cinéma, pointe extrême de l’Amérique, vitrine éblouissante en même temps que reflet décadent et terminal de son imaginaire. Il n’est sûrement pas innocent que L.A. soit à ce point hanté par le fantasme de la catastrophe, fantasme qui, assis sur une peur réelle (la faille de San Andreas et l’angoisse du « Big One »), court de film en film (Earthquake, Volcano, la série des Terminator ou, sur un mode plus ironique, le Los Angeles 2013 de Carpenter). Il y a quelques mois encore, la sortie DVD de l’aberrant et magnifique Southland Tales de Richard Kelly confirmait que les prémisses de l’apocalypse sont nichées quelque part entre Hollywood et Venice Beach. Naissance des images et fin du monde : tout commence et tout finit à Los Angeles.

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TOYBOY LE SEXE dES ANGES Avec Toy Boy, dAVId MACKENZIE quitte l’univers lugubre de ses thrillers écossais pour peindre le portrait d’une cité-écran, ville de glisse et d’apparat : Los Angeles. Il offre au passage son premier grand rôle à Ashton Kutcher, en guide plastique et sulfureux. _Par Raphaëlle Simon et Auréliano Tonet

Drôle d’itinéraire que celui de David MacKenzie. D’abord solidement vissé aux pâturages écossais (Young Adam, thriller situé sur une péniche flottant entre glasgow et Édimbourg), son cinéma s’est progressivement urbanisé, jusqu’à faire de la ville le personnage principal de ses films – véritable alter ego d’antihéros existentialistes et déboussolés, errant sur le bitume en quête d’identité. Un mouvement enclenché par My Name is Hallam Foe (2008), son précédent film, où Jamie Bell (Billy Elliot) quittait la campagne et ses démons pour vivre ses premiers émois sur les hauteurs de glasgow. Toy Boy confirme cette pente citadine, transplantée dans LA ville par excellence : L.A. Ashton Kutcher incarne ici Nikki, beau gosse opportuniste qui se fait entretenir par de riches Californiennes, en cueillant le jour et les billets. Rejeton contemporain du Lauréat et de Macadam Cowboy, cousin californien d’Hallam Foe (avec lequel il partage un goût pour les femmes mûres), Nikki transgresse les convenances amoureuses, au fil d’une odyssée sexuelle qui se transforme bientôt, contre son gré, en éducation sentimentale… Moins tourmenté que les anciens personnages du

cinéaste, il n’en est pas moins paumé : sans passé ni futur, ce gigolo de luxe est aussi plastique que la ville qui l’aimante – cité des anges désenchantée, ville-simulacre où tout n’est que masques et écrans (de fumée). Pas un hasard si le film s’ouvre sur un plan de L.A. dans lequel Nikki apparait comme une ombre, murmurant en voix off : « J’ai toujours su que j’aboutirais dans cette ville. » Toujours haut perchée, la caméra de MacKenzie dessine une Carte du Tendre à l’ère des mégalopoles, ne filmant ses personnages qu’en surplomb : à Hallam Foe, équipé de jumelles pour espionner les gens du haut des toits, répond Nikki, contemplant la vue et la vie réelle, recroquevillé sur des terrasses aux allures de donjon. Cinéaste obsessionnel, MacKenzie sait cependant se faire caméléon. Dans Hallam Foe, il enrobait glasgow d’une mise en scène sombre et nerveuse, douchée par une bande-son d’indie-rock poisseusement local. Avec ses plans larges et posés, ses travelling fluides, sa B.O. post-Beach Boys, Toy Boy dresse au contraire le portrait d’une ville scintillante et superficielle, où la solitude s’écoule de filles en villas, de fêtes en autoroutes longilignes, et où les hommes patinent à force de trop glisser.

Un film de David MacKenzie // Avec Ashton Kutcher, Anne Heche… // Distribution : MK2 Diffusion // États-Unis, 2008, 1h35 // Sortie le 8 juillet

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LE

BOUDOIR

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ÉBATS, DÉBATS, CABAS : LA CULTURE DE CHAMBRE A TROUVÉ SON ANTRE

« LASSÉ DE LA FAIBLESSE QUE L’ON RESSENT, FAIRE UNE MISE AU POINT, REGARDER ET PEINDRE LE MONDE EN CRISE. » LOULOU ET KIKI PICASSO P.76

DVD-THÈQUE

70/71

CD-THÈQUE

72/73

Le cinéma hanté de PHILIPPE GARREL

SONIC YOUtH, teenagers devant l’éternel

BIBLIOTHÈQUE ARtO PAASILINNA, l’humour qui venait du froid

BD-THÈQUE LOULOU et KIKI PICASSO, dessinateurs insurgés

LUDOTHÈQUE Le hors-piste hors norme de FUEL

74/75 76/77 78/79


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AMOURSFANTÔMES LE CINÉMA hANTÉ DE PhILIPPE GARREL À l’occasion de la sortie en DVD de La Frontière de l’aube de PHILIPPE GARREL, nous avons demandé à Philippe Azoury, journaliste à Libération et auteur des bonus, de revenir sur ce film incandescent – et controversé. _Par Philippe Azoury

