La tribune du CAGI | n°1

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LA TRIBUNE DU

CAGI

N째1 - 2016-A

LE CHANGEMENT CLIMATIQUE


“Mother” (détail), par YukoRabbit Références des ressources en usage libre ou autorisé utilisées couv : https://upload.wikimedia.org/ wikipedia/commons/0/04/Hurricane_Isabel_ from_ISS.jpg p2 : http://yukorabbit.deviantart.com/art/ Mother-439642248 p3 : © CAGI p5 : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/ commons/a/a3/BrantaLeucopsisMigration.jpg La fontaine de la biodiversité p6 : http://4.bp.blogspot.com/-egt1mNHprho/ UY-rsOALzCI/AAAAAAAAEr8/HeHodhuROl8/ s1600/JeanDeLaFontaine-byGustaveDore.JPG p7 : http://www.deviantart.com/art/StockFountain-Flower-Garden-477890022 Sortir de la Maya p9 : http://archwall.xyz/wp-content/ uploads/2015/12/houses-incredible-houseflowers-beautiful-grass-garden-clouds-treesimages.jpg p10-11 : © K2onarts/CAGI p12 : http://wienerin.at/ images/uploads/5/3/5/1475893/ IMG_2582_1384334856680505.jpg

Directrice de publication Redacteur en Chef Secrétaires de rédaction

Notre réchauffement climatique p14 : http://ittaqpatty.deviantart.com/art/ Earth-370654818 p16 : © G. Favand p17 : https://www.flickr.com/photos/ takver/10899105796 Changement climatique et transition agroécologique en milieu insulaire p19 : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/ commons/f/fb/Market_in_Saint-Anne.JPG p20-21 : © H. Ozier-Lafontaine/INRA Les conséquences du changement climatique sur la biodiversité p24-30 : © F. Lurel p29 : http://mcmuth.deviantart.com/ art/Land-Art-Museum-Three-vagrantsdetail-549193644 De la thèse productiviste aux dangers écologiques actuels p32 : http://tulehaldjas.deviantart.com/art/ The-grip-of-climate-change-182341803 p34 : https://www.flickr.com/

Corine Mence-Caster Fred Reno Alexandra Petit Adrien Sorin

photos/86530412@N02/8252117832 p36 : http://dentyou.deviantart.com/art/ Farewell-Note-311672231 p37 : http://dentyou.deviantart.com/art/ market-183624435 Entretien avec un sénateur p39 :https://pbs.twimg.com/profile_ images/564791280723451904/-VftvnAz.jpeg Entretien avec Henry Joseph p43 : http://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/ files/documents/jpg/phytobokaz.jpg p43 : http://www.black-in.com/wp-content/ uploads/2012/08/phytobokaz2.jpg p24-30 : © Mzlle Kaï Notre transition énergétique p48 : http://bougieblackgirl.com/wp-content/ uploads/2014/09/baby.jpg Le CAGI s’exporte p50-51 : © CAGI


SOMMAIRE Le changement climatique 6 - La fontaine de la Biodiversité Lari Frébo 8 - Sortir de la Maya pour sauver notre planète Pamela Obertan 13 - Notre réchauffement climatique Guy Favand 18 - Changement climatique et transition agroécologique en milieu tropical insulaire : Impacts prévisibles et voies d’orientation pour la Guadeloupe Harry Ozier-Lafontaine 24 - Les conséquences du changement climatique sur la biodiversité : Les cas de territoires insulaires comme l’archipel Guadeloupéen Félix Lurel

31 - De la thèse productiviste aux dangers écologiques actuels : La nécessité d’un développement économique réellement durable Christian Saad 38 - Entretien avec un sénateur : Jacques Cornano 42 - Entretien Avec Henry Joseph 47 - Notre transition énergétique : Choisie (pour le meilleur) ou subie (pour le pire) ? Dr. Janmari Flower

L’actu du CAGI 50 - Le CAGI s’exporte en République Dominicaine 51 - Conférence à Cuba sur le changement climatique

Centre d’Analyse Géopolitique et Internationale Pole Guadeloupe du CRPLC, UMR 8053

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ÉDITO Le changement climatique… C’est maintenant !

L

e changement c’est maintenant disait un certain candidat à l’Elysée. Toutefois, dans le monde politique les promesses de changements annoncées tardent toujours à venir. En tout cas s’il y a un changement qui lui tiendra ses promesses c’est bien celui du changement climatique. En effet, notre climat s’est tellement modifié que l’on assiste à un véritable bouleversement climatique. Tous les jours, nous pouvons entendre sur nos radios ou voir à la télé des évènements climatiques exceptionnels, canicule record en Californie, hiver battant des records de chaleur en Europe, inondation dans le Sud Est de la France, sécheresse en Afrique, typhons impressionnants en Asie. Bref le climat est complètement déréglé et cela entraîne avec lui une chaîne de conséquences négatives : diminution des sources d’eau potables, érosion de la biodiversité, destruction des récoltes, apparition ou prolifération de maladies, diminution de plusieurs sources d’énergies… Ces effets se font déjà ressentir dans de nombreux pays ce qui entraîne des millions de réfugiés climatiques. Chez nous en Guadeloupe, nous commençons à sentir les premiers effets de ces changements,

érosion de nos plages, saisons décalées, diminution de notre biodiversité. Pourtant à l’instar des pays développés, nous continuons à vivre comme si de rien n’était. Le changement de comportements, de politiques publiques ne semblent pas pour maintenant même si quelques initiatives par ci par là sont prises. La priorité étant donnée surtout à la lutte contre le chômage. Objectif louable, mais que fera t’on de travailleurs dans une planète où tout se meurt ? Dans notre cas, la situation devient encore plus préoccupante car nous sommes situés dans une des zones qui va être la plus touchée par ce changement climatique. Alors, ici en Guadeloupe nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre si nous ne souhaitons pas être aspiré par une lame de fond que nous n’avons pas prévu. Ainsi parce que ce changement touche toutes les sphères de notre vie, le CAGI vous propose un numéro spécial sur cette thématique pour vous informer, vous sensibiliser et vous pousser à l’action. Un cycle de conférences sur la thématique Boulves a Klima a d’ailleurs été lancée en 2015. Des partenariats se développent autour de cette thématique, justement pour initier cette dynamique du changement. Alors à vos idées et à vos actions pour se préparer aux mutations car le changement s’est vraiment maintenant !!!

P. Obertan 4


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evue de presse Caraïbe

Cuba, Haïti, Republique Dominicaine Ces pays entretiennent un “corridor biologique” depuis 2007 pour garantir, entre autre, des conditions migratoires optimales aux oiseaux. Puerto Rico devrait prendre part à ce projet, en partenariat avec l’UE et les Nations-Unis, dans l’année. Les Bahamas, la Dominique, la Jamaïque et la Martinique sont des observateurs intéressés.

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rève

Notre chère collègue Pamela Obertan est la lauréate 2015 du Prix Paul-Painchaud de la revue Études Internationales pour son article “Gagner de l’influence dans une négociation asymétrique. Le cas de la coalition de PVD au Conseil des ADPIC de l’OMC” paru en septembre 2014, dans le volume XLV, numéro 2.

Grenade L’île déveoppe avec l’Agence Allemande de Coopération Internationale (GIZ) pour établir des zones d’auto-suffisance alimentaire durables. Le but est également pédagogique afin d’étendre rapidement le concept. La première ferme devrait ouvrir cette année. Jamaïque La Banque Mondiale a accordé un prêt de 30 millions $US pour lutter contre les catastrophes naturelles.


LA FONTAINE De la biodiversité L’Homme et la Couleuvre

A

imé Césaire a dit quelque part “qu’avec un mot frais on parcourait le désert d’une journée”. Prions pour que cette image ne rencontre jamais la réalité du réchauffement climatique… Jean de la Fontaine, biodiversaliste avant la lettre nous propose ici un texte dont l’actualité est comment dire…brûlante. Pour l’homme, l’enfer, c’est les autres, c’est l’autre. A commencer par le piéboi. Alors on émonde, on élague, on débroussaille, on effeuille toutes les marguerites, on exile l’odeur des mombins, on traque les nefs et les prunes café, on excommunie les pikjenga, on dit du mal des goud, on toise les siret et on se lave les mains des tochon…

L’homme et la couleuvre, détail d’une gravure

Un Homme vit une Couleuvre. Ah ! méchante, dit-il, je m’en vais faire une œuvre Agréable à tout l’univers. A ces mots, l’animal pervers (C’est le serpent que je veux dire Et non l’homme : on pourrait aisément s’y tromper), A ces mots, le serpent, se laissant attraper, Est pris, mis en un sac ; et, ce qui fut le pire, On résolut sa mort, fût-il coupable ou non. Afin de le payer toutefois de raison, L’autre lui fit cette harangue : Symbole des ingrats, être bon aux méchants, C’est être sot, meurs donc : ta colère et tes dents Ne me nuiront jamais. Le Serpent, en sa langue, Reprit du mieux qu’il put : S’il fallait condamner Tous les ingrats qui sont au monde, A qui pourrait-on pardonner ? Toi-même tu te fais ton procès. Je me fonde Sur tes propres leçons ; jette les yeux sur toi. Mes jours sont en tes mains, tranche-les : ta justice, C’est ton utilité, ton plaisir, ton caprice ; Selon ces lois, condamne-moi ; Mais trouve bon qu’avec franchise En mourant au moins je te dise Que le symbole des ingrats Ce n’est point le serpent, c’est l’homme. Ces paroles Firent arrêter l’autre ; il recula d’un pas. Enfin il repartit : Tes raisons sont frivoles : Je pourrais décider, car ce droit m’appartient ; Mais rapportons-nous-en. - Soit fait, dit le reptile. Une Vache était là, l’on l’appelle, elle vient ; Le cas est proposé ; c’était chose facile :


Fallait-il pour cela, dit-elle, m’appeler ? La Couleuvre a raison ; pourquoi dissimuler ? Je nourris celui-ci depuis longues années ; Il n’a sans mes bienfaits passé nulles journées ; Tout n’est que pour lui seul ; mon lait et mes enfants Le font à la maison revenir les mains pleines ; Même j’ai rétabli sa santé, que les ans Avaient altérée, et mes peines Ont pour but son plaisir ainsi que son besoin. Enfin me voilà vieille ; il me laisse en un coin Sans herbe ; s’il voulait encor me laisser paître ! Mais je suis attachée ; et si j’eusse eu pour maître Un serpent, eût-il su jamais pousser si loin L’ingratitude ? Adieu, j’ai dit ce que je pense. L’homme, tout étonné d’une telle sentence, Dit au Serpent : Faut-il croire ce qu’elle dit ? C’est une radoteuse ; elle a perdu l’esprit. Croyons ce Boeuf. - Croyons, dit la rampante bête. Ainsi dit, ainsi fait. Le Boeuf vient à pas lents. Quand il eut ruminé tout le cas en sa tête, Il dit que du labeur des ans Pour nous seuls il portait les soins les plus pesants, Parcourant sans cesser ce long cercle de peines Qui, revenant sur soi, ramenait dans nos plaines Ce que Cérès nous donne, et vend aux animaux ; Que cette suite de travaux Pour récompense avait, de tous tant que nous sommes, Force coups, peu de gré ; puis, quand il était vieux, On croyait l’honorer chaque fois que les hommes Achetaient de son sang l’indulgence des Dieux. Ainsi parla le Boeuf. L’Homme dit : Faisons taire Cet ennuyeux déclamateur ; Il cherche de grands mots, et vient ici se faire,

