WE DEMAIN N°8 - FLIPBOOK

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No 8 automne 2014

44 PAGES POUR VOUS REDONNER LE MORAL

une revue pour changer d’époque

LA FRANCE, SES CHAMPIONS, SES RICHESSES, SES SECTEURS D’AVENIR, SON RAYONNEMENT...

une revue pour changer d’époque

CHINDOGU, LE GÉNIE DE L’INUTILE L’ART DE FABRIQUER DES OBJETS FARFELUS

LES NOUVEAUX POUVOIRS DE L’ASPIRINE PAR LE PROFESSEUR PHILIPPE EVEN

SUPPRIMER LE PERMIS ? TROP CHER, TROP LONG, TROP COMPLEXE

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BEAUTÉ 2.0 LA RÉVOLUTION HIGH-TECH DES COSMÉTIQUES

J’AI TESTÉ LA MÉDECINE AUX ÉLECTROCHOCS

LEICA

POUR STIMULER MON CERVEAU !

L’ŒIL DES GÉANTS

SOYONS NUDGE POUR DEVENIR PLUS VERTUEUX CHRONIQUES : ALAIN BARATON

LAURENT ALEXANDRE

HENRI CARTIER-BRESSON DENNIS STOCK / MAGNUM PHOTOS

DE LA PHOTO PAR PIERRE ASSOULINE


É

DITO

TOUT VA BIEN !

Selon un proverbe emprunté à la sagesse africaine : « On entend les arbres qui tombent mais pas la forêt pousser. » Et les arbres, en ce moment, tombent à un tel rythme, en France, que c’est toute la forêt qui semble à terre. Croissance en berne, déficit commercial redondant, chômage accusateur, perspectives illisibles, exécutif en vrille, situation internationale belliciste... Autant de mauvaises nouvelles qui alimentent notre pessimisme, discipline dans laquelle la France est imbattable, numéro 1 devant l’Afghanistan, l’Irak... Aussi avons-nous choisi d’ignorer le fracas des branches mortes pour regarder la forêt pousser. Dans notre dossier volontairement titré « Tout va bien ! », découvrez ou redécouvrez ces dizaines d’entreprises françaises championnes du monde de leur secteur : luxe, bâtiment, eau, énergie... Connaissez-vous Clipperton, Bassas da India, Tromelin, Crozet… ? Ces territoires, c’est aussi la France, l’un des pays les plus vastes au monde, le 6e par ses étendues terrestres et océaniques aux richesses prometteuses. La France, c’est une excellence scientifique mondialement saluée, une vitalité démographique qui fera de nous le pays le plus peuplé d’Europe en 2030. Ce sont ces secteurs d’avenir où notre inventivité fait merveille. Car si le web est – en partie – né en France, l’impression 3D, l’Internet des objets, aussi. Regardez la France des fab labs et de la corévolution, celle qui participe activement collectivement à façonner de nouveaux modes de vie, en réinventant la consommation, l’innovation, le travail. Tout va bien ! Ou du moins, assez de choses vont bien pour que nous soyons capables de voir le verre à moitié plein. C’est cette France, et ses victoires, que nous avons voulu raconter, histoire, pour un jour au moins, d’inverser le baromètre. Alors imaginez-vous devant BFM ou i>Télé : « L’Insee vient de nous communiquer les dernières statistiques de l’emploi en France et il se maintient à 90 % de la population active… » Et tant qu’à faire, continuons dans cette lecture volontariste des faits. Regardons vers l’Europe où l’Allemagne enfin et la Banque centrale européenne, sous l’impulsion de son gouverneur, semblent avoir pris conscience d’une obligatoire relance, relayés par le nouveau président de la Commission, Jean-Claude Juncker. Le bilan affiché d’une croissance nulle dans la zone euro au second trimestre 2014 n’a certainement pas été absent de leurs réflexions. Devant la dégradation de ses relations commerciales avec la Russie – son premier partenaire pour cause de conflit ukrainien –, l’Allemagne semble réaliser qu’elle aurait dans les mois à venir besoin de plus d’Europe et donc de plus de France. Tout cela ne nous privera pas de l’essentiel débat sur le thème du vivre dans un monde avec ou sans croissance. Tapez sur Google : « croissance française 50 ans », et vous obtiendrez des courbes qui rendent ardu de croire aux promesses des vendeurs de bonheur appelant de leurs incantations le retour des trente glorieuses. Les défenseurs de la théorie des cycles économiques objecteront que, depuis le feu, la roue, l’imprimerie, le métier à tisser, la machine à vapeur, le charbon, la machine-outil, le pétrole, Internet, le mobile et demain les nanotechnologies et le Big Data, le monde au fur et à mesure qu’il se mondialise balance entre création et destruction au fur et à mesure que les cycles se succèdent. Et qu’ainsi la croissance reviendra quand s’achèvera le cycle dépressif actuel que nous subissons. En attendant, lentement mais certainement, un autre ordre se met en place fait de moins de consommation, de moins de possession, de plus de partage et de solidarité. C’est le dernier volet de notre dossier « Tout va bien ! ». Entre le monde de l’économie du partage, qui chaque jour voit s’échanger de plus en plus de services, celui de l’énergie de proximité, du recyclage, de la qualité de la vie due à une nouvelle conscience de l’environnement et à l’exponentiel progrès des technologies, entre ralentir et accélérer, une nouvelle harmonie se met en place et la France y trouvera sa place. FRANÇOIS SIEGEL.

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SOMMAIRE En couverture – Illustration : © Audrey Manlot. Photo : © Jean-Christophe Lecocq - Tout est permis 2014 / Thema Films : Silenzio / DR - Paol Gorney - Dennis Stock / Magnum Photos

ÉDITO

DÉCHIFFRER p. 010

P. 003 TOUT VA BIEN ! François Siegel P. 008 LE JOURNAL DU TEMPS QUI CHANGE Les faits, les découvertes, les personnages qui ont marqué la planète We Demain depuis le précédent numéro de notre revue.

P. 012 CHAMPS DE BATAILLE, JAMAIS PLUS L’émouvant travail de mémoire d’un photographe suisse sur les lieux ensanglantés par les guerres dans l’Europe du XXe siècle. Photos : Peter Hebeisen P. 020 ET SI ON SUPPRIMAIT LE PERMIS DE CONDUIRE ? L’obtention de ce document qui permet de rouler sur nos routes est longue et très coûteuse. Dans de nombreux pays, il n’existe pas ou il s’agit d’une simple formalité et les accidents n’y sont pas plus nombreux. Jean Savary P. 024 LE CAUCHEMAR DE LA DISRUPTION Comment l’accélération de la technologie rend du jour au lendemain un produit en vue en has been. Pierre Duval P. 028 SOYONS NUDGE ET TOUT IRA MIEUX Inspirées des sciences comportementales, les nudges nous incitent à adopter des habitudes plus vertueuses dans notre vie quotidienne et professionnelle. Lionel Lévy

RESPIRER p. 034 P. 036 UNE IMMENSE DÉCHIRURE… POUR QUELQUES MINUTES DE TRAIN EN MOINS Avec ses images du chantier de la future ligne à grande vitesse Le Mans-Rennes, un photographe veut montrer la disproportion entre le prix environnemental du projet et le temps gagné. Texte et photos : Cyril Le Tourneur d’Ison P. 042 CHEZ LE SORCIER AUTRICHIEN DE LA PERMACULTURE A Krameterhof, dans les montagnes au sud de Salzbourg, la ferme unique de Sepp Holzer apporte la démonstration qu’une alternative durable à l’agriculture standardisée est possible. Éric Tariant P. 047 LA CHRONIQUE D’ALAIN BARATON Histoire d’arbre : le figuier, vénéré depuis les pharaons. Par le jardinier en chef des jardins de Trianon et du grand parc du domaine de Versailles. P. 048 ÉCO-ARTISTES DES PROFONDEURS Des sculpteurs et des photographes ont choisi une méthode originale pour attirer l’attention sur la fragilité de la biodiversité sous-marine : ils installent leurs œuvres au fond des mers. Agnès Villette

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P. 058 « J’AI TESTÉ LA MÉDECINE AUX ÉLECTROCHOCS » Dans la banlieue d’Atlanta, l’envoyée spéciale de We Demain s’est soumise à une expérience de « stimulation magnétique transcrânienne ». Les Américains qui la pratiquent affirment qu’elle a amélioré leurs capacités créatives et mémorielles. Christelle Gérand. Photos : Kevin Liles / Polaris Images P. 064 L’ASPIRINE, CENTENAIRE ET ENCORE PROMETTEUSE Commercialisée il y a plus d’un siècle, elle continue de surprendre. On a désormais la certitude qu’elle peut prévenir des maladies cardiovasculaires et certains accidents cérébraux. Professeur Philippe Even

INVENTER p. 116

P. 072 À 115 TOUT VA BIEN !

P. 118 WE TECH Sciences, vie pratique, médecine, loisirs. Les petites et grandes nouveautés offertes par la technologie. Cyril Fiévet

La France, ses numéros un mondiaux, ses innovateurs, ses secteurs d’avenir. 44 pages pour retrouver le moral. P. 074 CHAMPIONS TOUTES CATÉGORIES Ces entreprises françaises sont des leaders mondiaux. Le saviez-vous ? P. 078 LA FRANCE N’EST PAS QU’UN HEXAGONE La France dispose d’un empire géographique unique. Un atout stratégique et économique majeur pour l’avenir. P. 082 LA MER, UN ELDORADO Énergie, transport, santé, emploi… La mer est source de nombreuses promesses. La France, avec ses DOM-TOM, est loin d’être en reste. P. 086 UN RAYONNEMENT PLANÉTAIRE Économie, culture, diplomatie, droits de l’homme… Notre pays occupe une place incontournable en Europe et dans le monde. P. 088 NOS SECTEURS D’AVENIR Internet des objets, impression 3D, jeux vidéo… La patrie de Lépine n’a jamais cessé d’innover. P. 98 DANS LA RÉVOLUTION MÉDICALE En médecine aussi, les Français sont là. Leurs compétences sont unanimement saluées. P. 100 EN ROUTE VERS UNE NOUVELLE SOCIÉTÉ Ces Français qui réinventent l’économie et le vivre ensemble. P. 108 UN SAVOIR-VIVRE INCOMPARABLE La France reste un pays où l’on sait vivre. Jacques Séguéla en appelle à promouvoir cette marque de fabrique. P. 110 LA FRANCE DES “COMPLOPTIMISTES” Soutenus par des conspirateurs de talent, nos internautes livrent leurs raisons d’espérer.

