éTé 2009
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CINéMA CULTURE TECHNO
by
TAHAR
RAHIM PRISONNIER MODèLE
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ÉDITEUR MK2 MULTIMÉDIA 55 RUE TRAVERSIÈRE_75012 PARIS 01 44 67 30 00 Directeur de la publication & directeur de la rédaction Elisha Karmitz (elisha.karmitz@mk2.com & troiscouleurs@mk2.com) Rédacteur en chef & chef de rubrique « culture » Auréliano Tonet (aureliano.tonet@mk2.com) Chef de rubrique « cinéma » Sandrine Marques (sandrine.marques@mk2.com) Chef de rubrique « technologies » étienne Rouillon (etienne.rouillon@mk2.com) Direction artistique Marion Dorel (marion.dorel@mk2.com) Sarah Kahn (sarah.kahn@mk2.com) Stagiaire Raphaëlle Simon Ont collaboré à ce numéro Benoit Basirico, Ève Beauvallet, Isabelle Danel, Rafik Djoumi, Pascale Dulon, Clémentine Gallot, Joseph Ghosn, Jacky Goldberg, Florian Guignandon, Donald James, Jérôme Momcilovic, Wilfried Paris, Sophie quetteville, Bernard quiriny, Juliette Reitzer, Adrien Rohard, Violaine Schütz, Bruno Verjus, Anne-Lou Vicente Illustrations Dupuy & Berberian, Sarah Kahn Photographie de couverture Nicolas Guerin Photographes Moland Fengkov (rubrique « Mot-nomaniaque »), Nicolas Guerin (dossier « Un Prophète »), Agnès Mazeau (rubrique « Alter gamo »), Denise Truscello (rubrique « Close-up ») Publicité Responsable clientèle cinéma Laure-Aphiba Kangha 01 44 67 30 13 (laure-aphiba.kangha@mk2.com) Directeur de clientèle hors captifs Daniel Defaucheux 01 44 67 68 01 (daniel.defaucheux@mk2.com) © 2009 TROIS COULEURS issn 1633-2083 / dépôt légal quatrième trimestre 2006. Toute reproduction, même partielle, de textes, photos et illustrations publiés par MK2 est interdite sans l’accord de l’auteur et de l’éditeur. Magazine gratuit // Ne pas jeter sur la voie publique
SOMMAIRE # 73 7 éDITO 8 COUP POUR COUP > Hôtel Everland 10 SCÈNE CULTE > De battre mon cœur s’est arrêté 12 PREVIEW > Achilles et la tortue
14 LES NEWS 15 CLOSE-UP > Sasha Grey 16 LE K > Bienvenue à Cadavres-les-Bains 18 KLAP ! > Copie conforme 20 MOT-NOMANIAqUE > Yas et Elia Suleiman 22 LE PROFIL FAKEBOOK DE… > Jack Black 23 UNDERGROUND > La Roux 24 LE BUZZLE > Tribute geek à Michael Jackson 26 AVATARS > New Super Mario Bros.Wii 28 BATTLE ROYALE > Sec vs mouillé
31 LE GUIDE 32 SORTIES CINé 50 SORTIES EN VILLE 62 LA CHONIqUE DE DUPUY & BERBERIAN
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DOSSIERS
64 TAHAR RAHIM // UN PROPHÈTE 70 LES FRÈRES LARRIEU VS LOUIS ARAGON 74 JACK BLACK VS MICHAEL CERA // L’AN 1
77 LE BOUDOIR 78 DVD-THÈqUE > With Gilbert & George de J. Cole 80 CD-THÈqUE > The Fiery Furnaces 82 BIBLIOTHÈqUE > Georges Simenon 84 BD-THÈqUE > Comics Vinyls 86 LUDOTHÈqUE > Battlefield Heroes 88 COMIC-STRIP > Cinq Petits Cochons 89 HOLLYWOOD STORIES > Les Rejetons, épisode 1 90 SEX TAPE > Brüno
ÉD I TO
PROPHèTES EN LEUR PAYS Alors inconnu du grand public, Tahar Rahim irradiait en mai dernier à Cannes, où la critique a salué en lui la « révélation » du festival. Un mot adéquat, si l’on se réfère à son étymologie : une révélation est une manifestation divine qui inspire des textes sacrés aux… prophètes. quand on sait que Tahar Rahim a précisément été « révélé » par Jacques Audiard dans le film Un Prophète, on se dit qu’il avait, avec le destin, un vrai rendez-vous. Toujours attentif aux talents émergents, Trois Couleurs ne pouvait manquer la rencontre avec le jeune prodige, dont le charisme et le naturel séduisent immédiatement. « Prisonnier modèle », titronsnous en référence à son rôle de détenu qui devient un prince de la pègre, et pour sa capacité à concilier l’instinct à la composition. Tahar Rahim n’est pas qu’une «nature», il construit ses personnages avec acuité. Sa présence entre en résonnance avec la définition que donne le cinéaste Robert Bresson du « modèle » : « Enfermé dans sa mystérieuse apparence. Il a ramené à lui tout ce qui, de lui, était dehors. Il est là, derrière ce front, ces joues. » En passe de compter parmi les acteurs les plus importants de sa génération, Tahar Rahim est venu percuter le cinéma français de plein fouet, comme une comète. La même dont l’impact avec la Terre condamnait l’humanité dans le film La Fin du monde d’Abel Gance qui, bien que réalisé en 1931, réservait de sidérantes scènes d’orgies collectives. quatre-vingt ans plus tard, les frères Larrieu annoncent à leur tour l’Apocalypse dans Les Derniers Jours du monde, notre coup de cœur à la rédaction. Nous avons eu envie d’échanger avec le duo à l’origine de cette fiction totale, d’une ambition formelle, poétique et romanesque sidérante.
« Être prophète, c'est avoir la parole dans l'image », écrit le philosophe Armand Abécassis. La parole dans l’image ? Définition du cinéma par excellence. Christophe Honoré, John Sayles, Eran Merav, Elia Suleiman ou quentin Tarantino portent cette parole haute. Nous vous prédisons, à leurs côtés, un été très cinéphile. _Sandrine Marques
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© Vaudoo - Œuvre : Laurent Grasso - Photo : Maxime Schaal
COUP POUR COUP /// TAPAGE, RATTRAPAGE, DéCRYPTAGE
Le restaurant Nomiya, en haut du Palais de Tokyo
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L’ART EST POSSIbLE PARTOUT RÉVOLUTION DE PALAIS
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C’est définitivement « the roof to be ». Sur ce toit-là, on distingue la tour Eiffel, mais on aperçoit surtout une once de subversion. Depuis deux ans, le Palais de Tokyo ouvre à l’art contemporain sa vue imprenable. Hôtel Everland d’abord, une capsule nocturne à l’esthétique décriée, puis Nomiya, un restaurant perché. Face aux critiques, le directeur du Palais de Tokyo, MARC-OLIVIER WAHLER, prend de l’altitude. _Propos recueillis par Adrien Rohard
Lors de son inauguration il y a deux ans, on a reproché à Hôtel Everland de défigurer l’urbanisme. Regrettez-vous cette polémique ? Non, la polémique est un excellent moyen de nous faire entendre. C’est vrai que des voisins se sont étonnés de cette architecture et de l’emplacement d’Everland, sur le toit. Mais dès lors que nous avons expliqué qu’il s’agissait d’une œuvre d’art éphémère, c’est bien l’aspect novateur de l’installation qui a pris le dessus sur les critiques.
Avez-vous la sensation d’avoir réalisé un «coup» ? Oui, j’en suis d’ailleurs très fier. Everland est une œuvre de Lang et baumann qui nous a permis de rencontrer un succès international, tel que nous n’en avions jamais connu. Au-delà, cela prouve que nous sommes au service des artistes et qu’il était possible de les laisser s’exprimer dans des lieux surprenants.
Hôtel Everland, censé être une œuvre d’art éphémère, devient un restaurant. N’y a-t-il pas là une contradiction ? À mon sens, la caractéristique de l’œuvre d’art réside dans l’ambition de montrer que le lieu d’art est possible partout. Hôtel Everland est en soi une œuvre d’art et un hôtel. Puis cette œuvre d’art s’utilise comme un restaurant, au même endroit, sur le toit du Palais de Tokyo. Ce n’est pas contradictoire, c’est une logique additionnelle. Le toit du palais de Tokyo va donc demeurer un espace d’exposition à part entière… D’exposition et de réflexion. Après Nomiya qui est une œuvre de Laurent Grasso, il y aura d’autres projets. Nous sommes en train d’y penser avec les artistes : casino, jacuzzi, bar à cigares, héliport… tout est possible !
NOMIYA // Réservations tous les jours à 10h du matin. Déjeuner ou dîner jusqu’à 12 personnes sur www.art-home-electrolux.com/fr
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SCèNE CULTE /// DE BATTRE MON CœUR S’EST ARRêTé
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HAuT-LE-CŒuR LE PITCH Tom (Romain Duris), jeune homme sans scrupules, fait des combines véreuses dans l’immobilier avec son père Robert (Niels Arestrup). Lors d’un déjeuner, Robert lui présente sa future femme, Chris (Emmanuelle Devos), et les laisse en tête-à-tête quelques instants. Mais Tom va se montrer plutôt méfiant…
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CHRIS [Souriante] : Alors c’est vous le fils de Robert… TOM [Narquois] : Hé ouais. Vous faites quoi dans la vie ?
CHRIS : Des photos. Des photos de catalogue. Je fais de la pub aussi, enfin j’essaie : ce matin, j’ai passé un casting.
CHRIS [Contrariée] : bah non ! Christine ! Vous vous foutez de moi là ou quoi ? Qu’est-ce que je vous ai fait, pourquoi vous vous foutez de moi ? TOM [Tout sourire] : Ça va, je plaisantais ! C’est sérieux avec Robert ? CHRIS [Le regard fuyant] : Oui, je crois. Enfin, je sais pas, on se connaît pas depuis longtemps… On sort, on s’amuse, il me fait rire, il me présente des gens. TOM : Écoute, j’aime beaucoup mon père, et je voudrais pas qu’il se monte la tête pour rien. J’ai pas envie de recoller les morceaux après, tu comprends ? ROBERT [En revenant] : Vous avez commandé ?
TOM : Ça doit être dur la concurrence, hein ? [Il ne la laisse pas répondre] bah oui, avec toutes ces filles de l’Est.
ROBERT [À Chris] : bon. Tu commandes, j’arrive.
CHRIS [Offusquée] : Pourquoi de l’Est ?
ROBERT [Devant l’entrée du café] : Pourquoi tu te tires ?
TOM : J’sais pas, comme ça. On m’avait dit.
TOM : J’avais un rendez-vous, j’ai oublié.
CHRIS : Et vous, vous êtes dans l’immobilier, comme Robert ? TOM : Ouais. CHRIS : Et ça marche ? TOM : Ça va. Je me demandais : Chris, c’est le diminutif de quoi ? Yvonne ?
TOM [Se lève] : Moi il faut que j’y aille. Salut.
ROBERT : Alors, qu’est-ce que t’en penses ? Comment tu la trouves ? TOM [Rire gêné] : C’est toi qui va te marier, pas moi ! ROBERT : Je sais, mais qu’est-ce que t’en penses ? TOM : C’est une pute, papa !
Un film de Jacques Audiard Scénario de Jacques Audiard et Tonino Benacquista, 2004, DVD disponible chez UGC Vidéo.
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12 PREVIEW
ACHILLES ET LA TORTUE Après de récentes embardées expérimentales (Takeshis’, Glory to The Filmmaker !) où il dynamitait le récit traditionnel, TAKESHI KITANO revient à une forme de cinéma plus narratif avec Achilles et la tortue. Découvert l’an dernier au festival de Thessalonique, le film s’ouvre sur un dessin animé dans lequel Achilles défie une tortue à la course. Supériorité de l’animal sur le guerrier, l’allégorie fonctionne à plein : toute sa vie, un peintre court après la reconnaissance. Mais, obsédé par son art, il ruine toutes ses chances de succès et de bonheur. Dans le rôle de l’artiste maudit, période mature, Kitano bouleverse dans un film-miroir tendre et burlesque sur les affres de la création, qui marque sa sortie de crise artistique. _Sandrine Marques Sortie le 16 septembre 2009
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LES
NEWS
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SECOUEZ, AGITEZ, SAVOUREZ : L’ACTU CINÉ, CULTURE, TECHNO FRAÎCHEMENT PRESSÉE
CLOSE-UP
© Denise Truscello / Corbis
À l’affiche du glacial Girlfriend Experience de Steven Soderbergh, qui l’a repérée pour son « approche unique du porno », SASHA GREY réconcilie godes et Godard, tennis et pénis – et autres coquineries. Lorsqu'on demande à Sasha Grey – qui voulait initialement se faire appeler Anna Karina sur les plateaux de X – pour quelle raison elle admire autant l’auteur de Pierrot le fou, elle répond avec malice : « Godard aime le tennis, et le tennis, c'est cool. » une telle désinvolture face à ce totem cinéphilique est le signe d'une intelligence plutôt rare dans le milieu du porno, où la Californienne de 21 ans a déjà frappé plus de 160 fois – tout de même. Visage d'albâtre, regard profond, Sasha joue une escort-girl de luxe dans Girlfriend Experience, et y déploie un talent pour la comédie que laissaient déjà transparaître ses performances les plus outrageuses (voir I'm a Big Girl Now #6). Elle nous dit vouloir continuer à « travailler dans les deux domaines » ; espérons, dans ce cas, qu'elle n'arrive trop vite à bout de souffle. _Jacky Goldberg // Girlfriend Experience, en salles depuis le 8 juillet. Lire l’interview de Sasha Grey sur mk2.com
16 NEWS /// POLéMIqUE
K
LE
IL Y A CEUX QU’ IL ÉNERVE ET CEUX QUI LE VÉNèRENT À la sortie de la projection, deux spectateurs discutent du film Bienvenue à Cadavres-les-Bains de WOLFGANG MURNBERGER… «- On va manger un bout chez KFC ? - Très drôle. Je me demande comment tu peux encore avoir faim après ce polar perdu au fin fond de l’Autriche, avec de la chair humaine cuisinée aux petits oignons, des doigts coupés et des os broyés pour nourrir des poulets bio… - Tu t’attendais à voir un remake autrichien de Bienvenue chez les Chtis, ou quoi ? - C’est sûr que le titre français est plus ragoûtant que le titre original, L’Homme aux os… N’empêche, je trouve ce bouillon de comédie, d’horreur et de thriller un peu brouillon : le bordel turco-ukrainien, les voyous, le quadra enquêteur à la recherche des mauvais payeurs, le désosseur de poulets… L’intrigue part dans tous les sens, non ? - Oui, c’est trash et loufoque, et alors ? La tonalité cocasse, artificielle et débridée est assumée de bout en bout, avec ce qu’il faut de rebondissements pour épicer le récit… - Mouais, j’ai surtout l’impression d’avoir fricassé ma soirée, là… - C’est le troisième volet au cinéma des aventures de Simon Brenner, un détective raté superbement interprété par Josef Hader, et inventé par un romancier novateur, Wolf Haas. On est en terrain connu et inconnu, chez une Agatha Christie braque aux faux airs de frères Coen – c’est moderne, et pour adultes consentants. - OK, je te suis. Tu prends des wings ou des nuggets ? »
> CALÉ LA BRETAGNE Christophe Honoré a tourné son nouveau film dans sa région natale, au nez et à la coiffe de ceux qui pensaient qu’il était un cinéaste parisien. Même retour aux sources pour Miossec et Yann Tiersen avec l’album Finistériens, composé à quatre mains. belle galette.
>> DÉCALÉ LE PAYS BASQUE Sébastien Tellier rêvait de « Biarritz en été » ; les frères Larrieu, eux, l’imaginent dévasté dans leur film Les Derniers Jours du monde. Décor apocalyptique d’un superbe récit picaresque, la patrie de Lizarazu a de quoi mettre les nerfs en pelote. Hauts, les basques !
>>> RECALÉ LA CORSE Le député uMP corse Gandolfi-Scheit dénonce la représentation raciste de sa communauté dans Un Prophète de Jacques Audiard, après les déclarations du scénariste Abdel Raouf Dafri pour qui « les Arabes ne sont pas bienvenus en Corse ». L’île de beauté ?
Distribution : MK2 Diffusion // Autriche, 2009, 2h04 // Sortie le 2 septembre Retrouvez l’interview du réalisateur sur mk2.com.
LA RÉPLIQUE
« - QUEL EST LE NOM DU BÉBÉ ? - J’AI DÉCIDÉ DE LUI DONNER UN PRÉNOM TRADITIONNEL AFRICAIN : O.J. » (BRÜNO, EN SALLES LE 22 JUILLET)
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© Laurent Thurin Nal
18 NEWS /// KLAP ! /// ZOOM SUR UN TOURNAGE
VOYAGE EN ITALIE Avec Copie conforme, ABBAS KIAROSTAMI tourne son premier long métrage hors de l’Iran, variation picturale et amoureuse sur la question du simulacre. _Par Juliette Reitzer
Lucignano, village de 3000 âmes au cœur de la campagne toscane, est l’arène qu’a choisie le cinéaste pour filmer une troublante histoire d’amour. un spécialiste de la copie dans l’art (le baryton anglais William Shimell, dont c’est le premier film) rencontre une galeriste (Juliette binoche) et la suit pour une courte escapade. Ensemble, ils tournent autour d’une question : comment distinguer le vrai du faux, en art comme en amour ? Avec une cinquantaine de techniciens iraniens, italiens, belges et français, Kiarostami a investi les lieux pour six semaines,
jusqu’au 19 juillet. On comprend que l’Iranien ait cherché longtemps avant de trouver l’endroit idéal : de forme circulaire, le village n’est que lumière et vieilles pierres, parfois ajoutées en trompel’œil à l’aide de photographies agrandies, placardées aux murs des maisons. La caméra tourne autour des comédiens dans de longs travellings, peutêtre pour étourdir le spectateur et distancer le rationnel – comme souvent chez Kiarostami. un réalisateur très serein sur le tournage, qui laisse l’imprévu s’immiscer dans son film, changeant les dialogues d’un jour à l’autre, et choisissant d’intégrer au plan telle passante chargée de fleurs qu’il aperçoit au loin. Le soir, alors que l’équipe dîne, il rejoint son fils cadet avec lequel il monte au fur et à mesure cette escapade italienne tout en courbes et en mystères, à découvrir début 2010.
INDISCRETS DE TOURNAGE M. Night Shyamalan tourne Le Dernier Maître de l'air, adaptation de la série animée Avatar. Au casting, Dev Patel, l’acteur de Slumdog Millionaire, et un jeune prodige du kung-fu, Noah Ringer (12 ans à peine !), qui devra lutter contre la « Nation du Feu ». Après Et toi t’es sur qui ?, la jeune Lola Doillon réunit Kristin Scott Thomas et Pio Marmaï dans un face-à-face entre kidnappeur et kidnappée, intitulé provisoirement Sous ton emprise. Le tournage débute fin juillet entre Paris et Angoulême. Récompensé par l’Oscar du meilleur documentaire en 2008, l’Américain Alex Gibney tourne actuellement un documentaire autour du retour du cycliste Lance Armstrong sur le Tour de France, sa course fétiche, après trois ans et demi d'absence.
LA TECHNIQUE LE « PIPELINE » Nerf de la guerre du cinéma d’animation 3D, le « pipeline » désigne le « tuyau » dans lequel circule l’image, du premier stade de création au produit fini. L’organisation de cette chaîne est cruciale afin que chaque département (personnages, décors, textures, lumière, effets de particule, etc.) puisse corriger ou valider le plan au bon moment. Pour le film Là-haut, Pixar a dû réviser son pipeline en raison de la complexité des effets de tissu sur les personnages. Quant à Steven Spielberg et Peter Jackson, ils ont décidé de se lancer dans l’adaptation des Tintin après avoir visité le pipeline créé par James Cameron pour son prochain film Avatar. _R.D. // Pour en savoir plus : http://www.pixar.com/howwedoit/index.html éTé 2009
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20 NEWS /// INTERVIEW MOT-NOMANIAqUE
L’ENTRETIEN QUI PART DANS TOUS LES SENS (DU TERME)
VIS-À-VIES Il est Palestinien – elle, Libanaise. Il est cinéaste – elle, musicienne. Il sort son troisième long métrage, Le Temps qu’il reste – elle, son premier album solo, Arabology. Lui déploie un burlesque minimal et subtilement politique, entre Keaton et Kitano ; elle chante en arabe sur de l’électro-pop bichonnée par Mirwais. Tous deux vivent ensemble, à Paris. ELIA SULEIMAN et YAS nous racontent leur quotidien doublement créatif, en un mot : vie.
© Moland Fengkov
_Propos recueillis par Auréliano Tonet
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lia, pourquoi avoir choisi la reprise par Yas de Stayin’ Alive en clôture de votre film Le Temps qu’il reste ? Elia Suleiman : un jour, Yas est rentrée à la maison avec le remix de cette chanson des bee Gees. J’ai tout de suite su que ce serait le générique. C’est un ajout poétique au propos du film : Stayin’ Alive devient un commentaire éminemment politique sur tout ce qu’on a vu avant le générique, et sur tout ce qui peut se passer après. Yas : Je bossais avec mon producteur, Mirwais, sur les chansons de mon futur album. En marge de nos sessions, il travaillait sur ce morceau pour une publicité. Il m’a demandé de faire une voix témoin, et a aimé mon interprétation. Puis Elia a entendu le remix… C’était comme une coïncidence. Elia : Sur chaque film, il y a des choses qui apparaissent au montage, comme échappées d’un cosmos sans gravité. La présence de Stayin’ Alive fait partie de ces atterrissements cosmiques. Être ouvert, quand on est artiste, c’est renoncer à vouloir contrôler son œuvre de A à Z. On ne peut pas empêcher un oiseau de passer devant la caméra. « La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c’est la littérature », écrit Marcel Proust. Votre art est-il d’essence autobiographique ? Elia : Pour moi, le cinéma est un mode de vie. Le Temps qu’il reste, c’est évidemment le temps qu’il reste à vivre, d’un point de vue à la fois cosmique et intime – j’y aborde, de biais, certains de mes souvenirs, la vieillesse de mes parents, etc. Disons que c’est un « autoportrait semi-biographique ». Je pense que tout art est une tentative d’appropriation : on peut faire un film très personnel sur l’Amazonie, sans jamais y avoir vécu. Yas : Mon disque n’est pas autobiographique, ou alors de manière détournée. J’ai imaginé des situations et des personnages, en jouant sur la langue arabe, les idiomes, les niveaux de lectures. Vivre aux côtés d’Elia nourrit également mon travail. Il me pousse à être plus souple, plus exigeante, plus curieuse.