Au lieu d’arbitre, accusateur. Je le récuse aussi. L’arbre étant pris pour juge, Ce fut bien pis encore. Il servait de refuge Contre le chaud, la pluie, et la fureur des vents ; Pour nous seuls il ornait les jardins et les champs. L’ombrage n’était pas le seul bien qu’il sût faire ; Il courbait sous les fruits ; cependant pour salaire Un rustre l’abattait, c’était là son loyer, Quoique pendant tout l’an libéral il nous donne Ou des fleurs au Printemps, ou du fruit en Automne ; L’ombre l’Eté, l’Hiver les plaisirs du foyer. Que ne l’émondait-on, sans prendre la cognée ? De son tempérament il eût encor vécu. L’Homme trouvant mauvais que l’on l’eût convaincu, Voulut à toute force avoir cause gagnée. Je suis bien bon, dit-il, d’écouter ces gens-là. Du sac et du serpent aussitôt il donna Contre les murs, tant qu’il tua la bête. On en use ainsi chez les grands. La raison les offense ; ils se mettent en tête Que tout est né pour eux, quadrupèdes, et gens, Et serpents. Si quelqu’un desserre les dents, C’est un sot. - J’en conviens. Mais que faut-il donc faire ? - Parler de loin, ou bien se taire. Jean de la Fontaine

(1621-1695)

Lari Frébo

Eau-Pinion sur rue Plume du CAGI


SORTIR DE LA MAYA Pour sauver notre planète

Q

ue feriez-vous si on vous disait qu’il y a le feu chez vous et que vos enfants ainsi que toue votre famille se trouvent à l’intérieur ? Réponse 1 : Vous jetez de l’essence sur la maison et craquez l’allumette ; Réponse 2 : Vous attendez qu’un miracle se produise ; Réponse 3 : Vous faites tout ce qui est en votre pouvoir pour éteindre le feu. Généralement la plupart des gens choisiraient la réponse 3 surtout si leurs enfants se trouvent à l’intérieur. Seul un fou ou un inconscient choisirait la réponse 1. Et pourtant au niveau global, c’est ce qu’une partie de-nous fait. Nous alimentons un immense brasier sans même y prêter attention. Ah oui et comment est ce possible ?

“Au niveau global […] nous alimentons un immense brasier sans même y prêter attention” Et bien, en premier lieu, il y a le feu dans notre maison : la planète Terre. En effet, la synthèse du cinquième rapport du Groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat qui compile près de 20 000 études de plus de 800 chercheurs tire la sonnette d’alarme. En effet les gaz à effet de serre ont atteint des

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niveaux jamais vus depuis 800 000 ans. Ainsi si nous ne changeons pas collectivement nos comportements, il sera impossible de limiter le réchauffement climatique sous la barre des 2°C. La température risque alors de grimper fortement et il est à prévoir une hausse de la température comprise entre 3,7 et 4,8°C. Ce scénario entraînerait une série de catastrophes avec lui et signifierait la fin de notre civilisation sur Terre. En effet, des régions comme le Moyen-Orient ou encore l’Afrique subsaharienne serait inhabitables en raisons des températures trop élevées. La sécheresse serait le lot de plusieurs pays et des contrées fertiles ou semi-fertiles se transformeraient en désert. Il faut savoir déjà que chaque année 6 millions d’hectares de déserts apparaissent. De même, avec de telles températures, les calottes glaciaires se désintégreraient ce qui pourrait entraîner une hausse du niveau global des océans de six mètres. Il va sans dire que la plupart des zones côtières seraient inondées. La Guadeloupe qui est une île se verrait sévèrement touchée car sa population se concentre essentiellement sur les côtes. Le plus grave dans cette histoire c’est que la planète pourrait changer complètement de visage. En effet, sous les sols gelés du Nord du Canada et de la Russie, mais aussi dans la mer de Sibérie orientale il existe des quantités gigantesques de méthane.


Par exemple, juste dans le pergélisol (un sol gelé en permanence) qui couvre un quart de l’hémisphère nord, on retrouve dans les deux premiers mètres l’équivalent de 1670 gigatonnes de carbone soit le double de la quantité de dioxyde de carbone actuellement présente dans l’atmosphère.Or ce sol a une profondeur de 632 mètres. D’après les scientifiques, un réchauffement de 1,5°C suffirait à le faire fondre. Si le méthane de ces sols arrive à se libérer alors la situation pourrait vite devenir hors de contrôle et il serait impossible de revenir en arrière. En effet, le méthane a un potentiel 25 fois plus important que le CO2 au niveau du réchauffement. Par conséquent, la température s’élèverait rapidement ce qui libérerait encore plus de méthane. On entrerait ainsi dans un cercle vicieux avec à la clé des scénarios catastrophes. Certains prédisent en premier lieu la phase désert avec une augmentation globale de 10°C. Il en résulterait une extinction massive de presque toutes les espèces vivantes sauf celles qui auront réussi à migrer dans les pôles. Toutes les côtes seront inondées et seule une poignée d’humains réussira à survivre au prix d’une climatisation forcenée. Cette phase se poursuivra avec le scénario geyser, la température aura alors augmenté de plus de 60°C ce qui entraînera la mort de tous les organismes pluricellulaires. Seules certaines bactéries pourront vivre dans ces conditions.

Enfin, la boucle sera terminée avec le scénario Vénus où la température augmentera de plus de 460°C. L’atmosphère sera alors remplie de gaz carbonique et notre planète ressemblera à Vénus. Nous lui aurons fait régresser de plus de 4 milliards d’années. On peut donc bien voir que la situation est grave et que le feu se propage. Il faut l’éteindre à tout prix. La question suivante est de savoir comment. Les meilleurs experts scientifiques du GIEC nous expliquent qu’il faudra réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 40 à 70% en 2050 et en 2100 il ne faudra plus émettre aucun gaz.

“Nous allons devoir apprendre à nous déplacer et à produire différemment d’ici à 2050” Afin d’atteindre cet objectif, il nous faut changer radicalement notre manière de produire de l’électricité, notre façon de vivre, de nous déplacer, de consommer, de produire nos biens de consommation. Tous les secteurs sont à revoir. En effet, notre mode de vie est extrêmement polluant et émet des quantités gigantesques de gaz toxiques dans l’atmosphère mais aussi dans le sol. Il est donc nécessaire dans un premier temps de réduire toutes les sources de gaz à effet de serre tout en augmentant les puits de carbone (forêts).

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Cela signifie que les énergies renouvelables devront représenter plus de 80% de la part globale de la production d’électricité en 2050. Notre consommation en énergie devra diminuer aussi. Nous aurons aussi tout intérêt à apprendre à nous déplacer différemment en favorisant les transports collectifs ou à pied et en vélo. Les constructions devront être différentes pour réduire la demande d’énergie à 50 % d’ici la moitié du siècle. La production de biens devra évoluer afin d’être sobre en carbone et faire appel au recyclage, ou à la réutilisation des produits. En agriculture, il faudra revoir nos méthodes de production et faire plus d’agroécologie. Notre alimentation devra aussi évoluer vers plus de produits locaux et moins de viande. L’aménagement du territoire devra être revue de fond en comble. Par exemple, la construction de zones à hautes densités résidentielles et d’emploi sur le même territoire devra être privilégiée afin d’éviter trop de déplacements.

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Les scientifiques du GIEC préviennent que même si les Etats prennent toutes ces dispositions, la planète continuera à se réchauffer. Il faudra donc se préparer, anticiper les différents scénarios et mener des politiques d’adaptation. Comme l’explique Naomi Klein dans son dernier ouvrage Tout peut changer, nous avons besoin de changements radicaux. Malheureusement et en dépit de la gravité et de l’urgence de la situation, nos gouvernements traînent des pieds pour prendre les décisions qui s’imposent vraiment. Aucune mesure prise ne montre une réelle volonté de changer de voie pour permettre de vivre décemment en ce siècle. Au lieu d’éteindre le feu on continue à l’alimenter alors qu’il menace l’avenir de toutes les espèces vivantes sur Terre. Il ne s’agit plus simplement que de nous…

“Cela menace toutes les espèces vivantes sur terre. Il ne s’agit plus simplement que des humains”


Alors que se passe-t-il ? Pourquoi devant l’urgence de la situation nos comportements oscillent entre l’attente, la marche arrière voir même l’aggravation de la situation ? Plusieurs facteurs sont en mesure d’expliquer cet étrange phénomène. Parmi eux, on pourrait relever en premier lieu une forme d’inconscience collective. C’est comme si nous étions plongés collectivement dans une sorte de rêve qui fait penser au concept bouddhiste de MAYA. Selon les bouddhistes, nous ne percevons pas la réalité telle qu’elle est. Nous sommes pris dans une illusion d’un monde qu’a conçu notre cerveau ce qui nous amène à vivre dans un rêve éveillé. Cela pourrait expliquer pourquoi nous avons du mal à voir que notre mode de vie, notre consommation effrénée de biens matériels sont en train de créer un véritable brasier sur la planète Terre.Le deuxième problème c’est que nous avons du mal à nous réveiller de cette Maya tant nous sommes englués dans ce culte, cette religion de la croissance à tout prix. Par exemple le président

français François Hollande, qui a aussi présidé la COP 21 en décembre 2015, ne cesse de dire dans ses nombreux discours que sa priorité reste le chômage et donc qu’il faut augmenter la croissance pour créer des emplois. Or la croissance est souvent envisagée en des termes uniquement matériels et économiques. La plupart du temps cette croissance s’accompagne d’une destruction de l’environnement et contribue à l’émission des gaz à effet de serre. Par exemple, on détruit encore des forêts primaires d’Indonésie et d’Amazonie qui captent le CO2 pour faire de l’huile de palme ou du soja transgénique. De même, on continue à forer des puits de pétrole, à pratiquer la fracture hydraulique pour extraire du gaz de schiste alors que l’on devrait laisser cela en terre pour éviter que le climat se réchauffe encore plus. Ainsi, nous détruisons notre biosphère pour les profits immédiats de quelques multinationales. Or certaines destructions sont irréversibles, irréparables voire irrémédiables.

(ci-contre et page ci-contre) D’abord dans le cadre du Terra Festival, puis en partenariat avec d’autres communes (le Lamentin, les Abymes, GrandBourg de Marie-Galante, Baie-Mahault) et institutions (Université des Antilles), le CAGI a organisé des conférences sur le changement climatiques, ses causes et conséquences, mais aussi en abordant le thème des alternatives.