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P. 125 L’ÉMOTION SERA LA PROCHAINE RÉVOLUTION INFORMATIQUE Des lunettes permettant de « voir » l’état émotionnel d’un interlocuteur, aux robots « sensibles » aux réactions de leur propriétaire, le déchiffrage des sentiments humains par ordinateur est désormais une réalité. Cyril Fiévet P. 129 LA CHRONIQUE DE LAURENT ALEXANDRE. Histoire post-humaine : « intelligence artificielle, attention danger ». Par le président de DNAVision P. 130 QUAND LES VILLES AURONT LA BOUGEOTTE Anticipant catastrophes naturelles et explosion démographique, des architectes imaginent des lieux à vivre nomades capables de rouler, naviguer ou voler. Délirant… pour l’instant. Olivier Delahaye P. 134 SES KALACHNIKOVS NE FONT QUE DES FASHION VICTIMS À New York, Peter Thum transforme en bijoux des pièces de fusils d’assaut détruits. Une façon pour lui de lutter contre la prolifération des armes de guerre. Christelle Gérand P. 136 ÉCRAN, MON BEL ÉCRAN, FAIS-MOI BELLE Simulateur de maquillage, radiographie de la peau, capteurs d’UV… Les technologies 2.0 sont en train de révolutionner les pratiques dans les domaines de la beauté. Patricia Coignard

Sommaire : © Guido Daniele /Sipa - Kechan Zhang - Qingjun Huang - 3DSD Art - Peter Steinhauer - Zia Zeff - Guia Besana

DÉCOUVRIR p. 056

ESPÉRER p. 070


RALENTIR p. 140

PARTAGER p. 166

P. 142 LEICA, LÉGENDE D’UN SIECLE Jamais appareil photo n’a provoqué une telle passion. Les plus grands photographes – Kertész, Capa, Cartier-Bresson – sont tombés amoureux de ce boîtier dont le premier modèle est apparu en Allemagne en 1914. Pierre Assouline, de l’académie Goncourt

P. 168 « À TOTNES, MA VIE A BASCULÉ » Témoignage d’une Britannique sur les bienfaits – économie d’énergie, solidarité – que lui a procurés sa découverte du mouvement Villes en Transition. Recueilli par Florence Leray

P. 152 CHINDOGU, LE GÉNIE DE L’INUTILE Créé par un ingénieur japonais, cet art de fabriquer des objets farfelus n’en est pas moins régi par dix principes éthiques et regroupe près de dix mille passionnés. Julien Millanvoye. Collection photographique : JeanChristophe Lecocq P. 158 À BORD DU CARGO À VOILE N.-D DE RUMENGOL Guillaume Legrand et Diana Mesa ont créé la première entreprise commerciale française de transport de marchandises à la voile. Cabotage le long des côtes bretonnes. Gilles Luneau

P. 186 WE BOOKS Des livres qui aident à décrypter ou à changer le monde.

P. 172 EXOTIQUES AUJOURD’HUI, ESSENTIELS DEMAIN Poivre de Kampot, café des Boloven, miel d’Oku… Issus de l’agriculture familiale qui compte 500 millions de fermes dans le monde, les produits « venus d’ailleurs » sont à la mode. Gilles Luneau. Illustrations : Patrick Pleutin P. 178 SON MOOC EST UNE CHANCE POUR LES ÉTUDIANTS AFRICAINS Pierre-Yves Rochat, un professeur suisse, a créé un cours en ligne gratuit, ouvert à tous et suivi avec enthousiasme par des étudiants de l’Afrique subsaharienne francophone aux conditions d’apprentissage souvent précaires. Bruno Askenazi P. 180 LE MASTIC, « DIAMANT » DE CHIOS Dans un pays malmené par la crise, cette résine naturelle assure à la population de l’île grecque une relative prospérité. Anne Royer et Anaïs Condomines. Photos : Anaïs Dombret

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DÉCHIFFRER

CHAMPS DE BATAILLE, JAMAIS PLUS Photos : Peter Hebeisen • DE L’ATLANTIQUE AUX PLAINES RUSSES, DE LA SCANDINAVIE À LA GRÈCE, LE PHOTOGRAPHE SUISSE PETER HEBEISEN A PARCOURU 40 000 KILOMÈTRES À LA DÉCOUVERTE DES THÉÂTRES DE GUERRE QUI ONT ENSANGLANTÉ L’EUROPE DU XXE SIÈCLE. LE DÉFILEMENT DE SES IMAGES HANTÉES PAR LA TRAGÉDIE CONSTITUE UN TRAVAIL DE MÉMOIRE INÉDIT ET PARTICULIÈREMENT ÉMOUVANT. CERTAINS DE CES PAYSAGES, JADIS DÉFIGURÉS PAR LA VIOLENCE DES ARMES, PORTENT ENCORE DES CICATRICES. MAIS SUR TOUS, LE TEMPS DE LA PAIX A FAIT SON ŒUVRE, ET LA NATURE LES A RECONQUIS. À JAMAIS ? LES ÉVÉNEMENTS D’UKRAINE ET LA MONTÉE DES EXTRÉMISMES SONT LÀ POUR NOUS METTRE EN GARDE : RIEN DE TEL QUE LA MÉMOIRE COURTE POUR OUVRIR DE NOUVEAUX CHAMPS DE BATAILLE. •

Ces photographies ont été publiées dans l’ouvrage 20th Century European Battlefields, par Peter Hebeisen, éd. Hatje Cantz, août 2014 (disponible en allemand et en anglais).

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VERDUN

21 février 1916 – 19 décembre 1916. 700 000 morts, disparus et blessés. « Là, à la pointe de ce môle de Verdun qu’assaillait l’océan concentré des forces de l’ennemi, la France jetait tous ses fils, régiment par régiment, comme des blocs de granit destinés à briser les flots germaniques déchaînés. Là, le barrage fut consolidé à force de cadavres. Il a tenu, il devait tenir. “Dût la France entière s’engloutir là, ils ne passeront pas.” Telle fut la résolution qui signifia au monde glacé d’effroi le dramatique holocauste de Verdun. » François Duhourcau, grand mutilé de guerre, lors d’une conférence en 1939.

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DÉCHIFFRER

ET SI ON SUPPRIMAIT LE PERMIS DE CONDUIRE ? Jean Savary • IL EST CHER, LONG À OBTENIR ET PEU FORMATEUR. MAIS QUE LE LÉGISLATEUR S’AVISE DE LE RÉFORMER, ET INSPECTEURS ET MONITEURS D’AUTO-ÉCOLE FONT AUSSITÔT BARRAGE. DE NOMBREUX PAYS SE PASSENT POURTANT DE CET EXAMEN SANS POUR AUTANT QUE LES JEUNES CONDUCTEURS S’Y TUENT PLUS QUE CHEZ NOUS.

Doit-on appeler cela un scandale ? Aujourd’hui, l’auto-école coûte plus cher aux familles françaises que les études secondaires de leurs enfants, séjours linguistiques et cours particuliers compris. Une véritable saignée dans un poste de dépense pourtant jugé vital pour l’avenir d’un pays : l’éducation de sa jeunesse. Si le coût officiel des 750 000 permis B obtenus chaque année est de 1 200 euros, la facture moyenne dépasse largement 2 000 euros. Surtout, le permis B est devenu une véritable machine à exclure, notamment l’examen du code qui, même récemment expurgé de ses questions les plus vicieuses, reste un barrage à l’intégration des jeunes déscolarisés, incapables d’affronter la masse d’informations à assimiler et surtout la subtilité lexicale de l’examen. Selon Pôle emploi, la non-possession du permis B est l’un des principaux freins à l’embauche des jeunes, juste après le manque de formation et l’absence d’expérience. Plus de la moitié des pauvres, travailleurs précaires et chômeurs n’ont pas le permis, contre 7 % de la population totale. Et chaque année, 100 000 à 200 000 jeunes (estimation de chercheurs, aucune statistique officielle n’existant) renoncent définitivement après un ou plusieurs échecs. « Plus un jeune est bas dans l’échelle 20

sociale, insiste Emmanuel Renard, membre de l’association Prévention routière, plus le permis lui est indispensable, mais moins il a les moyens de l’obtenir. » Autant du fait de son coût que de la difficulté de l’exercice. Une difficulté qui en fait d’ailleurs la valeur. « Sur un CV sans le moindre diplôme, le permis est la seule garantie de normalité et donc d’employabilité », relève Karl Leday, de l’auto-école sociale ASMODU à Cherbourg. Bien qu’il soit le diplôme le mieux partagé (39 millions de titulaires), le « B » est désormais plus difficile à obtenir que le bac : 63 % de réussite à l’examen du code et 57 % à l’épreuve pratique, contre 85 % au baccalauréat. Chaque année aux cerises, certains s’inquiètent de la démocratisation excessive du diplôme permettant l’accès aux études supérieures. Mais pas de l’échec de près de la moitié de ceux qui postulent à la conduite d’une voiture. Ni du fait que l’examen tienne plus de la loterie que du concours administratif : d’un inspecteur à l’autre, le taux de réussite varie de 30 à 80 %, et de 44 à 71 % selon le département. En outre, chaque année, 10 % des permis B enregistrés en France ont été obtenus à l’étranger, dont une bonne moitié par des jeunes qui vont passer au Maroc, en Espagne, en Tunisie ou en Italie un examen deux à dix fois