« MA PALESTINE EST UNE PALESTINE ERRANTE. » ELIA SULEIMAN Elia : Je ne cuisine pas entre deux scènes, j’écris mes scènes entre deux plats, nuance ! [rires] Elia, vous avez grandi en Palestine, vous Yas, au Liban. Vous vivez cependant tous deux à Paris et menez donc, en un sens, une double vie : comment cet exil irrigue-t-il vos œuvres ? Elia : Le sous-titre du Temps qu’il reste – « Chronique d’un présent-absent » – est un terme extrêmement politique. Il désigne les Palestiniens qui sont restés sur leurs propres terres après 1948 : on ne voulait pas qu’ils restent, mais comme Israël a dû arrêter d’exiler les gens, environ 150 000 d’entre eux sont restés. Je me suis approprié ce terme en faisant du narrateur un présent-absent, à la fois insider et outsider. À partir du moment où être étranger devient un privilège, voire un luxe, on devient selon moi un « parfait étranger » : l’altérité apparaît comme une expérience érotique. De mon point de vue, faire un film sur la Palestine, c’est faire un film sur toutes les Palestine du monde. Ma Palestine est une Palestine errante. Yas : Pour ma part, j’essaie de sortir de moi-même, de me détacher de ce que j’aime – la musique arabe –, d’expérimenter avec ses formes. Arabology est né de ma rencontre avec Mirwais. Il m’a amenée, musicalement, là où je ne serais jamais allée. Je fais en sorte de prendre ce que je peux des différents endroits où j’ai vécu – expressions, accents, situations, etc. –, mais je ne ressens pas le besoin d’appartenir à un endroit en particulier. Comment concilier vie commune et création ? Yas : Je suis très possessive et timide en ce qui concerne mon travail. Je ne voulais pas, par exemple, qu’Elia écoute les chansons avant qu’elles ne soient totalement finies…
Yas, la production de votre disque est très épurée : un beat, quelques claviers, votre voix… Elia, vos gags, vos mouvements de caméras, vos dialogues sont, de même, très dépouillés. Diriez-vous que vous partagez une esthétique du minimum vital ? Elia : Nous vivons ensemble, et partageons donc nécessairement beaucoup de points de vue, à commencer par la manière de décorer notre maison. Cependant, Yas a une approche plus intuitive que moi. Je fonctionne de manière plus existentielle, plus méditative. Il m’arrive de fixer pendant des heures une série de post-it accrochée au mur, comme un somnambule, en essayant d’y voir plus clair dans mon scénario ; si elle est de passage, Yas trouve la solution au premier coup d’œil.
Elia : La première fois que je les ai entendues, j’ai dansé jusqu’à ce que les voisins viennent sonner à la porte ! [rires] Yas est créditée comme consultante musicale du Temps qu’il reste, mais entre Yas et moi, c’est une collaboration totale – même les séances de cuisine sont devenues des moments de réflexion artistique.
Yas : Quand il regarde son mur, je peux passer dix fois sous ses yeux sans qu’il ne me remarque ! Parfois, il plaque brutalement ses post-it, va s’acheter un lapin, et cuisine pendant des heures.
Elia : C’est pourquoi je ne cesse de lui réclamer un pourcentage sur les droits de son disque !
Yas : beaucoup de chansons sont inspirées par Elia, par certaines de ses expressions, sans qu’il le sache. Lorsque sa famille nous rend visite, je sors mon stylo et mon agenda, et je prends des notes.
Yas : [rires] Et moi sur ceux de son film !
Lire la critique du Temps qu’il reste p.38. Arabology de Yas (AZ), déjà disponible.
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22 NEWS /// LE PROFIL
DE...
23 NEWS /// UNDERGROUND /// DÉJà CULTE, BIENTôT DANS LES BACS
ROuX LIBRE Mi-garçon manqué, mi-fille réussie, la jeune anglaise LA ROUX fait tourner les têtes et bouger les corps avec un premier album d'électro-pop mélancolique, aux douces accointances 1980's. _Par Violaine Schütz
Mèche rousse et rebelle, yeux de chat, lèvres boudeuses, Elly Jackson, plus connue sous le nom de La Roux, doit en briser des cœurs... Et pourtant, c'est le sien, meurtri pour une jeune fille de 21 ans, qu'elle met à nu dans un premier album aussi dansant que touchant. « Ce disque a été inspiré par une seule et même histoire d'amour. Je voulais renouer avec l'émotion nue des disques de Nick Drake que mon père [scénariste et homme au foyer, ndlr] m'a fait découvrir petite, tout en y insufflant l'énergie dancefloor que j'ai découverte en sortant dans les raves de Londres, ado. » Pari réussi pour la rouquine, dont la voix de falsetto, toujours à la limite entre le faux et la justesse sublime des sentiments, bouleverse autant que les cordes sensibles d'une guitare folk 1970's. Mais il y a chez ce brin de femme des années fluos quelque chose qui n'appartient qu'aux géants des 1980's, ceux qui excellaient dans le registre des hymnes synthétiques mélancoliques : Depeche Mode et New Order. « Je leur ai piqué ce sens des mélodies fragiles qui s'est un peu perdu à l'heure du tout calibré. Les Metronomy ont ça mais ne seront jamais numéro un. J'essaie à mon petit niveau d'insuffler un peu d'intime dans la musique de danse. Je suis un peu l'anti-Lady Gaga ! » Parions que, pour Elly, la roue de la hype tournera un poil moins vite que pour sa rivale platinée… La Roux de La Roux (Polydor / Universal)
COPIER COLLER >> Avec Music for Men, la belle beth (Ditto) de The Gossip fait ronronner sa soul de riot-grrrls sur une litière post-punk, pour faire venir les matous sur la piste.
>> Le groupe semble de mèche avec le bowie de Heroes (1977) : épis punk et houppette discofunk y sont sculptés par un même gel rigoriste.
LE MYSPACE CHARTS DE LA RÉDACTION BOY CRISIS – L’Homme – 135 219 lectures http://www.myspace.com/boycrisis Proches de MGMT, ces New-Yorkais mettent en crise la masculinité sur une flopée de tubes électro-pop. Vivement l’album.
JARVIS COCKER – Angela – 74 087 lectures http://www.myspace.com/jarvspace Avec ce beau deuxième effort solo, Jarvis pressurise le rock jusqu’au trognon : mûr, acide et sans la moindre pulpe disco-glam.
DIRTY PROJECTORS – Stillness is the Move – 51 829 lectures http://www.myspace.com/dirtyprojectors Désynchronisation des doigts et des voix, étagères de sons et de sens, syncopes de rythmes et de mélodies : leur Bitte Orca est, déjà, le disque de 2009.
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24 NEWS /// LE BUZZLE
LE NET EN MOINS FLOU _Par étienne Rouillon
BUZZ’ART
STATUTS QUOTES Sélection des meilleurs statuts publiés le mois dernier sur
FACEBOOK. Laurent : <http://www.facebook.com/laure nt.sarfati?ref=nf> Je vends des billets de concert pour aller voir Michael Jackson à Londres en juillet. bien placés. Julien a fait vœu de chasse c't'été. Christophe : Ça meurt pas des masses aujourd’hui… Nassim : C’est parce que l’aigle est très haut qu’il pisse sur la hyène. Harry : Who's that gnocchi on my door ?
SMOOTH CRIMINALS L’hommage le plus barré rendu à MICHAEL JACKSON ? Celui des brigands danseurs d’une prison philippine, coqueluches du Net depuis leur chorégraphie carcérale de Thriller… un corps sain dans un esprit sain en dansant sur du Michael, c’est le leitmotiv antithétique de byron Garcia, directeur du centre de détention de la province de Cebu, dans l’archipel des Philippines. La promenade dansée de ses prisonniers est un rendez-vous mensuel prisé par les internautes. Ils sont près de 30 millions à être tombés en arrêt devant la vidéo du remake guantanamesque de Thriller, avec dans le rôle du couple deux ex-dealers bien poudrés pour la parade. Deux jours après la mort de leur muse, matons et mauvais garçons
ont organisé un medley hommage au chanteur de Bad. une goute d’art dans les vases communiquant de Jackson et du Net, qui époussette les vieux dossiers : Michael pose avec un maillot de l’OGC Nice, Michael et l’attaque du cola rhinophobe, Michael rafistolé, Michael odieusement tatoué sur l’avant bras de fans... Mention spéciale pour le poster présentant un bébé soulagé d’annoncer : « MJ is dead, now I’m safe. »
Julien : Facebook : un joli coin de fiel bleu. Aurélien : Fin gourmet finira gros. Christophe : Réplique de l'année : « Nous avons fais l'amour 23 jours de suite, j'ai vu plus de plafonds que Michel-Ange. » (Linette Scavo) Christophe : Pina bausch, le moonwalk c’était visiblement pas son truc… Rebecca : David Carradinne a trop tiré sur la corde. Olivier : celui qui se lève tard ne voit jamais la tortue se brosser les dents le matin. (proverbe africain) Julien : Entre aigri clair /aigri foncedé.
Les portes du pénitencier s’ouvrent sur : http://www.youtube.com/watch?v=OK2 5cfzdTTg
APPLIS MOBILES THE CONVERTER Pour ne pas être à côté de ses pompes en shopping à l’étranger, ce convertisseur traduit les pointures de sabots, devises ou volumes d’alcool locaux. De quoi faire les pieds aux arnaqueurs de tous poils. Plateforme : iPhone et iPod touch // Prix : 0,79 €
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MÉTÉO DES PLAGES Cul nu ou combinaison intégrale en gras de phoque ? Avant de tremper aveuglément l’orteil dans l’eau salée, titillez votre téléphone du pouce pour prendre la température, l’indice uV ou la force du vent de près de 150 plages. Plateforme : iPhone et iPod touch // Prix : 0,79 €
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MAL BUZZÉ
BUZZONS FUTÉS MINI-TELL ROSE Les bonnes poires snobées par les bonnes meufs ont désormais leur icône… En marge d’une avant-première de Transformers 2 à Londres, un jeune fan tend une fleur à l’actrice Megan Fox. La mignonne n’est pas allée voir si la rose était à son teint pareil et passe son chemin. Fox – qui est à la blogosphère ce que fut Pamela Anderson au porno papier – cristallise alors la frustration geek qui fait du « Rose boy » son Guillaume Tell. La firme Kodak offre 5000 $ à qui retrouvera Rose boy et organise une rencontre avec sa pépée, servie sur un plateau télé. Rose boy (alias Harvey, 11 ans) est retrouvé par un Canadien, via Facebook. Il est attendu le vendredi 26 juin dans l’émission Today Show, le lendemain du décès de Michael Jackson. Les retrouvailles sont déprogrammées à la dernière minute au profit d’un numéro spécial consacré à bambi. Pas de pot pour Rose boy.
ZIGOMATRIQUE Le tube de l’été, c’est la teub de pépé. Francky Vincent revient avec Tu veux mon zizi, qui nous la zigouille. Fils d’un mécano et d’une tapissière, Francky Vincent s’est fait un nom en brodant sur sa virile mécanique. Le Guadeloupéen découvre ses attributs en 1978 avec La Braguette d’or, avant d’enfiler des titres taillés sur mesure : Alice ça glisse, Fruit de la passion, Tu pues du cul… Ce macrocosme crade séduit universal, qui décide de relancer cet été la carrière du « Doc Porno » avec un single effrayant : Tu veux mon zizi. Près de 100 000 internautes ont déjà subi sa logorrhée aussi irritante que du sable dans les chaussettes. Mithridatisez-vous contre le poison de l’été sur : http://www.myspace.com/franckyvincentcebon
Geek
- [gi:k] n.m.
MOT @ MOT
(Du patois alémanique «gicque» qui désigne, dès le XVIIIème siècle, des bêtes de foire et des fous) 1. Individu restreignant ses interactions sociales afin de maximiser le temps dévolu à la compilation de données glanées sur Internet, relatives à un art ou une technique. «Au mois de juin, les beaux gosses muent en geeks du bachot.» 2. À l’instar de la femme à barbe, homme politique mis à l’écart d’un gouvernement en raison d’un comportement obsessionnel qui fout la pétoche aux collègues. «François Fillon avoue être un geek high-tech dans le numéro 283 du magazine SVM.»
éTé 2009
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26 NEWS /// AVATARS /// DANS LA PEAU D’UN HÉROS DE JEU VIDÉO…
DÉMO LISSEUR Nintendo vote pour le parti démo-crade avec un système de pilote automatique qui lisse la difficulté du prochain New Super Mario Bros. Wii. De quoi mettre la tuyauterie du plombier italien en berne. Mario, le seigneur senior de la Gameboy, s’exprime dans nos colonnes.
ALTER GAMO
_Par étienne Rouillon
« JEUX interdits pour les intermittents de la manette, mes premières aventures réclamaient un doigté métronomique et un sang froid reptilien. Le « Da Vinci » du jeu vidéo, mon propre père Shigeru Miyamoto, fomente pourtant contre moi une conspiration Dan brownesque : le Kind Code. DEMAIN, les feignasses qui s’essaieront au remake de mon chefd’œuvre Super Mario Bros. pourront se tourner les pouces : si un passage du jeu est trop délicat, les indélicats pourront laisser le Kind Code faire le travail à leur place et profiter d’une démo vidéo. Remarquez, si la console marne toute seule, plus d’excuse pour ne pas aller bosser le dimanche. JE milite pour prendre la vachette par les cornes et la mannette – pas le Code. Préférez la bonne idée de Nintendo : le Wii Motion Plus, éminence éminente fixée sur le pad qui redonne son lustre à ma moustache. VILAIN, le plombier ? Surement bouché à une ouverture sur la rupture du jeu tranquille. Reste que les mollassons, adeptes des parties clés en main, goûteront de ma clé à molette. » New Super Mario Bros. Wii // éditeur : Nintendo // Plateforme : Wii (disponible fin 2009) Wii MotionPlus disponible le 24 juillet (lire la critique p.87)
RÉTRO GAMO LUNE ÉTHIQUE
Adaptées du film éponyme, les chorégraphies sur console de Moonwalker font de Michael Jackson une arme létale au service d’enfants kidnappés. Un ballet philanthropique au son des singles de Bad et Thriller, étonnamment efficaces une fois synthétisés à la moulinette 8bits. Megadrive, Amstrad CPC, Commodore 64 // Sega // Date de sortie : 1990
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SKANDER, 29 ANS, ARTISTE « Je joue depuis tout petit et je suis resté un grand enfant… Même quand je travaille, je joue à la DS dans le métro ! J’aime les jeux de baston et je choisis toujours des personnages féminins – ici, Ivy dans Soul Calibur – car quand je gagne, mes potes qui sont de gros machos ont les boules de se faire battre par une fille. » Envoyez-nous votre photo et celle de votre avatar à troiscouleurs@mk2.com, nous publierons les meilleures.
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28 NEWS /// BATTLE ROYALE
LE CLASH
SECVS MOuILLÉ En éventail ou en pieds palmés, quelle que soit votre pointure, voici un festival estival de gadgets engageants. D’un côté, les adeptes de la PLAGE rivaliseront de technologie sans grain de sable. De l’autre, les SOUS-MARINS malins pourront clapoter sans tout faire capoter. Choisissez votre camp (de vacances). _Par étienne Rouillon
LES PIEDS DANS LE SABLE MERDE EN BOÎTE : Si vous ne pouvez pas vous passer de la selle pour vos selles, la Shit box est l’oasis du transit nomade. Entre les dunes, vous pourrez poser votre lune sur ces toilettes en carton pliable, équipées de petits sacs jetables (2,30 € les dix). Shit Box, 18,50 € www.firebox.com
PETIT FOUR : Parce que les prix de la paillotte vous mettent sur la paille, faites-vous une pizza sur le bout du capot. Ce four de poche se branche sur l’allume-cigare d’une voiture. Si ça rentre, vous pourrez cuire ou réchauffer de quoi tenir jusqu’au bain de minuit. Porta-pizza oven, 25,50 € www.stupidiotic.com
BIP-BIP COYOTE : Soyez chacal en déterrant les trésors perdus des juilletistes et aoûtiens. Jogging bling-bling avec ces chaussures qui détectent le métal enfoui sous le sable. Pelle et intégrité vendues séparément. Metal Detecting Sandals, 42,50 € www.hammacher.com
L’OUTSIDER LES JAMBES EN L’AIR Le meilleur ami de l’homme reste, comme tout bon pote, un boulet pour les vacances. Si vous refusez de laisser votre clebs en rade pendant sa pause pipi sur aire d’autoroute, vous pouvez enfin le confier à mémé sans honte. Plus besoin de le promener devant son déambulateur grâce au Jog a Dog, un tapis roulant d’intérieur pour chien. Silencieux, sécurisé et auto-nettoyant, il fait de l’œil à toutes les vieilles carnes en quête de sport sans gamelle – mamie y compris. Jog a Dog Model DC7 // 2 141 € // www.jogadog.com
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1.
LA TÊTE SOUS L’EAU BLUE NOTE En plongée dans la grande bleue, bullez entre deux paliers de décompression au son de votre iPod ou iPhone grâce à cette housse étanche. Côté vidéo, les cinéphiles pourront zieuter Les Dents de la mer jusqu’à 90 mètres de profondeur. Chiche ? iDive 300, 250 € www.h2oaudio.com
LE RADEAU DE L’AMUSE-GUEULE : L’apéro en service télécommandé, pour un pique-nique en piscine. Deux moteurs électriques propulsent jusqu’à cinq verres et un plateau de chips central qui gonflera votre bouée stomacale. Radio Control Snack Float, 35,50 € www.after5catalog.com
LE PETIT POISSON VA SORTIR : Cet appareil photo ne boit pas la tasse jusqu’à 10 mètres de profondeur. 12,1 mégapixels pour immortaliser 20 000 lieues sous les mers. Résistant aux chocs et à la poussière, ce compact est vendu sans courroies adaptées à l’utilisation sous-marine. Optez donc pour le rangement slip kangourou. Illustrations S.K.
Canon PowerShot D10, 399 € www.canon.fr
LA RELÈVE LE FEU AU CUL Concept mis au point pour un concours promouvant l’usage du vélo, le Lightlane a fait une sortie de piste en crevant au bas du podium. L’engouement des internautes remet le projet en selle : une lampe située sur le porte-bagages projette une portion de piste cyclable dans le sillage de votre vélo. un bon moyen de signifier aux automobilistes qu’ils doivent garder leurs distances – plus urbain que le bras d’honneur ou le coup de pompe dans le rétro. Lightlane // www.lightlanebike.com
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LE
GUIDE CALENDRIER MALIN POUR AVENTURIER URBAIN
DU MERCREDI 22 JUILLET AU MARDI 8 SEPTEMBRE
« LA QUESTION QUE POSE MON FILM EST TOUJOURS D’ACTUALITÉ : QUI A TUÉ LE RÊVE AMÉRICAIN ? » JOHN SAYLES
P.32
SORTIES EN SALLES SORTIE LE 22 JUILLET 32 Silver City de John Sayles SORTIE LE 29 JUILLET
34 Là-haut de Pete Docter et bob Peterson SORTIE LE 5 AOÛT 36 Zion et son frère d’Eran Merav SORTIE LE 12 AOÛT
38 Le Temps qu’il reste d’Elia Suleiman SORTIE LE 19 AOÛT 40 Inglourious Basterds de Quentin Tarantino SORTIE LE 2 SEPTEMBRE 42 Non ma fille, tu n’iras pas danser de Christophe Honoré
P.32
LES AUTRES SORTIES 44 Brüno ; Victoria ; La Femme invisible ; Une Jeune Fille à la dérive ; L’Attaque du métro 123 ; Somers Town ; La Camara Oscura ; Simon Konianski ; Marching Band ; Little New York ; Joueuse ; Liverpool ; Partir ; Lili la petite sorcière ; Neuilly sa mère ! ; Demain dès l’aube ; Sri Lanka ; Memory of Love ; En terre étrangère ; La Copine de mon meilleur ami ; District 9 ; Ordinary People ; Parking ; Une Jeunesse israélienne ; Singularités d’une jeune fille blonde ; Les Regrets ; Tu n’aimeras point ; Human Zoo
48 LES ÉVÉNEMENTS MK2 Exposition Looking For Cannes Avant-première Les Regrets
SORTIES EN VILLE 50 CONCERTS Jazz à La Villette et Rock en Seine L’oreille de… Chairlift 54 CLUBBING À l’abordage du Concorde Atlantique Les nuits de… Nicolas ullman
56 EXPOS Né dans la rue – Graffiti à la Fondation Cartier Le cabinet de curiosités : le musée de la bande dessinée
58 SPECTACLES Joseph Nadj à Paris Quartier d’été Le spectacle vivant non identifié : bartabas
P.50
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RESTOS Grégory Marchand au Frenchie Le palais de… Arnaud et Jean-Marie Larrieu
32 CINÉMA
SORTIE LE
22/07
Silver City 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1...Pour la richesse d'un casting qui aligne des pointures du cinéma américain (Tim Roth, Richard Dreyfuss, Maria Bello…). 2...Pour le portrait au vitriol que John Sayles dresse, en filigrane, du « consortium » Bush. 3...Pour l'intégrité du geste de John Sayles, cinéaste moraliste et contestataire.
