MAI 2010
SPÉCIAL CANNES
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CINÉMA CULTURE TECHNO
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KIAROSTAMI VOYAGE EN ITALIE TROIS COULEURS HORS-SÉRIE #2 – THE DOORS – EN KIOSQUES LE 31 MAI
ÉDITO
LA RE-CRÉATION Dans la cour sur laquelle donne notre bureau, un homme et une femme prennent la pose, assis sur le rebord d’une fenêtre : il s’agit d’Abbas Kiarostami et de Juliette Binoche. Tandis que nous peaufinons le bouclage de ce numéro, l’un et l’autre poursuivent la promotion de Copie conforme, nouveau chef-d’œuvre de l’Iranien dans lequel irradie la comédienne. Cinéaste total, c’est-à-dire pensant en cinéaste chacun des gestes accompagnant la sortie de son film (affiche, entretiens, séances photo…), Kiarostami dirige les photographes, oriente leur objectif vers les vitres de la fenêtre, qu’il ouvre et referme de façon à obtenir les plus beaux reflets : de mémoire de journaliste, rarement shooting ne fut autant mis en scène par son sujet que celui-ci. Nous reviennent alors les images de La Récréation (1972), l’un des tout premiers courts métrages de Kiarostami, et ses fameux plans sur une vitre brisée. Nous reviennent aussi les confessions soufflées il y a quelques mois par Marin Karmitz. De passage sur le tournage de Copie conforme dans un petit village de Toscane, le producteur avait été frappé par l’obsession de Kiarostami pour les reflets, les surimpressions, les jeux de miroirs. Loin d’être gratuite, cette attention sert à merveille le propos d’une œuvre tout entière travaillée par la question de la reproduction, d’un point de vue théorique (la copie en art est-elle supérieure à l’original ?), sentimental (que gagne-t-on à rejouer une histoire d’amour ?), visuel (y a-t-il autant de vérités que de regards ?), cinéphile (Copie conforme est-il un remake de Voyage en Italie de Rossellini?), temporel (qu’ont en commun les quatre saisons de l’amour ?) ou géographique (que garde de son pays d’origine un cinéaste lorsqu’il filme à l’étranger ?). « Par l’art seulement, nous pouvons sortir de nous », écrivait Marcel Proust. Sortir de lui-même, nous faire sortir de nous-mêmes : voilà la double promesse que tient Kiarostami avec Copie conforme. Avant de laisser les spectateurs quitter la salle, le film s’achève sur un plan mémorable : tandis que résonnent les cloches d’une église, la camera fixe les fenêtres d’une chambre d’hôtel, grandes ouvertes – comme les questions que pose, en trompe-l’œil, l’illusionniste iranien. _Auréliano Tonet
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ÉDITEUR MK2 MULTIMÉDIA 55 RUE TRAVERSIĂˆRE_75012 PARIS 01 44 67 30 00 Directeur de la publication & directeur de la rĂŠdaction Elisha Karmitz (elisha.karmitz@mk2.com) RĂŠdacteur en chef & chef de rubrique ÂŤ culture Âť AurĂŠliano Tonet (aureliano.tonet@mk2.com) Chef de rubrique ÂŤ cinĂŠma Âť Sandrine Marques (sandrine.marques@mk2.com) Chef de rubrique ÂŤ technologies Âť Étienne Rouillon (etienne.rouillon@mk2.com) Direction artistique Marion Dorel (marion.dorel@mk2.com) Sarah Kahn (sarah.kahn@mk2.com) Design Sarah Kahn RĂŠdactrice Juliette Reitzer (juliette.reitzer@mk2.com) SecrĂŠtaire de rĂŠdaction Laurence Lemaire Stagiaire AmĂŠlie Leenhardt, Pablo RenĂŠ-Worms Ont collaborĂŠ Ă ce numĂŠro Ăˆve Beauvallet, François BĂŠgaudeau, Isabelle Danel, Pascale Dulon, Julien Dupuy, ClĂŠmentine Gallot, Joseph Ghosn, Jacky Goldberg, Anne-Laure Griveau, Florian Guignandon, Donald James, Olivier Joyard, Massoumeh Lahidji, Anne de Malleray, Wilfried Paris, JĂŠrĂ´me Provençal, Sophie Quetteville, Bernard Quiriny, RaphaĂŤlle Simon, Bruno Verjus, Anne-Lou Vicente Illustration Dupuy & Berberian Photographie de couverture Philippe Quaisse Photographes Christian Kettiger (entretien Juliette Binoche), Marion Stalens (dossier Abbas Kiarostami), Stanislas Zanko (rubrique ÂŤ L’œil de‌ Âť) PublicitĂŠ Responsable clientèle cinĂŠma Laure-Aphiba Kangha 01 44 67 30 13 (laure-aphiba.kangha@mk2.com) Directrice de clientèle hors captifs Laurie Pezeron 01 44 67 68 01 (laurie.pezeron@mk2.com) Š 2009 TROIS COULEURS issn 1633-2083 / dĂŠpĂ´t lĂŠgal quatrième trimestre 2006. Toute reproduction, mĂŞme partielle, de textes, photos et illustrations publiĂŠs par MK2 est interdite sans l’accord de l’auteur et de l’Êditeur. Magazine gratuit // Ne pas jeter sur la voie publique
SOMMAIRE # 81 3 ÉDITO 9 GUEST LIST 10 SCĂˆNE CULTE > Ten 12 L’ŒIL DE‌ > Alain Chabat 16 PASSERELLES > Le Festival d’Annecy 20 PREVIEWS > L’illusionniste, Les Moissons du ciel, MillĂŠnium 2 et 3
27 LES NEWS 27 28 30 32 34 36 38 40 42 44
CLOSE-UP > Tina Fey LE K > My Name Is Khan KLAP ! > Get Him to the Greek TÉLÉCOMMANDO > How to Make It in America EVENT > Turn It Loose UNDERGROUND > The Drums IN SITU > OrphÊe à Chaillot BUZZ’ART > Baloji LE NET EN MOINS FLOU > Africa Unsigned AVATARS > Project Natal
47 LE GUIDE 48 SORTIES CINÉ 60 SORTIES EN VILLE 70 LA CHRONIQUE DE DUPUY & BERBERIAN
72 DOSSIERS 72 COPIE CONFORME // ABBAS KIAROSTAMI & JULIETTE BINOCHE 86 CANNES 2010 96 RED DEAD REDEMPTION
101 LE BOUDOIR 102 104 106 108 110 113 114
DVD-THĂˆQUE > Jean Rouch CD-THĂˆQUE > Mayer Hawthorne BIBLIOTHĂˆQUE > Nick Hornby BD-THĂˆQUE > Daniel Clowes LUDOTHĂˆQUE > Splinter Cell HOLLYWOOD STORIES > Michael Cimino SEX TAPE > AnnĂŠe bissextile
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GUESt lISt
_Par A.L.
FRAnçOIS BÊGAUdEAU
Š Stanilas Zanko
NÊ en VendÊe en 1979, il grandit à Nantes, oÚ il cultive ses trois amours : le cinÊma, le rock et le ballon rond. Comme papa-maman, il devient professeur et part enseigner le français en banlieue parisienne. Entre les murs de son collège, il trouve la matière de son troisième roman, puis la route du Festival de Cannes avec son adaptation au cinÊma, Palme d’or 2008, dans laquelle il interprète son propre rôle. Épris de justesse et de prÊcision, François BÊgaudeau n’arrête plus d’Êcrire : en disponibilitÊ, il est tour à tour journaliste, sociologue et romancier. Pour Trois Couleurs, il s’empare de la filmographie de Michael Cimino, dans un feuilleton en trois volets, à lire page 113.
À 38 ans, de père hongrois et de mère française, Stanislas se balade un peu partout avec un objectif cassÊ et une baguette magique, autrement appelÊe  introspecteur . Grâce à ces deux compagnons de route, il aiguise la curiositÊ de ceux qu’il croise. Et c’est ce premier regard surpris qu’il photographie, en double, mais en une seule prise. Ni flash, ni Photoshop, tout est artisanal. Après avoir exercÊ mille mÊtiers, Stanislas Zanko, comprend qu’il aime surtout inventer, bricoler, dÊtourner. Un rÊtroviseur, un carrelage, un journal ? Tout est bon pour  fabriquer  de l’art. Et la magie de sa Zanko Vision opère, comme ici, dans l’œil d’Alain Chabat, page 12.
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Š JÊrÊmie Nassif
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StAnIlAS ZAnkO
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PETiT TYRAN LE PITCH Une voiture, deux camÊras DV, un jeu de champcontrechamp, dix dialogues. Dans Ten, Abbas Kiarostami dresse un portrait de la condition de la femme en Iran. Ici, la conductrice, jeune divorcÊe, fait face à son fils, qui n’accepte pas son Êmancipation.
“
la conductrice : C’est nul ce que tu ressens.  Je ne veux pas le voir à la table de son beau-père.  Voilà ce que dit ton père. Ce n’est pas toi. Tu es un enfant innocent qui aime tout le monde. Amin : Tu es plus maniaque que mon père, ou c’est lui, ou tu es pire que lui. Et moi, je deviens fou. Je vais chez lui, il me dit :  Ta mère te fait dire que je suis colÊreux et que je vais mal.  Je jure que ce n’est pas vrai. Toi, tu me dis que c’est mon père qui me souffle tout. Ça m’emmerde à la fin. la conductrice : Ça doit pas t’emmerder, essaie de voir la rÊalitÊ.
obtenir le divorce. Les lois pourries de cette sociÊtÊ ne donnent aucun droits aux femmes. Pour divorcer, une femme doit dire qu’elle est battue à mort ou alors que son mari est droguÊ. Une femme‌ Amin : Crie pas dans la rue. la conductrice : Une femme n’a pas le droit de vivre. Une femme doit mourir pour pouvoir vivre ? Je crie si je veux. Je dirai ce que j’ai à dire. Amin : Dis-le calmement. Parle doucement. la conductrice : Et celui-là qui m’accuse. Amin : Jamais. la conductrice : Je me suis sauvÊe. Amin : Ne crie pas ! la conductrice : Si. J’Êtais comme un mort vivant. Un mort vivant. Amin : Ne crie pas ! Tu vas voir ce que je vais faire.
Amin : C’est quoi la vÊritÊ ? C’est que tu as menti au procès. Tu as accusÊ mon père de se droguer.
la conductrice : Qu’est-ce que tu fais ?
la conductrice : Qui a dit ça ?
Amin : Tu es conne. J’ai jamais vu plus conne que toi. [Il sort de la voiture et claque la porte]
Amin : Toi-même. la conductrice : C’Êtait un bon prÊtexte pour
la conductrice : Bravo.
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Un film d’Abbas Kiarostami // ScÊnario d’Abbas Kiarostami // Iran, 2001, 1h30 // DVD disponible aux Éditions MK2
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Alain Chabat photographié par Stanislas Zanko, selon le procédé Zanko Vision. Paris, le 28 avril 2010.
L’œIL DE‌ ALAIN CHABAT
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BABy LOVE À l’occasion de la prochaine sortie de BÊbÊs, qu’il a produit et dont il a eu l’idÊe originale, AlAIn CHABAt nous reçoit dans le boudoir d’un grand hôtel parisien. De ce documentaire à Shrek 4, en passant par les mœurs cannoises, rencontre avec l’ancien Nul, toujours aussi joueur. _Propos recueillis par Pablo RenÊ-Worms
Q
uelle est la genèse du projet BÊbÊs ? J’avais envie de voir un documentaire animalier sur des bÊbÊs oÚ il n’y aurait pas de commentaires, juste de la musique. Mais je n’en avais jamais fait un moi-même. il y avait bien eu Authentiques en 2000, le doc que j’ai corÊalisÊ avec le rappeur Sear sur l’enregistrement et la tournÊe du dernier album de NTM. Mais j’avais travaillÊ à partir d’images dÊjà tournÊes : c’Êtait davantage un travail de montage. ArmÊ de mes deux coproductrices, Amandine Billot et Christine Rouxel, je suis donc parti à la recherche d’un documentariste : en fin de compte, celui avec lequel nous nous sommes le mieux entendus et qui a le mieux rÊagi au projet, c’est Thomas Balmes. Vous dÊfinissez le film comme un  documentaire animalier. Peut-on vraiment Êtablir un rapprochement entre les bÊbÊs et les animaux ? En fait, avec Thomas, on voulait filmer les premières fois des enfants : la première fois qu’ils voient une poule, qu’ils goÝtent un truc bizarre, qu’ils sont surpris‌ Les observer avec des animaux, c’Êtait important. Ce qui m’a ÊpatÊ, c’est que les bêtes comprenaient qu’elles Êtaient face à des bÊbÊs : le chat en prend plein la tronche, mais il ne sort pas ses griffes ; le chien, en Namibie, le petit bÊbÊ lui met la main dans la gueule, lui prend la langue, mais le clebs se rend compte que c’est un bÊbÊ et se retient de le mordre. il y a aussi cette scène en Mongolie, oÚ le petit va à quatre pattes au milieu d’un troupeau de chèvres. Je n’arrive toujours pas à comprendre comment il a fait pour ne pas se faire Êcraser alors qu’elles
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passent quasiment sur lui. C’est un des seuls moments oÚ Thomas a dÝ se faire violence pour ne pas intervenir, et heureusement qu’il a rÊsistÊ parce que, effectivement, il n’y avait pas de danger, et le rÊsultat est super ! Vous allez produire et jouer dans The Dubber. Pouvez-vous nous parler de ce film ? C’est l’histoire d’un type qui est la voix française d’un acteur amÊricain très connu. Ce dernier vient de signer pour une trilogie, une sÊrie, des jeux vidÊo, la totale quoi ! Du coup, le doubleur se dit qu’il a cinq ans de pognon qui vont tomber : il se prend des crÊdits, se la raconte un peu‌ sauf que l’acteur pète un câble et lâche le mÊtier ! Alors la vie du doubleur s’Êcroule. il n’est qu’une voix, il n’existe plus. Émotionnellement, psychologiquement, c’est sa personne entière qui explose. il veut absolument retrouver l’autre et le convaincre de reprendre le travail. Ce film, ce sera une espèce de road movie entre ces deux poissons hors de l’eau, une pure comÊdie sur le thème de l’identitÊ. On va essayer de le faire pour un budget raisonnable – hors casting, parce qu’il nous faudra un acteur amÊricain reconnu – et de le tourner dans les mois qui viennent. Ce n’est pas moi qui le rÊaliserai. On est en train de voir avec Gore Verbinski [rÊalisateur de la saga Pirates des Caraïbes, ndlr], qui a très envie de s’en occuper entre deux grosses productions. On espère vraiment qu’il va rÊussir à trouver le temps. En parlant de doublage, vous venez de finir les prises de voix de Shrek 4, qu’on pourra dÊcouvrir
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en avant-première au Festival d’Annecy en juin prochain. Vous l’avez vu ? Oui, il n’Êtait fini qu’à 80% et je l’ai dÊjà trouvÊ vachement bien ! il clôt parfaitement la saga, tous leurs traumas‌ La 3D est super et l’histoire, terrible. Je trouve qu’il a la fraÎcheur du premier avec la pêche et l’inventivitÊ du deuxième. J’ai l’impression qu’après le 3, que j’avais un peu moins aimÊ, ils se sont dit : on termine, et on termine bien. En quoi doubler une voix est-il diffÊrent de jouer dans un film ? Une grande partie du travail est dÊjà faite : pour Shrek par exemple, le personnage avait dÊjà ÊtÊ crÊÊ par Mike Myers. Ensuite, les gens de Dreamworks sont très prÊcis, il y a des personnes qui sont là pour te diriger. Sur chaque phrase, on te donne des indications, si tu te plantes, on t’explique pourquoi, on te dit :  Non, ici il y a telle intention, Êcoute bien. Il n’y a pas que
trouve ça extraordinaire. Comme pour le Net : c’est un immense espace de crÊativitÊ, même s’il y a des dÊrives. Avec les nuls, vous avez allègrement moquÊ les mœurs du Festival de Cannes. À quoi ressemblerait un CitÊ de la peur 2 aujourd’hui ? Je pense qu’on creuserait du côtÊ de cette tendance qui fait qu’on est toujours filmÊ par tout et n’importe quoi. Les tÊlÊphones portables sont un vrai Big Brother ; appliquÊ à Cannes, ça pourrait être une bonne piste, un ÊlÊment nouveau qui n’existait pas à l’Êpoque de La CitÊ de la peur‌ Sinon, Cannes, c’est peut-être un grand cirque, mais pour tous ceux qui travaillent dans le cinÊma, c’est un endroit magnifique. Tous les fabricants de films de la planète s’y retrouvent, tu peux y croiser n’importe qui, des Espagnols, des Anglais, des indiens, des CorÊens‌ Tu discutes avec des rÊalisateurs, des acteurs, des monteurs, des producteurs
 SHREK 4 A LA FRAÎChEUR DU PREMiER AVEC LA PêChE ET L’iNVENTiViTÉ DU DEUxièME.  de la colère, il y a aussi un peu de mÊlancolie. Sois moins ÊnervÊ contre l’Âne et plus contre toi.  Quand il y a des parties intraduisibles ou des blagues, on t’explique à quoi ça correspond. Par exemple, on te dit :  Ça, c’est une allusion à Larry King , et là , hop, t’as un petit topo sur Larry King. C’est super bien foutu leur truc ! Quel est votre regard sur l’Êvolution du cinÊma vers la 3d ? Même si aujourd’hui on ne trouve que de grosses productions pour les films en 3D, je pense qu’assez rapidement, la technique va se dÊvelopper et offrir des moyens plus lÊgers, moins chers. Du coup, plein de jeunes talents auront la possibilitÊ de raconter leur histoire ; dans le tas, il va forcÊment y avoir des trucs d’enfer. Les nouvelles technologies amènent toujours de nouveaux talents et une nouvelle façon de raconter des histoires. Je ne suis pas un geek absolu, mais dès que ça peut être au service de la crÊation, je
qui galèrent dans leur coin, comme toi. Très vite, tu te rends compte que tu parles des mêmes choses qu’eux et ils te disent :  Quoi ? Toi aussi tu galères là dessus !  On est quand même chanceux en France parce que le public va au cinÊma. Donc pour le garder en salle, il faut faire de bons films. Je veux bien qu’on parle du piratage, mais ceux qui piratent, ce sont aussi de gros consommateurs de DVD, de films, ce sont eux qui vont au cinÊma. Donc si ces mecslà se dÊsintÊressent, pour moi, c’est presque pire que le piratage. Je ne suis pas pour, mais il y a un Êquilibre qui va se faire. Je suis assez optimiste de nature. Arrive le moment des adieux, et il est temps d’accomplir la mission que la rÊdaction m’avait confiÊe : jouer à chat-bite avec Alain Chabat. Alain qui, selon les règles ancestrales du jeu, n’a pas le droit de retoucher son père, s’en prend donc à notre photographe, Stanislas Zanko, qui ne peut qu’admettre sa dÊfaite.
BÊbÊs // Un film de Thomas Balmes, sur une idÊe originale d’Alain Chabat Distribution : StudioCanal // France, 2009, 1h30 // Sortie le 16 juin Shrek 4, il Êtait une fin // Un film de Mike Mitchell // Avec les voix d’Alain Chabat, Med Hondo‌ Distribution : Paramount // États-Unis, 2010, 2h // Sortie le 30 juin Projection en avant-première le 8 juin au Festival international du film d’animation d’Annecy MAI 2010
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16 PASSERELLES /// FESTIVAL D’ANNECY
© Jacques Drouin
50e Festival international du film d’animation d’Annecy, du 7 au 12 juin. www.annecy.org Illustration tirée de l’ouvrage Créateurs et Créatures - 50 ans de Festival internatoinal du Film d’animation d’Annecy. À paraître le 9 juin juin aux éditions Glénat. MAI 2010
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Š Carlos Saldanha
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GRAND ENFANT Du 7 au 12 juin, le Festival international du film d’animation d’Annecy fête ses cinquante ans. Son dÊlÊguÊ artistique, le rÊalisateur et collectionneur SERGE BROMBERG, dessine pour nous les grandes lignes de l’ÊvÊnement. _Par Juliette Reitzer
FLY ME TO THE MOON Depuis ces premières esquisses, Annecy est devenu le deuxième plus grand festival français, avec quelque 7 000 accrÊditÊs et près de 2 000 films soumis à la sÊlection. Au rendez-vous cinÊphile des premières heures se sont ajoutÊs le marchÊ du film, la Citia (qui dÊveloppe toute l’annÊe les activitÊs pÊdagogiques, Êconomiques et culturelles relatives à l’animation
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dans la rÊgion d’Annecy), le Carrefour de la crÊation et de l’emploi‌ Depuis 1999 et l’arrivÊe de Serge Bromberg au poste de dÊlÊguÊ artistique (en charge notamment du choix des jurÊs, des avant-premières, des pays mis à l’honneur et des programmes rÊtrospectifs), la sÊlection s’est ouverte aux blockbusters. Bromberg explique :  Il est aussi idiot de parler de l’animation sans parler des indÊpendants qu’il est idiot de parler de l’animation sans parler de Warner et de Disney. C’est un grand Êcart que nous assumons pleinement.  Cette annÊe, Schrek 4, il Êtait une fin et les premières images de Toy Story 3 seront projetÊs en avantpremière, côtoyant Le Vilain Petit Canard de l’animateur russe Garri Bardine (Palme d’or du court mÊtrage à Cannes en 1988 pour Fioritures et Grand Prix à Annecy en 1991 pour Le Loup gris et le Petit Chaperon rouge), Le Chat du rabbin de Joan Sfar et Antoine Delesvaux ou Despicable Me, un film amÊricain produit par Universal mais animÊ par le studio français Mac Guff. Grâce à cette cohabitation heureuse, les animateurs indÊpendants bÊnÊficient de la force d’attraction des grands studios : l’an passÊ, le Festival comptabilisait 120 000 entrÊes en une semaine. Š CÊdir Villain
L’
ÂGE DE GLACE Cannes, 1959. L’Êquipe  animation  du Festival ne dispose guère, comme chaque annÊe, de stars pour gravir l’emblÊmatique tapis rouge. LassÊe des exigences glamour et commerciales de l’ÊvÊnement, elle dÊcide alors de crÊer un rendez-vous exclusivement dÊdiÊ à l’animation indÊpendante et artistique, loin des contraintes industrielles – d’oÚ seront donc bannis grands studios et blockbusters. Serge Bromberg raconte : La lÊgende veut qu’AndrÊ Malraux, alors ministre des Affaires culturelles, ait demandÊ à Charles de Gaulle oÚ organiser un tel ÊvÊnement. C’Êtait le centième anniversaire du rattachement de la HauteSavoie à la France : il n’y avait qu’à en profiter pour installer le nouveau festival sur les rives du lac d’Annecy‌ C’est ainsi, le 7 juin 1960, que s’ouvre la première Êdition (nommÊe à l’Êpoque JournÊes internationales du cinÊma d’animation). ParrainÊe par certains des plus grands noms de l’animation (Alexandre Alexeïeff, Max Fleischer, Paul Grimault), elle attire dÊjà les reprÊsentants d’une vingtaine de pays.
MONSTRES SACRÉS & CIE Pour ce cinquantième anniversaire, le film d’ouverture du Festival tisse une jolie correspondance entre passÊ et prÊsent : L’Illusionniste, nouveau long mÊtrage du rÊalisateur acclamÊ des Triplettes de Belleville, exhume des tiroirs du Centre national de la cinÊmatographie
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18 PASSERELLES /// FESTIVAL D’ANNECY