Ligne de déchirement sauvage entre les « anti » et les est un film d’une violence inouïe, un film établi contre son « pro » garrel, film de retour aux origines (la marge, époque, mais encore contre les remords intérieurs qui le again and again) après les honneurs faits aux Amants rongent : c’est bien un chant d’amour, mais articulé trop réguliers, La Frontière de l’aube attend son heure… Un tard, et qui se transforme en une description du manque an plus tard, on ne sait toujours pas comment aborder amoureux dont on ne saurait sortir indemne – si jamais cet opus-là, aimé plus que de raison, sans il nous est arrivé d’aimer. Un film dont la se repasser le film de sa réception : où l’on folie (puisqu’il n’y est jamais question que se souviendra, hélas, qu’il fut accueilli à d’amour et de folie confondus, à travers Cannes par une bronca d’une violence un même corps) est aussi la réussite : avoir inouïe, à la signification floue : les mêmes pu retranscrire sur pellicule l’intensité d’un qui se plaignent que le cinéma dans son amour incompris, seconde après seconde, entier tend à devenir uniforme reprochaient avoir enregistré le battement du pouls à garrel de continuer à ne vouloir ressembler de deux corps qui, devant le tsunami des à personne d’autre qu’à lui-même. Quand sentiments qui les engloutit, se mettent à vint la sortie salles, à l’automne, plus trace confondre les caresses avec la peur : Pelléas nulle part de ce reproche. Ceux-là mêmes et Mélisande, en pays Valium. qui, six mois auparavant, s’étouffaient devant l’épure « garrélienne», trouvaient choquant On se souvient que dans Les Amants son romantisme illimité, suicidaire – inspiré réguliers, le couple Clotilde Hesme / Louis pour tant par gérard de Nerval – ne La Frontière de l’aube garrel se rencontrait sur une révolution de Philippe Garrel (MK2 manifestaient plus qu’une indifférence de éditions, sortie le 4 juin) à faire – celle de mai 1968. Le film était rigueur. Le film a traversé la tempête, et encore plein d’utopie. À l’heure de La c’est comme si ces remous étaient inscrits au moment Frontière de l’aube, le territoire des utopies s’est même de l’écriture : c’est un film d’épreuves, beau et desséché : Carole et François (Laura Smet et Louis douloureux, qui avance nu. Et ça ne peut se passer garrel) sont des jeunes gens d’aujourd’hui. Elle est simplement. actrice, il est photographe. Ils se rencontrent comme une star et un photographe peuvent le faire : sur une Mais sans doute les réactions cannoises disaient-elles image à faire. Quand est-ce qu’une actrice cesse-taussi, à leur façon, à quel point La Frontière de l’aube elle de jouer ? Quand un photographe regarde-t-il les

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« C’EST UN FILM D’ÉPREUVES, BEAU ET DOULOUREUX, QUI AVANCE NU. » choses en face, sans appareil photo à la place du cœur ? Comment ça va, les malentendus ? Ce film a quelque chose dans la voix de la douleur vive des disques de Jonathan Richman, en particulier lorsqu’il chante Hospital. garrel père y est porté par ses propres souvenirs – revoir Les Hautes Solitudes, le film qu’il avait fait avec Jean Seberg en 1974, long poème expérimental à base de gros plans. Sa caméra s’approche si près du visage de Laura Smet qu’on s’étonne de ne pas voir son souffle former une petite buée sur le bord de l’écran. Il n’a jamais peut-être filmé un visage d’aussi près, comme s’il voulait s’assurer que son actrice est bel et bien là, réelle, vivante, présente. Il filme comme d’autres se pincent, et on devine là un souhait curieux : que pour rien au monde, ces instants de cinéma, qui sont de l’ordre du miraculeux, ne soient un rêve, une histoire de chimères ou de fantômes. Cadeau de cinéma bien reçu : on confirme.

LE COFFREt NANNI MOREttI (BAC VIDEO)

Dans Bianca, La Messe est finie, Palombella Rossa dans les années 1980, ou Caos Calmos et Le Caïman plus récemment, on rencontre un professeur, un curé, un communiste, un veuf, et même Silvio Berlusconi. Autant de facettes d’une Italie avec laquelle Moretti, moraliste subtil, règle ses comptes. _R.S.

LE COUP dE CœUR dU VENdEUR LE LIt CONJUGAL

dE MARCO FERRERI

(TF1 VIDÉO)

Étouffée par le scandale causé par La Grande Bouffe, l’œuvre de Marco Ferreri, à la fois sulfureuse et nimbée de mystère, demeure aujourd’hui trop ignorée. Ainsi, dans Le Lit conjugal, un homme de 40 ans épouse une jeune catholique vierge qui souhaite à tout prix avoir un enfant. Une fois tombée enceinte, la femme n’accorde plus la moindre attention au géniteur… S’ensuit alors une terrible déchéance, magnifiée par une mise en scène qui, grâce à un rythme étrange, contribuera lentement mais sûrement à détacher cet homme du monde qui l’entoure. _Florian Guignandon, vendeur à la boutique du MK2 Quai de Loire

_Par R.S.

dVd FROZEN RIVER

dE COURtNEY HUNt (FRANCE TÉLÉVISIONS ÉDITIONS)

Thriller sombre et éminemment féminin, ancré dans l’Amérique enneigée des plus pauvres, Frozen River suit le parcours d’une mèrecourage, qui fait passer des clandestins du Canada aux ÉtatsUnis. Un premier film juste et haletant, grand prix du festival de Sundance.