NON-DROIT DE CITÉ Un film de John Sayles // Avec Chris Cooper, Richard Dreyfuss… Distribution : Floris Films // États-Unis, 2004, 2h04
JOHN SAYLES continue à observer les maux de l’Amérique avec acuité, conscience et une bonne dose d’ironie. Silver City, ou l’histoire du leurre, et de l’argent du leurre… _Par Isabelle Danel
Dickie Pilager, candidat au poste de gouverneur du Colorado, pêche un cadavre alors qu’il tourne un spot électoral « écolo ». Il y gagne une enquête qui met au jour mésalliances, magouilles et mensonges. Tourné en 2004, avant la réélection de George W. bush, Silver City présente un Pilager balbutiant et manipulé par son sénateur de père, son conseiller politique roué et quelques richissimes industriels voraces. Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé étant tout à fait volontaire… Mais Silver City n’est pas qu’un pamphlet anti-Républicain déguisé en polar malin. Comme dans Lone Star (son chef-d’œuvre), le plus indépendant des réalisateurs américains traque les racines du mal qui ronge son pays : le rapport au passé, la pression familiale, les collusions politiques, les magouilles financières, l’immigration. un peu trop bavard ici, un poil tiré par les cheveux là, qu’importe : le sujet est fort, les dialogues éblouissants, les prises de position imparables et l’interprétation ébouriffante. Le plaisir d’un cinéma qui s’adresse à notre intelligence de citoyen y est constant. éTé 2009
JOHN SAYLES Pourquoi ce film ? Bien qu’il s’agisse ici de politique locale et non nationale, les scandales du régime Bush / Cheney — le contrôle de la démocratie par les entreprises, le grand mensonge technique, la dérégulation sélective qui profite aux plus gros…— ont alimenté mon propos. Plus tard, les historiens auront à évaluer les conséquences de cette politique. Il me semblait important, dans une fiction, de parler de la catastrophe au moment où nous étions en train de la vivre. Le cinéma peut-il changer le monde ? Il faut sans doute voir dans la décision de certains Américains blancs à voter pour Barack Obama la conséquence des années récentes où des réalisateurs ont enfin proposé un portrait juste des Noirs américains. Ça ne s’est pas fait en un film, mais le cinéma est un puissant élément d’échange culturel et il a un impact certain sur la façon dont les gens, et surtout les jeunes, voient le monde. Comment voyez-vous Silver City, cinq ans après l’avoir réalisé ? La question que pose le film est toujours d’actualité : qui a tué le rêve américain ?
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34 CINÉMA
SORTIE LE
29/07
Là-haut 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1...Pour l’utilisation du dentier comme arme létale de huitième catégorie dans un duel du troisième âge. 2...Parce que c’est le premier film Disney en images de synthèse relief capable de devenir un classique à l’instar d’un Blanche-Neige. 3...Parce que si vous aviez la flemme d’aller manger chez mémé ce wee-kend, ce film vous donnera envie d’y squatter toute la semaine.
HAUTPARLEURS Un film de Pete Docter et Bob Peterson // Avec les voix de Charles Aznavour, Tom Trouffier … // Distribution : Walt Disney // États-Unis, 2009, 1h35
Après Wall-E, les artistes du pixel reviennent plus gonflés que jamais avec Là-haut, une histoire de ballons perchés. Disney retrouve enfin son verbe universel – haut la main. _Par étienne Rouillon
L’équipe de Pixar (Toy Story, Monstres & Cie) joint le beau geste à la parole. Fruit d’un travail colossal à hauteur de petit homme, Là-haut est le germe trognon d’une animation en images de synthèse parvenue à maturité. Le film d’ouverture de Cannes 2009 a certes bluffé les festivaliers en les affublant de lunettes relief, mais le plus important, ce furent les larmes versées derrières les binocles. un vol planant sur le rêve fou de Carl, vieux bilieux sans attaches, qui s’envole entre quatre murs pour accomplir un voyage promis à sa défunte femme dans un monde perdu à la Conan Doyle. Seul hic : peu après le décollage, le septuagénaire s’aperçoit qu’un gamin attachant, le rondouillet Russell, s’est incrusté à bord... Le mérite de Pixar, après dix longs métrages de haute volée, c’est d’avoir un peu blasé son public : la prouesse technique à chaque sortie est devenue un minimum – gage d’une permanente évolution.
éTé 2009
Ici, c’est le relief qui épate, moins pop-corn que narratif avec une profondeur de champ exploitée pour en dire long. Les réalisateurs parlent de « simplexité » pour désigner l’écho entre la forme et la fonction de leurs personnages : tout ce qui est angulaire raconte la rigueur du passé incarné par Carl, quand les traits circulaires du boy-scout Russell disent la promesse d’une conclusion heureuse. La maitrise du faire est indissociable du dire avec une séquence d’exposition si fignolée qu’elle en devient un court métrage autonome. On pense également aux chiens qui parlent, une caractéristique habituelle du bestiaire Disney, mais cette fois-ci c’est par l’entremise d’un boitier techno fixé à leur collier. De Mickey à la souris d’ordinateur, Pixar file la métaphore pour marquer un tournant : ils pouvaient mettre en image une histoire avec brio, ils savent désormais la raconter brillamment.
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36 CINÉMA
SORTIE LE
05/08
Zion et son frère 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1...Pour découvrir Haïfa, ville natale du réalisateur, sans cliché. 2...Pour la très belle relation, déchirante et vitale, qui unit les deux frères. 3...Pour la photographie, âpre et lumineuse.
SOLEIL NOIR Un film d’Eran Merav // Avec Reuven Badalov, Ronit Elkabetz… Distribution : MK2 Diffusion // Israël, 2008, 1h24
Dans son premier long métrage, Zion et son frère, ERAN MERAV met en regard le parcours initiatique d’un jeune adolescent avec les tourments d’une société israélienne en quête d’identité. _Par Raphaëlle Simon
Dans la chaleur et la pauvreté d’Haïfa, Zion est à l’heure des choix – de ceux qui modèlent toute une vie. Il doit trouver sa place dans une famille aux repères brouillés : son grand frère Meir, protecteur et enragé, hérite du rôle du père absent et du mari possessif quand sa mère (Ronit Elkabetz, sublime) vit une seconde jeunesse. Mais un jour, Zion se fait voler ses chaussures. Meir décide de venger son frère en allant « punir » le principal suspect, un jeune Éthiopien, et tout bascule... Si personne n’enquête sur la disparition du petit immigré, Zion est poursuivi par sa conscience : doit-il tourner le dos à son aîné adoré pour chercher sa propre voie et trouver son salut ? À travers le portrait d’un homme en devenir, Eran Merav dessine au fusain néoréaliste les contradictions de la société israélienne d’aujourd’hui. une société sans refuge, accablée par un soleil pesant comme une fatalité, qui rejette ses immigrés, pour qui la vie perd sa valeur à mesure d’une guerre interminable, et qui se cherche, encore et toujours.
éTé 2009
ERAN MERAV La disparition du jeune Éthiopien était-elle un moyen de dénoncer un racisme latent en Israël ? J’ai choisi ce garçon pour montrer un outsider dans une société d’outsiders. J’aurais pu choisir un Palestinien, mais ça aurait été cliché, trop direct. Il y a 25 ans, tout le monde aurait essayé de retrouver cet enfant disparu. Mais la société israélienne a été infectée par une guerre sans fin. que représente une mort de plus, surtout celle d’un émigré ? Comment percevez-vous l’évolution du cinéma israélien ? Le cinéma israélien est moins dans la propagande et devient plus personnel : nous n’essayons plus de représenter quelque chose qui nous dépasse, nous parlons à la première personne, ce qui rend nos films plus justes. Avez-vous vu Paranoid Park de Gus Van Sant, dont la trame initiale est assez similaire ? J’ai entendu parler de ce film une semaine avant de commencer le tournage de Zion. Et c’est moi qui suis devenu paranoïaque car je pensais qu’on avait volé mon script ! Je me suis calmé une fois que j’ai vu le film, bien plus tard, car il est très différent.
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38 CINÉMA
SORTIE LE
12/08
Le Temps qu’il reste 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1...Pour le génie burlesque du digne héritier palestinien de Buster Keaton. 2...Pour l'ambition narrative d'un film qui embrasse quatre époques de la vie politique palestinienne. 3...Pour la pudeur et la puissance émotionnelle des séquences entre le héros et sa mère.
TRAGIQUE DE SITUATION Un film d’Elia Suleiman // Avec Elia Suleiman, Saleh Bakri… // Distribution : Le Pacte // Palestine, 2009, 1h45
Sept ans après le saisissant Intervention divine, ELIA SULEIMAN poursuit sa chronique burlesque et désolée du quotidien des Palestiniens d’Israël, creusant une veine à la fois plus ambitieuse et plus intime. _Par Jérôme Momcilovic
un carrefour de Nazareth, de nos jours. un char israélien barre le passage. Devant lui, un piéton s’engage sur la chaussée. Le canon du mastodonte, dans un cliquetis métallique, s’anime, pivote lentement pour coller au pas de la silhouette qui traverse, indifférente. Puis le piéton marque un arrêt et l’œil mécanique se fige. Le piéton rebrousse chemin et le canon s’active de nouveau, en sens inverse. Puis pivote encore dans l’autre sens quand le piéton change à nouveau d’avis. La scène, qui avait commencé comme une image de guerre, glisse irrésistiblement vers le burlesque, entre Tati et Tex Avery. D’abord horizontal, le gag devient vertical quand le visage de Suleiman lui-même surgit derrière un muret, diablotin dépressif et keatonien, continuant le duel absurde avec la machine. Frontière, occupation de l’espace, découpage :
éTé 2009
tout l’art de Suleiman tient dans cette manière de prendre au pied de la lettre ce lexique militaire (celui du conflit israélo-palestinien) pour lui faire retrouver un sens exclusivement cinématographique, celui de la mise en scène pure et du cinéma primitif. En cela, Le Temps qu’il reste retrouve la formule époustouflante d’Intervention divine. Le propos ici est plus ample, embrassant soixante ans d’histoire des Palestiniens d’Israël, depuis la reddition du maire de Nazareth en 1948 jusqu’à nos jours. une fresque certes vaste, mais aiguisée par un double prisme. Celui de l’intime d’abord, Suleiman racontant ici l’histoire de sa famille : le film s’ouvre sur son père qui prend les armes en 1948, et se clôt, de nos jours, avec l’image bouleversante de sa mère mutique. Celui de la scène ensuite, ce génie de précision qui résout la politique, chez Suleiman, dans un art de la métaphore burlesque d’une inventivité sidérante.
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19/08
40 CINÉMA
SORTIE LE
Inglourious Basterds 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1...Pour le jeu de Christoph Waltz, prix d’interprétation à Cannes, à la fois drôle et effrayant. 2...Pour voir valser les genres : western, film de guerre, comédie… 3...Pour la séquence du « film-attentat », superbe moment de cinéma.
GUERRE DES TRACHÉES Un film de Quentin Tarantino // Avec Brad Pitt, Christoph Waltz… // Distribution : Universal // États-Unis-Allemagne, 2008, 2h28
Avec Inglourious Basterds, montré en mai dernier à Cannes dans une version inachevée, QUENTIN TARANTINO célèbre les langages, faisant triompher les jeux de mots sur les jeux de jambes – et le cinéma sur la barbarie nazie. _Par Raphaëlle Simon
Les « basterds » sont les membres d’un commando juif américain dirigé par brad Pitt (délicieux dans sa ligne comique), venus en Europe supplicier les hauts dignitaires nazis. Parallèlement, une jeune Juive (Mélanie Laurent) élabore un attentat dans un cinéma contre ces mêmes bourreaux pour venger sa famille massacrée… Tarantino n’a rien perdu de son audace. Il fait tomber ses héros comme des mouches, et réécrit à sa sauce un des chapitres les plus sensibles de l’Histoire avec une dérision plus qu’assumée : au cours de «sa» seconde guerre mondiale, c’est rien moins que le cinéma qui tentera de sauver le monde du délire nazi... Loin des chorégraphies de Kill Bill ou des courses-poursuites de Boulevard de la mort, Inglourious Basterds n'est pas, de prime abord, un film de mouvement. Découpé en chapitres, tout en dialogues avec ses affrontements logorrhéiques en huis clos, le film prend des intonations théâtrales.
éTé 2009
bavards et monologueurs, les héros de Tarantino l’ont toujours été. Mais ici, l’art du discours est une arme fatale, quand les accents trahissent les personnages déguisés derrière des idiomes subtilisés. « QT » abuse d’ailleurs quelque peu de cet accent volubile ; moins nerveux que d’ordinaire, le rythme du récit s’essouffle parfois au fil des cinq actes cycliques, tous en deux parties (long plaidoyer / courte boucherie). Néanmoins, le spectacle n’est jamais figé. L'histoire s’ouvre sur un face-à-face entre le «chasseur de Juifs » (l’Autrichien Christoph Waltz) et un « cacheur de Juifs », façon western-spaghetti. À coups de formules manipulatrices, le SS fait avouer sa proie dans la langue de Shakespeare, pour mieux surprendre les clandestins non-anglophones cachés sous le plancher. Avant les mitraillettes, c’est la maïeutique qui achève ces victimes : Tarantino est loin d’avoir posé les armes.
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42 CINÉMA
SORTIE LE
02/09
Non ma fille, tu n’iras pas danser 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1...Pour l’impressionnante Chiara Mastroianni dans le rôle d’une mère démunie. 2...Pour retrouver Marie-Christine Barrault, interprète inoubliable de Cousin, cousine. 3...Pour une chronique familiale subtile, traversée d’élans mystiques.
AU BAL DU DIABLE Un film de Christophe Honoré // Avec Chiara Mastroianni, Marina Foïs… Distribution : Le Pacte // France, 2009, 1h45
Avec Non ma fille, tu n’iras pas danser, une chronique familiale intimiste, CHRISTOPHE HONORÉ signe son retour en Bretagne, en même temps que son film le plus féministe. _Par Sandrine Marques
« La littérature, c’est mon papa et le cinéma, ma mère, nous confie Christophe Honoré. Comme mon père est mort, la littérature se situe pour moi du côté des morts et le cinéma, du côté des vivants. » Pourtant, les fantômes hantent le nouvel opus de l’auteur. Rompant la structure d’une chronique familiale légère et tourmentée, le cinéaste introduit, en plein cœur de son récit, un conte issu de la culture populaire bretonne. À sa manière primitive, ce segment sur l’infortunée Katell Gollet, jeune fille fatale et dévoyée qui finit par danser avec le Diable, donne la clé du nouveau film de l’auteur. Comme Katell « la perdue », Léna (Chiara Mastroianni) n’arrive pas à se fixer, et élève seule ses deux enfants. Instable, elle met bientôt en péril l’équilibre de sa progéniture. Le temps d’un weekend en bretagne, la famille se retrouve sur fond de tensions qui conduisent bientôt Léna à faire un choix radical… Après sa trilogie parisienne, Christophe Honoré revient dans sa région d’origine. À l’écran, deux générations de comédiennes incarnent, avec douceur et voracité, le conflit de mères qui n’en restent pas moins des femmes. bouleversant. éTé 2009
CHRISTOPHE HONORÉ En quoi ce film vous est très personnel ? Il a été tourné en Bretagne, où j’ai vécu enfant et adolescent. Le film interroge le principe de filiation. Il y a trois ans, je suis devenu père, j’ai donc été confronté à une « maman ». C’est très différent d’observer une mère de famille qui n’est pas la vôtre. Votre film met en scène deux générations de mères défaillantes. Pourquoi ce sujet ? J’ai vu que, malgré l’émancipation des femmes, il y avait un discours ambiant, assez atroce, sur les « mauvaises mères ». Je me suis dit que c’était un sujet très moderne. Je voulais faire le portrait d’une femme d’aujourd’hui, en essayant de cerner cette idée de culpabilité. Qu’est-ce qui différencie le personnage de Chiara Mastroianni d’avec les autres mères de votre cinéma ? Dans Ma Mère et 17 Fois Cécile Cassard, où l’héroïne abandonnait déjà son enfant, je mettais en scène des mères fantasmées, littéraires, des sortes d’icônes. Ici, elles sont plus incarnées, car je suis dans la chronique et le détail du quotidien.
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44 CINÉMA
AGENDA SORTIES CINÉ 22/07 SORTIES DU
BRÜNO de Larry Charles Avec Sacha Baron Cohen, Alice Evans… Sony, États-Unis, 1h23
un chroniqueur de mode autrichien débarque parmi les Yankees et sème la zizanie. Reprenant le dispositif poil-à-gratter de Borat, le génial transformiste Sacha baron Cohen s’attaque de nouveau aux dérives puritaines des États-unis. Décapant.
VICTORIA, LES JEUNES ANNÉES D’UNE REINE de Jean-Marc Vallée Avec Emily Blunt, Rupert Friend… Metropolitan, États-Unis, 1h44
Après la saga familiale C.R.A.Z.Y, Jean-Marc Vallée filme les jeunes années de la reine Victoria. Du couronnement au mariage heureux, en passant par les choix politiques difficiles, Emily blunt ressuscite avec charisme ce parcours légendaire.
LA FEMME INVISIBLE d’Agathe Teissier Avec Julie Depardieu, Charlotte Rampling… Shellac, France, 1h30
SORTIES DU
29/07 L’ATTAQUE DU METRO 123 de Tony Scott Avec John Travolta, Denzel Washington… Sony, États-Unis, 1h45
une bande organisée prend en otage les passagers d’une rame de métro à New York. une relation particulière se noue entre un agent de liaison et le cerveau de la bande. un thriller paranoïaque nerveux et ambigu, où le statut du héros vacille.
SOMERS TOWN de Shane Meadows Avec Thomas Turgoose, Ireneusz Czop… Ad Vitam, Grande-Bretagne, 1h11
Moins brutal que This is England mais d’une touchante simplicité et toujours avec le stupéfiant Thomas Turgoose, le nouveau film de Shane Meadows suit les déambulations de deux ados paumés dans le quartier populaire de Somers Town.
LA CAMARA OSCURA de Maria Victoria Menis Avec Mirta Bogdasarian, Patrick Dell’Isola… Sophie Dulac, Argentine-France, 1h26
Comédienne ratée, sans appart’ ni amis, ni amour sérieux, Lili devient proprement invisible au moindre stress. une comédie fantasticopsychologique ambitieuse, avec Julie Depardieu en super-héroïne décalée.
Gertrudis, qu’on a toujours dite laide, est révélée par l’œil d’un photographe. Dans l’Argentine de la fin du XIXème siècle, cette fable traite de la place que l’on donne à autrui – selon l’origine, le sexe, l’apparence... Par la réalisatrice d’El Cielito.
UNE JEUNE FILLE À LA DÉRIVE
SIMON KONIANSKI
de Kirio Urayama Avec Masako Izumi, Mitsuo Hamada… E.D., Japon, 1h54
Dans un petit village côtier, une adolescente affronte la pauvreté, l’exclusion, l’errance et l’amour… Conte initiatique tourné en 1963 par le trop méconnu Kirio urayama, ce bijou de la Nouvelle Vague japonaise sort pour la première fois en France.
ET AUSSI CETTE SEMAINE : SILVER CITY de John Sayles (lire la critique p.32)
éTé 2009
de Micha Wald Avec Jonathan Zaccaï, Popeck… Haut et Court, France-Belgique-Canada, 1h40
Loin de son conte onirique Le Voleur de chevaux, le réalisateur belge Micha Wald brosse un tableau de famille haut en couleurs. Entre humour juif décapant et relation père-fils émouvante, Popeck et Jonathan Zaccaï insufflent une vraie énergie à cette comédie. ET AUSSI CETTE SEMAINE : LÀ-HAUT de Pete Docter, bob Peterson (lire la critique p.34)
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AGENDA SORTIES CINÉ 05/08 SORTIES DU
MARCHING BAND de Claude Miller Documentaie Les Films du Losange, France, 1h35
Claude Miller est parti trois mois aux États-unis suivre l’un des ces orchestres de campus – les marching bands – juste avant l’élection d’Obama. Au programme : le charme de l’Amérique traditionnelle, des couleurs, de la musique et biensûr un happy-end en fanfare.
LITTLE NEW YORK de James De Monaco Avec Vincent D’Onoffrio, Ethan Hawke… EuropaCorp, États-Unis, 1h36
Destins croisés de trois personnages, dans la veine des Affranchis. un caïd ambitieux, un vidangeur de fosses septiques et un épicier muet sont liés par leurs choix, bons et mauvais. Entre farce et tragédie, le polar de l’été, réalisé par un nouveau venu.
JOUEUSE de Caroline Bottaro Avec Sandrine Bonnaire, Kevin Kline… StudioCanal, France, 1h37
une femme de ménage se prend de passion pour les échecs. Ça fait jaser dans ce petit coin de Corse, mais elle s’entête et trouve un professeur. Ce premier film témoigne du courage qu’il y a à vouloir aller au bout de ses rêves.
LIVERPOOL de Lisandro Alonso Avec Juan Fernandez, Giselle Irrazabal… Zootrope, Espagne-Argentine, 1h24
De retour dans son village natal où il fait escale, un marin retrouve la famille qu’il avait quittée des années auparavant. Après le remarquable Los Muertos, Lisandro Alonso invite à un voyage énigmatique, traversé par une émotion et une mélancolie sourdes. ET AUSSI CETTE SEMAINE : ZION ET SON FRÈRE d’Eran Merav (lire la critique p.36)
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12/08
SORTIES DU
PARTIR de Catherine Corsini Avec Kristin Scott Thomas, Sergi Lopez… Pyramide, France, 1h25
Catherine Corsini filme la passion qui conduit une mère de famille bourgeoise à tout quitter pour un ouvrier. La trame pourrait être convenue mais la sensualité de l’ensemble, couplée à l’interprétation éblouissante de Kristin Scott Thomas, emportent le film.
LILI LA PETITE SORCIÈRE de Stefan Ruzowitzky Avec Pilar Bardem, Leonard Boes… Metropolitan, États-Unis, 1h30
Vieille sorcière cherche remplaçante pour perpétuer la tradition. La jeune apprentie, aidée par un gentil dragon, devra déjouer les plans du méchant magicien et protéger le grimoire. un Harry Potter au féminin, pour les plus jeunes. Abracadabrantesque.