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“Certaines destructions sont irréversibles, irréparables voire irrémédiables” Cependant cette façon de produire, cette manière d’envisager la croissance à contribuer à enrichir une petite minorité. Cela nous amène au troisième facteur : l’immense pouvoir d’une petite élite. Celle-ci a réussi son ascension fulgurante grâce à un modèle économique polluant et énergivore. Remettre en question cela signifie le glas de sa richesse. C’est notamment le cas de l’industrie pétrochimique, des compagnies pétrolières mais de presque tous les secteurs économiques. Ainsi ces derniers freinent des quatre fers pour que les choses évoluent peu et font un lobbying impressionnant du côté des dirigeants pour éviter des changements radicaux. Afin de sortir de cette situation qui semble inextricable par moment, il faut prendre conscience de tous ces mécanismes. Et le plus tôt sera le mieux. Heureusement, nous sommes des millions à nous réveiller, à demander une meilleure répartition des richesses, à demander la fin des inégalités. La question est seronsnous assez nombreux pour faire le contrepoids à temps ?

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Il n’existe pas de solutions uniques. Mais à notre échelle nous pouvons commencer par appliquer dans nos vie cette phrase de Gandhi, “soyez le changement que vous voulez voir dans le monde”. En conséquence, si nous voulons laisser une planète plus ou moins viable à nos enfants, nous qui nous trouvons dans des pays riches, nous devons pratiquer la résistance dans l’abondance !! En effet, comme les gouvernements traînent des pieds c’est à nous de nous éveiller et de modifier nos modes de consommation. Décidons d’acheter moins de biens matériels, de prendre les transports publics le plus souvent possible ou à en exiger s’ils font défaut comme c’est le cas en Guadeloupe, de limiter nos achats au strict nécessaire, d’acheter des produits locaux le plus souvent directement au producteurs, de limiter les gaspillages. Impliquons-nous dans la défense du bien commun. Soyons ensemble les grains de sables qui permettront d’enrayer la machine afin que nos enfants mais aussi les autres espèces vivantes puissent tout simplement vivre sur cette belle planète !!

Illustration : “Gandhi” (détail), par Cryptic

P. Obertan

Docteure en Droit et science politique Membre du CAGI


NOTRE RÉCHAUFFEMENT Climatique

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) CONSTATS DES RESPONSABILITES HUMAINES : ‘’Notre réchauffement climatique’’ car nous en sommes tous responsables… même les pa nou pa nou, vous savez, ceux qui ne font rien pour lutter contre, au prétexte que d’autres seraient pire qu’eux ! Ce bouleversement majeur du climat, conséquences des activités humaines a commencé lentement depuis la révolution industrielle en 1850 avec l’utilisation des énergies fossiles issues du charbon et du pétrole… A l’époque la science ne permettait pas de prévoir les conséquences à long terme de l’utilisation de ces énergies fossiles qui ne dégageaient que des fumées sans comprendre alors que c’était des Gaz à Effet de Serre (GES) ; seul primait la machine sous toutes ses formes pour réduire les tâches physiques humaines et animales… tout en augmentant la production de toutes sortes de choses dont certaines étaient déjà ‘’inutiles’’ à l’époque ! Hélas d’une progression lente, les dégagements de GES sont vite devenus exponentiels au point qu’aujourd’hui notre atmosphère en est saturée, provoquant un réchauffement inéluctable de sa température avec des conséquences catastrophiques pour la survie de notre civilisation !

Ce réchauffement climatique est lié à notre soif insatiable d’énergie, au développement de l’agriculture intensive, à la déforestation, à l’explosion de la démographie …voir le graphe : “Consommation d’énergie de l’espèce humaine”.

II) LES AUTRES CAUSES NATURELLES DES VARIATIONS DU CLIMAT : Ces causes naturelles existent depuis la création de notre système solaire. A) Les variations de l’orbite terrestre : 1) Il y a 200 000 ans l’orbite terrestre était elliptique (phénomène d’excentricité) avec 5% d’écart de distance en pourcentage par rapport à une orbite circulaire. En ce moment la Terre décrit une orbite quasi circulaire autour de notre étoile le Soleil (1,5%). 2) L’axe de rotation terrestre décrit un cercle (comme une toupie folle) de période comprise entre 19000 et 23000 ans. C’est le phénomène de précession qui impacte la distance Terre Soleil. 3) Le phénomène d’obliquité concerne l’inclinaison de l’axe de la Terre, 23° en ce moment et des variations de 22 à 24,5° sur de très longues périodes de plus de 10 000 ans !

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“La terre avant et après les humains” (détail), par ittaqpatty anomalies) de -0,45°C. Le volcan islandais Eyjafjöll, endormi depuis près de 190 ans est entré en éruption le 20 mars 2010. Après une première phase d’activité de trois semaines, le volcan est entré depuis le 14 avril 2010 dans une seconde phase, plus explosive à l’origine d’un énorme nuage de cendres qui a rendu impossible tout trafic aérien au dessus d’une grande partie de l’Europe Ces trois phénomènes naturels (que nous ne pourrons jamais modifier !) sont à l’origine de différentes périodes glaciaires longues du passé et en provoqueront d’autres dans quelques siècles, quelques millénaires et plus encore ! Pour information, la Terre se situe actuellement dans des situations favorables pour ces trois paramètres… et pour quelques siècles encore ! B) Le volcanisme terrestre passé et actuel : Il y a 200 millions d’années, lors de la dislocation de la Pangée (4èm extinction massive), des explosions volcaniques ont duré pendant des centaines de milliers d’années. Plus proche dans les temps géologiques, il y a eu des explosions majeures de supers volcans qui ont provoquées de grandes extinctions animales et végétales et des modifications très importantes du climat (refroidissement lié à l’obscurcissement intense de l’atmosphère). Par exemple le Yellostone aux USA est un super volcan en attente d’une prochaine énorme explosion, sa fréquence d’éruption est d’environ 600 000 ans et ça fait 640 000 ans qu’il n’a pas explosé ! En 1982 le volcan El Chichon, en 1991 le volcan Pinatubo on provoqué pendant deux ans des refroidissements notables de la température moyenne de l’atmosphère (dénommés

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Le volcanisme terrestre continuera provoquant pour le climat des phases brèves de refroidissements de l’atmosphère (sans considérer les innombrables autres dégâts). Les volcans émettent aussi beaucoup de GES… Les géoscienceurs envisageront peut être de boucher les cratères ou souder les plaques tectoniques (voir ci-dessous leurs propositions utopiques dans le chapitre III) ?

“Des phénomènes naturels sont à l’origine de différentes périodes glacières et en provoqueront d’autres” C) Les astéroïdes et météorites passés et futurs : Notre planète a subi d’innombrables collisions avec des météorites au début de sa formation (il y a 4,5 milliards d’années) et pendant des centaines de millions d’années. Le cratère de Chicxulub (péninsule du Yucatán au Mexique), a été provoqué par la collision d’une météorite de près de 10 kilomètres de diamètre il y a 66 millions d’années, provoquant la 5ème gigantesque extinction de masse (disparition des dinosaures et bien d’autres espèces animales et végétales !).


D) Les variations de notre étoile le Soleil :

Résumé de leurs 4 projets ‘’hors normes’’!

Le Soleil présente des cycles complets de durée moyenne égale à 22 ans, cycles liés à son activité et donc à sa puissance rayonnée. Depuis que des chercheurs observent et analysent ses cycles (grâce à l’évolution technologique), ils ont numéroté ces cycles, nous en sommes au cycle N°25 qui atteindra son maximum entre 2022 et 2025. Les 4 derniers cycles (21, 22, 23, 24) étaient d’activités faibles et auraient du provoquer des baisses généralisées de la température moyenne terrestre, le N°25 s’annonce aussi très faible avec peut être aucune tâche solaire (il faut une certaine énergie magnétique au soleil pour qu’il crée ses taches noires, si elles se réduisent ou disparaissent c’est que l’énergie globale générée est plus faible !). Par exemple un minimum s’est produit dans la période 1645-1715 avec des hivers rigoureux, des étés froids (quasiment plus de tâches solaires !). Les scientifiques nomment cette période de 1560 à 1850 “le petit âge glaciaire”… crise alimentaire généralisée et bien d’autres impacts gravissimes…

1°) Un immense parasol spatial constitué de milliards de disques de 60cm pour faire de l’ombre! Ces miroirs seraient envoyés par une fusée au point de Lagrange (ou la gravité terrestre et solaire s’annule). Une remarque personnelle satirique ; après avoir éclairé la planète la nuit (éclairages publiques !), l’homme veut l’éteindre le jour ! Bien entendu, impossible de récupérer ces disques en cas de problème !

“Manipuler l’atmosphère et essayer de modifier le climat… pour espérer en tirer un maximum d’argent !”

4°) Déverser des centaines de milliers de tonnes par an de sulfate de fer dans certains océans pour provoquer un développement énorme d’algues planctoniques ! Une remarque personnelle ; Là ces ‘’alchimistes’’ ne doivent pas savoir qu’on peut déjà leur fournir des centaines de tonnes d’algues sargasses !

III) LA FOLIE DES DE LA ‘’GEO-INGENIERIE’’ OU ‘’GEOSCIENCES’’ : Des pseudo-scientifiques, des milliardaires, des militaires, des compagnies pétrolières s’allient pour manipuler l’atmosphère et donc pour essayer de modifier le climat ! Ces ‘’apprentis sorciers’’ du climat sont prêts à tout… pour espérer en tirer un maximum d’argent !

2°) Disperser un million de tonnes de dioxyde de souffre dans la stratosphère pour que les aérosols sulfatés réfléchissent une partie du rayonnement ! Une remarque personnelle ; Visiblement les activités humaines ne polluent pas assez notre atmosphère ! 3°) Créer une banquise artificielle au Groenland avec 8100 plates-formes de pompage équipées d’une éolienne pour relancer la circulation thermo-haline du Gulf Stream ! Une remarque personnelle ; … sans commentaires vu l’ampleur de la débilité !

5°) Il existe aussi d’autres fous qui se sont lancé (sans autorisations ni sans demander votre avis) dans des pulvérisations chimiques (ou autres matières ?) dans l’atmosphère avec des avions spéciaux… Les objectifs sont difficilement avouables, ce sont les Chemtrails contraction de “chemical trail” (’traînée atmosphérique de produits chimiques).

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IV) APPROCHE D’UNE SYNTHESE DES CONSTATS CIDESSUS : 1°) Les GES ont une durée de vie de plusieurs dizaines à centaines d’années dans l’atmosphère, par exemple ceux émis en l’an 2000 continueront à réchauffer l’atmosphère jusqu’en 2100 ! Ceux que nous continuons à émettre en ce moment (qui n’arrêtent pas d’augmenter en volumes), seront un des héritages catastrophiques pour nos enfants et pour les leurs ! 2°) Il ne faut pas négliger l’effet domino. Les dégagements de méthane issus de la fonte des terres gelées s’accélèrent, le méthane ayant un effet 80 fois plus grave que le CO² !

