FÉVRIER 2010
78
CINÉMA CULTURE TECHNO
by
CLUZET BLANC COMME NEIGE?
ÉDITO
TROIS COULEURS (BLANC) Tout a commencé à l’automne dernier, au détour d’une conversation anodine avec Jim Jarmusch : « Il y a quelques années, je voulais repeindre les murs de mon loft, nous confiait le cinéaste. Je suis revenu du magasin avec pas moins de 50 nuances de blanc. Je les ai posées sur la table et c’était vraiment comme une drogue hallucinogène : tel échantillon était bleu, celui-là rose, l’autre doré. Mais si je vous les avais présentés un à un, vous auriez dit qu’ils étaient tous blancs. » Nous étions loin de nous douter de la portée de ce commentaire. À l’époque, nous pensions naïvement que la mort du chanteur albâtre de Black or White, doublée de l’invasion des bonhommes bleus-verts d’Avatar, sonnait le glas du blanc sur la palette médiatique. Sombre erreur. Les premiers indices auraient dû nous alerter : réédition luxueuse du White Album des Beatles, sortie multisupports (DVD, théâtre, cinéma) de l’opalin ballet d’Angelin Preljocaj, Blanche Neige, réapparition livide de Michel Blanc sur les affiches de métro, polémique autour de la possible nomination de Laurent Blanc à la tête des Bleus, politiciens poivre et sel judiciairement blanchis… En ce mois de février, le yaourt prend des allures d’avalanche – du moins si l’on en juge à notre lactescent sommaire : Violaine Gillibert publie son prometteur premier roman, L’Écharpe blanche ; le musicien Arnaud Fleurent-Didier investit le MK2 Quai de Seine pour une réjouissante carte blanche ; Christophe Blanc commente pour nous son glaçant thriller Blanc comme neige, où luit François Cluzet – lequel fait l’éloge de la page blanche en interview… Tandis qu’on annonce pour mars d’autres perles blanchâtres (White Material de Claire Denis, un nouvel album des White Stripes), il fallait s’attendre à ce que cette tempête déteigne sur la confection du magazine. C’est chose faite : entre deux flocons, une coupure EDF de dernière minute nous a obligés à boucler dans le noir, alignant les nuits blanches pour finir dans les temps. Mauvais coton ? Que nenni. Le blanc, sous toutes ses teintes, est d’abord signe de tabula rasa : «Le blanc sonne comme un silence, un rien avant tout commencement.» (Wassily Kandinsky) Dans ces conditions, laisseznous vous souhaiter, pour ce premier numéro de 2010, un beau et blanc début de décennie. Auréliano Tonet
by
ÉDItEUR MK2 MULtIMÉDIa 55 RUE TRAVERSIÈRE_75012 PARIS 01 44 67 30 00 Directeur de la publication & directeur de la rédaction Elisha Karmitz (elisha.karmitz@mk2.com & troiscouleurs@mk2.com) Rédacteur en chef & chef de rubrique « culture » Auréliano Tonet (aureliano.tonet@mk2.com) Chef de rubrique « cinéma » Sandrine Marques (sandrine.marques@mk2.com) Chef de rubrique « technologies » Étienne Rouillon (etienne.rouillon@mk2.com) Direction artistique Marion Dorel (marion.dorel@mk2.com) Sarah Kahn (sarah.kahn@mk2.com) Rédactrice Juliette Reitzer (juliette.reitzer@mk2.com) Design Sarah Kahn Secrétaire de rédaction Laurence Lemaire Stagiaire Pablo René-Worms Ont collaboré à ce numéro Ève Beauvallet, Benoît Basirico, Smaël Bouaici, Pascale Dulon, Julien Dupuy, Guillaume Fédou, Clémentine Gallot, Joseph Ghosn, Florian Guignandon, Pierre Simon Gutman, AnneLaure Griveau, Donald James, Jérôme Momcilovic, Wilfried Paris, Sophie Quetteville, Bernard Quiriny, Violaine Schütz, Bruno Verjus, Éric Vernay, Anne-Lou Vicente Illustrations Dupuy & Berberian photographie de couverture © Wahib / Getty Images photographes Yaniv Edry (portrait Emmanuelle Seigner), Agnès Mazeau (rubrique « Alter Gamo »), Céline Nieszawer (rubrique « Bibliothèque »), Paul Smith (portrait Jason Schwartzman) publicité Responsable clientèle cinéma Laure-Aphiba Kangha 01 44 67 30 13 (laure-aphiba.kangha@mk2.com) Directeur de clientèle hors captifs Laurie Pezeron 01 44 67 68 01 (laurie.pezeron@mk2.com) © 2009 TROIS COULEURS issn 1633-2083 / dépôt légal quatrième trimestre 2006. Toute reproduction, même partielle, de textes, photos et illustrations publiés par MK2 est interdite sans l’accord de l’auteur et de l’éditeur. Magazine gratuit // Ne pas jeter sur la voie publique
SOMMAIRE # 78 5 ÉDITO 8 COUP POUR COUP > Ariel Wizman 10 SCÈNE CULTE > Les Nuits de la pleine lune 12 PREVIEW > Alice au pays des merveilles
15 LES NEWS 15 CLOSE-UP > Carey Mulligan 16 LE K > Sherlock Holmes de Guy Ritchie 18 KLAP ! > Entourage 20 UNDERGROUND > Gush 22 PASSERELLES > Hindi Zahra 24 IN SITU > C. Boltanski au Grand Palais 28 LE BUZZLE > WTF de OK Go 30 AVATARS > Bayonetta
33 LE GUIDE 34 SORTIES CINÉ 46 SORTIES EN VILLES 56 LA CHRONIQUE DE DUPUY & BERBERIAN
58 DOSSIERS & pORtRaItS 58 BLANC COMME NEIGE 66 EMMANUELLE SEIGNER 68 ANDRZEJ WAJDA 70 JASON SCHWARTZMAN
73 LE BOUDOIR 74 DVD-THÈQUE > Ida Lupino 76 CD-THÈQUE > Gil Scott-Heron 78 BIBLIOTHÈQUE > Violaine Gillibert 80 BD-THÈQUE > S. Hayashi et K. Kamimura 82 LUDOTHÈQUE > Darksiders 85 HOLLYWOOD STORIES > Boulevard de la mort (3/3) 86 SEX-TAPE > Nine
VOUS SOUHAITEZ COMMUNIQUER DANS APPELEZ-NOUS ! 01 44 67 68 01
?
COUp pOUR COUp /// TAPAGE, RATTRAPAGE, DÉCRYPTAGE
“
8
PARIS EST EN AVANCE MARQUAGE À LA CULOTTE
”
Flanqué de son coéquipier Nicolas Erréra, ARIEL WIZMAN rechausse les crampons du Grand Popo Football Club, et publie Venom in the Grass, réjouissant second album. Animateur espiègle et DJ érudit, Ariel est aussi un observateur aguerri des pelouses musicales, dont il tacle sans ambages les conservatismes. _Propos recueillis par Auréliano Tonet
Le Grand Popo F.C. sort son second album dix ans après le premier. Dans l’intervalle, comment a évolué le paysage musical selon vous ? Au délabrement de l’industrie du disque s’est mêlé un certain piétinement créatif. Les gens ont besoin de se sentir rassurés par ce qu’ils entendent – d’où, par exemple, la multiplication des remixes. Lorsque l’ennui devient trop pesant, Nicolas et moi sortons un disque. Venom in the Grass raconte comment un venin s’infiltre et se propage. On peut lire cette histoire sur un mode mythologique, psychique, sportif, écologique – mais aussi musical.
L’effectif du Football Club s’est quelque peu étoffé… Le Grand Popo, c’est l’histoire d’une amitié qui se développe, à la fois indolente et passionnée. Nicolas et moi avons convaincu Tania [Bruna-Rosso, ndlr], qui comme nous fait partie de la grande famille de Radio Nova, de venir poser sa voix sur certains titres. Elle a apporté une fraîcheur très émouvante au projet.
On ne cesse de parler du retour de la « French Touch ». À force d’être utilisée, cette appellation a-t-elle encore un sens ? Les noms ont changé, mais il y a toujours une « French Touch ». D’un mouvement a priori superficiel sont sortis des disques qui continuent de faire sens. Ce que partagent ces artistes, plus que la nationalité française, c’est la recherche d’une certaine sophistication à partir de motifs très simples. Une pétition présente Paris comme la «capitale du sommeil ». Partagez-vous ce constat ? Paris est en avance. Ici, cela fait un moment que les DJ ressassent des tubes anciens, plus ou moins raffinés. Je constate que cette allergie à la nouveauté gagne des villes comme Londres. En 2000, il ne fallait pas passer un seul disque que les gens connaissaient. Aujourd’hui, il ne faut pas passer un seul disque que les gens ne connaissent pas.
Venom in the Grass de Grand Popo Football Club (Pschent, album disponible le 22 février)
FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
SCèNE CULtE /// LES NUITS DE LA PLEINE LUNE
10
CHASSÉ-CROISÉ LE PITCH Louise (Pascale Ogier) aime son indépendance. C’est pourquoi elle décide de se garder un pied-à-terre à Paris. Une façon pour elle de mieux aimer et désirer Rémi (Tchéky Karyo), l’homme qui partage sa vie. Pour l’accompagner dans ses pérégrinations nocturnes, elle a trouvé en Octave (Fabrice Luchini) un compagnon attentif et très amoureux d’elle…
“
LOUISE : Je me sens pas encore adulte et j’ai pas envie de l’être de sitôt. Rémi, au contraire, croit l’être et veut que je le sois… Il est en train de tuer ma jeunesse… Tu vois, il y a des choses auxquelles je tiens par-dessus tout et qui font partie de cette jeunesse. C’est sortir avec des amis, voir des gens nouveaux, aller danser. Pas toujours avoir un plan pour le dimanche ou pour le soir. C’est ça qu’il m’empêche de faire.
OCTAvE : Moi, je crois qu’on est vieux quand on n’éprouve plus le besoin de séduire. LOUISE : Moi, je suis jeune, et j’ai pas envie de séduire tout le monde, tout le temps, comme toi.
OCTAvE : T’es séductrice même à ton insu. Et c’est normal. Quelqu’un qui a perdu le goût de la séduction est mort, plus que mort. Moi, j’aime séduire et c’est tout. J’aime la séduction pour la séduction. Peu importe qu’elle aboutisse… Je veux dire physiquement. LOUISE : Moi, les relations physiques m’intéressent pas. J’ai jamais eu de ma vie une relation purement physique. OCTAvE : Moi, cela étant dit, je suis pas contre que tu aies de temps en temps des relations physiques abouties. Mais pas avec des hommes physiques… Avec moi par exemple. Je te plais pas ? LOUISE : Tu me plais, mais tu m’attires pas. OCTAvE : C’est ça justement qu’il faut. Un homme qui ne t’attire pas bestialement comme tous tes mecs, y compris l’actuel. LOUISE : T’es fou… OCTAvE : Bon… En tout cas moi, j’ai une grande attirance pour toi, mais je la domine puisque tu l’exiges.
”
Un film d’Éric Rohmer // Scénario d’Éric Rohmer // France, 1984, 1h42 // DVD disponible aux Éditions Opening
FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
12 pREVIEW
13
ALICE AU PAyS DES MERvEILLES (ALICE IN WONDERLAND) La rencontre entre le génie gothique de Burbank et le romancier introverti d’Oxford semblait inévitable : en avril prochain, Tim Burton nous livre sa vision du classique de Lewis Carroll. L’impressionnant budget octroyé par Disney (on parle de plus de 200 millions de dollars) lui a permis toutes les extravagances artistiques : tourné en relief stéréoscopique, le film donne vie au monde « de l’autre côté du miroir » grâce à la technologie de la performance capture, déjà employée par Cameron pour Avatar. Mais cette Alice au pays des merveilles est aussi l’occasion de retrouver la famille d’acteurs de Burton, avec Michael Gough, Helena Bonham Carter et bien entendu Johnny Depp, qui a trouvé dans le Chapelier Fou un personnage à la démesure de son talent. _Julien Dupuy Un film de Tim Burton Avec Johnny Depp, Helena Bonham Carter… Distribution : Walt Disney, États-Unis, 2009 Sortie le 7 avril
LES
NEWS
SECOUEZ, AGITEZ, SAVOUREZ : L’ACTU CINÉ, CULTURE, TECHNO FRAÎCHEMENT PRESSÉE
CLOSE-UP « Darling » des jeunes actrices anglaises, CAREy MULLIGAN fait son apprentissage amoureux dans Une éducation, en salles le 24 février. Jeune ingénue à l’air mutin, lointaine cousine d’Audrey Hepburn, Carey Mulligan est la révélation d’Une éducation de la Danoise Lone Scherfig. Ce film indépendant, qui a fait sensation à Sundance, décrit la liaison sulfureuse d’une lycéenne bohème avec un play-boy plus âgé (Peter Sarsgaard), dans l’Angleterre pincée du début des années 1960. À 24 ans, cette actrice formée au théâtre et à la BBC a débuté dans Orgueil et préjugés, dans l’ombre de Keira Knightley. Très demandée, elle est également ce mois-ci à l’affiche de Brothers, et bientôt chez le cinéaste Mark Romanek. Depuis cet été, Carey serait aussi in a relationship avec l’acteur Shia LaBeouf, son partenaire sur le tournage de Wall Street 2, d’Oliver Stone. Une nomination pour un Rising Star Bafta, face à la fiancée des vampires, Kristen Stewart, est même venue ces jours-ci valider son statut de nouvelle it girl du cinéma anglais. _C.G.
16 NEWS /// POLÉMIQUE
K
LE
IL Y a CEUX QU’ IL ÉNERVE Et CEUX QUI LE VÉNèRENt
ÉLÉMENTAIRE ? Toujours en quête de héros à recycler, Hollywood repêche le bon vieux Sherlock Holmes des profondeurs de la Tamise et le passe à la moulinette du blockbuster musclé. Sacrilège ou rénovation nécessaire ? _Par Pierre Simon Gutman
LA qUESTION
LA RéPONSE
Guy Ritchie l’avait annoncé : son Sherlock Holmes allait dépoussiérer le mythe, et les photos de Robert Downey Jr. délaissant la casquette pour un torse nu et des muscles saillants en étaient la preuve ! Effectivement, le héros de cette superprod’ est loin du détective froid et sarcastique des vieilles adaptations. Le Holmes nouveau use au moins autant ses biceps que sa cervelle, court, se bat dans les bas-fonds et résout souvent la situation en fonçant dans le tas, sa canne épée en avant, épaulé par un Watson relooké en vétéran dur à cuire. À ceux qui l’accusent d’avoir trahi l’esprit des romans de Sir Conan Doyle, Ritchie (Snatch, RocknRolla) prétend que sa version est une relecture fidèle, retrouvant un Holmes originel perdu dans les clichés des adaptations ciné. question : le Holmes 2009 est-il vraiment un retour aux sources ?
Non. Certes, le Holmes des romans était également un boxeur émérite – aspect oublié de bien des adaptations –, mais il préférait souvent laisser l’aspect physique du boulot de détective au Scotland Yard. Plus qu’une relecture, ce Sherlock Holmes produit par Joel Silver (l’homme derrière les Matrix et les Arme Fatale) est d’abord un film d’action à gros budget. Alors que le Holmes de Billy Wilder était un hommage sexuellement ambigu mais sincère aux livres, alors que le Holmes teenage de Barry Levinson (1985) continuait de jouer avec les codes du personnage, le film de Guy Ritchie enchaîne simplement les scènes d’action spectaculaires. Sherlock Holmes n’est pas nécessairement un mauvais film, c’est même un blockbuster tout à fait divertissant, mais ce n’est pas vraiment un film de Sherlock Holmes.
Un film de Guy Ritchie // Avec Robert Downey Jr., Jude Law… Distribution : Warner // États-Unis, 2010, 2h07 Sortie le 3 février
LA RÉPLIQUE
« MOI C’EST MON ŒIL QUI EST POURRI, VOUS C’EST VOTRE SPERME, CHACUN SON BOULET. » (LA REINE DES POMMES DE VALÉRIE DONZELLI, EN SALLES LE 24 FÉVRIER)
FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
18 NEWS /// KLAP ! ///ZOOM SUR UN tOURNaGE
BACKSTAGE Entourage bientôt au cinéma ! L’acteur ADRIAN GRENIER revient pour nous sur le succès de cette série produite par HBO, consacrée aux dessous d’Hollywood… _Par Clémentine Gallot
Faut-il le déplorer ? Le destin de toute bonne série serait de finir sa course sur grand écran. Le producteur d’Entourage, Mark Wahlberg, l’a annoncé à demimot : il souhaite voir un film après la fin de la série, dont il reste encore deux saisons. Ou comment faire durer le plaisir… Entourage, qui en est à sa quatrième saison en France, reste pour le spectateur un guilty pleasure : « Je crois que tous les jeunes voudraient pouvoir se vautrer dans le sexe et l’alcool comme le font les personnages, et s’en tirer à chaque fois », explique Adrian Grenier, qui incarne la jeune
vedette Vincent Chase. Cette production HBO pour dudes, où cameos de célébrités et starlettes dénudées se succèdent, porte un regard mordant sur Hollywood, vu par le petit bout de la lorgnette. L’acteur de 33 ans récuse pourtant cette image, trop cynique et décadente selon lui : « La série met en avant des valeurs plutôt familiales. Ce train de vie superficiel est finalement très volatile. Par contre, on peut toujours s’appuyer sur sa bande d’amis et sa famille. » La réalité n’est jamais loin, car la carrière du jeune acteur a décollé comme celle de son personnage, pris dans les sirènes d’Hollywood : « Quand on est à L.A., on ne fait plus la différence entre la réalité et la caricature. » Tant et si bien que Grenier a lui même réalisé un film sur la culture de la célébrité, montré à Sundance en janvier dernier.
INDISCRETS DE TOURNAGE Sam Mendes réalisera le 23e opus de la saga James Bond. Retrouvailles alléchantes en perspective entre le réalisateur et Daniel Craig, huit ans après Les Sentiers de la perdition. Le tournage est prévu pour juillet, et la sortie fin 2011. Spider-Man 4 est mort, vive Spider-Man 2.0 ! Après le départ de Sam Raimi et Tobey Maguire, Marc Webb (500 jours ensemble) prendra la relève pour un « reboot » de la série, qui marquera le retour au lycée de Peter Parker. En salles courant 2012. Dans Memories Corner, Déborah François jouera le rôle d’une journaliste dépêchée par sa rédaction pour couvrir les 10 ans du tremblement de terre de Kobe. Dans ce premier film d’Audrey Fouché, elle découvrira un Japon peu soucieux des fantômes de son passé…
LA TECHNIQUE 12 IMAGES PAR SECONDE Il faut 24 images fixes (ou photogrammes) pour une seconde de film en mouvement. Les films d’animation dits « en volume » (Coraline, Wallace & Gromit) changent leurs marionnettes de position entre chaque prise d’image fixe pour obtenir une série de photogrammes qui, projetés les uns après les autres, recréent l’illusion du mouvement. Pour son adaptation de Fantastic Mr. Fox, Wes Anderson souhaitait accentuer l’imperfection inhérente à cette technique. Il choisit alors de créer les mouvements en 12 images par seconde, au lieu de 24. Résultat : des mouvements syncopés mais énergiques et décalés, à l’image de ce film d’animation pas comme les autres. _Julien Dupuy // Fantastic Mr. Fox de Wes Anderson, en salles le 17 février
FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
© Romain Chassaing
20 NEWS /// UNDERGROUND
OH MY GUSH ! Enfants de chœurs délurés, le quatuor parisien GUSH sort Everybody’s God, un premier album qui redonne foi dans une certaine pop à l’ancienne, à découvrir en mini-concert acoustique au MK2 Bibliothèque, fin février. _Par Violaine Schütz
L’histoire n’est pas très catholique. Très jeunes, deux frères, Vincent (batterie) et Xavier (basse), et leurs cousins, Mathieu (guitare, clavier) et Yan (guitare), font l’école buissonnière pour jouer la musique du diable. « On avait un groupe de funk-rock au lycée, qui s’appelait K.Wha, et toute la semaine tournait autour de la répète à la MJC », se souvient Xavier. Mais les idoles d’alors (Santana) sont vite brûlées au profit d’autres moins furieuses, les Beatles (leurs nouveaux dieux), les Beach Boys, Neil Young et Marvin Gaye. «C’est d’eux que nous est venu le goût des harmonies vocales, explique Yan. On chante tous les quatre, on s’échange nos instruments sur scène, et on écrit nos chansons selon un procédé collégial. Ça oblige à maintenir une certaine harmonie entre nous. » Après des premiers concerts débraillés à l’énergie punk, donnés dans le métro et les bars, Gush trouve enfin sa voie. À côté de vignettes pop-rock très 60s-70s (le groupe a presque la trentaine) comme No Way ou Back Home, leur premier disque, Everybody’s God, offre des plages de transes rock quasi tribales (The Big Wheel qui croise Beck et Animal Collective) et de percées world ésotériques. Chants religieux, riffs chamaniques et batterie vaudou, Everybody’s God donne envie de croire dans le rock français post baby rockers. Everybody's God de Gush (Cinq 7) Miniconcerts sous forme de « bandes-annonces acoustiques » au MK2 Bibliothèque, du 17 au 23 février (séance de 20h, sauf le 23/02 à 22h15) ; toutes les infos sur wearegush.com
COPIER COLLER >> Moins gauche qu’il n’y paraît, Gush éclabousse 2010 de sa pop fluide et panachée, puisant allègrement dans les polyphonies euphoriques des seventies.
