JUIN 2010
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CINÉMA CULTURE TECHNO
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REPORTAGES : VISITE DES STUDIOS PIXAR À SAN FRANCISCO - EN DIRECT DU FESTIVAL D’ANNECY
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ÉDITEUR MK2 MULTIMÉDIA 55 RUE TRAVERSIĂˆRE_75012 PARIS 01 44 67 30 00
SOMMAIRE # 82
RĂŠdacteur en chef AurĂŠliano Tonet (aureliano.tonet@mk2.com)
7 ÉDITO 8 SCĂˆNE CULTE > Toy Story 10 L’ŒIL DE‌ > Bartabas 12 PREVIEW > Submarino
Chef de rubrique  technologies  Étienne Rouillon (etienne.rouillon@mk2.com)
15 LES NEWS
Directeur de la publication & directeur de la rĂŠdaction Elisha Karmitz (elisha.karmitz@mk2.com)
RĂŠdactrice Juliette Reitzer (juliette.reitzer@mk2.com) Direction artistique Marion Dorel (marion.dorel@mk2.com) Sarah Kahn (sarah.kahn@mk2.com) Design Sarah Kahn SecrĂŠtaire de rĂŠdaction Laureen Guhur Stagiaires AmĂŠlie Leenhardt, Cassandre Dessarts Ont collaborĂŠ Ă ce numĂŠro Ăˆve Beauvallet, François BĂŠgaudeau, Isabelle Danel, Julien Dupuy, ClĂŠmentine Gallot, Joseph Ghosn, Donald James, Olivier Joyard, Laura Mattei, Wilfried Paris, Bernard Quiriny, Pablo RenĂŠ-Worms, LĂŠo Soesanto, Violaine SchĂźtz, RaphaĂŤlle Simon, Bruno Verjus, Éric Vernay, Anne-Lou Vicente Illustrations Dupuy & Berberian, Sarah Kahn, Étienne Rouillon PublicitĂŠ Responsable clientèle cinĂŠma Laure-Aphiba Kangha 01 44 67 30 13 (laure-aphiba.kangha@mk2.com) Directrice de clientèle hors captifs Laurie Pezeron 01 44 67 68 01 (laurie.pezeron@mk2.com)
Š 2009 TROIS COULEURS issn 1633-2083 / dÊpôt lÊgal quatrième trimestre 2006. Toute reproduction, même partielle, de textes, photos et illustrations publiÊs par MK2 est interdite sans l’accord de l’auteur et de l’Êditeur. Magazine gratuit // Ne pas jeter sur la voie publique
15 16 18 20 22 24 26 28 30 32
CLOSE-UP > Adam Butcher LE K > Dirty Diaries KLAP ! > Ivory Tower TÉLÉCOMMANDO > Glee EVENT > La maison Cocteau CARTE BLANCHE > Push Up UNDERGROUND > 1973 BUZZ’ART > Sinna Mann LE NET EN MOINS FLOU > Facebook perd la face AVATAR > UFC : Ultimate 2010 Undisputed
35 LE GUIDE 36 SORTIES CINÉ 48 SORTIES EN VILLE 58 LA CHRONIQUE DE DUPUY & BERBERIAN
60 DOSSIERS 62 REPORTAGE CHEZ PIXAR > TOY STORY 3 68 EN DIRECT DU FESTIVAL D’ANNECY > SHREK 4, L’ILLUSIONNISTE‌ 72 ENTRETIEN AVEC OLIVIER ASSAYAS > CARLOS
77 LE BOUDOIR 78 80 82 84 86 89 90
DVD-THĂˆQUE > Albert Serra CD-THĂˆQUE > Sean Lennon & Harper Simon BIBLIOTHĂˆQUE > Ollivier Pourriol BD-THĂˆQUE > Suehiro Maruo LUDOTHĂˆQUE > Machinarium HOLLYWOOD STORIES > Michael Cimino SEX TAPE > Air Doll
VOUS SOUHAITEZ COMMUNIQUER DANS APPELEZ-NOUS ! 01 44 67 68 01
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ÉDITO - DESTINS ANIMÉS
Il est minuit passé. Très en retard, nous bataillons sur nos derniers textes. En proie au découragement, je propose à mon journaliste le plus polyvalent, Étienne, d’écrire l’édito. Lequel, pour le plaisir et en hommage à ce numéro special anim’, accepte, mais à une condition : l’édito sera dessiné, ou ne sera pas. Quelques heures plus tard, ses bulles sont dans la boîte… Pas encore du niveau de Pixar, certes, mais, comme le dit la licorne de Toy Story 3 : « On fait beaucoup d’impro, ici ». _A.T.
Š Disney / Pixar
8 SCèNE CULTE /// TOY STORY
LOvE STORY LE PITCH Sitôt que leurs propriÊtaires ont le dos tournÊ, les jouets prennent vie. Une existence pas forcÊment aisÊe tant la peur d’être perdus, cassÊs ou remplacÊs est prÊgnante chez ces petits objets. Alors, comme pour se rassurer, ils se rÊunissent et discutent du meilleur moyen de faire face à un futur incertain.
“
REX : Aujourd’hui ? C’est la semaine prochaine ! BAYONNE : Sa mère a la tirelire fêlÊe ? WOODY : Elle a voulu fêter ça avant le dÊmÊnagement. Ça ne m’inquiète pas ! M. PATATE : Tu parles ! Woody est le chouchou d’Andy depuis la maternelle.
WOODY : Tout le monde m’entend ? vous m’entendez, là -haut ? Premier point à l’ordre du jour. Tout le monde a un compagnon de route ?
ZIGZAG : Arrête, Patate ! Si Woody dit que ça va, ça me va. Il n’a jamais fait fausse route.
BAYONNE : Un compagnon de route ? Tu plaisantes ?
WOODY : À chaque NoÍl, à chaque anniversaire, vous recommencez !
REX : On doit dÊjà en avoir un ? M. PATATE : Faut se donner la main ? [Il arrache la sienne de son corps et la brandit] WOODY : vous trouvez ça drôle ? On dÊmÊnage dans une semaine. Personne ne doit manquer à l’appel. Un compagnon de route ! Trouvez-en un ! Bon, ensuite‌ La rÊunion de mardi sur la corrosion du plastique fut, à mon avis, un grand succès. M. Alphabet a mis les points sur les i. Il reste un point de dÊtail. [Il chuchote] C’est aujourd’hui l’anniversaire d’Andy. [Panique dans l’assemblÊe]
REX : S’ils lui offrent un nouveau dinosaure ? Un mÊchant ? Je ne supporterais pas l’exil ! WOODY : Personne ne sera remplacÊ. vous connaissez Andy ! Peu importe qui est son jouet prÊfÊrÊ. L’important, c’est d’être à sa disposition. On est faits pour ça, non ? BAYONNE : DÊsolÊ de t’interrompre, mais ils sont là ! InvitÊs à 3 heures ! WOODY : Restez calme ! [Les jouets se prÊcipitent vers la fenêtre] La sÊance est levÊe.
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Un film de John Lasseter // ScÊnario de John Lasseter, Andrew Stanton, Peter Docter et Joe Ranft // États-Unis, 1995, 1h22 DVD disponible aux Éditions Disney DVD
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10 L’œIL DE‌ BARTABAS
CA M É R A ÉQUINE BARTABAS, c’est ĂŠvidemment l’Êcuyer du mythique cirque Zingaro. C’est aussi un rĂŠalisateur passionnĂŠ qui, dans le film Galop arrière, livre sa relecture d’une aventure de vingt-cinq ans. Un autoportrait pudique dissimulĂŠ sous des images d’archives et des poèmes. Rencontre. _Propos recueillis pas Ăˆve Beauvallet
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u’est-ce qui a motivÊ le projet Galop arrière ? Il y a quelque temps, j’ai visionnÊ un de mes anciens films, et je me suis surpris à pouvoir le regarder comme n’importe quel spectateur l’aurait fait. Le pari Êtait de rÊaliser un objet poÊtique à part entière, aussi surprenant qu’un spectacle de Zingaro. Surtout pas un documentaire. L’histoire de ce film, c’est la façon dont je regarde, à distance, ces images filmÊes tout au long du parcours de Zingaro. C’est comme un spectacle idÊal, un voyage intÊrieur oÚ l’on observe l’Êvolution d’une relation entre homme et cheval.
Galop arrière Un film de Bartabas France, 2010, 1h27 Projection (et concert de Le RÊtif) au ThÊâtre Êquestre Zingaro, du 29 juillet au 7 aoÝt, dans le cadre du festival Paris Quartier d'EtÊ. RÊservations : www.quartierdete.com et www.zingaro.fr
Que diriez-vous de l’Êvolution de votre travail de metteur en scène ? À 20 ans, on est souvent plus dÊmonstratif. Je vais davantage vers l’Êpure aujourd’hui. Ce n’est pas gratuit que le public disparaisse progressivement de Galop arrière. C’est somme toute cohÊrent avec l’Êvolution de la façon dont j’ai filmÊ mes propres spectacles. J’ai fini par virer les spectateurs des films et rÊÊcrire le spectacle pour la camÊra. Eclipse (1997) en est l’exemple. Pourquoi avoir tenu à filmer vous-même vos spectacles ? Le fait d’être auteur et du spectacle et du film permet, je crois, de trouver la meilleure traduction d’une idÊe. C’est devenu fondamental pour moi d’être l’auteur de ces films. Et ça, c’est le producteur Marin Karmitz qui m’en a convaincu. Travailler le spectacle vivant, pour moi, c’Êtait travailler dans l’instant et pas pour la postÊritÊ‌ Marin voulait qu’il y ait des traces. Je m’y suis finalement attelÊ, car le destin ÊphÊmère de tout spectacle vaut encore plus pour Zingaro, dans la mesure oÚ nous n’avons pas de rÊpertoire. Faut-il connaÎtre les chevaux pour savoir les filmer ? C’est en tout cas ce que j’ai compris sur Mazeppa (1993). Comment adapter la grammaire cinÊmatographique aux chevaux ? Que signifie le plan rapprochÊ avec un cheval ? Pour un humain, tu choisis la zone la plus expressive, tu cadres le visage. Le cheval, lui, s’exprime avec les yeux et les oreilles‌
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Š C. Weiner
L’œIL DE‌ BARTABAS 11
Une Êcuyère de l’AcadÊmie du spectacle Êquestre de Bartabas
De quelle façon votre expÊrience de rÊalisateur a-t-elle nourri vos spectacles ? Mon long mÊtrage Chamane (1996) a ÊnormÊment influencÊ mon spectacle Eclipse, par exemple. Chamane Êtait une aventure incroyable. Je ne connaissais que peu de choses techniques en cinÊma. Marin m’a accompagnÊ en me disant:Tant que tu sais ce que tu veux dire‌ Rien ne se passait comme prÊvu, et on Êtait dans la toundra, avec des milliers de kilomètres de vide. Les meilleures scènes du film
aussi à un plan magnifique oÚ un cheval se roule sous la pluie dans Andreï Roublev de Tarkovski, un rÊalisateur très important pour moi. Dans un autre genre, il y a cette scène cÊlèbre de Lawrence d’Arabie qui, dans sa version intÊgrale, doit durer plus de deux minutes, oÚ un cheval arrive au galop de très loin dans le plan. Et puis il y a Kurosawa, ce cheval blanc qui reprÊsente la mort et dÊbarque au milieu des samouraïs‌ J’avais envie de faire un film tissÊ par toutes les sÊquences de l’histoire du cinÊma qui
 LE PARI ÉTAIT DE FAIRE UN OBJET POÉTIQUE AUSSI SURPRENANT QU’UN SPECTACLE DE ZINgARO.  viennent des contraintes Ênormes que l’on a rencontrÊes, comme ce dÊcor, trouvÊ seulement deux jours avant : un paquebot, pris dans les glaces, qui n’avait jamais ÊtÊ terminÊ‌ Dans l’histoire du cinÊma, quels plans sur les chevaux ont pu irriguer votre travail ? J’aime les westerns, et Budd Boetticher est un de ceux qui a su incorporer les chevaux au rÊcit‌ Parce que, sinon, ça fait toujours rigoler quand tu connais un peu les chevaux et que tu vois le mec qui monte sur son cheval, qui crie  Ya !  et qui part au grand galop ! C’est comme si t’Êtais dans une voiture et que tu dÊmarrais tout de suite en cinquième‌ D’ailleurs, c’est drôle, quelqu’un qui est allÊ chez Boetticher m’a dit qu’il avait une affiche de Cabaret Êquestre (1984) accrochÊe au mur. Je pense
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ont pu me marquer. Au niveau des droits, malheureusement, c’Êtait trop compliquÊ. Et, de manière plus gÊnÊrale, quels films soustendent votre travail ? Le cinÊma est une très grande source d’inspiration. J’ai pris conscience de ramifications qui Êtaient jusqu’alors restÊes inconscientes. J’ai vu MÊdÊe de Pasolini à 17 ans, et, lorsque je l’ai revu il y a peu, j’ai rÊalisÊ à quel point l’utilisation extraordinaire qu’il fait des musiques m’avait construit, par exemple. Ce sont ces types de redÊcouvertes que racontent aussi Galop arrière.
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12 PREVIEW
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SUBMARINO Douze ans après Festen, Thomas vinterberg s’attaque de nouveau à un drame familial, mais dÊlaisse la bourgeoisie et l’implicite. Deux frères abandonnÊs par une mère alcoolique tombent à leur tour dans l’alcool et la drogue. Les bas-fonds, le dÊterminisme social, une filiation pesante : on se croirait dans un roman de Zola, transposÊ dans le Danemark d’aujourd’hui. Mais, chez vinterberg, l’hÊrÊditÊ excuse en même temps qu’elle explique, dÊvoilant les faiblesses de personnages profondÊment humains : les hommes violents sont des hommes souffrants et aimants. Et leur amour se concentre autour du personnage de l’enfant, être pur et fragile, bouÊe d’espoir de ce beau film à la tristesse abyssale. _A.L. Un film de Thomas Vinterberg // Avec Jakob Cedergren, Peter Plaugborg‌ // Distribution : MK2 Diffusion // Danemark-Suède, 2010, 1h45 // Sortie le 1er septembre
LES
NEWS
SECOUEZ, AGITEZ, SAVOUREZ : L’ACTU CINÉ, CULTURE, TECHNO FRAÎCHEMENT PRESSÉE
CLOSE-UP Impressionnant en ado enragÊ dans Dog Pound de Kim Chapiron, le Canadien ADAM BUTCHER fait ses classes au rang des mauvais garçons. Mis sur les rails par une tante agent de comÊdiens, Adam se fait remarquer en 2004 pour sa prestation de gamin chÊtif dans la comÊdie dramatique Ralph : il a tout juste 14 ans et dÊjà ce drôle de visage creusÊ, menton belliqueux et regard cernÊ. Kim Chapiron, rÊalisateur de Dog Pound, confie d’ailleurs avoir choisi son acteur principal pour  cette folie dans ses yeux . Dans le film, le corps du jeune acteur de 21 ans abrite tous les dÊmons de l’AmÊrique white trash : poings serrÊs, yeux injectÊs de sang, Butch est une tête brÝlÊe consumÊe par des accès de rage, un sale gosse enfermÊ dans un sinistre centre de dÊtention pour mineurs‌ Une bombe à retardement. Dans la vraie vie, quand Adam pète les plombs, cela donne un tournage suspendu à deux reprises pour cause de sÊjour en prison. Remarquable talent pour se glisser dans la peau de son personnage ou vrai caractère de chien ? Peu importe, la morsure de son talent est bien rÊelle. _J.R.
16 NEWS /// POLÉMIQUE
K
LE
IL Y A CEUX QU’IL ÉNERVE ET CEUX QUI LE VÉNèRENT
ChAIR&CANON BalisÊ, presque normalisÊ, le cinÊma pornographique se voit dÊfiÊ sur son propre terrain par la collection des douze courts mÊtrages suÊdois de Dirty Diaries. Ces derniers parviennent-ils à faire de l’art ET du cochon ? _Par LÊo Soesanto
LA QUESTION
LA RÉPONSE
Repenser la pornographie, tel est l’ambitieux slogan de Dirty Diaries. Avec cette collection, une dizaine de cinÊastes suÊdoises s’imposent la tâche draconienne de changer notre regard sur le X à une Êpoque oÚ il s’est pratiquement normalisÊ – nonobstant la traditionnelle interdiction aux moins de 18 ans. Porno chic ou chirurgical, l’imagerie s’est propagÊe dans la publicitÊ, la mode (les mannequins de Dolce & gabbana, la starlette X Charlotte Stokely posant pour American Apparel) et les films d’auteur (Larry Clark, vincent gallo, l’actrice X Sasha grey, hÊroïne du Girlfriend Experience de Steven Soderbergh). Depuis quelques annÊes, le X se heurte d’ailleurs aux mêmes problèmes que le cinÊma dit traditionnel : la gratuitÊ des contenus sur Internet, la haute dÊfinition ou même la 3D, annoncÊe en grande pompe par Marc Dorcel à Cannes. Dans ce cadre, y a-t-il encore une place alors pour un porno alternatif ?
Oui. Les douze sketches de Dirty Diaries (en partie financÊs par le très sÊrieux Institut du film suÊdois !) amènent dans les salles cet  alt porn  revendiquÊ par l’underground. FÊministe ou queer, il modifie et subvertit les canons en vigueur. Le sexe  habillÊ  de Skin ou les gros plans de Red Like Cherry confinent à l’abstraction visuelle. L’animÊ Dildoman et le narquois Body Contact jouent avec les peurs masculines. Mais on est avant tout marquÊ par la libertÊ qui se dÊploie au long de ces films, rÊsumÊe par l’audacieux Flasher Girl on Tour, qui suit une exhibitionniste en expÊdition à Paris. FilmÊs avec un tÊlÊphone portable, ces Dirty Diaries font du porno lo-fi à l’instar de la musique de certains rockers : certes crue, avec des aspÊritÊs mais surtout de l’Ênergie. Ils montrent que la pornographie est affaire de regard. DÊcalÊ comme ici, il voit vÊritablement les corps jouir sans entraves.
Un film collectif de Mia Engberg, Elin Magnusson, Sara Kaaman‌ // Distribution : KMBO // Suède, 2009, 1h38 // Sortie le 30 juin
LA RÉPLIQUE
 TOUT EST SUSPECT SAUF TON CORPS, TON ÉLÉGANCE ET TON STYLE.  (TOURNÉE, EN SALLES LE 30 JUIN)
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18 NEWS /// KLAP ! /// ZOOM SUR UN TOURNAGE
Des tournÊes aux tournages, du piano aux Êchecs, il ne manquait que quelques cases sur le parcours de GONZALES pour ajouter l’atout  acteur  à son parfait jeu de scène. Preview. _Par Wilfried Paris
vec Ivory Tower, le compositeur (sept albums), producteur (pour Katerine, Feist, Jane Birkin‌) et recordman du plus long concert jamais donnÊ (plus de vingt-sept heures) devient scÊnariste et acteur. CoÊcrite avec CÊline Sciamma, rÊalisatrice du remarquÊ Naissance des pieuvres, et mise en scène par Adam Traynor (Puppetmastaz), cette  comÊdie existentialiste à propos du succès et des Êchecs  file la mÊtaphore ludique et compÊtitive d’une partie du dit jeu. Les joueurs ? L’esthète hershall (gonzales), inventeur du  jazz chess  – littÊ-
A
ralement,  jazz d’Êchecs , qui mêle improvisation et beautÊ du geste –, contre son frère l’arrogant Thaddeus, champion du Canada, jouÊ par le DJ et producteur Tiga. L’enjeu est Êvidemment une reine, Marsha (la chanteuse performeuse Peaches).  Je joue le rôle de mon pire ennemi d’aujourd’hui, un artiste dans sa tour d’ivoire, naïf, puriste, dont le film dÊtruit les arguments. C’est un film sur les Êchecs qui parle aussi de la musique, de l’entertainment contre l’art, du respect pour la maÎtrise des techniques et pour le public. Finalement, c’est toujours le public qui est le roi , rÊsume gonzales. Ces Êchecs filmÊs comme un sport de combat (scènes d’entraÎnements à la Rocky) dans une saga familiale bergmanienne (ou allenienne, faites vos jeux) seront bien sÝr mis en musique par‌ gonzales. Bien jouÊ. Sortie du film prÊvue à l’automne, B.O. disponible fin aoÝt.
Š D.R.
AIR DE JEU _Par P.R.-W.
INDISCRETS DE TOURNAGE 1.Tahar Rahim retrouvera Émilie Dequenne et GÊrard Depardieu dans le nouveau projet de Joachim Lafosse. Il contera l’histoire de Geneviève Lhermitte, qui avait tuÊ ses cinq enfants avant de tenter de se donner la mort en fÊvrier 2007. Tournage prÊvu en janvier 2011. 2. Après s’être intÊressÊ à Idi Amin Dada en 1974, Barbet Schroeder continue son tour d’horizon des dictateurs africains. Ici, il se concentrera sur le dictateur centrafricain Jean Edel Bokassa. Le long mÊtrage sera aussi diffusÊ en tant que sÊrie sur Canal +. 3. Guillaume Canet va s’associer à James Gray pour Êcrire Rivals, adaptation du polar Les Liens du sang, dans lequel l’acteur français jouait dÊjà en 2008 sous la direction de Jacques Maillot. Il narrera la rivalitÊ entre deux frères, l’un policier, l’autre gangster.
LA TECHNIQUE
Š Gaumont
LE REGARD DU MONSTRE En film de monstres qui se respecte, Splice doit beaucoup à ses effets spÊciaux. Merci le numÊrique. Cette technologie a notamment permis d’obtenir un effet des plus subtils, quoique très efficace : afin de prÊserver l’intÊgritÊ du personnage de Dren (crÊature jouÊe adulte par Delphine ChanÊac et enfant par Abigail Chu), le cinÊaste a remplacÊ la moitiÊ supÊrieure du crâne de cette dernière par une image de synthèse, dont l’animation Êtait assurÊe par l’actrice française via la technique de la capture de mouvements. grâce à ce savant jeu de collage, le jeu de Dren est totalement raccord, que le personnage soit incarnÊ par une fillette ou une jeune femme. _Julien Dupuy // Splice de Vincenzo Natali, sortie le 30 juin
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Š Orange CinÊma SÊries
20 NEWS /// TÉLÉCOMMANDO
CONTRE-VOIX Glee, le phÊnomène tÊlÊ de l’annÊe, dÊbarque en France. Pour les adorateurs de Madonna et de comÊdie sociale grinçante‌ _Par Olivier Joyard
omment la sÊrie la plus folle du moment, ode aux losers et minoritÊs en tout genre, est-elle devenue l’une des plus populaires aux États-Unis ? Le miracle Glee n’en finit pas de faire tourner les têtes depuis son apparition en septembre 2009 sur Fox, diffuseur d’American Idol, la Nouvelle Star locale. La prÊcision n’est pas innocente car la sÊrie conte les aventures d’une chorale de lycÊe en passe de faire la nique aux pom-pom girls et autres sportifs bodybuildÊs, contre la logique sociale dominante. L’aboutissement d’un long parcours dans la fiction U.S. La Revanche des nerds Êtait le titre d’un film ado des annÊes 1980. Durant les annÊes 2000, les comÊdies dÊlicates de Judd Apatow à la gloire des inadaptÊs ont forcÊ la voie. CrÊÊe par Ryan Murphy (Nip/Tuck), Glee rÊcolte la mise. La sÊrie mÊlange un esprit de comÊdie satirique fÊroce avec des numÊros musicaux rÊconciliateurs. La majoritÊ des tubes des trente dernières annÊes y passe, ce qui rend l’ensemble immÊdiatement addictif pour les ex-fans du Top 50 – on conseille notamment l’Êpisode 15, The Power of Madonna. Et, pour ceux que le karaokÊ gÊant n’intÊresse pas, il reste une excellente raison de regarder Glee : l’actrice Jane Lynch y trouve un rôle à la hauteur de son immense talent comique, en prof de gym langue de vipère. Aperçue dans L Word ou 40 ans toujours puceau, elle Êtait le secret le mieux gardÊ d’hollywood.