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3°) Il ne s’agit pas de “sauver la Terre”, notre planète s’en sortira de “Notre réchauffement climatique”. La Terre dispose d’une stabilité stellaire considérable qui lui laissera le temps de redévelopper des formes d’intelligences probablement moins stupides que la nôtre ! Par contre notre civilisation par ses comportements déraisonnables et égoïstes pour ses enfants a commencé la 6ème extinction de masse, sa propre extinction de masse dénommée l’Holocène ! 4°) Les prévisions de limiter à+2°C la température moyenne de notre atmosphère, correspondent déjà à un pari perdu d’avance… nous sommes en phase d’urgence absolue, il faut le répéter aux politiques, aux décideurs, aux entrepreneurs, aux multinationales, aux actionnaires profiteurs, aux voisins, aux amis, à la famille… et changer tous


radicalement de comportement… tout de suite ! 4°) Sans considérer que notre “bonne étoile le Soleil” nous apportera peut être un court délai de grâce (avec une activité actuelle en légère baisse ?) qui pourrait compenser en partie “Notre réchauffement climatique”, nous avons tous le devoir d’agir… plus pour nous c’est trop tard, mais pour nos enfants ! 5°) Agir, oui, mais comment ? D’une façon générale, il faut s’informer, se former, échanger, communiquer… ne plus perdre du temps devant des programmes TV avilissants qui abrutissent les spectateurs… réduire drastiquement l’usage de votre téléphone portable qui vous vole votre temps de vie et agresse votre santé avec les micro-ondes produite dans votre corps ! Boycotter des tas d’objets, de produits… réfléchir sur sa responsabilité pour ne plus être obligé dans sa tête de posséder une grosse voiture ! S’investir dans le milieu associatif militant, se regrouper pour être mieux écouté, proposer des projets… Faire des économies financières en réduisant vos consommations d’électricité… réduisez la puissance souscrite sur votre abonnement EDF. C’est possible simplement, consultez gratuitement les conseillers info-énergie. Remplacez enfin votre chauffe eau électrique par un chauffe eau solaire, vous économiserez beaucoup d’Euros, tout en améliorant votre bilan carbone ! N’attendez pas “qu’on fasse cela pour vous”, vous connaissez l’expression “fais ça pour moi” ; ça ne marchera pas, pas plus que le salut d’une quelconque divinité… pire des inventions humaines depuis la nuit des temps !

“Les tortues contre le changement climatique”

S’investir dans le milieu associatif militant, se regrouper pour être mieux écouté, proposer des projets…”

Ces quelques lignes vous ont-elles secouées ? Si oui, il y a un espoir, dans le cas contraire… c’est à vous de juger avec vos convictions (uniquement scientifiques… bien entendu !).

G. Favand

Professeur en Sciences et Techniques Industrielles Expert EnR et MdE Formateur Risques Majeurs Membre de l’IFFORME Vice Président de l’ONG ‘’COEDADE RUP’’ Comissaire enquêteur


CHANGEMENT CLIMATIQUE ET TRANSITION AGROÉCOLOGIQUE EN MILIEU TROPICAL INSULAIRE Impacts prévisibles et voies d’orientation pour la Guadeloupe

I ) LES IMPCTS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR L’AGRICULTURE

L’agriculture est particulièrement vulnérable au changement climatique. Il ressort des projections à l’horizon 2050 que les températures moyennes mondiales augmenteront, que le temps sera plus variable, et que cela aura des conséquences sur les types de production agricole et leur distribution à l’échelle mondiale. Le changement climatique détériorera aussi les conditions de vie de beaucoup de gens qui sont déjà vulnérables, en particulier dans les pays en développement. La Guadeloupe, comme la plupart des petits états insulaires, y est particulièrement exposée. Les projections indiquent pour les Antilles, une augmentation des températures, de l’intensité des précipitations durant la saison humide, contrastant avec des saisons sèches plus marquées, un accroissement de la fréquence et de l’intensité des épisodes cycloniques [1].

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Ces évolutions impacteront profondément, à moyen et long terme, les systèmes biologiques (recrudescence des épidémies et maladies émergentes, fongiques en particulier) et hydrologiques (risque érosif, transport de sédiments et de polluants), la gestion des ressources en eau (disponibilité, répartition) à l’échelle des territoires, et en conséquence, les systèmes de production agricoles (adaptation des espèces et races) et leurs pratiques. Ceci imposera l’élaboration d’un nouveau cahier des charges en faveur de la conception de systèmes de production et de territoires climato-intelligents. Seront tout particulièrement évalués i) la capacité d’adaptation des espèces végétales et animales, ii) la possibilité de développer des systèmes mixtes animaux/végétaux intégrés, favorisant la substitution et l’interconversion des biomasses (production de carburant et d’énergie) dans des logiques d’économie circulaire, iii) les modalités d’aménagement territorial tenant compte des spécificités régionales, et orientées sur la production de services de régulation (séquestration du carbone et limitation de l’émission de gaz à effet de serre, qualité de l’eau, pollinisation, etc.)


contribuant au renforcement de la résilience environnementale et socio-économique, iv) la capacité à garantir la sécurité alimentaire. Cette réflexion s’inscrit pleinement dans la transition agroécologique que nous conduisons à partir de l’Inra Antilles-Guyane avec nos partenaires, pour la modernisation écologique de l’agriculture guadeloupéenne et celle de la grande région Caraïbe.

II) DES OUTILS, DES CONCEPTS ET DES PROGRAMMES POUR CONCEVOIR DES SYSTÈMES AGRICOLES ET TERRITOIRES CLIMATO-INTELLIGENTS L’agriculture est l’un des rares secteurs capables de contribuer à la fois à l’atténuation et à la séquestration des émissions de carbone. Elle est donc considérée comme un socle pertinent pour définir des stratégies d’adaptation au changement climatique. Parmi les possibilités de d’adaptation et d’atténuation, le tableau page suivante illustre quelques actions, mises en œuvre par l’Inra en lien avec ses partenaires.

Penser la transition agroécologique assortie d’une plus grande flexibilité de nos systèmes au changement climatique, requiert cependant une vision holistique où les différents niveaux d’échelles et les dimensions environnementale, sociale et économique de la durabilité s’organiseraient en processus emboités, mis en synergie. Le postulat sur lequel nous fondons la capacité de nos systèmes à s’adapter est celui du renforcement et de l’aménagement de l’agrobiodiversité, de l’échelle de la parcelle à celle du territoire. A côté des monocultures traditionnelles que représentent la canne et la banane, la possibilité de développer des systèmes et paysages agricoles diversifiés jardin créole, cultures associées, plantes de service, agroforesterie, polyculture/élevage, mosaïques de petites exploitations familiales agroécologiques, trames vertes - sont à soutenir, notamment en faveur du renforcement de notre sécurité alimentaire. Il n’est pas inutile de rappeler que la reconquête des productions vivrières à destination du marché local et la diversification des cultures avaient été retenus comme enjeux prioritaires, suite à la mobilisation de 2009 et aux Etats Généraux de l’Outre-Mer.

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THÈME Adaptation des espèces et des races

Lutte biologique Protection contre les espèces invasives

Economie de l’eau

ACTIONS EN COURS

DISPOSITIFS/OUTILS

Conservation des ressources génétiques Sélection de races animales adaptées à la chaleur : exemple du porc créole (projet ANR PigIn)

CRB* Plantes tropicales (Inra-Cirad) CRB Production et santé animale (Inra – Cirad) *CRB :Centre de Ressources Biologiques

Nématodes entomopathogènes contre le charançon du bananier et de la patate douce

Piège à charançon (Brevet Inra)

Prévision des épidémies

Modèle de prédiction de l’anthracnose de l’igname Capteur THERESA de pilotage de l’irrigation dans les vertisols (Brevet Inra) – Modèles de bilan hydrique

Gestion de l’irrigation dans les zones à saison sèche marquée

Entrepreneuriat et développement territorial Formation

Organisation du secteur de la petite agriculture familiale agroécologique Gouvernance territoriale

Stockage de carbone dans le sol

Limitation des rejets en méthane et adaptation des animaux d’élevage

Economies circulaires

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Enseigner à produire autrement : l’agroécologie

Licence-Pro ADRET (EPLEFPA, Univ. Antilles, Inra-AG) Inra-Formateur (Inra, DAAF)

Atelier Trans’Act (Inra, Chambre d’Agriculture, Région Guadeloupe)

Loi d’Avenir pour les Outre-Mer - PDRG

Projet ANR Gaia-Trop : Gouvernance adaptative et viabilité des agrosystèmes tropicaux

Actes de l’atelier Trans’Act Réseaux d’acteurs, outils d’aide à la décision (modèle viabiliste)

Inventaire d’espèces (graminées et légumineuses) à fort potentiel de fixation de carbone

Logiciel en ligne Morgwanic pour la gestion de la matière organique dans des systèmes de culture [2] Système expert SIMSERV pour la sélection de plantes de service [3]

Utilisation de plantes locales riches en tanins et saponines pour limiter les rejets en méthane d’origine entérique

Projet Européen Animal Change

Recyclage des effluents d’élevage

Unités pilotes de compostage et de méthanisation (Inra)

Diversification des cultures et élevages

Pilote polyculture/élevage Inra/ EPLEFPA

Cultures énergétiques sur sols contaminés

Projet Rebecca canne à sucre/ biomasse (Inra-Cirad, Quadran)


Des outils pour concevoir une scénarisation intelligente, ont été conçus par l’Inra dans cette perspective, pour définir des modalités d’aménagement agricole à l’échelle du territoire (ci-dessus et page suivante). De même un modèle mathématique, conçu dans le cadre du programme ANR Gaia-Trop [6], permet de concevoir des chemins pour la transition agroécologique par aménagement de la biodiversité à l’échelle de l’exploitation agricole. Cet outil est conçu comme un outil d’aide à la décision pour les décideurs, en lien avec l’ensemble des acteurs du monde rural organisés selon une démarche de gouvernance adaptative. Ci-dessus : Zonage agroécologique de la Guadeloupe [4] : découpage de l’archipel en 23 zones exprimant des potentialités diverses. Cette approche devrait permettre de développer des projets agricoles plus respectueux du potentiel agroécologique des zones concernées

III) Un défi : la Guadeloupe comme modèle pour un développement bioéconomique Les problèmes posés par le changement climatique ne feront qu’amplifier les conséquences des pratiques humaines non durables, et il est certain qu’il impactera fortement les modèles et trajectoires de développement des territoires insulaires. Dans les réflexions sur le long terme, il conviendra d’intégrer les impacts du climat futur sur la société future, et pas seulement sur la société actuelle. Le dispositif décrit montre que le secteur agricole s’est déjà organisé en amont pour répondre à un certain nombre d’enjeux du changement climatique. Des dispositifs

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Scénarisation de l’évolution de paysages agricoles de Guadeloupe sous différentes hypothèses [5] : le scenario dit « d’adaptation » est climato-intelligent au sens où il permettrait de réduire de 170% les émissions de GES produits par les activités agricoles et la forêt, et de 10% les émissions de GES à l’échelle de la Guadeloupe.

partenariaux de recherche et d’innovation, rassemblant l’Inra et ses partenaires autour de chaines de valeurs, sont conçus à ces fins et déclinés dans des projets ambitieux (AgroEcoDiv, Cavalbio, Malin et Rivage, au titre du Feder 20142020 en Guadeloupe). Cette transformation devra s’instruire au sein d’une démarche d’information, de sensibilisation et d’accompagnement à grande échelle, qui ne pourra s’affranchir d’un engagement total des décideurs et de la mise en œuvre de politiques publiques ad hoc. Pour parfaire ce dispositif, il faudrait mettre en place une gouvernance locale dont la mission serait d’articuler le secteur agricole avec les milieux naturels et le secteur urbain dans une perspective territoriale. Une démarche fondée sur la production de services écosystémiques et d’économies circulaires serait requise, assortie d’indicateurs pour évaluer l’évolution des états et des flux en lien avec l’atténuation (du) et l’adaptation au changement climatique. Cette démarche s’inscrit dans le cadre d’une transformation qu’il faudrait penser de manière

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progressive avec des priorités et des étapes à fixer. Cette transformation devra s’instruire au sein d’une démarche d’information, de sensibilisation et d’accompagnement à grande échelle, qui ne pourra s’affranchir d’un engagement total des décideurs et de la mise en œuvre de politiques publiques ad hoc.