UNE HIStOIRE dU CINéMA ISRAéLIEN dE RAPHAËL NAdJARI (ARTE ÉDITIONS)

En même temps que la société qu’il reflète, le cinéma israélien se cherche, de l’unité à la diversité, évoquant tour à tour le sionisme, la Shoah, le conflit israélo-arabe, le multiculturalisme... Analytique et réflexif, un documentaire profondément instructif.

LOUISE-MICHEL dE GUStAVE KERVEN Et BENOît dELéPINE (MK2 ÉDITIONS)

Les grolandais mettent en scène un autre duo de choc : Yolande Moreau et Bouli Lanners, qui campent deux marginaux décidés à liquider un méchant patron capitaliste. Une comédie incorrecte et délicieuse.

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FOREVER YOUNG SONIC YOUTh, TEENAGERS DEVANT L’ÉTERNEL Les New-Yorkais SONIC YOUtH sont de retour sur un label indépendant avec un nouvel album, le très électrique The Eternal, ode toujours adolescente à leurs icônes autant qu’essentiel brûlot noise. À jamais actuels. _Par Wilfried Paris

Les toujours verts Sonic Youth semblent avoir trouvé la flamme adolescente. Car si perdurent leurs polyphonies recette de l’éternelle jouvence, sortant ces jours-ci de de guitares saturées et dissonantes (ils recourent leur basement un seizième album, titré comme une régulièrement à une variété d’accordages de guitare déclaration d’intention : The Eternal. Selon Steve Shelley, peu communs, en open tuning), c’est sans doute, à la batteur du groupe, « c’est presque une cinquantaine, parce que leur curiosité blague. Les gens nous demandent : pour toutes les formes d’art et d’expression « Pourquoi vous appelez-vous Sonic Youth? ne s’est jamais amenuisée. Ainsi voitVous ne l’êtes pas ! » Mais jouer de la on à chacun de ses passages à Paris musique est évidemment, pour nous, une la grande silhouette dégingandée de manière de rester jeunes. » De retour sur Thurston arpenter les librairies spécialisées un label indépendant (Matador), après (Bimbo Tower, Un Regard moderne), la longue (depuis 1990) parenthèse tandis que Kim poursuit sans relâche geffen, Thurston Moore, Kim gordon, ses différentes activités artistiques : Lee Ranaldo et Steve Shelley, désormais commissaire d’expo, actrice pour Assayas, accompagnés par l’ancien bassiste de Van Sant ou Haynes, directrice de la ligne Pavement, Mark Ibold, semblent ainsi de vêtements Mirror/Dash... Lee, lui, revenir à leurs fondamentaux : « Les labels The Eternal de Sonic Youth organise des lectures de poésie sonore (Matador / Beggars, déjà indépendants me semblent mieux préparés disponible) ou des installations avec sa femme Leah que les majors pour s’organiser face à Singer, quand il ne fait pas jouer ses deux la révolution numérique, explique Steve. Ils font en sorte enfants en tête d’affiche du nouveau film des frères que les gens soient aussi intéressés par l’achat du Safdie, le sublime Go Get Some Rosemary. disque, au-delà du simple téléchargement. ». Et Kim de renchérir : « Notre contrat chez Geffen était fini. On On retrouve toutes ces sources d’inspiration dans The ne manquait pas de liberté chez eux, mais il pouvait Eternal : l’art contemporain sur Sacred Trickster, hommage arriver que la personne avec qui l’on travaillait sur un énergique à Yves Klein. Kim : « C’est plutôt un hommage album soit virée une semaine avant la sortie. Et le label rendu à la pure activité créative : à Yves Klein mais aussi lui-même a été revendu plusieurs fois…» à cet artiste noise nommé Noise Nomads. Je pense qu’ils auraient aimés être considérés comme des « escrocs Sonic Youth n’a pourtant jamais baissé le pied, ni sacrés», de la même manière que moi, je ne me considère le volume – la fée électricité sans cesse ranimant sa pas comme une musicienne professionnelle. Le showjUIN 2009

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« POUR NOUS, JOUER DE LA MUSIQUE EST UNE MANIÈRE DE RESTER JEUNES. » business est une affaire de ruses et d’astuces, alors que la musique est toujours spirituelle, émotionnelle. » Le morceau Malibu Gas Station évoque, de son côté, la vanité des peoples et les comportements extrêmes qu’elle induit, à travers la figure de Britney Spears, piégée par des paparazzis, sans culotte sous sa robe, alors qu’elle mettait de l’essence dans sa voiture à Malibu : « La manière dont les paparazzis ont fait de Britney une sorte de monstre est à la fois triste et fascinante. Nous avons la chance de n’avoir jamais été assez célèbres pour nous retrouver dans les pages des magazines people. » Leaky Lifeboat est dédié au poète beat new-yorkais gregory Corso, tandis que Anti-Orgasm s’inspire de la vie de la modèle-activiste berlinoise des 60’s Uschi Obermeier, de Kommune 1 : « C’est une chanson ironique, où nous jouons les rôles de ces communards-hippies qui sont « antiorgasmes »... On aime créer une atmosphère pour faire réfléchir les gens, mais on ne veut pas être responsables de ce qu’ils pensent... ». Le secret d’une jeunesse éternelle ?