© Tout est permis 2014 / Thema Films : Silenzio / DR


DÉCHIFFRER

LE CAUCHEMAR DE LA Pierre Duval • DANS UN PASSÉ RÉCENT, IL FALLAIT DES ANNÉES À UN PRODUIT POUR ÊTRE DÉMODÉ PAR L’APPARITION D’UNE NOUVEAUTÉ. AUJOURD’HUI – ET QUE DIRE DE DEMAIN ? –, À CAUSE D’UNE INNOVATION TECHNOLOGIQUE EXPONENTIELLE, N’IMPORTE QUEL OBJET, N’IMPORTE QUEL SERVICE PEUT, DU JOUR AU LENDEMAIN, DISPARAÎTRE ET ÊTRE REMPLACÉ PAR MIEUX ET MOINS CHER. CETTE DISRUPTION EST DEVENUE UN ENJEU ÉCONOMIQUE MAJEUR. •

Votre business model précautionneusement mis au point bousculé par des lilliputiens ; vos coûteuses études marketing piétinées par des voyous ; vos clients les plus rentables et fidèles vous quittant sans un mot. Vous-même adoptant à titre

personnel une solution qui rend votre offre inutile, car d’évidence la nouvelle est meilleure et moins chère, voire gratuite. Et tout ça sans qu’aucun spécialiste ni que votre célèbre flair n’aient rien vu venir… Impossible ? C’est vrai. Maintenant, prenez la direction générale de Rand McNally, l’un des principaux producteurs de cartes routières et touristiques aux États-Unis pendant un siècle, une belle structure familiale, et réalisez le rêve de plusieurs générations en rachetant votre

concurrent historique, Thomas Guide. Cette consolidation est rendue nécessaire par l’arrivée des offres de guidage sur Internet et de sites comme Yahoo ! ou MapQuest. Opération logique de regroupement des forces devant un nouvel

DE WIKIPEDIA A RENDU OBSOLÈTES LES BONNES VIEILLES ENCYCLOPÉDIES, RÉFÉRENCES POUR PLUSIEURS

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GÉNÉRATIONS.

© DR

EN 2001, L’APPARITION SUR LE NET


DÉCHIFFRER

SOYONS NUDGE ET TOUT IRA MIEUX Lionel Lévy • ENTRE SUGGESTION, PERSUASION, VOIRE MANIPULATION, LES NUDGES NOUS INCITENT À ADOPTER DES HABITUDES PLUS VERTUEUSES EN MATIÈRE D’ALIMENTATION, D’ENVIRONNEMENT, DE CIVISME, DE SÉCURITÉ ROUTIÈRE... INSPIRÉS DES THÉORIES DES SCIENCES COMPORTEMENTALES, ILS SONT UNE VOIE DE PLUS EN PLUS UTILISÉE PAR LES POUVOIRS PUBLICS. •

Autre illustration dans les rues sinueuses de Chicago, où les autorités ont peint des lignes de marquage au sol discrètement rapprochées à mesure que les automobilistes avancent vers le point culminant des virages. Ayant l’impression d’une plus grande vitesse, les voitures ralentissent. Six mois après la pose de la peinture, les accidents avaient baissé de 36 %. Nudge encore plus fameux, celui de l’autocollant mouche apposé au fond des cuvettes des toilettes pour hommes de l’aéroport Schiphol d’Amsterdam. Depuis la présence de l’insecte, les hommes visent mieux et les dépenses de nettoyage 28

ont baissé de 80 %. Les nudges sont en quelque sorte des petits riens, qui ne demandent pas beaucoup de moyens, mais qui changent tout en jouant sur des incitations psychologiques et des réflexes naturels. « Le nudge est une quatrième voie entre l’information, les taxes et la loi qui prône la méthode douce pour changer des comportements bien installés, détaille Olivier Oullier, professeur de psychologie cognitive à l’université Aix-Marseille. Jamais il ne culpabilise ni ne contraint, mais propose une “architecture de choix” qui laisse toujours la liberté aux individus de s’engager ou pas. » Une sorte de softpower à la sauce marketing en somme. « PILOTE AUTOMATIQUE »

Le concept des nudges a été popularisé en 2008 par deux Américains, Richard Thaler et Cass Sunstein, respectivement économiste à la Chicago University et professeur de droit à Harvard, dans leur livre, Nudge : Improving Decisions About Health, Wealth and Happiness (Traduit en français, Nudge : la méthode douce pour inspirer la bonne décision, éd. Vuibert, 2010). Cet ouvrage, devenu un best-seller mondial, traduit en plans d’action les enseignements et expérimentations des théoriciens de l’économie comportementale (Behavioral Economics), notamment ceux du pionnier de la discipline et spécialiste de la psychologie cognitive, Daniel Kahneman. Les travaux

QUI ÉCRASERAIT SNOOPY ? CE DESSIN SUR UNE CHAUSSÉE JAPONAISE INFLUE, MINE DE RIEN, SUR LA CONDUITE AUTOMOBILE.

©DR - 3D Art on a road

« 77 % de vos voisins éteignent leur climatiseur pour utiliser un ventilateur, pourquoi pas vous ? » L’été dernier, les habitants de la commune de San Marcos en Californie ont été surpris de lire cette drôle de note accrochée à la porte d’entrée de leur maison. Jusqu’alors, les messages traditionnels fondés sur les économies générées, l’appel au respect de la planète ou à la responsabilité de chacun peinaient à les convaincre d’adopter un comportement plus vertueux. Cette fois, miracle : la plupart des habitants ont fini par troquer la clim pour le bon vieux ventilo grâce à ce message jouant sur la norme sociale. Ce message est un nudge, littéralement un « coup de coude » ou « coup de pouce », qui incite les individus, sans qu’ils s’en aperçoivent toujours, à adopter un bon comportement pour eux-mêmes comme pour l’intérêt général.


DÉCHIFFRER

CHOISISSEZ VOTRE NUDGE. MIEUX ENCORE : INVENTEZ-LE. MAIS ATTENTION LA « NUDGE MANIA » VOUS GUETTE.

VOILÀ UNE MOUCHE QUE LES HOMMES NE PEUVENT PAS S’EMPÊCHER DE VISER. TRÈS EFFICACE POUR LA PROPRETÉ DES TOILETTES PUBLIQUES.

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UN DISTRIBUTEUR D’ESSUIE-MAINS QUI VOUS MET EN LIEN DIRECT AVEC LA DÉFORESTATION DE LA PLANÈTE.

CHEWING-GUM AU SOL.

CE N’EST PLUS DE LA SUGGESTION, MAIS DE L’INFORMATION. VISUALISER LA QUANTITÉ RÉELLE DE

TEL POUR DÉBRANCHER.

SUCRE DES BOISSONS INFLUE SUR LE CHOIX DU CONSOMMATEUR. © DR - Yanko Design / Toilet Marksman / WWF / Gum Target

LA DÉPENSE D’ÉNERGIE EN DIRECT, RIEN DE

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ralentir respirer

unE immense déchirure… pour quelques minutes de train en moins Cyril Le Tourneur d’Ison • Une saignée traversant 21 communes rurales, la disparition d’une vaste ressource non renouvelable, l’identité d’un territoire menacé. Ce reportage sur le chantier de la ligne à grande vitesse Le Mans-Rennes est un « J’accuse » totalement assumé par son auteur, le photographe Cyril Le Tourneur d’Ison. Connu pour l’attention qu’il porte au sort de la planète et de ses habitants, il veut ici dénoncer une frénésie ferroviaire dont le prix financier et environnemental lui paraît exorbitant au regard du temps gagné. •

Comment photographier la douleur d’un paysage ? Comment transcrire les stridulations de terres sacrifiées sur l’autel du progrès continu ? Et pourquoi m’obstiner à témoigner de l’éternel conflit entre la nature séculaire et les prédations d’une modernité toujours plus avide d’espace ? Planifiés sur cinq années, des mouvements de constructions et de destructions, de sutures et d’incises, bouleversent le rapport intime que l’homme entretient avec un territoire, la Mayenne. Une immense déchirure le traverse d’est en ouest : la construction de la ligne grande vitesse (LGV) Le MansRennes. 3,3 milliards d’euros, 12 millions de mètres cubes de déblais, 3 600 hectares de foncier. Le prix à payer pour favoriser la mobilité, désenclaver les périphéries et rééquilibrer un territoire national, nous dit-on. Alors qu’à l’heure actuelle aucune ligne à grande vitesse n’existe entre les grandes villes de « province »… Cette volonté centralisatrice de relier toujours plus vite « Paris et le désert français »(1) vide de leur substance les territoires intermédiaires qui ont la malchance d’être situés sur la trajectoire du tentacule ferroviaire. Une consommation d’espace qui témoigne une fois de plus, comme l’écrivait déjà au xixe siècle le géographe Élisée Reclus, « que les hommes travaillent sans méthode à l’aménagement de la Terre […], et que le hasard nous gouverne aujourd’hui ». 36

LES TRACES OMNIPRÉSENTES D’ENGINS CONSTITUENT UNE SORTE D’ÉPITAPHE ÉPHÉMÈRE SUR CES TERRES DISPARUES.

