Trois Couleurs #80 – Mars 2007

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MAI 2010

SPÉCIAL CANNES

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CINÉMA CULTURE TECHNO

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KIAROSTAMI VOYAGE EN ITALIE TROIS COULEURS HORS-SÉRIE #2 – THE DOORS – EN KIOSQUES LE 31 MAI



ÉDITO

LA RE-CRÉATION Dans la cour sur laquelle donne notre bureau, un homme et une femme prennent la pose, assis sur le rebord d’une fenêtre : il s’agit d’Abbas Kiarostami et de Juliette Binoche. Tandis que nous peaufinons le bouclage de ce numéro, l’un et l’autre poursuivent la promotion de Copie conforme, nouveau chef-d’œuvre de l’Iranien dans lequel irradie la comédienne. Cinéaste total, c’est-à-dire pensant en cinéaste chacun des gestes accompagnant la sortie de son film (affiche, entretiens, séances photo…), Kiarostami dirige les photographes, oriente leur objectif vers les vitres de la fenêtre, qu’il ouvre et referme de façon à obtenir les plus beaux reflets : de mémoire de journaliste, rarement shooting ne fut autant mis en scène par son sujet que celui-ci. Nous reviennent alors les images de La Récréation (1972), l’un des tout premiers courts métrages de Kiarostami, et ses fameux plans sur une vitre brisée. Nous reviennent aussi les confessions soufflées il y a quelques mois par Marin Karmitz. De passage sur le tournage de Copie conforme dans un petit village de Toscane, le producteur avait été frappé par l’obsession de Kiarostami pour les reflets, les surimpressions, les jeux de miroirs. Loin d’être gratuite, cette attention sert à merveille le propos d’une œuvre tout entière travaillée par la question de la reproduction, d’un point de vue théorique (la copie en art est-elle supérieure à l’original ?), sentimental (que gagne-t-on à rejouer une histoire d’amour ?), visuel (y a-t-il autant de vérités que de regards ?), cinéphile (Copie conforme est-il un remake de Voyage en Italie de Rossellini?), temporel (qu’ont en commun les quatre saisons de l’amour ?) ou géographique (que garde de son pays d’origine un cinéaste lorsqu’il filme à l’étranger ?). « Par l’art seulement, nous pouvons sortir de nous », écrivait Marcel Proust. Sortir de lui-même, nous faire sortir de nous-mêmes : voilà la double promesse que tient Kiarostami avec Copie conforme. Avant de laisser les spectateurs quitter la salle, le film s’achève sur un plan mémorable : tandis que résonnent les cloches d’une église, la camera fixe les fenêtres d’une chambre d’hôtel, grandes ouvertes – comme les questions que pose, en trompe-l’œil, l’illusionniste iranien. _Auréliano Tonet





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ÉDITEUR MK2 MULTIMÉDIA 55 RUE TRAVERSIĂˆRE_75012 PARIS 01 44 67 30 00 Directeur de la publication & directeur de la rĂŠdaction Elisha Karmitz (elisha.karmitz@mk2.com) RĂŠdacteur en chef & chef de rubrique ÂŤ culture Âť AurĂŠliano Tonet (aureliano.tonet@mk2.com) Chef de rubrique ÂŤ cinĂŠma Âť Sandrine Marques (sandrine.marques@mk2.com) Chef de rubrique ÂŤ technologies Âť Étienne Rouillon (etienne.rouillon@mk2.com) Direction artistique Marion Dorel (marion.dorel@mk2.com) Sarah Kahn (sarah.kahn@mk2.com) Design Sarah Kahn RĂŠdactrice Juliette Reitzer (juliette.reitzer@mk2.com) SecrĂŠtaire de rĂŠdaction Laurence Lemaire Stagiaire AmĂŠlie Leenhardt, Pablo RenĂŠ-Worms Ont collaborĂŠ Ă ce numĂŠro Ăˆve Beauvallet, François BĂŠgaudeau, Isabelle Danel, Pascale Dulon, Julien Dupuy, ClĂŠmentine Gallot, Joseph Ghosn, Jacky Goldberg, Anne-Laure Griveau, Florian Guignandon, Donald James, Olivier Joyard, Massoumeh Lahidji, Anne de Malleray, Wilfried Paris, JĂŠrĂ´me Provençal, Sophie Quetteville, Bernard Quiriny, RaphaĂŤlle Simon, Bruno Verjus, Anne-Lou Vicente Illustration Dupuy & Berberian Photographie de couverture Philippe Quaisse Photographes Christian Kettiger (entretien Juliette Binoche), Marion Stalens (dossier Abbas Kiarostami), Stanislas Zanko (rubrique ÂŤ L’œil de‌ Âť) PublicitĂŠ Responsable clientèle cinĂŠma Laure-Aphiba Kangha 01 44 67 30 13 (laure-aphiba.kangha@mk2.com) Directrice de clientèle hors captifs Laurie Pezeron 01 44 67 68 01 (laurie.pezeron@mk2.com) Š 2009 TROIS COULEURS issn 1633-2083 / dĂŠpĂ´t lĂŠgal quatrième trimestre 2006. Toute reproduction, mĂŞme partielle, de textes, photos et illustrations publiĂŠs par MK2 est interdite sans l’accord de l’auteur et de l’Êditeur. Magazine gratuit // Ne pas jeter sur la voie publique

SOMMAIRE # 81 3 ÉDITO 9 GUEST LIST 10 SCĂˆNE CULTE > Ten 12 L’ŒIL DE‌ > Alain Chabat 16 PASSERELLES > Le Festival d’Annecy 20 PREVIEWS > L’illusionniste, Les Moissons du ciel, MillĂŠnium 2 et 3

27 LES NEWS 27 28 30 32 34 36 38 40 42 44

CLOSE-UP > Tina Fey LE K > My Name Is Khan KLAP ! > Get Him to the Greek TÉLÉCOMMANDO > How to Make It in America EVENT > Turn It Loose UNDERGROUND > The Drums IN SITU > OrphÊe à Chaillot BUZZ’ART > Baloji LE NET EN MOINS FLOU > Africa Unsigned AVATARS > Project Natal

47 LE GUIDE 48 SORTIES CINÉ 60 SORTIES EN VILLE 70 LA CHRONIQUE DE DUPUY & BERBERIAN

72 DOSSIERS 72 COPIE CONFORME // ABBAS KIAROSTAMI & JULIETTE BINOCHE 86 CANNES 2010 96 RED DEAD REDEMPTION

101 LE BOUDOIR 102 104 106 108 110 113 114

DVD-THĂˆQUE > Jean Rouch CD-THĂˆQUE > Mayer Hawthorne BIBLIOTHĂˆQUE > Nick Hornby BD-THĂˆQUE > Daniel Clowes LUDOTHĂˆQUE > Splinter Cell HOLLYWOOD STORIES > Michael Cimino SEX TAPE > AnnĂŠe bissextile

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GUESt lISt

_Par A.L.

FRAnçOIS BÊGAUdEAU

Š Stanilas Zanko

NĂŠ en VendĂŠe en 1979, il grandit Ă Nantes, oĂš il cultive ses trois amours : le cinĂŠma, le rock et le ballon rond. Comme papa-maman, il devient professeur et part enseigner le français en banlieue parisienne. Entre les murs de son collège, il trouve la matière de son troisième roman, puis la route du Festival de Cannes avec son adaptation au cinĂŠma, Palme d’or 2008, dans laquelle il interprète son propre rĂ´le. Épris de justesse et de prĂŠcision, François BĂŠgaudeau n’arrĂŞte plus d’Êcrire : en disponibilitĂŠ, il est tour Ă tour journaliste, sociologue et romancier. Pour Trois Couleurs, il s’empare de la filmographie de Michael Cimino, dans un feuilleton en trois volets, Ă lire page 113.

Ă€ 38 ans, de père hongrois et de mère française, Stanislas se balade un peu partout avec un objectif cassĂŠ et une baguette magique, autrement appelĂŠe ÂŤ introspecteur Âť. Grâce Ă ces deux compagnons de route, il aiguise la curiositĂŠ de ceux qu’il croise. Et c’est ce premier regard surpris qu’il photographie, en double, mais en une seule prise. Ni flash, ni Photoshop, tout est artisanal. Après avoir exercĂŠ mille mĂŠtiers, Stanislas Zanko, comprend qu’il aime surtout inventer, bricoler, dĂŠtourner. Un rĂŠtroviseur, un carrelage, un journal ? Tout est bon pour ÂŤ fabriquer Âť de l’art. Et la magie de sa Zanko Vision opère, comme ici, dans l’œil d’Alain Chabat, page 12.

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Š JÊrÊmie Nassif

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StAnIlAS ZAnkO


10 SCèNE CULTE /// TEN

PETiT TYRAN LE PITCH Une voiture, deux camÊras DV, un jeu de champcontrechamp, dix dialogues. Dans Ten, Abbas Kiarostami dresse un portrait de la condition de la femme en Iran. Ici, la conductrice, jeune divorcÊe, fait face à son fils, qui n’accepte pas son Êmancipation.

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la conductrice : C’est nul ce que tu ressens. ÂŤ Je ne veux pas le voir Ă la table de son beau-père. Âť VoilĂ ce que dit ton père. Ce n’est pas toi. Tu es un enfant innocent qui aime tout le monde. Amin : Tu es plus maniaque que mon père, ou c’est lui, ou tu es pire que lui. Et moi, je deviens fou. Je vais chez lui, il me dit : ÂŤ Ta mère te fait dire que je suis colĂŠreux et que je vais mal. Âť Je jure que ce n’est pas vrai. Toi, tu me dis que c’est mon père qui me souffle tout. Ça m’emmerde Ă la fin. la conductrice : Ça doit pas t’emmerder, essaie de voir la rĂŠalitĂŠ.

obtenir le divorce. Les lois pourries de cette sociÊtÊ ne donnent aucun droits aux femmes. Pour divorcer, une femme doit dire qu’elle est battue à mort ou alors que son mari est droguÊ. Une femme‌ Amin : Crie pas dans la rue. la conductrice : Une femme n’a pas le droit de vivre. Une femme doit mourir pour pouvoir vivre ? Je crie si je veux. Je dirai ce que j’ai à dire. Amin : Dis-le calmement. Parle doucement. la conductrice : Et celui-là qui m’accuse. Amin : Jamais. la conductrice : Je me suis sauvÊe. Amin : Ne crie pas ! la conductrice : Si. J’Êtais comme un mort vivant. Un mort vivant. Amin : Ne crie pas ! Tu vas voir ce que je vais faire.

Amin : C’est quoi la vĂŠritĂŠ ? C’est que tu as menti au procès. Tu as accusĂŠ mon père de se droguer.

la conductrice : Qu’est-ce que tu fais ?

la conductrice : Qui a dit ça ?

Amin : Tu es conne. J’ai jamais vu plus conne que toi. [Il sort de la voiture et claque la porte]

Amin : Toi-même. la conductrice : C’Êtait un bon prÊtexte pour

la conductrice : Bravo.

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Un film d’Abbas Kiarostami // ScÊnario d’Abbas Kiarostami // Iran, 2001, 1h30 // DVD disponible aux Éditions MK2

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Alain Chabat photographié par Stanislas Zanko, selon le procédé Zanko Vision. Paris, le 28 avril 2010.


L’œIL DE‌ ALAIN CHABAT

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BABy LOVE Ă€ l’occasion de la prochaine sortie de BĂŠbĂŠs, qu’il a produit et dont il a eu l’idĂŠe originale, AlAIn CHABAt nous reçoit dans le boudoir d’un grand hĂ´tel parisien. De ce documentaire Ă Shrek 4, en passant par les mĹ“urs cannoises, rencontre avec l’ancien Nul, toujours aussi joueur. _Propos recueillis par Pablo RenĂŠ-Worms

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uelle est la genèse du projet BĂŠbĂŠs ? J’avais envie de voir un documentaire animalier sur des bĂŠbĂŠs oĂš il n’y aurait pas de commentaires, juste de la musique. Mais je n’en avais jamais fait un moi-mĂŞme. il y avait bien eu Authentiques en 2000, le doc que j’ai corĂŠalisĂŠ avec le rappeur Sear sur l’enregistrement et la tournĂŠe du dernier album de NTM. Mais j’avais travaillĂŠ Ă partir d’images dĂŠjĂ tournĂŠes : c’Êtait davantage un travail de montage. ArmĂŠ de mes deux coproductrices, Amandine Billot et Christine Rouxel, je suis donc parti Ă la recherche d’un documentariste : en fin de compte, celui avec lequel nous nous sommes le mieux entendus et qui a le mieux rĂŠagi au projet, c’est Thomas Balmes. Vous dĂŠfinissez le film comme un ÂŤ documentaire animalierÂť. Peut-on vraiment ĂŠtablir un rapprochement entre les bĂŠbĂŠs et les animaux ? En fait, avec Thomas, on voulait filmer les premières fois des enfants : la première fois qu’ils voient une poule, qu’ils goĂťtent un truc bizarre, qu’ils sont surpris‌ Les observer avec des animaux, c’Êtait important. Ce qui m’a ĂŠpatĂŠ, c’est que les bĂŞtes comprenaient qu’elles ĂŠtaient face Ă des bĂŠbĂŠs : le chat en prend plein la tronche, mais il ne sort pas ses griffes ; le chien, en Namibie, le petit bĂŠbĂŠ lui met la main dans la gueule, lui prend la langue, mais le clebs se rend compte que c’est un bĂŠbĂŠ et se retient de le mordre. il y a aussi cette scène en Mongolie, oĂš le petit va Ă quatre pattes au milieu d’un troupeau de chèvres. Je n’arrive toujours pas Ă comprendre comment il a fait pour ne pas se faire ĂŠcraser alors qu’elles

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passent quasiment sur lui. C’est un des seuls moments oĂš Thomas a dĂť se faire violence pour ne pas intervenir, et heureusement qu’il a rĂŠsistĂŠ parce que, effectivement, il n’y avait pas de danger, et le rĂŠsultat est super ! Vous allez produire et jouer dans The Dubber. Pouvez-vous nous parler de ce film ? C’est l’histoire d’un type qui est la voix française d’un acteur amĂŠricain très connu. Ce dernier vient de signer pour une trilogie, une sĂŠrie, des jeux vidĂŠo, la totale quoi ! Du coup, le doubleur se dit qu’il a cinq ans de pognon qui vont tomber : il se prend des crĂŠdits, se la raconte un peu‌ sauf que l’acteur pète un câble et lâche le mĂŠtier ! Alors la vie du doubleur s’Êcroule. il n’est qu’une voix, il n’existe plus. Émotionnellement, psychologiquement, c’est sa personne entière qui explose. il veut absolument retrouver l’autre et le convaincre de reprendre le travail. Ce film, ce sera une espèce de road movie entre ces deux poissons hors de l’eau, une pure comĂŠdie sur le thème de l’identitĂŠ. On va essayer de le faire pour un budget raisonnable – hors casting, parce qu’il nous faudra un acteur amĂŠricain reconnu – et de le tourner dans les mois qui viennent. Ce n’est pas moi qui le rĂŠaliserai. On est en train de voir avec Gore Verbinski [rĂŠalisateur de la saga Pirates des CaraĂŻbes, ndlr], qui a très envie de s’en occuper entre deux grosses productions. On espère vraiment qu’il va rĂŠussir Ă trouver le temps. En parlant de doublage, vous venez de finir les prises de voix de Shrek 4, qu’on pourra dĂŠcouvrir

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14 L’œIL DE‌ ALAIN CHABAT

en avant-première au Festival d’Annecy en juin prochain. Vous l’avez vu ? Oui, il n’Êtait fini qu’à 80% et je l’ai dĂŠjĂ trouvĂŠ vachement bien ! il clĂ´t parfaitement la saga, tous leurs traumas‌ La 3D est super et l’histoire, terrible. Je trouve qu’il a la fraĂŽcheur du premier avec la pĂŞche et l’inventivitĂŠ du deuxième. J’ai l’impression qu’après le 3, que j’avais un peu moins aimĂŠ, ils se sont dit : on termine, et on termine bien. En quoi doubler une voix est-il diffĂŠrent de jouer dans un film ? Une grande partie du travail est dĂŠjĂ faite : pour Shrek par exemple, le personnage avait dĂŠjĂ ĂŠtĂŠ crĂŠĂŠ par Mike Myers. Ensuite, les gens de Dreamworks sont très prĂŠcis, il y a des personnes qui sont lĂ pour te diriger. Sur chaque phrase, on te donne des indications, si tu te plantes, on t’explique pourquoi, on te dit : ÂŤ Non, ici il y a telle intention, ĂŠcoute bien. Il n’y a pas que

trouve ça extraordinaire. Comme pour le Net : c’est un immense espace de crĂŠativitĂŠ, mĂŞme s’il y a des dĂŠrives. Avec les nuls, vous avez allègrement moquĂŠ les mĹ“urs du Festival de Cannes. Ă€ quoi ressemblerait un CitĂŠ de la peur 2 aujourd’hui ? Je pense qu’on creuserait du cĂ´tĂŠ de cette tendance qui fait qu’on est toujours filmĂŠ par tout et n’importe quoi. Les tĂŠlĂŠphones portables sont un vrai Big Brother ; appliquĂŠ Ă Cannes, ça pourrait ĂŞtre une bonne piste, un ĂŠlĂŠment nouveau qui n’existait pas Ă l’Êpoque de La CitĂŠ de la peur‌ Sinon, Cannes, c’est peut-ĂŞtre un grand cirque, mais pour tous ceux qui travaillent dans le cinĂŠma, c’est un endroit magnifique. Tous les fabricants de films de la planète s’y retrouvent, tu peux y croiser n’importe qui, des Espagnols, des Anglais, des indiens, des CorĂŠens‌ Tu discutes avec des rĂŠalisateurs, des acteurs, des monteurs, des producteurs

ÂŤ SHREK 4 A LA FRAĂŽChEUR DU PREMiER AVEC LA PĂŞChE ET L’iNVENTiViTÉ DU DEUxièME. Âť de la colère, il y a aussi un peu de mĂŠlancolie. Sois moins ĂŠnervĂŠ contre l’Âne et plus contre toi. Âť Quand il y a des parties intraduisibles ou des blagues, on t’explique Ă quoi ça correspond. Par exemple, on te dit : ÂŤ Ça, c’est une allusion Ă Larry King Âť, et lĂ , hop, t’as un petit topo sur Larry King. C’est super bien foutu leur truc ! Quel est votre regard sur l’Êvolution du cinĂŠma vers la 3d ? MĂŞme si aujourd’hui on ne trouve que de grosses productions pour les films en 3D, je pense qu’assez rapidement, la technique va se dĂŠvelopper et offrir des moyens plus lĂŠgers, moins chers. Du coup, plein de jeunes talents auront la possibilitĂŠ de raconter leur histoire ; dans le tas, il va forcĂŠment y avoir des trucs d’enfer. Les nouvelles technologies amènent toujours de nouveaux talents et une nouvelle façon de raconter des histoires. Je ne suis pas un geek absolu, mais dès que ça peut ĂŞtre au service de la crĂŠation, je

qui galèrent dans leur coin, comme toi. Très vite, tu te rends compte que tu parles des mĂŞmes choses qu’eux et ils te disent : ÂŤ Quoi ? Toi aussi tu galères lĂ dessus ! Âť On est quand mĂŞme chanceux en France parce que le public va au cinĂŠma. Donc pour le garder en salle, il faut faire de bons films. Je veux bien qu’on parle du piratage, mais ceux qui piratent, ce sont aussi de gros consommateurs de DVD, de films, ce sont eux qui vont au cinĂŠma. Donc si ces mecslĂ se dĂŠsintĂŠressent, pour moi, c’est presque pire que le piratage. Je ne suis pas pour, mais il y a un ĂŠquilibre qui va se faire. Je suis assez optimiste de nature. Arrive le moment des adieux, et il est temps d’accomplir la mission que la rĂŠdaction m’avait confiĂŠe : jouer Ă chat-bite avec Alain Chabat. Alain qui, selon les règles ancestrales du jeu, n’a pas le droit de retoucher son père, s’en prend donc Ă notre photographe, Stanislas Zanko, qui ne peut qu’admettre sa dĂŠfaite.

BĂŠbĂŠs // Un film de Thomas Balmes, sur une idĂŠe originale d’Alain Chabat Distribution : StudioCanal // France, 2009, 1h30 // Sortie le 16 juin Shrek 4, il ĂŠtait une fin // Un film de Mike Mitchell // Avec les voix d’Alain Chabat, Med Hondo‌ Distribution : Paramount // États-Unis, 2010, 2h // Sortie le 30 juin Projection en avant-première le 8 juin au Festival international du film d’animation d’Annecy MAI 2010

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16 PASSERELLES /// FESTIVAL D’ANNECY

© Jacques Drouin

50e Festival international du film d’animation d’Annecy, du 7 au 12 juin. www.annecy.org Illustration tirée de l’ouvrage Créateurs et Créatures - 50 ans de Festival internatoinal du Film d’animation d’Annecy. À paraître le 9 juin juin aux éditions Glénat. MAI 2010

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Š Carlos Saldanha

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GRAND ENFANT Du 7 au 12 juin, le Festival international du film d’animation d’Annecy fête ses cinquante ans. Son dÊlÊguÊ artistique, le rÊalisateur et collectionneur SERGE BROMBERG, dessine pour nous les grandes lignes de l’ÊvÊnement. _Par Juliette Reitzer

FLY ME TO THE MOON Depuis ces premières esquisses, Annecy est devenu le deuxième plus grand festival français, avec quelque 7 000 accrĂŠditĂŠs et près de 2 000 films soumis Ă la sĂŠlection. Au rendez-vous cinĂŠphile des premières heures se sont ajoutĂŠs le marchĂŠ du film, la Citia (qui dĂŠveloppe toute l’annĂŠe les activitĂŠs pĂŠdagogiques, ĂŠconomiques et culturelles relatives Ă l’animation

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dans la rĂŠgion d’Annecy), le Carrefour de la crĂŠation et de l’emploi‌ Depuis 1999 et l’arrivĂŠe de Serge Bromberg au poste de dĂŠlĂŠguĂŠ artistique (en charge notamment du choix des jurĂŠs, des avant-premières, des pays mis Ă l’honneur et des programmes rĂŠtrospectifs), la sĂŠlection s’est ouverte aux blockbusters. Bromberg explique : ÂŤ Il est aussi idiot de parler de l’animation sans parler des indĂŠpendants qu’il est idiot de parler de l’animation sans parler de Warner et de Disney. C’est un grand ĂŠcart que nous assumons pleinement. Âť Cette annĂŠe, Schrek 4, il ĂŠtait une fin et les premières images de Toy Story 3 seront projetĂŠs en avantpremière, cĂ´toyant Le Vilain Petit Canard de l’animateur russe Garri Bardine (Palme d’or du court mĂŠtrage Ă Cannes en 1988 pour Fioritures et Grand Prix Ă Annecy en 1991 pour Le Loup gris et le Petit Chaperon rouge), Le Chat du rabbin de Joan Sfar et Antoine Delesvaux ou Despicable Me, un film amĂŠricain produit par Universal mais animĂŠ par le studio français Mac Guff. Grâce Ă cette cohabitation heureuse, les animateurs indĂŠpendants bĂŠnĂŠficient de la force d’attraction des grands studios : l’an passĂŠ, le Festival comptabilisait 120 000 entrĂŠes en une semaine. Š CĂŠdir Villain

L’

Ă‚GE DE GLACE Cannes, 1959. L’Êquipe ÂŤ animation Âť du Festival ne dispose guère, comme chaque annĂŠe, de stars pour gravir l’emblĂŠmatique tapis rouge. LassĂŠe des exigences glamour et commerciales de l’ÊvĂŠnement, elle dĂŠcide alors de crĂŠer un rendez-vous exclusivement dĂŠdiĂŠ Ă l’animation indĂŠpendante et artistique, loin des contraintes industrielles – d’oĂš seront donc bannis grands studios et blockbusters. Serge Bromberg raconte : ÂŤLa lĂŠgende veut qu’AndrĂŠ Malraux, alors ministre des Affaires culturelles, ait demandĂŠ Ă Charles de Gaulle oĂš organiser un tel ĂŠvĂŠnement. C’Êtait le centième anniversaire du rattachement de la HauteSavoie Ă la France : il n’y avait qu’à en profiter pour installer le nouveau festival sur les rives du lac d’Annecy‌ C’est ainsi, le 7 juin 1960, que s’ouvre la première ĂŠdition (nommĂŠe Ă l’Êpoque JournĂŠes internationales du cinĂŠma d’animation). ParrainĂŠe par certains des plus grands noms de l’animation (Alexandre AlexeĂŻeff, Max Fleischer, Paul Grimault), elle attire dĂŠjĂ les reprĂŠsentants d’une vingtaine de pays.

MONSTRES SACRÉS & CIE Pour ce cinquantième anniversaire, le film d’ouverture du Festival tisse une jolie correspondance entre passĂŠ et prĂŠsent : L’Illusionniste, nouveau long mĂŠtrage du rĂŠalisateur acclamĂŠ des Triplettes de Belleville, exhume des tiroirs du Centre national de la cinĂŠmatographie

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18 PASSERELLES /// FESTIVAL D’ANNECY

7000 ACCRÉDiTÉS, 525 FiLMS PROJETÉS, 120 000 ENTRÉES : ANNECy EST LE DEUxièME PLUS GRAND FESTiVAL FRANÇAiS.

Š Jacques RÊmy Girerd

un scĂŠnario oubliĂŠ de l’immense Jacques Tati. Bromberg commente:ÂŤLe film de Sylvain Chomet est une Ĺ“uvre d’aujourd’hui inspirĂŠe d’un talent nĂŠ dans les annĂŠes 1940. Nous l’avons choisi Ă l’aune de l’atemporalitĂŠ du gĂŠnie du cinĂŠma : la mĂŞme passion a inspirĂŠ les crĂŠateurs d’hier et ceux d’aujourd’hui. Âť La portĂŠe symbolique de L’Illusionniste ne s’arrĂŞte pas lĂ : situĂŠ Ă la fin des annĂŠes 1950, le film, empreint de nostalgie et de dĂŠsillusion, conte la rencontre entre un vieil homme (le magicien Tatischeff, Ă qui Chomet donne les traits et l’allure dĂŠgingandĂŠe de Tati) et une jeune fille aux manières gauches, qui tangue entre l’enfance et l’âge adulte. Passage de flambeau, croisements fertiles entre deux gĂŠnĂŠrations : le Festival d’Annecy s’ouvre très largement aux jeunes pousses et aux ĂŠtudiants. Outre la compĂŠtition dĂŠdiĂŠe aux films de fin d’Êtudes et le Carrefour de la formation, de nombreuses rencontres avec les monstres sacrĂŠs de l’animation sont prĂŠvues – on attend cette annĂŠe entre autres le rĂŠalisateur de Mary and Max, Adam Elliot, mais aussi Bill Plympton, grand habituĂŠ du Festival. Serge Bromberg confirme : ÂŤNous sommes rĂŠsolument tournĂŠs vers l’avenir. D’ailleurs, les très grands studios viennent Ă Annecy avant tout pour repĂŠrer les nouveaux talents. C’est un terrain de chasse!Âť Pour renforcer encore le positionnement d’Annecy comme tremplin pour la nouvelle crĂŠation, la Citia a par ailleurs mis en place une nouvelle formation dĂŠdiĂŠe Ă l’animation des personnages en 3D, gĂŠrĂŠe par la prestigieuse ĂŠcole parisienne des Gobelins. MILLE ET UNE PATTES Serge Bromberg y tient : ÂŤOn est centrĂŠs sur la rencontre entre l’œuvre et son public, qui n’est possible que grâce aux auteurs. Il y a de la place pour tout le monde, y compris les programmes de tĂŠlĂŠvision, les industriels, les gens qui fabriquent les logiciels. Âť Pendant une semaine, la ville va fourmiller : 525 films projetĂŠs, 70 pays reprĂŠsentĂŠs, 18 prix dĂŠcernĂŠs, des jurĂŠs prestigieux (Patrice Leconte, John Musker, Ari Folman, Tim Rice, Peter de Sève), un hommage au cinĂŠma d’animation argentin‌ La sĂŠlection des sept longs mĂŠtrages en lice pour le Cristal est fidèle Ă cette

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volontĂŠ de diversitĂŠ, tant au niveau des techniques employĂŠes (2D, marionnettes, images de synthèse, etc.) que des genres reprĂŠsentĂŠs (manga, anticipation, conte). On pourra ainsi voir ou revoir Kerity la maison des contes de Dominique Monfery, Summer Wars de Mamoru hosoda, Fantastic Mr. Fox de Wes Anderson, Metropia de Tarik Saleh‌ Pour fĂŞter les cinquante ans du Festival, cinquante personnalitĂŠs sont attendues, parmi lesquelles le gĂŠnial crĂŠateur des Simpson, Matt Groening, ou la star de l’animation japonaise hayao Miyazaki (Princesse MononokĂŠ, Ponyo sur la falaise‌). Enfin, une programmation parallèle spĂŠciale ÂŤ 50 ans Âť diffusera les courts mĂŠtrages primĂŠs depuis 1960 et ceux qu’Annecy n’avait pas sĂŠlectionnĂŠs Ă l’Êpoque de leur rĂŠalisation mais qui ont marquĂŠ l’histoire de l’animation : ÂŤPour montrer qu’on est faillibles, et que ce qui compte c’est d’être au service des Ĺ“uvres, pas l’inverse Âť, s’amuse Bromberg. ANNECY AU PAYS DES MERVEILLES VĂŠritable eldorado pour les professionnels et amateurs d’animation, Annecy se fait aussi cour de rĂŠcrĂŠ pour les enfants. Un ĂŠcran gĂŠant en plein air rĂŠunit chaque soir jusqu’à 7 000 spectateurs au bord du lac, avec une programmation rĂŠsolument familiale : Brendan et le secret de Kells, La Princesse et la grenouille, TempĂŞte de boulettes gĂŠantes, entre autres, sont programmĂŠs cette annĂŠe. L’association Les Toiles enchantĂŠes, prĂŠsidĂŠe par Alain Chabat, organise de son cĂ´tĂŠ des projections en hĂ´pital pour les enfants malades. Dans cette mĂŞme dynamique ludique d’ouverture au public, le festival organise le premier concours national de voix destinĂŠ Ă rĂŠvĂŠler les nouveaux talents du doublage*‌ ÂŤAnnecy est un immense festival qui a pour ambition de rester Ă taille humaine, rĂŠpète Serge Bromberg avant de conclure:Ce n’est pas pour rien si l’animation nous a fait rĂŞver quand on ĂŠtait gamins‌ Elle permet d’inventer un monde au-delĂ du monde tel qu’il est. Âť Une bulle onirique, cinĂŠphile et conviviale : c’est le monde que dessine depuis cinquante ans le Festival d’Annecy. * Pour participer au concours de voix : www.talkover.fr/concours-annecy-2010