LE tRéSOR CACHé dIRtY FRENCH PSYCHEdELICS (DIRTY / DISCOGRAPH)

Cette sélection de maîtres incontestables (Christophe, Fontaine, Ferrer), ex-taulards réhabilités (Lavilliers) et vraies raretés (Hedayat, Kan) montre combien, loin des fragrances de patchouli avarié, les 70’s françaises fleuraient bon l’amour, et la liberté. _A.T.

LA BANdE ORIGINALE LES BEAUX GOSSES

On peut voir Les Beaux Gosses de Riad Sattouf comme une variation sur le motif du jet, du débordement teenage (cf. les gags de la chaussette, du trampoline ou de l’aspirateur). Une montée de sève habilement retranscrite par la B.O., gorgée de fluides en tous genres : épaulé par le musicien Flairs, Sattouf mêle zigouigouis heavy-metal, coulis de synthés, basse et percus, teintant le film d’humeurs fantastiques ou mélancoliques, tout en contribuant à l’hilarité générale (on pense à l’électropop de Steak). Mention spéciale aux claviers de Flairs, convoqués par Sattouf pour retrouver l'esprit des ordinateurs Amiga de son adolescence. D'orgue à orgasme, il n'y a qu'un jet… _B.B. et A.T.

_Par A.T.

Cd ZII E ZIE

dE CAEtANO VELOSO (UNIVERSAL JAZZ)

Ce zizi-là est l’envers de celui de Franky Vincent. À l’exotisme vulgaire du guadeloupéen, le maître tropicaliste oppose une samba-funk aventureuse, qui reste fidèle à son équation de toujours : timbre limpide sur courants troublés = élégance torrentielle.

WILCO (tHE ALBUM)

dE WILCO

(NONESUCH)

Pour leur septième opus studio, les Chicagoans osent l’album éponyme. Le disque aurait pu s’appeler The Best of Wilco, tant il synthétise ce qui les distingue du tout-venant indie : mélodies pur sucre, guitares pur sel, voix pur sable, amours en pure perte.

MANNERS

dE PASSION PIt (COLUMBIA)

La Passion selon Saint-Valentin : le 14 février dernier, le chanteur du groupe offre à sa douce Sleepyhead, devenu depuis un tube international. Le reste de l’album est à l’avenant, imposant Passion Pit comme le plus euphorisant combo électro-pop actuel – et ce, avec la manière.

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dE RIAd SAttOUF Et FLAIRS

(NAÏVE)


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ÉTONNANT ARTO L’hUMOUR QUI VENAIT DU FROID Depuis Le Lièvre de Vatanen, ARtO PAASILINNA s’est imposé comme le plus célèbre écrivain finlandais. Mais pourquoi l’humour de cet ex-bûcheron de Laponie nous séduit-il autant ? Tentative de réponse, au moment où sort son nouveau roman, Les Dix Femmes de l’industriel Rauno Rämekorpi. _Par Bernard Quiriny

Faites le test autour de vous et demandez à vos amis il gardera un amour passionné de la nature ; les de citer des Finlandais célèbres. Entre un cinéaste écologistes se réclament d’ailleurs volontiers de ses livres (Kaurismäki) et une star de la F1 (Raïkkönen), vous pleins de bon sens paysan et d’animaux attachants, devriez entendre le nom d’un écrivain dont tout le monde à l’image de l’ours qu’adopte le héros du Bestial serviteur a au moins lu un livre : Arto Paasilinna. du Pasteur Huuskonen. Mais la vraie raison Malgré son patronyme impossible, ce du succès de Paasilinna, c’est évidemment sexagénaire lapon à la barbe débonnaire son humour, ce flegme picaresque typique est devenu en trois décennies l’une des des pays nordiques grâce auquel il nous vedettes de son pays, dépassant même en embarque dans les scénarios les plus farfelus. célébrité le grand Mika Waltari, monument Souvent bâtis comme des road-movies, de la littérature nationale. Courtisé par le ses romans mettent en scène des héros cinéma (son Lièvre de Vatanen a été adapté opiniâtres qui, poussés par les événements deux fois) et traduit en vingt langues, il fait et les excès de leur tempérament (le désormais partie du cercle des écrivains fameux sisu, notion intraduisible qui désigne dont les admirateurs attendent chaque un trait de caractère typique des Finlandais, année le nouveau cru avec une ferveur peuple têtu jusqu’à l’absurde), se mettent quasi-religieuse. Un succès qui a poussé de leur plein gré dans des situations son éditeur français à doubler le rythme improbables, qu’ils affrontent avec une des traductions, au point de publier un Les Dix Femmes de admirable placidité. l’industriel Rauno nouvel opus à chaque printemps… Rämekorpi d’Arto Ainsi en va-t-il du héros de ce nouvel opus, Paasilinna (Denoël) Né en pleine guerre au beau milieu d’un Rauno Rämekorpi, riche fabricant de chalets exode (certains y voient l’origine de son goût pour les en bois (Paasilinna adore les self-made-men) qui vient histoires de fuite et les personnages instables), Paasilinna de fêter son soixantième anniversaire. Ne sachant que commence à travailler dès l’adolescence comme ouvrier faire des tonnes de fleurs offertes par ses invités, il décide agricole. Pêche, chasse, flottage du bois, il fait tous les d’aller les distribuer à ses ex-conquêtes, et d’en profiter métiers avant de reprendre ses études et de devenir pour les lutiner un peu. Transporté à travers la région journaliste dans un quotidien régional lapon. De ses par un chauffeur de taxi nommé Sorjonen (rescapé jeunes années passées dans les bois et les champs, d’un précédent roman, La Cavale du géomètre), notre