Victime de la frénésie ferroviaire des lignes à grande vitesse, le département de la Mayenne assiste à la transformation méthodique de ses tranquilles paysages ruraux, qui sont l’essence même de son identité. L’espace intime d’une géographie, son intégrité et sa singularité sont donc mis à mal par cette gigantesque saignée de terre qui traverse 21 communes rurales. La disparition d’une vaste ressource non renouvelable est en marche. L’identité profonde d’un territoire est menacée. Cette ligne permettra aux passagers de gagner huit minutes sur le trajet Paris-Nantes et trente-sept minutes sur le parcours ParisRennes ! Combien d’habitations, de terres cultivables, de haies bocagères, de bois, de forêts et de cours d’eau a-t-il fallu sacrifier pour que « l’usager » obtienne une avancée aussi peu significative dans

l’économie de son temps ? Et que valent quelques centaines de milliers d’hectares d’un patrimoine géographique façonné au cours des siècles devant l’obsession institutionnelle de conquêtes sur le temps et l’espace ? En résulte une étrange beauté, presque lunaire, qui motive ce projet photographique. Ces images révèlent des paysages entaillés, des vestiges abstraits d’un affrontement massif entre l’homme et la nature. Point de misère humaine, ni d’architecture en ruines, mais un paysage qui n’est plus qu’une texture granuleuse, cartographiée par incises. Tranchées, zébrures, stries, entailles, scissures résonnent des gestes mécaniques de térébration dont les traces omniprésentes d’engins constituent une sorte d’épitaphe éphémère sur ces terres disparues... L’espace asservi se métamorphose en chaos. Les lignes de vie sont brisées. L’homme, indigne de sa mission d’équilibre et d’harmonie avec la nature, a perdu la « conscience de la terre » chère à Élisée Reclus. Loin de prendre « définitivement conscience de notre humanité solidaire », loin « de faire corps avec la planète elle-même, d’embrasser du regard nos origines, notre présent, notre but rapproché, notre idéal lointain », notre progrès est un régrès. ◆ (1) Fameux titre du livre écrit par le géographe Jean-François Gravier en 1947.


Mars 2014. La percée dans le bois de Brice, à la frontière Mayenne-Sarthe.

Dans ce travail photographique, les négatifs sont dégradés pour mieux percevoir le gémissement de l’air, des sols et des végétaux, sous le staccato des machines de terrassement. L’habillage, le vieillissement, l’usage d’encre de Chine sur le cadre de chaque image sont là pour donner l’illusion que ces bouleversements datent d’une autre époque. Comme si la modernité, le progrès technique dans ses excès, étaient voués prématurément à l’obsolescence, à l’usure du temps. Sur le cadre inférieur de chaque image est incrusté un panneau signalétique de la société Eiffage, maître d’œuvre de la LGV, indiquant le numéro du point de rencontre (PR) à proximité duquel chaque photographie a été prise. Les PR jalonnent le tracé de la LGV et constituent des repères pour les employés de la société. Sur le cadre droit de l’image, le numéro qui identifie le nombre des vues d’un film argentique est toujours le même : 53, le numéro de département de la Mayenne. Le chantier étant interdit au public et ma demande d’accréditation en tant que photographe professionnel ayant été refusée par la société Eiffage, les photographies ont été prises de façon « clandestine », le week-end, dans la période 2012-2014. 08 — we demain

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CHEZ SEPP HOLZER, LE SORCIER DU KRAMETERHOF Éric Tariant • PIONNIER DE LA PERMACULTURE, SEPP HOLZER A BÂTI UNE FERME UNIQUE DANS LES MONTAGNES AUTRICHIENNES. EN CULTIVANT DE MULTIPLES VARIÉTÉS DE FRUITS ET LÉGUMES, AINSI QU’EN ÉLEVANT DIFFÉRENTS ANIMAUX, IL DÉMONTRE QU’UNE ALTERNATIVE DURABLE À L’AGRICULTURE STANDARDISÉE EST POSSIBLE. •

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ferme, je n’ai aucun problème de surpopulation de nuisibles, car la nature est parfaite et maintient un équilibre général », souligne Sepp Holzer. En Autriche, depuis le succès de sa biographie, écoulée à 120 000 exemplaires, on le surnomme « l’agriculteur rebelle ». Sous son chapeau en feutre, il témoigne depuis cinquante ans du fait qu’il existe des alternatives durables et prometteuses à l’agriculture conventionnelle qui épuise les sols et contribue au réchauffement climatique. UNE APPROCHE ENCORE MÉCONNUE

DEPUIS LE SUCCÈS DE SA BIOGRAPHIE, SEPP HOLZER EST SURNOMMÉ « L’AGRICULTEUR REBELLE ».

Le Krameterhof – le domaine de Sepp Holzer – en est un exemple parfait. Jamais une ferme n’aura abrité une aussi grande biodiversité, comme l’a montré une thèse universitaire publiée voici quelques années. L’exploitation emploie quatre collaborateurs à mi-temps et écoule sa production en vente directe auprès de particuliers et de restaurateurs. Son propriétaire a pourtant longtemps fait figure de fou aux yeux de ses voisins et a été regardé avec suspicion

© Krameterhof

Des vingt hectares de terres, en partie stériles, héritées de son père en 1962, Sepp Holzer est parvenu à faire une ferme prospère de 45 hectares, à flanc de montagne, qui attire amateurs et curieux du monde entier. Ici, dans le Lungau, au sud de Salzbourg, en Autriche, pas de monoculture – « c’est antinaturel et contre-productif », estime le maître des lieux –, mais une extrême diversité de productions végétales et animales en tout genre : légumes, fruits, champignons, herbes médicinales, poissons, écrevisses, porcs, bœufs… Les variétés hybrides, qui lient l’agriculteur au semencier auprès duquel il doit s’approvisionner chaque année, sont bannies au profit d’une profusion de variétés anciennes de légumes, de céréales et de fruits, goûteux et nourrissants. Naturellement, on n’emploie pas non plus ici de produits phytosanitaires ou d’engrais chimiques : l’idée est de privilégier une collaboration respectueuse avec l’écosystème et tous les êtres vivants de l’alpage. « Plus un système est diversifié, plus il est stable. Dans ma


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LA FERME DU KRAMETERHOF EST DEPUIS PLUS DE CINQUANTE ANS LE THÉÂTRE DES EXPÉRIMENTATIONS AGRICOLES DE SEPP HOLZER. 08 — WE DEMAIN

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© Jason deCaires Taylor / Underwatersculpture

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À PLUSIEURS MILLES MARINS DES CÔTES DE CANCÙN, AU MEXIQUE, L’ARTISTE JASON DECAIRES TAYLOR A SCELLÉ SUR LE SOL SABLEUX SES 560 STATUES DONT LES SURFACES SONT, PEU À PEU, COLONISÉES PAR LES ALGUES ET LES CORAUX. 48


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ARTISTES DES PROFONDEURS Agnès Villette • AU LARGE DU MEXIQUE, DE LA FLORIDE, DE L’INDONÉSIE, SCULPTEURS ET PHOTOGRAPHES ONT CHOISI D’INSTALLER LEURS ŒUVRES AU FOND DES MERS. UN ART ÉCOLOGIQUE DESTINÉ À ATTIRER L’ATTENTION SUR LA FRAGILITÉ DE LA BIODIVERSITÉ SOUS-MARINE. UN ART QUI SE MÉRITE CAR POUR VISITER CES MUSÉES ENGLOUTIS, L’ÉQUIPEMENT DE PLONGÉE EST INDISPENSABLE. •

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DÉCOUVRIR

« J’AI TESTÉ LA MÉDECINE AUX ÉLECTROCHOCS »

• POUR STIMULER LEURS CAPACITÉS CRÉATIVES OU MÉMORIELLES, DE NOMBREUX AMÉRICAINS PRATIQUENT « L’ELECTROCHOC THERAPY » CRÂNIENNE. QUINZE EUROS DE MATÉRIEL ACHETÉ AU DRUGSTORE DU COIN SUFFIRAIENT POUR STIMULER SON CERVEAU. NOTRE COURAGEUSE REPORTER EST ALLÉE FAIRE LE TEST GRANDEUR NATURE… • 58