C
BUZZ TV
_Par P.R.-W.
1. I’ll be back. Non, ce n’est pas Arnold Schwarzenegger, mais sa cible favorite Sarah Connor (Linda Hamilton dans le monde rÊel) qui donnera la rÊplique à Nancy Botwin dans la sixième saison de Weeds, qui dÊbutera le 16 aoÝt aux États-Unis sur Showtime. 2. Oprah Winfrey, la reine du talk-show U.S., se met à la production de sÊries. La prÊsentatrice a lancÊ un projet de biopic en sept Êpisodes sur HBO. Il tournera autour de la vie et du combat pour l’abolition de la sÊgrÊgation du rÊvÊrend Martin Luther King. 3. Il Êtait temps‌ Heroes, la crÊation de Tim Kring, n’a pas ÊtÊ renouvelÊe par NBC. Le showrunner espère malgrÊ tout que la chaÎne lui offrira l’opportunitÊ de boucler la boucle, puisqu’il souhaiterait prÊparer un tÊlÊfilm ou une mini-sÊrie pour clore le show.
Glee, diffusĂŠ Ă partir de juin sur Orange CinĂŠma SĂŠries.
LE CAMÉO
Š Orange CinÊma SÊries
ART GARFUNKEL DANS FLIGHT OF THE CONCHORDS Quand, à l’Êpisode 7 de la saison 2, les hÊros de Flight of the Conchords (sÊrie musicale et potache du duo nÊo-zÊlandais Jemaine Clement et Bret McKenzie, dans leurs propres rôles) acceptent d’apparaÎtre en tant que sosies de Simon & garfunkel dans un bar, une jeune femme s’Êprend de Jemaine. Bientôt, elle l’oblige à garder sa perruque Art garfunkel pour faire l’amour. Mais, un matin,le vrai Art garfunkel dÊbarque chez elle et la reprend au nez et à la crinière frisÊe de Jemaine : ils Êtaient amants. Dans un monde squattÊ par les imitations, l’apparition imprÊvue d’un original Êmeut automatiquement. _O.J. Flight of the Conchords saison 2, diffusÊ en juin sur Orange CinÊma SÊries.
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Š Keystone France / Keystone/ Eyedea / France
22 NEWS /// EVENT
ORPhÉE HOME La demeure de JEAN COCTEAU à Milly-la-Forêt s’ouvre au public le 24 juin et rÊvèle, par murs interposÊs, un cinÊaste qui a fait de sa vie un chef-d’œuvre. _Par ClÊmentine Gallot
es maisons d’artistes ont cela de commun avec leurs habitants qu’elles en absorbent certaines qualitÊs et en retiennent, parfois, l’esprit. Le pèlerinage fÊtichiste sur ces lieux donne à voir ce qui, par imprÊgnation, subsiste de l’âme avec le passage du temps. Acquise en 1947 avec son amant fidèle, Jean Marais, la maison de Jean Cocteau est de ces espaces habitÊs : à l’Êcart de Paris, elle se tient dans une petite ville de l’Essonne, entourÊe de jardins, à l’orÊe d’un château et de ses douves. Cocteau y vivra jusqu’à sa mort en 1963 avec le jeune Edouard  Doudou  Dermit, qui conservera la demeure avant sa restauration par la fondation Pierre BergÊ. ObsÊdÊ par le rapport entre rÊel et imaginaire, Cocteau avait fait poser du papier peint en imprimÊ lÊopard et disposÊ son lit rose à baldaquin en diagonale :  La maison est un collage, elle est organisÊe comme une œuvre d’art , explique le musÊographe Dominique Païni. Se croisent entre ces murs Proust, Picasso, Duchamp ou encore Warhol. Des chambres restaurÊes, une galerie d’exposition et une salle de projection rÊvèlent l’association virtuose des disciplines pratiquÊes par Cocteau, Êcrivain, critique, dessinateur, cinÊaste. Un miracle de conservation quand on sait que l’auteur d’OrphÊe jetait sans scrupules tous ses dessins‌
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Maison Jean Cocteau, 15 rue du Lau, 91490 Milly-la-ForĂŞt. Du mercredi au dimanche, 10h-19h. www.jeancocteau.net
RENDEZ-VOUS
_Par J.R.
1. Documentaires, voyages oniriques ou expÊrimentations techniques, zoom sur un mode d’expression libÊrÊ des contraintes et de la censure : ce festival rassemble plus de soixante vidÊos entièrement rÊalisÊes sur tÊlÊphone mobile. Festival Pocket Films, du 18 au 20 juin au Forum des images
2. Un festival convivial et cinÊphile, sans compÊtition ni tapis rouge mais avec, pêle-mêle, des rÊtrospectives Greta Garbo, Elia Kazan et Éric Rohmer, un focus sur le nouveau cinÊma indien, des rencontres et des hommages‌ Festival international du film de La Rochelle, du 2 au 11 juillet à La Rochelle
3. Contemporain du nÊorÊalisme italien, le cinÊma de Riccardo Freda rÊunit lÊgendes mythologiques, dÊcors grandioses et envolÊes lyriques, du pÊplum (Spartacus) au film fantastique (Les Vampires)... Rare et savoureux. RÊtrospective Riccardo Freda, du 30 juin au 1er aoÝt à la CinÊmathèque française
L’EXPO CINÉ FIL
Š D.R.
Marlene Dietrich, Lana Turner, Kim Novak‌ Les plus grandes vedettes des annÊes 1940 et 1950 sont passÊes entre les doigts agiles de la couturière italienne Fernanda gattinoni. Le temps d’une exposition, entre photographies et extraits de films, on admire les robes portÊes par Audrey hepburn dans Guerre et paix ou par Ingrid Bergman dans Europe 51 – en tout, vingt costumes sont exposÊs. Ou comment tisser de gracieuses correspondances entre mode et cinÊma‌ _J.R. Mode et Êtoiles au temps d’Hollywood sur le Tibre, du 15 juin au 30 juillet à l’Institut culturel italien de Paris
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24 NEWS /// CARTE BLANCHE
BIGBAND Cocktail explosif de soul, de funk et de rock, le premier album de PUSH UP, The Grand Day of Quincy Brown, fait rimer ambiances urbaines et rÊfÊrences cinÊphiles. En juillet, les huit membres du groupe investissent le MK2 Quai de Seine pour une carte blanche autour des films de la blaxploitation‌ Rencontre avec trois d’entre eux : le flÝtiste JÎ DrÝ, la chanteuse Sandra NkakÊ et le vocaliste Karl the Voice. _Propos recueillis par Juliette Reitzer
C Carte blanche au MK2 Quai de Seine les lundis 19 et 26 juillet en soirĂŠe et les 17, 18, 23 et 24 juillet en matinĂŠe. Toute la programmation sur www.mk2.com
omment le groupe Push Up est-il nÊ ? JÎ DrÝ : On se connaÎt tous depuis longtemps, chacun travaille sur les projets des autres‌ L’impulsion de faire de la musique ensemble a toujours ÊtÊ là . Push Up nous a permis de concrÊtiser toutes ces petites histoires d’amitiÊ. On a commencÊ par travailler en studio puis, très vite, on a eu envie de l’Ênergie de la scène.
Qui est Quincy Brown, le hÊros de votre premier album ? Sandra NkakÊ : C’est un voisin, on habite le même quartier. Il cristallise bien les problÊmatiques quotidiennes des gens de notre âge, entre 30 et 40 ans. On raconte une journÊe de Quincy, un moment clÊ de sa vie oÚ il se pose plein de questions : comment Êlever ses enfants, le choix de son travail, de ses amis‌ C’est un peu l’histoire de chacun des membres du groupe. JÎ DrÝ : C’est quelqu’un de simple, qui Êvolue en vase clos, dans son quartier, et qui croise un certain nombre de personnages hauts en couleur. Un type de ceux qu’on croise dans la rue, en bas d’un immeuble, qui connaissent tout le monde et peuvent vous aiguiller sur les bons et les mauvais plans du quartier‌ La dimension narrative est au cœur de l’album‌ Sandra NkakÊ : On s’est tous intÊressÊs à cet aspect narratif dans nos carrières solo. Ce qui nous plaÎt dans le cheminement artistique, c’est vraiment de raconter quelque chose. JÎ DrÝ : Plutôt que de coller des chansons les unes à côtÊ des autres, on a choisi de bâtir un ensemble cohÊrent qui raconterait une histoire, en plusieurs parties, avec un dÊbut et une fin. Dans la construction même du disque et du spectacle, on est très proches du cinÊma dans le sens oÚ on a repris certains dispositifs qui lui sont propres : un narrateur, une voix off, des sons de rue‌ L’album pourrait être la B.O. d’un film, particulièrement d’un film musical puisque l’on opère des ÊchappÊes vers le rock, le hip-hop...
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Š Gil
CARTE BLANCHE /// NEWS 25
Comment exprimez-vous cet univers en concert ? JÎ DrÝ : Sur scène, on essaie d’incarner les personnages de manière expressive, mais on n’est pas du tout dans quelque chose qui ressemblerait à une comÊdie musicale. Notre côtÊ cinÊmatographique tire davantage vers le film noir ou le cinÊma social, ancrÊ dans la rÊalitÊ. Sandra NkakÊ : Il y a des moments oÚ l’on incarne chacun Quincy Brown, d’autres oÚ l’on pose un regard sur lui. Comme au dÊbut d’un film, le dÊbut
consacrÊ à la blaxploitation. Qu’est-ce que votre musique a en commun avec l’univers de ces films ? Karl The Voice : Sandra et moi avons travaillÊ sur un spectacle avec le pape de la blaxploitation, Melvin van Peebles. On mÊlangeait des ÊlÊments de son cinÊma, de son film Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, avec des atmosphères plus parisiennes, comme par exemple la chanson Nini peau d’chien d’Aristide Bruant‌ Notre univers est le plus diversifiÊ et ouvert possible.
 DANS LA CONSTRUCTION DU DISQUE ET DU SPECTACLE, ON A REPRIS CERTAINS DISPOSITIFS PROPRES AU CINÉMA : vOIX OFF, SONS DE RUE‌  du spectacle nous permet d’installer l’ambiance, le dÊcor, la situation. Il n’y a pas d’artifice scÊnographique. La scène, c’est notre vie : on le fait très sÊrieusement, mais sans se prendre au sÊrieux. Votre musique est très mÊtissÊe et mêle tous types de couleurs, de sonoritÊs‌ Quelles sont les influences de chacun d’entre vous? JÎ DrÝ : The Specials, John Coltrane, Nina Simone... Sandra NkakÊ : Parliament, Funkadelic, Bob Dylan... Karl The Voice : Sex Pistols, BÊla Bartók‌
JÎ DrÝ : Ces films sont très ancrÊs dans le paysage urbain et c’est vraiment le cas de The Grand Day of Quincy Brown. Notre message est proche de celui de la blaxploitation : un message d’espoir, de paix et de foi dans le collectif. Le cycle ira de Shaft, les nuits rouges de Harlem de gordon Parks à Do the Right Thing de Spike Lee‌ Il y aura six films au total, et les projections du lundi soir se termineront par un petit concert et Êventuellement un dÊbat sur le film. On est tous passionnÊs de cinÊma‌ La diffÊrence, c’est que moi j’aime les bons films, eux les mauvais !
Le MK2 Quai de Seine vous offre une carte blanche. Vous avez choisi de programmer un cycle
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Š Damien Cuillery
26 NEWS /// UNDERGROUND
LARgUÉS Voix doucereuses, claviers vintage, banjos millÊsimÊs: sur son excellent premier album, Bye Bye Cellphone, le trio parisien 1973 fait l’Êloge des anachronismes, et capte l’air du temps comme personne. _Par AurÊliano Tonet
1973
est un trio, mais, ce jour-lĂ , seuls Nicolas (chant, paroles) et Thibaut (guitares, etc.) sont prĂŠsents. Le troisième larron, JĂŠrĂ´me (claviers, etc.), est on ne sait oĂš, et cette absence, mine de rien, dit beaucoup du groupe parisien : jamais tout Ă fait lĂ , un peu ailleurs, Ă cĂ´tĂŠ. ÂŤ Au lycĂŠe, on ĂŠtait très geeks. On a formĂŠ un groupe pour devenir “inâ€?, mais ça nous a encore plus ĂŠloignĂŠs des autres ados, en fait. Âť De mĂŞme, le nom du trio se lit moins comme un hommage aux seventies que comme une dĂŠclaration de perte (et profits) : ÂŤ On ĂŠtait très attachĂŠs Ă 1973, une chanson que l’on n’arrivait pas Ă finir. Pour se consoler de la jeter aux orties, on a gardĂŠ son titre comme nom de groupe. Âť Après un EP remarquĂŠ, et quelques saisons de gamberge, 1973 sort enfin son premier album, Bye Bye Cellphone : ÂŤ Un jour, j’ai perdu mon portable, et tout ce qu’il contenait, se souvient Nicolas. Cet acte rĂŠsume bien le propos de l’album : un au revoir Ă des filles, des musiques et des moments qui ont comptĂŠ pour nous. Âť Faussement passĂŠistes (ils citent Mingus, Prince, Joni Mitchell), rĂŠsolument pop et anglophones (ils sont proches de Syd Matters, Camille, Phoenix ou Nouvelle vague), les 1973 troussent la bande-son parfaite de l’Êpoque : larguĂŠe, comme eux. Bye Bye Cellphone de 1973 (Blonde Music / Sony Music)
COPIER COLLER
_Par P.R.-W.
>> Avec The ArchAndroid, Janelle MonaÊ, protÊgÊe de P.Diddy et nouvelle figure de proue de la scène R’n’B, signe un excellent concept album, aussi funky que cÊrÊbral.
>> Autre forte tête rÊtrofuturiste, Erykah Badu publie New Amerykah Part Two. Ici, c’est l’arbre de la crÊation qui s’extraie tout droit du cerveau de l’ÊgÊrie nu-soul.
LE MYSPACE CHARTS DE LA RÉDACTION _Par A.T. BERTRAND BELIN – Hypernuit www.myspace.com/bertrandbelin Hypernuit, dit le premier extrait du très attendu nouvel album du mĂŠnestrel parisien : ses infrasons (chant rentrĂŠ, assonances discrètes) sont hyper classes. FOLKS – 1,2,3 www.myspace.com/folksrock 1,2,3, soleil noir : c’est bien l’astre d’une douce mĂŠlancolie qui ĂŠclaire les folksongs dudit Folks, cousin français le plus crĂŠdible d’Elliott Smith. Singulier. JOHN GRANT – Marz www.myspace.com/johnwilliamgrant Ex-leader des regrettĂŠs Czars, aujourd’hui accompagnĂŠ des tout aussi dĂŠlicats Midlake, ce beau crooner blessĂŠ ajoute des “zâ€? Ă tous les mots. Merzi Ă lui.
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Š Trollfilm.A.S.
28 NEWS /// BUZZ’ART
TEL PĂˆRE Sur le manège ronronnant des courts mĂŠtrages du Festival d’Annecy, Sinna Mann nous a dĂŠsarçonnĂŠs. Une remuante mise en image de la violence domestique dans ce qu’elle a de plus indicible. Des impairs du père‌
ARTY TECH
_Par Étienne .Rouillon
ans la litanie annÊcienne des  Il Êtait une fois , leitmotiv tenu de Shrek 4 à KÊrity, la maison des contes, la rÊalisatrice norvÊgienne Anita Killi hurle un  Il est de trop nombreuses fois  pour dÊchirer le silence des enfants battus. C’est l’histoire d’un père fouettard, mais pour de vrai, de ceux qui cognent. L’artiste, rÊcompensÊe du prix spÊcial du jury, prix du public et prix de l’Unicef, a deux marottes : C’est l’histoire d’un père raconter des histoires fouettard, mais pour de vrai. pour enfants et profiter des propriÊtÊs Êvocatrices de l’animation pour faire passer des messages. Reçu cinq sur cinq par des yeux mouillÊs et rÊpÊtÊ par des gorges nouÊes à la sortie de la projection. Les techniques du collage et de la camÊra multi-plans sont magistralement employÊes pour figurer les angoisses hallucinÊes à hauteur de Boj, gamin aux yeux noirs de peur, dÊpassÊ par une figure paternelle à la fois rÊvÊrÊe et redoutÊe. Perspectives cassÊes, membres dÊsarticulÊs, la rÊalisation dÊfend un propos dont on pourrait dire qu’il frise parfois la naïvetÊ. Ce serait oublier l’indÊniable vertu pÊdagogique de Sinna Mann. www.trollfilm.no
Š D.R.
D
>> FAIRE LA PLANCHE DÊtour vers le futur pour l’artiste français Nils Guadagnin avec sa rÊplique du mythique Hoverboard, la planche à roulettes sans roulettes qui faisait lÊviter Marty McFly dans Retour vers le futur 2. L’installation, rÊalisÊe pour une exposition hommage au film, gravite l’air de rien grâce à deux Êlectro-aimants stabilisÊs par guidage laser.  Nom de Zeus ! , souffle Doc d’admiration. _E.R. http://nilsguadagnin.blogspot.com
VIDÉOS _Par P.R.-W.
Konstantin Bronzit – Lavatory Lovestory www.youtube.com/watch?v=ajLrFugsdMw Un bouquet de fleurs, dÊposÊ par un mystÊrieux inconnu, et le cœur d’une dame pipi est chamboulÊ‌ Superbement dessinÊ, ce court mÊtrage a ÊtÊ nommÊ l’an dernier aux Oscars. Ou quand hergÊ rencontre Pixar dans des toilettes russes.
SÊbastien Tellier – Look www.youtube.com/watch?v=0r0eqCzg6UU On connaissait le Ms. Fat Booty de Mos Def et les big butts chers à Snoop Dogg. SÊbastien Tellier est fier de vous prÊsenter le clip de Look, rÊalisÊ par le duo de dessinateurs Mrzyk & Moriceau, oÚ l’on se perd dans la cambrure d’une jeune femme. CulottÊ.
Breakbot – Baby I’m Yours www.dailymotion.com/video/xdm2lv_br eakbot-baby-i-m-yours-feat-irfane_music Plus de 2 000 aquarelles chatoyantes et bigarrÊes, exposÊes chez Colette à partir du 3 juillet, ont ÊtÊ utilisÊes pour illustrer Baby I’m Yours, l’entêtant tube funk-pop de Breakbot, dernier poulain de l’Êcurie Ed Banger. Break through.
30 NEWS /// LE NET EN MOINS FLOU
LIvRE OUVERT Une nouvelle polÊmique agite Facebook. En cause, les clauses de confidentialitÊ, visant à simplifier les conditions d’utilisation du site, jusqu’alors plus illisibles, disait-on, que la Constitution amÊricaine‌ _Par Pablo RenÊ-Worms
e 31 mai dernier, le groupe Quit Facebook Day invitait les quelque 540 millions d’utilisateurs du rÊseau social à le quitter. Si l’initiative a relativement peu rassemblÊ – 35 000 personnes, soit 0,0086 % des utilisateurs –, elle est symptomatique du vent de fronde contre Facebook. RÊseau fermÊ à sa naissance, le site s’est peu à peu transformÊ en pieuvre, recueillant quantitÊ d’informations sur ses utilisateurs. Dès lors, la question la plus brÝlante fut celle du partage de ces dernières. Jusqu’à prÊsent, il fallait explorer les Depuis fin mai, une nouvelle entrailles de la bête pour page a fait son apparition. les rendre accessibles à ses seuls  amis , mais, depuis fin mai, une nouvelle page a fait son apparition. Sur celle-ci, trois gros boutons :  Tout le monde ,  Les amis de vos amis ,  Vos amis . Un seul clic suffit pour configurer presque tous les paramètres de confidentialitÊ de votre compte et limiter l’accès à vos donnÊes personnelles. Cette simplicitÊ de restriction d’accès pourrait transformer Facebook en simple boÎte mail, loin des vertus (ou vices, c’est selon) omniscientes et voyeuristes du dernier LÊviathan 2.0.
L
DUCKFACE
STATUTS QUOTES SÉLECTION DES MEILLEURS STATUTS DU MOIS
Gwendoline : Il faut vraiment arrêter de prendre les cons pour des gens. Nassim : On nous dit que Johnny est alcoolique. En même temps, allumer le feu sans carburant, c’est super relou. Max : Vuvuzela + gueule de bois = pas bon. Christophe : Pire que les vuvuzelas : les commentaires de Lebœuf ! Gregory a soufflÊ dans la vulvazahia. Thomas a tentÊ le coiffeur en Afrique du Sud et a essuyÊ l’humiliation de toute une vie :  Je vous coupe le mulet ou vous voulez le garder ? 
[dœkfes] n.f. MOT @ MOT _Par E.R.
[LittÊralement,face de canard;dÊsigne une moue boudeuse rÊsultant d’une contraction musculaire labiale rappelant le bec aplati de certains palmipèdes] 1.Grimace vieille comme les profils de rÊseaux sociaux, prisÊe des jeunes filles voulant souligner une certaine idÊe de la sensualitÊ par cette proÊminence crispÊe des lèvres. Le site antiduckface.com vole dans les plumes des poules qui arborent des duckfaces. 2.Overdose de collagène. Quand Daisy rencontre Sally : à force de passages sur le billard, Meg Ryan a figÊ son rictus en duckface.
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32 NEWS /// AVATARS
CASSE-TÊTE Au ballon rond, prÊfÊrons la tête au carrÊ, dÊmoulÊe par les chauds battoirs des gladiateurs du catch sans chiquÊ. Dans l’arène reine d’UFC 2010 Undisputed, des pains (dans le pif) et du jeu. _Par Étienne Rouillon
FC, pour Ultimate Fighting Championship, sport de combat sanctionnÊ par des K.O. sans coups interdits, oÚ les appelÊs oublient que, dans le mot  contact , il y a... tact. Du mot à maux, il n’y a qu’un ring oÚ l’on dialogue d’un poing c’est tout, vibrant sous les assauts de phalanges marteaux-piqueurs et de talons d’agiles.
U
Que tu sois un crack de la soumission au sol ou une diva de l’uppercut, c’est bleu schtroumpf que tu sors des cordes, l’arcade rouge d’une fuite sanguine à faire honte aux ingÊnieurs de BP. Si bien animÊ et modÊlisÊ qu’on a des scrupules à tumÊfier les tempes de l’avatar du joueur voisin sur le canapÊ. Pardon, vieux : lève-toi et crache tes dents.
APPLIS MOBILES
_Par C.D.