NEUILLY SA MÈRE ! de Gabriel Julien-Laferrière Avec Rachida Brakni, Samy Seghir… TFM, France, 1h30
Sami benboudaoud, 14 ans, doit quitter sa banlieue natale pour Neuilly, en plein «Sarkoland»... Clins d’œil appuyés, enfilades de gags pour un choc des cultures et un film d’aujourd’hui. une version 2009 de La Vie est un long fleuve tranquille.
DEMAIN DÈS L’AUBE de Denis Dercourt Avec Vincent Perez, Jérémie Renier… Diaphana, France, 1h34
Ce conte musical, avec deux très grands acteurs de cinéma, met en scène une relation fraternelle trouble et glaçante, qui intrigue jusqu’au bout. Denis Dercourt (La Tourneuse de pages) est décidément un réalisateur passionnant.
ET AUSSI CETTE SEMAINE : LE TEMPS QU’IL RESTE d’Elia Suleiman (lire l’interview p.20 et la critique p.38) L’AN 1 : DES DÉBUTS DIFFICILES d’Harold Ramis (lire la rencontre avec Jack black et Michael Cera p.74)
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46 CINÉMA
AGENDA SORTIES CINÉ 19/08 SORTIES DU
SRI LANKA NATIONAL HANDBALL TEAM d’Uberto Pasolini Avec Dharmapriya Dias, Gihan de Chickera… UGC, Italie-Allemagne-Sri-Lanka, 1h40
Des Sri-Lankais montent une équipe de handball pour fuir leur pays. Quelque peu attendu dans sa première partie, ce film, inspiré d’une histoire vraie, gagne en saveur lorsque les personnages obtiennent leur sésame pour l’Eldorado européen.
DISTRICT 9 de Neill Blomkamp Avec Sharlto Copley, William Allen Young… Metropolitan, États-Unis
Et si les extraterrestres débarquaient en tant que réfugiés d’un exode forcé, sans vouloir nous coloniser, ni nous atomiser ? C’est le point de départ de cet ovni intriguant, qui évoque l’accueil des immigrés par un biais aussi riche qu’inattendu.
MEMORY OF LOVE
ORDINARY PEOPLE
de Wang Chao Avec Yan Bingyan, Naiwen Li… Bac, Chine, 1h32
de Vladimir Perisic Avec Relja Popovic, Boris Isakovic… Pyramide, France-Serbie-Suisse, 1h20
Suite à un accident, une jeune épouse oublie l’existence de son amant secret. Par amour, son mari médecin l’aide à retrouver des souvenirs dont il est exclu... Wang Chao délaisse la politique pour la poésie avec l’histoire touchante d’une reconquête amoureuse.
EN TERRE ÉTRANGÈRE de Christian Zerbib Avec Seydou Togola, Emmanuelle Béart… Les Films d'Ici, France, 1h16
Christian Zerbib recueille les témoignages de travailleurs clandestins, en quête d'identité. Charles berling, Emmanuelle béart et Josiane balasko, farouches militants en faveur de la régularisation des sanspapiers, s’associent à ce film engagé.
LA COPINE DE MON MEILLEUR AMI de Howard Deutch Avec Kate Hudson, Dane Cook… Metropolitan, États-Unis, 1h40
Largué ? Engagez un copain pour la draguer et lui pourrir la soirée. Elle vous reviendra, certaine que vous quitter était une erreur… Évidemment, ça se corse si ce fourbe tombe amoureux de votre ex. une comédie romantique avec un trio d’acteurs en vogue.
ET AUSSI CETTE SEMAINE : INGLOURIOUS BASTERDS de Quentin Tarantino (lire la critique p.40) LES DERNIERS JOURS DU MONDE d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu (lire l’interview p.70)
éTé 2009
26/08
SORTIES DU
un jeune soldat et son unité partent en rase campagne pour une mission inconnue. Ils patientent, sous un soleil de plomb, quand arrive un bus de prisonniers ennemis… En suivant ces hommes ordinaires, le cinéaste pose un regard universel sur la violence guerrière.
PARKING de Mong-Hong Chung Avec Lun-Mei Kwai, Chen Chang… ASC, Taiwan, 1h46
Pour retrouver le propriétaire de la voiture qui bloque la sienne, Chen Mo rend visite à tous les habitants d’un immeuble, de la prostituée au coiffeur manchot. Mêlant drame et humour, Parking bénéficie d’une superbe photographie en clairobscur.
UNE JEUNESSE ISRAÉLIENNE de Mushon Salmona Avec Nadir Eldad, David Taplitzky… Sophie Dulac, Israël, 1h33
une banlieue urbaine en Israël. Vies et vices de trois petites frappes : Shlomi le Nord-Africain, Adiel l’Éthiopien, et Dima le Russe. un portrait caméra à l’épaule du désespoir des jeunes de la rue, où les communautarismes se dépassent à l’occasion d’un match de foot.
ET AUSSI CETTE SEMAINE : UN PROPHÈTE de Jacques Audiard (lire le dossier p.64-69)
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02/09
SORTIES DU
SINGULARITÉS D’UNE JEUNE FILLE BLONDE de Manoel de Oliveira Avec Ricardo Trêpa, Catarina Wallenstein… Épicentre, Portugal, 1h03
Macário se souvient de ses amours contrariées avec une jeune Lisboète... Inspiré d’un conte réaliste du XIXème siècle, l’auteur centenaire signe une fable anachronique et universelle, empreinte de poésie.
LES REGRETS de Cédric Kahn Avec Yvan Attal, Valeria Bruni Tedeschi… Mars, France, 1h45
Mathieu retrouve par hasard son amour de jeunesse, en couple comme lui. Les amants maudits ne peuvent contrôler leur attirance, mais peinent à se retrouver… une histoire poignante, éclairée par la sensibilité solaire de Valeria bruni Tedeschi.
TU N’AIMERAS POINT d‘Haim Tabakman Avec Zohar Strauss, Ran Danker… Haut et Court, France-Allemagne-Israël, 1h30
À Jérusalem, un boucher respecté de la communauté juive ultra-orthodoxe tombe amoureux d’un jeune étudiant. Tu n’aimeras point décline avec brio l’éternelle déchirure entre passion et raison. un film subtil, récompensé par la Caméra d’or.
HUMAN ZOO de Rie Rasmussen Avec Rie Rasmussen, Hiam Abbas… EuropaCorp Distribution, France, 1h50
Découverte par brian De Palma dans Femme fatale, l’égérie de Luc besson passe à la réalisation. Son film suit les errances d’une immigrée clandestine qui, pour survivre, devra s’adapter à son environnement hostile…
ET AUSSI CETTE SEMAINE : BIENVENUE À CADAVRES-LES-BAINS de Wolfgang Murnberger (lire la critique p.16) NON MA FILLE, TU N’IRAS PAS DANSER de Christophe Honoré (lire la critique p.42)
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48 CINÉMA
LES ÉVÉNEMENTS BASTILLE
BIBLIOTHÈQUE
HAUTEFEUILLE
ODÉON
QUAI DE LOIRE
BEAUBOURG
GAMBETTA
NATION
PARNASSE
QUAI DE SEINE
PASSERELLES LE DIALOGUE DES DISCIPLINES Du 6 août au 7 septembre / EXPO / Le Testament d’Icare ou l’or-calligraphe de JEAN-MARC VACHTER Dans les années 2000, il expose à Genève au siège des Nations unies, au Japon en collaboration avec l’artiste Yoshiko Hirasawa, à New York chez Diane de Furstenberg… Aujourd’hui, c’est à Paris qu’il évolue et a choisi de poser ses œuvres. www.vachter.sewip.co
FOCUS
_Par R.S.
AVANT-PREMIÈRE LES REGRETS en présence du réalisateur
Jeudi 30 juillet – 20h SOIRÉE « LES YEUX DE L’OUÏE » Projection du film It's a Free World de Ken Loach.
C’est l’été, le temps se prête aux amourettes et à l’avant-première de la jolie romance Les Regrets, en présence de son réalisateur CÉDRIC KAHN.
MK2 JUNIOR CONTES & CINÉMA Tout l’été et jusqu’au 8 septembre, les salles du réseau MK2 accueillent petits et grands enfants ! Pour connaitre les lieux et horaires de chaque film, rendez-vous sur www.mk2.com. LA REINE DES NEIGES LA VÉRITABLE HISTOIRE DU CHAT BOTTÉ CORALINE LE VILAIN PETIT CANARD ET MOI LE MONDE DE NARNIA CHAPITRE 1 : Le Lion, la sorcière blanche et l'armoire magique CENDRILLON ET LE PRINCE (PAS TROP) CHARMANT PONYO SUR LA FALAISE
La filmographie de Cédric Kahn fait preuve d’un rare éclectisme : onirique dans L’Avion, simenonienne dans Feux rouges, meurtrière dans Roberto Succo, obsessionnelle dans L’Ennui, les ambiances se suivent mais ne se ressemblent pas… Pourtant, le cinéaste français n’avait encore jamais osé filmer les sentiments, comme il le confesse modestement : « Une histoire d’amour, c’est un basique au cinéma, l’équivalent d’un tailleur pour un couturier ! Au vu de l’histoire du cinéma, c’est ultra rebattu et classique, mais au vu de mon histoire personnelle, c’est un défi énorme ! » Désinhibé, impudique, Kahn s’attaque au genre avec une courageuse exaltation. Mathieu (Yvan Attal, inédit dans ce registre) est prêt à quitter sa compagne et sa routine pour s’installer avec Maya (Valeria bruni Tedeschi, éternelle exaltée), son amour de jeunesse, retrouvée par hasard. Mais Maya, abandonnée quinze ans plus tôt par Mathieu, reste hantée par une rancœur qui l’empêche de s’abandonner à son désir. À travers le récit de ces deux amants qui peinent à assumer les démons de leur passion, Cédric Kahn démasque les contradictions du cœur : la peur d’aimer au présent, de voir le quotidien fatiguer la passion. Loin de tout bavardage, le film cultive derrière ces grandes questions suspense et coups de théâtre. Yvan Attal, terrestre et décidé, et Valeria bruni Tedeschi, solaire et tourmentée, forment un vrai couple romanesque, à la fois inconciliable et incontournable. un programme de saison que vous ne saurez regretter! Samedi 25 août à 20h30 au MK2 Quai de Seine.
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49
UVREZ DÉCO ÉMA IN LE C S T DAN N E M E AUTR K2 ! M S E L L LES SA
FOCUS
_Par J.R.
LOOKING FOR CANNES
Trente-sept personnalités du 62ème festival de Cannes s’exposent au MK2 Bibliothèque, photographiées par le portraitiste FABRICE DALL’ANESE. Quentin Tarantino absorbé dans ses pensées, Marion Cotillard éblouissante en robe de soirée, Martin Scorsese ajustant son nœud pap’, Charlotte Gainsbourg sous un soleil au zénith… De grand format, noir et blanc ou couleurs, les clichés installés au niveau -1 du cinéma vous guident jusqu’aux salles obscures. « J’aime beaucoup couvrir les festivals. Les photos sont généralement faites le lendemain de la présentation officielle du film, et l’humeur des personnalités est forcément soumise à cette variable », nous confie le photographe, qui travaille pour Première, Glamour ou Vanity Fair Italie, entre reportages aux quatre coins du monde et commandes publicitaires. « À Cannes, on réalise jusqu’à six prises de vues par jour. Il faut aller vite et savoir utiliser ce que la personne dégage. C’est très stimulant. » Initialement réalisées pour le magazine Première, les photographies ici présentées sont détachées de toute contrainte éditoriale, choisies au plaisir par Fabrice Dall’Anese. En témoigne l’étonnant portrait à vélo de l’acteur américain Vincent Gallo, présent à Cannes pour défendre le nouveau film de Francis Ford Coppola, Tetro, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs : « Il avait refusé de faire des photos, mais on l’a croisé par hasard au bar du Martinez et autour d’un verre, il a accepté de se prêter au jeu... Ça donne une série complètement différente de tout le reste, qu’on n’aurait jamais obtenue en respectant l’habituel circuit des agents et attachés de presse… » un souffle de liberté cannoise au MK2 bibliothèque ! Jusqu’au 4 août. www.fabricedallanese.com
LES CYCLES LE CINÉMA ET LE MONDE Los Bastardos d’Amat Escalante, Tulpan de Serguei Dvortsevoy, The Chaser de Hong-jin Na, Still Walking de Kore-eda Hirozaku, Tokyo ! de Michel Gondry, Leos Carax et Joon-ho bong, Les 3 singes de Nuri bilge Ceylan. HISTOIRES DE FEMMES Le Silence de Lorna de Luc et Jean-Pierre Dardenne, La Fille du RER d’André Téchiné, Les Bureaux de Dieu de Claire Simon, Le Bal des actrices de Maïwenn, Aidetoi, le ciel t’aidera de François Dupeyron, Les Plages d’Agnès d’Agnès Varda. L’AMÉRIQUE AUJOURD’HUI The Wrestler de Darren Aronofsky, Rachel se marie de Jonathan Demme, Harvey Milk de Gus Van Sant, Wendy et Lucy de Kelly Reichardt, Two Lovers de James Gray. TÉMOIGNAGES Ne me libérez pas je m’en charge de Fabienne Godet, L’Apprenti de Samuel Collardey, Hunger de Steve McQueen, La Vie moderne de Raymond Depardon, J’irai dormir à Hollywood d’Antoine de Maximy. ALAIN GUIRAUDIE À l’occasion de la récente sortie du Roi de l’évasion, Pas de repos pour les braves, Voici venu le temps, Du soleil pour les gueux et Ce vieux rêve qui bouge. FORMALITÉS ITALIENNES L’Avventura de M. Antonioni, Le Saut dans le vide, Le Sourire de ma mère et Buongiorno Notte de M. bellochio, La Stratégie de l’araignée et The Dreamers de b. bertolucci, La Seconda Volta de M. Calopresti, Le Caïman de N. Moretti, Il Divo de P. Sorrentino, Tornando a Casa de V. Marra, Gomorra de M. Garrone, Biutiful Cauntri d’E. Calabria et A. d’Ambrosio. T o u t e l a p r o g r a m ma t i o n s u r m k 2 . c o m
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© Julie Harnois
CONCERTS
50 SORTIES EN VILLE
Yael Naim
OPEN JAZZ Jazz à La Villette Par-delà genres et frontières, le festival Jazz à La Villette explore le jazz en mouvement et encore en devenir. Hétérogène et aventureuse, l’édition 2009 réunit dans la diversité et associe dans la curiosité. Ça va jazzer. _Par Wilfried Paris
Du 1er au 13 septembre, après quatre éditions thématiques (Coltrane, black Rebels, Lourau / Coleman / Shorter, Jazz is not dead), l’édition 2009 de Jazz à La Villette offre une programmation résolument ouverte, au diapason de la mondialisation dans ce qu’elle a de meilleur. Orchestrant un jazz sans frontières, le festival proposera une soirée afro-beat explosive, avec Seun Kuti, Amadou & Mariam et le mythique Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou, aussi bien qu’une relecture du Cantique des Cantiques par l’iconoclaste John Zorn, avec les acteurs Clotilde Hesme et Mathieu Amalric. Jazz à La Villette devrait ainsi jouer une partition libérée, où l’indifférenciation temporelle (De La Soul fêtera les vingt ans de son chef-d’œuvre 3 Feet High and Rising) et les croisements de genres (Carl Craig rencontrant des jazzmen de Detroit, Yael Naim rendant hommage à Joni Mitchell, Elysian Fields invitant le multi-instrumentiste new-yorkais Don byron), refléteront les nouvelles perspectives offertes par le contemporain – Internet comme grande sono mondiale – à un genre musical en mouvement. Si les puristes reverront avec plaisir les figures essentielles du genre (Ornette Coleman, Hank Jones, Ron Carter et la réunion des trois légendes Ahmad Jamal, Archie Shepp et Yusef Lateef), le festival promet une initiation ludique aux profanes, jeunes (Jazz à la Villette for kids, une sélection de spectacles pour enfants) ou moins jeunes (le chorégraphe et danseur Josef Nadj explorant la musique improvisée d’Akosh S, Daniel Darc « déjouant les codes du jazz »). L'Afrique, le hip-hop, la pop, l'électro, le free seront donc ici réunis pour prouver, s’il en est encore la peine, que le jazz n’a rien d’une langue morte, mais qu’il se vit, se comprend et se réinvente encore, toujours et partout. Du 1er au 13 septembre à la Cité de la Musique, à la Grande Halle de la Villette, au Cabaret Sauvage, au Point Ephémère et aux MK2 Quai de Loire et Quai de Seine, programme et informations sur www.jazzalavillette.com
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L’OREILLE DE… CHAIRLIFT
DIRTY PROJECTORS, LE 9 SEPTEMBRE À LA MAROQUINERIE « Avec nos amis MGMT, nous vouons un vrai culte aux Dirty Projectors, eux aussi basés à brooklyn. Leur nouvel album, Bitte Orca, est incroyable : la construction virtuose des chansons, le millefeuille d’harmonies vocales, ce génie de la syncope que nous adorons chez Prince ou Fela Kuti et que l’on retrouve ici… Ils sont encore plus impressionnants en live que sur disque. Après avoir vu un de leurs concerts, je ne me sentais plus du tout musicien. » _Propos recueillis par A.T.
Does You Inspire You de Chairlift (Comlumbia) et Bitte Orca de Dirty Projectors (PIAS) déjà disponibles
AGENDA CONCERTS
_Par W.P.
1 GEORGE CLINTON & ANTHONY JOSEPH Le black Summer Festival accueille George Clinton, père fondateur du funk psychédélique dans les 1970’s avec Parliament et Funkadelic, et le slammeur trinidadien Anthony Joseph, qui scande sa verve mystique sur du dub vaudou ou de l’afro-beat barré. Fonk. Le 3 août au Cabaret Sauvage, dès 19h, 38 € (prévente) et 42 € (sur place)
2 ONEIDA & FINAL FANTASY Les New-Yorkais Oneida passent par Paris avec leur formule hybride (noise, kraut rock et electronics), à l’occasion de la sortie de leur triple album Rated O. Déjà culte. Avec, en ouverture, Final Fantasy (pop baroque rêveuse) et Alexandre Tucker (free folk hypnotique). Le 13 août au Glaz’art, dès 19h, 16€ (prévente) et 20 € (sur place)
3 VETIVER Le vert Andy Cabic et sa bande parfumée viennent poser de subtils arpèges boisés sur des rêveries mélodiques enfumées, agrémentant les fleurs de San Francisco d’un soupçon de bile noire à la Nick Drake. Hippie sad. Le 19 août au Nouveau Casino (avec Beach House + Los Chicros), dès 19h30, 20 €
4 THE PASTELS & TENNISCOATS Les Pastels de Glasgow (trio mythique de pop anorak, sans qui belle & Sebastian, Jesus & Mary Chain ou même Nirvana n’auraient peut-être pas existé) et les Tenniscoats de Tokyo (revival twee, fragile et touchant) viennent fêter la sortie de leur Two Sunsets commun. Mignons tout plein. Le 7 septembre au Point Ephémère, dès 20h, 15 €
© Jon Bergman
CONCERTS
52 SORTIES EN VILLE
MGMT
ROCK ENSEIGNERock en Seine En alliant vieilles lunes (Oasis, Madness) et jeunes gloires (MGMT, Vampire Weekend) à un « mini » festival pour les petits, Rock en Seine se fait autant didactique qu’éclectique. C’est la rentrée des rockeurs. _Par Wilfried Paris
Pour sa septième édition, Rock en Seine devrait bénéficier de son expérience, d’une édition 2008 un peu calamiteuse (avec l’annulation à la dernière minute d’Amy Winehouse) et de sa situation privilégiée (seul « gros » festival estival d’Île-de-France, dans le parc de Saint-Cloud) pour séduire Franciliens de retour de vacances, rockers provinciaux en week-end et touristes étrangers par l’affiche alléchés. Alors que la surenchère des cachets plombe les festivals musicaux les moins subventionnés, Rock en Seine s’en tire en beauté : avec Oasis, Faith No More ou The Prodigy en têtes de gondoles et quelques vieilles gloires toujours vertes (bill Callahan, Madness), les trentenaires indie seront à la fête et pourront y parfaire l’éducation de leur progéniture, puisque le festival reconduit cette année son « Mini Rock en Seine » (un village réservé aux 6 à 10 ans, avec atelier maquillage, bal rockabilly, concerts, lectures de contes…). Les beaux gosses entre deux âges ne seront pas en reste avec la venue des New-Yorkais les plus plébiscités de 2008, MGMT : le duo devrait jouer en avant-première des titres de son deuxième album, Congratulations, qui vient d'être enregistré à Malibu avec l’ex-Spacemen 3 Peter Kember. La programmation fera d’ailleurs la part belle à des groupes dans leur sillage américain (les ritournelles électro de Passion Pit, l’afro-pop acidulée de Vampire Weekend), travaillant la même notion d'euphorie dans leurs chansons. Quant aux Anglais, ils devraient venir en masse supporter leurs favoris : James Hunter (soul vintage), Just Jack (Mike Skinner rigolard), bloc Party (new-wave à la sauce Chutney) ou Klaxons (bip-bip). Rappelons enfin la mise en avant de six groupes franciliens pour les « avant-Seine », dont Gush, Jil Is Lucky ou The Tatianas. Le tout, pour rockeurs de 9 à 99 ans. Du 28 au 30 août au Domaine national de Saint-Cloud, pass 3 jours : 99 €, pass 1 jour : 45 €, http://www.rockenseine.com Avec Oasis, Madness, Bloc Party, Passion Pit, Vampire Weekend, Just Jack, Bill Callahan, The Horrors, Calvin Harris, Yann Tiersen, MGMT, The Prodigy, Klaxons, Sliimy, Macy Gray, Metric… éTé 2009
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© Pierre de Reimpré - http://the-night-life.blogspot.com
CLUBBING
54 SORTIES EN VILLE
NUITS BLEUES À l’abordage du Concorde Atlantique De juillet à septembre, le bateau Concorde Atlantique tanguera au rythme chaloupé des apéros Terrassa et Été d'amour. Embarcation immédiate pour une prog’ électro de qualité et une ambiance d'une fraicheur renversante. _Par Violaine Schütz
L’été, le clubbing parisien se résume souvent à un pénible dilemme entre boîtes industrielles et soirées « 100 % VIP ». La péniche Concorde Atlantique offre une alternative chaleureuse à cette morne plaine. Avec les soirées Respect le mercredi et Terrassa le dimanche, l'ancien céréalier de 500 tonnes prend des airs de bal populaire qui tranchent avec les fiestas estudiantines et autres séminaires amarrés au navire le reste de l'année. Été d'amour, sous-titrent d’ailleurs les soirées Respect, qui sévissaient depuis 1996 au Queen, avant de s'installer il y a sept ans sur le bateau. Comme le résume David blot, co-fondateur des Respect, c'est l'esprit fédérateur du «summer of love» que ressuscitent ces soirées-là : «L'idée, c'est l'ouverture. Sur le dance-floor, il y a des kids et des quarantenaires, des pubards et des chômeurs, des fashionistas et des néophytes. » Et, après avoir trinqué à 18h sur la terrasse, tous se retrouvent à 21h dans la cale pour communier sous la boule à facettes, comme lors d'une mythique soirée-carnaval Ed banger il y a deux ans… une vision hédoniste de la nuit qu'on retrouve aux apéros Terrassa, à quai depuis neuf ans, et faisant toujours autant de vagues. «L’ambiance de Terrassa rappelle ce que l’on ressent lorsque l’on se rend à un festival électro : le dépaysement est garanti, comme un subit départ en vacances », assure Marc-Antoine Surand, le RP de ces soirées à « la coule ». Ce qui fait la force des Respect et Terrassa ? Leur programmation. L'ambiance a beau y être provinciale, la musique n'est jamais celle d'un bal musette. Ainsi, parmi les timoniers qui feront chavirer les cœurs des clubbers cet été, on trouve Pilooski, busy P et Yuksek côté Respect, et Miss Kittin, Ellen Alien et Carl Craig côté Terrassa. Voilà qui devrait rendre les oubliés des vacances moins amers... Soirées Respect Eté d'amour, tous les mercredis jusqu'au 2 septembre, ouverture à 18h, gratuit avant 21h, 10 € ensuite Soirées Terrassa, tous les dimanches jusqu'au 20 septembre, brunch à 13h, entrée gratuite jusqu'à 21h, 10 € ensuite Le Concorde Atlantique, 27 quai Anatole France, 75007 Paris. éTé 2009
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© Mondino
LES NUITS DE… NICOLAS ULLMANN
« Je peux m'amuser autant chez les branchés, au Montana, que dans un karaoké chinois de belleville... Je sors pour rencontrer des gens, me sentir comme un touriste ayant soif de découvertes humaines, trouver l'agréable d'une soirée en appart’ avec son squat cuisine, s'enfermer dans une chambre pour y faire des bêtises, aller découvrir un bon groupe de rock encore inconnu (à la Féline ou au Globo le vendredi soir)... C'est ce que j'essaye d'amener dans mes soirées Kararocké : l'ambiance d'une party anglaise avec déguisements, folie et burlesque. » _Propos recueillis par V.S.