“Il faudrait mettre en place une gouvernance locale” Un cycle de conférences grand public de sensibilisation à la question du changement climatique est organisé dans différentes communes de la Guadeloupe avec le Centre d’Analyse Géopolitique et Internationale (CAGI) de l’université des Antilles, l’Inra, Phytobokaz, et des associations dont Fleur de Carbone. Il fait suite à la conférence internationale Changement Climatique et Biodiversité organisée en Octobre dernier [4], et devrait donner lieu à des projets dans le cadre de l’AAP Biodiversa (BEST-UE).


Par ailleurs, l’action publique peut en effet jouer un rôle important dans la perspective d’assurer la viabilité de l’agriculture face au changement climatique. Pour aider l’agriculture à faire face au changement climatique et à l’augmentation de la demande d’aliments, il est nécessaire que les pouvoirs publics adoptent une démarche cohérente qui aboutisse à : - assurer un cadre d’action stable qui transmette des signaux sans ambiguïté aux consommateurs et aux producteurs quant aux coûts et aux avantages des activités d’atténuation/ séquestration des GES ; - fixer un prix réel ou implicite au carbone, de manière à inciter les producteurs et les consommateurs à investir dans les produits, technologies et procédés qui provoquent peu d’émissions de GES ; - stimuler l’application des technologies existantes et investir dans la R&D sur les nouvelles technologies permettant de réduire les émissions de GES et d’accroître la productivité ; - accroître les moyens permettant de mieux comprendre et mesurer les effets de l’agriculture sur les GES pour évaluer les progrès accomplis au regard des objectifs nationaux et internationaux relatifs au changement climatique ; - améliorer la capacité d’adaptation des producteurs au changement climatique et indemniser les catégories les plus vulnérables. Ces conditions sont en partie anticipées par les Mesures Agri-Environnementales et Climatiques (MAEC) qui seront mises en œuvre dans le cadre du PDRG.

Dans le sillage de “La Feuille de Route de la Guadeloupe” [7], la prochaine étape consistera à définir les conditions de mise en place, aussi bien environnementale, sociale, économique et politique, de territoires climato-intelligents et éco-responsables, en faisant de la Guadeloupe une île modèle pour la Grande Caraïbe. Cette démarche est indispensable à notre projection raisonnée dans l’ère de la bioéconomie, dans la mouvance de l’économie positive souhaitée par notre gouvernement.

“l’action publique peut […] assurer la viabilité de l’agriculture face au changement climatique”

H. Ozier-Lafontaine

1 - Elaboration d’outils et de références pour l’analyse de la vulnérabilité des agroécosystèmes face au changement climatique. Projet ANR CLIMATOR - Vulnérabilité, Climat et Milieux. 2006. 2 - Sierra J., Publicol M., 2011. MorGwanik, un outil pour estimer l’évolution des teneurs en matière organique dans les sols guadeloupéens. Application web d’aide à la décision. http://toolsforagroecology.antilles.inra.fr/ morgwanik 3 - Ozier-Lafontaine H., Publicol M., Blazy J.M., C. Melfort (2011) SIMSERV: Expert system of assistance to the selection of plants of service for various agro-ecological and socio-economic contexts. Licence CeCILL (http://www.cecill.info/index.en.html). Available at: http://toolsforagroecology. antilles.inra.fr/simserv 4 - Mantran M., Lucien-Brun M. and Diman JL. 2015. First agroecological zoning for the French Caribbean : a décision support tool. CFCS, 2015. Suriname. Poster. 5 - Chopin P., 2015. Prototypage de mosaïques de systèmes de culture répondant à des enjeux de développement durable des territoires ; application à la Guadeloupe. Thèse de l’Université des Antilles. 191p. 6 - Viability and adaptive governance of tropical island agrosystèmes. Projet ANR Gaia-Trop – Agrobiosphère. 2013-2016. http:// gaia-trop.fr/ 7 - International conference on biodiversity and climate change. Roadmap from Guadeloupe. Oct. 2014.

Docteur en agronomie Président Centre INRA AntillesGuyane


LES CONSÉQUENCES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR LA BIODIVERSITÉ Le cas de territoires insulaires comme l’archipel Guadeloupéen

l

‘essentielle de la biodiversité française et européenne se situe dans les outre-mer. La Guadeloupe appartient au point chaud de biodiversité de la Caraïbe insulaire. Ainsi, une large place est consacrée au volet du vivant dans cette approche du changement climatique, sans pour autant éluder les aspects de société. Cette note -liminaire- vise en effet à mettre en exergue les impacts du dérèglement climatique sur un haut lieu de la diversité biologique et surtout à proposer des pistes de réflexions et d’actions. Pour rappel… Le climat varie naturellement par cycles qui alternent glaciation et période interglaciaire. De la subduction liée à la tectonique des plaques et de ces fluctuations ont émergé du fond de l‘océan, les îles les plus basses des petites antilles, pour certains calcaires et plates comme Anguilla, MarieGalante, et très anciennes comme la Désirade avec des roches datant de 145 millions d’années. Depuis 18 000 ans, époque de la dernière glaciation, nous sommes dans une phase de réchauffement. Cependant, la température augmente à un

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rythme nettement plus élevé depuis la révolution industrielle et l’explosion démographique qui la suivie. Un constat implacable et alarmant : Un changement climatique déjà bien visible à la Guadeloupe. Ainsi, dans les Petites Antilles, par exemple, on assiste à un réchauffement de l’air de 1,5°C depuis 1950 et à une baisse globale des précipitations, surtout à partir de 1975, période de l’essor des activités humaines [1]. La température de l’eau des Antilles, est aussi en hausse constante (0,1°C sur 30 ans), sans accélération marquée [2]. Principales climatique

causes

du

changement

Deux aspects des activités humaines sont responsables de ce changement climatique. - La consommation d’énergie. Bien que nos besoins en chauffage et ceux de l’industrie soient beaucoup moins élevés qu’en métropole, la consommation d’électricité en Guadeloupe (4,26 MWh) se rapproche de la moyenne nationale (7,3 MWh). Les déplacements individuels en voiture sont même plus importants (kilométrage annuel des véhicules antillais supérieur à celui de l’hexagone). - La destruction et fragmentation des milieux naturels tampons tels que les milieux côtiers humides.


Conséquences locales Les conséquences locales de ce dérèglement global sont nombreuses. Nos îles et îlets sont particulièrement vulnérables à la montée du niveau marin d’environ 3 mm/an dans les Antilles [3]. Selon les prédictions les plus pessimistes du GIEC, le niveau de la mer pourrait augmenter de 82cm d’ici 2100, voire davantage. Mais que se passerait-il si ce scénario catastrophe se vérifiait ? A la Guadeloupe, plus de la moitié des communes serait partiellement submergée et/ ou inaccessible du fait de l’immersion de leurs voies d’accès (Conservatoire Botanique des Iles de Guadeloupe 2006). Le changement de trait de côte est prononcé et conséquent. Le bourg de Morne à l‘Eau, la plaine de Grippon, le port, l‘aéroport se retrouveraient sous les eaux, à moins de 10m. Des effets de la montée des eaux sont déjà perceptibles et palpables en différents endroits. Ce phénomène déjà en cours tend à faire disparaître les îles en particulier les plus plates, souvent juste au niveau de la mer. Nos terres seront-elles rayées de la carte d’ici 50 ans ? Le cas échéant, pourrions-nous encore marcher et profiter des plages déjà significativement réduites ?

Les Alizés entraînent l’eau dans le sens du vent, vers l’ouest, où elle tend à s’empiler. Au cours de ce déplacement l’eau se réchauffe et se dilate. Pour ces raisons, le niveau de la mer est plus élevé de 50 cm à l’ouest des océans tropicaux. La montée de niveau marin, affectera différentes composantes du territoire. De nombreuses activités humaines dont l‘agriculture (madère, cresson, et autres «produits pays» du jardin créole) paieront un lourd tribu.En effet, la plaine littorale, bassin de production, et la forêt marécageuse seront les premières impactées par la salinisation des sols, affaiblissant la sécurité alimentaire. Les espaces littoraux sont particulièrement fragiles et pourtant convoités pour être façonnés par l‘Homme souvent sans connaître ou intégrer suffisamment les risques liés à la contrainte carbone. Il y a urgence d’un accompagnement spécifique des petits territoires insulaires. L’Union internationale pour la conservation de la Nature, l’UICN tout en saluant les louables initiatives proposées dans le cadre de la stratégie nationale – française- pour la biodiversité a fait observer “un décalage entre les actions à réaliser et les financements disponibles : seulement 20% des fonds sont aujourd’hui réunis” (Terre Sauvage “Flamboyante nature” Nov 2006).

Plantation de cresson en sous bois de forêt marécageuse (à droite) Baie de Saint-Marteen

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Les souches d’arbres dans la mer attestent de la montée des eaux et de leur avancée de plus de 30 m sur les terres ici à Gosier (en dessous) Les sargasses Le réchauffement et l’acidification des océans affectent directement les riches constructions coralliennes de la mer des Caraïbes. Dans les lagons les coraux blanchissent. Ces communautés atténuent les effets de la houle et protègent donc les littoraux souvent très aménagés (18 M de personnes sur la frange côtière antillaise selon le Caribbean Atlas).

“Il y a urgence d’un accompagnement spécifique des petits territoires insulaires […] et spécifique des différents services instructeurs en urbanisme” La couverture végétale constitue un élément clé dans la régulation du climat et la lutte contre l’érosion des sols, comme les mangroves qui structurent et stabilisent le littoral. Leurs atteintes privent le territoire de puits de carbone, de piège à sédiments et de nurserie de la faune marine. En effet, ces mangroves avec les herbiers et communautés coralliennes, forment trois écosystèmes inter-dépendants et en continuité. Quand l’un est affaibli, le fonctionnement des autres est fragilisé. Tout impact en amont, sur le bassin versant, se traduisant par des dysfonctionnements en aval. La pérennité de ces services écosystémiques passe par la préservation des continuités écologiques. De par les services écologiques rendus, les ressources et le cadre de vie qu’ils génèrent, ces supports naturels d’aménités présentent une importance capitale. Ils sont une source majeure de l’alimentation et un pilier de l‘économie insulaire.