COUPE DU MONDE 2010 Pour les accros du ballon rond qui auraient peur de ne pouvoir suivre la Coupe du monde au boulot, pas de panique ! RÊsultats en direct et tableaux rÊcapitulatifs sont proposÊs par cette appli très complète. Plate-forme : iPhone et Windows Mobile // Prix : gratuit
RESIDENT EVIL 4 Le survival horror dÊbarque sur le nouveau joujou d’Apple. graphisme haute rÊsolution, cinq niveaux de difficultÊ et deux modes de jeu sont disponibles dans cette version tactile très intuitive. Plate-forme : iPad // Prix : 7,99 ₏
Choisir la baston en sueur bio contre les OgM, Opus gavÊs de Manga. Le nez en patate mais creux, les dÊveloppeurs de ThQ ont atteint le summum de la castagne sans les chichis d’Êcolière au buste lactÊ Êructant des boules de feu. Face à l’invasion des voltigeurs du Soleil levant, l’adepte d’UFC devient l’homme qui a dit gnons.
FAT BOOTH Cette drôle d’appli pas très utile vous propose de retoucher votre portrait ou ceux de vos amis et d’y ajouter un peu (voire beaucoup) de gras. Attention, c’est du lourd !
UFC 2010 Undisputed (THQ, sur PS3, X360, PSP )
Plate-forme : iPhone // Prix : 0,79 â‚Ź
NEXT LEVEL
_Par C.D.
BLAZBLUE : CALAMITY TRIGGER Le fameux jeu de combat sorti sur les consoles françaises en avril 2010 s’introduira sur votre PC à partir du 30 juin. Retrouvez NoÍl, Jin, Ragna et les autres dans un style jeu d’arcade qui revient en force.
JUIN 2010
TOY STORY 3 Adaptation rÊussie pour cette petite merveille de  jouet vidÊo  d’aventure, qui ravira les jeunes et les moins jeunes avec son scÊnario bien ficelÊ. Et pas si simple que ça ! Sur vos consoles le 1er juillet.
DANCING STAGE HOTTEST PARTY 3 Konami relance la machine Dance Dance Revolution en Europe avec cette version grand public sur Wii du cÊlèbre jeu japonais. Dès le 30 juin, sautez, dansez et validez les flèches sur le rythme entraÎnant des morceaux du moment.
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LE
GUIDE CALENDRIER MALIN POUR AVENTURIER URBAIN
DU MERCREDI 16 JUIN AU MARDI 20 JUILLET
 J’AVAIS ENVIE DE RÉALISME : DE LA SUEUR, DE LA SALIVE ET DES POILS.  P. 36 MIChAEL ROWE
SORTIES EN SALLES SORTIE LE 16 JUIN 36 AnnÊe bissextile de Michael Rowe SORTIES LE 23 JUIN 38 Les Petits Ruisseaux de Pascal RabatÊ 39 La Bocca del lupo de Pietro Marcello SORTIE LE 30 JUIN 40 TournÊe de Mathieu Amalric SORTIE LE 14 JUILLET 41 Tamara Drewe de Stephen Frears LES AUTRES SORTIES 42 Baaria ; BÊbÊs ; Eyes of War ; L’Agence tous risques ; Dog Pound ; Kiss & Kill ; Puzzle ; À 5 heures de Paris ; Splice ; Un Ange à la mer ; La Disparition d’Alice Creed ; MillÊnium 2 ; Copacabana ; Twilight 3 ; Question de cœur ; Petits Meurtres à l’anglaise ; L’Autre Monde ; Contes de l’âge d’or (partie 2) ; Predators ; Taking Off
P.36
46 LES ÉVÉNEMENTS MK2 Festival Paris CinÊma
SORTIES EN VILLE 48 CONCERTS Le Festival Days Off L’oreille de‌ Jamie Lidell
50 CLUBBING La terrasse de Petit Bain et le Projet 1051 Les nuits de‌ Yuksek
52 EXPOS Paris & CrÊation aux Galeries Lafayette Le cabinet de curiositÊs : Chemin faisant‌ A Walk Around the Block
54 SPECTACLES Jours ĂŠtranges et So Schnell de D. Bagouet Le spectacle vivant non identifiĂŠ : Evelyne House of Shame
P.50 JUIN 2010
Š A. Varlet
56 RESTOS Christophe Vasseur à Du Pain et des IdÊes Le palais de‌ Arnaud Fleurent-Didier
58 LA CHRONIQUE DE DUPUY & BERBERIAN
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36 CINÉMA
SORTIE LE
16/06
AnnÊe bissextile 3 RAISONS D’AlleR vOIR le fIlm 1‌ Pour monica del Carmen, dÊsarmante de sensualitÊ et de tristesse. 2‌ Pour la mise en scène, qui sait trouver la bonne distance sans jamais être racoleuse. 3‌ Pour la vitalitÊ d’un cinÊma mexicain entretenu par un rÊalisateur‌ d’origine australienne.
LES SENS DE LA SOLITUDE Un film de Michael Rowe // Avec Monica del Carmen, Gustavo Sanchez Parra‌ Distribution : Pyramide // Mexique, 2010, 1h34
Nouveau venu dans le cinÊma mexicain, MICHAEL ROWE dÊcroche pour son premier film la CamÊra d’or, qui aurait pu être aussi un Hot d’or, catÊgorie huis clos charnel et cÊrÊbral. _Par LÊo Soesanto
AnnÊe bissextile s’ouvre parmi les rayonnages d’un supermarchÊ oÚ Laura, pigiste pour un journal Êconomique, fait ses courses. La courbe prise par le film prolonge cette scène inaugurale : celle de l’Êtalage, de la dÊshumanisation et de la marchandisation des corps. En particulier celui de Laura, qui s’abandonne chez elle à des relations sans lendemain et de plus en plus masochistes. Australien installÊ au Mexique depuis seize ans, Michael Rowe signe pour son premier long mÊtrage un portrait à la fois cru et tendre d’une cÊlibattante perdue dans son propre studio. Les scènes de sexe y sont frontales, mais Rowe casse la routine du coït filmÊ par son attachement aux petits dÊtails (que fait-on, que dit-on après l’amour ?) et le physique très naturel de son interprète Monica del Carmen. Surtout, AnnÊe bissextile n’est jamais gratuit dans ses Êbats et gratte sans moralisme là oÚ il faut : la solitude de Laura, qu’une sociÊtÊ mexicaine obsÊdÊe par les apparences lui renvoie au sextuple au visage.
JUIN 2010
MICHAEL ROWE Comment avez-vous castÊ Monica del Carmen ? Je voulais une actrice qui casse les clichÊs de beautÊ mexicains actuels – paradoxalement, une femme  à la russe , grande, blonde, pâle. Monica est principalement une actrice de thÊâtre ; elle apparaÎt aussi dans Babel d’Iùårritu. Surtout, elle m’a fait pleurer lors de son audition. Comment avez-vous abordÊ les scènes de sexe ? J’avais envie de rÊalisme, de choses qu’on ne voit pas souvent au cinÊma : de la sueur, de la salive et des poils. Dans le film, le sexe n’est pas une fin en soi ; c’est une forme de pouvoir et un moyen pour les personnages d’Êviter la solitude. Comment expliquez-vous la bonne santÊ à l’Êtranger du cinÊma mexicain, avec des cinÊastes aussi divers qu’Iùårritu, Eimbcke ou Reygadas ? Ces cinÊastes – et moi-même, je crois – ont en commun de faire des films en rÊaction aux clichÊs consumÊristes que les mÊdias mexicains vÊhiculent. Nous montrons qu’il y a une autre manière de vivre. Le public à l’Êtranger doit s’y reconnaÎtre. WWW.MK2.COM
38 CINÉMA
SORTIE LE
23/06
Les Petits Ruisseaux 3 RAISONS D’AlleR vOIR le fIlm 1‌ C’est un film qui requinque (et qui remet). 2‌ Vous n’avez jamais vu Daniel PrÊvost aussi bien. 3‌ Ça se voit avant ou après avoir lu la BD, comme on veut.
MÛR D’AMOUR Un film de Pascal RabatÊ // Avec Daniel PrÊvost, Bulle Ogier‌ Distribution : Ad Vitam // France, 2010, 1h34
Deux retraitÊs sont dans un bateau;l’un casse sa pipe, que fait celui qui reste ? La rÊponse se trouve dans Les Petits Ruisseaux, premier film de PASCAL RABATÉ, adaptÊ de sa propre bande dessinÊe. _Par Isabelle Danel
Il y a le ciel, le soleil et la rivière. Et puis il y a l’Émile et l’Edmond qui pêchent rÊgulièrement l’ablette et le gardon en bord de Loire. Mais voilà que le second se rÊvèle hÊdoniste et peintre (de femmes nues) à ses heures. Et qu’il casse sa pipe, non sans laisser au premier, en guise de viatique, une dernière pensÊe à mÊditer :  C’est pas parce qu’on a passÊ l’âge de la gaudriole ÊpicÊe qu’il faut faire maigre jusqu’au trou.  Loin du jeunisme ambiant, Pascal RabatÊ avait fait d’Émile, retraitÊ soudain frappÊ par des  retours d’envie , le hÊros de sa BD Les Petits Ruisseaux, en 2006. Il lui donne aujourd’hui les traits de Daniel PrÊvost. Des cases aux cadres, RabatÊ s’en sort mieux que bien et multiplie les plans-sÊquences là oÚ on aurait pu craindre un montage hachÊ, calquÊ sur celui du neuvième art. Il joue aussi de la couleur, du son, du off. Bref, il s’Êclate à l’Êcran, tout en restant fidèle à l’histoire d’origine. Qu’un premier film nous rappelle avec finesse qu’il faut bien que vieillesse se passe est revigorant.
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PASCAL RABATÉ Pourquoi adapter votre propre BD ? Avant, je gagnais ma vie en faisant de la BD et je la dÊpensais en tournant des documentaires et des courts mÊtrages ! Quand les producteurs m’ont approchÊ, j’ai sautÊ dans le train sans savoir oÚ il allait. J’ai vu l’occasion de rÊinventer, à l’image, une fragilitÊ que j’avais essayÊ de raconter en dessins. Et le rÊsultat ? Au risque de passer pour un vantard, ce n’est pas le film dont j’ai rêvÊ, c’est mieux ! Dans le sens oÚ il y a, dans la rÊalitÊ et dans les acteurs, bien plus d’imagination, d’incongruitÊs et de poÊsie que je ne peux en inventer tout seul. Comment avez-vous dirigÊ vos acteurs ? DirigÊs, je ne sais pas. Nous Êtions d’accord sur tout avec Daniel PrÊvost, Bulle Ogier et HÊlène Vincent. Sur l’Êmotion contenue, le non-dit, le fait que ce devait être un film plus murmurÊ que parlÊ‌ En même temps, il fallait que ce soit une fête : n’oublions pas que les gens qui ont 70 ans aujourd’hui on fait la rÊvolution sexuelle dans les annÊes 1960.
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39 CINÉMA
SORTIE LE
23/06
La Bocca del lupo 3 RAISONS D’AlleR vOIR le fIlm 1‌ Poignante, l’histoire d’Enzo et Mary tire sans cesse ce documentaire très stylisÊ vers la fiction. 2‌ Jamais voyeur ou misÊrabiliste, le film dÊgage une grande cohÊrence, tout en gardant sa capacitÊ à surprendre. 3‌ Le cinÊma italien, via le documentaire, montre des signes de renouveau, et Pietro Marcello est un cinÊaste à suivre.
BOUCHE À BOUCHE Un film de Pietro Marcello // Avec Mary Monaco, Vincenzo Motta‌ Distribution : Bellissima Films // Italie, 2009, 1h15
Documentaire ÊlÊgiaque sur Gênes, La Bocca del lupo de PIETRO MARCELLO conte l’histoire d’amour entre un ex-taulard et une transsexuelle. Splendide. _Par Laura Mattei
Des grottes qui bordent le port de Gênes s’Êlève une voix rocailleuse racontant, en quelques traits impressionnistes, le quotidien des clochards qui s’y logent. Puis, une seconde voix, tout aussi rauque mais plus fragile, insituable, prend le relai.  Je t’attends, mon amour , dit-elle en substance, par-dessus les images d’un homme au corps fatiguÊ, au visage burinÊ – c’est comme si toute la ville et ses habitants Êtaient taillÊs dans le roc. Deux fils narratifs s’entremêlent en permanence dans La Bocca del lupo : l’histoire, majuscule, de gênes, jadis  l’orgueilleuse , aujourd'hui  la belle endormie  (ainsi que l’Êcrivent avec euphÊmisme les brochures touristiques) ; et l’histoire d’amour, improbable, entre Enzo et Mary, lui, l’ex-mafioso qui a passÊ la moitiÊ de sa vie en prison, elle, la transsexuelle qui lui envoie des lettres d’amour enregistrÊes sur cassette audio. Avec un impressionnant sens du cadre et du montage, Pietro Marcello, jeune rÊalisateur italien, compose ainsi, en une heure quinze à peine, une somptueuse ÊlÊgie, aux confins du documentaire et de la fiction. Les prolÊtaires aussi ont droit au sublime. JUIN 2010
PIETRO MARCELLO Comment avez-vous rencontrÊ Enzo, le personnage principal de votre film ? Je suis originaire de Naples mais une fondation jÊsuite m’a commandÊ un film sur les quartiers pauvres de Gênes. C’est là , dans une boulangerie, près de l’appartement qu’on m'avait prêtÊ, que j’ai rencontrÊ Enzo. J’ai ÊtÊ frappÊ par son visage, un visage qui Êvoque d’emblÊe le cinÊma, qui raconte une histoire. De Mary, on n’entend d’abord que la voix, avant de la voir apparaÎtre tardivement dans le film. Pourquoi ce choix ? Mary a attendu onze ans qu’Enzo sorte de prison, en lui envoyant rÊgulièrement des cassettes (celles qu’on entend). Mon montage se devait d’être fidèle à ce rythme, à cette attente, pour Êviter tout voyeurisme. Pourquoi ce titre ? La Bocca del lupo est tout d’abord le titre d’un roman naturaliste du XIXe siècle, de Remigio Zena, qui dÊcrit la vie des prolÊtaires de Gênes. C’est aussi la forme du port, qui ressemble à la gueule d’un loup. C’est enfin le surnom donnÊ aux barreaux de prison, derrière lesquels Enzo a passÊ la moitiÊ de sa vie.
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40 CINÉMA
SORTIE LE
30/06
TournÊe 3 RAISONS D’AlleR vOIR le fIlm 1‌ Pour suivre mathieu Amalric cinÊaste après La Chose publique et Le Stade de Wimbledon. 2‌ Pour dÊcouvrir la mouvance du burlesque amÊricain, de l’effeuillage sur fond de satire sociale. 3‌ Pour la mise en scène entre documentaire et fiction, rÊcompensÊe d’un prix à Cannes.
CORPS DE TROUPE Un film de Mathieu Amalric // Avec Mathieu Amalric, Miranda Colclasure‌ Distribution : Le Pacte // France, 2010, 1h51
Reconverti en cinĂŠaste fĂŠministe, MATHIEU AMALRIC entraĂŽne le spectateur dans une TournĂŠe des salles de province, pour un show festif et humaniste. _Par ClĂŠmentine Gallot
On connaissait Dita Von Teese, poupÊe tout en jambes, mais difficile d’imaginer Mathieu Amalric en avocat du mouvement burlesque amÊricain. Et pourtant, sÊduit lors d’une reprÊsentation à Nantes il y a quelques annÊes, il a rÊuni pour les besoins du film sa propre troupe d’artistes et sillonnÊ la France. Le cinÊaste, grimÊ en manager moustachu à l’Êcran, s’est entourÊ de performeuses aux noms Êvocateurs, Dirty Martini ou Roky Roulette. Soir après soir, le film dÊroule un show d’avant-garde vintage qui allie le storytelling à l’Êrotisme:  Ce sont des spectacles par des femmes, pour les femmes , prÊcise l’une d’elles. Ces portraits de matrones exubÊrantes, à l’humour provocateur et outrancier, affleurent sur scène pendant leurs numÊros et en coulisses, à travers le regard enveloppant du cinÊaste. Derrière l’entertainment parfaitement chorÊgraphiÊ et les visages fardÊs, Amalric filme des corps, Êpanouis et vieillissants. Le choc culturel de TournÊe est inattendu, et l’objet, hybride, habite autant le paysage du cinÊma français que celui du road-movie à l’amÊricaine.
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MATHIEU AMALRIC Le burlesque est bien plus que du striptease, mais c’est une tradition inconnue en France‌ Il y a quelque chose de la folie amÊricaine dans cette utilisation du corps pour faire de la politique : les filles y expriment une colère contre les corps formatÊs, mais de manière gÊnÊreuse et contagieuse. C’est un drôle de rapport à l’Êrotisme, qui mêle le sexe et le rire. La mise en scène a-t-elle demandÊ une logistique complexe ? Le tournage a ÊtÊ gracieux et joyeux. On a dÊcidÊ de mettre en place une vraie tournÊe pour conserver l’Ênergie des filles et le sens du danger. C’est un dispositif qui semble proche du documentaire, mais en fait rien n’a ÊtÊ improvisÊ. Ce film a des identitÊs multiples : est-ce un film français, amÊricain ? Je trouvais cela intÊressant de faire un film sur un Français qui fantasme l’AmÊrique et qui utilise le fantasme de ces filles sur la France pour y retourner. Cet Êchange de fantasmes est ironique, d’autant que, quand on part en tournÊe, on ne voit rien du pays.
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14/07
41 CINÉMA
SORTIE LE
Tamara Drewe 3 RAISONS D’AlleR vOIR le fIlm 1‌ Pour dÊcouvrir la plus dÊlicieuse comÊdie de l’ÊtÊ. 2‌ Pour Gemma Arterton dans ses hot pants moulants et Dominic Cooper, star du rock ultra-glam. 3‌ Pour dÊcouvrir à l’Êcran l’excellent roman graphique de Posy Simmonds.
BOMBE ANACOMIQUE Un film de Stephen Frears // Avec Gemma Arterton, Tamsin Greig‌ // Distribution : Diaphana // Grande-Bretagne, 2010, 1h49
De retour dans sa campagne anglaise natale, la belle hÊroïne de Tamara Drewe sème le trouble chez ses habitants. Et rÊcolte les suffrages du public. Un vaudeville pastoral signÊ STEPHEN FREARS. _Par Donald James
PrÊsentÊ hors compÊtition au Festival de Cannes, Tamara Drewe a dÊclenchÊ fous rires et ovations, dÊcrochant la palme de  la  petite comÊdie d’un festival rattrapÊ par le rÊel et ses fantômes. Oui, tout au long de l’annÊe, les Êcrans sont inondÊs par ce genre de crises conjugales avec pour dÊnominateur explosif commun la jeune fille sexy convoitÊe comme potion d’Êternelle jeunesse. On ne croyait pas se faire encore avoir. Mais force est de constater l’Ênorme diffÊrence entre les habituelles comÊdies compassÊes et ce nouveau marivaudage so british. Un vÊritable prÊcis d’infidÊlitÊ qui met en branle tous les rouages de la rhÊtorique amoureuse. DÊfilent alors les figures du genre, du mâle à l’affÝt à la femme aux fourneaux ; même les animaux sont de la partie, tÊmoins sans doute hilares de ces combats de coqs. Difficile de relever la patte de Stephen Frears tant il
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s’efface derrière son sujet et adapte avec une fidÊlitÊ minutieuse le roman graphique de Posy Simmonds. Tout ici – dÊcors, acteurs, rÊcit – dÊcalque au millimètre l’œuvre ficelÊe comme un story-board de la dessinatrice et son architecture à points de vue multiples, qui, renvoyÊs dos à dos, suscitent un comique grinçant. Après une opÊration de chirurgie esthÊtique et une longue absence, Tamara revient dans son village afin de faire retaper sa maison de famille. Stonefield : un pub, une rÊsidence d’Êcrivains, un mari infidèle, le jardinier sÊduisant et deux adolescentes dÊbridÊes. Tamara est devenue une bombe sexuelle prête à faire exploser ce calme et minuscule village anglais. Mais elle est loin d’être la fille bête et stupide attendue au tournant. À travers cette comÊdie bluffante, Frears propose un jeu sur les apparences dominÊ par un cynisme ravageur, traversÊ par une Êtonnante cruautÊ.
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42 CINÉMA
AGENDA SORTIES CINÉ 16/06 _ Par C.D., I.D., D.J, J.R. et P.R.-W.
SORTIES DU
BAARĂŒA de Giuseppe Tornatore Avec Francesco Scianna, Margareth Madè‌ Quinta, Italie, 2h30
Dans cette saga italienne, on suit l’itinÊraire d’une famille sicilienne sur trois gÊnÊrations. En toile de fond, le fascisme, la Seconde guerre mondiale et la mafia sont ÊvoquÊs dans ce film très personnel du rÊalisateur de Cinema Paradiso.
BÉBÉS de Thomas Balmès StudioCanal, France, 1h18
Quatre univers totalement diffĂŠrents, pour quatre bouts de chou qui dĂŠcouvrent les joies, mais aussi la violence de la vie. Un documentaire animalier oĂš les stars ne sont pas des suricates mais des bĂŠbĂŠs.
L’AGENCE TOUS RISQUES de Joe Carnahan Avec Liam Neeson, Bradley Cooper‌ 20th Century Fox, États-Unis, 1h54
On retrouve hannibal et sa bande de mercenaires lancÊs dans des aventures survitaminÊes afin de laver leur honneur bafouÊ. Explosions, courses-poursuites et chute libre à bord d’un tank sont au programme de ce film d’action potache.
EYES OF WAR de Danis Tanovic Avec Colin Farrell, Paz Vega‌ Bac, Irlande-Espagne, 1h35
Deux photographes de guerre se sÊparent au Kurdistan. Mais, lorsque Mark rentre au pays, son ami, David, qui devrait l’avoir prÊcÊdÊ, n’est pas là . Que s’est-il passÊ? Une rÊflexion sur la morale du regard et l’impossible neutralitÊ face à l’horreur.
ET AUSSI CETTE SEMAINE : ANNÉE BISSEXTILE de Michael Rowe (lire la critique p. 36) AIR DOLL de Kore-Eda hirokazu (lire la critique p. 90) L’ILLUSIONNISTE de Sylvain Chomet (lire le dossier p. 68)
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SORTIES DU
23/06 DOG POUND de Kim Chapiron Avec Adam Butcher, Shane Kippel‌ Mars, États-Unis, 1h31
Chapiron dÊlaisse l’ambiance dÊjantÊe de Sheitan, son prÊcÊdent long mÊtrage, pour l’hyperrÊalisme violent d’une prison pour mineurs du Midwest amÊricain. virage rÊussi grâce à un casting sans bavure et une mise en scène classique très maÎtrisÊe.
KISS AND KILL de Robert Luketic Avec Katherine Heigl, Ashton Kutcher‌ Metropolitan, États-Unis, 1h40
La Côte d’Azur. Jen, fraÎchement cÊlibataire, rencontre l’homme parfait. Ils se sÊduisent, se marient et mènent une paisible vie de couple. Jusqu’au jour oÚ elle dÊcouvre que son mari est en rÊalitÊ un agent secret, et que sa tête est mise à prix.
PUZZLE de Natalia Smirnoff Avec Maria Onetto, Gabriel Goity ‌ Sophie Dulac, Argentine, 1h28
Épouse, mère et femme au foyer, Maria del Carmen reçoit le jour de ses 50 ans un puzzle, cadeau banal qui change pourtant sa vie. Ce premier film peint un beau portrait de femme, portÊ par Maria Onetto (repÊrÊe chez Lucrecia Martel), aussi subtile qu’intense.