7000 ACCRÉDiTÉS, 525 FiLMS PROJETÉS, 120 000 ENTRÉES : ANNECy EST LE DEUxièME PLUS GRAND FESTiVAL FRANÇAiS.
Š Jacques RÊmy Girerd
un scÊnario oubliÊ de l’immense Jacques Tati. Bromberg commente:Le film de Sylvain Chomet est une œuvre d’aujourd’hui inspirÊe d’un talent nÊ dans les annÊes 1940. Nous l’avons choisi à l’aune de l’atemporalitÊ du gÊnie du cinÊma : la même passion a inspirÊ les crÊateurs d’hier et ceux d’aujourd’hui.  La portÊe symbolique de L’Illusionniste ne s’arrête pas là : situÊ à la fin des annÊes 1950, le film, empreint de nostalgie et de dÊsillusion, conte la rencontre entre un vieil homme (le magicien Tatischeff, à qui Chomet donne les traits et l’allure dÊgingandÊe de Tati) et une jeune fille aux manières gauches, qui tangue entre l’enfance et l’âge adulte. Passage de flambeau, croisements fertiles entre deux gÊnÊrations : le Festival d’Annecy s’ouvre très largement aux jeunes pousses et aux Êtudiants. Outre la compÊtition dÊdiÊe aux films de fin d’Êtudes et le Carrefour de la formation, de nombreuses rencontres avec les monstres sacrÊs de l’animation sont prÊvues – on attend cette annÊe entre autres le rÊalisateur de Mary and Max, Adam Elliot, mais aussi Bill Plympton, grand habituÊ du Festival. Serge Bromberg confirme : Nous sommes rÊsolument tournÊs vers l’avenir. D’ailleurs, les très grands studios viennent à Annecy avant tout pour repÊrer les nouveaux talents. C’est un terrain de chasse! Pour renforcer encore le positionnement d’Annecy comme tremplin pour la nouvelle crÊation, la Citia a par ailleurs mis en place une nouvelle formation dÊdiÊe à l’animation des personnages en 3D, gÊrÊe par la prestigieuse Êcole parisienne des Gobelins. MILLE ET UNE PATTES Serge Bromberg y tient : On est centrÊs sur la rencontre entre l’œuvre et son public, qui n’est possible que grâce aux auteurs. Il y a de la place pour tout le monde, y compris les programmes de tÊlÊvision, les industriels, les gens qui fabriquent les logiciels.  Pendant une semaine, la ville va fourmiller : 525 films projetÊs, 70 pays reprÊsentÊs, 18 prix dÊcernÊs, des jurÊs prestigieux (Patrice Leconte, John Musker, Ari Folman, Tim Rice, Peter de Sève), un hommage au cinÊma d’animation argentin‌ La sÊlection des sept longs mÊtrages en lice pour le Cristal est fidèle à cette
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volontÊ de diversitÊ, tant au niveau des techniques employÊes (2D, marionnettes, images de synthèse, etc.) que des genres reprÊsentÊs (manga, anticipation, conte). On pourra ainsi voir ou revoir Kerity la maison des contes de Dominique Monfery, Summer Wars de Mamoru hosoda, Fantastic Mr. Fox de Wes Anderson, Metropia de Tarik Saleh‌ Pour fêter les cinquante ans du Festival, cinquante personnalitÊs sont attendues, parmi lesquelles le gÊnial crÊateur des Simpson, Matt Groening, ou la star de l’animation japonaise hayao Miyazaki (Princesse MononokÊ, Ponyo sur la falaise‌). Enfin, une programmation parallèle spÊciale  50 ans  diffusera les courts mÊtrages primÊs depuis 1960 et ceux qu’Annecy n’avait pas sÊlectionnÊs à l’Êpoque de leur rÊalisation mais qui ont marquÊ l’histoire de l’animation : Pour montrer qu’on est faillibles, et que ce qui compte c’est d’être au service des œuvres, pas l’inverse , s’amuse Bromberg. ANNECY AU PAYS DES MERVEILLES VÊritable eldorado pour les professionnels et amateurs d’animation, Annecy se fait aussi cour de rÊcrÊ pour les enfants. Un Êcran gÊant en plein air rÊunit chaque soir jusqu’à 7 000 spectateurs au bord du lac, avec une programmation rÊsolument familiale : Brendan et le secret de Kells, La Princesse et la grenouille, Tempête de boulettes gÊantes, entre autres, sont programmÊs cette annÊe. L’association Les Toiles enchantÊes, prÊsidÊe par Alain Chabat, organise de son côtÊ des projections en hôpital pour les enfants malades. Dans cette même dynamique ludique d’ouverture au public, le festival organise le premier concours national de voix destinÊ à rÊvÊler les nouveaux talents du doublage*‌ Annecy est un immense festival qui a pour ambition de rester à taille humaine, rÊpète Serge Bromberg avant de conclure:Ce n’est pas pour rien si l’animation nous a fait rêver quand on Êtait gamins‌ Elle permet d’inventer un monde au-delà du monde tel qu’il est.  Une bulle onirique, cinÊphile et conviviale : c’est le monde que dessine depuis cinquante ans le Festival d’Annecy. * Pour participer au concours de voix : www.talkover.fr/concours-annecy-2010
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L’ILLUSIONNISTE Après Les Triplettes de Belleville, Sylvain Chomet adapte L’Illusionniste d’après un scÊnario original de Jacques Tati qui prenait la poussière dans les archives du CNC depuis quarante ans. À la fin des annÊes 1950, l’arrivÊe du rock bouleverse l’univers du music-hall. Magiciens, ventriloques et clowns disparaissent au profit d’une nouvelle catÊgorie d’artistes. homme d’un autre temps, l’illusionniste quitte Paris pour trouver d’autres lieux oÚ exercer son art. Dans un village reculÊ d’Écosse, il rencontre Alice, une jeune fille candide, Êblouie par ses tours de passepasse... Émerveillement, magie et mÊlancolie sont prÊgnants dans ce film d’animation sensible, fidèle à l’inventivitÊ visuelle et sonore du père de Mr hulot. _P.R.-W. Un film de Sylvain Chomet // Distribution : PathÊ // France, 2006, 1h20 // Sortie le 16 juin // PrÊsentÊ le 7 juin en ouverture du 50e Festival international du film d’animation d’Annecy
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LES MOISSONS DU CIEL Tandis qu’on guette fÊbrilement Tree of Life, le prochain film de Terrence Malick avec Brad Pitt et Sean Penn, l’un des chefsd’œuvre du maÎtre ressort en copie neuve. PlongÊe dans un Texas rural corrompu par le progrès technique, Les Moissons du ciel conte l’histoire d’un incendie : celui qui consume les cœurs de deux amants clandestins, dont un Richard Gere abrasif, et finit par ravager le champ de blÊ que se disputent fermiers et travailleurs saisonniers. À sa manière ÊlÊgiaque et panthÊiste, l’auteur du Nouveau Monde dÊpeint une civilisation en plein bouleversement. TÊmoin de ces transformations, la nature, filmÊe en plan large à l’ heure magique  prÊcÊdant le crÊpuscule, figure le drame en de flamboyants tableaux, qui valurent au film l’Oscar de la meilleure photographie. _A.L. et A.T. Un film de Terrence Malick // Avec Richard Gere, Brooke Adams‌ // Distribution : Solaris // États-Unis, 1979, 1h35 // Ressortie le 16 juin
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MILLÉNIUM 2 ET 3 Fidèlement adaptÊs des romans de Stieg Larsson, les deux derniers opus de la trilogie MillÊnium (La fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette et La Reine dans le palais des courants d’air) nous entraÎnent dans le passÊ de Lisbeth Salander, accusÊe d’un triple meurtre et confrontÊe aux pires noirceurs de l’âme humaine – parricide, viol et conspirations sordides. impeccablement campÊe par l’actrice Noomi Rapace, la jeune hackeuse confirme son statut d’hÊroïne moderne : geek et rebelle, brillante et mystÊrieuse, fÊministe et sensible‌ Raccord, la mise en scène percutante d’Alfredson fait la part belle aux personnages fÊminins, jamais archÊtypaux ni relÊguÊs au second plan. La chose est suffisamment rare pour qu’on s’en rÊjouisse ! _J.R. Deux films de Daniel Alfredson // Avec Noomi Rapace, Michael Nyqvist‌ Distribution : UGC // Suède, 2009 // Sorties les 30 juin et 28 juillet
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LES
NEWS
SECOUEZ, AGITEZ, SAVOUREZ : L’ACTU CINÉ, CULTURE, TECHNO FRAÎCHEMENT PRESSÉE
CLOSE-UP
Š Fox 2009
RÊvÊlÊe à la tÊlÊvision pendant la campagne prÊsidentielle U.S., la comique tInA FEY explose sur grand Êcran dans Crazy Night. Son imitation de Sarah Palin, avec choucroute et sourire crispÊ, a animÊ pendant des mois le show satirique Saturday Night Live. inconnue en France, Tina Fey, qui tire sa fibre comique d’un maintien très pince-sans-rire, incarne avec Amy Poehler et Sarah Silverman la crème de l’humour U.S. irrÊvÊrencieux. issue de l’excellente scène de Chicago, elle joue depuis 2006 une productrice à la masse dans la sÊrie à succès 30 Rock, dont elle coÊcrit le scÊnario. Dans Crazy Night, rÊalisÊ par l’auteur de La Nuit au musÊe, un couple de banlieusards du New Jersey qui s’ennuient (Tina Fey en mÊnagère stoïque, Steve Carell en mari neurasthÊnique) sont embarquÊs dans un imbroglio nocturne qui finira par redonner du piment à leur union. Cette comÊdie d’action façon snuff movie donne un aperçu trop court du gÊnie dÊbridÊ, sous ses airs corporate, de la comÊdienne, qui vient de fêter ses quarante ans. _C.G.
28 NEWS /// POLÉMIQUE
k
LE
IL Y A CEUX QU’ IL ÉNERVE ET CEUX QUI LE VÉNèRENT
NOM DE DIEU TournÊ aux États-Unis dans la foulÊe de la victoire d’Obama, profitant d’une polÊmique qui a dÊchirÊ l’Inde, le Bollywood politique My Name Is Khan dÊchaÎne les passions. Ce film mÊrite-t-il cependant de faire autant de bruit ? _Par AmÊlie Leenhardt (la question) et Julien Dupuy (la rÊponse)
lA QUEStIOn
lA RĂŠPOnSE
My Name Is Khan a tout du Bollywood : la longueur, la musique et l’histoire d’amour entre deux êtres fragiles, caractÊriels mais profondÊment gentils (un homme souffrant du syndrome d’Asperger et une mère cÊlibataire). Sauf que le rÊalisateur nous prive des scènes de danse, pour traiter une question politique. Mandira est hindoue, Rizwan Khan est musulman. Vivant aux États-Unis, il est victime de l’islamophobie post-11-Septembre. Grâce à son slogan  My name is Khan and I’m not a terrorist , il finit par conquÊrir le cœur des AmÊricains et de leur PrÊsident, clone à peine voilÊ de Barack Obama. Suite à l’indignation publique de l’acteur Shah Rukh Khan, superstar en inde, face au refus, qualifiÊ d’ islamophobe , d’inclure des joueurs pakistanais dans un tournoi de cricket, le film a failli être interdit dans le pays. Sans cette polÊmique, parlerait-on autant de ce film moraliste et manichÊen ?
Certainement. Car il y a quelque chose de gÊnialement anachronique dans la façon dont Bollywood apprÊhende le medium cinÊmatographique : comme si le septième art en Êtait encore à ses balbutiements et conservait, par consÊquent, une aura de magie l’absolvant d’excuses et de biais dans son traitement de sujets polÊmiques. C’est là tout le prix d’un projet comme My Name Is Khan. PortÊ par l’un des couples les plus charismatiques d’inde, Shah Rukh Khan et la gÊniale Kajol, le film dÊborde d’Ênergie, d’une candeur vivifiante, et surtout opte systÊmatiquement pour un traitement jusqu’au-boutiste et hyperbolique de ses thèmes, semant loin derrière lui les œuvres occidentales comparables, nettement plus timorÊes. En ce sens, un film comme My Name Is Khan est d’une Êtonnante radicalitÊ, et s’impose comme un imparable remède contre le cynisme dÊsabusÊ.
Un film de Karan Johar // Avec Shah Rukh Khan, Kajol‌ // Distribution : 20th Century Fox // Inde, 2009, 2h40 // Sortie le 26 mai
LA RÉPLIQUE
 LE JARDIN DU DÉPOUILLEMENT, QUI OSE NIER SA BEAUTÉ ?  (COPIE CONFORME, EN SALLES LE 19 MAI)
MAI 2010
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Š Glen Wilson/2010 Universal Studios
30 NEWS /// KLAP ! /// ZOOM SUR UN TOURNAGE
ChEZ LES GRECS Nous Êtions à Londres, sur le plateau de Get Him to the Greek, la nouvelle comÊdie produite par le pape de la comÊdie amÊricaine, JUdd APAtOW. Aperçu. _Par Jacky Goldberg
’ambiance est dÊtendue sur la terrasse de l’Anchor Pub, en cet après-midi d’aoÝt, dans le quartier branchÊ de Bankside, à Londres. Sont attablÊs là de jeunes couples n’ayant pas attendu le happy hour pour trinquer, observÊs par quelques badauds arrêtÊs, un cornet de fish and chips à la main. Soudain, d’une table un peu plus agitÊe que les autres, surgissent une pluie de liquide houblonnÊ et divers projectiles (cacahouètes, cendriers), en direction de paparazzis à peine dissimulÊs. Les insultes fusent (bloody ceci, bloody cela), un type hilare montre ses fesses, et
L
tandis qu’un jeune homme enrobÊ se tient la tête dans les mains, sans doute de honte, un ordre tranchant retentit :  Coupez !  Surgit alors Nick Stoller, auteur du drôlissime Sans Sarah, rien ne va ! en 2008, pour prodiguer aux acteurs quelques bonnes vannes trouvÊes à l’instant. il rempile ici avec un spinoff de son prÊcÊdent film, reprenant le personnage jouÊ par Russell Brand, l’excentrique Aldous Snow. Ce pop singer british et dÊvergondÊ doit faire le voyage de Londres à L.A. pour un grand concert de comeback censÊ renflouer les caisses de son label fauchÊ. Est chargÊ de l’escorter un jeune executive de la maison de disques – le petit gros tout gênÊ à la table, c’est lui – jouÊ par Jonah hill, plus connu pour son rôle dans Superbad. Après une poignÊe de minutes, le tournage reprend. La bière coule à flots, les (faux) paparazzis peuvent trembler.
_Par P.R.-W.
INDISCRETS DE TOURNAGE
1. Orson Welles, ou plutôt sa voix, va ressusciter grâce à la dÊcouverte d’une bande audio inÊdite de Christmas Tails, roman pour enfants de Robert X. Leeds. Tournage en prise de vues rÊelles et images de synthèse cette annÊe, pour une sortie prÊvue à NoÍl 2011. 2. Stanley kubrick est de retour! Lunatic at Large, un projet du maÎtre datant du dÊbut des annÊes 1960, a ÊtÊ exhumÊ. Le film tournera autour de la rencontre entre l’habituÊe d’un bar incarnÊe par Scarlett Johansson et un ancien forain jouÊ par Sam Rockwell.
3. Après son apparition dans Chienne de Lou Ye, Tahar Rahim pourrait participer d’ici fin 2010 au tournage de Cool Water d’Emir kusturica, histoire de deux frères palestiniens qui dÊcident d’emmener clandestinement le corps de leur père de JÊrusalem à Ramallah.
LA TECHNIQUE LA GRIFFE DE L’HOMME Après Kevin yagher et David Miller, c’est au tour du maquilleur prosthÊtique Andy Clement de brÝler le faciès du croque-mitaine d’Elm Street, dans le remake produit par Michael Bay. Exit le latex, le visage de Jackie Earle haley, nouvel interprète de Freddy Krueger, a ÊtÊ tapissÊ de pièces de silicone sur mesure, collÊes puis peintes chaque jour sur son visage au cours de trois heures et demi de pose. Le tout complÊtÊ par une incrustation en images de synthèse sur la mâchoire infÊrieure, pour creuser une plaie jusqu’à l’os. Aux dire d’une infirmière spÊcialisÊe dans les grands brÝlÊs venue pour un petit rôle, le rÊsultat Êtait troublant de rÊalisme. _Julien Dupuy // Freddy – Les Griffes de la nuit de Samuel Bayer, sortie le 12 mai
MAI 2010
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Š 2010 Home Box Office
32 NEWS /// TÉLÉCOMMANDO
yES WE CAN ? Le rêve amÊricain est-il encore à portÊe de main? En plongeant dans le New York de la dÊbrouille, How to Make It in America, dernière crÊation de la chaÎne HBO, Êclaire l’ère Obama. _Par Olivier Joyard
es losers du monde entier ont enfin trouvÊ une sÊrie tÊlÊ à leur gloire. OubliÊs les flics, les avocats et les mÊdecins, bienvenue aux jeunes New-yorkais des annÊes 2010, angoissÊs par l’incertitude nÊe de la crise mais en même temps galvanisÊs par un dÊbordant dÊsir de rÊussite. Mise à l’antenne au milieu de l’hiver par la mythique hBO, How to Make It in America revisite le rêve amÊricain à sa manière, branchÊe et sautillante, partageant avec Entourage – la sÊrie sur hollywood diffusÊe par la même chaÎne – à la fois son producteur (Mark Wahlberg) et sa thÊmatique (l’amitiÊ entre mecs). Mais les aventures de Ben et Cam, amis d’enfance qui tentent de monter une marque de jeans dans le quartier du Lower East Side, valent mieux qu’un vulgaire copier/coller version Côte Est de leur cousine de L.A. En dÊcrivant avec minutie les galères de ses hÊros pour grimper l’Êchelle du succès, la première saison rÊussit à capter l’atmosphère de l’AmÊrique d’Obama : tout semble à nouveau possible, mais la duretÊ des rapports sociaux demeure implacable. DÊjà culte dans les milieux arty de Big Apple pour ses garde-robes stylÊes et sa bande-son impeccable, How to Make It in America doit gagner en Êpaisseur pour rejoindre la cohorte des grandes sÊries d’aujourd’hui. Elle en aura l’occasion : sa deuxième saison a dÊjà ÊtÊ commandÊe.
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BUZZ TV
_Par P.R.-W.
1. Michael Scofield n’est plus, bienvenue à Mikhail Skofyldimov. Alors que Prison Break s’est terminÊe voilà quelques mois aux États-Unis, la chaÎne de tÊlÊvision russe, Channel One Russia, a annoncÊ qu’elle avait acquis les droits d’adaptation de la sÊrie.
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Il n’est jamais facile de mettre fin à une saga. Du coup, Mathew Weiner, le crÊateur de Mad Men, a dÊcidÊ de prendre les devants en annonçant qu’il souhaitait que la sÊrie s’arrête au terme de sa sixième saison. La quatrième est actuellement en prÊparation.
3.
Fidèles à leur rÊputation de provocateurs, Trey Parker et Matt Stone, les crÊateurs de South Park, ont invitÊ Bouddha, JÊsus, Krishna et Mahomet dans le 201e Êpisode du show. Moins drôle, les auteurs ont reçu des menaces de mort suite à sa diffusion.
How to Make It in America, sur HBO et prochainement sur Orange CinĂŠma SĂŠries
LE CAMÉO ISABELLE HUPPERT DANS NEW YORK UNITÉ SPÉCIALE La frontière cinÊma/tÊlÊ se brouille : quatre ans après l’apparition de Catherine Deneuve dans la très pointue Nip/Tuck, isabelle huppert fait le grand saut. L’hÊroïne de White Material a tournÊ comme guest star dans un Êpisode de la sÊrie policière New York unitÊ spÊciale diffusÊ au mois de mai aux États-Unis. Son rôle : une femme brisÊe par la mort de son enfant. Le francophile producteur Neal Bear est à l’origine de cette surprenante translation. Et il ne compte pas s’arrêter là :  J’adore les actrices françaises. Je les veux toutes : Deneuve, Binoche, Danielle Darrieux !  _O.J.
MAI 2010
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Š National Archives, Washington DC
34 NEWS /// EVENT
TOUR DE FORCE Seize danseurs prodiges, une compĂŠtition survoltĂŠe, une camĂŠra virtuose : Turn It Loose file le tournis. Pour la sortie du film en DVD, MK2 et Red Bull organisent une tournĂŠe ĂŠvĂŠnement dans dix villes de France. _Par Juliette Reitzer
oweto, Afrique du Sud. Dans une centrale Êlectrique dÊsaffectÊe, la compÊtition annuelle du Red Bull BC One rÊunit seize des meilleurs danseurs mondiaux. Au centre d’une arène circulaire, ils s’affrontent en un contre un pour dÊsigner le champion du monde. D’emblÊe, Turn It Loose nous embarque dans le quotidien de six de ces danseurs. À Dakar, Ben J sollicite l’aide d’un marabout. En Californie, Roxrite raconte les annÊes passÊes dans la rue, après que sa famille a ÊmigrÊ du Mexique. À Lyon, Lilou montre la ceinture de champion, gagnÊe en 2005, qu’il garde planquÊe dans sa chambre : il a refusÊ de la rendre pour la remettre en jeu l’annÊe suivante‌ introductions à la furie des sÊquences dansÊes, ces portraits intimes installent un vrai suspense quant à l’issue de la compÊtition. On y comprend le style de chacun, on partage les doutes, les faiblesses, les espoirs. Pour autant, le film ne zappe pas la prouesse physique, l’accompagnant d’une maÎtrise technique bluffante. FilmÊes dans des sÊquences à la Matrix, avec arrêts sur image et travellings circulaires, les performances dÊfient la gravitÊ : coupoles, head spins ou figures inÊdites finissent de nous Êtourdir. En juin, le film sera projetÊ dans dix villes de France avec dÊmonstration de breakdance par Lilou, double champion du monde.
S
Turn It Loose d’Alastair Siddons, le 3 juin à 20h au MK2 Bibliothèque et jusqu’au 18 juin dans dix villes en France. DÊtails de la tournÊe sur www.mk2.com. DVD disponible chez MK2 Éditions.
RENDEZ-VOUS
_Par J.R.
1. Vingt-neuf films dont un documentaire sur les Novos Baianos, groupe mythique des annÊes 1970, des invitÊs (Georges Moustaki, Maria de Medeiros‌) et un hommage à Chico Buarque : le BrÊsil en fête et en musique ! 12e Festival du cinÊma brÊsilien de Paris, du 5 au 18 mai au Nouveau Latina
2.
Fictions et docus, de Jean Rouch à Ousmane Sembène, du Montmartre jazz des annÊes 1950 aux clips de rap. En bonus, une table ronde La prÊsence noire dans le cinÊma en France  (entrÊe libre) avec Isaach de BankolÊ, Doudou Masta‌
France noire, du 21 au 23 mai au Forum des images
3. Le dix-neuvième festival du film court de Pantin rÊunit fictions, art vidÊo, une rÊtrospective  du corps à l’image  (avec des films de Jean Vigo ou Chris Marker), une table ronde sur la censure‌ Un rendez-vous curieux et exigeant. CôtÊ court, du 9 au 19 juin à Pantin
L’ AFTERSHOW
Š D.R.
SIODMAK M’ÉTAIT CONTÉ CinÊaste allemand, Robert Siodmak s’exile à Paris (il dirige Danielle Darrieux dans La crise est finie en 1934) puis aux États-Unis, oÚ il rÊalisera notamment un chef-d’œuvre du film noir, Les Tueurs (1946). Le 14 avril, le très rare The Strange Affair of Uncle Harry (1945) ouvrait la rÊtrospective qui lui est consacrÊe : un cÊlibataire vivant avec ses deux sœurs – audacieux antihÊros faible et sans ambition – tombe amoureux d’une jeune citadine (Ella Raines, parfaite en femme moderne et indÊpendante), rÊveillant la perfidie de ces dames‌ Jusqu’au 13 juin à la CinÊmathèque française. The Strange Affair of Uncle Harry est reprojetÊ le 27 mai. _J.R.
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Š Socrates Mitsios
36 NEWS /// UNDERGROUND
PLUiE BATTANTE ÉclaboussÊs par une hype lÊgitime, les New-Yorkais de tHE dRUMS rÊhabilitent la pop anorak de The Wake et Aztec Camera, sur un premier album ruisselant de romantisme juvÊnile. _Par AurÊliano Tonet
Q
uatre gringalets dans une pièce trop grande pour eux. Timides, le cheveu ras, le regard fuyant, ils peinent Ă expliquer leur nom : ÂŤ Ça n’a rien Ă voir avec les qualitĂŠs de notre batteur, ou l’importance du rythme dans nos chansons. On cherchait un nom en “theâ€?, concis, qui sonne bien. Personne n’avait choisi The Drums, on s’est jetĂŠs dessus. Âť Soit. Look impersonnel, basse, batterie, guitare, synthĂŠ, pas de quoi se dĂŠmarquer du tout–venant indie made in Brooklyn, oĂš les garçons sont basĂŠs. Alors, qu’est-ce qui a tapĂŠ dans l’œil du photographe hedi Slimane, fan, et dans l’oreille des gazettes ĂŠnamourĂŠes ? Une prĂŠsence scĂŠnique indĂŠniable, tout d’abord : ÂŤ Trop de concerts nous font bâiller. Sur scène, nous recherchons l’Êtincelle, la sublimation. Âť Des chansons supĂŠrieures, ensuite, qu’innervent la surfmusic des premiers Beach Boys et la new-wave britannique d’Aztec Camera, The Wake ou The Smiths : ÂŤ Ces groupes prenaient la musique au sĂŠrieux, n’avaient pas peur de s’y livrer corps et âme. Âť Fragments d’une enfance sĂŠvère et catholique en Floride, serments d’amitiĂŠ ĂŠternelle, chagrin ĂŠpars : le leader, Jonathan Pierce, couche tout cela sur des lyrics pastels, gouttes de spleen qui viennent s’Êchouer, plic ploc, sur des rythmiques nettes et arrĂŞtĂŠes. C’est cette cadence-lĂ , pluvieuse, cardiaque, que bat la musique de The Drums, les bien nommĂŠs.
COPIER COLLER
_Par A.T.
>> Collectif torontois aux idÊes larges et au line-up Êlastique, Broken Social Scene sort Forgiveness Rock Record, cinquième album affable et fracassÊ.
>> Tout en collages multicolores (furie rock, joliesse pop), les Canadiens marchent sur le bitume cabossÊ des papes de l’indie-rock U.S., Pavement, rÊcemment reformÊs.
LE MYSPACE CHARTS DE LA RÉDACTION _Par A.T. AlOE BlACC – I Need a Dollar www.myspace.com/aloeblaccmusic PrÊlude d’un deuxième solo album prÊvu pour septembre, cette bombinette soul pulse le gÊnÊrique de la nouvelle sÊrie hBO, How to Make It in America : ça le fait,  hÊ, hÊ . lOREn lOPEZ – Blue Candy www.myspace.com/lorenlopezmusic Loin du bitume de Jenny from the Block, cette Lopez-ci cultive un drôle de lopin pop, oÚ poussent d’ÊlÊgantes sucreries bilingues, ÊventÊes par un chant aÊrien. Craquant. BlUndEttO – Voices www.myspace.com/maxfsnmusic Blundetto est le projet musical du programmateur de Radio Nova, Max Guiguet. Lequel sait s’entourer de voix amies, dont celle d’hindi Zahra sur ce reggae altier.
MAI 2010
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© Laurent Philippe
Orphée, chorégraphie de José Montalvo et Dominique Hervieu. Du 19 mai au 19 juin au Théâtre national de Chaillot, www.theatre-chaillot.fr
IN SITU /// ORPHÉE À CHAILLOT /// NEWS 39
PRiSES MULTIPLES Dans le mythe grec, OrphĂŠe est un poète. Dans le film de Marcel Camus, il est danseur, et sur le plateau de JOSĂŠ MOntAlVO et dOMInIQUE HERVIEU, Ă Chaillot, c’est un artiste multimĂŠdia. Ă€ partir des mille et une interprĂŠtations de la lĂŠgende du fils de Calliope, les deux chorĂŠgraphes proposent une fantaisie mythologico-pop qu’ils dĂŠcryptent pour nous, en pleins prĂŠparatifs. _Par Ăˆve Beauvallet
ÂŤ
Le cheval et l’ours, c’est bon, mais il faudrait le certificat pour la tortue parce qu’on n’a pas encore les droits.  Un extrait du casting animalier de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? Non, le ThÊâtre national de Chaillot, qui voit dÊambuler entre ses murs, coqs, danseurs classiques, circassiens, labradors et serpents, depuis qu’a commencÊ la crÊation d’OrphÊe, nouveau delirium transgenre et transhistorique du tandem JosÊ Montalvo/Dominique hervieu. Des ÊlÊphants de Paradis (1997) aux guÊpards de La Bossa Fataka de Rameau (2006), le bestiaire revient comme un gimmick sur les vidÊos de ces pionniers du mÊtissage multimÊdia. Aujourd’hui, ce sont les danseurs euxmêmes qui s’essaient aux rugissements face camÊra lorsque nous les rencontrons, en plein tournage. À croire que le goÝt des deux chorÊgraphes pour les hybridations trouve dans le mythe d’OrphÊe, cet artiste dont la lyre charmait animaux et divinitÊs, un terrain d’expÊrimentation rêvÊ. On oublie souvent que la danse classique fut inventÊe à partir de milliers de pas de danses populaires. C’est cette stratification que l’on tente de retrouver. Et il s’avère que les fabulations sur le mythe d’OrphÊe sont d’une incroyable diversitÊ : littÊraires, cinÊmatographiques, picturales, opÊratiques‌ Nous avons alors eu l’idÊe de proposer un libre parcours dans l’histoire de l’art, glisse JosÊ Montalvo, avant que la musique ne reprenne en trombe. C’est Monteverdi. À partir du mythe d’OrphÊe, il inventa l’opÊra – un art qui nous passionne puisqu’il est l’impuretÊ même. À son Êpoque, on retenait de ce mythe la dimension civilisatrice de l’art. Tennessee Williams, lui, avec son chef-d’œuvre La Descente d’OrphÊe, offre une lecture plus sombre en soulignant l’incomprÊhension douloureuse ÊprouvÊe par l’artiste face aux conventions sociales. Quant à Rameau, il a proposÊ une Eurydice libertine et Offenbach, un OrphÊe Êjacula-
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teur prÊcoce ! Nous jouons du tÊlescopage de ces interprÊtations sur le mode du dÊcalage ludique – un moyen possible, selon nous, d’atteindre le tragique.  Soit une histoire de l’histoire d’OrphÊe, propice à faire fourmiller les rÊfÊrences au septième art.  Les danseurs, sur scène, ont, à l’Êcran, leurs homonymes cinÊmatographiques. Nous reprenons des airs de l’Orfeu Negro de Marcel Camus et, nous l’espÊrons, cette jubilation qu’il a insufflÊe au mythe. On trouvera Êgalement des hommages aux trucages magiciens de Cocteau, dont l’œuvre est entièrement travaillÊe par le personnage d’OrphÊe , poursuit JosÊ Montalvo alors qu’arrive un danseur sur Êchasses pneumatiques. Comme les autres, il vient d’entonner un chant antillais tonitruant qui rÊsonnera dans le tableau des mÊnades, ces femmes hystÊriques qui, par dÊpit, dÊmembrent cet  OrphÊe presque naïf . Naïf, adolescent‌ C’est une lecture que nous a proposÊe la philosophe Catherine Kintzler qui a attirÊ notre attention sur la disproportion des sentiments et le dÊsir de fusion propre au couple OrphÊe et Eurydice. Nous avons alors filmÊ de grosses bulles de chewinggum dans lesquelles nous incrustons des couples de danseurs , enchaÎne Dominique hervieu. La chorÊgraphie, dans cette partie, est basÊe sur l’idÊe de cellule ovulaire, avec un travail sur le prolongement d’un corps par un autre. La narration donne des contraintes qui sont autant de modes d’exploration corporelle. Je pense Êgalement à l’histoire du regard interdit, très riche sur le plan de la composition chorÊgraphique. Cette histoire de regard de trop, celui que lance OrphÊe à Eurydice et pour lequel il la perd à jamais, est bien sÝr une mÊtaphore puissante de la mÊmoire humaine et de l’irrÊversibilitÊ du temps. Elle est aussi une image Êloquente des limites de la crÊation et une mise en scène presque cynique du rapport d’Êquilibriste qu’un artiste peut Êtablir avec le public.
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Š Nicolas Kavakatsanis
40 NEWS /// BUZZ’ART
EN PISTES Du goudron wallon à la terre de son Congo natal, le rappeur BAlOJI remonte en clip et en morceaux la piste d’une identitÊ plurielle. Musiques d’un monde à mi-chemin.