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20 PREVIEW

L’ILLUSIONNISTE Après Les Triplettes de Belleville, Sylvain Chomet adapte L’Illusionniste d’après un scĂŠnario original de Jacques Tati qui prenait la poussière dans les archives du CNC depuis quarante ans. Ă€ la fin des annĂŠes 1950, l’arrivĂŠe du rock bouleverse l’univers du music-hall. Magiciens, ventriloques et clowns disparaissent au profit d’une nouvelle catĂŠgorie d’artistes. homme d’un autre temps, l’illusionniste quitte Paris pour trouver d’autres lieux oĂš exercer son art. Dans un village reculĂŠ d’Écosse, il rencontre Alice, une jeune fille candide, ĂŠblouie par ses tours de passepasse... Émerveillement, magie et mĂŠlancolie sont prĂŠgnants dans ce film d’animation sensible, fidèle Ă l’inventivitĂŠ visuelle et sonore du père de Mr hulot. _P.R.-W. Un film de Sylvain Chomet // Distribution : PathĂŠ // France, 2006, 1h20 // Sortie le 16 juin // PrĂŠsentĂŠ le 7 juin en ouverture du 50e Festival international du film d’animation d’Annecy


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22 PREVIEW

LES MOISSONS DU CIEL Tandis qu’on guette fĂŠbrilement Tree of Life, le prochain film de Terrence Malick avec Brad Pitt et Sean Penn, l’un des chefsd’œuvre du maĂŽtre ressort en copie neuve. PlongĂŠe dans un Texas rural corrompu par le progrès technique, Les Moissons du ciel conte l’histoire d’un incendie : celui qui consume les cĹ“urs de deux amants clandestins, dont un Richard Gere abrasif, et finit par ravager le champ de blĂŠ que se disputent fermiers et travailleurs saisonniers. Ă€ sa manière ĂŠlĂŠgiaque et panthĂŠiste, l’auteur du Nouveau Monde dĂŠpeint une civilisation en plein bouleversement. TĂŠmoin de ces transformations, la nature, filmĂŠe en plan large Ă l’ heure magique Âť prĂŠcĂŠdant le crĂŠpuscule, figure le drame en de flamboyants tableaux, qui valurent au film l’Oscar de la meilleure photographie. _A.L. et A.T. Un film de Terrence Malick // Avec Richard Gere, Brooke Adams‌ // Distribution : Solaris // États-Unis, 1979, 1h35 // Ressortie le 16 juin


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24 PREVIEW

MILLÉNIUM 2 ET 3 Fidèlement adaptĂŠs des romans de Stieg Larsson, les deux derniers opus de la trilogie MillĂŠnium (La fille qui rĂŞvait d’un bidon d’essence et d’une allumette et La Reine dans le palais des courants d’air) nous entraĂŽnent dans le passĂŠ de Lisbeth Salander, accusĂŠe d’un triple meurtre et confrontĂŠe aux pires noirceurs de l’âme humaine – parricide, viol et conspirations sordides. impeccablement campĂŠe par l’actrice Noomi Rapace, la jeune hackeuse confirme son statut d’hĂŠroĂŻne moderne : geek et rebelle, brillante et mystĂŠrieuse, fĂŠministe et sensible‌ Raccord, la mise en scène percutante d’Alfredson fait la part belle aux personnages fĂŠminins, jamais archĂŠtypaux ni relĂŠguĂŠs au second plan. La chose est suffisamment rare pour qu’on s’en rĂŠjouisse ! _J.R. Deux films de Daniel Alfredson // Avec Noomi Rapace, Michael Nyqvist‌ Distribution : UGC // Suède, 2009 // Sorties les 30 juin et 28 juillet


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LES

NEWS

SECOUEZ, AGITEZ, SAVOUREZ : L’ACTU CINÉ, CULTURE, TECHNO FRAÎCHEMENT PRESSÉE

CLOSE-UP

Š Fox 2009

RĂŠvĂŠlĂŠe Ă la tĂŠlĂŠvision pendant la campagne prĂŠsidentielle U.S., la comique tInA FEY explose sur grand ĂŠcran dans Crazy Night. Son imitation de Sarah Palin, avec choucroute et sourire crispĂŠ, a animĂŠ pendant des mois le show satirique Saturday Night Live. inconnue en France, Tina Fey, qui tire sa fibre comique d’un maintien très pince-sans-rire, incarne avec Amy Poehler et Sarah Silverman la crème de l’humour U.S. irrĂŠvĂŠrencieux. issue de l’excellente scène de Chicago, elle joue depuis 2006 une productrice Ă la masse dans la sĂŠrie Ă succès 30 Rock, dont elle coĂŠcrit le scĂŠnario. Dans Crazy Night, rĂŠalisĂŠ par l’auteur de La Nuit au musĂŠe, un couple de banlieusards du New Jersey qui s’ennuient (Tina Fey en mĂŠnagère stoĂŻque, Steve Carell en mari neurasthĂŠnique) sont embarquĂŠs dans un imbroglio nocturne qui finira par redonner du piment Ă leur union. Cette comĂŠdie d’action façon snuff movie donne un aperçu trop court du gĂŠnie dĂŠbridĂŠ, sous ses airs corporate, de la comĂŠdienne, qui vient de fĂŞter ses quarante ans. _C.G.


28 NEWS /// POLÉMIQUE

k

LE

IL Y A CEUX QU’ IL ÉNERVE ET CEUX QUI LE VÉNèRENT

NOM DE DIEU TournÊ aux États-Unis dans la foulÊe de la victoire d’Obama, profitant d’une polÊmique qui a dÊchirÊ l’Inde, le Bollywood politique My Name Is Khan dÊchaÎne les passions. Ce film mÊrite-t-il cependant de faire autant de bruit ? _Par AmÊlie Leenhardt (la question) et Julien Dupuy (la rÊponse)

lA QUEStIOn

lA RĂŠPOnSE

My Name Is Khan a tout du Bollywood : la longueur, la musique et l’histoire d’amour entre deux ĂŞtres fragiles, caractĂŠriels mais profondĂŠment gentils (un homme souffrant du syndrome d’Asperger et une mère cĂŠlibataire). Sauf que le rĂŠalisateur nous prive des scènes de danse, pour traiter une question politique. Mandira est hindoue, Rizwan Khan est musulman. Vivant aux États-Unis, il est victime de l’islamophobie post-11-Septembre. Grâce Ă son slogan ÂŤ My name is Khan and I’m not a terrorist Âť, il finit par conquĂŠrir le cĹ“ur des AmĂŠricains et de leur PrĂŠsident, clone Ă peine voilĂŠ de Barack Obama. Suite Ă l’indignation publique de l’acteur Shah Rukh Khan, superstar en inde, face au refus, qualifiĂŠ d’ islamophobe Âť, d’inclure des joueurs pakistanais dans un tournoi de cricket, le film a failli ĂŞtre interdit dans le pays. Sans cette polĂŠmique, parlerait-on autant de ce film moraliste et manichĂŠen ?

Certainement. Car il y a quelque chose de gĂŠnialement anachronique dans la façon dont Bollywood apprĂŠhende le medium cinĂŠmatographique : comme si le septième art en ĂŠtait encore Ă ses balbutiements et conservait, par consĂŠquent, une aura de magie l’absolvant d’excuses et de biais dans son traitement de sujets polĂŠmiques. C’est lĂ tout le prix d’un projet comme My Name Is Khan. PortĂŠ par l’un des couples les plus charismatiques d’inde, Shah Rukh Khan et la gĂŠniale Kajol, le film dĂŠborde d’Ênergie, d’une candeur vivifiante, et surtout opte systĂŠmatiquement pour un traitement jusqu’au-boutiste et hyperbolique de ses thèmes, semant loin derrière lui les Ĺ“uvres occidentales comparables, nettement plus timorĂŠes. En ce sens, un film comme My Name Is Khan est d’une ĂŠtonnante radicalitĂŠ, et s’impose comme un imparable remède contre le cynisme dĂŠsabusĂŠ.

Un film de Karan Johar // Avec Shah Rukh Khan, Kajol‌ // Distribution : 20th Century Fox // Inde, 2009, 2h40 // Sortie le 26 mai

LA RÉPLIQUE

 LE JARDIN DU DÉPOUILLEMENT, QUI OSE NIER SA BEAUTÉ ?  (COPIE CONFORME, EN SALLES LE 19 MAI)

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Š Glen Wilson/2010 Universal Studios

30 NEWS /// KLAP ! /// ZOOM SUR UN TOURNAGE

ChEZ LES GRECS Nous Êtions à Londres, sur le plateau de Get Him to the Greek, la nouvelle comÊdie produite par le pape de la comÊdie amÊricaine, JUdd APAtOW. Aperçu. _Par Jacky Goldberg

’ambiance est dĂŠtendue sur la terrasse de l’Anchor Pub, en cet après-midi d’aoĂťt, dans le quartier branchĂŠ de Bankside, Ă Londres. Sont attablĂŠs lĂ de jeunes couples n’ayant pas attendu le happy hour pour trinquer, observĂŠs par quelques badauds arrĂŞtĂŠs, un cornet de fish and chips Ă la main. Soudain, d’une table un peu plus agitĂŠe que les autres, surgissent une pluie de liquide houblonnĂŠ et divers projectiles (cacahouètes, cendriers), en direction de paparazzis Ă peine dissimulĂŠs. Les insultes fusent (bloody ceci, bloody cela), un type hilare montre ses fesses, et

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tandis qu’un jeune homme enrobĂŠ se tient la tĂŞte dans les mains, sans doute de honte, un ordre tranchant retentit : ÂŤ Coupez ! Âť Surgit alors Nick Stoller, auteur du drĂ´lissime Sans Sarah, rien ne va ! en 2008, pour prodiguer aux acteurs quelques bonnes vannes trouvĂŠes Ă l’instant. il rempile ici avec un spinoff de son prĂŠcĂŠdent film, reprenant le personnage jouĂŠ par Russell Brand, l’excentrique Aldous Snow. Ce pop singer british et dĂŠvergondĂŠ doit faire le voyage de Londres Ă L.A. pour un grand concert de comeback censĂŠ renflouer les caisses de son label fauchĂŠ. Est chargĂŠ de l’escorter un jeune executive de la maison de disques – le petit gros tout gĂŞnĂŠ Ă la table, c’est lui – jouĂŠ par Jonah hill, plus connu pour son rĂ´le dans Superbad. Après une poignĂŠe de minutes, le tournage reprend. La bière coule Ă flots, les (faux) paparazzis peuvent trembler.

_Par P.R.-W.

INDISCRETS DE TOURNAGE

1. Orson Welles, ou plutĂ´t sa voix, va ressusciter grâce Ă la dĂŠcouverte d’une bande audio inĂŠdite de Christmas Tails, roman pour enfants de Robert X. Leeds. Tournage en prise de vues rĂŠelles et images de synthèse cette annĂŠe, pour une sortie prĂŠvue Ă NoĂŤl 2011. 2. Stanley kubrick est de retour! Lunatic at Large, un projet du maĂŽtre datant du dĂŠbut des annĂŠes 1960, a ĂŠtĂŠ exhumĂŠ. Le film tournera autour de la rencontre entre l’habituĂŠe d’un bar incarnĂŠe par Scarlett Johansson et un ancien forain jouĂŠ par Sam Rockwell.

3. Après son apparition dans Chienne de Lou Ye, Tahar Rahim pourrait participer d’ici fin 2010 au tournage de Cool Water d’Emir kusturica, histoire de deux frères palestiniens qui dĂŠcident d’emmener clandestinement le corps de leur père de JĂŠrusalem Ă Ramallah.

LA TECHNIQUE LA GRIFFE DE L’HOMME Après Kevin yagher et David Miller, c’est au tour du maquilleur prosthĂŠtique Andy Clement de brĂťler le faciès du croque-mitaine d’Elm Street, dans le remake produit par Michael Bay. Exit le latex, le visage de Jackie Earle haley, nouvel interprète de Freddy Krueger, a ĂŠtĂŠ tapissĂŠ de pièces de silicone sur mesure, collĂŠes puis peintes chaque jour sur son visage au cours de trois heures et demi de pose. Le tout complĂŠtĂŠ par une incrustation en images de synthèse sur la mâchoire infĂŠrieure, pour creuser une plaie jusqu’à l’os. Aux dire d’une infirmière spĂŠcialisĂŠe dans les grands brĂťlĂŠs venue pour un petit rĂ´le, le rĂŠsultat ĂŠtait troublant de rĂŠalisme. _Julien Dupuy // Freddy – Les Griffes de la nuit de Samuel Bayer, sortie le 12 mai

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Š 2010 Home Box Office

32 NEWS /// TÉLÉCOMMANDO

yES WE CAN ? Le rĂŞve amĂŠricain est-il encore Ă portĂŠe de main? En plongeant dans le New York de la dĂŠbrouille, How to Make It in America, dernière crĂŠation de la chaĂŽne HBO, ĂŠclaire l’ère Obama. _Par Olivier Joyard

es losers du monde entier ont enfin trouvĂŠ une sĂŠrie tĂŠlĂŠ Ă leur gloire. OubliĂŠs les flics, les avocats et les mĂŠdecins, bienvenue aux jeunes New-yorkais des annĂŠes 2010, angoissĂŠs par l’incertitude nĂŠe de la crise mais en mĂŞme temps galvanisĂŠs par un dĂŠbordant dĂŠsir de rĂŠussite. Mise Ă l’antenne au milieu de l’hiver par la mythique hBO, How to Make It in America revisite le rĂŞve amĂŠricain Ă sa manière, branchĂŠe et sautillante, partageant avec Entourage – la sĂŠrie sur hollywood diffusĂŠe par la mĂŞme chaĂŽne – Ă la fois son producteur (Mark Wahlberg) et sa thĂŠmatique (l’amitiĂŠ entre mecs). Mais les aventures de Ben et Cam, amis d’enfance qui tentent de monter une marque de jeans dans le quartier du Lower East Side, valent mieux qu’un vulgaire copier/coller version CĂ´te Est de leur cousine de L.A. En dĂŠcrivant avec minutie les galères de ses hĂŠros pour grimper l’Êchelle du succès, la première saison rĂŠussit Ă capter l’atmosphère de l’AmĂŠrique d’Obama : tout semble Ă nouveau possible, mais la duretĂŠ des rapports sociaux demeure implacable. DĂŠjĂ culte dans les milieux arty de Big Apple pour ses garde-robes stylĂŠes et sa bande-son impeccable, How to Make It in America doit gagner en ĂŠpaisseur pour rejoindre la cohorte des grandes sĂŠries d’aujourd’hui. Elle en aura l’occasion : sa deuxième saison a dĂŠjĂ ĂŠtĂŠ commandĂŠe.

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BUZZ TV

_Par P.R.-W.

1. Michael Scofield n’est plus, bienvenue à Mikhail Skofyldimov. Alors que Prison Break s’est terminÊe voilà quelques mois aux États-Unis, la chaÎne de tÊlÊvision russe, Channel One Russia, a annoncÊ qu’elle avait acquis les droits d’adaptation de la sÊrie.

2.

Il n’est jamais facile de mettre fin Ă une saga. Du coup, Mathew Weiner, le crĂŠateur de Mad Men, a dĂŠcidĂŠ de prendre les devants en annonçant qu’il souhaitait que la sĂŠrie s’arrĂŞte au terme de sa sixième saison. La quatrième est actuellement en prĂŠparation.

3.

Fidèles à leur rÊputation de provocateurs, Trey Parker et Matt Stone, les crÊateurs de South Park, ont invitÊ Bouddha, JÊsus, Krishna et Mahomet dans le 201e Êpisode du show. Moins drôle, les auteurs ont reçu des menaces de mort suite à sa diffusion.

How to Make It in America, sur HBO et prochainement sur Orange CinĂŠma SĂŠries

LE CAMÉO ISABELLE HUPPERT DANS NEW YORK UNITÉ SPÉCIALE La frontière cinĂŠma/tĂŠlĂŠ se brouille : quatre ans après l’apparition de Catherine Deneuve dans la très pointue Nip/Tuck, isabelle huppert fait le grand saut. L’hĂŠroĂŻne de White Material a tournĂŠ comme guest star dans un ĂŠpisode de la sĂŠrie policière New York unitĂŠ spĂŠciale diffusĂŠ au mois de mai aux États-Unis. Son rĂ´le : une femme brisĂŠe par la mort de son enfant. Le francophile producteur Neal Bear est Ă l’origine de cette surprenante translation. Et il ne compte pas s’arrĂŞter lĂ : ÂŤ J’adore les actrices françaises. Je les veux toutes : Deneuve, Binoche, Danielle Darrieux ! Âť _O.J.

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Š National Archives, Washington DC

34 NEWS /// EVENT

TOUR DE FORCE Seize danseurs prodiges, une compĂŠtition survoltĂŠe, une camĂŠra virtuose : Turn It Loose file le tournis. Pour la sortie du film en DVD, MK2 et Red Bull organisent une tournĂŠe ĂŠvĂŠnement dans dix villes de France. _Par Juliette Reitzer

oweto, Afrique du Sud. Dans une centrale ĂŠlectrique dĂŠsaffectĂŠe, la compĂŠtition annuelle du Red Bull BC One rĂŠunit seize des meilleurs danseurs mondiaux. Au centre d’une arène circulaire, ils s’affrontent en un contre un pour dĂŠsigner le champion du monde. D’emblĂŠe, Turn It Loose nous embarque dans le quotidien de six de ces danseurs. Ă€ Dakar, Ben J sollicite l’aide d’un marabout. En Californie, Roxrite raconte les annĂŠes passĂŠes dans la rue, après que sa famille a ĂŠmigrĂŠ du Mexique. Ă€ Lyon, Lilou montre la ceinture de champion, gagnĂŠe en 2005, qu’il garde planquĂŠe dans sa chambre : il a refusĂŠ de la rendre pour la remettre en jeu l’annĂŠe suivante‌ introductions Ă la furie des sĂŠquences dansĂŠes, ces portraits intimes installent un vrai suspense quant Ă l’issue de la compĂŠtition. On y comprend le style de chacun, on partage les doutes, les faiblesses, les espoirs. Pour autant, le film ne zappe pas la prouesse physique, l’accompagnant d’une maĂŽtrise technique bluffante. FilmĂŠes dans des sĂŠquences Ă la Matrix, avec arrĂŞts sur image et travellings circulaires, les performances dĂŠfient la gravitĂŠ : coupoles, head spins ou figures inĂŠdites finissent de nous ĂŠtourdir. En juin, le film sera projetĂŠ dans dix villes de France avec dĂŠmonstration de breakdance par Lilou, double champion du monde.

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Turn It Loose d’Alastair Siddons, le 3 juin Ă 20h au MK2 Bibliothèque et jusqu’au 18 juin dans dix villes en France. DĂŠtails de la tournĂŠe sur www.mk2.com. DVD disponible chez MK2 Éditions.

RENDEZ-VOUS

_Par J.R.

1. Vingt-neuf films dont un documentaire sur les Novos Baianos, groupe mythique des annÊes 1970, des invitÊs (Georges Moustaki, Maria de Medeiros‌) et un hommage à Chico Buarque : le BrÊsil en fête et en musique ! 12e Festival du cinÊma brÊsilien de Paris, du 5 au 18 mai au Nouveau Latina

2.

Fictions et docus, de Jean Rouch Ă Ousmane Sembène, du Montmartre jazz des annĂŠes 1950 aux clips de rap. En bonus, une table ronde ÂŤLa prĂŠsence noire dans le cinĂŠma en France Âť (entrĂŠe libre) avec Isaach de BankolĂŠ, Doudou Masta‌

France noire, du 21 au 23 mai au Forum des images

3. Le dix-neuvième festival du film court de Pantin rĂŠunit fictions, art vidĂŠo, une rĂŠtrospective ÂŤ du corps Ă l’image Âť (avec des films de Jean Vigo ou Chris Marker), une table ronde sur la censure‌ Un rendez-vous curieux et exigeant. CĂ´tĂŠ court, du 9 au 19 juin Ă Pantin

L’ AFTERSHOW

Š D.R.

SIODMAK M’ÉTAIT CONTÉ CinĂŠaste allemand, Robert Siodmak s’exile Ă Paris (il dirige Danielle Darrieux dans La crise est finie en 1934) puis aux États-Unis, oĂš il rĂŠalisera notamment un chef-d’œuvre du film noir, Les Tueurs (1946). Le 14 avril, le très rare The Strange Affair of Uncle Harry (1945) ouvrait la rĂŠtrospective qui lui est consacrĂŠe : un cĂŠlibataire vivant avec ses deux sĹ“urs – audacieux antihĂŠros faible et sans ambition – tombe amoureux d’une jeune citadine (Ella Raines, parfaite en femme moderne et indĂŠpendante), rĂŠveillant la perfidie de ces dames‌ Jusqu’au 13 juin Ă la CinĂŠmathèque française. The Strange Affair of Uncle Harry est reprojetĂŠ le 27 mai. _J.R.

MAI 2010

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Š Socrates Mitsios

36 NEWS /// UNDERGROUND

PLUiE BATTANTE ÉclaboussÊs par une hype lÊgitime, les New-Yorkais de tHE dRUMS rÊhabilitent la pop anorak de The Wake et Aztec Camera, sur un premier album ruisselant de romantisme juvÊnile. _Par AurÊliano Tonet

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uatre gringalets dans une pièce trop grande pour eux. Timides, le cheveu ras, le regard fuyant, ils peinent Ă expliquer leur nom : ÂŤ Ça n’a rien Ă voir avec les qualitĂŠs de notre batteur, ou l’importance du rythme dans nos chansons. On cherchait un nom en “theâ€?, concis, qui sonne bien. Personne n’avait choisi The Drums, on s’est jetĂŠs dessus. Âť Soit. Look impersonnel, basse, batterie, guitare, synthĂŠ, pas de quoi se dĂŠmarquer du tout–venant indie made in Brooklyn, oĂš les garçons sont basĂŠs. Alors, qu’est-ce qui a tapĂŠ dans l’œil du photographe hedi Slimane, fan, et dans l’oreille des gazettes ĂŠnamourĂŠes ? Une prĂŠsence scĂŠnique indĂŠniable, tout d’abord : ÂŤ Trop de concerts nous font bâiller. Sur scène, nous recherchons l’Êtincelle, la sublimation. Âť Des chansons supĂŠrieures, ensuite, qu’innervent la surfmusic des premiers Beach Boys et la new-wave britannique d’Aztec Camera, The Wake ou The Smiths : ÂŤ Ces groupes prenaient la musique au sĂŠrieux, n’avaient pas peur de s’y livrer corps et âme. Âť Fragments d’une enfance sĂŠvère et catholique en Floride, serments d’amitiĂŠ ĂŠternelle, chagrin ĂŠpars : le leader, Jonathan Pierce, couche tout cela sur des lyrics pastels, gouttes de spleen qui viennent s’Êchouer, plic ploc, sur des rythmiques nettes et arrĂŞtĂŠes. C’est cette cadence-lĂ , pluvieuse, cardiaque, que bat la musique de The Drums, les bien nommĂŠs.

COPIER COLLER

_Par A.T.

>> Collectif torontois aux idÊes larges et au line-up Êlastique, Broken Social Scene sort Forgiveness Rock Record, cinquième album affable et fracassÊ.

>> Tout en collages multicolores (furie rock, joliesse pop), les Canadiens marchent sur le bitume cabossÊ des papes de l’indie-rock U.S., Pavement, rÊcemment reformÊs.

LE MYSPACE CHARTS DE LA RÉDACTION _Par A.T. AlOE BlACC – I Need a Dollar www.myspace.com/aloeblaccmusic PrĂŠlude d’un deuxième solo album prĂŠvu pour septembre, cette bombinette soul pulse le gĂŠnĂŠrique de la nouvelle sĂŠrie hBO, How to Make It in America : ça le fait, ÂŤ hĂŠ, hĂŠ Âť. lOREn lOPEZ – Blue Candy www.myspace.com/lorenlopezmusic Loin du bitume de Jenny from the Block, cette Lopez-ci cultive un drĂ´le de lopin pop, oĂš poussent d’ÊlĂŠgantes sucreries bilingues, ĂŠventĂŠes par un chant aĂŠrien. Craquant. BlUndEttO – Voices www.myspace.com/maxfsnmusic Blundetto est le projet musical du programmateur de Radio Nova, Max Guiguet. Lequel sait s’entourer de voix amies, dont celle d’hindi Zahra sur ce reggae altier.

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© Laurent Philippe

Orphée, chorégraphie de José Montalvo et Dominique Hervieu. Du 19 mai au 19 juin au Théâtre national de Chaillot, www.theatre-chaillot.fr


IN SITU /// ORPHÉE À CHAILLOT /// NEWS 39

PRiSES MULTIPLES Dans le mythe grec, OrphĂŠe est un poète. Dans le film de Marcel Camus, il est danseur, et sur le plateau de JOSĂŠ MOntAlVO et dOMInIQUE HERVIEU, Ă Chaillot, c’est un artiste multimĂŠdia. Ă€ partir des mille et une interprĂŠtations de la lĂŠgende du fils de Calliope, les deux chorĂŠgraphes proposent une fantaisie mythologico-pop qu’ils dĂŠcryptent pour nous, en pleins prĂŠparatifs. _Par Ăˆve Beauvallet

ÂŤ

Le cheval et l’ours, c’est bon, mais il faudrait le certificat pour la tortue parce qu’on n’a pas encore les droits. Âť Un extrait du casting animalier de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? Non, le ThÊâtre national de Chaillot, qui voit dĂŠambuler entre ses murs, coqs, danseurs classiques, circassiens, labradors et serpents, depuis qu’a commencĂŠ la crĂŠation d’OrphĂŠe, nouveau delirium transgenre et transhistorique du tandem JosĂŠ Montalvo/Dominique hervieu. Des ĂŠlĂŠphants de Paradis (1997) aux guĂŠpards de La Bossa Fataka de Rameau (2006), le bestiaire revient comme un gimmick sur les vidĂŠos de ces pionniers du mĂŠtissage multimĂŠdia. Aujourd’hui, ce sont les danseurs euxmĂŞmes qui s’essaient aux rugissements face camĂŠra lorsque nous les rencontrons, en plein tournage. Ă€ croire que le goĂťt des deux chorĂŠgraphes pour les hybridations trouve dans le mythe d’OrphĂŠe, cet artiste dont la lyre charmait animaux et divinitĂŠs, un terrain d’expĂŠrimentation rĂŞvĂŠ. ÂŤOn oublie souvent que la danse classique fut inventĂŠe Ă partir de milliers de pas de danses populaires. C’est cette stratification que l’on tente de retrouver. Et il s’avère que les fabulations sur le mythe d’OrphĂŠe sont d’une incroyable diversitĂŠ : littĂŠraires, cinĂŠmatographiques, picturales, opĂŠratiques‌ Nous avons alors eu l’idĂŠe de proposer un libre parcours dans l’histoire de l’art, glisse JosĂŠ Montalvo, avant que la musique ne reprenne en trombe. C’est Monteverdi. Ă€ partir du mythe d’OrphĂŠe, il inventa l’opĂŠra – un art qui nous passionne puisqu’il est l’impuretĂŠ mĂŞme. Ă€ son ĂŠpoque, on retenait de ce mythe la dimension civilisatrice de l’art. Tennessee Williams, lui, avec son chef-d’œuvre La Descente d’OrphĂŠe, offre une lecture plus sombre en soulignant l’incomprĂŠhension douloureuse ĂŠprouvĂŠe par l’artiste face aux conventions sociales. Quant Ă Rameau, il a proposĂŠ une Eurydice libertine et Offenbach, un OrphĂŠe ĂŠjacula-

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teur prĂŠcoce ! Nous jouons du tĂŠlescopage de ces interprĂŠtations sur le mode du dĂŠcalage ludique – un moyen possible, selon nous, d’atteindre le tragique. Âť Soit une histoire de l’histoire d’OrphĂŠe, propice Ă faire fourmiller les rĂŠfĂŠrences au septième art. ÂŤ Les danseurs, sur scène, ont, Ă l’Êcran, leurs homonymes cinĂŠmatographiques. Nous reprenons des airs de l’Orfeu Negro de Marcel Camus et, nous l’espĂŠrons, cette jubilation qu’il a insufflĂŠe au mythe. On trouvera ĂŠgalement des hommages aux trucages magiciens de Cocteau, dont l’œuvre est entièrement travaillĂŠe par le personnage d’OrphĂŠe Âť, poursuit JosĂŠ Montalvo alors qu’arrive un danseur sur ĂŠchasses pneumatiques. Comme les autres, il vient d’entonner un chant antillais tonitruant qui rĂŠsonnera dans le tableau des mĂŠnades, ces femmes hystĂŠriques qui, par dĂŠpit, dĂŠmembrent cet ÂŤ OrphĂŠe presque naĂŻf Âť. ÂŤNaĂŻf, adolescent‌ C’est une lecture que nous a proposĂŠe la philosophe Catherine Kintzler qui a attirĂŠ notre attention sur la disproportion des sentiments et le dĂŠsir de fusion propre au couple OrphĂŠe et Eurydice. Nous avons alors filmĂŠ de grosses bulles de chewinggum dans lesquelles nous incrustons des couples de danseurs , enchaĂŽne Dominique hervieu. La chorĂŠgraphie, dans cette partie, est basĂŠe sur l’idĂŠe de cellule ovulaire, avec un travail sur le prolongement d’un corps par un autre. La narration donne des contraintes qui sont autant de modes d’exploration corporelle. Je pense ĂŠgalement Ă l’histoire du regard interdit, très riche sur le plan de la composition chorĂŠgraphique.Âť Cette histoire de regard de trop, celui que lance OrphĂŠe Ă Eurydice et pour lequel il la perd Ă jamais, est bien sĂťr une mĂŠtaphore puissante de la mĂŠmoire humaine et de l’irrĂŠversibilitĂŠ du temps. Elle est aussi une image ĂŠloquente des limites de la crĂŠation et une mise en scène presque cynique du rapport d’Êquilibriste qu’un artiste peut ĂŠtablir avec le public.

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Š Nicolas Kavakatsanis

40 NEWS /// BUZZ’ART

EN PISTES Du goudron wallon à la terre de son Congo natal, le rappeur BAlOJI remonte en clip et en morceaux la piste d’une identitÊ plurielle. Musiques d’un monde à mi-chemin.