À 5 HEURES DE PARIS de Leonid Prudovsky Avec Vladimir Friedman, Dror Keren‌ Memento, IsraÍl, 1h 30
Un chauffeur de taxi phobique de l’avion rencontre une professeure de musique qui doit justement en prendre un pour rejoindre son mari au Canada. Un joli conte dÊsenchantÊ, avec, en guise de B.O., des chansons de Joe Dassin et Adamo!
ET AUSSI CETTE SEMAINE : LES PETITS RUISSEAUX de Pascal RabatĂŠ (lire la critique p. 38) LA BOCCA DEL LUPO de Pietro Marcello (lire la critique p. 39)
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SORTIES DU
30/06 SPLICE
de Vincenzo Natali Avec Sarah Polley, Adrien Brody‌ Gaumont, Canada, 1h47
Deux savants donnent naissance à un organisme mutant, intelligent, sÊduisant et‌ gênant. Une sÊrie B luxueuse oÚ vincenzo Natali (Cube) remixe les classiques du genre en mode SF. Le rÊsultat est bizarroïde, rÊgressif et un brin scatologique.
UN ANGE À LA MER de FrÊdÊric Dumont Avec Olivier Gourmet, Anne Consigny‌ Colifilms, Belgique-Canada-France, 1h26
Louis a 11 ans. Il aime les vagues et la mer qui bordent son petit village de Sidi Ifni, au Maroc. Le jour oÚ son père maniaco-dÊpressif lui confie un terrible secret, il perd son innocence et se donne une mission : devenir son ange gardien.
LA DISPARITION D’ALICE CREED de J. Blakeson Avec Gemma Arterton, Martin Compston‌ Haut et Court, Royaume-Uni, 1h37
La fille d’un millionnaire est kidnappÊe par deux malfrats, puis retenue en otage dans 10 mètres carrÊs‌ TournÊ avec un tout petit budget, ce huis clos sert d’Êcrin aux comÊdiens, et surtout à la belle gemma Arterton, qui devrait ravir tous les suffrages.
MILLÉNIUM 2 de Daniel Alfredson Avec Michael Nyqvist, Noomi Rapace‌ UGC, Suède, 2h09
Lisbeth Salander, l’hÊroïne geek et rebelle de la trilogie imaginÊe par Stieg Larsson, se voit accusÊe d’un triple meurtre et confrontÊe aux fantômes de son passÊ. Daniel Alfredson filme avec sobriÊtÊ les injustices et la violence sèche du pouvoir suÊdois. ET AUSSI CETTE SEMAINE : DIRTY DIARIES de Mia Engberg‌ (lire la critique p. 16) TOURNÉE de Mathieu Amalric (lire la critique p. 40) SHREK 4 de Mike Mitchell (lire le dossier p. 68)
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44 CINÉMA
AGENDA SORTIES CINÉ 07/07 _ Par C.D., I.D., D.J, J.R. et P.R.-W.
SORTIES DU
COPACABANA de Marc Fitoussi Avec Isabelle Huppert, Lolita Chammah‌ Mars, France, 2010, 1h47
Mère indigne mais marrante, sommÊe de ne pas assister au mariage de sa propre fille, Babou trouve un travail et s’assagit‌ à sa façon. huppert et fille (Lolita Chammah) nous mènent tambour battant entre Lille et Ostende dans cette comÊdie malpolie.
TWILIGHT 3 de David Slade Avec Kristen Stewart, Robert Pattinson‌ SND, États-Unis, 2h04
Bella a retrouvÊ son petit ami de vampire. Mais, entre son amour pour Edward et son amitiÊ pour Jacob le loup-garou, la belle balance. HÊsitation, sous-titre prÊmonitoire, sauvera de la plage les âmes romantiques et les allergiques au soleil.
QUESTION DE CŒUR de Francesca Archibugi Avec Kim Rossi Stuart, Antonio Albanese‌ Bellissima, Italie, 1h44
Deux infarctus rÊunissent en salle de rÊanimation Alberto le scÊnariste et Angelo le carrossier. Tout les sÊpare; ils se lient d’amitiÊ. De petites peines en grands bonheurs, ils partageront plus qu’une histoire de cœur.
PETITS MEURTRES À L’ANGLAISE de Jonathan Lynn Avec Bill Nighy, Rupert Grint‌ Rezo, Royaume-Uni-France, 1h38
Qu’obtient-on lorsque l’on rÊunit un tueur à gages so british, une kleptomane qui a eu les yeux plus gros que le ventre et un jeune loser fumeur de spliffs ? Un thriller burlesque qui nous enseigne avec classe les arcanes du meurtre.
ET AUSSI CETTE SEMAINE : CARLOS d’Olivier Assayas (lire l’interview p. 72)
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14/07
SORTIES DU
L’AUTRE MONDE de Gilles Marchand Avec GrÊgoire Leprince-Ringuet, Louise Bourgoin‌ Haut et Court, France-Belgique, 1h44
gaspard passe les vacances d’ÊtÊ avec ses potes et sa petite amie. Tout va pour le mieux jusqu’à ce qu’il rencontre Audrey, une jeune femme fascinÊe par la mort qui l’entraÎne dans le monde des jeux en rÊseau. Par le scÊnariste d’Harry, un ami qui vous veut du bien.
PREDATORS de Nimrod Antal Avec Adrien Brody, Topher Grace‌ Fox, Etats-Unis, 1h40
Un groupe de guerriers composÊ des meilleurs tueurs de la planète se trouve catapultÊ dans le terrain de jeu grandeur nature d’une nouvelle race de prÊdateurs extraterrestres. MenÊe par le mercenaire Royce (Adrien Brody), la chasse peut enfin commencer.
TAKING OFF de Milos Forman Avec Lynn Carlin, Buck Henry‌ Carlotta, États-Unis, 1h33
Jeannie, 15 ans, vit à New York avec un hippie. Ses parents tentent de la comprendre‌ Le Milos Forman d’avant Hair et Vol au-dessus d’un nid de coucou dÊcouvrait lui aussi cette AmÊrique contestataire des annÊes 1970, à peine dÊbarquÊ du printemps de Prague.
CONTES DE L’ÂGE D’OR de Cristian Mungiu, Ioana Irucaru‌ Avec Alexandru Potocean, Teo Corban‌ Le Pacte, Roumanie, 1h28
Seconde partie de ce film collectif initiÊ par le palmÊ Cristian Mungiu. Les trois lÊgendes urbaines racontÊes cette fois sont des histoires d’amour. La fine fleur des rÊalisateurs roumains s’est rÊunie pour donner sa version de l’ âge d’or  de Ceausescu.
ET AUSSI CETTE SEMAINE : TAMARA DREWE de Stephen Frears (lire la critique p. 41) TOY STORY 3 de Lee Unkrich (lire le dossier p. 60)
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46 CINÉMA
LES ÉVÉNEMENTS BASTILLE
BIBLIOTHĂˆQUE
HAUTEFEUILLE
ODÉON
QUAI DE LOIRE
BEAUBOURG
GAMBETTA
NATION
PARNASSE
QUAI DE SEINE
CINÉMA
PASSERELLES
FLASH-BACKS & PREVIEWS
LE DIALOGUE DES DISCIPLINES
JEUDI 24 JUIN – 20h / AVANT-PREMIĂˆRE / La Disparition d’Alice Creed de J Blakeson Un thriller anglais haletant sur fond de kidnapping, avec la divine gemma Arterton.
JUSQU’AU 22 JUIN / EXPO PHOTOS / StÊphane Fedorowsky
SAMEDI 26 JUIN - 10h30 / CYCLE FRANÇOIS TRUFFAUT / Baisers volÊs SAMEDI 26 JUIN - 10h30 / CYCLE FRANÇOIS TRUFFAUT / L’Amour en fuite DIMANCHE 27 JUIN – 10h30 / CYCLE FRANÇOIS TRUFFAUT / L’Homme qui aimait les femmes DIMANCHE 27 JUIN – 10h30 / CYCLE FRANÇOIS TRUFFAUT / Les Deux Anglaises et le Continent SAMEDI 3 JUILLET / CYCLE FRANÇOIS TRUFFAUT Tirez sur le pianiste SAMEDI 3 JUILLET / CYCLE FRANÇOIS TRUFFAUT Domicile conjugal DIMANCHE 4 JUILLET – 10h30 / CYCLE FRANÇOIS TRUFFAUT / Baisers volÊs DIMANCHE 4 JUILLET – 10h30 / CYCLE FRANÇOIS TRUFFAUT / Les Deux Anglaises et le Continent LUNDI 5 JUILLET - 20h30 / RDV DES DOCS / Journal de campagne d’Amos Gitaï En 1982, Amos gitaï sillonne la Cisjordanie et la bande de gaza. Il filme de jeunes soldats qui occupent les territoires et recueille les tÊmoignages de Palestiniens opprimÊs, faisant Êtat de la situation tendue de son pays. En prÊsence d’Ariel Schweitzer, historien et critique, spÊcialiste du cinÊma israÊlien. DU 10 JUILLET AU 1er AOÛT – SPÉCIAL ANIMATION Reprise des films animÊs qui ont ÊgayÊ l’annÊe scolaire ÊcoulÊe : Max et les maximonstres de Spike Jonze, Fantastic Mr. Fox de Wes Anderson (Cristal du long mÊtrage et prix du public au dernier Festival d’Annecy), KÊrity, la maison des contes de Dominique Monfery (mention spÊciale à Annecy) et La Princesse et la Grenouille de John Musker‌ Toute la programmation sur www.mk2.com
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SAMEDI 19 JUIN – 11h / CINÉ BD / Les raisins de la colère de John Ford. Avec les Êditions Dargaud, Marvano viendra prÊsenter le film qu’il a choisi puis dÊdicacera le premier opus de son ouvrage Grand Prix. Renaissance. JEUDI 24 JUIN – 19h30 / SOIRÉE ZÉRO DE CONDUITE /  Piscine . Avec les Êditions Attila, autour de Chlore de Johannes gelich, Le Roi et la Reine de Ramon Sender, et La Piscine de Yoko Ogawa. Inscription au 01 44 52 50 70. SAMEDI 26 ET DIMANCHE 27 JUIN – À PARTIR DE 14h / FESTIVAL BD. Avec Ivan gomez-Montero, Boris guilloteau, AurÊlien Morinière, Miceal O'griafa, Nicolas OtÊro, Julien Parra, Renaud Pennelle et Alain Robet. VENDREDI 2 JUILLET – 19h30 / RENCONTRE / Jac Barron. Avec Transit Êditeur, autour de la parution du thriller Les Cicatrices. DU 9 AU 11 JUILLET - DE 12h À 20h / Librairie ÊphÊmère. Une librairie ÊphÊmère sur les quais, organisÊe par les Êditions L’Œil d’or et Passage piÊtons, rÊunissant des Êditeurs indÊpendants, alternatifs, dÊcalÊs ou fracassants. LUNDI 19 JUILLET – 20h / CARTE BLANCHE / Push Up et la blaxploitation Projection et miniconcert du collectif Push Up. LUNDI 26 JUILLET – 20h / CARTE BLANCHE / Push Up et la blaxploitation Projection et miniconcert du collectif Push Up.
PETITES LECTURES MERCREDI 7 JUILLET 10h30 / LECTURE POUR LES 3-5 ANS. En juillet, nous partons en VOYAGE, vers des mondes fantastiques, colorÊs et imaginaires‌ Tous les premiers mercredis matins du mois. Inscription au 01 44 52 50 70.
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UVREZ DÉCO ÉMA IN C LE DANS N E M T AUTRE K2 ! M LLES LES SA
FOCUS
_Par P.R.-W.
PARIS CINÉMA
LES CYCLES SOCIÉTÉS IMAGINAIRES ET IMAGINÉES Jusqu’à mi-juillet, programmation en matinÊe de films qui questionnent mondes parallèles, univers oniriques et dÊlires psychotiques avec Fight Club de David Fincher, Les Temps modernes de Charles Chaplin, Bienvenue à Gattaca d’Andrew Niccol, Pink Floyd, The Wall d’Alan Parker, Brazil de Terry gilliam ou Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Michel gondry.
Cette annÊe, au programme du festival Paris CinÊma, que de l’affriolant : outre les huit longs mÊtrages en compÊtition et les avant-premières, hommage sera rendu au cinÊma japonais à travers une centaine de films ainsi qu’au pape de la sexploitation, Joe Sarno. Chaud devant. Les nippophiles se rÊjouiront : la cinÊmatographie à l’honneur cette annÊe nous vient du Soleil levant. On pourra ainsi assister à une rÊtrospective du maÎtre Akira Kurosawa à la CinÊmathèque française, à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance. Films Êrotiques (hommage à Koji Waka-matsu, maÎtre du  pinku eiga ), actrices phares (Rinko Kikuchi, Shinobu Terajima), rÊalisateurs mÊconnus (Sadao Yamanaka, le Jean vigo nippon) seront aussi de la partie. Dans le même temps, un large panorama du cinÊma japonais contemporain sera proposÊ, avec plus d’une quarantaine de documentaires, de courts et de longs mÊtrages. Autre temps fort : le MK2 Bibliothèque projettera, le 4 juillet, le culte Klute d’Alan Pakula, avec Jane Fonda, invitÊe d’honneur du festival, que l’on pourra rencontrer le 3 juillet à la Filmothèque du Quartier latin. Le même soir, une nuit Joe Sarno aura lieu au Forum des images. Caresses interdites, Swedish Wildcats, All the Sins of Sodom : des films aux titres Êvocateurs, fleurons du cinÊma Êrotico-fÊministe des sixties, qui dressent des portraits de femmes esseulÊes dans leurs pavillons trouvant l’Êmancipation dans les plaisirs de la chair. La nuit promet d’être hot en couleurs, à l’image de la programmation de cette huitième Êdition de Paris CinÊma.
FRANÇOIS TRUFFAUT Jusqu’au 13 juillet, programmation en matinÊe d’un cycle dÊdiÊ au cinÊaste, avec les reprises de L'Amour en fuite, Baisers volÊs, Domicile conjugal, L'Homme qui aimait les femmes, Les Deux Anglaises et le Continent et Tirez sur le pianiste.
LITTÉRATURE ET CINÉMA Jusqu’au 11 juillet, les samedis et dimanches matins, le cinÊma et la librairie du MK2 Quai de Loire donnent carte blanche à Anne Wiazemsky, actrice de Robert Bresson, Pier Paolo Pasolini ou AndrÊ TÊchinÊ. Projections de L’ArmÊe des ombres de Jean-Pierre Melville, Le Fleuve de Jean Renoir, Le MÊpris de Jean-Luc godard et Les Yeux sans visage de georges Franju.
Du 3 au 13 juillet. Plus d’infos sur www.pariscinema.org.
Toute la programmation sur mk2.com
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Š D.R.
CONCERTS
48 SORTIES EN VILLE
Émilie Simon
LESS IS MORE Festival Days Off Pas de vacances ni de vacance cet ÊtÊ pour la CitÊ de la musique et la salle Pleyel, qui poursuivent leur collaboration en un festival d’ÊvÊnements plutôt qu’en un ÊvÊnement estival. C’est le moment de faire une pause. _Par Wilfried Paris
Si Paris est un festival musical à l’annÊe, les ÊvÊnements marquants sont finalement assez rares, et la profusion de propositions entraÎne parfois une certaine lassitude du public en même temps qu’une nouvelle exigence de sa part. Pour sa première Êdition, le festival Days Off prend acte et choisit un crÊneau original, tentant de rÊveiller la curiositÊ du public et la capacitÊ des artistes à crÊer des moments privilÊgiÊs. Selon vincent Anglade, conseiller à la programmation, l’idÊe du festival Êtait de crÊer une succession de temps forts, en se positionnant sur de vraies crÊations, qui prolongent ce que l’on fait à l’annÊe et qui n’empiètent pas sur les autres manifestations estivales en rÊgion parisienne, comme Rock en Seine ou Solidays. Cela permet aux groupes de prendre le temps, de s’arrêter un peu, de jouer plus . Du 2 au 10 juillet, Days Off offre donc chaque soir une scène à un artiste, qui prÊsente un projet inÊdit, circonstanciÊ aux lieux et à la saison. Ainsi Neil hannon
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(The Divine Comedy) prÊsentera en solo son nouvel album, Bang Goes the Knighthood, dans l’Êcrin de la salle Pleyel, tandis que Pete Doherty, Emilie Simon ou Alela Diane inviteront leurs proches pour des soirÊes oÚ le singulier se conjuguera au collectif. Days Off multiplie les rencontres : l’ex-Pogues David Coulter commÊmorera le Let It Be des Beatles avec Yael Naim, Mathias Malzieu (Dionysos) ou Cocoon, tandis que les mêmes Cocoon rÊuniront Chris garneau, Ibrahim Maalouf, MÊlanie Pain et hugh Coltman pour une soirÊe en hommage à Nick Drake. The Fitzcarraldo Sessions inviteront notamment sur leur pont Dominique A, Rosemary Moriarty ou Craig Walker. Cerise sur le bateau, les concerts spÊciaux d’Arnaud Fleurent-Didier, de Julian Casablancas ou de St. vincent. Cet ÊtÊ, prenez donc quelques jours Off. Du 2 au 10 juillet à la CitÊ de la musique et à la salle Pleyel, www.citedelamusique.fr
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Š Lindsey Rome
L’OREILLE DE‌ JAMIE LIDELL
GRIZZLY BEAR À L’OLYMPIA  Pendant l’enregistrement de mon nouvel album, Compass, j’ai ÊnormÊment ÊcoutÊ Veckatimest de grizzly Bear. Il s’en dÊgage quelque chose de fort, de colorÊ, de très riche et d’effrayant. C’est comme un petit monde vers oÚ s’Êvader. Chris Taylor m’a vraiment aidÊ pour la production de mon disque. J’avais comme un immense puzzle que je n’arrivais pas à assembler, et c’est lui qui m’a permis de tout mettre en ordre, en me calmant et me recadrant en permanence. Son groupe est absolument fascinant sur scène, ce qui ne gâche rien.  _Propos recueillis par A.T.
Grizzly Bear à l’Olympia le 29 juin, dès 20h, 35 ₏ Compass de Jamie Lidell (Warp / Discograph, dÊjà disponible)
AGENDA CONCERTS
_Par W.P.
1 CAETANO VELOSO voix de velours du tropicalisme brÊsilien, veloso poursuit son work in progress depuis 1967 (hybridation, multiculturalisme, engagement) et fait escale pour un concert gracieux à la DÊfense. Obra em progresso. le 27 juin à la DÊfense, dès 18h, gratuit.
2 GRIZZLY BEAR & DIRTY PROJECTORS Les deux groupes new-yorkais les plus influents de 2010 (grizzly Bear rÊnovant le psychÊdÊlisme pop, les Dirty Projectors inventant une sorte de R’n’B cÊleste et virtuose) se retrouvent pour une affiche Olympienne. le 29 juin à l’Olympia, dès 20h, 35 ₏
3 OS MUTANTES Autre collision tropicaliste (1966) entre bossa-nova, pop psychÊdÊlique et rock’n’roll, les Os Mutantes ont fait muter la musique brÊsilienne en profondeur, infusant leur inventivitÊ par-delà les frontières (Beck et Byrne sont fans). le 30 juin au Cabaret sauvage, dès 20h30, 24 ₏
4 DOMINIQUE A La crème musicale passera l’ÊtÊ sur la nouvelle Plage du glaz’art (cinq tonnes de sable fin, piquenique et pÊtanque), avec notamment Dominique A, toujours bel horizon de la chanson française. Sur les pavÊs, La Musique, donc. le 10 juillet à la Plage du Glaz’art, dès 19h, 29 ₏
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Š A.Varlet
CLUBBING
50 SORTIES EN VILLE
La terrasse de Petit Bain
NOUVELLES VAGUES Un duo qui terrasse‌ Si les rives du quai François-Mauriac semblaient se noyer dans la masse clubbing ces derniers temps, deux projets aventureux lui font sortir la tête de l’eau. La terrasse de PETIT BAIN et le PROJET 1051 devraient Êmoustiller les Parisiens amarrÊs à leurs habitudes. _Par Violaine Schßtz
Mettez dans un bateau des vidÊastes berlinois – Transforma – et un crew culte de hip-hop français – La Caution – pendant une semaine : secouez, vous obtiendrez le Projet 1051. InitiÊe par le Batofar, cette collaboration europÊenne donnera lieu à une crÊation audiovidÊo qui sera prÊsentÊe sous sa forme dÊfinitive en octobre.  Notre dÊmarche est de soutenir la crÊation contemporaine. Ici, il s’agit d’une rencontre artistique entre deux cultures et deux disciplines autour de la ville et de l’identitÊ. On a voulu confronter aux arts visuels un genre rarement convoquÊ, le hip-hop, qui tÊmoigne pourtant d’une qualitÊ d’Êcriture et d’une histoire liÊe à la citÊ qui en font un courant musical au fort potentiel narratif, prÊcise Camille Duthuit, chargÊe du projet. Pour un aperçu du work in progress en avant-première, rendez-vous le 9 juillet‌ Urbain encore, les pieds carrÊment dans l’eau cette fois, Petit Bain (dont la barge flottante ne sera prête
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qu’en 2011) se prÊsente comme une terrasse ÊphÊmère,  une Île dans la ville , adjacente à la piscine JosÊphine-Baker. Petit Bain se veut  un vrai lieu de vie, et non une simple terrasse d’apÊro , explique-t-on du côtÊ de l’organisation. Ateliers de danse, de gastronomie, dÊbats, activitÊs  vertes  constituent autant de variations autour d’un espace qui garde nÊanmoins sa vocation de restaurant, avec concerts et sets de DJ en bande-son. Nous n’avons pas un programme mais un mode d’emploi. Nous sommes entre le restaurant et le jardin familial, la salle de concert et le bar de quartier , reprend un membre de l’Êquipe. Petit Bain, oui, mais grand  Oh !  Projet 1051, le 9 juillet au Batofar, de 19h à minuit. Avec les DJ de la Fine Equipe, entrÊe libre. Petit Bain, devant la piscine JosÊphine-Baker, à partir du 5 juin, du lundi au jeudi de 12h à minuit, les vendredis et samedis de 12h à 1h, entrÊe libre.
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LES NUITS DE‌ YUKSEK
LES BAINS NUMÉRIQUES  Mon rêve clubbing, ce serait d’Êcouter Larry Levan dans un club de Brooklyn ; malheureusement, il est mort depuis dix-huit ans, alors je me contente de concerts ou de festivals. Le 19 juin, c’est la première fois que je jouerai au milieu d’un lac : merci les Bains numÊriques ! J’inter-prÊterai live les morceaux de mon album prÊcÊdent et quelques nouveaux titres du second, que je produis en ce moment même. Je suis toujours seul sur scène, avec un micro dans lequel je crie et chante, plein de synthÊs, des pÊdales d’effets, un vocoder, un ordinateur et gÊnÊralement une chemise.  _Propos recueillis par V.S.
les Bains numÊriques à enghien, clôture du festival le 19 juin avec Yuksek et Moderat, dès 21h, entrÊe libre.
AGENDA CLUBBING
_Par V.S.