ARtY tECH
_Par Étienne Rouillon
près avoir tracÊ un sentier liÊgeois au sein du groupe de hiphop Starflam, l’Êtoile Baloji brÝle d’un autre feu depuis son premier album solo, Hôtel Impala, passeport pour l’Afrique que le fils prodige a quittÊ enfant pour la belge Ostende. La trentaine rugissante, ce gÊant pÊtarade à la croisÊe des traditions afro, de balafon sÊnÊgalais en likembÊ congolais (piano à pouce) et grattes soul funk. EnregistrÊ en une semaine en RDC, Kinshasa succursale est une autoroute du beau sens musical, empruntÊe en compagnie des groupes La trentaine rugissante, ce gÊant tutÊlaires de la ville, pÊtarade à la croisÊe des tradiKonono n°1 et le Kasaï tions afro. Allstars. Moteur de ce joyeux ramdam ? Le titre vaudou Karibu Ya Bintu, qui envoÝte le web avec un clip rageur oÚ des squelettes dansent la vitalitÊ des ponts panafricains. Frappant les esprits sans être tape-à -l’œil, l’album offre pour moitiÊ de chaudes relectures des pistes d’Hôtel Impala, sur les rails de six nouvelles compositions, synthèses d’une ferveur urbaine et de motifs soukouss. Sur le single motivÊ IndÊpendance Cha Cha, les mots à maux de Baloji frayent avec le meilleur d’un RocÊ ou d’un Oxmo Puccino. Bonne route, amigo.
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Kinshasa succursale de Baloji (Kraked, sortie le 15 septembre) www.baloji.com
>> CUBIS 5,2 lItRES (AU 100) Le Cube fait la roue pour Nissan. Cette voiture aux allures de jouet pour amateur de mangas arrive en Europe, après dix ans d’exclusivitÊ nippone. Avec sa poupe asymÊtrique et son intÊrieur lounge, le  bouledogue à lunettes de soleil  a fait de l’œil à un musicien qui a du chien : le vocaliste zen Fredo Viola, qui signe une vidÊo et trois titres inÊdits pour l’occasion. Un Cube dont il fait des tubes. _E.R. www.cubelist.com
VIdĂŠOS _Par E.R
Patrick Jean – Pixels http://onemoreproduction.com Pluie de blocs de Tetris sur les buildings de la Grosse Pomme, Donkey Kong qui fait le king sur le toit de l’Empire State‌ Voici la revanche des boutons de manette sur ceux de manchette des cadres de la City.
Omar & Fred – Bleu Blanc Rouge http://dailymotion.com/spokanet Après Johnny et Francis, au tour des deux prÊnoms les plus serviables du PAF de soutenir les Bleus. Les cocos y vont de leurs cocoricos caustiques dans un cantique oÚ supporter l’identitÊ nationale ne se fait qu’avec la carte ad hoc.
nike – Earl and Tiger http://youtube.com/NikeGolf L’Êquipementier met sa mascotte face à ses coups de putter extraconjugaux. Dans ce spot, la voix du dÊfunt père de Tiger Woods, Earl, met les pieds dans le green en demandant :  En as-tu tirÊ une leçon ? 
42 NEWS /// LE NET EN MOINS FLOU
BON SIGNE Dans la jungle des sites musicaux au portefeuille participatif, AFRICA UnSIGnEd se dÊmarque par la qualitÊ des artistes proposÊs. Vous dansiez ? Eh bien, financez maintenant. _Par Étienne Rouillon
rÊgaires, on s’en tient souvent à GrÊgoire pour parler des sites web qui, à l’image de son My Major Company, proposent aux internautes de prendre des parts dans la production d’artistes boudÊs par les majors. Le premier tube sorti de cette marmite fut un Toi+Moi (sans nous, d’ailleurs) en forme de slogan-rÊclame pour un système devenu artefact de la lutte contre la crise du disque. Tant et si bien que le cinÊma (People For Cinema) et la presse (Kiss Kiss Bank Bank) s’y mettent, avec le même succès. Une industrie qui mise sur Parmi les jurÊs, on trouve Tony l’engouement populaire Allen ou Damon Albarn. peut-elle offrir autre chose qu’un consensus mou mainstream ? Oui, chante un continent qui à force d’inspirer le reste des lobes a dÊcidÊ de revenir au centre du globe. Africa Unsigned nous incite à miser sur des muses sÊnÊgalaises, maliennes ou sud-africaines, en vue de leur offrir un EP distribuÊ en Afrique, mais aussi en Europe. SubtilitÊ : les artistes sont prÊsÊlectionnÊs par des jurÊs prÊcieux comme Tony Allen (inventeur de l’afro beat derrière la batterie de Fela) ou l’omniprÊsent Damon Albarn (Blur, Gorillaz). Une mÊthode pas vraiment 2.0., qui a l’avantage de proposer une qualitÊ folle. Face à Toi+Moi, le tonitruant Huff+Puff des Kenyans de Just a Band – et dans cette dernière Êquation, on en a enfin plus que pour son argent.
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StAtUtS QUOtES SÉLECTION DES MEILLEURS STATUTS DU MOIS
Nathalie : Franck RibÊry et Sidney Govou seront les vedettes de la nouvelle campagne pour la Ford Escort. Christophe : On se console comme on peut, les Bleus seront toujours vainqueurs aux tirs aux putes. StÊphane : Printemps de Bourges, ÊtÊ de prolos... Nora : Quand j’enlève le plastique autour d’un concombre, j’ai l'impression d’avoir une vie sexuelle. Nassim : J’ai essayÊ de me taper un grec ce midi, mais il a courut trop vite. Olga ne voit pas le rapport mais veut bien l’avoir.
www.africaunsigned.com
App
[ap] n.f.
MOT @ MOT _Par E.R.
[Contraction du terme application, dÊsigne en informatique un logiciel assurant un ensemble de fonctions prÊcises et circonscrites] 1. Logiciel de domotique, embarquÊ sur un smartphone ou une plateforme multimÊdia numÊrique, dans le but de faciliter les activitÊs quotidiennes. Les papas Êmotifs peuvent suivre à distance la dÊlivrance du colis filial grâce à l’app Birth Buddy, qui suit en temps rÊel les contractions de madame. 2. Aide de camp embarquÊe sur plateforme physique. Franck a testÊ pour nous l’app tactile Zahia D.
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44 NEWS /// AVATARS
Marre de harponner votre tÊlÊviseur avec les manettes de la Wii ? Voici nAtAl, le nouvel appendice pour la console Xbox 360. Des jeux de mains pas vilains qui se gesticulent de la tête au pied. _Par Étienne Rouillon
ntre les alcôves boisÊes de l’ancien hôtel particulier du couturier japonais Kenzo Takada, la journÊe de prÊsentation presse du projet Natal bat son plein. Sous les vivats, un pauvre hère entame une danse de Saint-Guy : rien dans les mains, journalistes dans la poche, le dÊmonstrateur du jeu fige sa chorÊgraphie hystÊrique et me cède sa place. Ni manettes, ni calibrage fastidieux, les deux camÊras de la rÊglette disposÊe sous la console me figurent immÊdiatement à l’Êcran, sous la forme d’un avatar entraÎnÊ dans une partie de casse-briques croisÊe balle au prisonnier.
E
Natal, c’est un mÊlange entre un cours de SVT et un tournage avec Peter Jackson. Le système de motion capture (reconnaissance et reproduction des mouvements) vous fait redÊcouvrir vos articulations, ensuquÊes par des heures de jeu le popotin enfoncÊ dans le canapÊ. Drôle, maÎtrisÊ et intuitif, le système dÊpasse une Wii arrêtÊe à mi-chemin et promet une petite rÊvolution dans la manière de donner de sa personne. Encore en gestation technique, le projet sera à terme l’hiver prochain. On prend dÊjà notre visa pour le pays Natal. Project Natal (Microsoft, sur X360)
nExt lEVEl
APPLIS MOBILES
_Par E.R.
CHARAdIUM Jouez au doigt et à l’œil avec cette adaptation du Pictionary. Un bijou ciselÊ en compagnie de joueurs en ligne bien peinÊs à l’idÊe de vous faire deviner le mot  attributs  en un croquis. Plateforme : iPhone, iPod touch, iPad Prix : gratuit
PlAntS VS ZOMBIES Hd Un parterre en jachère, des plantes tueuses à semer, des hordes de zombies‌ Le terreau de l’une des plus belles pousses de l’iPhone se griffonne dÊsormais de l’index sur l’ipad. Plateforme : iPad // Prix : 7,99 ₏
ARt OF BlUR Pour moucher les esthètes qui pavanent avec un Reflex autour du cou, ce logiciel de traitement photo très intuitif rÊalise de beaux effets de mise au point. Complètement flou. Plateforme : iPhone, iPod touch, iPad // Prix : gratuit
_Par E.R.
MVSC3 Après dix piges de K.O., le cross-over bastonneur Marvel vs Capcom nous revient pour le printemps 2011. Dans ce troisième volet, l’Êcurie de Wolverine fera toujours des pieds et des mains dans la face de Ryu. Un poing, c’est tout.
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D.R.
SCiENCES-NAT
GOD OF WAR Kratos fulmine encore. Après un volcanique troisième Êpisode, l’ÊpopÊe devait s’Êteindre. God of War : Ghost of Sparta ravivera dans le courant de l’annÊe les cendres sur PSP, en dÊvoilant les derniers secrets du demi-dieu.
STARCRAFT II RTT posĂŠes, le 27 juillet prochain, on fĂŞte la libĂŠration du jeu de stratĂŠgie le plus attendu depuis son aĂŽnĂŠ, sorti le millĂŠnaire dernier. Starcraft II : Wings of Liberty proposera la campagne solo Terran et son multijoueur vitaminĂŠ.
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LE
GUIDE CALENDRIER MALIN POUR AVENTURIER URBAIN
DU MERCREDI 12 MAI AU MARDI 15 JUIN
ÂŤ LA FORĂŠT EST UN REFUGE. Âť JESPER GANSLANDT
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SORTIES EN SALLES SORtIE lE 12 MAI 48 Robin des Bois de Ridley Scott 0 Adieu Falkenberg de Jesper Ganslandt SORtIE lE 2 JUIn 1 Rabia de Sebastiån Cordero SORtIE lE 9 JUIn 2 Les Mains en l’air de Romain Goupil 3 When You’re Strange de Tom DiCillo lES AUtRES SORtIES
4 Crazy Night ; Freddy – Les Griffes de la nuit ; 8th Wonderland ; L’Enfance du mal ; Street Dance 3D ; Policier, adjectif. ; Les Secrets ; Film Socialisme ; Aisheen (chroniques de Gaza) ; Ça commence par la fin ; Prince of Persia : les sables du temps ; L’Autre Rive ; Maniquerville ; Sweet Valentine ; Sex and the City 2 ; La Tête en friche ; Hatchi ; The World is Big ; Les Meilleurs Amis du monde ; The Crazies
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58 lES ĂŠVĂŠnEMEntS Mk2 Filmer la musique SoirĂŠe Bref
SORTIES EN VILLE 60 COnCERtS Villette Sonique L’oreille de‌ Juliette Lewis
62 ClUBBInG We love Sonique Les nuits de‌ DJ Mehdi
64 ExPOS Emporte-moi / Sweep me off my feet au MAC/VAl Le cabinet de curiositĂŠs : La Part des choses / Still Life
66 SPECtAClES El final de este estado de cosas, redux Ă la Maison des arts de CrĂŠteil Le spectacle vivant non identifiĂŠ : Thomas Clerc au festival les TJCC
68 REStOS Giovanni Passerini au Rino Le palais de‌ Alain Chabat
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70 lA CHROnIQUE dE dUPUY & BERBERIAn WWW.MK2.COM
48 CINÉMA
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Robin des Bois 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1‌ Quand Russell Crowe explique le contrat social au roi Jean, Rousseau prend des notes pour son De l’inÊgalitÊ parmi les hommes. 2‌ Pour les joues au fard furibard d’une LÊa Seydoux qu’on jurerait croquÊe dans une BD de Loisel. 3‌ Pour l’attrapÊ-moulinÊ-fracassÊ d’une ÊpÊe à cheval, que Robin a piquÊ au gladiateur Maximus.
ROBIN DÉBOÎTE Un film de Ridley Scott // Avec Russell Crowe, Cate Blanchett‌ // Distribution : Universal // États-Unis-Royaume-Uni, 2010, 2h10
RIdlEY SCOtt fait la peau au renard en body vert avec un Robin des Bois qui a la cote, et maille à partir avec les carcans de ses anciens carquois hollywoodiens. _Par Étienne Rouillon
DÊbarquement français sur les côtes anglaises dans le plus pur style Seconde Guerre mondiale, Robin en fils d’un autonomiste kantien avant l’heure, ce prÊambule aux multiples chapitres cinÊmatographiques de l’homme des bois a le mÊrite d’être apocryphe. SacrÊ Robin des Bois, figure sainte du cinÊma de cape et d’ÊpÊe avec son (box-) office religieux aux exÊgèses obligÊes : concours de tir, brigandage en sylve, minauderies pour Marianne. Le sermon de Ridley Scott, lui, est agnostique, même s’il conserve l’emphase des divines homÊlies de son Gladiator. VÊritable saint Thomas sur les terres de Nottingham, Russell Crowe porte avec foi le mythe de  Robin à la cagoule  mais veut toucher ses origines, coiffÊ du heaume du scepticisme. CroisÊ de retour d’un pèlerinage armÊ aux côtÊs de son souverain Richard Cœur de Lion, Robin Longstride devient Loxley en usurpant l’identitÊ du chevalier et
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Êpoux de dame Marianne (la puissante Amazone Cate Blanchett), qui se rÊsout à partager la couche de l’usurpateur pour dÊjouer un complot fomentÊ par la France. La lutte armÊe contre le bouclier fiscal du prince Jean est prÊtexte à un film de crise, identitaire. Celle d’un Robin qui construit sa lÊgende en dÊcouvrant celle de son père, roturier, auteur de la Magna Carta (charte de 1215 garantissant le droit à la libertÊ individuelle). La camÊra au genou tourne des batailles rugueuses dont les chorÊgraphies fourmillent de clins d’œil aux jeux du cirque qui rÊvÊlèrent le duo CroweScott. Une collaboration qui est ravivÊe par le jeu rauque du mÊchant sire Godefroy (Mark Strong, remarquÊ dans RocknRolla). DÊpoussiÊrer une figure du patrimoine anglais, Guy Ritchie s’y est loupÊ avec Sherlock Holmes, Ridley Scott touche sa cible avec un rÊcit qui monte en flèche.
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0 CINÉMA
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Adieu Falkenberg 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1‌ Pour une cure de jouvence signÊe par un jeune cinÊaste virtuose. 2‌ Pour une immersion dans la nature suÊdoise. 3‌ Pour une musique planante et enivrante.
LAST DAYS Un film de Jesper Ganslandt // Avec John Axel Eriksson, Holger Eriksson‌ Distribution : E.D. // Suède, 2006, 1h31
Chronique d’un ÊtÊ funeste, Adieu Falkenberg dessine le portrait d’un âge indÊcis, celui oÚ l’on n’est plus vraiment ado mais pas encore adulte. Lumineux. _Par Donald James
Comment se dire adieu ? Comment quitter sa ville, sa vie ? Bijou noir à l’atmosphère organique et planante, ce premier film suÊdois n’est pas sans rappeler Last Days de Gus Van Sant. Sa première heure – illuminÊe, lyrique et picturale – suit un groupe de copains, les fesses à l’air plongÊes dans le lit d’une rivière : une vÊritable apnÊe panthÊiste. Entre travelings et flottements, l’image imprime, exprime cet âge de tous les doutes et de toutes les expÊriences. On pleure dans Adieu Falkenberg, car on sait oÚ ces expÊriences peuvent mener‌ Drogue, dÊbrouille et glandouille : il s’agit de dÊfier le temps qui coule, de se dÊfier soi-même et de trouver, dans l’expÊrimentation, des rÊponses à d’insolubles questions existentielles. Depuis ce film, tournÊ en 2006, le rÊalisateur suÊdois Jesper Ganslandt a dÊjà rÊalisÊ un autre long mÊtrage (bientôt en salles), mais il laisse derrière lui une première œuvre à la beautÊ saisissante, hors des sentiers battus.
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JESPER GAnSlAndt Adieu Falkenberg est-il autobiographique ? J’ai habitÊ Falkenberg, petite ville de l’ouest de la Suède. J’avais des amis. À 25 ans, nous ressemblions aux personnages du film : nous avons grandi ensemble et on commençait à se poser des questions sur notre avenir. Je me suis inspirÊ de mon manque expÊrience. Je n’ai pas ÊtÊ complètement fidèle à la rÊalitÊ, mais je suis restÊ entièrement fidèle à mes sentiments. On ne voit pas de femmes dans le film‌ Montrer des amis du même sexe permettait d’Êvacuer les tensions et les intrigues sexuelles, et de crÊer une bulle onirique, une atmosphère Êtrange. Vos personnages sont immergÊs dans la nature. Pourquoi ? J’ai voulu faire le portrait d’une bande d’amis et non celui d’une ville ou autre chose. Ils vont vers la nature car c’est un endroit oÚ ils se retrouvent libres, oÚ ils se dÊfont de leur vie, de leurs responsabilitÊs. La forêt, les bois sont un refuge.
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1 CINÉMA
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Rabia 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1‌ Pour les airs latinos de la bande originale, entendus chez Almodóvar. 2‌ Pour partager la frustration du hÊros, qui vit à quelques mètres de sa maÎtresse sans pouvoir la toucher. 3‌ Pour dÊcouvrir ce que donne Le Journal d’une femme de chambre de Buùuel en version thriller latino.
LA BELLE ET LA BĂŠTE Un film de SebastiĂĄn Cordero // Avec Martina GarcĂa, Gustavo SĂĄnchez Parra‌ // Distribution : Haut et Court // Espagne-Colombie, 2009, 1h35
Deux amants immigrÊs sont emprisonnÊs dans une vaste demeure bourgeoise. À la fois thriller, romance et rÊflexion politique, Rabia vibre tout entier de la  rage  qui lui sert de titre. _Par RaphaÍlle Simon
À Madrid, Rosa et JosÊ-Maria, deux immigrÊs sudamÊricains, s’aiment passionnÊment jusqu’au jour oÚ celui-ci tue accidentellement son chef de chantier. il se rÊfugie alors dans les combles de la propriÊtÊ oÚ travaille Rosa comme domestique, sans le lui dire. SÊparÊs dans une même maison, les amants n’ont jamais ÊtÊ si proches et si loin à la fois, d’un point de vue à la fois dramatique et symbolique. Les deux Latinos incarnent chacun une manière de subsister en tant qu’immigrÊ : la soumission ou la rÊbellion. C’est d’ailleurs pour explorer les rapports Nord/Sud que le rÊalisateur Êquatorien a dÊplacÊ l’action du roman dont il s’inspire, de l’Argentine vers l’Espagne. Rosa travaille sans rechigner pour ses patrons. Elle est le tÊmoin de la dÊchÊance de cette famille bourgeoise, chez qui les rideaux jaunis cachent des pièces poussiÊreuses et des jouets rouillÊs. On ne s’aime pas
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chez ces gens-là , on divorce, on fait chambre à part, on exècre son père pour son conservatisme, et tout autant son fils pour ses lubies libÊrales. Tout est pourri à l’intÊrieur de ce grand manoir d’allure pourtant si fière. En son sein, Rosa la petite fleur devient l’objet de tous les fantasmes. Ceux du fils alcoolique qui la tripote en cachette, du neveu en visite qui en tombe amoureux, de la mère en mal d’amour qui s’accapare tacitement le bÊbÊ qu’elle attend. Et ceux de JosÊMaria. Lui est l’Êtranger rebelle, l’exclu, le rat qui se cache au grenier en dÊvorant les restes. Du haut de son perchoir ou tapi dans l’ombre, il guette sa belle, la surveille et la protège sauvagement quand on lui fait du mal. Comme une bête, il ne ressent que des Êmotions primaires : l’amour et la rage. À son contact, le ton s’envenime, virant au thriller. Et malgrÊ quelques lourdeurs, c’est le film tout entier qui nous contamine de sa fièvre.
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2 CINÉMA
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Les Mains en l’air 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1‌ C’est une fable politique oÚ les parents peuvent emmener leurs enfants. 2‌ C’est une comÊdie sur le premier amour oÚ les enfants peuvent emmener leurs parents. 3‌ Vous pouvez aussi inviter votre vieille tante, qui trouve que  les Êtrangers, c’est pas des gens comme nous ‌
MAINS HEUREUSES Un film de Romain Goupil // Avec Valeria Bruni Tedeschi, Linda Doudaeva‌ Distribution : Les Films du Losange // France, 2010, 1h30
Dans la veine militante de ses prÊcÊdentes fictions, ROMAIn GOUPIl filme une bande d’enfants qui se cachent avec leur copine tchÊtchène et sans papiers. Une fable politique et rÊjouissante. _Par Isabelle Danel
Le 22 mars 2067, une femme aux cheveux gris raconte, avec un lÊger accent Êtranger, l’histoire qui lui est arrivÊe cinquante-huit ans plus tôt, en France. Elle avait 10 ans, et allait à l’Êcole, en CM2, avec sa bande de potes, Blaise, Alice, Claudio, Ali et youssef. Et puis ce dernier a ÊtÊ expulsÊ avec toute sa famille, parce qu’ils n’avaient pas de papiers. Afin d’Êviter à Milana le même sort, ses copains ont alors fuguÊ avec elle pour la cacher‌ Dans la chambre des enfants disparus, un papier portant ce message :  On s’appelle tous Milana, comme un Êcho au Nous sommes tous des Juifs allemands de Mai-68. Et ce n’est pas la seule rÊfÊrence au passÊ militant de Romain Goupil et à son engagement en tant que citoyen. Pour la deuxième fois, après le docu fiction Une pure coïncidence en 2002, le cinÊaste met les sans papiers au cœur d’un long mÊtrage. il le fait sous la forme d’un conte un peu naïf, qui Êvoque un premier amour, une saine solidaritÊ enfantine et la capacitÊ à dÊsobÊir. Distrayant, rigolo, filmÊ à hauteur d’enfant, Les Mains en l’air s’adresse à notre intelligence et à notre âme de citoyen. MAI 2010
ROMAIn GOUPIl Film politique ou film engagÊ ? Politique au sens oÚ, en tant que citoyen, je suis concernÊ par le monde qui m’entoure. Mais comme spectateur, je dÊteste les films qui me disent ce qu’il faut penser, qui dÊsignent les bons et les mÊchants. Comme cinÊaste, mon ambition est de poser une question. Ici : que penserons-nous dans soixante ans de ce qui se passe aujourd’hui avec les sans papiers ? Pourquoi filmer du point de vue des enfants ? Cette bande de mômes, de petits trafiquants de DVD, de voleurs de bonbecs, s’ils se mobilisent pour leur copine, c’est parce qu’ils ne veulent pas être sÊparÊs. Ils sont dans leur logique, qui n’a rien à voir avec celle des adultes. Et Valeria Bruni Tedeschi dans tout ça ? Je voulais tourner avec elle bien avant qu’elle devienne la belle-sœur du PrÊsident ! Le projet avait ÊvoluÊ suite à ça, et elle l’a d’abord refusÊ. Mais elle est actrice depuis plus de vingt ans, elle fait des choix, comme rÊalisatrice aussi, et elle continuera encore dans vingt ans et plus ! WWW.MK2.COM
3 CINÉMA
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When You’re Strange 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1‌ Pour la narration de Johnny Depp, troublant d’empathie. 2‌ Pour la qualitÊ des images d’archives, foisonnantes et souvent inÊdites. 3‌ Parce que Tom DiCillo poursuit son exploration critique du star-system, toile de fond de son prÊcÊdent film (Delirious).
ON THE ROAD AGAIN Un film de Tom DiCillo // Avec la voix de Johnny Depp Distribution : MK2 Diffusion // États-Unis, 2009, 1h30
Exclusivement composÊ d’images d’archives, dont certaines inÊdites, When You’re Strange de tOM dICIllO dÊroule un portrait ÊlÊgiaque et intimiste du groupe phare de la contre-culture U.S. _Par Pablo RenÊ-Worms et AurÊliano Tonet
Sur une route californienne, un homme roule, hirsute et lunaire. Sans destination prÊcise, il semble se contenter d’errer. Soudain, à la radio, l’animateur annonce sa mort. Ce conducteur, c’est Jim Morrison et les images que l’on a sous les yeux sont extraites des rushes de Highway, moyen mÊtrage inÊdit que le chanteur a rÊalisÊ en 1969, auxquels DiCillo a ajoutÊ une bande-son. C’est sur ces plans que s’ouvre When You’re Strange, qui retrace la trajectoire cosmique d’un quatuor ayant gravi les montagnes du succès aussi vite qu’il a explosÊ en vol. Avec un sens très musical du montage, qu’amplifie la narration en voix off de Johnny Depp, Tom DiCillo capte l’essence du groupe et les instants d’innocence de son leader, à la fois nÊ pour la cÊlÊbritÊ et rongÊ par celle-ci. De Los Angeles à Paris, en passant par Miami, on suit avec dÊlice et effroi la trace des Doors, leurs frasques, leurs intuitions, leurs coups de gÊnie, de virages en tête-à -queue, jusqu’au crash final.
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tOM dICIllO Quelle est la genèse de When You’re Strange ? Les producteurs du film sont venus vers moi. Ils avaient accès à tous ces rushes qui Êtaient dans les archives des Doors et ne savaient pas quoi en faire. J’ai proposÊ de me concentrer uniquement sur ceux-ci, de laisser les images raconter l’histoire, sans interview de Bono, Mick Jagger ou qui que ce soit. Le film comprend des extraits de Highway, le film de Jim Morrison. Au dÊbut, on se demande si c’est bien lui‌ Quand on a montrÊ le film à Sundance, certaines personnes ont quittÊ la salle, parce qu’elles pensaient qu’on avait utilisÊ un sosie. Au dÊbut, le film joue de ce trouble, mais après quelques minutes, il devient clair qu’il s’agit bel et bien de Morrison. Un autre ÊlÊment clÊ du film est la narration assurÊe par Johnny Depp‌ Il fallait que le narrateur soit quelqu’un de sensible qui s’intÊresse de près aux Doors. J’ai tout de suite pensÊ à lui. Il a apportÊ quelque chose de très personnel, d’authentique, de musical à la narration et au film dans son ensemble. WWW.MK2.COM
4 CINÉMA
AGENDA SORTIES CINÉ 12/05 _Par C.G., E.R., I.D., J.R., P.R.-W. et S.M.
SORTIES DU
CRAZY nIGHt de Shawn Levy Avec Steve Carell, Tina Fey‌ th 20 Century Fox, États-Unis, 1h28
Le rÊalisateur de La Nuit au musÊe mêle deux genres a priori opposÊs : comÊdie du remariage et film d’action hallucinÊ. EntourÊ de camÊos savoureux, le couple malchanceux est incarnÊ par deux piliers de l’humour U.S., Tina Fey et Steve Carell.
FREddY lES GRIFFES dE lA nUIt de Samuel Bayer Avec Jackie Earle Haley, Kyle Gallner‌ Warner, États-Unis, 1h49
Ne vous endormez surtout pas, Freddy Krueger est de retour ! Dans ce remake de sa première aventure, on (re)dÊcouvre la genèse du croque-mitaine aux griffes les plus cÊlèbres de ces trente dernières annÊes. Sanglant à souhait.
8tH WOndERlAnd de Nicolas Alberny et Jean Mach Avec Matthew GÊczy, Alain Azerot‌ CQFD, Help !, France, 1h34
Les citoyens d’un pays virtuel votent sur le Net : distribuer des capotes goÝt hostie, boycotter une multinationale ou assassiner un criminel de guerre‌ Sur fond de dÊrives dÊmocratiques, le film tente le rÊalisme total. Mission rÊussie, en dÊpit d’acteurs en demi-teinte.
l’EnFAnCE dU MAl d’Olivier Coussemacq Avec Anaïs Demoustier, Pascal Greggory‌ Zelig, France, 1h30
Une ado en fugue trouve refuge dans la demeure bourgeoise d’un juge et de son Êpouse. Bientôt, les raisons de sa prÊsence sèment le trouble dans le quotidien tranquille du couple‌ Ce drame convainc grâce à l’habile construction psychologique de ses personnages.