Fermes éoliennes à Marie-Galante (au dessus) Aménagement du littoral nécessitant des équipements

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Que faire ? Certains aspects du changement climatique restent encore difficiles à percevoir et prédire. Il a été trop longtemps minimisé ou nié. Il est pourtant d’ores et déjà possible de formuler quelques pistes ou grands axes de recommandations pour en limiter les effets. Parmi les leviers envisageables Îles et littoraux apparaissent comme les espaces les plus sensibles au dérèglement climatique. Les causes et conséquences de ce phénomène s’y retrouvent concentrées. Les petits territoires insulaires caribéens doivent mobiliser tout leur potentiel pour anticiper ces dangers relatifs au réchauffement, pour s’adapter, freiner et lutter contre ce changement. Depuis 2011 on observe une prolifération d’échouages massifs de bancs de sargasses sur les côtes de l’archipel guadeloupéen (ici sur les côtes d’Anse Bertrand), dans la Caraïbe, avec des conséquences écologiques, économiques et sur la santé. De nombreuses questions sont suscitées.

“Il importe d’anticiper les dangers du réchauffement climatique […] que les petits territoires insulaires ne se limitent pas au rôle de sentinelle” Quelle est la part du réchauffement climatique dans ce phénomène perçu comme une intégration du cycle du carbone ? Quelle est la part des activités humaines? Ce phénomène peut-il constituer un levier du développement ?

Ainsi il importe tout d’abord, d’anticiper les dangers du réchauffement Climatique, en préservant les écosystèmes, en n’augmentant pas la vulnérabilité des écosystèmes, en contenant les agressions. (déforestation, défrichement, assèchement, pollution de l’air, de l’eau et des sols). L’objectif reste de maintenir les équilibres en conciliant activités humaines et préservation de l’environnement. Il y a nécessité d’un renforcement au niveau des gardes littoraux. La transition énergétique doit ainsi être au cœur des préoccupations. Ainsi, les activités de recherche __formationdéveloppement, sensibilisation doivent être mises en avant afin que ces petits territoires insulaires, ne se limitent pas au rôle de sentinelle, mais s’engagent dans une démarche d’économie verte. De même, ces territoires peuvent devenir des pôles de compétence dans les secteurs innovants de la valorisation de la biodiversité, et d’autre part, comme pilote de territoires à énergie positive (comme certains PLU en cours d’élaboration l’envisagent…..). Tout cela pourra se faire en confortant le déplacement multimodal, et la place des énergies renouvelables. Un accompagnement spécifique des différents services instructeurs en urbanisme, s’impose. De plus, il est important d’atténuer les effets du RC, par entre autres , le renforcement de la résilience des écosystèmes. Celle-ci passe par la consolidation de la Trame Verte et Bleue, via la restauration des continuités écologiques pour la circulation des eaux et des espèces, et le renforcement du réseau d’espaces protégés terrestres et marins. Des plans de sauvegarde doivent être mis en œuvre via des Aires

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Poissons du corail

Marines Protégées AMP, des cantonnements, mais également pour les oiseaux, mammifères et reptiles marins particulièrement sensibles au climat. Le sexe des tortues dépendant des températures, une augmentation de cellesci pourrait provoquer un déséquilibre du sexratio des populations. Avec la montée des eaux et la réduction de la plage, les sites de pontes inondés par les vagues enregistrent une mortalité accrue dans les nids au sol. Des opérations de replantation, y compris de la forêt marécageuse à la Guadeloupe, sont des initiatives à réitérer pour conserver le rôle régulateur de ces réservoirs de biodiversité. Favoriser la nature ordinaire, avec la plantation d’arbres en ville, générerait, outre épuration de l‘air, l‘ombrage et l’abaissement de la température ambiante, d’autres bienfaits pour le cadre de vie. La pression démographique, l’extraction de matériaux de carrière comme le tuf, ou l’extension du réseau routier morcèlent insidieusement des réservoirs de biodiversité, comme dans les Grands-Fonds de Guadeloupe, unité géomorphologique unique dans les petites Antilles où 240 espèces végétales ont été recensées (LUREL, 2001) avec une forte proportion d’endémique des Petites Antilles.

“Dès maintenant, [il faut] s’adapter […] diversification, polyculture, plantation simultanée, production minimale, etc” Ici le pic endémique de la Guadeloupe est bien représenté. Des associations militent donc pour la création d’un statut adapté (Terre Sauvage “flamboyante de nature” 2006).

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Enfin, dès maintenant, s’adapter. Concernant le secteur primaire, qu’adviendra-t-il des champs de canne et de banane face à la menace des cyclones de plus en plus violents. Le développement de la diversification, de système type jardin créole, de polyculture et de la plantation simultanée de différentes variétés d’une même espèce assurerait une protection des sols, une production minimale face aux intempéries (sécheresse, inondation…). Il convient d’intégrer également des aspects santéenvironnement face à l‘expansion de nouvelles maladies (recherche sur les nuisants et vecteurs de maladies chikungunya, dengue…). Produire sain et consommer local devient incontournable pour renforcer la sécurité alimentaire et la santé. Le paillage, la mise en place de haies végétales, la récupération et le stockage des eaux de pluie sont d’autres pistes faciles à appliquer sur le terrain.


L’éducation à l’environnement et au développement durable doit être une priorité. Nous devons tous être sensibilisés à la vulnérabilité de nos lieux de vie. Pour cela, la société civile, notamment le réseau associatif, les écogardes et autres professionnels ont un rôle crucial, concret dans la diffusion et l‘accès des connaissances au plus grand nombre. Cela passe, en l‘occurrence par : - la mise en place de panonceaux spécifiques en des lieux prédéfinis: par exemple au niveau des Grands Fonds réservoir de biodiversité et d’endémicité (habitat du pic de la Guadeloupe) - la diffusion de spots publicitaires sur la nécessité et manière de préserver les écosystèmes !

Land art, par mcmuth Pour conclure Le défi du réchauffement climatique, devenu réalité quotidienne, doit faire l‘objet d’un grand débat public permanent. Le compte à rebours a commencé. Il est grand temps de prendre conscience de l‘importance de la menace, de développer la connaissance et de mettre en place un observatoire de la contrainte carbone (énergie et climat) et une agence de la biodiversité dans ces territoires.

“Tous unis, par des efforts internationaux, il faut aller plus loin et agir contre ce fléau”

“Les conséquences du Réchauffement climatique s’exerceront en chaîne d’impacts” Pour une réelle appropriation des enjeux, le grand public est à impliquer dans des réseaux participatifs de surveillance et de suivi des indicateurs de la biodiversité aux côtés des experts. Tous unis, par des efforts internationaux, il faut aller plus loin et agir contre ce fléau en misant sur une économie verte, compatible avec les limites planétaires, ainsi que sur, la RechercheDéveloppement. Le réchauffement climatique ne pourrait-il pas ainsi être considéré comme un levier de changement ou un partenaire économique ?

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Des secteurs économiques entiers sont menacés : tourisme, commerce, port, aéroport, agriculture-aquaculture. Il faut protéger ou délocaliser ces infrastructures installées en bord de mer. Il faut plus de souplesse dans la réponse à l’érosion, moins d’enrochements, moins d’épis moins de brise lames, plus de recul raisonné. Au delà des enrochements, la constructions de murets pour juguler la montée des eaux, la piste des pépinières expérimentales, le développement d’espèces résistantes au blanchiment, afin de réhabiliter les récifs, sont des solutions prometteuses et à soutenir.

écologiques, sans favoriser la remontée d’eau salée. Il n’y aura pas d’économie prospère sans une bonne politique environnementale, énergétique et de la recherche. Les conséquences du Réchauffement climatique s’exerceront en chaîne d’impacts (effet domino) dans les différents secteurs de l’économie, de la santé, du cadre de vie. Il n’y aura pas de société ou d’économie prospère sans préservation et valorisation de la biodiversité dans le cadre d’une bonne politique environnementale, énergétique et de la recherche.

Il serait bon de définir un programme Gestion Intégrée Zone Côtière GIZC, pour un développement durable, afin de concilier des objectifs apparemment contradictoires : conserver la biodiversité, l’identité écologique des territoires et un développement économique et social juste, équitable, éco-responsable en intégrant la problématique du Dérèglement Climatique. La mer grignotant du terrain et rendant la zone littorale de plus en plus vulnérable, il sera nécessaire de tenir compte des effets du RC avant toute nouvelle construction, de reculer et d’aménager durablement l’intérieur des terres en maintenant la biodiversité et les continuités

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1 - (Hetzinger S. et al., Rapid 20th century warming in the Caribbean and impact of remote forcing on climate in the northern tropical Atlantic as recorded in a Guadeloupe coral, Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, 2010). 2 - IRD, 2005 3 - Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, 2012.

F. Lurel

Écologue Écologie insulaire tropicale


DE LA THÈSE PRODUCTIVISTE AUX DANGERS ÉCOLOGIQUES ACTUELS La nécessité d’un développement économique réellement durable

E

conomie et écologie sont-elles inconciliables ? Y aurait-il comme semblent le constater certains économistes tels que David Ricardo (1723-1790) et John Stuart Mill (18061873), une barrière absolument insurmontable entre la Nature et l’Economie ? Pourtant, les mots économie et écologie ont une racine grecque identique, oïkos, l’habitat, la maison. La maison de l’écologie étudie les relations à l’intérieur du milieu - le monde naturel - où se trouvent les êtres vivants ainsi que les conditions naturelles de l’existence des sociétés. La maison de l’économie analyse les relations humaines sous le regard et l’angle triple de la production, des échanges et de la consommation des richesses. A ces maisons pourtant voisines, l’économie et l’écologie se sont développées dans un silence réciproque et une imperméabilité quasi-totale. Les économistes ont construit leur discipline tout au long du XVIIIème et du XIXème siècle sans tenir compte du fait que l’activité économique était liée à la nature. L’apogée du raisonnement économique considérait même avec la “Main invisible” d’Adam Smith que seul le marché suffisait à travers ses mécanismes autorégulateurs à

assurer le bonheur des sociétés. La poursuite de l’intérêt individuel était à coup sûr le moyen d’arriver au bonheur sociétal. La nature était ainsi considérée comme secondaire et même contingente. A cette époque, la confrontation entre la logique du développement économique et de la reproduction de la nature était cachée par ces mécanismes du marché. C’est malgré tout l’écologie qui, par sa critique de la logique productiviste de l’économie, et son refus du cycle infini production-consommation, permettrait de féconder un dialogue rompu entre la société économique et la nature. C’est tout l’enjeu du développement durable.

“L’apogée du raisonnement économique considérait même que le marché suffisait à assurer le bonheur des sociétés“ Si la thèse productiviste favorise la croissance malgré les conséquences sur la biosphère (I), le développement durable semble néanmoins être la solution à apporter face aux excès du mode de production capitaliste actuel (II).