1 LES SOIREES DU CAFÉ CACHÉ Quelque part au 104 (facile !) se trouve le CafÊ cachÊ,  entre cafÊ du coin et rendez-vous des artistes . Dans un dÊcor fifties officient des DJ pointus (guido, l’Êquipe du blog La dame Noir) : une adresse cachÊe, peut-être, mais un trÊsor tout trouvÊ. Tous les vendredis de juin et juillet au 104, dès 19h, entrÊe libre.
2 NOCTURNES DES ARTS ET MÉTIERS Ce musÊe, adulÊ des touristes, est relativement mÊconnu des Parisiens. Petite session de rattrapage avec ces Nocturnes, visites + DJ sets ÊclairÊs (Château Marmont, Mondkopf). histoire de briller par sa culture, surtout si c’est une vraie party de plaisir. Tous les jeudis de juin et juillet aux Arts et mÊtiers, dès 18h30, entrÊe libre.
3 LA GUINGUETTE DES TUILERIES Un parc chic, un cabaret choc et un hôte ad hoc : le journaliste et fêtard Edouard Rostand nous invite dans sa guinguette ÊphÊmère en nous promettant rosÊ, mojitos, tapas et musique joyeuse. Ouh la la! Que de belles gigues en perspective‌ Du jeudi au samedi aux Tuileries, dès 21h, entrÊe libre.
4 MR OIZO  Vous êtes des animaux !  rugissait un de ses rÊcents tubes. Pour son unique date à Paris, le drôle d’Oizo Êlectro aura vu juste : oiseaux de nuits, party animals et guests bêtes de scène (Breakbot) devraient affluer en meute. Rrrrr ! le 9 juillet à la villette, dès 23h, 25 ₏
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Š D.R.
EXPOS
52 SORTIES EN VILLE
Extrait de l’affiche de Paris & CrÊation
EXHIBITION Paris tenu aux Galeries Deuxième Êdition pour Paris & CrÊation,la vitrine culturelle estivale des Galeries Lafayette. Cette annÊe : une carte blanche à Vanessa Bruno et un pignon sur rue pour huit institutions parisiennes. Au menu : le Gentil garçon pour Pompidou, Ernest T. en agent du MAM ou encore Giulana Zefferi hors les murs du Palais de Tokyo. _Par Anne-Lou Vicente
Avec l’ouverture en 2005 de la galerie des Galeries – oÚ ont rÊgulièrement lieu des expositions, notamment le cycle Antidote et, cet ÊtÊ, une carte blanche à la crÊatrice vanessa Bruno –, les galeries Lafayette ont enfoncÊ le clou de la liaison qui, depuis plusieurs annÊes, unit la mode et l’art contemporain. Dans cette lignÊe, Paris & CrÊation entend promouvoir la crÊation contemporaine en mettant les vitrines du grand magasin à la disposition de huit institutions culturelles parisiennes, du 12 juillet au 5 aoÝt. Une exhibition, en somme‌ Si le Palais de Tokyo propose un Module hors les murs de l’artiste giuliana Zefferi, les autres lieux profitent de l’occasion pour communiquer sur leur actualitÊ estivale. En marge de l’exposition Voyage dans ma tête, la Maison rouge expose ainsi une sÊlection de coiffes ethniques dialoguant avec une enseigne lumineuse
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d’Olivier Babin (Coiff’Hair, 2008). Retransmise sur des Êcrans, une vidÊo restitue le tracÊ effectuÊ sur une palette graphique par l’artiste le gentil garçon à partir d’œuvres issues de l’exposition Dreamlands au Centre Pompidou, revisitant ainsi divers thèmes architecturaux. Ernest T. fait quant à lui Êcho à Seconde Main, l’exposition prÊsentÊe au musÊe d’Art moderne de la ville de Paris regroupant une sÊlection d’œuvres sosies rÊalisÊes entre 1960 et aujourd’hui. La CitÊ de l’architecture et du patrimoine, les Arts dÊcoratifs, le Lieu du design, mais aussi le parc de la villette sont Êgalement de la partie. Ou comment rÊconcilier lèche-vitrines et amour de l’art contemporain‌
Paris & CrĂŠation : sĂŠquence vitrines du 12 juillet au 5 aoĂťt et carte blanche Ă Vanessa Bruno du 25 juin au 14 aoĂťt, galerie des Galeries, Galeries Lafayette, 40, boulevard Haussmann, 75009 Paris.
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Š Dector & Dupuy
LE CABINET DE CURIOSITÉS
CHEMIN FAISANT‌ A WALK AROUND THE BLOCK vous rêvez de vous faire envoyer balader par des artistes ? Le centre d’art contemporain de la Ferme du Buisson prÊsente une exposition qui, si elle donne à voir de l’intÊrieur des œuvres tangibles, propose en parallèle des promenades, visites guidÊes et autres dÊambulations dans Marne-la-vallÊe, imaginÊes par des artistes (CÊline Ahond, Dector & Dupuy, Jochen Dehn, ChloÊ Maillet & Louise hervÊ, Sofia hultÊn, Leopold Kessler‌) qui rÊinvestissent la figure du flâneur. L’espace urbain se mue alors en un territoire oÚ naissent toutes sortes de fictions. _A.-L.V.
Jusqu’au 25 juillet à la ferme du Buisson, allÊe de la Ferme-Noisiel, 77448 Marne-la-VallÊe.
AGENDA EXPOS
_Par A.-L.V.
LIVING ROOMS Quatorze artistes investissent le château du Domaine de Chamarande, construit en 1654. De nouveau  habitÊ , le lieu accueille des œuvres fonctionnant comme les traces possibles, visibles et/ou audibles, de ses vies multiples, rÊelles ou fictives. Jusqu’au 3 octobre au Domaine dÊpartemental de Chamarande, 38 rue du Commandant-Arnoux, 91730 Chamarande.
DYNASTY En voisins, le Palais de Tokyo et le musÊe d’Art moderne de la ville de Paris s’allient pour Êcrire un nouvel Êpisode du feuilleton de la scène française Êmergente. Quarante artistes, plus ou moins repÊrÊs, prÊsentent une pièce dans chacun des deux lieux. Jusqu’au 5 septembre au Palais de Tokyo et au musÊe d’Art moderne de la ville de Paris, 13 avenue du PrÊsident-Wilson, 75116 Paris.
PREVIOUSLY ON OPTICAL SOUND Le label Optical Sound a proposÊ à une soixantaine de personnes – artistes, critiques d’art et musiciens – de rÊaliser une œuvre au format A4 à partir des pochettes, titres, contenus sonores ou artistes ÊditÊs parmi son catalogue initiÊ en 1997. Du 6 au 24 juillet à la galerie frÊdÊric Giroux, 8 rue Charlot, 75003 Paris. JUIN 2010
Š GTG / GrÊgory Batardon
SPECTACLES
54 SORTIES EN VILLE
REQUIEM POURBallets UN BOND rocks et baroques Dans le cadre du festival Paris Quartier d’ÊtĂŠ, le ballet du Grand ThÊâtre de Genève offre un flash-back rare dans l’histoire de la danse contemporaine en prĂŠsentant Jours ĂŠtranges et So Schnell, deux chefs-d’œuvre du regrettĂŠ DOMINIQUE BAGOUET. Immanquable. _Par Ăˆve Beauvallet
 La joie presque subversive de danser sans donner prise, le moins du monde, au fatal.  Ainsi Dominique Bagouet prÊsentait-il sa pièce So Schnell : un dernier pied de nez à la fatalitÊ de la mort. Ce chef-d’œuvre ultime, qui galopait avec une apparente insouciance entre la cantate BWv 26 de Jean-SÊbastien Bach et des arrangements sonores industriels, allait clore le parcours du chorÊgraphe et refermer, avec lui, un pan entier de l’histoire de la danse. La nouvelle danse française, ce sursaut vitaminÊ des annÊes 1980 à l’origine de l’institutionnalisation de la danse contemporaine, a sans doute expirÊ un soir de dÊcembre 1992 oÚ le sida emporta prÊmaturÊment Dominique Bagouet, à l’âge de 41 ans. Angelin Preljocaj, Michel Kelemenis, Catherine Diverrès, Christian Bourigault‌ difficile de trouver un seul de ses anciens danseurs – aujourd’hui chorÊgraphes majeurs – qui ne soit redevable à l’Êcriture tout à la fois raffinÊe et Êlusive, rigoureuse et dÊcadente, de ce baroque contemporain, fou de cinÊma JUIN 2010
et de mignardises expressionnistes. Difficile, aussi, de manquer l’occasion de (re)dÊcouvrir ses œuvres – rÊpertoriÊes dans les grands ballets internationaux – quand occasion il y a. Pour l’heure, le ballet du grand ThÊâtre de genève nous donne l’opportunitÊ d’apprÊcier communÊment Jours Êtranges, dÊlire beatnik en hommage aux Doors, et So Schnell, sÊrÊnade pop art à l’Ênergie aigre-douce. Soit deux chefs-d’œuvre complÊmentaires pour prendre la mesure de ce style Bagouet, empreint à la fois d’abstraction amÊricaine et d’exploration thÊâtrale : chorÊgraphies posturales hantÊes par les figures cinÊmatographiques, lÊgèretÊ oblique des dÊsÊquilibres, inventivitÊ graphique pour les extrÊmitÊs du corps‌ Bref, la fatalitÊ et l’acadÊmisme pris par-dessus la jambe. SoirÊes Bagouet Jours Êtranges et So Schnell, par le ballet du Grand ThÊâtre de Genève, les 14, 15 et 16 juillet au PalaisRoyal, www.quartierdete.com WWW.MK2.COM
Š Cyril Weiner
LE SPECTACLE VIVANT NON IDENTIFIÉ
EVELYNE HOUSE OF SHAME Ils avaient mis sur scène un sacrÊ boxon avec leur remix gay et drôlissime des Quatres Filles du docteur March dans Domestic Flight. Alors, lorsque l’on nous apprend que Christophe haleb et sa compagnie la Zouze s’apprêtent à transformer la Machine du Moulin rouge en cabaret berlinois des annÊes 1930, on ne s’attend pas vraiment à un exercice policÊ. Evelyne House of Shame s’annonce comme un salon itinÊrant oÚ ressurgissent les figures les plus surannÊes et sexy de l’histoire du style. Le tout, pour une performance transgenre et transhistorique. _E.B.
les 23 et 24 juin Ă la machine du moulin rouge, dans le cadre du festival Jerk Off, www.myspace.com/jerkoffestival
AGENDA SPECTACLES
_Par E.B.
1 FESTIVAL IMPATIENCE Tremplin pour les jeunes compagnies, plate-forme pour les programmateurs, Impatience propose depuis trois ans de mettre en lumière des artistes Êmergents sur les deux plateaux du ThÊâtre de l’OdÊon. Avec, à l’issue, prix du jury et prix du public. Du 9 au 18 juin au ThÊâtre de l’OdÊon et aux Ateliers Berthier, www.theatre-odeon.fr
2 FOI Dieu sait à quel point la spiritualitÊ guide l’œuvre du chorÊgraphe flamand Sidi Larbi Cherkaoui. On en trouve la preuve la plus brillamment mise en danse dans Foi, un opÊra  mÊdiÊvo-contemporain  dans lequel les enjeux de dÊtermination et de transcendance sont doublement posÊs par la chorÊgraphie et par un ensemble de musique savante du XIve siècle, littÊralement encastrÊ dans le mur, en surplomb des danseurs. Du 17 au 19 juin au Parc de la villette, www.villette.com
3 LES GARÇONS ET GUILLAUME, Ă€ TABLE ! ÂŤ Ma mère me dit rĂŠgulièrement “Au revoir, ma chĂŠrieâ€? au tĂŠlĂŠphoneÂť, raconte guillaume gallienne, compagnon du Grand Journal et sociĂŠtaire de la ComĂŠdie-Française. Comment assumer d’être hĂŠtĂŠrosexuel dans une famille qui a dĂŠcrĂŠtĂŠ que l’on ĂŠtait homo? C’est cette aventure, ĂŠpique, qu’il a dĂŠcidĂŠ de mettre en scène dans une pièce qui renoue avec les plus nobles heures du one-man-show. Du 24 juin au 17 juillet Ă l’AthĂŠnĂŠe ThÊâtre louisJouvet, www.athenee-theatre.com
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Š Bruno Verjus
RESTOS
56 SORTIES EN VILLE
PÉCHÉ MITRON La flamme du boulanger Rencontre avec la passion selon CHRISTOPHE VASSEUR, boulanger sans artifice ni compromis. Voyage au temps du pain bÊnit, celui qui se dÊvore‌ comme de la brioche. _Par Bruno Verjus (www.foodintelligence.blogspot.com)
 J’ai choisi ce mÊtier pour poursuivre un rêve de gosse, par passion, pour sa tradition. Le boulanger est un magicien, il tutoie les anges ! Avec de la farine, de l’eau et du sel, il nourrit et offre un voyage aux sens.  Natif de haute-Savoie, Christophe vasseur rÊside à Paris depuis 1996. Après une formation commerciale et un parcours professionnel dans la mode, dont plus de trois ans à hongkong, il remise dÊfinitivement son costume-cravate en 1999 pour apprendre le mÊtier de boulanger chez Mathon, place d’Italie – l’un des derniers passionnÊs de pain. Je vous ferai un pain comme vous n’en avez jamais vu‌ et, dans ce pain, il y aura de l’amour et aussi beaucoup d’amitiÊ , ainsi s’exprimait Raimu chez Marcel Pagnol. Pour Christophe vasseur, cela vaut profession de foi :  Il n’est pas de plus beau mÊtier que de donner du bonheur aux gens, un artisan travaillant avec sa tête et ses mains à la crÊation de l’unique. 
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Le pain des amis, façonnÊ à la main, cuit sur pierre comme autrefois, offre une croÝte Êpaisse qui fleure les arômes de châtaigne et de noisette. Un produit de racines, œuvre d’excellence de l’artisan vasseur. Il confectionne les pains uniquement à partir de farines biologiques de blÊ, de seigle ou de châtaigne, de levain naturel et d’un peu de sel. Aux viennoiseries, il offre le meilleur, du beurre frais extrafin, des pralines, du safran, des raisins, des variÊtÊs de pommes rares, et c’est tout! Sublimes chaussons à la saveur d’enfance – une demipomme fraÎche cuite dans une pâte feuilletÊe ; escargots chocolat-pistache, praline ou citron-nougat, gourmands à l’addiction ; brioche mouna, petite merveille au goÝt d’amande, originaire d’Afrique du Nord, infusÊe de fleur d’oranger et pavÊe de sucre cristal : au royaume de Christophe vasseur, la gourmandise vaut bien son pÊchÊ.
Du Pain et des IdĂŠes, 34 rue Yves-Toudic, 75010 Paris. TĂŠl. : 01 42 40 44 52
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Š DorothÊe De Koon
LE PALAIS DE‌ ARNAUD FLEURENT-DIDIER
CHARLOT, ROI DES COQUILLAGES  Projet de dÎner avec le Texan Wes Anderson, je me vois faire du poisson, mais courses + cuisine, je suis vite pris de court. Charlot, roi des coquillages s’impose. Les produits de la mer y sont fameux, mais c’est surtout la dÊco qui vaut le dÊtour, la moquette, les glaces et les banquettes, et les têtes anachroniques du personnel. La vue imprenable sur la place Clichy du travelling de L’Amour à 20 ans (Doinel qui court après son bus) n’y est pour rien. Ou juste pour se dire que Paris change, et que c’est bien.  _Propos recueillis par A.T.
Charlot, roi des coquillages, 81 boulevard de Clichy, 75009 Paris. TĂŠl. : 01 44 91 90 18 // Arnaud FleurentDidier en concert Ă la salle Pleyel le 3 juillet
OĂ™ MANGER APRĂˆS‌ _Par B.V.
TOURNÉE À la RÊgalade Saint-HonorÊ pour la joyeuse faconde, à l’instar de la terrine de volaille offerte à l’apÊro ou de cette canaille poitrine de cochon de chez Ospital. Plus sage, le cabillaud accompagnÊ d’une salade d’herbes. Pour les vins, la carte offre le meilleur aussi : allez, tournÊe gÊnÊrale ! la RÊgalade Saint-HonorÊ, 123 rue Saint-HonorÊ, 75001 Paris. TÊl. : 01 42 21 92 40
L’ITALIEN Chez Olio Pane Vino pour l’ambiance italo chic de cette Êpicerie cave à manger. Course autour de la Botte pour des produits impeccables. Mozzarella fumÊe, burrata, anchois, câpres, speck‌ et quelques pâtes. Une cuisine simplissime et Êclatante en hommage aux produits transalpins. Olio Pane vino, 44 rue Coquillière, 75001 Paris. TÊl. : 01 42 33 21 15
LA TERRASSE À l’AgapÊ Bistrot, pour partager en terrasse une cuisine fraÎche comme l’instant, troussÊe autour d’une carte courte. veloutÊ maraÎcher (10 ₏), tourteau tomates et pommes granny smith (18₏), belle pièce de bœuf et pomme de terre de Noirmoutier (30₏), crème brÝlÊe aux saveurs de saison (9₏). l’AgapÊ Bistrot, 75 avenue Niel, 75017 Paris. TÊl. : 01 42 27 88 44 JUIN 2010
58 LA ChRONIQUE DE
© Disney / Pixar
Torses bombés, chapeaux vissés, ailes déployées, Woody, Buzz L’Éclair et leurs amis reviennent squatter les salles obscures, près de quinze ans après leur dernière visite. Formellement virtuose, chantre d’une mélancolie ludique et bigarrée, Toy Story 3 permet d’apprécier le chemin parcouru depuis les débuts du cinéma d’animation en images de synthèse. Visite à San Francisco, dans les mythiques studios PIXAR, pour qui le jouet est moins une industrie qu’un art méticuleusement rétrofuturiste. _Par Auréliano Tonet
Š Deborah Coleman / Pixar
Jason Katz, scĂŠnariste en chef de Toy Story 3
C
e matin-là , le bus municipal qui escalade les collines de San Francisco a fière allure : tout entier aux couleurs de Toy Story 3, il arbore sur son flanc gauche un portrait XXL de Buzz L’Éclair, dont l’aplomb semble sortir la ville de sa torpeur embrumÊe. Il y a quarantecinq ans, un autre bus, celui des Merry Pranksters, menÊs par l’hurluberlu Ken Kesey, chamarrait la citÊ d’impudentes volutes psychÊdÊliques ; puis il y eut les caravanes arc-en-ciel d’harvey Milk et ses combats pour la cause homosexuelle ; avant, donc, que Frisco ne se reconvertisse en capitale des nouvelles technologies, et customise ses navettes à la gloire de Toy Story.
des hÊros de la nouvelle production maison, quand ce ne sont pas de gigantesques peluches ou sculptures en Lego. Au cœur de l’allÊe principale, la maison du couple le plus glamour de Toy Story 3, Barbie et Ken, a même ÊtÊ reconstituÊe sur plusieurs mètres de haut. Manière de dire à quel point le studio est solidaire, jusque dans ses propres murs, du film qu’il a conçu – comme si l’un et l’autre racontaient la même histoire, celle d’une bande d’amis tiraillÊe entre rupture et continuitÊ. LE PLASTIQUE, C’EST FANTASTIQUE RÊalisÊ plus d’une dÊcennie après les deux premiers volets, Toy Story 3 est un film obsÊdÊ par la question du temps qui passe, de l’obsolescence : à l’heure d’entrer à la fac, Andy hÊsite à se sÊparer de ses
LE SIègE DE PIXAR SE TROUvE À MI-DISTANCE DE L’UNIvERSITÉ DE BERKELEY ET DE LA SILICON vALLEY. TOY BOYS À une trentaine de minutes du centre-ville se dresse le siège de Pixar, que certains employÊs appellent le  campus  : situÊ à Emeryville, il se trouve à mi-distance de l’universitÊ de Berkeley et de la Silicon valley chère à Apple, google et autre Intel. Le lieu respire la green tech : recouvert de nombreux panneaux solaires, laissant passer une lumière idÊale pour tout graphiste digne de ce nom (ni trop forte, ni trop faible), il s’organise autour d’un vaste atrium, oÚ se retrouvent, pour un cafÊ ou un burger, les salariÊs de la firme. ParticularitÊ de saison : sur les murs trônent, ici aussi, de larges tableaux à l’effigie
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anciens jouets – Woody le cow-boy, Buzz L’Éclair l’astronaute, et tous les autres. Lui veut les remiser au grenier ; sa mère songe à les offrir à un jardin d’enfant ; quant aux jouets, ils sont terrifiÊs par ces sinistres perspectives‌  Nous avons mis beaucoup de nous-mêmes dans ce film, confie le rÊalisateur, Lee Unkrich. Il s’inspire de notre propre vÊcu – le dÊpart de mon fils à la fac, ou la perte de la collection de poupÊes de ma femme –, mais aussi, en un sens, des diffÊrentes problÊmatiques qu’a dÝ affronter le studio ces dernières annÊes.  Toy Story, en 1995, fut le premier long mÊtrage de Pixar (et accessoirement le premier long mÊtrage d’animation 100 % rÊalisÊ
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63 REPORTAGE PIXAR
TOY STORY 3 EST UN FILM OBSÉDÉ PAR LA QUESTION DU TEMPS QUI PASSE, DE L’OBSOLESCENCE. en images de synthèse); quinze ans plus tard, le troisième volet boucle la trilogie, et permet de mesurer le chemin parcouru. D’un point de vue technique, tout d’abord :  Nos logiciels avaient subi tant de mises à jour que lorsque, au dÊbut de la confection de Toy Story 3, nous avons cliquÊ sur les vieux fichiers Buzz ou Woody datant de 1997, l’ordinateur n’arrivait pas à les ouvrir ! , sourit Unkrich. Plus fluides, plus rÊalistes, mieux articulÊs, mis en relief à l’aide d’une 3D aussi discrète qu’intelligente, les personnages bÊnÊficient des avancÊes graphiques de la dernière dÊcennie :  À l’Êpoque des premiers Toy Story, il Êtait très compliquÊ de reprÊsenter en images de synthèse les humains, mais aussi les poils d’animaux, qu’ils soient vivants ou en peluche‌, admet le cinÊaste. C’est pour cela que nous avions jetÊ notre dÊvolu sur des jouets en plastique, une matière bien plus facile à dessiner. Avec le temps, tous ces obstacles ont ÊtÊ levÊs. Le film s’en ressent.  TRIPLE BUZZ D’un point de vue narratif, la saga a Êgalement gagnÊ en Êpaisseur. Alternant plages de pur divertissement et sÊquences plus mÊlancoliques, le scÊnario offre, comme aux grandes heures de Disney, plusieurs niveaux de lecture. Beau conte sur l’abandon, l’usure et la transmission, Toy Story 3 est comme nimbÊ du spleen des deux prÊcÊdentes productions Pixar, WALL-E et Là -haut, autour de cette question-clÊ : quel legs offrir aux gÊnÊrations futures ? Moins fleur bleue, et dÊgainant plus vite qu’El Buzzo en personne, mes collègues sud-amÊricains ne me laissent guère l’opportunitÊ de titiller Unkrich & co sur ces larmoyants sujets, prÊfÊrant questionner l’Êquipe sur les aspects les plus fun du film : Michael Keaton a-t-il injectÊ son passÊ d’homme-chauve-souris dans l’interprÊtation vocale de Ken ? Comment est nÊe l’idÊe du mode  dÊmo  de Buzz, et de son hilarante transformation en latin lover patentÊ ? Quels Êtaient vos jouets prÊfÊrÊs, enfants? RÊponses, dans l’ordre : A) Non ; B) En discutant autour d’une table;C) No comment  (regards gênÊs vers le plafond). •••
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DANS LES CARTONS‌ ‌ DE PIXAR Depuis que Pixar a rÊcupÊrÊ la libertÊ de gÊrer son catalogue à sa guise vis-à -vis de Disney, la sociÊtÊ n’hÊsite plus à capitaliser sur son fabuleux vivier de personnages en dÊveloppant plusieurs suites. Flash McQueen Êtant devenu l’un des hÊros les plus rentables de la firme, un Cars 2 sortira logiquement en juillet 2011, avec une intrigue qui nous emmènera tout autour du globe, tandis qu’à NoÍl 2012 nous retrouverons le duo Mike Wazowski et Sully dans Monstres et compagnie 2. Du côtÊ des projets originaux, si l’on peut regretter l’abandon du prometteur Newt, qui marquait les premiers pas dans le long mÊtrage de Gary Rydstrom (rÊalisateur du court ExtraTerrien), nous nous consolerons avec le conte mÊdiÊval Brave au mois de juin 2012, mais aussi avec la sÊrie documentaire Reign of the Dinosaurs, diffusÊe à la tÊlÊ à partir du printemps 2011. Enfin, il est à noter que le rÊalisateur de L’Étrange NoÍl de Mr. Jack, Henry Selick, travaille à son premier film au sein de Pixar. _J.D.