© Ellaborrumqui reriae asperiae. Occate o

Christelle Gérand Photos : Kevin Liles / Polaris Images


Alors que je zappe d’une tendance à une autre sur Reddit, un site communautaire de partage d’idées et d’articles, je tombe sur un lien vantant les mérites de l’électricité sur le cerveau. Le post émane d’un artiste qui a fabriqué son propre appareil pour stimuler ses capacités créatrices à coups d’électricité. En remontant le fil de discussion, je m’aperçois que de très nombreux Américains se livrent à des expériences sur leur cortex. Il n’est pas un jour sans que quelqu’un pose une question ou fasse part d’une expérience relative à ces électrochocs nouvelle génération. Au grand dam de mes proches, dont la réaction – « Je n’essaierai jamais ! » – est unanime, je tiens à rencontrer ces bidouilleurs de cerveaux et à tester leurs machines. Direction la Géorgie, au sud-est des États-Unis, berceau de cette communauté d’accros aux électrodes. Pour limiter les risques, je rends visite à un ingénieur. À défaut d’être un expert en neurones, il doit s’y connaître en électricité. Brent Williams me reçoit chez lui, en banlieue d’Atlanta. En 2011, un article du magazine Scientific American l’a particulièrement enthousiasmé. « On y détaillait des études effectuées par l’armée : en envoyant un faible courant électrique à travers le cortex, les chercheurs ont considérablement augmenté les capacités cognitives des militaires. » Brent se met alors à lire toutes les études sur le sujet. Quand il en parle à son épouse Madge, elle lui demande ce qu’il attend pour construire son appareil. Brent n’avait pas attendu. « Vous voyez, explique-t-il en montrant une dizaine d’objets étalés sur sa desserte de cuisine. Il suffit d’une résistance variable, d’un régulateur de tension, d’une pile neuf volts et d’une plaquette à pastilles. Le tout coûte à peine 15 euros. » Depuis trois ans, Brent et Madge se placent deux électrodes sur le crâne pendant vingt minutes plusieurs fois par semaine. Madge, dont le passe-temps favori est d’apprendre des passages entiers de la Bible, est conquise : « Je mémorise beaucoup plus vite, et plus durablement. » L’effet étant instantané, Brent l’utilise quant à lui lorsqu’il lit des études complexes ou prépare des conférences. « Le principe de la stimulation électrique, prend-il plaisir à expliquer, c’est de stimuler le côté du cerveau sur lequel est l’anode ; dans le même temps, l’autre côté est inhibé. » Pour ses interventions en public, il tâche de minimiser son côté logique pour laisser ses capacités créatives s’exprimer pleinement. D’après lui, le public n’a jamais été aussi attentif lors de ses conférences. LIBÉRER L’ACCÈS AUX CAPACITÉS « SAVANTES »

Pour me montrer les effets de la « stimulation magnétique transcrânienne », nom officiel du procédé, Brent me propose une expérience : me soumettre à un exercice, puis faire passer du courant électrique à 2 milliampères à travers mon crâne pendant vingt minutes, avant de refaire le même exercice. Le test consiste à évaluer le nombre de points lumineux qui apparaissent durant une microseconde sur un écran. Mon estimation la plus proche est de 60 points à la place de 51, la pire étant de 80 au lieu de 138. Nul moyen de s’entraîner, les réponses ne sont données qu’à la fin. Ce test est basé sur les recherches de Solomon Snyder, docteur et professeur de neurosciences à l’université JohnsHopkins de Baltimore. D’après lui, tout le monde a des capacités bien enfouies dans son cerveau, mais peu de gens y ont accès. Parmi ceux qui y parviennent, on trouve notamment les autistes prodiges des arts ou des mathématiques, dont la maladie altère le fonctionnement du lobe temporal gauche, qui filtre les stimuli pour les classer en fonction de concepts appris. Ainsi, là où une 08 — WE DEMAIN

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DÉCOUVRIR

CENTENAIRE, L’ASPIRINE N’A PAS DIT SES DERNIERS MAUX Professeur Philippe Even • COMMERCIALISÉ IL Y A PLUS D’UN SIÈCLE, C’EST L’UN DES MÉDICAMENTS LES PLUS ANCIENS ET L’UN DES PLUS VENDUS DANS LE MONDE. MALGRÉ SON GRAND ÂGE, IL CONTINUE DE SURPRENDRE ET D’ÉLARGIR SON CHAMP D’ACTION. ON SAIT À PRÉSENT QU’IL PEUT PRÉVENIR LES MALADIES CARDIOVASCULAIRES ET LES ACCIDENTS VASCULAIRES CÉRÉBRAUX. •

AH ! TOUS LES PROBLÈMES QUE L’ON POURRAIT ÉVITER AVEC UNE SIMPLE PETITE PILULE...

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LA MARQUE ASPIRINE USINE DU RHÔNE A ÉTÉ DÉPOSÉE EN 1915 DURANT LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE.

© Apic/Getty Images

L’histoire de l’aspirine est celle à l’origine de tous les anti-inflammatoires. L’histoire mouvementée pleine de rebondissements d’un très grand médicament. Il est non seulement de ceux qui soignent, mais aussi de ceux, très rares, qui font découvrir les ressorts de la vie. Car c’est en élucidant son mécanisme d’action qu’on a compris le rôle décisif d’une nouvelle famille de molécules bizarrement appelées prostaglandines (PG), de véritables lance-flammes à la source de tous les phénomènes dits inflammatoires. Côté chimie, l’aspirine c’est l’acide acétylsalicylique (AAS). Il associe l’acide salicylique (AS, molécule très simple – acide hydroxy-benzoïque), extrait de l’écorce et des feuilles de saule (salix en latin), et un radical acétyl, comme l’acide acétique du vinaigre. Avant l’aspirine, pendant 40 siècles, seul l’acide salicylique des décoctions de saule ou dérivé de la reine-des-prés (spiraea, qui donnera son nom commercial à l’aspirine), était cité comme traitement des fièvres, des douleurs, du paludisme et de la goutte. Dans le papyrus d’Ebers, d’abord, en 1534 avant J.-C., du temps du pharaon Thoutmosis, puis dans les écrits d’Hippocrate de Cos et Milet, au IVe siècle, et enfin sous la plume de Galien, au IIe siècle après J.-C. Et puis, plus rien. Commence alors la grande nuit des sciences, écrasées par l’obscurantisme platonicien, aristotélicien et religieux que raconte superbement Arthur Koestler 08 — WE DEMAIN

dans Les Somnambules. Éteinte durant quatorze siècles, la science renaîtra avec Kepler, Galilée et Newton et, en médecine avec William Harvey (1578-1657). Après un XVIIe siècle moliéresque, viendront Boerhaave, Osler, Jenner et, en 1763, le révérend Edward Stone, qui adresse au deuxième comte de Macclesfield, président de la Royal Society of Medicine, un mémoire démontrant l’efficacité clinique des décoctions d’écorce de saule. Pendant tout le XIXe siècle, d’excellents chimistes français, italiens et allemands, purifient, cristallisent et finalement synthétisent l’AS et diffusent les salicylates en thérapeutique (ils y sont encore pour de graves inflammations du côlon), mais, mal supportés, ils restent une thérapeutique de second rang. FABRIQUE DE COLORANTS

C’est alors que va naître l’aspirine avec une version officielle, qu’on lit partout, et une réalité découverte il y a peu. Officiellement, un jeune chimiste de la fabrique de colorants allemande Bayer, Felix Hoffmann, s’efforce d’améliorer la tolérance des salicylates par amour pour son père arthritique, qu’il voit souffrir tous les jours. Il combine l’AS avec une série de radicaux très simples (acétyl, propionyl, butyril et benzoyl) et finalement propose, en 1897, l’acide acétylsalicylique (AAS) comme le mieux toléré, avec une efficacité remarquable sur les douleurs rapportée 65


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Tout va bien en France ! Ce titre a évidemment de quoi surprendre. Les raisons de notre optimisme sont pourtant très sérieuses : des dizaines d'entreprises championnes du monde, l'un des pays les plus attractifs pour les investisseurs, le second territoire maritime de la planète, une vitalité démographique qui fera de nous la première population d'Europe en 2030, des secteurs de pointe : Internet des objets, impression 3D, robotique... Et une place à part dans le mouvement vers une nouvelle société : la France est l'un des leaders mondiaux de l'économie collaborative, des fab labs, et numéro un européen des coopératives. Dossier dirigé par Antoine Lannuzel Illustrations : Audrey Manlot

• P. 74 CHAMPIONS TOUTES CATÉGORIES

• P. 86 UN RAYONNEMENT PLANÉTAIRE

• P. 78 LA FRANCE N'EST PAS QU'UN HEXAGONE

• P. 88 LA FRENCH TECH DANS LA COURSE

• P. 82 LA MER, UN ELDORADO

• P. 98 À L'AVANT-GARDE DE LA RÉVOLUTION MÉDICALE

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• P. 100 EN AVANT VERS UNE NOUVELLE SOCIÉTÉ • P. 108 UN SAVOIR-VIVRE INCOMPARABLE • P. 110 LA FRANCE DES « COMPLOPTIMISTES » 08 — WE DEMAIN

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L’ÉMOTION SERA LA PROCHAINE RÉVOLUTION INFORMATIQUE Cyril Fiévet •

© Robot Pepper

DES LUNETTES PERMETTANT DE « VOIR » L’ÉTAT ÉMOTIONNEL D’UN INTERLOCUTEUR, DES ROBOTS DOMESTIQUES DÉCHIFFRANT LES RÉACTIONS DE LEURS PROPRIÉTAIRES… TOUT CELA EXISTE DÉSORMAIS, GRÂCE AU DÉCHIFFRAGE DES SENTIMENTS HUMAINS PAR ORDINATEUR. UNE RÉALITÉ PAS PARTICULIÈREMENT RÉJOUISSANTE. •

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TE WE C H EN 1969, PAUL EKMAN ÉTABLIT QUE L’EXPRESSION DES ÉMOTIONS HUMAINES SUR LE VISAGE EST UNIVERSELLE.