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“The grip of climate change” (détail), par tulehaldjas

I) La thèse productiviste privilégie la logique de la croissance sur celle de l’environnement malgré les menaces qui pèsent sur la biosphère A) La croissance économique privilégiée au détriment de l’environnement Selon François Perroux, la croissance est “l’augmentation soutenue pendant une période longue d’un indicateur de production en volume”. Pour les économies nationales, de fait, la croissance s’assimile à l’augmentation sur une longue période du produit national brut par tête. Le taux de croissance sera le taux de variation du PIB et la croissance du niveau de vie sera fonction de la croissance du PIB par habitant. Dans les pays développés, les principes de l’économie sont sans cesse soumis à une logique productiviste produisant une volonté d’aboutir à une grande compétitivité. On comprend ainsi avec évidence les rapports étroits qu’entretiennent la croissance et le progrès technologique avec ses nouveaux produits et ses moyens de production. C’est la raison pour laquelle pendant longtemps les économistes – sauf les économistes classiques pour lesquels l’économie devrait converger vers un état stationnaire – n’ont pas éliminé de leur propos la thèse de la croissance infinie celle-ci dépendant

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par exemple du progrès technologique ou des innovations, eux-mêmes sans limites a priori. La recherche des coûts les plus faibles sur le marché national et international, a incité pendant longtemps les producteurs à faire le choix des méthodes de production qui soient les plus productives sans tenir compte des conséquences écologiques. Le libreéchange et la concurrence de plus en plus forte, conduisent à choisir uniquement la productivité et la rentabilité comme l’aune de la réussite économique. Il y a aussi dans cette optique productiviste une recherche infinie de l’augmentation non seulement des volumes produits mais aussi des innovations conduisant à de nouveaux besoins nécessitant eux-mêmes de nouvelles innovations… La croissance est ici perçue dans ses conséquences positives sur les équilibres macroéconomiques principalement sur les prix et la diminution du chômage par les innovations qu’elle entraîne et la création de nouveaux emplois. Les principes de cette croissance économique sont, on le voit, basés sur une optique de court terme qui ne se préoccupe pas des conséquences à long terme sur l’environnement d’une croissance qui risque de devenir insoutenable.

“Les principes de la croissance économique sont basés sur une optique de court terme“


Il ne faudrait tout de même pas penser que les tenants de la logique productiviste considèrent l’environnement comme secondaire ou encore que les impératifs de croissance autorisent la dégradation rapide de la nature. Ils pensent cependant que la thèse écologique ne doit pas être privilégiée par rapport à l’approche contemporaine de la croissance qui demeure essentielle et à leurs yeux plus fondamentale, permettant ainsi de garantir le niveau de vie et l’emploi. Les considérations écologistes remettant en cause l’activité économique, il serait risqué voire même dangereux de remettre en cause le progrès économique au profit d’une stagnation voire même une régression par la prise en compte de considérations par trop écologiques. C’est la raison pour laquelle la comptabilité nationale n’intègre encore pas des données relatives à l’environnement. Le PIB dans ces conditions n’est qu’un indicateur quantitatif que certains peuvent considérer comme incomplet ne se basant que sur des quantités produites et sur des indicateurs monétaires, excluant la situation et l’abondance de la richesse naturelle. Ainsi, la diminution des ressources naturelles de même que les atteintes portées à l’environnement ne sont pas intégrées dans le PIB même si ce dernier tient compte des dépenses faites afin de remédier aux dégâts causés à la biosphère. Les pays développés via les révolutions industrielles ont pu atteindre de forts niveaux de croissance pendant de nombreuses décennies (et ce malgré les périodes de crise) qui ont supprimé les grandes pauvretés et famines d’autrefois. Mais l’équilibre écologique mondial, à travers notamment les bouleversements climatiques, semble particulièrement menacé.

B) Les menaces actuelles La première menace est celle de la diminution importante de la biodiversité c’est-à-dire du nombre d’espèces vivantes. Avec la déforestation, les pratiques agricoles sont aussi un vrai danger pour la biodiversité. En effet, le recours incessant à la compétitivité et au productivisme conduit à une certaine artificialisation des écosystèmes. Les écosystèmes cultivés – les agro systèmes – prennent la place de la nature avec souvent des mono cultures à haut risque. Les techniques modernes amenant à épisser les gènes ainsi que la fusion cellulaire, peuvent aussi conduire à l’organisation de la vie comme relevant d’un processus uniquement marchand et manufacturier entre les mains de quelques grandes firmes multinationales. Certains agronomes parlent même de la fin de l’agriculture au profit de la moléculture.

“La diminution des ressources

naturelles de même que les atteintes portées à l’environnement ne sont pas intégrées dans le PIB” Enfin, ce triste tableau doit être complété par la pénurie d’eau douce. L’irrigation est de plus en plus problématique dans de nombreuses régions du monde où elle représente la quasi-totalité de l’eau consommée – Chine, Inde, Mexique -. De plus, des problèmes de drainage sont constatés d’où une salinisation des sols dans de nombreuses régions du globe - 20% en Amérique du Nord, 40 % en Amérique latine, Inde et Pakistan 35% -. Les nappes phréatiques sont souvent polluées dans toutes les régions où l’on pratique l’élevage et la culture de façon intensive.

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Un autre élément majeur est celui de l’épuisement et de la destruction des sols. Ils proviennent directement de la mise en culture de terres fragilisées par une forte érosion ainsi que la surexploitation des sols. De même les océans sont aujourd’hui fortement menacés après qu’ils eurent été considérés comme le réceptacle naturel des polluants. De nombreuses zones côtières sont actuellement en danger sans oublier les dégâts causés aux récifs coralliens et la surexploitation de treize des quinze zones halieutiques majeures. Plus fondamentalement encore, dans un document provenant de la DARA and climate vulnerable forum, le changement climatique ralentirait actuellement le PIB mondial de 1.6% soit 1200 milliards de dollars par an et pourrait mécaniquement conduire à un doublement des coûts mondiaux dans les 20 ans qui viennent. Il est aussi constaté que les principaux pays émetteurs de dioxyde de carbone sont responsables chaque année de 5 millions de morts à cause de la pollution de l’air. Face à ces dangers actuels provenant directement des excès de la croissance productiviste, un développement économique durable d’impose.

II) Le développement durable comme solutions aux excès de la croissance de type productiviste A) Historique Le 8 avril 1968 est créé le Club de Rome qui est une association internationale composée de hauts fonctionnaires nationaux et internationaux, d’universitaires, d’économistes et d’industriels ayant pour but de trouver les solutions aux différents problèmes de la planète. Il s’agissait d’attirer l’attention des dirigeants politiques sur les problèmes environnementaux qui se posent aux pays développés et aux pays en développement. Le rapport Meadows – du nom du Professeur d’économie Dennis Meadows commandité par leClub de Rome sort en 1972. Il est rédigé par des économistes et des scientifiques du Massachusetts Institute of Technology et s’intitule “halte à la croissance”. A partir de simulations informatiques, les chercheurs font des estimations jusqu’en 2100 sur l’évolution de la population mondiale corrélée à l’exploitation des ressources naturelles. Ce rapport, que certains considèrent comme catastrophiste, souligna clairement les limites de la croissance économique telles que conceptualisée et conçue jusqu’alors. Si l’humanité continuait sur cette conception de la croissance économique, le XXIème siècle verrait une chute brutale de la population provenant de l’appauvrissement des sols, de la pollution des eaux, de l’air ainsi que la diminution importante des ressources énergétiques – pétrole, charbon et gaz naturel en tête -.

“Green home”, par Chris Potter

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Le 16 juin 1972 a lieu la conférence des Nations Unies sur l’environnement humain à Stockolm et, pour la première fois, les questions écologiques sont mises en avant notamment dans leur rapport avec l’économie. Cette conférence a débouché sur une volonté forte de lutter contre la pollution avec la mise en place de 26 principes. C’est à partir de ce moment qu’est né le Programme des Nations Unies pour l’Environnement. C’est la raison pour laquelle, cette conférence de Stockholm est considérée comme le premier sommet de la terre devant déboucher tous les dix ans sur une rencontre entre dirigeants mondiaux. Ainsi un autre sommet de la terre eut lieu en 1982 à Nairobi au Kenya dans un contexte géopolitique complexe à cause de la rivalité EstOuest. Ce sommet de la terre fut un échec cuisant et n’est pas officiellement considéré comme le second d’une liste amenée à se développer. Plus tard, en 1987, dans l’objectif de préparer le sommet de la terre de Rio en 1992, est publié par la commission mondiale sur l’environnement et le développement le rapport intitulé “Notre avenir à tous” appelé aussi rapport Bruntland du nom de la femme politique norvégienne l’ayant rédigé. Ce rapport définit pour la première fois la notion de développement durable : “Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de besoins, et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir”

“La capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir est limité par l’état de nos techniques et de notre organisation sociale” Cette définition implique de répondre à plusieurs interrogations. Il faut d’abord hiérarchiser les urgences des risques encourus par l’environnement. Ensuite, il s’agit de définir les solutions concrètes afin d’éviter les pires catastrophes. Il s’agit aussi de faire le point sur les ressources que devraient consacrer les pays afin de rendre faisable les solutions proposées et enfin, l’évaluation et les conséquences du changement qu’entraîne le développement durable. Un principe sous-jacent anime toute cette réflexion. En effet, les rythmes actuels de croissance ne sont pas durables et donc non soutenables. C’est la raison pour laquelle on parle de développement durable ou de développement soutenable – sustanable development en anglais -. On sait depuis longtemps le caractère limité des ressources de la planète et les atteintes portées à la biosphère par l’homme. En moins de deux siècles, le cycle du métabolisme hommenature a été rompu par l’importance des déchets souvent toxiques déversés dans la nature. Comment cependant aiguiller différemment le développement économique sans désormais porter atteinte de façon irréversible au patrimoine que constitue la Nature ? Comment repenser le développement économique sans que celui-ci ne détruise de façon irréversible notre patrimoine naturel ? C’est la question des objectifs du développement durable.

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B) Objectifs et applicabilité développement durable

du

L’un des objectifs du développement durable est de mieux maîtriser la croissance démographique. On sait en effet que l’augmentation annuelle de la population dépasse les 89 millions d’individus provenant à plus de 80 % dans les pays en développement. La maîtrise d’un tel flux pour les pays pauvres est une nécessité d’autant plus importante quand on sait que 800 millions d’humains souffrent de malnutritions avec plus de 13 millions d’enfants de moins de 5 ans qui en meurent chaque année. Un autre objectif du développement durable est de changer les règles actuelles du développement économique. N’oublions pas que la vision actuelle du rattrapage économique consiste à imaginer que les aspects positifs d’une croissance continue se répandront par capillarité à l’ensemble de la planète étant donné que les pays pauvres avanceront plus vite vers le développement que les pays riches qui se feront rattraper tôt ou tard. Cette théorie s’insère clairement dans une logique qui ne tient pas compte des contraintes écologiques. En effet, si l’on veut ainsi permettre aux 7 milliards d’humains d’aujourd’hui, de consommer comme la classe moyenne des pays développés il faudrait augmenter le niveau de consommation par plus de 5 ! On comprend dans un tel contexte l’ampleur et la rapidité de la catastrophe écologique qui s’en suivrait.