Et AUSSI CEttE SEMAInE : ROBIn dES BOIS de Ridley Scott (lire la critique p. 48) AdIEU FAlkEnBERG de Jesper Ganslandt (lire la critique p. 50)
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19/05
SORTIES DU
StREEt dAnCE 3d de Max Giwa, Dania Pasquini Avec Nichola Burley, Richard Winsor‌ Metropolitan, Grande-Bretagne, 1h38
Carly et son groupe ont un rêve : être champions d’Angleterre de street dance. Mais, entre dÊfections et perte de la salle de rÊpÊtition, le sort s’acharne sur eux. On leur propose alors de s’entraÎner et de concourir avec des Êlèves de l’AcadÊmie de Ballet‌
POlICIER, AdJECtIF. de Corneliu Porumboiu Avec Dragos Bucur, Vlad Ivanov‌ Zootrope, Roumanie, 1h53
Un policier refuse d’arrêter un petit dealer et se confronte à sa hiÊrarchie rigide. Quand la maïeutique s’invite au cœur d’un commissariat, ça donne un polar politique intrigant, oÚ le langage est au cœur de tous les enjeux dramatiques et moraux.
lES SECREtS de Raja Amari Avec Hafsia Herzi, Soundes Bel Hassen Sophie Dulac Distribution, France-Suisse-Tunisie, 1h30
Après Satin Rouge, Raja Amari continue d’explorer le thème de l’Êmancipation de la femme dans la sociÊtÊ tunisienne avec Les Secrets, film sombre sur trois femmes vivant clandestinement dans une maison, jusqu’au jour oÚ de nouveaux occupants arrivent‌
FIlM SOCIAlISME de Jean-Luc Godard Avec Catherine Tanvier, Christian Sinniger‌ Wild Bunch, France, Suisse, 1h41
À la manière fragmentaire de ses Histoire(s) du CinÊma, Jean-Luc Godard interroge la notion de socialisme, à travers un film nomade oÚ le multilinguisme et la visite de lieux emblÊmatiques illustrent son propos militant.
Et AUSSI CEttE SEMAInE : COPIE COnFORME d’Abbas Kiarostami (lire le dossier p. 72)
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SORTIES DU
26/05
AISHEEn (CHROnIQUES dE GAZA) de Nicolas Wadimoff Solaris, Suisse-Qatar, 1h25
Dans Gaza dÊvastÊe par les combats, Nicolas Wadimoff promène sa camÊra, à la rencontre de civils qui tentent de se reconstruire après la guerre. incisive et poignante mais tendue par une vraie vitalitÊ, sa dÊambulation impressionniste a valeur de tÊmoignage.
çA COMMEnCE PAR lA FIn de MichaÍl Cohen Avec Emmanuelle BÊart, MichaÍl Cohen‌ ARP, France, 1h28
Le comÊdien MichaÍl Cohen (mariÊ dans la vie à Emmanuelle BÊart) adapte son propre roman et nous livre un premier long mÊtrage romantique et sulfureux, variation haletante sur le thème de la passion amoureuse, racontÊe sous forme de flash-backs.
PRInCE OF PERSIA : lES SABlES dU tEMPS de Mike Newell Avec Jake Gyllenhaal, Gemma Arterton‌ Walt Disney, États-Unis, 1h57
Dans cette adaptation d’une sÊrie de jeux vidÊo, le prince n’a rien perdu de son agilitÊ. Aux côtÊs de la princesse Tamina (ravissante Gemma Arterton), il doit dÊfendre un sablier permettant de remonter le temps : une aventure Êpique, sans grain de sable.
l’AUtRE RIVE de Giorgo Ovashvili Avec Tedo Bekhauri, Galoba Gambaria‌ Arizona Films, GÊorgie, 1h33
Tedo, 12 ans, vit à Tbilissi depuis la guerre entre la GÊorgie et son pays, l’Abkhazie. À la recherche de son père, il entame un voyage initiatique oÚ les paysages dÊsolÊs font Êcho aux vies en ruines. Tenu, tendu. Sublime.
Et AUSSI CEttE SEMAInE : MY nAME IS kHAn de Karan Johar (lire la critique p. 28)
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6 CINÉMA
AGENDA SORTIES CINÉ 02/06 _Par C.G., E.R., I.D., J.R., P.R.-W. et S.M.
SORTIES DU
MAnIQUERVIllE de Pierre Creton Avec Françoise Lebrun, Clara Le Picard‌ Capricci, France, 1h23
L’inoubliable interprète de La Maman et la Putain vient faire rÊgulièrement la lecture aux pensionnaires du centre de gÊrontologie de Maniquerville. Des liens se nouent, une mÊmoire revit et s’Êchappe pour dessiner un portrait vivant de la vieillesse.
SWEEt VAlEntInE d’Emma Luchini Avec Vincent Elbaz, Vanessa David‌ Mars Distribution, France, 1h25
FlanquÊ d’une cruche, un voyou veut quitter la France pour la Pologne. Chemin faisant, il tente de rÊcupÊrer de l’argent et se dÊbarrasser du pot de colle. Mais pour le hÊros du premier long mÊtrage de la fille de Fabrice Luchini, rien ne marche‌
SEx And tHE CItY 2 de Michael Patrick King Avec Sarah Jessica Parker, Kim Cattrall‌ Warner, États-Unis, 2h15
Mode, cocktails, hommes et bÊbÊs : les quatre cÊlèbres New-yorkaises, en proie aux angoisses de la vie de couple, s’offrent un voyage exotique pour dÊcompresser‌ Sorti il y a deux ans, le premier opus avait rapportÊ quelque 415 millions de dollars dans le monde.
lA tÊtE En FRICHE de Jean Becker Avec GÊrard Depardieu, Gisèle Casadesus‌ Studio Canal, France, 1h22
ConsidÊrÊ par ses amis comme l’idiot du village, Germain est quasi analphabète. Un jour, il rencontre Margueritte, l’initie au plaisir de la lecture. Entre eux, une amitiÊ indÊfectible se crÊe‌ Par le rÊalisateur de L’ÉtÊ meurtrier et d’Élisa.
Et AUSSI CEttE SEMAInE : RABIA de SebastiĂĄn Cordero (lire la critique p. 51)
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SORTIES DU
09/06 HAtCHI de Lasse HallstrÜm Avec Richard Gere, Joan Allen‌ Metropolitan, États-Unis, 1h33
hatchi vient chaque jour attendre son maÎtre à la gare, jusqu’au jour oÚ ce dernier disparaÎt. Mais le chien poursuit son rituel, ce qui Êmeut toute la communautÊ. Ce remake d’un film japonais, basÊ sur une histoire vraie, fera pleurer dans les salles obscures.
tHE WORld IS BIG de Stephan Komandarev Avec Miki Manojlovic, Carlo Ljubek‌ Epicentre, Bulgarie-Allemagne-SlovÊnie-Hongrie, 1h45
Dans ce beau road movie en tandem, on suit le parcours d’Alex, un jeune Bulgare amnÊsique suite à un accident de voiture, et de Bai Dan, son grand-père, ancien opposant au rÊgime communiste, qui va tout faire pour l’aider à retrouver la mÊmoire.
lES MEIllEURS AMIS dU MOndE de Julien Rambaldi Avec Marc Lavoine, Pierre-François Martin-Laval‌ Gaumont, France, 1h34
Des amis, ça se dit tout‌ ou pas. ici, c’est la touche  rappel  d’un tÊlÊphone qui va rÊvÊler les crasses que Max et Lucie dÊversent sur Jean-Claude et Mathilde, leurs vieux potes, qui dÊbarquent pour le week-end. Rien de mieux pour passer un bon moment.
tHE CRAZIES de Breck Eisner Avec Timothy Olyphant, Radha Mitchell‌ SND, États-Unis, 1h41
Dans ce remake de La Nuit des fous vivants de Romero, ce n’est pas la mort qui se propage mais la folie, à travers un virus dispersÊ sur une petite ville du Middle West. Le shÊrif va alors tout faire pour protÊger les rares habitants encore sains d’esprit. Et AUSSI CEttE SEMAInE : lES MAInS En l’AIR de Romain Goupil (lire la critique p. 52) WHEn YOU’RE StRAnGE de Tom DiCillo (lire la critique p. 53)
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8 CINÉMA
LES ÉVÉNEMENTS BASTILLE
BIBLIOTHĂˆQUE
HAUTEFEUILLE
ODÉON
QUAI DE LOIRE
BEAUBOURG
GAMBETTA
NATION
PARNASSE
QUAI DE SEINE
CINÉMA
PASSERELLES
FLASHBACKS & PREVIEWS
LE DIALOGUE DES DISCIPLINES
JEUdI 20 MAI - 20H30 / L’AnnÊe des treize lunes de Rainer Werner Fassbinder. Projection prÊcÊdÊe d’une rencontre avec Emmanuelle Bayamack-Tam, à l’occasion de la parution de son livre La Princesse de. (Éditions P.O.L).
JEUdI 20 MAI – 20h30 / REnCOntRE / Marie Vermillard et JoÍl Brisse Avec les Êditions Filigranes, venez rencontrer les rÊalisateurs de Suite parlÊe (sorti en janvier 2010), à l’occasion de la parution de l’ouvrage du même nom. La rencontre sera suivie de la projection du film. Cartes Ui acceptÊes.
lUndI 31 MAI - 20h30 / RdV dES dOCS / Chili, la mÊmoire obstinÊe de Patricio Guzman Que reste-t-il de l’expÊrience Allende ? Que sont devenus ceux qui voulaient changer le Chili ? Après vingt ans d’exil, Patricio Guzman rentre dans un Chili en pleine expansion Êconomique et rÊsolument enclin à l’amnÊsie. En prÊsence de Laurent VÊray, historien du cinÊma, enseignant à l’universitÊ Paris Ouest-Nanterre et rÊalisateur. JEUdI 3 JUIn – 20h / REnCOntRE / Turn It Loose d’Alastair Siddons À l’occasion de la sortie du film en DVD, documentaire inspirÊ qui prend pour point de dÊpart la compÊtition internationale de breakdance du Red Bull BC One. Projection suivie d’une rencontre avec le danseur Lilou et d’autres surprises. MARdI 8 JUIn – 20h30 / SOIRÊE BREF / Campagnes Dans le dÊcor d’Olivier Volcovici (2009, 32 min.), Enterrez nos chiens de FrÊdÊric Serve (2010, 50 min.) et La RÊpublique de Nicolas Pariser (2009, 36 min.). Plus d’infos rubrique  Focus , page de droite. JEUdI 10 JUIn – 20h / FIlMER lA MUSIQUE / The Carter d’Adam Bala lough Ce fascinant documentaire sur le rappeur Lil Wayne sera projetÊ en prÊsence de son rÊalisateur, spÊcialement venu de Philadelphie. Plus d’infos rubrique  Focus , page de droite.
PETITES LECTURES MERCREdI 2 JUIn 10h30 POUR lES 3-5 AnS En juin, nous allons GRAndIR, GRAndIR, GRAndIR, notamment avec Pomelo. Tous les premiers mercredis matins du mois. inscription au 01 44 52 50 70.
MAI 2010
MERCREdI 26 MAI – 16h / REnCOntRE lECtURE / JÊrôme lambert Avec les Êditions L’Êcole des loisirs, lecture-rencontre avec JÊrôme Lambert autour de son roman J’aime pas le lundi (à partir de 9 ans). JEUdI 27 MAI – 19h30 / SOIRÊE ZÊRO dE COndUItE / L’AmÊrique n’existe pas Avec les Êditions Attila, lecture-balade sur le bassin de la Villette suivie d’une rencontre à la librairie. En prÊsence de Pierre Senges autour son roman La RÊfutation majeure (Êditions Verticales), de BenoÎt Laudier des Êditions Vagabonde, et de la traductrice Catherine Vasseur, à l’occasion de la parution de L’Art de naviguer d’Antonio de Guevara (prÊfacÊ par Pierre Senges), et d’Histoires enfantines de Peter Bichsel (Gallimard). insc. au 01 44 52 50 70. MARdI 8 JUIn – 19h30 / CARtE BlAnCHE à Anne Wiazemsky / Irène d’Alain Cavalier L’Êcrivaine, actrice et rÊalisatrice viendra prÊsenter le film, qu’elle a choisi en ouverture de sa carte blanche. Le film sera projetÊ à 21h. SAMEdI 12 JUIn – 11h30 / REnCOntRE lECtURE / Autour d’HÊlène Bessette Laure Limongi, Êditrice chez LÊo Scheer a dÊcidÊ depuis quelques annÊes de rÊÊditer l’œuvre d’hÊlène Bessette (1918-2000). Confortablement installÊs dans une salle de cinÊma, venez Êcouter son biographe et des extraits des cinq romans ÊditÊs dans la collection Laureli. Avec la participation de la comÊdienne Emmanuelle ClÊment. dIMAnCHE 13 JUIn – 11h30 / REnCOntRE – lECtURE / Carte blanche à Claro Écrivain dÊjantÊ et traducteur de talent, Claro est l’auteur d’une dizaine de fictions. Lecture croisÊe de ses romans avec le comÊdien Bruno Blairet, suivie d’une sÊance de dÊdicace à la librairie.
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UVREZ DÉCO ÉMA IN C LE DANS N E M T AUTRE K2 ! M LLES LES SA
FOCUS
_Par P.R.-W.
FIlMER lA MUSIQUE Le quartier Jaurès-Stalingrad sera à la fête du 8 au 13 juin, avec la quatrième Êdition du festival Filmer la musique, qui prendra ses quartiers au MK2 Quai de Seine et au Point ÉphÊmère. Au programme, cinq jours et nuits de musique et de cinÊma, avec plus de vingt longs mÊtrages et documentaires musicaux prÊsentÊs, mais aussi onze groupes en concert. CôtÊ cinÊma, on aura le droit le 10 juin à la projection de The Carter, documentaire sulfureux sur le rappeur Lil Wayne, en prÊsence du rÊalisateur, Adam Bhala. On notera Êgalement la venue le 11 juin de Stuart Baker, fondateur Êrudit de l’excellent label londonien Soul Jazz Records, spÊcialiste des compilations vintage (The World of Arthur Russell, Brazil 70, 100 % Dynamite!). CôtÊ musique, on pourra assister à des concerts de Jessie Evans ou Mustang le 10 juin, et finir par une soirÊe totalement dÊmente le 11 juin, oÚ Bot’Ox, Arnaud Rebotini et Zombie Zombie revisiteront sur scène l’univers et les compositions du cinÊaste John Carpenter. du 8 au 13 juin au Mk2 Quai de Seine et au Point ÊphÊmère
SOIRÊE BREF Le 8 juin, la SoirÊe Bref, consacrÊe au moyen mÊtrage, refait son apparition le long du canal de l’Ourcq, au MK2 Quai de Seine. Le thème de cette Êdition tournera autour de la folie et de la campagne dans tous ses Êtats. Campagne par opposition à la ville, à travers Enterrez nos chiens de FrÊdÊric Serve, variation fantastique sur le thème de la mÊmoire dans le monde rural. Campagne commerciale, avec Dans le dÊcor d’Olivier Volcovici, qui traite de l’aliÊnation par le travail et de la perte de sommeil dans le monde des assurances. Enfin, campagne Êlectorale, avec le dÊjà très remarquÊ La RÊpublique de Nicolas Pariser (auteur de Le jour oÚ SÊgolène Royal a gagnÊ). Le film conte l’histoire de François Darcy, jeune cacique ambitieux d’un parti majoritaire fictif, qui se trouve confrontÊ à une rumeur : la mort accidentelle du prÊsident de la RÊpublique. Chacun pousse ses pions dans cette fiction politique haletante – à l’image de la programmation de cette SoirÊe Bref. le 8 juin au Mk2 Quai de Seine
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LES CYCLES ExPOSItIOn SpÊcialisÊ dans la photographie argentique noir et blanc, StÊphane FÊdorowsky joue avec les techniques de dÊveloppement en chambre noire (solarisation, superposition, surimpression, rayographie), crÊant ainsi une intemporalitÊ qui constitue la base de son art. Son exposition, mêlant les mots aux images, rappelle l’onirisme du cinÊma muet. À la manière d’un conte philosophique, elle dÊvoile l’histoire de la quête de l’être par lui-même. Ille Êtait une fois Soi‌, du 9 au 22 juin
lES MAÎtRES dE lA SUGGEStIOn Jusqu’au 13 juin, les samedis et dimanches à partir de 10h30, programmation dÊdiÊe à deux cinÊastes maÎtres de l’angoisse et de la suggestion, avec les projections de Vaudou, I Walked Whith a Zombie et Angoisse de Jacques Tourneur et La Main du diable et CÊcile est morte de Maurice Tourneur. tarif 6,50 ₏. Cartes UI acceptÊes.
lIttÊRAtURE Et CInEMA Du 19 juin au 11 juillet, les samedis et dimanches matin, le cinÊma et la librairie du MK2 Quai de Loire donnent carte blanche à Anne Wiazemsky, actrice de Robert Bresson, Pier Paolo Pasolini ou AndrÊ TÊchinÊ et auteur de Jeune Fille et Mon enfant de Berlin. Projections de L’ArmÊe des ombres de Jean-Pierre Melville, Le Fleuve de Jean Renoir, Le MÊpris de Jean-Luc Godard et Les Yeux sans visage de Franju. tarif 6,50 ₏. Cartes UI acceptÊes.
T o u t e l a p r o g r a m ma t i o n s u r m k 2 . c o m
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Š W. Beaucardet
CONCERTS
60 SORTIES EN VILLE
VILLETTE OBLIQUE Un festival, des festivals Toujours Ă contre-courant, VIllEttE SOnIQUE ouvre la saison des festivals avec une programmation en voies de traverses pop, entre dĂŠcouvertes marquantes et groupes fondateurs Ă (re)dĂŠcouvrir. _Par Wilfried Paris
Quand Paris est un festival permanent, Villette Sonique rÊussit chaque annÊe le difficile pari de faire venir un public Êlargi dans les salles et parcs de la Villette, pendant près d’une semaine, pour un menu Êclectique et pointu. Après une Êdition 2009 très rock (Liars, Sunn O))), The Jesus Lizard), Villette Sonique 2010 prend le contrepied des attentes suscitÊes, avec une programmation plutôt pop, toujours plurielle et exigeante, rÊunissant jeunes pousses prometteuses (dÊfrichage) et talents confirmÊs (historicitÊ). Au programme : expÊriences vocales (la diva folk Joanna Newsom, la prêtresse gothique Diamanda Galås), pop minimale (les young Marble Giants, qui joueront leur sÊminal Colossal Youth de 1980), synthÊtiseurs rÊtro-futuristes (le pape krautrock Manuel GÜttsching, aka Ash Ra Tempel, et le jeune New-yorkais Oneohtrix Point Never, pour un trip analogique à la GÊode), et ÊlectricitÊ bien entendu (le groupe fondaMAI 2010
teur la scène noisy U.S. des 90s Polvo, les furieux Wolf Eyes, les Nippons psychÊdÊliques Acid Mothers Temple). Le festival fait œuvre didactique en invitant Roy harper, figure culte de la scène prog-folk anglaise, Arto Lindsay, mariant dissonances punks et fantaisie tropicaliste, ou Soisong, duo Êlectronique rÊunissant Peter Christopherson (Throbbing Gristle, Coil) et ivan Pavlov (Coh). Villette Sonique se distingue des autres festivals estivaux en proposant des concerts gratuits en plein air, prenant souvent au dÊpourvu les badauds de passage (cette annÊe : Fuck Buttons, Thee Oh Sees, Oneida, Secret Chiefs 3, King Midas Sound, Blues Control, Washed Out, Ganglians‌). Enfin, deux soirÊes clubbing We Love Sonique avec Richie hawtin (Plastikman), Vitalic, Marc houle, Danton Eeprom, James holden entre autres, complÊteront la fête. Du 2 au 6 juin au Parc de la Villette, www.villettesonique.com WWW.MK2.COM
Š Jennifer Tzar
L’OREILLE DE‌ JULIETTE LEWIS
CARTE BLANCHE Ă€ LA FLĂˆCHE D’OR ÂŤ Sur scène, ce qui compte c’est l’Ênergie et l’Êmotion dramatique. Je crois que mon public comprend très bien que mes performances live sont une extension de ma personnalitĂŠ, de ce que je suis. Je tire cette ĂŠnergie de la batterie, de la musique elle-mĂŞme et du public. Je veux que chaque personne dans la salle se sente comme un super-hĂŠros ! J’essaie vraiment d’embarquer les gens dans un voyage : c’est mieux que tout ce que tu peux imaginer. Venez vivre “l’expĂŠrience Julietteâ€? et amenez vos potes, on va s’Êclater ! Âť _Propos recueillis par J.R.
Juliette Lewis en concert à La Flèche d’or les 19, 20, 21 et 22 mai, dès 19h30, 8 ₏ avec conso.
AGENDA CONCERTS
_Par W.P.
1 lIARS Le trio noise amÊricain fait tourner par ici son cinquième album, Sisterworld, dÊrive psycho-sonique, sombre et dissonante, dans le Los Angeles des marginaux. Des menteurs angÊliques ? Le 19 mai à La Maroquinerie, dès 19h30, 19,80 ₏
2 COCOROSIE Sous leurs moustaches, les sœurs Cocorosie passent miauler mignardises rococos (cliquetis de porcelaines, soutiens-gorge d’Êpoque sur plats d’argent) dans les ors et velours du Casino. Pop rieuse, weird-dance et folk au balcon. Le 21 mai au Casino de Paris, dès 19h30, 33 ₏
3 dInOSAUR JR. La nouvelle Machine de Pigalle va rouler au bruit blanc de Jay Mascis (soliste de la saturation), avec Lou Barlow (basse) et Murph (fÝts) au charbon, pour un concert qui fera forcÊment un peu mal aux oreilles. Le 23 mai à La Machine, dès 20h, 33 ₏
4 WIRE Groupe britannique culte (confidentiel et influent) fondÊ en 1976, Wire marie l’Ênergie juvÊnile du punk anglais (Pistols, Buzzcocks) à l’intellectualisme de son pendant new-yorkais (Velvet, Television). Une rage retenue, tendue, ardue. Le 24 mai à La Maroquinerie, dès 19h30, 22 ₏
MAI 2010
D.R.
CLUBBING
62 SORTIES EN VILLE
SON ET LUMIĂˆRE Vitalic Ă Villette Sonique Depuis quelques saisons, le live electro sort enfin du presque sempiternel ÂŤ me, myself et mon ordiÂť. Installations, structures lumineuses et scĂŠnographies accompagnent dĂŠsormais le son. Mieux, elles le subliment. DĂŠmonstration Ă Villette Sonique. _Par Anne-Laure Griveau
Yuksek et son micro, Richie Hawtin et ses LED, Étienne de CrÊcy et son cube de lumière, de plus en plus de producteurs de musique choisissent de mettre en scène leurs prestations publiques. Tête d’affiche de la soirÊe de clôture du festival Villette Sonique, Vitalic entrera à son tour dans la danse, avec les architectes Pier Schneider et François Wunschel, scÊnographes d’Étienne de CrÊcy et cofondateurs du collectif ExyZT et du  label crÊatif  1024.  La musique et les images sont des composantes essentielles de notre environnement, nous les utilisons comme des matÊriaux de construction dans nos installations. La musique Êlectronique est particulièrement adaptÊe à ces interactions, elle nous a toujours servi pour augmenter nos architectures, les faire vibrer, rÊagir, Êvoluer , explique Pier. Alors, quand Vitalic leur a dÊcrit son album Flashmob comme  electro-disco-poilu , ils ont imaginÊ le V-mirror, sorte de grande boule à facettes qui se dÊploie derrière l’artiste comme des ailes d’insecte. MAI 2010
La musique ne suffirait-elle plus ? Non, c’est plutôt  la prÊsence scÊnique du musicien, seul à presser des boutons derrière des machines qui, contrairement à un groupe, ne remplit pas l’espace scÊnique, explique Pier. D’autant que, dÊmocratisation de la techno oblige, le public change et veut plus que des BPM. Et puis, nous vivons un moment oÚ, via l’ordinateur, on peut faire se rencontrer tous les modes de production du son, de l’image et de la lumière, souligne l’architecte. Tout est interconnectÊ, beaucoup de choses sont possibles en termes de dialogue entre les mÊdias‌ Notre travail consiste à les faire interagir avec une autre dimension : l’espace.  Mission espace rÊussie, les gars !
We Love Sonique, Part. II, le 5 juin à La Grande Halle de La Villette, dès minuit, 27 ₏. Vitalic live, Danton Eeprom, James Holden, Cassius‌ www.weloveart.net
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Š Marco Dos Santos
LES NUITS DE‌ DJ MEHDI
CARTE BLANCHE LE 20 MAI AU SOCIAL CLUB  J’attends cette date avec impatience, non seulement parce que le Social est mon club parisien prÊfÊrÊ, mais aussi parce que j’ai hâte de jouer de la house music toute la nuit avec Riton, mon pote DJ anglais. Notre projet commun, Carte Blanche, est un hommage à la musique de Chicago et de DÊtroit des annÊes 1990. Nous avons rÊpÊtÊ nos meilleurs pas de danse chorÊgraphiÊs. Je vous aurais prÊvenus: house music all night long !  _Propos recueillis par A.-L.G.
Carte Blanche, le 20 mai au Social Club, dès 23h, 10 ₏, www.parissocialclub.com
AGENDA CLUBBING
_Par A.-L.G.
1 InStItUt BOnHEUR L’institut Bonheur, aka Rasmus Michau et sa bande de noctambules, est de retour dans les jardins de Bagatelle. Barbecue party et DJs en folie (le crew Tête d’Affiche‌), on se rÊunit aux portes de Paris pour  dÎner, boire, danser et diffuser le bonheur‌  Tous les vendredis et samedis jusque fin septembre dans les jardins de Bagatelle
2 RItZ BAR tERRASSE Les soirÊes electro du Ritz Bar prennent leurs quartiers d’ÊtÊ. C’est sur une des terrasses du palace parisien que cÊlÊbritÊs et happy few dodelineront au son des DJs selector et de leur rock collection. À partir du 15 mai au Ritz, de 18h30 à 2h, DJ set de 19h à 23h
3 tIGERSUSHI 10 AnS ! Petit tigre est devenu grand et Tigersushi fête aujourd’hui ses 10 ans. Principles of Geometry, Panico, Joakim, DyE, Guillaume Teyssier‌ live ou DJ, toute la mÊnagerie sera là . Ça se passe au Point ÉphÊmère et ça pourrait bien nous faire rugir de plaisir. Le 28 mai au Point ÉphÊmère, dès 20h, 15 ₏
4 A nIGHt WItH‌ GUI BORAttO PrÊparez-vous, le 28 mai, vous avez une date avec le plus couru des BrÊsiliens electro, j’ai nommÊ Gui Boratto. Et pour pimenter un peu plus le rendezvous, ses invitÊs et son lieu sont tenus secrets‌ Le 28 mai, infos à guetter sur www.facebook.com/wihmevents
MAI 2010
D.R.