>> Parmi les modèles possibles du quatuor parisien figure l’archange Lucio Battisti, dont les mélanges italo-funky aspergent les années 2000 d’une classe indélébile.
LE MYSPACE CHARTS DE LA RÉDACTION CORINNE BAILEy RAE – I’d Do It All Again www.myspace.com/corinnebaileyrae Rescapée d’une série d’épreuves intimes, la soul-sister Britannique sort la tête de l’eau avec cet album tout en boiseries somptueuses, qu’on ne cesse de réécouter, all again. FOOL’S GOLD – Surprise Hotel www.myspace.com/foolsgold En direct de L.A., ce surprenant collectif mêle douceurs afros, chants hébreux et raideurs new wave. L’alternative la plus crédible à Vampire Weekend. Alain Chamfort – À la droite de Dior www.myspace.com/uneviesaintlaurent Le crooner le plus chic de la variété d’ici dévoile un premier titre de son ambitieuse biographie chantée d’Yves Saint Laurent. Indémodable.
FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
22 NEWS /// PASSERELLES
© Hassan Ajjaji
ZAHRA EST ARRIVÉE Après six mois de buzz, la Franco-Marocaine HINDI ZAHRA sort enfin son premier album, Handmade. Ses ritournelles sensuelles et mélancoliques imposent cette jeune Berbère comme l’une des perles folk-rock de 2010. Rencontre. _Propos recueillis par Pablo René-Worms
Bien que très lumineux, Handmade distille une certaine mélancolie. Dans quel état d’esprit étiez-vous quand vous avez écrit ce disque ? Ça vient du fait que j’écris beaucoup la nuit. Je souhaitais enregistrer dans un endroit intime, sans être pressée par le temps. J’avais envie d’être seule, moimême. C’est aussi dû au fait que mes influences vont beaucoup chercher du côté du blues… Justement, pouvez-nous nous parler de ces influences? Ma musique se nourrit à plusieurs sources : blues, jazz, rock, reggae… Quand j’étais toute petite, j’étais impressionnée par mes oncles, qui sont guitaristes. Ils écoutaient toutes sortes de musiques étrangères. Ma mère, qui chantait dans son village et dans les villes à côté, était fan des Beatles. À la maison, elle chantait des chansons d’Oum Kalsoum… Mon enfance a donc été baignée de musiques égyptiennes, même si, durant les années 1980, comme tous les gens de mon âge, j’écoutais beaucoup Michael Jackson, Prince, James Brown. Quand je suis arrivée en France, j’ai découvert Ella Fitzgerald, ainsi qu’un genre auquel je suis très attachée, le fado, pour son côté blues et oriental.
C’est donc votre famille qui vous a transmis ce goût pour la musique… Elle m’a surtout transmis le virus de l’improvisation : à la maison, tout le monde jouait beaucoup, tout le monde s’amusait avec la musique, pour le plaisir de chanter, de rire, sans jamais se prendre la tête. Le clip de Beautiful Tango a été réalisé par le cinéaste Tony Gatlif. Comment vous êtes-vous rencontrés ? Je ne voulais pas travailler avec un clippeur. Il n’y aurait pas eu de poésie. Tony Gatlif, c’est un rêve que ma maison de disques m’a aidée à réaliser.Tony et moi, on se comprend, on est de la même veine. Les concerts qu’il a montés à partir d’Exils aux Bouffes du Nord m’ont beaucoup touchée. J’y ai vu un homme mettant en scène des femmes qui font de la transe marocaine – le spectacle m’a fait un bien fou. Tony est un voyageur doublé d’un vrai mélomane, qui parvient à concilier des univers a priori antinomiques. C’est quelqu’un qui arrive à voir de la beauté là où les autres n’en voient pas.
Handmade d’Hindi Zahra (Blue Note, album déjà disponible) En concert le 15 février à la Cigale et les 31 mai et 22 juin au Bataclan Liberté de Tony Gatlif, en salles le 24 février
FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
MONUMENTA 2010 - Nef du Grand Palais - Personnes de Christian Boltanski
© Photo Didier Plowy - Tous droits réservés Monumenta 2010, ministère de la Culture et de la Communication
NEWS /// IN SITU
25
À LA VIE, À LA MORT Le Français CHRISTIAN BOLTANSKI est le troisième artiste invité à investir la nef du Grand Palais dans le cadre de Monumenta. Un défi qu’il relève avec Personnes, immense installation qui traite de la dimension hasardeuse de la mort, alors que celle qu’il présente simultanément au MAC/VAL, Après, laisse entrevoir le décor d’un temps post mortem… _Par Anne-Lou Vicente
C
hristian Boltanski semble être de ceux que la mort poursuit à vie… Mais au lieu de la maintenir au rang d’une angoisse existentielle paralysante, l’artiste l’a très tôt intégrée dans son œuvre, comme pour mieux la transcender et, d’une certaine manière, la tuer, du moins l’éloigner. Que ce soit la sienne ou celle de parfaits anonymes, la mort hante Christian Boltanski, né en 1944 à Paris, alors que des millions de Juifs venaient d’être exterminés.Voir le jour en un tel contexte a profondément marqué l’artiste et son œuvre à jamais.
Intitulée Personnes, l’immense installation qu’il présente dans la nef du Grand Palais, dans le cadre de la troisième édition de Monumenta, pointe l’intérêt que l’artiste porte depuis quelque temps au hasard, au doigt de Dieu qui, de manière totalement aléatoire, désigne ceux qui vont mourir… « Exposer au Grand Palais, c’est un peu comme faire un opéra dont la musique serait déjà écrite, affirme Boltanski. La présence de l’architecture est tellement forte que ma première idée a été de ne rien faire. Mettre un verre d’eau au milieu aurait tout à fait pu suffire. Mais je me suis dit que ce n’était pas honnête vis-à-vis du spectateur, qui prend le métro pour venir et paye son entrée, et qu’il fallait lui donner quelque chose ». Et il ne regrettera sans doute pas d’être venu jusque-là… En pénétrant dans le Grand Palais, il butte contre un mur composé de boîtes de biscuits en métal, fétiches de l’artiste – une paroi qui occulte dans un premier temps le reste de l’installation. Déjà, une rumeur mécanique rappelant celle d’une usine se fait entendre, puis c’est la découverte : sur toute la largeur du Grand Palais se dressent des poteaux en métal rouillé,
qui délimitent des carrés de manteaux posés au sol et dessinent des allées entre lesquelles les visiteurs passent, se promènent, comme dans un cimetière. Car ces vêtements vides, désincarnés, renvoient à ces « personnes » dont l’absence est manifeste. La disparition est ici omniprésente, mais la vie semble subsister à travers les centaines de battements de cœur qui résonnent dans la nef depuis de grands haut-parleurs accrochés aux escaliers qui la surplombent, ainsi que d’autres, plus petits, greffés pour leur part à certains poteaux métalliques. Garder une trace, de soi, des autres, par-delà la mort, c’est ce que s’emploie à faire Boltanski depuis toujours. Depuis plusieurs années, il collectionne les battements cardiaques afin de constituer Les Archives du cœur, qui seront entreposées sur l’île de Teshima, en pleine mer du Japon, à partir du mois de juillet prochain. Tout un chacun pourra alors aller y écouter le cœur d’Untel sur demande, parmi les dizaines de milliers de battements récoltés au gré des expositions de l’artiste, lesquels survivront ad vitam aeternam à leur propriétaire, autant de morts en puissance… La mort est la seule certitude dont dispose tout être vivant. Ce qu’il ignore en revanche, c’est à quel moment elle décidera de frapper. Cette dimension arbitraire, l’artiste la met en scène au Grand Palais, au moyen d’une grue qui n’est pas sans rappeler ces pinces qui, dans les fêtes foraines, tentent d’attraper quelque peluche ou autre colifichet fantaisie emprisonné dans une cage en verre. Téléguidé, le grappin géant plonge ses tentacules rouges dans la montagne de vêtements qui s’érige au fond du bâtiment, face à l’entrée principale. Au hasard, elle se saisit de quelques pièces de tissus – quelques « personnes » –, les broie mécani-
« NOUS SOMMES CONSTITUÉS D’UN PUZZLE DE MORTS. »
FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
© Photo Didier Plowy - Tous droits réservés Monumenta 2010, ministère de la Culture et de la Communication
MONUMENTA 2010 - Nef du Grand Palais - Personnes de Christian Boltanski
quement tout en les élevant, avant de les (re)jeter. Si l’ensemble revêt l’allure d’une allégorie funeste, cette image évoque aussi bien les charniers humains, les cadavres désarticulés jetés comme des chiffons. La référence à la Shoah et, plus largement, à l’entreprise concentrationnaire, est accentuée par le froid vif qui règne à l’intérieur du Grand Palais. Une donnée voulue par l’artiste, qui fait partie intégrante de l’œuvre. Cette sensation de froid participe de l’hostilité à laquelle renvoie l’installation, qui dit la vulnérabilité de l’homme face à une mort cruelle et toute-puissante. Au MAC/VAL, c’est à une tout autre atmosphère que le visiteur est confronté. Comme le titre de l’exposition le laisse deviner, Après constitue une sorte d’ouverture – inédite dans l’œuvre de Boltanski – vers un temps qui intervient après la mise à mort froide et fracassante donnée à voir au Grand Palais. L’installation principale occupe une grande salle du musée où, dans une pénombre constante, le spectateur évolue de manière erratique entre de grandes structures rappelant Les Containers, élaborés par l’artiste en 2006 : une série d’échafaudages recouverts d’une bâche noire mue par un souffle intérieur. Les esprits, peut-être, des quelques personnages que l’on croise parfois au détour d’une des allées de ce labyrinthe, et dont les membres faits de néons diffusent une légère lumière permettant la déambulation. « Dis-moi, étais-tu seul ? », « Dis-moi, as-tu laissé beaucoup d’amis ? », « Dis-moi, était-ce un accident ? », « Dis-moi, étais-tu à l’hôpital quand c’est arrivé?», etc. Chacun de ces personnages s’interroge sur les conditions de ce passage si mystérieux de la vie à la mort. «Quand je regarde un film des
années 1950, je me demande toujours dans quelles circonstances les acteurs sont décédés », avoue l’artiste. Comment s’opère cette transition ? La question reste entière, tout comme celle de l’existence d’une vie après la mort. «Je ne crois pas qu’il y ait quelque chose après, explique Boltanski. La seule chose à laquelle je crois, c’est que nous sommes constitués d’un puzzle de morts. Des milliers de petits morceaux composent notre visage, et aussi notre âme. Ces milliers de choses rendent chaque être humain unique. » Ce n’est sans doute d’ailleurs pas un hasard si, depuis plusieurs années déjà, plus de la moitié des œuvres de l’artiste sont détruites. Tout doit disparaître, pour cet homme qui emploie pourtant son temps à garder trace de sa vie et de celle des autres. Comme la vie, l’œuvre est éphémère, circonscrite dans un temps d’autant plus précieux qu’il n’est pas éternel. Hantée par la mort, l’œuvre de Christian Boltanski n’en est pas moins hédoniste, et lui-même fait volontiers figure de bon vivant, allant jusqu’à jouer avec son propre décès, comme lorsqu’il vend récemment sa vie au diable : un collectionneur en Tasmanie, interdit de casino pour avoir trop souvent déjoué le jeu du hasard et en quelques sorte, « battu la mort », a accepté d’acheter la vie de Boltanski en viager. L’artiste sera filmé dans son atelier en permanence jusqu’à la fin de sa vie, les images étant retransmises en direct dans une caverne de Tasmanie. S’il meurt d’ici huit ans, il perd. S’il dépasse ce seuil fatidique, il gagne… Faites vos jeux.
« LA PRÉSENCE DE L’ARCHITECTURE EST TELLEMENT FORTE QUE MA PREMIÈRE IDÉE A ÉTÉ DE NE RIEN FAIRE. »
Personnes, jusqu'au 21 février, nef du Grand Palais - Porte principale, avenue Winston-Churchill 75008 Paris. Tlj sauf le mardi, de 10h à 19h le lundi et le mercredi, de 10h à 22h, du jeudi au dimanche, 4 € / 2 €. Après, jusqu'au 28 mars, MAC/VAL, place de la Libération, 94400 Vitry-sur-Seine. Tlj sauf le lundi, de 12h à 19h. 5 € / 2,50 €. FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
28 NEWS /// LE BUZZLE
LE NEt EN MOINS FLOU _Par Étienne Rouillon
BUZZ’aRt
StatUtS QUOtES Sélection des meilleurs statuts de FACEBOOK
Christophe : Contrairement à ce que prétend la rumeur, Jean Sarkozy n’est pas le père de l’enfant de Rachida Darty. Nico vient de prendre un coup de vieux devant sa petite sœur de 9 ans qui se connecte à son adresse mail perso pour télécharger des gif animés d’Hannah Montana envoyés par ses copines. Juliette souhaite que les confitures « Bonne Maman » s’appellent dorénavant les confitures « MILF ». yann mange un chien et chihuahua.
GOGO DANSEURS Comment faire parler de sa musique quand on joue du rock lambda ? En faisant des clips taillés pour les geeks, répond le groupe OK GO. Eh bien d’accord, on fonce. En 2006, nombreux sont ceux qui ont patiné à la gym après avoir vu la chorégraphie sur tapis roulant d’un groupe chantant « Here It Goes Again ». Trois ans plus tard, le clip, réalisé pour OK GO par la vidéaste Trish Sie, totalise 48 millions de vues, soit la vidéo musicale la plus populaire sur You Tube. Ils reviennent avec le clip de WTF, extrait de leur vivifiant nouvel album. WTF pour « what the fuck », ou « saperlipopette, c’est surprenant ». Afin d’illustrer
ce terme venu du Net, ils exploitent un bug graphique bien connu des utilisateurs de Windows (si, si vous savez, quand votre fenêtre Internet Explorer fait tout plein de dégoulinures). Une anomalie visuelle intégrée après un tournage en plan séquence sur fond vert. Pour boucler la boucle interactive, un concours est lancé, ouvert à tous les bidouilleurs qui voudraient refaire le clip à leur sauce geek.
Claro n’ira pas voir La Princesse et la Grenouille car a horreur des biopics présidentiels. Madman Claro : Le film préféré du marcheur solitaire : « Neuf semelles et demie ». Brad est en mode « Inglourious Pastas ». Julien recommande chaudement Twitter à tous les fans de vannes d’informaticiens et autres développeurs web, ainsi qu’à tous ceux qui kiffent les aphorismes de pubards autosatisfaits et les micropeople 2.0. Nassim : Merde, ma meuf vient de débarquer sur Facebook, au revoir les filles... Jonathan : Un athée errant à Téheran.
www.okgo.net
appLIS MOBILES _Par E.R. N.O.v.A. Copie du best-seller Halo, N.O.V.A. n’en est pas un pâle ersatz. Sublime et très maniable, ce titre confirme que le téléphone d’Apple est aussi une véritable console de jeu. Ce super N.O.V.A. vous éclatera dans les mains. plateforme : iphone et ipod touch // prix : 5,49 €
FÉVRIER 2010
C'EST WHAT? Parce que l’on n’arrive pas toujours à se faire comprendre au bout du monde, ce logiciel permet de traduire dans la langue de votre choix les textes ou écriteaux que votre téléphone prend en photo. De quoi vous indiquer les WC juste à temps... plateforme : androïd via androïd market
WWW.MK2.COM
29
MaL BUZZÉ
tWItOUILLaGE Chaque mois un phÊnomène du Net touillÊ via TWITTER
Astro_TJ 661 tweets 25 526 followers
PUR PURIN Un agriculteur se propose d’envoyer du fumier à ceux qui vous font une vie de merde : fumier.com, un site pas vache. Crise du lait, de la viande, hausse du prix du gazole‌ Les agriculteurs sont dedans jusqu’au cou. Pour Êvitez les emmerdes financières, Roger Combotte vend le compost de ses ruminants. Si votre patron ou votre belle-mère vous a dans le nez, titillez leurs narines en leur envoyant une petite boÎte remplie de fumier. Pour 14 euros, la version standard comprend un emballage en carton recyclable, 100 grammes de fumier  provenant des meilleurs Êlevages bovins de Franche-ComtÊ , et un petit mot personnalisÊ par vos soins à l’attention du destinataire. Derrière le personnage de Roger, agriculteur jurassien fictif, se trouve Olivier Legrand, qui s’avoue dÊbordÊ par les commandes. Pour lui, cette histoire de merde en boÎte sent plutôt bon.
La Station spatiale internationale en a dans les tuyaux. Les toilettes cosmiques du module se sont bouchÊes le 13 janvier dernier. En cause, un trop fort taux de calcium dans l’urine des spationautes, qui a encrassÊ la plomberie à 250 millions de dollars. Une autre tuyauterie, numÊrique celle-ci, permet à l’un des locataires de se connecter en direct à Internet et notamment à Twitter, depuis le 22 janvier. Une première. Le colonel amÊricain Timothy J. Creamer dialogue dÊsormais avec les Terriens et apprend que ses fans ont dÊjà concoctÊ des tee-shirts cÊlÊbrant l’Êchange spatio-Êpistolaire. Voici quelques comètes textuelles‌  Salut les Twitt-Terriens ! Nous tweettons maintenant en live depuis la Station spatiale internationale. C’est le premier tweet de l’espace ! :) Deux choses. L’absence de gravitÊ donne un sacrÊ coup de main pour faire certains trucs. Ah, et la vue est pas mal non plus. Petit dÊj’ ? Ce matin j’ai eu droit à du Granola aux myrtilles, et une quiche aux lÊgumes. @dimitristrobbe : Est-ce qu’on peut te voir nous faire coucou de la main d’en bas ? Bien sÝr ! Il est chouette le tee-shirt que tu portes! ;) 
www.fumier.com
Mème
– [mem] nom masculin
MOt @ MOt _Par E.R.
(Du français même ; dÊsigne un usage partagÊ par une sociÊtÊ constituÊe d'individus reproduisant et imitant cet usage) 1. Sur Internet, reprÊsentation iconographique dont les modalitÊs de reproduction sont persistantes au sein d'une communautÊ d'utilisateurs. Ses membres s'identifient par l'utilisation du mème. Tu connais les lolcats ? Ce sont des dÊtournements humoristiques d'images de chats. Des mèmes pas mal, quoi. 2. En politique, ensemble de caractÊristiques physiques et comportementales permettant d'identifier un ensemble d'individus. Nadine Morano a Êtabli le mème du bon jeune musulman français : il aime la France, il travaille, ne parle pas verlan et ne met pas sa casquette à l'envers. FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
30 NEWS /// AVATARS /// UN JEU VIDÉO EXpLIQUÉ À... MA COPINE
GUNS & ROSES L’héroïne de Bayonetta, on aimerait bien se la mettre au bout du canon, mais pas que : c’est surtout un excellent jeu de castagne. Va donc l’expliquer à ta copine, la fleur au fusil…
ALTER GAMO
_Par Étienne Rouillon
« J’te jure bibiche, elle n’a rien de plus que toi cette Bayonetta. Elle triche, tu comprends, c'est une sorcière. T’aimerais bien être une sorcière en plein débat sur l'identité nationale ? Jeanne d'Arc ? Les bûchers ? Mais non, c’est pas une combinaison outrageusement sexy, c’est juste qu’elle est habillée avec ses cheveux. Un chignon ensorcelé qui lui permet d’invoquer des démons. Si t’étais poursuivie par des anges qui veulent te suriner, crois-moi, tu troquerais toi aussi les talons de tes grolles pour des revolvers douze coups. Si c’est un bon coup ? Tu fantasmes. Rien à voir, les poses lascives de meuf horizontable c’est pour...pour...bah, c’est pour déconcentrer l'ennemi, quoi ! Tu vas pas reprocher à la belette d’avoir été divinement brossée par les développeurs. Prends exemple, cette executive woman, elle a pas besoin de quota pour intégrer les conseils d'administration. Te trouver un autre mec ? Pff... Tout le monde joue avec Bayonetta. Et puis tu vois, ce qu’il y a de formidable avec elle, c’est que quand ta douce te fatigue à force de jacter, Bayonetta est toujours partante pour avoiner quelques plumés du septième ciel. Tu me crois pas ? Tiens essaye, pendant ce temps, je vais faire le dîner. » Bayonetta // Éditeur : Sega // Plateformes : PS3, X360
NICO, 30 ANS, DIRECTEUR DE RESTAURANT
RÉTRO GAMO LE TAMAGOTCHI Si elles l’ont troqué contre une
montre Gucci, nos lectrices n'ont pas oublié celui qui se lovait dès 1997 dans la poche avant de leur sac Eastpak. Son nom est la contraction japonaise des mots «œuf» et «montre». Une étymologie bien maigre pour désigner ce compagnon virtuel qui fut pour nombre de collégiennes une transition entre Polly Pocket et les Sims.