Vous rentrez du bureau après une journée de travail longue et exaspérante… Votre voiture détecte votre stress et s’adapte automatiquement pour en amoindrir les effets en abaissant la température intérieure, en augmentant l’éclairage des phares et en diffusant une musique relaxante. Vous regardez la télévision et votre attention est attirée par la brève présentation d’un objet inédit, qui vous intrigue et sur lequel vous voulez avoir plus de détails. Sans rien avoir eu à faire, votre tablette affiche à l’instant même de multiples informations complémentaires sur ce produit. Vous assurez une présentation devant un public inconnu, et vos lunettes intelligentes vous informent discrètement en temps réel du ressenti de votre auditoire… Intérêt, ennui, incrédulité, désaccords ou réactions positives, rien ne vous échappe et vous adaptez votre discours en conséquence.

Paul Ekman. Il va d’ailleurs consacrer toute sa carrière au sujet et, en 1978, il déduit avec son collègue Wallace Friesen une méthode d’analyse baptisée FACS – pour Facial Action Coding System, ou système de codage des mouvements faciaux. Toujours d’actualité, la méthode repose sur la détection des micro-expressions du visage, des signes fugaces trahissant le ressenti d’une personne. Tandis que les travaux de Paul Ekman sont étudiés partout dans le monde, même Hollywood lui rendra hommage avec la série télévisée Lie To Me. Diffusée de 2009 à 2011, elle est directement inspirée des œuvres du chercheur, qui est intervenu comme consultant pour le scénario. On y voit un expert en psychologie, joué par Tim Roth, utiliser sa compréhension du langage corporel et des expressions faciales pour confronter des suspects et résoudre des enquêtes criminelles. ANALYSER LA DOULEUR

En 1969, le psychologue américain Paul Ekman établit que l’expression des émotions humaines sur le visage est universelle et s’articule autour de six émotions essentielles : la colère, le dégoût, la peur, le bonheur, la tristesse et la surprise. C’est une étape clé dans la compréhension de l’être humain, qui met fin à plusieurs décennies de querelles scientifiques quant au caractère culturel ou inné du langage corporel. Comme le démontre Paul Ekman, un Papou de Nouvelle-Guinée, un paysan russe ou un banquier new-yorkais expriment la peur, la surprise ou le dégoût de la même manière, par l’activation involontaire des mêmes muscles du visage. Même sans le vouloir ou sans nous en rendre compte, nous déchiffrons en permanence ces signes non verbaux qui nous aident à comprendre l’état d’esprit d’une personne. Nous savons discerner de subtiles variations sur le visage de notre interlocuteur, nous pouvons par exemple distinguer un sourire joyeux d’un sourire gêné ou d’un sourire moqueur. PAUL EKMAN A IDENTIFIÉ DANS SES RECHERCHES LES MUSCLES RESPONSABLES DES EXPRESSIONS FACIALES.

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« L’expression faciale est le pivot de la communication entre hommes », résume

Dès lors qu’il existe une méthode éprouvée pour déchiffrer les émotions sur les visages, il est possible de l’informatiser, et les logiciels adaptant la méthode FACS apparaissent au début des années 2010. On constate alors combien l’ordinateur peut être efficace en la matière. En mai dernier, l’université de l’Ohio, s’appuyant sur les travaux de Paul Ekman, montre qu’un ordinateur, outre les six émotions essentielles, « peut reconnaître jusqu’à 21 expressions faciales distinctes, y compris des expressions d’émotions complexes ou apparemment contradictoires », comme un visage paraissant « joyeusement dégoûté » ou « tristement en colère ». Mieux, une autre étude, publiée en avril 2014 et menée par trois universités (de Buffalo et de Californie, aux États-Unis, et de Toronto, au Canada), démontre qu’il n’est pas facile de duper un ordinateur en feignant des émotions. On a demandé à 205 observateurs de détecter la véracité de l’émotion sur des vidéos montrant une souffrance physique, parfois réelle, parfois simulée par des comédiens. Même après un entraînement approprié, les observateurs

© FACS - Ohio State University

EXPRESSION FACIALE


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IMAGINÉE PAR L’ARCHITECTE FRANÇAIS STÉPHANE MALKA, LA « GREEN MACHINE », MONTÉE SUR CHENILLES, SERAIT À LA FOIS UN LIEU DE VIE ET UN INSTRUMENT SE DÉPLAÇANT POUR FERTILISER LE DÉSERT. 130


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QUAND LES VILLES AURONT LA BOUGEOTTE Olivier Delahaye • INSPIRÉS PAR LES MAUX QUI MENACENT L’HUMANITÉ – MONTÉE DES EAUX, DÉSERTIFICATION, EXPLOSION DÉMOGRAPHIQUE – DES ARCHITECTES ONT IMAGINÉ DES SOLUTIONS AUDACIEUSES. DES LIEUX À VIVRE NOMADES QUI SERAIENT CAPABLES DE ROULER, NAVIGUER, VOLER POUR ÉCHAPPER OU S’ADAPTER À CES RISQUES. DÉLIRANT ? POUR L’INSTANT… • de l’air, des tours solaires, des champs de céréales, des serres hydroponiques, des fermes d’élevage, des logements, des écoles, des restaurants, des jardins… The Green Machine serait un lieu à vivre aussi bien qu’un instrument pour fertiliser le désert, se déplaçant au fur et à mesure qu’il aurait réalisé son œuvre. Comme d’autres, cette utopie d’architecte n’est pas là seulement pour valoriser la beauté des images ou faire admirer l’ingéniosité de précurseurs. Elle s’inscrit plutôt dans une réflexion sur les transformations du monde et les dangers qui guettent l’humanité. Apocalypse nucléaire, montée des eaux, désertification, pollution de l’air, explosion démographique… Et si, pour échapper au risque ou s’y adapter, les villes se mettaient à bouger, à flotter, à voler ?

© Stéphane Malka/Green machine

« Le désert, horizon en projection constante, fascine par la splendeur virginale de ses paysages et la pureté de ses lignes (…). Vu à travers le prisme de la surpopulation mondiale et surtout du réchauffement climatique le territoire du désert s’avère être un enjeu majeur en termes de développement durable et humain (…). S’inscrivant dans cet axe, l’oasis mobile The Green Machine est une plateforme, une ville agricole et industrielle, nomade et autonome de régénération des écosystèmes déficients et de développement de la permaculture. » Ainsi s’exprime l’architecte Stéphane Malka, l’auteur de The Green Machine, en évoquant son projet de ville mobile non-urbaine, une « arche de sauvegarde des sols stériles » montée sur chenilles. Elle comprendrait d’énormes ballons pour produire de l’eau à partir de la condensation

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© Colin Anderson / Corbis

« N’IMPORTE QUI EST DÉSORMAIS EN MESURE DE FAÇONNER FACILEMENT SON IDENTITÉ EN METTANT EN SCÈNE UNE IMAGE FANTASMÉE DE LUI-MÊME. »

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ÉCRAN, MON BEL ÉCRAN, FAIS MOI BELLE Patricia Coignard • SIMULATEUR DE MAQUILLAGE, DE COULEUR DE CHEVEUX, RADIOGRAPHIE DE LA PEAU, CAPTEURS D’UV… LES TECHNOLOGIES 2.0 VONT RÉVOLUTIONNER LES PRATIQUES EN MATIÈRE DE BEAUTÉ ET DE COSMÉTOLOGIE. •

Tous les matins à son réveil, la puce implantée dans l’avant-bras de Violette, 32 ans, transmet un diagnostic scientifique ultraprécis des besoins de sa peau aux différents objets connectés de son appartement. Ces données cutanées sont instantanément croisées avec celles du bulletin météorologique (index UV, niveau de pollution, hygrométrie locale), de son génome, de son état de santé et de ses habitudes de vie. Dans la salle de bains, elle jette un œil ensommeillé à la « routine » beauté qui s’affiche sur le miroir. Ses produits cosmétiques personnalisés pour la journée seront prêts dans quelques minutes. Une fois les actifs high-tech appliqués, une autre « fenêtre » s’ouvre à côté de son reflet. Dix maquillages tendance subtilement harmonisés à sa tenue sont testés sur son visage en temps réel. Elle opte pour un look vintage qui fait fureur actuellement. Son make-up artist virtuel lui rappelle comment bien appliquer l’eye-liner. En rentrant ce soir, elle ira récupérer à la borne beauté de son immeuble un kit cosmétique commandé par son hôtel à Hongkong, où elle passera son prochain week-end en amoureux. Scénario d’anticipation ? Pour partie seulement, car la beauté connectée est déjà une réalité tangible en 2014. RITUEL DU GRAIN DE PEAU

L’expérience diffère toutefois selon le degré d’imprégnation du digital dans son quotidien. Au Japon, par exemple, où la geek attitude s’est de longue date érigée en culture, « tous les points de vente cosmétiques sont équipés d’appareils de métrologie cutanée depuis au moins 08 — WE DEMAIN

cinq ou six ans, explique Florence Bernardin, créatrice et directrice du cabinet conseil Information & Inspiration, qui recense les innovations beauté en Asie. Les Japonaises n’envisagent plus d’acheter une crème ou un fond de teint sans avoir fait évaluer scientifiquement l’état de leur peau ». Dans ce nouvel écosystème nippon – encore au stade des balbutiements en termes d’usage en France –, le concept de beauté connectée tutoie déjà le quotidien-fiction imaginé à l’horizon 2030 pour notre Violette. « Les utilisatrices asiatiques sont aujourd’hui obsédées par la température de leur peau, facteur extrinsèque parmi d’autres du vieillissement cutané. Avec des applications téléchargeables sur leur téléphone comme Skin Genius de L’Oréal, on leur propose une combinaison de soins en fonction de leur environnement climatique, de leur humeur du jour, de leur activité physique, de leur niveau estimé de stress et de l’analyse de la photographie de leur peau », poursuit Florence Bernardin. L’application Daily Beauty Navi de Shiseido pousse la logique encore plus loin en intégrant comme paramètre le cycle menstruel. La taille des pores constitue le second sujet beauté éminemment sérieux au pays du Soleil levant. Des millions d’utilisatrices relient désormais quotidiennement leur smartphone à une caméra – la Beauty Cam – qui grossit trente fois l’épiderme. Le cliché, aussitôt mis en ligne sur un réseau social, permet d’effectuer des comparaisons avec d’autres « amies ». Leur Saint Graal : identifier le rituel du grain de peau irréprochable !