ARtY tECH

_Par Étienne Rouillon

près avoir tracĂŠ un sentier liĂŠgeois au sein du groupe de hiphop Starflam, l’Êtoile Baloji brĂťle d’un autre feu depuis son premier album solo, HĂ´tel Impala, passeport pour l’Afrique que le fils prodige a quittĂŠ enfant pour la belge Ostende. La trentaine rugissante, ce gĂŠant pĂŠtarade Ă la croisĂŠe des traditions afro, de balafon sĂŠnĂŠgalais en likembĂŠ congolais (piano Ă pouce) et grattes soul funk. EnregistrĂŠ en une semaine en RDC, Kinshasa succursale est une autoroute du beau sens musical, empruntĂŠe en compagnie des groupes La trentaine rugissante, ce gĂŠant tutĂŠlaires de la ville, pĂŠtarade Ă la croisĂŠe des tradiKonono n°1 et le KasaĂŻ tions afro. Allstars. Moteur de ce joyeux ramdam ? Le titre vaudou Karibu Ya Bintu, qui envoĂťte le web avec un clip rageur oĂš des squelettes dansent la vitalitĂŠ des ponts panafricains. Frappant les esprits sans ĂŞtre tape-Ă -l’œil, l’album offre pour moitiĂŠ de chaudes relectures des pistes d’HĂ´tel Impala, sur les rails de six nouvelles compositions, synthèses d’une ferveur urbaine et de motifs soukouss. Sur le single motivĂŠ IndĂŠpendance Cha Cha, les mots Ă maux de Baloji frayent avec le meilleur d’un RocĂŠ ou d’un Oxmo Puccino. Bonne route, amigo.

A

Kinshasa succursale de Baloji (Kraked, sortie le 15 septembre) www.baloji.com

>> CUBIS 5,2 lItRES (AU 100) Le Cube fait la roue pour Nissan. Cette voiture aux allures de jouet pour amateur de mangas arrive en Europe, après dix ans d’exclusivitĂŠ nippone. Avec sa poupe asymĂŠtrique et son intĂŠrieur lounge, le ÂŤ bouledogue Ă lunettes de soleil Âť a fait de l’œil Ă un musicien qui a du chien : le vocaliste zen Fredo Viola, qui signe une vidĂŠo et trois titres inĂŠdits pour l’occasion. Un Cube dont il fait des tubes. _E.R. www.cubelist.com

VIdĂŠOS _Par E.R

Patrick Jean – Pixels http://onemoreproduction.com Pluie de blocs de Tetris sur les buildings de la Grosse Pomme, Donkey Kong qui fait le king sur le toit de l’Empire State‌ Voici la revanche des boutons de manette sur ceux de manchette des cadres de la City.

Omar & Fred – Bleu Blanc Rouge http://dailymotion.com/spokanet Après Johnny et Francis, au tour des deux prĂŠnoms les plus serviables du PAF de soutenir les Bleus. Les cocos y vont de leurs cocoricos caustiques dans un cantique oĂš supporter l’identitĂŠ nationale ne se fait qu’avec la carte ad hoc.

nike – Earl and Tiger http://youtube.com/NikeGolf L’Êquipementier met sa mascotte face Ă ses coups de putter extraconjugaux. Dans ce spot, la voix du dĂŠfunt père de Tiger Woods, Earl, met les pieds dans le green en demandant : ÂŤ En as-tu tirĂŠ une leçon ? Âť



42 NEWS /// LE NET EN MOINS FLOU

BON SIGNE Dans la jungle des sites musicaux au portefeuille participatif, AFRICA UnSIGnEd se dÊmarque par la qualitÊ des artistes proposÊs. Vous dansiez ? Eh bien, financez maintenant. _Par Étienne Rouillon

rĂŠgaires, on s’en tient souvent Ă GrĂŠgoire pour parler des sites web qui, Ă l’image de son My Major Company, proposent aux internautes de prendre des parts dans la production d’artistes boudĂŠs par les majors. Le premier tube sorti de cette marmite fut un Toi+Moi (sans nous, d’ailleurs) en forme de slogan-rĂŠclame pour un système devenu artefact de la lutte contre la crise du disque. Tant et si bien que le cinĂŠma (People For Cinema) et la presse (Kiss Kiss Bank Bank) s’y mettent, avec le mĂŞme succès. Une industrie qui mise sur Parmi les jurĂŠs, on trouve Tony l’engouement populaire Allen ou Damon Albarn. peut-elle offrir autre chose qu’un consensus mou mainstream ? Oui, chante un continent qui Ă force d’inspirer le reste des lobes a dĂŠcidĂŠ de revenir au centre du globe. Africa Unsigned nous incite Ă miser sur des muses sĂŠnĂŠgalaises, maliennes ou sud-africaines, en vue de leur offrir un EP distribuĂŠ en Afrique, mais aussi en Europe. SubtilitĂŠ : les artistes sont prĂŠsĂŠlectionnĂŠs par des jurĂŠs prĂŠcieux comme Tony Allen (inventeur de l’afro beat derrière la batterie de Fela) ou l’omniprĂŠsent Damon Albarn (Blur, Gorillaz). Une mĂŠthode pas vraiment 2.0., qui a l’avantage de proposer une qualitĂŠ folle. Face Ă Toi+Moi, le tonitruant Huff+Puff des Kenyans de Just a Band – et dans cette dernière ĂŠquation, on en a enfin plus que pour son argent.

G

StAtUtS QUOtES SÉLECTION DES MEILLEURS STATUTS DU MOIS

Nathalie : Franck RibĂŠry et Sidney Govou seront les vedettes de la nouvelle campagne pour la Ford Escort. Christophe : On se console comme on peut, les Bleus seront toujours vainqueurs aux tirs aux putes. StĂŠphane : Printemps de Bourges, ĂŠtĂŠ de prolos... Nora : Quand j’enlève le plastique autour d’un concombre, j’ai l'impression d’avoir une vie sexuelle. Nassim : J’ai essayĂŠ de me taper un grec ce midi, mais il a courut trop vite. Olga ne voit pas le rapport mais veut bien l’avoir.

www.africaunsigned.com

App

[ap] n.f.

MOT @ MOT _Par E.R.

[Contraction du terme ÂŤapplicationÂť, dĂŠsigne en informatique un logiciel assurant un ensemble de fonctions prĂŠcises et circonscrites] 1. Logiciel de domotique, embarquĂŠ sur un smartphone ou une plateforme multimĂŠdia numĂŠrique, dans le but de faciliter les activitĂŠs quotidiennes. ÂŤLes papas ĂŠmotifs peuvent suivre Ă distance la dĂŠlivrance du colis filial grâce Ă l’app Birth Buddy, qui suit en temps rĂŠel les contractions de madame.Âť 2. Aide de camp embarquĂŠe sur plateforme physique. ÂŤFranck a testĂŠ pour nous l’app tactile Zahia D.Âť

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44 NEWS /// AVATARS

Marre de harponner votre tÊlÊviseur avec les manettes de la Wii ? Voici nAtAl, le nouvel appendice pour la console Xbox 360. Des jeux de mains pas vilains qui se gesticulent de la tête au pied. _Par Étienne Rouillon

ntre les alcĂ´ves boisĂŠes de l’ancien hĂ´tel particulier du couturier japonais Kenzo Takada, la journĂŠe de prĂŠsentation presse du projet Natal bat son plein. Sous les vivats, un pauvre hère entame une danse de Saint-Guy : rien dans les mains, journalistes dans la poche, le dĂŠmonstrateur du jeu fige sa chorĂŠgraphie hystĂŠrique et me cède sa place. Ni manettes, ni calibrage fastidieux, les deux camĂŠras de la rĂŠglette disposĂŠe sous la console me figurent immĂŠdiatement Ă l’Êcran, sous la forme d’un avatar entraĂŽnĂŠ dans une partie de casse-briques croisĂŠe balle au prisonnier.

E

Natal, c’est un mĂŠlange entre un cours de SVT et un tournage avec Peter Jackson. Le système de motion capture (reconnaissance et reproduction des mouvements) vous fait redĂŠcouvrir vos articulations, ensuquĂŠes par des heures de jeu le popotin enfoncĂŠ dans le canapĂŠ. DrĂ´le, maĂŽtrisĂŠ et intuitif, le système dĂŠpasse une Wii arrĂŞtĂŠe Ă mi-chemin et promet une petite rĂŠvolution dans la manière de donner de sa personne. Encore en gestation technique, le projet sera Ă terme l’hiver prochain. On prend dĂŠjĂ notre visa pour le pays Natal. Project Natal (Microsoft, sur X360)

nExt lEVEl

APPLIS MOBILES

_Par E.R.

CHARAdIUM Jouez au doigt et à l’œil avec cette adaptation du Pictionary. Un bijou ciselÊ en compagnie de joueurs en ligne bien peinÊs à l’idÊe de vous faire deviner le mot  attributs  en un croquis. Plateforme : iPhone, iPod touch, iPad Prix : gratuit

PlAntS VS ZOMBIES Hd Un parterre en jachère, des plantes tueuses Ă semer, des hordes de zombies‌ Le terreau de l’une des plus belles pousses de l’iPhone se griffonne dĂŠsormais de l’index sur l’ipad. Plateforme : iPad // Prix : 7,99 â‚Ź

ARt OF BlUR Pour moucher les esthètes qui pavanent avec un Reflex autour du cou, ce logiciel de traitement photo très intuitif rÊalise de beaux effets de mise au point. Complètement flou. Plateforme : iPhone, iPod touch, iPad // Prix : gratuit

_Par E.R.

MVSC3 Après dix piges de K.O., le cross-over bastonneur Marvel vs Capcom nous revient pour le printemps 2011. Dans ce troisième volet, l’Êcurie de Wolverine fera toujours des pieds et des mains dans la face de Ryu. Un poing, c’est tout.

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D.R.

SCiENCES-NAT

GOD OF WAR Kratos fulmine encore. Après un volcanique troisième ĂŠpisode, l’ÊpopĂŠe devait s’Êteindre. God of War : Ghost of Sparta ravivera dans le courant de l’annĂŠe les cendres sur PSP, en dĂŠvoilant les derniers secrets du demi-dieu.

STARCRAFT II RTT posĂŠes, le 27 juillet prochain, on fĂŞte la libĂŠration du jeu de stratĂŠgie le plus attendu depuis son aĂŽnĂŠ, sorti le millĂŠnaire dernier. Starcraft II : Wings of Liberty proposera la campagne solo Terran et son multijoueur vitaminĂŠ.

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LE

GUIDE CALENDRIER MALIN POUR AVENTURIER URBAIN

DU MERCREDI 12 MAI AU MARDI 15 JUIN

ÂŤ LA FORĂŠT EST UN REFUGE. Âť JESPER GANSLANDT

P.50

SORTIES EN SALLES SORtIE lE 12 MAI 48 Robin des Bois de Ridley Scott 0 Adieu Falkenberg de Jesper Ganslandt SORtIE lE 2 JUIn 1 Rabia de Sebastiån Cordero SORtIE lE 9 JUIn 2 Les Mains en l’air de Romain Goupil 3 When You’re Strange de Tom DiCillo lES AUtRES SORtIES

4 Crazy Night ; Freddy – Les Griffes de la nuit ; 8th Wonderland ; L’Enfance du mal ; Street Dance 3D ; Policier, adjectif. ; Les Secrets ; Film Socialisme ; Aisheen (chroniques de Gaza) ; Ça commence par la fin ; Prince of Persia : les sables du temps ; L’Autre Rive ; Maniquerville ; Sweet Valentine ; Sex and the City 2 ; La Tête en friche ; Hatchi ; The World is Big ; Les Meilleurs Amis du monde ; The Crazies

P. 0

58 lES ĂŠVĂŠnEMEntS Mk2 Filmer la musique SoirĂŠe Bref

SORTIES EN VILLE 60 COnCERtS Villette Sonique L’oreille de‌ Juliette Lewis

62 ClUBBInG We love Sonique Les nuits de‌ DJ Mehdi

64 ExPOS Emporte-moi / Sweep me off my feet au MAC/VAl Le cabinet de curiositĂŠs : La Part des choses / Still Life

66 SPECtAClES El final de este estado de cosas, redux Ă la Maison des arts de CrĂŠteil Le spectacle vivant non identifiĂŠ : Thomas Clerc au festival les TJCC

68 REStOS Giovanni Passerini au Rino Le palais de‌ Alain Chabat

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70 lA CHROnIQUE dE dUPUY & BERBERIAn WWW.MK2.COM


48 CINÉMA

SORTIE LE

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Robin des Bois 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1‌ Quand Russell Crowe explique le contrat social au roi Jean, Rousseau prend des notes pour son De l’inÊgalitÊ parmi les hommes. 2‌ Pour les joues au fard furibard d’une LÊa Seydoux qu’on jurerait croquÊe dans une BD de Loisel. 3‌ Pour l’attrapÊ-moulinÊ-fracassÊ d’une ÊpÊe à cheval, que Robin a piquÊ au gladiateur Maximus.

ROBIN DÉBOÎTE Un film de Ridley Scott // Avec Russell Crowe, Cate Blanchett‌ // Distribution : Universal // États-Unis-Royaume-Uni, 2010, 2h10

RIdlEY SCOtt fait la peau au renard en body vert avec un Robin des Bois qui a la cote, et maille à partir avec les carcans de ses anciens carquois hollywoodiens. _Par Étienne Rouillon

DĂŠbarquement français sur les cĂ´tes anglaises dans le plus pur style Seconde Guerre mondiale, Robin en fils d’un autonomiste kantien avant l’heure, ce prĂŠambule aux multiples chapitres cinĂŠmatographiques de l’homme des bois a le mĂŠrite d’être apocryphe. SacrĂŠ Robin des Bois, figure sainte du cinĂŠma de cape et d’ÊpĂŠe avec son (box-) office religieux aux exĂŠgèses obligĂŠes : concours de tir, brigandage en sylve, minauderies pour Marianne. Le sermon de Ridley Scott, lui, est agnostique, mĂŞme s’il conserve l’emphase des divines homĂŠlies de son Gladiator. VĂŠritable saint Thomas sur les terres de Nottingham, Russell Crowe porte avec foi le mythe de ÂŤ Robin Ă la cagoule Âť mais veut toucher ses origines, coiffĂŠ du heaume du scepticisme. CroisĂŠ de retour d’un pèlerinage armĂŠ aux cĂ´tĂŠs de son souverain Richard CĹ“ur de Lion, Robin Longstride devient Loxley en usurpant l’identitĂŠ du chevalier et

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ĂŠpoux de dame Marianne (la puissante Amazone Cate Blanchett), qui se rĂŠsout Ă partager la couche de l’usurpateur pour dĂŠjouer un complot fomentĂŠ par la France. La lutte armĂŠe contre le bouclier fiscal du prince Jean est prĂŠtexte Ă un film de crise, identitaire. Celle d’un Robin qui construit sa lĂŠgende en dĂŠcouvrant celle de son père, roturier, auteur de la Magna Carta (charte de 1215 garantissant le droit Ă la libertĂŠ individuelle). La camĂŠra au genou tourne des batailles rugueuses dont les chorĂŠgraphies fourmillent de clins d’œil aux jeux du cirque qui rĂŠvĂŠlèrent le duo CroweScott. Une collaboration qui est ravivĂŠe par le jeu rauque du mĂŠchant sire Godefroy (Mark Strong, remarquĂŠ dans RocknRolla). DĂŠpoussiĂŠrer une figure du patrimoine anglais, Guy Ritchie s’y est loupĂŠ avec Sherlock Holmes, Ridley Scott touche sa cible avec un rĂŠcit qui monte en flèche.

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0 CINÉMA

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12/05

Adieu Falkenberg 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1‌ Pour une cure de jouvence signÊe par un jeune cinÊaste virtuose. 2‌ Pour une immersion dans la nature suÊdoise. 3‌ Pour une musique planante et enivrante.

LAST DAYS Un film de Jesper Ganslandt // Avec John Axel Eriksson, Holger Eriksson‌ Distribution : E.D. // Suède, 2006, 1h31

Chronique d’un ĂŠtĂŠ funeste, Adieu Falkenberg dessine le portrait d’un âge indĂŠcis, celui oĂš l’on n’est plus vraiment ado mais pas encore adulte. Lumineux. _Par Donald James

Comment se dire adieu ? Comment quitter sa ville, sa vie ? Bijou noir Ă l’atmosphère organique et planante, ce premier film suĂŠdois n’est pas sans rappeler Last Days de Gus Van Sant. Sa première heure – illuminĂŠe, lyrique et picturale – suit un groupe de copains, les fesses Ă l’air plongĂŠes dans le lit d’une rivière : une vĂŠritable apnĂŠe panthĂŠiste. Entre travelings et flottements, l’image imprime, exprime cet âge de tous les doutes et de toutes les expĂŠriences. On pleure dans Adieu Falkenberg, car on sait oĂš ces expĂŠriences peuvent mener‌ Drogue, dĂŠbrouille et glandouille : il s’agit de dĂŠfier le temps qui coule, de se dĂŠfier soi-mĂŞme et de trouver, dans l’expĂŠrimentation, des rĂŠponses Ă d’insolubles questions existentielles. Depuis ce film, tournĂŠ en 2006, le rĂŠalisateur suĂŠdois Jesper Ganslandt a dĂŠjĂ rĂŠalisĂŠ un autre long mĂŠtrage (bientĂ´t en salles), mais il laisse derrière lui une première Ĺ“uvre Ă la beautĂŠ saisissante, hors des sentiers battus.

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JESPER GAnSlAndt Adieu Falkenberg est-il autobiographique ? J’ai habitĂŠ Falkenberg, petite ville de l’ouest de la Suède. J’avais des amis. Ă€ 25 ans, nous ressemblions aux personnages du film : nous avons grandi ensemble et on commençait Ă se poser des questions sur notre avenir. Je me suis inspirĂŠ de mon manque expĂŠrience. Je n’ai pas ĂŠtĂŠ complètement fidèle Ă la rĂŠalitĂŠ, mais je suis restĂŠ entièrement fidèle Ă mes sentiments. On ne voit pas de femmes dans le film‌ Montrer des amis du mĂŞme sexe permettait d’Êvacuer les tensions et les intrigues sexuelles, et de crĂŠer une bulle onirique, une atmosphère ĂŠtrange. Vos personnages sont immergĂŠs dans la nature. Pourquoi ? J’ai voulu faire le portrait d’une bande d’amis et non celui d’une ville ou autre chose. Ils vont vers la nature car c’est un endroit oĂš ils se retrouvent libres, oĂš ils se dĂŠfont de leur vie, de leurs responsabilitĂŠs. La forĂŞt, les bois sont un refuge.

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1 CINÉMA

SORTIE LE

02/06

Rabia 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1‌ Pour les airs latinos de la bande originale, entendus chez AlmodĂłvar. 2‌ Pour partager la frustration du hĂŠros, qui vit Ă quelques mètres de sa maĂŽtresse sans pouvoir la toucher. 3‌ Pour dĂŠcouvrir ce que donne Le Journal d’une femme de chambre de BuĂąuel en version thriller latino.

LA BELLE ET LA BÊTE Un film de Sebastiån Cordero // Avec Martina García, Gustavo Sånchez Parra‌ // Distribution : Haut et Court // Espagne-Colombie, 2009, 1h35

Deux amants immigrÊs sont emprisonnÊs dans une vaste demeure bourgeoise. À la fois thriller, romance et rÊflexion politique, Rabia vibre tout entier de la  rage  qui lui sert de titre. _Par RaphaÍlle Simon

Ă€ Madrid, Rosa et JosĂŠ-Maria, deux immigrĂŠs sudamĂŠricains, s’aiment passionnĂŠment jusqu’au jour oĂš celui-ci tue accidentellement son chef de chantier. il se rĂŠfugie alors dans les combles de la propriĂŠtĂŠ oĂš travaille Rosa comme domestique, sans le lui dire. SĂŠparĂŠs dans une mĂŞme maison, les amants n’ont jamais ĂŠtĂŠ si proches et si loin Ă la fois, d’un point de vue Ă la fois dramatique et symbolique. Les deux Latinos incarnent chacun une manière de subsister en tant qu’immigrĂŠ : la soumission ou la rĂŠbellion. C’est d’ailleurs pour explorer les rapports Nord/Sud que le rĂŠalisateur ĂŠquatorien a dĂŠplacĂŠ l’action du roman dont il s’inspire, de l’Argentine vers l’Espagne. Rosa travaille sans rechigner pour ses patrons. Elle est le tĂŠmoin de la dĂŠchĂŠance de cette famille bourgeoise, chez qui les rideaux jaunis cachent des pièces poussiĂŠreuses et des jouets rouillĂŠs. On ne s’aime pas

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chez ces gens-lĂ , on divorce, on fait chambre Ă part, on exècre son père pour son conservatisme, et tout autant son fils pour ses lubies libĂŠrales. Tout est pourri Ă l’intĂŠrieur de ce grand manoir d’allure pourtant si fière. En son sein, Rosa la petite fleur devient l’objet de tous les fantasmes. Ceux du fils alcoolique qui la tripote en cachette, du neveu en visite qui en tombe amoureux, de la mère en mal d’amour qui s’accapare tacitement le bĂŠbĂŠ qu’elle attend. Et ceux de JosĂŠMaria. Lui est l’Êtranger rebelle, l’exclu, le rat qui se cache au grenier en dĂŠvorant les restes. Du haut de son perchoir ou tapi dans l’ombre, il guette sa belle, la surveille et la protège sauvagement quand on lui fait du mal. Comme une bĂŞte, il ne ressent que des ĂŠmotions primaires : l’amour et la rage. Ă€ son contact, le ton s’envenime, virant au thriller. Et malgrĂŠ quelques lourdeurs, c’est le film tout entier qui nous contamine de sa fièvre.

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2 CINÉMA

SORTIE LE

09/06

Les Mains en l’air 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1‌ C’est une fable politique oÚ les parents peuvent emmener leurs enfants. 2‌ C’est une comÊdie sur le premier amour oÚ les enfants peuvent emmener leurs parents. 3‌ Vous pouvez aussi inviter votre vieille tante, qui trouve que  les Êtrangers, c’est pas des gens comme nous ‌

MAINS HEUREUSES Un film de Romain Goupil // Avec Valeria Bruni Tedeschi, Linda Doudaeva‌ Distribution : Les Films du Losange // France, 2010, 1h30

Dans la veine militante de ses prĂŠcĂŠdentes fictions, ROMAIn GOUPIl filme une bande d’enfants qui se cachent avec leur copine tchĂŠtchène et sans papiers. Une fable politique et rĂŠjouissante. _Par Isabelle Danel

Le 22 mars 2067, une femme aux cheveux gris raconte, avec un lĂŠger accent ĂŠtranger, l’histoire qui lui est arrivĂŠe cinquante-huit ans plus tĂ´t, en France. Elle avait 10 ans, et allait Ă l’Êcole, en CM2, avec sa bande de potes, Blaise, Alice, Claudio, Ali et youssef. Et puis ce dernier a ĂŠtĂŠ expulsĂŠ avec toute sa famille, parce qu’ils n’avaient pas de papiers. Afin d’Êviter Ă Milana le mĂŞme sort, ses copains ont alors fuguĂŠ avec elle pour la cacher‌ Dans la chambre des enfants disparus, un papier portant ce message : ÂŤ On s’appelle tous MilanaÂť, comme un ĂŠcho au ÂŤNous sommes tous des Juifs allemandsÂť de Mai-68. Et ce n’est pas la seule rĂŠfĂŠrence au passĂŠ militant de Romain Goupil et Ă son engagement en tant que citoyen. Pour la deuxième fois, après le docu fiction Une pure coĂŻncidence en 2002, le cinĂŠaste met les sans papiers au cĹ“ur d’un long mĂŠtrage. il le fait sous la forme d’un conte un peu naĂŻf, qui ĂŠvoque un premier amour, une saine solidaritĂŠ enfantine et la capacitĂŠ Ă dĂŠsobĂŠir. Distrayant, rigolo, filmĂŠ Ă hauteur d’enfant, Les Mains en l’air s’adresse Ă notre intelligence et Ă notre âme de citoyen. MAI 2010

ROMAIn GOUPIl Film politique ou film engagĂŠ ? Politique au sens oĂš, en tant que citoyen, je suis concernĂŠ par le monde qui m’entoure. Mais comme spectateur, je dĂŠteste les films qui me disent ce qu’il faut penser, qui dĂŠsignent les bons et les mĂŠchants. Comme cinĂŠaste, mon ambition est de poser une question. Ici : que penserons-nous dans soixante ans de ce qui se passe aujourd’hui avec les sans papiers ? Pourquoi filmer du point de vue des enfants ? Cette bande de mĂ´mes, de petits trafiquants de DVD, de voleurs de bonbecs, s’ils se mobilisent pour leur copine, c’est parce qu’ils ne veulent pas ĂŞtre sĂŠparĂŠs. Ils sont dans leur logique, qui n’a rien Ă voir avec celle des adultes. Et Valeria Bruni Tedeschi dans tout ça ? Je voulais tourner avec elle bien avant qu’elle devienne la belle-sĹ“ur du PrĂŠsident ! Le projet avait ĂŠvoluĂŠ suite à ça, et elle l’a d’abord refusĂŠ. Mais elle est actrice depuis plus de vingt ans, elle fait des choix, comme rĂŠalisatrice aussi, et elle continuera encore dans vingt ans et plus ! WWW.MK2.COM


3 CINÉMA

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09/06

When You’re Strange 3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILM 1‌ Pour la narration de Johnny Depp, troublant d’empathie. 2‌ Pour la qualitÊ des images d’archives, foisonnantes et souvent inÊdites. 3‌ Parce que Tom DiCillo poursuit son exploration critique du star-system, toile de fond de son prÊcÊdent film (Delirious).

ON THE ROAD AGAIN Un film de Tom DiCillo // Avec la voix de Johnny Depp Distribution : MK2 Diffusion // États-Unis, 2009, 1h30

Exclusivement composÊ d’images d’archives, dont certaines inÊdites, When You’re Strange de tOM dICIllO dÊroule un portrait ÊlÊgiaque et intimiste du groupe phare de la contre-culture U.S. _Par Pablo RenÊ-Worms et AurÊliano Tonet

Sur une route californienne, un homme roule, hirsute et lunaire. Sans destination prĂŠcise, il semble se contenter d’errer. Soudain, Ă la radio, l’animateur annonce sa mort. Ce conducteur, c’est Jim Morrison et les images que l’on a sous les yeux sont extraites des rushes de Highway, moyen mĂŠtrage inĂŠdit que le chanteur a rĂŠalisĂŠ en 1969, auxquels DiCillo a ajoutĂŠ une bande-son. C’est sur ces plans que s’ouvre When You’re Strange, qui retrace la trajectoire cosmique d’un quatuor ayant gravi les montagnes du succès aussi vite qu’il a explosĂŠ en vol. Avec un sens très musical du montage, qu’amplifie la narration en voix off de Johnny Depp, Tom DiCillo capte l’essence du groupe et les instants d’innocence de son leader, Ă la fois nĂŠ pour la cĂŠlĂŠbritĂŠ et rongĂŠ par celle-ci. De Los Angeles Ă Paris, en passant par Miami, on suit avec dĂŠlice et effroi la trace des Doors, leurs frasques, leurs intuitions, leurs coups de gĂŠnie, de virages en tĂŞte-Ă -queue, jusqu’au crash final.

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tOM dICIllO Quelle est la genèse de When You’re Strange ? Les producteurs du film sont venus vers moi. Ils avaient accès Ă tous ces rushes qui ĂŠtaient dans les archives des Doors et ne savaient pas quoi en faire. J’ai proposĂŠ de me concentrer uniquement sur ceux-ci, de laisser les images raconter l’histoire, sans interview de Bono, Mick Jagger ou qui que ce soit. Le film comprend des extraits de Highway, le film de Jim Morrison. Au dĂŠbut, on se demande si c’est bien lui‌ Quand on a montrĂŠ le film Ă Sundance, certaines personnes ont quittĂŠ la salle, parce qu’elles pensaient qu’on avait utilisĂŠ un sosie. Au dĂŠbut, le film joue de ce trouble, mais après quelques minutes, il devient clair qu’il s’agit bel et bien de Morrison. Un autre ĂŠlĂŠment clĂŠ du film est la narration assurĂŠe par Johnny Depp‌ Il fallait que le narrateur soit quelqu’un de sensible qui s’intĂŠresse de près aux Doors. J’ai tout de suite pensĂŠ Ă lui. Il a apportĂŠ quelque chose de très personnel, d’authentique, de musical Ă la narration et au film dans son ensemble. WWW.MK2.COM


4 CINÉMA

AGENDA SORTIES CINÉ 12/05 _Par C.G., E.R., I.D., J.R., P.R.-W. et S.M.

SORTIES DU

CRAZY nIGHt de Shawn Levy Avec Steve Carell, Tina Fey‌ th 20 Century Fox, États-Unis, 1h28

Le rÊalisateur de La Nuit au musÊe mêle deux genres a priori opposÊs : comÊdie du remariage et film d’action hallucinÊ. EntourÊ de camÊos savoureux, le couple malchanceux est incarnÊ par deux piliers de l’humour U.S., Tina Fey et Steve Carell.

FREddY lES GRIFFES dE lA nUIt de Samuel Bayer Avec Jackie Earle Haley, Kyle Gallner‌ Warner, États-Unis, 1h49

Ne vous endormez surtout pas, Freddy Krueger est de retour ! Dans ce remake de sa première aventure, on (re)dÊcouvre la genèse du croque-mitaine aux griffes les plus cÊlèbres de ces trente dernières annÊes. Sanglant à souhait.

8tH WOndERlAnd de Nicolas Alberny et Jean Mach Avec Matthew GÊczy, Alain Azerot‌ CQFD, Help !, France, 1h34

Les citoyens d’un pays virtuel votent sur le Net : distribuer des capotes goÝt hostie, boycotter une multinationale ou assassiner un criminel de guerre‌ Sur fond de dÊrives dÊmocratiques, le film tente le rÊalisme total. Mission rÊussie, en dÊpit d’acteurs en demi-teinte.

l’EnFAnCE dU MAl d’Olivier Coussemacq Avec Anaïs Demoustier, Pascal Greggory‌ Zelig, France, 1h30

Une ado en fugue trouve refuge dans la demeure bourgeoise d’un juge et de son ĂŠpouse. BientĂ´t, les raisons de sa prĂŠsence sèment le trouble dans le quotidien tranquille du couple‌ Ce drame convainc grâce Ă l’habile construction psychologique de ses personnages.

