Trois Couleurs #76 – Novembre 2009

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NOVEMBRE 2009

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CINéMA CULTURE TECHNO

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FELIX VAN GROENINGEN SÈME LA MERDITUDE TROIS COULEURS HORS-SÉRIE - HEDI SLIMANE - EN KIOSQUES LE 2 DÉCEMBRE



ÉDITO

SEulS à SEulS C’est l’une des plus belles scènes de La Merditude des choses, troisième long métrage de Felix Van Groeningen, en salles fin décembre. La famille Strobbe – meute d’hirsutes marginaux flamands – se réunit devant son poste de télévision pour assister au come-back du crooner Roy Orbison : abonnés aux déconvenues éthyliques,

les Strobbe sont persuadés que leur sort est solidaire de celui d’Orbison, dont la carrière est jalonnée de traversées du désert et de renaissances. Deux écrans – le poste TV et les Ray-Ban du chanteur – séparent le phénix yankee de la nuée de Flamands rouges, et pourtant l’illusion d’une présence commune, fraternelle, baigne quelques instants la pièce. Prenant exemple sur les Strobbe, nous avons décrété, ce mois-ci, que la culture est plus vivante lorsqu’elle se parle, se regarde et s’appréhende à plusieurs. Une série d’entretiens croisés vient conforter, en milieu de magazine, cette hypothèse : le drôle de Felix Van Groeningen échange avec le duo grolandais Gustave Kervern et Benoît Delépine, les cinéastes Eugène Green et Bruno Dumont dissertent amour et spiritualité, les réalisateurs Yorgos Lanthimos et Panos H. Koutras discutent du renouveau du cinéma grec, Yvan Attal et Lucas Belvaux confrontent leurs points de vue sur l’excellent film (Rapt) dont ils partagent l’affiche, les chanteurs Jean-Louis Murat et Silvain Vanot causent Nashville, ours et rossignols…

« Seuls les solitaires savent à quel point je souffre ce soir », chantait Roy Orbison sur Only the Lonely. Il est commun d’affirmer que la création est le fait d’hurluberlus patentés, exerçant dans la plus grande solitude. Qu’il soit permis, à la lecture de ces pages, de penser qu’elle aide, aussi, à se sentir moins seul. _Aureliano Tonet



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ÉDITEUR MK2 MULTIMÉDIA 55 RUE TRAVERSIÈRE_75012 PARIS 01 44 67 30 00 Directeur de la publication & directeur de la rédaction Elisha Karmitz (elisha.karmitz@mk2.com & troiscouleurs@mk2.com) Rédacteur en chef & chef de rubrique « culture » Auréliano Tonet (aureliano.tonet@mk2.com) Chef de rubrique « cinéma » Sandrine Marques (sandrine.marques@mk2.com) Chef de rubrique « technologies » étienne Rouillon (etienne.rouillon@mk2.com) Direction artistique Marion Dorel (marion.dorel@mk2.com) Sarah Kahn (sarah.kahn@mk2.com) Rédactrice Juliette Reitzer Design Sarah Kahn Correcteur Jean-Christophe Manuceau Stagiaire Cassandre Dessarts Ont collaboré à ce numéro Ève Beauvallet, Rafik Djoumi, Francis Dordor, Pascale Dulon, Joseph Ghosn, Jacky Goldberg, Jessica Gourdon, Anne-Laure Griveau, Florian Guignandon, Donald James, Jérôme Momcilovic, Wilfried Paris, Sophie Quetteville, Bernard Quiriny, Adrien Rohard, Raphaëlle Simon, Serge Toubiana, Bruno Verjus, Anne-Lou Vicente Illustrations David Scrima (entretien Murat / Vanot), Dupuy-Berberian Photographie de couverture Antoine Doyen Photographes Antoine Doyen (entretiens La Merditude des choses et Rapt), Jérémie Nassif (rubrique « mot-nomaniaque ») Agnès Mazeau (rubrique « alter gamo ») Publicité Responsable clientèle cinéma Laure-Aphiba Kangha 01 44 67 30 13 (laure-aphiba.kangha@mk2.com) Directeur de clientèle hors captifs Daniel Defaucheux 01 44 67 68 01 (daniel.defaucheux@mk2.com) © 2009 TROIS COULEURS issn 1633-2083 / dépôt légal quatrième trimestre 2006. Toute reproduction, même partielle, de textes, photos et illustrations publiés par MK2 est interdite sans l’accord de l’auteur et de l’éditeur. Magazine gratuit // Ne pas jeter sur la voie publique

SOMMAIRE # 76 3 éDITO 8 COUP POUR COUP > Jean-Paul Cluzel 10 SCÈNE CULTE > C’est arrivé près de chez vous 12 PREVIEW > Gainsbourg

15 LES NEWS 15 CLOSE-UP > Giovanna Mezzogiorno 16 LE K > Capitalism : A Love Story 18 CONTRE-ATTAQUE > Brillante Mendoza 20 KLAP ! > Stretch, Copie conforme, Vénus 22 L’œIL DE… > Hedi Slimane 26 LE PROFIL FAKEBOOK DE… > Federico Fellini 28 PASSERELLES > Fellini, la Grande Parade 30 AVANT-SéANCE > Viggo Mortensen 32 ITW MOT-NOMANIAQUE > Xavier Giannoli 36 UNDERGROUND > étienne Jaumet 38 CARTE BLANCHE > Oxmo Puccino 40 LE BUZZLE > Combo de Blu 42 AVATARS > Tekken 6 44 LE CLASH > Les souris, avec ou sans bouton ?

47 LE GUIDE 48 SORTIES CINé 60 SORTIES EN VILLE 70 LA CHRONIQUE DE DUPUY & BERBERIAN

72 DOSSIER : « REGARDS CROISÉS » 72 FELIX VAN GROENINGEN / GUSTAVE KERVERN BENOîT DELéPINE 78 EUGÈNE GREEN / BRUNO DUMONT 82 YVAN ATTAL / LUCAS BELVAUX 86 YORGOS LANTHIMOS / PANOS H. KOUTRAS 92 NORAH JONES « SOUS INFLUENCES » 96 JEAN-LOUIS MURAT / SILVAIN VANOT

101 LE BOUDOIR 102 DVD-THÈQUE > Michael Haneke 104 CD-THÈQUE > Rachid Taha 106 BIBLIOTHÈQUE > Sergio Gonzáles Rodríguez 108 BD-THÈQUE > Robert Crumb 110 LUDOTHÈQUE > Borderlands 113 HOLLYWOOD STORIES > Boulevard de la mort (1/3) 114 SEX TAPE > The Limits of Control

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© Olivier Borde

COUP POUR COUP /// TAPAGE, RATTRAPAGE, DéCRYPTAGE

uN ESPAcE VIdE, À REMPLIR PRINCE EN SON PALAIS

Quand on quitte Radio France pour le Grand Palais, il faut savoir adapter sa longueur d’onde. Arrivé en septembre dernier à la tête de l’institution, JEAN-PAUL CLUZEL en sait quelque chose, surtout quand il reçoit Prince, pour deux concerts d’exception, et que le son comme les critiques font vibrer sa verrière... _Propos recueillis par Adrien Rohard

Prince à l’improviste au Grand Palais, c’est ce qu’on a voulu nous faire croire, mais tout était prévu en réalité… Non, tout s’est passé exactement comme cela a été raconté, à un détail près : quand Prince est revenu visiter le lieu, il n’était pas du tout romantique. Entre ses déclarations à la presse sur la beauté du Grand Palais et la réalité, il y a un monde ! Prince est parfaitement rationnel, ce qui ne l’empêche pas de porter des diamants aux oreilles. Il savait ce qu’il voulait, on ne perd pas son temps avec lui. c’est simple, bref et précis. Comment avez-vous vécu personnellement ces concerts ? l’idée, quand vous êtes à la tête d’une institution

culturelle importante, n’est pas de considérer Verdi, Wagner ou Prince, mais de rendre accessible le patrimoine culturel. Je n’ai donc pas d’idée personnelle à avoir sur lui. Il se trouve, de surcroît, que les formes d’art qui me bouleversent correspondent à des arts précis, qui n’ont rien à voir avec Prince. Je regarde donc cela d’un point de vue technique. Justement, il y a eu des critiques répétées sur la qualité du son… Il est évident que l’on n’attend pas du Grand Palais l’acoustique d’une salle de concert.Vous ne pouvez pas avoir une sonorité exceptionnelle dans un lieu immense, ce sont les lois de l’acoustique, c’est ainsi. Cela vous interdira-t-il de refaire des concerts au Grand Palais ? Non, l’Orchestre de Paris me demande de réfléchir à des possibilités, si cela se fait, il est clair que nous n’aurons pas l’acoustique de Pleyel. Il y aura donc des concerts, dont je veux qu’ils soient exceptionnels par le nombre et la qualité. le problème reste de trouver qui mérite d’être exceptionnel. Comment définiriez-vous le Grand Palais ? un espace vide, à remplir. Par les opportunités qui se présentent et je l’espère par la définition, peu à peu, d’une politique qui donnera à ce lieu d’exception une plus grande identité. Mais vous me permettrez, après un mois, d’y réfléchir encore.

Prochain événement au Grand Palais : Tony Hawk Show, les 20 et 21 novembre (démonstrations de skate, concerts, DJ set, « live painting »…), www.quiksilverlive.com

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SCÈNE CULTE /// C’EST ARRIVé PRÈS DE CHEZ VOUS

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EGO STRIP LE PITCH dans la veine de l’émission documentaire belge Strip-Tease, une équipe de jeunes journalistes réalise un sujet sur Ben (Benoit Poelvoorde), tueur et poète à ses heures. Entre deux meurtres, l’assassin frime devant les caméras et donne son avis sur tout et (surtout) n’importe quoi. dans les rues d’une cité dortoir, Ben improvise une leçon d’urbanisme pour le cameraman…

BEN : Tu vois, ici on est dans un quartier à majorité de vieilles personnes. c'est-à-dire que les urbanistes conçoivent des logements dits « sociaux », hein. des logements faits pour les jeunes. Pour les jeunes couples qui démarrent, hein. Pour les ouvriers, pour les ménagères, mais aussi peut-être pour les chômeurs, hein.Tout ceci, dans le plan d’une restructuration des plans de secteur, visant à vaincre la solitude du troisième âge en l’intégrant à la population active. c’est une chouette idée ! Mais où je ne suis pas d’accord, et c’est là qu’est la faille, c’est comment peut-on concevoir des habitations sociales sans la moindre recherche esthétique ?

Bon, ils avaient pensé à installer des cerisiers du Japon tout le long des allées, tu vois, un peu dans le style cité balnéaire anglaise. c’était une riche idée ! Est-ce que tu crois qu’ils l’ont fait ? LE CADREUR : Non ? BEN : Si, si ! Ils l’ont fait ! Et c’était pas mal parti. Mais ils se sont arrêtés là ! Ils ont jeté de la poudre aux yeux : les gens ont dit « oui »… Mais non ! Moi, j’ai été observateur, j’ai remarqué qu’on s’est arrêté à un moment et c’est ça qui est dommage. Regarde ! Qu’est-ce qui te saute aux yeux la première fois que tu vois ça ? les briques ! c’est les briques rouges ! LE CADREUR : Ouais… ouais, ouais. BEN : Et le rouge, c’est la couleur de quoi ? le rouge, c’est la couleur du sang ! le rouge, c’est la couleur des Indiens ! c’est la couleur de la violence ! Hein ! Alors que le fléau de notre société, et tout le monde s’accorde à le dire, est la violence, ils vont te foutre des briques rouges !

C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS Un film de Remy Belvaux, André Bonzel et Benoît Poelvoorde Scénario de Remy Belvaux, André Bonzel, Vincent Tavier et Benoît Poelvoorde, 1992, DVD disponible chez Universal Pictures.

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12 PREVIEW

GAINSBOURG (VIE HÉROÏQUE) On connaissait l'auteur du Chat du rabbin (prochainement adapté au cinéma) pour ses bandes dessinées. Joann Sfar réalise maintenant son premier long métrage sur l’idole de son enfance : Serge Gainsbourg. Pour l’incarner, Sfar a choisi le comédien de théâtre Éric Elmosnino, dont la ressemblance avec le chanteur sulfureux frappe. Glamour à souhait en B.B., laetitia casta lui donne la réplique. Qu’on ne s’attende pas, pour autant, à un biopic classique. Sfar emprunte la voie plus originale de l’évocation et se concentre principalement sur la jeunesse de l'homme à la tête de chou, entre les années 1940 et 1980, dans une atmosphère soignée, façon studio Harcourt. _Sandrine Marques Sortie le 20 janvier


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LES

NEWS

SECOUEZ, AGITEZ, SAVOUREZ : L’ACTU CINÉ, CULTURE,TECHNO FRAÎCHEMENT PRESSÉE

CLOSE-UP Dans Vincere, GIOVANNA MEZZOGIORNO donne corps à Ida Dalser, maitresse de Mussolini sacrifiée sur l’autel du pouvoir. Juste un tour de force supplémentaire pour l’actrice transalpine... Regard bleu azur et menton volontaire, la belle Italienne a tout pour interpréter les grandes héroïnes tragiques de l’Histoire, les metteurs en scène l’ont bien compris. de la journaliste Ilaria Alpi, assassinée en Somalie, à Ida, mère prête à tout pour être reconnue, elle confie avoir elle-même « une grande capacité de résistance ». Fille de l’acteur Vittorio Mezzogiorno, qu’on a notamment vu chez chéreau, elle grandit entre Rome et Paris, une enfance « très entourée, pas du tout bohème ». Paris, c’est là qu’elle monte sur les planches en 1995, sous l’égide de l’imposant Peter Brook – elle a alors 21 ans. depuis, la puissance de son jeu et son charisme ont fait d’elle une star en Italie. Bientôt membre d’un groupe terroriste d’extrême gauche dans La Prima Linea, produit par les frères dardenne, Giovanna pourrait bien à présent faire plier la France. _J.R.


16 NEWS /// POLéMIQUE

K

LE

IL Y A CEUX QU’ IL ÉNERVE ET CEUX QUI LE VÉNÈRENT

MOORE DANS L’ÂME Docu choc sur l’actuelle crise économique, Capitalism : A Love Story conte aussi, en filigrane, celle que traverse son auteur, MICHAEL MOORE. Désabusé, celui-ci laisse entendre qu’il pourrait s’agir de son dernier film : mais faut-il vraiment s’en féliciter ? _Par étienne Rouillon

LA QUESTION

LA RÉPONSE

dire de Moore qu’il est démago, c’est comme dire de Maïté qu’elle est culinaire. Son dernier brûlot n’échappe pas aux tics du genre qu’il a lui même posé : une démonstration à charge, à grand renforts de rapprochements trop efficaces pour être tout à fait honnêtes. Capitalism capitalise sans surprise sur ce savoir-(re)faire du casquetté : la France y est toujours décrite comme le pays de candy, George W. Bush passe son temps à faire des grimaces ou taper sur des djembés, et tout le monde se promène avec plein de pétoires dans les poches. les habitués de son travail auront cependant un petit pincement nostalgique. comme le laissent entendre le sous-titre (« cette fois c’est personnel ») et le générique de fin, il s’agit là d’un travail testamentaire. Question : Michael Moore peut-il exister sans sa muse, le gouvernement George W. Bush ?

Évidemment. la seconde partie du docu annonce la gueule de bois post-Obamania : les cadors de Wall Street à l’origine de la crise contrôlent la nouvelle administration. las, mélancolique, plus sobre et posé que d’ordinaire, le justicier démocrate émeut lorsqu’il dit être fatigué de nous interroger sur le « pourquoi a-t-on laissé faire ça ? ». Moore est bien moins présent face à la caméra et ses sketchs ont été réduits à quelques moments bienvenus. des coulisses du plan Paulson aux expulsions de maisons hypothéquées (filmées avec une sobriété nouvelle), il s’attaque à un sujet léviathan.Voulant en faire plus, il n’en a pas trop fait. un film-somme, sonnant et trébuchant. car si Michael Moore fait autant chier le monde, c’est parce que celui-ci a encore un paquet de merdes à expulser.

Un film de Michael Moore // Avec George W. Bush, Barack Obama… Distribution : Paramount // états-Unis, 2009, 2h02 Sortie le 25 novembre

LA RÉPLIQUE

« MAMAN, C’EST QUOI UN ZOMBIE ? – UN ZOMBIE, C'EST UNE PETITE FLEUR JAUNE. » (CANINE DE YORGOS LANTHIMOS, EN SALLES LE 2 DÉCEMBRE)

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18 NEWS /// CONTRE-ATTAQUE

BRIllANT BRÛLOT Le sulfureux BRILLANTE MENDOZA divise la critique avec son dernier film Kinatay, voyage horrifique au bout de la nuit où un jeune policier perd son innocence. Pour nous, le cinéaste philippin revient sur les éléments polémiques d’un film aussi magistral qu’implacable. _Propos recueillis par Sandrine Marques

Que répondez-vous à vos détracteurs qui vous accusent de filmer avec complaisance la violence dans Kinatay ? Je ne suis pas du tout d’accord. J’ai filmé de loin la séquence de meurtre. Je pense que c’est la violence psychologique du film qui a choqué beaucoup de gens. c’était mon but car je ne veux pas montrer une violence graphique mais émotionnelle. le spectateur est remué parce qu’il n’est pas prêt à être le témoin d’un crime et c’est exactement ce que je recherchais. J’ai peut-être trop exigé du public, mais pour moi le cinéma n’est pas une affaire de passivité ou de distraction. Pourquoi vouloir mettre les spectateurs dans cette position inconfortable ? Je voulais leur dire que ce monde n’est pas sûr, qu’ils doivent être vigilants et ne pas se laisser abuser. les choses que je montre dans le film arrivent vraiment. Elles sont le fait de gens ordinaires qui sont censés nous protéger. les réactions virulentes que suscitent mon film ne me dérangent pas. c’est la preuve que j’ai réussi quelque chose. Votre film est d’autant plus perturbant qu’il est basé sur une histoire vraie… c’est une confession que m’a faite un étudiant en criminologie que j’ai rencontré par hasard. Quand

je lui ai demandé comment il avait participé à ce crime, je pouvais voir toute la terreur et la confusion dans ses yeux. J’ai fait ce film pour raconter comment un homme normal peut basculer. Il est piégé et n’a pas le choix, il doit gagner sa vie. Son acte compromet le futur de sa famille, sans qu’il le sache. Comment avez-vous installé la tension dans le film ? les séquences sont tournées en temps réel pour donner le sentiment au spectateur que les événements sont en train d’arriver sous ses yeux. c’est une manière de saisir le milieu et l’environnement où évolue la jeune recrue et, sans le savoir, de l’absorber. Je veux rendre compte de la culture des Philippines et mettre à jour tous ses aspects, y compris les plus sombres, comme la corruption. Avez-vous eu des problèmes avec la censure ? Mon film a une interdiction pour les moins de 18 ans. la censure est bien présente aux Philippines car c’est un pays catholique, frileux par rapport à la représentation de la violence et du sexe. Après, mes films ne sont pas montrés dans un circuit commercial, donc je suis moins concerné par ce problème. Je pense qu’il faut changer la loi, mobiliser le congrès et au lieu de couper des scènes, revoir le système de classification, en place depuis les années 1970.

Un film de Brillante Mendoza // Avec Coco Martin, Julio Diaz… // Distribution : Équation // Philippines, 2009, 1h50 // Sortie le 18 novembre

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© Laurent Thurin Nal

20 NEWS /// KLAP ! ///ZOOM SUR UN TOURNAGE

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lE BAl DES ACTRICES Juliette Binoche dans Copie conforme, Fan Bing Bing dans Stretch et une mystérieuse inconnue dans Vénus : les trois productions MK2 les plus attendues de 2010 donnent la part belle aux actrices… _Par Jacky Golberg

un cinéaste iranien tourne avec une actrice française en Italie : un autre, français, choisit une star chinoise pour son film situé entre Paris, Bangkok et Macao ; un troisième, enfin, raconte l'histoire d'une jeune SudAfricaine devenue bête de foire en Europe... Abbas Kiarostami, charles de Meaux et Abdellatif Kechiche, réalisateurs respectifs de ces trois films, ont le goût du cosmopolitisme. Et un indéniable sens du casting. c'est ainsi Juliette Binoche, habituée des grands auteurs internationaux, que le réalisateur

de Ten a choisi pour son nouveau film, Copie Conforme, son premier hors d'Iran. Elle y joue une galeriste qui rencontre un spécialiste d'art, venu en Italie donner une conférence sur les relations entre copie et original. c'est en chine, pour sa part, que charles de Meaux (réalisateur de Shimkent Hotel en 2003) est allé chercher son égérie, Fan Bing Bing. Inconnue sous nos latitudes, la jeune femme est une idole absolue dans son pays... Et Kechiche ? comme à son habitude, le découvreur de Sara Forestier et Hafsia Herzi a tenu à voir des centaines de femmes avant de choisir celle qui allait incarner sa Vénus. c'est que, comme la véritable « Vénus Hottentote » dont elle s'inspire, l'actrice (à l'identité tenue secrète) se devait d'être stéatopyge, autrement dit dotée d'un fessier colossal... Kechiche a-t-il trouvé sa copie conforme ?

INDISCRETS DE TOURNAGE Le plus célèbre des pirates, Jack Sparrow (Johnny Depp) reviendra pour de nouvelles aventures courant 2011. L’acteur aurait signé pour un quatrième volet de la saga Pirates des Caraïbes, le tout, sous la direction de Rob Marshall (Chicago, Nine). Deux ans après La Vengeance dans la peau, qui clôturait la trilogie Jason Bourne, le réalisateur Paul Greengrass et l’acteur Matt Damon se retrouvent au générique de Green Zone, qui conte le quotidien des G.I.’s dans la « zone verte » de Bagdad. Sortie courant 2010. Après son biopic charbonneux sur Ian Curtis (Control), le photographe et cinéaste néerlandais Anton Corbijn a lancé le tournage de A Very Private Gentleman, centré sur un assassin réfugié en Italie, qu’interprétera George Clooney.

LA TECHNIQUE LE « CINÉMA VIRTUEL » à terme, le « cinéma virtuel » (ou « performance capture ») pourrait être une étape historique aussi importante que… l’invention de la caméra ! Ici, plus de caméra, plus de tournage : la performance du comédien est capturée dans son intégralité (en 3d) sur ce qu’on appelle un « volume », puis passe entre les mains des divers artistes qui créent l’univers filmique. la mise en scène se fait à posteriori. Scrooge n’est donc pas une créature d’animation, mais bel et bien incarné par Jim carrey. Pour résumer, le « cinéma d’avant » équivaut à un concert enregistré avec un micro, là où le cinéma virtuel équivaut à un album créé en studio. _Rafik Djoumi // Le Drôle Noël de Scrooge de Robert Zemeckis, en salles le 25 novembre

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© Y.R


23 NEWS /// L’œIL DE HEDI SLIMANE

YOuNG AMERICANS À l’occasion de la sortie du coffret DVD American Youth, HEDI SLIMANE a sélectionné pour MK2 les onze films qui représentent le mieux la jeunesse américaine. Ex-styliste star de Dior et d’Yves Saint Laurent, photographe passionné et enfant du rock, il évoque sa vision de cette jeunesse, entre grandes idéologies et énergie adolescente. Entretien. _Propos recueillis par Joseph Ghosn (www.menstyle.fr)

c

omment avez-vous conçu ce projet commun avec MK2 ? J'avais un projet de livre en préparation, dont le nom est American Youth. MK2 souhaitait au départ un projet sur le cinéma indépendant américain. J'ai proposé de transposer mon sujet, ainsi qu'un cycle, une chronologie de films, sur la représentation de la jeunesse américaine, et ai repris le titre du livre.

En quoi le cinéma est-il représentatif pour vous de l'image de la jeunesse américaine ? la musique l'est aussi. cependant, le cinéma a catalysé et reproduit, dans les années 1950, une certaine idée de la jeunesse américaine, l'idée même de l'existence de «l'adolescence», une zone contrastée entre enfance et âge adulte, la notion de « groupe », identitaire et communautaire.à la fin des années 1960, le cinéma a relayé à travers le monde les idées de la contre-culture américaine. la « jeunesse américaine» est alors devenue le moteur idéologique d'une nation. Que représentent pour vous les films choisis ? Des coups de foudre ? Des films de chevet ? Des films pour une île déserte ? Sans doute des repères intangibles. Il faudrait 50 titres pour parvenir à approcher plus en nuance le sujet. certains films ne sont, du reste, pas disponibles ou introuvables. les choix sont souvent affectifs, parfois intimes.

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« AMERICAN YOUTH EST AUSSI UN PROJET SUR LES ‘ PREMIERS FILMS’’. » Parmi eux,quels sont vos trois préférés,et pour quelles raisons ? Permanent Vacation, est un de mes films préférés, sur l'ennui adolescent. c'est aussi une idée de New York disparue, downtown déserté. le documentaire sur Woodstock. Techniquement parfait, mais surtout historique, il rend toute tentative de filmer un festival de rock dérisoire. Mala Noche, le premier film de Gus Van Sant. Plutôt ici une forme de connivence. American Youth est du reste aussi un projet sur les « premiers films » (avec les films de Scorsese, Jarmusch, Van Sant).le réalisateur se confond alors avec son sujet. Parmi tous ces films, quel est celui qui vous a marqué en premier ? le film de Nicholas Ray, Rebel Without a Cause [la Fureur de vivre en français, ndlr]. Évidemment un classique du genre. Il pourrait être un poncif,

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TROIS COULEURS SORT SON PREMIER HORS-SÉRIE Trois Couleurs sortira le 2 décembre prochain son premier hors-série, disponible dans tous les kiosques au prix de 6,50 euros. conçu comme le prolongement journalistique du coffret 11 dVd American Youth, cette édition collector de notre magazine abordera, sur 132 pages et dans un format plus large que d’ordinaire, la notion de contreculture américaine, des années 1950 à nos jours. Fortement associé au projet, Hedi Slimane a supervisé la maquette et la ligne éditoriale du magazine, dans lequel il présentera un port-folio d’une cinquantaine de clichés pris par lui ou des photographes qu’il admire (Joseph Sterling, Hugh Holland, Joseph Szabo...). une approche historique de la contre-culture u.S., décennie par décennie, sera complétée par des entretiens récents et exclusifs avec des cinéastes (Jim Jarmusch, Francis Ford coppola, Judd Apatow, Ben et Joshua Safdie…), des musiciens (MGMT, Boy crisis…), des écrivains (Jon Savage…), des bloggeurs (Tiva, les «fansubs »…) portant un regard acéré sur la jeunesse américaine de ces soixante dernières années. _A.T.

abstraction faite du cataclysme provoqué à sa sortie. c'est par conséquent un point d'ancrage incontournable. Je l'ai vu comme tout le monde très jeune, ce qui explique sans doute l'impact. Qu'est-ce qui fait, selon vous, le charme commun à tous ces films ? une forme d'utopie partagée, parfois une maladresse. un premier film, un premier rôle. En quoi votre travail de photographe s'inspire-t-il du cinéma ? Certains de ces films ont-ils inspiré votre travail ? à vrai dire pas du tout le cinéma. la seule chose qui me fasse prendre une photo, c'est le sujet en face de l'objectif. Aucun autre repère. Quel est le prototype, pour vous, du film parfait sur la jeunesse ? Sans doute un documentaire, ou alors faut-il laisser un espace d'improvisation, une forme d'amateurisme s'installer. un premier rôle est préférable. Avez-vous jamais été tenté par la mise en scène d'un film ? Qu'est-ce qui vous en empêche ? Jusque là, les sujets proposés n'étaient pas intéressants, ou un peu téléphonés. J'ai donc été sollicité, et non pas tenté. Si vous faisiez un film sur la jeunesse américaine, quelle couleur aurait-il ? difficile à imaginer. Il faudrait être spécifique. Il y a aussi une approche rythmique liée à ce sujet en particulier. c'est un élément narratif et descriptif à définir, suggérer une forme de vitalité, ou d'énergie adolescente.

Coffret American Youth // Sélection et design par Hedi Slimane // MK2 Éditions // Édition collector limitée à 2 500 exemplaires // Sortie le 18 novembre

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26 NEWS /// LE PROFIL

DE...