Des préoccupations anecdotiques ? Chaque année, le mot « beauté » génère quatre milliards de requêtes sur Google. « Nous vivons désormais dans l’ère du self-branding, qui redéfinit le rapport au temps, à soi et au monde, explique la sociologue Sophie Grenier. Autrement dit, avec le “tout numérique”, n’importe qui est désormais en mesure de façonner facilement son identité en mettant en scène une image fantasmée de lui-même. Et qui plus est, gratuitement ! » Et d’ajouter que la montée en puissance de la beauté connectée se déroule, sans hasard, dans une période troublée : « Le soin de soi est une réponse à la perte de repères constatée depuis quelques années. » Cette tendance, estimée durable, s’inscrit concurremment dans une autre mutation : celle de la relation entre les marques et leurs clients. Le néoconsommateur qui sommeille en chacun de nous – aussi appelé « SoLoMo » pour « social », « local » et « mobile » – veut disposer à tout moment et où qu’il soit d’un véritable conseil personnalisé. D’où les investissements massifs des géants des cosmétiques dans l’offre de beauté 2.0. 64 POINTS DU VISAGE

Revenons à Violette. Ou plus précisément, à ce stade, à sa maman, Léa, 45 ans en cet automne 2014. Quelle expertise digitale a-t-elle à portée de clic en France ? Force est de constater qu’il n’a jamais été aussi facile de choisir le bon produit. En téléchargeant Make Up Genius(1), son smartphone ou sa tablette se transforment en miroir virtuel. Après avoir enregistré sa photo, le simulateur de maquillage propose de tester sur son 137


© Leica

RALENTIR

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UN BEAU CENTENAIRE : L’UR-LEICA, LE PREMIER APPAREIL PORTABLE.


LÉGENDE D’UN SIÈCLE Pierre Assouline, de l’académie Goncourt • EN 1914, L’APPARITION EN ALLEMAGNE DE CE BOÎTIER MOBILE ALLAIT RÉVOLUTIONNER L’UNIVERS DE LA PHOTOGRAPHIE. AU-DELÀ DE L’ASPECT PRATIQUE ET OPTIQUE, JAMAIS APPAREIL PHOTO N’A PROVOQUÉ UNE TELLE PASSION AMOUREUSE CHEZ SES UTILISATEURS ILLUSTRES, DE CAPA À CARTIER-BRESSON. •

Ce n’est pas une image prise par un appareil fixé sur un trépied, procédé déjà jugé passéiste, mais une photo qui bouge faite avec un appareil mobile. En lui autorisant le mouvement et l’agilité du regard dans le prolongement de la main, il permet au photographe d’aller là où il n’aurait pas osé aller, et à en rapporter des vérités insoupçonnables car inaccessibles. L’air de rien sinon d’un jouet, le petit appareil modifie notre vision du monde. Leica est son nom. Henri CartierBresson devient photographe à 24 ans, ce jour de 1932 où il en achète un à Marseille. C’est son acte de baptême. Il est né à la photo sept ans après la naissance du Leica I. Des contemporains autant que des congénères. L’artiste a trouvé son instrument. Comment ne pas songer au mot de Paul Morand : « À 12 ans, on m’a offert un vélo. Depuis, on ne m’a plus jamais revu »…

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DÉCOUVRIR

BEURRE EN TUBE APRÈS LE ROUGE À LÈVRES ET LE DÉODORANT, LE BEURRE FAIT SON APPARITION DANS LE MONDE DU STICK. TRÈS PRATIQUE POUR TARTINER VOS TOASTS, IL VOUS ÉVITE DE SALIR UN COUTEAU OU DE CASSER VOS BISCOTTES. BEAUCOUP MOINS FACILE D’USAGE, TOUTEFOIS, POUR EN METTRE DANS LES ÉPINARDS.

LE GÉNIE DE L’INUTILE Julien Millanvoye Collection photographique : Jean-Christophe Lecocq • CRÉÉ DANS LES ANNÉES 1980 PAR UN INGÉNIEUR AÉRONAUTIQUE JAPONAIS QUI VOULAIT DÉNONCER LE CONSUMÉRISME EXCESSIF, LE CHINDOGU EST L’ART DE FABRIQUER DES OBJETS INGÉNIEUX MAIS… INUTILISABLES. FARFELU, LE MOUVEMENT N’EN EST PAS MOINS RÉGI PAR DIX COMMANDEMENTS ET REGROUPE PLUS DE DIX MILLE SOCIÉTAIRES. •

MANUCURE-PÉDICURE EXPRESS D’UN SIMPLE PETIT RÉGLAGE DE LONGUEUR, CE COUPE-ONGLES MULTIPLE PERMET À TOUS CEUX QUI N’AIMENT PAS SE COUPER LES ONGLES DE RÉDUIRE CONSIDÉRABLEMENT LE TEMPS DE L’OPÉRATION. LE TOUT EN UNE SEULE PRESSION.

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LE GÉNIE DE L’INUTILE

PARAPLUIE POUR CHAUSSURE UN PARAPLUIE NE PROTÈGE RÉELLEMENT QUE LA PARTIE SUPÉRIEURE DE VOTRE CORPS. IL Y A DE QUOI ENRAGER LORSQU’ON SAIT LE PRIX D’UNE BELLE PAIRE DE CHAUSSURES. ALORS PROTÉGEZ LA AUSSI AVEC CES DEUX PARAPLUIES MINIATURES.

DOIGT-BROSSE À DENTS VOUS AIMEZ VOUS BROSSER LES DENTS AVEC PRÉCISION, MAIS IL FAUT RECONNAÎTRE QUE CE N’EST PAS TOUJOURS FACILE AVEC UNE BROSSE AU BOUT D’UN MANCHE D’UNE VINGTAINE DE CENTIMÈTRES. GRÂCE À LA BROSSE À DENTS DIGITALE. VOUS ALLEZ ENFIN CONNAÎTRE VOTRE BOUCHE SUR LE BOUT DES DOIGTS.

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RALENTIR

À BORD DU N.-D. DE RUMENGOL CARGO SANS CARBONE Gilles Luneau • À QUAND LA FIN DU PÉTROLE ? QU’IMPORTE ! IL FAUDRA UN JOUR S’EN PASSER. ALORS AUTANT PRENDRE LES DEVANTS. C’EST CHOSE FAITE POUR GUILLAUME LEGRAND ET DIANA MESA, FONDATEURS DE TRANSOCEANIC WIND TRANSPORT (TOWT), LA PREMIÈRE ENTREPRISE COMMERCIALE FRANÇAISE DE TRANSPORT DE MARCHANDISES À LA VOILE. DES DÉBUTS MODESTES, MAIS PROMETTEURS.

© Paol Gorneg

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DANS LES CALES DU « NOTRE DAME DE RUMENGOL », 12 TONNES DE DENRÉES. CONSTRUITE EN 1945 POUR TRANSPORTER DU BOIS ET DU VIN ENTRE L’ALGÉRIE ET PORT-VENDRES, LA GABARE RETROUVE SA VOCATION D’ORIGINE.


QUAND LE CARGO HISSE LES VOILES

Ce matin de juillet ensoleillé, la sueur perle au front de Colette Le Bouter qui décharge des cartons du Notre Dame de Rumengol, un vieux voilier de 1945, à quai depuis la veille sous la capitainerie du port de Lorient. Responsable de la Biocoop locale, elle vient chercher des vins nantais, du chocolat dominicain, du safran de l’île d’Yeu. Les marchandises sont ensuite chargées dans une camionnette à propulsion électrique et un camion à moteur alimenté en biogaz, direction Les 7 épis, la coopérative bio qui a essaimé trois établissements dans la région. On se croirait dans un conte écologiste. Pour Colette Le Bouter « la voile s’inscrit dans la cohérence de notre vision de la distribution de produits biologiques. » La coopérative communique sur chaque arrivage, « c’est de la pédagogie de donner le bilan carbone de nos produits. Nous avons commencé le transport à la voile

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dès le premier voyage. C’est Guillaume qui fait la liste de ce qu’il peut nous livrer en fonction de ce qu’il trouve. On s’accorde sur le volume ». Ce type de transport induit-il un surcoût ? « Pas réellement, car nous privilégions la qualité. Nous choisissons les produits que l’on ne trouve pas sur le marché local et nous y appliquons notre coefficient habituel. » Retour à la cale ventrue du voilier bleu et noir. Les cartons, les boîtes de conserve, les sacs de sel, les filets de patates sont entassés, arrimés et Guillaume Legrand se réjouit, liste en main, d’avoir chargé en fonction du déchargement. Quelques cartons de tablettes de chocolat ont subi une avarie d’eau sans dommage pour la confiserie et Guillaume les offre au client avant de filer au port du Kernével où un autre voilier, l’Arawak, vient d’arriver avec du vin de Bordeaux destiné à la société TOWT (TransOceanic Wind Transport).