EXPOS
64 SORTIES EN VILLE
Perfect Lovers, Felix Gonzales-Torres
ÀVOS AMOURS Je t’aime moi non plus Jusqu’au 5 septembre, le MAC/VAL nous entraÎne dans les mÊandres du sentiment amoureux avec l’exposition Emporte-moi / Sweep me off my feet qui rÊunit une quarantaine d’artistes dont les œuvres traitent de ce thème complexe, à la fois intime et universel. _Par Anne-Lou Vicente
C’est le printemps‌ Et le MAC/VAL se met au parfum de l’amour avec l’exposition Emporte-moi / Sweep me off my feet, coproduite avec le MusÊe national des beaux-arts de QuÊbec. Loin de tomber dans le panneau d’un thème que l’on pourrait juger trop Êvident, les commissaires de l’exposition, Nathalie de Blois et Frank Lamy, ont envisagÊ l’amour comme ce qu’il est vraiment : un sentiment ambivalent qui, s’il peut nous combler de bonheur, est aussi susceptible d’être à l’origine des dÊchirements les plus violents.  Support de pensÊes, d’Êlans, d’illusions et d’abandons, les œuvres rÊunies expriment autant la douleur de la solitude que l’espoir et l’effusion de sentiments que fait naÎtre en soi la rencontre de cet autre si signifiant , Êcrivent-ils.
lisent une parfaite harmonie des cœurs. Ange Leccia quant à lui, fait s’embrasser deux projecteurs de cinÊma dont jaillit une lumière rose (Arrangement, le baiser, 1985-2004). Le Siège biplace (2000) de Christelle Familiari, suspendu au-dessus du sol, forme un cocon en maille d’acier, refuge protecteur pour deux. Avec La Dispute (2006), Anne BrÊgeaut recolle les morceaux d’une tasse brisÊe, à l’image d’un cœur que l’amour peut faire voler en Êclats. No Sex Last Night (1992), le film de Sophie Calle et Greg Shephard, montre les difficultÊs d’un couple lors d’un voyage aux États-Unis. La rencontre, la passion, la plÊnitude, mais aussi la douleur, l’incomprÊhension, la sÊparation, la solitude, le manque‌ L’amour, pour le meilleur et pour le pire!
Perfect Lovers (1987-1990), les deux horloges synchronisÊes de l’artiste cubain Felix Gonzalez-Torres, symbo-
Emporte-moi / Sweep me off my feet, du 7 mai au 5 septembre au MAC/VAL, place de la LibĂŠration, 94404 Vitry-sur-Seine. Tous les jours sauf le lundi, de 12h Ă 19h. 5 â‚Ź/2,50 â‚Ź
MAI 2010
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D.R.
LE CABINET DE CURIOSITÉS
LA PART DES CHOSES / STILL LIFE Troisième Êpisode du projet d’expositions en cinq volets La Part des choses, organisÊ par l’association clermontoise in Extenso, Still Life rÊunit dix artistes dont les œuvres se distinguent par leur silence‌ Les sculptures et installations  ont en commun un refus apparent du discours et laissent le champ libre à de multiples interprÊtations.  Des œuvres qui utilisent des ÊlÊments du quotidien pour mieux le rÊinventer et le faire glisser vers une dimension poÊtique. Une fuite du sens. _A.-L.V.
Du 21 mai au 4 juillet à Mains d’œuvres, 1 rue CharlesGarnier, 93400 Saint-Ouen.
AGENDA EXPOS
_Par A.-L.V.
Ann VEROnICA JAnSSEnS Avec May, l’artiste belge nous convie à une nouvelle expÊrience contemplative et hypnotique fondÊe sur la lumière et le temps. La galerie devient un laboratoire dans lequel les matÊriaux mutent : l’eau se solidifie et l’acier semble se liquÊfier‌ Du 8 mai au 19 juin à la galerie Air de Paris, 32 rue LouiseWeiss, 75013 Paris.
JUlIEn dISCRIt RÊalisÊ aux États-Unis, le film Speed of the Eye montre un dÊsert de sel oÚ sont organisÊs des records de vitesse d’engins pointant à 1 200 km/h. La sÊrie SÊdiments rÊunit trois verres recouverts de cristaux de sel et la paire de baskets portÊe par l’artiste durant son pÊriple. Du 29 avril au 19 juin à la galerie Martine Aboucaya, 5 rue Sainte-Anastase, 75003 Paris.
JASOn dOdGE Un câble Êlectrique dÊtournÊ par un diapason, une canalisation d’eau laissant planer une inondation dÊvastatrice, trois couvertures de la couleur de la nuit‌ Entre matÊrialitÊ ostensible et dimension cachÊe, les œuvres de l’AmÊricain sont un moteur pour la rêverie. Du 29 mai au 24 juillet au centre d’art contemporain La Galerie, 1 rue Jean-Jaurès, 93130 Noisy-le-Sec. MAI 2010
Š Luis Castilla
SPECTACLES
66 SORTIES EN VILLE
APOCALYPSE NOWLe flamenco galvanisĂŠ Avec la danse anarchique du SĂŠvillan ISRAĂ‹l GAlVĂ n, le flamenco sort du cercle des aficionados pour relire la Bible, le butĂ´ japonais, et ses propres racines. Le thème de El final de este estado de cosas, redux, c’est l’Apocalypse, et l’effet aussi. _Par Ăˆve Beauvallet
Qui soupire à entendre parler flamenco n’a encore jamais courbÊ l’Êchine devant la puissance tellurique de la danse d’israÍl Galvån. Cet ÊtÊ, on pouvait la voir imposer le silence le plus pieux aux nombreux spectateurs du Festival d’Avignon, venus en masse dÊcouvrir celui que les critiques nomment  le Nijinski du flamenco . La virtuositÊ est, certes, une seconde peau pour cette bête du compås – essence rythmique du baile flamenco – traÎnÊ, dès cinq ans, dans les tablaos sÊvillans et l’Êcole de danse parentale. Mais surtout, comme l’Êtoile russe l’avait fait avec le ballet classique, Galvån, en soliste hors pair, apprivoise les codes extrêmement coercitifs du flamenco pour le nourrir à des racines inattendues et lui rÊinventer une puissance organique. il ne transforme pas l’art flamenco, il transforme les autres arts en flamenco. Ainsi
MAI 2010
de la danse contemporaine ou du butô japonais, cette danse des tÊnèbres si vive dans El final de este estado de cosas, redux, oÚ transparaÎt la silhouette transgenre de Kazuo Ohno. Loin des froufrous du folklore andalou, Galvån impose, dans cette relecture de l’Apocalypse de Jean, une danse de chair brute qui dÊfie la mort jusque dans cet Êtroit cercueil final qui Êchoue à faire taire son zapateado (jeu de pieds). Pieds nus dans un carrÊ de sable d’un mètre de côtÊ, ou chaussÊ sur une plateforme de bois brinquebalante qu’il s’agit de dompter comme on le ferait d’un taureau, Galvån procure aux spectateurs la chance rare de se sentir liÊs par quelque force ancestrale et vivifiante.
El final de este estado de cosas, redux Le 29 mai à la Maison des arts de CrÊteil, www.maccreteil.com Du 31 mai au 5 juin au ThÊâtre de la Ville, www.theatredelavilleparis.com
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Š Cyrille Weiner
LE SPECTACLE VIVANT NON IDENTIFIÉ
THOMAS CLERC AU FESTIVAL LES TJCC Michel Blanc en Freddie Mercury ou Scarlett Johansson en Mère Teresa ? Rassurez-vous, ces projets fantasques de biopic n’existent que dans les extravagantes chroniques de Thomas Clerc, dont le phrasÊ grand siècle illumine hebdomadairement les ondes de France Culture. ObsÊdÊ des listes et autres recensements mÊticuleux, il est l’auteur de nouvelles meurtrières (L’homme qui tua Roland Barthes chez Gallimard) et virevoltera à Gennevilliers dans une  lecture performance  sur mesure. Tant il est vrai que sa logorrhÊe jubilatoire mÊrite autant l’Êcoute que la vue. Mythologique. _E.B.
Festival les TJCC, du 20 au 22 mai au ThÊâtre de Gennevilliers, www.theatredegennevilliers.com
AGENDA SPECTACLES
_Par E.B.
1 AndREA SIttER Andrea Sitter sur un plateau de danse, c’est un peu comme heidi dans un film de Lynch. Soit une image quasi folklorique du ballet classique avec, en relief, des volumes burlesques et horrifiques. Ne vous fiez donc pas au sourire ultra-bright de cette danseuse allemande si vous assistez au grand atelier qu’elle donne sur le parvis de La DÊfense, en prÊlude aux pièces de Boris Charmartz et de Mourad Merzouki. Festival Seine de danse, du 25 au 30 mai sur le parvis de La DÊfense, www.vallee-culture.fr/culture
2 JÊRôME COMMAndEUR SE FAIt dISCREt Alternative trashy et vivifiante au Jamel Comedy Club qui monopolise la scène stand-up, le oneman show de JÊrôme Commandeur revigore les procÊdÊs du genre avec dix portraits-syndromes de la France ordinaire, de l’altermondialiste bovine à la secrÊtaire hystÊrique. Un hÊros encore discret, mais plus pour longtemps. Au Splendid, www.lesplendid.com
3 GNOSIS Après une danse nuptiale avec la star Juliette Binoche dans IN-I, et un duo aÊrien avec l’Êtoile Sylvie Guillem dans Monstres sacrÊs, le chorÊgraphe bangladais Akram Khan redescend, avec Gnosis, vers les racines de la tradition kathak pour trouver d’autres idoles : celles de la mythologie du nord-ouest de l’inde qu’il confronte, dans une danse enluminÊe, aux hÊros des comics amÊricains. Du 11 au 15 mai au ThÊâtre des Abbesses, www.theatredelaville-paris.com MAI 2010
Š Bruno Verjus
RESTOS
68 SORTIES EN VILLE
LE GOÛT DES AUTRES Les bonnes combines de Rino Rencontre avec le terroir mental de GIOVAnnI PASSERInI, belle nature et chef de Rino. Voyage en terres et en cuisine, à la dÊcouverte d’une juste philosophie. _Par Bruno Verjus (www.foodintelligence.blogspot.com)
Natif de Rome, Giovanni Passerini vient tout juste de s’enraciner rue Trousseau. Son restaurant, Rino, sis au numÊro 46, tutoie l’aromatique jardin public de la ville de Paris, oÚ chaque Candide s’applique à suivre Voltaire à la lettre, et cultive son jardin. La porte à peine franchie, l’on croise la cuisine. Brillante entrÊe en matières et mise en appÊtit. Tables de bois sombre, banquettes rouges, une vingtaine de couverts, ce sobre Êcrin s’estompe en creux, aux facettes d’une cuisine lumineuse et subtile. Giovanni Passerini dÊbute son parcours par Cologne en Allemagne, puis Madrid. De retour à Rome, le voilà chef dans le mythique restaurant Uno e Bino. Puis Paris et Le Chateaubriand avec l’apprentissage de la rock’n’roll attitude, L’Arpège et la  mesure du geste  d’Alain Passard et enfin La Gazetta de Peter Nilsson. il y termine second, maÎtrisant la  cuisine chaude, avec beaucoup de casseroles , la cuisine de l’instant, du vif.
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De ses expÊriences passÊes, Giovanni a tirÊ une bibliothèque de goÝts et de produits. il associe son italie romaine aux cÊrÊales. Les haricots, l’orge, le petit Êpeautre, le riz, aimantent ses plats. Ainsi cette soupe de haricots se plaÎt à la douceur rÊtractÊe et frileuse des pissenlits à la poêle. Ou ce risotto de petit Êpeautre, enluminÊ des rayons odorants d’orties, d’artichauts et de pecorino. il apprÊcie et combine les saveurs qui conduisent à un lieu, une mÊmoire, un souvenir.  Pour Rino, ouvert il y a quelques semaines, j’avais peu d’argent mais beaucoup d’envies, je pratique une cuisine de l’instant, qui frappe aux sens.  Les mots justes d’une cuisine de gai savoir. À l’enseigne de ces asperges au beurre d’orties et bulots, enivrÊes d’une vinaigrette de pollen de fleurs, rÊgalons-nous de cette nouvelle physiologie du goÝt.
Rino, 46 rue Trousseau, 75011 Paris. TĂŠl. : 01 48 06 95 85
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Š Stanislas Zanko
LE PALAIS DE‌ ALAIN CHABAT
CHEZ JULIEN ET RACINES  En ce moment, il y a deux restaurants oÚ j’aime particulièrement aller. Chez Julien, pour sa terrasse, un petit Îlot de calme et de verdure en plein Paris. Très agrÊable, surtout en ÊtÊ. On y mange très bien, notamment un ris de veau à la Godard (rien à voir avec Jean-Luc) succulent. Bref, c’est beau, c’est bon, c’est cool. il y a aussi Racines, un resto à l’Êcart de l’agitation des Grands Boulevards avec une cuisine française tradi pas piquÊe des hannetons. Comme l’endroit est très petit, il vaut mieux rÊserver.  _Propos recueillis par P.R.-W.
Chez Julien, 1 rue du Pont-Louis-Philippe, 75004 Paris. Tel : 01 42 78 31 64 // Racines, 8 passage des Panoramas, 75002 Paris. Tel : 01 40 13 06 41 Lire l’interview d’Alain Chabat p.12
OĂ™ MANGER APRĂˆS‌ _Par B.V.
lA tÊtE En FRICHE Chez HAND (Have A Nice Day), pour se rÊconcilier avec la vie et les hamburgers. Cantine chic peuplÊe d’ampoules sur fond bleu, voilà pour l’horizon. Pour les têtes en friche, le poulet panÊ aux corn flakes et les milk-shakes ne manquent pas de relief, non plus. HAND, 39 rue de Richelieu, 75001 Paris. TÊl. : 01 40 15 03 27
lES MEIllEURS AMIS dU MOndE Au Restaurant (et oui ! il se nomme ainsi) pour l’ambiance cosy et dÊcontractÊe. Une carte aux prix assez doux à l’Êgal des artichauts poivrade et chèvre frais (10 ₏) ou le tartare de bœuf (18 ₏). Le boire en pots de vins nature, pour cÊlÊbrer, en meilleurs amis du monde. Restaurant, 44 rue d’Assas, 75006 Paris. TÊl. : 01 45 44 44 44
BÊBÊS Chez FrÊdÊric Simonin, parce qu’il est jeune, beau et le fils spirituel de JoÍl Robuchon. D’ailleurs, l’on y retrouve avec bonheur la fameuse purÊe Robuchon, rÊgressive en diable et terriblement gourmande. La carte s’Ênonce en classiques maÎtrisÊs. Le charme d’un sourire de chÊrubin. FrÊdÊric Simonin, 25 rue Bayen, 75017 Paris. TÊl. : 01 45 74 74 74
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70 LA ChRONIQUE DE
abbas kIAROStAMI EN TROMPE-L’ŒIL Avec Copie conforme, ABBAS kIAROStAMI touche à la quintessence de l’art cinématographique. Filmant en Toscane l’histoire d’un couple qui se rencontre, le cinéaste explore les différents âges de la passion, à travers une narration vertigineuse et moderne, où la question du regard est obsédante. Sous l’œil de l’Iranien, JUlIEttE BInOCHE, exceptionnelle, explore toutes les facettes de l’éternel féminin. Avec la finesse et l’érudition qui leur sont propres, le réalisateur et la comédienne ont évoqué pour nous ce film, parmi les plus beaux de la sélection cannoise.
© Marion Stalens
_Propos recueillis par Sandrine Marques et Auréliano Tonet, traduits du Farsi par Massoumeh Lahidji
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TOiLE
de maĂŽtre
Q
Un film d’Abbas Kiarostami // Avec Juliette Binoche, William Shimell‌ // Distribution : MK2 Diffusion // France, 2009 En sÊlection officielle au Festival de Cannes 2010 Sortie le 19 mai
uelle est la genèse de Copie conforme ? Abbas kiarostami : Juliette Binoche Êtait en visite à TÊhÊran et de retour d’une soirÊe, je ne sais pas ce qui m’a pris, j’ai commencÊ à lui raconter une histoire qui, à l’origine, Êtait simple, courte, linÊaire. Au fur et à mesure que je la racontais, Juliette manifestait une rÊaction très positive. Elle Êtait complètement transportÊe et son enthousiasme nourrissait mon rÊcit. RÊtrospectivement, je peux dire que le scÊnario s’est Êcrit à ce moment-là . Elle m’a dit :  Pourquoi n’en fais-tu pas un film? Je lui ai rÊtorquÊ que j’avais commencÊ à envisager un autre projet, intitulÊ Père et fils. Elle m’a dit de le mettre en suspens pour faire ce film-là , et qu’elle jouerait dedans. On a pris deux bouts de papier et on a fait semblant de rÊdiger un contrat. On a même signÊ de nos empreintes digitales. On ne se doutait pas que cette blague allait devenir sÊrieuse et donner un film. C’est le premier long mÊtrage de fiction que vous filmez hors d’Iran, en parallèle de documentaires tournÊs à l’Êtranger comme ABC Africa (2001). En quoi ce dÊplacement renouvelle-t-il votre cinÊma ? Je ne crois pas que tourner en italie ait changÊ quoi que ce soit à mon geste artistique. Je suis même sÝr que ce n’est pas le cas : si le lieu et la langue Êtaient nouveaux pour moi, le film et ses personnages m’Êtaient familiers. Quand j’ai Êcrit ce scÊnario, je tenais à ce qu’il soit dÊpourvu de tout particularisme oriental. Je voulais que ces personnages et leurs dialogues soient universels. Pour ce qui est de l’expÊrience de tourner à l’Êtranger, il y avait certes eu le documentaire ABC Africa mais aussi ce film court qui fait partie d’un triptyque, Tickets [film collectif cosignÊ par Abbas Kiarostami, Ken Loach et Ermanno Olni, tournÊ en Italie et sorti en 2005, ndlr], qui m’avait servi de galop d’essai, dans une certaine mesure. Vous dites que vous ne vouliez pas de particularisme oriental dans votre film, mais l’un de vos personnages cite un poème
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persan. Quel est le sens de cette citation et pourquoi avez-vous choisi de l’insÊrer ? Dans mon film, je voulais m’attarder sur ce qui nous unit entre l’Est et l’Ouest et relève d’une culture commune. Mais dès lors qu’un iranien est derrière la camÊra, il y a quelque chose de nÊcessairement oriental dans le film. Le poème en question est de Mehdi Akhavan Sales, un grand poète iranien mort il y a une dizaine d’annÊes. Le vers vient tout naturellement au cours d’un dialogue. James est en train de parler de l’Êvolution de la vie amoureuse et dit :  Le jardin du dÊpouillement, qui ose nier sa beautÊ ?  C’est une vision du monde et de l’amour spÊcifique à l’Orient. Elle signifie qu’une fois que le printemps et l’ÊtÊ sont passÊs, c’est-à -dire la passion, on arrive à une nouvelle phase de la relation amoureuse. Moins forte, elle a sa propre beautÊ parce qu’elle est conforme à la nature. Je n’ai qu’un Dieu, je n’ai qu’un maÎtre : c’est la nature. Donc à partir du moment oÚ une beautÊ trouve son Êcho dans la nature, elle Êclot à mes yeux. Et il me semble que l’hiver est une saison extrêmement belle même si on n’y trouve ni fruits, ni fleurs. le film a ÊtÊ tournÊ en toscane, dont les paysages splendides sont Êtonnamment discrets dans le film, surtout au regard de votre filmographie, qui laisse une large place aux dÊcors naturels. Pourquoi ce choix ? Cette absence de paysages s’explique par la prÊsence de la nature humaine. Montrer une autre nature aurait ÊtÊ hors sujet. Je ne voulais pas faire diversion et rester sur l’objet qui est le mien dans ce film. C’est la première fois que vous mettez en scène un couple d’amants. Pourquoi rÊaliser un film sur l’intime à ce moment prÊcis de votre carrière ? Je ne sais pas, c’est arrivÊ. Ce n’est jamais moi qui vais chercher un sujet, en me disant que c’est le bon moment pour le filmer. Quelque chose se loge dans mon esprit et le meilleur moyen de m’en dÊbarrasser est de faire un film. Maintenant, il doit y avoir des raisons profondes, je ne le nie pas, mais je n’en suis pas conscient. hafez, le plus grand poète d’iran et même peut-être de tout l’Orient, dit :
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lES REPROdUCtIOnS‌ ‌ d’ABBAS kIAROStAMI Si Copie conforme multiplie les reflets (dans les vitres, les miroirs, entre les personnages et les gÊnÊrations‌), c’est tout le cinÊma de Kiarostami qui convoque les figures de l’original et de sa reproduction : reconstitution de faits divers existants (Et la vie continue, Close-up‌), dialogue constant entre documentaire et fiction (acteurs non professionnels, utilisation de camÊras numÊriques lÊgères et discrètes‌), confrontation entre le monde et sa reprÊsentation cinÊmatographique par la mise en abyme du tournage (Au travers des oliviers). Dans la lignÊe de l’expÊrimental Shirin, qui s’intÊressait davantage à la rÊception d’une œuvre par ses spectatrices qu’à l’œuvre elle-même, Copie conforme s’amuse des apparences trompeuses et interroge :  La copie a-t-elle plus de valeur que l’original? Même s’il est illusoire ou fictionnel, le cinÊma de Kiarostami redonne un sens à la rÊalitÊ : il l’absorbe pour mieux la questionner. _J.R.
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Sache apprÊcier la valeur du fruit du hasard. ici, le fruit du hasard, c’est l’histoire que j’ai racontÊe à une amie qui se trouve être une actrice. il suffit que cet instant advienne, pour que la moitiÊ du film existe. la question du regard et de sa subjectivitÊ se manifeste dans la scène oÚ l’on pense qu’un couple se querelle, alors que l’homme est en fait au tÊlÊphone. ne pas se fier aux apparences, tel semble être le credo de Copie conforme. Cette question du point de vue Êtait dÊjà au cœur de votre prÊcÊdent long mÊtrage, Shirin, sorti en dÊbut d’annÊe, oÚ vous filmiez le visage de diffÊrentes actrices durant la projection d’un film‌ Tout pour moi se rapporte au regard. Je crois que vous en êtes vous-même tÊmoins, chaque jour de votre vie. il y a des gens qui savent regarder, d’autres pas. Et quand je dis  regarder , c’est au sens profond du terme. Tout ce que j’ai pu faire dans ma vie, ce n’est que grâce à mon regard. Sinon, j’aurais dÝ travailler de mes mains. Or, aujourd’hui, très souvent
copies ont une valeur extrêmement ÊlevÊe, dans la mesure oÚ elles nous rendent l’original accessible. Après tout, c’est ce dÊsir de copier qui a donnÊ lieu à l’imprimerie. Si elle n’avait pas existÊ, les grandes œuvres littÊraires auraient ÊtÊ des trÊsors cachÊs, accessibles aux seuls membres de la famille des auteurs. il y a ces trÊsors cachÊs et cette petite monnaie qui nous permet de les dÊcouvrir. À l’origine du film, je me suis rÊfÊrÊ à cette phrase de Nietzsche qui dit :  Tâche que la valeur de l’œuvre soit dans ton regard.  Cette disposition dÊpasse l’œuvre d’art : c’est une philosophie de vie. le cinÊma est un lieu d’expÊrimentation pour vous. Que ce soit à travers votre utilisation du numÊrique (Ten) ou vos dispositifs innovants (Shirin). Ici, vous introduisez, au sein d’une mise en scène classique, une vraie modernitÊ. Pourquoi ? À vrai dire, la narration me fatigue. Je n’ai pas envie de raconter une histoire de façon linÊaire. Ce choc, cet hapax au milieu du film, est le moyen de susciter
 JE N’Ai QU’UN DiEU, JE N’Ai QU’UN MAÎTRE : C’EST LA NATURE.  mes mains sont inoccupÊes. Je gagne mon pain grâce à mon regard. la copie a longtemps ÊtÊ suspecte dans la philosophie des origines : Platon la rejette, en raison de sa faussetÊ. Mais Gilles deleuze la rÊhabilite dans son ouvrage Logique du sens (1969). Pour lui, elle a une valeur poÊtique. Elle est la part immortelle du modèle original, sa rÊinterprÊtation sensible et lyrique. Qu’en pensez-vous ? Je me reconnais dans ces deux postures. Dans mon film, la question de la conformitÊ à l’original est un prÊtexte pour s’adonner à une rÊflexion sur la nature humaine. Ce n’est pas, en soi, une rÊflexion sur l’art. Et pourtant, je suis très touchÊ par l’analyse de Deleuze. J’y trouve un Êcho particulier, dans la mesure oÚ je suis intimement persuadÊ que ce sont les copies qui permettent la diffusion de l’art. Les
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un regain de curiositÊ chez le spectateur. Par ailleurs, la dimension temporelle m’interpellait dans l’histoire de ce couple. Je voulais revenir quinze ans en arrière. J’aurais pu utiliser les moyens habituels : le maquillage, des intertitres, un flash-back mais ce n’est pas le cinÊma qui m’intÊresse. L’idÊe Êtait d’injecter un sang nouveau dans le film. Vous multipliez les reflets et les surimpressions. Que souhaitiez-vous exprimer avec ces compositions? C’est un choix de prise d’images et de montage. Je n’aime ni les coupes, ni les champs-contrechamps. Quand la prÊsence de l’autre se manifeste, que sa voix est perçue, je veux qu’il soit là dans un autre plan et cet autre plan, c’est un miroir, une vitre, un reflet qui me le donnent. C’est ce qui permet de crÊer une perspective qui est celle de la rÊalitÊ. Le cinÊma ne fait que reflÊter la vie. il y a un poème qui dit :
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ÂŤ TOUT POUR MOi SE RAPPORTE AU REGARD. Âť
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 Une ombre survient, voici la preuve de l’existence du soleil.  Je prÊfère m’intÊresser aux ombres, plutôt que de tourner mon regard directement vers le soleil. Ainsi, je suis plus fidèle à la rÊalitÊ pluridimensionnelle de la vie. Votre film rend-t-il hommage à Voyage en Italie de Roberto Rossellini (1951) ? Oui, il y a peut-être un lien, en tout cas pour ce qui concerne ce voyage en voiture dans des paysages italiens. Ce film a peut-être marquÊ si profondÊment mon inconscient que je me suis dit que j’allais en produire une copie pour voir si elle pouvait être conforme. Copie conforme peut-il être vu comme une comÊdie du remariage, au sens oÚ l’entendait le philosophe amÊricain Stanley Cavell (un couple tente de se reformer après une Êpreuve ou une sÊparation, à la recherche d’un bonheur diffÊrent) ? Pour l’instant, je n’ai aucune opinion sur mon film : j’en suis encore le technicien. il est trop près de moi. D’autant plus que je suis presbyte, je vois flou. Je dois donc prendre un peu de recul pour arriver à le voir distinctement. trois âges du couple cohabitent dans le film, incarnÊs par les diffÊrents conjoints que l’on y croise. Êtait-ce une manière pour vous de signifier que vos hÊros sont à une Êtape mÊdiane de leur histoire ? Ce n’Êtait pas conscient de ma part de vouloir montrer les trois Êtapes d’une vie amoureuse, mais en effet, maintenant que vous le dites, c’est vraiment ainsi que je l’ai conçu. Une histoire n’a d’intÊrêt que dans la reproduction et la rÊpÊtition. Elle prend alors une valeur de parabole, de vÊritÊ gÊnÊrale. Si l’on ne s’attache qu’à l’homme et à la femme, cette histoire est strictement anecdotique. Quand vous voyez ce jeune couple de mariÊs, vous vous dites que le chemin qu’il entreprend est tortueux. Sur ce chemin, il y a mes hÊros, à mi-parcours, et les vieillards, en bout de course. C’est sans doute les trois Êtapes de ce voyage-là que j’ai voulu montrer. Pour progresser sur cette route avec le moins de heurts, d’Êchecs et de blessures possible, l’attention que l’on porte à l’autre est essentielle. l’enfant dans votre cinÊma est souvent un messager ou un mÊdiateur, au centre de rÊcits initiatiques, comme OÚ est la maison de mon ami ? (1987). dans Copie conforme, l’adolescent est ironique et empêche sa mère de se rapprocher de l’homme. Il fait penser, sur un mode moins extrême, à l’enfant tyrannique qui ouvre Ten (2002). Votre façon de filmer l’enfance a-telle ÊvoluÊ avec le temps ?