«Je joue à Prince of Persia environ trois heures par semaine. Je trouve les graphismes particulièrement réussis et j’aime l’univers d’aventure fantastique du jeu. En plus, ce personnage a vraiment la classe. J’y joue sur PS3, en solitaire, mais j’ai aussi une Wii pour les parties entre potes… »
Bandai // À partir de 1,50 € sur Internet
FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
LE
GUIDE CALENDRIER MALIN POUR AVENTURIER URBAIN
DU MERCREDI 3 FÉVRIER AU MARDI 9 MARS
« LE CINÉMA EST UN MENSONGE PERMANENT. » MARC RECHA
P.36
SORTIES EN SALLES SORTIE LE 3 FévRIER 34 Brothers de Jim Sheridan SORTIE LE 10 FévRIER 36 C’est ici que je vis de Marc Recha SORTIE LE 17 FévRIER 37 La Pivellina de Tizza Covi et Rainer Frimmel SORTIE LE 24 FévRIER 38 Shutter Island de Martin Scorsese SORTIE LE 3 MARS 40 The Ghost Writer de Roman Polanski LES AUTRES SORTIES 42 L’Autre Dumas ; I Love You Phillip Morris ; Lovely Bones ; C’est parti ; Fantastic Mr. Fox ; Illusiones Ópticas ; Ensemble c’est trop ; La Régate ; Tatarak ; A Single Man ; La Reine des pommes ; La Tisseuse ; Une éducation ; Crazy Heart ; L’Arbre et la Forêt ; Precious ; Nine
44 LES évéNEMENTS MK2
p.36
Reprojections, carte blanche à Arnaud Fleurent-Didier Les soirées Univers d’enfants
SORTIES EN VILLE 46 CONCERTS Festival Super Mon Amour ! #3 L’oreille de… Hindi Zahra
48 CLUBBING Retour à L’Appartement Les nuits de… Ariel Wizman
50 EXPOS Elina Brotherus à la gb agency Le cabinet de curiosité : Passages de Sarkis
52 SPECTACLES Paroles, Pas de rôle/vaudeville à la Comédie Française Le spectacle vivant non identifié : Anticodes
54 RESTOS
p.48 FÉVRIER 2010
Le Caffé dei Cioppi Le palais de… Micky Green
WWW.MK2.COM
34 CINÉMa
SORTIE LE
03/02
Brothers 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1… Pour la prestation de Tobey Maguire qui, depuis Spider-Man, tisse sa toile au cinéma. 2… Pour les scènes de guerre en Afghanistan, qui puisent leur force dans leur réalisme. 3… Pour la confession rédemptrice qui referme ce film bouleversant.
FRÈRES D’ARMES Un film de Jim Sheridan // Avec Jake Gyllenhaal, Natalie Portman… // Distribution : Wild Bunch // États-Unis, 2009, 1h45
Dans Brothers, JIM SHERIDAN montre comment un traumatisme de guerre perturbe l’unité d’une famille. Un film d’une puissance émotionnelle rare, qui réunit le meilleur de la jeune génération d’acteurs américains. _Par Sandrine Marques
Jim Sheridan ne convainc jamais tant que lorsqu’il s’intéresse à la famille et à ses liens indéfectibles. On se souvient de l’émotion suscitée par Au nom du père, l’histoire d’un père et de son fils, enfermés à tort dans les geôles britanniques pour leur prétendu activisme pro-IRA. Dans Brothers, le réalisateur irlandais renoue avec la fratrie et signe un film implacable et engagé. Sam (Tobey Maguire) et Tommy (Jake Gyllenhaal) sont frères mais tout les oppose. Militaire de carrière et père responsable, Sam forme avec Grace (Natalie Portman) un couple épanoui. Tout juste libéré de prison et sans emploi, Tommy est un pilier de bar. Mais quand Sam est porté disparu en Afghanistan, Tommy prend en charge sa belle-famille et gagne son affection. Sam revient du front, dévasté par les tortures qu’il a subies et la culpabilité. Incapable de surmonter l’acte barbare auquel l’ont contraint ses tortionnaires, il devient un étranger pour les siens…
FÉVRIER 2010
Sam et Tommy expérimentent à tour de rôle la relégation sociale, selon un subtil basculement du récit. Instance initialement protectrice, Sam devient une menace pour ses proches. La performance de Tobey Maguire (amaigri, inquiétant) confirme tout le bien que l’on pensait de l’acteur, capable d’évoluer dans un registre plus intérieur. Face à lui, Jake Gyllenhaal et Natalie Portman complètent un casting irréprochable. Si l’histoire avance un peu à vue, passé le choc de la partie afghane, reste le talent incontestable de Jim Sheridan à tirer le meilleur parti de ses acteurs, pour servir son propos humaniste et militant. Dans sa ligne de mire, la machine à broyer militaire. Sous son influence traumatisante, des frères d’armes se transforment en frères ennemis, sans possibilité de rédemption autre qu’une parole libératrice. C’est sur cet espoir que se referme ce beau film.
WWW.MK2.COM
36 CINÉMa
SORTIE LE
10/02
C’est ici que je vis 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1… Du jamais vu au cinéma : concours de chants d’oiseaux ! 2… Pour la présence de Marc Soto, jeune acteur à découvrir. 3… Pour le regard humble et poétique d’un cinéaste qui refuse de juger.
OISEAU RARE Un film de Marc Recha // Avec Eduardo Noriega, Sergi López… Distribution : Ad Vitam // Espagne, 2009, 1h32
Attentif aux moindres détails du quotidien, l’Espagnol MARC RECHA filme un jeune oiselier au gré de sa découverte du mal. Un film juste et sensible. _Par Donald James
Père absent, mère en prison, Arnau vit chichement chez sa sœur dans une banlieue de Barcelone. L’adolescent prépare son volatile préféré à un concours de chants d’oiseaux, recueille un renard moribond, découvre la valeur de l’argent et les courses de lévriers, et aimerait embaucher un grand avocat pour défendre sa mère. Avec ce long métrage, le cinéaste catalan (auteur des remarqués Pau et son frère et Les Mains vides) livre un récit initiatique épuré, un conte social humble et profondément touchant. No man’s land en construction, le quartier de Valbona est à l’image de cet adolescent arrivé à l’âge où les possibles tiraillent l’impossible. Il faut sacrifier, détruire pour construire et devenir. En faisant entrer le renard dans le poulailler, le réalisateur n’hésite pas à jouer avec les attentes du spectateur. La nature a ses lois certes, mais usant de ces trucs de cinéma vieux comme le monde, Recha donne à cette fable sur pellicule des accents muets d’inéluctable tragédie. Il observe et nous laisse là, entre deux rives, sans aucune leçon morale.
FÉVRIER 2010
MARC RECHA Votre film s’écoute autant qu’il se regarde. Comment travaillez-vous le son ? La bande-son a été composée par mon frère. Je suis allé dans son studio dans les Pyrénées pour y travailler avec lui. Je désirais quelque chose qui ressemble à Pierre et le loup, une composition où chaque personnage corresponde à un instrument, une couleur thématique. Vous travaillez beaucoup sur des plans larges. pourquoi ? Pour ce film, puisque je voulais tourner en cinémascope, je me suis beaucoup inspiré des westerns de Sam Peckinpah, de Clint Eastwood ou de Sergio Leone. Je tenais à mettre en avant la colonisation de l’espace en œuvre dans ce quartier, et inscrire la présence humaine comme un point dans le plan. C’est pourquoi j’alterne des plans très serrés avec des plans très larges. Qu’est-ce que le cinéma pour vous ? Le cinéma est un mensonge permanent, c’est une façon d’échapper à la réalité. Au fur et à mesure, avec l’expérience des années, on s’aperçoit qu’on a de moins en moins besoin de la réalité et beaucoup plus du mensonge et de l’illusion. WWW.MK2.COM
37 CINÉMa
SORTIE LE
17/02
La pivellina 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1... Parce que c’est un film optimiste et généreux qui vous mettra de bonne humeur. 2... Parce que les réalisateurs parviennent à saisir toute la poésie du réel. 3... Pour découvrir Rome et les campements de nomades urbains autrement.
ÉQUILIBRISTES Un film de Tizza Covi et Rainer Frimmel // Avec Patrizia Gerardi, Asia Crippa… Distribution : Zootrope // Italie, Autriche, 2009, 1h40
TIZZA COvI et RAINER FRIMMEL jonglent habilement avec réel et fiction dans La Pivellina, histoire d’une fillette recueillie par une communauté d’artistes de cirque. Un petit bijou d’humanité. _Par Juliette Reitzer
Soucieuse, une femme d’âge mûr arpente les rues grises et pluvieuses d’une banlieue romaine : «Hercule? Hercule !» Patty cherche son chien, mais c’est une fillette de deux ans qu’elle trouve bientôt, abandonnée par sa mère. Alors que la nuit tombe, Patty décide d’emmener l’enfant dans le campement où elle vit avec son mari, Walter. Une nouvelle vie pleine de fantaisie débute alors pour Asia, entre tours de magie, fauves en cage et autres numéros d’adresse… La Pivellina ressemble à s’y méprendre à un documentaire : entièrement filmé caméra à l’épaule et en lumière naturelle, chacun y interprète quasiment son propre rôle. Comme dans la vie, le hasard et le futile se mêlent ici aux soucis du quotidien : on trouve rarement ce que l’on cherche – c’est ce que souligne la scène d’ouverture – et certaines questions demeurent sans réponses. Mais qu’importe ! On sort de là bouleversé par l’immersion dans cette communauté de saltimbanques régie par des valeurs d’entraide, de filiation et de générosité. Émerveillé comme un enfant après une sortie au cirque. FÉVRIER 2010
TIZZA COvI Quel est votre dispositif de tournage ? Nous ne sommes que deux : Rainer à la caméra et moi au son. C’est idéal pour s’adapter très vite aux situations. Et pour Asia, c’était beaucoup plus facile de travailler avec deux personnes qu’elle voyait tous les jours. Avec une fillette de deux ans, il faut du temps pour que la confiance s’installe… Quelle est l’origine de La Pivellina ? Nous connaissons Patty, Walter et leur famille depuis dix ans, et nous voulions faire un film autour d’eux et de cet endroit où ils vivent, dans des caravanes au milieu des immeubles. Nous voulions aussi détourner un cliché très répandu en Italie, selon lequel les gens du voyage sont des voleurs d’enfants. pratiquez-vous un cinéma engagé? Je ne crois pas qu’un film puisse changer les choses, mais c’est très important d’avoir une opinion et de l’exprimer. Les aspects cruels et injustes de la vie sont sans cesse traités au cinéma, mais la chose primordiale pour nous est de montrer l’humanité : la bonté existe aussi !
WWW.MK2.COM
38 CINÉMa
SORTIE LE
24/02
Shutter Island 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1… Pour le jeu prodigieux de DiCaprio, qui est toujours le plus grand acteur vivant. 2… Pour l’hommage appuyé à un certain âge d’or de la série B. 3… Pour le climat gothique dans lequel baigne le film
L’ŒIL DU CYCLONE Un film de Martin Scorsese // Avec Leonardo DiCaprio, Mark Ruffalo… // Distribution : Paramount // États-Unis, 2008, 2h17
Adaptant Dennis Lehane et poursuivant sa fructueuse collaboration avec Leonardo DiCaprio, MARTIN SCORSESE déguise en polar une pure histoire de fantômes. Lesquels n’existent, c’est bien connu, que dans l’œil de celui qui les voit. _Par Jérôme Momcilovic
Shutter Island s’ouvre en mer, une mer qui semble sans fond et pourtant quelque chose, un secret, attend de remonter à la surface. Pour comprendre ce qui, sur le pont du bateau qui fend ces eaux troubles, soulève le cœur de Leonardo DiCaprio, il faudra avoir rejoint l’autre bout du film. Pour l’heure, une île se profile, Shutter Island, transformée en centre de détention psychiatrique où les marshals Daniels (DiCaprio) et Aule (Mark Ruffalo) sont chargés d’enquêter sur la disparition mystérieuse d’une patiente. Le titre mérite qu’on s’y attarde, il contient, sinon la clef du film, du moins celle de son fonctionnement. Shutter Island : île-forteresse, dans l’ombre de laquelle fermente l’hypothèse d’une monstrueuse conspiration. Mais, aussi bien, et littéralement:île-obturateur, île-cinéma, machine à produire des images. À partir de cette entame gothique d’une puissance saisissante (l’arrivée sur l’île dans le
FÉVRIER 2010
brouillard et tandis que ronflent, terriblement anxiogènes, violoncelles et hautbois), le film s’enfonce dans un corridor de visions revenues des limbes. Dans l’œil du personnage de DiCaprio : un torrent d’images traumatiques venues du passé – des images de guerre et le fantôme de sa femme. Du côté de Scorsese, des fantômes de cinéphile : ceux des films produits par Val Lewton pour la RKO – les films de Tourneur, ceux de Mark Robson. Le film, disons-le, est inégal : au milieu de ce riche feuilleté d’images cohabitent de splendides idées de mise en scène et, parfois, une naïveté et un pompiérisme qui, si le cinéma de Scorsese en est coutumier, n’en sont pas moins crispants. S’il en réchappe in extremis (les derniers plans sont, comme les premiers, remarquables), c’est qu’il y a pour faire tenir tout cela ensemble un miracle qui, lui, n’est plus un mystère pour personne : le génie égal de DiCaprio.
WWW.MK2.COM
40 CINÉMa
SORTIE LE
03/03
The Ghost Writer 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1… Pour Kim Cattrall, en assistante très « Sex » (sans la « City »). 2… Pour la scène avec Eli Wallach, acteur mythique de 85 ans, qui a notamment joué chez John Huston. 3… Pour la partition remarquable d’Alexandre Desplat.
BONNES FEUILLES Un film de Roman Polanski // Avec Ewan McGregor, Pierce Brosnan… // Distribution : Pathé // Royaume-Uni, France, 2009, 2h08
Avec The Ghost Writer, ROMAN POLANSKI investit le monde du pouvoir, dans un thriller remarquablement mis en scène. Captivant comme un roman de Raymond Chandler. _Par Sandrine Marques
Lourde tâche pour un « nègre » (Ewan McGregor) que de s’atteler aux mémoires de l’ancien Premier Ministre anglais Adam Lang (Pierce Brosnan), bientôt au cœur d’une tourmente médiatique pour crimes de guerre. Sans compter que son prédécesseur a disparu dans des conditions mystérieuses… Une enquête vertigineuse plonge le biographe dans les arcanes du pouvoir. Adapté du roman L’Homme de l’ombre de Robert Harris (également au scénario), The Ghost Writer renoue avec le thème de la quête identitaire, cher à Polanski. Sur fond de manipulations et de séduction délétère, le héros court après les fantômes et finit, en toute logique, par rencontrer le sien. Truffé de clins d’œil à la filmographie de Polanski, son portrait ironique de l’élite politique embrasse le contemporain, à travers de troublantes mises en abyme. Impossible de ne pas voir dans le personnage
FÉVRIER 2010
de Pierce Brosnan (habilement utilisé pour son côté falot) un décalque de Tony Blair, dont Harris s’est inspiré. Et dans la situation du politicien interdit de sol britannique, celle d’un cinéaste lui-même en exil et dont les récents démêlés judiciaires ne sauraient éclipser le talent. Sa mise en scène classique, précise et élégante atteste, une nouvelle fois, de sa maîtrise du film de genre, auquel s’agrège un humour caustique. Disséminés dans un thriller en flux tendu, des gags achèvent de tirer le film vers l’absurde. Comme ce jardinier qui s’échine à ramasser des feuilles face à une maison en bord de mer, balayée par le vent. De la même manière, le biographe se débat avec les feuillets d’un manuscrit retors. Et quand son sens secret lui apparaît enfin, il s’envole avec lui... Dans l’image finale de ces feuilles de papier dispersées, le film trouve sa métaphore féroce : face au pouvoir corrompu, la quête de vérité n’est que plume dans le vent.
WWW.MK2.COM
42 CINÉMa
AGENDA SORTIES CINÉ 10/02 _Par C.G., J.R., P.R.-W. et S.M.
SORTIES DU
L’AUTRE DUMAS
17/02
SORTIES DU
FANTASTIC MR. FOX
de Safy Nebbou Avec Gérard Depardieu, Benoît Poelvoorde… UGC, France, 1h45
de Wes Anderson Avec les voix de George Clooney, Meryl Streep… 20th Century Fox, États-Unis, 1h28
À la veille de la révolution de 1848, Auguste Maquet vit dans l’ombre d’Alexandre Dumas, dont il est le nègre littéraire. Par amour pour une admiratrice de l’écrivain, il se fait passer pour lui. Un film classique, mais servi par un excellent duo d’acteurs.
Wes Anderson marche sur les pas de Roald Dahl et adapte en animation image par image l’histoire de ce Maître Renard élégant et voleur invétéré, pris dans une lutte contre ses trois ignobles voisins fermiers… Drôle et foutraque, ambitieux et rusé : un régal.
I LOvE yOU PHILLIP MORRIS
ILUSIONES ÓPTICAS
de Glenn Ficarra et John Requa Avec Jim Carrey, Ewan McGregor… EuropaCorp, États-Unis, 1h36
Inspirée de l’histoire folle mais vraie d’un escroc plusieurs fois incarcéré, roi de l’évasion et de l’usurpation d’identité, cette comédie loufoque et bariolée impose Ewan McGregor et Jim Carrey comme le couple gay de l’année… Réjouissant.
LOvELy BONES de Peter Jackson Avec Mark Wahlberg, Saoirse Ronan… Paramount, États-Unis, 2h08
Comment se reconstruire après un traumatisme ? C’est le chemin que doit accomplir une famille, après l’assassinat de leur fille, qui depuis l’au-delà observe ses proches. Quelque peu desservie par une esthétique kitsch, une tragédie émouvante sur le mal.
C’EST PARTI de Camille de Casabianca, Avec Olivier Besancenot, Alain Krivine… Ciné Classic, France, 1h32
Bennes à ordures, engueulades et fous rires au programme de ce documentaire qui nous propose de suivre la grande aventure de la mort de la LCR, pour sa refondation en Nouveau parti anticapitaliste. Bienvenue dans un monde où la scission est un mode de vie… ET AUSSI CETTE SEMAINE : C’EST ICI qUE JE vIS de Marc Recha (lire la critique p. 36)
de Cristián Jiménez Avec Valentina Vargas, Álvaro Rudolphy… Sophie Dulac, Chili, 1h42
Un vigile tombe sous le charme d’une cleptomane, une entreprise offre à ses employées une chirurgie mammaire pour améliorer ses relations clients… Une comédie atypique au regard tendre et acerbe sur la course à la modernisation d’une petite ville chilienne.
ENSEMBLE C’EST TROP de Léa Fazer Avec Nathalie Baye, Pierre Arditi… StudioCanal, France, 1h36
Après la rupture de ses parents, Sébastien se voit obligé, avec sa femme, d’accueillir sa mère, totalement dévastée par la grossesse de la jeune maîtresse de son mari. Festival de claques en perspective dans cette comédie familiale des plus foutraques.
LA RéGATE de Bernard Bellefroid Avec Joffrey Verbruggen, Thierry Hancisse… Pyramide, France-Belgique-Luxembourg, 1h31
Alexandre a 15 ans, et se fait battre par son père. Alors, pour oublier le quotidien, il se lance corps et âme dans l’aviron. Sergi, son entraîneur, et Murielle, la jeune fille qu’il aime, vont lui permettre de redécouvrir les valeurs qu’il a perdues…
ET AUSSI CETTE SEMAINE : LA PIvELLINA de Tizza Covi et Rainer Frimmel
(lire la critique p. 37) TATARAK d’Andrzej Wajda (lire l’article p. 68)
FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
43
SORTIES DU
24/02
A SINGLE MAN de Tom Ford Avec Colin Firth, Julianne Moore… Mars, États-Unis, 1h39
Depuis la mort de son compagnon, un professeur d’université n’a plus goût à la vie. Il décide d’en finir, mais sa rencontre avec un jeune étudiant change ses plans. Glacé comme une page de magazine, le premier film du styliste Tom Ford ravira les esthètes.
SORTIES DU
03/03 CRAZy HEART de Scott Cooper Avec Maggie Gyllenhaal, Jeff Bridges… Fox, États-Unis, 1h52
Musicien de country, Bad Blake a connu la célébrité, mais se produit désormais dans des bars de seconde zone. Sa rencontre avec une journaliste divorcée lui fait reconsidérer son mode de vie. Ce beau portrait d’un artiste usé réunit un casting exceptionnel.