Federico Fellini Expo au Jeu de Paume,

rétrospective à la Cinémathèque, sorties DVD… On ne peut plus reposer tranquille ? Il y a 3 minutes

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Federico a ajouté une photo à l’album :

Réseau : Cinecittà

Surnom : « Il Maestro »

Date de naissance : 20 janvier 1920 à Rimini (Italie)

Date de décès : 31 octobre 1993 à Rome (Italie)

Formation : Caricaturiste, assistant-scénariste de Roberto Rossellini pour Rome, ville ouverte Emploi : Réalisateur, scénariste

« La télévision est un appareil ménager, elle ne peut restituer les images d’un authentique cinéaste. »

Marcello Mastroianni

Anita Ekberg

Afficher tout

Giulietta Masina

Roberto Rossellini

Federico « Celui-là, il m’a aussi valu une Palme d’or ! » il y a 2h08

Anita Ekberg a invité Federico à rejoindre le groupe J’aime les femmes callipyges. 8 novembre, à 13h39 – Commenter – J’aime

Nino Rota

Georges Simenon

Federico « Au début de chacun de mes films, je ne fais que gribouiller des fesses ou des nichons. » 9 novembre, à 10h43

Rob Marshall a tagué Federico sur une vidéo : Nine Date de sortie : Début 2010

2 novembre à 22h09 – Commenter – J’aime

Federico « J’ai décidé d’adapter le scenario de 8 ½ à ma sauce. » 2 novembre à 23h58

Federico « Chaque langue voit le monde d’une manière différente… » 3 novembre à 8h12

Federico a écrit un commentaire sur la page Le Cirque 27 octobre à 14h12 Federico « J’éprouve une traumatisante et totale adhésion à ce vacarme, ces musiques, ces monstrueuses apparitions, ces risques mortels. » 27 octobre à 14h12

NB : Profil fictif réalisé par J.R. et S.K. à partir de faits et déclarations authentiques.

Citations favorites : « Tout art est autobiographique, la perle est l'autobiographie de l'huître. »

568 amis

Il y a 3h35 Commenter – J’aime – Partager Marcello Mastroianni et Anita Ekberg aiment ça.

Giacomo Casanova aime ça.

Situation amoureuse : Marié à Giulietta Masina

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La grande parade de mes 7 Oscars



28 NEWS /// PASSERELLES

PARAdISIAQuE FELLINI, LA GRANDE PARADE Dialogue fertile entre champ et hors-champ, l’exposition Fellini, La Grande Parade, qui se tient jusqu’au 17 janvier au Jeu de Paume, dévoile près de 400 documents exceptionnels autour du maestro italien. Rencontre avec son commissaire, SAM STOURDZÉ. _Propos recueillis par Juliette Reitzer

L’exposition met à jour les sources d’inspiration de Federico Fellini, notamment sa capacité à s’approprier le réel… ce qui inspire Fellini, plus que la réalité même, c’est l’interprétation de cette réalité par les médias. la scène d’ouverture de La Dolce Vita est un bon exemple. ce christ en croix transporté par un hélicoptère est une des raisons de l’interdiction du film en Espagne, pour propos blasphématoires. Quelle n’a pas été ma surprise de retrouver la source d’inspiration de Fellini, bien réelle : quatre ans plus tôt, un hélicoptère apporte une statue du christ sur la Piazza del duomo à Milan, dans une mise en scène imaginée par l’Église catholique elle-même ! Fellini apparaît comme un merveilleux capteur de l’air du temps… Il se documente précisément, s’entoure de manière très fine. Pour La Dolce Vita, il rencontre les photographes people de l’époque [on les appellera « paparazzi » d’après le prénom donné par Fellini au personnage du photographe, Paparazzo, ndlr] et se fait raconter les trucs du métier.

Dans ce processus de création, quelle place accorder au livre des rêves, exposé pour la première fois ? Fellini découvre la psychanalyse avec les théories de Jung, et il se met à dessiner ses rêves dans de grands albums. Il le fait comme un musicien ferait ses gammes, pour entretenir son imaginaire, et cela devient un répertoire de formes dans lequel il puise. Comment définir la place de la femme dans l’œuvre fellinienne, figure très présente dans l’exposition ? c’est la mère, la prostituée, la femme fatale, le monstre marin… comment ne pas évoquer Anita Ekberg ? dans La Dolce Vita, elle est une vedette, donc par extension une image médiatique. cette figure de la femme comme image est d’ailleurs centrale chez Fellini, qui l’explique ainsi : « Le rituel cinématographique est, en soi, profondément féminin. Cette façon d’être ensemble dans le noir, dans une situation presque placentaire. D’ailleurs au cinéma, il est question de projection, n’est-ce pas ? Et la femme – pour l’homme – n’est-elle pas une sorte d’écran sur lequel projeter ses fantasmes ? »

Fellini, La Grande Parade, jusqu’au 17 janvier au Jeu de Paume. /// Rétrospective intégrale Tutto Fellini ! à la Cinémathèque, jusqu’au 20 décembre. Fellini au travail de Sam Stourdzé (Carlotta, DVD déjà disponible).

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HORS-SÉRIE #1 NUMÉRO SPÉCIAL

HEDI SLIMANE

CONTRE CULTURE PANORAMA SOIXANTE ANS DE JEUNESSE(S) AMÉRICAINE(S) DE 1950 À 2010

52 PAGES DE PORTFOLIO EXCLUSIF CHOISIES PAR HEDI SLIMANE

DES INTERVIEWS EXCLUSIVES : JIM JARMUSCH // MGMT // JUDD APATOW // JOSH & BENNY SAFDIE // SCARLETT JOHANSSON…

UNE SÉLECTION DES CD, LIVRES, BD, CLIPS, SITES WEB ET ŒUVRES D’ART CULTES QUI ONT MARQUÉ LA “CULTURE JEUNE” D’OUTRE-ATLANTIQUE

EN KIOSQUES LE 2 DÉCEMBRE // 6,90€


30 NEWS /// AVANT-SéANCE

dÉROuTÉ John Hillcoat, à qui l’on devait déjà le western métaphysique The Proposition (sur les écrans le 16 décembre), vient d’adapter le roman de Cormac McCarthy, La Route, en salles début décembre. Dans cette méditation sur la survivance de l’humanité dans un monde post-apocalyptique, VIGGO MORTENSEN joue les derniers hommes. Toujours le premier dans notre coeur, nous l’avons rencontré. _Propos recueillis par Sandrine Marques

Aviez-vous lu La Route avant de faire le film ? J’avais dévoré tous les livres de cormac Mccarthy, mais pas La Route. J’ai lu le scénario en premier, avant de m’attaquer plus tard au roman, dont je trouve l’adaptation très fidèle. J’aime la manière dont il décrit les paysages : c’est très beau et poétique. La Route traite de la capacité des êtres à rester humains, quels que soient les événements tragiques qu’ils traversent. à quoi bon être vivant quand il ne vous reste plus rien ? c’est un livre complexe et spirituel, qui traite du dilemme entre civilité et cruauté envers son prochain. En d’autres termes, faut-il choisir la compassion – ce qui implique d’accepter d’avoir peur – ou la haine, c’est-à-dire se laisser guider par cette peur ? Comment vous êtes-vous préparé à ce rôle physiquement difficile ? J’ai dû perdre du poids pour le rôle. la littérature, la musique et les films m’ont aidé à me mettre dans la peau du héros. comme pour mes rôles précédents, je savais où était né mon personnage, comment il

avait grandi, d’où lui venait son accent. Mais là, plus que jamais, j’ai dû me débarrasser de toutes ces choses annexes pour puiser au plus profond de moi. Quels éclairages vous a apporté Cormac McCarthy sur votre personnage ? Il vit en reclus et ne donne pas beaucoup d’interviews, même s’il semblerait qu’il se soit davantage ouvert, ces derniers temps, au monde extérieur. Nous nous sommes parlés longuement au téléphone avant le tournage. Il m’a parlé de son fils à qui le livre est dédié et j’ai parlé du mien. Il m’a demandé ensuite si je voulais aborder d’autres sujets en particulier, mais cela n’était pas utile. Notre conversation n’a fait que confirmer mes intuitions et même s’il m’y a invité, je ne l’ai pas rappelé. une fois que j’ai pu mettre un visage sur le garçon qui allait jouer mon fils, je n’en ai pas éprouvé le besoin. le père et le fils représentent le monde tout entier l’un pour l’autre. Très rapidement, une complicité s’est établie entre Kodi Smit-McPhee et moi-même. Sans cela, le film n’aurait pas existé.

Un film de John Hillcoat // Avec Viggo Mortensen, Charlize Theron… // Distribution : Metropolitan // États-Unis, 2007, 1h59 // Sortie le 2 décembre

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SPECTACLE, EMBALLER MON HISTOIRE JUSQU’AU VERTIGE.

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© Jérémie Nassif

VOULAIS FAIRE «UNJETHRILLER À GRAND


33 NEWS /// INTERVIEW MOT-NOMANIAQUE

SuR LA ROUTE À l’origine retrace l’histoire vraie d’un escroc philanthrope qui, en s’attaquant à la construction d’une autoroute, découvre le chemin vers soi et les autres. Dans son sillage, nous avons fait voyager de citations en citations XAVIER GIANNOLI, l’auteur de ce grand film humaniste, qu’il nous raconte en un mot : « route ».

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_Par Sandrine Marques

Quand on suit une mauvaise route, plus on marche vite, plus on s’égare. » (Denis Diderot) John Ford disait qu’il préférait filmer un cheval au galop plutôt qu’une femme qui pleure. Moi, je veux filmer une femme qui pleure sur un cheval au galop. Mon obsession, au cinéma, c’est le rythme, ou « marcher vite » comme dans la citation. Je veux qu’on ait l’impression que le film est une forme de course, qu’il y ait un sentiment d’urgence et de nécessité permanente, surtout quand on raconte une histoire d’escroquerie. Je voulais faire un thriller à grand spectacle, emballer mon histoire jusqu’au vertige. ce rythme doit exprimer quelque chose de l’ordre du battement du cœur du héros. J’avais vraiment envie, avec mon film, de faire honneur à ce fait divers qui a une dimension épique rare.

« Il n’y a plus de routes droites dans le monde. » (Mao Tsé-Toung) l’auteur de cette citation ne m’étonne pas car l’image de la route a très souvent été utilisée par les idéologues et les dictateurs. Quand je pense à la route, je pense à la vitesse. J’aimais l’idée d’un personnage toujours en action, qui est d’autant plus méritant qu’il commence par être un salaud. Il va rencontrer en permanence des obstacles sur sa route et se dépasser. ce cheminlà, d’un personnage à la découverte de lui-même, me touche beaucoup au cinéma. Sur l’idée d’une route droite, on peut penser au romanesque. Je crois qu’on peut faire un cinéma d’apparence linéaire et classique mais travaillé par quelque chose de la modernité. Je suis un conteur et j’aime emmener mon personnage d’un point A à un point B. la linéarité de la route va de lui vers la conscience des autres. «De nouvelles routes bien tracées pour aller toujours plus loin nulle part. » (Émile Ajar) Il n’y a pas de mythologie cinématographique attachée à la construction d’une route. ce qui allait donner une dimension poétique à ce chantier, c’est que s’y joue le destin d’un homme. Il y a une phrase de Bonaparte qui dit «une carrière se construit,un destin se découvre». cette route est ressentie pendant tout le film comme une nécessité économique et vitale, mais tout cela a

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quelque chose d’absurde. ce qui lui donne un sens, c’est l’amour. le plus important, dans cette citation et au cœur de mon travail, c’est le désir d’aventure. « Une fois qu’on est en route, on ne connaît ni adieu, ni regret,il devient chaque jour un peu moins possible de faire demi-tour, on ne le souhaite d’ailleurs plus. » (Annemarie Schwarzenbach) ce qui est intéressant quand on fait vivre un personnage, c’est son ambivalence. Et c’est là qu’un être humain prend vie, à condition de poser sur lui une certaine qualité de regard. J’ai voulu pousser les éléments qui me semblaient être là quand j’ai rencontré en prison le vrai protagoniste de cette histoire. Par exemple, son souci de bien faire son travail, de respecter ses ouvriers. c’était évident dans les lettres qu’il m’a envoyées. Je ne veux pas reconstituer la réalité. Ça m’intéresse beaucoup plus de faire un travail romanesque qui me permet d’exprimer ce que je ressens de cette histoire. cette citation a une dimension existentielle.Je souhaitais que le spectateur se demande pourquoi mon personnage ne fait pas marche arrière, pourquoi il ne part pas. Il n’a aucune raison de partir. Grâce à cette histoire, il trouve un sens à sa route. Il s’agissait de montrer comment le héros s’humanise, avec sa folie, sa mégalomanie et ses contradictions. Il a une humanité qui ne demande qu’à être révélée. « Souviens-toi de ce détour qu'on faisait, de cette fille qui attendait, n'attendait que nous / Souvienstoi de ce que tu veux mais non, ne dis pas que ce détour n’était rien pour nous. » (Dominique A) la vie de cet escroc semblait toute tracée mais son existence prend un détour. dans le film, les sentiments ont le rôle titre. Quand j’écris, le personnage féminin met toujours en mouvement le scénario. dans le rapport amoureux, quelque chose de notre rapport au monde se joue. c’était important pour moi que ce soit l’histoire d’une femme qui révèle un homme charnellement et le libère. la scène d’amour avec Emmanuelle devos était le cœur de ma fiction. Je voulais que tout l’univers du film s’incarne avec le plus de force possible dans cet environnement de tonnerre mécanique. les émotions s’emparent des détails les plus concrets du film et leur donnent une poésie. c’est là que ça devient du

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34 NEWS /// INTERVIEW MOT-NOMANIAQUE

François Cluzet et Emmanuelle Devos dans À l’origine de Xavier Giannoli

cinéma. Quant à Soko, c’est une des rencontres de cinéma qui m’a le plus ému dans ma vie. Elle a ce mélange si rare de grâce et de simplicité. J’ai tout de suite pensé à Harriet Andersson dans Monika de Bergman, c’est pourquoi elle porte ce prénom dans le film. « La route est droite, mais la pente est forte. » (JeanPierre Raffarin). Mon film a été tourné un an avant la crise économique, mais les enjeux de l’histoire sont universels et intemporels. à aucun moment, je n’envisage ce film comme un tract. Ça ne m’intéresse pas du tout de délivrer un message politique. Mais dès lors qu’on s’intéresse à la vie d’un personnage, les histoires prennent toujours une dimension politique. ce qui me travaille, c’est la vérité humaine du fait divers. On dit souvent qu’un metteur en scène doit avoir quelque chose à dire. de plus en plus, je me dis qu’il doit avoir quelque chose à taire. « Si j’ai un message à faire passer, je le mets à la poste », disait don Siegel. « I follow the yellow brick road. » (Captain Beefheart) Pour la B.O., j’ai fait appel à cliff Martinez, ex-batteur de Red Hot chili Peppers et de captain Beefheart, car je désirais une musique symphonique, néo-classique, malhérienne et en même temps que tout cela soit distordu, déplacé par des sonorités plus étranges, par un travail sur le rythme et les percussions. le rythme m’obsédait et comme cliff a été batteur… J’avais ressenti ces éléments dans les B.O qu’il avait faites pour Soderbergh, celles de Solaris et de Traffic,

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dont la partition était plus électronique. Il y a tout un travail sur les climats. J’avais besoin que la musique donne une tension, une force et une dimension épique au récit. à sa manière inspirée, je sentais que cliff pouvait travailler sur ces contraires. « Je plane sur le macadam, au fond de cette caisse, je ne suis plus le même, couché sur l'arbre à cames, entre elle et moi, c'est passionnel / Comme je suis mélomane, je l'aime au son de J.J. Cale. » (Christophe) Quand j’étais petit, christophe habitait en dessous de chez moi. Il m’a montré mes premiers films. Je l’aidais à mettre des micros autour du moteur de sa Ferrari parce qu’il voulait en capter la moindre nuance. On a fait la route ensemble pour aller chercher des films en Belgique. Il a une liberté, un éclectisme, une exigence, un goût de la beauté sans aucun snobisme qui m’ont beaucoup marqué. Mon film, c’est moins l’histoire d’un homme qui réussit à embarquer tout le monde que tout le monde qui réussit à embarquer cet homme. À l’origine a été l’aventure l’humaine la plus vertigineuse que j’ai vécue. dans la création artistique comme dans la construction d’une autoroute, il y a quelque chose d’universel, la ténacité qu’il faut pour s’en sortir, trouver en soi l’énergie de surmonter les obstacles. Au bout d’un moment, la route devient l’histoire de nos vies. Un film de Xavier Giannoli // Avec François Cluzet, Emmanuelle Devos… Distribution : EuropaCorp // France, 2008, 2h10 Sortie le 11 novembre

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© Philippe Lebruman

36 NEWS /// UNDERGROUND ///DÉJà CULTE, BIENTôT DANS LES BACS

cHAMBRE NOIRE Entre la lune et l’aube, musique de nuit et musique de chambre, l’électronicien ÉTIENNE JAUMET hypnotise les danseurs, réveille les oreilles, et fait voyager l’âme. Inspiration. _Par Wilfried Paris

On a connu Étienne Jaumet soufflant dans un didjeridoo avec le chanteur bien-aimé Flóp, dans un saxo avec les défroqués pop Married Monk, ou le chaud (Theremin) et le froid (Arp) dans le duo néo-kraut Zombie Zombie. le Parisien hante désormais à lui seul les nuits des danseurs somnambules et auditeurs insomniaques. Beau portrait noctambule, relifté-lissé-botoxé par le chirurgien de la techno made in detroit carl craig, son premier album solo Night Music a l’efficacité clubbing de rigueur martiale (clarté de la Roland 808, progressions acides), et la texture détaillée d’un esthète musicologue (oscillations de fréquences, grain analogique). couplant (comme Ricardo Villalobos sur le modèle avoué Fizheuer Zieheuer) le synthétique et l’organique, la cadence et l’aléatoire, Jaumet réanime de son souffle la nuit et ses habitants, en un bouche à bouche assez divin entre un saxophone si loin, et une machinerie vintage si proche. Il y est aidé par les fantômes cosmiques de Manuel Göttsching, lard Free ou Heldon, et la présence, bien concrète, d’Emmanuelle Parrenin, évanescente liturgiste des 70’s, à la harpe et vielle à roue. une pochette illuminée par la Boca (dc Recordings), un contrat rêvé avec le label domino aux u.S.A., et les nuits d’Étienne sont désormais plus belles que ses jours… Night Music d’étienne Jaumet (Versatile/Module)

COPIER COLLER >> Avec leur troisième album, Humbug, enregistré entre New York et los Angeles, les Arctic Monkeys tournent le dos avec panache à la brit-pop de leurs débuts.

>> Épaulés par Josh Homme des Queens of the Stone Age, les ex-baby-rockers dégobillent un indie-rock malade, évoquant les plus beaux haut-le-cœur du combo culte Sebadoh.

LE MYSPACE CHARTS DE LA RÉDACTION ANNIE – Songs Remind Me of You – 48 722 lectures www.myspace.com/anniemusic cette Annie-là ne risque pas de partir en sucette : l’électro-pop tubesque du deuxième album de la Norvégienne devrait la prévenir de tout tête-à-queue.

LA FIANCÉE – L’Emploi du moi – 5 354 lectures www.myspace.com/lafiancee Avec le délicat Florent Marchet en guise de garçon d’honneur, la Fiancée marie dentelles pop, voix blanche et mots doux-amers sur cet E.P. plein de promesses. THE SHOES – People Movin’ – 3 785 lectures www.myspace.com/the.shoesmusic le duo rémois talonne les pointures électro avec ce single qui trotte dans les têtes en faisant du pied à la soul des Temptations. Nul doute : ça va marcher.

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© Jean-Baptiste Mondino

OxMOSES Revenu d’entre les mots au printemps dernier avec l’album prométhéen L’Arme de paix, le rappeur OXMO PUCCINO ravive le feu cinéphile cet automne avec huit bûches filmiques, flambeaux d’un cinéma au verbe juste. Du samedi 28 novembre au dimanche 20 décembre, il est aux commandes de la programmation matinale des week-ends du MK2 Quai de Seine. Avant-séance avec le « black Jacques Brel »…

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_Propos recueillis par Juliette Reitzer et étienne Rouillon

cette carte blanche, c’est pour moi le luxe de pouvoir regarder les films que j’aime sur grand écran. le dVd, c’est bien, mais la véritable émotion, c’est dans une salle obscure qu’on la trouve. Je veux voir ou revoir ces films comme si c’était leur premier jour de sortie, retrouver le sentiment de découverte. J’ai souvent pensé mes musiques comme des musiques de film. une musique posée sur un film est toujours plus expressive puisqu’elle illustre quelque chose qui n’est pas une voix. le cinéma, c’est l’art suprême, il combine l’écriture, la musique, la photo, l’expression corporelle… un film est grand quand il réunit de la meilleure manière tous ces arts. c’est le top-top-top niveau. »

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HÔTEL DU NORD DE MARCEL CARNÉ (1938) « c’est le Paris des titis, qui disparaît aujourd’hui. Moi, je me souviens encore des rues pavées, du métal partout dans la capitale, des chats sauvages et des terrains vagues, mais les générations futures ? les films sont des témoignages d’une époque. ce témoignage passe en grande partie par le langage. les dialogues d’Hôtel du Nord retentissent comme un écho, une résonance de ce passé. ce sera la même chose pour ceux de Sur mes lèvres. le traitement et l’écriture de la langue française font la spécificité de notre culture cinématographique. » LE DIABLE BOITEUX DE SACHA GUITRY (1948) « c’est un film qui pourrait s’avérer ennuyeux, car

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NEWS /// CARTE BLANCHE

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LE CINÉMA, C’EST L’ART SUPRÊME, IL COMBINE L’ÉCRITURE, LA MUSIQUE, LA PHOTO, L’EXPRESSION CORPORELLE...

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historique. Mais la prestation de Sacha Guitry, le personnage de Talleyrand… cette manière de faire du « cinéma-théâtre » avec peu de décors, une lumière sobre, recentre le propos en le focalisant sur les personnages. c’est un film pur. J’ai compris il y a peu de temps que c’est ce genre de cinéma qui se rapproche le plus de mes textes. » LA MORT AUX TROUSSES D’ALFRED HITCHCOCK (1959) « c’est pour moi un film de jeunesse, que je n’avais pas compris à l’époque. un classique, une évidence. Il est de ces films qui doivent figurer dans toutes les dvd-thèques, à l’instar d’Apocalypse Now, Le Parrain, Barry Lyndon,Toy Story, Le Dictateur, La Haine… » L’EMMERDEUR D’ÉDOUARD MOLINARO (1973) « un film qui a défini la comédie pour trente ans. lino Ventura et Jacques Brel : des abdominaux à la fin de la séance, des larmes de rire. Quand il dit à la fin « J’ai réussi à me mettre dans la même cellule que vous », c’est trop ! Toute l’histoire de A à Z résumée en une phrase : celle de l’emmerdeur nécessaire, celui qu’on aime, qui est utile. Je reconnais des amis dans le personnage de Brel. On parle toujours des potes avec nostalgie, comme d’une époque révolue, où l’on partage sans le masque de séduction que l’on peut avoir face au sexe opposé. Je ne crois pas à l’amour, mais l’amitié, je la vis. Avec les potes, il y a cette notion du « jusqu’à la mort ». Jusqu’à la mort… c’est quelque chose que j’ai déjà éprouvé. » LES GALETTES DE PONT-AVEN DE JOËL SERIA (1975) « ce n’est pas un film sans queue ni tête, sans vouloir faire de jeu de mot. Je l’ai découvert il y a deux ans par des amis. c’est un humour que moi et les gens que je côtoie pratiquons beaucoup. Quelque chose d’absurde, d’irréel, de complètement dingue. c’est

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tout ce que l’on n’ose plus, voilà pourquoi j’aime ce film. Aujourd’hui, tu peux montrer ton cul mais tu ne peux pas dire merde. ces réflexes aseptisés entament l’art, ça devient compliqué de s’exprimer. Rien qu’à voir le travail du collectif Kourtrajmé : il a été longtemps dénigré alors qu’ils ne faisaient qu’apporter quelque chose de nouveau. On ne pardonne pas aux artistes d’être créatifs. » DEUX HEURES MOINS LE QUART AVANT JÉSUSCHRIST DE JEAN YANNE (1982) « Absurde. Quelque part, c’est ce qu’un film comme Astérix et Obélix : mission Cléopâtre n’a pas réussi à faire. le film de Jean Yanne, c’est du grand n’importe quoi mais pour de vrai ; des bouts de ficelle, de la franche rigolade, de la spontanéité, et surtout des gens qui sont là pour ça. » SUR MES LÈVRES DE JACQUES AUDIARD (2001) « Audiard, Emmanuelle devos,Vincent cassel… bref, l’excellence. c’est un film qui m’a surpris à sa sortie par sa grandeur. un film très parisien, porté par le frisson inspiré par cassel et devos. les films forts demandent plus d’un visionnage. » LORD OF WAR D’ANDREW NICCOL (2005) « le film le plus fort sur l’un des maux de l’Afrique moderne, le trafic d’armes, raconté à travers un personnage qui y est étranger. Je trouve cela fascinant de pénétrer dans les entrailles d’un mécanisme aussi violent, dont les personnages ne sont que les rouages. un récit comme un constat froid : c’est comme cela que ça se passe, on n’y peut rien. déjà revu deux ou trois fois, celui-là. » Carte Blanche à Oxmo Puccino. Avant-première en présence d’Oxmo Puccino le 24 novembre au MK2 Quai de Seine. Retrouvez toute la programmation sur www.mk2.com

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40 NEWS /// LE BUZZLE

LE NET EN MOINS FLOU _Par étienne Rouillon

BUZZ’ART

STATUTS QUOTES Sélection des meilleurs statuts de FAcEBOOK

Jean : Mais non, papa, je ne voulais pas l’EPAd mais l’IPOd ! Dounia : Il se Pasqua en Angola ? Virginie : la société Taser reconnaît que l'utilisation de ses pistolets peut provoquer des « événements cardiaques négatifs ».Y' a des évènements podofessiers positifs qui se perdent... Chris : Libé est toujours sartrien. la preuve, lorsqu'un grand homme disparaît on en ressort avec les mains sales.

STOP ! ÉMOTION Vieille comme la pâte à modeler, la technique d’animation « image par image » (« stop motion » en V.O.) renaît sous les pinceaux d’artistes comme BLU et ses destins animés. le graffeur italien Blu nous met des bleus dans les yeux avec sa nouvelle création, Combo, un déluge visuel qui reprend le principe de Muto, l’œuvre qui lui a permis de franchir le mur de l’anonymat et d’entrer dans la cour des plus grands peintres de bâtiment. Entre les quatre murailles d’un patio et en compagnie du peintre david Ellis, il couche une fresque animée en stop motion, où ses créatures fantasmagoriques se phagocytent mutuellement dans un tumulte graphique. le mur d’une maison devient

le terrain de « je » de créatures qui y étalent des identités insaisissables. ce croisement probant entre les cauchemars de Jérôme Bosch et les pochoirs muraux de Banksy lézarde le petit monde de l’animation, scindé entre disciples et contempteurs. un autre Italien, donato Sansone, reprend la technique à son compte dans VideoGioco, exercice de style autour du flip book (les livres animés d’une pression du pouce). le stop motion n’est pas à l’arrêt.

Fred : décidée à rentabiliser à fond sa déclinante idole, la maison de disques de Johnny sortira son hernie discale en vinyle et en édition collector. Maxime : « Des douaniers de Fréjus (Var) ont saisi 10 kg de cocaïne dissimulés dans des paquets de chips périmés ». Moralité : quand vos chips sont périmées, ouvrez avant de jeter, on ne sait jamais... Nassim : Fallait bien que ça arrive : avec toutes les huîtres avalées ce week-end, j'ai pondu une perle. Valentine : Nous sommes peu à penser trop, et trop à penser peu. Jonathan : Pourquoi paye-t-on des chercheurs alors que des trouveurs suffiraient ?