Et AUSSI CEttE SEMAInE : ROBIn dES BOIS de Ridley Scott (lire la critique p. 48) AdIEU FAlkEnBERG de Jesper Ganslandt (lire la critique p. 50)

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19/05

SORTIES DU

StREEt dAnCE 3d de Max Giwa, Dania Pasquini Avec Nichola Burley, Richard Winsor‌ Metropolitan, Grande-Bretagne, 1h38

Carly et son groupe ont un rĂŞve : ĂŞtre champions d’Angleterre de street dance. Mais, entre dĂŠfections et perte de la salle de rĂŠpĂŠtition, le sort s’acharne sur eux. On leur propose alors de s’entraĂŽner et de concourir avec des ĂŠlèves de l’AcadĂŠmie de Ballet‌

POlICIER, AdJECtIF. de Corneliu Porumboiu Avec Dragos Bucur, Vlad Ivanov‌ Zootrope, Roumanie, 1h53

Un policier refuse d’arrĂŞter un petit dealer et se confronte Ă sa hiĂŠrarchie rigide. Quand la maĂŻeutique s’invite au cĹ“ur d’un commissariat, ça donne un polar politique intrigant, oĂš le langage est au cĹ“ur de tous les enjeux dramatiques et moraux.

lES SECREtS de Raja Amari Avec Hafsia Herzi, Soundes Bel Hassen Sophie Dulac Distribution, France-Suisse-Tunisie, 1h30

Après Satin Rouge, Raja Amari continue d’explorer le thème de l’Êmancipation de la femme dans la sociĂŠtĂŠ tunisienne avec Les Secrets, film sombre sur trois femmes vivant clandestinement dans une maison, jusqu’au jour oĂš de nouveaux occupants arrivent‌

FIlM SOCIAlISME de Jean-Luc Godard Avec Catherine Tanvier, Christian Sinniger‌ Wild Bunch, France, Suisse, 1h41

Ă€ la manière fragmentaire de ses Histoire(s) du CinĂŠma, Jean-Luc Godard interroge la notion de socialisme, Ă travers un film nomade oĂš le multilinguisme et la visite de lieux emblĂŠmatiques illustrent son propos militant.

Et AUSSI CEttE SEMAInE : COPIE COnFORME d’Abbas Kiarostami (lire le dossier p. 72)

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SORTIES DU

26/05

AISHEEn (CHROnIQUES dE GAZA) de Nicolas Wadimoff Solaris, Suisse-Qatar, 1h25

Dans Gaza dÊvastÊe par les combats, Nicolas Wadimoff promène sa camÊra, à la rencontre de civils qui tentent de se reconstruire après la guerre. incisive et poignante mais tendue par une vraie vitalitÊ, sa dÊambulation impressionniste a valeur de tÊmoignage.

çA COMMEnCE PAR lA FIn de MichaĂŤl Cohen Avec Emmanuelle BĂŠart, MichaĂŤl Cohen‌ ARP, France, 1h28

Le comÊdien MichaÍl Cohen (mariÊ dans la vie à Emmanuelle BÊart) adapte son propre roman et nous livre un premier long mÊtrage romantique et sulfureux, variation haletante sur le thème de la passion amoureuse, racontÊe sous forme de flash-backs.

PRInCE OF PERSIA : lES SABlES dU tEMPS de Mike Newell Avec Jake Gyllenhaal, Gemma Arterton‌ Walt Disney, États-Unis, 1h57

Dans cette adaptation d’une sÊrie de jeux vidÊo, le prince n’a rien perdu de son agilitÊ. Aux côtÊs de la princesse Tamina (ravissante Gemma Arterton), il doit dÊfendre un sablier permettant de remonter le temps : une aventure Êpique, sans grain de sable.

l’AUtRE RIVE de Giorgo Ovashvili Avec Tedo Bekhauri, Galoba Gambaria‌ Arizona Films, GÊorgie, 1h33

Tedo, 12 ans, vit Ă Tbilissi depuis la guerre entre la GĂŠorgie et son pays, l’Abkhazie. Ă€ la recherche de son père, il entame un voyage initiatique oĂš les paysages dĂŠsolĂŠs font ĂŠcho aux vies en ruines. Tenu, tendu. Sublime.

Et AUSSI CEttE SEMAInE : MY nAME IS kHAn de Karan Johar (lire la critique p. 28)

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6 CINÉMA

AGENDA SORTIES CINÉ 02/06 _Par C.G., E.R., I.D., J.R., P.R.-W. et S.M.

SORTIES DU

MAnIQUERVIllE de Pierre Creton Avec Françoise Lebrun, Clara Le Picard‌ Capricci, France, 1h23

L’inoubliable interprète de La Maman et la Putain vient faire rĂŠgulièrement la lecture aux pensionnaires du centre de gĂŠrontologie de Maniquerville. Des liens se nouent, une mĂŠmoire revit et s’Êchappe pour dessiner un portrait vivant de la vieillesse.

SWEEt VAlEntInE d’Emma Luchini Avec Vincent Elbaz, Vanessa David‌ Mars Distribution, France, 1h25

FlanquÊ d’une cruche, un voyou veut quitter la France pour la Pologne. Chemin faisant, il tente de rÊcupÊrer de l’argent et se dÊbarrasser du pot de colle. Mais pour le hÊros du premier long mÊtrage de la fille de Fabrice Luchini, rien ne marche‌

SEx And tHE CItY 2 de Michael Patrick King Avec Sarah Jessica Parker, Kim Cattrall‌ Warner, États-Unis, 2h15

Mode, cocktails, hommes et bĂŠbĂŠs : les quatre cĂŠlèbres New-yorkaises, en proie aux angoisses de la vie de couple, s’offrent un voyage exotique pour dĂŠcompresser‌ Sorti il y a deux ans, le premier opus avait rapportĂŠ quelque 415 millions de dollars dans le monde.

lA tĂŠtE En FRICHE de Jean Becker Avec GĂŠrard Depardieu, Gisèle Casadesus‌ Studio Canal, France, 1h22

ConsidĂŠrĂŠ par ses amis comme l’idiot du village, Germain est quasi analphabète. Un jour, il rencontre Margueritte, l’initie au plaisir de la lecture. Entre eux, une amitiĂŠ indĂŠfectible se crĂŠe‌ Par le rĂŠalisateur de L’ÉtĂŠ meurtrier et d’Élisa.

Et AUSSI CEttE SEMAInE : RABIA de SebastiĂĄn Cordero (lire la critique p. 51)

MAI 2010

SORTIES DU

09/06 HAtCHI de Lasse HallstrÜm Avec Richard Gere, Joan Allen‌ Metropolitan, États-Unis, 1h33

hatchi vient chaque jour attendre son maÎtre à la gare, jusqu’au jour oÚ ce dernier disparaÎt. Mais le chien poursuit son rituel, ce qui Êmeut toute la communautÊ. Ce remake d’un film japonais, basÊ sur une histoire vraie, fera pleurer dans les salles obscures.

tHE WORld IS BIG de Stephan Komandarev Avec Miki Manojlovic, Carlo Ljubek‌ Epicentre, Bulgarie-Allemagne-SlovÊnie-Hongrie, 1h45

Dans ce beau road movie en tandem, on suit le parcours d’Alex, un jeune Bulgare amnĂŠsique suite Ă un accident de voiture, et de Bai Dan, son grand-père, ancien opposant au rĂŠgime communiste, qui va tout faire pour l’aider Ă retrouver la mĂŠmoire.

lES MEIllEURS AMIS dU MOndE de Julien Rambaldi Avec Marc Lavoine, Pierre-François Martin-Laval‌ Gaumont, France, 1h34

Des amis, ça se dit tout‌ ou pas. ici, c’est la touche ÂŤ rappel Âť d’un tĂŠlĂŠphone qui va rĂŠvĂŠler les crasses que Max et Lucie dĂŠversent sur Jean-Claude et Mathilde, leurs vieux potes, qui dĂŠbarquent pour le week-end. Rien de mieux pour passer un bon moment.

tHE CRAZIES de Breck Eisner Avec Timothy Olyphant, Radha Mitchell‌ SND, États-Unis, 1h41

Dans ce remake de La Nuit des fous vivants de Romero, ce n’est pas la mort qui se propage mais la folie, à travers un virus dispersÊ sur une petite ville du Middle West. Le shÊrif va alors tout faire pour protÊger les rares habitants encore sains d’esprit. Et AUSSI CEttE SEMAInE : lES MAInS En l’AIR de Romain Goupil (lire la critique p. 52) WHEn YOU’RE StRAnGE de Tom DiCillo (lire la critique p. 53)

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8 CINÉMA

LES ÉVÉNEMENTS BASTILLE

BIBLIOTHĂˆQUE

HAUTEFEUILLE

ODÉON

QUAI DE LOIRE

BEAUBOURG

GAMBETTA

NATION

PARNASSE

QUAI DE SEINE

CINÉMA

PASSERELLES

FLASHBACKS & PREVIEWS

LE DIALOGUE DES DISCIPLINES

JEUdI 20 MAI - 20H30 / L’AnnÊe des treize lunes de Rainer Werner Fassbinder. Projection prÊcÊdÊe d’une rencontre avec Emmanuelle Bayamack-Tam, à l’occasion de la parution de son livre La Princesse de. (Éditions P.O.L).

JEUdI 20 MAI – 20h30 / REnCOntRE / Marie Vermillard et JoÍl Brisse Avec les Êditions Filigranes, venez rencontrer les rÊalisateurs de Suite parlÊe (sorti en janvier 2010), à l’occasion de la parution de l’ouvrage du même nom. La rencontre sera suivie de la projection du film. Cartes Ui acceptÊes.

lUndI 31 MAI - 20h30 / RdV dES dOCS / Chili, la mĂŠmoire obstinĂŠe de Patricio Guzman Que reste-t-il de l’expĂŠrience Allende ? Que sont devenus ceux qui voulaient changer le Chili ? Après vingt ans d’exil, Patricio Guzman rentre dans un Chili en pleine expansion ĂŠconomique et rĂŠsolument enclin Ă l’amnĂŠsie. En prĂŠsence de Laurent VĂŠray, historien du cinĂŠma, enseignant Ă l’universitĂŠ Paris Ouest-Nanterre et rĂŠalisateur. JEUdI 3 JUIn – 20h / REnCOntRE / Turn It Loose d’Alastair Siddons Ă€ l’occasion de la sortie du film en DVD, documentaire inspirĂŠ qui prend pour point de dĂŠpart la compĂŠtition internationale de breakdance du Red Bull BC One. Projection suivie d’une rencontre avec le danseur Lilou et d’autres surprises. MARdI 8 JUIn – 20h30 / SOIRĂŠE BREF / Campagnes Dans le dĂŠcor d’Olivier Volcovici (2009, 32 min.), Enterrez nos chiens de FrĂŠdĂŠric Serve (2010, 50 min.) et La RĂŠpublique de Nicolas Pariser (2009, 36 min.). Plus d’infos rubrique ÂŤ Focus Âť, page de droite. JEUdI 10 JUIn – 20h / FIlMER lA MUSIQUE / The Carter d’Adam Bala lough Ce fascinant documentaire sur le rappeur Lil Wayne sera projetĂŠ en prĂŠsence de son rĂŠalisateur, spĂŠcialement venu de Philadelphie. Plus d’infos rubrique ÂŤ Focus Âť, page de droite.

PETITES LECTURES MERCREdI 2 JUIn 10h30 POUR lES 3-5 AnS En juin, nous allons GRAndIR, GRAndIR, GRAndIR, notamment avec Pomelo. Tous les premiers mercredis matins du mois. inscription au 01 44 52 50 70.

MAI 2010

MERCREdI 26 MAI – 16h / REnCOntRE lECtURE / JĂŠrĂ´me lambert Avec les ĂŠditions L’Êcole des loisirs, lecture-rencontre avec JĂŠrĂ´me Lambert autour de son roman J’aime pas le lundi (Ă partir de 9 ans). JEUdI 27 MAI – 19h30 / SOIRĂŠE ZĂŠRO dE COndUItE / L’AmĂŠrique n’existe pas Avec les ĂŠditions Attila, lecture-balade sur le bassin de la Villette suivie d’une rencontre Ă la librairie. En prĂŠsence de Pierre Senges autour son roman La RĂŠfutation majeure (ĂŠditions Verticales), de BenoĂŽt Laudier des ĂŠditions Vagabonde, et de la traductrice Catherine Vasseur, Ă l’occasion de la parution de L’Art de naviguer d’Antonio de Guevara (prĂŠfacĂŠ par Pierre Senges), et d’Histoires enfantines de Peter Bichsel (Gallimard). insc. au 01 44 52 50 70. MARdI 8 JUIn – 19h30 / CARtE BlAnCHE Ă Anne Wiazemsky / Irène d’Alain Cavalier L’Êcrivaine, actrice et rĂŠalisatrice viendra prĂŠsenter le film, qu’elle a choisi en ouverture de sa carte blanche. Le film sera projetĂŠ Ă 21h. SAMEdI 12 JUIn – 11h30 / REnCOntRE lECtURE / Autour d’HĂŠlène Bessette Laure Limongi, ĂŠditrice chez LĂŠo Scheer a dĂŠcidĂŠ depuis quelques annĂŠes de rĂŠĂŠditer l’œuvre d’hĂŠlène Bessette (1918-2000). Confortablement installĂŠs dans une salle de cinĂŠma, venez ĂŠcouter son biographe et des extraits des cinq romans ĂŠditĂŠs dans la collection Laureli. Avec la participation de la comĂŠdienne Emmanuelle ClĂŠment. dIMAnCHE 13 JUIn – 11h30 / REnCOntRE – lECtURE / Carte blanche Ă Claro Écrivain dĂŠjantĂŠ et traducteur de talent, Claro est l’auteur d’une dizaine de fictions. Lecture croisĂŠe de ses romans avec le comĂŠdien Bruno Blairet, suivie d’une sĂŠance de dĂŠdicace Ă la librairie.

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UVREZ DÉCO ÉMA IN C LE DANS N E M T AUTRE K2 ! M LLES LES SA

FOCUS

_Par P.R.-W.

FIlMER lA MUSIQUE Le quartier Jaurès-Stalingrad sera Ă la fĂŞte du 8 au 13 juin, avec la quatrième ĂŠdition du festival Filmer la musique, qui prendra ses quartiers au MK2 Quai de Seine et au Point ÉphĂŠmère. Au programme, cinq jours et nuits de musique et de cinĂŠma, avec plus de vingt longs mĂŠtrages et documentaires musicaux prĂŠsentĂŠs, mais aussi onze groupes en concert. CĂ´tĂŠ cinĂŠma, on aura le droit le 10 juin Ă la projection de The Carter, documentaire sulfureux sur le rappeur Lil Wayne, en prĂŠsence du rĂŠalisateur, Adam Bhala. On notera ĂŠgalement la venue le 11 juin de Stuart Baker, fondateur ĂŠrudit de l’excellent label londonien Soul Jazz Records, spĂŠcialiste des compilations vintage (The World of Arthur Russell, Brazil 70, 100 % Dynamite!). CĂ´tĂŠ musique, on pourra assister Ă des concerts de Jessie Evans ou Mustang le 10 juin, et finir par une soirĂŠe totalement dĂŠmente le 11 juin, oĂš Bot’Ox, Arnaud Rebotini et Zombie Zombie revisiteront sur scène l’univers et les compositions du cinĂŠaste John Carpenter. du 8 au 13 juin au Mk2 Quai de Seine et au Point ĂŠphĂŠmère

SOIRĂŠE BREF Le 8 juin, la SoirĂŠe Bref, consacrĂŠe au moyen mĂŠtrage, refait son apparition le long du canal de l’Ourcq, au MK2 Quai de Seine. Le thème de cette ĂŠdition tournera autour de la folie et de la campagne dans tous ses ĂŠtats. Campagne par opposition Ă la ville, Ă travers Enterrez nos chiens de FrĂŠdĂŠric Serve, variation fantastique sur le thème de la mĂŠmoire dans le monde rural. Campagne commerciale, avec Dans le dĂŠcor d’Olivier Volcovici, qui traite de l’aliĂŠnation par le travail et de la perte de sommeil dans le monde des assurances. Enfin, campagne ĂŠlectorale, avec le dĂŠjĂ très remarquĂŠ La RĂŠpublique de Nicolas Pariser (auteur de Le jour oĂš SĂŠgolène Royal a gagnĂŠ). Le film conte l’histoire de François Darcy, jeune cacique ambitieux d’un parti majoritaire fictif, qui se trouve confrontĂŠ Ă une rumeur : la mort accidentelle du prĂŠsident de la RĂŠpublique. Chacun pousse ses pions dans cette fiction politique haletante – Ă l’image de la programmation de cette SoirĂŠe Bref. le 8 juin au Mk2 Quai de Seine

MAI 2010

LES CYCLES ExPOSItIOn SpĂŠcialisĂŠ dans la photographie argentique noir et blanc, StĂŠphane FĂŠdorowsky joue avec les techniques de dĂŠveloppement en chambre noire (solarisation, superposition, surimpression, rayographie), crĂŠant ainsi une intemporalitĂŠ qui constitue la base de son art. Son exposition, mĂŞlant les mots aux images, rappelle l’onirisme du cinĂŠma muet. Ă€ la manière d’un conte philosophique, elle dĂŠvoile l’histoire de la quĂŞte de l’être par lui-mĂŞme. Ille ĂŠtait une fois Soi‌, du 9 au 22 juin

lES MAÎtRES dE lA SUGGEStIOn Jusqu’au 13 juin, les samedis et dimanches à partir de 10h30, programmation dÊdiÊe à deux cinÊastes maÎtres de l’angoisse et de la suggestion, avec les projections de Vaudou, I Walked Whith a Zombie et Angoisse de Jacques Tourneur et La Main du diable et CÊcile est morte de Maurice Tourneur. tarif 6,50 ₏. Cartes UI acceptÊes.

lIttÊRAtURE Et CInEMA Du 19 juin au 11 juillet, les samedis et dimanches matin, le cinÊma et la librairie du MK2 Quai de Loire donnent carte blanche à Anne Wiazemsky, actrice de Robert Bresson, Pier Paolo Pasolini ou AndrÊ TÊchinÊ et auteur de Jeune Fille et Mon enfant de Berlin. Projections de L’ArmÊe des ombres de Jean-Pierre Melville, Le Fleuve de Jean Renoir, Le MÊpris de Jean-Luc Godard et Les Yeux sans visage de Franju. tarif 6,50 ₏. Cartes UI acceptÊes.

T o u t e l a p r o g r a m ma t i o n s u r m k 2 . c o m

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Š W. Beaucardet

CONCERTS

60 SORTIES EN VILLE

VILLETTE OBLIQUE Un festival, des festivals Toujours Ă contre-courant, VIllEttE SOnIQUE ouvre la saison des festivals avec une programmation en voies de traverses pop, entre dĂŠcouvertes marquantes et groupes fondateurs Ă (re)dĂŠcouvrir. _Par Wilfried Paris

Quand Paris est un festival permanent, Villette Sonique rĂŠussit chaque annĂŠe le difficile pari de faire venir un public ĂŠlargi dans les salles et parcs de la Villette, pendant près d’une semaine, pour un menu ĂŠclectique et pointu. Après une ĂŠdition 2009 très rock (Liars, Sunn O))), The Jesus Lizard), Villette Sonique 2010 prend le contrepied des attentes suscitĂŠes, avec une programmation plutĂ´t pop, toujours plurielle et exigeante, rĂŠunissant jeunes pousses prometteuses (dĂŠfrichage) et talents confirmĂŠs (historicitĂŠ). Au programme : expĂŠriences vocales (la diva folk Joanna Newsom, la prĂŞtresse gothique Diamanda GalĂĄs), pop minimale (les young Marble Giants, qui joueront leur sĂŠminal Colossal Youth de 1980), synthĂŠtiseurs rĂŠtro-futuristes (le pape krautrock Manuel GĂśttsching, aka Ash Ra Tempel, et le jeune New-yorkais Oneohtrix Point Never, pour un trip analogique Ă la GĂŠode), et ĂŠlectricitĂŠ bien entendu (le groupe fondaMAI 2010

teur la scène noisy U.S. des 90s Polvo, les furieux Wolf Eyes, les Nippons psychĂŠdĂŠliques Acid Mothers Temple). Le festival fait Ĺ“uvre didactique en invitant Roy harper, figure culte de la scène prog-folk anglaise, Arto Lindsay, mariant dissonances punks et fantaisie tropicaliste, ou Soisong, duo ĂŠlectronique rĂŠunissant Peter Christopherson (Throbbing Gristle, Coil) et ivan Pavlov (Coh). Villette Sonique se distingue des autres festivals estivaux en proposant des concerts gratuits en plein air, prenant souvent au dĂŠpourvu les badauds de passage (cette annĂŠe : Fuck Buttons, Thee Oh Sees, Oneida, Secret Chiefs 3, King Midas Sound, Blues Control, Washed Out, Ganglians‌). Enfin, deux soirĂŠes clubbing We Love Sonique avec Richie hawtin (Plastikman), Vitalic, Marc houle, Danton Eeprom, James holden entre autres, complĂŠteront la fĂŞte. Du 2 au 6 juin au Parc de la Villette, www.villettesonique.com WWW.MK2.COM


Š Jennifer Tzar

L’OREILLE DE‌ JULIETTE LEWIS

CARTE BLANCHE Ă€ LA FLĂˆCHE D’OR ÂŤ Sur scène, ce qui compte c’est l’Ênergie et l’Êmotion dramatique. Je crois que mon public comprend très bien que mes performances live sont une extension de ma personnalitĂŠ, de ce que je suis. Je tire cette ĂŠnergie de la batterie, de la musique elle-mĂŞme et du public. Je veux que chaque personne dans la salle se sente comme un super-hĂŠros ! J’essaie vraiment d’embarquer les gens dans un voyage : c’est mieux que tout ce que tu peux imaginer. Venez vivre “l’expĂŠrience Julietteâ€? et amenez vos potes, on va s’Êclater ! Âť _Propos recueillis par J.R.

Juliette Lewis en concert Ă La Flèche d’or les 19, 20, 21 et 22 mai, dès 19h30, 8 â‚Ź avec conso.

AGENDA CONCERTS

_Par W.P.

1 lIARS Le trio noise amĂŠricain fait tourner par ici son cinquième album, Sisterworld, dĂŠrive psycho-sonique, sombre et dissonante, dans le Los Angeles des marginaux. Des menteurs angĂŠliques ? Le 19 mai Ă La Maroquinerie, dès 19h30, 19,80 â‚Ź

2 COCOROSIE Sous leurs moustaches, les sĹ“urs Cocorosie passent miauler mignardises rococos (cliquetis de porcelaines, soutiens-gorge d’Êpoque sur plats d’argent) dans les ors et velours du Casino. Pop rieuse, weird-dance et folk au balcon. Le 21 mai au Casino de Paris, dès 19h30, 33 â‚Ź

3 dInOSAUR JR. La nouvelle Machine de Pigalle va rouler au bruit blanc de Jay Mascis (soliste de la saturation), avec Lou Barlow (basse) et Murph (fĂťts) au charbon, pour un concert qui fera forcĂŠment un peu mal aux oreilles. Le 23 mai Ă La Machine, dès 20h, 33 â‚Ź

4 WIRE Groupe britannique culte (confidentiel et influent) fondĂŠ en 1976, Wire marie l’Ênergie juvĂŠnile du punk anglais (Pistols, Buzzcocks) Ă l’intellectualisme de son pendant new-yorkais (Velvet, Television). Une rage retenue, tendue, ardue. Le 24 mai Ă La Maroquinerie, dès 19h30, 22 â‚Ź

MAI 2010


D.R.

CLUBBING

62 SORTIES EN VILLE

SON ET LUMIĂˆRE Vitalic Ă Villette Sonique Depuis quelques saisons, le live electro sort enfin du presque sempiternel ÂŤ me, myself et mon ordiÂť. Installations, structures lumineuses et scĂŠnographies accompagnent dĂŠsormais le son. Mieux, elles le subliment. DĂŠmonstration Ă Villette Sonique. _Par Anne-Laure Griveau

Yuksek et son micro, Richie Hawtin et ses LED, Étienne de CrĂŠcy et son cube de lumière, de plus en plus de producteurs de musique choisissent de mettre en scène leurs prestations publiques. TĂŞte d’affiche de la soirĂŠe de clĂ´ture du festival Villette Sonique, Vitalic entrera Ă son tour dans la danse, avec les architectes Pier Schneider et François Wunschel, scĂŠnographes d’Étienne de CrĂŠcy et cofondateurs du collectif ExyZT et du ÂŤ label crĂŠatif Âť 1024. ÂŤ La musique et les images sont des composantes essentielles de notre environnement, nous les utilisons comme des matĂŠriaux de construction dans nos installations. La musique ĂŠlectronique est particulièrement adaptĂŠe Ă ces interactions, elle nous a toujours servi pour augmenter nos architectures, les faire vibrer, rĂŠagir, ĂŠvoluer Âť, explique Pier. Alors, quand Vitalic leur a dĂŠcrit son album Flashmob comme ÂŤ electro-disco-poilu Âť, ils ont imaginĂŠ le V-mirror, sorte de grande boule Ă facettes qui se dĂŠploie derrière l’artiste comme des ailes d’insecte. MAI 2010

La musique ne suffirait-elle plus ? Non, c’est plutĂ´t ÂŤ la prĂŠsence scĂŠnique du musicien, seul Ă presser des boutons derrière des machines qui, contrairement Ă un groupe, ne remplit pas l’espace scĂŠniqueÂť, explique Pier. D’autant que, dĂŠmocratisation de la techno oblige, le public change et veut plus que des BPM. ÂŤEt puis, nous vivons un moment oĂš, via l’ordinateur, on peut faire se rencontrer tous les modes de production du son, de l’image et de la lumière, souligne l’architecte. Tout est interconnectĂŠ, beaucoup de choses sont possibles en termes de dialogue entre les mĂŠdias‌ Notre travail consiste Ă les faire interagir avec une autre dimension : l’espace. Âť Mission espace rĂŠussie, les gars !

We Love Sonique, Part. II, le 5 juin Ă La Grande Halle de La Villette, dès minuit, 27 â‚Ź. Vitalic live, Danton Eeprom, James Holden, Cassius‌ www.weloveart.net

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Š Marco Dos Santos

LES NUITS DE‌ DJ MEHDI

CARTE BLANCHE LE 20 MAI AU SOCIAL CLUB ÂŤ J’attends cette date avec impatience, non seulement parce que le Social est mon club parisien prĂŠfĂŠrĂŠ, mais aussi parce que j’ai hâte de jouer de la house music toute la nuit avec Riton, mon pote DJ anglais. Notre projet commun, Carte Blanche, est un hommage Ă la musique de Chicago et de DĂŠtroit des annĂŠes 1990. Nous avons rĂŠpĂŠtĂŠ nos meilleurs pas de danse chorĂŠgraphiĂŠs. Je vous aurais prĂŠvenus: house music all night long ! Âť _Propos recueillis par A.-L.G.

Carte Blanche, le 20 mai au Social Club, dès 23h, 10 â‚Ź, www.parissocialclub.com

AGENDA CLUBBING

_Par A.-L.G.

1 InStItUt BOnHEUR L’institut Bonheur, aka Rasmus Michau et sa bande de noctambules, est de retour dans les jardins de Bagatelle. Barbecue party et DJs en folie (le crew Tête d’Affiche‌), on se rÊunit aux portes de Paris pour  dÎner, boire, danser et diffuser le bonheur‌  Tous les vendredis et samedis jusque fin septembre dans les jardins de Bagatelle

2 RItZ BAR tERRASSE Les soirÊes electro du Ritz Bar prennent leurs quartiers d’ÊtÊ. C’est sur une des terrasses du palace parisien que cÊlÊbritÊs et happy few dodelineront au son des DJs selector et de leur rock collection. À partir du 15 mai au Ritz, de 18h30 à 2h, DJ set de 19h à 23h

3 tIGERSUSHI 10 AnS ! Petit tigre est devenu grand et Tigersushi fĂŞte aujourd’hui ses 10 ans. Principles of Geometry, Panico, Joakim, DyE, Guillaume Teyssier‌ live ou DJ, toute la mĂŠnagerie sera lĂ . Ça se passe au Point ÉphĂŠmère et ça pourrait bien nous faire rugir de plaisir. Le 28 mai au Point ÉphĂŠmère, dès 20h, 15 â‚Ź

4 A nIGHt WItH‌ GUI BORAttO PrÊparez-vous, le 28 mai, vous avez une date avec le plus couru des BrÊsiliens electro, j’ai nommÊ Gui Boratto. Et pour pimenter un peu plus le rendezvous, ses invitÊs et son lieu sont tenus secrets‌ Le 28 mai, infos à guetter sur www.facebook.com/wihmevents

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D.R.

EXPOS

64 SORTIES EN VILLE

Perfect Lovers, Felix Gonzales-Torres

Ă€VOS AMOURS Je t’aime moi non plus Jusqu’au 5 septembre, le MAC/VAL nous entraĂŽne dans les mĂŠandres du sentiment amoureux avec l’exposition Emporte-moi / Sweep me off my feet qui rĂŠunit une quarantaine d’artistes dont les Ĺ“uvres traitent de ce thème complexe, Ă la fois intime et universel. _Par Anne-Lou Vicente

C’est le printemps‌ Et le MAC/VAL se met au parfum de l’amour avec l’exposition Emporte-moi / Sweep me off my feet, coproduite avec le MusĂŠe national des beaux-arts de QuĂŠbec. Loin de tomber dans le panneau d’un thème que l’on pourrait juger trop ĂŠvident, les commissaires de l’exposition, Nathalie de Blois et Frank Lamy, ont envisagĂŠ l’amour comme ce qu’il est vraiment : un sentiment ambivalent qui, s’il peut nous combler de bonheur, est aussi susceptible d’être Ă l’origine des dĂŠchirements les plus violents. ÂŤ Support de pensĂŠes, d’Êlans, d’illusions et d’abandons, les Ĺ“uvres rĂŠunies expriment autant la douleur de la solitude que l’espoir et l’effusion de sentiments que fait naĂŽtre en soi la rencontre de cet autre si signifiant Âť, ĂŠcrivent-ils.

lisent une parfaite harmonie des cĹ“urs. Ange Leccia quant Ă lui, fait s’embrasser deux projecteurs de cinĂŠma dont jaillit une lumière rose (Arrangement, le baiser, 1985-2004). Le Siège biplace (2000) de Christelle Familiari, suspendu au-dessus du sol, forme un cocon en maille d’acier, refuge protecteur pour deux. Avec La Dispute (2006), Anne BrĂŠgeaut recolle les morceaux d’une tasse brisĂŠe, Ă l’image d’un cĹ“ur que l’amour peut faire voler en ĂŠclats. No Sex Last Night (1992), le film de Sophie Calle et Greg Shephard, montre les difficultĂŠs d’un couple lors d’un voyage aux États-Unis. La rencontre, la passion, la plĂŠnitude, mais aussi la douleur, l’incomprĂŠhension, la sĂŠparation, la solitude, le manque‌ L’amour, pour le meilleur et pour le pire!