LA REINE DES POMMES
L’ARBRE ET LA FORÊT
de Valérie Donzelli Avec Valérie Donzelli, Jérémie Elkaïm… Shellac, France, 1h24
de Jacques Martineau et Olivier Ducastel Avec Guy Marchand, Françoise Fabian… Ad Vitam, France, 1h37
Plaquée par Mathieu, Adèle se console dans d’autres bras : Pierre, Paul et Jacques se succèdent et se ressemblent. Et pour cause, tous sont interprétés par Jérémie Elkaïm. Un traitement drôle, original et intelligent pour une histoire universelle.
LA TISSEUSE de Wang Quan An Avec Yu Nan, Cheng Zhengwu… Pretty Pictures, Chine, 1h37
Lily apprend qu’elle est atteinte d’une maladie mortelle et part retrouver son premier amour… Le traitement très réaliste permet au cinéaste de souligner la monotonie du monde ouvrier, illuminé par le visage de l’époustouflante Yu Nan.
UNE éDUCATION de Lone Scherfig Avec Peter Sarsgaard, Carey Mulligan… Metropolitan, États-Unis, Grande-Bretagne, 1h35
Cette romance entre une adolescente et un homme plus âgé a créé la surprise à Sundance en 2009. Ce film indé gracieux est porté par un jeune espoir (Carey Mulligan) et un scénario initiatique de Nick Hornby, façon Cercle des poètes disparus ET AUSSI CETTE SEMAINE :
SHUTTER ISLAND de Martin Scorsese (lire la critique p. 38)
FÉVRIER 2010
Réalisateurs engagés, Ducastel et Martineau abordent le sujet tabou de la déportation des homosexuels pendant la Seconde Guerre mondiale, à travers un drame familial qui implique plusieurs générations. Un film pédagogique, sur fond de transmission.
PRECIOUS de Lee Daniels Avec Lenny Kravitz, Gabourey Sidibe… ARP Sélection, États-Unis, 1h49
Adapté du roman de Sapphire, Precious relate le parcours brutal d’une jeune Afro-Américaine victime d’inceste, qui trouve son salut dans l’apprentissage de la lecture. Véritable phénomène aux États-Unis, le film doit beaucoup à sa révélation, Gabourey Sidibe.
NINE de Rob Marshall Avec Daniel Day-Lewis, Nicole Kidman… SND, États-Unis, 2008, 1h58 Dans ce remake du chef-d’œuvre de Fellini, Huit et demi devient Nine, Mastroianni cède sa place à Daniel Day-Lewis, et le film le plus personnel du Maestro se fait défilé d’actrices stars. Relecture figée pour les uns, comédie musicale réussie pour les autres : Nine divise… ET AUSSI CETTE SEMAINE : THE GHOST WRITER de Roman Polanski (lire la critique p. 40)
WWW.MK2.COM
44 CINÉMa
LES ÉVÉNEMENTS BASTILLE
BIBLIOTHÈQUE
HAUTEFEUILLE
ODÉON
QUAI DE LOIRE
BEAUBOURG
GAMBETTA
NATION
PARNASSE
QUAI DE SEINE
CINÉMa
paSSERELLES
FLASHBACKS & PREVIEWS
LE DIALOGUE DES DISCIPLINES
SAMEDI 6 FévRIER – 11h30 / PAROLES DE PSy. / Jean Clavreul, 1983
JEUDI 4 FévRIER – 19h30 / RENCONTRE / Bertrand Tavernier Soirée autour de Photogénie du désir. Michael Powell et Emeric Pressburger, 1945-1950 de N. Thiéry (P.U. de Rennes) et d’ Amis américains de B. Tavernier (Actes Sud). Rencontre suivie de la projection de Je sais où je vais ! à 21h.
DIMANCHE 7 FévRIER – 11h / PAROLES DE PSy. / Patrick Landman, 2008. Projection suivie d’un débat. LUNDI 8 FévRIER – 21h / REPROJECTIONS / Phantom of the Paradise de Brian de Palma. Précédé d’un mini-concert d’Arnaud Fleurent-Didier avec (sous réserve) Rob, Guillaume Fédou et Branco Mazzalai. SAMEDI 13 FévRIER – 11h30 / PAROLES DE PSy. / Qu’est-ce qu’être psychanalyste ? (1983) DIMANCHE 14 FévRIER – 11h / PAROLES DE PSy. / Psychanalyse, thérapies comportementales et sciences cognitives, 2008. Projection suivie d’un débat. LUNDI 15 FévRIER – 21h / REPROJECTIONS / Un homme qui dort de Bernard queysanne et Georges Perec. Précédé d’un mini-concert d’Arnaud Fleurent-Didier avec (sous réserve) Philippe Katerine. LUNDI 22 FévRIER – 20h30 / RDv DES DOCS / M. le Président Mir Qanbar de Mohammad Shirvani. Un villageois de 75 ans tente de devenir le président de l’Iran… En présence de M.-P. DuhamelMuller, membre du comité de sélection à la Mostra de Venise. Avec l’association Documentaires sur grand écran. LUNDI 22 FévRIER – 21h / REPROJECTIONS / Je t’aime, je t’aime d’Alain Resnais. Précédé d’un mini-concert d’Arnaud Fleurent-Didier avec (sous réserve) Nicolas Godin (Air). LUNDI 1er MARS – 21h / REPROJECTIONS / À bout de course de Sydney Lumet. Précédé d’un mini-concert d’Arnaud Fleurent-Didier avec (sous réserve) Jean Felzine et Stéphane « Alf » Briat.
JUNIOR
SAMEDI 20 FévRIER - 11h30 / CINé-BD / Thierry Smolderen et Dominique Bertail Avec Dargaud, projection de Conversation secrète de F. Ford Coppola, suivie d’une rencontre-dédicace autour de Ghost Money, tome 2 : Les Yeux de Chamza. JEUDI 25 FévRIER – 19h30 / RENCONTRE / Baptiste Lignel Avec les éditions Transphotographic Press, rencontre autour de Coney Island, en présence de Jean-Baptiste Thoret, auteur du Cinéma américain des années 1970 (Cahiers du cinéma), suivie de la projection du Petit Fugitif de M. Engel, R. Orkin et R. Ashley. MARDI 2 MARS – 20h30 / MARDIS DU COURRIER INTERNATIONAL / Pétition – la cour des plaignants de Zhao Liang. Ils viennent porter plainte à Pékin contre les abus des autorités locales et attendent des mois, voire des années pour obtenir justice… JEUDI 4 MARS – 19h30 / SOIREE ZéRO DE CONDUITE / La banquise et les pôles. Avec les éditions Attila, autour des textes Dan Yac - le plan de l’aiguille de Blaise Cendrars (éditions l’Âge d’homme), Effrois de la glace et des ténèbres de Christophe Ransmayr et des ouvrages de Jørn Riel (éditions Gaïa). Insc. au 01.44.52.50.70. SAMEDI 13 MARS – 11h / STUDIO PHILO / Séance autour de Le Pouvoir psychiatrique de Michel Foucault. Animée par le philosophe Ollivier Pourriol.
DU 3 AU 17 FévRIER - SéANCE DU MATIN
Jasper, pingouin explorateur L’Écureuil qui voyait tout en vert Kérity, la maison des contes Le Petit Chat curieux Moomin et la folle aventure de l’été L’Ours et le magicien Alvin et les Chipmunks 2
FÉVRIER 2010
vENDREDI 19 FévRIER – 19h30 / RENCONTRELECTURE / Nathalie Richard La comédienne fera une lecture du nouveau texte de Céline Minard, Olimpia (éditions Denoël).
MERCREDI 3 MARS – 10h30 / LECTURE POUR LES 3-5 ANS / Tous les cacas de Pierrick Bisinski et Alex Sanders. Inscription au 01.44.52.50.70. À partir du 24 février, la circulation des salles change. Toute la programmation sur www.mk2.com.
WWW.MK2.COM
45
UVREZ DÉCO ÉMA IN C LE DANS N E M T AUTRE K2 ! M LLES LES SA
FOCUS
_Par J.R. et A.T.
REPROJECTIONS CARTE BLANCHE À ARNAUD FLEURENT-DIDIER Révélation musicale de ce début d’année, Arnaud Fleurent-Didier publie son troisième album solo, La Reproduction, impressionnante variation pop sur la notion de duplication. Sous le charme, le magazine Trois Couleurs a proposé à ce musicien cinéphile d’investir le MK2 Quai de Seine tous les lundis soirs de février, à l’occasion du cycle Reprojections, qui mêle concerts, films et débats. Parmi les films programmés figurent Je t’aime, je t’aime d’Alain Resnais, Phantom of the Paradise de Brian de Palma, Un homme qui dort de Georges Queysanne ou À bout de course de Sidney Lumet. Quant aux invités, sont pressentis (sous réserve) Philippe Katerine, Nicolas Godin (moitié du duo Air), Mustang, Guillaume Fédou, Branco Mazzalai... « Cette proposition de carte blanche m’a gêné, au début, avoue le Parisien. Je ne sais pas présenter les films, il faudra m’aider, hein ? Parce que c’est très beau quelqu’un qui vous apporte un chef-d’œuvre…» Tous les lundis soirs à 21h au MK2 quai de Seine, du 1er février au 1er mars, réservez vos places sur www.mk2.com/reprojections
SOIRéE UNIvERS D’ENFANTS Les univers d’enfants sont des constructions étranges et délicates bien souvent échafaudées dans l’urgence pour éviter que le monde réel ne s’écroule. Chaque premier mardi du mois, le MK2 Parnasse vous propose un nouveau rendez-vous dédié à l’enfance au cinéma, autour de projections de films et de rencontres avec des réalisateurs, des acteurs et des professionnels. Après Toto le héros en février, le cinéaste Jacques Doillon viendra présenter son film Ponette (1996). Ponette a quatre ans et sa maman (Marie Trintignant) vient de mourir dans un accident de voiture. Confiée à sa tante, la petite refuse obstinément cette disparition et continue, par tous les moyens, de s’adresser à cette mère qui lui manque tant… La rencontre sera notamment l’occasion de discuter avec le metteur en scène de son travail avec l’actrice Victoire Thivisol, bouleversante dans le rôle de Ponette, tout juste âgée de quatre ans au moment du tournage. Le mardi 2 mars à 20h30 : Ponette, en présence de Jacques Doillon. Cartes illimitées acceptées.
FÉVRIER 2010
LES CYCLES CONEy ISLAND Du 13 février au 14 mars, tous les samedis et dimanches matin, une programmation dédiée à l’ancienne île newyorkaise devenue péninsule, Coney Island : Père et flic de Michael Caton-Jones (2002), Les Guerriers de la nuit de Walter Hill (1979), Le Petit Fugitif de Morris Engel, Ray Ashley et Ruth Orkin (1953), Requiem for a Dream de Darren Aronofsky (2000) et Annie Hall de Woody Allen (1977).
PAROLES DE PSyCHANALySTES Gros succès pour ce cycle, débuté en octobre 2009 et qui s’achève mi-février : une dernière chance de mieux comprendre les enjeux de la psychanalyse grâce à une série d’entretiens filmés en 1983 puis en 2008 par Daniel Friedmann, chercheur au CNRS. La projection du dimanche est toujours suivie d’une rencontre-débat avec le réalisateur et les psychanalystes. Séance : 6,50 €. Toute la programmation dans la rubrique cinéma ci-contre.
PRISES DE SON À l’occasion de la sortie du documentaire musical Ne change rien de Pedro Costa avec Jeanne Balibar, le MK2 Hautefeuille réunit quelquesuns des plus beaux voyages cinématographiques au cœur de l’univers musical. Au programme : Joe Strummer : The Future Is Unwritten de Julien Temple (2007), Kurt Cobain : About a Son de AJ Schnak (2006), The Last Waltz (1978) et Shine a Light (2008) de Martin Scorsese, et Dig ! d’Ondi Timoner (2004).
Toute la programmation sur mk2.com
WWW.MK2.COM
© Harley Weir
CONCERTS
46 SORtIES EN VILLE
These New Puritans
ÉPOPÉE POP Festival Super Mon amour!#3 Agence de booking tendre et épique, Super ! célèbre son troisième anniversaire avec un festival de bon goût, SUPER MON AMOUR ! #3, qui se tiendra ce mois-ci dans plusieurs salles parisiennes. Vous aussi, faites le plein de super… _Par Wilfried Paris
L’épopée se rattache originellement à une tradition orale, transmise par des aèdes itinérants (Homère, son Illiade et son Odyssée), griots, shamans, conteurs, bardes ou troubadours. Elle était d’abord dite, psalmodiée ou chantée, parfois accompagnée de musique, avant de devenir un genre littéraire en soi. Les membres de Super !, « agence d’épopées musicales », transmetteurs pop-modernes de cette tradition épique, mettent toute leur énergie à faire tourner chants et musiques tout autour de la Terre, comme si ceux-ci la mettaient en mouvement. Derviches en tournée (Architecture In Helsinki, The Very Best, Atlas Sound), poètes tribaux (Chromehoof, Clara Clara, Gang Gang Dance) et animaux migrateurs (Animal Collective, Dodos, Bowerbirds) sont de la bande, l’idée originale de Julien Catala, fondateur et super booker, étant de « de créer une sorte de “label” d’artistes live, avec une ligne artistique forte ». À l’occasion du troisième festival Super !, les locaux Turzi (krautrock alphabétique), Koudlam (prophète électro), Chateau Marmont (noblesse cosmique) ou Mondkopf (baby-IDM) recevront sur un plateau de faux Ritals (Desire et Glass Candy, égéries du label synth-disco Italians Do It Better), un magnifique joueur de ukulélé (Dent May, dont le Oh Paris amoureux devrait faire battre tous les cils sous les franges), mais aussi la reformation des culte Chokebore (Troy Von Balthazar en chemise à carreaux 90s), les cordes sèches de l’Islandais Mugison, ou les planeries sombres des corbeaux de The XX… Les Anglais pâlots seront d’ailleurs à l’Olympia en juin, toujours sous la bannière Super ! Julien Catala : « Nous sommes très heureux de ce premier Olympia : ça a quand même une valeur symbolique de pouvoir faire cette salle mythique en ayant réussi à rester 100 % indépendant depuis le début… » On est super content pour eux. Super Mon Amour ! #3, du 16 au 21 février à Paris (La Cigale, La Maroquinerie, Point Ephémère, Social Club), avec The XX, These New Puritans, Chokebore, Turzi, Chateau Marmont… www.supermonamour.com
FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
© Hassan Ajjaji
L’OREILLE DE… HINDI ZAHRA
MATHIEU BOOGAERTS À LA JAVA « C’est un artiste que j’aime beaucoup. Je suis une grande fan de ses jeux de mots et de sa frivolité. Dans sa musique comme dans la mienne, on trouve un nombre ahurissant d’influences totalement différentes, le reggae, les rythmes africains… On se ressemble assez là-dessus. Il a énormément d’imagination. Il a cette folie douce que j’adore. Je trouve son univers très mignon. » _Propos recueillis par P.R.-W.
Mathieu Boogaerts en concert tous les mercredis jusqu’au 31 mars à la Java, 105 rue du Faubourg-duTemple, 75010 Paris. Réservez vos places sur www.moxity.com // Handmade d’Hindi Zahra (Blue Note, déjà disponible) ; lire l’interview page 22.
AGENDA CONCERTS
_Par W.P.
1 BILL CALLAHAN Désormais classique de l’indie-rock américain, l’ex-Smog, qui nous souhaite oiseaux (Sometimes I Wish We Were An Eagle, dernière pépite en date), vient voler au-dessus de la volière. Regard perçant et voix de roc. Le 12 février au Café de la Danse, dès 19h30, 17 €
2 THE FIERy FURNACES Matt et Eleanor Friedberger, duo fraternel et avantgardiste de la pop U.S. à coups de marteaux, investissent enfin un Trabendo à leur mesure. Frank Zappa et Captain Beefheart seront backstage… Le 18 février au Trabendo, dès 19h30, 27,50 €
3 JEREMy JAy + JACKIE-O MOTHERFUCKER Minet blondinet contant romances sur synthés glacés et basses glam, « J.J. » ouvre pour la bande free-psych-folk de Portland. La maîtrise et l’improvisation. Le 22 février au Café de la Danse, dès 19h30, 17 €
4 TURNER CODy (FEAT. HERMAN DUNE) Dans ce festival reptilien pour enfants du blues, le mordant Turner Cody, poète antifolk new-yorkais comme on n’en fait plus, sera rejoint par Herman Dune. Herbes folles et fortes racines. Le 27 février à La Maroquinerie, dès 19h30, 19,80 € (dans le cadre du festival Les Nuits de l’Alligator)
FÉVRIER 2010
© Virgili Jubero
CLUBBING
48 SORtIES EN VILLE
LIVING ROOM Retour à L’appartement Pour les noctambules avertis, le Baron était déjà comme une deuxième maison. Désormais, ses deux fondateurs, André Saraiva et Lionel Bensemoun, les reçoivent chez eux… ou presque, et ce jusque fin avril. Visite guidée. _Par Anne-Laure Griveau
L’Appartement, ou 250 m² de liberté pour faire la fête comme à la maison. Frigo et bar toujours pleins, pas d’horaires, des canapés et un lit pour s’affaler… S’affaler en toute élégance évidemment, puisque les meubles de Perriand ou Jeanneret y côtoient des créations de Vincent Darré. Autre mélange, celui des guests : l’objectif est de mixer « le monde de la musique, du cinéma, de l’art, de la mode et des médias », explique Lionel Bensemoun. Si le lieu est destiné à des invités très VIP, il marque néanmoins le retour au bercail des fiestas parisiennes. L’interdiction de fumer et les restrictions sur le bruit poussent les oiseaux de nuit hors des boîtes, et les soirées appart’ reviennent en force. « On a plein d’autres moyens que le club pour rencontrer des gens. Ce que l’on recherche dans la fête, c’est la convivialité et la proximité avec son propre cercle », souligne le baron de la nuit, avant d’ajouter : « La scène musicale s’est morcelée, chacun écoute son truc de son côté, il n’y a plus de club fédérateur. À L’Appartement ou chez soi, on branche les i-Pod et la programmation est éclectique. » Une tendance d’autant plus marquée que les groupes viennent bien volontiers jouer à domicile. Autrefois réservés aux milliardaires (comptez 3 millions d’euros pour Elton John à votre piscine party), les concerts privés se démocratisent, nouvelle économie de la musique oblige. Owngig.com par exemple, propose d’organiser votre concert de The Last Shadow Puppets, Tom Waits ou The Killers. « Dites-nous qui vous voulez, où vous le voulez et combien vous êtes prêts à payer, et nous négocierons pour vous », assurent-ils. Il faudra tout de même compter, en moyenne, 20 000 livres… Et si Prince est trop cher pour votre raout, branchez-vous sur awdio.com, le site qui diffuse en direct le son des meilleurs clubs du monde ! www.awdio.com et www.owngig.com
FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
LES NUITS DE… ARIEL WIZMAN
DJ-SET AU SOCIAL CLUB, FIN FÉVRIER «Je passerai des disques fin février au Social Club. C’est l’un des derniers clubs parisiens où l’on peut jouer des musiques vraiment underground, différentes de celles qui passent partout ailleurs. J’ai très envie d’inclure dans mon mix des morceaux de cosmic disco, un genre assez dur à danser, mais très profond, dont le DJ phare reste Daniele Baldelli. Le nouvel album du Grand Popo Football Club s’est beaucoup nourri à cette disco ralentie, presque lysergique, mêlant danse et tristesse. » _Propos recueillis par A.T.
DJ set d’Ariel Wizman fin février au Social Club, date à guetter sur www.parissocialclub.com Venom in the Grass de Grand Popo Football Club (Pschent, album disponible le 22 février) ; lire l’interview d’Ariel Wizman page 8.
AGENDA CLUBBING
_Par A.-L.G..