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64 REPORTAGE PIXAR
COURTS TOUJOURS Juste avant Toy Story 3, vous aurez le bonheur de dÊcouvrir le court mÊtrage Day & Night (Jour Nuit en VF). Pixar et les courts, c’est une longue histoire d’amour : avant que leur talent n’Êclate à la face du monde avec Toy Story, c’est grâce à ce format que Pixar a remportÊ ses premières victoires, dont un oscar avec Tin Toy. Quand la compagnie commence à prospÊrer, ses dirigeants, Ed Catmull et John Lasseter, continuent à produire des courts, manière de rÊvÊler de futurs talents ou de tester de nouvelles technologies. Contrat rempli sur les deux tableaux avec Day & Night : non seulement le rÊalisateur du film, Teddy Newton, a soufflÊ Lasseter, qui a approuvÊ son scÊnario en seulement trois rÊunions contre les six habituellement nÊcessaires, mais le film emploie le relief de façon inÊdite, en juxtaposant plusieurs couches d’images en 2D dont la profondeur varie selon l’humeur des personnages. _J.D.
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SPLEEN ET IDÉAL ZappÊe, par consÊquent, ma question sur le vÊritable gÊnie de Pixar selon moi : son maniement virtuose du mÊtalangage, c’est-à -dire sa propension à commenter, à travers chacun de ses films, les ambitions techniques, industrielles ou artistiques du studio. Prenons les trois derniers bijoux en date. Ratatouille (2007) : derrière l’histoire du rongeur gourmet, tombÊ par hasard dans la marmite de la grande cuisine, se lit l’histoire de Pixar, sociÊtÊ de matÊriel informatique haut de gamme qui, pour renflouer ses dÊficits abyssaux, se lance, dès son rachat en 1986 par le patron d’Apple, Steve Jobs, dans la rÊalisation de films animÊs par ordinateur (courts mÊtrages, publicitÊs), et y prend tellement goÝt qu’elle se spÊcialise illico dans cette voie de traverse. WALL-E (2008) : rÊactivant le leitmotiv des deux premiers Toy Story, le film fait l’apologie d’un technicisme sentimental, oÚ les machines les plus performantes (robots, jouets, blockbusters) sont dotÊes d’une âme, d’un cœur, d’Êmotions – allÊgorie du positionnement de Pixar au sein de la culture de masse, firme d’auteur dont l’humanitÊ la distingue de l’entertainment standard. Là -haut (2009), enfin : l’histoire d’amitiÊ entre un gamin replet et un pÊpÊ asocial se double d’une fable sur l’alliance des contraires, techniques d’animation vintage et imagerie dernier cri, jeune et moins jeune public, spleen et idÊal. QUAND LARRY RENCONTRE WOODY Un art du consensus validÊ tant par le box-office que par les festivals. En quinze ans, Pixar a sorti une dizaine de longs mÊtrages : tous ont dÊpassÊ, parfois allÊgrement, les 200 millions de dollars de recette aux États-Unis. RÊcompensÊe pour l’ensemble de son œuvre à venise en 2009, invitÊe en ouverture de Cannes la même annÊe pour Là -haut, la compagnie a raflÊ cinq Oscars du meilleur film d’animation depuis la crÊation du prix, en 2001.  Si tous les films Pixar sont des rÊussites tant commerciales que critiques, c’est parce qu’ils ne nÊgligent aucun stade du processus de crÊation, juge le comÊdien Jeff garlin, qui assurait la voix du capitaine dans WALL-E, et joue celle de la licorne dans Toy Story 3. Contrairement à d’autres studios, Pixar ne se risquerait jamais à produire un
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Š Deborah Coleman / Pixar
L’Êquipe de Toy Story 3 durant une rÊunion de travail
film dont il estime que l’histoire n’est pas assez forte.  garlin est cÊlèbre, aux États-Unis, pour son rôle de manager dans Curb Your Enthusiasm, la nouvelle sÊrie comique de Larry David, co-crÊateur de Seinfeld :  La trilogie Toy Story a fait appel à plusieurs ex-collaborateurs de Larry pour des doublages, comme Estelle Harris ou Wayne Knight, poursuit garlin. De même que Seinfeld, Pixar est aux mains de gens brillants, crÊatifs, humains. C’est, je crois, la clÊ de leurs succès respectifs.  POMME D’APPUI Figurant elle aussi au casting vocal de Toy Story 3, Kristen Schaal (inoubliable Mel dans la sÊrie Flight of the Conchords) renchÊrit : J’ai Êgalement travaillÊ pour DreamWorks, sur Shrek 4 par exemple, mais je n’y ai jamais senti l’esprit de famille qui règne à Pixar. Ce studio est unique.  Depuis sa fondation en 1994 par le triumvirat Steven Spielberg-David geffen-Jeffrey Katzenberg, DreamWorks a sorti une vingtaine de longs mÊtrages (le double de Pixar), dont une moitiÊ de flops. Le studio angelino compte environ 2 000 sala-
PIXAR A RAFLÉ CINQ OSCARS DU MEILLEUR FILM D’ANIMATION DEPUIS LA CRÉATION DU PRIX, EN 2001. riÊs, quand Pixar n’en dÊnombre que 850. Le modèle de croissance dÊfendu par John Lasseter, le patron de Pixar, se dÊmarque donc de la profusion spielbergienne, et se rattache davantage de la minutie laborieuse et raisonnÊe de george Lucas ou Steve Jobs, les deux premiers propriÊtaires de la sociÊtÊ, auprès desquels s’est forgÊe l’approche artistique et entrepreneuriale de Lasseter.  Nous consacrons quatre ans minimum à la fabrication de chaque long mÊtrage , prÊcise Darla K. Anderson, la productrice de Toy Story 3. Écriture du scÊnario, modÊlisation des personnages, enregistre-
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RENDERMAN‌ ‌ LE LOGICIEL MAISON John Lasseter :  L’art met au dÊfi la technologie. Et la technologie inspire l’art. Tel est notre credo à Pixar.  À l’origine, Pixar Êtait une compagnie chargÊe de dÊvelopper du matÊriel informatique destinÊ, notamment, à l’industrie mÊdicale. La prÊsence de John Lasseter au sein de ce groupe d’ingÊnieurs va pousser ces derniers à inventer des outils qui permettront la crÊation d’images de synthèse non par des informaticiens chevronnÊs, mais par des artistes, qui n’ont pas forcÊment l’esprit ultracartÊsien nÊcessaire. Parmi ces nombreux outils, le moteur de rendu RenderMan, inaugurÊ sur le court mÊtrage Tin Toy en 1988 et continuellement perfectionnÊ depuis, demeure certainement le produit phare de Pixar, puisqu’il a ÊtÊ rÊcompensÊ par un oscar et qu’il est aujourd’hui utilisÊ par la plupart des grands studios d’effets spÊciaux du monde. _J.D.
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66 REPORTAGE PIXAR
 NOUS CONSACRONS QUATRE ANS MINIMUM À LA FABRICATION DE CHAQUE LONG MÉTRAGE.  DARLA K. ANDERSON DREAMWORKS, LE RIVAL Concurrents acharnÊs, Pixar et DreamWorks sont opposÊs sur bien des plans. Tandis que Pixar est dirigÊ par des cinÊastes (Lasseter) et des ingÊnieurs (Catmull), DreamWorks est nÊ de l’achat d’une sociÊtÊ d’effets visuels par l’un des businessmans les plus offensifs d’Hollywood : Jeffrey Katzenberg, dont les dÊbuts dans l’animation furent marquÊs par sa gestion d’un plan social historique chez Disney, dans les annÊes 1980. Si Pixar possède des locaux aux environs de San Francisco, DreamWorks a Êlu domicile près d’Hollywood, à Glendale. Et, lorsque DreamWorks dÊlocalise en Inde pour produire à moindre coÝt des sÊries d’animations dÊrivÊes de ses plus grands succès (Madagascar, Kung-Fu Panda), c’est au Canada, l’un des territoires les plus prometteurs en termes de crÊation d’images numÊriques, que Pixar ouvre une succursale. _J.D.
Toy Story 3 Un film de Lee Unkrich Avec les voix de Tom Hanks, Tim Allen‌ États-Unis, 2010, 1h40 Sortie le 14 juillet
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ment des voix, animation, postproduction : chaque Êtape obÊit à une mÊthodologie stricte et minutÊe, empruntant autant à l’animation traditionnelle (croquis, story-boards, sculptures) qu’aux dernières prouesses numÊriques – c’est ainsi que j’assistai pour la première fois de ma vie à l’impression en 3D d’un fichier informatique (en l’occurrence, une reprÊsentation en volume du personnage de Woody). Équilibre entre classicisme et modernitÊ, donc ; Êquilibre, aussi, entre imaginaire dÊbridÊ et rÊalitÊ :  Il nous arrive de nous inspirer de certains de nos prÊcÊdents projets, affirme Lee Unkrich. Les scènes de dÊcharge de Toy Story 3 n’auraient pas ÊtÊ possibles sans les accomplissements graphiques rÊalisÊs sur WALL-E, par exemple. Mais nous voulons Êviter de tourner en vase clos. C’est pourquoi nous sommes allÊs visiter des prisons, des jardins d’enfants et des dÊchèteries authentiques, en amont du tournage de Toy Story 3.  HAPPY TOGETHER Toy Story 3 est le premier long mÊtrage entièrement rÊalisÊ par Lee Unkrich, 42 ans. Jusque là , il avait ÊtÊ monteur sur sept longs mÊtrages Pixar, et en avait co-rÊalisÊ deux (Monstres & Cie et Le Monde de Nemo). Une Êvolution de carrière assez reprÊsentative de la mÊritocratie et de la polyvalence prônÊes par Lasseter au sein de l’entreprise. Dans la cafÊtÊria qui jouxte l’atrium, un ingÊnieur grisonnant dÊjeune avec un dessinateur tout juste sorti d’Êcole :  Contrairement à d’autres studios, oÚ les postes sont plus prÊcaires, la longÊvitÊ est valorisÊe, ici, de même que les doubles casquettes, estime le sÊnior. Pour ma part, j’organise des visites guidÊes du studio le week-end.  Autre vÊnÊrable vÊtÊran (dÊcouvrez sa pop caustique sur le joyau Nilsson Sings Newman, 1970), le gÊnie mÊconnu Randy Newman signe sa troisième partition pour la saga Toy Story. La plus belle chanson du cru 2010 s’intitule We Belong Together, et elle rÊpond à elle seule à l’enjeu posÊ par le film : rompre, oui, mais dans la continuitÊ, c’est-à -dire sans dÊfaire les liens prÊcieux qui se sont nouÊs avec le temps. La nuit tombe sur San Francisco. À la sortie du studio, la lampe gÊante de Luxo Jr., l’emblème de Pixar, salue les derniers visiteurs de son halo amical, et dirige ses feux vers un bus bleutÊ, aux couleurs de Buzz L’Éclair. Le slogan du cosmonaute plastifiÊ n’a jamais sonnÊ aussi juste :  Vers l’infini, et au-delà . 
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© Cube créative productions
Extrait du court métrage Jean-François de T. Haugomat et B. Mangyoku
FESTIVAL D’ANNECY 69
LE LAC DÉSSINE  Lapin ! , la mascotte du terrier annÊcien, est de nouveau sorti toutes oreilles dressÊes et yeux rivÊs sur les images qui bougent aux quatre coins de la planète, dans les studios vÊtÊrans comme dans les clÊs USB d’Êtudiants aussi vrombissants qu’un essaim de vuvuzelas. Cinquante carottes cette annÊe sur le gâteau du Festival du film d’animation. Deux de nos journalistes s’en sont payÊ une très belle tranche. Un vrai conte de Festival. _Par Juliette Reitzer et Étienne Rouillon
C
inq cent paires de fesses mouillÊes s’impatientent dans la nuit, tout juste tombÊe sur la dernière projection en plein air. Leurs proprios ont relevÊ les cagoules et vissÊ les casquettes, non pour être raccord avec le film banlieusard du soir, Lascars, mais parce que ça pleuvasse sec. On est rincÊs de la tête aux pieds, embourbÊs dans la pelouse de l’esplanade du Pâquier, labourÊe la veille par le DJ jardinier Martin Solveig. Il faisait beau ce soir-là , manque de pot nous on se faisait mener en bateau sur le lac, avec Patrice Leconte, nouveau venu dans l’animation, embarquÊ pour prÊsenter les premières images de son film attendu pour 2012, Le Magasin des suicides. Deux grenouilles, sans princesse, barbotent donc dans ce bÊnitier du dessin bien remuÊ par une semaine de festival. CoincÊs sur le même nÊnuphar, on en a profitÊ pour se la raconter.
“ – Ça a pourtant commencĂŠ bien au chaud pour moi avec la première projection. J’atteins la place idĂŠale : pas trop loin de l’Êcran, au centre de la rangĂŠe. Pile dans la zone d’atterrissage d’une armĂŠe d’avions en papier venus des sièges du fond – repère des cancres d’un amphi cinĂŠphile. Serge Bromberg, le sĂŠmillant dĂŠlĂŠguĂŠ artistique du Festival, monte sur scène pour prĂŠsenter ÂŤ la course de voiture la plus mortelle de l’univers Âť, j’ai nommĂŠ le manga pop et foutraque Redline. Bromberg, tel un proviseur hilare, nargue un gamin dont l’avion en papier s’est minablement abĂŽmĂŠ. Une coutume maison, comme les bruits de marĂŠcage quand la lumière s’Êteint ou les hurlements ÂŤ LAPIN ! Âť Ă chaque fois qu’on en voit un Ă l’Êcran‌
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GÉANT VERT PrÊsentation en grande pompe par une huile de DreamWorks qui a passÊ de la pommade aux concurrents Pixar et Disney :  Ensemble, nous avons popularisÊ un art qui n’a plus à rougir de la comparaison avec le cinÊma traditionnel , oubliant presque que c’est le vert de lance du studio qui est ici à l’honneur pour un dernier tour de piste : Shrek 4, il Êtait une fin. La fin justifiÊe par des moyens dantesques et une rÊalisation homÊrique servant une histoire dÊsormais familière mais habilement dÊconstruite par un scÊnario jouissif : lassÊ par la paternitÊ, l’ogre souhaite redevenir la brute d’hier. Un sorcier fallacieux va l’aider à tourner la page. Et le spectateur de refermer cet ultime tome d’un revers nostalgique. _E.R. Shrek 4 // Un film de Mike Mitchell // Distribution : Paramount // États-Unis, 2010, 1h33 Sortie le 30 juin
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 ON A COMMENCÉ LES SIMPSON SANS LE MOINDRE STORY-BOARD. NE FAITES SURTOUT PAS COMME MOI !  Š 2009 Universal Pictures and Illumination Entertainment
MATT gROENINg
BELLE ÉTOILE Film amÊricain en 3D relief entièrement rÊalisÊ dans un studio français, Moi, moche et mÊchant, projetÊ en avant-première mondiale à Annecy, nous embarque dans le projet fou de l’affreux Mr. Dru : dÊcrocher la Lune – au sens propre. Largement à la hauteur des meilleures productions Pixar pour un budget deux à trois fois moindre (compensÊ par une imagination dÊbridÊe, un souffle d’audace et beaucoup de talent), le film lÊvite bien au-dessus des habituels blockbusters pour bambins :  Pas besoin d’en faire des caisses pour transmettre l’Êmotion , tempère son corÊalisateur français Pierre Coffin. Robots jaunes et stupides, gamines dÊlicieusement turbulentes, mÊchants ridicules mais motivÊs, comme chez Tex Avery, les personnages s’en prennent plein la tronche mais n’ont jamais mal : c’est le paradis. _J.R. Un film de Chris Renaud et Pierre Coffin Sortie le 13 octobre 2010
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– Le coup du lapin, c’est Pierre Coffin, l’un des rÊalisateurs du jouissif et rÊgressif Moi, moche et mÊchant, qui m’a vendu la bête :  À une Êpoque, le gÊnÊrique du Festival n’Êtait pas animÊ. C’Êtait un peu comme les publicitÊs pourries pour la charcuterie du coin dans les vieux cinÊmas des Champs-ÉlysÊes. À un moment, il y avait un plan sur un lapin. Au bout de quelques jours, tout le public criait  lapin !  avant même que le fameux plan n’apparaisse‌ C’est restÊ.  Pour les avions, c’est plus nuageux : on m’a expliquÊ qu’une annÊe, le programme du Festival contenait des avions à dÊcouper... Quoi qu’il en soit, le but consiste à atteindre l’Êcran, promesse d’ovation digne de celle qui a accueilli Matt groening, venu donner une confÊrence à un parterre d’animateurs pendus à ses conseils messianiques :  Ne faites surtout pas comme moi, on a commencÊ sans le moindre story-board, ni la moindre charte graphique. Le seul qui bossait avec moins de moyens que nous c’Êtait Bill Plympton‌  – Plympton ? Lui m’a expliquÊ d’oÚ vient ce mÊlange de gags et de violence qui parcourt ses films :  Un jour, à New York, je me suis pris un poteau en pleine poire. J’avais très mal puis je me suis repassÊ la scène mentalement, j’ai commencÊ à rire et j’ai oubliÊ la douleur. C’est exactement pour ça que c’est important de faire rire les gens.  L’autre mariage qui le botte, c’est la trinitÊ gore-Êrotisme-humour qu’il partage avec un cinÊaste qu’il adore et qui l’adore, Quentin Tarantino. Les deux lascars se sont rencontrÊs au Festival de Sundance l’annÊe de Reservoir Dogs. Plus tard, c’est dans Kill Bill que Tarantino convoquera Plympton en donnant son nom au fiancÊ assassinÊ. – Un pont entre le film en prise de vue rÊelle et animation, j’en ai vu un autre se dresser avec Summer Wars de Mamoru hosoda, qui a prophÊtisÊ :  Il y a encore beaucoup de champs cinÊmatographiques qui doivent être explorÊs par l’animation. Je considère l’animation comme une technique filmique, pas comme un genre à part entière.  Dans son long mÊtrage, plÊbiscitÊ par les salles annÊciennes, il oppose un Japon hyperconnectÊ, en images de synthèse, à un fÊodalisme à l’ancienne, issu du passÊ samouraï, dÊpeint en 2D traditionnelle. – Le dessin fait main, ça a longtemps ÊtÊ le prÊ carrÊ de l’empire Disney. J’ai vu leur documentaire Waking Sleeping Beauty. Un vrai Êpisode de Dallas, une plongÊe dans l’univers impitoyable de l’Êquipe d’animation du studio, entre 1984 et 1994 – on y croise entre autres un gamin hagard et ÊchevelÊ, recroquevillÊ sur sa table à dessin et nommÊ Tim Burton. PÊriode de tensions fertiles oÚ
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FESTIVAL D’ANNECY 71
ÂŤ JE CONSIDĂˆRE L’ANIMATION COMME UNE TECHNIQUE FILMIQUE, PAS COMME UN GENRE Ă€ PART ENTIĂˆRE. Âť MAMORU hOSODA
– Travailler dans la contrainte, c’est gage de concision et d’efficacitÊ d’après le papa de Wallace & Gromit, Nick Park. Bien que membre du jury des films de fin d’Êtudes, il est arrivÊ timide comme un bachelier à l’oral. Avant de pester contre la tendance aux films  un peu tous dans la même veine, tristes et dÊsenchantÊs. Ce ton peut masquer l’incapacitÊ à tenir un rythme, une histoire. C’est comme la dÊbauche d’effets visuels de certaines grosses productions, qui se rÊpètent au fil des ans.  – Une tendance au pessimisme et au macabre qu’on a retrouvÊe dans les courts mÊtrages en compÊtition. De quoi faire remonter ceux qui prennent des chemins de traverse comme Love Mouse, japanime complètement trippÊ sur les amours d’une souris et d’un fromage. En parlant d’animaux barrÊs, t’as toujours pas vu Fantastic Mr. Fox de Wes Anderson, qui a gagnÊ le Cristal du long mÊtrage‌ – Mais j’ai tout tentÊ ! J’ai fait le pied de grue dans le purgatoire du Festival : la bourse d’Êchange de billets. C’est comme au marchÊ, on plante les tickets esseulÊs sur un tableau et c’est ensuite au premier qui dÊgaine une place à troquer. J’ai beau avoir essayÊ de ruser, pas moyen d’obtenir un sÊsame pour le renard. Du coup, je me suis rabattu sur un autre marchÊ enivrant, vingt-cinq ans d’âge, le MIFA – marchÊ international du film d’animation. vÊritable orchestre de producteurs, animateurs, diffuseurs, dirigÊs à l’unisson par son responsable, MickaÍl Marin : On a toujours eu à cœur d’associer le business à l’artistique. Et ça marche : Aton Soumache, producteur de films comme Renaissance, me confiait être venu la première fois comme simple Êtudiant. ’’ L’averse s’Êpuise et l’Êcran gÊant gonflable accueille enfin Lascars, exemple de la vitalitÊ de l’animation française. Pluie de rÊcompenses sur les hexagonaux à la fin d’un Festival ouvert par L’Illusionniste de Sylvain Chomet, Êmouvant hommage à Jacques Tati, dont le rÊalisateur des Triplettes de Belleville a transposÊ un scÊnario inÊdit. Tom haugomat et Bruno Mangyoku, diplômÊs de l’École des gobelins, remportent le prix de la première œuvre pour JeanFrançois. Dominique MonfÊry dÊcroche une mention spÊciale avec Kerity, la maison des contes. Signes d’un lac oÚ l’animation ne nous aura pas posÊ de lapin.
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Š Plymptoons
trois Êgos gÊniaux – Michael Eisner, Jeffrey Katzenberg et Roy Disney – donnent naissance à certains des plus grands succès de la compagnie : La Petite Sirène, La Belle et la bête ou Le Roi lion‌ Une Êcole à la dure oÚ les plus grands ont frottÊ leur fond de culotte.