Perfect Lovers (1987-1990), les deux horloges synchronisÊes de l’artiste cubain Felix Gonzalez-Torres, symbo-

Emporte-moi / Sweep me off my feet, du 7 mai au 5 septembre au MAC/VAL, place de la LibĂŠration, 94404 Vitry-sur-Seine. Tous les jours sauf le lundi, de 12h Ă 19h. 5 â‚Ź/2,50 â‚Ź

MAI 2010

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D.R.

LE CABINET DE CURIOSITÉS

LA PART DES CHOSES / STILL LIFE Troisième ĂŠpisode du projet d’expositions en cinq volets La Part des choses, organisĂŠ par l’association clermontoise in Extenso, Still Life rĂŠunit dix artistes dont les Ĺ“uvres se distinguent par leur silence‌ Les sculptures et installations ÂŤ ont en commun un refus apparent du discours et laissent le champ libre Ă de multiples interprĂŠtations. Âť Des Ĺ“uvres qui utilisent des ĂŠlĂŠments du quotidien pour mieux le rĂŠinventer et le faire glisser vers une dimension poĂŠtique. Une fuite du sens. _A.-L.V.

Du 21 mai au 4 juillet à Mains d’œuvres, 1 rue CharlesGarnier, 93400 Saint-Ouen.

AGENDA EXPOS

_Par A.-L.V.

Ann VEROnICA JAnSSEnS Avec May, l’artiste belge nous convie Ă une nouvelle expĂŠrience contemplative et hypnotique fondĂŠe sur la lumière et le temps. La galerie devient un laboratoire dans lequel les matĂŠriaux mutent : l’eau se solidifie et l’acier semble se liquĂŠfier‌ Du 8 mai au 19 juin Ă la galerie Air de Paris, 32 rue LouiseWeiss, 75013 Paris.

JUlIEn dISCRIt RÊalisÊ aux États-Unis, le film Speed of the Eye montre un dÊsert de sel oÚ sont organisÊs des records de vitesse d’engins pointant à 1 200 km/h. La sÊrie SÊdiments rÊunit trois verres recouverts de cristaux de sel et la paire de baskets portÊe par l’artiste durant son pÊriple. Du 29 avril au 19 juin à la galerie Martine Aboucaya, 5 rue Sainte-Anastase, 75003 Paris.

JASOn dOdGE Un câble ĂŠlectrique dĂŠtournĂŠ par un diapason, une canalisation d’eau laissant planer une inondation dĂŠvastatrice, trois couvertures de la couleur de la nuit‌ Entre matĂŠrialitĂŠ ostensible et dimension cachĂŠe, les Ĺ“uvres de l’AmĂŠricain sont un moteur pour la rĂŞverie. Du 29 mai au 24 juillet au centre d’art contemporain La Galerie, 1 rue Jean-Jaurès, 93130 Noisy-le-Sec. MAI 2010


Š Luis Castilla

SPECTACLES

66 SORTIES EN VILLE

APOCALYPSE NOWLe flamenco galvanisĂŠ Avec la danse anarchique du SĂŠvillan ISRAĂ‹l GAlVĂ n, le flamenco sort du cercle des aficionados pour relire la Bible, le butĂ´ japonais, et ses propres racines. Le thème de El final de este estado de cosas, redux, c’est l’Apocalypse, et l’effet aussi. _Par Ăˆve Beauvallet

Qui soupire Ă entendre parler flamenco n’a encore jamais courbĂŠ l’Êchine devant la puissance tellurique de la danse d’israĂŤl GalvĂĄn. Cet ĂŠtĂŠ, on pouvait la voir imposer le silence le plus pieux aux nombreux spectateurs du Festival d’Avignon, venus en masse dĂŠcouvrir celui que les critiques nomment ÂŤ le Nijinski du flamenco Âť. La virtuositĂŠ est, certes, une seconde peau pour cette bĂŞte du ÂŤcompĂĄsÂť – essence rythmique du ÂŤbaile flamencoÂť – traĂŽnĂŠ, dès cinq ans, dans les tablaos sĂŠvillans et l’Êcole de danse parentale. Mais surtout, comme l’Êtoile russe l’avait fait avec le ballet classique, GalvĂĄn, en soliste hors pair, apprivoise les codes extrĂŞmement coercitifs du flamenco pour le nourrir Ă des racines inattendues et lui rĂŠinventer une puissance organique. il ne transforme pas l’art flamenco, il transforme les autres arts en flamenco. Ainsi

MAI 2010

de la danse contemporaine ou du butĂ´ japonais, cette danse des tĂŠnèbres si vive dans El final de este estado de cosas, redux, oĂš transparaĂŽt la silhouette transgenre de Kazuo Ohno. Loin des froufrous du folklore andalou, GalvĂĄn impose, dans cette relecture de l’Apocalypse de Jean, une danse de chair brute qui dĂŠfie la mort jusque dans cet ĂŠtroit cercueil final qui ĂŠchoue Ă faire taire son zapateado (jeu de pieds). Pieds nus dans un carrĂŠ de sable d’un mètre de cĂ´tĂŠ, ou chaussĂŠ sur une plateforme de bois brinquebalante qu’il s’agit de dompter comme on le ferait d’un taureau, GalvĂĄn procure aux spectateurs la chance rare de se sentir liĂŠs par quelque force ancestrale et vivifiante.

El final de este estado de cosas, redux Le 29 mai à la Maison des arts de CrÊteil, www.maccreteil.com Du 31 mai au 5 juin au ThÊâtre de la Ville, www.theatredelavilleparis.com

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Š Cyrille Weiner

LE SPECTACLE VIVANT NON IDENTIFIÉ

THOMAS CLERC AU FESTIVAL LES TJCC Michel Blanc en Freddie Mercury ou Scarlett Johansson en Mère Teresa ? Rassurez-vous, ces projets fantasques de biopic n’existent que dans les extravagantes chroniques de Thomas Clerc, dont le phrasĂŠ grand siècle illumine hebdomadairement les ondes de France Culture. ObsĂŠdĂŠ des listes et autres recensements mĂŠticuleux, il est l’auteur de nouvelles meurtrières (L’homme qui tua Roland Barthes chez Gallimard) et virevoltera Ă Gennevilliers dans une ÂŤ lecture performance Âť sur mesure. Tant il est vrai que sa logorrhĂŠe jubilatoire mĂŠrite autant l’Êcoute que la vue. Mythologique. _E.B.

Festival les TJCC, du 20 au 22 mai au ThÊâtre de Gennevilliers, www.theatredegennevilliers.com

AGENDA SPECTACLES

_Par E.B.

1 AndREA SIttER Andrea Sitter sur un plateau de danse, c’est un peu comme heidi dans un film de Lynch. Soit une image quasi folklorique du ballet classique avec, en relief, des volumes burlesques et horrifiques. Ne vous fiez donc pas au sourire ultra-bright de cette danseuse allemande si vous assistez au grand atelier qu’elle donne sur le parvis de La DĂŠfense, en prĂŠlude aux pièces de Boris Charmartz et de Mourad Merzouki. Festival Seine de danse, du 25 au 30 mai sur le parvis de La DĂŠfense, www.vallee-culture.fr/culture

2 JĂŠRĂ´ME COMMAndEUR SE FAIt dISCREt Alternative trashy et vivifiante au Jamel Comedy Club qui monopolise la scène stand-up, le oneman show de JĂŠrĂ´me Commandeur revigore les procĂŠdĂŠs du genre avec dix portraits-syndromes de la France ordinaire, de l’altermondialiste bovine Ă la secrĂŠtaire hystĂŠrique. Un hĂŠros encore discret, mais plus pour longtemps. Au Splendid, www.lesplendid.com

3 GNOSIS Après une danse nuptiale avec la star Juliette Binoche dans IN-I, et un duo aĂŠrien avec l’Êtoile Sylvie Guillem dans Monstres sacrĂŠs, le chorĂŠgraphe bangladais Akram Khan redescend, avec Gnosis, vers les racines de la tradition kathak pour trouver d’autres idoles : celles de la mythologie du nord-ouest de l’inde qu’il confronte, dans une danse enluminĂŠe, aux hĂŠros des comics amĂŠricains. Du 11 au 15 mai au ThÊâtre des Abbesses, www.theatredelaville-paris.com MAI 2010


Š Bruno Verjus

RESTOS

68 SORTIES EN VILLE

LE GOÛT DES AUTRES Les bonnes combines de Rino Rencontre avec le terroir mental de GIOVAnnI PASSERInI, belle nature et chef de Rino. Voyage en terres et en cuisine, à la dÊcouverte d’une juste philosophie. _Par Bruno Verjus (www.foodintelligence.blogspot.com)

Natif de Rome, Giovanni Passerini vient tout juste de s’enraciner rue Trousseau. Son restaurant, Rino, sis au numĂŠro 46, tutoie l’aromatique jardin public de la ville de Paris, oĂš chaque Candide s’applique Ă suivre Voltaire Ă la lettre, et cultive son jardin. La porte Ă peine franchie, l’on croise la cuisine. Brillante entrĂŠe en matières et mise en appĂŠtit. Tables de bois sombre, banquettes rouges, une vingtaine de couverts, ce sobre ĂŠcrin s’estompe en creux, aux facettes d’une cuisine lumineuse et subtile. Giovanni Passerini dĂŠbute son parcours par Cologne en Allemagne, puis Madrid. De retour Ă Rome, le voilĂ chef dans le mythique restaurant Uno e Bino. Puis Paris et Le Chateaubriand avec l’apprentissage de la ÂŤrock’n’roll attitudeÂť, L’Arpège et la ÂŤ mesure du geste Âť d’Alain Passard et enfin La Gazetta de Peter Nilsson. il y termine second, maĂŽtrisant la ÂŤ cuisine chaude, avec beaucoup de casseroles Âť, la cuisine de l’instant, du vif.

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De ses expĂŠriences passĂŠes, Giovanni a tirĂŠ une bibliothèque de goĂťts et de produits. il associe son italie romaine aux cĂŠrĂŠales. Les haricots, l’orge, le petit ĂŠpeautre, le riz, aimantent ses plats. Ainsi cette soupe de haricots se plaĂŽt Ă la douceur rĂŠtractĂŠe et frileuse des pissenlits Ă la poĂŞle. Ou ce risotto de petit ĂŠpeautre, enluminĂŠ des rayons odorants d’orties, d’artichauts et de pecorino. il apprĂŠcie et combine les saveurs qui conduisent Ă un lieu, une mĂŠmoire, un souvenir. ÂŤ Pour Rino, ouvert il y a quelques semaines, j’avais peu d’argent mais beaucoup d’envies, je pratique une cuisine de l’instant, qui frappe aux sens. Âť Les mots justes d’une cuisine de gai savoir. Ă€ l’enseigne de ces asperges au beurre d’orties et bulots, enivrĂŠes d’une vinaigrette de pollen de fleurs, rĂŠgalons-nous de cette nouvelle physiologie du goĂťt.

Rino, 46 rue Trousseau, 75011 Paris. TĂŠl. : 01 48 06 95 85

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Š Stanislas Zanko

LE PALAIS DE‌ ALAIN CHABAT

CHEZ JULIEN ET RACINES ÂŤ En ce moment, il y a deux restaurants oĂš j’aime particulièrement aller. Chez Julien, pour sa terrasse, un petit ĂŽlot de calme et de verdure en plein Paris. Très agrĂŠable, surtout en ĂŠtĂŠ. On y mange très bien, notamment un ris de veau Ă la Godard (rien Ă voir avec Jean-Luc) succulent. Bref, c’est beau, c’est bon, c’est cool. il y a aussi Racines, un resto Ă l’Êcart de l’agitation des Grands Boulevards avec une cuisine française tradi pas piquĂŠe des hannetons. Comme l’endroit est très petit, il vaut mieux rĂŠserver. Âť _Propos recueillis par P.R.-W.

Chez Julien, 1 rue du Pont-Louis-Philippe, 75004 Paris. Tel : 01 42 78 31 64 // Racines, 8 passage des Panoramas, 75002 Paris. Tel : 01 40 13 06 41 Lire l’interview d’Alain Chabat p.12

OĂ™ MANGER APRĂˆS‌ _Par B.V.

lA tÊtE En FRICHE Chez HAND (Have A Nice Day), pour se rÊconcilier avec la vie et les hamburgers. Cantine chic peuplÊe d’ampoules sur fond bleu, voilà pour l’horizon. Pour les têtes en friche, le poulet panÊ aux corn flakes et les milk-shakes ne manquent pas de relief, non plus. HAND, 39 rue de Richelieu, 75001 Paris. TÊl. : 01 40 15 03 27

lES MEIllEURS AMIS dU MOndE Au Restaurant (et oui ! il se nomme ainsi) pour l’ambiance cosy et dĂŠcontractĂŠe. Une carte aux prix assez doux Ă l’Êgal des artichauts poivrade et chèvre frais (10 â‚Ź) ou le tartare de bĹ“uf (18 â‚Ź). Le boire en pots de vins nature, pour cĂŠlĂŠbrer, en meilleurs amis du monde. Restaurant, 44 rue d’Assas, 75006 Paris. TĂŠl. : 01 45 44 44 44

BÊBÊS Chez FrÊdÊric Simonin, parce qu’il est jeune, beau et le fils spirituel de JoÍl Robuchon. D’ailleurs, l’on y retrouve avec bonheur la fameuse purÊe Robuchon, rÊgressive en diable et terriblement gourmande. La carte s’Ênonce en classiques maÎtrisÊs. Le charme d’un sourire de chÊrubin. FrÊdÊric Simonin, 25 rue Bayen, 75017 Paris. TÊl. : 01 45 74 74 74

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70 LA ChRONIQUE DE



abbas kIAROStAMI EN TROMPE-L’ŒIL Avec Copie conforme, ABBAS kIAROStAMI touche à la quintessence de l’art cinématographique. Filmant en Toscane l’histoire d’un couple qui se rencontre, le cinéaste explore les différents âges de la passion, à travers une narration vertigineuse et moderne, où la question du regard est obsédante. Sous l’œil de l’Iranien, JUlIEttE BInOCHE, exceptionnelle, explore toutes les facettes de l’éternel féminin. Avec la finesse et l’érudition qui leur sont propres, le réalisateur et la comédienne ont évoqué pour nous ce film, parmi les plus beaux de la sélection cannoise.

© Marion Stalens

_Propos recueillis par Sandrine Marques et Auréliano Tonet, traduits du Farsi par Massoumeh Lahidji



74 COPIE CONFORME /// ABBAS KIAROSTAMI

TOiLE

de maĂŽtre

Q

Un film d’Abbas Kiarostami // Avec Juliette Binoche, William Shimell‌ // Distribution : MK2 Diffusion // France, 2009 En sÊlection officielle au Festival de Cannes 2010 Sortie le 19 mai

uelle est la genèse de Copie conforme ? Abbas kiarostami : Juliette Binoche ĂŠtait en visite Ă TĂŠhĂŠran et de retour d’une soirĂŠe, je ne sais pas ce qui m’a pris, j’ai commencĂŠ Ă lui raconter une histoire qui, Ă l’origine, ĂŠtait simple, courte, linĂŠaire. Au fur et Ă mesure que je la racontais, Juliette manifestait une rĂŠaction très positive. Elle ĂŠtait complètement transportĂŠe et son enthousiasme nourrissait mon rĂŠcit. RĂŠtrospectivement, je peux dire que le scĂŠnario s’est ĂŠcrit Ă ce moment-lĂ . Elle m’a dit : ÂŤ Pourquoi n’en fais-tu pas un film?Âť Je lui ai rĂŠtorquĂŠ que j’avais commencĂŠ Ă envisager un autre projet, intitulĂŠ Père et fils. Elle m’a dit de le mettre en suspens pour faire ce film-lĂ , et qu’elle jouerait dedans. On a pris deux bouts de papier et on a fait semblant de rĂŠdiger un contrat. On a mĂŞme signĂŠ de nos empreintes digitales. On ne se doutait pas que cette blague allait devenir sĂŠrieuse et donner un film. C’est le premier long mĂŠtrage de fiction que vous filmez hors d’Iran, en parallèle de documentaires tournĂŠs Ă l’Êtranger comme ABC Africa (2001). En quoi ce dĂŠplacement renouvelle-t-il votre cinĂŠma ? Je ne crois pas que tourner en italie ait changĂŠ quoi que ce soit Ă mon geste artistique. Je suis mĂŞme sĂťr que ce n’est pas le cas : si le lieu et la langue ĂŠtaient nouveaux pour moi, le film et ses personnages m’Êtaient familiers. Quand j’ai ĂŠcrit ce scĂŠnario, je tenais Ă ce qu’il soit dĂŠpourvu de tout particularisme oriental. Je voulais que ces personnages et leurs dialogues soient universels. Pour ce qui est de l’expĂŠrience de tourner Ă l’Êtranger, il y avait certes eu le documentaire ABC Africa mais aussi ce film court qui fait partie d’un triptyque, Tickets [film collectif cosignĂŠ par Abbas Kiarostami, Ken Loach et Ermanno Olni, tournĂŠ en Italie et sorti en 2005, ndlr], qui m’avait servi de galop d’essai, dans une certaine mesure. Vous dites que vous ne vouliez pas de particularisme oriental dans votre film, mais l’un de vos personnages cite un poème

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Š Laurent Thurin Nal / MK2

ABBAS KIAROSTAMI /// COPIE CONFORME 7

persan. Quel est le sens de cette citation et pourquoi avez-vous choisi de l’insĂŠrer ? Dans mon film, je voulais m’attarder sur ce qui nous unit entre l’Est et l’Ouest et relève d’une culture commune. Mais dès lors qu’un iranien est derrière la camĂŠra, il y a quelque chose de nĂŠcessairement oriental dans le film. Le poème en question est de Mehdi Akhavan Sales, un grand poète iranien mort il y a une dizaine d’annĂŠes. Le vers vient tout naturellement au cours d’un dialogue. James est en train de parler de l’Êvolution de la vie amoureuse et dit : ÂŤ Le jardin du dĂŠpouillement, qui ose nier sa beautĂŠ ? Âť C’est une vision du monde et de l’amour spĂŠcifique Ă l’Orient. Elle signifie qu’une fois que le printemps et l’ÊtĂŠ sont passĂŠs, c’est-Ă -dire la passion, on arrive Ă une nouvelle phase de la relation amoureuse. Moins forte, elle a sa propre beautĂŠ parce qu’elle est conforme Ă la nature. Je n’ai qu’un Dieu, je n’ai qu’un maĂŽtre : c’est la nature. Donc Ă partir du moment oĂš une beautĂŠ trouve son ĂŠcho dans la nature, elle ĂŠclot Ă mes yeux. Et il me semble que l’hiver est une saison extrĂŞmement belle mĂŞme si on n’y trouve ni fruits, ni fleurs. le film a ĂŠtĂŠ tournĂŠ en toscane, dont les paysages splendides sont ĂŠtonnamment discrets dans le film, surtout au regard de votre filmographie, qui laisse une large place aux dĂŠcors naturels. Pourquoi ce choix ? Cette absence de paysages s’explique par la prĂŠsence de la nature humaine. Montrer une autre nature aurait ĂŠtĂŠ hors sujet. Je ne voulais pas faire diversion et rester sur l’objet qui est le mien dans ce film. C’est la première fois que vous mettez en scène un couple d’amants. Pourquoi rĂŠaliser un film sur l’intime Ă ce moment prĂŠcis de votre carrière ? Je ne sais pas, c’est arrivĂŠ. Ce n’est jamais moi qui vais chercher un sujet, en me disant que c’est le bon moment pour le filmer. Quelque chose se loge dans mon esprit et le meilleur moyen de m’en dĂŠbarrasser est de faire un film. Maintenant, il doit y avoir des raisons profondes, je ne le nie pas, mais je n’en suis pas conscient. hafez, le plus grand poète d’iran et mĂŞme peut-ĂŞtre de tout l’Orient, dit :

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lES REPROdUCtIOnS‌ ‌ d’ABBAS kIAROStAMI Si Copie conforme multiplie les reflets (dans les vitres, les miroirs, entre les personnages et les gĂŠnĂŠrations‌), c’est tout le cinĂŠma de Kiarostami qui convoque les figures de l’original et de sa reproduction : reconstitution de faits divers existants (Et la vie continue, Close-up‌), dialogue constant entre documentaire et fiction (acteurs non professionnels, utilisation de camĂŠras numĂŠriques lĂŠgères et discrètes‌), confrontation entre le monde et sa reprĂŠsentation cinĂŠmatographique par la mise en abyme du tournage (Au travers des oliviers). Dans la lignĂŠe de l’expĂŠrimental Shirin, qui s’intĂŠressait davantage Ă la rĂŠception d’une Ĺ“uvre par ses spectatrices qu’à l’œuvre elle-mĂŞme, Copie conforme s’amuse des apparences trompeuses et interroge : ÂŤ La copie a-t-elle plus de valeur que l’original?Âť MĂŞme s’il est illusoire ou fictionnel, le cinĂŠma de Kiarostami redonne un sens Ă la rĂŠalitĂŠ : il l’absorbe pour mieux la questionner. _J.R.

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76 COPIE CONFORME /// ABBAS KIAROSTAMI

ÂŤSache apprĂŠcier la valeur du fruit du hasard.Âť ici, le fruit du hasard, c’est l’histoire que j’ai racontĂŠe Ă une amie qui se trouve ĂŞtre une actrice. il suffit que cet instant advienne, pour que la moitiĂŠ du film existe. la question du regard et de sa subjectivitĂŠ se manifeste dans la scène oĂš l’on pense qu’un couple se querelle, alors que l’homme est en fait au tĂŠlĂŠphone. ne pas se fier aux apparences, tel semble ĂŞtre le credo de Copie conforme. Cette question du point de vue ĂŠtait dĂŠjĂ au cĹ“ur de votre prĂŠcĂŠdent long mĂŠtrage, Shirin, sorti en dĂŠbut d’annĂŠe, oĂš vous filmiez le visage de diffĂŠrentes actrices durant la projection d’un film‌ Tout pour moi se rapporte au regard. Je crois que vous en ĂŞtes vous-mĂŞme tĂŠmoins, chaque jour de votre vie. il y a des gens qui savent regarder, d’autres pas. Et quand je dis ÂŤ regarder Âť, c’est au sens profond du terme. Tout ce que j’ai pu faire dans ma vie, ce n’est que grâce Ă mon regard. Sinon, j’aurais dĂť travailler de mes mains. Or, aujourd’hui, très souvent

copies ont une valeur extrĂŞmement ĂŠlevĂŠe, dans la mesure oĂš elles nous rendent l’original accessible. Après tout, c’est ce dĂŠsir de copier qui a donnĂŠ lieu Ă l’imprimerie. Si elle n’avait pas existĂŠ, les grandes Ĺ“uvres littĂŠraires auraient ĂŠtĂŠ des trĂŠsors cachĂŠs, accessibles aux seuls membres de la famille des auteurs. il y a ces trĂŠsors cachĂŠs et cette petite monnaie qui nous permet de les dĂŠcouvrir. Ă€ l’origine du film, je me suis rĂŠfĂŠrĂŠ Ă cette phrase de Nietzsche qui dit : ÂŤ Tâche que la valeur de l’œuvre soit dans ton regard. Âť Cette disposition dĂŠpasse l’œuvre d’art : c’est une philosophie de vie. le cinĂŠma est un lieu d’expĂŠrimentation pour vous. Que ce soit Ă travers votre utilisation du numĂŠrique (Ten) ou vos dispositifs innovants (Shirin). Ici, vous introduisez, au sein d’une mise en scène classique, une vraie modernitĂŠ. Pourquoi ? Ă€ vrai dire, la narration me fatigue. Je n’ai pas envie de raconter une histoire de façon linĂŠaire. Ce choc, cet hapax au milieu du film, est le moyen de susciter

ÂŤ JE N’Ai QU’UN DiEU, JE N’Ai QU’UN MAĂŽTRE : C’EST LA NATURE. Âť mes mains sont inoccupĂŠes. Je gagne mon pain grâce Ă mon regard. la copie a longtemps ĂŠtĂŠ suspecte dans la philosophie des origines : Platon la rejette, en raison de sa faussetĂŠ. Mais Gilles deleuze la rĂŠhabilite dans son ouvrage Logique du sens (1969). Pour lui, elle a une valeur poĂŠtique. Elle est la part immortelle du modèle original, sa rĂŠinterprĂŠtation sensible et lyrique. Qu’en pensez-vous ? Je me reconnais dans ces deux postures. Dans mon film, la question de la conformitĂŠ Ă l’original est un prĂŠtexte pour s’adonner Ă une rĂŠflexion sur la nature humaine. Ce n’est pas, en soi, une rĂŠflexion sur l’art. Et pourtant, je suis très touchĂŠ par l’analyse de Deleuze. J’y trouve un ĂŠcho particulier, dans la mesure oĂš je suis intimement persuadĂŠ que ce sont les copies qui permettent la diffusion de l’art. Les

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un regain de curiositĂŠ chez le spectateur. Par ailleurs, la dimension temporelle m’interpellait dans l’histoire de ce couple. Je voulais revenir quinze ans en arrière. J’aurais pu utiliser les moyens habituels : le maquillage, des intertitres, un flash-back mais ce n’est pas le cinĂŠma qui m’intĂŠresse. L’idĂŠe ĂŠtait d’injecter un sang nouveau dans le film. Vous multipliez les reflets et les surimpressions. Que souhaitiez-vous exprimer avec ces compositions? C’est un choix de prise d’images et de montage. Je n’aime ni les coupes, ni les champs-contrechamps. Quand la prĂŠsence de l’autre se manifeste, que sa voix est perçue, je veux qu’il soit lĂ dans un autre plan et cet autre plan, c’est un miroir, une vitre, un reflet qui me le donnent. C’est ce qui permet de crĂŠer une perspective qui est celle de la rĂŠalitĂŠ. Le cinĂŠma ne fait que reflĂŠter la vie. il y a un poème qui dit :

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ABBAS KIAROSTAMI /// COPIE CONFORME 77

ÂŤ TOUT POUR MOi SE RAPPORTE AU REGARD. Âť

Š Laurent Thurin Nal / MK2

ÂŤ Une ombre survient, voici la preuve de l’existence du soleil. Âť Je prĂŠfère m’intĂŠresser aux ombres, plutĂ´t que de tourner mon regard directement vers le soleil. Ainsi, je suis plus fidèle Ă la rĂŠalitĂŠ pluridimensionnelle de la vie. Votre film rend-t-il hommage Ă Voyage en Italie de Roberto Rossellini (1951) ? Oui, il y a peut-ĂŞtre un lien, en tout cas pour ce qui concerne ce voyage en voiture dans des paysages italiens. Ce film a peut-ĂŞtre marquĂŠ si profondĂŠment mon inconscient que je me suis dit que j’allais en produire une copie pour voir si elle pouvait ĂŞtre conforme. Copie conforme peut-il ĂŞtre vu comme une ÂŤcomĂŠdie du remariageÂť, au sens oĂš l’entendait le philosophe amĂŠricain Stanley Cavell (un couple tente de se reformer après une ĂŠpreuve ou une sĂŠparation, Ă la recherche d’un bonheur diffĂŠrent) ? Pour l’instant, je n’ai aucune opinion sur mon film : j’en suis encore le technicien. il est trop près de moi. D’autant plus que je suis presbyte, je vois flou. Je dois donc prendre un peu de recul pour arriver Ă le voir distinctement. trois âges du couple cohabitent dans le film, incarnĂŠs par les diffĂŠrents conjoints que l’on y croise. ĂŠtait-ce une manière pour vous de signifier que vos hĂŠros sont Ă une ĂŠtape mĂŠdiane de leur histoire ? Ce n’Êtait pas conscient de ma part de vouloir montrer les trois ĂŠtapes d’une vie amoureuse, mais en effet, maintenant que vous le dites, c’est vraiment ainsi que je l’ai conçu. Une histoire n’a d’intĂŠrĂŞt que dans la reproduction et la rĂŠpĂŠtition. Elle prend alors une valeur de parabole, de vĂŠritĂŠ gĂŠnĂŠrale. Si l’on ne s’attache qu’à l’homme et Ă la femme, cette histoire est strictement anecdotique. Quand vous voyez ce jeune couple de mariĂŠs, vous vous dites que le chemin qu’il entreprend est tortueux. Sur ce chemin, il y a mes hĂŠros, Ă mi-parcours, et les vieillards, en bout de course. C’est sans doute les trois ĂŠtapes de ce voyage-lĂ que j’ai voulu montrer. Pour progresser sur cette route avec le moins de heurts, d’Êchecs et de blessures possible, l’attention que l’on porte Ă l’autre est essentielle. l’enfant dans votre cinĂŠma est souvent un messager ou un mĂŠdiateur, au centre de rĂŠcits initiatiques, comme OĂš est la maison de mon ami ? (1987). dans Copie conforme, l’adolescent est ironique et empĂŞche sa mère de se rapprocher de l’homme. Il fait penser, sur un mode moins extrĂŞme, Ă l’enfant tyrannique qui ouvre Ten (2002). Votre façon de filmer l’enfance a-telle ĂŠvoluĂŠ avec le temps ?

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PAS dE dEUx Abbas Kiarostami a souvent filmĂŠ des duos, qui exacerbent des rapports de domination. EmblĂŠmatique de son cinĂŠma de l’enfance, la relation maĂŽtreĂŠlève (OĂš est la maison de mon ami ?) stigmatise les archaĂŻsmes autoritaristes d’une sociĂŠtĂŠ patriarcale qui volent en ĂŠclats avec le fĂŠministe Ten. Dans ce film, une mère s’oppose Ă son jeune fils tyrannique, tandis que dans l’habitacle-gynĂŠcĂŠe de la voiture des inconnues se succèdent. Sans cesse reconduit sur le mode itĂŠratif propre au cinĂŠaste, le duo fĂŠminin tĂŠmoigne de la domination masculine dont ces femmes font l’objet. S’il filme pour la première fois un couple mariĂŠ dans Copie conforme, l’auteur iranien avait dĂŠjĂ abordĂŠ la problĂŠmatique amoureuse dans Au travers des oliviers, oĂš un maçon voyait l’objet de son affection se dĂŠrober Ă ses avances. Le duo amoureux, chez Kiarostami, repose sur cette idĂŠe d’un autre qui nous ĂŠchappe toujours un peu. _S.M.