1 FLASH COCOTTE Gay et hétéro-friendly, les soirées Flash Cocotte sont parmi les plus extravagantes de Paris. Ce soir, les cocottes de service (Nizar, Dactylo…) prendront Daniel Wang et la DJette norvégienne, Diis Paradiis, sous leur aile. De quoi se coucher au chant du coq… Le 6 février à La Java, dès 23h, 7 €
2 MARTINEZ BROTHERS Leur nom semble sorti d’un cirque et pourtant les Martinez Brothers sont loin d’être des clowns. Passés en quatre ans du rang de jeunes pousses prometteuses à celui de stars internationales de la house, les New-Yorkais investissent le Djoon all night long. Le 12 février au Djoon, dès 23h, 12 €
3 SUPER ! Super ! l’agence d’« épopées musicales » organise son festival et vous embarque dans les contrées pointues de la musique. Des concerts bien sûr (voir page 46), mais aussi une soirée club à ne pas rater (Glass Candy, Logo, Chateau Marmont, Mondkopf, Futon…). Le 20 février au Point Éphémère, dès 23h, 22 € (pass 2 soirées)
4 LE GRAND MIX DU BRéSIL Loin des clichés ensoleillés, le musée du Quai Branly met la nouvelle garde de l’électro brésilienne à l’honneur. Quatre soirées au cours desquelles la samba et la bossa viendront se mêler aux accents pop et électro des DJs invités, dont l’étoile carioca Marcelinho da Lua. Du 3 au 6 mars au musée du Quai Branly, dès 20h FÉVRIER 2010
© Courtesy gb agency, Paris
EXPOS
50 SORtIES EN VILLE
Artists at Work 9, 2009. Photographie chromogène couleur sur papier Fuji Crystal Archive, contrecollée sur aluminium anodisé et encadrée
POINTS DE VIE Elina Brotherus à la gb agency La galerie gb agency présente une exposition en deux volets de la photographe finlandaise ELINA BROTHERUS. Une invitation au voyage au sein d’une œuvre intimiste, teintée de romantisme. _Par Anne-Lou Vicente
À l’image du titre de l’une de ses séries, The New Painting, Elina Brotherus envisage la photographie comme une nouvelle façon de peindre. Nombreuses sont d’ailleurs les références faites à la peinture romantique allemande, à travers la représentation de paysages sublimes, auxquels l’artiste, qui se met très souvent en scène dans ses photographies, fait face en nous tournant le dos. On est immédiatement tenté de penser, entre autres, au célèbre tableau de Caspar David Friedrich, Voyageur contemplant une mer de nuages (1818)… Thèmes romantiques par excellence, le paysage, l’homme et sa solitude sont au cœur de l’œuvre d’Elina Brotherus qui, pour sa Rétrospective présentée jusqu’au 1er février à la galerie gb agency, montre un ensemble de photographies issues de séries distinctes, présentées sur des tissus de couleurs unies. Un accrochage original, qui n’est pas sans rappeler celui des Salons du XIXe siècle et qui, ne répondant à aucune organisation chronologique ou thématique, nous invite à suivre l’artiste dans ses voyages, ses errances, ses points de vue, de vie. Souvent mis à nu, son corps, mais aussi celui de modèles ou de danseurs, comme dans la série Études d’après modèle, danseurs, est omniprésent, comme un contrepoint au paysage. Mais il fait l’objet d’un même travail minutieux sur la mise en lumière, jusqu’à apparaître comme une forme de paysage en mouvement, bien que figé par l’acte photographique. L’expression, ici véhiculée par le corps, passe aussi par l’écrit comme dans la double série Suites françaises, où l’artiste, en résidence en France, pays à la langue étrangère, se met en scène, affublée et entourée de Post-it sur lesquels sont inscrits des expressions et termes français. Mais nul besoin de traduction pour que le langage d’Elina Brotherus nous parle…
Rétrospective, jusqu’au 13 février à la galerie gb agency, 20 rue Louise-Weiss, 75013 Paris. Le second volet de l’exposition, du 20 février au 20 mars 2010, sera dédié à une nouvelle série de photographies intitulées Artists at Work, ainsi qu’à la présentation d’un nouveau film vidéo. FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
LE CABINET DE CURIOSITÉS
PASSAGES - SARKIS Des salles du musée au Forum, de la Bibliothèque publique d’information à l’Atelier des enfants, de la bibliothèque Kandinsky à l’Atelier Brancusi, le Centre Pompidou donne carte blanche à Sarkis pour investir ses différents espaces. Récentes, voire spécifiquement crées pour l’occasion, ses œuvres, alliant notamment le néon, la vidéo, la photographie, l’aquarelle et divers matériaux, seront disséminées dans le lieu, jusqu’à entrer en dialogue avec les œuvres d’autres artistes comme Joseph Beuys ou Kasimir Malevitch. _A.-L.V.
Du 10 février au 21 juin au Centre Pompidou, place Gorges-Pompidou, 75004 Paris.
AGENDA EXPOS
_Par A.-L.V.
PETER COFFIN Puisant dans les sciences, l’histoire de l’art ou encore la science-fiction, les vidéos et installations de l’artiste américain pointent l’irrationnel à travers différents phénomènes naturels ou optiques sondant notre perception sensorielle. Du 5 février au 25 avril au Credac, 93 avenue GeorgesGosnat, 94200 Ivry-sur-Seine.
vINyL L’exposition donne à voir et à écouter des disques 33 tours d’artistes plasticiens issus de la collection du curateur et éditeur belge Guy Schraenen, qui se passionne depuis trente ans pour ces séries d’œuvres originales qu’on appelle des « multiples », en particulier ceux liés au son. Du 19 février au 16 mai à La Maison rouge, 10 boulevard de la Bastille, 75012 Paris.
yvES BéLORGEy Les dessins au graphite sur papier et les huiles sur toile d’Yves Bélorgey représentent, dans un style faussement hyperréaliste, des ensembles architecturaux modernes du monde entier, devenus les vestiges des utopies socio-urbaines d’autrefois. Du 17 février au 25 mars à la galerie Xippas, 108 rue Vieille-du-Temple, 75003 Paris.
FÉVRIER 2010
© Christophe Raynaud de Lage
SPECTACLES
52 SORtIES EN VILLE
LES FLAMANDS OSENT Paroles, pas de rôle/vaudeville Saveurs fusion à la Comédie-Française. L’institution mère confie son patrimoine théâtral à une fourchettée de chefs flamands new wave. À la carte, textes classiques cuisinés à l’élisabéthaine, pour cinq comédiens du Français. _Par Ève Beauvallet
Peter van den Eede et Damiaan de Schrijver, ce sont un peu les tontons flingueurs du théâtre. Il fallait les voir se défier, entre bonhomie et irrévérence, autour du gueuleton gargantuesque qui les réunissait en 2005 pour My Dinner with Andre. Pour cette pièce adaptée du film de Louis Malle, ils devaient jouer à leur jeu favori : endosser leur propre rôle. Le bouche-à-oreille circulait, et il y avait de quoi. Quand deux des plus grands gourmets flamands, membres des intempestifs collectifs TG Stan et De Koe, s’attablent pour causer théâtre, mieux vaut être de la partie. Au menu, défilé de harangues et de bluffs, pour un théâtre « carte sur table », hérité de l’art du tréteau. Cette fois-ci, ils reviennent en trio avec Matthias de Koning, autre figure de cette «nouvelle vague flamande» années 1980, pour transmettre leur philosophie commune du jeu. Celle d’un acteur sans recettes, se mettant en péril jusqu’à plonger l’assemblée dans un grand fait-tout de réel et de fiction : «Le public a toujours l’impression qu’il assiste à une grande improvisation alors que nos spectacles sont structurés autant que chaotiques, explique le trio. C’est ce qui est intéressant : une chose et son contraire. » Dont acte. Eux, représentants de collectifs indépendants, multilingues, naviguant sans metteur en scène, débarquent aujourd’hui dans la plus ancienne des institutions théâtrales. Avec les comédiens du Français, ils décortiqueront des morceaux de choix du répertoire, les agrémenteront de discussions de groupe autour de l’art dramatique, pour un festin aux saveurs diderotiennes (ils citent l’encyclopédiste comme l’un de leurs mentors). Le récipient ? Une scène multifrontale, qui force les cinq comédiens à une réactivité maximale – histoire de se développer les papilles.
Paroles, pas de rôles/vaudeville, jusqu’au 28 février au théâtre du Vieux-Colombier, www.comedie-francaise.fr FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
LE SPECTACLE VIVANT NON IDENTIFIÉ
ANTICODES Nul besoin de vaccin pour ce virus-là. Le turbulent festival Antipodes à Brest, connu à l’international pour sa programmation décapante, contamine le TNC avec une injection de formes transgenres. Danse aux frontières de la performance, avec les corps sous vide de François Chaignaud et Cecilia Bengolea. Aux frontières du cinéma, avec l’hommage au génie de l’animation Norman McLaren par Michel Lemieux et Victor Pilon. Aux frontières de l’installation plastique, avec les love songs agencées par le chorégraphe Hervé Robbe, entre esthétique du juke-box et du scopitone. _E.B.
Du 11 au 14 février au Théâtre national de Chaillot, www.theatre-chaillot.fr
AGENDA SPECTACLES
_Par E.V.
1 UPRISING / IN yOUR ROOMS Entre puissance tribale et réminiscences hip-hop, les deux assauts qu’a lancés le chorégraphe isarélien Hofesh Schechter avec Uprising (Insurrection) et In Your Rooms ont soulevé la scène française. Et pour cause : un arsenal de corps fulgurants, qui capitalisent l’énergie hargneuse des boîtes de nuit pour la refondre dans des séquences chorales bruts de décoffrage. Du 16 au 21 février au Théâtre de la Ville, www.theatredelaville-paris.com
2 D’EUX Après les trips aquatiques de son solo Gravité, l’excellent danseur Fabrice Lambert propose un jeu en clair-obscur : un seul solo interprété tour à tour par deux danseurs, une fois dans la pénombre et le silence, l’autre dans une blancheur aveuglante et un son saturé. Soit deux versants d’une même histoire pour une exploration de la mémoire. Le 17 février au Théâtre de Vanves, www.theatre-vanves.fr (dans le cadre du Festival Artdanthé)
3 OUT OF THE CONTEXT Il était un des seuls dans les années 1990 à flanquer sur les plateaux de danse les paumés, déglingués et autres rejetons sociaux, à styliser les dérives humaines pour les hisser vers la grâce. Sa scène nerveuse, en vrac, qui éructe entre danse et théâtre, a fait d’Alain Platel l’icône d’une danse flamande buissonnière. La preuve par l’épure, avec huit danseurs dans Out of the Context. Du 8 au 13 février au Théâtre de la Ville, www.theatredelaville-paris.com FÉVRIER 2010
© Bruno Verjus
RESTOS
54 SORtIES EN VILLE
LA DOLCE VITA Le Caffé dei Cioppi Rencontre avec le Caffé dei Cioppi, une table « comme à la maison », et les recettes d’une Italie confidentielle et rêvée, celle de Federica Mancioppi et Fabrizio Ferrara. _Par Bruno Verjus (www.foodintelligence.blogspot.com)
Une grande ardoise accrochée nonchalamment au 159 du Faubourg-Saint-Antoine indique en lettres manuscrites : Caffé dei Cioppi. Il faut franchir le porche et s’engager dans le passage Saint-Bernard pour apercevoir, quelques mètres plus loin, un lumineux store jaune orangé – soleil éclatant aux carreaux de verre embués, en façade du restaurant. Une douce manière de nous mettre l’eau à la bouche. Ébullition des eaux et sérénité des chefs, bienvenue chez Federica, le midi… et Fabrizio, le soir. Federica, chic fille de Milan, élevée en esthète, et Fabrizio, Sicilien, nourri à l’amour de ses quatre tantes, de sa mère et des produits sincères, se sont rencontrés et courtisés dans la cuisine d’un restaurant de la rue de Seine, à Paris. Depuis, ils ont navigué entre la France et l’Italie, de cuisines en cours (histoire, management), et se sont mariés pour le meilleur de leurs goûts et de nos palais. « On fait ce que l’on aime, Fabrizio pour les cuissons lentes et les viandes, moi pour la cuisine de l’instant », glisse, espiègle, Federica. « La carte, nous l’avons trouvée très vite, à l’évidence de nous deux, de nos goûts. » Ici, l’on cuisine, l’on mange « comme l’on vit, les produits sont chinés le matin pour le midi et le soir, soit au marché d’Aligre, voisin, soit auprès de nos fournisseurs ». L’assiette témoigne de simplicité, les produits trônent, flattés par la main discrète de ces deux chefs. Une sensibilité à cru comme pour cette bresaola et parmesan : l’évidence du rouge vif, carpaccio, brodé de fins copeaux de parmesan – une convocation à la gourmandise ! Les risotti et les pâtes se parent aux couleurs de légumes du temps, de palourdes, de vin rouge, de saucisses. L’huile d’olive, généreuse et fidèle, les escorte. Alors, l’œil se mire aux reflets d’or tendre de ces minuscules flaques vernissées et le palais salive à ces pures attentions. Ce Caffé dei Cioppi célèbre l’amour et le goût des autres. Et, les autres, c’est nous. Caffé dei Cioppi, 159 rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75011 Paris. Tél. : 01 43 46 10 14
FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
LE PALAIS DE… MICKY GREEN
CHEZ GEORGES «Ça fait un moment que j’ai quitté mon Australie natale pour venir m’installer à Paris, et mon endroit préféré pour y manger reste ce restaurant. En bonne fan de cuisine française, j’y apprécie son choix de fromages et la manière dont ils accommodent la viande. Mais le plus touchant dans ce lieu, ce sont les gens. Une certaine idée du service à la française, un peu vieillot mais familier. À la croisée de l’ancien et du moderne, un mariage que j’ai voulu trouver dans mon dernier album, avec ses claviers vintage et ses accents plus R’n’B… » _Propos recueillis par E.R.
Chez Georges, 1 rue du Mail, 75002 Paris. Tél. : 01 42 60 07 11 // Honky Tonk de Micky Green (Polydor, album disponible le 15 février)
OÙ MANGER APRÈS… _Par B.V.
LEBANON Chez Lisa, pour le goût de l’ailleurs et du métissage. Ici, on célèbre le Liban moderne et généreux avec le partage des mezze : hommos, labné, fattouche, tabboulé… Les faims de loup se voient comblées avec l’assortiment des grillades : machéwès. Lisa, 14 rue de la Banque, 75002 Paris, Tél. : 01 55 35 00 66
vALENTINE’S DAy Chez La Bouche, pour l’ambiance amicale et cosy qui vous laissera lui murmurer à l’oreille les énoncés des plats, aux associations aussi improbables que terriblement gourmandes, comme ce maki de foie gras, crème de céleri, coco et moutarde de Crémone… La Bouche, 1 rue d’Eupatoria, 75020 Paris, Tél. : 09 53 56 24 14
LIBERTé Chez Sans Lézard pour grignoter, en toute liberté, un sandwich avant de se faire une toile. Mais pas n’importe quel sandwich ! Le pain provient de chez Julien, le jambon rime avec os ou Auvergne et les fromages du Cantal s’enorgueillissent de leur provenance. Sans Lézard, 58 rue de l’Arcade, 75008 Paris, Tél. : 01 55 06 10 75
FÉVRIER 2010
56 La ChRONIQUE DE
F R A N Ç O I S
CLUZET DE BUT EN BLANC Nominé dans la catégorie du meilleur acteur aux César pour À l’origine et Le Dernier pour la route, FRANÇOIS CLUZET est aussi précis dans le cinéma d’auteur que dans la comédie populaire. Exceptionnel dans Blanc comme neige de Christophe Blanc, cet humaniste à fleur de peau se raconte sans détour. De son besoin de reconnaissance à son goût pour les autres, portrait d’un acteurpalimpseste. _Par Sandrine Marques
François Cuzet dans Blanc comme neige
il affirme se rendre compte « de la profondeur des choses ». Des journaux qu’il vendait, aux classiques qui « lui donnent une idée de l’art », la page est tournée.
TOURNER LA PAGE
Q
uand on le rencontre dans un restaurant de l’avenue Montaigne, c’est un François Cluzet disponible et détendu qui nous accueille. La sérénité qu’il affiche ce jour-là amènerait presque à reconsidérer l’image de l’acteur nerveux qu’il véhicule de rôle en rôle. Élégant sans ostentation, le regard pénétrant, il parle avec fluidité et franchise. Celui qui se définit comme « un homme simple et curieux » évoque sa vocation précoce pour le spectacle : « J’ai toujours rêvé d’être un acteur célèbre, depuis l’âge de 10 ans. Je m’entraînais à faire des cascades en classe. Trente ans après, j’ai enfin pu tourner un film d’action, Ne le dis à personne, grâce à Guillaume Canet. Le cinéma de genre a toujours été mon cinéma d’élection. » Pas étonnant qu’il soit si à l’aise dans le thriller Blanc comme neige, réalisé par Christophe Blanc, qu’il qualifie de «grand auteur, précis et intelligent ». Dans le rôle d’un concessionnaire de voitures de luxe aux prises avec la mafia, Cluzet envisage les scènes de cascades sur le même plan que les scènes d’amour. De son propre aveu, ce Parisien de 54 ans, fils d’un marchand de journaux, ne serait pas sorti de sa condition s’il n’avait manqué, plus jeune, d’affection:«J’ai décidé que je ne vivrais pas sans amour et j’ai embrassé le métier de comédien pour ça. Je sais que je ne remplirai jamais ce manque mais ça m’a donné une autre vie que celle que j’ai vécue pendant mon enfance. ». C’est en jouant, à l’adolescence, dans des groupes de rock qu’il se découvre un goût pour la scène. À 17 ans, il abandonne le lycée et intègre le Cours Simon, puis ceux de Périmony et Cochet. Il débute sur les planches en 1976 et avec la découverte d’auteurs comme Tchekhov, Marivaux, Molière ou Musset,
DANS LA MARGE
«
Cette expérience théâtrale installe chez lui la conviction que la réussite de toute création réside dans son caractère collectif. Pour lui, l’acteur est un « témoin du siècle ». Et comme le siècle est troublé, ses choix se portent naturellement sur des personnages inquiets ou marginaux. Après avoir joué pour la première fois au cinéma chez Diane Kurys en 1979 (Cocktail Molotov), il explose dans les années 1980 chez Bertrand Tavernier (Autour de minuit), Bertrand Blier (Trop belle pour toi) et Claude Chabrol (Les Fantômes du chapelier), son mentor, qui le dirigera dans cinq films. Époux médiocre dans Une affaire de femmes, il est un mari maladivement jaloux dans L’Enfer. Dans les années 1990, l’intranquille continue à camper des personnages fiévreux ou mélancoliques. Il commente : « On me confie des rôles tourmentés car on se dit que je suis sensible. Mon job, c’est d’être fragile. Mais la question est toujours la même : avec qui ? Tout seul, je ne sais pas jouer, je ne sais rien faire. C’est mon partenaire qui m’inspire. » Ces personnages torturés n’éclipsent pour autant pas son talent comique. Il s’illustre dans des comédies populaires (Janis et John, Quatre Étoiles, France Boutique), un registre qu’il affectionne : « Si je m’écoutais, je ne ferais que des comédies. Ça libère totalement mon ego ; c’est très salvateur et excessivement délicieux. » Doux dingues, désaxés, dépressifs, l’acteur expose ses propres fêlures et se fait, à travers ses différentes incarnations, le représentant des laissés-pour-compte. C’est l’endroit où il s’estime pleinement dans sa fonction d’acteur : « J’aime les minorités, les humiliés et
LE CINÉMA DE GENRE A TOUJOURS ÉTÉ MON CINÉMA D’ÉLECTION.
FÉVRIER 2010
»
WWW.MK2.COM
François Cuzet dans Blanc comme neige
moi qui suis “ normal ”, j’ai envie d’avoir le cœur de ceux qui ne le sont pas. Un acteur est quelqu’un qui plaide d’abord pour les autres. Moi, je me sens indien, gros, pédé. J’aime les gens. Ils ne m’ont rien fait. Au contraire, ils m’ont fait. » Et, de film en film, François Cluzet raconte leurs histoires.
PAGE BLANCHE Quoi de plus vulnérable qu’un écrivain ? François Cluzet s’approprie, à plusieurs reprises, leurs failles dans des films graves ou loufoques (L’Examen de minuit, Fin août, début septembre, Je suis un assassin, Les Apprentis). Ses atouts ? Une présence romanesque et une sensibilité qui assurent à ses personnages une épaisseur mélancolique. Tout en nervosité rentrée, le visage de l’acteur se fige dans la tension, s’illumine dans le rire, avec cette manière intériorisée de jouer qui lui vient de modèles comme Spencer Tracy ou Jean Gabin : « Gabin ne joue pas extérieur mais intérieur. Une situation, ça se vit de l’intérieur. Alors pourquoi la jouerait-on de l’extérieur? Y a que les mauvais acteurs pour croire ça. » Écrivain fictif, il aime l’idée qu’on puisse l’envisager en tant qu’acteur comme une page blanche où écrire toujours de nouvelles histoires : «Ce que j’aime bien dans la page blanche, c’est qu’elle est moins vulgaire que la plupart des pages noircies. Tout est affaire de style. J’aime être frais, dispos, neuf et sans arrière-pensées face à un rôle. Je travaille beaucoup en amont mais dès lors que je suis sur le plateau, j’oublie tout. » Pour lui, rien de pire que la permanence du jeu et cette sacrosainte idée de la maîtrise, « la plaie du cinéma », qui rend selon lui les acteurs imperméables à tout sentiment. À ce propos, il cite l’exemple de Picasso, qui ne préméditait pas son geste face à la toile blanche. Selon lui, l’acteur doit arriver sur un plateau dans le
même état de virginité artistique. Mais s’il tient régulièrement des rôles d’intellectuel, François Cluzet se considère avant tout comme un acteur organique : « Tout ce qui est physique me va très bien. C’est toujours le cinéma que j’ai voulu faire. Le corps vit tout. Il dit le désir, la méfiance. » Il décroche le César du meilleur acteur en 2007 pour sa prestation spectaculaire dans Ne le dis à personne. Duo gagnant, il a de nouveau tourné sous la direction de Guillaume Canet, «un leader né», aux côtés de Marion Cotillard, Jean Dujardin et Benoît Magimel dans Les Petits Mouchoirs, sur les écrans courant 2010.