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« SON HUMOUR? UN FLEGME PICARESQUE TYPIQUE DES PAYS NORDIQUES. » vigoureux sexagénaire commence avec brio un marathon du sexe en dix étapes… Comique de situation, excès alcooliques, scènes d’anthologie et style paisiblement descriptif, tous les éléments du génie paasilinnien sont présents avec, en outre, une dimension de plus en plus récurrente dans ses romans : celle de la satire politique. Mauvais chrétien mais honnête homme, Rämekorpi est en effet un modèle d’entrepreneur éthique et, surtout, un individualiste sceptique qui, d’une page à l’autre, critique aussi bien la cupidité du capitalisme moderne que les crimes passés du communisme. En cette période de crise économique mondiale, les propos toniques que Paasilinna met dans la bouche de son héros prennent un parfum d’actualité presque prophétique (le livre a été écrit en 2001). Reste que, derrière la critique sociale, ces Dix Femmes... sont d’abord et avant tout une comédie burlesque à l’extravagance irrésistible, typique de la manière de Paasilinna, et qui devrait une fois encore lui valoir tous les suffrages. Faites le test autour de vous…

_Par B.Q.

LIVRES PRéSIdENt KISSINGER

dE MAURICE GIROdIAS (TRISTRAM, ROMAN)

En 1974, Maurice girodias, éditeur de Burroughs, conçoit cet étonnante politique-fiction où le tout-puissant Kissinger devient maître du monde. L’administration américaine bloque la parution du livre, qui devient une sorte de mythe éditorial. Une curiosité à redécouvrir.

NOUS NE SOMMES PAS d’ICI dE MICHEL LE BRIS (GRASSET, RÉCIT)

Par quels détours un ex-élève d’HEC se retrouve-t-il à militer chez les maos avant de cofonder Libé, de se passionner pour Stevenson et de créer le festival Étonnants voyageurs ? Le Bris revient sur sa trajectoire dans cette autobiographie qui est aussi, en creux, le dessin d’une époque.

tEXAS MARIJUANA

dE tERRY SOUtHERN (GALLMEISTER, NOUVELLES)

Compagnon des beats, précurseur du gonzo-journalisme et scénariste d’Easy Rider, Terry Southern (19241995) a traversé toute la contreculture américaine d’après-guerre. Cette vingtaine de nouvelles et articles offre un aperçu parfait du style de cet outlaw oublié.. jUIN 2009


© L’Association/Kiki & Loulou Picasso/2009

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BOMBE DESSINÉE LOULOU ET KIKI PICASSO, DESSINATEURS INSURGÉS LOULOU et KIKI PICASSO se sont fait connaître au soir des années 1970, dynamitant les pages de Libération sous le nom Bazooka. Ils reviennent avec Engin explosif improvisé, livre-canon sur la violence de l’époque. échange de tirs avec deux kamikazes. _Propos recueillis par joseph Ghosn (www.menstyle.fr)

Dans les années 1970 et 1980, les faux frangins Picasso, avec leur collectif Bazooka, squattaient les pages de Libé, y injectant des graphismes punk, à la violence tendue. Ils avaient depuis abandonné le nom Picasso, notamment pour des histoires de droits. Leur retour est une révélation : livre politique, prenant ses sources dans un travail paru dans les années 1970 (Les Animaux malades, réédité en annexe), Engin explosif improvisé est un dialogue d’images, à deux, sur l’état du monde, de l’individu, de la précarité. Il s’accompagne d’une exposition à la galerie ÉOF à Paris et d’un site (www.lafraternitedesprecaires.org). Une façon chorale de pointer la violence que perçoivent les Picasso et qu’ils rendent avec une grâce et une tension inattendues : comme si l’époque, pareille aux années 1970, ne pouvait exiger moins.

Votre livre se situe aux frontières de différents genres : le reportage, l'enquête, la fiction, la BD, le dessin, l'invention graphique... Comment l'avez-vous construit ? La représentation de l'actualité au quotidien nous a toujours demandé d'être « multimédia », « multi-techniques »... Ce livre n'aurait pas ce titre – Engin explosif improvisé – s'il n'était pas né d'une improvisation. Suivie d'un principe d'immersion. Les premières pages sont l'esquisse d'un ensemble qui se définit plus vaste et plus précis à mesure de son avancée, pour finir par englober le tout d'une même harmonie. Le livre devient alors une sorte de construction précaire dans laquelle on est contraint, dès le premier instant, d'habiter et qui doit nous plaire : à peine construit, ça doit marcher. Le choix des images est bien souvent le fruit du hasard – une bonne surprise lors Engin explosif improvisé d'une promenade. Faire de la poésie avec de Loulou et Kiki Picasso Y avait-il une nécessité de faire ce nouveau (L’Association) de la communication de crise est un jeu livre ? De quel ordre était-elle ? plus réfléchi. Le plaisir de retravailler ensemble sur un projet bien défini : un livre qui soit une peinture. Lassé de la monotonie, Quelles évolutions percevez-vous dans votre travail ? de la faiblesse que l'on ressent, faire une mise au point, Entre Les Animaux malades en 1977 et vos nouvelles regarder et peindre le monde en crise. Après les années images, vous semblez avoir gagné en luminosité, tout « unregardmoderne.com », où notre travail quotidien en conservant les mêmes techniques... était visible uniquement sur le web, nous avions envie Engin explosif improvisé reprend le même principe de de diffuser à nouveau nos images sur papier. composition mis en place avec Les Animaux malades.