Soirées Kararocké, deux fois par mois chez Régine, dates à guetter sur www.myspace.com/ullmanncabarock
AGENDA CLUBBING
_Par V.S.
1 SUNNY AFTER WORK APERO MIX Et si on se jetait à l'eau après le boulot ? C'est en effet à côté du Canal Saint-Martin, sur la terrasse du Point FMR, que les clubbeurs qui veulent rentrer tôt pourront esquisser quelques pas de danse. Aux platines, des beats ensoleillés triés sur le volet par Turzi, Herman Dune, Detect (Klub des Loosers) et Guido (Goldrush). Insolations garanties ! Du 16 juillet au 30 août au Point Ephémère, du mercredi au samedi de 18h à 22h, gratuit
2 AFRIKA BAMBAATAA AU SOCIAL CLUB Attention, mythe vivant en accès gratuit ! Afrika bambaataa est ni plus ni moins l'auteur – en 1982 – du premier morceau électro : Planet Rock. DJ et fondateur de la « Zulu Nation » (une philosophie dont Grandmaster Flash et George Clinton sont adeptes), il devrait nous servir un set parlant aussi bien aux corps qu'aux esprits. Le 8 août au Social Club, dès minuit, gratuit
3 LUST & DEPRAVITY D'abord programmées aux Disquaires, les soirées Lust & Depravity ont dépravé beaucoup de clubbeurs blasés avec leurs lancers de confettis et leurs perf' de danse. Elles passent aujourd'hui à la vitesse supérieure au batofar, avec une prog’ électro upper-class : la techno vintage et vicieuse des New-Yorkais In Flagranti et le disco-punk vénéneux de la Marseillaise Anything Maria. Le 25 août au Batofar, sur la terrasse à partir de 19h (gratuit), et Club de 23h à l'aube (10€)
éTé 2009
© Henry Chalfant
EXPOS
56 SORTIES EN VILLE
Henry Chalfant, Stalingrad, 1985, Paris.
ACCENT GRAPH Le graffiti s’expose à la Fondation Cartier Jusqu’au 29 novembre, la Fondation Cartier accueille le graffiti avec l’exposition Né dans la rue. L’occasion de plonger dans l’histoire de ce mouvement international, apparu à New York dans les années 1970. _Par Anne-Lou Vicente
Qui l’eût cru ? Essentiellement illégal, longtemps décrié et mal aimé des autorités, le graffiti – et plus largement le street art – est depuis plusieurs années déjà devenu l’ami fidèle des collectionneurs, des galeristes et des institutions. Alors qu’il s’est répandu à vitesse grand V dans l’espace public et s’est progressivement vu incorporé dans les arts plastiques, la publicité ou le design, il s’est révélé être pour les uns une spécialité – parfois intéressée, au mauvais sens du terme –, pour les autres, une sorte de caution « cool attitude »… Avec l’exposition Né dans la rue – Graffiti, la Fondation Cartier n’échappe pas à cette tendance générale qui consiste à faire entrer l’art de la rue entre quatre murs, redonnant ses lettres de noblesse à une discipline finalement assez méconnue. Si les pionniers américains du genre (Seen, P.H.A.S.E 2 et Part 1) ont été invités, un hommage est également rendu à deux artistes phares de la scène underground new-yorkaise de l’époque, Jean-Michel basquiat et Keith Haring. Plusieurs figures contemporaines internationales sont par ailleurs présentes, de JonOne (Paris) à Vitché (Sao Paulo) en passant par Evan Roth (Stockholm) et barry McGee (San Francisco). Pour pallier l’absence physique d’œuvres dont la dimension in situ se double d’une existence le plus souvent éphémère, un ensemble de documents présents dans l’exposition – photographies, films, vidéos – ainsi qu’une programmation d’événements annexes rendent compte de l’énergie et de la diversité du graffiti. une discipline qui repose depuis ses origines sur la beauté du geste et qui a su, au delà de la simple signature, devenir un art à part entière, entre écriture et image. Jusqu’au 29 novembre à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, 261 Boulevard Raspail, 75014 Paris.
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LE CABINET DE CURIOSITÉS
LE MUSÉE DE LA BANDE DESSINÉE Hôte depuis 1974 d’un des plus grands festivals de bD, Angoulême inaugure cet été un musée tout entier dévolu au neuvième art. Situé dans d’anciens chais réaménagés, l’espace accueille sur près de 1800 m² une sélection tournante de ses collections (8000 planches et dessins originaux) : des pionniers du XIXème s. aux comics, mangas et autres revues cultes (Mad, Tintin, Métal Hurlant…), en passant par l’invention d’une bD « adulte » et d’« auteur », le lieu jette un regard à la fois neuf et didactique sur une discipline en réinvention perpétuelle. _A.T.
121 rue de Bordeaux, 16023 Angoulême, ouvert de 10h à 19h (fermé le lundi), plein tarif : 6 euros, www.citebd.org
AGENDA EXPOS
_Par A.-L.V.
L’ESPRIT DES LIEUX Rien de tel qu’une journée d’été pour aller se promener dans le parc du centre d’art contemporain tout en découvrant la sélection de la collection du Fonds départemental d’art contemporain, ainsi que des œuvres des six artistes en résidence. Du 5 juillet au 20 septembre au Domaine départemental de Chamarande, 38 rue du Commandant Arnoux, 91730 Chamarande.
MARTIN PARR L’exposition Planète Parr propose un dialogue inédit entre les photographies de l’artiste et sa collection d’objets hétéroclites. Résultat : une critique décapante de la société de consommation contemporaine, vautrée dans l’excès jusqu’au grotesque. Du 30 juin au 27 septembre au Jeu de Paume, 1 place de la Concorde, 75008 Paris.
CLAUDE LÉVÊQUE Alors que son installation Le Grand Soir occupe actuellement le Pavillon français de la biennale de Venise, Claude Lévêque présente l’installation vidéo Le Crépuscule du jaguar : séparés par un mur, les yeux d’un enfant nous scrutent à travers un œilleton. Du 24 juin au 30 août à la Maison européenne de la photographie, 5-7 rue de Fourcy, 75004 Paris.
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SPECTACLES
58 SORTIES EN VILLE
OISEAU RARE Joseph Nadj à Quartier d’été Le très mutique JOSEPH NADJ, louangé pour ses chorégraphies burlesques et cafardeuses, présente deux performances et une exposition au festival Paris Quartier d'été. Soit trois déclinaisons de sa poésie animalière. _Par Ève Beauvallet
Avec Kafka, büchner ou borges en background littéraire, l'univers du chorégraphe hongrois Joseph Nadj n'est pas précisément du côté des histoires lisses et des couleurs sucrées. Non, c'est plutôt l'anthracite qui lui colle à la peau, comme ces costumes façon Magritte qu'il aime endosser sur scène. Pas étonnant que pour Les Corbeaux, le chorégraphe, métamorphosé en oiseau comme d'autres l'avaient été en cafard, s'enduise littéralement de peinture noire. Il voltige en solo, sous le saxophone complice d'Akosh Szelevényi, pour une performance-hommage à leur région natale, la Voïvodine. Car les corbeaux sont en quelque sorte les gardiens des plaines détrempées de cette région nichée dans l'ex-Yougoslavie, qui a légué son spleen rocambolesque aux théâtres de Nadj depuis vingt ans. Vingt ans, déjà, que le public français a pris la mesure de cette danse dissonante, que les métronomes peinent à rythmer : pianos désaccordés, tons déglingués, mélodies patinées, tierces insolites. Côté insolite justement, on l'avait vu avaler une ampoule géante dans Journal d'un inconnu ou se modeler des masques à même le visage dans Paso Doble. Fils de charpentier, c'est une danse d'atelier qu'impose Nadj sur les scènes internationales, riche de planches à bascules, de jeux de construction et de corps-lego imbriqués. Il est clair, alors, que dans la colonie des danseurs conceptuels, le directeur du Centre Chorégraphique National d'Orléans est un drôle d'oiseau, délaissant peu à peu l'épure pour migrer vers la pantomime ou le masque. Son plumage composite, il le partage pour Petit Psaume du matin avec Dominique Mercy, danseur phare du TanzTheater de Pina bausch, pour un duo en fusion créé en 2001. Petit Psaume du matin explore les trois stations corporelles par lesquelles passe l'homme : à quatre pattes, à deux, puis trois. Soit une réponse aux énigmes posées par les mythes et les corps. Les Corbeaux, et l'exposition Les Corbeaux, du 25 au 30 juillet ; Petit Psaume du matin, du 28 au 30 juillet à la Maison des Métallos, www.quartierdete.com éTé 2009
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LE SPECTACLE VIVANT NON IDENTIFIÉ
LEVER DE SOLEIL L'art équestre est trop important pour être laissé aux shows kitsch et gnian-gnian. Heureusement, avec bartabas, on est moins chez Disney que vers les mystères ancestraux qui lient l'homme au cheval. Sultan d'une discipline qu'il a colorée de mille et uns folklores, le cavalier propose cet été une aubade intimiste et silencieuse, en plein air. Entendons le titre au sens littéral : Lever de soleil est un duo donné à la lueur des premiers rayons. Premier rendez-vous fixé le 31 juillet à 5h24 frappantes, au Jardin des Tuileries, pour une rêverie aux lisières du jour et des mythologies. _E.B
Du 31 juillet au 9 août à Paris, www.quartierdete.com
AGENDA SPECTACLES
_Par E.V.
1 SAUTES D’HUMOUR Aux complaintes anxiogènes, ce festival francophone préfère les cocktails oxygénants made in Algérie, Congo, Rwanda et Cameroun. Il y a aussi la vie dans l’exil, la guerre ou la pauvreté, et Sautes d’humour nous le prouve en cinq chroniques postcoloniales, issues de ce que la diversité a produit de plus péchu en terme de mix langagiers. Du 21 juillet au 22 août au Tarmac de la Villette, www.letarmac.fr
2 AUTRES PISTES Question haute voltige, Kitsou Dubois a pris de l'altitude. Elle est chorégraphe mais aussi conseillère pour la recherche spatiale… Cet été, elle se fait curator d’un cabinet de curiosités circassiennes, ambiancé par les moins timorés des casse-cous contemporains. Au programme de ce panorama de jeunes talents : contorsions, mâts chinois et autres poésies non-agréées. Jusqu’au 9 août au Théâtre de la Cité Internationale, www.theatredelacite.com
3 VISITE « DÉCOUVERTE DES ŒUVRES » AU 104 Virée interdisciplinaire dans les anciennes pompes funèbres. Entre déambulation et intimité de l'atelier, performance, arts visuels, musique ou cinéma, le passage de la rue Curial, qui abrite une quinzaine d'artistes en résidence, dévoile au public la vitalité des œuvres en train de se faire. Le 29 août au 104, www.104.fr
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© Bruno Verjus
RESTOS
60 SORTIES EN VILLE
Grégory Marchand
LA POSSIBILITÉ DU NIL Grégory Marchand au Frenchie De retour de Londres puis de New York, le chef GRÉGORY MARCHAND nous insuffle une leçon de frais savoir appliquée à la cuisine : Frenchie. _Par Bruno Verjus (www.foodintelligence.blogspot.com)
Petite bande peu passante située à la frange du Sentier, voici une curieuse ruelle : la rue du Nil. une sente à l’abri du commerce ? Grégory Marchand vient de succomber au charme désuet de cette ancienne « cour des miracles » et lance comme réponse son restaurant : Frenchie. Derrière ce « frenchie » se cache Marchand lui-même. Il gagne ce surnom à Londres au Fifteen du cathodique Jamie Oliver, le garde au Gramercy Tavern de New York. Sur la carte de ses voyages, ce jeune chef épingle le goût des légumes et des fruits, mariés aux saisons, aux poissons et aux viandes. Dans l’assiette, il transpose des instants et forge des associations neuves nées du marché. À Paris, la salle du Frenchie s’habille en loft avec ses murs de briques sages et de pierres blondes. De l’intimité, grâce à l’incandescence mesurée des lampes industrielles. une allure nette, où la devise « less is more » conduit décors, plats et service. Entre cuisine et salle, une lucarne passe-plats et, derrière cet écran noir aux assiettes blanches, le chef. Acteur studieux. En salle, ça swingue, tempo mordant dans les assiettes. Découpe des ingrédients tranchée et rythmée, version « rustic cutting edge ». Futés et affûtés, ces assaisonnements signent la détermination. Règne souverain des fruits, des pickles, des oignons doux, des vinaigres à l’élégante acidité. une cuisine débarrassée du trop, aux énoncés directs : truite fumée, avocat, concombre pickles ; soupe de betterave, crème fraiche, framboises ; buratine, tomates, cerises (fruits) ; panna cotta, crumble de mûres au citron vert. Voilà bien de quoi aiguiser promptement nos appétits ! Quelques vins bio et nature célèbrent une pratique de menus à prix plutôt raisonnables. une simplicité faite chef – voilà l'avenir du gourmand, et la joie de nous autres, Frenchies. Frenchie, 5 rue du Nil, 75002 Paris. Tél. : 01 40 39 96 19. Fermé dimanches, lundis et mardis midi. éTé 2009
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LE PALAIS DE… A. ET J-M. LARRIEU
LES RACINES « Notre film, Les Derniers Jours du monde, fait coïncider l’Apocalypse avec un retour aux origines de l’humanité… C’est un hasard, mais pendant les deux mois de montage, nous avons déjeuné tous les jours aux Racines. On se croirait dans un bistrot de province où l’on entendrait des conversations surréalistes d’éditeurs et d’écrivains – c’est très amusant. Le chef travaille aussi dans un resto gastronomique, à deux pas, du coup à midi on peut hériter de plats hauts de gamme. Leur « salade Racines », avec de la charcuterie et un brie sublime, est excellente… Et tout est vraiment maison. » _Propos recueillis par A.T.
Les Racines, 22 rue Monsieur-le-Prince, 75006 Paris. Lire l’interview des frères Larrieu p.70
OÙ MANGER APRÈS… _Par B.V.
INGLOURIOUS BASTERDS Chez L’Écailler du bistrot, pour se laver à l’iode fraîchement puisée à la vive saumure. Des huîtres, les meilleures... des grosses, des petites, des Utah Beach, des plates, des papillons. Pour les gourmands, le homard au fameux mélange d’épices « Kari Gosse », et pour les becs sucrés quelques purs desserts. L'Écailler du bistrot, 22 rue Paul Bert, 75011 Paris. Tél : 01 43 72 76 77
LÀ-HAUT Chez La Terrasse, pour cette incroyable terrasse, ouverte de mai à septembre, bordée d’arbustes et justement située « là-haut », plein ciel avec une vue imprenable sur la capitale. À l'honneur, une cuisine française à tendance fusion où les produits et les épices jouent les premiers rôles. La Terrasse, 12-14 rue Joseph de Maistre, 75018 Paris. Tél. : 01 46 06 72 85
BRÜNO Chez La Société, pour la terrasse face à l’Église Saint-Germain, jouxtant Louis Vuitton, pour les people rive gauche, pour le toutParis fashion qui brille et défile, pour des assiettes Costiennes onéreuses et bien troussées, ondulant aux mains de jeunes serveuses modèles, élevées sur hauts talons. La Société, 4 place Saint-Germain-des-Prés 75006 Paris. Tél. : 01 53 63 60 60
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62 LA CHRONIQUE DE
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Š Nicolas Guerin
DOSSIER /// UN PROPHÈTE
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À 28 ans et seulement deux fictions à son actif, TAHAR RAHIM a d’ores et déjà conquis le cœur du public et des professionnels du cinéma. Véritable comète dans le paysage cinématographique français, l’acteur impressionne dans Un Prophète de Jacques Audiard, où il campe un détenu ambivalent. Rencontre avec un jeune homme pudique qui, plus que d’être le produit de son époque, l’incarne. _Par Sandrine Marques
«
Il était fait pour le cinéma. Tahar avait un rendez-vous évident avec le destin, et il était présent au rendez-vous », nous confie le réalisateur Cyril Mennegun, qui l’a dirigé le premier dans Tahar, l’étudiant, un docu-fiction réalisé en 2005, inspiré du parcours chaotique du jeune homme. Le cinéaste rencontre Tahar Rahim à l’âge de 16 ans, à belfort, d’où il est originaire. Avec pour horizon commun la passion du cinéma, ils écrivent ensemble différents projets de courts et de longs métrages, avortés par la force des choses. Cyril Mennegun se consacre au documentaire ; Tahar, issu d’une famille de neuf enfants, s’investit dans les études. Alors abonné à la galère, l’étudiant de 19 ans se cherche : « Je suis entré en fac de sport à Strasbourg, où je n’ai rien fait. L’année suivante, je suis allé à Marseille en fac d’informatique. Au bout d’un mois et demi, j’ai arrêté. Et l’année d’après, je suis allé à Montpellier, en fac de cinéma. J’avais trouvé ma voie », résume Tahar Rahim, un sourire aux lèvres. Quand on lui demande si la natation qu’il a pratiquée longtemps en club explique sa capacité
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à s’immerger dans ses rôles, il invoque plutôt un désir ancien et viscéral de cinéma : « J’ai caressé du bout des neurones un peu tous les domaines du cinéma, de la réalisation à la production. Mais j’ai toujours voulu être comédien. » À voir la relation instinctive qu’entretient déjà le garçon avec la caméra dans Tahar, l’étudiant, sa vocation ne laisse aucun doute. Tahar rejoue, avec candeur et gravité, les épisodes marquants de sa vie estudiantine précaire. Du petit boulot qu’il peine à décrocher et qui passe par le sacrifice de son carré long et bouclé, au dialogue de sourds avec une banque qui lui refuse une avance de 50 euros, l’immédiateté de sa présence éclate dans ce portrait intimiste et sans concession. Déterminé à réaliser son rêve, Tahar prend des cours de comédie. L’agent Dominique besnehard le repère et lui décroche un petit rôle de flic dans le film d’horreur À l’intérieur de Julien Mauray et Alexandre bustillo. Sa bonne étoile ne quitte plus l’apprenti acteur. Il joue une racaille dans La Commune, une mini-série de Canal + qui se
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66 DOSSIER /// UN PROPHÈTE
« J’AI CARESSÉ DU BOUT DES NEURONES TOUS LES DOMAINES DU CINÉMA, MAIS J’AI TOUJOURS VOULU ÊTRE COMÉDIEN. » passe en banlieue, réalisée par Philippe Triboi et écrite par Abdel Raouf Dafri, le scénariste d’Un Prophète. Il y croise Jacques Audiard qui, plus tard, le félicite pour sa prestation à l’occasion d’une projection sur les Champs-Élysées. « Je ne touchais plus terre », raconte Tahar, qui admire les films
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de l’auteur : « Jacques a cette manière de filmer l’humain dans toute sa légèreté et sa densité. J’aime les sujets qu’il traite, sa façon d’aller en profondeur dans ses personnages, de les faire évoluer à chaque fois. Souvent, les rapports s’inversent dans ses duos. Quand je regarde ses films, j’ai l’impression de ne plus être spectateur, mais témoin. » Cette rencontre aura le destin que l’on sait. Tahar Rahim passe des essais pour le rôle principal de Malik, deux mois plus tard. « L’attente, entre les différents essais, a été éprouvante. À chaque fois, je me disais que je n’allais pas être pris. J’ai passé mon temps à regarder mon téléphone pendant trois mois ». D’un naturel anxieux, Tahar Rahim ? Il confirme : « Je suis quelqu’un d’assez angoissé. S’il y a une réelle similitude entre Malik et moi, c’est qu’il apprend au fur et à mesure en prison, tout comme moi, j’ai appris au fur et à mesure du tournage. J’ai besoin de me remettre en question. Ce n’est ni voulu, ni stratégique. J’ai besoin de me laisser traverser par des sentiments plutôt que de lutter contre, quitte à ce que ça me fasse mal pour que je les comprenne. » En compétition officielle à Cannes, Un Prophète séduit la critique et Tahar Rahim est promis à un prix d’interprétation masculine qui ne lui sera finalement pas décerné. « Cannes, j’appréhendais. Personne ne vous prépare à une chose pareille. Ça vous arrive comme un bus en
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« TAHAR EST QUELQU’UN D’EXTRÊMEMENT PRAGMATIQUE, MAIS IL A UNE SENSIBILITÉ MYSTIQUE. » pleine gueule. Et j’ai laissé le bus me frapper de plein fouet », commente le comédien d’origine algérienne, dont le prénom signifie « pur » en arabe et renvoie à l’un des fils… du Prophète. De quoi croire, décidément, à la destinée ! « Tahar est quelqu’un d’extrêmement pragmatique, mais il a une sensibilité mystique. Il croit en Dieu et au destin. C’est quelque chose qu’il trimbale avec lui depuis toujours », souligne Cyril Mennegun
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qui écrit actuellement Sans sommeil, une fiction surmesure où Tahar Rahim incarnera un schizophrène qui lutte contre la maladie. un rôle de nouveau éprouvant pour celui qui à l’issue du tournage du film de Jacques Audiard se déclarait « limite agoraphobe »… Comme tous les acteurs de sa génération, Tahar Rahim trouve ses modèles outre-Atlantique – les films de De Niro et Pacino, notamment, l’ont beaucoup marqué. Sa force n’est pas franco-française, mais vient d’un autre continent. Cérébral et sensitif, il dégage une énergie brute et possède une intelligence immédiate de ce qu’est le cinéma. Mais surtout, le juvénile acteur n’entend pas se laisser enfermer dans le stéréotype violent ou lénifiant du Maghrébin. « Il faut accepter de transcender l’origine d’une personne. Un comédien est par définition capable de tout jouer. J’ose croire que ça va changer, et j’ai l’impression qu’on assiste à une transition dans le cinéma français. Évidemment, je ne vais pas jouer un Norvégien. Mais on est comédien ou on est un objet, et moi, j’ai envie d’être un comédien. » Tahar est de ces natures qui deviennent emblématiques de leur temps, et impulsent une nouvelle donne. Il représente une ouverture, peut-être la première génération dont on ne dira plus qu’elle est « issue de l’immigration ». Et pour cela, valait mieux Tahar que jamais.