BILL PLYMPTON‌ ‌ DOUBLE CHEESE  Bill Plympton is God  : c’est Matt Groening, le crÊateur des Simpson, qui le dit. Grand habituÊ d’Annecy oÚ il a dÊjà raflÊ cinq prix, l’animateur culte, chantre de l’humour noir, y prÊsentait cette annÊe son nouveau court mÊtrage, The Cow Who Wanted to Be a Hamburger.  Un jour, je passe près d’un prÊ et je vois une vache qui broute, hyperconcentrÊe sur son brin d’herbe comme si son but Êtait de manger jusqu’à devenir un parfait hamburger , nous confie le sexagÊnaire en mimant l’animal. PrÊdominance du noir, aplats de couleurs primaires inspirÊs par l’art de Kandinsky, le film est aussi tragique (c’est moche de finir à l’abattoir) qu’hilarant (la vache, jugÊe trop maigrelette par le boucher, se met à la muscu). Un vrai rÊgal oÚ rien n’est à prendre au sÊrieux, sauf le talent : Bill tient à nous prÊciser qu’il adore les hamburgers‌ _J.R.
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72 OLIVIER ASSAYAS /// CARLOS
La sÊrie d’OLIVIER ASSAYAS pour Canal+ s’est muÊe en film fleuve, qui explore, à travers le parcours de Carlos, l’histoire du terrorisme mondial. EncensÊ à Cannes, incarnÊ par l’impressionnant Edgar Ramirez, ce triptyque de cinq heures et demie sort ce mois-ci sur grand Êcran dans une version rÊduite à 2h45. Entretien avec un metteur en scène plus alerte et dÊsenclavÊ que jamais. _Propos recueillis par ClÊmentine Gallot (avec AurÊliano Tonet)
Un film d’Olivier Assayas Avec Edgar Ramirez, Alexander Scheer‌ Distribution : MK2 Diffusion France, 2010, 2h45 Sortie le 7 juillet
L
e film attaque dans le vif du sujet, en pleine action, et Êpargne au spectateur tout ÊlÊment biographique sur la jeunesse ou la formation de Carlos‌ Avec un film de cette durÊe et de cette complexitÊ, on est obligÊ d’adopter rapidement un parti pris. Il devait commencer lorsqu’il devient membre officiel et actif du FPLP et se terminer par son arrestation. vingt ans, c’est dÊjà beaucoup. Même si, de temps en temps, le film Êvoque de façon transversale sa formation, j’avais envie d’être tout de suite au cœur de ce qui fait l’identitÊ de Carlos, c’est-à -dire le passage à l’acte terroriste.
Dans la version courte, vous avez conservÊ la longue scène de prise d’otages de l’Opep, qui semble constituer l’Êpine dorsale du film, le moment oÚ tout bascule pour Carlos. La version pour le cinÊma est à la fois une version rÊduite et une autre version. Le problème Êtait d’arriver à raconter la même histoire, avec une cohÊrence, et en conservant le même arc : il faut adapter tous les paramètres, ôter des chapitres entiers et, à l’intÊrieur de ceux que l’on conserve, utiliser toutes les ficelles du montage. J’ai conservÊ l’essentiel, tout en le condensant, mais, au fond, les deux films ont les mêmes Êquilibres. Au moment de l’Êcriture du scÊnario, pensiez-vous dÊjà à une version cinÊma ? Je n’ai jamais pensÊ que cinÊma, mais je savais que cela serait un film de cinq heures trente, et je suis lucide quant à la difficultÊ que pose, commercialement, cette durÊe sur grand Êcran. Le triptyque pour Canal+ Êtait destinÊ à la France, et une version cinÊma devait être diffusÊe dans le reste du monde. Cela faisait partie de la conception d’ensemble du film, dès le
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Š Jean-Claude Moireau / Film en stock / Canal +
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dÊpart. Ensuite, je me suis rendu compte que la version triptyque fonctionnait bien auprès du public des salles. Et je me suis rendu à l’idÊe qu’au fond ce film avait deux versions.
LE MIRACLE RAMIREZ Comme le hasard fait bien les choses, Edgar Ramirez partage sa nationalitÊ (vÊnÊzuÊlienne) et son patronyme avec Carlos (Ilich Ramirez Sanchez). Il est aussi polyglotte, d’avoir suivi autour du monde un père militaire. RepÊrÊ à la fac par le cinÊaste Alejandro Gonzalez Iùårritu, qui lui offre un rôle dans Amours chiennes, Ramirez refuse, prÊfÊrant ses Êtudes diplomatiques. L’acteur de 33 ans est finalement lancÊ par le soap Cosita rica et enchaÎne avec des rôles dans The Bourne Ultimatum et la jungle cubaine du Che de Steven Soderbergh.  Je ne l’ai pas trouvÊ parce que je l’avais vu au cinÊma, mais à cause de la contrainte basique du film : il fallait un acteur latino-amÊricain qui ait la corpulence de Carlos, plutôt 30 ans, la capacitÊ de tenir un premier rôle oÚ l’on porte tout sur ses Êpaules et qui parle couramment espagnol, français et anglais , explique Olivier Assayas. Les critères Êtaient tellement restrictifs qu’il Êtait le seul. C’est miraculeux qu’il ait existÊ ! Un paramètre manquait, et le film Êtait bancal.  Le suave Ramirez devrait bientôt incarner Pablo Escobar, king de la drogue colombien, dans le biopic de Joe Carnahan. _C.G.
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Comment avez-vous vÊcu la sÊlection du film hors compÊtition à Cannes ? C’Êtait compliquÊ et inutilement polÊmique. Disons que plus j’avançais dans le film, plus je me disais qu’il Êtait purement cinÊmatographique et pas du tout tÊlÊvisuel. Je pensais qu’il aurait une vie dans des festivals, mais il ne pouvait être prÊsentÊ à Cannes, pour des raisons de calendrier. Thierry FrÊmaux l’a vu très tôt, y a rÊflÊchi et a consultÊ Canal+, qui a acceptÊ d’en retarder la diffusion. La possibilitÊ de voir Carlos à Cannes dÊpassait dÊjà mes scÊnarios les plus optimistes. Et puis il y a eu une levÊe de boucliers de la profession, parce que le film est produit par la tÊlÊvision. J’ai suivi cela avec une certaine consternation, puisque, dès qu’il passera dans les festivals du monde entier, il redeviendra un film de cinÊma. C’est une sorte d’hypocrisie impossible, en somme. En Grande-Bretagne avec la BBC ou aux États-Unis avec HBO, la tÊlÊvision produit des programmes ambitieux. Selon vous, estce de plus en plus le cas en France avec des fictions comme Carlos ? En ce qui me concerne, je ne me dis pas que je fais un film pour la tÊlÊvision, cela me paralyse complètement. Ça serait l’inverse des raisons pour lesquelles je fais du cinÊma. Je n’ai jamais tournÊ une image sans me dire qu’elle Êtait destinÊe au grand Êcran. Je me fiche de savoir si c’est la tÊlÊvision qui paie ou quelqu’un d’autre. Je ne pense pas que les films soient dÊterminÊs par la traçabilitÊ de l’argent : leur genèse est Êvidemment artistique et pas financière. Disons qu’a priori la tÊlÊvision est le mÊdium de la contrainte et du formatage ; mais, si elle offre une libertÊ absolue, cet espace-là , pour moi, c’est du cinÊma. Parlons de la bande originale : vous avez insÊrÊ plusieurs morceaux new wave, au diapason de la mise en scène, nerveuse, en mouvement‌ De manière gÊnÊrale, je n’utilise pas de musique de film à proprement parler, je me sers uniquement de collages un peu hasardeux ; je ne sais jamais ce que je vais choisir comme bande-son. Je pensais que le film imposerait une B.O. plutôt classique du fait
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 LE FILM N’ABSORBAIT QUE LES MORCEAUX QUI PRODUISAIENT DE L’ÉNERgIE ET LE PROPULSAIENT EN AvANT. 
de sa matière documentaire et rÊaliste. Mais, finalement, rien ne marchait. J’ai fini par prendre au hasard des morceaux dans ma discothèque iTunes, et le film n’absorbait que ceux qui produisaient de l’Ênergie et le propulsaient en avant. Ces morceaux, même placÊs à des moments improbables, ont une Ênergie rock directe. La mise en scène semble accompagner le personnage : au dÊbut, la camÊra est rapide, puis, à mesure que le personnage s’enlise et s’avachit, elle ralentit. Le film posait plus de problèmes qu’un film normal en raison de sa durÊe. Cela nÊcessitait de constamment renouveler l’Êcriture et de changer de tempo. NÊanmoins, la forme s’est imposÊe sur le tournage: des scènes d’action comme la prise d’otages de l’Opep demandaient d’être rapides et très dÊcoupÊes, mais les moments d’attente devaient être des
lorsqu’ils sont contradictoires, pour que, progressivement, quelque chose se dessine : un individu complexe, multiple, qui se perd dans ses masques. Finalement, il y a très peu de matière romanesque dans la version courte. La masculinitÊ, à travers le corps de Carlos, constitue un autre motif du film. Vous avez conservÊ un plan oÚ il se contemple nu dans le miroir ; puis il est arrêtÊ en pleine crise de virilitÊ, affaibli par une opÊration des testicules. L’histoire de Carlos raconte quelque chose sur la problÊmatique du machisme, qui est une question qui envahit la sociÊtÊ contemporaine, obsÊdÊe par la virilitÊ de façon malsaine. Carlos raconte cette histoire de façon cruelle, c’est une problÊmatique qui est mise en jeu dans un film d’action. Cela faisait partie depuis le dÊpart du champ du rÊcit.
 CARLOS EST UN INDIvIDU COMPLEXE, MULTIPLE, QUI SE PERD DANS SES MASQUES.  longs plans-sÊquences. Il en y a plus que dans n’importe lequel de mes films. Du coup, les comÊdiens disposaient de plus de libertÊ : on tournait sans rÊpÊtition, ce qui marchait finalement mieux que si les scènes avaient ÊtÊ mises en place de manière rigide. Comment avez-vous abordÊ la question de l’hÊroïsation, l’Êquilibre entre l’idÊal rÊvolutionnaire et le cynisme mercenaire de Carlos ? Carlos est tout cela à la fois : il est parfois un hÊros et parfois l’inverse, selon les moments du rÊcit. L’histoire de Carlos ne pose pas de dÊbat moral particulièrement complexe, n’importe quel spectateur peut avoir un point de vue sur ses actions, je ne suis pas obligÊ de le lui fournir. Ma mÊthode est de faire confiance aux faits, en en accumulant le plus possible, même
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Vous êtes-vous senti obligÊ de vous situer par rapport à d’autres films de genre – comme Mesrine et Che, par exemple ? Ce sont des prototypes qui ont ouvert un espace et rendu concevables des choses qui Êtaient impossibles auparavant, y compris Carlos. J’en bÊnÊficie par contrecoup. Mesrine prouve que, dans le cadre du cinÊma français, on peut tenir cette distance-là avec un personnage qui n’est pas  positif  ; et Che, que j’aime beaucoup, prend un personnage iconique sans raconter son histoire. C’est très fort de la part de Soderbergh de faire ce film en espagnol et de se servir du Che comme vecteur de l’histoire politique pour aborder des questions très techniques, jamais racontÊes au cinÊma.
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BOUDOIR ÉBATS, DÉBATS, CABAS : LA CULTURE DE CHAMBRE A TROUVÉ SON ANTRE
 AUCUNE ADAPTATION DE QUICHOTTE N’EST VRAIMENT BONNE, À PART LA MIENNE !  ALBERT SERRA
Š Romà n Yùà n
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ALBERT SERRA, le prochain Quichotte ?
HARPER SIMON et SEAN LENNON tuent le père
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Football et morale selon OLLIVIER POURRIOL
SUEHIRO MARUO, ou la plasticitÊ d’une Île
LUDOTHĂˆQUE Les turbines bien huilĂŠes de MACHINARIUM
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Š Éditions Capricci
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DON QUI CHARME ALBERT SERRA, LE PROChAIN QUIChOTTE ? Pas de moulin à vent ni de scènes de bataille dans Honor de cavalleria d’ALBERT SERRA. Dans son adaptation du roman de Cervantès, le rÊalisateur catalan filme les gestes du quotidien. Conversation avec un artiste à l’esprit chevaleresque. _Par RaphaÍlle Simon
Deux hommes dans la campagne. L’un, vieux et osseux, les jambes, nage le crawl, fait bronzette. Ce qui compte, regarde le ciel. L’autre, replet, a les yeux rivÊs au sol. voici c’est le prÊsent du passÊ. Honor de cavalleria est un Don Quichotte et Sancho Pança. Du grand classique film charnel, sensuel, sensoriel. Sous leurs carcasses, espagnol, Albert Serra a extrait l’essence :  Adapter fatiguÊe ou dodue, les personnages sont beaux, ils se formellement le roman aurait ÊtÊ ennuyeux touchent, s’aiment comme un vieux couet difficile, vu nos moyens. J’ai donc choisi ple. L’idÊe du film est d’ailleurs nÊe d’une de raconter ce qu’il n’y a pas dans le livre, pulsion physique:l’acteur principal ressemce qu’il se passe entre les chapitres.  Entre blait au Quichotte ! De même, le caractère les chapitres, c’est l’aventure du quotidien. mutique de Sancho s’est imposÊ de luiQuichotte et Sancho coupent du fenouil, même:D’habitude, Sancho est un personmangent des noix au bord de l’eau, arpennage vulgaire, un peu sot. Mais l’acteur Êtait tent la campagne dÊserte de l’aube au crÊcalme, silencieux, c’est d’ailleurs la clef de puscule, contemplent la nature. Les tirades son ÊlÊgance.  Serra filme l’errance, la folie de Sancho et le cliquetis des ÊpÊes font de Quichotte qui avance sans trajet, comme place à des dialogues rares, aux grinceau purgatoire, à l’instar du film, ni narratif ni ments d’une armure, aux caresses du vent. Honor de cavalleria gÊographique. Est-on dans la rÊalitÊ ou d’Albert Serra (Capricci) Pour Serra, la reconstitution littÊrale est un dans sa figuration ? C’est cette ambiguïtÊ leurre : Aucune adaptation de Quichotte n’est vraiment qui fait le charme de ce film idÊaliste. On se retrouve bonne, à part la mienne! Les rÊalisateurs ont tellement bercÊ sur un fil, entre poÊsie et burlesque, trivialitÊ et de respect pour l’œuvre qu’ils tombent dans le clichÊ et transcendance, ciel et terre. Quichotte s’Ênerve que manquent de fantaisie. Les seuls moments fascinants Sancho ne remarque pas qu’il a plu, qu’il y a des escarsont ceux qui prennent de la distance avec le livre, gots. Parce que Sancho dort, parce qu’il ne voit pas comme dans le film de Welles oÚ Quichotte avance le chemin de sa quête. Celle de Serra consistait à redans le vent tel un hallucinÊ en regardant le ciel.  trouver l’esprit subversif des avant-gardes surrÊalistes ou rock, aujourd’hui disparues. Aussi fanatique que Serra s’amuse d’ailleurs avec des anachronismes, des son Quichotte, il y est parvenu. images figÊes que l’on a du passÊ : Don Quichotte croise
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LES AUTRES SORTIES AMOURS à MORT MAUVAIS SANG de Leos Carax (France TÊlÊvisions) LA REINE DES POMMES de ValÊrie Donzelli (MK2 Éditions) Dans un Paris sombre et onirique au ciel chamboulÊ par le passage de la comète de halley, des gangsters rivalisent pour mettre la main sur le germe d’un virus mortel touchant les amants qui font l’amour sans s’aimer‌ visage diaphane et cheveux courts, Juliette Binoche hypnotise la camÊra de Leos Carax. Face à elle, Denis Lavant fascine en clown tragique et reptilien. Sorti en 1985, ce grand film lunaire trouve ici sa première Êdition DvD. Dans La Reine des pommes, Adèle croit mourir lorsque son homme la quitte. Sur les bons conseils de sa tante, elle dÊcide de se consoler dans les bras d’autres hommes. Une comÊdie musicale burlesque et inattendue, au bon goÝt de fruit dÊfendu. _J.R.
MONSTRES ET COMPAGNIE LES VOYAGES DE GULLIVER de Dave Fleischer (Wild Side) THE DEVIL AND DANIEL WEBSTER de William Dieterle (Carlotta) Sorti en 1939, le film d’animation Les Voyages de Gulliver impressionne par son inventivitÊ et la qualitÊ de son dessin : il est l’œuvre de l’un des deux frères Fleischer, pionniers de l’image par image et Êternels concurrents de leur contemporain Walt Disney. L’histoire touchante et musicale de gulliver, naufragÊ capturÊ par les minuscules Lilliputiens, à mettre entre toutes les mains. Petit joyau du studio RKO distribuÊ en 1941, The Devil and Daniel Webster revisite le mythe de Faust en l’ancrant dans la lÊgende de la naissance des États-Unis : au XIXe siècle, un paysan troque son âme contre la promesse de l’opulence‌
SI VOUS SOUHAITEZ COMMUNIQUEZ DANS NOTRE PROCHAIN NUMERO, CONTACTEZ-NOUS : 01 44 67 68 01 ou troiscouleurs@mk2.com
_J.R.
LE COUP DE CŒUR DU VENDEUR HADEWIJCH de Bruno Dumont (TF1 VidÊo) Cinquième long mÊtrage de Bruno Dumont, auteur entre autres de L’HumanitÊ, La Vie de JÊsus et Flandres, Hadewijch marque un tournant dans la carrière de ce cinÊaste. La violence propre à son univers ne s’exprime plus ici par l’intermÊdiaire de scènes chocs prenant le spectateur à la gorge – comme celle qui clôturait Twentynine Palms (2003), par exemple. La dÊtresse de cette jeune fille, à la recherche de Dieu et d’elle-même, l’obstination vertigineuse qui est la sienne sont avant tout palpables à travers le magnÊtisme de son visage. Moins dÊmonstratif, Hadewijch n’en est que plus mystÊrieux et troublant. _Florian Guignandon, vendeur à la boutique du MK2 Quai de Loire
LE 1ER MENSUEL CULTUREL GRATUIT www.mk2.com/troiscouleurs JUIN 2010
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Harper Simon
FILS UNIQUES hARPER SIMON ET SEAN LENNON TUENT LE PèRE À l’heure oÚ les hÊritiers prennent d’assaut le rock, deux d’entre eux sortent du lot : loin de la pop à papa de leurs confrères, SEAN LENNON (fils de John et Yoko) et HARPER SIMON (fils de Paul) s’affranchissent en majestÊ. _Par AurÊliano Tonet
Gainsbourg, Buckley, Higelin, Chedid, Souchon, enregistrant peu (deux albums solo pour Sean) ou Veloso, Dutronc‌ Depuis quelques saisons, la RÊpudans l’ombre d’un groupe (les mÊconnus Menlo blique pop se transforme en un drôle de royaume Park pour harper). L’envie d’ailleurs, enfin : quoique dynastique, oÚ le pouvoir se transmet de père en fils – restÊ proche de papa Paul, qui intervient dans l’ÊcriÊvolution d’autant plus Êtonnante que l’attrait du rock ture ou l’instrumentation de plusieurs morceaux de a longtemps rÊsidÊ dans son caractère ontologiqueson album, harper dÊlaisse en grande partie le folk ment dÊmocratique et accessible‌ Difficile, à vrai dire, paternel pour s’aventurer dans des terrains country d’expliquer cette soudaine effusion de sang bleu : faciplus inattendus. Quant à Sean, si son nouveau projet, litÊ artistique et journalistique? Primat croisThe ghost of a Saber Toothed Tiger (un duo sant du marketing? Besoin de repères dans avec sa fiancÊe, le mannequin Charlotte un environnement musical branlant ? Kemp Muhl), Êvoque les albums cosignÊs Sous les feux croisÊs de l’actualitÊ estivale, par John et Yoko, il poursuit la dÊmarcaharper Simon et Sean Lennon incarnent tous tion entamÊe dès son premier disque, Into deux à merveille les problÊmatiques que the Sun, en 1998 : hip-hop, bossa nova ou pose cette aristocratisation de la chose pop californienne, les humeurs musicales rock. L’endogamie, tout d’abord:Ma mère y sont toujours aussi ÊloignÊes de l’ADN et celle d’Harper Êtaient très amies lorsque Harper Simon d’Harper Simon beatlesien. j’Êtais enfant, confie Sean Lennon, qui joue (Tulsi Records / PIAS) Le nouveau dada de Sean ? Serge gainsLes Jardins du Luxembourg de plusieurs instruments sur le premier album The Ghost of a Saber Toothed bourg, dont il livre une jolie reprise en face B Tiger (Chimera Music) solo d’harper. Nous vivions tous les deux du premier single de The ghost‌, le tout dans l’Upper West Side, à New York, puis Harper est aussi francophile et rÊussi Les Jardins du Luxembourg : parti Êtudier la guitare à Boston, ce qui a eu un fort  J’ai toujours adorÊ la subtilitÊ et la sophistication de impact sur moi. Nous sommes restÊs amis. Son album la culture française. La Planète Interdite est un de mes est formidable.  Le poids du père, ensuite : trentenaires films prÊfÊrÊs.  Sur la pochette de l’excellent disque avancÊs, dotÊs chacun d’un timbre Êtrangement d’harper figure un avion : voyageurs, nullement enchaÎsemblable à celui de leur gÊniteur, Sean et harper se nÊs à leur trône, Lennon et Simon juniors sont deux sont lancÊs dans la musique presque à reculons, princes on ne peut plus lÊgitimes.
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LES AUTRES SORTIES LE CONCUBINAGE INVINCIBLE FRIENDS de Lilly Wood and The Prick (Wagram / Cinq7) Une pincÊe de country-pop à la She and him, quelques ballades new wave façon The XX ou plus Êlectriques dans la veine de The Kills : tournez manège, voici Lilly Wood and the Prick, un nouveau concubinage rock. Après un dÊtour par la Californie,  Lilly Wood  (Nili hadida) pose ses bagages à Paris, oÚ la Franco-IsraÊlienne rencontre son  Prick  (petit con), Benjamin Cotto. Naissance d’un premier album. Sur les traces party friendly de l’Anglaise La Roux, le duo injecte un groove Êlectro à sa pop sucrÊe, tout en distillant, sous le fluo, un spleen post-ado :  Nous voilà avec nos cheveux longs / Nous voilà avec nos tee-shirts en haillons / Nous voilà avec nos soirÊes d’ivresse / C’est nous, les gosses sans espoirs.  Prometteur. _E.V.
L’INSOMNIAQUE BEFORE TODAY d’Ariel Pink & Haunted Graffiti (4AD / Beggars) Ariel Pink, angelot freak folk de L.A., enregistre depuis le milieu des nineties et pendant ses insomnies, des mÊlodies rêveuses sur des magnÊtophones 8 pistes à bout de souffle. Ces mille-feuilles sonores, Êvoquant dans un flou de rÊminiscences, l’inconscient d’une bande FM bloquÊe sur les annÊes 1980, entre glam-rock fausset, synth-pop en falsetto, funk droguÊ et variète au mètre, ont sÊduit Animal Collective et leur label Paw Tracks, avant que 4AD ne mette le dormeur debout dans le studio du petit-fils de Quincy Jones, pour le faire accoucher de son plus bel album à ce jour, ce Before Today dont la production soigneuse n’Êvacue jamais la brume nostalgique, hypnagogique au-delà de la hype. _W.P.