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Un principe simple de « mix » : comment, par la juxtaposition de deux images, en créer une troisième qui ne soit ni l'appauvrissement, ni la parodie de l'une ou de l'autre. Que cela ne soit pas le simple collage de ce que nous aurions pu faire chacun de notre côté. Une image qui ait son sens et sa vie propre. Nous avons gagné en clarté, en naïveté, en évidence, en nuances et en raccourcis. Nous travaillons en peintres, en atelier : nous regardons beaucoup nos images en prenant soin de la façon dont elles sont éclairées. Y a-t-il encore une nécessité ou une utilité à s'appeler Picasso ? Tant qu'il sera possible de vendre des voitures, le fait de s'appeler Picasso permettra de restreindre le chômage dans le secteur de l'industrie automobile. Sauver ne serait-ce qu'une dizaine d'emplois restera une chose éminemment utile pour la collectivité. Et Bazooka ? Nous considérons Bazooka comme une entité dormante à réveiller uniquement en cas de coup dur ou pour passer à l'acte, s’il n'existe plus aucune autre alternative pour résoudre un conflit majeur. Continuez-vous à travailler pour la presse ? À Libé, nous avons commencé il y a trente ans une œuvre d'embellissement indispensable à l'amélioration de la presse. Les supports qui auraient, aujourd'hui, besoin de nos services sont extrêmement nombreux. Nous nous contentons de répondre de façon sélective aux demandes les plus urgentes. Retrouvez l’entretien intégral sur www.menstyle.fr

LA RéEdItION SUNNYMOON

dE BLUtCH

(L’ASSOCIATION)

Très belle réédition intégrale des historiettes de Sunnymoon, personnage inventé par Blutch au début des années 1990. À (re)lire, ne serait-ce que réaliser à quel point Blutch était déjà un grand styliste, amoureux des formes féminines et cinématographiques. _j.G.

L’ALBUM JEUNESSE COMMENt JE SUIS dEVENUE CéLèBRE (MALGRé MOI) dE ROBIN BENWAY (NATHAN, À PARTIR DE 13 ANS)

Audrey est une jeune lycéenne, un peu fashion victime, fan de musique et de SMS échangés avec sa copine Victoria, bref une vie normale jusqu’au jour où elle plaque son musicien de petit ami. Et que fait-il ? Il écrit LA chanson sur cette rupture, qui fait un véritable tabac pour finir n°1 des charts. L’enfer ! Les détails de la vie d’Audrey galopent sur le Net, rumeur, harcèlement deviennent son quotidien. Un roman drôle, bourré de références musicales (The Cure, Patti Smith… les ados vont pouvoir fouiller dans la discothèque de leurs parents) : rock’n’roll ! _Sophie Quetteville, libraire au MK2 Quai de Loire

_Par j.G.

Bd LES AVENtURES dE R. CRUMB dE ROBERt CRUMB (CORNÉLIUS)

Avant la publication de sa très attendue adaptation de la Bible, replongeons dans le cœur de l’œuvre de Crumb, avec ce nouveau volume autobiographique, dépeignant les affres de cet obsédé du dessin et du cul, grand auteur libidineux.

tRANSAt

d’AUdE PICAULt (DELCOURT)

Nouveau roman graphique de cette dessinatrice au regard acéré, notamment sur elle-même et sa condition de fille des années 2000, trentenaire aux amours larguées, embarquant, ici, dans une drôle de croisière amoureuse...

VIRGINIA

dE dASH SHAW (ÇÀ ET LÀ)

Après son remarqué et volumineux Bottomless Belly Button, l’Américain Dash Shaw revient par la bande avec cette édition française de son premier livre, bel objet qui retient l’œil par son goût pour les digressions formelles.

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ROUE LIBRE LE hORS-PISTE hORS NORME DE FUEL Liberté, j’écris ton nom (sur le goudron). Fort de la plus grande surface jouable jamais développée sur un titre (14 400 km²), le jeu de course Fuel entre au Guinness des records. On ouvre la voie ; ne vous perdez pas en route. _Par étienne Rouillon

On aura beau gloser sur l’impact du film Home sur le vote des écolos de la dernière moisson, il ne faut pas oublier l’autre manipulation électorale que constitue la sortie de Fuel à la veille des élections européennes. Jugez plutôt : dans un présent alternatif, le réchauffement climatique a mis en vrac l’écosystème de régions entières des ÉtatsUnis, toujours rétifs à parapher le protocole de Kyoto. Le Nord du pays est en proie à la sécheresse, aux pluies torrentielles et aux tornades tordues, qui ne font rien qu’à se mettre en travers de la route des rares fondus qui gaspillent le peu de pétrole restant dans des courses interminables. Un pitch à la Mad Max comme moteur des consciences vertes ? Surtout une bonne excuse pour rouler à tombeau ouvert, n’importe où, n’importe comment.

si tu vois la montagne au loin, là ou l’herbe cramoie et les nuages pleuvoient, tu peux y aller, c’est l’affaire d’une heure ou deux. L’expérience du voyage est saisissante et sur le chemin entre deux courses, on jurerait entendre les mômes* de la banquette arrière piailler : « Quand est-ce qu’on arrive ? J’ai envie de faire pipi... »