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68 DOSSIER /// UN PROPHÈTE
HORS LES MURS Grand Prix au dernier festival de Cannes, Un Prophète est un modèle de maîtrise qui consacre JACQUES AUDIARD en virtuose du film noir. Gorgé de paradoxes et d’ironie, le film transgresse les codes de la représentation de l’univers carcéral à l’écran. Une démarche tortueuse, entre naturalisme et onirisme, que nous raconte le réalisateur – dont la foi en le cinéma n’a jamais semblé si ardente. _Propos recueillis par Raphaëlle Simon
A
vez-vous cherché à faire un film réaliste ? On s’est documenté sur les prisons – on en a visitées beaucoup –, mais pas du tout sur les mafias corses. L’idée était de faire une pure fiction : les mafias, qu’elles soient corses ou arabes, sont des archétypes. C’est une prison imaginaire, dans un décor construit. Comment avez-vous pensé l’irruption du surnaturel dans un récit par ailleurs très naturaliste ? C’est arrivé au moment de l’écriture, quand on se sentait trop rigidifiés par le genre, les problématiques de voyous. Le personnage est hanté par un fantôme malveillant et par ses rêves qui le sortent de son
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quotidien carcéral. Ces moments oniriques, tout comme la musique, prêtent une intériorité, une ampleur au personnage, et créent du hors-champ. Vous vous dites gêné par les sensations feintes : l’amour, la douleur physique… Comment filmer la violence ? J’ai toujours beaucoup de mal à filmer ces choseslà. Je n’étais pas du tout à l’aise avec la scène d’égorgement du film, par exemple, au moment de la filmer, de la monter, ni même de la regarder. Je la tournerais autrement aujourd’hui. Ce qui me gêne avec la violence montrée ou les scènes d’amour, c’est qu’on sait que c’est faux, et on se
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« LES MAFIAS, QU’ELLES SOIENT CORSES OU ARABES, SONT DES ARCHÉTYPES. » demande jusqu’où on va se complaire dedans. Ça me gêne vis-à-vis des acteurs et du public. La violence chorégraphiée, avec des types qui se foutent sur la gueule, c’est facile, c’est presque même un genre en soi. Mais l’acte de tuer au cinéma est beaucoup plus difficile. On entre tout à coup dans une vérité irrémédiable : comment doit-on montrer cela ? Un Prophète est-il selon vous un film plus violent que De battre mon cœur s’est arrêté ? De battre… était aussi très nerveux. Je n’ai pas changé de façon de filmer. C’est peut-être le sujet qui est plus physique, plus dur, plus cru. Je pense qu’un film chasse le précédent. Cela dit, je n’ai pas d’idée synthétique de mon travail, et récuse l’idée d’œuvre. Vos personnages sont souvent contradictoires et impulsifs, ils n’inspirent pas directement la sympathie… Il me serait difficile de raconter l’histoire d’un personnage auquel je ne peux m’attacher et m’identifier. J’aime beaucoup Scarface, mais je ne pourrais pas raconter cette histoire : le personnage ne m’est rien, c’est un fou furieux, un névropathe, je ne veux pas qu’il m’approche. J’aime partir d’une page blanche. L’épreuve dans laquelle je vais plonger mon personnage va l’identifier, telle une cuve à 120 degrés. Au début du film, Malik n’est personne, on ne sait pas d’où il vient, il n’est même pas qualifié d’arabe mais de SDF. Il sortira de l’histoire traumatisé. Si j’en avais fait un gros dur, je me serais désintéressé du personnage. Pourquoi le film s’appelle-t-il Un Prophète ? Le scénario d’Abdel Raouf Dafri [scénariste du diptyque sur Jacques Mesrine de Jean-François Richet, ndlr] s’intitulait Le Prophète, que j’ai changé
en Un Prophète pour donner une dimension ironique. J’avais aussi pensé à Gotta Serve Somebody, une chanson gospel de bob Dylan, qui colle parfaitement à Malik – les titres me viennent souvent de formulations anglo-saxonnes, comme «read my lips» pour Sur mes lèvres. Je crois qu’on sert toujours quelque chose ou quelqu’un, et on aurait tort de se sentir en dehors de cette logique. Mais je n’ai pas su traduire cette idée en français, j’ai donc gardé Un Prophète, même si je trouve que ça engage une injonction trop forte, car on attend forcément la prophétie… Et justement, quelle est cette prophétie ? C’est celle du prophète Mahomet, celle des religions révélées, mais aussi, plus ironiquement, celle d’un nouveau prototype de voyou, qui en devient un par la force des circonstances, comme un surnom : « Tiens, assieds-toi là, Prophète ! » Malik est un voyou à part. Il sera sans doute un très bon père de famille, loin des problématiques de testostérone de ses pairs! C’est un intellectuel, en fait, ce qui ne veut pas dire qu’il soit moins dangereux que les autres. Il finira sans doute dans la politique ! Le personnage semble être sauvé par son passage en prison. Pourquoi cette ironie ? Parce que ce paradoxe est drôle ! Ce passage en prison mène Malik là où la vie aurait dû le mener – il finit par prendre conscience de ses racines, par trouver ce qu’il n’a jamais eu, une possibilité d’amour, de rapport à l‘enfance. On parle de la prison comme de l’école du crime, c’est donc une école, je voulais m’attarder sur ce paradoxe. Je n’avais pas envie de faire une tragédie, mais plutôt un cri d’espoir. Après, libre à chacun d’y voir une métaphore sociale ou une morale, mais je ne la tire pas moi-même, cette histoire reste un cas isolé. Pourquoi avoir choisi Tahar Rahim dans le rôle principal, après avoir dirigé des acteurs plus installés ? C’était la condition d’existence du film ! Le spectateur ne connait pas l’histoire de Malik quand il arrive en prison. Il ne fallait pas, de même, qu’il connaisse le visage et les rôles précédents de Tahar. Notre première rencontre fut complètement hasardeuse : nous nous sommes retrouvés dans la même voiture, au retour du tournage d’un confrère. J’étais en train d’écrire le film, et j’ai rapidement voulu le faire avec lui, même si j’ai rencontré une quarantaine d’autres acteurs pendant le casting, pour être sûr de mon choix. Tahar n’est pas un viriloïde, il ne dégage pas de testostérone excessive, c’est un petit sujet. Ce qui le distingue ? Sa juvénilité, sa vivacité, la vitalité de son regard.
Un film de Jacques Audiard// Avec Tahar Rahim, Niels Arestrup… // Distribution : UGC // France, 2008, 2h29 // Sortie le 26 août
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71 DOSSIER /// LES DERNIERS JOURS DU MONDE
quand ARNAUD et JEAN-MARIE LARRIEU filment Les Derniers Jours du monde, cela ressemble à la rencontre de Don quichotte, Houellebecq et Terminator dans un Pays Basque d’apocalypse. Avec ce film total, au lyrisme époustouflant, les deux frères célèbrent – sous les décombres – la puissance du désir, des sens et du cinéma. En guise d’interview, nous leur avons soumis quelques vers du plus grand poète à avoir fait rimer amour et cataclysme : LOUIS ARAGON. _Propos recueillis par Auréliano Tonet
«
Il advint qu’un beau soir l’univers se brisa / Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent / Moi je voyais briller au-dessus de la mer / Les yeux d’Elsa les yeux d’Elsa les yeux d’Elsa. » Jean-Marie Larrieu : Quand j’entends cette phrase, je pense à la séquence où Laetitia [Omahyra Mota] passe devant Robinson [Mathieu Amalric] buvant sa bière. Il se lève pour la suivre, et c’est en fait elle qui le suit jusqu’au bateau. C’est un peu avant la fin du monde… Le film raconte une histoire d’amour apocalyptique, c’est-à-dire le rapport entre l’étincelle amoureuse et les grands courants historico-cosmiques : un personnage part à la recherche de la fille qu’il aime alors que le monde court à sa perte. Lui seul étant armé d’un désir précis, il remonte la foule à contre-courant – littéralement. Cette idée était déjà présente dans le livre de Dominique Noguez, que nous avons lu à sa sortie en 1991, et dont le film est adapté. « Mon bel amour mon cher amour ma déchirure / Je te porte dans moi comme un oiseau blessé. » Arnaud Larrieu : L’amputation du bras de Robinson n’était pas présente dans le roman. On l’a ajoutée selon un principe purement cinématographique : la blessure est un repère, qui permet de distinguer le passé du présent, car il y a beaucoup de flashbacks. Cela fragilise également le héros : on comprend vite que son histoire d’amour avec Laetitia l’a blessé. « Donne moi tes mains que mon cœur s’y forme / S’y taise le monde au moins un moment / Donnemoi tes mains que mon âme y dorme / Que mon âme y dorme éternellement. » A.L. : Je me souviens qu’après avoir lu le scénario, Mathieu Amalric nous a dit : « C’est un film sur la peau. » J.-M.L. : Au moment de mourir, le personnage d’Iris [Clotilde Hesme] dit à Robinson : « Ta peau, ta peau contre ma peau… »
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A.L. : La peau, c’est la dernière frontière entre soi et le monde. Les personnages sont souvent nus, malgré la violence des événements qui les entourent. Outre l’idée de fragilité, la nudité renvoie à un état primitif : c’est comme si, au moment de s’éteindre, le monde revoyait son passé. Robinson et Laetitia figurent alors Adam et Eve, le couple originel. Les derniers jours du monde deviennent comme les premiers. « C’était un temps déraisonnable / On avait mis les morts à table / On faisait des châteaux de sable / On prenait les loups pour des chiens / Tout changeait de pôle et d’épaule / La pièce était-elle ou non drôle / Moi j’y tenais mal mon rôle / C’était de n’y comprendre rien… » J.-M.L. : C’est extrait d’Est-ce ainsi que les hommes vivent, qui se passe pendant la guerre : « Tout est affaire de décor / Changer de lit changer de corps… » Clairement, ce poème conte l’itinéraire du personnage – on le cite d’ailleurs en cours de film. Robinson est une sorte de combattant, il est seul, blessé, mais repart sur les chemins, dans un voyage plein de vie et de sensualité. J’aime l’idée d’un romanesque, d’une poésie qui émane du chaos. A.L. : Notre génération n’a pas vécu la guerre, mais elle vit dans la menace diffuse d’une catastrophe. Les récits de guerre nous ont beaucoup nourris – ceux d’Ernst Jünger par exemple. Les guerres forment souvent un mélange d’horreurs et de découvertes incroyables. Tout semble réversible. C’est un temps propice aux rencontres, aux métamorphoses, à la confusion des genres et des désirs – soit des motifs qui traversent depuis toujours notre cinéma. « Une chanson des temps passés / Parle d’un chevalier blessé / Du château d’un duc insensé / Et des cygnes dans les fossés. » A.L. : On dit souvent qu’on voit sa vie défiler avant
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72 DOSSIER /// LES DERNIERS JOURS DU MONDE
« J’AIME L’IDÉE D’UN ROMANESQUE, D’UNE POÉSIE QUI ÉMANE DU CHAOS. » de mourir. Dans le film, le passé remonte aussi des lieux. On a imaginé que les riches se réfugiaient dans un château quasi-onirique, tenu par une marquise en dehors du temps [Sabine Azema]. Cela résonne à la fois avec une mythologie française – le château médiéval comme représentation du temps jadis –, et une mythologie cinématographique : Demy, Renoir, Cocteau, brisseau, Eyes Wide Shut… Le château, c’est la maison du cinéma. « Où fait-il bon même au cœur de l’orage / Où faitil clair même au cœur de la nuit / Rien n’a l’éclat de Paris dans la poudre. » J.-M.L. : On a filmé la séquence finale, dans Paris désert, comme une zone de très haute altitude : le silence, le vent. En montagne, au-dessus de 7000 ou 8000 mètres, on appelle ça « la zone de la mort ». On ne peut y rester que quelques heures : sur l’Everest, si tu ne redescends pas avant midi, tu sais que tu ne survivras pas. Comme en montagne, Robinson et
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Laetitia s’éclairent avec une torche, en plein Paris : tout peut surgir. On a regardé avec intérêt Seuls Two d’Eric et Ramzi : ils ont vidé plus de rues que nous, mais en fin de compte, on ne retient de leur film que la performance, pas l’émotion. « J’entends le violon préluder dans la fosse / C’est l’opéra dit-il ce feu follet changeant. » J.-M.L. : La scène d’opéra – une représentation de La Vie brève de Manuel de Falla – est centrale. Le personnage d’Ombeline [Catherine Frot] veut à tout prix accéder à un statut lyrique et romanesque. En vain. Dès lors, tout bascule, le film est plongé dans le noir, la tragédie est passée dans le monde. « Je demeurai longtemps derrière un Vittel-menthe / L’histoire quelque part poursuivait sa tourmente. » J.-M.L. : Le film part de l’idée qu’une catastrophe intime peut être aussi forte que la catastrophe mondiale. Robinson a survécu à la fin de son histoire d’amour, ce qui lui donne la force d’affronter le reste. une nouvelle de Jim Harrison, L’Homme qui oublia son nom, nous a beaucoup influencés : c’est l’histoire d’un chômeur largué qui se met à s’interroger sur le monde avec une distance impressionnante. A.L. : Robinson porte en lui le désir de tout éliminer. Partout où il passe, on meurt. C’est un homme fatal. « Je suis né vraiment de ta lèvre / Ma vie est à partir de toi. » J.-M.L. : Nous avons découvert la poésie d’Aragon à travers Léo Ferré, dont on retrouve plusieurs chansons dans le film. Nous avons également utilisé des enregistrements d’orchestres symphoniques que Ferré avait lui-même dirigés. J’aime l’idée d’un film dont la musique a été composée par un mort.
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« LA PEAU, C’EST LA DERNIÈRE FRONTIÈRE ENTRE SOI ET LE MONDE. » « Il m’arrive parfois d’Espagne / Une musique de jasmin / Un jour viendra que l’homme gagne / Hier s’achève par demain. » A.L. : Le voyage en Espagne n’était pas dans le roman ; nous l’avons ajouté. Cela renvoie à Don Quichotte, à la tradition du récit épique et picaresque. J.-M.L. : Le film se déroule au Pays basque, qui est un vrai lieu de frontières. La scène de la feria de Pampelune, avec ses lâchers de taureau, fut la première que l’on a tournée. Elle a donné le ton du film, ses confrontations permanentes entre Eros et Thanatos, ses couleurs aussi – rouge, blanc, noir –, très espagnoles. « Le peintre assis devant sa toile / A-t-il jamais peint ce qu’il voit / Ce qu’il voit son histoire voile / Et ses ténèbres sont étoiles / Comme chanter change la voix. » J.-M.L. : Avant de le tourner, on considérait Les Derniers Jours du monde comme notre film total. Il y avait cette
idée d’aller partout où l’on a envie d’aller. Le roman nous a permis de sortir de nous-mêmes, de nous approprier les choses. Ça nous a libérés. A.L. : Ça a été un film très difficile à monter financièrement, il a fallu se débrouiller. Sur le papier, c’était assez hollywoodien, avec des virées à Taïwan et au Canada. C’est la première fois qu’on se retrouvait avec un tel budget. On y est allé au plaisir, en retrouvant quelque chose de nos premiers désirs de cinéma : nos premiers films en Super 8, tournés à 14 ans, étaient tous des films d’horreur avec des cadavres, du sang qui coule… J.-M.L. : Dans cette ultra-fiction de fin du monde, on tenait cependant à garder des trouées documentaires, par exemple à Pampelune. C’est aussi le premier film qu’on tourne en cinémascope traditionnel, format dont les qualités de flou sont très propices à l’imaginaire. « Tout se perd et rien ne vous touche / Ni mes paroles, ni mes mains / Et vous passez votre chemin / Sans savoir ce que dit ma bouche. » J.-M.L. : J’espère que le film trouvera son public. On a respecté les lois du cinéma de genre, tout en retrouvant des angles un peu oubliés – ces personnages de westerns en retrait, qui, comme Robinson, ne veulent pas sauver le monde. A.L. : Pendant le tournage, on avait parfois l’impression de réaliser l’adaptation de La Possibilité d’une île – nous n’avions pas encore vu le film de Houellebecq. Espérons qu’on rencontre au cinéma le succès que lui a rencontré en littérature… [rires]
Un film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu // Avec Mathieu Amalric, Omahyra Mota… // Distribution : Wild Bunch // France, 2008, 2h10 // Sortie le 19 août
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74 DOSSIER /// L’AN 1
COMÉDIE, ANNÉE ZÉRO Conduit par un vieux de la vieille, HAROLD RAMIS, L'An 1 : Des débuts difficiles est un road-trip hirsute à l’aube de la civilisation, rondement mené par deux stars montantes, JACK BLACK et MICHAEL CERA. Sorte de Monty Python à la sauce LOL, cette réunion de famille de la nouvelle comédie U.S. enfonce définitivement La Guerre du feu. Rencontre à New York avec ses créateurs déjantés. _Par Clémentine Gallot
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’An 1, c’est Darwin pour les nuls : le film nous plonge dans les ténèbres de l’humanité, au sein d’une tribu en crise de virilité. Les chasseurs les plus efféminés sont relégués à la cueillette des fraises, tandis que les guerriers baraqués font la loi – comme dans une high-school américaine. Les deux outcasts de la communauté, Zed (Jack black, au taquet) et Oh (Michael Cera, la bouche en cœur), sont expulsés du village pour avoir goûté au fruit défendu, et s’en vont explorer le rêve américain,
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la Terre Promise et la conquête de l’Ouest. Longue, dure et bordée de gags scatos, la route trempe nos héros dans le grand bain de l’Histoire : se côtoient, le long de cette odyssée biblique revisitée, l’invention de la roue, les premiers Chrétiens, des juifs circonciseurs frénétiques et autres Romains sadiques. S’arrachant à leur extraction bestiale pour gravir péniblement l’échelle sociale, les deux rednecks de Néandertal subissent un choc des civilisations à la Macadam Cowboy, qui se termine à Sodome (« Where the sinners are the winners ! »). Apothéose du voyage,
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« SI ON NE PEUT PAS RIRE DE LA RELIGION, ON VA TOUS FINIR PAR SE DÉTESTER ENCORE PLUS. » MICHAEL CERA ce Las Vegas de l’Antiquité abrite un prêtre sacrificateur tout droit sorti de La Cage aux folles, officiant dans une sorte de backroom antique… Tourné en Louisiane, dans un immense décor reconstitué, L’an 1 franchit donc le pas qui séparait Cecil b. DeMille d’Asterix. Mais le film marque surtout la collaboration intergénérationnelle des meilleurs éléments de la comédie u.S.. À la table de cette réunion de famille, on trouve les acteurs bankables du moment (Paul Rudd, David Cross, Oliver Platt…), vêtus de slips en peau de zébu et autres strings à paillettes ; Harold Ramis, scénariste et réalisateur culte (Ghostbusters, Mafia Blues), chaperonné par la production Judd Apatow ; ou encore les scénaristes de The Office U.S., Gene Stupnitsky et Lee Eisenberg. Quant à Michael Cera, il revêt sans effort ses habits de doux rêveur malchanceux développés dans Juno et Une Nuit à New York. «Je connaissais Michael quand il était très jeune dans la série Arrested Development, avant même qu’il ne tourne Supergrave », se souvient Harold Ramis. À ses côtés, roublard et cabotin, figure l’énorme Jack black, spécialisé depuis quelques années dans l’exubérance XXL (Super Nacho, L’Amour extra-large) et la comédie « rock » (High Fidelity, Rock Academy). Le comédien ne s’est pas encore remis de l’échec commercial de son film, Tenacious D, en 2006 : « J’en suis toujours très fier. C’est peutêtre ma coupe de cheveux qui a distrait les gens. Inconsciemment, les spectateurs n’aiment pas les gros. Nous sommes victimes du fat-isme ! » Avant d’ajouter, d’un air entendu : « Mais depuis, j’ai gagné des muscles…»
Comédie über-vintage, L’an 1 est un hommage à peine voilé à La Vie de Brian des Monty Python, variation chamarrée sur la vie de Jésus, oscillant entre blasphème et hérésie. Jack black : « La scène d’enlèvement extra-terrestre est ma préférée de La Vie de brian. On a failli en tourner une similaire, mais on a finalement renoncé : pas besoin de faire un hommage dans l’hommage. En revanche, il était temps de tourner une autre réécriture de la Bible. » Aussi sensible et affable dans la vraie vie qu’à l’écran, Michael Cera se dit croyant, mais ne pratique guère : « C’est bien de se moquer un peu de la religion. Si l’on ne peut pas en rire, on va tous finir par se détester encore plus. » La sortie américaine du film a été entourée des précautions d’usage : pour faire taire une possible censure, une copie a été soumise à l’Anti-Defamation League. « brandé » comme un film spirituel, L’an 1 a pâti d’une promotion brouillée et reçu un accueil tiède aux États-unis. « Je veux qu’il permette de discuter de la place de la religion dans notre vie, du fondamentalisme, de l’existentialisme », espère Ramis. Zed et Oh pratiquent ainsi des positions théologiques inconciliables : « Zed croit que la vie a un sens et qu’il est « choisi » par Dieu, poursuit le cinéaste. Oh croit que les choses sont arbitraires et accidentelles. Mais au bout du compte, ils doivent agir et prendre leurs responsabilités. L’incertitude est la condition de la vie : la religion donne des réponses réconfortantes, mais cela ne suffit pas. » Comme Mel brooks, Harold Ramis est un vétéran de la comédie u.S. potache et collégiale, et de l’humour juif tel qu’il se pratique à Hollywood. C’est en faisant de l’improvisation à Chicago, dont il est originaire, qu’il a débuté il y a quarante ans. Mais il s’avoue volontiers une sensibilité européenne : « En Europe, la mélancolie et le désespoir existentiel sont communément acceptés. En Amérique, il y a un énorme appétit pour l’entertainment. On pense que le bonheur est la condition sine qua non de la vie. » En attendant, le cinéaste planche sur un éventuel Ghostbusters 3. De son côté, Cera prépare la sortie de Youth in Revolt de Zach Galifianakis, tandis que black est en tournage à Londres pour une adaptation contemporaine des Voyages de Gulliver. une fausse rumeur sur Twitter, qui avait annoncé une possible suite à Supergrave, donne lieu à un échange animé entre les deux acteurs à propos du site de micro-blogging. « Il faut vraiment être naïf pour croire tout ce qu’on lit sur le web, explique Michael Cera. Je n’ai pas envie d’avoir de compte Twitter pour que le monde tourne encore plus autour de moi. » Et Jack black d’ajouter, narquois : « Moi non plus. Si c’est pour dire à tout le monde « Youhou, je mange un taco ! », c’est pas la peine. »
Un film d’Harold Ramis // Avec Jack Black, Michael Cerra… // Distribution : Sony // États-Unis, 2008, 1h27 // Sortie le 12 août
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BOUDOIR ÉBATS, DÉBATS, CABAS : LA CULTURE DE CHAMBRE A TROUVÉ SON ANTRE
« C’EST UNE PARTIE DE NOTRE TRAVAIL QUE DE CRÉER DES MALENTENDUS. » THE FIERY FuRNACES P.80
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GILBERT & GEORGE, artistes indivisibles
Le rock flamboyant des FIERY FURNACES
BIBLIOTHÈQUE Redécouvrir GEORGES SIMENON
BD-THÈQUE Comics Vinyls, ou 50 ans de frottements entre BD et musique
LUDOTHÈQUE Les héros sans euros de Battlefield Heroes
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© 2009 MK2 S.A. © 2007 Julian Cole.