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APPLIS MOBILES PARIS-CI LA SORTIE DU MÉTRO Vous avez l’impression d’avoir toujours un métro de retard ? Au lieu de monter dans un wagon vague, préférez cette application qui vous indique quelle porte de la rame donnera directement sur votre correspondance. Plateforme : iPhone et iPod touch // Prix : 1,59 €

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COMMAND & CONQUER Alerte rouge ! le jeu de stratégie envahit vos poches de treillis. la guerre ludique d’avant 11 Septembre, c’était comme un bon James Bond : déjouer les ruses des Russes quand l’Europe est essuyée par la soviet-serviette. . Plateforme : iPhone et iPod touch // Prix : 7,99 €

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MAL BUZZÉ

TWITOUILLAGE Chaque mois un phénomène du Net touillé via TWITTER

Danny DeVito 347 tweets 190 921 followers http://twitter.com/Danny_DeVito

CONNES & CO Nouveau venu dans la bande à galères : le site Reine des connes, où les cruches racontent la goutte qui fit déborder leur vase. Elles ont beau courir après une silhouette taillée outre-mesure, les filles n’aiment pas avoir l’air fin et encore moins se faire tailler par le premier mâle malvenu. Partant de l’hypothèse que plus on est de cons moins on est contrit, le site des godiches impériales rejoint les très populaires sites défouloirs comme viedemerde.fr ou jesuisencolere.com. de blogs en forums, les imbéciles malheureuses racontent, intelligemment, les «nœuds dans le ventre et les yeux de lapins russes», les «doubles profils Facebook de mecs mariés» ou le choix entre «son épanouissement personnel à travers un super boulot et l'homme qu'on aime». le site est réservé à des adhérentes féminines, mais on vous recommande de désobéir tant il regorge de conseils en négatif et de bons mots pour larguer sa douce en douce. Reine des connes est une mine d’infos pour le roi des connards.

Twitter ne sert pas qu’à organiser des manifestations en Iran. le gratin américain y laisse des messages gratinés, tant et si bien que Walt disney et d’autres studios hollywoodiens viennent d’intégrer aux contrats des nouvelles recrues une clause d’interdiction de twitter des informations confidentielles. Ainsi, cameron diaz et Mike Myers, qui travaillent sur le doublage de Shrek 4, ont été priés de rester discret. une réserve que danny deVito prend de haut, avec son compte Twitter qui donne dans l’humour bas de plafond. Sidérés, les internautes ont d’abord cru à un faux et on réclamé une preuve. Elle est arrivée sous la forme d’une photo de profil dépoitraillée (cf. plus haut), sacrée immédiatement buzz-étalon par les fans sarcastiques de deVito. celui qui incarnait le Pingouin chez Burton n’est pas manchot quand il s’agit de décrire ses beuveries ou d’inviter son « frangin » Arnold Schwarzenegger à dîner. Mais les vraies stars de ce Twitter, ce sont ses pieds croquignolets, pris en photo partout dans le monde, que leur propriétaire appelle les «trolls», en référence aux pieds poilus et épatés des Hobbits. les petons sur terre mais la tête en l’air, à l’image du premier twitt de l’acteur : « Je viens de rejoindre Twitter ! Je ne comprends pas grand-chose à ce site mais mes noisettes sont en feu. »

http://reinedesconnes.com

Hashtag

– [a tag] nom

MOT @ MOT

(Mot composé de l’anglais «hash», qui désigne le symbole «#», et de «tag», mot-clé associé à une information publiée) 1. Marqueur sémantique qui permet de retrouver sur le site Twitter tous les billets relatifs à un même sujet, pour peu qu’ils fassent mention du #motrecherché. «T’as vu sur Twitter les réactions à l’affaire de l’EPAD? Le hashtag, c’est #jeansarkozypartout» 2. Technique de marquage d’un territoire physique dans le but de souligner un dénominateur commun aux habitants d’un quartier. «Mon nom graffé sur les murs de la Défense ? Mais non c’est pas un tag, c’est du hashtag.»

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42 NEWS /// AVATARS ///UN JEU VIDÉO EXPLIQUÉ à... MON DOCTEUR

TEKCUIT ! Bourre-pif enivrant et long en bouche, la série des Tekken s’est écoulée à plus de 34 millions d’exemplaires. Cette sixième cuvée a tant fait tourner la tête tuméfiée de notre chroniqueur qu’il a dû dessoûler chez son généraliste…

ALTER GAMO

_Par étienne Rouillon

« Ah… docteur Knock-Out, je viens vous voir parce que j’ai eu du mal à me relever du dernier combat sur le ring de Tekken 6. Tekken ? Vous ne percutez pas ? le jeu de baston avec des écolières fluettes capables de soulever dix kilos de fonte… Non ? Tekken ou t’es Barbie ? à la fin des années 1990, fallait choisir son champ de châtaignes, hein… Argh. Vas-y qu’on se fiche des avoines aux graphismes mortels dans des arènes qui ont retrouvé la pêche d’antan. les anciens sont de la partie, mais y a surtout cette petite nouvelle, un androïde, capable de faire exploser sa tête. une Bombe. Attends, c’est quoi ton nunchaku chromé ? Ah, un stéthoscope… Tar’ ta gueule doc’ Knock, si tu me chatouilles, je te gratouille avec mes nouveaux combos.Tiens, hier y a un sumo norvégien qui m’a arraché la jambe droite en tapinois, j’y ai laissé la gauche mais j’ai enterré le blondin. comment ça, j’ai toujours mes deux tibias ? Ça me fait une belle jambe doc, si je viens vous voir, c’est pour les ampoules que j’ai aux pouces, à force de matraquer ma manette. » Tekken 6 // éditeur : Namco Bandai // Plateformes : PS3, X360, PSP

PIERRE, 14 ANS, LYCÉEN RÉTRO GAMO D-GAGE La N-Gage s’en va rejoindre le panthéon des consoles. Nokia a annoncé la fermeture fin 2010 de la plateforme de téléchargement dédiée au premier «téléphone-console». D’ici là, les 2 millions de bigophones ludiques seront gavés des jeux encore disponibles : Pandemonium, Tomb Raider ou Splinter Cell. Nokia // à partir de 40 € sur Internet

NOVEMBRE 2009

« Je joue au moins cinq heures par jour. Avant les cours, après les cours... Dans Def Jam Icon, j'adore l’action, la musique. Ce que je kiffe chez ce perso, The Game, c'est son style de combat et son style tout court. Avec lui, j'ai l'impression d'être extrêmement fort, de pouvoir soulever des montagnes et affronter le monde entier. » Envoyez-nous votre photo et celle de votre avatar à troiscouleurs@mk2.com, nous publierons les meilleures.

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44 NEWS /// LE CLASH /// SOURIS : AVEC OU SANS BOUTON ?

LE CLASH

lA GuERRE dES BOuTONS On était habitué aux souris couvertes d’acné bipartite. Nos mains en pressaient les bourgeons d’un clic de l’index ou du majeur. Dorénavant, il faudra faire sans, parie-ton chez APPLE : leur dernier rongeur abhorre les furoncles, et arbore une échine tactile. Chez 3DCONNEXIONS, en revanche, on garde un bubon, qui a tout bon. _Par étienne Rouillon

SPACENAVIGATOR

MAGIC MOUSE

Sous la main cette souris flatte autant la paume que la rétine avec une jolie finition de sa base en acier poli. le manche qui la surplombe épouse le creux de la paluche. Il s’apparente à un joystick court sur pattes qui peut être tourné sur lui-même, poussé, tiré, appuyé. Avec ce nouvel axe qui autorise les rotations et les translations, le SpaceNavigator permet de se mouvoir en trois dimensions, sans renfort du clavier. On passe à six mouvements possibles, contre deux seulement avec une souris classique.

Sous la main Mon petit doigt m’écrit qu’on la retrouvera bientôt partout : ce mulot va faire des émules et il faudrait être une mule pour ne pas être muet de stupéfaction devant cette première souris multi-touch. la zone tactile, dont la technologie est héritée de celle de l’iPhone, recouvre toute la surface du contrôleur. la coque au design épuré abrite une puce donnant l’exact emplacement de vos doigts à l’ordinateur. Plus besoin de tapis, la position de la souris est déterminée par un système laser efficace sur un bon paquet de surfaces.

Coup de pouce Automatiquement compatible avec une centaine d’applications en trois dimensions, le SpaceNavigator meut l’utilisateur comme s’il se déplaçait de lui-même à l’intérieur d’un environnement. les plus vintages dirigeront leur avatar dans Second Life, quand les web-trotteurs crapahuteront avec une aisance inégalée dans Google Earth.

Coup de pouce une fois connectée à un Mac compatible Bluetooth, la Magic Mouse vous prend par la main. On peut cliquer dessus n’importe où, avec un doigt pour les clics primordiaux, et deux pour les clics secondaires. le défilement des pages Internet via Safari est aussi révolutionnaire qu’intuitif, tout comme le balayage qui permet un défilement multidirectionnel à 360 degrés.

Portefeuille

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SpaceNavigator par 3DConnexion, à partir de 99 € Au doigt et à l’œil sur www.3dconnexion.fr

Magic Mouse par Apple, à partir de 69 € Multi-touchez avec les yeux sur www.apple.fr/magicmouse

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LE

GUIDE CALENDRIER MALIN POUR AVENTURIER URBAIN

DU MERCREDI 11 NOVEMBRE AU MARDI 15 DÉCEMBRE

« JE N’AIME PAS LES CASTINGS RONRONNANTS. » AxEllE ROPERT P.52

SORTIES EN SALLES SORTIE LE 11 NOVEMBRE 48 L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot de Serge Bromberg et Ruxandra Medrea SORTIES LE 25 NOVEMBRE 50 Vincere de Marco Bellocchio 51 Samson & Delilah de Warwick Thornton SORTIE LE 2 DÉCEMBRE 52 La Famille Wolberg d’Axelle Ropert SORTIE LE 9 DÉCEMBRE 53 Persécution de Patrice chéreau LES AUTRES SORTIES 54 L’Imaginarium du Docteur Parnassus ; 2012 ; Les Vies privées de Pippa Lee ;Trésor ;Twilight - Chapitre 2 : Tentation ; In the Loop ; L’Homme de chevet ; Lettre à Anna ; La Domination masculine ; Le Vilain, Une affaire d’État ; Le Drôle de Noël de Scrooge ; The Limits of Control ; La Route ; Paranormal Activity ; La Folle histoire d’amour de Simon Eskenazy ; Breathless ; Huacho ; Yuki et Nina ; Qu’un seul tienne et les autres suivront

P.48

58 LES ÉVÉNEMENTS MK2 Festival des 4 écrans

SORTIES EN VILLE 60 CONCERTS Les Transmusicales de Rennes l’oreille de… Étienne Jaumet 62 CLUBBING RDV 10h00 les nuits de… Philippe Zdar

64 EXPOS Deadline au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris le cabinet de curiosité : Soulèvements à la Maison rouge

66 SPECTACLES Dans l’esprit de Diaghilev au Théâtre National de chaillot le spectacle vivant non identifié : les Inaccoutumés

68 RESTOS Le Renoma Café le palais de… Eugene Green

P.62 NOVEMBRE 2009

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48 CINÉMA

11/11

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L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1… Parce que les images de Clouzot auraient pu révolutionner le langage cinématographique. 2… Pour tenter d’éclaircir un mystère vieux de 40 ans : que s’est-il passé sur le tournage ? 3… Pour Bérénice Bejo et Jacques Gamblin, qui instaurent une trame narrative indispensable.

FEMME FATALE Un film de Serge Bromberg et Ruxandra Medrea // Avec Romy Schneider, Serge Reggiani… // Distribution : MK2 Diffusion // France, 2009, 1h34

Fascinant documentaire signé SERGE BROMBERG et RUXANDRA MEDREA, L’Enfer d’HenriGeorges Clouzot questionne l’histoire mythique d’un tournage inachevé. Romy Schneider, envoûtante, en est le souffle. _Par Juliette Reitzer

En 1964, Romy Schneider est déjà une vedette lorsque Henri-Georges clouzot, le génial réalisateur du Corbeau, de Quai des Orfèvres et des Diaboliques, lui offre le rôle d’une épouse soupçonnée d’adultère par un mari fou de jalousie (Serge Reggiani). Fort d’un budget illimité accordé par la columbia, fasciné par l’art cinétique, le metteur en scène souhaite emprunter des voies jamais encore explorées par le cinéma : miroirs déformants, jeux de projecteurs, illusions d’optique… ces séquences hallucinantes sont destinées à immerger le spectateur dans la folie du personnage, à illustrer son obsession. clouzot veut tout essayer, tout réinventer. Jusqu’à se perdre : après quatre mois d’essais et deux semaines de tournage, Serge Reggiani quitte le plateau, excédé. clouzot lui, continue de filmer Romy, sous les regards ébahis des trois équipes mobilisées pour le film, qui

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ne comprennent plus rien. comme si fiction et réalité se confondaient, comme si le cinéaste se noyait dans l’histoire qu’il a écrite – « ces longs plans hypnotiques de Romy Schneider sont des images de fascination, sans doute celle que Romy inspirait à son metteur en scène », avance Serge Bromberg. la force de ce documentaire, qui compile images tournées par clouzot, entretiens avec les techniciens de l’époque et passages du scénario original interprétés par Jacques Gamblin et Bérénice Bejo, est de ne jamais formuler de réponses péremptoires. Folie des grandeurs, passion créatrice, obsession pour son actrice ? le mystère clouzot reste entier. Mais Romy, infatigable, radieuse malgré les heures immobile devant la caméra, parfois nue, peinte en bleu, badigeonnée d’huile d’olive ou recouverte de paillettes, se livre toute entière. Femme sublime, elle fut peut-être fatale pour L’Enfer d’Henri-Georges clouzot.

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50 CINÉMA

SORTIE LE

25/11

Vincere 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1… Pour l’interprétation de Giovanna Mezzogiorno, bouleversante en mère bafouée. 2… Pour ses jeux d’ombres expressionnistes et terrifiants. 3… Pour sa partition équilibrée entre grande et petite histoire, musique de chambre et opéra.

LES MONSTRES Un film de Marco Bellocchio // Avec Giovanna Mezzogiorno, Filippo Timi… Distribution : Ad Vitam // France-Italie, 2009, 1h58

Plongée suffocante dans l’Italie mussolinienne, Vincere de MARCO BELLOCCHIO substitue à la fresque une fable horrifique et expressionniste. Glaçant. _Par Jérôme Momcilovic

Après les années de plomb de Buongiorno, Notte, Marco Bellocchio s’enfonce, avec Vincere, dans la période qui a vu l’essor de Mussolini, mais, pour y accéder, emprunte un chemin de traverse. un récit oublié par l’histoire officielle : celui d’Ida dalser, maîtresse du jeune Mussolini qui lui donna un fils puis, répudiée, n’eut de cesse de revendiquer sa qualité d’épouse légitime. dense et d’une étourdissante perfection formelle, Vincere fut cette année le grand oublié du palmarès cannois. Il faut dire que son abord n’est pas simple. Plutôt que la reconstitution attendue, Bellocchio tresse son film comme un opéra de ténèbres, saturé de visions pétrifiantes et d’une richesse difficile à épuiser en une seule vision. Film monstrueux, film de monstres, Vincere conte une pure histoire de fantômes : d’un côté, Ida dalser et son enfant, transformés en spectres par un pouvoir qui nie leur existence ; de l’autre, le Duce, Nosferatu grotesque et terrifiant (d’abord figuré en séduisant vampire par Filippo Timi, auquel se substituent ensuite des images d’archives de Mussolini), dont l’ombre emporte le film dans une épaisse coulée de terreur. Éblouissant.

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MARCO BELLOCCHIO Vincere réunit plusieurs de vos motifs de prédilection. Comment vous est venu ce film ? Un soir, j’ai vu un documentaire à la télé sur le fils illégitime de Mussolini. Cela m’a bouleversé. J’ai commencé à me documenter dans l’idée d’en faire un film de fiction, qui est devenu Vincere. On y retrouve en effet plusieurs thèmes que j’ai déjà abordés : l’Histoire, la religion, la famille, le désir… Mais cette fois-ci, la passion a une connotation obsessionnelle, destructrice. Le film bascule entre des séquences intimistes et des moments plus opératiques… Nous avons beaucoup travaillé cela au montage, notamment dans le rapport entre fiction et images d’archive. La musique « futuriste » de Carlo Crivelli, avec qui je collabore depuis 1986, a également joué un rôle important en ce sens. Avez-vous vu, sur un sujet voisin, L’Échange de Clint Eastwood ? Quand j’ai su qu’il faisait un film historique sur une mère internée, j’ai eu très peur ! Mais l’approche d’Eastwood est plus classique, et s’attarde sur les détails de l’internement. Pour ma part, j’ai voulu représenter l’asile comme une prison. WWW.MK2.COM


51 CINÉMA

SORTIE LE

25/11

Samson & Delilah 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1... Parce que l’amour de deux adolescents transcende ici la misère, la faim et l’exclusion. 2... Pour Mitjili Napanangka Gibson : née en 1938, son visage buriné conte toute l’histoire des Aborigènes. 3... Pour la bande originale, compilation de reggae, de musique mexicaine et de rock.

LOVE SONG Un film de Warwick Thornton // Avec Marissa Gibson, Rowan McNamara… // Distribution : Why Not // Australie, 2009, 1h41

Caméra d’or en mai dernier à Cannes, Samson & Delilah fait rimer culture aborigène et universalité du sentiment amoureux. WARWICK THORNTON orchestre avec brio la musique des cœurs adolescents. _Par Juliette Reitzer

une ligne de reggae tourne en boucle, jusqu’à tirer du sommeil un ado échevelé, qui plonge aussitôt le nez dans un récipient d’essence pour une longue inhalation... Sa peau cuivrée, ses cheveux brûlés comme les blés regorgent d’une lumière cruellement absente de la pièce qui lui sert de chambre : un taudis. Plus loin, une jeune fille s’extirpe des couvertures, convainc sa grand-mère d’avaler ses cachets et l’accompagne, patiemment, au hangar qui fait office d’église. Au sein d’une communauté aborigène en plein désert d’Australie centrale – terre aride, baraques en tôle, soleil de plomb –, Samson et delilah reproduisent chaque jour les mêmes gestes, cycle lancinant, subtilement instauré par le cinéaste comme pour illustrer les traditions séculaires de son peuple. Puis, les deux jeunes se croisent, se toisent, se plaisent. Bientôt, le malheur va précipiter leur rapprochement,

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les pousser à fuir vers la ville la plus proche : l’amour n’est-il pas aussi l’ouverture à l’autre et au monde ? En forme de désillusion, ce deuxième mouvement, très sombre, fait résonner le fossé culturel qui scinde l’Australie, en même temps qu’il rappelle l’ostracisme subi par toutes les minorités. le propos dévoile ici des intentions universelles, au gré des unions et désunions de Samson et delilah, des ados tels qu’on en croise partout, transcendant leur condition et leur milieu. Véritable ciment du film, la musique se substitue aux mots, quasi inexistants, et s’appuie toujours sur une justification diégétique. de fait, l’harmonie de l’ensemble tient pour beaucoup de l’écriture sonore, incroyablement précise et travaillée. Sous-titré True Love, Samson & Delilah est une histoire d’amour au message profondément positif, bouleversant hymne à l’humanité.

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52 CINÉMA

SORTIE LE

02/12

La Famille Wolberg 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1... François Damiens, qu'on ne connaissait que pour ses rôles comiques, est stupéfiant en patriarche mélancolique. 2... Le film est un bel hommage, sans maniérisme, aux mélodrames classiques américains. 3... Toujours sur le fil, La Famille Wolberg parvient à émouvoir sans rien lâcher de son élégance.

VARIATIONS WOLBERG Un film d’Axelle Ropert // Avec François Damiens, Valérie Benguigui… Distribution : Pyramide // France, 2009, 1h20

Somptueux mélodrame familial signé AXELLE ROPERT, dont c’est le premier long métrage, La Famille Wolberg joue avec virtuosité de toute la palette des émotions. _Par Jacky Goldberg

le cinéma français nous a habitué aux familles haineuses, pelotes de névroses qu'on déroule de pères en fils et de mères en filles, en caressant l'espoir un jour d'en finir. Parmi les mille raisons d'aimer (follement) La Famille Wolberg, on pourrait alors en retenir une : c'est une famille aimable. de Simon, pater familias « invincible » et maire hyperactif d'une petite ville béarnaise (exceptionnel François damiens, qui tempère la gravité du film par sa drôlerie), à Marianne, son épouse choyée, trop choyée (Valérie Benguigui, bouleversante), en passant par les enfants, le tonton bohème et le papy juif, tous sont aimables ; et néanmoins complexes, pétris de contradictions, fragilisés par des secrets qui un à un s'ébrèchent – une famille comme l'a parfois rêvée le grand cinéma américain, mais implantée sur les terres (provinciales et automnales) du grand cinéma français, celui que la poésie et les dialogues ciselés n'effraient pas. Bercée par « l'ivresse joyeuse » de la northern soul et sublimée par une mise en scène cristalline, La Famille Wolberg est parée pour passer l'hiver en notre compagnie. NOVEMBRE 2009

AXELLE ROPERT Vous avez été, et êtes encore, critique de cinéma. Cela a-t-il nourri votre pratique de cinéaste ? Il y aurait soi-disant deux écoles de cinéastes : ceux qui viennent de la « vie », et ceux qui viennent du « cinéma ». Pour moi, c'est une fausse dichotomie, dans la mesure où voir des films est une épreuve existentielle, et écrire dessus, une façon accélérée de former son goût. Bien que la tonalité générale de votre film soit mélodramatique, votre vision de la famille semble assez heureuse… De façon générale, au cinéma, la question de l'amour profond me semble plus intéressante que celle de la haine. Le cinéma classique américain, qui m'a beaucoup inspiré (Minnelli entre autres), parvient souvent à dépeindre l'amour très noble entre deux personnes d'une même famille, mais sans naïveté, sans éluder toute la souffrance que cela comporte. Pourquoi avoir casté François Damiens et Valérie Benguigui, deux acteurs a priori comiques ? Pour contrebalancer la mélancolie qui baigne naturellement le film. Et parce que je n'aime pas les castings ronronnants. WWW.MK2.COM


53 CINÉMA

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09/12

Persecution 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1... Pour le très beau couple formé par Romain Duris et Charlotte Gainsbourg, épatants. 2... Pour l’histoire vécue : Patrice Chéreau a lui-même été persécuté par un inconnu. 3... Pour la scène touchante et sensuelle de la conversation téléphonique entre les deux amants.

ATTENTION TRAVAUX Un film de Patrice Chéreau// Avec Romain Duris, Charlotte Gainsbourg… Distribution : Mars // France, 2008, 1h40

Avec ce superbe film-chantier, PATRICE CHÉREAU poursuit son autopsie du couple en se demandant comment l'amour peut devenir persécution, pour notre plus beau tourment. _Par Raphaëlle Simon

Que l’on ne s’y trompe pas : il n’y pas une, mais plusieurs persécutions dans le beau film de chéreau. chacun entre par effraction dans un jardin secret : un fou (Jean-Hughes Anglade) s'introduit chez daniel (Romain duris) pour lui hurler son amour. un copain dépressif, adepte du chantage affectif, s'invite à l'improviste chez le même daniel. lequel, amoureux maladif, se faufile chez sa fiancée (charlotte Gainsbourg) pour la surveiller. chéreau fait de l'amour un chantier bruyant avec des portes que l'on force pour épier, des fenêtres fragiles et déformantes, une maquette que l'on construit pour se repérer et mieux perdre l'autre. la vie de daniel finit par ressembler aux chantiers précaires qu'il bâtit : angoissé, il se reconstruit chaque jour à coups de beaux discours moralisateurs, mais détruit son amour à force de paranoïa délirante. c'est donc une magnifique scénographie de la tyrannie de l'amour que livre chéreau, sans jamais figer son propos. Avec des dialogues cruels et justes, que scande un duo en parfaite alchimie, il nous rend vulnérable comme après un très beau rendez-vous. NOVEMBRE 2009

PATRICE CHÉREAU Qui est le persécuteur de l'histoire? Il n'y en a pas qu'un. Sans s'en rendre compte, Daniel ressemble au fou qui le persécute dans sa manière d'aimer Sonia. Un amour qui ne tient pas compte de la personne aimée, qui s'impose de façon péremptoire comme une évidence. Daniel persécute Sonia, mais il pense que c'est elle qui ne va pas bien. Quelle est la dimension symbolique du chantier sur lequel travaille Daniel ? Daniel vit dans la précarité : on ne sait pas où il habite, il dort sur ses chantiers, comme un bernard-l’ermite qui n'a pas de coquille et qui prend celles qui lui conviennent. Il n'a pas confiance en lui et se cherche, il n'est pas fixé ou fini. Quelle est la place du corps et de la parole dans l’interaction entre les personnages ? J’ai toujours été fasciné par le langage du corps, je ne peux pas faire autrement ! Mais pour éviter de la redite par rapport à Intimité, j’ai réduit le rôle du corps au profit de la parole. Cette parole-ci dissimule : Daniel parle beaucoup pour mieux cacher son désarroi. La parole sincère n'arrive qu'à la fin, quand c'est presque trop tard. WWW.MK2.COM


54 CINÉMA

AGENDA SORTIES CINÉ 11/11 _Par C.D., S.M., J.R et E.R

SORTIES DU

SORTIES DU

18/11

L’IMAGINARIUM DU DOCTEUR PARNASSUS

TWILIGHT CHAPITRE 2 : TENTATION

de Terry Gilliam Avec Johnny Depp, Heath Ledger… Metropolitan, États-Unis, 2h02

de Chris Weitz Avec Kristen Stewart, Robert Pattinson… SND, États-Unis, 2h

un forain conclut un pacte avec le diable pour obtenir la jeunesse éternelle. le prix à payer ? Sa fille. casting quatre étoiles pour cette fantaisie épique, signée par l’extrublion des Monthy Python. Avec le regretté Heath ledger dans son dernier rôle.

2012 de Roland Emmerich Avec John Cusack, Chiwetel Ejiofor… Sony, États-Unis, 2h40

la fin du premier opus les laissait amoureux et enlacés ? Edward le vampire et Bella l’humaine se séparent ! un nouveau réalisateur, une meute de loups-garous et un clan de vampires italiens rejoignent le casting de la saga, championne du box-office.

LETTRE À ANNA d’Éric Bergkraut Documentaire Nour, France, 1h23

le réalisateur du Jour d’après fête l’Apocalypse maya en s’adonnant à son jeu préféré : faire exploser la planète. la partie n’est pas gagnée pour un romancier californien et sa famille qui tentent de survivre aux catastrophes sismiques… du grand spectacle.

Fervente opposante à la politique de Poutine, la journaliste russe Anna Politkovskaïa est assassinée en octobre 2006. Images d’archives, reconstitutions et témoignages forment un portrait intime et émouvant de cette femme sacrifiée pour son intégrité.

LES VIES PRIVÉES DE PIPPA LEE

IN THE LOOP

de Rebecca Miller Avec Robin Wright Penn, Blake Lively… Bac, États-Unis, 1h33

Pippa lee s’ennuie dans sa vie établie de banlieusarde et commence à dérailler. l’arrivée du fils de sa voisine, aussi fracassé qu’elle, la sort de sa torpeur. Robin Wright Penn illumine ce portrait mélancolique de femme, en quête d’émancipation.

TRÉSOR de Claude Berri et François Dupeyron Avec Mathilde Seigner, Alain Chabat… Pathé, France, 1h25

lorsque pour fêter leurs cinq ans de vie commune, Jean-Pierre offre à Nathalie un bulldog anglais, la maîtresse de maison est folle de joie. Mais ce gentil cabot, baptisé Trésor, va vite devenir une menace pour lui… et son couple !

ET AUSSI CETTE SEMAINE : À L’ORIGINE de xavier Giannoli (lire l’entretien p. 33) L’ENFER D’HENRI-GEORGES CLOUZOT (lire la critique p. 48) LA RELIGIEUSE PORTUGAISE d’Eugène Green (lire l’entretien p. 78)

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d’Armando Iannucci Avec James Gandolfini, Tom Hollander… CTV, Royaume-Uni, 1h46

de londres à Washington, Armando Iannucci sonde les coulisses du pouvoir politique où, coaché par les pros de la com’, on se tire dans les pattes et on s’insulte – beaucoup. une satire drôle et grinçante menée tambour battant par des acteurs virtuoses.