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PAS dE dEUx Abbas Kiarostami a souvent filmÊ des duos, qui exacerbent des rapports de domination. EmblÊmatique de son cinÊma de l’enfance, la relation maÎtreÊlève (OÚ est la maison de mon ami ?) stigmatise les archaïsmes autoritaristes d’une sociÊtÊ patriarcale qui volent en Êclats avec le fÊministe Ten. Dans ce film, une mère s’oppose à son jeune fils tyrannique, tandis que dans l’habitacle-gynÊcÊe de la voiture des inconnues se succèdent. Sans cesse reconduit sur le mode itÊratif propre au cinÊaste, le duo fÊminin tÊmoigne de la domination masculine dont ces femmes font l’objet. S’il filme pour la première fois un couple mariÊ dans Copie conforme, l’auteur iranien avait dÊjà abordÊ la problÊmatique amoureuse dans Au travers des oliviers, oÚ un maçon voyait l’objet de son affection se dÊrober à ses avances. Le duo amoureux, chez Kiarostami, repose sur cette idÊe d’un autre qui nous Êchappe toujours un peu. _S.M.
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 JE SUiS iNTiMEMENT PERSUADÉ QUE CE SONT LES COPiES QUi PERMETTENT LA DiFFUSiON DE L’ART.  kIAROStAMI‌ ‌ CôtÊ CAnnES Avec Copie Conforme, sÊlectionnÊ en compÊtition officielle, Abbas Kiarostami dÊbarque sur la Croisette en terrain connu : accueilli avec enthousiasme depuis 1990 dans tous les festivals internationaux, le cinÊaste est un habituÊ de Cannes. Membre du jury à trois reprises, il y prÊsente dix films, dont trois en compÊtition, et reçoit la Palme d’or en 1997 pour Le GoÝt de la cerise, film interdit en Iran jusqu’à la veille de la remise des prix. Paradoxe, donc, d’un cinÊaste applaudi par l’internationale cinÊphile, mais profondÊment ancrÊ dans un pays oÚ il a choisi de rester après la rÊvolution islamique, en dÊpit des contraintes dictÊes par le nouveau rÊgime. En cela, Copie conforme marque une Êvolution : pour son premier long mÊtrage de fiction rÊalisÊ hors d’Iran, Kiarostami fait enfin coïncider son lieu de tournage et son statut d’auteur universellement reconnu. Et quel cadre plus idoine que Cannes pour consacrer ce dÊracinement ?
Je pense que mon rapport à l’enfance n’a pas ÊvoluÊ et qu’il n’y a pas de diffÊrence entre l’enfant mÊdiateur et l’enfant obstacle. C’est une question de regard : le mÊdiateur peut être vu comme un obstacle Êgalement. Bien qu’on voie très brièvement l’enfant au dÊbut de Copie conforme, il est très prÊsent jusque dans les derniers mots que prononce le personnage de Juliette Binoche. Elle demande à l’homme de rester car c’est mieux pour eux trois. Je n’ai pas vu le film sous-titrÊ en persan et je ne sais plus si on a choisi de l’expliciter ou pas. La prÊsence de l’enfant est essentielle et quand vous disiez qu’il y avait dans le film trois gÊnÊrations, en fait il y en a quatre. Vous avez rÊcemment mis en scène un opÊra de Mozart, CosÏ fan tutte, avec le baryton William Shimel. Pourquoi l’avoir choisi pour donner la rÊplique à Juliette Binoche ? William Shimel Êtait l’acteur idÊal principalement parce que cet homme dans le film est un inconnu au dÊbut et qu’il le reste à la fin. il convient parfaitement au personnage car il a le bon profil physique : il est plutôt sÊduisant, a le bon âge et est crÊdible en Êcrivain un peu tÊnÊbreux. Avec un acteur connu, il faut se dÊbarrasser de tout ce qu’on sait de lui pour l’apprÊcier dans le rôle. Vous venez de rÊaliser deux films très fÊminins : Ten et Shirin, oÚ Juliette Binoche faisait d’ailleurs une apparition. dans Copie Conforme, elle donne son rythme au rÊcit. Qu’apprÊciez-vous chez cette grande comÊdienne ? Juliette Binoche a beau être une grande star internationale, j’ai travaillÊ avec elle avec toute la dÊcontraction que l’on rencontre avec un acteur non professionnel. Elle est venue sur le plateau, riche de toute son expÊrience qu’elle a mise de côtÊ. Elle a davantage puisÊ dans son vÊcu de femme que dans ses prÊcÊdents rôles. Je crois qu’il faut garder cette fraÎcheur, se dire que chaque nouvelle expÊrience est une première fois.
_A.L. et A.T.
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JULIETTE BINOCHE /// COPIE CONFORME 81
ACTRiCE modèle
Abbas Kiarostami a trouvÊ en JUlIEttE BInOCHE la muse de Copie conforme, son nouveau chef-d’œuvre. Impressionnante de force et d’Êmotion, l’actrice bouleverse dans le rôle d’une femme blessÊe qui tente de reconquÊrir l’homme qui s’est ÊloignÊ d’elle. Pour nous, cette artiste complète revient sur sa collaboration avec le maÎtre du cinÊma iranien, mais aussi sur sa relation à la crÊation : des propos comme une inspiration. _Propos recueillis par Sandrine Marques
Q
uels sont les films d’Abbas kiarostami qui vous ont donnÊ envie de rejoindre son univers ? Tous ses films me plaisent. Que ce soient les tout premiers en noir et blanc ou les plus rÊcents comme Five, qui est une peinture en mouvance. Mais c’est surtout sa personne et notre connexion particulière qui m’ont donnÊ envie de faire un film avec lui.
Avez-vous ÊtÊ sensible à la modernitÊ du dispositif de Copie conforme, à la croisÊe de plusieurs arts – comme vous, comÊdienne, artiste plasticienne et danseuse ? Je n’envisage pas un film par rapport à sa modernitÊ, mais en fonction de la sensibilitÊ et de la vision qu’il dÊveloppe. C’est ce qui crÊe chez moi le dÊsir d’une forme artistique à partager. Cette idÊe de modernitÊ m’est Êgale car de toute façon, elle fluctue. Un repère qui change n’est plus un repère. dans Copie conforme, il y a cette idÊe que la valeur d’une œuvre est subjective. Qu’en pensez-vous ? Le regard fait la vie de l’œuvre. Mais ce que vit l’artiste quand il la façonne n’est pas nÊgligeable, parce qu’il vit une transformation, au moment oÚ il crÊe. Et cette transformation peut être un but dans
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JUlIEttE BInOCHE... ‌ En tOURnAGE Courant avril, la star internationale Juliette Binoche a rejoint le tournage à New York de Son of No One de Dito Montiel avec Channing Tatum, Al Pacino et Katie Holmes. Dans ce thriller, elle joue une femme reporter, petite amie d’un policier au passÊ trouble :  C’est un film choral. Nous avons ÊtÊ invitÊs à participer quelques jours au tournage, sauf Channing Tatum qui tient le rôle principal , commente-t-elle. L’ÊtÊ prochain, on la retrouvera avec plaisir en France pour le premier coup de manivelle de Sponsoring de Malgorzata Szumowska, l’histoire sulfureuse d’une femme qui enquête sur la prostitution chez les Êtudiantes et dÊcouvre, non pas un monde de dÊtresse, mais un moyen pour ces jeunes filles d’Êchapper à leur condition sociale. Anaïs Demoustier donnera la rÊplique à Juliette Binoche, plus Êclectique que jamais. _S.M.
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82 COPIE CONFORME /// JULIETTE BINOCHE
l’art. Une œuvre prend toute sa valeur quand elle a une action sur nous. Si elle ne transforme plus, elle l’a perdue. diriez-vous qu’en art, la copie est supÊrieure à l’original, comme l’Êvoque le film ? Ce qui est supÊrieur, c’est l’Êtat dans lequel on entreprend les choses. C’est cette connexion à l’invisible, à ce qui n’est pas palpable, qui donne à une œuvre sa beautÊ. Et pourquoi la copie ne pourrait-elle pas être plus vibrante que l’original ? C’est une possibilitÊ.
danse contemporaine, avec le chorÊgraphe Akram khan, a enrichi votre jeu ? La danse a certainement influencÊ mon jeu dans ce film ; je me souviens qu’en sortant de certaines prises, j’avais la sensation intÊrieure d’avoir bougÊ, à un niveau plus Êmotionnel que physique. Je me disais :  Waouh, j’ai voyagÊ !  Donc cette immobilitÊ – être assise en face de son partenaire au cours d’une prise assez longue – fait qu’un corps  autre  doit vivre. Et puis, il y avait beaucoup de texte et il valait mieux qu’il soit vivant. Sinon, vous le dÊblatÊrez. il faut qu’il soit vÊcu et transformÊ par le corps.
 POURQUOi LA COPiE NE POURRAiT-ELLE PAS êTRE PLUS ViBRANTE QUE L’ORiGiNAL ?  dans la scène critique du restaurant, vous êtes impressionnante, passant de la sÊduction à la blessure. Comment l’avez-vous travaillÊe ? À un moment donnÊ, je lâche quand je joue. Tout est là . C’est une histoire de confiance. il suffit d’être à l’Êcoute. Comme mon personnage n’a pas de prÊnom – elle s’appelle Elle –, j’avais des Êmotions universelles à exprimer face à mon partenaire : le sentiment d’abandon, les reproches, être dans l’attente de cet amour qui ne vient pas. La simplicitÊ de la situation aide aussi : il n’y a personne pour nous servir. À côtÊ se tient un mariage, et notre couple à nous est blessÊ et a faim, si j’ose dire. Le contexte nous mettait dÊjà dans une certaine quintessence. Votre personnage est au bord du dÊsÊquilibre en permanence. Est-ce que votre expÊrience de la
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la mise en espace des corps a une vraie importance dans le film. Comment l’avez-vous articulÊe avec Abbas kiarostami ? Tout Êtait dÊjà dessinÊ. Le premier jour des rÊpÊtitions, Abbas nous a passÊ un DVD. En fait, il Êtait allÊ en repÊrage sur le lieu du tournage et avait filmÊ tous les endroits oÚ nous devions jouer. Ce DVD dÊmarrait à l’extÊrieur du village oÚ nous allions ensuite entrer en voiture, avec tous les paysages extÊrieurs qui dÊfilaient, pour finir dans la chambre à coucher. Visualiser ces dÊcors m’a permis d’apprÊhender l’Êtat Êmotionnel de mon personnage. Extrêmement volontaire au dÊpart, elle doit lâcher au fur et à mesure. Jusqu’à cette scène dans la chambre oÚ elle se laisse regarder, aimer peut-être. Comme un animal ÊpuisÊ, elle s’abandonne sur le lit , même si la fin est comme une renaissance pour le couple.
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JULIETTE BINOCHE /// COPIE CONFORME 83
 UNE œUVRE PREND TOUTE SA VALEUR QUAND ELLE A UNE ACTiON SUR NOUS.  Votre personnage Êvoque celui d’Ingrid Bergman dans Voyage en Italie de Rossellini. Vous a-t-elle inspirÊe ? Non, je n’ai pas spÊcialement pensÊ à elle, même si je connais bien le film que j’ai vu plusieurs fois. Mais on est tous amoureux de l’italie et de ses actrices. il y a chez elles une vie, un jeu à bras-lecorps qui s’Êlance et passe à travers le corps. Je me suis davantage inspirÊe d’Anna Magnani pour sa douleur et son incroyable prÊsence. On ne peut qu’être transformÊ par elle. À la fin de Copie conforme intervient une rÊvÊlation, presque au sens mystique du terme, matÊrialisÊe par les cloches qui sonnent. Est-ce qu’elles scellent selon vous la rÊconciliation du couple ? Non, pas forcÊment. C’est une fin ouverte. On ne sait pas. En tout cas, l’homme a du mal à dire  oui . il est plein de mÊfiance, de malaise. À la fois, il est sÊduit, touchÊ, mais ça ne veut pas forcÊment dire qu’il a envie de s’engager. Chaque personnage est renvoyÊ à lui-même, selon un jeu de miroirs. À la fin, la femme devient beaucoup plus douce. Elle n’essaye plus de faire dire  oui  à l’homme. Son dÊsir incessant de vouloir atteindre l’autre est presque Êpuisant. Abbas m’avait dit qu’à la fin, la femme est gagnante quelque part car elle prend le risque de s’abandonner à l’Êmotion, à ses dÊsirs, de s’humilier même. Elle ne dÊmantèle pas la situation par l’intellect. l’enfant dÊstabilise la possible reconstruction du couple. Comment avez-vous envisagÊ les scènes avec lui ? Je n’ai pas beaucoup travaillÊ avec le jeune Adrian Moore. il avait dÊjà collaborÊ avec Abbas Kiarostami, qui nous avait demandÊ de ne pas nous rencontrer avant. Mais nous nous sommes vus une fois nÊanmoins, ce qui Êtait bien pour le rassurer et rÊgler certains dÊtails du texte. il y a une part à abandonner au moment du tournage mais l’enfant lui, Êtait naturellement juste. De manière gÊnÊrale avec mes partenaires, je joue toujours avec l’enfant qui est en eux. À tous les âges,  l’enfant  est prÊsent.
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WIllIAM SHIMEll ‌ ‌ HORS CHAnt En 2008, Abbas Kiarostami met en scène CosÏ fan tutte au Festival d’art lyrique d’Aix en Provence. Il y dirige le cÊlèbre baryton anglais William Shimell, acclamÊ pour ses interprÊtations sur les scènes de la Scala de Milan, de l’opÊra Bastille ou du Staatsoper de Vienne. Kiarostami convainc Shimell d’accepter le rôle de James dans son nouveau film, Copie conforme – une première pour le baryton, très intimidÊ à l’idÊe de donner la rÊplique à l’immense Juliette Binoche. L’actrice raconte :  William avait appris le scÊnario par cœur, mais je l’ai mis en garde contre ces idÊes trop structurÊes qu’on peut avoir avant de jouer. Je lui ai proposÊ d’autres façons de voir et d’exploiter les brisures qu’il avait peut-être au fond de lui. Ça a ÊtÊ un vrai rÊvÊlateur.  Une nouvelle voix pour William Shimell, à tomber dans ce rôle d’intello insaisissable et tÊnÊbreux. _J.R.
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84 COPIE CONFORME /// JULIETTE BINOCHE
ÂŤ EN SORTANT DE CERTAiNES PRiSES, JE ME DiSAiS : “WAOUH, J’AI VOYAGÉ !â€? Âť dU PInCEAU Ă€ lA CAMĂŠRA Plus qu’un film, Juliette Binoche partage avec Abbas Kiarostami une passion pour la peinture, depuis son enfance. Ă€ l’occasion du projet transdisciplinaire Jubilations, ses travaux inĂŠdits ont ĂŠtĂŠ exposĂŠs Ă travers le monde, en 2009. Soient 68 encres au total, comprenant 34 portraits de rĂŠalisateurs, mais ĂŠgalement 34 autoportraits de personnages qu’elle a interprĂŠtĂŠs Ă l’Êcran, regroupĂŠs dans le livre Portraits In-Eyes. L’actrice y pose un regard intime sur les grandes rencontres de sa carrière cinĂŠmatographique. Par ailleurs, elle a ĂŠlaborĂŠ l’affiche des Amants du Pont-Neuf et celle des Enfants du siècle. En toute logique, c’est sur celle du 63e Festival de Cannes qu’on la retrouve en ĂŠgĂŠrie de la manifestation, pinceau ĂŠtincelant Ă la main, signant la conjonction parfaite de deux arts de la lumière. _S.M.
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Il y a une sensualitÊ propre au sud de la toscane, qui exacerbe d’autant plus la tension entre les deux anciens amants. Qu’en pensez-vous ? La situation avec l’homme fait que mon personnage a un besoin de se rÊvÊler au fÊminin. Le dÊcor est un vrai catalyseur de son manque. J’ai une relation particulière à l’italie : j’y ai tournÊ Le Patient anglais et le rÊalisateur Anthony Minghella n’est plus de ce monde. De fait, mon rapport à ce pays est à la fois nostalgique et familier. être tous regroupÊs dans ce village italien Êtait très confortable. Nous nous croisions souvent. C’Êtait un village  cocon , construit en forme d’escargot derrière ses murs du Moyen Âge. Mais ce qui m’a tenue, c’est l’Êtat intÊrieur dans lequel j’Êtais, ce vers quoi je devais aller pour qu’il y ait une vÊritÊ à chaque moment et pour que cette idÊe de couple puisse Êmerger en chacun de nous ensuite. Ce couple, prÊcisÊment, est universel et interroge l’Ênigme de l’amour‌ Qu’est-ce qu’on cherche chez l’autre? Pourquoi essayer encore et encore ? Ce besoin de fÊminin-masculin est symbolisÊ par l’homme et la femme mais cette idÊe au fond de nous est encore plus cachÊe que cela : c’est un amour infini, un idÊal que le couple peut ressentir mais n’arrive pas à vivre, parce que l’autre n’est jamais assez à la hauteur de cet infini. L’homme est ÊtriquÊ dans ses idÊes et sa conception du couple. Abbas a voulu confronter la rationalitÊ de l’homme à l’Êmotion de la femme. Ses deux façons d’aborder  un autre soi  provoquent forcÊment un clash, mais c’est ce qui permet d’Êvoluer, de se dÊpasser dans le meilleur des cas ! Copie conforme parle de l’union et de ses illusions – Abbas sort de cette idÊe de mariage avec une blessure. Le besoin d’unitÊ, on l’aura toujours en nous. Mais il n’est pas satisfaisant dans le film. C’est comme si on avait deux cœurs : l’un Êmotionnel, l’autre infini. Le cœur Êmotionnel nous permet de nous mettre en relation avec le cœur infini. Dans le mariage, il y a cette idÊe naïve qu’on se ressemble, qu’on ne fait qu’un. Un vrai mariage repose sur l’individualitÊ.
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CAnnES FAiT SA MUE
Le 63e Festival de Cannes marque une Êvolution dans son histoire que soulignent les diffÊrentes polÊmiques qui l’agitent. Avec un fort ancrage politique, la sÊlection accueille des formats tÊlÊvisuels et dynamite la ligne de partage entre les diffÊrents supports de diffusion. Pas Êtonnant alors que les mondes virtuels et l’adolescence soient les traits saillants cette annÊe d’un Festival lui-même à l’âge des transitions. _Par Sandrine Marques
LÊa Seydoux dans Petit Tailleur de Louis Garrel Š MK2
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l est de bon ton d’accueillir l’annonce de la sÊlection cannoise avec la morgue d’un festivalier blasÊ, qui la commentera sur le mode  toujours les mêmes . Les mêmes ? Ce sont ces auteurs, autrement dit les  habituÊs , qui cumulent les sÊlections comme les points retraite, au fil des annÊes. L’Êdition 2010 aurait pu être sanctionnÊe par cette sentence rÊcurrente, puisque Woody Allen (You Will Meet a Tall Dark Stranger), Mike Leigh (Another Year) ou encore Stephen Frears (Tamara Drewe) vont de nouveau gravir les marches. Mais ce jugement manquerait de relief. Plusieurs indicateurs attestent qu’un vent nouveau secoue les palmes par trop acadÊmiques de la Croisette. À commencer par la panique des organisateurs: jury et films en compÊtition incomplets jusqu’à la dernière minute, querelle des anciens et des modernes au sein de l’Êquipe de programmation concernant la prÊsence en compÊtition de la sÊrie Carlos d’Olivier Assayas, produite par et pour Canal +. Le protocole a transigÊ : le biopic sur le terroriste le plus emblÊmatique du xxe siècle va être prÊsentÊ lors d’une sÊance spÊciale, hors compÊtition, simultanÊment à sa diffusion sur la chaÎne cryptÊe le 19 mai prochain. ÉCRAN TOTAL Dans le même temps, l’inlassable chercheur de formes qu’est Jean-Luc Godard, prÊsent au Certain Regard, envisagerait de penser autrement la diffusion de son Film Socialisme, en plus des circuits traditionnels. DÊmultiplier les Êcrans, c’est ce que les rÊalisateurs entreprennent cette annÊe, en plaçant l’ordinateur ou la tÊlÊvision au centre de leurs rÊcits. Trois films explorent les mondes virtuels. CôtÊ français, Gilles Marchand plonge Louise Bourgoin et Melvil Poupaud dans L’Autre Monde, c’est à dire un jeu vidÊo dÊlÊtère oÚ l’on meurt avec son partenaire. Au Certain Regard, le Japonais hideo Nakata dÊcrit dans Chatroom l’influence morbide qu’un administrateur de forum exerce sur les adolescents
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de son âge. Quant au NÊerlandais David Verbeek, il suit un gamer professionnel, incapable de nouer une relation en dehors de l’univers de Second Life, oÚ sÊvit son avatar. POLITIQUE-FICTION Bien loin de ces sphères virtuelles, le cinÊaste Jafar Panahi, incarcÊrÊ dans les geôles iraniennes, risque de ne pas pouvoir occuper le fauteuil de membre du jury, aux côtÊs du prÊsident Tim Burton. Les autoritÊs locales, qui l’accusent d’avoir prÊparÊ un film contre le rÊgime, restent sourdes à la mobilisation internationale, emmenÊe par Steven Spielberg et Martin Scorsese. Cette situation donne le la à un festival plus que jamais ancrÊ dans le politique. PrÊsentÊs en compÊtition officielle, deux films traitent de l’AlgÊrie : Hors-la-loi, de Rachid Bouchareb, Êvoque les manifestations pour son indÊpendance qui agitèrent la France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ; plus proche de nous, xavier Beauvois revient, avec Des hommes et des dieux, sur le massacre des moines de Tibhirine qui serait la consÊquence d’une bavure de l’armÊe algÊrienne. Toujours en compÊtition, un film tchadien (Un homme qui crie de Mahamat Saleh haroun) s’enracine dans la rÊalitÊ brutale de la guerre civile, toile de fond au xVie siècle en France de La Princesse de Montpensier de Bertrand Tavernier. Quant à l’administration Bush, elle n’en finit pas de se faire fustiger. Dans Fair Game, l’AmÊricain Doug Liman (La MÊmoire dans la peau) Êvoque le scandale des pseudo armes de destruction massive qui implique un agent de la C.i.A. (Naomi Watts). Le Russe Nikita Mikhalkov donne, de son côtÊ, une suite à Soleil trompeur oÚ son hÊros s’Êchappe du goulag, bombardÊ au dÊbut de la Seconde Guerre mondiale. CôtÊ Semaine de la Critique, on trouve un film du photographe artiviste  JR (Women Are Heroes) et pour la première fois en compÊtition dans cette section, un documentaire danois (Armadillo) sur des soldats envoyÊs sur le front afghan, auquel fait Êcho, à la Quinzaine des RÊa-
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 UN VENT NOUVEAU SECOUE LES PALMES PAR TROP ACADÉMiQUES DE LA CROiSETTE . lisateurs, Everything Will Be Fine du Scandinave Christopher Boe. EngagÊe, cette Êdition cannoise explore le chaos contemporain, avec pour volontÊ de faire vaciller sur leur socle les vieux schÊmas ou institutions capitalistes opprimantes (Cleveland vs Wall Street de Jean-StÊphane Bron). SECONDE JEUNESSE Le Festival de Cannes s’offre une cure de jouvence en plaçant l’adolescence au centre des fictions. Faisant peau neuve en 2010, la Semaine de la Critique fait concourir sept premiers films, dont Belle Épine de Rebecca Zlotowski avec LÊa Seydoux, qu’on retrouve au gÊnÊrique de Petit Tailleur, le moyen mÊtrage très attendu de Louis Garrel. Dans le sillage du brun tÊnÊbreux, on observe que les jeunes acteurs passent à la rÊalisation, comme Kirsten Dunst et James Franco qui prÊsenteront leurs courts mÊtrages en fin de Festival. CôtÊ Quinzaine des RÊalisateurs, l’adolescent hante les fictions avec sa violence (Des jeunes filles en noir de Jean-Paul Civeyrac), ses atermoiements amoureux (All Good Children d’Alicia Duffy), son courage face à la perte (The Joy de Marina Meliande et Felipe Bragança) ou sa quête de spiritualitÊ qui se heurte au dÊsir (Un poison violent de Katell QuillÊvÊrÊ). Après le sulfureux J’ai tuÊ ma mère l’an dernier, le jeune prodige quÊbÊcois xavier Dolan revient sur la Croisette avec Les Amours imaginaires, l’histoire de deux amis qui s’Êprennent de la même personne. Fidèle à son univers sulfureux, Gregg Araki narre dans Kaboom les premiers Êmois sexuels d’un groupe d’Êtudiants, parmi lesquels on retrouve Roxane Mesquida et Kelly Lynch. PrÊsentÊ en sÊance de minuit et hors compÊtition, le film devrait faire couler beaucoup d’encre. En mettant à l’honneur le bel âge, le Festival de Cannes est peut-être en train d’entrer dans le sien.
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A S S AYA S PLANèTE TERREUR
PrÊsentÊ en sÊance spÊciale à Cannes, le jour de sa diffusion sur Canal +, Carlos s’inscrit à plein dans l’œuvre d’OlIVIER ASSAYAS. Romanesque, international et rock, ce biopic se distingue par son organicitÊ. Incarnant le terroriste sur deux dÊcennies, l’exceptionnel Edgar Ramirez lui donne la distance salutaire pour en faire, ni une victime, ni un hÊros, mais un personnage obscur passant du rÊvolutionnaire au mercenaire : une complexitÊ qu’Êvoque pour nous le cinÊaste. _Propos recueillis par Sandrine Marques
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omment dÊfinissez-vous l’objet Carlos ? Carlos est le lieu gÊomÊtrique d’ambiguïtÊs diverses et variÊes. J’ai fait un film en trois volets, avec un dÊbut, un milieu et une fin. Ce n’est pas une sÊrie car ça n’a pas vocation à se prolonger. J’ai essayÊ de faire un tÊlÊfilm mais je me suis rendu compte que le sujet  Carlos  Êtait impossible à traiter en un seul long mÊtrage. Parce que j’avais les interlocuteurs qu’il fallait, j’ai disposÊ d’une libertÊ beaucoup plus grande que celle que j’aurais eue au cinÊma, oÚ
attentats ont eu lieu en France, oÚ il est incarcÊrÊ actuellement. Simplement, il n’a pas sa carte de sÊjour. il n’est ni français, ni europÊen, et la plupart des protagonistes de mon histoire sont dans le même cas. C’est une histoire de mÊtèques en France. Du coup, le cinÊma français ne peut pas en rendre compte. C’est pourquoi ce film n’a jamais ÊtÊ rÊalisÊ jusqu’à prÊsent, car il se situe dans une zone aveugle du cinÊma. la question de l’international traverse Carlos, comme vos films prÊcÊdents‌ Je me suis rendu compte en Êcrivant le film que le
 LE TERRiTOiRE DE CARLOS N’EST PAS TOUT À FAiT TÉLÉViSUEL, Ni TOUT À FAiT CiNÉMATOGRAPhiQUE.  on ne m’aurait pas autorisÊ à faire un film sans vedette, en langue Êtrangère et de cette durÊe-là . Le territoire oÚ m’a entraÎnÊ le film n’est pas tout à fait tÊlÊvisuel, ni tout à fait cinÊmatographique. C’est un objet qui remet en question certaines des frontières du cinÊma, un superfilm, nÊ d’un cadre posÊ par Canal + mais dont le code gÊnÊtique serait dÊterminÊ par rapport à sa carrière en France. Pourquoi, d’après vous, le sujet n’a jamais ÊtÊ filmÊ ? Carlos est une histoire française : la plupart de ses
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sujet Êtait presque du sur mesure pour moi, mais initialement, je ne le savais pas. À chaque fois que je tirais un fil, venait une idÊe qui me confortait dans cette question d’internationalisme rÊvolutionnaire. Au centre de cette internationale fÊdÊrÊe, il y a un Latino-AmÊricain, vivant en Europe, collaborant avec des activistes moyen-orientaux et se liant avec des activistes japonais. Avec le mÊlange des langues et des cultures, ils doivent se dÊbrouiller non seulement pour cohabiter, mais aussi pour collaborer ensemble et dialoguer. Mon rÊcit est projetÊ dans
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 LE FiLM POSE DES QUESTiONS DE FiCTiON QUi ME PRÉOCCUPAiENT DEPUiS LONGTEMPS.  le passÊ et pose des questions de fiction qui me prÊoccupaient depuis longtemps.