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uN POURTOUS GILBERT & GEORGE, ARTISTES INDIVISIBLES Ancien modèle du célèbre duo d’artistes britanniques, JULIAN COLE a filmé Gilbert & George pendant plus de vingt ans. En résulte un portrait intime, où les inséparables se révèlent en glaneurs, poursuivant leur grande ambition d’un « art pour tous ». _Par Juliette Reitzer
Dans leur costume trois-pièces identique, Gilbert Prousch entier dans une galerie » : le réel s’immisce dans leurs et George Passmore, le petit brun et le grand chauve, œuvres, jusqu’à devenir art en soi. avancent d’un pas réglé dans les rues du Londres populaire. Flegme, visages impassibles et précision du Couple insécable, Gilbert & George affirment leur geste, ces deux-là traversent les années avec leurs ambition d’une œuvre capable de saisir le tout en un – tenues assorties, l’un accordant son pas à celui de leurs photo-montages, surimprimés de grilles noires, l’autre. Ils se rencontrent à la célèbre Saint Martin’s semblent d’ailleurs porter la marque de cette recherche School of Art, à la fin des années 1960. Le premier est de l’absolu, où la cohésion de l’ensemble est subordonnée né en Italie, le second a grandi en à l’assemblage de plusieurs éléments Angleterre, tous deux sont issus de distincts. Posant nus, agrandissant leurs familles modestes. Ils ne se quitteront échantillons sanguins au microscope plus, partageant leur intimité et leur ou photographiant leurs étrons dans conception de l’art, jusqu’à fusionner la série Naked Shit Pictures en 1995, ils en une seule et même entité nommée continuent d’explorer leurs propres Gilbert & George – fidèles en cela à anatomies. Les artistes ne sont pas l’immuable équation 1 + 1 = 1. S’ils sont nombrilistes pour autant. Au contraire, surtout connus pour leurs grands photosi leur travail converge sans cesse vers montages, le documentaire expose With Gilbert & George leurs propres corps, c’est parce qu’ils chronologiquement l’ensemble de leur de Julian Cole sont semblables à tous les autres : (MK2 éditions) carrière, placée dès 1970 et leur Singing « L’excrément est une des rares choses Sculpture sous l’égide d’une reconnaissance mondiale : universelles au monde. » Gilbert & George aspirent maquillés et juchés sur un socle, ils s’autoproclament à un art accessible à tous, décrit en 1986 dans leur «statues vivantes» et installent déjà leurs corps au centre manifeste What our Art Means : « Nous voulons que de leur art. Le succès est tel que les deux British font le notre art s’adresse directement aux gens, au-delà des tour du monde et gagnent pour la première fois de barrières de la connaissance, qu’il s’adresse à leur vie l’argent... qu’ils dépensent aussitôt en fêtes et beuveries. et non à leur culture artistique. » C’est ainsi qu’ils partent Pour leur œuvre suivante, Dark Shadows, ils s’imbibent à l’assaut de la Russie ou de la Chine communiste, de cette nouvelle expérience, et mélangent de l’alcool y organisant une exposition entièrement à leurs frais, au révélateur qu’ils utilisent pour développer leurs faisant fi des obstacles politiques et culturels. clichés. Ils déclarent alors vouloir mettre « le monde éTé 2009
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« GILBERT & GEORGE SONT RESTÉS FIDÈLES À L’ÉQUATION 1 + 1 = 1. »
LE COFFRET
Saisir le tout en un, c’est aussi ce que réussit le film de Julian Cole qui, au travers d’entretiens et d’images d’archives, suit les hommes dans leur quotidien, relate leur enfance, leur engagement contre le sida ou la misère – bien au-delà, donc, de leur carrière fulgurante. Sans jamais quitter leur solennel maintien de «sculptures vivantes», Gilbert & George nous expliquent, avec leur humour so british, pourquoi ils refusent par exemple d’avoir une cuisine : «C’est contraire à notre religion, on perdrait bien trop de temps si on faisait la cuisine ! » Pressés, « G & G » ? Dans l’intimité de leur atelier londonien, on les découvre au contraire en vrais collectionneurs – littérature gay, mobilier Art and Craft, tout y passe, ou presque. Fascinante preuve que ces deux-là sont des glaneurs, avançant comme un seul homme pour saisir en leur art toute la diversité du monde.
_J.R.
KON ICHIKAWA (CARLOTTA)
Ravages de la Seconde Guerre Mondiale (La Harpe de Birmanie, 1956), mal-être et fin de l’ère Meiji (Le Pauvre Cœur des hommes, 1955), exil d’Osaka à San Francisco (Seul sur l’océan Pacifique, 1963) : trois œuvres d’un maître du cinéma japonais, baignées d’un même délicat vague à l’âme.
LE COUP DE CŒUR DU VENDEUR LA BAIE SANGLANTE, DUEL AU COUTEAU & LES VAMPIRES DE MARIO BAVA (CARLOTTA)
Réédition de trois chefs-d’œuvre tardifs de Mario bava, maître du cinéma d’horreur dont l’influence a irrigué le cinéma de Scorsese, De Palma ou Argento. Extrêmement stylisée, l’œuvre de bava ne tourne jamais, malgré sa somptuosité, à la démonstration. Lumière, cadres, gestuelle font de ces films des petits bijoux, qui ne prennent jamais de haut les genres – films de fantômes, de vampires, de vikings – auxquels ils se confrontent. bava, ce n’est donc pas le néoréalisme, bien que tout univers fantasmé porte en son sein la trace d’une réaction à la société qui l’entoure... _Florian Guignandon, vendeur à la boutique du MK2 quai de Loire
_Par J.R.
DVD LE BAL DES ACTRICES
DE MAÏWENN
(M6 VIDÉO)
Avec ce film choral, Maïwenn fait valser les codes du journal intime filmé et livre un portrait drôle et touchant des actrices françaises. Jeanne balibar, Muriel Robin ou Mélanie Doutey jouent avec leur image dans une réjouissante mise en abyme.
IL DIVO DE PAOLO SORRENTINO (STUDIOCANAL)
Paolo Sorrentino revient sur l’incroyable carrière du politicien italien Giulio Andreotti, tour à tour député, ministre, président du Conseil des ministres et sénateur à vie. un film historique qui fait exploser à la dynamite les conventions du genre.
GRAN TORINO
DE CLINT EASTWOOD (WARNER)
Tout en grognements et regards furibonds, Eastwood interprète un vétéran de la guerre de Corée acariâtre, raciste et solitaire, en prise avec la communauté asiatique de son quartier… Le réalisateur joue avec son propre mythe, pour notre plus grand plaisir.
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SuRPRISE FRATRIE LE ROCK FLAMBOYANT DES FIERY FURNACES Les New-Yorkais THE FIERY FURNACES sont sans doute le groupe le plus original qu’il nous soit donné d’entendre aujourd’hui. Moins compliqués que complexes, ces continuateurs de la tradition rock en sont aussi la critique et, sans doute, l’avenir. _Par Wilfried Paris
Depuis huit albums, The Fiery Furnaces (« les fours que la phrase des Beatles « Paperback Writer » n’est pas ardents », expression biblique issue du Livre de Daniel) le titre de la chanson, mais « Take a bath, dry yourself », redéfinissent en profondeur la pop-music. Le duo cette sorte d’événement constitue la vraie vie de la passe pourtant inaperçu aux yeux du grand public, chanson. » car trop en avance sur son temps, c’està-dire produisant et anéantissant avec Adeptes du contre-pied (frustrations) et du la même rapidité les formes les plus coq-à-l’âne (associations), les Friedberger codifiées, selon un modus operandi qui ont fait de l’accident un véritable art voit la vérité dans la destruction, et sonore, déstructurant systématiquement un chemin dans les ruines. Du premier la musique populaire, depuis le blues Gallowbird’s Bark (2003) jusqu’à ce du delta aux tubes power-pop, en passant magistral I’m Going Away (2009), par les ritournelles de Phil Spector ou les disques de Matthew et Eleanor l’indie-rock des radios universitaires (ils Friedberger essaiment entre opérassont désormais accompagnés à la rock familiaux, math-rock énergique, batterie par Eric Gaffney, ex-Sebadoh). prog-pop littératrice, glam sauvage, On les rangera ainsi aux côtés des Dirty garage soudain ou blues ancien. une I’m Going Away de The Fiery Projectors, Animal Collective ou Grizzly musique qui se révèle autant synthèse Furnaces (Thrill Jockey / PIAS) bear dans la petite fratrie préoccupée de la matière (le groupe de rock primitif) à réfléchir sur nos habitudes devant et de la forme (le cadavre exquis pop, les harmonies l’éternelle chanson pop (3m30, couplet-refrain x2, mille-feuilles), que des mots (bavards) et des mélodies pont, refrain), comme le firent en leur temps Zappa, (flamboyantes), achevant le programme beatlesien beefheart ou Père ubu. Forts d’une carrière dont les selon nos modalités de réception modernes (l’efficacité dents de scie sont autant de délicieuses chaussepop) et post-modernes (la profusion et la confusion trappes par lesquelles provoquer le questionnement comme moteurs de l’imagination). Pour Matthew, le face à nos conditionnements, Matt et Eleanor ont produit malentendu fait partie intégrante de la chose pop : plusieurs albums comme des disques-cerveaux ou livres « Je crois que c’est une partie de notre travail que de musicaux, tableaux d’un véritable cabinet de curiosités : créer des malentendus. Dans ce seul sens que les « Rehearsing My Choir, bitter Tea et Widow City étaient malentendus créatifs – créatifs de la part de l’auditeur spécifiquement construits comme des portraits de – sont la vraie vie d’un disque. Quand un gamin pense femmes. I’m Going Away, un petit peu moins. Mais toujours éTé 2009
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« LES MALENTENDUS SONT LA VRAIE VIE D’UN DISQUE. » MATTHEW encore. » Ici, les mots, nombreux (noms propres, phrases à l’envers, flashbacks carrolliens, récitations, litanies), sont autant d’invitations au décryptage, à l’errance. Pour la première fois cependant, ce groupe de conteurs-musiciens semble avoir simplifié son propos : I’m Going Away sonne comme un classique de l’histoire du rock, un album de guitares et de refrains d’amours déçus. Cet a priori d’accessibilité se trouve pourtant vite contredit par une ironie glissée dans les soli de guitares, les petits slides ostentatoires, qui résonnent comme une nouvelle critique du genre : « Nous rions avec les conventions et les clichés. Nous ne nous moquons pas d’eux avec mauvaise intention. C’est pourquoi je ne le caractériserais pas comme ironique, mais comme engagé. » Prochaine lubie de la fratrie : Silent Record, un non-album qui ne s’écoutera pas, mais se proposera sous forme de livre avec partitions, paroles et annotations. un nouvel objet conceptuel « à faire soi-même ». Avec tous les malentendus possibles, et la vie qui ira avec.
LE TRÉSOR CACHÉ MY LOVE FOR YOU IS A CHEAP POP SONG DE KUMISOLO (ACTIVE SUSPENSION)
À partir de matériaux dépréciés (synthétiseurs d’occasion, lolita-pop japonisante, bribes de français et d’anglais), la Nippone Kumisolo élabore une riche et touchante ode à l’exil – amoureux, technologique, spatio-temporel. Le cheap, c’est chic. _A.T.
LA BANDE ORIGINALE LÀ-HAUT
(WALT DISNEY RECORDS)
Entre candeur et nostalgie, Michael Giacchino parvient à traduire l'état d'esprit du vieil homme : son souvenir pour les années 1930, à travers un jazz dansant, mariant cuivres et cordes ; sa détermination à faire la grande aventure, qu’exprime le thème principal, véritable leitmotiv de la b.O. ; sa relation avec l’enfant, enfin, dont se fait écho un thème de valse. Illustrant la comédie comme l'action, la partition participe au divertissement, dont l'absence de cynisme est la plus grande audace. un hymne à l'esprit d'aventure, mélancolique et féerique. _B.B.
_Par A.T.
CD POPULAR SONGS
DE YO LA TENGO
(MATADOR / BEGGARS)
Que demande le peuple ? Qu’on prenne sa musique au sérieux, répond Yo La Tengo. Avec Popular Songs, bel hommage à la pop dans toute sa pluralité (soul, punk, psyché), le trio d’Hoboken s’impose comme le parti le plus démocrate de l’hémicycle indie.
THE ECSTATIC
DE MOS DEF
(DOWNTOWN / COOPERATIVE)
Depuis ses excursions du côté du rock ou du cinéma, on pensait Mos Def mort pour la chose hiphop. Erreur : épaulé par une brochette de producteurs aux idées larges (Madlib, Oh No…), il délivre ici un flow d’une musicalité inouïe. Définitif.
REWILD
DE AMAZING BABY (V2 / COOPERATIVE)
En direct de brooklyn, le premier album de ces épatants bébésrockeurs orchestre un retour au psychédélisme anglais des années 1980 (Spacemen 3, Stone Roses, Pulp première période). « Be kind, rewild » : soyez sauvages, rembobinez.
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DE MICHAEL GIACCHINO
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uN PEDIGREE REDÉCOUVRIR SIMENON Il y a vingt ans mourait GEORGES SIMENON. Pour les fanatiques comme pour les néophytes, à la plage ou dans les rues de Liège, c’est l’occasion de (re)découvrir l’une des plus grandes œuvres du XXème siècle. _Par Bernard quiriny
On pourrait passer une vie à lire ou relire Simenon. de spécialistes s’accordent à considérer comme Chacun sait que la fécondité de l’inventeur de Maigret ses meilleurs ? Y a-t-il une période privilégiée parmi était extraordinaire, mais il faut se remettre les chiffres les soixante années d’écriture de Simenon ? Autant en tête pour bien en prendre la mesure : près de 200 d’hésitations qui constituent l’un des paradoxes d’une romans et environ 150 nouvelles sous son œuvre à la fois populaire et littéraire, l’une nom, sans compter les centaines de textes des rares que l’on peut lire à la fois dans alimentaires publiés sous une dizaine de des éditions de poche à bon marché et pseudonymes ! Au fil des 25 000 pages de sous les cuirs parfumés de la collection de cette œuvre monumentale (27 tomes dans la Pléiade. Les diverses parutions liées l’édition complète chez Omnibus), le lecteur au vingtième anniversaire de la mort du attentif visitera près de 1800 lieux différents maître, disparu à Lausanne le 4 septembre et croisera environ 9000 personnages, ce 1989 à 86 ans, donnent peut-être un début qui constitue un record. Et ce n’est pas fini : de réponse : en appréhendant l’œuvre sous pour prétendre connaître vraiment l’univers des angles un peu décalés, elles offrent simenonien, l’admirateur qui se respecte finalement des points d’accès originaux devra s’intéresser aussi à la vie du maître, pour y pénétrer, et constituent pour chacun presque aussi passionnante que ses livres, et l’occasion de bâtir sa bibliothèque Romans américains se constituer une vidéothèque à partir des (Omnibus) et Pedigree et simenonienne personnelle. dizaines d’adaptations cinématographiques autres romans (Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade ») de l’œuvre, depuis les Maigret de Pierre de Georges Simenon Pour les amateurs d’éditions de référence, Renoir et Jean Gabin (à chacun son on commencera par Pedigree et autres incarnation préférée du célèbre commissaire) jusqu’à romans, le troisième volume consacré par la Pléiade la bouleversante Veuve Couderc de Pierre Granier-Deferre à l’écrivain liégeois. Là où les deux premiers offraient ou à l’inquiétant Monsieur Hire joué par Michel blanc, un panorama du génie simenonien à travers une dans ce qui reste le meilleur film de Patrice Leconte. vingtaine de romans (Maigret et autres mélangés), celui-ci rassemble huit livres « mémoriels » où Simenon Cette profusion peut donner le tournis et intimider le revient sur son passé, autour du fameux Pedigree qui profane, qui ne sait finalement plus comment aborder lui donne son titre. Très à part dans l’œuvre, ne seraitcette cathédrale de papier. Faut-il commencer par les ce que par sa taille, ce roman est la conséquence Maigret ou par les romans d’atmosphère, que beaucoup curieuse d’une erreur médicale : un médecin pessimiste
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« 200 ROMANS, 150 NOUVELLES, 25 000 PAGES, 1800 LIEUX DIFFÉRENTS, 9000 PERSONNAGES : L’ŒUVRE DE SIMENON EST MONUMENTALE. »
LE CINÉ LIVRE CINÉMA ET PHILOSOPHIE
DE JULIETTE CERF
(CAHIERS DU CINEMA, COLLECTION LES PETITS CAHIERS)
Du mythe de la caverne aux Histoire(s) du cinéma de Godard, de bazin aux blockbusters hollywoodiens, en 90 pages riches d’exemples et de photogrammes, l’auteure met à jour les nombreux liens qu’ont tissés cinéma et philosophie, rappelant que « les deux domaines prennent leur envol sur le même sol. Celui de la réalité. » _J.R.