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« À TOTNES, MA VIE A BASCULÉ » Recueilli par Florence Leray • C’EST EN CHANGEANT DE QUARTIER, À TOTNES DANS LE SUD-OUEST DE L’ANGLETERRE, QUE JO ROTAS, PSYCHOTHÉRAPEUTE BRITANNIQUE DE 59 ANS, A DÉCOUVERT LE MOUVEMENT DE TRANSITION. CELA A TRANSFORMÉ SA VIE. SON EXISTENCE EST DEVENUE PLUS ÉCONOME EN ÉNERGIE, PLUS SOLIDAIRE ET PLUS ÉPANOUISSANTE. •

Ma décision était prise de tenter l’aventure : vivre la prochaine étape de ma vie de manière plus économique et plus solidaire. Rues en Transition, mouvement issu de celui d’Initiatives en Transition, c’était aussi une chance à saisir pour rencontrer mes voisins et mettre en place avec eux des initiatives quotidiennes concrètes, visant à relever les défis auxquels le monde d’aujourd’hui est confronté. Grâce à ce projet, la population est invitée à imaginer un avenir meilleur face aux crises écologiques, énergétiques et économiques en agissant dès maintenant. En 2009, le mouvement de Transition de Totnes a été le lauréat d’un défi national 168

JO ROTAS S’EST CONVERTIE AU MOUVEMENT DES VILLES EN TRANSITION IL Y A CINQ ANS.

© Florence Leray

J’ai vécu durant vingt ans dans une maison du centre-ville de Totnes, avec toute ma famille. Mais lorsque les enfants sont partis, je me suis retrouvée face à moi-même, avec pour seule occupation… mon chien. C’était en 2009. J’ai alors décidé de chercher un logement plus petit et j’ai déménagé dans le quartier de Follaton, où je n’avais jamais mis les pieds. Bien qu’il soit situé à seulement 4 ou 5 km de mon ancien domicile, je n’y connaissais personne. C’était comme si j’emménageais sur Mars ! C’est là que j’ai fait connaissance avec le mouvement Rues en Transition, grâce à un prospectus glissé sous ma porte. Celui-ci invitait à mettre en place entre voisins des initiatives ayant pour objectif de réduire les factures énergétiques et d’améliorer la qualité de vie. Habitant Totnes, j’avais déjà entendu parler de Villes en Transition. Je savais que le mouvement avait été fondé par Rob Hopkins, enseignant en permaculture, et qu’il l’avait initié dans la ville en 2006. Mais j’ignorais tout de la mise en œuvre d’une telle démarche et du changement fondamental de mode de vie qui m’attendait !


© Louis Victory

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LA VILLE DE TOTNES A ORGANISÉ EN SEPTEMBRE 2012 SON PREMIER « CAR FREE DAY » (JOUR SANS VOITURES), DANS LE BUT D’INCITER À UNE RÉFLEXION SUR LES TRANSPORTS.

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EXOTIQUES AUJOURD’HUI, ESSENTIELS DEMAIN Gilles Luneau Illustrations : Patrick Pleutin • POIVRE DE KAMPOT, CAFÉ DES BOLOVEN… L’APPARITION, AUX RAYONS DES SUPERMARCHÉS ET SUR LES TABLES DES CHEFS, DE CES INGRÉDIENTS « VENUS D’AILLEURS » VA BIEN AU-DELÀ DES MODES GASTRONOMIQUES. LE DÉVELOPPEMENT ET LA RECONNAISSANCE OFFICIELLE PAR DES IGP (INDICATIONS GÉOGRAPHIQUES PROTÉGÉES) DE CES PRODUITS ISSUS DE L’AGRICULTURE FAMILIALE DEVRAIENT PERMETTRE, DEMAIN, D’ÉVITER UNE CATASTROPHE ALIMENTAIRE. •

Le garçon, interface incontournable de la gastronomie depuis le service à l’assiette, déclame fièrement : « Effeuillée de cabillaud à la vapeur, tombée de chou vert à l’orange et au poivre de Penja. » Où est Penja ? Avant que le convive porte à ses lèvres le mets cuisiné, une « image carte postale » est apparue sur l’écran de sa gourmandise. Peu importe que ce poivre goûteux vienne de l’ouest du Cameroun. Son nom lui fait le même effet que « chapon de Bresse », « lentilles du Puy » ou « brie de Melun ». Ces appellations sont des évocations de paysages, de visages de paysans travaillant à l’ancienne, avec les secrets de leur relation singulière à la nature. Bref, un lien au terroir et à une agriculture à taille humaine, familiale. On peut être bourgeois bohème et soucieux à la fois des qualités gastronomique, biologique et sociale d’un produit alimentaire. 500 MILLIONS DE FERMES

Ce lien au terroir est estampillé d’un signe de qualité : appellation d’origine contrôlée (AOC), ou ses versions européennes, appellation d’origine protégée (AOP) et indication géographique protégée (IGP). Au dernier salon international de l’agriculture, l’Agence française de développement (AFD) présentait neuf produits exotiques pour lesquels elle avait œuvré à leur homologation IGP. L’AFD lie officiellement « son engagement en faveur d’un modèle de 172

production agricole moderne et innovant capable de répondre à trois grands défis du développement durable : nourrir la planète, créer des emplois décents et lutter contre les dégradations de l’environnement » à l’agriculture familiale. Et l’agriculture familiale à la qualité. Avec 500 millions de fermes sur lesquelles travaillent 2,6 milliards de personnes, l’agriculture familiale produit 80 % de la production agricole de la planète et est le premier employeur mondial (40 % de la population active). L’immense majorité de ses fermes (475 millions) sont très petites, d’une surface inférieure à 2 hectares. Néanmoins, sous réserve d’amélioration des rendements et des conditions de stockage et de commercialisation, l’AFD tout comme l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) y voient la réponse au défi de nourrir correctement 9 milliards d’humains en 2050, dont 65 % d’urbains. Tirant le bilan de la modernisation de l’agriculture européenne, leur analyse s’appuie sur le fait qu’en régime familial, ou assimilé, le chef d’exploitation vit sur la ferme, est ancré dans sa communauté et son environnement. Il dispose d’une force de travail mobilisable à tout moment et est susceptible de générer des niveaux de productivité par actif ou par hectare que l’agriculture industrielle ne peut égaler. Les agricultures des pays en voie de développement ont l’avantage de ne pas s’être fourvoyées dans les impasses du modèle agronomique

POIVRE DE KAMPOT SA CULTURE DANS CETTE PROVINCE MARITIME AU SUD DU CAMBODGE REMONTE AU XIII E SIÈCLE. IL EST LE PREMIER PRODUIT DE CE PAYS À OBTENIR UNE IGP ET EST CONSIDÉRÉ COMME L’UN DES MEILLEURS POIVRES DU MONDE.


intensif occidental, ce qui leur donne une longueur d’avance dans l’intensification écologique de leur production. L’ARCHE DU GOÛT

Si l’on veut nourrir correctement 9 milliards d’humains en 2050, il faut non seulement des paysans en nombre suffisant mais aussi qu’ils gagnent leur vie correctement. La rétribution passe par la qualité et une identification de la qualité par le consommateur. La certification non seulement du lieu d’origine mais aussi des conditions de culture et d’élaboration du produit est un levier de développement agricole des plus intéressants pour les pays du Sud. Une porte d’accès aux marchés du Nord. Cette homologation liant terroir et savoir-faire est un des gènes de Slow Food – le mouvement aujourd’hui international de gastronomes voulant rapprocher les amateurs de bons mets traditionnels des paysans et artisans qui les produisent. En 1996, Slow Food a lancé l’Arche du goût . Derrière ce clin d’œil, un tantinet biblique, se cache « un catalogue d’aliments de qualité oubliés et en danger de disparition, qui a pour but de recenser, avant qu’ils ne soient perdus, des espèces végétales, des races animales et des produits artisanaux liés aux cultures, aux histoires et aux traditions des communautés qui vivent dans des paysages culturels autour du monde. » L’Arche compte aujourd’hui 1 844 produits alimentaires (dont 40 en France) provenant de plus de 80 pays. Depuis 1999, l’Arche du goût complète

CLIMAT ET QUALITÉ DU SOL PERMETTENT LA CULTURE D’UN POIVRE D’EXCEPTION.

© Franck Guiziou/hemis.fr

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DIMITRIS TRANSMET À SON FILS LEONIDAS LES GESTES ANCESTRAUX DE LA CULTURE DU PISTACHIER ET DE LA RÉCOLTE DU MASTIC.

PLANTATION DE PISTACHIERS AU SUD DE CHIOS.

AVANT D’INCISER LES TRONCS, VASSILIS RÉPAND DU CARBONATE DE CALCIUM SUR LE SOL POUR RECUEILLIR LES GOUTTES DE MASTIC FRAIS.

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LE MASTIC, REMÈDE ANTI-CRISE

LE DIAMANT DE CHIOS Anne Royer et Anaïs Condomines Photos : Anaïs Dombret

• DANS UN PAYS MALMENÉ PAR LA CRISE, L’ÎLE GRECQUE RÉSISTE GRÂCE AU MASTIC. CETTE RÉSINE NATURELLE RÉCOLTÉE AU PIED DES PISTACHIERS DEPUIS DES SIÈCLES ASSURE À LA POPULATION LOCALE UNE RELATIVE PROSPÉRITÉ.

08 — WE DEMAIN

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