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78 COPIE CONFORME /// ABBAS KIAROSTAMI

Š Laurent Thurin Nal / MK2

ÂŤ JE SUiS iNTiMEMENT PERSUADÉ QUE CE SONT LES COPiES QUi PERMETTENT LA DiFFUSiON DE L’ART. Âť kIAROStAMI‌ ‌ CĂ´tĂŠ CAnnES Avec Copie Conforme, sĂŠlectionnĂŠ en compĂŠtition officielle, Abbas Kiarostami dĂŠbarque sur la Croisette en terrain connu : accueilli avec enthousiasme depuis 1990 dans tous les festivals internationaux, le cinĂŠaste est un habituĂŠ de Cannes. Membre du jury Ă trois reprises, il y prĂŠsente dix films, dont trois en compĂŠtition, et reçoit la Palme d’or en 1997 pour Le GoĂťt de la cerise, film interdit en Iran jusqu’à la veille de la remise des prix. Paradoxe, donc, d’un cinĂŠaste applaudi par l’internationale cinĂŠphile, mais profondĂŠment ancrĂŠ dans un pays oĂš il a choisi de rester après la rĂŠvolution islamique, en dĂŠpit des contraintes dictĂŠes par le nouveau rĂŠgime. En cela, Copie conforme marque une ĂŠvolution : pour son premier long mĂŠtrage de fiction rĂŠalisĂŠ hors d’Iran, Kiarostami fait enfin coĂŻncider son lieu de tournage et son statut d’auteur universellement reconnu. Et quel cadre plus idoine que Cannes pour consacrer ce dĂŠracinement ?

Je pense que mon rapport Ă l’enfance n’a pas ĂŠvoluĂŠ et qu’il n’y a pas de diffĂŠrence entre l’enfant mĂŠdiateur et l’enfant obstacle. C’est une question de regard : le mĂŠdiateur peut ĂŞtre vu comme un obstacle ĂŠgalement. Bien qu’on voie très brièvement l’enfant au dĂŠbut de Copie conforme, il est très prĂŠsent jusque dans les derniers mots que prononce le personnage de Juliette Binoche. Elle demande Ă l’homme de rester car c’est mieux pour eux trois. Je n’ai pas vu le film sous-titrĂŠ en persan et je ne sais plus si on a choisi de l’expliciter ou pas. La prĂŠsence de l’enfant est essentielle et quand vous disiez qu’il y avait dans le film trois gĂŠnĂŠrations, en fait il y en a quatre. Vous avez rĂŠcemment mis en scène un opĂŠra de Mozart, CosĂŹ fan tutte, avec le baryton William Shimel. Pourquoi l’avoir choisi pour donner la rĂŠplique Ă Juliette Binoche ? William Shimel ĂŠtait l’acteur idĂŠal principalement parce que cet homme dans le film est un inconnu au dĂŠbut et qu’il le reste Ă la fin. il convient parfaitement au personnage car il a le bon profil physique : il est plutĂ´t sĂŠduisant, a le bon âge et est crĂŠdible en ĂŠcrivain un peu tĂŠnĂŠbreux. Avec un acteur connu, il faut se dĂŠbarrasser de tout ce qu’on sait de lui pour l’apprĂŠcier dans le rĂ´le. Vous venez de rĂŠaliser deux films très fĂŠminins : Ten et Shirin, oĂš Juliette Binoche faisait d’ailleurs une apparition. dans Copie Conforme, elle donne son rythme au rĂŠcit. Qu’apprĂŠciez-vous chez cette grande comĂŠdienne ? Juliette Binoche a beau ĂŞtre une grande star internationale, j’ai travaillĂŠ avec elle avec toute la dĂŠcontraction que l’on rencontre avec un acteur non professionnel. Elle est venue sur le plateau, riche de toute son expĂŠrience qu’elle a mise de cĂ´tĂŠ. Elle a davantage puisĂŠ dans son vĂŠcu de femme que dans ses prĂŠcĂŠdents rĂ´les. Je crois qu’il faut garder cette fraĂŽcheur, se dire que chaque nouvelle expĂŠrience est une première fois.

_A.L. et A.T.

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Š Christian Kettiger / H&K


JULIETTE BINOCHE /// COPIE CONFORME 81

ACTRiCE modèle

Abbas Kiarostami a trouvĂŠ en JUlIEttE BInOCHE la muse de Copie conforme, son nouveau chef-d’œuvre. Impressionnante de force et d’Êmotion, l’actrice bouleverse dans le rĂ´le d’une femme blessĂŠe qui tente de reconquĂŠrir l’homme qui s’est ĂŠloignĂŠ d’elle. Pour nous, cette artiste complète revient sur sa collaboration avec le maĂŽtre du cinĂŠma iranien, mais aussi sur sa relation Ă la crĂŠation : des propos comme une inspiration. _Propos recueillis par Sandrine Marques

Q

uels sont les films d’Abbas kiarostami qui vous ont donnĂŠ envie de rejoindre son univers ? Tous ses films me plaisent. Que ce soient les tout premiers en noir et blanc ou les plus rĂŠcents comme Five, qui est une peinture en mouvance. Mais c’est surtout sa personne et notre connexion particulière qui m’ont donnĂŠ envie de faire un film avec lui.

Avez-vous ĂŠtĂŠ sensible Ă la modernitĂŠ du dispositif de Copie conforme, Ă la croisĂŠe de plusieurs arts – comme vous, comĂŠdienne, artiste plasticienne et danseuse ? Je n’envisage pas un film par rapport Ă sa modernitĂŠ, mais en fonction de la sensibilitĂŠ et de la vision qu’il dĂŠveloppe. C’est ce qui crĂŠe chez moi le dĂŠsir d’une forme artistique Ă partager. Cette idĂŠe de modernitĂŠ m’est ĂŠgale car de toute façon, elle fluctue. Un repère qui change n’est plus un repère. dans Copie conforme, il y a cette idĂŠe que la valeur d’une Ĺ“uvre est subjective. Qu’en pensez-vous ? Le regard fait la vie de l’œuvre. Mais ce que vit l’artiste quand il la façonne n’est pas nĂŠgligeable, parce qu’il vit une transformation, au moment oĂš il crĂŠe. Et cette transformation peut ĂŞtre un but dans

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JUlIEttE BInOCHE... ‌ En tOURnAGE Courant avril, la star internationale Juliette Binoche a rejoint le tournage à New York de Son of No One de Dito Montiel avec Channing Tatum, Al Pacino et Katie Holmes. Dans ce thriller, elle joue une femme reporter, petite amie d’un policier au passÊ trouble :  C’est un film choral. Nous avons ÊtÊ invitÊs à participer quelques jours au tournage, sauf Channing Tatum qui tient le rôle principal , commente-t-elle. L’ÊtÊ prochain, on la retrouvera avec plaisir en France pour le premier coup de manivelle de Sponsoring de Malgorzata Szumowska, l’histoire sulfureuse d’une femme qui enquête sur la prostitution chez les Êtudiantes et dÊcouvre, non pas un monde de dÊtresse, mais un moyen pour ces jeunes filles d’Êchapper à leur condition sociale. Anaïs Demoustier donnera la rÊplique à Juliette Binoche, plus Êclectique que jamais. _S.M.

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Š Laurent Thurin Nal / MK2

82 COPIE CONFORME /// JULIETTE BINOCHE

l’art. Une œuvre prend toute sa valeur quand elle a une action sur nous. Si elle ne transforme plus, elle l’a perdue. diriez-vous qu’en art, la copie est supÊrieure à l’original, comme l’Êvoque le film ? Ce qui est supÊrieur, c’est l’Êtat dans lequel on entreprend les choses. C’est cette connexion à l’invisible, à ce qui n’est pas palpable, qui donne à une œuvre sa beautÊ. Et pourquoi la copie ne pourrait-elle pas être plus vibrante que l’original ? C’est une possibilitÊ.

danse contemporaine, avec le chorÊgraphe Akram khan, a enrichi votre jeu ? La danse a certainement influencÊ mon jeu dans ce film ; je me souviens qu’en sortant de certaines prises, j’avais la sensation intÊrieure d’avoir bougÊ, à un niveau plus Êmotionnel que physique. Je me disais :  Waouh, j’ai voyagÊ !  Donc cette immobilitÊ – être assise en face de son partenaire au cours d’une prise assez longue – fait qu’un corps  autre  doit vivre. Et puis, il y avait beaucoup de texte et il valait mieux qu’il soit vivant. Sinon, vous le dÊblatÊrez. il faut qu’il soit vÊcu et transformÊ par le corps.

ÂŤ POURQUOi LA COPiE NE POURRAiT-ELLE PAS ĂŞTRE PLUS ViBRANTE QUE L’ORiGiNAL ? Âť dans la scène critique du restaurant, vous ĂŞtes impressionnante, passant de la sĂŠduction Ă la blessure. Comment l’avez-vous travaillĂŠe ? Ă€ un moment donnĂŠ, je lâche quand je joue. Tout est lĂ . C’est une histoire de confiance. il suffit d’être Ă l’Êcoute. Comme mon personnage n’a pas de prĂŠnom – elle s’appelle ÂŤElleÂť –, j’avais des ĂŠmotions universelles Ă exprimer face Ă mon partenaire : le sentiment d’abandon, les reproches, ĂŞtre dans l’attente de cet amour qui ne vient pas. La simplicitĂŠ de la situation aide aussi : il n’y a personne pour nous servir. Ă€ cĂ´tĂŠ se tient un mariage, et notre couple Ă nous est blessĂŠ et a faim, si j’ose dire. Le contexte nous mettait dĂŠjĂ dans une certaine quintessence. Votre personnage est au bord du dĂŠsĂŠquilibre en permanence. Est-ce que votre expĂŠrience de la

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la mise en espace des corps a une vraie importance dans le film. Comment l’avez-vous articulĂŠe avec Abbas kiarostami ? Tout ĂŠtait dĂŠjĂ dessinĂŠ. Le premier jour des rĂŠpĂŠtitions, Abbas nous a passĂŠ un DVD. En fait, il ĂŠtait allĂŠ en repĂŠrage sur le lieu du tournage et avait filmĂŠ tous les endroits oĂš nous devions jouer. Ce DVD dĂŠmarrait Ă l’extĂŠrieur du village oĂš nous allions ensuite entrer en voiture, avec tous les paysages extĂŠrieurs qui dĂŠfilaient, pour finir dans la chambre Ă coucher. Visualiser ces dĂŠcors m’a permis d’apprĂŠhender l’Êtat ĂŠmotionnel de mon personnage. ExtrĂŞmement volontaire au dĂŠpart, elle doit lâcher au fur et Ă mesure. Jusqu’à cette scène dans la chambre oĂš elle se laisse regarder, aimer peut-ĂŞtre. Comme un animal ĂŠpuisĂŠ, elle s’abandonne sur le lit , mĂŞme si la fin est comme une renaissance pour le couple.

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ÂŤ UNE Ĺ“UVRE PREND TOUTE SA VALEUR QUAND ELLE A UNE ACTiON SUR NOUS. Âť Votre personnage ĂŠvoque celui d’Ingrid Bergman dans Voyage en Italie de Rossellini. Vous a-t-elle inspirĂŠe ? Non, je n’ai pas spĂŠcialement pensĂŠ Ă elle, mĂŞme si je connais bien le film que j’ai vu plusieurs fois. Mais on est tous amoureux de l’italie et de ses actrices. il y a chez elles une vie, un jeu Ă bras-lecorps qui s’Êlance et passe Ă travers le corps. Je me suis davantage inspirĂŠe d’Anna Magnani pour sa douleur et son incroyable prĂŠsence. On ne peut qu’être transformĂŠ par elle. Ă€ la fin de Copie conforme intervient une rĂŠvĂŠlation, presque au sens mystique du terme, matĂŠrialisĂŠe par les cloches qui sonnent. Est-ce qu’elles scellent selon vous la rĂŠconciliation du couple ? Non, pas forcĂŠment. C’est une fin ouverte. On ne sait pas. En tout cas, l’homme a du mal Ă dire ÂŤ oui Âť. il est plein de mĂŠfiance, de malaise. Ă€ la fois, il est sĂŠduit, touchĂŠ, mais ça ne veut pas forcĂŠment dire qu’il a envie de s’engager. Chaque personnage est renvoyĂŠ Ă lui-mĂŞme, selon un jeu de miroirs. Ă€ la fin, la femme devient beaucoup plus douce. Elle n’essaye plus de faire dire ÂŤ oui Âť Ă l’homme. Son dĂŠsir incessant de vouloir atteindre l’autre est presque ĂŠpuisant. Abbas m’avait dit qu’à la fin, la femme est gagnante quelque part car elle prend le risque de s’abandonner Ă l’Êmotion, Ă ses dĂŠsirs, de s’humilier mĂŞme. Elle ne dĂŠmantèle pas la situation par l’intellect. l’enfant dĂŠstabilise la possible reconstruction du couple. Comment avez-vous envisagĂŠ les scènes avec lui ? Je n’ai pas beaucoup travaillĂŠ avec le jeune Adrian Moore. il avait dĂŠjĂ collaborĂŠ avec Abbas Kiarostami, qui nous avait demandĂŠ de ne pas nous rencontrer avant. Mais nous nous sommes vus une fois nĂŠanmoins, ce qui ĂŠtait bien pour le rassurer et rĂŠgler certains dĂŠtails du texte. il y a une part Ă abandonner au moment du tournage mais l’enfant lui, ĂŠtait naturellement juste. De manière gĂŠnĂŠrale avec mes partenaires, je joue toujours avec l’enfant qui est en eux. Ă€ tous les âges, ÂŤ l’enfant Âť est prĂŠsent.

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WIllIAM SHIMEll ‌ ‌ HORS CHAnt En 2008, Abbas Kiarostami met en scène CosĂŹ fan tutte au Festival d’art lyrique d’Aix en Provence. Il y dirige le cĂŠlèbre baryton anglais William Shimell, acclamĂŠ pour ses interprĂŠtations sur les scènes de la Scala de Milan, de l’opĂŠra Bastille ou du Staatsoper de Vienne. Kiarostami convainc Shimell d’accepter le rĂ´le de James dans son nouveau film, Copie conforme – une première pour le baryton, très intimidĂŠ Ă l’idĂŠe de donner la rĂŠplique Ă l’immense Juliette Binoche. L’actrice raconte : ÂŤ William avait appris le scĂŠnario par cĹ“ur, mais je l’ai mis en garde contre ces idĂŠes trop structurĂŠes qu’on peut avoir avant de jouer. Je lui ai proposĂŠ d’autres façons de voir et d’exploiter les brisures qu’il avait peut-ĂŞtre au fond de lui. Ça a ĂŠtĂŠ un vrai rĂŠvĂŠlateur. Âť Une nouvelle voix pour William Shimell, Ă tomber dans ce rĂ´le d’intello insaisissable et tĂŠnĂŠbreux. _J.R.

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Š Brigitte Lacombe – graphic design Annick Durban

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ÂŤ EN SORTANT DE CERTAiNES PRiSES, JE ME DiSAiS : “WAOUH, J’AI VOYAGÉ !â€? Âť dU PInCEAU Ă€ lA CAMĂŠRA Plus qu’un film, Juliette Binoche partage avec Abbas Kiarostami une passion pour la peinture, depuis son enfance. Ă€ l’occasion du projet transdisciplinaire Jubilations, ses travaux inĂŠdits ont ĂŠtĂŠ exposĂŠs Ă travers le monde, en 2009. Soient 68 encres au total, comprenant 34 portraits de rĂŠalisateurs, mais ĂŠgalement 34 autoportraits de personnages qu’elle a interprĂŠtĂŠs Ă l’Êcran, regroupĂŠs dans le livre Portraits In-Eyes. L’actrice y pose un regard intime sur les grandes rencontres de sa carrière cinĂŠmatographique. Par ailleurs, elle a ĂŠlaborĂŠ l’affiche des Amants du Pont-Neuf et celle des Enfants du siècle. En toute logique, c’est sur celle du 63e Festival de Cannes qu’on la retrouve en ĂŠgĂŠrie de la manifestation, pinceau ĂŠtincelant Ă la main, signant la conjonction parfaite de deux arts de la lumière. _S.M.

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Il y a une sensualitĂŠ propre au sud de la toscane, qui exacerbe d’autant plus la tension entre les deux anciens amants. Qu’en pensez-vous ? La situation avec l’homme fait que mon personnage a un besoin de se rĂŠvĂŠler au fĂŠminin. Le dĂŠcor est un vrai catalyseur de son manque. J’ai une relation particulière Ă l’italie : j’y ai tournĂŠ Le Patient anglais et le rĂŠalisateur Anthony Minghella n’est plus de ce monde. De fait, mon rapport Ă ce pays est Ă la fois nostalgique et familier. ĂŞtre tous regroupĂŠs dans ce village italien ĂŠtait très confortable. Nous nous croisions souvent. C’Êtait un village ÂŤ cocon Âť, construit en forme d’escargot derrière ses murs du Moyen Ă‚ge. Mais ce qui m’a tenue, c’est l’Êtat intĂŠrieur dans lequel j’Êtais, ce vers quoi je devais aller pour qu’il y ait une vĂŠritĂŠ Ă chaque moment et pour que cette idĂŠe de couple puisse ĂŠmerger en chacun de nous ensuite. Ce couple, prĂŠcisĂŠment, est universel et interroge l’Ênigme de l’amour‌ Qu’est-ce qu’on cherche chez l’autre? Pourquoi essayer encore et encore ? Ce besoin de fĂŠminin-masculin est symbolisĂŠ par l’homme et la femme mais cette idĂŠe au fond de nous est encore plus cachĂŠe que cela : c’est un amour infini, un idĂŠal que le couple peut ressentir mais n’arrive pas Ă vivre, parce que l’autre n’est jamais assez Ă la hauteur de cet infini. L’homme est ĂŠtriquĂŠ dans ses idĂŠes et sa conception du couple. Abbas a voulu confronter la rationalitĂŠ de l’homme Ă l’Êmotion de la femme. Ses deux façons d’aborder ÂŤ un autre soi Âť provoquent forcĂŠment un clash, mais c’est ce qui permet d’Êvoluer, de se dĂŠpasser dans le meilleur des cas ! Copie conforme parle de l’union et de ses illusions – Abbas sort de cette idĂŠe de mariage avec une blessure. Le besoin d’unitĂŠ, on l’aura toujours en nous. Mais il n’est pas satisfaisant dans le film. C’est comme si on avait deux cĹ“urs : l’un ĂŠmotionnel, l’autre infini. Le cĹ“ur ĂŠmotionnel nous permet de nous mettre en relation avec le cĹ“ur infini. Dans le mariage, il y a cette idĂŠe naĂŻve qu’on se ressemble, qu’on ne fait qu’un. Un vrai mariage repose sur l’individualitĂŠ.

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CAnnES FAiT SA MUE

Le 63e Festival de Cannes marque une ĂŠvolution dans son histoire que soulignent les diffĂŠrentes polĂŠmiques qui l’agitent. Avec un fort ancrage politique, la sĂŠlection accueille des formats tĂŠlĂŠvisuels et dynamite la ligne de partage entre les diffĂŠrents supports de diffusion. Pas ĂŠtonnant alors que les mondes virtuels et l’adolescence soient les traits saillants cette annĂŠe d’un Festival lui-mĂŞme Ă l’âge des transitions. _Par Sandrine Marques

LÊa Seydoux dans Petit Tailleur de Louis Garrel Š MK2



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l est de bon ton d’accueillir l’annonce de la sĂŠlection cannoise avec la morgue d’un festivalier blasĂŠ, qui la commentera sur le mode ÂŤ toujours les mĂŞmes Âť. Les mĂŞmes ? Ce sont ces auteurs, autrement dit les ÂŤ habituĂŠs Âť, qui cumulent les sĂŠlections comme les points retraite, au fil des annĂŠes. L’Êdition 2010 aurait pu ĂŞtre sanctionnĂŠe par cette sentence rĂŠcurrente, puisque Woody Allen (You Will Meet a Tall Dark Stranger), Mike Leigh (Another Year) ou encore Stephen Frears (Tamara Drewe) vont de nouveau gravir les marches. Mais ce jugement manquerait de relief. Plusieurs indicateurs attestent qu’un vent nouveau secoue les palmes par trop acadĂŠmiques de la Croisette. Ă€ commencer par la panique des organisateurs: jury et films en compĂŠtition incomplets jusqu’à la dernière minute, querelle des anciens et des modernes au sein de l’Êquipe de programmation concernant la prĂŠsence en compĂŠtition de la sĂŠrie Carlos d’Olivier Assayas, produite par et pour Canal +. Le protocole a transigĂŠ : le biopic sur le terroriste le plus emblĂŠmatique du xxe siècle va ĂŞtre prĂŠsentĂŠ lors d’une sĂŠance spĂŠciale, hors compĂŠtition, simultanĂŠment Ă sa diffusion sur la chaĂŽne cryptĂŠe le 19 mai prochain. ÉCRAN TOTAL Dans le mĂŞme temps, l’inlassable chercheur de formes qu’est Jean-Luc Godard, prĂŠsent au Certain Regard, envisagerait de penser autrement la diffusion de son Film Socialisme, en plus des circuits traditionnels. DĂŠmultiplier les ĂŠcrans, c’est ce que les rĂŠalisateurs entreprennent cette annĂŠe, en plaçant l’ordinateur ou la tĂŠlĂŠvision au centre de leurs rĂŠcits. Trois films explorent les mondes virtuels. CĂ´tĂŠ français, Gilles Marchand plonge Louise Bourgoin et Melvil Poupaud dans L’Autre Monde, c’est Ă dire un jeu vidĂŠo dĂŠlĂŠtère oĂš l’on meurt avec son partenaire. Au Certain Regard, le Japonais hideo Nakata dĂŠcrit dans Chatroom l’influence morbide qu’un administrateur de forum exerce sur les adolescents

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de son âge. Quant au NĂŠerlandais David Verbeek, il suit un gamer professionnel, incapable de nouer une relation en dehors de l’univers de Second Life, oĂš sĂŠvit son avatar. POLITIQUE-FICTION Bien loin de ces sphères virtuelles, le cinĂŠaste Jafar Panahi, incarcĂŠrĂŠ dans les geĂ´les iraniennes, risque de ne pas pouvoir occuper le fauteuil de membre du jury, aux cĂ´tĂŠs du prĂŠsident Tim Burton. Les autoritĂŠs locales, qui l’accusent d’avoir prĂŠparĂŠ un film contre le rĂŠgime, restent sourdes Ă la mobilisation internationale, emmenĂŠe par Steven Spielberg et Martin Scorsese. Cette situation donne le la Ă un festival plus que jamais ancrĂŠ dans le politique. PrĂŠsentĂŠs en compĂŠtition officielle, deux films traitent de l’AlgĂŠrie : Hors-la-loi, de Rachid Bouchareb, ĂŠvoque les manifestations pour son indĂŠpendance qui agitèrent la France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ; plus proche de nous, xavier Beauvois revient, avec Des hommes et des dieux, sur le massacre des moines de Tibhirine qui serait la consĂŠquence d’une bavure de l’armĂŠe algĂŠrienne. Toujours en compĂŠtition, un film tchadien (Un homme qui crie de Mahamat Saleh haroun) s’enracine dans la rĂŠalitĂŠ brutale de la guerre civile, toile de fond au xVie siècle en France de La Princesse de Montpensier de Bertrand Tavernier. Quant Ă l’administration Bush, elle n’en finit pas de se faire fustiger. Dans Fair Game, l’AmĂŠricain Doug Liman (La MĂŠmoire dans la peau) ĂŠvoque le scandale des pseudo armes de destruction massive qui implique un agent de la C.i.A. (Naomi Watts). Le Russe Nikita Mikhalkov donne, de son cĂ´tĂŠ, une suite Ă Soleil trompeur oĂš son hĂŠros s’Êchappe du goulag, bombardĂŠ au dĂŠbut de la Seconde Guerre mondiale. CĂ´tĂŠ Semaine de la Critique, on trouve un film du photographe ÂŤartiviste Âť JR (Women Are Heroes) et pour la première fois en compĂŠtition dans cette section, un documentaire danois (Armadillo) sur des soldats envoyĂŠs sur le front afghan, auquel fait ĂŠcho, Ă la Quinzaine des RĂŠa-

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ÂŤ UN VENT NOUVEAU SECOUE LES PALMES PAR TROP ACADÉMiQUES DE LA CROiSETTE Âť. lisateurs, Everything Will Be Fine du Scandinave Christopher Boe. EngagĂŠe, cette ĂŠdition cannoise explore le chaos contemporain, avec pour volontĂŠ de faire vaciller sur leur socle les vieux schĂŠmas ou institutions capitalistes opprimantes (Cleveland vs Wall Street de Jean-StĂŠphane Bron). SECONDE JEUNESSE Le Festival de Cannes s’offre une cure de jouvence en plaçant l’adolescence au centre des fictions. Faisant peau neuve en 2010, la Semaine de la Critique fait concourir sept premiers films, dont Belle Épine de Rebecca Zlotowski avec LĂŠa Seydoux, qu’on retrouve au gĂŠnĂŠrique de Petit Tailleur, le moyen mĂŠtrage très attendu de Louis Garrel. Dans le sillage du brun tĂŠnĂŠbreux, on observe que les jeunes acteurs passent Ă la rĂŠalisation, comme Kirsten Dunst et James Franco qui prĂŠsenteront leurs courts mĂŠtrages en fin de Festival. CĂ´tĂŠ Quinzaine des RĂŠalisateurs, l’adolescent hante les fictions avec sa violence (Des jeunes filles en noir de Jean-Paul Civeyrac), ses atermoiements amoureux (All Good Children d’Alicia Duffy), son courage face Ă la perte (The Joy de Marina Meliande et Felipe Bragança) ou sa quĂŞte de spiritualitĂŠ qui se heurte au dĂŠsir (Un poison violent de Katell QuillĂŠvĂŠrĂŠ). Après le sulfureux J’ai tuĂŠ ma mère l’an dernier, le jeune prodige quĂŠbĂŠcois xavier Dolan revient sur la Croisette avec Les Amours imaginaires, l’histoire de deux amis qui s’Êprennent de la mĂŞme personne. Fidèle Ă son univers sulfureux, Gregg Araki narre dans Kaboom les premiers ĂŠmois sexuels d’un groupe d’Êtudiants, parmi lesquels on retrouve Roxane Mesquida et Kelly Lynch. PrĂŠsentĂŠ en sĂŠance de minuit et hors compĂŠtition, le film devrait faire couler beaucoup d’encre. En mettant Ă l’honneur le bel âge, le Festival de Cannes est peut-ĂŞtre en train d’entrer dans le sien.

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A S S AYA S PLANèTE TERREUR

PrÊsentÊ en sÊance spÊciale à Cannes, le jour de sa diffusion sur Canal +, Carlos s’inscrit à plein dans l’œuvre d’OlIVIER ASSAYAS. Romanesque, international et rock, ce biopic se distingue par son organicitÊ. Incarnant le terroriste sur deux dÊcennies, l’exceptionnel Edgar Ramirez lui donne la distance salutaire pour en faire, ni une victime, ni un hÊros, mais un personnage obscur passant du rÊvolutionnaire au mercenaire : une complexitÊ qu’Êvoque pour nous le cinÊaste. _Propos recueillis par Sandrine Marques

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omment dĂŠfinissez-vous l’objet Carlos ? Carlos est le lieu gĂŠomĂŠtrique d’ambiguĂŻtĂŠs diverses et variĂŠes. J’ai fait un film en trois volets, avec un dĂŠbut, un milieu et une fin. Ce n’est pas une sĂŠrie car ça n’a pas vocation Ă se prolonger. J’ai essayĂŠ de faire un tĂŠlĂŠfilm mais je me suis rendu compte que le sujet ÂŤ Carlos Âť ĂŠtait impossible Ă traiter en un seul long mĂŠtrage. Parce que j’avais les interlocuteurs qu’il fallait, j’ai disposĂŠ d’une libertĂŠ beaucoup plus grande que celle que j’aurais eue au cinĂŠma, oĂš

attentats ont eu lieu en France, oĂš il est incarcĂŠrĂŠ actuellement. Simplement, il n’a pas sa carte de sĂŠjour. il n’est ni français, ni europĂŠen, et la plupart des protagonistes de mon histoire sont dans le mĂŞme cas. C’est une histoire de mĂŠtèques en France. Du coup, le cinĂŠma français ne peut pas en rendre compte. C’est pourquoi ce film n’a jamais ĂŠtĂŠ rĂŠalisĂŠ jusqu’à prĂŠsent, car il se situe dans une zone aveugle du cinĂŠma. la question de l’international traverse Carlos, comme vos films prĂŠcĂŠdents‌ Je me suis rendu compte en ĂŠcrivant le film que le

ÂŤ LE TERRiTOiRE DE CARLOS N’EST PAS TOUT Ă€ FAiT TÉLÉViSUEL, Ni TOUT Ă€ FAiT CiNÉMATOGRAPhiQUE. Âť on ne m’aurait pas autorisĂŠ Ă faire un film sans vedette, en langue ĂŠtrangère et de cette durĂŠe-lĂ . Le territoire oĂš m’a entraĂŽnĂŠ le film n’est pas tout Ă fait tĂŠlĂŠvisuel, ni tout Ă fait cinĂŠmatographique. C’est un objet qui remet en question certaines des frontières du cinĂŠma, un ÂŤsuperfilmÂť, nĂŠ d’un cadre posĂŠ par Canal + mais dont le code gĂŠnĂŠtique serait dĂŠterminĂŠ par rapport Ă sa carrière en France. Pourquoi, d’après vous, le sujet n’a jamais ĂŠtĂŠ filmĂŠ ? Carlos est une histoire française : la plupart de ses

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sujet Êtait presque du sur mesure pour moi, mais initialement, je ne le savais pas. À chaque fois que je tirais un fil, venait une idÊe qui me confortait dans cette question d’internationalisme rÊvolutionnaire. Au centre de cette internationale fÊdÊrÊe, il y a un Latino-AmÊricain, vivant en Europe, collaborant avec des activistes moyen-orientaux et se liant avec des activistes japonais. Avec le mÊlange des langues et des cultures, ils doivent se dÊbrouiller non seulement pour cohabiter, mais aussi pour collaborer ensemble et dialoguer. Mon rÊcit est projetÊ dans

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 LE FiLM POSE DES QUESTiONS DE FiCTiON QUi ME PRÉOCCUPAiENT DEPUiS LONGTEMPS.  le passÊ et pose des questions de fiction qui me prÊoccupaient depuis longtemps.