Las, pas l’ombre d’une aire d’autoroute sur les pistes des différents tableaux de Fuel. La nature est votre seule compagne, et la matrone a le souvenir mauvais de deux siècles d’émission effrénée de toxiques dans son atmosphère. « Atmosphère ! Estce que j’ai une gueule d’atmosphère ? » semble objecter le macrocosme rageur qui vous jette les dix plaies d’Égypse sur le Genre : Course capot. En cours d’épreuve chronométrée, Éditeur : Codemasters En plein E3 (le «festival de Cannes» du jeu Plateforme : PC, PS3, X360 il faudra louvoyer entre les pylônes vidéo, qui a cette année fait la part belle électriques abattus par la foudre et les à des licences éprouvées : Mario, Assassin’s Creed...), maisons projetées par des cyclones cyclothymiques. l’arrivée de Fuel constitue un pot d’échappatoire à la Malgré quelques évènements climatiques « scriptés » routine sur route. On attendait au tournant ce virage du (apparaissant immuablement au même endroit, au jeu de course vers des terrains sans fin. L’argument des même moment), la surprise est toujours de mise. L’on 14 400 km² est concluant et historique. Aux commandes passe imperceptiblement d’un paysage à l’autre, d’une moto, on se sent aussi vulnérable et nain qu’un sans chargement : forêts en feu, vallons verdoyants, moucheron scotché au pare-brise d’un 4x4. Fuel affiche déserts arides ou glaciers abrupts. Le tout est sublimement une distance d’affichage de 40 km. L’équation est simple : dynamisé par l’alternance du jour et de la nuit, tout

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« FUEL? UN POT D’ÉCHAPPATOIRE À LA ROUTINE SUR ROUTE. » en couchers de soleil enivrants et clairs de lune ensorcelants. Il faut s’y frotter pour comprendre l’excitation et la promesse panoramique que revêt le franchissement de chaque colline, chaque butte qui nous sépare d’une hypothétique ligne d’arrivée.

L’AdAPtAtION CINé tERMINAtOR RENAISSANCE (WARNER INTERACTIVE, SUR PC, PS3, X360)

John Connor n’a pas toujours donné des ordres : avant, il y désobéissait. Situé avant l’intrigue du film, ce jeu de tir un poil expéditif présente l’ascension du fils de Sarah Connor au sein de la résistance. Un bon « tue tout ce qui grince » à partager à deux sur le même écran. _E.R.

Cette liberté a un coût irréductible. Celui d’une panse affamée et d’une vessie noyée dans l’échec des bonnes résolutions que l’on tente de s’imposer : «Allez, je vais jusqu’à cette plage et après, je m’arrête, c’est promis. » On ne perd pas la boussole pour autant. Pour parvenir à cette prouesse géographique, les développeurs français du studio Asobo ont dû faire des sacrifices techniques regrettables : le clipping omnipotent fait apparaître des arbres et des textures de route au dernier moment, la conduite est parfois molle et manque de personnalité, ne servant pas à sa juste valeur la diversité des véhicules proposés (quads, buggys, camions, motos...). Mais Rome ne s’est pas faite en un jour et l’empire de Fuel n’a pas fini de s’étendre. *Parents, enfin un jeu dans nos pages qui est décent pour votre marmaille. Un seul risque : ils vont tous réclamer un scooter.

L’ACCESSOIRE LUNEttES NVIdIA GEFORCE 3d VISION Alors oui, c’est tout un bouzin capillotracté à installer, mais c’est tout de même le futur stéréoscopique qui vous pend au bout du nez. L’éditeur de cartes graphiques NVIDIA passe de l’autre côté de l’écran avec ces bésicles qui transforment automatiquement vos jeux PC en univers tridimensionnels bluffants. Automatique n’étant pas synonyme de pratique, il vous faudra pour profiter à plein du gadget un écran LCD 120 Hz, un ordinateur de l’espace et du collyre pour les yeux – au début, du moins : l’avenir, ça se mérite. _E.R Pack lunettes 3D NVIDIA et moniteur Samsung Gaming LCD, disponibles sur www.grosbill.com

_Par E.R.

JEUX LES SIMS 3 (ELECTRONIC ARTS, SUR PC, MAC, IPHONE)

C’est leur grand retour, mais ils n’ont heureusement pas changé. Toujours incapables de penser par eux-mêmes qu’il est bon de se doucher quand on schlingue, les Sims babillent désormais en communauté dans leur sabir accaparant. N’oubliez pas de mettre pause à l’heure du bain.

VIRtUA tENNIS 2009 (SEGA, SUR PC, PS3, X360, WII)

Si regarder le tennis à la télé suffit à vous faire suer, mais qu’une petite partie aux commandes d’un NadalFederer vous tente, Virtua Tennis est à votre service. Ce jeu orienté arcade a un gros défaut : emberlingués dans des doubles endiablés, vos potes ne vont plus décoller du canapé.

tHE CONdUIt (SEGA, SUR WII)

Attendu comme le messie par la phalange dure des gamers, qui se sentent délaissés par la ligne familiale de la Wii, The Conduit ambitionne de devenir un FPS de référence sur la console de Nintendo. Classique mais de bonne facture, il tient ses promesses.