« MON JOB, C’EST D’ÊTRE FRAGILE. »
NOUVEAU CHAPITRE
Aujourd’hui, l’ultrasensible s’apprête à écrire une nouvelle page de sa carrière. Après avoir observé les plus grands réalisateurs au travail – parmi eux, Robert Altman sur le tournage de Prêt-à-porter dans lequel il tient un petit rôle –, François Cluzet songe à passer derrière la caméra, pour mettre en scène à son tour une comédie. À ce propos, il souligne la difficulté de rédiger un bon script, mais s’y consacre depuis vingt ans. Celui qui se définit comme un acteur ambitieux, mû par le désir de « tourner les meilleurs films qui feront le plus d’entrées possibles », entend perdurer dans le métier, avec l’ardeur farouche qui le caractérise. Pas question de laisser qui que ce soit d’autre que lui mettre un point final à son parcours prestigieux. Et alors que s’ouvre un nouveau chapitre de sa carrière, sa filmographie se lit comme le roman d’une vie passionnée, dédiée au cinéma, et à travers lui, aux autres.
Retrouvez l’interview intégrale de François Cluzet sur www.mk2.com FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
© Antoine Doyen
Christophe Blanc (à gauche) et Nicolas Saada (à droite)
63
FILMS NOIRS SUR FONDS BLANCS
Le cinéma de genre à la française se renouvelle, sous l’influence d’une jeune génération d’auteurs inspirés. Parmi eux, CHRISTOPHE BLANC réalise, avec Blanc comme neige, un thriller familial remarquable. Dans une même veine intimiste, NICOLAS SAADA signait l’an dernier Espion(s), un film noir tout aussi impressionnant. Nous avons voulu faire dialoguer ces deux auteurs, instigateurs d’un cinéma affranchi des conventions, ni tout à fait blanc, ni tout à fait noir. _Propos recueillis par Auréliano Tonet (avec Sandrine Marques)
O
n retrouve dans Blanc comme neige des éléments clés du film de genre, mais aussi des motifs plus intimes. Espion(s) opérait un balancement comparable entre références au film de genre et singularité des thèmes et de l’intrigue… Nicolas Saada : En France, La Sentinelle d’Arnaud Desplechin, en 1992, a ouvert une brèche, je crois. À la fois film de genre et film très personnel, il parvenait à montrer que la peur de s’engager n’était pas le caprice d’une «génération». Espion(s) – que j’envisage plus comme un film noir que comme un film d’espionnage – était une manière de canaliser ma noirceur, de la distiller dans un récit qui pouvait toucher un public le plus large possible. Christophe Blanc : Selon mon producteur, il existe des définitions assez strictes du film de gangsters : le polar implique la présence de policiers, le film noir se place du côté des voyous, le thriller du côté de la victime. Blanc comme neige, je dirais que c’est un thriller familial : au-delà, ou plutôt à l’intérieur du thriller, j’avais le désir de parler de sentiments très communs – la fraternité, l’amour… J’ai été très marqué par La nuit nous appartient de James Gray et 7h58 ce samedi-là de Sidney Lumet, deux thrillers où l’univers familial est omniprésent. N.S. : Finalement, Blanc comme neige, c’est l’histoire de quelqu’un qui se poursuit, et qui s’accomplit ou se désintègre en s’accomplissant. Ça peut être raconté de manière très froide et théorique, mais le film de genre permet au contraire d’incarner, de dramatiser, d’universaliser cette histoire… C.B. : Dans le thriller, on est face à des problèmes de cinéma, très factuels : comment inscrire la durée du film dans un suspense prenant, comment filmer une scène d’action crédible… Blanc comme neige ne joue pas la carte du prétexte et respecte les codes qui au final sont essentiellement émotionnels : la tension, la peur, l’angoisse… Et, comme dit Nicolas, dans
FÉVRIER 2010
cet espace très calibré, on a tout le loisir d’explorer des problématiques humaines partagées par tous. N.S. : Quand j’ai vu Blanc comme neige, j’ai cru – jusqu’à ce qu’on me dise le contraire – que c’était l’adaptation d’un roman. J’ai été très impressionné par la logique narrative, cette mécanique de la malchance qui est vraiment effrayante et que je pensais tirée d’un livre… C.B. : Ce n’est pas tout à fait faux. Avec Roger Bohbot, mon coscénariste, on avait Le Livre de Job en ligne de mire. Le texte décrit un pacte terrible entre Dieu et Satan pour éprouver Job, censé être le représentant le plus fidèle de la foi, et qui se retrouve victime d’une suite de catastrophes sans fin. On peut y voir cet enseignement : Job, qui se croit le plus libre possible, vit dans la peur de Dieu, de la vie au sens large, et non dans son mystère. C’est ce qui provoque l’ire de Dieu contre lui. Mais on s’est détachés de cette référence écrasante. Je ne voulais pas faire un film avec une dimension métaphysique immédiate, même si elle a nourri l’écriture du scénario.
« AVEC MON COSCÉNARISTE, ON AVAIT LE LIVRE DE JOB EN LIGNE DE MIRE. » C. BLANC
Une lecture schématique associe l’Amérique à un cinéma d’action et d’extérieur, et la France à un cinéma de dialogues et d’intérieur. Or vos deux films brouillent ces repères : ils ont pour cadre des lieux impersonnels (hôtels, aéroports…) et s’ouvrent vers l’étranger – Londres pour Espion(s), la Finlande pour Blanc comme neige… C.B. : Mon premier film, Une femme d’extérieur, s’ins-
WWW.MK2.COM
Louise Bourgoin et Christophe Blanc sur le tournage de Blanc comme neige
crivait délibérément dans ce que le cinéma français peut représenter de plus caricatural : un couple qui se déchire à l’intérieur d’une cuisine. Pour Blanc comme neige, si l’envie d’un film d’action était là, je ne voulais pas pour autant renier d’où je viens. Je souhaitais que mon personnage soit – comme Job – dans la plus totale déréliction à la fin du film, qu’il soit seul et nu, sans aucun repère et, dans cette perspective, la Finlande joue le rôle de la page blanche : on s’y sent comme au bout de la Terre. N.S. : Lorsque l’on tourne hors de chez soi, on ne cadre pas, on ne filme pas, on n’éclaire pas de la même manière. Changer de contexte permet de se libérer d’un certain nombre de contraintes. Si je voulais tourner à Londres, c’est aussi parce que j’ai grandi en regardant des films d’espionnage en anglais ; du coup, je n’arrivais pas à imaginer ce genre-là dans une autre langue que l’anglais. Il me serait impossible de filmer un type dans une voiture à Paris avec un téléphone, en train de dire : « Je veux du renfort à la station Église d’Auteuil ! »
le spectateur soit un sentiment de dissonance, soit un sentiment de répétition. Et la bande-son ? C.B. : Je pense que pour être cinéaste, il faut avoir une grande sensibilité musicale. La direction d’acteurs, le découpage, le montage son et image, c’est pleinement de la musique : il s’agit constamment de jouer sur l’idée de fluidité, de dissonance. N.S. : Je n’ai pas réalisé beaucoup de films, mais la phase du mixage est peut-être celle que j’ai préférée. À travers la bande-son, on peut repenser la texture de l’image, par exemple en créant du hors-champ avec une porte qui claque. Pour Espion(s), je voulais un son très différent selon les villes : très dépouillé à Paris et beaucoup plus riche à Londres. Dans Blanc comme neige, le son se raréfie, inversement... C.B. : En effet, j’avais envie d’un film de bruit et de violence qui finisse paradoxalement dans la douceur et le silence.
«UN SPECTATEUR N’EST PAS LÀ QUE POUR COMPRENDRE, IL EST AUSSI LÀ POUR SENTIR.» N. SAADA
Dans chacun de vos films, la photographie est très expressive : les couleurs, la lumière servent l’histoire autant ou presque que le scénario… C.B. : Sur Blanc comme neige, Laurent Brunet – le chef opérateur – et moi voulions arriver au noir et blanc, en partant d’un univers bigarré, saturé et chaleureux. Méditerranéen. Cette opposition couleur/N&B est exprimée, à son acmé, dans la scène de brouillard, où les personnages ne sont plus que des ombres noires ou grises qui se découpent sur du blanc. De ce point de vue, les deux scènes d’action principales, l’une dans l’obscurité près du chenil et l’autre dans la neige en Finlande, se répondent très clairement, presque symétriquement dans mon esprit. N.S. : Un spectateur de cinéma n’est pas là que pour comprendre, il est aussi là pour sentir. Quand on a pensé au cadre et à la lumière d’Espion(s) avec le chef opérateur Stéphane Fontaine, on se disait que certains de nos choix allaient orienter, même indiciblement, le regard du spectateur sur le sens des scènes. Une occurrence ou une absence de couleur crée chez
Espion(s) et Blanc comme neige s’achèvent tous deux sur une fin ouverte… C.B. : Certains verront une issue heureuse, d’autres une forme de nostalgie. Blanc comme neige est un film très masculin, contrairement à mes films précédents, presque exclusivement féminins. Du coup, ça me plaisait de finir sur le regard caméra d’une femme qui semble s’adresser à nous. La fin d’Espion(s) est très réussie, je trouve – cet échange de regards peut être chargé de beaucoup de choses… N.S. : Cette scène a été très compliquée à tourner. Ce qui a un peu apaisé sa fabrication, c’est que j’ai fait écouter aux comédiens la musique de fin, composée par Benjamin Britten. C’est une musique très élaborée, qui explicitait ce qu’il fallait jouer ou ne pas jouer, quelque chose de l’ordre du questionnement, du deuil. Un ami m’a raconté qu’il avait vu Espion(s) en salle et qu’à la fin du film, les deux adolescentes qui se trouvaient à côté de lui étaient en pleurs. J’étais très content. La fin d’un film, c’est un don au spectateur, pas seulement quelque chose qu’il faut boucler.
Un film de Christophe Blanc // Avec François Cluzet, Louise Bourgoin… // Distribution : MK2 // France, 2009, 1h40 // Sortie 17 mars FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
© Yaniv Edry
Dingue d’Emmanuelle Seigner (Columbia / Sony Music, album disponible le 8 février) Chicas un film de Yasmina Reza // Avec André Dussollier, Carmen Maura… // Distribution : UGC // France, 2009 // Sortie le 10 mars
67
EM MANUELLE
SEIGNER À tOUt SEIGNER, tOUt hONNEUR Casting divin au générique de Dingue, deuxième album d’EMMANUELLE SEIGNER : Keren Ann et Doriand à l’écriture et la réalisation, Iggy Pop et Roman Polanski au chant… Un pari réussi pour l’actrice-pythie, par ailleurs à l’affiche de Chicas, premier film de Yasmina Reza. _Par Pablo René-Worms
«
Il n’est pas de hasards, il est des rendez-vous…», chantait Daho. C’est précisément ce qui est arrivé à sa consœur et amie, Emmanuelle Seigner. Alors qu’elle est à la recherche d’auteurs pour écrire son prochain album, le morceau Dingue atterrit comme par miracle sur le bureau de Sony. Expéditeur : Keren Ann. Inespéré. Emmanuelle en avait envie, mais la Néerlandaise est réputée ne plus travailler pour autrui depuis sa collaboration avec Henri Salvador… « Keren et Doriand avaient écrit cette chanson. Ils ont pensé à moi et l’ont envoyée à la maison de disques. C’est un peu comme s’ils m’avaient entendue, comme si une connexion s’était faite. » Le duo se lance alors dans l’écriture et la réalisation de l’ensemble de l’album : une collaboration qui fonctionne à merveille, tant sur le très planant Alone à Barcelone que sur le plus pêchu Femme Fatale. Cette doublette de choc, Emmanuelle Seigner a un peu de mal à en démêler les fils:«J’ai l’impression que Doriand a écrit les paroles et Keren la musique, mais quand je leur posais la question, ils répondaient qu’ils faisaient tout à deux. Je trouve quand même que lui apporte un côté un peu plus sautillant, et elle une certain gravité. »
Mixé par le producteur suédois Tore Johansson, l’album inclut deux duos prestigieux : La Dernière Pluie avec Iggy Pop et Qui êtes-vous? avec Roman Polanski. Pour l’iguane, c’est Keren Ann qui joue les entremetteuses lors d’un Taratata où elle croise le «membre» des Stooges. Quinze jours plus tard, Emmanuelle Seigner apprend que l’icône 70s accepte de poser sa voix sur le morceau : « J’étais étonnée et ravie. Je n’y croyais pas, jusqu’à ce qu’il arrive derrière le micro pour chanter. » Autre featuring, celui de son réalisateur de mari, Roman Polanski, pour qui c’était une première. Une façon pour Emmanuelle de lui rendre ce qu’il lui a offert : « Je dois à Roman mon premier grand rôle au cinéma, dans Frantic en 1988. Il m’a “dépucelée” dans ce domaine, je voulais lui rendre la pareille en musique, lui donner sa première chanson.» Résultat : un morceau très réussi où Polanski invoque Gainsbourg période Gainsbarre…
FÉVRIER 2010
et pour lequel, après les déboires judiciaires du cinéaste, la question de le garder ou non s’est posée. Mais la chanteuse, éprouvée par l’affaire, a pensé que « l’enlever aurait déséquilibré l’album et consisté à avouer une faute qui n’existe pas. » Qui êtes-vous ? a donc bien toute sa place sur Dingue, dont la tonalité change radicalement par rapport au précédent album de Seigner, Ultra Orange et Emmanuelle, aux sonorités plus new-yorkaises et anglophones, inspirées par le Velvet Underground de Lou Reed. Cette fois, place à la Côte Ouest de Nancy Sinatra, téléportée en plein Paris : «Je voulais faire un disque qui sonne comme si Nancy avait été française.» Une influence qui saute aux yeux dès la pochette du disque, qui fait écho à celle de These Boots Are Made for Walkin’ : « J’aime son côté country, rock, insolent, avec des chansons comme These Boots…, très légères, et tout d’un coup des morceaux comme Bang Bang, plus profonds. » Les yéyés sont eux aussi convoqués, de Hardy à Polnareff ou France Gall, peut-être par nostalgie d’une époque fantasmée, «toute cette euphorie qui nous inspirait et qui a un peu disparu aujourd’hui en France ». À l’inverse du cinéma, la chanson a permis à Emmanuelle Seigner de s’imposer au centre du processus de création. Un plaisir exacerbé par les concerts : « La scène est la chose la plus incroyable que j’ai faite dans ma vie. Cela a libéré l’actrice en moi. » La comédienne est bientôt à l’affiche du premier film de Yasmina Reza, Chicas, où elle interprète… une actrice à succès : «J’y joue Nuria, une star, une sorte de Penélope Cruz. » Dans cette tragicomédie familiale, Nuria retrouve les siens à l’occasion de la présentation du nouvel ami de sa mère, interprétée par Carmen Maura. Difficulté d’accepter le nouvel arrivant, tensions et jalousies entre Nuria et sa sœur Aurélia, elle aussi comédienne (tiens donc…), les thèmes sont traités avec tact et finesse. « Yasmina m’a donné le rôle quand elle m’a vue en concert au Bataclan. C’est la chanteuse qui l’a inspirée. » Pas de hasards, vous disait-on, mais des rendezvous.
WWW.MK2.COM
HISTOIRE(S) DE CINÉMA Alors que la Cinémathèque lui consacre une rétrospective, le Polonais ANDRZEJ WAJDA croise l’histoire de son pays et celle, intime, de son art et de ses proches dans Tatarak, son nouveau film. _Par Juliette Reitzer
Né en 1926, Andrzej Wajda n’a cessé d’explorer l’histoire troublée de la Pologne : drames et séquelles d’une nation prise entre l’armée rouge et les troupes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale (Ils aimaient la vie, Cendres et Diamants…), stalinisme (L’Homme de marbre), communisme (L’Homme de fer)… S’il prend parfois ses distances avec l’histoire polonaise, c’est toujours pour mieux en explorer les enjeux : Danton, sur la Terreur postrévolutionnaire en France, fut ainsi tourné en 1983, soit au plus fort de la Solidarnosc menée par Lech Walesa contre la politique de Wojciech Jaruzelski. Son génie ? Avoir trouvé l’angle idéal pour que son propos survive au temps qui passe : Wajda raconte l’histoire nationale en convoquant celle des hommes et femmes qui la vivent, la subissent, la façonnent. Katyn, son précédent film sorti en 2009, revenait sur le meurtre, commis par l’armée rouge en 1940, de plus de 20000 officiers et résistants polonais. Le cinéaste y filmait surtout les épouses des hommes retenus prisonniers : il sait émouvoir les cœurs pour mieux imprimer les esprits et sa mise en scène classique, baroque et romantique y participe grandement.
Déjà présent dans Katyn – parmi les officiers exécutés figurait le père du cinéaste –, l’ancrage autobiographique est plus profond encore dans Tatarak. Le réalisateur y filme son amie et actrice Krystyna Janda, dans son propre rôle, s’apprêtant à tourner le nouveau long métrage d'Andrzej Wajda : Tatarak… Wajda nous montre son film en train de se faire, de la même manière qu’il a toujours su exalter l’histoire en train de se dérouler : « Quand le peuple n’a plus sa libre parole, ce sont nous, les artistes, qui devenons sa voix », aime-t-il d’ailleurs répéter, installant son art au cœur du processus de mémoire et de résistance… Salué comme l’un des plus grands cinéastes actuels (il a notamment reçu un Oscar d’honneur en 2000 pour l’ensemble de sa carrière), il est aujourd’hui invité à la Cinémathèque française pour une rétrospective et rencontrera le public lors d’une leçon de cinéma. Un conseil : courrez-y ! À 83 ans, nul doute que l’homme, témoin des bouleversements de son pays, éternel défenseur de la démocratie et acteur majeur du cinéma mondial, aura beaucoup d’histoires à vous raconter.
Rétrospective Andrzej Wajda du 9 février au 21 mars à la Cinémathèque française Tatarak // Avec Krystyna Janda, Pawel Szajda… // Distribution : Les films du losange // Pologne, 2009, 1h25 // Sortie le 17 février Danton // DVD disponible le 9 février chez Gaumont Vidéo
FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
© Paul Smith
« JE COMPOSE TOUJOURS MES CHANSONS QUAND LE CIEL EST COUVERT. »
Fantastic Mr. Fox // Un film de Wes Anderson // Avec les voix de George Clooney, Meryl Streep… Distribution : 20th Century Fox France // États-Unis, 2009, 1h28 // Sortie le 17 février Bored to Death // Première saison actuellement diffusée sur Orange Series // www.myspace.com/coconutrecords
71
J A S O N S C H WA R T Z M A N LES BLaSONS DE JaSON Protégé de Wes Anderson et Judd Apatow, JASON SCHWARTZMAN ne s’aliène aucun cercle. On le croise souvent à Paris sur son vélo hollandais, mais cette fois, c’est à Londres que nous le rencontrons, pendant la promo de Fantastic Mr. Fox. Portrait d’un homme lige. _Par Guillaume Fedou
«
Je veux être l’ami de tout le monde. » Avec ses grandes fenêtres donnant sur Hyde Park et ses murs de tissu rare ornés de récompenses militaires en l’honneur du Président américain, la suite Eisenhower de l’hôtel Dorchester de Londres pourrait être le décor ultime de l’univers de Wes Anderson. Le réalisateur préféré de la bourgeoisie cool se tient là, face à moi, cheveux mi-longs et costume de flanelle, débattant de la soirée qui s’annonce avec son acteur fétiche, Jason Schwartzman. Wes préfèrerait se reposer après cette longue journée de promo pour Fantastic Mr. Fox, son premier et remarquable film d’animation, tandis que Jason (qui y assure la voix d’Ash, le fils de Mr. Fox) aimerait sortir boire un verre. La discussion est feutrée, tongue-in-cheek, et me voilà prisonnier d’un bonus DVD en trois dimensions. De temps en temps, Wes me jette un coup d’œil comme pour demander pourquoi je n’ai pas cherché à l’interviewer lui, le réalisateur… C’est vrai que j’en aurais des questions à lui poser, à propos de son style européen rapporté à ses origines texanes, de ce culte de l’enfance qu’il développe film après film sur fond de Beatles et de Nico…
Ils finissent par se mettre d’accord, je peux commencer. Je lance un « Wes Anderson est le génie du style émotif », auquel Jason s’empresse de répondre : «Oui, c’est le plus grand. Mais c’est d’abord un ami. Nous partageons le même humour, le même goût pour la mode…» Né à Los Angeles en 1980 de Talia Shire (sœur de Francis Ford Coppola et «Adrieeeeenne» de Rocky Balboa) et de Jack Schwartzman (producteur du fauxJames Bond Jamais plus jamais), Jason a commencé par être un ado ordinaire : «J’étais batteur dans Phantom Planet, un groupe d’indie rock californien. » Mais sa maman, éprise de « grande » culture, se désespère de le voir se transformer en pur slacker et le force à louer un smoking pour la garden-party donnée par son grand-père, Carmine Coppola, membre de l’orchestre classique de NBC : « Tout Hollywood était là, et moi j’errais de table en table avec ma veste à queue-depie… La honte! Et puis une fille s’est approchée et m’a parlé d’un film dont elle gérait le casting. » Le film en question s’appelle Rushmore (1998), quintessence de l’art d’Anderson, avec Bill Murray en industriel dépres-
FÉVRIER 2010
sif. « Je n’avais jamais pensé jouer la comédie, mais les essais se sont tellement bien passés que Wes n’a vu personne d’autre. » Jason et lui deviennent inséparables, ce qui n’empêche pas Anderson de couper l’acteur au montage de La Famille Tenenbaum, le remplaçant par un aigle nommé Mordecai. « Je jouais le voisin d’Owen Wilson, et Wes a considéré que ce personnage n’apportait rien à l’histoire. C’est dommage, les scènes étaient très belles. » Wes va se rattraper, puisque Jason jouera dans À bord du Darjeeling Limited – dont il a coécrit le scénario avec Roman Coppola – aux côtés d’Owen Wilson et Adrien Brody. « Wes et moi sommes frères de cinéma, mais j’aime aussi tourner avec Judd Apatow, autre génie actuel. J’adore ses dialogues. » Son rôle dans Funny People de ce dernier n’est certes pas inoubliable, mais prouve que Jason est open : « J’ai plusieurs bandes, c’est comme ça depuis le lycée. D’ailleurs je m’habille chez Band of Outsiders, d’autres copains à moi. » Le comédien tient son premier vrai premier rôle dans Bored to Death, série HBO totalement cute racontant comment un plumitif new-yorkais largué par sa nana devient détective privé – avec, en point d’orgue, un cameo de Jim Jarmusch particulièrement savoureux. La série est entièrement à la gloire de Schwartzman, qui en compose même certaines musiques originales. Car ce Coppola qui s’ignore n’a jamais dévié de son chemin musical. Après Phantom Planet et les Newborn Babies (le groupe qu’il dit avoir fondé en classe maternelle), Jason s’est lancé en solo, obtenant un succès d’estime avec Coconut Records, projet pop solaire typique West Coast, entre les Beach Boys, The Mamas & The Papas et Phoenix. « C’est à L.A. que je me sens le mieux. Les voitures molles, le vent dans les arbres, les plages désertes… Je compose toujours mes chansons quand le ciel est couvert. » Il suffit d'écouter Summer Day, son magnifique duo avec Zooey Deschanel, pour s’en convaincre… Wes revient dans la pièce, finalement ils sortent manger un morceau. De retour dans l’Eurostar, bloqué deux heures suite à un suicide en gare de Lille-Europe, on est content d’avoir croisé un homme heureux en 2010.