L’HOMME DE CHEVET d’Alain Monne Avec Sophie Marceau, Christophe Lambert… Rezo, France, 1h33

Adapté du roman éponyme d’Eric Holder, L’Homme de chevet décrit la relation passionnelle entre un ancien boxeur alcoolique et une femme tétraplégique, qui retrouve goût à la vie à son contact. En anti-héros fatigué, christophe lambert émeut. ET AUSSI CETTE SEMAINE : KINATAY de Brillante Mendoza (lire l’entretien p. 18) STRELLA de Panos H. Koutras (lire l’entretien p. 86)

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45

SORTIES DU

25/11

LA DOMINATION MASCULINE de Patric Jean Documentaire UGC, France-Belgique, 1h43

Où en est-on de l’égalité hommefemme ? à travers un documentaire qui fait la part belle aux témoignages, Patric Jean démontre, à sa manière caustique, que ce qu’il faut combattre aujourd’hui est l’illusion de cette égalité, bien ancrée dans les esprits.

LE VILAIN d’Albert Dupontel Avec Albert Dupontel, Catherine Frot… StudioCanal, France, 1h26

la planque parfaite pour un braqueur de banques ? chez maman bien sûr ! Quand « le vilain » s’installe chez sa vieille mère, décidée à remettre son fils dans le droit chemin, le duel est impitoyable. une catherine Frot épatante en mamie de 78 ans.

UNE AFFAIRE D’ÉTAT d’Éric Valette Avec André Dussolier, Rachida Brakni… Mars, France, 1h39

de retour en France après son exil américain, Éric Valette tisse une sombre histoire de trafic d’armes et de trahison au sein du gouvernement. Inspectrice velléitaire, Nora chahyd est bien décidée à faire éclater la vérité... Mais à quel prix.

LE DRÔLE DE NOËL DE SCROOGE de Robert Zemeckis Avec Jim Carrey, Gary Oldman… Walt Disney, États-Unis, 1h36

Noël est la période qu’Ebenezer Scrooge, vieux marchand avare et aigri, déteste le plus. Mais lorsque les fantômes de ses Noël passés, présents et futurs viennent lui rendre visite, Scrooge s’en retrouve bouleversé. un joli conte de Noël. ET AUSSI CETTE SEMAINE : CAPITALISM : A LOVE STORY de Michael Moore (lire la critique p. 16) VINCERE de Marco Bellocchio (lire la critique p. 50) SAMSON & DELILAH de Warwick Thornton (lire la critique p. 51) NOVEMBRE 2009


56 CINÉMA

AGENDA SORTIES CINÉ 02/12 SORTIES DU

THE LIMITS OF CONTROL de Jim Jarmusch Avec Isaach de Bankolé, Bill Murray… Le Pacte, États-Unis, 1h56

un samouraï solitaire entreprend un périple en Espagne où il doit remplir une mission mystérieuse. Plus qu’un film, une abstraction et un voyage intérieur admirable au cœur des consciences, par le plus cool des cinéastes indépendants américains.

LA ROUTE de John Hillcoat Avec Viggo Mortensen, Charlize Theron… Metropolitan, États-Unis, 1h59

dans un environnement post-apocalyptique, un père et son fils tentent de survivre aux éléments hostiles et aux hordes d’anthropophages qui les menacent. Sur la musique de Nick cave, les paysages se déploient dans toute leur splendeur. d’après cormac Mccarthy.

PARANORMAL ACTIVITY D’Oren Peli Avec Katie Featherston, Micah Sloat… Wild Bunch Distribution, Etats-Unis, 1h26

un jeune couple pense que leur maison est hantée et décide de filmer les phénomènes paranormaux. caméra à la main et scènes en infrarouge, tout est fait pour déranger et faire sursauter. Troubles du sommeil garantis.

LA FOLLE HISTOIRE D’AMOUR DE SIMON ESKENAZY De Jean-Jacques Zilbermann Avec Antoine de Caunes, Mehdi Dehbi, Elsa Zylberstein... BAC, France, 1h30

Suite dix ans après de L’homme est une femme comme les autres, le film met en scène la rencontre amoureuse de Simon, le musicien juif avec Naïm, un travesti musulman. une comédie dramatique de charme. ET AUSSI CETTE SEMAINE : LA FAMILLE WOLBERG d’Axelle Ropert (lire la critique p. 52) CANINE de Yorgos lanthimos (lire le dossier p. 86)

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SORTIES DU

09/12 BREATHLESS de Yang Ik-joone Avec Yang Ik-joone, Kim Kkobbi… Tadrart, Corée du Sud, 2h10

un film violent et puissant sur le cycle de la violence dans la société coréenne, la faute du père et l’incommunicabilité des sentiments. la performance de l’acteur/réalisateur est incroyable. un premier film à découvrir.

HUACHO d’Alejandro Fernández Almendras Avec Clemira Aguayo, Alejandra Yáñez… Sophie Dulac, Chili-France-Allemagne, 1h29

à la manière d’un documentaire, le cinéaste promène sa caméra dans les sillons du milieu paysan chilien. En suivant la vie d’une famille pauvre faisant face à la modernisation du secteur, il signe un premier film prometteur, baigné d’une lumière magnifique.

YUKI ET NINA d’Hippolyte Girardot et Nobuhiro Suwa Avec Noë Sampy, Arielle Moutel… Ad Vitam, France-Japon, 1h32

à l’heure du divorce, pas facile pour la petite Yuki de quitter la France pour le Japon, pays de sa maman. Avec sa meilleure amie Nina, elle imagine un plan... le temps d’une fugue en forêt, Yuki et Nina revêt des accents oniriques qui bouleversent.

QU’UN SEUL TIENNE ET LES AUTRES SUIVRONT de Léa Fehner Avec Reda Kateb, Pauline Etienne… Rezo, France, 2h00

Premier long métrage ambitieux, ce film carcéral adopte le point de vue des proches des détenus, ceux qui sont dehors. léa Fehner tisse trois histoires parallèles, trois destins que rien ne lie sauf un parloir où se cristallisent angoisses et espérances.

ET AUSSI CETTE SEMAINE : PERSÉCUTION de Patrice chéreau (lire la critique p. 53)

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58 CINÉMA

LES ÉVÉNEMENTS BASTILLE

BIBLIOTHÈQUE

HAUTEFEUILLE

ODÉON

QUAI DE LOIRE

BEAUBOURG

GAMBETTA

NATION

PARNASSE

QUAI DE SEINE

CINÉMA

PASSERELLES

FLASHBACKS & PREVIEWS

LE DIALOGUE DES DISCIPLINES

SAMEDI 14 NOVEMBRE – 11h30 / PAROLES DE PSY. / Jean-Paul Valabrega, 1983

MARDI 17 NOVEMBRE – 20h30 / SOIRÉE BREF / Documentaires d’hier et d’aujourd’hui

DIMANCHE 15 NOVEMBRE – 11h / PAROLES DE PSY. /Jean-Paul Valabrega, 2008

JEUDI 19 NOVEMBRE – 19h30 / RENCONTRE / Maurice Attia Avec les éditions Actes Sud, rencontre autour de Paris Blues, suivie de la projection de L’Homme qui tua Liberty Valance de J. Ford.

LUNDI 16 NOVEMBRE - 20H30 / AVT-PREMIÈRE / Accident de Soi Cheang JEUDI 18 NOVEMBRE – 20h30 / AVT-PREMIÈRE / Hadewijch de Bruno Dumont, en présence du réalisateur. SAMEDI 21 NOVEMBRE – 11h30 / PAROLES DE PSY. / Markos Zafiropoulos, 1983 DIMANCHE 22 NOVEMBRE – 11h / PAROLES DE PSY. / Markos Zafiropoulos, 2008 MARDI 24 NOVEMBRE – soir / AVT-PREMIÈRE OXMO PUCCINO / Sur mes lèvres de J. Audiard En présence d’Oxmo Puccino. SAMEDI 28 NOVEMBRE – séance du matin / O. PUCCINO / Deux heures moins le quart avant JC de J.Yanne SAMEDI 28 NOVEMBRE – 11h30 / PAROLES DE PSY. / Gérard Haddad, 1983 DIMANCHE 29 NOVEMBRE – séance du matin / O. PUCCINO / Le Diable boiteux de S. Guitry DIMANCHE 29 NOVEMBRE – 11h / PAROLES DE PSY. / Gérard Haddad, 2008 SAMEDI 5 DÉCEMBRE - séance du matin / O. PUCCINO / La Mort aux trousses d’A. Hitchcock SAMEDI 5 DÉCEMBRE – 11h30 / PAROLES DE PSY. / Elisabeth Roudinesco, 1983 DIMANCHE 6 DÉCEMBRE – séance du matin / O. PUCCINO / Les Galettes de Pont-Aven de J. Seria

JEUDI 19 NOVEMBRE – 19h / RENCONTRE / Jean-Paul Clébert Avec les éditions Attila, rencontre autour de Paris insolite, suivie de la projection de La Traversée de Paris de c. Autant-lara. SAMEDI 21 NOVEMBRE - 11h / CINÉ-BD / Manu Larcenet Avec les éditions dargaud, projection de The Indian Runner de S. Penn, suivie d’une rencontre autour de Blast. MARDI 1er DÉCEMBRE – 20h30 / MARDIS DU COURRIER INTERNATIONAL / Cold Waves d’Alexandru Solomon. JEUDI 3 DÉCEMBRE – 19h / RENCONTRE Avec les éditions Piquier et l’INHA, autour de Insectes choisis et Myriades d’oiseaux de Kitagawa utamaro, suivie de la projection de Cinq femmes autour d’Utamaro de K. Mizoguchi. SAMEDI 5 DÉCEMBRE – 15h / RENCONTRE / Franck Bourgeron Avec les éditions Futuropolis, rencontre-dédicace pour la parution de la Bd L’Obéissance. DIMANCHE 6 DÉCEMBRE – 16h / RENCONTRE / JUNIOR Avec les éditions du Seuil, rencontre-dédicace avec Benjamin lacombe autour de La Mélodie des tuyaux et Contes Macabres. JEUDI 12 DÉCEMBRE – 16h / RENCONTRE / JUNIOR Avec les éditions du Seuil, rencontredédicace avec Gilles Bachelet autour Des nouvelles de mon chat. EN DÉCEMBRE / EXPO / Max et les maximonstres croquis originaux et photos du tournage du prochain Spike Jonze.

DIMANCHE 6 DÉCEMBRE – 11h / PAROLES DE PSY. / Elisabeth Roudinesco, 2008

JUNIOR*

SAMEDI 12 DÉCEMBRE – séance du matin / O. PUCCINO / Lord of War d’A. Niccol

DE CHOUETTES NOUVEAUTÉS POUR LES TOUT-PETITS :

SAMEDI 12 DÉCEMBRE – 11h30 / PAROLES DE PSY. / Jean-Bertrand Pontalis, 1983

L’Ours et le magicien (sortie le 28/10), Moomin et la folle aventure de l’été (le 11/11), L’Écureuil tout en vert (le 2/12)

DIMANCHE 13 DÉCEMBRE - séance du matin / O. PUCCINO / Sur mes lèvres de J. Audiard

et des classiques à (re)découvrir : La Famille Addams (1991), La Mouette et le chat (1999) et Les Contes de l’horloge magique (2003)

DIMANCHE 13 DÉCEMBRE – 11h / PAROLES DE PSY. / Jean-Bertrand Pontalis, 2008

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UVREZ DÉCO ÉMA IN C LE DANS N E M T AUTRE K2 ! M LLES LES SA

FOCUS

_Par J.R.

FESTIVAL EUROPÉEN DES 4 ÉCRANS cinéma, télévision, web et mobile : voici les quatre écrans que scrute ce festival, par le double prisme de la révolution numérique et du film du réel. Reportages, documentaires, docu-fictions : trois jours de réjouissances  avec au programme 54 films européens, des avant-premières, les compétitions longs métrages, web-films, mobile et phone-reporters, un concours inter-écoles… lieu de débats et de transmission du savoir grâce à son université de l’image, le rendezvous invite aussi à une réflexion indispensable et passionnante, comme le souligne Hervé chabalier, délégué général du festival : « Les jeunes se sont appropriés ces nouveaux outils pour communiquer, créer, apprendre. Le numérique a démultiplié les écrans, intensifié le flux d'information, décuplé les sources. Ce festival leur est destiné pour une part : nous les aidons à mieux lire la profusion d'images qui leur arrive, pour en choisir le meilleur. » le rappeur marseillais Akhenaton, président des jurys, nous guidera dans ce panorama réjouissant. Les 18, 19 et 20 novembre au MK2 Bibliothèque, www.festival-4ecrans.eu

STUDIO PHILO : MICHEL FOUCAULT cinéphile aguerri et philosophe émérite, Ollivier Pourriol rempile pour une cinquième saison de Studio Philo, ou comment regarder le cinéma par le prisme de la pensée philosophique – et inversement. Après Hegel, descartes, Spinoza ou Bergson, c’est Michel Foucault qui servira de trame à cette nouvelle série  de neuf séances, les samedis à 11h : « Foucault ne s'est pas contenté de dénoncer les effets négatifs du pouvoir (carcéral, psychiatrique, médical, scolaire), explique Ollivier Pourriol. Il a su montrer comment le pouvoir créait un certain type d'âme, né "de procédures de punition, de surveillance, de châtiment et de contrainte" ». Au travers d’extraits de films  et de séries, de Papillon à La Ligne verte, d’Orange mécanique aux Choristes, d’Oz aux Soprano, Ollivier Pourriol, orateur hors pair, se propose de questionner cette «âme » du crime : âme maudite, ou âme tout court ? Séances autour de Surveiller et punir de Michel Foucault les samedis 28 novembre, 12 décembre et 16 janvier à 11h. Séances suivantes autour de Le Pouvoir psychiatrique et Les Anormaux. www.cinephilo.fr

LES CYCLES CARTE BLANCHE À OXMO PUCCINO Aux commandes de la programmation matinale  des week-ends, le rappeur a concocté une programmation exquise, entre humour, dialogues ciselés et bandes  de potes. Avant-première le  24 novembre en présence d’Oxmo Puccino et d’invités surprise… Toute la programmation dans la rubrique cinéma ci-contre. FESTIVAL CLOSE UP à partir du 18 novembre, découvrez les films primés  lors de la deuxième édition du Festival close up, dont le palmarès sera annoncé le 12 novembre. Parmi les nominés : La Première Étoile de l. JeanBaptiste, Les Beaux Gosses de R. Sattouf, Espion(s) de  N. Saada, Non ma fille… de c. Honoré, L’Armée du crime de R. Guédiguian, Ils mourront tous sauf moi de V. Gaï Guermanika, The Pleasure of Being Robbed de J. Safdie… PAROLES DE PSYCHANALYSTES une série d’entretiens filmés en 1983 puis en 2008 par daniel Friedmann, chercheur au cNRS. la projection du dimanche sera suivie d’une rencontredébat avec le réalisateur  et les psychanalystes.  6.50 € la séance.  Toute la programmation dans la rubrique cinéma ci-contre. MARGINALITÉS Sous réserve de modifications : Au voleur de S. leonor, Versailles de P. Schoeller, Wendy and Lucy de K. Reichardt, Adieu Gary de  N. Amaouche, Le Roi de l'évasion d'A. Guiraudie, Frownland de R. Bronstein, Julien Donkey Boy de H. Korine, Grido de P. del Bono, San Clemente de R. depardon, Grizzly Man de W. Herzog, Into the Wild de S. Penn, JLG JLG (1995) de J.-l. Godard.

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CONCERTS

60 SORTIES EN VILLE

The Phantom Band

LE GOÛT DULesRISQUE Transmusicales de Rennes Festival défricheur entre tous, les TRANSMUSICALES DE RENNES remettent le couvert pour la 31e fois et alignent vraies nouvelles stars et futures idoles, toujours éclectique, surprenant, essentiel. Petite sélection relevée. _Par Wilfried Paris

Pour sa 31e édition, bonne nouvelle, le festival rennais réinvestit, à l’ancienne et pour une soirée, la salle mythique le liberté, en plein centre-ville, ce qui permettra aux arpenteurs nostalgiques de la rue de la soif de retrouver joyeusement la route des bars en trans’ et des petites crêperies locales. Hormis ce goût de revenezy, les Transmusicales feront ensuite leur cuisine au lointain Parc expo de Saint-Jacques de la lande pour les deuxièmes parties de soirées – l’ubu, la cité et le 4Bis restant quant à eux garnis à satiété d’excellents groupes français (del cielo, la Terre Tremble !!!, Gablé, cercueil, Roken is dodelijk…). comme chaque année, le programmateur historique Jean-louis Brossard a mâtiné un menu varié et long en bouche (les artistes invités aux Trans’ explosent généralement sur la scène internationale l’année suivante). Parmi les futurs étoilés au guide Michelin de l’indie-rock, on ira notamment découvrir les Anglaises An Experiment On A Bird In The Air Pump (qui viennent d’enregistrer un album avec le manitou des manettes Steve Albini), les Écossais motorik-pop de The Phantom Band, ou les neo-baggy de Newcastle, The detroit Social club. dans les plats de résistance confirmés, Fever Ray (Karin dreijer Andersson, qui a rangé The Knife dans son étui), Jessie Evans (qui enflamme au saxo des boléros électros en compagnie du batteur prodige Toby damnit), Sixto Rodriguez (songwriter culte des 70’s qui vient défendre sa folk psychédélique, récemment rééditée) ou The Very Best (radieux croisement entre électro, guitares pop et rythmes africains) devraient rassasier tous les contents. Pour finir, les sets de The Japanese Pop Star (rave old school), The Field (electronirique), Mr Oizo  (« vous êtes des animaux ») ou danton Eeprom (opiomane) vous aideront à faire passer la pilule. Bon ap’. Du 2 au 6 décembre à Rennes, entre 8 € et 25 € par soir, pass entre 45 € et 60 €, www.lestrans.com

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L’OREILLE DE… ÉTIENNE JAUMET

GRIZZLY BEAR « Je serai content de revoir Grizzly Bear en concert. Je les ai découverts un peu par hasard lorsqu’ils sont venus jouer à la Boule Noire : une très grande intensité, ils jouaient très bien, avec cet univers choral, à la Beach Boys, en plus psychédélique. J’ai découvert ensuite leur premier album et le clip de Knife, dont j’aime le côté mystique bizarroïde. Je digère mieux leur musique que celle d’Animal collective, le côté abstrait des arrangements me semble plus au service des chansons. » _Propos recueillis par W.P.

Grizzly Bear, le 21 novembre à la Cigale, dès 19h30, 24 €

AGENDA CONCERTS

_Par W.P.

1 A PLACE TO BURY STRANGERS les bruitistes fossoyeurs new-yorkais reviennent tester leurs pédales d’effets à Paris. Tombereaux de saturations, pelletées de fréquences mediums, mais qui ne manquent pas d’harmonies. Nez au plancher. Le 19 novembre à la Maroquinerie, dès 19h, 23 €

2 THE PAINS OF BEING PURE AT HEART Noisy pop douce et mixte pour cour de récré en anorak, TPOBPAH sont la révélation du moment avec leurs compères crystal Stilts ou Vivian Girls, tendance twee-pop. l’automne-hiver sera mignon tout plein.  Le 22 novembre au Point Ephémère, dès 20h, 18 €

3 SIX ORGANS OF ADMITTANCE En vacances de comets on Fire, entre acoustique de rêve (picking de sèche) et drones de bruit (saturation virtuose), Ben chasny quête depuis dix ans l’americana psychédélique 70’s, lorgnant vers l’Orient. Textures et intensité. Le 28 novembre à la Compagnie Générale, dès 20h30, 13 €

4 YO LA TENGO Seize albums en deux décennies, et toujours le plus beau juke-box indie-rock du New Jersey, l’attachant trio jouera ses récentes Popular Songs dans un lieu enfin à sa mesure. Enfin populaires ? Le 30 novembre au Bataclan, dès 19h30, 30 €

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© 555lab

CLUBBING

62 SORTIES EN VILLE

NUITS DE NOCES Les RDV 10h00 Rencontres entre DJ pros et amateurs, prônant l’éclectisme tous azimuts, les RDV 10H00 réinventent les soirées parisiennes. Prochaine démonstration de clubbing démocratique le 3 décembre à la Favela Chic… _Par Anne-Laure Griveau

On connaissait les « i-pod battles » et les « flashmobs » festifs, c’est désormais le « mix participatif » qui vient réveiller la nuit. « On s’est rendu compte que les gens ne prenaient pas forcément de plaisir en soirée, parce qu’elles se ressemblaient toutes, avec les mêmes artistes qui tournent partout, alors on a décidé de faire intervenir le public », explique Nordine Fayek, co-fondateur de l’agence 555lab, instigatrice des RdV 10h00. le principe : les dJ’s en herbe proposent sur le site des RdV 10h00 une playlist de cinq morceaux, en lien avec le thème de la fête (le cinéma, le voyage…). le « vrai » dJ booké pour la deuxième partie de soirée sélectionne les plus pertinentes d’entre elles. les playlists retenues sont ensuite tirées au sort pour déterminer le nom des quatre passionnés qui passeront derrière les platines, armés de leur clé uSB. Si le public et l’applaudimètre élisent le meilleur « digital selector », tous seront récompensés, par des cadeaux bien sûr, mais aussi et surtout par l’excitation d’avoir passé des disques devant une salle comble. Attention, il ne s’agit pas de faire l’apologie de l’amateurisme : « Il faut garder à l’esprit qu’être DJ est un métier, que raconter une histoire avec du son n’est pas donné à tout le monde », précise Nordine Fayek. Résultat :  un cocktail détonnant de spontanéité amateur et de dextérité « pro », que reflète l’éclectisme des morceaux diffusés. « Avant, les soirées étaient cloisonnées : on allait à une soirée techno, rock ou hip-hop. L’idée, c’est de mélanger tout ça. » Mélange des genres, mélange des arts, c’est cette fois le studio de création Artoyz qui sera à l’honneur à l’occasion de ses 6 ans. concours de customisation des célèbres figurines de la marque et goodies à gagner viendront s’ajouter aux deux heures de mix participatif habituelles. RdV 10H00, ou retiens la nuit 2.0…

RDV 10H00 copine avec Artoyz, le 3 décembre à la Favela Chic, dès 22h. Gratuit avant 23h puis 5 € // Playlist de 5 morceaux à envoyer à noemie@rdv10h00.com ; concours de customisation Artoyz sur www.rdv10h00.com NOVEMBRE 2009

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LES NUITS DE… PHILIPPE ZDAR

CLUB 75 AU SOCIAL CLUB « Mes nuits, ce sont les soirées Club 75 du Social club. c’est un concept que l’on développe avec un collectif de frères (Pedro Winter, dJ Mehdi, xavier et Gaspard de Justice, Hubert et moi de cassius). l'idée est juste de rigoler, de casser le côté sérieux des dJ’s en club. On ne fait pas d'ordre de passage et nous sommes très libres musicalement : techno, hip hop, soul, rock... la devise est : « No order, just disorder! » comme  à la dernière au mois d’octobre, où le dJ booth était rempli de gens que l'on aime de 22h a 5h. Ça m'a rendu heureux, très simplement. » _Propos recueillis par A.-L.V.

Prochaine soirée Club 75 à guetter sur http://parissocialclub.com

AGENDA CLUBBING

_Par A.-L.G.

1 VITALIC, AFTER SHOW Tandis que Flashmob, son deuxième album,  vient de sortir, l’auteur du célèbre My Friend Dario reprend déjà le chemin des platines. un live au Bataclan suivi d’un dJ-set au Social club des plus attendus puisque The Hacker et Terence Fixmer seront aussi de la partie. Le 13 novembre au Social Club, dès 22h, 15 €

2 BEAT TORRENT cinq fois vainqueurs du championnat du monde des dJ’s avec leur collectif c2c, dJ Atom et dJ Pfel scratcheront à quatre mains au cours d’un mix qui devrait mêler électro, rock, hip-hop et vidéo, entre deux sets d’amis invités (Waxdolls, Natural Self, Krazy Baldhead…). Le 20 novembre au Bataclan, dès 23h45, 18 €

3 LA COMPILE DU BARON, RELEASE PARTY la boîte la plus branchée de Paris fête ses cinq  ans et publie une compilation pour l’occasion.  On fêtera cette sortie en province, où l’équipe du club se baladera, et bien sûr à Paris, au cours d’une semaine d’événements itinérants fin novembre. À guetter un événement itinérant dans Paris fin novembre.

4 LA FAVELA CHIC la Favela chic fête son nouvelle espace. l’endroit qui s’ouvrira sur le Faubourg-du-Temple début 2010 est pour l’instant un work-in-progress arty et stylisé. Idéal pour sa nouvelle direction artistique (Tchiky Al dente et Monsieur Boo), qui reprendra la prog’ dès décembre. La Favela Chic, 18 rue du Faubourg-du-Temple, www.favelachic.com

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© Ela Bialkowska © ADAGP

EXPOS

64 SORTIES EN VILLE

Crystal Landscape of Inner Body, Cristal, fer, vitre, 95 x 190 x 70 cm, Collection Xu Min, Paris ,Courtesy Galleria Continua, San Gimignano / Beijing / Le Moulin

LAST BUT NOT LEAST Deadline au MAMVP Présentée jusqu’au 10 janvier au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, l’exposition Deadline réunit les dernières œuvres d’artistes qui, se sachant condamnés, ont dû composer avec la mort en toile de fond. _Par Anne-Lou Vicente

les douze artistes réunis dans l’exposition Deadline ont tous un point commun : celui de n’être plus de ce monde et d’avoir eu la volonté et le courage de continuer à œuvrer en dépit de la maladie et de la souffrance, comme pour finir en beauté… Martin Kippenberger se met en scène dans une série de tableaux qui le représentent agonisant tel l’un des naufragés au destin tragique dépeint par Géricault dans Le Radeau de la Méduse. En quête de perfection et de plénitude, l’Américain James lee Byars recouvre de feuilles d’or un espace devenu un précieux tombeau. l’artiste chen Zhen, qui envisageait son incurable anémie comme une source bénie d’énergie vitale, met le corps en pièces en montrant, étalés sur une table, divers organes en cristal transparent. Particulièrement symboliques, les photographies de vols d’oiseaux du cubain Felix Gonzalez-Torres font écho aux toiles de Gilles Aillaud. les derniers autoportraits du photographe américain Robert Mapplethorpe, dans lesquels il met en scène son corps vieilli et drapé, dialoguent en silence avec les Polaroïds grand format de la Suisse Hannah Villiger, donnant à voir de façon morcelée son corps recouvert de tissus et devenu matériau. Quant aux gesticulations frénétiques d’Absalon, elles évoquent l’énergie libératrice du trait et des couleurs des toiles d’Hans Hartung, Joan Mitchell ou Willem de Kooning. loin de toute dérive morbide, Deadline fait état d’une réelle fureur de vivre chez ces artistes qui, en forme de testament, ont laissé derrière eux la preuve ultime que l’art, contrairement à la vie, a un parfum d’éternité… Jusqu’au 10 janvier au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, 11 avenue du Président Wilson, 75116 Paris.

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LE CABINET DE CURIOSITÉS

SOULÈVEMENTS à l’image de la figure hors du commun de l’artiste, collectionneur, activiste, poète et théoricien Jean-Jacques lebel, l’exposition Soulèvements réunit près de 300 œuvres hétéroclites réparties selon plusieurs thèmes.  On retrouve quelques-unes des principales installations de lebel, des œuvres d’arts premiers ou d’artistes anonymes, mais aussi  des travaux de Giuseppe Arcimboldo, Guillaume Apollinaire, Marcel duchamp,  Pablo Picasso, Otto dix, André Breton, Francis Picabia ou encore Antonin Artaud…  _A.-L.V.

Jusqu’au 17 janvier à la Maison rouge, 10 boulevard de la Bastille, 75012 Paris.

AGENDA EXPOS

_Par A.-L.V.

ESTEFANIA PEÑAFIEL-LOAIZA Traces et mémoire habitent l’œuvre de la jeune artiste équatorienne. Son installation, sans titre, rassemble 200 fioles transparentes où reposent les poussières d’autant d’images prélevées dans des quotidiens internationaux, puis gommées. Du 14 novembre au 23 décembre à la Galerie Alain Gutharc, 7 rue Saint-Claude, 75003 Paris.