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80 TRAIT LIBRE

M de Jon J. Muth (Éditions Emmanuel Proust, sortie le 4 juin) Difficile de rendre compte sur papier du premier film parlant de Fritz Lang, véritable chef-d’œuvre de mise en scène. L’aquarelliste américain jon j. Muth tire son poignard du jeu avec ses peintures réalisées à partir de photographies. L’histoire est la même : celle de la chasse et du procès d’un serial-killer pédophile dans les tréfonds d’une société de Weimar déliquescente. La différence ? Grâce à sa technique originale, jon j. Muth pose un regard moins distancié et plus réaliste sur les personnages, sans pour autant gommer l’atmosphère expressionniste qui donnait au film de Lang tout son inquiétant pouvoir d’attraction. _R.S.

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hOLLYWOOD STORIES // GRANDES ET PETITES hISTOIRES DU CINÉMATOGRAPhE 81

HOLLYWOOD ANNÉE ZÉRO Résumé de l’épisode précédent : Avec D.W. Griffith, Thomas Ince, Cecil B. DeMille et Mack Sennett, le train électrique dont parlait Orson Welles est désormais en marche. Les premières stars apparaissent, les studios ne sont pas encore majors ─ mais cela ne saurait tarder.

ÉPISODE 3, SAISON 1

_Par Marc Cerisuelo (historien, philosophe)

HEROES. Parmi les assistants de griffith, un homme

Erich von Stroheim

robuste d’une trentaine d’années ne manque pas d’attirer la curiosité : le crâne déjà dégarni, un monocle ostensiblement affiché et un curriculum impeccable. Si on l’en croit, son père était un officier de l’armée autrichienne et sa mère une dame de compagnie de l’impératrice Elisabeth (si si, c’est bien elle). Il arbore fièrement port aristocratique et particule afférente : il s’appelle Erich von Stroheim. Lorsque Billy Wilder rencontra l’un de ses deux maîtres (l’autre était Lubitsch) à Hollywood, il ne put s’empêcher de s’esclaffer. Ce prétendu « von » venait de Josefstadt, le quartier juif de Vienne, et Wilder prétendait même pouvoir localiser la rue et le numéro à son seul accent…

dEXtER. Wilder resta cependant discret car Stroheim avait dû sa carrière à ce genre de mystification. Arrivé aux États-Unis en 1909, après avoir rêvé à une carrière militaire ─ il s’engagea dans l’armée autrichienne, puis fut considéré « inapte, incapable de porter les armes » ─, exercé mille métiers, s’être marié, avoir divorcé et peut-être tué un homme, il se retrouve à Hollywood en 1914. Il décline sa biographie ─ celle de « von » ─, devient conseiller technique pour les uniformes et les décorations, domaines où, sans doute aiguisée par la frustration, sa science faisait merveille.

FREAKS ANd GEEKS. Son physique patibulaire attire l’attention de griffith (et d’autres cinéastes), il devient l’affreux, « le Boche parmi nous », celui qui balance un enfant français par la fenêtre dans Cœurs du monde (D.W. griffith, 1918) : il est désormais et pour l’éternité « l’homme que vous aimeriez haïr ». Il réalise son premier film en 1919 et le succès de Maris aveugles lui permet d’imposer la figure de l’acteur-cinéaste dans le drame, alors qu’elle semblait réservée aux maîtres du burlesque, de Charlie Chaplin à Buster Keaton. Stroheim impose sa marque pendant une décennie où, pour reprendre en l’inversant le mot de Jean Cocteau, il ne saura pas vraiment jusqu’où on peut aller trop loin.

24 HEURES CHRONO. Il réalise des films de huit heures, pousse la maniaquerie jusqu’à faire retentir les sonnettes dans sa reconstitution de l’Hôtel de Paris de Monte-Carlo pour Folies de femmes (alors que le film est muet) et à exiger que les culottes des officiers autrichiens soient affublés de l’aigle à deux têtes des Habsbourg (mais les soldats resteront en uniformes). Il dépense un argent fou, en fait gagner bien davantage (notamment à Universal, le premier des géants, créé par Carl Laemmle qui ouvrit Universal City dès 1915), mais brûle ses ailes peu à peu : à la fin, les caméras tournaient vingt-quatre heures par jour et les figurants qui sortaient des nuits de débauche étaient tout de même dans un drôle d’état ─ non, je n’y étais pas, mais je le regretterai toujours. Nouvelle saison d’Hollywood Stories à suivre le mois prochain dans Trois Couleurs.

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82 SEX TAPE // L’INSTANT éROTIQUE

Sam jones © Warner Bros Pictures 2009

POULE POSITION

Qui de l’œuf ou de la poule saura débrouiller les événements d’une nuit trop arrosée à Las Vegas ? Rude réveil pour quatre cocos, partis enterrer une vie de garçon dans la ville du péché. Au volant d’une voiture de poulets, dérobée pendant leur odyssée de la soif, ils remontent la route de leur folle nuit, parsemée de nids-de-poules. Objectif : retrouver le futur marié, porté disparu dans une suite d’hôtel. Pas poule mouillée, l’un d’eux découvre qu’il a épousé une strip-teaseuse, fière maman d’un bébé à tête d’œuf. La jolie cocotte pourrait bien changer la vie du blanc bec, qui va dorénavant pouvoir faire le coq… _S.M. Very Bad Trip de Todd Phillips. // Sortie le 24 juin.




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