Son recours en justice ĂŠtait-il recevable ? Je n’ai jamais pensĂŠ qu’il aurait pu avoir gain de cause sur un terrain si extravagant. Mais ça a eu, de mon point de vue, un pouvoir de perturbation. Tant que les avocats me fichaient la paix, je pouvais traiter cette histoire Ă la Alexandre Dumas, en circulant dans un territoire un peu baroque, entre reconstitution factuelle mĂŠticuleuse et romanesque. Mais quand Carlos, via sa femme avocate, s’est rappelĂŠ Ă notre bon souvenir, ils ont commencĂŠ Ă vouloir retrancher ce qui pourrait fâcher Carlos. Les bases juridiques des revendications de Carlos m’ont toujours parues extrĂŞmement faibles. il y a cent vingt personnages dans mon histoire. S’il fallait s’assurer de la bienveillance de chacun d’entre eux par rapport au projet, ça crĂŠerait une jurisprudence qui interdirait aux arts de rendre compte de l’histoire contemporaine.

Un film d’Olivier Assayas // Avec Edgar Ramirez, Alexander Scheer‌ // Diffusion sur Canal +, à partir du 19 mai // France, 2008, 5h30

Š Jean-Claude Moireau / FILM EN STOCK / CANAL+

depuis sa cellule, Carlos a demandĂŠ un droit de regard sur le film. Comment gère-t-on une telle situation quand on est cinĂŠaste ? Ce n’est pas gĂŠrable. Cette question est moralement insoluble, dans le sens oĂš l’on est obligĂŠ de considĂŠrer qu’il existe une personne en chair et en os, qui a vĂŠcu les aventures qu’on est en train de restituer de manière cinĂŠmatographique et romanesque. Je devais prendre Ă bras-le-corps cette question, en m’arrogeant le droit de raconter cette histoire et en me disant qu’elle appartient Ă l’histoire collective. Mais je ne peux pas ignorer le fait qu’il y ait ce dĂŠchirement, cette interrogation qui est celle d’une personne dĂŠpossĂŠdĂŠe de son histoire personnelle. il est normal que des cinĂŠastes aient envie de raconter l’histoire au prĂŠsent. Ce serait absurde de ne pas le faire, de se l’interdire.

Olivier Assayas sur le tournage de Carlos

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92 CANNES 2010 LÊa Seydoux dans Belle Épine de Rebecca Zlotowski

LÉA EST LÀ Du film d’ouverture (Robin des Bois) à la Semaine de la Critique (Belle Épine), en passant par la Quinzaine (Petit Tailleur), cette annÊe à Cannes, lÊA SEYdOUx est partout. Portrait d’une comÊdienne omniprÊsente. _Par Juliette Reitzer

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rès discrète l’an dernier sur le tapis rouge, LĂŠa Seydoux faisait pourtant une courte apparition dans un film en compĂŠtition officielle (Inglourious Basterds de Quentin Tarantino) et raflait le trophĂŠe Chopard de la rĂŠvĂŠlation fĂŠminine de l’annĂŠe. Un an plus tard, la jeune femme revient sur la Croisette, promenant son innocence mâtinĂŠe de sensualitĂŠ dans chacune des trois sĂŠlections cannoises. CĂ´tĂŠ Quinzaine, elle donne la rĂŠplique Ă Louis Garrel dans un moyen mĂŠtrage rĂŠalisĂŠ par l’acteur, Petit Tailleur. histoire d’une relation filiale entre un vieil homme et son apprenti, troublĂŠe par l’irruption de l’amour absolu, personnifiĂŠ par l’actrice. Dans Belle Épine, premier film de Rebecca Zlotowski en compĂŠtition Ă la Semaine de la Critique, LĂŠa incarne une adolescente en marge qui tente de trouver sa place dans une bande de motards. L’actrice, ĂŠvanescente et rĂŠservĂŠe, y porte un prĂŠnom qui lui va comme un gant : Prudence, vertu qui met en balance le concret et le possible. Car le magnĂŠtisme de LĂŠa tient sans doute un peu de son ambivalence, prĂŠsence hypnotique teintĂŠe de la promesse d’un ailleurs, mĂŠlange de douceur et de gravitĂŠ : ÂŤ Ă la fois intemporelle et complètement d’aujourd’hui Âť selon Christophe honorĂŠ, qui la dirigeait en 2008 dans La Belle Personne, elle semble capable de tout jouer avec la mĂŞme intensitĂŠ. D’ailleurs, Ă l’affiche du Robin des Bois de Ridley Scott (film d’ouverture de la sĂŠlection officielle), elle apparaĂŽt d’abord en crĂŠature gracile et dĂŠnudĂŠe, ĂŠmergeant dans un ĂŠclat de rire des draps du prince Jean, avant de trĂ´ner, avec le mĂŞme charisme, une fois son personnage devenu reine d’Angleterre‌ LĂŠa, souveraine absolue de ce 63e Festival de Cannes ?

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ROCk tHE CROISEttE Cette annĂŠe Ă Cannes, les mĂŠlomanes seront Ă la fĂŞte. Les Kinois de Staff Benda Bilili ouvriront la Quinzaine des RĂŠalisateurs, Ă travers le documentaire Benda Bilili, que leur consacrent les Français Florent de la Tullaye et Romain Barret. Une sĂŠlection très musicale puisque les Rolling Stones dĂŠbarqueront sur la Croisette, pour ce qui devrait ĂŞtre un des temps forts du Festival. Stones in Exile, documentaire de Stephen Kijak sur l’enregistrement tumultueux de leur chefd’œuvre Exile on Main Street (1972), sera projetĂŠ en sĂŠance spĂŠciale, avec peut-ĂŞtre un concert Ă la clĂŠ. Quant aux fameuses nuits cannoises, elles vibreront au son de N*E*R*D Ă la soirĂŠe Stage of the Art le 14 mai, et des excellents Fortune ou Naive New Beaters lors de celles de La Divine comĂŠdie, les 12 et 16 mai. _P.R.-W.

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CANNES 2010 93 Un poison violent de Katell QuillĂŠvĂŠrĂŠ

COURS PARALLĂˆLES Si, Ă la bourse des sections parallèles cannoises, la Quinzaine des RĂŠalisateurs avait jusqu’ici la cote, Un Certain Regard et la Semaine de la Critique attisent cette annĂŠe les spĂŠculations. Simples soubresauts du marchĂŠ cinĂŠphilique, ou mouvement de fond? _Par Pablo RenĂŠ-Worms

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n le sait, Ă Cannes, la compĂŠtition n’a pas lieu qu’entre les films qui y sont prĂŠsentĂŠs, mais aussi entre les diffĂŠrentes sĂŠlections. Ă€ ce petit jeu, la Quinzaine des RĂŠalisateurs, avec sa rĂŠputation de dĂŠnicheuse de jeunes talents, sortait rĂŠgulièrement vainqueur aux points de cette bataille. Après s’être quelque peu endormie sur son bagage d’antichambre de la sĂŠlection officielle, la section Un Certain Regard rĂŠunit cette annĂŠe un casting des plus classieux et semble reprendre la main. On y retrouvera des rĂŠalisateurs confirmĂŠs tels que le vĂŠtĂŠran portugais Manoel de Oliveira avec L’Étrange Affaire Angelica. Le cinĂŠma roumain sera bien prĂŠsent avec deux films, Aurora, deuxième ĂŠpisode de la saga en six volets sur Bucarest de Cristi Puiu, et Mardi, après NoĂŤl de Radu Muntean. Le rĂŠalisateur chinois Jia Zhangke prĂŠsentera son premier documentaire I Wish I Knew, portrait de Shanghai et de son ĂŠvolution depuis les annĂŠes 1930, prĂŠparĂŠ Ă l’occasion de l’exposition universelle qui s’y tient actuellement.

La Quinzaine des RĂŠalisateurs se distingue cette annĂŠe par la prĂŠpondĂŠrance des premiers films, puisqu’on en compte onze sur les vingt-deux sĂŠlectionnĂŠs. L’autre trait marquant de cette sĂŠlection est l’Êmergence de territoires jusqu’ici peu en vue, comme la Colombie, la Belgique ou l’Allemagne. Son nouveau directeur gĂŠnĂŠral, FrĂŠdĂŠric Boyer, qui remplace un Olivier Père parti programmer le Festival de Locarno, explique : ÂŤ Les pays qui s’en sortent sur le plan du cinĂŠma d’auteur sont ceux dont les gouvernements apportent une aide.Âť Autre tendance forte, l’adolescence, traitĂŠe entre autres dans Un poison violent de Katell QuillĂŠvĂŠrĂŠ, qui a tout juste reçu le prix Jean Vigo 2010. Sept sur sept, c’est le nombre de premiers films en compĂŠtition dans une Semaine de la Critique placĂŠe sous le signe du renouveau. On y retrouvera une forte dĂŠlĂŠgation asiatique, dĂŠlaissĂŠe cette annĂŠe par la Quinzaine, mais aussi Women Are Heroes du jeune photographe militant JR, qui plonge sa camĂŠra au cĹ“ur de la vie de femmes du tiers-monde et sera prĂŠsentĂŠ en sĂŠance spĂŠciale dans le cadre d’un partenariat inĂŠdit avec la sĂŠlection officielle. Si changement d’ère il y a, ce sera donc le fait d’une nouvelle gĂŠnĂŠration de cinĂŠastes, mis cette annĂŠe Ă l’honneur par les sĂŠlectionneurs des compĂŠtitions parallèles.

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94 CANNES 2010

ENFANT TERRIBLE Avec son deuxième film, Les Amours imaginaires, xAVIER dOlAn s’offre une nouvelle sĂŠlection cannoise. Dans son QuĂŠbec natal, ce jeune prodige de 21 ans fascine autant qu’il irrite. Ambiance. _Par Anne de Malleray, Ă MontrĂŠal

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u QuĂŠbec, on dit parfois ÂŤĂŞtre nĂŠ pour un petit painÂť. hĂŠritĂŠe de l’ordre moral et de la domination anglophone, l’expression signifie que dans la vie, il faut se contenter de ce que l’on a. Les QuĂŠbĂŠcois n’aiment guère l’Êlitisme ni les trajectoires fulgurantes, jugĂŠes suspectes. Sur ces restes d’humilitĂŠ historique, xavier Dolan, enfant de la balle, rĂŠussit une ascension ĂŠclair, qui laisse sa patrie d’origine foudroyĂŠe. En 2009, il sĂŠduisait Cannes avec J’ai tuĂŠ ma mère, premier film autobiographique et brillant, dans lequel le rĂŠalisateur mettait en scène un rapport amour/haine avec sa gĂŠnitrice. CouronnĂŠ lors de nombreux festivals, dont trois prix Ă la Quinzaine des RĂŠalisateurs et deux aux Jutra (les CĂŠsar quĂŠbĂŠcois), ce succès sonnait comme une revanche pour Dolan. Ce ÂŤ fils de Âť (Manuel Tadros, un comĂŠdien quĂŠbĂŠcois), hĂŠros d’une vingtaine de pubs exĂŠcutĂŠes dans son jeune âge pour les magasins Jean Coutu, chaĂŽne de pharmacies locale, devenait l’enfant prodige du cinĂŠma quĂŠbĂŠcois avec un film presque autoproduit. Ç’aurait pu ĂŞtre un plat unique mais xavier Dolan a de l’appĂŠtit. Cette annĂŠe, il revient Ă Cannes, dans la sĂŠlection Un Certain Regard, avec Les Amours imaginaires, triangle amoureux oĂš il est Ă nouveau devant et derrière la camĂŠra. Ce deuxième opus, rĂŠalisĂŠ Ă l’automne entre le Mile End – quartier branchĂŠ de MontrĂŠal – et la campagne quĂŠbĂŠcoise, dĂŠcrit la lutte qui dĂŠchire progressivement deux amis, Francis (xavier Dolan) et Marie (Monia Chokri), ĂŠpris du mĂŞme garçon, Nicolas (Niels Schneider). Écrit en deux jours, tournĂŠ en vingt-cinq, ce film est venu en remplacer un autre, Laurence Anyways, reportĂŠ. Dolan le dĂŠcrit comme plus abouti et mieux maĂŽtrisĂŠ que J’ai tuĂŠ ma mère, lĂŠger, cynique, sans montĂŠes de lait maternelles ni colères adolescentes. Au QuĂŠbec, la boulimie du jeune rĂŠalisateur fascine. Frondeur, le verbe haut, il dĂŠtonne et ĂŠnerve. Pour ce film, on l’attend au tournant, ÂŤavec une brique et un fanalÂť, disait-il rĂŠcemment Ă la presse locale. Après enquĂŞte, un fanal s’avère ĂŞtre une lanterne et cette expression, l’Êquivalent quĂŠbĂŠcois de ÂŤavec du goudron et des plumesÂť. Mais xavier Dolan ne s’en inquiète pas plus que ça. il songe dĂŠjĂ ÂŤĂ l’art en attente, Ă la suite, Ă l’avenirÂť et mangera bientĂ´t de la baguette Ă Cannes. Un film de Xavier Dolan // Avec Xavier Dolan, Monia Chokri‌ // Distribution : MK2 Diffusion // 2009, Canada, 1h35

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IL ÉTAIT UNE FOIS LA RÉVOLUTION Et si le meilleur western de la dĂŠcennie ĂŠtait un jeu vidĂŠo ? Chargeant dans le mĂŞme barillet les courants muet, spaghetti ou contemporain du genre, Red Dead Redemption a une sacrĂŠ dĂŠgaine. Sous les coups d’Êperons du studio hors normes ROCkStAR (GTA IV), la chevauchĂŠe vidĂŠoludique rue dans des brocarts cinĂŠphiles cousus de sang et de whiskey. On nous l’annonçait bon et brutal, on ne s’est pas fait truander. En selle. _Par Étienne Rouillon

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h10 pour Londres. Les naseaux excitĂŠs par les cendres d’EyjafjallajĂśkull, l’hippocampe ferroviaire hennit en gare de St Pancras. Des fourmis dans les santiags, j’avise le cocher qui me conduit Ă bride abattue dans les canyons d’une placide Albion, jusqu’au ranch de Rockstar Games, oĂš l’on me sert sept heures durant plusieurs litres du nouveau cru maison : Red Dead Redemption. Deux ans après la sortie de son jeu LĂŠviathan Grand Theft Auto IV, le studio vise un nouveau sacre du printemps. Tu vois, le monde du jeu vidĂŠo se divise en deux catĂŠgories : ceux qui ont le pis-aller aisĂŠ et ceux qui se creusent. Rockstar se creuse, pour sortir des titres carabinĂŠs Ă rĂŠpĂŠtition. Pionnière de la promenade libertaire en ville, la lignĂŠe des GTA traverse depuis 1997 hors des clous ludiques en proposant une expĂŠrience totale oĂš le jeu interroge notre ÂŤjeÂť. Le parrain incontestĂŠ du divertissement virtuel en milieu urbain se lance le dĂŠfi de rĂŠitĂŠrer l’exploit dans un environnement rural. il s’en tire plus vite que son ombre. Mon nom est personne. Cicatrices taciturnes sur joues pileuses, le hĂŠros de Red Dead Redemption, John Marston, marche dans les jambières du Viggo Mortensen d’Appaloosa. AntihĂŠros anonyme, il est contraint par le gouvernement de traquer l’un de ses frères d’armes avec qui il a braquĂŠ par le passĂŠ tout ce que l’Ouest comptait de coffres-forts. Le trombinoscope des voyous qui viennent nous prĂŞter main moite, sous un soleil plombĂŠ par les winchesters, est un hommage aux westerns spaghettis. Du shĂŠrif adjoint bĂŠcasson au pilleur de tombes Ă la pioche excentrique, en passant par un apothicaire plus proche de Blueberry que de Lucky Luke, le

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casting nous fait glousser sous le sombrero. L’humour made in Rockstar emprunte autant Ă Chaplin qu’au magazine MAD lorsque au dĂŠtour d’un village noyĂŠ de poussière, on tombe sur une salle de projection. Après avoir payĂŠ son billet, on peut y voir une saynète animĂŠe oĂš un jeune homme timide teste un ĂŠlixir censĂŠ lui donner confiance en lui, Ă grand renfort de cocaĂŻne. Ces saillies satiriques et anachroniques sont autant de respirations qui font la richesse de Red Dead Redemption. Franchement fendard, aussi. No Country for Old Men. On ne fait pas de vieux os dans les sanguines contrĂŠes de Red Dead Redemption. La chasse Ă l’homme bringuebale Marston du Far West imbibĂŠ de whiskey au Mexique en pleine ĂŠbullition rĂŠvolutionnaire. Le cigarillo coupĂŠ par l’Êten-

le hĂŠros n’est qu’un grain de poudre. Dans les villages embryonnaires et pionniers de RDR, on expĂŠrimente le concept de polis, ce corps des citoyens, communautĂŠ d’ayants droits libres Ă laquelle on choisit ou non de s’intĂŠgrer. Souvent dĂŠnoncĂŠs par les politiques comme ÂŤ amoraux Âť, les jeux Rockstar sont plus exactement responsabilisant. ShĂŠrif ou brigand, les choix sont permanents et vous feront pencher d’un cĂ´tĂŠ ou de l’autre de la gâchette. Ă€ l’image d’un Heavy Rain, il y aura autant de RDR que de joueurs qui s’y seront frottĂŠs. Pendant mon test, je profitais d’un bon tord-boyaux (Ă l’Êcran) quand un cri strident couvrit les accords dissonants du pianiste. Le temps de pousser les battantes du saloon et me voilĂ dans la rue principale, brave comme Blondin, couteau Ă la main, prĂŞt Ă planter un homme qui agressait une femme Ă la vertu un peu lâche. La

LE hÉROS MARChE DANS LES JAMBièRES DU ViGGO MORTENSEN D’APPALOOSA. due Ă fouler par son fidèle destrier, le joueur a bien du mal Ă se concentrer sur ses missions tant la faune et la flore viennent tutoyer son attention. L’intelligence artificielle des animaux ferait rougir de honte les Tamagotchi. Les ragondins, canassons et lapins vivent leur propre vie Ă l’ombre de rameaux si divers qu’un herbier seul ne suffirait Ă les recenser. Les herbivores peuvent aussi rĂŠagir Ă la vue de votre canon carnassier. Le moindre coup de feu et c’est la dĂŠbandade, libre Ă vous de braconner et de rapporter un scalp de biche pour le monnayer au village. C’est lĂ tout le sel de ce jeu en selle, lĂ oĂš RDR surpasse son aĂŽnĂŠ GTA, qui ne faisait que balbutier son projet de dĂŠmiurge numĂŠrique : plonger le joueur dans un rouage qui est autonome et dans lequel

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main lourde d’alcool ou de maladresse, je vous jure que j’ai pas fait exprès de louper mon coup. La lame a plongĂŠ dans la gorge gĂŠnĂŠreuse de la dame, m’attirant les foudres des autoritĂŠs locales et le respect des bandits. Mais l’erreur est humaine et RDR ne l’est pas moins. There Will Be Blood. Avec des personnages aussi fallacieux qu’un Sentenza ÂŤ La Brute Âť, on apprend vite Ă ne pas tourner le dos aux portes et Ă jouer de la crosse contre les crasses. Fourmillant d’activitĂŠs annexes, le titre est une ode au scepticisme belliqueux : les parties de poker (diablement chronophages) peuvent se terminer Ă couteaux tirĂŠs si vous ĂŞtes pris en flagrant dĂŠlit de tricherie, venir au secours

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L’iNTELLiGENCE ARTiFiCiELLE DES ANiMAUx FERAiT ROUGiR DE hONTE LES TAMAGOTChi. d’une belle perdue dans les bois peut vous prĂŠcipiter dans un guet-apens, un concours de tir mue aussi vite en pugilat qu’un crotale au soleil. La trame principale offre des scènes de gunfight impeccables grâce au système de visĂŠe venu de GTA IV, parfait compromis entre assistance dynamique et rigueur du pointeur (trois niveaux de difficultĂŠ viennent relever le challenge pour ceux qui jugeraient le jeu trop accessible). Et quel bonheur que d’attaquer une mine aurifère avec un vulgaire six coups au lieu d’un AK-47. Parcimonieuses et indolentes, les vieilles pĂŠtoires donnent un rythme Ă contretemps des productions vidĂŠoludiques actuelles (cryptolaser passe-muraille et consorts). Mieux, lampes Ă pĂŠtroles et barils de TNT n’attendent qu’un coup de colt pour ĂŠructer des flammes alliĂŠes. D’autres renforts viendront du web avec des modes multijoueurs nombreux, qui vous permettront de devenir membre d’un gang composĂŠ de huit arsouilles. Aux cĂ´tĂŠs des classiques modes ÂŤmatch Ă mortÂť ou ÂŤcapture de drapeauxÂť, le ÂŤfree roamÂť vous fera arpenter montagnes enneigĂŠes et plateaux ventĂŠs en compagnie de sept mercenaires. Le train sifflera trois fois. Jouez harmonicas, rĂŠsonnez clochettes, la bande-son de Red Dead Redemption ĂŠgrène les poncifs charmeurs des compositions d’Ennio Morricone. Les cuivres, aussi canailles que dans l’hymne du maestro L’Estasi Dell’Oro, soutiennent en rythme des canonnades assourdissantes. Les basses grasses d’un funk hispanisant donnent un coup de fouet exotique Ă d’Êpiques fulgurances hippiques. Jeu d’ambiance, RDR vaut beaucoup par son sound design – mouches entĂŞtantes et martèlement sourd des sabots sur parquet craquant – et par la qualitĂŠ du doublage d’acteurs transportĂŠs. Et pour quelques pixels de plus. Entre le roulis ĂŠmouvant d’une lourde croupe de baudet et la chute de corps morts du haut d’un clocher, les moteurs graphique RAGE et physique Euphoria ont savoureusement mĂťri depuis GTA IV. Du malfrat des villes au malfrat des champs, plus qu’une ĂŠvolution, une rĂŠvolution synesthĂŠsique qui prouve que les salons consoleux valent parfois les salles obscures. Red Dead Redemption (Rockstar Games, sur PC, PS3, X360) GTA : Episode From Liberty City (Rockstar Games, sur PC, PS3, X360)

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BOUDOIR ÉBATS, DÉBATS, CABAS : LA CULTURE DE CHAMBRE A TROUVÉ SON ANTRE

« C’EST IMPORTANT D’HONORER LE PASSÉ, MAIS ÇA L’EST TOUT AUTANT DE LE REVITALISER ET DE LE REMETTRE AU GOÛT DU JOUR. » MAyER hAWThORNE

© Pierre Aroux

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DVD-THÈQUE

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CD-THÈQUE

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JEAn ROUCH, l’ami africain

MAYER HAWtHORnE, le R’n’B à son Mayer

BIBLIOTHÈQUE

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BD-THÈQUE

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nICk HORnBY or not to be

Les comédies noires de dAnIEl ClOWES

LUDOTHÈQUE Les nuits blanches de SPLINTER CELL

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102 LE BOUDOIR /// dVd-tHèQUE

ABC AFRICA JEAN ROUCh, L’AMI AFRICAIN De l’après-guerre jusqu'Ă sa mort, l’ethno-cinĂŠaste JEAn ROUCH n’a cessĂŠ de parcourir les abords du fleuve Niger. Un passionnant coffret DVD permet de suivre Ă la trace les pĂŠrĂŠgrinations de ce prĂŠcurseur, passionnĂŠ d’Afrique et rĂŠalisateur inspirĂŠ. _Par Pablo RenĂŠ-Worms

L’ethnologie est un sport de combat, une science dĂŠpart. il leur faudra trois annĂŠes pour comprendre dangereuse. En 2004, Jean Rouch, après plus d’un que le voyage qu’entreprend le Sigui Ă travers les vildemi-siècle de travail sur le terrain, l’a appris Ă ses lages du pays dogon ne se limite pas Ă une rĂŠpĂŠtition dĂŠpens, lors d’une ultime expĂŠdition au Niger, oĂš le du mĂŞme rituel annĂŠe après annĂŠe : chaque ĂŠtape corcinĂŠaste trouve la mort dans un accident respond en fait Ă un chapitre de la CrĂŠation. de voiture. il n’Êtait pourtant pas censĂŠ suiĂ€ plus d’un titre, ce document est excepvre cette voie‌ C’est presque par hasard tionnel, car jusqu’ici et peut-ĂŞtre Ă jamais (le qu’il tombe amoureux de l’Afrique, quand, prochain Sigui, s’il a lieu, dĂŠbutera en 2027), sorti de l’École nationale des ponts et chauspersonne, pas mĂŞme un Dogon, n’avait pu sĂŠes, il est enrĂ´lĂŠ en tant qu’ingĂŠnieur des avoir un aperçu total de la cĂŠrĂŠmonie Ă travaux publics au Niger. C’est lĂ qu’il dĂŠcoulaquelle il est normalement interdit d’assisvre, ĂŠmerveillĂŠ, le pays songhay, ses traditer plus de trois annĂŠes d’affilĂŠe. Le film pertions, sa magie. il entre alors en ethnogramet ĂŠgalement d’apprĂŠcier le sens cinĂŠmaphie, comme d’autres entreraient en religion, tographique de Jean Rouch, dont Jean-Luc sous la direction de Marcel Griaule au musĂŠe Godard disait : ÂŤChargĂŠ de mission pour le de l’homme. Lequel initie Rouch Ă la cosmo- Jean Rouch, une aventure musĂŠe de l’Homme? Existe-t-il une plus belle gonie dogon, du nom de la tribu qui vit sur africaine de Jean Rouch dĂŠfinition du cinĂŠaste?Âť Un cinĂŠaste laurĂŠat (Éditions Montparnasse) et autour de la falaise de Bandiagara, au de multiples prix tout au long de sa carrière, Mali, communautĂŠ fameuse pour son Sigui. Cette cĂŠrĂŠdu Louis Delluc en 1958 pour Moi, un noir, au Lion d’or monie traditionnelle, qui n’a lieu qu’une fois tous les Ă Venise en 1965 avec La Chasse au lion Ă l’arc, en soixante ans, est retracĂŠe dans Sigui synthèse. L’invenpassant par le Prix de la critique Ă Cannes en 1961 tion de la parole et de la mort, cĹ“ur du coffret aujourd’hui pour Chronique d’un ĂŠtĂŠ, corĂŠalisĂŠ par Edgar Morin. disponible. Construite en plans sĂŠquences, novatrice par son sens du cadre, son montage et son rythme, son Ĺ“uvre fait Durant sept ans, de 1967 Ă 1973, Jean Rouch et sa colĂŠcho Ă celle des rĂŠalisateurs de la Nouvelle Vague, laboratrice, Germaine Dieterlen, vont suivre ces cĂŠrĂŠavec lesquels il partageait un idĂŠal commun : le poumonies, oĂš plutĂ´t cette cĂŠrĂŠmonie, pensent-ils au voir symbolique du cinĂŠma.

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LES AUTRES SORTIES PETITES ET GRANDES hISTOIRES‌ HISTOIRES EXTRAORDINAIRES de Roger Vadim, Louis Malle et Federico Fellini (TF1 VidĂŠo) // VINCERE de Marco Bellochio (MK2 Éditions) Sorti en 1968, Histoires extraordinaires adapte Edgar Allan Poe en trois segments, rĂŠalisĂŠs par trois grands cinĂŠastes. Dans un pur style ĂŠrotico-baroque, Roger Vadim fantasme Jane Fonda en comtesse cruelle et dĂŠbauchĂŠe. Louis Malle rĂŠunit Delon et Bardot pour une partie de cartes aux lugubres enjeux. Federico Fellini dirige Terence Stamp dans la peau alcoolisĂŠe d’un acteur en proie Ă des hallucinations macabres : l’ensemble est dĂŠlicieux. PrĂŠsentĂŠ Ă Cannes l’an dernier, Vincere de Marco Bellochio scrute l’histoire par le petit bout de la lorgnette : retour sur le destin tragique d’ida Dalser, maĂŽtresse dĂŠsavouĂŠe de Mussolini. Une descente aux enfers glaçante et expressionniste, avec l’hypnotique Giovanna Mezzogiorno. _J.R.