TREASURES FOR THEATRE cinq personnalités, artistes et commissaires, sont invités à produire une exposition sous  vos yeux et révéler la nature performative de cette forme  qui, si elle finit par se figer, est  ici appréhendée comme un véritable « spectacle vivant »… Du 28 novembre au 31 janvier à la Ferme du buisson, Allée de la Ferme, Noisiel, 77448 Marne-la-Vallée cedex 2.

KATINKA BOCK Attentive aux propriétés des matériaux comme à leur charge symbolique, l’artiste allemande explore les notions d’espace,  de temps et de trace à travers installations, sculptures, photos et vidéos dont la relative « pauvreté » fait la force sensible. Du 14 novembre au 9 janvier à la Galerie Jocelyn Wolff, 78 rue Julien Lacroix, 75020 Paris.

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© Diego Franssens

SPECTACLES

66 SORTIES EN VILLE

DU BALLET Dans l’esprit de Diaghilev au T.N.C. «Étonnez-moi !» L’injonction mythique de DIAGHILEV, grand perturbateur du ballet classique, résonne quadruplement cet automne, à l’occasion d’un hommage-événement organisé au Théâtre National de Chaillot. _Par Ève Beauvallet

le diagnostic était flagrant : dramaturgie sénile, esthétique corsetée, codes essoufflés… le ballet classique faisait la sourde oreille à la modernité naissante. Mais il y eut le 9 mai 1909 et la décharge vitaminée déclenchée au Théâtre du châtelet par une troupe alors inconnue, irrévérencieuse, et sauvagement bariolée. Pendant que la France ressassait la danse du siècle passé, les Ballets russes inventaient celle du xxe siècle. le grand ordonnateur de cette déferlante est un mécène russe désargenté, dont l’appétit aventureux fera choisir pour « décorateur » un artisan comme Picasso, pour musiciens des Satie, debussy et autres Stravinsky,  et pour dame de compagnie la totalité de l’avant-garde artistique de l’époque. Serge de diaghilev porte  un haut-de-forme nonchalamment avachi sur le crâne ; il est suffisamment éclairé pour confier à son jeune danseur fétiche, le très adulé Nijinsky, la chorégraphie de deux ovnis nommés L’Après-midi d’un faune et  Le Sacre du printemps. Soit deux des plus gros scandales de l’histoire de la danse, qui mettent en crise les arabesques et tout le système de pensée académique : une syntaxe au contre-pied des principes de verticalité et d’élévation, pour des problématiques alors jugées scandaleuses – celles liées à la sexualité dans le Faune, principalement. cent ans après la découverte des ballets russes, il eut été curieux de leur rendre hommage selon les us et coutumes traditionnels. Plutôt donc qu’une reconstitution historique et nécrophile des ballets d’antan, on accueille à chaillot l’esprit plus que la lettre : l’événement Dans l’esprit de Diaghilev est une carte blanche, en forme de révérence, donnée à quatre grands chorégraphes d’aujourd’hui (Sidi larbi cherkaoui, Javier  de Frutos, Russel Maliphant, et Wayne Mc Gregor) autour des survivances de l’idéal de l’époque – dans l’esprit contemporain. Du 19 au 21 novembre au Théâtre National de Chaillot, www.theatre-chaillot.fr

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LE SPECTACLE VIVANT NON IDENTIFIÉ

LES INACCOUTUMÉS On ne va pas à la Ménagerie de Verre pour ronfloter tranquillou dans son fauteuil. Non seulement, dans ces anciens locaux industriels,  il n’y en a pas vraiment, mais surtout, difficile  de piquer du nez pendant les Inaccoutumés, automnal et très turbulent festival de la création contemporaine. des jeux illusionnistes d’un david Wampach, en mode personnage de série B, à la maison SF de claudia Triozzi,  où les femmes sont torturées par les robots domestiques, en passant par les installations enluminées de mille bougies signées Vincent dupont et Yves Godin, effet requinquant garanti ! _E.B.

Jusqu’au 5 décembre à la Ménagerie de verre, www.menagerie-de-verre.org

AGENDA SPECTACLES

_Par E.B.

1 BEAUBOURG-LA-REINE chez Sophie Pérez, on baigne dans le subconscient du monde de l’art : un bazar ultracoloré, tout en pastiches d’intellos et excentricités pop. la baronne des bouffons modernes déboule avec son complice xavier Boussiron et leurs invités à Beaubourg-La-Reine pour un mois  de performances diverses. Grotesque. Jusqu’au 23 novembre au Centre Georges Pompidou, www.centrepompidou.fr

2 VIEUX CARRÉ le dramaturge Tennessee Williams rôde souvent dans les forêts de la mémoire. c’est celle de la Nouvelle Orléans des années 1930, mais aussi celle des seventies à l’heure du mouvement de libération des gays et de la Factory, qui hantent Vieux Carré. un espace narratif suffisamment mouvant pour laisser les fantasmes multimedia du collectif américain Wooster Group bourgeonner à leur guise. Du 19 au 23 novembre au Centre Georges Pompidou (dans le cadre du Festival d’Automne), www.festivalautomne.com et www.centrepompidou.fr

3 NEARLY 902 Obsédé par les combinaisons aléatoires, la beauté des structures moléculaires et les espaces illimités des nouvelles technologies, le chorégraphe Merce cunningham est mort cet été après soixante-dix ans de recherches fondatrices. Au Festival d’Automne, on préparait une rétrospective du maître de la « postmodern dance ». Nearly 902 est sa dernière création. Du 2 au 12 décembre au Théâtre de la Ville (dans le cadre du Festival d’Automne), www.festival-automne.com et www.theatredelaville-paris.com

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RESTOS

68 SORTIES EN VILLE

EN QUÊTE DE RENOM Le Renoma Café Une bonne cuisine de bistrot dans un décor « street-art » cosy : c’est le pari du RENOMA, café-galerie des beaux quartiers, entièrement rénové cet été. _Par Jessica Gourdon

Il est là le Renoma ? Avenue George-V, on hésite : la vitrine, avec ses gilets en grosse laine, ses tee-shirts imprimés et ses borsalinos, laisse croire à un concept-store pour branchés du Marais. Il faut descendre quelques marches pour apercevoir, au fond, la rangée de tables noires et leurs chaises couleur acier.  Si vous connaissiez l’endroit, vous ne le reconnaîtrez pas : ce restaurant-boutique-galerie vient d’être entièrement relooké par son propriétaire, le photographe et designer Maurice Renoma. Résultat : un café  au style cantine new-yorkaise version chelsea, avec sol en béton et murs en parpaings blancs illustrés par des graffitis. l’exposition du moment, composée de grandes photos noir et blanc de l’artiste – caïds de rues, squatteur d’immeubles… –, complète le décor, comme les canapés en cuir personnalisés façon « street-art ». dans cette ambiance urbaine et arty, on s’attendait à une carte illustrant le mélange des genres. Surprise :  la cuisine est très classique, dans le pur style bistro parisien. Aux fourneaux, Nicolas castelet, un jeune chef qui a fait ses gammes sur les pianos du crillon, et qui ne jure que par les valeurs sures et les produits bien choisis. En entrée, il conseillerait les artichauts-vinaigrette ou le succulent jambon au couteau ibaiona, venu directement de « chez des copains du pays Basque ». Suivent une épaisse tranche d’entrecôte fondante au beurre de ciboulette, ou encore un tartare aux herbes doucement sucré. la collection hiver offre, en plus, de nouvelles douceurs aux goûts d’avant, comme le velouté de châtaigne aux marrons ou un riz-au-lait grandmère au caramel. à savourer, pour le plaisir du contraste, sur une bande-son r’n’b. Renoma Café, 32 avenue George-V, 75008 Paris. Tél. : 01 47 20 46 19. Le midi formule à 19 €. Ouvert tous les jours sauf dimanche, 12h-1h.

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© Robin Davies

LE PALAIS DE… EUGÈNE GREEN

LE CAFÉ LOUIS-PHILIPPE « c’est un lieu très agréable, sur les quais, à l’angle du pont louis-Philippe. Il y a une terrasse entourée de haies, donc on n’est pas trop dérangé par la circulation. à Paris, c’est assez rare. Et puis, à l’intérieur, il y a deux étages avec un très beau décor de la seconde moitié du xIxe siècle. ce n’est pas de la cuisine gastronomique mais pour un restaurant français à Paris, on y mange bien, à des prix raisonnables. J’y ai tourné la séquence de mon film Le Pont des Arts, celle avec les trois méchants. » _Propos recueillis par S.M.

Le Café Louis-Philippe, 66 quai de l’Hôtel de Ville 75004 Paris. Tel : 01 42 72 29 42 // Lire la critique de La Religieuse portugaise d’Eugène Green page 78.

OÙ MANGER APRÈS… _Par B.V.

CAPITALISM : A LOVE STORY Au 114 Faubourg, pour une cuisine capitaliste, pour dépenser en flambeur, pour claquer… (l’émail des dents aussi) avec 32 euros un œuf mayo King crabe, 48 euros une entrecôte de bœuf, 20 euros un dessert et 12 euros une bouteille d’eau minérale. 114 Faubourg, Hôtel le Bristol, 114 rue du Faubourg SaintHonoré, 75008 Paris. Tél. : 01 53 43 44 44

PERSÉCUTION chez Quedubon, pour se faire choyer d’une terrine de foies de volailles, de maquereaux en rillettes, de turbot sauvage poêlé et câliné de beurre persil. une cuisine qui vous embrasse, des vins nature, que du bon, quoi ! Quedubon, 22 rue du Plateau, 75019 Paris. Tél. : 01 42 38 18 65

LE VILAIN chez Table 28, pour sa rôtissoire géante et le vilain petit canard en broche ? Poulet de concours, coucou de Rennes, agneau, cochon de lait, caille… Tout se grille et se dore au feu de daniel Rose (Spring). Vente à emporter. Table 28, 28 rue de La Tourd’Auvergne, 75009 Paris. Tél. : 06 42 87 79 64

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70 LA CHRONIQUE DE

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Š Antoine Doyen


73 DOSSIER /// FELIX VAN GROENINGEN / GUSTAVE KERVERN / BENOîT DELéPINE

Troisième long métrage du Flamand FELIX VAN GROENINGEN, La Merditude des choses dépeint le quotidien arrosé d’une famille au seuil de la marginalité. Lauréate du dernier Festival de Quend du film grolandais, cette tragicomédie a particulièrement enthousiasmé les réalisateurs de Louise Michel et cofondateurs de Groland, GUSTAVE KERVERN et BENOÎT DELÉPINE. Dialogue entre trois cinéastes qui n’ont pas que de la merditude dans les yeux… _Propos recueillis par Auréliano Tonet

FELIX VAN GROENINGEN : La Merditude des choses se passe à Trouduc-les-Oies. c’est un village imaginaire, mais, depuis la sortie du film, beaucoup de Flamands pensent qu’il existe vraiment. GUSTAVE KERVERN : Je ne sais pas si tu es au courant, Benoît et moi, on fait une émission de télévision sur un pays imaginaire qui s’appelle Groland. c’est un pays peuplé de doux dingues, qui fait à peu près la même superficie que la Belgique. On est vraiment des amoureux de la Belgique, et c’est vrai qu’à chaque fois qu’on y va, pour nous, c’est toujours un peu Groland. la plupart des acteurs de Louise Michel sont wallons, et c’est un auteur flamand qui a financé notre premier film, Aaltra… BENOÎT DELÉPINE : les Belges sont des gens libres, indépendants d’esprit. dans les cafés, tu as encore de longues discussions, des délires, loin du côté mortifère français, « qu’est-ce qu’on va penser de moi ? ». un soir, dans un bar, un mec très sérieux se met à raconter une histoire hyper raciste, et nous dit : « Mais moi, monsieur, je peux tenir six heures avec que des histoires racistes ! » On était pliés de rire. En France, le mec irait en prison direct.

G.K. : La Merditude… aurait pu être un film social anglais, mais c’est autre chose. Il y a plus de bonhomie, de déconnade, même si le sujet est noir.

défavorisées du Nord de la France, près des anciens terrils. Tu captes des conversations incroyables. une gamine de 6 ans qui dit à son père : « Moi, plus tard, quand je me ferais mettre un piercing, ce sera au clitoris ! » Gustave avait ramené un de ses potes, un SdF parisien, alcoolique au dernier degré. Il était bourré à 8h du matin, mais tout le monde était bourré à 8h du matin… un jour, le SdF demande au barman où sont les toilettes, et le mec répond : « Ha bah, on nous les a volées la semaine dernière !» Et en même temps, les gens sont sympas, l’alcool les aide à tenir le coup. Sans l’alcool, c’est d’une mornitude…

G.K. : J’ai cru comprendre que La Merditude… est adapté d’un livre, non ? F.V.G. : Oui, l’écrivain, dimitri Verhulst, habite en Wallonie maintenant. Quand on lui a demandé  quel acteur il voulait pour le rôle principal, il a répondu Benoît Poelvoorde… B.D. : c’est mieux sans Poelvoorde, même s’il est génial. ce serait un autre film.

G.K. : les acteurs sont extraordinaires. Tous. le gamin, il tient le film…

F.V.G. : Il y a des correspondances avec des films comme Aaltra, Eldorado ou C’est arrivé près de chez vous, c’est sûr.

F.V.G. : Je l’ai trouvé par casting, mais il n’avait jamais joué avant. Il est très timide mais quand tu lui demandes de jouer, il y va. lorsqu’il a réalisé qu’il allait devoir garder la coupe « mulet » pendant tout le tournage,  il a pleuré. du coup, je me suis fait la même coupe, par solidarité.

B.D. : On a tourné Louise Michel dans des régions

B.D. : Il n’y a aucun acteur français capable de faire

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Les acteurs de La Merditude des choses

ce que font les gars dans ton film. Ils ont une violence en eux, une bestialité… ce sont des bombes ambulantes. c’est un truc qu’avaient depardieu ou dewaere  au début de leur carrière. c’est aussi pour ça qu’on bosse beaucoup avec des non-acteurs. On préfère un mec qui joue un peu moins bien mais dont on sent, dans ses yeux et dans ses rides, qu’il a du vécu. F.V.G. : à part les figurants, qu’on est allé chercher dans des bistrots et des coins comme ça, tous mes comédiens ont fait beaucoup de théâtre. En Flandres, la plupart des acteurs qui finissent l’école de théâtre créent des collectifs et montent des pièces sans metteur en scène. Ils sont donc très doués pour penser la dramaturgie d’un projet, pas seulement pour jouer. Pour ma part, j’ai mis en scène plusieurs pièces de théâtre, et j’ai fait l’acteur quelques fois. Je voulais être acteur quand j’étais gamin, mais j’étais trop timide, du coup je suis devenu metteur en scène.

G.K. : Tu rejoins le club des timides. Benoît et moi avons joué dans nos premiers films parce que c’était plus simple et moins cher. J’aime jouer quand je suis en confiance, avec des copains, mais aller sur un tournage pour jouer, c’est une torture plus qu’un plaisir.

B.D. : On n’aurait jamais pu tourner un film comme le tien Felix, parce qu’on aurait picolé avec les acteurs. c’est signer notre arrêt de mort. l’alcool, on n’en parle jamais dans nos propres films, parce que ça nous touche trop...

G.K. : Faire un film sur ça, c’est dur, parce que des faux mecs bourrés, il n’y a rien de pire. B.D. : les vrais bourrés sont pathétiques mais les faux bourrés sont ridicules. Francis Huster dans Nuit d’ivresse,

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tu sens qu’il n’a jamais bu un verre de sa vie. Tes acteurs, Felix, ils tiennent le coup. F.V.G. : Mon père tenait un bistrot, qui ouvrait à 21 heures et fermait à 9 heures. Quand j’allais à l’école, j’allais boire mon chocolat chaud là-bas. Mes parents n’étaient pas alcooliques, ils aimaient bien boire mais je n’ai jamais vécu ce qu’il y a dans le film. Par contre, l’auteur du livre, lui, l’a vraiment vécu.

G.K. : Ça se sent parce que c’est une atmosphère vraiment particulière, l’alcool. à un moment, il y a cette réunion de famille assez joyeuse et tout d’un coup, ça bascule. l’alcool, c’est ça. ce que je trouve magnifique dans La Merditude…, c’est que tu passes des rires aux larmes en deux secondes. Malgré tout, cette famille, elle est attachante, t’arrives pas à la détester. c’est l’alcool qui vient tout foutre en l’air. à ce propos, tes acteurs, ils ont un peu bu sur le tournage, ou c’était du jus de pomme ? F.V.G. : Pour la scène du concours du « plus gros buveur», je voulais qu’ils aient un peu d’alcool dans leurs bières, mais la production refusait catégoriquement, alors on leur a servi de la bière sans alcool, le matin. Mais on n’a pu démarrer le tournage qu’à midi, il n’y avait plus de mousse, c’était devenu tiède, dégueulasse. Résultat : un des acteurs boit trois bières d’affilées, puis vomit tout. du coup, on lui sert des bières avec un peu d’alcool, très vite la production s’en aperçoit, on repasse sans alcool, etc. On a passé le tournage à alterner. cette histoire de concours était déjà dans le bouquin – l’oncle de l’écrivain a paraît-il vraiment été champion du monde, en 1982 –, mais j’en ai inventé une partie, après une visite dans un bistrot. dans  ce bar, il y avait une affiche qui annonçait un championnat de 24 heures, avec un règlement très précis : quand on allait aux toilettes, on perdait des points, quand on vomissait, idem, etc.

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« ON N’AURAIT JAMAIS PU TOURNER UN FILM COMME LA MERDITUDE…, PARCE QU’ON AURAIT PICOLÉ AVEC LES ACTEURS. » BENOÎT DELÉPINE G.K. : la scène du championnat, tu peux la voir en riant, mais tu peux la voir en pleurant, aussi. c’est ce qu’on essaie de faire dans nos films : mêler le rire et les larmes. Par exemple, concernant les personnages d’handicapés dans Aaltra, certains spectateurs étaient très touchés, d’autres riaient… B.D. : Quelque part, les personnages de La Merditude… sont des handicapés. Quand tu fais de l’alcool ta respiration du matin jusqu’au soir, c’est du handicap, ce n’est pas festif.

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F.V.G. : Mon premier long métrage, Steve + Sky, n’est pas sorti en France. Ça racontait une histoire d’amour un peu folle, sur une route nationale en Belgique, au milieu des garages Porsche, des grands hypermarchés et des putes en vitrine.

G.K. : J’aime bien ces atmosphères de zones commerciales, un peu perdues en dehors des centresvilles. le cinéma français est devenu vachement bourgeois. Nous, on s’intéresse, comme toi, à tout ce qui est en marge, les milieux pauvres, les chômeurs… B.D. : Faire des films sur ces gens-là, c’est comme faire des reportages chez les Papous. l’Europe s’est beaucoup standardisée : mêmes rues piétonnes, mêmes enseignes, mêmes types de pensée...  Au premier coup de fusil sur un pigeon, t’as les Robocops du G.I.G.N. qui déboulent et bousillent le tireur, je te jure, cette anecdote est véridique, en plus. T’as plus le droit d’être un dingue, t’as plus le droit d’être un alcoolique, t’as plus le droit de rien ! En France, pour boire, il faut se cacher, comme les Indiens pour mourir.

F.V.G. : Mon deuxième film, Des jours sans amour, parle de jeunes adultes, la vingtaine, qui se retrouvent après quelques années, mais réalisent qu’ils n’ont plus 16 ans, qu’ils doivent travailler… B.D. : c’est un peu la nostalgie de la trentaine…

G.K. : c’est marrant, moi, c’est maintenant que je l’ai, ça. la nuit, je revois toutes les conneries que j’ai faites gamin, et je me dis « putain, c’était trop bien ». B.D. : Il y a de ça dans notre nouveau film, qu’on a

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76 DOSSIER /// FELIX VAN GROENINGEN / GUSTAVE KERVERN / BENOîT DELéPINE

Image extraite du film La Merditude des choses

tourné cet été en charente. le héros a 60 balais, mais revient à fond dans ses 20 ans. Il a un problème pour toucher sa retraite, il doit retrouver les vieux justificatifs des entreprises dans lesquelles il a travaillées quand il était jeune. On a regardé tous les acteurs français de 60 ans, mais il n’y avait que Gérard depardieu qui avait la présence pour tenir tout le film. S’il nous avait dit non, on aurait peut-être fait un casting et pris un inconnu, mais là, on s’est dit qu’il fallait tenter. F.V.G. : comment s’appelle le film ? B.D. : Matmout. c’est le nom de la bécane du héros, une moto allemande des années 1970, la Münch Mammut. Et puis depardieu, il a une tête de mammouth.

G.K. : Ça reste un acteur extraordinaire. Il a tellement vécu de choses qu’il n’a pas besoin de réfléchir. Il joue automatiquement. dans une interview récente, le journaliste lui demande : « Comment faîtes-vous pour préparer vos rôles ? » Il répond : « Bah, je ne sais pas, demandez à un acteur. » dans une autre interview, Agnès Varda raconte les essais qu’elle a fait passer à depardieu, jeune. Elle lui demande : « Avancez simplement vers moi, sans rien dire. » Il avance vers elle, sans rien dire, en la regardant. à la fin, elle lui dit juste :  « Je vous prends, je vous prends ! » Elle a eu peur, quoi. F.V.G. : Vous vous rappelez de cet acteur qui joue dans un de mes films préférés, Série noire ? B.D. : Patrick dewaere. c’était un pote de depardieu, Les Valseuses, tout ça.

G.K. : Série noire, c’est un de nos films fétiches. On l’a revu récemment pour nous mettre en condition. Quand dewaere s’énervait, il y avait une vraie folie dans sa tête. la vérité d’un acteur, c’est primordial.

F.V.G. : Tous les deux ou trois ans, il y a un film qui me prend par les couilles et que je regarde beaucoup. À bout de souffle il y a dix ans, Buffalo 66 de Vincent Gallo, Kids de larry clark… dernièrement, ce sont les films de Jacques Audiard... B.D. : Audiard, oui, c’est l’un des derniers grands cinéastes français. cette année, le président du jury du Festival de Quend, c’était Jean-Pierre Mocky. La Merditude… a remporté l’Amphore d’or à la quasiunanimité, pourtant la concurrence était rude. T’avais Panique au village, La Terre de la folie, bref, plein de films drôles, engagés, fous, ou les trois en même temps. Gustave et moi, on a déjà gagné  le prix à Quend, comme Borat ou les Yes Men,  c’est donc de bonne augure... [rires]

F.V.G. : Vous faîtes comment pour réaliser à deux ? B.D. : Rien. dans un film, il y a toujours à faire. En général, c’est la meilleure idée qui gagne. Pour Aaltra et Avida, on avait écrit de faux scénarios pour récupérer les sous des chaînes de télé – sauf que les acteurs ont adorés nos dialogues, du coup, on a été obligés de les garder. Pour Matmout, on l’a écrit chacun de notre côté, puis on a tout mis ensemble, et ça a marché. depardieu, on l’a rencontré dans son resto, on a fini assez éméchés, il nous a dit OK pour jouer dans le film. un jour, on le rappelle pour lui demander si ça tient toujours, et il répond : « Attends, c’est pas entre pompiers qu’on va se marcher sur le tuyau. Si je dis que je le fais, je le fais ! » Mais il n’était disponible qu’un mois cet été, alors on a bouclé le scénario en deux mois. F.V.G. : Et il va sortir quand ce film ? G.K. : Peut-être en avril. T’as la chance d’être jeune mais nous, on est vieux, faut qu’on fasse vite.

Un film de Felix Van Groeningen // Avec Johan Heldenbergh, Koen De Graeve… // Distribution : MK2 Diffusion // Belgique, 2008,1h47 // Sortie le 30 décembre L ou ise M i che l de Gustave Kervern et Benoît Delépine, DVD disponible chez MK2 Éditions.

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Image extraite du film Hadewijch

cRISES DE FOI Avec Hadewijch et La Religieuse portugaise, BRUNO DUMONT et EUGÈNE GREEN interrogent l’amour et la spiritualité dans des films d’une ambition esthétique, intellectuelle et morale élevée. L’occasion de croiser deux regards profonds et inquiets sur notre époque, désertée par une poétique mystique qu’ils réaffirment avec intensité dans leurs films. _Propos recueillis par Sandrine Marques

S

ortant au même moment sur les écrans, Hadewijch de Bruno dumont et La Religieuse portugaise d’Eugène Green portent haut le geste de cinéma et invitent à une réflexion sur la place de la spiritualité dans le monde contemporain. Hadewijch raconte le parcours d’une jeune fille issue de la haute bourgeoisie qui veut devenir religieuse. Renvoyée de son couvent pour se confronter au monde, elle emprunte la voie du terrorisme et devient une martyre. Bruno dumont cherche le sacré là où on ne l’attend pas et, à travers la mort des idéaux, filme une renaissance spirituelle. Même démarche atypique pour Eugène Green. une actrice vient tourner à lisbonne un film adapté des Lettres de la religieuse portugaise de Guilleragues. Elle y fait une série de rencontres mais son existence est vide de sens. une

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conversation avec une nonne, qu’elle vient observer régulièrement à la prière, la transforme. chez Eugène Green comme chez Bruno dumont, l’amour humain et l’amour spirituel, loin de s’opposer, révèlent le sacré dont ils nous donnent leur définition. Pourquoi faire un film sur la spiritualité aujourd’hui ? Eugène Green : Ça m’est personnellement essentiel. dans le monde contemporain, l’homme essaie de vivre sans spiritualité. En particulier en Europe et en France, où il existe une sorte de religion d’État, il faut le dire, née aux alentours du xVIIIe siècle et qui est une sorte d’athéisme matérialiste militant. Mon film n’est pas confessionnel, ni catholique, mais spirituel. c’est un acte de foi, en tout cas de croyance. les gens doivent croire en quelque chose d’autre que

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79 DOSSIER /// BRUNO DUMONT / EUGÈNE GREEN

« AIMER QUELQU’UN, C’EST ÊTRE CAPABLE DE S’EN PRIVER. » BRUNO DUMONT

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le veau d’or du matérialisme et du consumérisme.  Je cherche à les ouvrir à la présence spirituelle, pas intellectuellement, mais à travers la sensibilité et la sensation.

une forme d’élévation poétique qui existe chez tout être. c’est une augmentation de la grâce, un accroissement. Quelqu’un qui est amoureux est appelé vers la sainteté.

Bruno Dumont : Mon film est un appel à la grâce. c’est une expérience mystique donnée à un spectateur de cinéma. Mais pas un acte de foi.  le regard mystique n’est pas un regard intellectuel. c’est un rayonnement assez étrange qu’il est difficile de décrire. Je ne pense pas que le cinéma soit une Église nouvelle. c’est un vrai lieu d’expérience du sacré. Il y a un cinéma commercial prosélyte et un cinéma qui invite plutôt l’individu à une méditation personnelle. la seule vraie question est la dignité  du cinéaste. Il y a des cinéastes pourris qui font des images de salauds, dépourvues de spiritualité et utilisées à des fins mercantiles. Elles sont immédiates et malsaines.

Peut-on voir le caché dans le visible ? E.G : Pour qu’on puisse voir le mystère, paradoxalement, il faut garder un voile. Je demande aux acteurs de dire leur texte comme s’ils se parlaient à eux-mêmes. dès qu’on parle à quelqu’un, on est en représentation et on commence à utiliser de la rhétorique. Si l’acteur commence à penser, il n’y a aucune intériorité. ce sont les effets de l’intellect. Je lui demande d’articuler les mots pour qu’ils existent dans leur plénitude et dégager leur énergie intérieure. J’utilise toujours des mots simples car je ramasse les dialogues avec un maximum de force et de rythme. Toutes ces techniques sont des voiles que je mets sur l’acteur pour l’aider à dévoiler son intériorité.