WWW.MK2.COM
LE
73
BOUDOIR ÉBATS, DÉBATS, CABAS : LA CULTURE DE CHAMBRE A TROUVÉ SON ANTRE
« PERSONNE NE VOULAIT CHANTER NOS CHANSONS, ALORS NOUS AVONS DÛ LE FAIRE NOUS-MÊMES. » GIL SCOTT-HERON
© Mischa Richter
P.76
DVD-THÈQUE
74/75
CD-THÈQUE
76/77
IDA LUPINO, réalisatrice pionnière
GIL SCOTT-HERON, l’espoir d’une renaissance
BIBLIOTHÈQUE
78/79
BD-THÈQUE
80/81
Les vies de vIOLAINE GILLIBERT
Le couple vu par SEIICHI HAyASHI et KAZUO KAMIMURA
LUDOTHÈQUE La chevauchée fantastique de DARKSIDERS
FÉVRIER 2010
82/83 WWW.MK2.COM
74 LE BOUDOIR /// DvD-THèqUE
LA FEMME FOCALE IDa LUpINO, RÉaLISatRICE pIONNIèRE La sortie en DVD de Bigamie et Le Voyage de la peur permet d’apprécier le talent de l’actrice et réalisatrice britannique IDA LUPINO, aussi moderne dans les sujets qu’elle a abordés que dans ses mises en scène audacieuses. _Par Juliette Reitzer et Sandrine Marques
Issue d’une lignée de comédiens anglais, Ida Lupino vérité des dialogues et l’émotion font mouche. Entre était connue pour son caractère bien trempé. Décou- drame sentimental et film de procès, Ida Lupino se refuse verte par Allan Dwan, c’est Raoul Walsh (Une femme justement à condamner son vulnérable personnage dangereuse) qui la façonne, à la fois comme actrice masculin, enjoignant le spectateur à en faire autant. et réalisatrice. Auprès de son mentor et ami, elle apprend le métier, en l’observant au Tourné juste avant Bigamie, la même année, travail. Sous contrat avec Warner, l’intrépide, Le Voyage de la peur est le premier film noir qui tournera sous la direction de Fritz Lang, – et, il semblerait, le seul – réalisé par une Nicholas Ray ou encore Robert Aldrich, quitte femme. Dans cette angoissante odyssée, le studio pour fonder sa propre maison de prodeux hommes en route pour une partie de duc-tion dans les années 1940.The Filmakers pêche prennent en stop un redoutable était née et, avec cette société, une liberté tueur en série, qui les force à le conduire de création sidérante pour l’époque. En jusqu’au Mexique. Ida Lupino reprend ici les six films issus de sa compagnie, la forte codes du genre, sans toutefois les appliquer tête, passée derrière la caméra par accià la lettre. Mieux, elle les inverse, attribuant dent, se frotte aux sujets de société les plus par exemple à un homme (en l’occurrence tabous. Avec Avant de t’aimer (1949), elle le tueur) les qualités généralement réserBigamie et Le Voyage aborde le thème sensible des filles mères et de la peur d’Ida vées à la figure archétypale de la femme des grossesses non désirées. Dans Outrage Lupino (Wild Side) fatale : dangerosité, irrationalité, perversité. (1950), elle analyse les conséquences La volonté d’ancrer tous ses films dans le sociales d’un viol. En héroïne émancipée mais fragile, réel, et ce Voyage de la peur en particulier, inscrivent elle se met en scène dans Bigamie (1953), son unique Lupino dans la modernité : tourné en décors naturels apparition dans un film qu’elle dirige. Là encore, l’in- (dans les plaines désertiques de la frontière améritelligence de son propos, exempt de tout jugement, cano-mexicaine), son film se base en outre sur l’hisfrappe. Un représentant de commerce marié à son toire vraie du tueur en série Billy Cook. Quant à ses perassociée en épouse une autre. Entre ses deux foyers, sonnages aux allures d’antihéros, ils sont on ne peut il s’englue dans le mensonge, avant d’être démasqué plus ordinaires. L’immersion naturaliste du film est d’ailpar un travailleur social zélé. Comment en est-il arrivé leurs revendiquée, avant même le générique de début : à mener cette vie schizophrène ? Par amour. C’est ce «Ce que vous allez voir aurait pu vous arriver », peutque raconte un long flashback confessionnel, où la on lire sur le carton d’ouverture.
FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
75
« LE VOYAGE DE LA PEUR EST LE PREMIER FILM NOIR JAMAIS RÉALISÉ PAR UNE FEMME. »
LE COFFRET MORCEAUX DE CONvERSATIONS AvEC JEAN-LUC GODARD D’ALAIN FLEISCHER (ÉDITIONS MONTPARNASSE)
En près de dix heures d’images, chez lui, dans son atelier, face à des étudiants ou à des critiques et cinéastes (JeanMichel Frodon, André S. Labarthe, Jean Douchet...), Jean-Luc Godard réaffirme les enjeux esthétiques, théoriques et philosophiques de son cinéma. Indispensable. _J.R.
La mise en scène assez classique d’Ida Lupino compose avec une approche expressionniste des extérieurs, souvent saisissante. Son insubordination artistique, détonante dans l’Amérique conservatrice des fifties, laisse transpirer quelques moments de génie pur, qui éclatent dans Le Voyage de la peur. Notons, entre autres, cette brillante idée scénaristique : le tueur souffre d’une paralysie faciale qui l'empêche de fermer l’œil droit, ses otages ne pouvant dès lors jamais savoir s’il dort ou s’il les surveille. Plus loin, c’est un klaxon bloqué qui hurle pendant plus d’une minute ou une vue subjective depuis le viseur d’un fusil de chasse. Comme une volonté pour Ida Lupino d’affirmer la légitimité de son statut de réalisatrice et de se positionner davantage en « femme focale » qu’en femme fatale.
LE COUP DE CœUR DU vENDEUR COLLECTION SERIAL POLARS (BACH FILMS)
Bach Films est un cas à part dans le monde du DVD. Proposant des films à bas prix mais techniquement médiocres, cet éditeur s’est pourtant toujours démarqué par un choix audacieux de titres, s’aventurant dans les coins oubliés de l’histoire du cinéma, en marge des grands noms habituels. Ayant fait depuis quelque temps de grands progrès dans le traitement accordé à l’image, Bach Films n’a pas pour autant abandonné sa politique éditoriale, et enrichit en ce début d’année sa collection Serial Polars de dix nouveaux titres. À chacun de trouver parmi ces séries B une improbable pépite… _Florian Guignandon, vendeur à la boutique du MK2 Quai de Seine
_Par J.R.
DvD FISH TANK D’ANDREA ARNOLD (MK2 ÉDITIONS)
Au fond d’une banlieue anglaise grise et pauvre, une ado survoltée trouve refuge dans la danse hip-hop. Son monde bascule lorsque sa mère ramène un nouvel amant à la maison… Second long métrage et seconde récompense cannoise pour Andrea Arnold, cinéaste à suivre.
MARy ET MAX D’ADAM ELIOTT (GAUMONT)
L’histoire sombre et poétique d’une correspondance épistolaire entre une petite Australienne mal aimée et un Américain quadra autiste et angoissé. Un conte bouleversant sur l’acceptation des différences, récompensé au festival d’animation d’Annecy 2009.
BACON, L’HOMME ET L’ARèNE D’ADAM LOW (ARTE ÉDITIONS)
Peintre de l’effroi et des corps déformés, autodidacte marqué par le surréalisme de Picasso et Buñuel, Francis Bacon nous est dévoilé dans ce passionnant documentaire, de l’adolescent rejeté pour son homosexualité à l’artiste mondialement acclamé. FÉVRIER 2010
© Mischa Richter
76 LE BOUDOIR /// CD-THèqUE
AIRS LIBRES GIL SCOtt-hERON, L’ESpOIR D’UNE RENaISSaNCE Après une escale en prison, le légendaire poète/chanteur américain GIL SCOTT-HERON fête ses 60 ans avec un nouvel album, I’m New Here, son premier en dix ans. L’esquisse d’une retraite fertile ? _Par Smaël Bouaici
Gil Scott-Heron est de retour. Pour de vrai. Ça faisait huit Fils de Gil Heron, dit « Black Arrow », premier footballeur ans qu’on n’avait pas entendu sa voix sur un enregis- noir à porter les couleurs du mythique club du Celtic trement. Depuis 2002 exactement et une apparition Glasgow, et petit-fils d’une bibliothécaire, Lily Scott (à sur l’album Blazing Arrow de Blackalicious, le duo de San laquelle il rend hommage sur l’incipit du disque I Come Francisco. Entre-temps, Gil a passé quelques années from a Broken Home), proto-rappeur, pianiste de jazz, derrière les barreaux. Ce nouvel album, intitulé en forme poète, romancier, commentateur social, Gil Scott-Heron de clin d’œil I’m New Here, on le doit à Richard Russell, a vécu plusieurs vies. Et c’est avec Brian Jackson, comle boss de l’excellent label XL Recordings, venu en 2006 pagnon de la première heure et compositeur du riff de rendre visite à Gil au pénitencier de Rikers The Bottle, qu’il a connu la plus belle. Leurs Island, sur l’East River, entre le Bronx et le talents sont repérés par Flying Dutchman, Queens, où le chanteur purge une peine le label de Bob Thiele, asile de Leon Thomas pour possession de drogue – ou violences et Lonnie Liston Smith. Il leur adjoint une domestiques, on ne sait plus trop. Il réussit flopée de musiciens de jazz qui mettront en à faire parvenir de la musique au prestimusique ses mots sur le premier album, gieux détenu ; un an plus tard, Gil est libéré Small Talk at 125th and Lenox, et forgeront et les deux larrons passent quelques jours à des tubes comme Winter in America, The ruminer le projet. Mais le chanteur retourne Revolution Will Not Be Televised ou The Bottle. vite en prison, et ce n’est qu’en janvier 2008 I’m New Here «Personne ne voulait chanter nos chansons, qu’ils réussissent à caler des sessions studio, de Gil Scott-Geron alors nous avons dû le faire nous-mêmes. (XL / Beggars) passées à bosser avec des samples et une Brian et moi sommes devenus des musiciens boîte à rythmes. Au final, l’album est très court, une de jazz grâce à Flying Dutchman. » demi-heure, mais intense, constitué essentiellement de poèmes mis en musique. Certains, plus riches, ressem- Musicien de jazz. Voilà comment il préférerait qu’on le blent davantage à des chansons qu’à du spoken voie, plutôt que « parrain du hip hop ». « J’ai l’impresword : Me and the Devil et son ambiance trip-hop, I’m sion que dans notre communauté, il y a toujours ce New Here et ses arpèges, ou le poignant blues New besoin de classer et d’identifier les événements de la York Is Killing Me, tout juste agrémenté de claps à la culture black. » Dans les années 1980, il va même plus main qui s’adaptent parfaitement à son timbre grave. loin dans ce discours, avec Message to the Messengers, Mais c’est toujours avec un piano que Gil Scott-Heron adressant un tacle amical aux jeunes rappeurs : « Il y fait le plus d’effet, comme sur la sublime déclaration a une grosse différence entre mettre des mots sur la d’amour I’ll Take Care Of You. musique et assembler des mots dans la musique. Ils FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
77
« PROTO-RAPPEUR, PIANISTE DE JAZZ, POÈTE, ROMANCIER, GIL SCOTT-HERON A VÉCU PLUSIEURS VIES.»
LE TRéSOR CACHé
n’ont pas beaucoup d’humour, ils utilisent beaucoup d’argot et d’expressions familières, mais on ne voit pas à l’intérieur de la personne, on voit juste des postures. » Gil Scott-Heron, toujours un temps d’avance sur tout le monde, a chanté Johannesburg dix ans avant les concerts pour Mandela. Il a aussi raillé tous les présidents, de Nixon (le fameux H2O Gate Blues) à Reagan, ce qui lui valut d’être blacklisté dans les années 1980, début de ses addictions et fin de sa période dorée. Depuis, sa carrière musicale a connu plus de longues périodes de disette que de soubresauts. On ne sait pas pour combien de temps est revenu Gil Scott-Heron, s’il a vraiment fini de louvoyer de studio en cellule. On sait juste qu’il est là en ce moment. Alors autant en profiter.
LA BANDE ORIGINALE
REALISM
(NONESUCH)
Plus grand songwriter des deux dernières décennies, l’épatant Stephin Merrit achève sa « trilogie sans synthés » avec Realism, album 100 % acoustique qui répond aux saturations rock de Distortion (2008). Intelligence, cohérence, émotion : être réaliste en 2010, c’est jouer – et gagner – sur tous les tableaux. _A.T.
THELMA, LOUISE ET CHANTAL (SONY MUSIC)
Trois cinquantenaires se rendent au mariage d’un ex à La Rochelle… Pour la B.O. de son road-movie féminin, le cinéaste Benoît Pétré s’est tourné vers Keren Ann. Laquelle alterne avec élégance compositions originales et réorchestration de tubes yéyés : Sheila, Sylvie Vartan ou Johnny Hallyday sont repris par Benjamin Biolay, Vanessa Paradis, Doriand... L’ensemble s’avère très cohérent, accompagnant la nostalgie des personnages par un retour musical aux sixties, favorisant l’émotion de voix épurées, et une musique originale (cordes et vocalises) amplifiant l’homogénéité des morceaux. Comme dit la chanson : « Tous ensemble on est bien car on suit le même chemin. » _Benoît Basirico
_Par A.T.
CD
HONKy TONK DE MICKy GREEN (POLYDOR)
La souris verte creuse son trou avec cet excellent second album, tout en césures R’n’B, syncopes pop, éclats timbrés. Gageons que les airs alertes de l’Australienne trotteront, longtemps après leur découverte, dans les recoins de votre crâne étourdi.
(MEASURE) DE FIELD MUSIC (MEMPHIS INDUSTRIES / PIAS)
« L’homme est à la mesure de toute chose. » (Protagoras) Les anguleux frères Brewis le prouvent à nouveau : même lorsqu’ils voient double (deux disques, vingt chansons) et qu’ils se frottent à des Everest pop (Beatles, XTC, Sparks), ils trouvent l’harmonie.
CONTRA
DE vAMPIRE WEEKEND (XL / BEGGARS)
Vampire Weekend, ou l’art de la dialectique : Contra est à la fois le contraire (beats électros, vocoder) et le prolongement (arpèges afros, refrains sautillants) de leur premier album. De quoi ménager surprise, déception et félicité chez les aficionados du combo new-yorkais.
FÉVRIER 2010
DE THE MAGNETIC FIELDS
© Céline Nieszawer
78 LE BOUDOIR /// BIBLIOTHèqUE
SANG D’ENCRE LES VIES DE VIOLaINE GILLIBERt À travers l’émouvant portrait de son père brisé en plein vol, le premier roman de vIOLAINE GILLIBERT, L’Écharpe blanche, esquisse celui d’une fille en quête d’émancipation. Rencontre avec une jeune première tardive. _Par Éric Vernay
Comme les chats, Violaine Gillibert semble avoir plu- Violaine Gillibert est peut-être née une seconde fois en sieurs vies. Féline Parisienne aux yeux gris-verts, elle naît 2004, année de la mort de son père. Victime d’insomune première fois à Tassin-la-Demi-Lune en 1979, année nies dans les mois qui suivent ce décès, elle se met de l’accident d’hélicoptère de son père. Grièvement d’abord à écrire un premier jet, nocturne, sans projet blessé, Michel Gillibert, châtelain de 34 ans et homme de roman en tête. «Je ne pouvais pas continuer à vivre d’affaires de la région lyonnaise, devient tant que ce n’était pas fait », confie-t-elle tétraplégique. Dans ce contexte dramatique, aujourd’hui. D’abord pour réhabiliter l’homme Violaine incarnera, selon les mots de sa derrière le personnage public, mais aussi mère, empruntés à Claudel, « la joie dans dans une visée thérapeutique : une « pulla douleur». Un rôle compliqué à tenir après sion » douloureuse, mais libératrice. « Je me la séparation de ses parents, presque un souviendrai toute ma vie de cette sensation, sacerdoce pour la jeune fille. Élève dissipée, un morceau de moi est parti avec toi », enfant ballottée de ville en ville, elle grandit écrit-elle dans cette longue lettre en homen se faisant réceptacle de la parole d’aumage au père. L’emploi de la deuxième trui, et en particulier de son père, qu’elle personne du singulier s’impose naturelleretrouve tous les dimanches. Un lien indicible ment à l’écriture : «Je ne pensais pas au lecne cesse de les unir, malgré les épreuves. teur en écrivant, assure-t-elle. Je m’adressais Nommé en 1988 secrétaire d’État aux perà mon père. C’était un cadeau. » Curieusesonnes handicapées du gouvernement ment, à la lecture, ce «tu» plein de tendresse Rocard, sous la présidence François Mitterrand, L’Écharpe blanche donne l’impression d’une complicité extrême, le père de Violaine est soupçonné en 1993 de Violaine Gillibert mais aussi d’une tentative de mise à disd’avoir financé des associations fictives. (Mercure de France) tance. Dire «tu» pour tuer le père, comme s’il Tourmente médiatique et procès interminafallait définir cette ombre imposante pour ble, dont le roman ne se fait l’écho qu’à demi-mot, en en finir avec le passé, une bonne fois pour toutes, et creux : L’Écharpe blanche évite les détails people ou enfin «entrer dans sa vie» après avoir passé trente ans juridiques pour se concentrer sur l’émotion d’une fille à la fuir. au chevet d’un père cassé physiquement et moralement. « J’ai voulu faire quelque chose d’universel », « Teint pâle, cheveux noirs, lèvres sang », avec un grain explique Violaine Gillibert, de sa voix feutrée. Et en de beauté sur la joue hérité de son père, la jeune trenmême temps, quelque chose de très personnel : « Le tenaire qu’on rencontre dans sa maison d’édition a des portrait de mon père, à travers le mien. » airs de diva gothique. Toute de noir vêtue, elle dégage FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
79
« JE NE PENSAIS PAS AU LECTEUR EN ÉCRIVANT. JE M’ADRESSAIS À MON PÈRE. » pourtant une certaine sérénité, comme si son deuil était enfin achevé. Plusieurs vies semblent désormais s’offrir à Violaine Gillibert, enfin dissociées du «tu» paternel, dévouées au «je» et au jeu. Passionnée de comédie, Violaine gravite depuis ses treize ans de cours d’art dramatiques en petits théâtres new-yorkais. Pour son premier rôle au cinéma, elle va jouer dans le prochain film d’Abdellatif Kechiche, La Venus noire. « Ce n’est pas un rôle de jeune première, se réjouit-elle. Il m’a donné la chance d’exprimer toutes mes contradictions. » Quant à sa vie d’écrivain, elle a déjà débuté avec L’Écharpe blanche, qui révèle, au-delà du simple journal intime, une vraie écriture.