LE COUP DE CŒUR DE LA LIBRAIRE LA RONGÈRE
DE DANIELLE ROBERT-GUÉDON
(ARGOL)
lui ayant diagnostiqué à tort une mort prochaine en raison d’une maladie du cœur, Simenon, âgé de 37 ans, se lance dans un texte autobiographique destiné à son fils, Marc. Pour les uns, ce gros livre provincial où l’auteur est partout en creux s’avère trop différent du reste pour compter comme un sommet (le grand Gaston Gallimard lui-même, éditeur historique de Simenon, ne le tenait pas pour une réussite) ; pour les autres, à l’instar du biographe Pierre Assouline, Pedigree est au contraire le chefd’œuvre secret de Simenon, celui qui éclaire non seulement son œuvre, mais aussi son tempérament et finalement sa vie. Pour continuer le voyage, on suivra Simenon en Amérique, où il s’est exilé durant dix ans après la guerre, de 1945 à 1955. C’est pour lui une période charnière, « les seules années que j’aimerais revivre » : il y célébrera ses cinquante ans, y rencontrera sa deuxième femme et, surtout, y écrira de nombreux livres, parmi lesquels plusieurs Maigret. L’Amérique n’était pas pour lui une destination de hasard : dès les années 1920, ses romans portent la trace d’une attirance profonde pour le Nouveau Monde, redoublée par la proximité stylistique qu’il se sent avec les écrivains américains. Maître d’œuvre de cette anthologie, Michel Carly raconte qu’avant de partir, Simenon se fait livrer par Gallimard un carton des meilleurs auteurs du continent : Hammett, Chandler, Caldwell, Steinbeck ou Faulkner. De fait, les romans qu’il écrit sur place sont tout sauf ceux d’un touriste : « Pour qui connaît un peu les États-Unis, constate Patrick Raynal dans sa préface, ils sont d’une telle justesse qu’ils auraient pu être écrits par un véritable autochtone. » À la manière d’un ethnologue, «Simenon s’insinue au cœur même de la civilisation américaine » : à travers La Jument perdue, La Mort de Belle ou Les Frères Rico, c’est ainsi toute une mythologie américaine fifties que l’on retrouve dans ces deux tomes de Romans américains, celle du jazz, des routes, du cinéma et des motels. Et si ces (re)découvertes estivales réactivent chez vous le virus Simenon, sachez qu’à la rentrée paraîtra le très attendu Autodictionnaire Simenon de Pierre Assouline, imposant parcours de la vie et de l’œuvre de l’écrivain en plusieurs centaines de notices composées... d’extraits de Simenon lui-même.
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La Rongère est le nom du château où vécut et se suicida bernard LamarcheVadel, au fin fond de la Mayenne. C’est aussi le titre générique de deux portraits de ce critique d’art et écrivain commis par Danielle Robert-Guédon. Familière du lieu, proche de l’homme et de l’écrivain, l’auteure nous plonge au cœur de ce monde clos, où se côtoient animalité, réclusion et écriture. un livre à la fois rude et lumineux, belle méditation sur l’amitié et la solitude, comme en hommage à bernard Lamarche-Vadel. _Pascale Dulon, libraire au MK2 Bibliothèque
_Par B.q.
LIVRES LE TEMPS DES CENDRES
DE JORGE VOLPI
(POINTS, ROMAN)
Pilier de la jeune littérature mexicaine, Jorge Volpi accomplit un petit exploit avec ce roman-monde dans lequel, à travers les itinéraires de trois héroïnes, il revisite toute la deuxième moitié du siècle, de la Guerre Froide à la maîtrise de l’atome. Époustouflant.
LE VOYAGE D’AUTOMNE DE FRANÇOIS DUFAY (TEMPUS, ESSAI)
En 1941, sept grands écrivains français dont Drieu et Chardonne partent visiter l’Allemagne nazie sous la tutelle de Goebbels. En suivant leur périple, François Dufay, récemment disparu, donne une réflexion captivante sur l’histoire et les rapports entre culture et politique.
LA PORTE CONDAMNÉE DE JULIO CORTÁZAR (FOLIO, NOUVELLES)
D’où viennent donc ces pleurs d’enfant qu’entend le héros imaginé par Cortázar, dans cet hôtel de Montevideo où il est pourtant presque seul ? L’angoisse et le trouble planent autour de ces quatre nouvelles, exemplaires du «fantastique quotidien» propre à l’écrivain argentin.
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buLLES D’AIRS 50 ANS DE FROTTEMENTS ENTRE BD ET MUSIQUE Avec Comics Vinyls, le journaliste CHRISTIAN MARMONNIER recense cinquante ans de liaisons fécondes entre musique et BD, à travers 400 pochettes de disques dessinées. Rencontre. _Propos recueillis par Joseph Ghosn (www.menstyle.fr)
Critique de bande dessinée, co-auteur d’un livre sur l’histoire de la revue Métal Hurlant, Christian Marmonnier accumule, liste, archive depuis les années 1980 toutes les pochettes de disques liées, de près ou de loin, à la bD. Cette obsession irrigue Comics Vinyls, qui propose une vision oblique de la musique et de la bD selon laquelle il existerait une sorte de correspondance intuitive entre les deux disciplines – un disque dont la pochette a été faite par un auteur de bD ne pouvant intrinsèquement être mauvais. Comics Vinyls donne envie d’écouter des disques, comme ces vieux 78 tours méconnus de Tintin, et de lire des livres, à commencer par ceux de Guido Crepax, Gébé ou Daniel Clowes. une double réussite.
écoute simultanément de la musique, quelle qu’elle soit, n’est pas si idiote et correspond souvent à une réalité. La conjonction la plus aboutie selon moi s’est développée à la fin des années 1960, lorsque la musique rock s’est propagée à travers le monde et que la bD franco-belge (entre autres) a commencé à s’émanciper de son public enfantin, abordant au fil des pages les effets de divers psychotropes, la sexualité dans son ensemble et des discours sociaux ou politiques. Il y eut une espèce de mélange qui a pris et des passerelles se sont dressées entre les différents domaines de création artistique. Exemple français : les jeunes auteurs de bande dessinée publiés dans le Pilote du début des seventies ont tout fait pour parler de la D'où est née l'idée de ce livre ? musique qu’ils écoutaient – je pense Elle est née de l’accumulation et de Comics Vinyls notamment à la rubrique de Jean Solé qui l’amoncellement. À l’époque de l’explosion de Christian Marmonnier a déclenché un grand courrier des lecteurs des radios libres, au début des années 1980, (Ereme) et l’a positionné comme un illustrateur j’ai commencé à présenter des émissions rock. De fait, la firme barclay l’a sollicité en consacrées à la bD dans lesquelles je programmais 1975, lui ainsi que quelques autres (Mœbius, Druillet, des disques en relation avec le sujet. Je me suis bientôt Lesueur), pour relooker le catalogue officiel de Jimi rendu compte que ce corpus était déjà très important. Hendrix… Musique et BD se croisent fréquemment. Qu'est-ce qui lie si fortement les deux univers ? L’idée du dessinateur planchant sur sa table et qui
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Serge Clerc dessinait à la fois pour la revue de BD Métal Hurlant et pour l’hebdo rock anglais NME – son dessin même était d’une nervosité évoquant les
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« À LA FIN DES 1960’S, IL Y A EU UNE SORTE DE MÉLANGE QUI A PRIS. » saccades punks. D’autres auteurs ont-ils, de même, été déterminants pour créer des passerelles entre les deux genres ? Je mentionnerais les Américains Jack Davis, Robert Crumb [lire absolument Crumb, the Record Cover Collection chez Oog & Blik, Amsterdam, ndlr] et William Stout, qui a illustré la majeure partie des bootlegs du label Trade Mark of Quality (The Who, The Rolling Stones, bob Dylan, etc.). J’aurais aimé montrer davantage les travaux de l’Italien Guido Crepax, géniaux, inventifs, fabuleux. Crepax a réalisé quantité de pochettes tout au long de sa vie. Je crois que les dessins psychédéliques de Moscoso et Griffin ont également été importants. De même que l’innovation du magazine Mad qui, dès 1959 aux États-unis, offrait à ses lecteurs une connivence suivie entre l’humour dessiné et l’humour sonore. Et puis mon livre rend surtout hommage au support vinyle. Si ces dessinateurs ont pu s’amuser, c’est bien parce que le support le leur permettait. Qu’il s’agisse de 45 tours ou de 33 tours, ils avaient là un espace conséquent, et emblématique, d’expression.
LA RÉEDITION CYBORG 009
DE SHOTARO ISHINOMORI
(GLÉNAT)
Croisement japonisant entre Astro Boy et les premiers X-Men américains, cette série retro-futuriste offre une vision du monde post-nucléaire, peuplé de créatures mutantes et de héros dysfonctionnels. une belle réflexion sur le futur tel qu’on le voyait dans les années 1960.
LE ROMAN JEUNESSE ROUGE CRIME DE MARY HOFFMAN (FLAMMARION, À PARTIR DE 12 ANS)
Silvano a seize ans, il est beau, riche, futur baron et amoureux d’une femme mariée. Mais lorsque le mari de cette dernière est assassiné, en l’été 1316, c’est la dague de Silvano que l’on retrouve sur le corps. Il part alors se cacher dans le monastère du frère Anselmo. La jolie Chiara est au même moment cloîtrée de force dans le couvent voisin. Ils se retrouvent à Assise, autour du peintre Simone Martini, tandis qu’un nouveau meurtre est commis alentours… une enquête haletante dans l’Italie médiévale de la pré-Renaissance picturale. _Sophie quetteville, libraire au MK2 quai de Loire
_Par J.G.
BD LE LAC AUX VÉLIES DE LUDOVIC DEBEURME & NOSFELL (FUTUROPOLIS)
Dessinateur hanté par des créatures hybrides, Ludovic Debeurme met en images un conte de Nosfell, dont la musique est tout aussi emplie de fantômes baroques. Résultat : des dessins et peintures splendides, porteurs de malaises, de sensations, de frayeurs.
SUMMER OF THE 80’S (DARGAUD)
Décliné tout l’été à la télévision, ce projet d’Arte donne lieu à un livre collectif qui retrace les années 1980 en bD. Parmi les réussites : les pages nerveuses de Serge Clerc, héraut de ces années-là, et celles, plus vaporeuses, de Nine Antico, dépassant l’anecdote et la nostalgie.
LES DÉSERTEURS
DE CHRISTOPHER HITTINGER (THE HOOCHIE COOCHIE)
Son merveilleux premier livre (Jamestown) réinventait la bD historique avec peu de moyens. Encore plus inventif graphiquement, Les Déserteurs poursuit dans la même veine : format à l’italienne, radicalité des formes, grands dessins en pleine page – entre gravures et Lego.
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TRÉSOR DE GUERRE LES HÉROS SANS EUROS DE BATTLEFIELD HEROES quand tu retournes tes poches, la poussière te pique les yeux ? Ta rétine de joueur fauché sera flattée par le gratuit Battlefield Heroes, débarquement en Normandie au style cartoon, sans noir dessein mercantile. Guerre et paie ? Pas nécessairement. _Par étienne Rouillon
Battlefield Heroes a joué l’arlésienne depuis l’été dernier. La fleur au fusil et la gratuité comme uniforme, le titre a été plusieurs fois repoussé à mesure que l’engouement des joueurs conscrits venait grossir les rangs du buzz. Chez les gamers, on appelle ça un « vaporware », ou « fumiciel ». Comprendre un logiciel annoncé, adulé, puis annulé. Au printemps, l’abandon de Duke Nukem : Forever nous a donné des vapeurs. Cet été, l’ouverture de la bêta de Battlefield Heroes à tous les internautes fait monter la pression. Les premiers signaux confirment qu’il n’y a pas eu de fumée sans feu : avec B.H., le phœnix du gratuit gratifiant renait de ses cendres.
de l’une des deux factions rivales. D’un côté, la Royal Army figure l’U.S. Army. De l’autre, la National Army, version allégée de la Wehrmacht. Aux commandes d’arsouilles qui font les andouilles, on a le sentiment qu’Electronic Arts invente ici le « vadrouille-game », prêtant le flanc comique à une série – les Battlefield – reconnue jusqu’ici pour sa reproduction réaliste des champs de bataille historiques.
Non pas qu’E.A. ait capitulé sur le front graphique – au contraire. Mêlant stylisation visuelle et architecture ludique, les quatre arènes de la version bêta empruntent autant au littoral provençal qu’au gazon normand. L’herbe est toujours plus kaki Depuis le 25 juin en effet, un simple click Genre : Action, TPS dans le camp d’en face, il faut donc sur le site de B.H. permet de télécharger Éditeur : Electronic Arts s’emparer des points de contrôle ennemis. Plateforme : PC un jeu (im)pertinent sans décharger son Ceux-ci vous donnent des bonus permettant compte en banque. Répéter aux durs de la feuille que d’obtenir l’avantage sur l’adversaire. Chaque équipe le larfeuille n’est pas mobilisé pour s’enrôler dans ce dispose d’une cinquantaine de « tickets » en début Il faut sauver le soldat Ryan à la sauce Tom & Jerry. de partie. Si un bidasse se fait étriper, son équipe Empruntant son look cartoon et les grandes lignes de perd un certain nombre de tickets, en fonction de la son fonctionnement à un autre jeu de tir multi-joueurs quantité de points de contrôle maîtrisés. Le premier (Team Fortress 2), B.H. traduit le meilleur du genre dans bataillon en rade de ticket a perdu la manche. Ce un langage savamment accessible. un programme système de jeu oblige à des parties très dynamiques, permet de créer son soldat selon son type de jeu : le dynamitées par un arsenal restreint mais amélioré commando (sniper fragile sous le feu de l’ennemi), le au fil du jeu. Ça cavale dans tous les sens, à dos gunner (costaud et surarmé) ou enfin le soldat (le plus de char d’assaut, de jeep ou de Spitfire (dans le équilibré). Les troufions rejoignent ensuite le drapeau cockpit ou à califourchon sur les ailes). Ouvertes à tous,
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« UN JEU QUI A LA TÊTE D’UN PAYANT SANS SE PAYER LA TÊTE DU CLIENT. » les parties sont définies par un niveau homogène des joueurs. Ce qui a pour effet d’offrir une difficulté adaptée à votre profil, afin « de ne pas se faire continuellement tirer dans la tête par un crack de 15 ans, injurieux et transpirant, qui joue au jeu huit heures par jour », rassure l’hilarante bande-annonce. Mis a part quelques petits problèmes de modération des propos de certains de ses utilisateurs (l’un des joueurs les mieux classés a pour pseudonyme «hitler.jr »), Battlefield Heroes propose un objet sans failles pour tous publics, qui a la tête d’un payant sans se payer la tête du client. Electronic Arts entend monétiser son jeu avec de la pub ingame et des items payants permettant d’accélérer l’amélioration de son personnage ou de le déguiser. un tribut léger pour un jeu qui envoie du lourd. Battlefield Heroes disponible sur www.battlefieldheroes.com
L’ADAPTATION CINÉ TRANSFORMERS : LA REVANCHE (ACTIVISION, SUR PC, PS3, X360)
Sans nous mettre en transe, les belles carrosseries transmuables rejouent habilement les moments de bravoure du film pétaradant de l’été. Les fans apprécieront de pouvoir jouer du côté des Autobots comme des Decepticons, afin de débloquer des épisodes de la série animée. _E.R.
L’ACCESSOIRE WII MOTIONPLUS Malgré les récentes initiatives de Microsoft et Sony, Nintendo garde la main dans le domaine de la reconnaissance de mouvement, avec une mise à jour des contrôleurs de sa Wii. Livré avec le jeu Wii Sports Resort, l’appendice Wii MotionPlus se fixe sous la manette Wiimote pour une meilleure retranscription de vos gesticulations. bénie Wii ? Oui. La nouvelle reconnaissance des inclinaisons du bras permet de lifter les balles de ping-pong ou de chasser la rame de canoë loin derrière l’épaule. Suant. _E.R Pack Wii Sports Resort comprenant un accessoire Wii MotionPlus, environ 50 €. Disponible le 24 juillet.
_Par E.R.
JEUX ANNO 1404 (UBISOFT, SUR PC)
La série de gestion fait toujours de vous un gros colon en quête de terres fertiles. Ce nouveau volet met le cap vers l’Orient et les spécificités de la survie en milieu aride. Servi par une réalisation fouillée, ce jeu est une indispensable entrée en matière pour les néophytes.
PROTOTYPE (ACTIVISION, SUR PC, PS3, X360)
Le gore, c’est fun (et viscère versa). Aux commandes d’un héros omnipotent, on parcourt la Grosse Pomme rongée par un virus mutant. Le gameplay dévastateur met l’accent sur une pléthore de pouvoirs qui servent un scénario tenant autant de Spiderman que de 28 Jours plus tard.
BLOOD BOWL (FOCUS, SUR PC, PSP, DS)
Cet été, l’Ovalie est synonyme d’associations tordues. Après Jonah Lomu et Marseille, cette adaptation d’un jeu de société mêle orques barbares et fair-play elfique, dans des parties sanglantes de football américain médiéval. On s’y fend la gueule – dans tous les sens du terme.
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CINQ PETITS COCHONS de Miceal O’Griafa et David Charrier (Éditions Emmanuel Proust, sortie le 17 septembre) Un peintre riche et célèbre meurt empoisonné dans son manoir. Sa femme, jalouse et hystérique, devient le suspect idéal. Elle est exécutée. Seize ans plus tard, Hercule Poirot reprend l’affaire à la demande de la fille du couple défunt. Le légendaire détective belge va tenter de bousculer la mémoire des cinq personnes présentes lors du meurtre pour faire éclater une vérité fort complexe… Avec son trait sobre et classique, cette adaptation du célèbre roman d’Agatha Christie paru en 1942 ravira les puristes, et tous ceux qui aiment distinguer le lard du cochon. _R.S.
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HOLLYWOOD STORIES // GRANDES ET PETITES HISTOIRES DU CINÉMATOGRAPHE 89
LES REJETONS Pour le public, ils représentent Hollywood, et pourtant Hollywood n’en voulait pas. Refusés, moqués ou sabotés, voici l’histoire des triomphes qui n’auraient pas dû exister. Premier épisode de notre nouveau feuilleton : Star Wars.
ÉPISODE 1, SAISON 2
_Par Rafik Djoumi
1972. Le vieil Hollywood est à l’agonie. L’heure est à la jeunesse, à la contestation et aux « easy riders ». Chez universal, Ned Tannen prend sous son aile le jeune George Lucas, récemment dégagé par la Warner et par united Artists, afin qu’il réalise la comédie rock à très petit budget American Graffiti. Mais Tannen déteste le film fini et en retarde la sortie. Déçu par Lucas, il refuse de s’engager sur son projet suivant qu’il surnomme « le truc à la Flash Gordon ». À la 20th Century Fox, Alan Ladd Jr. sent que le vent tourne. Depuis qu’il a vu les croquis préparatoires du projet Dune de Jodorowsky (le film ne se fera jamais), Ladd estime que le « space opera » pourrait être le genre de demain. Il accepte de financer le projet de Lucas, titré The Star Wars, à hauteur de 3,5 millions de dollars, malgré un traitement incompréhensible qui débute par ces mots : « L’histoire de Mace Windu, Jedi-bendu révéré d’Opuchi, telle qu’elle a été relatée à Usby C.J. Thape, Padawaan débutant du célèbre Jedi. »
1973. American Graffiti finit par sortir (dans un montage désapprouvé par son réalisateur) et devient le succès surprise de l’année. La Fox propose d’augmenter le salaire de Lucas mais, contre toute attente, ce dernier refuse. Marqué par les déconvenues de ses deux films précédents, il n’a qu’une obsession : reprendre le contrôle de son œuvre. Lucas réclame le droit de montage final, les droits de suite, les droits de merchandising et tout ce qui touche à l’exploitation de l’univers de Star Wars. Trop heureuse de lui accorder ces « miettes », la Fox se frotte les mains, pensant avoir économisé au moins 600 000 dollars sur le dos du jeune homme.
1975. Après plus d’un an et demi de réécritures, le budget de Star Wars a fait un bond pour atteindre 8 millions de dollars. Lucas et son producteur Gary Kurtz négocient pour monter à 11 millions, ce qui provoque la colère des cadres de la Fox qui n’attendent pas grand-chose de ce « film de Noël avec un chien géant ». Seul contre tous, Alan Ladd Jr. devient le seul soutien de Lucas au studio. À la fin d’un tournage chaotique, Lucas projette un premier montage à ses amis proches. Tous, à l’exception de Spielberg, sont consternés par le spectacle. «C’est quoi ces rouleaux danois sur la tête de la princesse?», demande brian De Palma. On tente de convaincre Lucas de dégager au montage «tout ce machin incompréhensible de Jedi» – en vain.
1977. À quelques semaines de la sortie, aucun exploitant ne veut du film. La Fox est obligée de recourir au chantage : elle ne livrera son « gros film de l’année », De l’autre côté de minuit, qu’à ceux qui auront d’abord loué le petit Star Wars. Seules 37 salles répondent à l’appel. Devenu le deuxième plus gros succès de tous les temps, Star Wars fera la fortune de la Fox. Mais en comprenant que les suites et les produits dérivés enrichiront surtout Lucas, le studio décide de se séparer de celui qu’on estime, a posteriori, responsable de ce « très mauvais deal ». Alan Ladd Jr. quittera donc la Fox après y avoir supervisé un dernier projet « bizarroïde » : Alien. Prochain épisode à suivre le mois prochain dans Trois Couleurs...
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90 SEX TAPE // L’INSTANT éROTIqUE
DRÔLE DE ZÈBRE
On l’avait laissé avec la pilosité exubérante d’un Kazakh aux mœurs dégénérées (Borat), on le retrouve plus glabre qu’un fessier de nourrisson. L’humoriste Sacha baron Cohen revient en totallook Dolce et Gabbana, mini-short de cuir et brushing méché, dans la peau de brüno, un chroniqueur de mode autrichien. Adepte du doggy style, le journaliste « über-gay » franchit de nouveau la ligne de la bienséance. Le zozo sème la zizanie dans les défilés, parade en grande Zaza au Moyen-Orient ou « french kisse » son acolyte dans l’État ultra-réactionnaire d’Alaska. Prouvant que pour dézipper les a priori homophobes et dézinguer le puritanisme ambiant, un peu d’excès de zèle n’a jamais fait « mâle ». _S.M. Brüno de Larry Charles // Sortie le 22 juillet