Le cinéma est-il mystique par essence ? E.G : Tous mes films sont fondés sur cette idée-là. des mystiques comme Sainte Thérèse ou Saint Jean de la croix seraient aujourd’hui internés en hôpital psychiatrique ! ce qui est bien avec le cinéma, c’est que les matérialistes ne peuvent en contester la véracité. On peut faire voir des choses qu’on ne verrait pas. les cinéastes que j’admire le plus, même s’ils ne sont pas considérés comme mystiques, sont ceux chez qui je trouve cette spiritualité : Edward Yang, Hirokazu Kore-eda, Robert Bresson, Michelangelo Antonioni.

B.D : On a besoin du mystère. Plus c’est caché et mystérieux, plus c’est présent dans notre esprit.  Si vous n’avez pas la privation, vous n’avez pas la jouissance. c’est pour ça que l’amour est un art. Aimer quelqu’un, c’est être capable de s’en priver. On ne peut pas faire un film sur le spirituel, parce qu’il n’est pas visible. On l’espère mais on ne peut que filmer des paysages, des corps, des cieux, des maisons, des arbres. le spirituel émerge à force de filmer.

B.D : Il y a un rapport évident entre l’image cinématographique et la vision mystique. Il y a une circulation possible entre les deux. ce que je cherche au cinéma, c’est un sacré mystique, en dehors des voies catholiques. Mon héroïne a une grâce, une sainteté laïque. Je pense que nous sommes tous appelés à la sainteté. ce terme revêt

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L’amour humain est-il un amour spirituel ? E.G. : Mon héroïne, Julie, pense que son existence n’a pas de sens. Elle s’attache à des personnes qui disparaissent toujours de sa vie. Au cours de son séjour à lisbonne, elle transforme intérieurement les personnes qu’elle rencontre. d’une certaine manière, c’est un don de soi, un acte d’amour spirituel, puisqu’elle n’en tire rien mais elle donne quelque chose. cette rencontre avec la religieuse

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80 DOSSIER /// BRUNO DUMONT / EUGÈNE GREEN

Image extraite du film La Religieuse portugaise

dans la chapelle lui fait comprendre qu’elle a une croyance et que l’amour profane est le même que l’amour spirituel que vit la religieuse. Julie apprend  à lisbonne à vivre dans le présent, qui est le lieu de la spiritualité. le présent contient tout ce qui a été et tout ce qui sera. B.D. : Hadewijch est un film sur l’amour et le temps de l’amour. Il essaie d’en traiter la puissance absolument belle et maléfique. cette durée-là, c’est du temps sacré. Je pense que le véritable amour est totalement mystique parce que dans la mystique, vous arrivez à une véritable union. Je voulais faire un film d’amour mais pour moi, l’amour humain a tellement d’écueils, d’avatars et un ordinaire tellement difficile, que l’amour de dieu était une façon poétique de l’exprimer. Hadewijch, c’est le pur sentiment amoureux. le christ représente l’amant parfait parce qu’il est absent. Il faut être capable d’aimer de façon absolue, à l’intérieur d’un corps ordinaire et dans le monde. c’est ce que je filme à la fin : la limite des superstitions et des idéaux. Hadewijch meurt à dieu et renaît dans les bras d’un homme où elle retrouvera la plénitude de l’amour.

E.G. : Aujourd’hui, on appelle tout «amour». la sexualité est une énergie très importante dans l’être humain. c’est une source à la fois de bien et de mal. dans toute la tradition mystique, la sexualité est toujours un problème de départ. c’est aussi vrai dans Le Cantique des Cantiques que chez Platon, Maître Eckhart, les troubadours ou les grands mystiques soufis. l’amour humain part d’un désir de posséder, mais comporte des éléments de charité, de don de soi, d’amour désintéressé. B.D. : la mystique est la tentative d’augmenter la spiritualité en abaissant la présence du corps, par l’abstinence, la privation de sommeil ou de nourriture. Il y a quand même dans cet ascétisme un refus du corps, de la concupiscence (en tout cas chez mon héroïne). Finalement, cette absence de corps en augmente le désir. c’est très érotique au fond. Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite mais à voir le film, mon actrice est très érotique. c’est pour cela que les films pornos me dégoûtent car le corps est tellement présent que ça en est écœurant. Plus c’est fin, plus c’est dissout, plus c’est absent, plus le désir commence.

La Religieuse portugaise // Un film d’Eugène Green // Avec Leonor Baldaque, Beatriz Batarda… // Distribution : Océan // France, 2008, 2h07 // Sortie le 11 novembre /// Hadewijch // Un film de Bruno Dumont // Avec Julie Sokolowski, David Dewaele… // Distribution : Tadrart // France, 2009, 1h45 // Sortie le 25 novembre

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© Antoine Doyen

Yvan Attal (à gauche), Lucas Belvaux (à droite)

lES YEux REVOLVER On a rarement vu YVAN ATTAL aussi impressionnant que dans Rapt de LUCAS BELVAUX – l’histoire d’un patron dont la vie privée se trouve exposée aux yeux de tous, suite à un enlèvement. Magnifique thriller claustrophobe, le film questionne le sens cinématographique par excellence : la vue. Nous avons fait dialoguer ces deux acteurs-réalisateurs, habitués des regards croisés. œil pour œil… _Propos recueillis par Auréliano Tonet

R

apt s’inspire d’une histoire vraie, l’enlèvement du baron Empain en 1978. Le film résonne cependant avec l’actualité la plus récente : séquestrations de patrons, affaires Julien Dray ou Frédéric Mitterrand… Qu’est-ce qui vous a interpellé dans ce fait divers ? Lucas Belvaux : c’est une histoire humaine extrêmement singulière, celle d’un grand patron – l’équivalent d’un lagardère à l’époque – qui perd tout, ou presque, du jour au lendemain. une histoire pleine de brutalité, de barbarie. Au-delà de son caractère individuel, cet enlèvement me permettait d’aborder des choses déjà présentes en 1978, mais plus prégnantes aujourd’hui encore : la presse qui empiète sur la vie privée, la dureté du pouvoir, les rapports entre politique et industrie…

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Yvan Attal : Au moment du tournage de Rapt,  des ouvriers se sont rebellés très durement jusqu’à enlever et séquestrer certains patrons pendant quelques jours. On se rend bien compte qu’il y  a trente ans, on ressentait déjà ce qu’on ressent aujourd’hui et qu’à tout moment, ce ressentiment peut à nouveau exploser de manière très violente. Lucas, Rapt adopte le point de vue opposé de votre précédent film, La Raison du plus faible. Ces deux films forment-ils un diptyque ? L.B. : disons qu’il s’agit d’un champ/contrechamp. dans La Raison du plus faible, la famille d’un homme riche est kidnappée par des prolétaires, mais le film s’intéresse plutôt au mythe de la solidarité ouvrière, et montre son effritement. Rapt explore un point de

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83 DOSSIER /// YVAN ATTAL / LUCAS BELVAUX

« UN FILM, C’EST UN REGARD : OÙ MET-ON LA CAMÉRA ? » LUCAS BELVAUX vue différent, celui de la victime. Au moment des faits, en 1978, je me souviens que peu de gens, moi y compris, s’étaient apitoyés sur le sort du baron Empain. Sept ou huit plus tard, cet homme raconte son calvaire dans un livre. à la sortie du bouquin, je me suis senti très con d’avoir un jour pensé « finalement, ce baron, il l’a bien cherché ». c’est ce paradoxe qui m’intéressait : comment je pouvais être à la fois très opposé politiquement et socialement à cet homme-là, et  en même temps ne pas accepter ce qu’on lui a fait subir. Je continue de croire que la lutte des classes est un fait, pas une idéologie, mais Rapt se situe moins sur le terrain de la politique que de l’humanisme. d’ailleurs, les motivations des séquestreurs, ici, sont purement crapuleuses. ce sont des bandits. leur héros, c’est Flavio Briatore. Et leur envie, c’est d’être  à sa place, fréquenter la jet-set, partir à Ibiza… La question du regard, Lucas, était déjà au cœur de votre trilogie Un couple épatant / Cavale / Après la vie (2002), dont chacun des trois segments adoptait un point de vue différent sur une même histoire. Cet enjeu traverse également, Yvan, vos deux réalisations, Ma femme est une actrice (2001) et Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfant (2004)… Y.A. : dans Ma femme est une actrice, je suis parti de l’interrogation suivante : dans quelle mesure  faire un métier aussi exposé que comédien  affecte-t-il mon couple de personnages ? Après,  ce questionnement percute le regard de personnes extérieures au couple, mais ça partait vraiment de l’intérieur. L.B. : de toute façon, la question du regard est centrale au cinéma. un film, c’est un regard : où  met-on la caméra ? c’est une question que l’on  se pose à chaque plan. Dans Rapt, le personnage joué par Yvan passe d’une situation omnisciente, où il est le seul à jouir d’une vue complète sur son existence, à une

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période de captivité durant laquelle il ne voit plus rien, mais où sa vie est exposée aux yeux de tous, de manière transparente… L.B. : Pendant qu’il est dans l’ombre, dans un trou,  il est mis sous les projecteurs. Bien que captif, il est  vu et révélé par tout le monde, à l’extérieur. le masque, l’isolement sensoriel, c’est un truc qui me tarabuste depuis longtemps. dans Cavale, il y avait déjà une scène où le personnage que je jouais bandait les yeux d’un mec et l’attachait. On le voit dans les images d’actualité, par exemple quand des détenus dangereux sont transportés de leur prison au tribunal, on leur met un masque occultant. c’est une façon d’avilir les gens, de les priver de sens.  Il y a de ça dans la captivité de Rapt : on interdit  au prisonnier de voir, d’entendre, de vivre, en fait. Vous avez tous deux débuté en tant que comédiens, avant de passer à la réalisation. Dans quelle mesure cette double casquette a-t-elle nourri votre collaboration ? Y.A. : Évidemment, ça joue, ce n’est pas anodin d’avoir été devant et derrière la caméra. ce serait idiot de ne pas avoir tiré des leçons de ces expériences-là. Sans doute comprend-on plus facilement la demande ou l’inquiétude de l’autre, mais ça ne nous empêche pas d’avoir, moi, mes angoisses d’acteur face à un metteur en scène, et lui, ses angoisses de metteur en scène face à un comédien. Au jour le jour, chacun est à sa place. Il y a trop de travail à faire pendant le tournage pour se disperser. Yvan, vous avez perdu une vingtaine de kilos pour le film. Au moment où votre compagne Charlotte Gainsbourg se met en danger dans Antichrist ou Persécution, vous vous dirigez, de même, vers des rôles de plus en plus rêches et risqués, des Regrets à Rapt… Y.A. : Perdre du poids, ça faisait partie du costume du personnage : il passe deux mois en détention,

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« QUAND ON FAIT L’ACTEUR, ON A ENVIE QU’UN FILM NOUS COÛTE QUELQUE CHOSE. » YVAN ATTAL sans bouger, sans manger, il était donc nécessaire de suivre un régime draconien. Après, je ne soupçonnais pas ce que ce régime allait provoquer : on ne mange plus avec sa famille, on n’a plus de vie sociale, on se met, de fait, à penser constamment au personnage. On se retrouve fragilisé. Mais quand on fait l’acteur, on rêve de ces rôles-là, d’emblée. Généralement, on

y a accès à partir d’un certain âge – heureusement d’ailleurs, parce qu’on a plus d’expérience, peut-être sait-on mieux faire son métier. On a envie qu’un film nous coûte quelque chose, que ce ne soit pas facile, superficiel. Il y a trop de films qui ne vous coûtent rien. L.B. : Je pense qu’il y a des acteurs qui considèrent qu’ils ont trop à perdre et n’osent pas s’engager dans ces rôles-là. Et ce qui est beau chez charlotte et Yvan, c’est qu’à un moment de leur carrière où  ils ont beaucoup à perdre, ils ont envie. c’est ce qui marque la générosité d’un comédien. Beaucoup d’actrices ne seraient pas allées sur le lars Von Trier. cela demande du courage. « La réalité est ce qui nous résiste, l’homme réel est celui qui a mal, supprimez la douleur et l’univers deviendra indifférent », écrit Gombrowicz. En ce sens, le personnage d’Yvan fait-il, à travers son épreuve, l’expérience de la réalité ? L.B : Il a appris quelque chose sur lui, et sur son entourage. Après son calvaire, on le laisse seul mais relativement apaisé. cette fin un peu énigmatique ouvre sur une nouvelle vie. Y.A : Il a vécu l’enfer. c’est difficile de ne pas tirer quelque chose de ça. les personnes qui ont été enfermées ou séquestrées ne réintègrent jamais  à l’identique leur place dans la société. L.B : c’est une expérience intransmissible, au même titre que les histoires des poilus, des déportés. On  ne peut pas raconter ça, ou plutôt on a le sentiment qu’on ne peut pas être entendu. On ne peut pas dire « j’ai survécu à ça ». c’est une expérience qui isole, et change la perspective.

Un film de Lucas Belvaux // Avec Yvan Attal, Anne Consigny… // Distribution : Diaphana // France, 2008, 2h05 // Sortie le 18 novembre

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86 DOSSIER /// YORGOS LANTHIMOS / PANOS H. KOUTRAS

GREcS SAucE PIQUANTE Lorsque le cinéma grec vient se faire voir chez nous, le résultat est aussi probant qu’épicé : en salles cet automne, Canine de YORGOS LANTHIMOS et Strella de PANOS H. KOUTRAS dessinent les contours d’une cinématographie en plein renouveau, dépoussiérant avec une fantaisie iconoclaste les formes et motifs hérités de l’Antiquité, au premier rang desquels la famille. Dialogue entre deux Hellènes en veine. _Propos recueillis par Donald James

V

ous êtes l’un comme l’autre inconnus du grand public français. Comment êtesvous venus au cinéma ? Yorgos Lanthimos : Jeune, j’ai regardé toutes sortes de films, des westerns spaghettis, des films de Bruce lee... Petit à petit, cela m’a amené à découvrir d’autres genres, puis à faire des études de cinéma. Panos H. Koutras : Au début des années 1980, j’ai quitté la Grèce. J’avais 17 ans, je suis allé suivre des cours de cinéma à la london Film School. Après quoi, je venu vivre en France, où j’ai commencé une maîtrise sur le mélodrame américain des années 1950. à cette époque, j’habitais l’appartement où avait été tourné L’Argent de Robert Bresson, que j’ai eu la chance de rencontrer. Bresson travaillait sur son projet d’adaptation de la Genèse et il ne trouvait pas d’argent. Je me suis aperçu combien le cinéma pouvait être une chose difficile – ce que, depuis, je ne cesse de constater… Canine et Strella sont respectivement votre deuxième et troisième long métrage. Parlez-nous de vos premiers films… Y.L. : Après un court métrage sur un groupe d’amis qui tentent de réaliser un porno musical, j’ai tourné Kinetta, mon premier long. le film se déroule dans une ville balnéaire déserte et met en scène un flic, une femme de chambre et un photographe, tous les trois engagés dans la répétition de scènes. P.H.K. : Au début des années 1990, j’ai réalisé des clips, notamment pour Marthe lagache. Mon premier long métrage, L’Attaque de la moussaka géante, a eu un petit succès en France, mais n’a jamais été distribué en Grèce, parce que les Grecs étaient outrés par sa NOVEMBRE 2009

tonalité satirique. Or, ce film est pour moi un projet très sérieux, motivé par ma colère envers le système politique et cinématographique ainsi que, peut-être, par de la colère envers moi-même. Mon deuxième long, Real Life, est mon seul film qui a reçu l’appui du « cNc » grec. c’est un mélodrame très influencé par la tragédie antique, comme Strella. J’aime quand les larmes sont presque aussi émotives qu’intellectuelles. J’avoue m’interroger davantage sur le contenu de mes films que sur leur forme. Si Strella paraît différent, plus stylisé que L’Attaque..., c’est que le sujet même du film commandait une autre approche cinématographique. Vos films sortent à une semaine d’intervalle… Peut-on à votre avis parler de « nouvelle vague du cinéma grec » ? Y.L. : disons qu’aujourd’hui, les films grecs sont bien meilleurs qu’il y a cinq ans. Faire des films en Grèce relève d’une véritable gageure. Il n’y a jamais eu de tradition cinématographique, pas de mouvements structurés, ni même d’école de cinéma, juste quelques grands réalisateurs isolés qui ont réalisé une poignée de beaux films. Espérons que cela change ! P.H.K. : Pendant longtemps, le cinéma grec a été –  et il l’est encore – au service de la télévision. Il y a  un désir, de la part de cinéastes mais aussi de la société, de respirer. Nous sommes dans une période de changement. certaines valeurs vont peut-être être reconsidérées. Pour le ministère de la culture grec, seuls l’archéologie et le théâtre comptent. le cinéma passe après tout. c’est un art coûteux, sans industrie, qui se fait dans une économie déplorable.

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Image extraite du film Canine

Combien ont coûté vos films ? Comment s’est déroulé leur tournage ? Y.L. : Mon film s’est monté avec un budget de 250 000 euros, mais beaucoup de personnes n’ont pas encore été payées… Nous avons dû tourner pendant le mois d’août à Athènes, alors que tout était fermé. c’était un véritable calvaire, notamment pour obtenir du matériel. Nous n’avons utilisé qu’une seule maison, après en avoir visité de nombreuses. Il a juste fallu la bricoler un peu pour les besoins du scénario. Quant au casting, j’ai commencé par les enfants, car ils portent le film. Je pensais déjà à Aggeliki Papoulia pour la sœur aînée et j’avais déjà travaillé avec christos Passalis auparavant ; je savais qu’il pouvait jouer le frère. Et j’aimais Mary Tsoni, je l’avais vue chanter dans un groupe. Pour le rôle du père, j’ai choisi christos Stergioglou, un acteur de théâtre génial, et pour la mère, Michelle Valley, que j’avais découverte dans les films de Nikos Nikolaidis. P.H.K. : dès mon premier long métrage, j’ai dû monter ma propose société de production. depuis, le nom de la société a changé mais c’est toujours en indépendant que je finance mes films : un peu d’argent personnel, la famille, les amis. de l’écriture au clap de fin, Strella m’a pris quatre ans, et coûté environ 300 000 euros. En ce qui concerne le casting, le pire a été de trouver l’acteur qui interprète Yorghos. c’était un problème inattendu : aucun acteur grec ne voulait ternir sa carrière en apparaissant nu dans des scènes à caractère homosexuel. la Grèce est un pays macho, où les travestis sont très mal vus. ces êtres me fascinent, j’admire leur capacité à dépasser les obstacles pour devenir ce qu’ils désirent. J’aime beaucoup les acteurs

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de mon film, je les trouve tous très beaux, loin des canons de beauté grecs, qui n’ont rien d’attrayant pour moi. Panos, le titre de votre film, Strella, peut se lire comme une référence à Stella de Mihalis Kakogiannis (1955), un classique du cinéma grec. Est-ce une manière d’inscrire Strella dans la continuité de la culture de votre pays ? P.H.K. : l’histoire du cinéma grec me passionne, comme celle de la Grèce. Pour moi, Stella est l’un des meilleurs films grecs de tous les temps. le mélodrame grec est un genre en soi. les récits anciens, tragédies et mythologie, constituent un environnement culturel classique que l’on découvre à l’école primaire, souvent de manière édulcorée, sous la forme de contes de fée. Athènes est l’une des mes inspirations principales. J’aime cette ville fascinante, fantastique, bordélique. On sait que Sophocle a marché ici et pourtant on n’en voit plus aucune trace. Pour revivre toute cette histoire, il faut éveiller tout un processus imaginaire. Yorgos, qu’est-ce qui vous a poussé à écrire Canine ? Y.L. : J’ai essayé d’imaginer à quoi ressemblerait la famille dans quelques années. Quelle serait sa forme? Et si elle venait à disparaître, jusqu’où un homme pourrait aller pour la garder soudée? Mon film décrit un univers fermé, une maison où les enfants ignorent tout du reste du monde. l’extérieur n’y est jamais montré, son existence repose sur notre imagination. Je n’ai pas voulu écrire une allégorie ou faire le filmmétaphore d’un système politique. Par contre, j’aimerais que l’on puisse s’y retrouver, associer son expérience intime.

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88 DOSSIER /// YORGOS LANTHIMOS / PANOS H. KOUTRAS

Image extraite du film Strella

« JE VOULAIS QUE LE FILM SOIT À LA FOIS BEAU ET GÊNANT. » Y. LANTHIMOS Vos films ne se ressemblent pas, mais vous vous retrouvez sur beaucoup de choses : leur caractère provocateur, la famille… Y.L. : Je voulais que le film soit à la fois beau et gênant. J’essaie de jouer sur les limites des genres. de l’horreur, du drame, du comique, de l’absurde, engager le spectateur dans un va-et-vient émotionnel, pour qu’il s’interroge activement sur lui-même. la famille que je décris n’est pas horrible, c’est ce qui lui arrive qui est horrible, parce qu’il n’y a pas d’échappatoire. la famille est un sujet qui m’amuse énormément. P.H.K. : la famille est à la base de la société grecque. Aujourd’hui encore, il est très difficile de vivre en dehors des traditions, de vivre librement sa vie, sa sexualité. Et si le « PAcS » a été voté cette année en Grèce, cette mesure, pourtant inventée pour les homosexuels, leur demeure fermée. NOVEMBRE 2009

Le ressort narratif est tragique dans Strella, plus ludique dans Canine… P.H.K. : Strella raconte tout simplement l’histoire d’Œdipe. Je voulais revenir aux origines. dans la tragédie grecque, le châtiment suit toujours la faute. ce qui me semblait important, ce n’était pas de mettre en scène la répression, la vengeance ou la haine, mais la réconciliation. Je voulais montrer comment on peut survivre à la faute. Y.L. : Socialement, le jeu occupe des fonctions diverses. Il permet de tuer l’ennui, d’apprendre, mais aussi de dépasser certaines règles sociales, c’est-àdire de faire des choses qui seraient inacceptables dans la vie réelle. Quelles sont vos influences cinématographiques respectives ? Y.L. : Je me sens plus proche du minimalisme de Robert Bresson que de celui de Michael Haneke. les films de John cassavetes m’ont beaucoup impressionné. Mais ce sont plutôt des films « pas sérieux » qui m’ont donné envie de faire du cinéma. P.H.K. : J’aime beaucoup Pedro Almodóvar, qui partage la même passion que moi pour douglas Sirk ou Fassbinder. J’admire aussi John Waters, qui voue comme moi un culte à Andy Warhol. On ne partage pas la même approche du cinéma, mais disons que l’on fait tous partie de la « queer culture », qui idolâtre autant Oscar Wilde que dalida... On ne vit plus à une époque où l’amour n’ose pas dire son nom. Je peux affirmer que Strella est un film gay, un film queer, et en même temps qu’il s’adresse à un public beaucoup plus large.

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90 DOSSIER /// YORGOS LANTHIMOS / PANOS H. KOUTRAS

EN GRècE,  DU NOUVEAU

Image extraite du film Canine

Films frais et joueurs, bousculant les schémas familiaux ou narratifs traditionnels, Strella et Canine (prix Un Certain Regard 2009) arrivent sur nos écrans à une semaine d’intervalle. Le cinéma grec ferait-il son coming out ? _Par Donald James

à dix mille lieux et quelques odyssées de l’esthétique contemplative d’un Theo Angelopoulos, Strella et Canine posent sur le monde un œil neuf, volontiers iconoclaste. dire qu’il s’agit là d’une « nouvelle vague grecque » serait aller trop vite en besogne. Il n’en demeure pas moins que cela faisait longtemps que le cinéma hellène ne nous avait pas autant surpris qu’avec ces deux films aux sujets étrangement croisés: la cellule familiale, entre enfermement et folie. chacun à leur manière, Panos H. Koutras et Yorgos lanthimos manifestent un désir brûlant de repeindre le quotidien d’un pays proche et lointain, entre Orient et Occident, un pays orthodoxe qui ne connaît pas encore la loi de la séparation de l’Église et de l'État. leurs deux films redonnent vie à une société grecque mortifère, sans pour autant faire table rase du passé, bien au contraire : Canine nous plonge dans la maison des Atrides, tandis que Strella rejoue les tragédies de Sophocle sur la scène d’une Athènes très contemporaine. Film intemporel, à l’interprétation ouverte, Canine se conjugue à tous les temps. le pitch : trois grands adolescents, un frère et ses deux sœurs, vivent enfermés dans la maison familiale en attendant qu’une de leur canine tombe pour pouvoir quitter  le domicile. Pour s’occuper, ils tuent les heures en

famille et s’adonnent à toutes sortes de jeux. cruel  et inquiétant, buñuelien à souhait, Canine nous invite dans un château pasolinien décoré de tristes tableaux érotiques et tapissé de scènes grotesques inspirées de la série B. Tragédie satirique raillant la loi qui régit tout lien social, Canine joue l’allégorie, la critique du fascisme, du totalitarisme, du système d’éducation… et ravira, par-dessus tout, les mordus d’humour absurde. de son côté, Panos H. Koutras revisite le mythe d’Œdipe roi, version «queer». le travestissement des personnages déborde et contamine toute la structure dramatique de son film. le réalisateur s’approprie la vocation pédagogique de la tragédie en la détournant de son éternelle issue punitive et morale, et rend hommage à Stella de Mihalis Kakogiannis, grand mélodrame progressiste des années 1950, où une femme chanteuse de cabaret (Melina Mercouri) préfère l’amour au mariage. Panos H. Koutras, hanté par la culpabilité doublement millénaire des sociétés occidentales (celle d’Œdipe ou du christ…), crée ici un hymne à la liberté. Bonne nouvelle : le mélo, nous assure-t-il, peut se jouer en dehors du tout conformisme, et chanter le désir et la vie.

Strella // Un film de Panos H. Koutras // Avec Mina Orfanou, Yannis Kokiasmenos… // Distribution : Memento // Grèce, 2009, 1h56 // Sortie le 18 novembre Canine // Un film de Yorgos Lanthimos // Avec Christos Stergioglou, Michelle Valley… // Distribution : MK2 Diffusion // Grèce, 2009, 1h36 Sortie le 2 décembre

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cHuTE LIBRE Tombée entre les mains de musiciens de haut vol, NORAH JONES devrait faire ployer ses derniers détracteurs avec son quatrième (et meilleur) album, le renversant The Fall. Nous avons soumis cette mélomane avertie au jeu du « blind-test », manière d’aborder les contours toujours plus larges d’une écriture qui navigue aujourd’hui entre pop, folk, soul, country et jazz. Interview en neuf morceaux, comme autant de points de chute. _Propos recueillis par Auréliano Tonet

I

IT’S TOO LATE DE CAROLE KING (SUR TAPESTRY, 1971) Votre précédent album s’appelait Not Too Late, et la pochette de celui-ci est parée de tapisseries. Est-ce une manière de rendre hommage à Carole King, l’une des premières femmes à avoir eu du succès en chantant ses propres chansons, mais aussi à avoir fait l’allerretour entre New York et Los Angeles, musiques blanches et musiques noires ? J’ai grandi en écoutant Tapestry, un album que j’adore. Je ne l’ai pas écouté depuis des années, mais c’est une influence indirecte sur mon écriture  et sur mon chant, j’en suis sûre. carole a une manière si naturelle de chanter ! The Fall a été d’ailleurs été enregistré entre New York et l.A., comme quoi…

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FALLING DOWN DE TOM WAITS (SUR BIG TIME, 1988) Vous aviez déjà repris un titre de Tom Waits, Long Way Home, sur votre deuxième album. Cette fois, vous avez fait appel à plusieurs de ses proches collaborateurs : le producteur Jacquire King, les guitaristes Marc Ribot ou Smokey Hormel… depuis que j’ai découvert son album Mule Variations, il y a dix ans à l’université, je suis devenue une inconditionnelle de Tom Waits. Sa voix est unique, et son écriture combine magnifiquement simplicité et sophistication. Ses disques sonnent toujours de manière très élaborée, en juxtaposant des sonorités assez crades ou maladroites, notamment au niveau des percussions, et d’autres plus agréables à l’oreille. J’ai toujours voulu atteindre cet équilibre, mais je ne crois y être arrivée qu’avec The Fall, dont la production

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93 DOSSIER /// NORAH JONES

est plus rêche que celle de mes disques précédents, de manière à contrebalancer la douceur de mon chant. AUTUMN IN NEW YORK DE FRANK SINATRA (SUR THE COLUMBIA YEARS, 1947) L’un des plus belles chansons de The Fall s’intitule Back in Manhattan. Qu’a donc cette ville de si particulier à vos yeux ? J’adore Autumn in New York, surtout dans la version de Sarah Vaughan ! Même si j’ai vécu au Texas de  4 à 20 ans, New York est ma ville, mon point d’ancrage, je m’y sens chez moi, j’y suis d’ailleurs née. c’est un endroit sale et bruyant, qui peut vous rendre fou, mais j’en suis follement amoureuse. Quant à l’automne, c’est ma saison préférée. Toutes les chansons du disque ont été écrites à cette période de l’année, certaines y font d’ailleurs explicitement référence. du coup, j’ai décidé d’appeler l’album The Fall, un mot dont j’aime la polysémie [en anglais, « fall » signifie à la fois « automne », « chute » et, dans sa forme verbale, « tomber », ndlr]. OUR WAY TO FALL DE YO LA TENGO (SUR AND THEN NOTHING…, 2000) Proches de Tom Waits, on l’a dit, les guitaristes Smokey Hormel et Marc Ribot ont également collaboré avec Yo La Tengo, un groupe de noisypop new-yorkais dont l’écriture s’est semble-t-il aérée à leur contact… Smokey et Marc ont été formidables avec moi, ils m’ont encouragé à jouer de la guitare sur le disque, alors que mon instrument de prédilection reste le piano. J’ai joué les parties rythmiques, à partir desquelles ils ont digressé. Il y a moins de piano et plus de synthétiseurs que d’habitude, aussi. J’avais envie de sonorités atmosphériques, analogiques, un peu cotonneuses.