Son recours en justice Êtait-il recevable ? Je n’ai jamais pensÊ qu’il aurait pu avoir gain de cause sur un terrain si extravagant. Mais ça a eu, de mon point de vue, un pouvoir de perturbation. Tant que les avocats me fichaient la paix, je pouvais traiter cette histoire à la Alexandre Dumas, en circulant dans un territoire un peu baroque, entre reconstitution factuelle mÊticuleuse et romanesque. Mais quand Carlos, via sa femme avocate, s’est rappelÊ à notre bon souvenir, ils ont commencÊ à vouloir retrancher ce qui pourrait fâcher Carlos. Les bases juridiques des revendications de Carlos m’ont toujours parues extrêmement faibles. il y a cent vingt personnages dans mon histoire. S’il fallait s’assurer de la bienveillance de chacun d’entre eux par rapport au projet, ça crÊerait une jurisprudence qui interdirait aux arts de rendre compte de l’histoire contemporaine.
Un film d’Olivier Assayas // Avec Edgar Ramirez, Alexander Scheer‌ // Diffusion sur Canal +, à partir du 19 mai // France, 2008, 5h30
Š Jean-Claude Moireau / FILM EN STOCK / CANAL+
depuis sa cellule, Carlos a demandÊ un droit de regard sur le film. Comment gère-t-on une telle situation quand on est cinÊaste ? Ce n’est pas gÊrable. Cette question est moralement insoluble, dans le sens oÚ l’on est obligÊ de considÊrer qu’il existe une personne en chair et en os, qui a vÊcu les aventures qu’on est en train de restituer de manière cinÊmatographique et romanesque. Je devais prendre à bras-le-corps cette question, en m’arrogeant le droit de raconter cette histoire et en me disant qu’elle appartient à l’histoire collective. Mais je ne peux pas ignorer le fait qu’il y ait ce dÊchirement, cette interrogation qui est celle d’une personne dÊpossÊdÊe de son histoire personnelle. il est normal que des cinÊastes aient envie de raconter l’histoire au prÊsent. Ce serait absurde de ne pas le faire, de se l’interdire.
Olivier Assayas sur le tournage de Carlos
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LÉA EST LÀ Du film d’ouverture (Robin des Bois) à la Semaine de la Critique (Belle Épine), en passant par la Quinzaine (Petit Tailleur), cette annÊe à Cannes, lÊA SEYdOUx est partout. Portrait d’une comÊdienne omniprÊsente. _Par Juliette Reitzer
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rès discrète l’an dernier sur le tapis rouge, LÊa Seydoux faisait pourtant une courte apparition dans un film en compÊtition officielle (Inglourious Basterds de Quentin Tarantino) et raflait le trophÊe Chopard de la rÊvÊlation fÊminine de l’annÊe. Un an plus tard, la jeune femme revient sur la Croisette, promenant son innocence mâtinÊe de sensualitÊ dans chacune des trois sÊlections cannoises. CôtÊ Quinzaine, elle donne la rÊplique à Louis Garrel dans un moyen mÊtrage rÊalisÊ par l’acteur, Petit Tailleur. histoire d’une relation filiale entre un vieil homme et son apprenti, troublÊe par l’irruption de l’amour absolu, personnifiÊ par l’actrice. Dans Belle Épine, premier film de Rebecca Zlotowski en compÊtition à la Semaine de la Critique, LÊa incarne une adolescente en marge qui tente de trouver sa place dans une bande de motards. L’actrice, Êvanescente et rÊservÊe, y porte un prÊnom qui lui va comme un gant : Prudence, vertu qui met en balance le concret et le possible. Car le magnÊtisme de LÊa tient sans doute un peu de son ambivalence, prÊsence hypnotique teintÊe de la promesse d’un ailleurs, mÊlange de douceur et de gravitÊ :  à la fois intemporelle et complètement d’aujourd’hui  selon Christophe honorÊ, qui la dirigeait en 2008 dans La Belle Personne, elle semble capable de tout jouer avec la même intensitÊ. D’ailleurs, à l’affiche du Robin des Bois de Ridley Scott (film d’ouverture de la sÊlection officielle), elle apparaÎt d’abord en crÊature gracile et dÊnudÊe, Êmergeant dans un Êclat de rire des draps du prince Jean, avant de trôner, avec le même charisme, une fois son personnage devenu reine d’Angleterre‌ LÊa, souveraine absolue de ce 63e Festival de Cannes ?
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ROCk tHE CROISEttE Cette annÊe à Cannes, les mÊlomanes seront à la fête. Les Kinois de Staff Benda Bilili ouvriront la Quinzaine des RÊalisateurs, à travers le documentaire Benda Bilili, que leur consacrent les Français Florent de la Tullaye et Romain Barret. Une sÊlection très musicale puisque les Rolling Stones dÊbarqueront sur la Croisette, pour ce qui devrait être un des temps forts du Festival. Stones in Exile, documentaire de Stephen Kijak sur l’enregistrement tumultueux de leur chefd’œuvre Exile on Main Street (1972), sera projetÊ en sÊance spÊciale, avec peut-être un concert à la clÊ. Quant aux fameuses nuits cannoises, elles vibreront au son de N*E*R*D à la soirÊe Stage of the Art le 14 mai, et des excellents Fortune ou Naive New Beaters lors de celles de La Divine comÊdie, les 12 et 16 mai. _P.R.-W.
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CANNES 2010 93 Un poison violent de Katell QuillĂŠvĂŠrĂŠ
COURS PARALLĂˆLES Si, Ă la bourse des sections parallèles cannoises, la Quinzaine des RĂŠalisateurs avait jusqu’ici la cote, Un Certain Regard et la Semaine de la Critique attisent cette annĂŠe les spĂŠculations. Simples soubresauts du marchĂŠ cinĂŠphilique, ou mouvement de fond? _Par Pablo RenĂŠ-Worms
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n le sait, à Cannes, la compÊtition n’a pas lieu qu’entre les films qui y sont prÊsentÊs, mais aussi entre les diffÊrentes sÊlections. À ce petit jeu, la Quinzaine des RÊalisateurs, avec sa rÊputation de dÊnicheuse de jeunes talents, sortait rÊgulièrement vainqueur aux points de cette bataille. Après s’être quelque peu endormie sur son bagage d’antichambre de la sÊlection officielle, la section Un Certain Regard rÊunit cette annÊe un casting des plus classieux et semble reprendre la main. On y retrouvera des rÊalisateurs confirmÊs tels que le vÊtÊran portugais Manoel de Oliveira avec L’Étrange Affaire Angelica. Le cinÊma roumain sera bien prÊsent avec deux films, Aurora, deuxième Êpisode de la saga en six volets sur Bucarest de Cristi Puiu, et Mardi, après NoÍl de Radu Muntean. Le rÊalisateur chinois Jia Zhangke prÊsentera son premier documentaire I Wish I Knew, portrait de Shanghai et de son Êvolution depuis les annÊes 1930, prÊparÊ à l’occasion de l’exposition universelle qui s’y tient actuellement.
La Quinzaine des RÊalisateurs se distingue cette annÊe par la prÊpondÊrance des premiers films, puisqu’on en compte onze sur les vingt-deux sÊlectionnÊs. L’autre trait marquant de cette sÊlection est l’Êmergence de territoires jusqu’ici peu en vue, comme la Colombie, la Belgique ou l’Allemagne. Son nouveau directeur gÊnÊral, FrÊdÊric Boyer, qui remplace un Olivier Père parti programmer le Festival de Locarno, explique :  Les pays qui s’en sortent sur le plan du cinÊma d’auteur sont ceux dont les gouvernements apportent une aide. Autre tendance forte, l’adolescence, traitÊe entre autres dans Un poison violent de Katell QuillÊvÊrÊ, qui a tout juste reçu le prix Jean Vigo 2010. Sept sur sept, c’est le nombre de premiers films en compÊtition dans une Semaine de la Critique placÊe sous le signe du renouveau. On y retrouvera une forte dÊlÊgation asiatique, dÊlaissÊe cette annÊe par la Quinzaine, mais aussi Women Are Heroes du jeune photographe militant JR, qui plonge sa camÊra au cœur de la vie de femmes du tiers-monde et sera prÊsentÊ en sÊance spÊciale dans le cadre d’un partenariat inÊdit avec la sÊlection officielle. Si changement d’ère il y a, ce sera donc le fait d’une nouvelle gÊnÊration de cinÊastes, mis cette annÊe à l’honneur par les sÊlectionneurs des compÊtitions parallèles.
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ENFANT TERRIBLE Avec son deuxième film, Les Amours imaginaires, xAVIER dOlAn s’offre une nouvelle sÊlection cannoise. Dans son QuÊbec natal, ce jeune prodige de 21 ans fascine autant qu’il irrite. Ambiance. _Par Anne de Malleray, à MontrÊal
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u QuÊbec, on dit parfois être nÊ pour un petit pain. hÊritÊe de l’ordre moral et de la domination anglophone, l’expression signifie que dans la vie, il faut se contenter de ce que l’on a. Les QuÊbÊcois n’aiment guère l’Êlitisme ni les trajectoires fulgurantes, jugÊes suspectes. Sur ces restes d’humilitÊ historique, xavier Dolan, enfant de la balle, rÊussit une ascension Êclair, qui laisse sa patrie d’origine foudroyÊe. En 2009, il sÊduisait Cannes avec J’ai tuÊ ma mère, premier film autobiographique et brillant, dans lequel le rÊalisateur mettait en scène un rapport amour/haine avec sa gÊnitrice. CouronnÊ lors de nombreux festivals, dont trois prix à la Quinzaine des RÊalisateurs et deux aux Jutra (les CÊsar quÊbÊcois), ce succès sonnait comme une revanche pour Dolan. Ce  fils de  (Manuel Tadros, un comÊdien quÊbÊcois), hÊros d’une vingtaine de pubs exÊcutÊes dans son jeune âge pour les magasins Jean Coutu, chaÎne de pharmacies locale, devenait l’enfant prodige du cinÊma quÊbÊcois avec un film presque autoproduit. Ç’aurait pu être un plat unique mais xavier Dolan a de l’appÊtit. Cette annÊe, il revient à Cannes, dans la sÊlection Un Certain Regard, avec Les Amours imaginaires, triangle amoureux oÚ il est à nouveau devant et derrière la camÊra. Ce deuxième opus, rÊalisÊ à l’automne entre le Mile End – quartier branchÊ de MontrÊal – et la campagne quÊbÊcoise, dÊcrit la lutte qui dÊchire progressivement deux amis, Francis (xavier Dolan) et Marie (Monia Chokri), Êpris du même garçon, Nicolas (Niels Schneider). Écrit en deux jours, tournÊ en vingt-cinq, ce film est venu en remplacer un autre, Laurence Anyways, reportÊ. Dolan le dÊcrit comme plus abouti et mieux maÎtrisÊ que J’ai tuÊ ma mère, lÊger, cynique, sans montÊes de lait maternelles ni colères adolescentes. Au QuÊbec, la boulimie du jeune rÊalisateur fascine. Frondeur, le verbe haut, il dÊtonne et Ênerve. Pour ce film, on l’attend au tournant, avec une brique et un fanal, disait-il rÊcemment à la presse locale. Après enquête, un fanal s’avère être une lanterne et cette expression, l’Êquivalent quÊbÊcois de avec du goudron et des plumes. Mais xavier Dolan ne s’en inquiète pas plus que ça. il songe dÊjà à l’art en attente, à la suite, à l’avenir et mangera bientôt de la baguette à Cannes. Un film de Xavier Dolan // Avec Xavier Dolan, Monia Chokri‌ // Distribution : MK2 Diffusion // 2009, Canada, 1h35
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IL ÉTAIT UNE FOIS LA RÉVOLUTION Et si le meilleur western de la dÊcennie Êtait un jeu vidÊo ? Chargeant dans le même barillet les courants muet, spaghetti ou contemporain du genre, Red Dead Redemption a une sacrÊ dÊgaine. Sous les coups d’Êperons du studio hors normes ROCkStAR (GTA IV), la chevauchÊe vidÊoludique rue dans des brocarts cinÊphiles cousus de sang et de whiskey. On nous l’annonçait bon et brutal, on ne s’est pas fait truander. En selle. _Par Étienne Rouillon
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h10 pour Londres. Les naseaux excitÊs par les cendres d’EyjafjallajÜkull, l’hippocampe ferroviaire hennit en gare de St Pancras. Des fourmis dans les santiags, j’avise le cocher qui me conduit à bride abattue dans les canyons d’une placide Albion, jusqu’au ranch de Rockstar Games, oÚ l’on me sert sept heures durant plusieurs litres du nouveau cru maison : Red Dead Redemption. Deux ans après la sortie de son jeu LÊviathan Grand Theft Auto IV, le studio vise un nouveau sacre du printemps. Tu vois, le monde du jeu vidÊo se divise en deux catÊgories : ceux qui ont le pis-aller aisÊ et ceux qui se creusent. Rockstar se creuse, pour sortir des titres carabinÊs à rÊpÊtition. Pionnière de la promenade libertaire en ville, la lignÊe des GTA traverse depuis 1997 hors des clous ludiques en proposant une expÊrience totale oÚ le jeu interroge notre je. Le parrain incontestÊ du divertissement virtuel en milieu urbain se lance le dÊfi de rÊitÊrer l’exploit dans un environnement rural. il s’en tire plus vite que son ombre. Mon nom est personne. Cicatrices taciturnes sur joues pileuses, le hÊros de Red Dead Redemption, John Marston, marche dans les jambières du Viggo Mortensen d’Appaloosa. AntihÊros anonyme, il est contraint par le gouvernement de traquer l’un de ses frères d’armes avec qui il a braquÊ par le passÊ tout ce que l’Ouest comptait de coffres-forts. Le trombinoscope des voyous qui viennent nous prêter main moite, sous un soleil plombÊ par les winchesters, est un hommage aux westerns spaghettis. Du shÊrif adjoint bÊcasson au pilleur de tombes à la pioche excentrique, en passant par un apothicaire plus proche de Blueberry que de Lucky Luke, le
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casting nous fait glousser sous le sombrero. L’humour made in Rockstar emprunte autant à Chaplin qu’au magazine MAD lorsque au dÊtour d’un village noyÊ de poussière, on tombe sur une salle de projection. Après avoir payÊ son billet, on peut y voir une saynète animÊe oÚ un jeune homme timide teste un Êlixir censÊ lui donner confiance en lui, à grand renfort de cocaïne. Ces saillies satiriques et anachroniques sont autant de respirations qui font la richesse de Red Dead Redemption. Franchement fendard, aussi. No Country for Old Men. On ne fait pas de vieux os dans les sanguines contrÊes de Red Dead Redemption. La chasse à l’homme bringuebale Marston du Far West imbibÊ de whiskey au Mexique en pleine Êbullition rÊvolutionnaire. Le cigarillo coupÊ par l’Êten-
le hÊros n’est qu’un grain de poudre. Dans les villages embryonnaires et pionniers de RDR, on expÊrimente le concept de polis, ce corps des citoyens, communautÊ d’ayants droits libres à laquelle on choisit ou non de s’intÊgrer. Souvent dÊnoncÊs par les politiques comme  amoraux , les jeux Rockstar sont plus exactement responsabilisant. ShÊrif ou brigand, les choix sont permanents et vous feront pencher d’un côtÊ ou de l’autre de la gâchette. À l’image d’un Heavy Rain, il y aura autant de RDR que de joueurs qui s’y seront frottÊs. Pendant mon test, je profitais d’un bon tord-boyaux (à l’Êcran) quand un cri strident couvrit les accords dissonants du pianiste. Le temps de pousser les battantes du saloon et me voilà dans la rue principale, brave comme Blondin, couteau à la main, prêt à planter un homme qui agressait une femme à la vertu un peu lâche. La
LE hÉROS MARChE DANS LES JAMBièRES DU ViGGO MORTENSEN D’APPALOOSA. due à fouler par son fidèle destrier, le joueur a bien du mal à se concentrer sur ses missions tant la faune et la flore viennent tutoyer son attention. L’intelligence artificielle des animaux ferait rougir de honte les Tamagotchi. Les ragondins, canassons et lapins vivent leur propre vie à l’ombre de rameaux si divers qu’un herbier seul ne suffirait à les recenser. Les herbivores peuvent aussi rÊagir à la vue de votre canon carnassier. Le moindre coup de feu et c’est la dÊbandade, libre à vous de braconner et de rapporter un scalp de biche pour le monnayer au village. C’est là tout le sel de ce jeu en selle, là oÚ RDR surpasse son aÎnÊ GTA, qui ne faisait que balbutier son projet de dÊmiurge numÊrique : plonger le joueur dans un rouage qui est autonome et dans lequel
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main lourde d’alcool ou de maladresse, je vous jure que j’ai pas fait exprès de louper mon coup. La lame a plongÊ dans la gorge gÊnÊreuse de la dame, m’attirant les foudres des autoritÊs locales et le respect des bandits. Mais l’erreur est humaine et RDR ne l’est pas moins. There Will Be Blood. Avec des personnages aussi fallacieux qu’un Sentenza  La Brute , on apprend vite à ne pas tourner le dos aux portes et à jouer de la crosse contre les crasses. Fourmillant d’activitÊs annexes, le titre est une ode au scepticisme belliqueux : les parties de poker (diablement chronophages) peuvent se terminer à couteaux tirÊs si vous êtes pris en flagrant dÊlit de tricherie, venir au secours
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RED DEAD REDEMPTION 99
L’iNTELLiGENCE ARTiFiCiELLE DES ANiMAUx FERAiT ROUGiR DE hONTE LES TAMAGOTChi. d’une belle perdue dans les bois peut vous prÊcipiter dans un guet-apens, un concours de tir mue aussi vite en pugilat qu’un crotale au soleil. La trame principale offre des scènes de gunfight impeccables grâce au système de visÊe venu de GTA IV, parfait compromis entre assistance dynamique et rigueur du pointeur (trois niveaux de difficultÊ viennent relever le challenge pour ceux qui jugeraient le jeu trop accessible). Et quel bonheur que d’attaquer une mine aurifère avec un vulgaire six coups au lieu d’un AK-47. Parcimonieuses et indolentes, les vieilles pÊtoires donnent un rythme à contretemps des productions vidÊoludiques actuelles (cryptolaser passe-muraille et consorts). Mieux, lampes à pÊtroles et barils de TNT n’attendent qu’un coup de colt pour Êructer des flammes alliÊes. D’autres renforts viendront du web avec des modes multijoueurs nombreux, qui vous permettront de devenir membre d’un gang composÊ de huit arsouilles. Aux côtÊs des classiques modes match à mort ou capture de drapeaux, le free roam vous fera arpenter montagnes enneigÊes et plateaux ventÊs en compagnie de sept mercenaires. Le train sifflera trois fois. Jouez harmonicas, rÊsonnez clochettes, la bande-son de Red Dead Redemption Êgrène les poncifs charmeurs des compositions d’Ennio Morricone. Les cuivres, aussi canailles que dans l’hymne du maestro L’Estasi Dell’Oro, soutiennent en rythme des canonnades assourdissantes. Les basses grasses d’un funk hispanisant donnent un coup de fouet exotique à d’Êpiques fulgurances hippiques. Jeu d’ambiance, RDR vaut beaucoup par son sound design – mouches entêtantes et martèlement sourd des sabots sur parquet craquant – et par la qualitÊ du doublage d’acteurs transportÊs. Et pour quelques pixels de plus. Entre le roulis Êmouvant d’une lourde croupe de baudet et la chute de corps morts du haut d’un clocher, les moteurs graphique RAGE et physique Euphoria ont savoureusement mÝri depuis GTA IV. Du malfrat des villes au malfrat des champs, plus qu’une Êvolution, une rÊvolution synesthÊsique qui prouve que les salons consoleux valent parfois les salles obscures. Red Dead Redemption (Rockstar Games, sur PC, PS3, X360) GTA : Episode From Liberty City (Rockstar Games, sur PC, PS3, X360)
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BOUDOIR ÉBATS, DÉBATS, CABAS : LA CULTURE DE CHAMBRE A TROUVÉ SON ANTRE
« C’EST IMPORTANT D’HONORER LE PASSÉ, MAIS ÇA L’EST TOUT AUTANT DE LE REVITALISER ET DE LE REMETTRE AU GOÛT DU JOUR. » MAyER hAWThORNE
© Pierre Aroux
P.104
DVD-THÈQUE
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CD-THÈQUE
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JEAn ROUCH, l’ami africain
MAYER HAWtHORnE, le R’n’B à son Mayer
BIBLIOTHÈQUE
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BD-THÈQUE
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nICk HORnBY or not to be
Les comédies noires de dAnIEl ClOWES
LUDOTHÈQUE Les nuits blanches de SPLINTER CELL
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102 LE BOUDOIR /// dVd-tHèQUE
ABC AFRICA JEAN ROUCh, L’AMI AFRICAIN De l’après-guerre jusqu'à sa mort, l’ethno-cinÊaste JEAn ROUCH n’a cessÊ de parcourir les abords du fleuve Niger. Un passionnant coffret DVD permet de suivre à la trace les pÊrÊgrinations de ce prÊcurseur, passionnÊ d’Afrique et rÊalisateur inspirÊ. _Par Pablo RenÊ-Worms
L’ethnologie est un sport de combat, une science dÊpart. il leur faudra trois annÊes pour comprendre dangereuse. En 2004, Jean Rouch, après plus d’un que le voyage qu’entreprend le Sigui à travers les vildemi-siècle de travail sur le terrain, l’a appris à ses lages du pays dogon ne se limite pas à une rÊpÊtition dÊpens, lors d’une ultime expÊdition au Niger, oÚ le du même rituel annÊe après annÊe : chaque Êtape corcinÊaste trouve la mort dans un accident respond en fait à un chapitre de la CrÊation. de voiture. il n’Êtait pourtant pas censÊ suiÀ plus d’un titre, ce document est excepvre cette voie‌ C’est presque par hasard tionnel, car jusqu’ici et peut-être à jamais (le qu’il tombe amoureux de l’Afrique, quand, prochain Sigui, s’il a lieu, dÊbutera en 2027), sorti de l’École nationale des ponts et chauspersonne, pas même un Dogon, n’avait pu sÊes, il est enrôlÊ en tant qu’ingÊnieur des avoir un aperçu total de la cÊrÊmonie à travaux publics au Niger. C’est là qu’il dÊcoulaquelle il est normalement interdit d’assisvre, ÊmerveillÊ, le pays songhay, ses traditer plus de trois annÊes d’affilÊe. Le film pertions, sa magie. il entre alors en ethnogramet Êgalement d’apprÊcier le sens cinÊmaphie, comme d’autres entreraient en religion, tographique de Jean Rouch, dont Jean-Luc sous la direction de Marcel Griaule au musÊe Godard disait : ChargÊ de mission pour le de l’homme. Lequel initie Rouch à la cosmo- Jean Rouch, une aventure musÊe de l’Homme? Existe-t-il une plus belle gonie dogon, du nom de la tribu qui vit sur africaine de Jean Rouch dÊfinition du cinÊaste? Un cinÊaste laurÊat (Éditions Montparnasse) et autour de la falaise de Bandiagara, au de multiples prix tout au long de sa carrière, Mali, communautÊ fameuse pour son Sigui. Cette cÊrÊdu Louis Delluc en 1958 pour Moi, un noir, au Lion d’or monie traditionnelle, qui n’a lieu qu’une fois tous les à Venise en 1965 avec La Chasse au lion à l’arc, en soixante ans, est retracÊe dans Sigui synthèse. L’invenpassant par le Prix de la critique à Cannes en 1961 tion de la parole et de la mort, cœur du coffret aujourd’hui pour Chronique d’un ÊtÊ, corÊalisÊ par Edgar Morin. disponible. Construite en plans sÊquences, novatrice par son sens du cadre, son montage et son rythme, son œuvre fait Durant sept ans, de 1967 à 1973, Jean Rouch et sa colÊcho à celle des rÊalisateurs de la Nouvelle Vague, laboratrice, Germaine Dieterlen, vont suivre ces cÊrÊavec lesquels il partageait un idÊal commun : le poumonies, oÚ plutôt cette cÊrÊmonie, pensent-ils au voir symbolique du cinÊma.
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LES AUTRES SORTIES PETITES ET GRANDES hISTOIRES‌ HISTOIRES EXTRAORDINAIRES de Roger Vadim, Louis Malle et Federico Fellini (TF1 VidÊo) // VINCERE de Marco Bellochio (MK2 Éditions) Sorti en 1968, Histoires extraordinaires adapte Edgar Allan Poe en trois segments, rÊalisÊs par trois grands cinÊastes. Dans un pur style Êrotico-baroque, Roger Vadim fantasme Jane Fonda en comtesse cruelle et dÊbauchÊe. Louis Malle rÊunit Delon et Bardot pour une partie de cartes aux lugubres enjeux. Federico Fellini dirige Terence Stamp dans la peau alcoolisÊe d’un acteur en proie à des hallucinations macabres : l’ensemble est dÊlicieux. PrÊsentÊ à Cannes l’an dernier, Vincere de Marco Bellochio scrute l’histoire par le petit bout de la lorgnette : retour sur le destin tragique d’ida Dalser, maÎtresse dÊsavouÊe de Mussolini. Une descente aux enfers glaçante et expressionniste, avec l’hypnotique Giovanna Mezzogiorno. _J.R.
L’AMOUR EN MèRES‌ MOTHER de Bong Joon-Ho (Diaphana Édition) // HI, MOM ! de Brian De Palma (Carlotta) L’auteur de The Host investit un registre intimiste avec Mother, l’histoire d’une mère qui se dÊmène pour prouver l’innocence de son fils, accusÊ de meurtre. On emboÎte le pas à la touchante actrice principale Kim hye-Ja, dans un film qui pratique avec intelligence le mÊlange des genres. Ce dont Brian De Palma n’a pas peur : son corrosif Hi, Mom !, tournÊ en 1970, est une œuvre composite. On y retrouve le voyeur Jon Rubin (Robert De Niro, dÊjà prÊsent dans Greetings), embarquÊ dans un happening oÚ des comÊdiens noirs militants molestent le public blanc, afin qu’il expÊrimente leur condition. Une satire impertinente qui annonce dÊjà Taxi Driver et son cÊlèbre monologue ( you’re talking to me ? ) qu’adresse ici De Niro‌ à un balai. _S.M.
lE COUP dE CœUR dU VEndEUR THE SAVAGE EYE de B. Maddow, S. Meyers et J. Strick (Carlotta) L’Êditeur Carlotta poursuit son exploration des pionniers du cinÊma amÊricain indÊpendant, en publiant The Savage Eye, rÊalisÊ par Ben Maddow, Sidney Meyers et Joseph Strick. Sorti en 1960, ce film apparaÎt encore aujourd’hui comme un vÊritable ovni, formellement novateur, entre documentaire et fiction, tournÊ dans un noir et blanc sublime, et hantÊ par un dialogue en voix off entre une femme et sa conscience. À travers le rÊcit d’une divorcÊe cherchant à prendre un nouveau dÊpart, The Savage Eye dresse un portrait radical de l’AmÊrique des annÊes 1950. Le constat personnel est d’autant plus amer qu’il s’accompagne d’un regard terrible portÊ sur une sociÊtÊ sinistre et vide de sens. _Florian Guignandon, vendeur au MK2 Quai de Loire
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Š Pierre Aroux
104 LE BOUDOIR /// Cd-tHèQUE
CARMiN PROFOND LE R’N’B à SON MAYER BercÊ à la soul Motown, MAYER HAWtHORnE a quittÊ DÊtroit pour les plages hip-hop du label californien Stones Throw. C’est là qu’il a sorti A Strange Arrangement, son premier album – ou comment faire rougir les musiques noires. _Par JÊrôme Provençal
Bien qu’il ne soit pas un lointain descendant de Nathaniel Hawthorne, auteur de La Lettre Êcarlate, fleuron du roman amÊricain du xixe s., Mayer hawthorne – en rÊalitÊ Andrew Mayer Cohen – peut se targuer d’avoir signÊ un disque Êcarlate. Sorti il y huit mois, rÊÊditÊ avec deux inÊdits ces jours-ci, A Strange Arrangement est un premier album gorgÊ de soul, aux mÊlodies cramoisies et aux arrangements turgescents. Son premier 45 tours, l’Êbouriffant Just Ain’t Gonna Work Out, a d’ailleurs ÊtÊ commercialisÊ sous la forme d’un cœur rouge vif – il est vrai que cette minisymphonie, digne des plus beaux joyaux Motown, a de quoi transpercer les cœurs les plus cuirassÊs‌
l’annÊe du cinquantenaire du label de Berry Gordy, Marvin Gaye ou Smokey Robinson. À 31 ans, Mayer hawthorne se dÊfend pourtant de toute cÊlÊbration nostalgique.  C’est important d’honorer le passÊ, mais ça l’est tout autant de le revitaliser et de le remettre au goÝt du jour. Je n’ai même pas connu l’âge d’or de la Motown, dans les annÊes 1960-70. Adolescent, j’Êcoutais Public Enemy et les Smashing Pumpkins. J’adore la vieille soul mais je voulais crÊer quelque chose de neuf, une musique dans laquelle mes amis et les gens de ma gÊnÊration puissent se retrouver. 