L’AMOUR EN MèRES‌ MOTHER de Bong Joon-Ho (Diaphana Édition) // HI, MOM ! de Brian De Palma (Carlotta) L’auteur de The Host investit un registre intimiste avec Mother, l’histoire d’une mère qui se dĂŠmène pour prouver l’innocence de son fils, accusĂŠ de meurtre. On emboĂŽte le pas Ă la touchante actrice principale Kim hye-Ja, dans un film qui pratique avec intelligence le mĂŠlange des genres. Ce dont Brian De Palma n’a pas peur : son corrosif Hi, Mom !, tournĂŠ en 1970, est une Ĺ“uvre composite. On y retrouve le voyeur Jon Rubin (Robert De Niro, dĂŠjĂ prĂŠsent dans Greetings), embarquĂŠ dans un happening oĂš des comĂŠdiens noirs militants molestent le public blanc, afin qu’il expĂŠrimente leur condition. Une satire impertinente qui annonce dĂŠjĂ Taxi Driver et son cĂŠlèbre monologue (ÂŤ you’re talking to me ? Âť) qu’adresse ici De Niro‌ Ă un balai. _S.M.

lE COUP dE CœUR dU VEndEUR THE SAVAGE EYE de B. Maddow, S. Meyers et J. Strick (Carlotta) L’Êditeur Carlotta poursuit son exploration des pionniers du cinÊma amÊricain indÊpendant, en publiant The Savage Eye, rÊalisÊ par Ben Maddow, Sidney Meyers et Joseph Strick. Sorti en 1960, ce film apparaÎt encore aujourd’hui comme un vÊritable ovni, formellement novateur, entre documentaire et fiction, tournÊ dans un noir et blanc sublime, et hantÊ par un dialogue en voix off entre une femme et sa conscience. À travers le rÊcit d’une divorcÊe cherchant à prendre un nouveau dÊpart, The Savage Eye dresse un portrait radical de l’AmÊrique des annÊes 1950. Le constat personnel est d’autant plus amer qu’il s’accompagne d’un regard terrible portÊ sur une sociÊtÊ sinistre et vide de sens. _Florian Guignandon, vendeur au MK2 Quai de Loire

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Š Pierre Aroux

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CARMiN PROFOND LE R’N’B Ă SON MAYER BercĂŠ Ă la soul Motown, MAYER HAWtHORnE a quittĂŠ DĂŠtroit pour les plages hip-hop du label californien Stones Throw. C’est lĂ qu’il a sorti A Strange Arrangement, son premier album – ou comment faire rougir les musiques noires. _Par JĂŠrĂ´me Provençal

Bien qu’il ne soit pas un lointain descendant de Nathaniel Hawthorne, auteur de La Lettre Êcarlate, fleuron du roman amÊricain du xixe s., Mayer hawthorne – en rÊalitÊ Andrew Mayer Cohen – peut se targuer d’avoir signÊ un disque Êcarlate. Sorti il y huit mois, rÊÊditÊ avec deux inÊdits ces jours-ci, A Strange Arrangement est un premier album gorgÊ de soul, aux mÊlodies cramoisies et aux arrangements turgescents. Son premier 45 tours, l’Êbouriffant Just Ain’t Gonna Work Out, a d’ailleurs ÊtÊ commercialisÊ sous la forme d’un cœur rouge vif – il est vrai que cette minisymphonie, digne des plus beaux joyaux Motown, a de quoi transpercer les cœurs les plus cuirassÊs‌

l’annĂŠe du cinquantenaire du label de Berry Gordy, Marvin Gaye ou Smokey Robinson. Ă€ 31 ans, Mayer hawthorne se dĂŠfend pourtant de toute cĂŠlĂŠbration nostalgique. ÂŤ C’est important d’honorer le passĂŠ, mais ça l’est tout autant de le revitaliser et de le remettre au goĂťt du jour. Je n’ai mĂŞme pas connu l’âge d’or de la Motown, dans les annĂŠes 1960-70. Adolescent, j’Êcoutais Public Enemy et les Smashing Pumpkins. J’adore la vieille soul mais je voulais crĂŠer quelque chose de neuf, une musique dans laquelle mes amis et les gens de ma gĂŠnĂŠration puissent se retrouver. Âť

Un dĂŠsir de faire du neuf avec du vieux particulièrement saillant dans le hip-hop, genre Une telle aptitude Ă retrouver la magie lusdans lequel Mayer a fait ses premières trĂŠe des trĂŠsors d’antan n’est pas surpre- A Strange Arrangement de armes, notamment comme producteur. La nante de la part d’un jeune homme tombĂŠ Mayer Hawthorne (Stones signature avec le label californien Stones Throw/Discograph, nouvelle très tĂ´t dans la marmite soul : ÂŤ Si l’on passe ĂŠdition disponible le 3 mai) Throw, l’une des rĂŠfĂŠrences en matière de son enfance Ă DĂŠtroit, on ĂŠprouve beauhip-hop contemporain, apparaĂŽt ainsi comcoup d’amour pour la Motown, une vraie fiertĂŠ locale. me un aboutissement logique. Mayer a depuis quittĂŠ Mes parents ont eux aussi grandi lĂ -bas, et m’ont fait sa rĂŠgion natale pour s’installer Ă Los Angeles : ÂŤ J’ai dĂŠcouvrir toute cette musique fantastique lorsque passĂŠ toute la première partie de ma vie Ă faire de la j’Êtais petit. C’est mon père qui m’a appris Ă jouer de musique Ă DĂŠtroit. Le temps ĂŠtait venu de changer de la basse quand j’avais environ six ans. Âť C’est peut-ĂŞtre perspectives. Âť En attendant le chant des lendemains, un dĂŠtail pour vous, mais pour nous ça veut dire beausachons dĂŠjĂ savourer le prĂŠsent avec A Strange coup : A Strange Arrangement a vu le jour en 2009, Arrangement : r(o)ugissements garantis‌

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LES AUTRES SORTIES LE CANCRE DARWIN DEEZ de Darwin Deez (Lucky Number / Differ-ant) Ce Darwin-lĂ obĂŠit Ă une ĂŠvolution diffĂŠrente du reste de l’espèce. ÉlevĂŠ par des parents membres du culte indien de Meher Baba, il dĂŠcouvre la musique au contact de groupes anodins (Chemical Brothers, Jimmy Eat World), puis rejoint Wesleyan, la fac de MGMT ou Santigold, mais n’y passe qu’un an, durant lequel il peaufine son look papillotes-bandana-moustaches. Suivent dix annĂŠes d’enregistrements maison, en plein Lower East Side, dont ce premier album est l’Êpatante concrĂŠtisation : plus encore que le minitube Radar Detector, une chanson aussi puissamment mĂŠlancolique que Bed Space comble l’espace qui sĂŠparait les deux meilleurs groupes Ă guitares des annĂŠes 2000, The Strokes et Phoenix. Les cauchemars de Darwin font nos rĂŞves. _A.T.

LES PILLARDS THE OUTSIDERS ARE BACK de Kings Go Forth (Luaka Bop) il fut un temps oĂš tout ce qui sortait sur Luaka Bop, le label de David Byrne, ĂŠtait digne d’attention : de Tom ZĂŠ Ă Shuggie Otis ou Susana Bacca, l’ex-Talking heads a fait beaucoup pour ouvrir nos oreilles aux pulsations du monde. Alors que le label vĂŠgĂŠtait depuis quelques saisons, dix soulmen du Wisconsin lui redonnent audace et allant. FondĂŠ par un disquaire peu regardant sur le droit d’auteur, le collectif pille littĂŠralement les rayons funk et R’n’B du magasin, qu’il rĂŠagence sur les dix plages de ce premier album vintage en diable. Ce pourrait n’être qu’un banal vol Ă l’Êtalage ; ça ressemble plutĂ´t au casse du siècle. _A.T.

L’ESCROC DELETED SCENES FROM THE CUTTING ROOM FLOOR de Caro Emerald (Sony Music) On pourrait se sentir escroquĂŠ par cette Caro : derrière son look de Carmen version pin-up se cache une NĂŠerlandaise ; derrière le jazz rythmĂŠ de son premier tube Back It Up, frĂŠtille une chanson ĂŠcrite pour un groupe de pop japonaise. En fait, on est plutĂ´t content d’y croire, de se laisser charmer de tango en mambo, qu’on enfile comme autant d’Êmeraudes cent carats. Caro Emerald ne nous force pas Ă la suivre jusque dans ses studios d’hollywood, fifties Ă souhait : c’est nous qui y courons, en rythme bien sĂťr. Et pour accompagner dignement les ĂŠclats de voix de ce bijou rĂŠtro, on esquisse un petit dĂŠhanchĂŠ, langoureux et discret. _A.L.

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Š Sigrid Estrada

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TOUT TERRAIN hORNBY OR NOT TO BE Pour les uns, c’est l’un des meilleurs Êcrivains anglais de son Êpoque. Pour les autres, un romancier gÊnÊrationnel en dÊclin. Alors que sort Juliet, Naked, comment vieillit le grand nICk HORnBY? _Par Bernard Quiriny

Au dĂŠbut, tout le monde l’a considĂŠrĂŠ d’un Ĺ“il en bon faiseur aux recettes inoffensives, calibrĂŠes pour complice.Pensez : un prof de Cambridge qui dĂŠbarque plaire au plus grand nombre. Rançon du succès ou avec un premier roman sur le foot en gĂŠnĂŠral et Arsenal dĂŠclin prĂŠmaturĂŠ ? en particulier, ça ne pouvait qu’inspirer la sympathie. Avec Carton jaune, Nick hornby fait un malheur : des Certes, tout dans l’œuvre de hornby n’est pas mĂŠmocentaines de milliers d’exemplaires vendus rable (voir Slam, ou l’assez convenu Vous et deux adaptations cinĂŠ, dont une par les descendez) mais le procès est injuste. frères Farelly. hornby creuse d’emblĂŠe son D’abord, hornby a prouvĂŠ qu’il n’est pas coltrou dans la littĂŠrature anglo-saxonne, quellĂŠ Ă ses personnages de Londoniens cĂŠlique part entre irvine Welsh (ĂŠnergie, style bataires et immatures – il a aussi croquĂŠ tonique) et Jonathan Coe (humour causl’adolescence ou, avec plus de bonheur, tique, critique sociale en douce). Trois ans les contradictions de la bourgeoisie progresplus tard, Haute FidĂŠlitĂŠ transforme l’essai siste (l’excellent La BontĂŠ, mode d’emploi). et consolide son univers : rĂŠfĂŠrences pop, Surtout, il demeure l’un des rares ĂŠcrivains understatement et personnages de trentepopulaires d’aujourd’hui capable de mijoter naires en dĂŠroute, incapables de grandir des comĂŠdies impeccables et de rĂŠunir ou d’avoir des relations adultes avec les tous les publics, des fans (qui l’adulent) aux Juliet, Naked de Nick filles. Qu’on aime ou pas son ironie douce- Hornby (roman, 10/18) lecteurs exigeants (en dĂŠpit de leur moue). amère, il faut reconnaĂŽtre Ă hornby un talent incrĂŠdules ? Faites le test avec Juliet Naked, imparable pour capter l’air du temps, les dĂŠtails qui son dernier roman, traduit en grand format chez 10/18. tuent, et portraiturer la classe moyenne, celle qui lit les Laissez-le près du canapĂŠ, et comptez ceux qui rĂŠsistent mensuels pour homme et se demande ce qu’elle peut Ă l’envie de l’ouvrir. Sans ĂŞtre le meilleur de son auteur, apporter au monde. En mĂŞme temps, cette sensibilitĂŠ qui y recycle ses thèmes classiques (le fan attardĂŠ, le particulière est peut-ĂŞtre son boulet : pour ses dĂŠtrac- rocker oubliĂŠ, le couple en crise), cette comĂŠdie pleine teurs, hornby, depuis qu’il squatte la liste des meilleures de verve tient en haleine jusqu’au bout, qu’on soit ventes et qu’il est bankable au cinĂŠma, est incapable adepte ou (faussement) blasĂŠ. Pari gagnĂŠ ! de sortir de sa case ÂŤgĂŠnĂŠrationnelleÂť et se transforme

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LES AUTRES SORTIES LA CURIOSITÉ

L’HOMME DE TROP de Thierry AuĂŠ (La dernière goutte, textes courts) Ne cherchez pas le terme ÂŤ roman Âť sur la couverture de ce premier livre du pianiste et performer Thierry AuĂŠ, ni celui de ÂŤ nouvelles Âť : avec L’Homme de trop, il propose en fait des ÂŤ textes courts Âť, genre assez peu frĂŠquentĂŠ dans la littĂŠrature française, quelque part entre l’anecdote et la saynète, en quelques phrases ou quelques pages. On pense aux Contes glacĂŠs du Belge Jacques Sternberg ou aux vignettes de La Vie impossible de l’Argentin Eduardo Berti : AuĂŠ expĂŠdie en deux ou trois traits de plume de drĂ´les d’historiettes qui tirent tantĂ´t vers l’absurde, tantĂ´t vers la vision poĂŠtique, Ă mi-chemin entre l’exercice de style et le plaisir zappeur du haĂŻku qui fait mouche. _B.Q.

LE DOCUMENT ChOC LA LOGIQUE DU MASSACRE (DERNIERS ÉCRITS DES TUEURS DE MASSE), ouvrage collectif (Inculte, anthologie) ils s’appellent Richard Durn, Eric harris, Dylan Klebold ou Cho Seunghui. ils sont français, amĂŠricains ou quĂŠbĂŠcois, adultes ou adolescents, et ont un point en commun : tous ont commis des massacres – Columbine, Nanterre ou Virginia Tech. Ce recueil a l’idĂŠe inĂŠdite de rassembler leurs derniers ĂŠcrits, qu’il s’agisse de journaux intimes, de pages de blogs ou de vidĂŠos enregistrĂŠes avant la tuerie. y a-t-il une structure mentale ou un passĂŠ communs Ă tous ces meurtriers, qui permettrait de comprendre leur passage Ă l’acte? Un document bizarre et flippant, Ă lire en mĂŞme temps que Gun Show Nation, l’essai de la philosophe Joan Burbick sur la culture des armes aux États-Unis, chez le mĂŞme ĂŠditeur. _B.Q.

lE COUP dE CĹ“UR dE lA lIBRAIRE LITTÉRATURES de Vladimir Nabokov (Robert Laffont, essai) Belle initiative que cette publication dans la collection Bouquins des confĂŠrences sur la littĂŠrature donnĂŠes par Vladimir Nabokov entre 1941 et 1958 dans diverses universitĂŠs amĂŠricaines, et dont aucune des ĂŠditions françaises n’Êtait disponible. L’ouvrage se divise en trois parties : LittĂŠratures I (Austen, Dickens, Flaubert, Stevenson, Proust, Kafka, Joyce), LittĂŠratures II (Gogol, Tourgueniev, DostoĂŻevski, TolstoĂŻ, Tchekhov, Gorki), LittĂŠratures III (Don Quichotte de Cervantès). S’il passe au crible les Ĺ“uvres ĂŠtudiĂŠes, insiste sur la traduction, traque l’auteur comme le lecteur, Nabokov n’en oublie pas pour autant l’humour et l’ironie, et manie subtilement l’art de l’autoportrait. _Pascale Dulon, libraire au MK2 Bibliothèque

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Š Daniel Clowes & Éditions CornĂŠlius

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Le Rayon de la mort de Daniel Clowes

CLOWES UP LES COMÉDIES NOIRES DE DANIEL CLOWES Parutions françaises en cascade pour l’auteur de David Boring qui, de sa première sĂŠrie, Lloyd Llewellyn, Ă son dernier roman graphique en date,Wilson, en passant par son antisuper-hĂŠros du Rayon de la mort, est devenu culte sans jamais se prendre au sĂŠrieux. _Par Joseph Ghosn (www.gqmagazine.fr)

C’Êtait au siècle dernier, en 1986. il y a plus de vingt-cinq Daniel Clowes a l’habitude de mener ses histoires via ans. Pourtant, les histoires que publiait alors le jeune des arguments inattendus, en introduisant des ĂŠlĂŠments Daniel Clowes (il est nĂŠ en 1961) conservent une impro- d’anomie (et d’anomalie) au sein des mythologies les bable candeur, une impossible fraĂŽcheur. inĂŠdites en plus rodĂŠes. Son Rayon de la mort est construit avec France, elles viennent d’être compilĂŠes dans un beau des couleurs et graphies pop qui lui donnent l’appavolume, Le Monde de Lloyd Llewellyn, qui reprend toutes rence d’un comics des annĂŠes 1960, notamment dans les pĂŠrĂŠgrinations du premier personnage les lettrages vintage, tout en mettant en que Clowes a fait vivre dans ses planches : scène des hĂŠros terriblement dysfonctionun dĂŠtective de pacotille et de bars de nuit, nels qui vivent une histoire virant vite Ă la traversant des aventures teintĂŠes de SF antragĂŠdie intime. Formellement et narrativenĂŠes 1950 et baignĂŠes d’humour cinglant, ment, Clowes est ici au sommet de sa maĂŽaux limites du cynisme et de la dĂŠsinvolture. trise, essaimant rĂŠfĂŠrences implicites aux Fantasque et souvent crĂŠtin, Lloyd Llewellyn super-hĂŠros classiques, et esquissant une s’inspirait surtout de la ligne claire française, ĂŠcriture très littĂŠraire, creusant très profonfaisant explicitement rĂŠfĂŠrence Ă Serge Clerc, dĂŠment les psychĂŠs des personnages, sans autre maĂŽtre de la dĂŠrision stylĂŠe, devenu doute plus encore que dans ses ouvrages depuis grand fan de l’AmĂŠricain et qui prĂŠ- Le Rayon de la mort prĂŠcĂŠdents. Cela, Clowes le fait de manière face ĂŠlĂŠgamment cette ĂŠdition française. de Daniel Clowes tout aussi admirable mais plus minimaliste Après Lloyd Llewellyn, Clowes se lança, en (CornĂŠlius) dans Wilson, recueil d’une soixantaine d’his1989, dans une nouvelle sĂŠrie, Eightball, oĂš il publia en toriettes d’une page, ĂŠcrites et dessinĂŠes avec un souci feuilleton les chefs-d’œuvre du genre que sont Ghost de gommer tout superflu. Clowes y dissèque toute la fraWorld (adaptĂŠ au cinĂŠma par Terry Zwigoff), David gilitĂŠ d’un AmĂŠricain moyen, amer et perturbĂŠ. Wilson Boring ou Ice Haven. C’est aussi dans Eightball qu’Êtait vient de sortir aux États-Unis et il est prĂŠvu en France parue l’histoire aujourd’hui traduite chez CornĂŠlius : Le pour septembre ou octobre 2010. Rayon de la mort. Clowes y renverse le rĂŠcit classique du super-hĂŠros en costume avec un personnage d’ado qui Le Monde de Lloyd Llewellyn de Daniel Clowes (Le 9 Monde) Ă€ venir en septembre : Wilson de Daniel Clowes (CornĂŠlius) obtient ses pouvoirs Ă force de fumer des cigarettes. e

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LES AUTRES SORTIES LA BD hORRIFIQUE

LES HOMMES-LOUPS de Dominique Goblet (FRMK) Dominique Goblet prend le temps de faire ses livres : certains mettent dix ans Ă s’achever. Celui-ci offre plusieurs niveaux de lecture. On pourrait n’y voir qu’un recueil de dessins, beaux Ă se damner, esquissant divers techniques pour reprĂŠsenter des bouts de paysages, des parcelles d’hommes. Mais on devrait surtout y lire une longue sĂŠquence qui hĂŠsite entre rĂŞve et cauchemar, entre songe et rĂŠalitĂŠ, au sein de laquelle convergent des faisceaux de terreur enfantine, des rayons de violence intĂŠrieure sourde. Dans quelques mois, Dominique Goblet sortira un autre livre, très attendu, pour l’Association, dans lequel elle dialogue en dessins avec sa fille. _Jo.Gh.

LE PÉPLUM DESSINÉ POUR L’EMPIRE, TOME 1 de Merwan et Vivès (Dargaud) En peu d’annĂŠes, le jeune Bastien Vivès s’est imposĂŠ comme un dessinateur très prometteur : son GoĂťt du chlore demeure l’une des plus belles histoires narrĂŠes en BD ces dernières annĂŠes. ici, il dresse en compagnie de Merwan un pĂŠplum en trois tomes, fortement influencĂŠ par 300 de Frank Miller. Grâce au travail conjuguĂŠ des deux auteurs (ils ĂŠcrivent et dessinent Ă deux), Pour l’Empire parvient cependant Ă dĂŠpasser son modèle pour imposer un rĂŠcit intriguant, qui donne envie de redĂŠcouvrir le genre et, surtout, de lire l’ensemble de l’histoire. _Jo.Gh.

LE ROMAN JEUNESSE J’AIME PAS LE LUNDI de JĂŠrĂ´me Lambert (L’Êcole des loisirs, Ă partir de 9 ans) Pas facile d’avoir 13 ans, d’aller au collège et de s’appeler Lucien. Les profs vous rĂŠveillent en plein cours et vous punissent. Deux heures de colle, c’est deux heures de solitude sans son unique copain, CroĂťton. Lucien n’aime rien ni personne, Ă part CroĂťton et son amie la peintre Rosa Bonheur, morte il y a 120 ans, dont la statue trĂ´ne Ă l’entrĂŠe du collège. Et lorsqu’il rencontre une terreur prĂŠnommĂŠe Fatou et que, droit dans les yeux, ils se disent qu’ils ne s’aiment pas, un duel terrible s’engage. ils doivent chacun dresser la liste de tout ce qu’ils n’aiment pas : celui dont la liste est la plus longue sort vainqueur. Mais n’estce pas un amour naissant qui l’emportera ? _Sophie Quetteville, libraire au MK2 Quai de Loire JĂŠrĂ´me Lambert sera Ă la librairie le mercredi 26 mai Ă 16h pour une rencontre lecture.

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110 LE BOUDOIR /// lUdOtHèQUE

MAÎTRE SPLINTER LES NUITS BLANChES DE SPLINTER CELL Jadis fÊlin filou, ce vieux matou de Sam Fisher se fait aujourd’hui tigre traqueur. Dans une robe au poil plus dru, l’Êlectron libre des services secrets amÊricains dÊlaisse sa lÊgendaire discrÊtion. Une hÊrÊsie ? _Par Étienne Rouillon

Roi du cache-cache et du ÂŤ devine qui c’est ? Âť, le furtives pendant lesquelles on dissĂŠquait les allĂŠes et Chuck Norris de l’infiltration a renouvelĂŠ le genre en venues de gardes. il s’agit dĂŠsormais de planifier une 2002 avec le premier des Splinter Cell. Tapi dans l’ombre, attaque ĂŠclair dans une pièce et d’en abattre tous les Fisher dressait des filets de roublardise dans lesquels occupants avant que ceux-ci puissent dĂŠgainer. Un tombaient des bidasses : camĂŠra-glu, grand système de marquage – dĂŠbloquĂŠ après ĂŠcart surĂŠlevĂŠ dans les couloirs, crochets une exĂŠcution au corps Ă corps – permet explosifs, sans oublier les lunettes de vision d’enchaĂŽner les headshots automatisĂŠs. nocturne et leur ÂŤ chtuiiiii Âť Ă l’allumage – bande-son des exĂŠcutions furtives. Un arsenal Bon nombre hurleront Ă la trahison, quand et des acrobaties qui ont donnĂŠ ses lettres nous voyons, nous, dans ce Conviction un de noblesse Ă l’action discrète. BercĂŠ par renouvellement d’une sĂŠrie qui brille toujours les canons silencieux, le joueur ronronnait par la qualitĂŠ de l’animation de l’acrobate le plaisir de coller des balles dans le dos. Fisher et par des environnements finement Les itĂŠrations successives de la sĂŠrie ont montĂŠs, que soulignent des partis pris gramurmurĂŠ son leitmotiv : l’assassinat se chuphiques gonflĂŠs : l’Êcran passe en niveau chote au petit matin des nuits sans lune. de gris quand on est cachĂŠ, les objectifs Genre : Infiltration / Action Éditeur : Ubisoft sont projetĂŠs sur les bâtiments. Ă€ l’instar d’un Plateforme : PC, X360 Badaboum. C’est dans un barouf assourBatman Arkham Asylum, l’aspect infiltration dissant que se joue cette sixième partition. Splinter Cell (rĂŠduit, il est vrai, Ă de la simple discrĂŠtion) n’est ici Conviction convie encore les mĂŞmes arias de conspi- qu’un prĂŠambule aux guets-apens surexcitĂŠs dĂŠbouration paramilitaire Ă base de bombes Ă impulsions chant parfois sur des scènes d’interrogatoires orienĂŠlectromagnĂŠtiques et de refrains hollywoodiens tout tĂŠs crâne contre mobilier, qui feraient rougir d’envie en renversements prĂŠsidentiels. En crescendo jusqu’au Jason Bourne. Le solo un peu court sur pattes, dĂŠvorĂŠ final fortissimo, l’intrigue emprunte au solfège d’un ĂŠpi- en six heures, profite d’une bĂŠquille de luxe avec une sode de 24 Heures chrono. Et dans les manettes, l’Êvo- campagne en coopĂŠration (live ou ĂŠcran splittĂŠ) des lution est Ă l’avenant : exit l’infiltration, dorĂŠnavant on plus jouissives. Conviction convainc. mise tout sur la surprise. OubliĂŠes les longues approches

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LES AUTRES SORTIES LE COUP DE POING SUPER STREET FIGHTER IV (Capcom, sur X360 et PS3) Un an après son retour en grâce haute dĂŠfinition, Street Fighter IV tape Ă nouveau du poing sur la table dans une version enrichie d’une dizaine de nouveaux personnages. Aux cĂ´tĂŠs des anciennes gloires de la sĂŠrie deux fois dĂŠcennale, des nouvelles tĂŞtes Ă maltraiter comme celle de hakan, un lutteur turc qui aime se frictionner avec de l’huile avant de la jouer collĂŠ-serrĂŠ avec ses adversaires. RĂŠĂŠquilibrĂŠes suite aux remarques des fans, les aptitudes des protagonistes n’ont rien perdu de leur mordant avec l’ajout de nouvelles fatalitĂŠs. Loin d’être une simple mise Ă jour, cette madeleine de rouste ravive notre goĂťt pour les jeux de baston mijotĂŠs dans les vieilles marmites 2D. _E.R.

LE COUP DE PIED COUPE DU MONDE DE LA FIFA, AFRIQUE DU SUD 2010 (Electronic Arts, sur PS3, PSP, Wii, X360)

Plus Êcolo qu’un aller-retour sur les pelouses de Johannesburg, Coupe du monde de la FIFA, Afrique du Sud 2010, eh bien, c’est Êcrit dessus comme le Port-Salut. Dispensable pour ceux qui ont dÊjà chaussÊ les crampons du rÊcent FIFA 2010, ce dernier opus dribble son prestigieux aÎnÊ avec quelques rÊajustements au niveau de la jouabilitÊ et des modÊlisations graphiques. il vaut surtout pour la reprÊsentation des stades qui vont vrombir cet ÊtÊ, entre Le Cap et Pretoria, l’apparition de quelques sÊlectionneurs nationaux et la ferveur d’un public en transe. BrossÊe avec soin, cette coupe du monde nous a laissÊ des confettis dans les cheveux. Le seul moyen de voir l’Êquipe de France en finale cet ÊtÊ ? _E.R.

LE COUP DE MAIN BORDERLANDS DOUBLE EXTENSION (2K Games, sur PC et X360) Billet pour deux au pays du jeu de tir coopĂŠratif, Borderlands fut la surprise de l’automne. Venezvous faire tamponner le visa avec ce coffret bigoĂťt Ă mâcher sans modĂŠration, regroupant les deux contenus tĂŠlĂŠchargeables du titre. Une première bouchĂŠe avec The Zombie Island of Dr. Ned, plongĂŠe dans un bayou sans galettes de pĂŠtrole mais peuplĂŠ d’une boulette de savant fou : les zombies cannibales du docteur Ned. Ceux qui se sont fait des ampoules aux pouces après des heures de jeu pourront confronter leurs soldats aguerris aux hordes d’ennemis dĂŠferlant dans les arènes du Mad Moxxi’s Underdome Riot. ProposĂŠe Ă petit prix (19,99 â‚Ź), cette compilation joue les gros bras. _E.R.

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112 hOLLYWOOD STORIES // GRANDES ET PETITES hISTOIRES DU CINÉMATOGRAPhE

LE NOiR DESTiN DU SURHOMME La filmographie de MICHAEl CIMInO met Ă l’Êpreuve notre scrupule de ne pas confondre l’artiste et l’œuvre. Chacun des sept films tournĂŠs Ă ce jour raconte, avant l’heure ou après coup, son histoire : celle d’un maĂŽtre que sa passion de la maĂŽtrise a condamnĂŠ Ă la marge. Premier ĂŠpisode de notre feuilleton : Voyage au bout de l’enfer, 1978.

ÉPISODE 1, SAISON 4

_Par François BÊgaudeau

d’Un COUP

Š 1978 STUDIOCANAL. Tous droits rÊservÊs

Nous raconterons les dĂŠconvenues de Cimino en trois temps et trois films, mais un seul suffirait, le chef-d’œuvre indĂŠpassable, The Deer Hunter de son vrai nom tellement plus ĂŠvocateur. Actif et contemplatif, trivial et mystique, ample et intimiste, aussi fort dans la dilatation (la demi-heure du mariage inaugural) que dans la fulgurance (l’attaque de village qui ouvre l’Êpisode vietnamien), le film gagne sur tous les tableaux. Comme si le cinĂŠaste, justement remarquĂŠ pour quelques scĂŠnarios et pour son premier film, Le Canardeur, avait voulu, d’un coup d’un seul, rĂŠgler le problème : celui du Vietnam, et celui de la suprĂŠmatie au sein de la dream team du Nouvel hollywood – qu’animent des cinĂŠastes mineurs comme Coppola, Scorsese ou De Palma‌ Exactement comme Mike, son hĂŠros chasseur de daim, ne s’autorise Ă tirer que s’il est sĂťr d’abattre la bĂŞte avec une seule balle.

FOlIE dE lA MAÎtRISE incarnÊ par un De Niro dÊjà connu et reconnu pour son perfectionnisme dingo, Mike n’a pas seulement hÊritÊ du prÊnom de son crÊateur. De l’un à l’autre court une insatiable pulsion de maÎtrise. Gestes brefs et posÊs, impeccable en bleu de travail autant qu’en uniforme dÊcorÊ, Mike n’aime pas l’alÊatoire. Parmi ses potes ouvriers sidÊrurgistes, ce surcroÎt de soin et d’exigence dissone, trouble, fascine. À Stan (John Cazale), il rechigne à prêter des chaussures de montagne ; le nÊgligent avait qu’à ne pas oublier les siennes. Les potes le dÊsapprouvent muettement quand il joue ce numÊro, mais tous lui ont tacitement accordÊ leur suffrage ; l’ont inconsciemment affiliÊ à la race des Êlus. En toute confiance, Nick (Christopher Walken) lui fait promettre de le ramener du Vietnam oÚ ils s’envolent le lendemain avec Steven (John Savage). Mike promet. il est sÝr de sa force, maÎtre de leur destin.

lA ROUlEttE dE lA FORtUnE Or Ă quinze mille kilomètres de leur Pennsylvanie natale, le trio dĂŠcouvre une guerre sortie des gonds habituels. Un affrontement sans foi ni loi. En lieu et place d’une vraie scène de combat, The Deer Hunter propose, on le sait, on s’en souvient, on n’oubliera plus, une partie de roulette russe entre Mike et John, arbitrĂŠe par leurs geĂ´liers cauchemardesques. Le destin ne s’indexe plus Ă des faits d’armes hĂŠroĂŻques. il se joue. Au surhomme il ne reste que la marge de manĹ“uvre de parier, de forcer la chance en demandant qu’on mette quatre balles dans le barillet qui lui permettront de canarder ses bourreaux. Pour cette fois c’est rĂŠussi. Plus tard, Mike verra un Nick traumatisĂŠ s’exploser la cervelle – un seul coup, toujours, mais pour le contraire de l’absolu. il le ramènera Ă la maison, comme promis. Dans un cercueil. La leçon est claire, rien n’est maĂŽtrisable. Sur le film suivant, Cimino mourra de ne pas se l’être appliquĂŠe. Retrouvez le prochain ĂŠpisode le mois prochain dans Trois Couleurs‌

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114 SEX-TAPE /// L’INSTANT ÉROTIQUE

BON COU

On ne quitte pas l’appartement de Laura, jeune Mexicaine cĂŠlibataire : Laura en pyjama devant son frigo, devant sa tĂŠlĂŠ, devant sa fenĂŞtre. Laura nue dans son lit avec un premier homme, un deuxième, un troisième. Du sexe froid. On voudrait, comme Laura qui raye avec application dans son calendrier les jours de cette longue annĂŠe bissextile, que les choses changent, s’accĂŠlèrent. Jusqu’à ce qu’Arturo, un homme d’un soir, revienne. Lorsqu’il lui fait l’amour, Laura frĂ´le la mort et, enfin, se sent vivre. Jusqu’oĂš iront-ils? Premier film cru et dĂŠrangeant, prĂŠsentĂŠ cette annĂŠe Ă la Quinzaine des RĂŠalisateurs, AnnĂŠe bissextile prend Ă la gorge, dans un râle violent, oĂš le plaisir se mĂŞle Ă l’effroi. _A.L. AnnĂŠe bissextile de Michael Rowe // Sortie le 16 juin




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