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« NEW YORK EST UN ENDROIT SALE ET BRUYANT, QUI PEUT VOUS RENDRE FOU, MAIS J’EN SUIS FOLLEMENT AMOUREUSE. » OVER MY HEAD DE FLEETWOOD MAC (SUR FLEETWOOD MAC, 1975) Malgré son ancrage new-yorkais, la production de The Fall évoque les grands disques de pop enregistrés à Los Angeles à la fin des années 1970, en premier lieu ceux de Fleetwood Mac… Même si la plupart des sessions ont eu lieu à  New York, nous avons passé une semaine à l.A., d’où sont originaires la plupart des musiciens  de l’album, notamment Joey Waronker, le batteur  de Beck, Air ou R.E.M. J’apprécie énormément la musique de Fleetwood Mac, notamment les trois albums qu’ils ont enregistrés entre 1975 et 1979, Fleetwood Mac, Rumours et Tusk. christine McVie a écrit de merveilleuses chansons, et Mick Fleetwood est un batteur exceptionnel. comme lui, je n’aime pas trop les cymbales, j’ai donc demandé à Joey de s’inspirer de son jeu de batterie… THE GREATEST DE CAT POWER (SUR THE GREATEST, 2006) Il s’agit d’une chanson que vous connaissez bien, puisque elle figure sur la B.O. du film My Blueberry Nights de Wong Kar-wai (2007), dont vous avez interprété le rôle principal… Oh mon dieu ! Wong jouait cette chanson sans arrêt, du coup à chaque fois que je l’entends,  je pense au tournage ! J’aimais déjà beaucoup les disques de cat Power, mais cet album m’a littéralement bouleversée. Elle a su insuffler une vibration spéciale à sa musique… J’ai appris qu’elle avait récemment collaboré avec certains musiciens d’Al Green, or mon producteur, Jacquire, m’a proposé de travailler avec l’un d’entre eux, le claviériste James Poyser, sur The Fall. J’ai évidemment accepté ! James a apporté une touche groovy bienvenue.

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OUR LIFE IS NOT A MOVIE (OR MAYBE) D’OKKERVIL RIVER (SUR THE STAGE NAMES, 2007) « Sa nouvelle fiancée irradie comme le grain sur la toile vacillante d’un grand film », écrit dans cette chanson Will Sheff, le leader d’Okkervil River, un groupe d’indie-rock épique… J’ai beaucoup aimé tourner dans My Blueberry Nights, même si ce fut une longue et difficile bataille, d’autant que le réalisateur tenait à ce que je ne prenne pas de cours de comédie – or je n’avais jamais joué auparavant. Je ne ferme pas la porte au cinéma, même si je me sens bien plus à l’aise avec la musique. En ce qui concerne Okkervil River, je suis une grande fan de ce groupe. J’ai pu rencontrer Will à Brooklyn, nous sommes devenus amis. Il a d’ailleurs coécrit Stuck, l’une des chansons de The Fall, sur laquelle je butais depuis des mois et qu’il m’a aidé à finir. REBELLIOUS JUKEBOX DE THE FALL (SUR LIVE AT THE WITCH TRIALS, 1979) Vous êtes réputée pour l’éclectisme de vos goûts. Qu’y a-t-il en ce moment sur votre juke-box ? Everybody Knows this is Nowhere et Zuma de Neil

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Young, deux albums qui m’obsèdent nuit et jour. Sinon, j’écoute beaucoup dolly Parton, Elis Regina, James Brown, Elvis Presley, carl Perkins, Q-Tip, George Jones… J’ai toujours écouté de la musique ancienne, mais ces dernières années, je me suis ouverte à des artistes de mon âge, comme Santogold ou MGMT, dont le premier album m’a impressionnée. NO PLACE TO FALL DE TOWNES VAN ZANDT (SUR FLYIN’ SHOES, 1978) « Je ne suis pas un bon amant, c’est vrai / Je disparais souvent et je suis toujours chagrin / Mais je te désire », chante ici Van Zandt, dont la country romantique et torturée semble avoir baigné The Fall… c’est juste ! Nous avons repris cette chanson, l’une de ses plus belles, avec mon projet parallèle, The little Willies, un groupe country où je chante avec trois amis. Van Zandt a tout dit de l’amour. En ce qui me concerne, c’est un désordre permanent. Mon cœur n’est pas très beau à voir en ce moment… The Fall de Norah Jones (EMI, disponible le 16 novembre)

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Š Illustration : David Scrima


97 DOSSIER /// JEAN -LOUIS MURAT / SILVAIN VANOT

TERRAINS D'ENTENTE C’est à Nashville que JEAN-LOUIS MURAT a enregistré son nouvel album, Le Cours ordinaire des choses. Une ville que connaît bien son « poulain », SILVAIN VANOT, qui sort après huit ans de silence Bethesda, magnifique sixième album. L’occasion de faire dialoguer ces deux praticiens d’une country à la française, précieuse, courtoise, habitée. _Propos recueillis par Auréliano Tonet

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ASHVILLE, BETHESDA, JÉRUSALEM

Jean-Louis Murat : T’étais allé à Nashville  il y a une quinzaine d’année, toi ? Silvain Vanot : En 1997, au moment de éGérie, mon troisième album. On avait enregistré dans le studio où Neil Young a fait Harvest, et dans la cave d’un des membres de lambchop.  Je logeais dans l’hôtel avec la piscine en forme de guitare, j’avais une chambre sans fenêtre. J’ai fait une dépression là-bas. On devait rester six semaines, on est parti au bout de trois. c’est une ville avec beaucoup de musique, de la bonne, de la mauvaise… J.-L.M. : comme clermont-Ferrand, quoi. Moi, je suis resté huit jours à Nashville. J’ai demandé au patron du studio Ocean Way, un ancien boxeur, de sélectionner les dix meilleurs zicos du coin : il n’a pris que des tough guys, des ex-Marines… Aller là-bas, ça découle  de l’envie de baigner dans une sorte de bain de jouvence, fondateur de ce qu’on est. On est des monstres de fantasmagorie, on a la nostalgie de lieux qu’on n’a jamais connus. On est des croisés sans cause, des croisés sans Jérusalem. S.V. : J’ai enregistré mon nouvel album dans un village du Pays de Galles, à Bethesda, qui a donné son nom au disque. Bethesda, en hébreu, ça signifie « la maison de la grâce », dans la Bible, c’est la piscine de Jérusalem, on m’a dit que c’est aussi une méthode de frottis vaginal… l’endroit m’a rappelé l’Angleterre des années 1970, les fish & chips, les pubs… les gars du coin te racontent qu’ils aiment aller en canoë au milieu du lac pour attendre la tempête. la terre est noire, et dégage une force tellurique. Et puis le gallois est la seule langue que je connaisse qui dispose d’un mot pour Internet. J.-L.M. : T’as une scène celtique à Nashville. le bluegrass, à la base, c’est irlandais. Mais chaque terroir ne génère pas quelque chose d’aussi simple et efficace, et pourtant d’aussi compliqué à jouer, que la country américaine. le folk, par exemple, c’est

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la musique des sous-doués de la country. c’est quand même pas le premier couillon venu qui va s’attaquer à la pedal steel. cet instrument, c’est l’excellence du musicien. le vrai challenge, c’est de placer des mots et des sonorités en langue française sur cette musiquelà. Mettre lagarde et Michard sur chuck Berry, bonjour ! S.V. : Je suis d’accord, c’est ce qui nous réunit, toi  et moi. On est toujours à se balader entre Rome,  du Bellay, d’un côté, et puis Nashville et Memphis,  de l’autre. B.J. cole, qui joue de la pedal steel sur mon disque, c’est un Anglais à la fois obsédé par Hawaï, Nashville et Olivier Messiaen. c’est un maître. OURS, ROSSIGNOL, MÉTAYER J.-L.M. : On a l’impression que t’avais une vie de métayer avant. T’étais métayer ? S.V. : Je suis citadin mais je ne suis né à la campagne. c’est plus facile d’écrire sur des lieux qu’on ne connaît pas. J’ai vu des photos de falaises noires qui font un kilomètre de haut, à Hawaï, ça  m’a sidéré, j’en ai fait une chanson, mais je ne suis pas sûr que la réalité coïncide. J.L.M. : l’un des plus beaux textes de la chanson française, c’est « j’aimerais tant voir Syracuse ». Faut rester au « j’aimerais tant ». Il n’y a que les couillons qui prennent leur sac à dos pour aller voir vraiment Syracuse… S.V. : Moi, j’ai commencé à écrire des chansons en français parce que j’adorais tes textes, Jean-louis.  Il y a des moments si je parle d’animaux… J.-L.M. : Tu penses à moi ? S.V. : Ouais. En plus, t’as changé de façon de  parler des animaux. T’es passé d’un bestiaire disons romantique à un bestiaire vraiment tordu. Alors, quand j’écris Le Mouton à trois têtes, je pense à toi, c’est sûr. J.-L.M. : de toute façon, tout ça nous échappe. Ta voix, Silvain, cette voix angélique qui ne correspond pas au physique – on dirait celle d’un lutin du

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« LE FOLK, C’EST LA MUSIQUE DES SOUSDOUÉS DE LA COUNTRY.» J.-L. MURAT Moyen Âge –, elle t’échappe complètement. Il y  a une sorte de virilité d’adulte dans ta voix parlée,  mais dans ta voix chantée, les graves disparaissent, comme si elle s’était figée en préadolescence.  c’est ce qui en fait le charme imbattable. un ours qui chante comme un roitelet. un ours-rossignol.  Par contre, je déteste ma voix, j’ai l’impression  qu’elle jaillit d’une sorte de bouillie d’être. Je n’ai  pas de répondeur, laisser un message après le bip, c’est un cauchemar. S.V. : Quand j’entends ta voix, je n’entends pas de la bouillie. T’es chanteur, tu sais quand même user de ce registre de voix grave et enveloppant, avec des démarrages plus criés, des moments de crissement, qu’aiment parfois les jeunes filles… BAISE, SYNTAXE, COURTOISIE J.-L.M. : l’amour, c’est le triomphe de la bonne éducation, de la syntaxe. Il ne peut y avoir de baise réussie entre des gens mal élevés. Quand je me laisse aller à écrire sur ce sujet-là, j’aime retomber sur des termes de courtoisie, une espèce de préséance, une liturgie des sentiments. J’aime vouvoyer les filles, comme dans les traités de bonnes manières, où l’on apprend aux hommes comment se comporter pour que l’amour soit plus fort que la mort. S.V. : Se réclamer de la poésie, de la courtoisie, c’est de la coquetterie selon certains, mais moi,  ça me va très bien. Quand tu lis Ronsard à 16 ans, ça marque. J’aime beaucoup J’t’emmerde de Mc Jean Gab’1, mais tu ne vas pas bâtir toute une carrière sur une flopée d’insultes bien senties.  de même qu’en musique, tu vas du murmure au larsen, dans l’écriture des textes, la dynamique,  ça existe aussi. J.-L.M. : la Boétie, Ronsard, Montaigne : la langue française a pris forme lorsque l’amour divin, qu’on trouve plutôt dans le latin, passe à l’amour païen. le français, c’est la langue de l’amour mais aussi de la diplomatie, dire une chose pour une autre, dire « vous avez de beaux yeux » pour dire « vous avez un beau cul ». Et nous, tristes héritiers, on se retrouve avec ça.

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98 DOSSIER /// JEAN -LOUIS MURAT / SILVAIN VANOT

Le musicien Silvain Vanot

DÉBIT, DÉBUTS, ÉBATS S.V. : à un moment donné, j’ai pensé que je n’allais plus faire de disques sous mon nom, je faisais beaucoup de musiques pour des docus, etc. Quand j’ai commencé à réécrire des chansons, c’était soit pour d’autres, soit parce que c’est plus fort que moi. Je les ai maquettées en solo, puis j’ai repris goût à faire de la musique en groupe. J’ai l’équivalent d’un double vinyle de chansons qui ne sont pas sorties, mais je ne me mesurerais pas au débit de Jeanlouis, qui est légendaire… J.-L.M. : Je n’en tire aucune gloriole, c’est un peu une maladie. Avant d’enregistrer mon premier album, Cheyenne Autumn, j’avais déjà l’équivalent de 600 chansons… S.V. : J’étais prof à l’époque, j’essayais de me faire signer tant bien que mal. un jour, mes démos sont arrivées chez toi par un biais, disons, amical... J.-L.M. : J’ai reçu une cassette d’un mec qui s’appelle dominique A, et puis un an après, celle d’un mec qui s’appelle Miossec, mais je n’ai réagi que sur la tienne. à part cette misérable camille, tu es le seul sur lequel j’ai vraiment insisté auprès des labels. S.V. : Peu après, en 1995, on a fait la tournée ensemble, c’était difficile, mais j’ai beaucoup appris. Je me souviens que tu engueulais tout le monde sauf moi. Et puis les concerts étaient filmés… J.-L.M. : le film ne sortira jamais, à cause d’un problème de droits. T’as vu qu’ils sortent le dVd de Woodstock en version longue, avec les concerts  de creedence et du Grateful dead ? Encore un  peu, et on verra la prestation de Neil Young… S.V. : Il paraît que son gros truc à Neil Young en  ce moment, c’est de développer un moteur à  eau écolo… Il a plusieurs maisons remplies de trains miniatures, aussi. J.-L.M. : Moi, celui qui me bouleverse encore, c’est dylan. Son avant-dernier disque est l’un de ses meilleurs : un flow à la Snoop dogg, les nanas qui se détachent, le trombinage qui s’éloigne, l’humilité d’un mec qui perd sa virilité et réalise qu’avec les filles, le ticket commence à ne plus être valable. une telle honnêteté, ça amène quelque chose  de tout à fait neuf, je trouve.

Le Cours ordinaire des choses de Jean-Louis Murat (Polydor) // Bethesda de Silvain Vanot (Cooperative Music) NOVEMBRE 2009

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BOUDOIR ÉBATS, DÉBATS, CABAS : LA CULTURE DE CHAMBRE A TROUVÉ SON ANTRE

« JE SUIS SOULAGÉ, ET PLUTÔT FIER : C’EST LE PLUS LONG LIVRE QUE J’AI JAMAIS FAIT. ÇA M’A PRIS QUATRE ANS DE MA VIE. » ROBERT cRuMB P.108

DVD-THÈQUE

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CD-THÈQUE

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MICHAEL HANEKE, entre le brûlant et le glacial

Les chansons de traverse de RACHID TAHA

BIBLIOTHÈQUE SERGIO GONZÁLES RODRÍGUEZ, face à la barbarie

BD-THÈQUE La Genèse selon ROBERT CRUMB

LUDOTHÈQUE Les tandems transgenres de Borderlands

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102 LE BOUDOIR /// DVD-THÈQUE

SAcRÉS MORCEAUX HANEKE, ENTRE LE BRûLANT ET LE GLACIAL Cet automne, la sortie d’un coffret 9 DVD et une rétrospective à la Cinémathèque française permettent d’appréhender dans son intégralité l’œuvre implacable de MICHAEL HANEKE, tout juste auréolé d’une Palme d’or pour Le Ruban blanc. _Par Serge Toubiana, directeur de la Cinémathèque française

Michael  Haneke  est  un  cinéaste  du  plan  et  du deux autres motifs qui traversent le cinéma du réalisateur morcellement. Son premier film de cinéma, Le Septième autrichien. les apparences sont visibles, réelles, organisées, Continent (1989), est ainsi découpé en trois parties, qui tout en cachant une sorte de logique secrète, une dessinent l’espace et le temps d’une histoire tirée d’un mathématique mystérieuse à laquelle les êtres n’ont fait divers. la famille Schober décide de se suicider. une pas directement accès. Avec Code inconnu (2000), vie bien rangée, méthodiquement détruite et anéantie. Haneke entreprend son premier film en France produit Pas d’ennemi extérieur, sinon celui invisible qui ronge par Marin Karmitz et Alain Sarde, avec lesquels il de l’intérieur la cellule familiale. l’ennemi, réalisera  également La Pianiste (2001). l’autre, apparaît de manière clinique dans Au fondement de Code inconnu, moins le Funny Games (1997). Toujours la famille : sentiment de révolte ou de colère, que ce elle se nomme encore Schober, cellule de qu’on appelle la montée d’adrénaline : base du cinéma de Haneke. le Mal se met la poussée incontrôlée qui fait que les littéralement en scène, par les mots, les personnages sont au bord de l’explosion. gestes ou les actes. Par le son également : la distanciation est au cœur du dispositif voir ce moment précis où les aboiements filmique. Code inconnu et Caché (2005) du chien s’arrêtent net, laissant le spectateur Coffret Michael Haneke constituent une sorte de diptyque. Caché 9 films (9 DVD, MK2 éditions, deviner la scène de violence qui vient déjà disponible) montre ou dévoile la double face de la de se dérouler hors-champ. cette mise à réalité : tranquille et menaçante. l’image l’épreuve, physique et morale, interpelle le spectateur et cache autant qu’elle montre. Elle est source d’oubli, le dérange. à lui de trouver sa place, ce qui est en soi autant qu’elle peut être à l’origine de la mémoire un acte de résistance au pouvoir des images. et du souvenir. Entre les deux films, il y a La Pianiste, œuvre d’une densité incroyable, concentrée en elledans l’intervalle, Haneke réalise deux films importants : même, telle une véritable partition. c’est l’occasion Benny’s Vidéo (1992) et 71 Fragments d’une chronologie pour Haneke d’établir une sorte de parallèle entre du hasard (1994). Benny’s Vidéo est une matrice qui l’expression musicale et celle du sentiment amoureux. dit assez clairement ce que le cinéaste pense de la le personnage qu’interprète magnifiquement Isabelle culpabilité et de l’aveu. l’image n’est pas la réalité du Huppert est tiraillé par les extrêmes : d’un côté une monde mais ce qui nous en éloigne. dans 71 Fragments..., intellectualité froide et glaciale, de l’autre une hyperle réel apparaît encore morcelé, sec dans sa forme sensibilité  doublée  d’une  exigence  absolue,  qui  la brève et bien sûr stylisée. Hasard et déterminisme sont pousse à rechercher la perfection.

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« DANS BENNY’S VIdEO, L’IMAGE N’EST PAS LA RÉALITÉ DU MONDE, MAIS CE QUI NOUS EN ÉLOIGNE. » En 2003, Le Temps du loup déploie à l’échelle du monde, sur le mode de la métaphore et de la catastrophe généralisée, le scénario clinique de Funny Games. le monde va à sa perte, il suffit dès lors d’en saisir les  états  de  délabrement,  où  chacun  devient  un réfugié virtuel, un rescapé, un être déraciné renvoyé à son statut le plus sommaire. En 2007, Haneke se prend au jeu de réaliser en Amérique le remake de Funny Games – ce sera Funny Games U.S. copie conforme du précédent, plan par plan. ce qui motive le réalisateur, c’est sans doute de porter au cœur même du cinéma américain sa problématique du Mal et de la violence, et leur questionnement. comme une greffe esthétique et morale plantée au cœur même du cinéma spectaculaire. Retrouvez le texte intégral de Serge Toubiana sur www.cinematheque.fr Rétrospective à la Cinémathèque française jusqu’au 22 novembre, www.cinematheque.fr

LE COFFRET ALLAN DWAN (CARLOTTA)

ce touche-à-tout de l’âge d’or hollywoodien a signé plus de 1000 films ! On se régale ici du Technicolor flamboyant des années 1950 : film noir (Deux rouquines dans la bagarre), aventure exotique (Le Rubis du prince birman, La Perle du pacifique sud) et western (Quatre étranges cavaliers, Le mariage est pour demain, Tornade, La Reine de la prairie). _J.R.

LE COUP DE CŒUR DU VENDEUR WALDEN

DE JONAS MEKAS (RE:VOIR)

Figure de l’underground new-yorkais, proche d’Andy Warhol, Jonas Mekas  se promène depuis les années 1950 avec une Bolex, petite caméra pratique à emporter n’importe où. Filmant à la moindre occasion les êtres et les choses qui l’entourent, ce cinéaste a réuni une partie de ses images dans une sorte de journal intime filmé intitulé Walden. Accélérant ou superposant les plans,  y ajoutant musique, sons et voix, cette œuvre,  qui peut être qualifiée d’expérimentale, est tout simplement une ode magnifique et monumentale  à ce qui nous entoure, à ce qui est. _Florian Guignandon, vendeur à la boutique du MK2 Quai de Seine

_Par J.R.

DVD LES VACANCES DE MONSIEUR HULOT DE JACQUES TATI (LES FILMS DE MON ONCLE)

Pendant les vacances d’été, un grand maladroit sème la pagaille sur la côte atlantique : monsieur Hulot s’offre une nouvelle jeunesse avec cette version remarquablement restaurée et agrémentée de délicieux bonus surprise. Aussi drôle qu’indispensable.

SUNSHINE CLEANING DE CHRISTINE JEFFS (MK2 ÉDITIONS)

dans la vaste famille du cinéma indépendant u.S., christine Jeffs  est une auteure à suivre. Avec intelligence et légèreté, elle sonde ici les affres d’une famille en rupture avec le modèle classique, où deux sœurs fauchées se lancent dans le nettoyage de scènes de crime…

FAUSTA

DE CLAUDIA LLOSA (JOUR 2 FÊTE)

Fausta souffre du syndrome du « lait de la douleur » : sa mère fut violée lorsqu’elle était enceinte, dans un Pérou en guerre civile. Pour s’en libérer, la jeune fille chante en quechua ce traumatisme inné… une œuvre rare et sensible, Ours d’or à Berlin. NOVEMBRE 2009


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BON VENT LES CHANSONS DE TRAVERSE DE RACHID TAHA D’Oran à Paris ou New York, les exils de RACHID TAHA n’ont cessé de nourrir et d’aérer son écriture. Rencontre de styles, de lieux et de langues, son nouvel album, Bonjour, creuse cette veine subtilement traversière. _Par Francis Dordor

Qu’il s’agisse de parcours politique ou d’orientation et inspirés. de l’album électro Olé Olé en 1996 à Diwan musicale, on parle beaucoup de «crossover» ces tempsdeux ans plus tard, où il rend hommage à la variété ci. Or, rarement cet anglicisme n’aura été plus conforme arabe de son enfance, il va tirer profit du constant à son sens premier de «traversée» qu’à propos de Rachid décalage que lui impose sa condition d’« oriental Taha, chanteur au long cours et heureux rescapé des désorienté ». N’oubliant pas de prendre au passage, infortunes de l’immigration algérienne. lorsque, à la fin comme sur Voilà Voilà, des positions toujours percutantes des années 1960, il quitte son village de Sig, aux abords sur ce qui n’a jamais cessé de travailler la société d’Oran, pour rejoindre son père venu travailler dans française : son difficile rapport aux autres, sa réticence un complexe sidérurgique du nord de la à leur tolérer une place. Rachid, lui, se sera France, Rachid ignore que ce passage d’une finalement créé la sienne. Il se sera inventé rive à l’autre de la Méditerranée va revêtir un  espace  d’expression  original,  sans une telle importance dans sa vie, et fera équivalent, qui lui vaut d’avoir été sollicité de lui tout à la fois un déraciné, un citoyen pour  diverses  collaborations  par  des du monde et un artiste. Il semble pourtant musiciens d’envergure internationale tels évident,  le  connaissant  aujourd’hui,  que que Patti Smith, l’ex-guitariste de clash Mick son inextinguible curiosité le prédestinait Jones, l’ancien chanteur de led Zeppelin à transformer cet arrachement primordial Robert Plant ou le célèbre producteur Brian Bonjour en une expérience féconde et créatrice. Eno. de Rachid Taha (Barclay/Universal)

Qu’il ait été dans les années 1980 à l’origine d’un croisement entre le rock, le funk et le raï, notamment avec  son  premier  groupe,  carte  de  Séjour,  n’a  rien d’étonnant. Plutôt que de s’interdire ses multiples enthousiasmes, comme on retrancherait des parties de soi-même afin de se conformer à un environnement culturel dominant, Rachid va au contraire chercher à les fructifier, confrontant en lui-même Oum Kalsoum et Joy division, Farid El Atrache et James Brown. lancé en solo, il ne cessera dès lors de mener sa musique dans une succession de méandres à la fois déroutants

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Au cours de ces trente dernières années, Taha s’est retrouvé à l’intersection de si nombreux chemins musicaux qu’il nous semble presque superflu de devoir toujours invoquer à son propos les vieilles lunes de l’exil et de la souffrance que celui-ci nourrit. Sauf que l’intéressé n’a jamais cessé d’y puiser son inspiration. Qu’il y revient comme un drôle de zèbre à un point d’eau. Il continue à en tirer la substance d’émotions uniques et de réflexions capables d’alimenter les nôtres. Faisant écho à ce proverbe arabe qui nous dit que la question des origines est à l’origine de toutes

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« TAHA TIRE PROFIT DU CONSTANT DÉCALAGE QUE LUI IMPOSE SA CONDITION ‘‘D’ORIENTAL DÉSORIENTÉ’’. » les  questions,  nombreuses  sont  ses  chansons  qui ainsi s’interrogent. à commencer par celle qui l’aura rendu célèbre partout dans le monde au milieu des années 1990, Ya Rayah, hymne universel de l’exil qui fut n°1 au liban, en Israël, en colombie et en Iran. dans cette reprise d’une composition du chanteur de chaâbi dahmane El Harrachi, Rachid demandait «où vas-tu ?». douze ans plus tard, dans un extrait de son 8e et nouvel album, Bonjour, il demande cette fois «d’où viens-tu?» (Mine Jaï). comme si pour lui, de l’identité à la création, rien ne saurait être immobile, et que la « traversée » n’a d’autre but que d’être poursuivie. « Si je suis encore là après trente ans, résume-t-il, si j’enregistre encore des disques et donne des concerts, c’est parce que j’ai appris qu’il fallait se reconstruire à chaque fois, se remettre en cause en permanence. »

TRÉSOR CACHÉ HIGHER THAN THE STARS DE THE PAINS OF BEING PURE AT HEART (SLUMBERLAND / DIFFER-ANT)

Popularisée à la fin des 80’s par  The Pastels ou Field Mice, la pop « anorak » reprend des couleurs.  Après les Tenniscoats le mois dernier, The Pains of…, méconnu groupe de Brooklyn, en actualise le propos sur ce merveilleux EP : mélodies arc-en-ciel, parapluie synthétique, cœurs purs, voix cristallines. Vivement la prochaine averse ! _A.T

LA RÉÉDITION DOLLY DE DOLLY PARTON (SONY MUSIC)

Icône vivante de la country à Nashville, idolâtrée par Jack White, Patti Smith ou Norah Jones, Parton jouit chez nous d’une réputation assez lamentable. la faute à ses choucroutes platine, son prénom  de Barbie, sa poitrine opulente ?  ce coffret 4 cd répare l’erreur : entre perles cachées (Don’t Drop Out, Gonna Hurry) et incunables (Jolene, Dumb Blonde ou le standard I Will Always Love You, dans sa sublime version originale), dolly s’affirme comme l’une des plus émouvantes chanteuses  et compositrices du siècle dernier. _A.T.