Un dÊsir de faire du neuf avec du vieux particulièrement saillant dans le hip-hop, genre Une telle aptitude à retrouver la magie lusdans lequel Mayer a fait ses premières trÊe des trÊsors d’antan n’est pas surpre- A Strange Arrangement de armes, notamment comme producteur. La nante de la part d’un jeune homme tombÊ Mayer Hawthorne (Stones signature avec le label californien Stones Throw/Discograph, nouvelle très tôt dans la marmite soul :  Si l’on passe Êdition disponible le 3 mai) Throw, l’une des rÊfÊrences en matière de son enfance à DÊtroit, on Êprouve beauhip-hop contemporain, apparaÎt ainsi comcoup d’amour pour la Motown, une vraie fiertÊ locale. me un aboutissement logique. Mayer a depuis quittÊ Mes parents ont eux aussi grandi là -bas, et m’ont fait sa rÊgion natale pour s’installer à Los Angeles :  J’ai dÊcouvrir toute cette musique fantastique lorsque passÊ toute la première partie de ma vie à faire de la j’Êtais petit. C’est mon père qui m’a appris à jouer de musique à DÊtroit. Le temps Êtait venu de changer de la basse quand j’avais environ six ans.  C’est peut-être perspectives.  En attendant le chant des lendemains, un dÊtail pour vous, mais pour nous ça veut dire beausachons dÊjà savourer le prÊsent avec A Strange coup : A Strange Arrangement a vu le jour en 2009, Arrangement : r(o)ugissements garantis‌
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LES AUTRES SORTIES LE CANCRE DARWIN DEEZ de Darwin Deez (Lucky Number / Differ-ant) Ce Darwin-là obÊit à une Êvolution diffÊrente du reste de l’espèce. ÉlevÊ par des parents membres du culte indien de Meher Baba, il dÊcouvre la musique au contact de groupes anodins (Chemical Brothers, Jimmy Eat World), puis rejoint Wesleyan, la fac de MGMT ou Santigold, mais n’y passe qu’un an, durant lequel il peaufine son look papillotes-bandana-moustaches. Suivent dix annÊes d’enregistrements maison, en plein Lower East Side, dont ce premier album est l’Êpatante concrÊtisation : plus encore que le minitube Radar Detector, une chanson aussi puissamment mÊlancolique que Bed Space comble l’espace qui sÊparait les deux meilleurs groupes à guitares des annÊes 2000, The Strokes et Phoenix. Les cauchemars de Darwin font nos rêves. _A.T.
LES PILLARDS THE OUTSIDERS ARE BACK de Kings Go Forth (Luaka Bop) il fut un temps oÚ tout ce qui sortait sur Luaka Bop, le label de David Byrne, Êtait digne d’attention : de Tom ZÊ à Shuggie Otis ou Susana Bacca, l’ex-Talking heads a fait beaucoup pour ouvrir nos oreilles aux pulsations du monde. Alors que le label vÊgÊtait depuis quelques saisons, dix soulmen du Wisconsin lui redonnent audace et allant. FondÊ par un disquaire peu regardant sur le droit d’auteur, le collectif pille littÊralement les rayons funk et R’n’B du magasin, qu’il rÊagence sur les dix plages de ce premier album vintage en diable. Ce pourrait n’être qu’un banal vol à l’Êtalage ; ça ressemble plutôt au casse du siècle. _A.T.
L’ESCROC DELETED SCENES FROM THE CUTTING ROOM FLOOR de Caro Emerald (Sony Music) On pourrait se sentir escroquÊ par cette Caro : derrière son look de Carmen version pin-up se cache une NÊerlandaise ; derrière le jazz rythmÊ de son premier tube Back It Up, frÊtille une chanson Êcrite pour un groupe de pop japonaise. En fait, on est plutôt content d’y croire, de se laisser charmer de tango en mambo, qu’on enfile comme autant d’Êmeraudes cent carats. Caro Emerald ne nous force pas à la suivre jusque dans ses studios d’hollywood, fifties à souhait : c’est nous qui y courons, en rythme bien sÝr. Et pour accompagner dignement les Êclats de voix de ce bijou rÊtro, on esquisse un petit dÊhanchÊ, langoureux et discret. _A.L.
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Š Sigrid Estrada
106 LE BOUDOIR /// BIBlIOtHèQUE
TOUT TERRAIN hORNBY OR NOT TO BE Pour les uns, c’est l’un des meilleurs Êcrivains anglais de son Êpoque. Pour les autres, un romancier gÊnÊrationnel en dÊclin. Alors que sort Juliet, Naked, comment vieillit le grand nICk HORnBY? _Par Bernard Quiriny
Au dÊbut, tout le monde l’a considÊrÊ d’un œil en bon faiseur aux recettes inoffensives, calibrÊes pour complice.Pensez : un prof de Cambridge qui dÊbarque plaire au plus grand nombre. Rançon du succès ou avec un premier roman sur le foot en gÊnÊral et Arsenal dÊclin prÊmaturÊ ? en particulier, ça ne pouvait qu’inspirer la sympathie. Avec Carton jaune, Nick hornby fait un malheur : des Certes, tout dans l’œuvre de hornby n’est pas mÊmocentaines de milliers d’exemplaires vendus rable (voir Slam, ou l’assez convenu Vous et deux adaptations cinÊ, dont une par les descendez) mais le procès est injuste. frères Farelly. hornby creuse d’emblÊe son D’abord, hornby a prouvÊ qu’il n’est pas coltrou dans la littÊrature anglo-saxonne, quellÊ à ses personnages de Londoniens cÊlique part entre irvine Welsh (Ênergie, style bataires et immatures – il a aussi croquÊ tonique) et Jonathan Coe (humour causl’adolescence ou, avec plus de bonheur, tique, critique sociale en douce). Trois ans les contradictions de la bourgeoisie progresplus tard, Haute FidÊlitÊ transforme l’essai siste (l’excellent La BontÊ, mode d’emploi). et consolide son univers : rÊfÊrences pop, Surtout, il demeure l’un des rares Êcrivains understatement et personnages de trentepopulaires d’aujourd’hui capable de mijoter naires en dÊroute, incapables de grandir des comÊdies impeccables et de rÊunir ou d’avoir des relations adultes avec les tous les publics, des fans (qui l’adulent) aux Juliet, Naked de Nick filles. Qu’on aime ou pas son ironie douce- Hornby (roman, 10/18) lecteurs exigeants (en dÊpit de leur moue). amère, il faut reconnaÎtre à hornby un talent incrÊdules ? Faites le test avec Juliet Naked, imparable pour capter l’air du temps, les dÊtails qui son dernier roman, traduit en grand format chez 10/18. tuent, et portraiturer la classe moyenne, celle qui lit les Laissez-le près du canapÊ, et comptez ceux qui rÊsistent mensuels pour homme et se demande ce qu’elle peut à l’envie de l’ouvrir. Sans être le meilleur de son auteur, apporter au monde. En même temps, cette sensibilitÊ qui y recycle ses thèmes classiques (le fan attardÊ, le particulière est peut-être son boulet : pour ses dÊtrac- rocker oubliÊ, le couple en crise), cette comÊdie pleine teurs, hornby, depuis qu’il squatte la liste des meilleures de verve tient en haleine jusqu’au bout, qu’on soit ventes et qu’il est bankable au cinÊma, est incapable adepte ou (faussement) blasÊ. Pari gagnÊ ! de sortir de sa case gÊnÊrationnelle et se transforme
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LES AUTRES SORTIES LA CURIOSITÉ
L’HOMME DE TROP de Thierry AuÊ (La dernière goutte, textes courts) Ne cherchez pas le terme  roman  sur la couverture de ce premier livre du pianiste et performer Thierry AuÊ, ni celui de  nouvelles  : avec L’Homme de trop, il propose en fait des  textes courts , genre assez peu frÊquentÊ dans la littÊrature française, quelque part entre l’anecdote et la saynète, en quelques phrases ou quelques pages. On pense aux Contes glacÊs du Belge Jacques Sternberg ou aux vignettes de La Vie impossible de l’Argentin Eduardo Berti : AuÊ expÊdie en deux ou trois traits de plume de drôles d’historiettes qui tirent tantôt vers l’absurde, tantôt vers la vision poÊtique, à mi-chemin entre l’exercice de style et le plaisir zappeur du haïku qui fait mouche. _B.Q.
LE DOCUMENT ChOC LA LOGIQUE DU MASSACRE (DERNIERS ÉCRITS DES TUEURS DE MASSE), ouvrage collectif (Inculte, anthologie) ils s’appellent Richard Durn, Eric harris, Dylan Klebold ou Cho Seunghui. ils sont français, amÊricains ou quÊbÊcois, adultes ou adolescents, et ont un point en commun : tous ont commis des massacres – Columbine, Nanterre ou Virginia Tech. Ce recueil a l’idÊe inÊdite de rassembler leurs derniers Êcrits, qu’il s’agisse de journaux intimes, de pages de blogs ou de vidÊos enregistrÊes avant la tuerie. y a-t-il une structure mentale ou un passÊ communs à tous ces meurtriers, qui permettrait de comprendre leur passage à l’acte? Un document bizarre et flippant, à lire en même temps que Gun Show Nation, l’essai de la philosophe Joan Burbick sur la culture des armes aux États-Unis, chez le même Êditeur. _B.Q.
lE COUP dE CœUR dE lA lIBRAIRE LITTÉRATURES de Vladimir Nabokov (Robert Laffont, essai) Belle initiative que cette publication dans la collection Bouquins des confÊrences sur la littÊrature donnÊes par Vladimir Nabokov entre 1941 et 1958 dans diverses universitÊs amÊricaines, et dont aucune des Êditions françaises n’Êtait disponible. L’ouvrage se divise en trois parties : LittÊratures I (Austen, Dickens, Flaubert, Stevenson, Proust, Kafka, Joyce), LittÊratures II (Gogol, Tourgueniev, Dostoïevski, Tolstoï, Tchekhov, Gorki), LittÊratures III (Don Quichotte de Cervantès). S’il passe au crible les œuvres ÊtudiÊes, insiste sur la traduction, traque l’auteur comme le lecteur, Nabokov n’en oublie pas pour autant l’humour et l’ironie, et manie subtilement l’art de l’autoportrait. _Pascale Dulon, libraire au MK2 Bibliothèque
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Š Daniel Clowes & Éditions CornÊlius
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Le Rayon de la mort de Daniel Clowes
CLOWES UP LES COMÉDIES NOIRES DE DANIEL CLOWES Parutions françaises en cascade pour l’auteur de David Boring qui, de sa première sÊrie, Lloyd Llewellyn, à son dernier roman graphique en date,Wilson, en passant par son antisuper-hÊros du Rayon de la mort, est devenu culte sans jamais se prendre au sÊrieux. _Par Joseph Ghosn (www.gqmagazine.fr)
C’Êtait au siècle dernier, en 1986. il y a plus de vingt-cinq Daniel Clowes a l’habitude de mener ses histoires via ans. Pourtant, les histoires que publiait alors le jeune des arguments inattendus, en introduisant des ÊlÊments Daniel Clowes (il est nÊ en 1961) conservent une impro- d’anomie (et d’anomalie) au sein des mythologies les bable candeur, une impossible fraÎcheur. inÊdites en plus rodÊes. Son Rayon de la mort est construit avec France, elles viennent d’être compilÊes dans un beau des couleurs et graphies pop qui lui donnent l’appavolume, Le Monde de Lloyd Llewellyn, qui reprend toutes rence d’un comics des annÊes 1960, notamment dans les pÊrÊgrinations du premier personnage les lettrages vintage, tout en mettant en que Clowes a fait vivre dans ses planches : scène des hÊros terriblement dysfonctionun dÊtective de pacotille et de bars de nuit, nels qui vivent une histoire virant vite à la traversant des aventures teintÊes de SF antragÊdie intime. Formellement et narrativenÊes 1950 et baignÊes d’humour cinglant, ment, Clowes est ici au sommet de sa maÎaux limites du cynisme et de la dÊsinvolture. trise, essaimant rÊfÊrences implicites aux Fantasque et souvent crÊtin, Lloyd Llewellyn super-hÊros classiques, et esquissant une s’inspirait surtout de la ligne claire française, Êcriture très littÊraire, creusant très profonfaisant explicitement rÊfÊrence à Serge Clerc, dÊment les psychÊs des personnages, sans autre maÎtre de la dÊrision stylÊe, devenu doute plus encore que dans ses ouvrages depuis grand fan de l’AmÊricain et qui prÊ- Le Rayon de la mort prÊcÊdents. Cela, Clowes le fait de manière face ÊlÊgamment cette Êdition française. de Daniel Clowes tout aussi admirable mais plus minimaliste Après Lloyd Llewellyn, Clowes se lança, en (CornÊlius) dans Wilson, recueil d’une soixantaine d’his1989, dans une nouvelle sÊrie, Eightball, oÚ il publia en toriettes d’une page, Êcrites et dessinÊes avec un souci feuilleton les chefs-d’œuvre du genre que sont Ghost de gommer tout superflu. Clowes y dissèque toute la fraWorld (adaptÊ au cinÊma par Terry Zwigoff), David gilitÊ d’un AmÊricain moyen, amer et perturbÊ. Wilson Boring ou Ice Haven. C’est aussi dans Eightball qu’Êtait vient de sortir aux États-Unis et il est prÊvu en France parue l’histoire aujourd’hui traduite chez CornÊlius : Le pour septembre ou octobre 2010. Rayon de la mort. Clowes y renverse le rÊcit classique du super-hÊros en costume avec un personnage d’ado qui Le Monde de Lloyd Llewellyn de Daniel Clowes (Le 9 Monde) À venir en septembre : Wilson de Daniel Clowes (CornÊlius) obtient ses pouvoirs à force de fumer des cigarettes. e
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LES AUTRES SORTIES LA BD hORRIFIQUE
LES HOMMES-LOUPS de Dominique Goblet (FRMK) Dominique Goblet prend le temps de faire ses livres : certains mettent dix ans à s’achever. Celui-ci offre plusieurs niveaux de lecture. On pourrait n’y voir qu’un recueil de dessins, beaux à se damner, esquissant divers techniques pour reprÊsenter des bouts de paysages, des parcelles d’hommes. Mais on devrait surtout y lire une longue sÊquence qui hÊsite entre rêve et cauchemar, entre songe et rÊalitÊ, au sein de laquelle convergent des faisceaux de terreur enfantine, des rayons de violence intÊrieure sourde. Dans quelques mois, Dominique Goblet sortira un autre livre, très attendu, pour l’Association, dans lequel elle dialogue en dessins avec sa fille. _Jo.Gh.
LE PÉPLUM DESSINÉ POUR L’EMPIRE, TOME 1 de Merwan et Vivès (Dargaud) En peu d’annÊes, le jeune Bastien Vivès s’est imposÊ comme un dessinateur très prometteur : son GoÝt du chlore demeure l’une des plus belles histoires narrÊes en BD ces dernières annÊes. ici, il dresse en compagnie de Merwan un pÊplum en trois tomes, fortement influencÊ par 300 de Frank Miller. Grâce au travail conjuguÊ des deux auteurs (ils Êcrivent et dessinent à deux), Pour l’Empire parvient cependant à dÊpasser son modèle pour imposer un rÊcit intriguant, qui donne envie de redÊcouvrir le genre et, surtout, de lire l’ensemble de l’histoire. _Jo.Gh.
LE ROMAN JEUNESSE J’AIME PAS LE LUNDI de JÊrôme Lambert (L’Êcole des loisirs, à partir de 9 ans) Pas facile d’avoir 13 ans, d’aller au collège et de s’appeler Lucien. Les profs vous rÊveillent en plein cours et vous punissent. Deux heures de colle, c’est deux heures de solitude sans son unique copain, CroÝton. Lucien n’aime rien ni personne, à part CroÝton et son amie la peintre Rosa Bonheur, morte il y a 120 ans, dont la statue trône à l’entrÊe du collège. Et lorsqu’il rencontre une terreur prÊnommÊe Fatou et que, droit dans les yeux, ils se disent qu’ils ne s’aiment pas, un duel terrible s’engage. ils doivent chacun dresser la liste de tout ce qu’ils n’aiment pas : celui dont la liste est la plus longue sort vainqueur. Mais n’estce pas un amour naissant qui l’emportera ? _Sophie Quetteville, libraire au MK2 Quai de Loire JÊrôme Lambert sera à la librairie le mercredi 26 mai à 16h pour une rencontre lecture.
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MAÎTRE SPLINTER LES NUITS BLANChES DE SPLINTER CELL Jadis fÊlin filou, ce vieux matou de Sam Fisher se fait aujourd’hui tigre traqueur. Dans une robe au poil plus dru, l’Êlectron libre des services secrets amÊricains dÊlaisse sa lÊgendaire discrÊtion. Une hÊrÊsie ? _Par Étienne Rouillon
Roi du cache-cache et du  devine qui c’est ? , le furtives pendant lesquelles on dissÊquait les allÊes et Chuck Norris de l’infiltration a renouvelÊ le genre en venues de gardes. il s’agit dÊsormais de planifier une 2002 avec le premier des Splinter Cell. Tapi dans l’ombre, attaque Êclair dans une pièce et d’en abattre tous les Fisher dressait des filets de roublardise dans lesquels occupants avant que ceux-ci puissent dÊgainer. Un tombaient des bidasses : camÊra-glu, grand système de marquage – dÊbloquÊ après Êcart surÊlevÊ dans les couloirs, crochets une exÊcution au corps à corps – permet explosifs, sans oublier les lunettes de vision d’enchaÎner les headshots automatisÊs. nocturne et leur  chtuiiiii  à l’allumage – bande-son des exÊcutions furtives. Un arsenal Bon nombre hurleront à la trahison, quand et des acrobaties qui ont donnÊ ses lettres nous voyons, nous, dans ce Conviction un de noblesse à l’action discrète. BercÊ par renouvellement d’une sÊrie qui brille toujours les canons silencieux, le joueur ronronnait par la qualitÊ de l’animation de l’acrobate le plaisir de coller des balles dans le dos. Fisher et par des environnements finement Les itÊrations successives de la sÊrie ont montÊs, que soulignent des partis pris gramurmurÊ son leitmotiv : l’assassinat se chuphiques gonflÊs : l’Êcran passe en niveau chote au petit matin des nuits sans lune. de gris quand on est cachÊ, les objectifs Genre : Infiltration / Action Éditeur : Ubisoft sont projetÊs sur les bâtiments. À l’instar d’un Plateforme : PC, X360 Badaboum. C’est dans un barouf assourBatman Arkham Asylum, l’aspect infiltration dissant que se joue cette sixième partition. Splinter Cell (rÊduit, il est vrai, à de la simple discrÊtion) n’est ici Conviction convie encore les mêmes arias de conspi- qu’un prÊambule aux guets-apens surexcitÊs dÊbouration paramilitaire à base de bombes à impulsions chant parfois sur des scènes d’interrogatoires orienÊlectromagnÊtiques et de refrains hollywoodiens tout tÊs crâne contre mobilier, qui feraient rougir d’envie en renversements prÊsidentiels. En crescendo jusqu’au Jason Bourne. Le solo un peu court sur pattes, dÊvorÊ final fortissimo, l’intrigue emprunte au solfège d’un Êpi- en six heures, profite d’une bÊquille de luxe avec une sode de 24 Heures chrono. Et dans les manettes, l’Êvo- campagne en coopÊration (live ou Êcran splittÊ) des lution est à l’avenant : exit l’infiltration, dorÊnavant on plus jouissives. Conviction convainc. mise tout sur la surprise. OubliÊes les longues approches
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LES AUTRES SORTIES LE COUP DE POING SUPER STREET FIGHTER IV (Capcom, sur X360 et PS3) Un an après son retour en grâce haute dÊfinition, Street Fighter IV tape à nouveau du poing sur la table dans une version enrichie d’une dizaine de nouveaux personnages. Aux côtÊs des anciennes gloires de la sÊrie deux fois dÊcennale, des nouvelles têtes à maltraiter comme celle de hakan, un lutteur turc qui aime se frictionner avec de l’huile avant de la jouer collÊ-serrÊ avec ses adversaires. RÊÊquilibrÊes suite aux remarques des fans, les aptitudes des protagonistes n’ont rien perdu de leur mordant avec l’ajout de nouvelles fatalitÊs. Loin d’être une simple mise à jour, cette madeleine de rouste ravive notre goÝt pour les jeux de baston mijotÊs dans les vieilles marmites 2D. _E.R.
LE COUP DE PIED COUPE DU MONDE DE LA FIFA, AFRIQUE DU SUD 2010 (Electronic Arts, sur PS3, PSP, Wii, X360)
Plus Êcolo qu’un aller-retour sur les pelouses de Johannesburg, Coupe du monde de la FIFA, Afrique du Sud 2010, eh bien, c’est Êcrit dessus comme le Port-Salut. Dispensable pour ceux qui ont dÊjà chaussÊ les crampons du rÊcent FIFA 2010, ce dernier opus dribble son prestigieux aÎnÊ avec quelques rÊajustements au niveau de la jouabilitÊ et des modÊlisations graphiques. il vaut surtout pour la reprÊsentation des stades qui vont vrombir cet ÊtÊ, entre Le Cap et Pretoria, l’apparition de quelques sÊlectionneurs nationaux et la ferveur d’un public en transe. BrossÊe avec soin, cette coupe du monde nous a laissÊ des confettis dans les cheveux. Le seul moyen de voir l’Êquipe de France en finale cet ÊtÊ ? _E.R.
LE COUP DE MAIN BORDERLANDS DOUBLE EXTENSION (2K Games, sur PC et X360) Billet pour deux au pays du jeu de tir coopÊratif, Borderlands fut la surprise de l’automne. Venezvous faire tamponner le visa avec ce coffret bigoÝt à mâcher sans modÊration, regroupant les deux contenus tÊlÊchargeables du titre. Une première bouchÊe avec The Zombie Island of Dr. Ned, plongÊe dans un bayou sans galettes de pÊtrole mais peuplÊ d’une boulette de savant fou : les zombies cannibales du docteur Ned. Ceux qui se sont fait des ampoules aux pouces après des heures de jeu pourront confronter leurs soldats aguerris aux hordes d’ennemis dÊferlant dans les arènes du Mad Moxxi’s Underdome Riot. ProposÊe à petit prix (19,99 ₏), cette compilation joue les gros bras. _E.R.
MAI 2010
112 hOLLYWOOD STORIES // GRANDES ET PETITES hISTOIRES DU CINÉMATOGRAPhE
LE NOiR DESTiN DU SURHOMME La filmographie de MICHAEl CIMInO met à l’Êpreuve notre scrupule de ne pas confondre l’artiste et l’œuvre. Chacun des sept films tournÊs à ce jour raconte, avant l’heure ou après coup, son histoire : celle d’un maÎtre que sa passion de la maÎtrise a condamnÊ à la marge. Premier Êpisode de notre feuilleton : Voyage au bout de l’enfer, 1978.
ÉPISODE 1, SAISON 4
_Par François BÊgaudeau
d’Un COUP
Š 1978 STUDIOCANAL. Tous droits rÊservÊs
Nous raconterons les dÊconvenues de Cimino en trois temps et trois films, mais un seul suffirait, le chef-d’œuvre indÊpassable, The Deer Hunter de son vrai nom tellement plus Êvocateur. Actif et contemplatif, trivial et mystique, ample et intimiste, aussi fort dans la dilatation (la demi-heure du mariage inaugural) que dans la fulgurance (l’attaque de village qui ouvre l’Êpisode vietnamien), le film gagne sur tous les tableaux. Comme si le cinÊaste, justement remarquÊ pour quelques scÊnarios et pour son premier film, Le Canardeur, avait voulu, d’un coup d’un seul, rÊgler le problème : celui du Vietnam, et celui de la suprÊmatie au sein de la dream team du Nouvel hollywood – qu’animent des cinÊastes mineurs comme Coppola, Scorsese ou De Palma‌ Exactement comme Mike, son hÊros chasseur de daim, ne s’autorise à tirer que s’il est sÝr d’abattre la bête avec une seule balle.
FOlIE dE lA MAÎtRISE incarnÊ par un De Niro dÊjà connu et reconnu pour son perfectionnisme dingo, Mike n’a pas seulement hÊritÊ du prÊnom de son crÊateur. De l’un à l’autre court une insatiable pulsion de maÎtrise. Gestes brefs et posÊs, impeccable en bleu de travail autant qu’en uniforme dÊcorÊ, Mike n’aime pas l’alÊatoire. Parmi ses potes ouvriers sidÊrurgistes, ce surcroÎt de soin et d’exigence dissone, trouble, fascine. À Stan (John Cazale), il rechigne à prêter des chaussures de montagne ; le nÊgligent avait qu’à ne pas oublier les siennes. Les potes le dÊsapprouvent muettement quand il joue ce numÊro, mais tous lui ont tacitement accordÊ leur suffrage ; l’ont inconsciemment affiliÊ à la race des Êlus. En toute confiance, Nick (Christopher Walken) lui fait promettre de le ramener du Vietnam oÚ ils s’envolent le lendemain avec Steven (John Savage). Mike promet. il est sÝr de sa force, maÎtre de leur destin.
lA ROUlEttE dE lA FORtUnE Or à quinze mille kilomètres de leur Pennsylvanie natale, le trio dÊcouvre une guerre sortie des gonds habituels. Un affrontement sans foi ni loi. En lieu et place d’une vraie scène de combat, The Deer Hunter propose, on le sait, on s’en souvient, on n’oubliera plus, une partie de roulette russe entre Mike et John, arbitrÊe par leurs geôliers cauchemardesques. Le destin ne s’indexe plus à des faits d’armes hÊroïques. il se joue. Au surhomme il ne reste que la marge de manœuvre de parier, de forcer la chance en demandant qu’on mette quatre balles dans le barillet qui lui permettront de canarder ses bourreaux. Pour cette fois c’est rÊussi. Plus tard, Mike verra un Nick traumatisÊ s’exploser la cervelle – un seul coup, toujours, mais pour le contraire de l’absolu. il le ramènera à la maison, comme promis. Dans un cercueil. La leçon est claire, rien n’est maÎtrisable. Sur le film suivant, Cimino mourra de ne pas se l’être appliquÊe. Retrouvez le prochain Êpisode le mois prochain dans Trois Couleurs‌
MAI 2010
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114 SEX-TAPE /// L’INSTANT ÉROTIQUE
BON COU
On ne quitte pas l’appartement de Laura, jeune Mexicaine cÊlibataire : Laura en pyjama devant son frigo, devant sa tÊlÊ, devant sa fenêtre. Laura nue dans son lit avec un premier homme, un deuxième, un troisième. Du sexe froid. On voudrait, comme Laura qui raye avec application dans son calendrier les jours de cette longue annÊe bissextile, que les choses changent, s’accÊlèrent. Jusqu’à ce qu’Arturo, un homme d’un soir, revienne. Lorsqu’il lui fait l’amour, Laura frôle la mort et, enfin, se sent vivre. Jusqu’oÚ iront-ils? Premier film cru et dÊrangeant, prÊsentÊ cette annÊe à la Quinzaine des RÊalisateurs, AnnÊe bissextile prend à la gorge, dans un râle violent, oÚ le plaisir se mêle à l’effroi. _A.L. AnnÊe bissextile de Michael Rowe // Sortie le 16 juin