LE CINé LIvRE THE BRAKHAGE LECTURES
DE STAN BRAKHAGE
(CAPRICCI)
Drôle, brillante, imagée, la prose du cinéaste expérimental Stan Brakhage mêle faits réels et fantasmés pour dresser le portrait de quatre immenses cinéastes : Méliès, Griffith, Dreyer et Eisenstein. Une délicieuse friandise littéraire et cinéphile. _J.R.
LE COUP DE CœUR DE LA LIBRAIRE DENISE COLOMB AUX ANTILLES SOUS LA DIRECTION DE NOËL BOURCIER (FILIGRANES ÉDITIONS – JEU DE PAUME)
En 1948 et 1958, la photographe Denise Colomb effectue deux voyages aux Antilles, d’où elle rapporte un important document poétique, culturel et social. Dans ce livre, qui s’ouvre sur le noir et blanc et s’achève sur la couleur, s’enchaînent les approches ethnographique et humaniste, le mélange de l’exotisme et du surréalisme, ainsi que des expérimentations photographiques, les réticulations. Un livre lumineux et d’une grande sensibilité qui donne à voir une image sans cliché de ce pays. _Pascale Dulon, libraire au MK2 Bibliothèque
_Par B.Q.
LIvRES LE DERNIER CRâNE DE M. DE SADE DE JACqUES CHESSEX (GRASSET, ROMAN)
Mort le 9 octobre 2009, l’écrivain suisse Jacques Chessex laisse cet ultime roman où il met en scène les derniers jours du marquis de Sade et les tribulations posthumes de son crâne. Une pépite noire et somptueuse, imprégnée d’un puissant parfum de scandale.
ATOMIC BAZAAR
DE WILLIAM LANGEWIESCHE
(ALLIA, ESSAI)
Journaliste baroudeur, cet Américain offre un essai captivant sur les nouveaux possesseurs de la bombe atomique, du Pakistan aux groupes terroristes. Style percutant, portraits savoureux et informations explosives, dans la meilleure tradition du reportage libre.
SEPT ANS DE PETER STAMM (CHRISTIAN BOURGOIS, ROMAN)
Romancier subtil, le Suisse Peter Stamm est un excellent explorateur de l’âme humaine. Démonstration dans ce roman qui raconte l’histoire d’un architecte aisé, aux prises avec une attirance adultère foireuse pour une bigote polonaise. Une perle mélancolique et puissante.
FÉVRIER 2010
© Seiichi Hayashi et Éditions Cornélius
80 LE BOUDOIR /// BD-THèqUE
Planche extraite de Élegie en rouge de S. Hayashi
COUPLES TÉMOINS La VIE À DEUX VUE paR S. haYaShI Et K. KaMIMURa Signés SEIICHI HAyASHI et KAZUO KAMIMURA, deux romans graphiques japonais du début des seventies explorent la vie de couple. Poignants et nécessaires. _Par Joseph Ghosn (www.menstyle.fr)
Et si c’était la bande dessinée qui parlait le mieux du productivité qui va avec. De sorte que tout esprit rebelle, couple? Disséqué dans les romans graphiques les plus toute velléité de rêverie, de fantasmagorie ne se maniimportants des années récentes, le couple est impos- feste plus que dans le cercle de l’intime, dans les aspisible chez les Américains Chris Ware, Charles Burns rations qu’un couple exprime dans sa chambre. Et ces ou Daniel Clowes, difficile chez les Français Dupuy- aspirations vont de pair avec un certain désenchanteBerberian, Blutch ou Menu. Il traverse, habite ment du monde. même, des ouvrages plus anciens venus du Japon. Deux d’entre eux, datant du début Kazuo Kamimura annonce d’emblée la coudes années 1970, viennent d’être traduits en leur avec Lorsque nous vivions ensemble. français : Élégie en rouge de Seiichi Hayashi Dès le titre, dès les premiers mots, le lecteur et Lorsque nous vivions ensemble de Kazuo est averti qu’il s’agit là d’une histoire d’amour Kamimura. Ce dernier, paru en trois volumes au passé. Dès lors, tout au long de ces 2000 épais chacun comme un Bottin, est compages, il raconte les moments d’une vie posé de petits récits et chapitres courts iniamoureuse prise dans les premières secoustialement publiés sous forme épisodique ses du désir, les premières confrontations dans un hebdomadaire intitulé Action à d’un jeune couple qui apprend à vivre partir de 1972. Soit un an après la publicaensemble. Le dessin de Kamimura est d’une tion d’Élégie en rouge, composé entre 1970 Élégie en rouge de Seiichi élégance rare. On l’avait déjà croisé dans et 1971. Les deux ouvrages sont des exacts Hayashi (Cornélius) Lorsque la sublime série Lady Snowblood (une des nous vivions ensemble de contemporains l’un de l’autre et traitent, plus Kazuo Kamimura (Kana) sources d’inspiration de Tarantino pour son ou moins, des mêmes figures. Ils ont tous premier Kill Bill). Ici, il est au plus près de ses deux été des succès populaires au Japon et été adap- personnages, consacrant de longs moments minutieux tés au cinéma, au théâtre… L’un et l’autre mettent en et silencieux à leurs expressions, à des détails, des fragscène un couple de jeunes gens d’à peine 20 ans ments de leur existence conjugale mais non mariée. vaguement fauchés, vivant dans le sillage des idéaux Au final, ce qu’il saisit le mieux, avec une grande clarté, des années 1960 qui, en ce début des années 1970, ce sont les indices de leur relation, les preuves de leur ont quasiment disparu, au moins de la surface visible amour, depuis sa naissance jusqu’à son délitement. de la société japonaise. Les utopies et contestations des sixties ont laissé place à un assagissement géné- Élégie en rouge suit un autre schéma formel. Plus insralisé en partie dû à l’émergence d’une société poli- piré par le cinéma que par la BD, son style à l’approche cée, tournée vers le consumérisme à outrance, et la fragmentée, liminale, relève de la Nouvelle Vague des
FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
81
« LES PERSONNAGES SEMBLENT PRIS DANS UNE IMPLICITE CHORÉGRAPHIE DE L’INTIME. » années 1960. On y est pris dans une esthétique tourmentée qui reflète l’état des personnages dessinés. Seiichi Hayashi élabore un livre aux apparences expérimentales mais empreint d’une sourde mélancolie, qui résonne longtemps après sa première lecture. Chez lui, les décors n’existent presque pas, sauf lorsqu’ils sont immédiatement rattachés aux personnages, comme s’ils en étaient des appendices. Hayashi privilégie le blanc plutôt que les fioritures, de sorte que les personnages qu’il dessine semblent pris dans un perpétuel ballet, une implicite chorégraphie de l’intime, toute pénétrante et très bouleversante. Au bout de la lecture de l’un et l’autre livre, on est porté par la même émotion qui saisit après chaque visionnage du Mépris de Godard, des Nuits de la pleine lune de Rohmer ou de Baisers Volés de Truffaut : le sentiment amoureux est bien un gouffre, un abîme, une perdition de soi.
LA RééDITION SERGENT KIRK 3 D’HUGO PRATT (FUTUROPOLIS)
On n’en finit pas de rééditer Pratt. Récemment, des éditions en couleur de La Maison dorée de Samarkand ou des Helvétiques ont permis une énième relecture de Corto Maltese. Mais c’est la série western Sergent Kirk qui vaut surtout le détour : Pratt y est en grande forme, et son dessin magistral, tout en noir et blanc aiguisé, mène ses récits vers des sommets peu atteints par d’autres. _J.G.
L’ALBUM JEUNESSE BIH-BIH ET LE BOUFFRON-GOUFFRON DE CLAUDE PONTI (ÉCOLE DES LOISIRS)
Bih-Bih, adorable petite bestiole « pontiesque », se promène tranquillement quand, tout à coup, elle s’aperçoit que son chemin se trouve sur la langue d’un monstre… Un Bouffron-Gouffron est en train de l’avaler ! Et avec elle, le dernier morceau intact de la planète. Débute alors une visite guidée de tous les chefs-d’œuvre du monde entier que ce goinfre a avalés. La rébellion peut commencer… _Sophie Quetteville, libraire au MK2 Quai de Seine
_Par J.G.
BD JOURNAL D’ITALIE 1
DE DAvID B.
(SHAMPOOING / DELCOURT)
Après une récente – et décevante – adaptation d’un roman de Pierre Mac Orlan, David B. revient avec un journal de bord très réussi, mêlant obsessions et rêveries, observations et angoisses intimes.
LES NOCEURS
DE BRECHT EvENS
(ACTES SUD BD)
Tout en aquarelles, ce roman graphique est dessiné avec une étonnante maîtrise de la couleur et de la mise en scène – d’autant que son auteur n’a que 22 ans. Le livre s’incruste dans trois soirées, et y décrit un ballet de relations humaines tantôt hilarant, tantôt désespérant.
LES DéMONS DE MOGOL DE GILAD SELIKTAR (ATRABILE)
Gilad Seliktar avait dessiné Ferme 54, beau livre sur la vie en Israël. Ici, son dessin est plus naïf, proche du cartoon. Mais son propos n’en est pas moins saisissant : il dépeint un personnage légèrement dépressif, durant une journée d’errance, saisie à vif. Drôle et intimiste.
FÉVRIER 2010
VOUS SOUHAITEZ COMMUNIQUER DANS ? APPELEZ-NOUS ! 0144674801
82 LE BOUDOIR /// LUDOTHèqUE
APOCALYPSE NOW La ChEVaUChÉE FaNtaStIQUE DE DARKSIDERS Symphonie pour ogres de barbarie, Darksiders est la sanglante surprise de la rentrée. Une aventure de chevalier bourrin sur sa mule – mais sans princesse à sauver – y a pas à dire… Ça fait du bien. _Par Étienne Rouillon
« Et il sortit un autre cheval, roux. Celui qui le montait Voilà pour les yeux. Dans les doigts, la même richesse. reçut le pouvoir d'enlever la paix de la Terre, afin que Armé de son épée, Guerre dompte une faux de trois les hommes s’égorgeassent les uns les autres ; et une mètres de long, un boomerang tranchant non moins grande épée lui fut donnée» (Apocalypse 6 :4) Grosso massif, et même des canons à particules plutôt inatmodo, voilà le pitch. Dans le vacarme des trompettes tendus. C’est que Darksiders aime surprendre avec du Jugement dernier, l’un des quatre cavades passages apocryphes, loin du vocaliers de l’Apocalypse se retrouve chez nous. bulaire habituel des beat them all. Après Piégé par les forces du Mal, il bousille l’équiavoir tranché dans le lard de cochons morts libre précaire entre les démons et les anges. vivants, on se retrouve à faire des bonds de Après un jugement expéditif, il est condamné cabri entre des plateformes haut-perchées, à recoller les morceaux et retrouver les resquand il ne faut pas travailler du ciboulot ponsables de sa perte. Il s’appelle Guerre et pour venir à bout d’énigmes corsées. Les il est plutôt du genre belliqueux. Dans ses illustres muses de Darksiders (Zelda, Portal, bottes, take a walk on the dark side – et la God of War) lui donnent un souffle hétéromusique est bonne… C’est l’auteur de comic clite, inspiré par les bonnes idées des autres. books Joe Madureira qui a supervisé la Pourquoi s’en priver, d’autant que ces réemdirection artistique du jeu. Le dessinateur plois sont soutenus par une identité forte. des X-Men a creusé au burin baroque un Genre : Action / Darksiders n'est pas une copie, mais a relu tableau organique de fin du monde, pour- Aventure celles de ses prédécesseurs. tant familier. Dans sa quête de vengeance, Éditeur : THQ Guerre traverse aussi bien les rues d’un New Plateforme : PS3, X360 L’enfer, c’est les autres. La faune du jeu est York dévasté (une fois encore, pas de pot) que des particulièrement agressive et imposante : on peut vite jardins babyloniens. Le design des personnages est se retrouver face à une dizaine de menus diablotins remarquable de cohérence. Les amateurs retrouve- qui encadrent un ou deux mastars, toutes griffes et ront les notes à la fois repoussantes et séduisantes du cornes dehors. On meurt souvent dans des affronmonde infernal de la BD Hellboy. En dépit de quelques tements homériques avec les hordes célestes. Les comlacunes graphiques inhérentes aux vastes espaces bos toujours plus destructeurs et les évolutions de l’armeouverts, on vacille et faucille dans des décors saisis- ment seront les seules planches de salut face aux boss sants, entre le cartoon d’un Fantasia et la rigueur des phénoménaux. Heureusement, un marchand de cameenluminures mérovingiennes. lote satanique, le vulgaire Vulgrim, vous propose potions FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
83
« C’EST L’AUTEUR DES X-MEN QUI A SUPERVISÉ LA DIRECTION ARTISTIQUE DU JEU. » et enchaînement de coups, monnayés contre des âmes perdues que l'on récupère en démontant tout ce qui tient debout. Dur sur l'homme avec ses défis ardus, le jeu sait néanmoins y faire pour fluidifier l’expérience du joueur. Des points de passage et de nombreux checkpoint évitent de crapahuter de manière redondante lorsque l’on veut passer d'un environnement à un autre. Et s’il faut fouler la terre cendrée d'un canyon, c'est du bout des sabots de Ruine, la monture de notre cavalier. Enfin, l’alter ego furieux de Guerre, que l'on peut invoquer après avoir aplati nombre de crânes, nous donne des frissons de puissance : six mètres de haut, enflammé comme un bec bunsen, des bras comme des platanes. Épique en diable, avec Darksiders, on est aux anges.
_Par E.R.
JEUX SHATTERED HORIZON (FUTUREMARK, SUR PC)
Petits nouveaux dans l’édition de jeux vidéo, les équipes de Futuremark sont un peu dans la lune avec ce titre qui se déroule en orbite de la Terre. Un jeu de tir à la première personne dans l’apesanteur spatiale, c’est du jamais joué. Brillant, mais réservé aux cosmonautes chevronnés.
BORDERLANDS (2K GAMES, SUR PC, PS3, X360)
Du tir toujours, mais mâtiné de jeu de rôle, c’est l’excellente recette de Borderlands, épicée quelques mois après sa sortie par deux nouvelles extensions : l’une vous emmène dans des marécages peuplés de morts vivants, tandis que l’autre dévoile des arènes de shoot hardcore.
DARK vOID (CAPCOM, SUR PC, PS3, X360)
Les amateurs du comic book The Rocketeer, héros antinazi volant grâce à une roquette dans le dos, apprécieront Dark Void, doué des mêmes arguments. Le charme suranné de ce jeu d’aventure compense des graphismes quelques peu limités. Attention, le petit oiseau va sortir son gros fusil.
FÉVRIER 2010
L’ACCESSOIRE LE BON COPAIN On ne le trouve pas en magasin. L’accessoire de ce mois-ci n’a pas de prix : c’est le gus qui traîne sur votre canapé, mendiant la manette à chaque nouvelle partie. Pour son plus grand plaisir, Army of Two (jouable à deux sur le même écran) revient dans un second opus qui corrige les maladresses du premier. Plus beau, plus prenant, mais concept immuable : aux commandes de deux mercenaires, vous plombez tout ce qui vous semble être en carence de fer à l’écran, dans un Shanghai en flammes. La coopération est de mise : pendant que votre zélé camarade mitraille à tout-va, concentrant l’attention des gredins, vous pourrez les prendre à revers sans être vu. _E.R. // Army of Two : Le 40e Jour (Electronic Arts, Sur PC, PS3, X360)
L’ADAPTATION vANCOUvER 2010 (SEGA, SUR PC, PS3, X360)
Au lieu de se pogner le bacon devant la télé, comme diraient nos cousins canadiens, essayez-vous aux Jeux Olympiques d’hiver avec ce titre multiépreuves. Du bobsleigh au slalom géant, en passant par le patinage de vitesse, les amateurs de records pourront se jauger sur Internet. Tabernacle, pas facile d'accrocher l'or… _E.R.
85 hOLLYWOOD StORIES // GRaNDES Et pEtItES hIStOIRES DU CINÉMatOGRaphE
BOULEVARD DE LA MORT Troisième et dernier épisode de notre série sur les morts mystérieuses d’Hollywood. Laquelle, avec la disparition de Natalie Wood, se conclut là où elle avait commencé avec l’affaire Thomas Ince : dans les eaux glacées qui bordent la Californie.
ÉpISODE 3, SaISON 3
_Par Jérôme Momcilovic
CATALINA ISLAND « Ce n’était ni un homicide, ni un suicide, mais un simple accident. Il n’y a qu’une chose à dire : Natalie nous a quittés. Le reste n’est qu’élucubrations morbides. » Quand l’avocat de Natalie Wood prend la parole dans Time Magazine, deux semaines après la disparition de la comédienne, l’Amérique est aussi bouleversée par le drame que profondément fascinée par ses étranges circonstances. Le 27 novembre 1981, le Splendor, le yacht de Natalie Wood et de son mari Robert Wagner (acteur lui aussi1), quittait la Marina del Rey pour fêter Thanksgiving sur l’île de Catalina. À bord, le couple a un invité : Christopher Walken, tête d’affiche, avec Wood, de Brainstorm, dont le tournage est sur le point de s’achever. Dans la nuit du 28, après une soirée agitée, Wood s’isole dans sa cabine, puis disparaît, en même temps qu’un canot de sauvetage. On retrouvera son corps le lendemain matin, noyé à quelques centaines de mètres du Splendor. DES EAUX SOMBRES Enfant star, révélée à neuf ans dans Miracle sur la 34e Rue, Natalie Wood tourna pour Ford (inoubliable Debbie dans La Prisonnière du désert), Kazan (La Fièvre dans le sang), Robert Wise (West Side Story). Mais c’est évidemment son rôle dans La Fureur de vivre qui, en premier, vint alors à l’esprit de l’Amérique en deuil : en trouvant la mort à 43 ans, Wood voyait son destin définitivement scellé avec celui de ses partenaires James Dean (mort dans un accident de voiture en 1955) et Sal Mineo (poignardé en 1976). Pour qui voudrait dérouler plus loin les ficelles, mythologiques, de la malédiction, il y a plus troublant. L’ironie veut que Natalie Wood eût toujours conçu une peur panique de l’eau – une peur transmise par sa mère à qui, jadis, une voyante avait prédit un grand malheur dans des eaux sombres. À 11 ans, un accident de tournage sur le plateau de The Green Promise la fit passer à deux doigts de la noyade, resserrant l’emprise de la phobie maternelle – au point que Kazan dut lui trouver une doublure pour certaines scènes de La Fièvre dans le sang. DISCUSSION ANIMéE Comment expliquer, alors, que Wood se soit risquée, en pleine nuit et par grand vent, à emprunter le canot pneumatique du Splendor ? Les hypothèses émises par Wagner, Walken ou le capitaine du yacht, varient. Mais les témoignages convergent, parmi ceux qui, ce soir-là, ont croisé le trio, pour dire que la soirée fut pour le moins mouvementée. Au restaurant où elle avait commencé, les trois ont beaucoup bu, quittant les lieux avec fracas après que Wood eut ouvertement flirté avec Walken. On dit que, de retour sur le Splendor, et tandis que Wood les abandonnait pour sa cabine, la discussion entre Wagner et Walken était très animée. Suffisamment en tout cas pour qu’aucun des deux ne vît Natalie rejoindre, sur un canot de sauvetage, le fond des eaux noires à quoi, quarante ans plus tôt, une diseuse de bonne aventure l’avait condamnée.
1
La carrière de Wagner connaît à l’époque un second souffle grâce au petit écran, où triomphe Hart to Hart – L’Amour du risque en VF.
FÉVRIER 2010
WWW.MK2.COM
86 SEX tapE /// L’INSTANT ÉROTIQUE
SUR LA CORDE RAIDE
En adaptant le chef-d’œuvre de Fellini, Huit et demi, sur le mode de la comédie musicale, Rob Marshall (Chicago) s’est-il mis la corde autour du cou ? C’est en tout cas ce qui arrive au metteur en scène Guido Contini (Daniel Day-Lewis), le héros de son remake à l’artificialité assumée et au casting affriolant (Marion Cotillard, Nicole Kidman…).Tiraillé entre plusieurs femmes, Guido tire sur la corde où, suspendue à son désir, s’entortille sa sensuelle maîtresse, la pulpeuse Penélope Cruz. En guêpière pigeonnante et jarretelles vissées sur ses cuisses galbées, il la fantasme dans un numéro lascif, parmi les autres excitants tableaux qui rythment le film. Manière de dénouer le nœud de l’impuissance créatrice qui accable notre héros ? _S.M. Nine de Rob Marshall // Sortie le 3 mars