_Par A.T.

CD CHAMBER MUSIC DE BALLAKÉ SISSOKO ET VINCENT SEGAL (NO FORMAT / UNIVERSAL JAZZ)

un joueur de kora malien et un violoncelliste parisien se retrouvent, minuit passé, dans une chambre noire – une caverne d’Ali Baba, devrions-nous dire, tant le disque qui en résulte est un trésor de virtuosité discrète. Accord parfait.

CLAIR DE JP NATAF (TÔT OU TARD)

cinq ans après son premier chefd’œuvre solo (Plus de sucre), l’exInnocent démontre une nouvelle fois que d’enchevêtrements sophistiqués (arabesques mélodiques, entrelacs de guitares, mots de passe) peut venir la clarté. une réussite limpide.

A STRANGE ARRANGEMENT DE MAYER HAWTHORNE (STONES THROW)

Grandi à detroit, cet étrange garçon rend hommage sur son premier album à ses idoles r’n’b (curtis Mayfield, Isaac Hayes, Motown). Plus qu’un élégant exercice de style vintage, voici le  « mayer » disque de soul de 2009, sans hésitation.

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106 LE BOUDOIR /// BIBLIOTHÈQUE

PERDRE LA TêTE SERGIO GONZáLEZ RODRíGUEZ, FACE à LA BARBARIE Au Mexique, le narcotrafic a remis au goût du jour une pratique ancestrale : la décapitation. Avec L’Homme sans tête, le journaliste SERGIO GONZÁLES RODRÍGUEZ s’est penché sur ce nouveau phénomène. Bienvenue en enfer. _Par Bernard Quiriny

le journalisme n’est pas un long fleuve tranquille, surtout quand il s’attaque à des sujets dangereux. chacun se souvient de l’assassinat d’Anna Politkovskaïa en Russie ou, plus récemment, de la mort du réalisateur christian Poveda au Salvador, où il enquêtait sur les gangs criminels. le Mexicain Sergio González Rodríguez est de cette trempe. En juin 1999, il est embarqué dans un taxi, tabassé au pic à glace, menacé de mort et laissé dans la rue à demi-inconscient, avec un hématome au cerveau qui lui laissera de graves troubles de la mémoire. Sa faute : avoir enquêté sur les meurtres de ciudad Juárez, ville d’un million d’habitants à la frontière texane, gangrenée par la prostitution, la corruption et la drogue.

chez les artistes, outre un (mauvais) film de Gregory Nava (Les Oubliées de Juárez), les meurtres ont inspiré Roberto Bolaño dans son roman-monstre, 2666. de son côté, Sergio González Rodríguez a publié Des os dans le désert, long reportage qui réactive la vieille tradition du journalisme littéraire, celle des Truman capote, Norman Mailer et autres Ryszard Kapuściński, en y ajoutant une pincée de James Ellroy. Incroyable plongée dans le Mexique contemporain, ce livre décrit un système  pourri  jusqu’à  la  moelle,  avec des narcotrafiquants tout-puissants, des flics totalement dépassés (le taux moyen d’élucidation des crimes tourne autour de 3%), des politiciens véreux qui pactisent avec les voyous et une jeunesse dépravée pour qui la misogynie et la violence sont là-bas, depuis 1993, on a découvert 500 L’Homme sans tête les règles ordinaires de la vie en société. de Sergio González cadavres de femmes violées, sans compter Rodríguez (essai traduit les dizaines de disparues dont les corps ont de l’espagnol, Passage Au milieu de ce naufrage, une pratique du Nord-Ouest) sans doute été dissous à l’acide dans les ancestrale fait aujourd’hui son grand retour : campagnes. cet incroyable massacre est considéré la décapitation. chaque semaine, les journaux annoncent comme le fait divers le plus dramatique des temps de nouveaux corps décapités au Yucatán, à Tijuana modernes. Serial killers, meurtres rituels, viande humaine ou à Juárez ; parfois, on ne retrouve que les têtes, comme pour les partouzes des barons de la drogue, snuff ce soir de septembre 2006 où quinze faux-flics déboulent movies ? Personne n’a résolu l’énigme, même si la dans une boîte d’urupapán et font rouler cinq têtes justice mexicaine a envoyé en prison un bouc-émissaire sur la piste de danse, comme au bowling… c’est à ce pour calmer les foules… Sur le terrain, les criminologues phénomène que s’intéresse González Rodríguez dans rivalisent d’hypothèses ; même Robert K. Ressler, le L’Homme sans tête, un essai qui tient à la fois du mythique profiler du F.B.I., s’est intéressé à l’affaire. reportage,  de  la  réflexion  philosophique  et  de  la

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« À CIUDAD JUÁREZ, DEPUIS 1993, ON A DÉCOUVERT 500 CADAVRES DE FEMMES VIOLÉES. » confession littéraire. « En 2008 ont eu lieu plus de 5 000 exécutions, raconte-t-il, soit une moyenne de 17 meurtres quotidiens. 312 corps étaient porteurs de messages criminels et 170 avaient été décapités. Si l’on mettait les têtes coupées bout à bout, on atteindrait la hauteur de l’Ange de l’Indépendance à Mexico : 35 mètres. » Partant de la situation mexicaine, González Rodríguez remonte aux origines rituelles de la décapitation et décrypte sa signification symbolique, convoquant l’art, la philosophie, l’histoire et l’actualité, de la guillotine révolutionnaire aux décapitations d’Al-Qaeda. Saisissant et mélancolique, ce livre est à la fois une peinture de la dérive sociale de l’Amérique du Sud et, plus largement, une méditation troublante sur l’état du monde en ce début de millénaire, moins éloigné qu’on l’imagine des barbaries ancestrales. Effrayant.

LE CINÉ LIVRE ÉROTISME ET CINÉMA

DE GÉRARD LENNE

(LA MUSADINE, ESSAI)

Avec ferveur, le journaliste déshabille le cinéma mondial, du premier baiser au premier nu (Hedy lamarr dans Extase), de Russ Meyer à Ovidie. Histoire de la censure, évolution des mœurs, sex-symbols : une réflexion sans langue de bois, agrémentée de quelque 600 photographies. _J.R.

LE COUP DE CŒUR DE LA LIBRAIRE VERS L’AUBE DE DOMINIC COOPER (MÉTAILIÉ, ROMAN)

Avec ce deuxième roman traduit en français, l’écrivain écossais dominic cooper nous entraîne dans la quête désespérée d’une sortie du chaos où s’est enfermé, sa vie durant,  le personnage principal, Murdo Munro, forestier. En prise avec une nature violente et imprévisible, miroir des errements et tourments du héros, ce roman est le portrait magnifique d’un homme au seuil de la vieillesse, déchiré par la douleur, la culpabilité et la honte. _Pascale Dulon, libraire au MK2 Bibliothèque

_Par B.Q.

LIVRES LES IDÉES ET LES INVENTIONS QUI ONT CHANGÉ LE MONDE DE JAVIER ORDÓÑEZ (ROUERGUE, BEAU-LIVRE)

de l’astrolabe au sous-marin, du boulier à la vaccination, de Galilée  à lord Kelvin, Javier Ordóñez passe en revue 1000 ans d’inventions et d’idées dans ce beau-livre aux illustrations très soignées, véritable catalogue commenté du génie humain à travers l’histoire.

L’ADVERSAIRE

D’EMMANUEL CARRÈRE

(FOLIO, COFFRET)

Très chic, la douzaine de coffrets où Folio rassemble un roman et le dVd de son adaptation à l’écran, avec un livret d’analyse signé par un spécialiste. Au programme, Kessel / Buñuel (Belle de jour), Ballard / cronenberg (Crash) ou encore carrère / Garcia (L’Adversaire)…

SAINTE FAMILLE DE JEAN FORTON (FINITUDE, ROMAN)

discret mais excellent romancier bordelais, Jean Forton (1930-1982) est à redécouvrir à travers plusieurs rééditions récentes, dont cette succulente Sainte famille où il  met en scène une brave famille bourgeoise aux prises avec un escroc illuminé. NOVEMBRE 2009


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Planches extraites de La Genèse de Robert Crumb

SAcRÉ CRUMB LA GENÈSE SELON ROBERT CRUMB Immense dessinateur libertaire, ROBERT CRUMB revient là où l’on n’attendait pas, avec une adaptation méticuleuse de La Genèse. Son plus bel album ? Entretien avec un dieu vivant de la BD. _Propos recueillis par Joseph Ghosn (www.menstyle.fr)

La Genèse aurait pu être un livre de cul. car Robert dessinées qu’il soit donné de regarder, évoquant à la crumb a longtemps hésité avant d’adapter ce livre : fois des gravures classiques et un vieux comics des il pensait plutôt à Ma vie secrète, un ouvrage culte années 1930, méticuleusement réalisé. le sens du narrant les histoires de fesses d’un auteur anglais détail, de la construction, des dynamiques entre les anonyme de la fin du xIxe siècle. Mais sa raison en a personnages et les situations : crumb parvient à rendre décidé autrement. Et il a sans doute bien incroyablement riche un texte que l’on fait : l’effet de surprise aurait été moindre et pensait poussiéreux. une fois plongé dans on se serait moins choqué de voir crumb son œuvre quasi hypnotique, on n’a vraiment s’attaquant à un livre de cul biblique plutôt plus envie d’en ressortir. En même temps que qu’à  la  Bible  elle-même,  qui  est  bien  le sort La Genèse, on édite aussi une première dernier territoire où l’on pensait le retrouver. anthologie d’American Splendor du scénariste Après tout, venu à la bande dessinée dans Harvey Pekar. dans ce livre, on trouve plusieurs les années 1960 en créant des histoires à Bd dessinées par crumb pour Pekar dans teneur autobiographiques habitées par les années 1970 : une lecture indispensable, une forte tension sexuelle, crumb est le d’une époque où crumb était déjà à l’un modèle des dessinateurs libertaires, des des sommets de son art visuel. auteurs ayant réussi à dépasser dès leurs Comment vous sentez-vous depuis la fin premiers travaux toute notion ou idée de La Genèse du travail sur La Genèse ? classicisme et de formatage pour aller vers de Robert Crumb une bande dessinée différente, personnelle, (Denoël Graphic) Ça m’a pris quatre ans de ma vie, je n’y aux marges de l’intime et de l’obsessionnel. croyais pas en faisant la dernière page. Je En peu de mots, il est le père spirituel de chris Ware, suis soulagé, et plutôt fier, puisque c’est le plus long daniel clowes, charles Burns, Blutch, dupuy & Berberian livre que j’ai jamais fait, excepté The Yum Yum Book, et quelques autres. la Bible, donc, n’était pas le matériau que j’avais dessiné à 19 ans. Ça faisait des années le plus évident pour lui, au vu de son œuvre. certes, que je tournais autour de l’histoire d’Adam et ève, dont crumb a déjà adapté des tranches de vie, mais elles j’avais eu envie de faire une version parodique, une concernaient essentiellement des bluesmen mythiques, satire. Mais en lisant la Genèse, je me suis rendu compte comme charley Patton, aux existences dissolues, relevant à quel point l’histoire était forte, qu’elle n’avait pas pratiquement de la légende. Pour autant, sa Genèse besoin d’être modifiée et qu’elle ferait une bande est, essentiellement, l’une des plus belles bandes dessinée idéale. les premières parties de la Genèse NOVEMBRE 2009

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« EN LISANT lA GENèSE, JE ME SUIS RENDU COMPTE À QUEL POINT L’HISTOIRE ÉTAIT FORTE, QU’ELLE N’AVAIT PAS BESOIN D’ÊTRE MODIFIÉE. » se prêtent très fortement à des images dessinées. Et puis,  mettre  tout  cela  en  image  était  aussi  une manière de rendre le texte plus fort, en mettant en exergue visuellement tout ce qui s’y déroule et qui y est raconté, notamment ce qui concerne Adam et ève ou le déluge.  Avez-vous pu travailler sur d’autres choses pendant ces quatre années ? de temps en temps, j’ai pu travailler sur d’autres petites choses, des couvertures de cd, des bandes dessinées avec ma femme Aline pour le New Yorker…

LA RÉÉDITION GIL JOURDAN, L’INTÉGRALE, VOL.2 DE MAURICE TILLIEUX (DUPUIS)

deuxième volet de cette merveilleuse intégrale, où l’on suit les aventures  du détective privé le plus stylé des années 1950 et 1960, sorte de Tintin adulte, légèrement cynique, élevé à la Humphrey Bogart et dessiné dans une ligne claire acéré par son auteur, le grand Maurice Tillieux. _Jo.Gh.

L’ALBUM JEUNESSE LE PROBLÈME AVEC LES LAPINS D’EMILY GRAVETT (KALÉIDOSCOPE, À PARTIR DE 5 ANS)

Ah ah ! la suite de Fibonacci,  l’une des plus célèbres suites mathématiques du xIIIe siècle, à l’origine d’un album pour enfants ? certes, mais ce n’est PAS un livre  sur les mathématiques, c’est un livre sur les lapins. Beaucoup de lapins… Enormément de lapins ! le problème de départ : « Si on met un couple de bébés lapins dans un champ, combien de couples de petits lapins aurons-nous : a) à la fin de chaque mois ? b)  au bout d’un an ? » un livre absolument délirant, drôle, une démultiplication de lapins donc, au cours des douze mois de l’année, avec un final époustouflant. _Sophie Quetteville, libraire au MK2 Quai de Seine

Il y a eu d’autres adaptations en BD de la Genèse. Les connaissiez-vous ? _Par Jo.Gh.

J’en connais plusieurs et elles sont toutes très mal faites,  notamment  celles  des  comics  des  années 1950. les auteurs de ces adaptations créaient leur propre narration, inventaient le texte, faisaient des raccourcis.  Ils  étaient  obligés  de  procéder  ainsi, sinon ils auraient dû faire comme moi : adapter tous les détails, garder chaque mot. J’ai illustré la Genèse, je ne l’ai pas adaptée, même si j’ai été forcément obligé de faire des choix visuels, parce qu’il y a beaucoup de choses implicites et c’était à moi de décider comment les montrer. Par exemple, la Genèse ne dit jamais ce qui est mauvais dans Sodome et Gomorrhe. à  moi  de  décider  quoi  montrer,  dans quel sens interpréter. Et je ne voulais pas interpréter de manière trop libérale, je voulais rester le plus proche du texte possible. Et pour cela, j’ai dû beaucoup me documenter, rechercher à quoi ressemblaient les gens à l’époque, etc. Mais mes références viennent aussi de vieux films d’Hollywood que j’ai regardés avec beaucoup d’attention. dans des films comme Les Dix Commandements de cecil B. de Mille, les costumes sont très détaillés, très travaillés et ils m’ont beaucoup servi pour dessiner. Je voulais être authentique, mais pas trop non plus. Vous avez publié des carnets, des livres faits à partir de dessins sur des nappes de restaurant. Est-ce que vous appréciez encore le dessin quotidien ? Oh non, je ne dessine plus tous les jours… Mais ça reviendra peut-être. American Splendor d’Harvey Pekar, Robert Crumb, et al. (Çà et là)

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BD LE VAGABOND DE TOKYO DE TAKASHI FUKUTANI (LE LÉZARD NOIR)

cette série géniale, datant des années 1980, déroule l’histoire autofictionnelle de son auteur, dans un Tokyo où,  pour survivre, on se retrouve dans  des situations effarantes et drôles,  à côtoyer des travestis et des clodos magnifiques, au détour de restaurants improbables.

LES LARMES D’EZECHIEL DE MATTHIAS LEHMANN (ACTES SUD BD)

le nouveau livre du jeune Matthias lehman est une vraie réussite narrative, touchante et profonde, même si  on aurait aimé voir son histoire se développer davantage, tant cet auteur parvient à captiver, grâce  à des constructions somptueuses, graphiquement revigorantes.

MISERY LOVES COMEDY D’IVAN BRUNETTI (CAMBOURAKIS)

copain de chris Ware, auteur de Bd hilarantes et cyniques, Brunetti se met  ici en scène avec une violence rare, se moquant de ses échecs sexuels, de sa vie qu’il dit ratée. Mais lorsqu’on est l’auteur d’un livre aussi dense, mal coiffé et saillant, on a tout sauf raté sa vie.


110 LE BOUDOIR /// LUDOTHÈQUE

cOuPS DOUBLES LES TANDEMS TRANSGENRES DE BORDERLANDS Titre multi-joueurs et bâtard, à la croisée du RPG (jeu de rôle) et du FPS (tir à la première personne), Borderlands mène les gamers à la baguette avec une aventure sans frontières, où l’on distribue les pains entre copains. _Par étienne Rouillon

« Eh dis, j’ai reçu un super jeu de courses de bagnoles, de l’histoire du jeu vidéo en mélangeant avec évidence par contre, ça sert à rien que tu viennes à la maison, le tir à la première personne («First Person Shooter» aka on peut pas y jouer à deux… » Voilà le tribut à payer FPS) et le jeu de rôle (« Role Playing Game » alias RPG). avec les consoles de nouvelle génération, la faute à comme dans les jeux massivement multi-joueurs, on la connexion Internet dont elles sont douées. Puisque choisit d’incarner un archétype : la brute lente mais l’on peut tirer sur tout ce qui joue à l’autre puissante, le sniper fragile mais distant, le bout  de  la  planète  via  les  tuyaux,  les soldat lambda mais brave, la voleuse sexy concepteurs  de  galettes  ludiques  ont mais très sexy. S’enchaînent alors des quêtes changé leur recette : partager une partie tout aussi peu écrites qu’un ersatz coréen de  visu  avec  un  compagnon  de  joute d’épopée médiévale en ligne : « Vas me devient optionnel, sinon inutile. Alors, faute décapiter trucmuche parce qu’il m’a tiré de mieux, on s’invective par micros interposés des billes », « ramasse moi cinquante sabots en oubliant le traditionnel coup de coude de sanglier sauvage ambidextre, je trouverai pernicieux dans l’épaule du voisin pour qu’il bien quoi en faire… » loupe son virage. un tournant navrant qui a le mérite de mettre en avant les initiatives Pourtant, Bordelands sait  faire  parler  la hors-pistes. Borderlands est de celles-là : un poudre sans nous la jeter aux yeux. Non jeu qui traverse hors des clous en vaporisant content d’associer le RPG au FPS, il affirme toutes les limites du divertissement à plusieurs. Genre : FPS / RPG une structure transgenre en utilisant la éditeur : 2K Games Ici, en effet, on est prié de convier un ami sur Plateforme : PC, PS3, X360 technique graphique du « cel-shading » la banquette du banquet ludique... (accentuation des contours pour donner un style «dessin animé»), souvent réservée à des productions dans  un  univers  post-apocalyptique,  qui  emprunte plus enfantines. Mieux, il mise sur la coopération en autant à la série des Fallout qu’à celle des films Mad écran splité (les joueurs se partagent un unique écran Max, quatre chasseurs de trésors partent à la recherche divisé en autant de parties qu’il y a de participants) d’un  hypothétique  artefact  extraterrestre  qui  leur là où l’on attendrait une entreprise solitaire. cette offrirait gloire, prospérité et… « des fiiiiiilles ». Ne tournez dimension multi-joueur nous branche sur une multipas la page, malgré un scénario qui tient sur un post- emprise électrisante. le tireur expérimenté prendra alors it double face, Borderlands ouvre un nouveau tome soin de protéger son coéquipier myope, qui préfère

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« BORdElANdS SAIT FAIRE PARLER LA POUDRE SANS NOUS LA JETER AUX YEUX. » loucher avec avidité sur tous les objets cachés qu’il ne manquera pas de partager. les déserts westerns de la bien nommée Planète Pandore regorgent en effet de boîtes à ouvrir pour récupérer d’innombrables armes ou armures disponibles. Et c’est un plaisir inédit que de pouvoir montrer l’écran du bout de l’index pour s’adresser au camarade de chasse : « Et là-bas, t’es allé fouiller ? Contourne les affreux par ici, je t’attends plus loin. » On n’avait pas autant sué sur les gâchettes depuis le GoldenEye 007 sur Nintendo 64 (1997). le bestiaire convoqué décline toute une myriade de « skags », probables bâtards d’un tatou blindé et d’une louve herculéenne, à laquelle s’ajoutent des mercenaires si ravagés qu’ils doivent trinquer à l’acide de batterie. Sous les balles et les crocs, on canne souvent mais la béquille du compagnon d’arme vous tirera souvent des limbes. dans Borderlands, deux doigts gardent la main.

L’ACCESSOIRE LA FABULEUSE HISTOIRE DU JEU VIDÉO (DVD) ceux qui en font toute une histoire oublient souvent que le jeu vidéo  à une histoire propre. Racontée  avec intelligence par l’acteur lorànt deutsch, elle débute en 1972 avec Pong et s’écrit toujours en 2009 avec la « next gen’ ». un documentaire qui démontre que les jeux de mains sont des jeux malins. _E.R // 104 min. Disponible sur www.digitalboutik.fr au prix de 15 €

L’ADAPTATION SAW (KONAMI, SUR PC, PS3, X360)

un jeu rouge hémoglobine qui ravive votre fibre verte : on joue à Saw lumières éteintes et chauffage coupé, pour laisser souffler sur sa nuque le froid effroi des conspirations du serialpuzzler Jigsaw. dans la peau du détective david Tapp, on maltraite  son épiderme à mesure que l'on survit aux épreuves morbides : plonger son bras à la recherche d'une clef dans une cuvette de toilettes remplie de seringues usagées, marcher pieds nus sur des tessons de bouteilles... Réservé à un public plus qu'averti et amateur de la saga cinématographique, Saw est  une réussite inattendue, dont on sort un rien tendu. _E.R. // Sortie le 19 novembre

_Par E.R.

JEUX STOKED (ZUSHI, SUR X360)

Oh la morne bleue ! Oh la verglacée rouge… les surfeurs adeptes de horspiste traceront des lignes dans la blanche avec ce jeu qui mise sur la liberté des parcours et une certaine sobriété dans les cabrioles réalisables, rappelant que le ollie mène souvent au lit… d’hôpital.

SCRIBBLENAUTS (WARNER INTERACTIVE, SUR NINTENDO DS)

le poids des mots, le choc sur l’image : Scribblenauts est constitué de niveaux-puzzle que l’on résout en écrivant au stylet le nom des objets qui nous sont utiles pour passer au casse-tête suivant. une originalité bienvenue, qui nous laisse sans mots.

DIVINITY II : EGO DRACONIS (DTP ENTERTAINMENT AG, SUR PC, X360)

Il n’y a pas que les belles-mères qui ont le pouvoir de se transformer en dragon : ce jeu de rôle vous met dans la peau d’un chevalier capable de muer en lézard ailé à l’haleine réglée sur thermostat 6.un titre cuit dans des marmites éprouvées, mais doué d’une réalisation aux petits oignons. NOVEMBRE 2009



HOLLYWOOD STORIES // GRANDES ET PETITES HISTOIRES DU CINÉMATOGRAPHE

BOulEVARd  DE LA MORT

Meurtres mystérieux, orgies morbides, accidents inexplicables : l’histoire d’Hollywood est aussi celle de ses scandales, où se révèle l’envers délétère de l’usine à rêves. Premier épisode : la mort étrange de Thomas Ince, qui aurait pu être celle de Charlie Chaplin…

ÉPISODE 1, SAISON 3

_Par Jérôme Momcilovic

Charlie Chaplin

CITIZEN HEARST Amarré sur la côte de San Pedro, l’Oneida, le yacht somptueux du magnat de la presse William Randolph Hearst, attend ses premiers invités. Parmi eux, charlie chaplin et louella Parsons escortent celle qui sera leur hôtesse, la jeune actrice Marion davies. chaplin est un proche de davies, qui le soutient depuis qu’a éclaté le scandale provoqué par la grossesse de sa jeune comédienne, lita Grey. Parsons, elle, est une journaliste new-yorkaise, venue glaner de quoi remplir la rubrique mondaine qu’elle tient dans une des publications de Hearst. c’est en partie grâce à la publication de ces gossips, dont le public est friand, que s’est bâti l’empire Hearst : quelques années plus tôt, il dévoilait dans ses gros titres les détails les plus sordides de l’affaire Fatty Arbuckle, premier des grands scandales hollywoodiens. Marion davies, elle, a les faveurs de ces mêmes colonnes, en dépit de ses piètres performances. Et pour cause : davies est la maîtresse de Hearst, qui ne recule devant rien pour soutenir le maigre talent de la jeune femme – c’est principalement pour cette raison qu’il essaiera de faire interdire Citizen Kane, portrait à peine déguisé dans lequel Orson Welles peint davies en ivrogne.

INDIGESTION ? c’est un journal concurrent, le Los Angeles Times, qui, au matin du 18 novembre 1924, évoque le drame  qui s’est joué quelques jours plus tôt sur le pont de l’Oneida : « Un producteur tué sur le yacht de Hearst ! » le producteur s’appelle Thomas Ince. connu comme le « père du western », il est, avec Griffith ou Mack Sennett, un des pionniers du muet. c’est pour fêter son anniversaire que la crème d’Hollywood s’est réunie  sur l’Oneida. Arrivé en retard, il débarquera le premier, raide mort. la version officielle, telle que relayée par  les publications Hearst, explique que Ince, ayant abusé des douceurs prodiguées par ses hôtes, a été victime d’une indigestion. Kono, le secrétaire de chaplin qui était à bord, a, lui, une toute autre version, qui va faire  le tour d’Hollywood : sur la nuque du cadavre, il a vu, distinctement, l’impact d’une balle. UN REVOLVER INCRUSTÉ DE DIAMANTS la version colportée par la rumeur se résume, à quelques variantes près, ainsi : Hearst a tiré sur Ince, mais c’est un autre qu’il visait. cela faisait longtemps que Hearst soupçonnait chaplin d’entretenir une liaison avec davies. Et c’est principalement dans le but de les confondre qu’il a invité chaplin à se joindre aux festivités. les surprenant dans une situation qui devait confirmer ses doutes, Hearst se serait emparé de son revolver incrusté de diamants pour tirer sur chaplin, mais, dans la cohue, aurait manqué sa cible, touchant mortellement Ince. le secret de cette croisière tragique, dont le parfum de scandale fascine encore (en 2001, Peter Bogdanovich lui a consacré un film, The Cat’s Meow, inédit chez nous), restera enfoui dans les eaux du Pacifique. Encouragée par Hearst qui soutint son deuil par une somme confortable, la veuve de Ince procéda à l’incinération immédiate du corps, privé d’autopsie. Quant à louella Parsons, qui fut, dit-on,  le témoin direct du drame, elle se vit offrir un contrat à vie au sein des publications Hearst. Où elle redoubla d’éloges pour les piteuses performances de Marion davies. Retrouvez le prochain épisode le mois prochain dans Trois Couleurs…

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114 SEX TAPE /// L’INSTANT éROTIQUE

VERRES dE CONTACT

Femme à lunettes, film concept.  Habillée de sa seule monture de binocles, l’actrice Paz de la Huerta joue les femmes fatales chez Jarmusch. Il  faut bien toute l’impassibilité du sphinx Bankolé pour lui résister. Nuit après nuit, elle vient se coucher nue contre lui.  Mais on a dit au samouraï de se méfier : cette fille est une embrouilleuse. le héros solitaire se tient donc à carreaux. Que le corps nu de Paz se dessine sous la transparence d’un imperméable ou fende les eaux d’une piscine d’hôtel,  il reste stoïque. Surfaces impénétrables des visages, reflets et surimpressions, cette histoire de « règlements de comptes avec des miroirs brisés » louche vers « les glissements progressifs du plaisir »… _S.M.

The Limits of Control de Jim Jarmusch Sortie le 2 décembre


MK2 ET LOBSTER FILMS PRESENTENT UNE COPRODUCTION LOBSTER FILMS - FRANCE 2 CINEMA

AVEC LA PARTICIPATION DE

La légende d'un film inachevé Un film de Serge BROMBERG et Ruxandra MEDREA

SORTIE LE 11 NOVEMBRE 2009



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