LA BELLE INDÉCISE LOVE AND ITS OPPOSITE de Tracey Thorn (Strange Feeling / PIAS) MoitiÊ du duo Êlectro-pop Everything But The girl, qu’elle forme avec son Êpoux Ben Watt depuis le dÊbut des annÊes 1980, Tracey Thorn goÝte de temps à autre aux joies et aux peines du cÊlibat, comme il y a vingt ans sur Protection de Massive Attack, ou comme ici sur Love and Its Opposite, troisième album solo en trois dÊcennies. D’une voix chaude, fragile et caressante, que soutiennent d’ÊlÊgants arrangements folk-pop, l’Anglaise dÊplie un somptueux traitÊ de dialectique amoureuse : de mariage en divorce, d’amour fou en tromperies, Thorn la bien nommÊe chante, indÊcise, la rose et l’Êpine. Cueillez-la. _A.T.
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Š Nil Éditions / illustration StÊphane Manel
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COUP DE TÊTE FOOTBALL ET MORALE Du coup de sang au coup de folie en passant par la triche caractÊrisÊe, le philosophe et cinÊphile OLLIVIER POURRIOL s’attaque au monde du ballon rond, dont il dÊcrypte la belle truanderie dans un essai en forme d’Éloge du mauvais geste. _Par Pablo RenÊ-Worms
Š Isabelle Negre
Le football, ce n’est pas une question de vie ou de qui file seul au but, est dÊcoupÊ par le portier allemort. C’est bien plus important que cela , avait coutume mand harald Schumacher.  Au fond, le sale geste parde dire Bill Shankly, lÊgendaire manager du Liverpool fait. Commis par le parfait salaud.  Si Schumacher ne FC. La Faucheuse, justement, frappera 39 fois le 29 mai regrette rien, le grand homme ici est l’arbitre. C’est lui 1985 au heysel, juste avant la finale de la Coupe qui offre leur dimension historique aux Êpisodes mard’Europe des clubs champions, qui opposait alors quants du football. Ne pas sanctionner cette agresLiverpool à la Juventus de Michel Platini, sion, comme plus tard la main de Dieu ou unique buteur du match, sur pÊnalty. Ollivier celle de Thierry henry, c’est leur donner toute Pourriol revient sur cet Êpisode et l’exploleur splendeur, les inscrire dans l’inconssion de joie inappropriÊe du numÊro 10. cient collectif. Mais l’exemple de ces deux Pour lui, la rÊponse à apporter à ce geste mains montre une apprÊciation du public se trouve dans la dÊfinition du divertissediamÊtralement opposÊe. D’un côtÊ, la ment telle que l’envisageait Pascal : Jouer mano de Dios, de l’autre, celle de la honte. pour ne pas voir la mort.  L’aspect choAu fond, ce qui les diffÊrencie, c’est la façon quant serait donc à chercher ailleurs :  Ce dont leurs auteurs les assument. Maradona n’est pas Platini le salaud. C’est ceux qui lui va ostensiblement chercher le ballon et en ont fait ça. Filmer sa joie et la monter, puis la Éloge du mauvais geste rit comme un enfant qui aurait mis les doigts montrer. C’est le montage parallèle entre d’Ollivier Pourriol dans le pot de confiture. henry, lui, ne coml’image de sa joie et l’image des cadavres (Nil Éditions) met pas vraiment le geste. Le ballon rebonqui est une saloperie. dit sur sa main, comme si elle l’avait aimantÊ :  Il a fait don de sa main à la France. Mais la France hÊsite L’injustice, Platoche l’a vÊcue quelques annÊes aupa- à la serrer, car son geste Êtait condamnable, certes, ravant, quand, le 8 juillet 1982, il participe à l’ÊvÊne- mais insuffisamment. Finalement, le football n’est pas ment qui va forger l’image de loser magnifique du un jeu moral, mais un sport qui se joue à 11 contre 11 football français : la demi-finale de Coupe du monde et oÚ, à la fin, c’est le plus  mauvais  qui gagne. France-RFA. La scène, on la connaÎt : Patrick Battiston,
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LES AUTRES SORTIES LE MANIFESTE POLYGAME
LES TENTATIONS DU MÂLE de Francesco Piccolo (Grasset, roman traduit de l’italien)  Le jour oÚ Teresa est partie, j’avais une relation stable avec Valeria depuis neuf ans, avec Francesca depuis presque trois ans, et avec Silvia depuis un an et demi.  Bon père de famille, mari attentionnÊ et monteur de cinÊma passionnÊ, le narrateur de ce roman à la couverture Êvocatrice (un somptueux corps de femme cabrÊ photographiÊ par Carla Cerati) n’a qu’un problème : son besoin compulsif de sexe et de partenaires multiples, qui lui rend la fidÊlitÊ impossible et ne lui donne même pas mauvaise conscience. Des tribulations de ce polygame impÊnitent, Francesco Piccolo tire un roman à la fois torride, drôle et Êmouvant, oÚ perce une rÊflexion subtile sur le plaisir, la confiance et la tentation. _B.Q.
LA CURIOSITÉ LES NOUVELLES ARCHIVES DE L’ÉTRANGE d’Éric Yung (Le Cherche-Midi, chroniques)
Depuis les irrÊsistibles Nouvelles en trois lignes de FÊlix FÊnÊon et les savantes rÊflexions de Roland Barthes dans les annÊes 1960, plus personne ne doute du prodigieux matÊriau que sont les faits divers pour analyser le monde, source inÊpuisable pour les littÊrateurs. Chaque semaine, le journaliste Éric Yung raconte sur les antennes de France Bleu l’un ou l’autre de ces faits divers bizarroïdes puisÊs dans les journaux français de toutes les Êpoques, histoires de malchance accablante, de coïncidences stupÊfiantes et d’anomalies statistiques. Il en a rassemblÊ une soixantaine dans ce gros volume qui ravira les amateurs d’insolite, lesquels savent bien que la rÊalitÊ dÊpasse souvent la fiction. _B.Q.
LE COUP DE CĹ’UR DE LA LIBRAIRE ARARAT de Frank Westerman (Christian Bourgois, rĂŠcit traduit du nĂŠerlandais)
Avec ce troisième opus traduit en français, le NÊerlandais Frank Westerman nous convie à une aventure tant intÊrieure qu’itinÊrante, celle de l’ascension du mont Ararat. À la fois haut lieu spirituel et plaque stratÊgique, à la frontière de la Russie, de la Turquie et de l’ArmÊnie, cette montagne se dresse comme un dÊfi pour l’auteur qui, se penchant sur son passÊ, dÊcide d’Êprouver ses acquis religieux, scientifiques et culturels à l’aune de ce pÊriple. Des prÊparatifs du voyage à son accomplissement, Westerman fait du lecteur son complice et lui dÊvoile toutes les facettes de cette quête, n’omettant rien du rÊel, du local et de l’universel, des paysages, des hommes. Intelligent et passionnant ! _Pascale Dulon, libraire au MK2 Bibliothèque
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Š Sueshiro Maruo/Casterman/Sakka
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ZONE LIBRE LA PLASTICITÉ D’UNE ÎLE Dernier-nÊ du culte SUEHIRO MARUO, L’Île Panorama tranche dans l’œuvre du mangaka japonais : le classicisme prend le pas sur l’EroGuro – mÊlange d’Êrotisme et de grotesque – et promet à son auteur de sortir des frontières de l’underground. _Par Joseph Ghosn (www.gqmagazine.fr)
On a dÊcouvert l’œuvre de Suehiro Maruo en France Or tout l’enjeu de Maruo est de faire croire à la plaugrâce au travail acharnÊ d’un petit Êditeur, Le LÊzard sibilitÊ de ce qu’il reprÊsente ici : à savoir la construcnoir, qui a publiÊ une belle poignÊe de livres tÊmoi- tion d’une Île fantasmagorique, emplie de charmes et gnant de la vision radicale de ce dessinateur japonais. de secrets. La possibilitÊ d’une Île ? C’est exactement Une vision faite de sexualitÊ et de tension, de dÊviances cela : L’Île Panorama met en scène la construction d’une chimère à grande Êchelle, d’un uniet d’anomie, mettant en exergue une forme vers joliment dÊcadent. Ce faisant, Maruo très baroque de cruautÊ, le plus souvent cite des rÊfÊrences de la fin du XIXe siècle dans des historiettes que n’auraient pas reniÊes les surrÊalistes les plus freudiens. Un comme le dessinateur Aubrey Beardsley, univers de brassages donc, qui situe nÊandont l’esthÊtique a marquÊ l’Angleterre vicmoins Maruo dans une zone oÚ la bande torienne finissante. Entre dÊmesure et homdessinÊe s’aventure assez peu. L’Île Panomage à ces maÎtres oubliÊs du dessin, L’Île rama le surprend dans un exercice moins Panorama sÊduit aussi par la beautÊ folle tranchÊ : l’adaptation d’un roman de facdu projet de son personnage principal : ce ture classique, dans lequel sexe et stupre ne dernier usurpe en effet l’identitÊ d’un mort sont que des appendices de l’intrigue. Autre dÊjà enterrÊ pour accomplir son rêve. Prorupture : le rÊcit, qui, contrairement à ses L’Île Panorama de Ranpo blÊmatique identitaire – comment devenir ouvrages prÊcÊdents, adopte le temps long, Edogawa & Suehiro Maruo un autre pour se rÊaliser soi-même? –, cette (Casterman/Sakka) pour prendre la mesure du roman initial quête constitue aussi une mise en abyme. sans chercher à le raccourcir ou à l’amoindrir. Ce qui Car on touche là à la question de la singularitÊ de ne change pas, en revanche, c’est le trait : toujours aussi l’auteur:c’est bien en s’inspirant des autres (Beardsley, clair, aussi tranchant, illuminant de l’intÊrieur des consSade, la ligne claire europÊenne, etc.) que Maruo partructions graphiques aux airs faussement sages. En vient à s’accomplir. C’est-à -dire à devenir un grand optant pour une BD  traditionnelle , Maruo pousse sa auteur, tout simplement, et probablement une rÊfÊpropre dextÊritÊ graphique vers un classicisme Êvorence pour tous les amoureux du dessin. quant les univers parallèles alambiquÊs, mais toujours fermement ancrÊs dans le rÊel, d’auteurs europÊens comme Moebius. JUIN 2010
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LES AUTRES SORTIES LE COMIC FUTURISTE
THE LAST DAYS OF AMERICAN CRIME de Rick Remender et Greg Tocchini (Emmanuel Proust)
violemment provocateur, ce thriller futuriste dresse le portrait d’une sociÊtÊ dans laquelle l’État sÊcuritaire a tentÊ l’impardonnable : exterminer toute volontÊ criminelle dans la population grâce à une invention qui agirait directement sur le cerveau. Le truand graham Brick y voit l’occasion de prÊparer ce qui pourrait rester comme le  dernier crime amÊricain . Le dessin aquarellÊ mais sanguinolent de greg Tocchini (dessinateur des comics X-Men, Star Wars‌) sert une intrigue captivante signÊe Rick Remender, dans une mise en scène cinÊmatographique impeccable. Un brillant rÊcit d’anticipation en trois Êpisodes. _C.D.
LA FICTION SÉRIELLE CHRONOGRAPHIE de Dominique Goblet et Nikita Fossoul (L’Association) La bande dessinÊe commence-telle dès lors qu’on confronte deux dessins ? C’est la question posÊe par cet atypique Chronophagie dont l’histoire rÊside prÊcisÊment dans sa rÊalisation : pendant dix ans, entre 1998 et 2008, une mère – Dominique goblet – et une fille – Nikita Fossoul – vont se dessiner mutuellement et donc reproduire des centaines de fois les deux mêmes dessins. Les mêmes ? Pas vraiment, puisque de leur mise en regard Êmerge peu à peu un rÊcit. Celui du lien entre la mère et la fille et de l’Êvolution de chacune. Dans ce volume dÊvorant, à la plastique hypnotique, se trouve l’un des plus beaux livres de ces dernières annÊes. _J.G.
LE COMIC GRIVOIS COMTESSE d’Aude Picault (Les Requins Marteaux/BD Cul)
D’abord paru sur un blog, ce conte licencieux est prÊsentÊ à la manière des petits formats de poche des annÊes 1970, un peu cheap et très sexy. Aude Picault y met en scène la rêverie salace d’une bourgeoise en manque de sensations. Formellement minimaliste, son livre n’en est pas moins excitant. Drôle, il ne sombre jamais dans le mauvais goÝt, faisant une synthèse idÊale entre une reprÊsentation crue du sexe (les verges sont droites, les filles, poilues) et les moments les plus troubles de la jouissance. D’autres auteurs devraient bientôt s’illustrer dans cette collection : après Aude Picault, on parle dÊjà de Riad Sattouf, Blutch ou Julien Carreyn‌ À suivre. _J.G.
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MOTEUR ! LES TURBINES BIEN hUILÉES DE MACHINARIUM Une belle mÊcanique qui fait la nique aux studios mastodontes du loisir en pixels : voici Machinarium, humble production indÊpendante, qui ne pète pas plus haut que sa culasse. Dans ses rouages, le jeu vit des hauts. _Par Étienne Rouillon
Un jeu qui tue, sans faire de vous un assassin. Un impossible. Les arrière-plans de la ville, sales de coups rÊgal pur sucre, sans coÝter bonbon. Un vrai bonbec, de Bic ou de crayons à la mine argile, sont baignÊs sans dec’ : Machinarium dÊchire sa mère et plaira à la dans une ambiance sonore signÊe Tomåť Dvořåk, comtienne. Après avoir gribouillÊ ses lettres de noblesse sur positeur à la croisÊe des partitions oniriques d’un Bonobo les plate-formes de tÊlÊchargement lÊgal, et d’un Aphex Twin. Une bande originale à l’aventure crayonnÊe profite d’une Êdition savourer les doigts loin du clavier grâce au physique pour faire chavirer d’Êmoi les gonCD audio inclus dans le coffret. DÊpourvu doles, plus habituÊes aux têtes de pont d’une de dialogues, le rÊcit nous est livrÊ par des industrie qui mise sur la prouesse technique. flash-backs en animation traditionnelle dont Plus modeste, Machinarium peut tourner sur les silences sont aussi parlants que ceux du un ordinateur asthmatique, qu’il transforme mutique WALL-E. en machine à souffle emplissant les pouAu bout de la souris, on retrouve une jouamons du joueur avide de poÊsie : jackpot. bilitÊ des plus classiques – du genre  pointe L’ÊpopÊe origami – dÊpliÊe en cinq heures et clique –, basÊe sur la technologie Flash. – d’un petit robot en tôle, Joseph, qui s’est Fort de l’expÊrience des petits jeux en ligne, pris une taulÊe par trois bandits. Non con- Genre : Pointe et clique le dÊveloppeur Amanita Design fait de ses Éditeur : Amanita Design tents de lui avoir piquÊ sa dame de fer, ils Plate-forme : PC/Mac moyens restreints un gage de simplicitÊ et projettent de faire exploser sa ville. Joseph, d’efficacitÊ. L’amanite fait mouche avec des loin d’être prophète en son pays, devra dÊjouer les tableaux qu’il faudra fouiller du regard pour passer à casse-mÊninges jetÊs entre lui et sa belle de mÊtal‌ l’environnement suivant, toujours exquis, comme autant Parfois bien pensante mais toujours bien pensÊe, l’in- de rÊcompenses pour votre ingÊniositÊ mise à rude trigue pourrait sortir des trousses des Êtudiants en ani- Êpreuve. Non que les Ênigmes soient particulièrement mation de l’Êcole des gobelins. De main de maÎtre des- retorses, mais il faut faire sienne la mÊcanique d’un sinÊ, le canevas donne tout son sel à une trame uni- monde dÊpourvu d’affect organique, ne rÊpondant verselle, qui emprunte autant au Roi et l’Oiseau, pour qu’à l’implacable logique de coupe-circuits Êlectriques, ses relectures boulonnÊes de la bergère et du ramo- rÊbus informatiques ou engrenages grippÊs. Mais telneur, qu’à M.C. Escher et ses escaliers à l’architecture lement humains, après tout.
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LES AUTRES SORTIES MILLE ET UNE NUITS PRINCE OF PERSIA : LES SABLES OUBLIÉS (Ubisoft, sur PC, PS3, X360‌) Après une escapade arty du côtÊ des estampes contemplatives, le sang bleu d’Orient retrouve une veine plus classique. Cet Êpisode s’inscrit dans la trame dite des  Sables du temps  et en reprend la structure : on fait le foufou à marcher sur les murs et enchaÎner les tractions en supination le long de donjons vertigineux, avant d’aller jouer les marchands de sable en couchant des chiÊes d’ennemis sur le tapis. En sus des retours dans le temps et autres capacitÊs offensives, on goÝte l’apparition de deux pouvoirs : le gel de l’eau et la reconstitution d’ÊlÊments dÊtruits. Un titre ÊquilibrÊ à l’image de son royal funambule, un peu convenu mais très convenable. _E.R.
MILLE BORNES SBK X : SUPERBIKE WORLD ChAMPIONShIP (Milestone, sur PC, PS3, X360)
Las, rares sont les titres qui nous font tirer la poignÊe dans l’angle. guidon exigeant et boÎte de vitesse farouche, la sÊrie SBK continue de brÝler de la gomme sur des circuits difficiles à dompter pour peu que l’on supprime les aides à la conduite d’un mode arcade neurasthÊnique. BranchÊ sur le pignon simulation, le joueur ira souvent plonger du casque dans les plates-bandes de gravier avant de rÊussir à tenir la dragÊe haute à une I.A. virtuose. Encore limitÊ sur le plan graphique (mis à part les bolides), SBK reste la rÊfÊrence pour les abonnÊs au Solex qui veulent sentir un peu d’air entre les oreilles. _E.R.
DANS LE MILLE BLUR (Activision, sur PC, PS3, X360) Pour une fois c’est sa pub qui en parle le mieux. Le spot Tv montre des personnages cartoons tout droit sortis d’un Mario Kart, fichÊs sur de ridicules tacots orange fluo. Sur le circuit voisin, ils avisent des tires photorÊalistes pourtant douÊes des mêmes gadgets foutraques : bombes Êlectroniques, missiles à tête chercheuse de noises, rÊpulsifs sismiques. En transposant le principe des courses belliqueuses cher à Nintendo dans le monde des grands, Blur propose des parties en Êcran splittÊ qui taquinent la rÊtine et font vibrer le palpitant. Blur, c’est net, c’est fou. _E.R.
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LE NOIR DESTIN DU SURHOMME La filmographie de MICHAEL CIMINO met à l’Êpreuve notre scrupule de ne pas confondre l’artiste et l’œuvre. Chacun des sept films tournÊs à ce jour raconte, avant l’heure ou après coup, son histoire : celle d’un maÎtre que sa passion de la maÎtrise a condamnÊ à la marge. Deuxième Êpisode de notre feuilleton : L’AnnÊe du dragon, 1985.
ÉPISODE 2, SAISON 4 _Par François BÊgaudeau LA CHUTE
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The Deer Hunter (1978) racontait l’amère dÊcouverte du hasard par un hÊros qui entendait prÊsider au sort de la guerre et de son pays. Sourd à ses propres mises en garde, Cimino exige la maÎtrise totale sur son film suivant, La Porte du paradis. RÊsultat : cinq heures vingt-cinq que des producteurs ÊhontÊs charcuteront ; un fiasco critique et commercial ; la ruine de United Artists, structure crÊÊe, ça ne s’invente pas, pour assurer l’indÊpendance des rÊalisateurs à hollywood. La parabole est presque trop limpide : en poussant au maximum la souverainetÊ du director, Cimino le destitue, entraÎnant dans sa chute les francs-tireurs des annÊes 1970. Coppola ne s’en remettra jamais ; Scorsese traversera les annÊes 1980 en fantôme ; Cimino met six ans à trouver un financier qui lui fasse confiance.
PAS CALMÉ Il revient donc en 1985 avec L’AnnÊe du dragon. Assagi ? Tu parles. Le flic jouÊ par Mickey Rourke est une rÊincarnation inaltÊrÊe du Mike de Deer Hunter. vÊtÊran du vietnam qui prend la lutte contre les triades pour une revanche de la guerre ( Envahis Chinatown comme si tu Êtais Gengis Khan ) et finira le film en veste de treillis. Mêmes sentiments, même tarif, en pire : non plus seulement l’impuissance mais un parfait carnage, des initiatives aussi hÊroïques que contreproductives, une douce mÊlancolie que dÊclinera la B.O., Êtrangement mimÊtique de celle de Deer Hunter. Toujours la même chanson : la folle ambition retournÊe en dÊgoÝt, en rêverie sur la vanitÊ de tout. Le combat devient un baroud d’honneur, le combattant, un ÊlÊgiaque. L’homme qui voulait soulever une armÊe contre la corruption finit seul et sans ami, marginalisÊ par ses supÊrieurs.
ANAR TENDANCE GRINCHEUX Soudain l’on se souvient que Cimino a fait jouer Eastwood dans son premier film, Le Canardeur (1974). Car c’est une leçon parfaitement eastwoodienne que rÊcite L’AnnÊe du dragon : lorsque les flics sont ripoux, dÊfendre la loi implique de se mettre hors la loi. Le petit facho devient un anarchiste. De droite ? Peut-être. Il y a dans l’Ênergie en surchauffe de Stan White quelque chose de l’ultime dÊfense de l’homme blanc contre les assauts migratoires et le politiquement correct (Fuck the civil rights) ; dÊfense du dernier mâle, contre les sans-couilles qui se liquÊfient devant l’invasion jaune. Son  Be a cop again  sonne comme un  Redeviens un mec  – et sonne un peu creux, dans un monde oÚ les grands affrontements s’effilochent en petits arrangements. Dès lors, à l’humeur anar, Stan emprunte surtout les ruminations misanthropes :  Je voudrais être un mec sympa, mais je ne sais pas comment faire.  Stan s’est trompÊ d’Êpoque, il vient d’un temps hÊroïque que Cimino s’acharne à perpÊtuer sous la perfusion de son gÊnie. Mais cette vie post-mortem en CinÊmascope aura aussi une fin. Retrouvez le prochain Êpisode le mois prochain dans Trois Couleurs‌
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90 SEX TAPE /// L’INSTANT ÉROTIQUE
Š OcÊan Films
LE JOUJOU INDISCRET
PoupÊe nipponne bien huilÊe peut subir un usage rÊgulier. Après celui-ci, penser à retirer l’orifice et à le nettoyer. Avec un peu de chance, le physique de cette confidente muette et Êconomique correspond à l’image de la femme idÊale. Mais, dysfonctionnement d’usine, ce sex toy à taille humaine ne manque pas d’air : Nozomi, poupÊe gonflable, a une âme, un cœur, et c’est bien douloureux. Le jour, elle sort, dÊcouvre la sociÊtÊ et commence même à travailler dans un magasin de location de DvD. Le soir, elle retrouve la mÊcanique humaine, Êcarte les jambes et redevient un objet sexuel. Peintre minimaliste, Kore-Eda adapte un manga de Yoshiie goda et questionne avec force notre rapport à la mort. _D.J. Air Doll d’Hirokazu Kore-Eda // Sortie le 16 juin