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Le développement durable pose la question de la croissance économique qui pour exceptionnelle qu’elle soit, n’a pas éradiqué la pauvreté et la misère même dans les pays riches malgré les nombreux progrès réalisés. Plusieurs données permettent de remettre en cause la théorie du rattrapage économique. Au XVIIIème siècle les écarts de niveau de vie entre les européens et le reste du monde étaient de 1 à 2. Au début du XXème siècle ces écarts étaient de 1 à 10. Selon l’Agence des Nations Unies pour le Développement, en 1960, les 20% de la population mondiale la plus riche avaient un revenu 30 fois supérieur aux 20 % les plus pauvres. A la fin des années quatre-vingt-dix, ce rapport était de 1 à 60. Toutes ces données montrent avec évidence les liens importants entre le développement durable et un développement équitable c’est-àdire un développement qui essaie à tout le moins de corriger cette propension à l’augmentation des inégalités entre les pays les plus riches et les pays les plus pauvres. Le développement durable ou soutenable ne consiste donc pas simplement dans la préservation de l’environnement et des ressources pour les générations futures mais il s’agit aussi d’avancer dans la voie d’une plus grande équité et dans un développement réellement humain et solidaire. En 1995, le PNUD, lors du sommet de Copenhague pour le développement social, a estimé à 40 milliards de dollars le coût des quatre priorités que constituent l’éducation, la population, la santé et l’accès à l’eau potable.


“Farewell note” (détail) et “Market” (détail) par dentyou

“Un véritable développement durable nécessite d’intégrer des règles de durabilité pour tous” et une réduction des agressions subies par la biosphère” Un véritable développement durable nécessite d’intégrer les règles de durabilité pour tous et une réduction des agressions subies par la biosphère. A ces mesures fondamentales mais coûteuses, plusieurs solutions sont proposées. Par exemple une écotaxe de 1 dollar par baril de pétrole induirait 60 milliards de dollars par an. Une autre solution est fournie par la fameuse taxe Tobin qui consiste à taxer de 0, 05% les gains spéculatifs sur les transactions en devises au comptant, ce qui rapporterait 150 milliards de dollars par année. De même l’objectif ancien d’allouer 0, 7% du PNB des pays riches à l’aide au développement n’a jamais été atteint alors qu’il rapporterait 140 milliards de dollars. De fait, au-delà de la faisabilité, de la réalisation ou du financement des diverses solutions proposées, se pose la question la volonté politique d’aboutir à un développement véritablement durable.

Conclusion Les objectifs du développement durable peuvent se diviser en trois catégories. D’abord à l’échelle de la planète les objectifs relèvent des rapports entre nations, individus et générations. Ensuite, il s’agit d’objectifs relevant des autorités publiques des différentes zones économiques – Union Européenne, ALENA,ASEAN, MERCOSUR, etc – et enfin ceux qui relèvent du niveau des entreprises et des individus. Il n’empêche qu’il semble bien que ce soit l’échelle transnationale qui soit la meilleure pour imposer un véritable développement durable. La conférence de Paris sur le changement climatique qui a eu lieu du 30 novembre au 11 décembre 2015 -la fameuse COP 21- doit désormais se décliner en un véritable programme d’actions afin d’éviter une augmentation de plus de 2°C du climat. On comprend ainsi que le développement durable et lui seul permettra selon le mot de d’Antoine de Saint Exupéry d’intégrer enfin que “Nous n’héritons pas de la Terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants”. Le développement durable relève ainsi du principe de responsabilité – concept du philosophe allemand Hans Jonas et du besoin d’existence de l’homme par sa valeur absolue intrinsèque : “agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre” (Hans Jonas).

C. Saad

MCF en sciences économiques Membre du CAGI


ENTRETIEN AVEC UN SÉNATEUR Jacques Cornano

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a France va accueillir et présider la 21ème Conférence des parties membres à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21), du 30 novembre au 11 décembre 2015. Dans cette perspective, le Sénat a constitué un groupe de travail commun sur la situation des outre-mer, nommé “Changement climatique et Outre-Mer”, dont Messieurs Jacques CORNANO et Jérôme BIGNON sont les rapporteurs. Une résolution, inspirée de ces conclusions, a été adoptée à l’unanimité par le Sénat le lundi 16 novembre dernier. Ces différents travaux sénatoriaux ont pour but de donner une visibilité propre aux Outre-mer dans le débat sur les conséquences du changement climatique. Le rapport “changement climatique : solutions territoriales en outre-mer” ainsi que la résolution adoptée à l’unanimité par la chambre haute est disponible sur le site du Sénat (www.senat.fr). 1 - Monsieur CORNANO, quels sont, d’après vous, les principaux enjeux du réchauffement climatique ? Il faut avoir conscience que le changement climatique est une problématique mondiale et concerne toute les régions du globe. Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), d’octobre 2014, a montré que les

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émissions de gaz à effet de serre ont augmenté cinq fois plus entre 2000 et 2010 qu’au cours des trente dernières années. L’influence des activités humaines est sans conteste un vecteur majeur du réchauffement climatique, en provoquant une augmentation artificielle de la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Ce mécanisme est fortement lié à la manière dont nous produisons et utilisons notre énergie. Aujourd’hui, nous ne sommes plus à l’heure du constat. Il est temps d’agir en changeant nos habitudes face aux impacts que nous pouvons déjà observer comme la montée du niveau des océans, l’accroissement des risques sanitaires, des écosystèmes perturbés, des évènements météorologiques nombreux etc., l’enjeu pour notre société étant de s’adapter rapidement aux effets du changement climatique afin d’atténuer cette augmentation de la température. La COP21 est une échéance cruciale, puisqu’elle doit aboutir à un nouvel accord international sur le climat, applicable à tous les pays, dans l’objectif de : ­‐ contenir l’augmentation des températures moyenne de notre planète à 2°C d’ici la fin du siècle, idée partagée par le plus grand nombre. -­réduire les émissions de GES. Il est dès lors primordial de s’attaquer aux causes de ce changement.


De nombreux climatologues s’accordent à dire qu’une augmentation au-dessus de 2°C occasionnerait des dégâts et mettrait en péril la santé humaine, l’approvisionnement en nourriture et en eau, etc. Ce défi réclame des efforts de notre part, comme j’ai pu le préciser plus haut, et cela passera inexorablement par une maîtrise des déchets produits, une gestion durable des forêts tropicales, une limitation de l’utilisation d’engrais azotés en agriculture, une réduction de la consommation d’énergie fossiles et s’orienter vers une mutualisation des transports etc. Je m’arrêterais sur ces quelques exemples. Il y a donc une dimension morale à tout cela. Nous devons faire preuve d’un engagement volontaire car nous sommes responsables de l’avenir de notre planète et l’inaction serait fatale. Il s’agit d’un enjeu de civilisation considérable !

La COP21 doit s’inscrire dans un mouvement structurel de transformation de nos modèles de production et de consommation. Nous devons entrer résolument dans l’ère de l’économie circulaire, “un espoir pour la planète”. Celle-ci est une conception économique qui s’inscrit dans le cadre du développement durable, fondée sur le principe selon lequel les déchets des uns peuvent devenir la matière première des autres. Elle limite la consommation et le gaspillage des matières premières, de l’eau et des sources d’énergie, donc des émissions de CO2.

“Nous devons faire preuve d’engagement volontaire puisque responsables de l’avenir de notre planète et l’inaction serait fatale”

2 - Qu’attendez-vous de la COP 21 ? La France, comme pays hôte de la 21ème Conférence des Parties Membres de la Convention Cadre des Nations Unies sur les changements Climatiques (COP 21), a une responsabilité particulière. Nous nous sommes ainsi engagés à réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030. Le Secrétaire Général des Nations-Unies, Monsieur Ban Ki-Moon a d’ailleurs déclaré à propos de la conférence sur le climat de 2015 : “il n’y aura pas de plan B, parce qu’il n’existe pas de planète B”.

Il s’agira donc de : - recentrer notre politique sur le développement local ; - fixer comme objectifs pour 2050, notamment l’autosuffisance alimentaire, la limitation des importations vers les Départements-Régions d’Outre Mer et Collectivités d’Outre-Mer, la réalisation d’un travail sur les protéines végétales par le biais du jardin créole ; - tendre vers l’autosuffisance énergétique dans les Outre-mer, en Guadeloupe et notamment à Marie-Galante, pour en faire un territoire à énergie positive.

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Je rappellerai par ailleurs la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Elle vise en effet l’autonomie énergétique dans les DROM-COM en 2030, avec comme objectif intermédiaire, 50% d’énergie renouvelable à Mayotte, Réunion, Guyane, Martinique et en Guadeloupe en 2020. J’espère que la COP21 déterminera un cadre structurant entre les différentes parties pour mieux maîtriser les risques liés au changement climatique. Une mobilisation et un engagement financier des États, des organisations et du secteur privé sont incontournables pour la réussite de cet accord universel, sans omettre un partage des solutions. 3 - Quelles sont les principales actions entreprises par les sénateurs dans le cadre de la COP 21 ? Nous travaillons dans la perspective de la COP21 depuis maintenant plusieurs mois. Notre rôle premier, en tant que parlementaire, est de participer au processus législatif et d’alimenter les débats dans l’hémicycle, parmi les membres de la chambre haute. Nous avons donc en tête les différents objectifs et l’ensemble des parlementaires ont présenté des amendements allant en ce sens. À titre d’exemple, plusieurs de mes propositions, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la Croissance verte, ont été adoptées en séance. À titre d’exemple, je vais citer mes amendements relatifs à la recherche, à la biomasse, à la politique des transports dans le cadre de l’insularité et à la géothermie. Ce dernier amendement avait en effet pour but de prévoir la rédaction d’une stratégie nationale de développement de la filière pour les DOM afin d’identifier les moyens à mettre en oeuvre pour la soutenir.

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“Affirmer le rôle déterminant des territoires d’Outre-mer pour la réussite d’un accord mondial ambitieux sur le climat” Par ailleurs, l’économie circulaire reste une des clefs de voûte du processus d’atténuation de l’augmentation de la température. Je vous invite à aller consulter le rapport d’information “changement climatique : solutions territoriales en outre-mer” (http://www.senat.fr/rap/r15-131/r15-131. html) et la résolution “visant à affirmer le rôle déterminant des territoires pour la réussite d’un accord mondial ambitieux sur le climat” (http://www.senat.fr/leg/ppr15-140.html) sur le site du Sénat. 4- Que peut faire un sénateur guadeloupéen sur le réchauffement climatique en Guadeloupe ? Avez-vous déjà pris des initiatives dans ce domaine. Si oui, lesquelles ? Dans le cadre des travaux de la mission sénatoriale, nous avons mené de nombreuses auditions de différents experts, réalisé des déplacements en Guadeloupe et à SaintBarthélemy. À cette occasion, nous avons organisé une table-ronde sur ces problématiques à la Communauté de Communes de Marie-Galante. Cette rencontre réunissait notamment des élus et des professionnels du secteur de tout l’archipel guadeloupéen et a été l’occasion de répondre à de nombreuses interrogations telles que :


- les impacts à attendre du changement climatique sur la biodiversité des Outre-mer, sur la santé et les risques sanitaires autour notamment de la problématique des sargasses, sur les secteurs de la pêche, de l’aquaculture, du tourisme, de l’agriculture, de l’élevage, du forestier, de l’énergie et sur les risques et les aménagements littoraux. - les actions ou pistes d’adaptation envisageables et selon quelles modalités.

“Identifier la préservation et la valorisation des biodiversités ultramarines comme moteur de développement des Outre-mer” Plus globalement, le groupe de travail s’est concentré tout particulièrement sur six thématiques qui s’imposent aux Outremer confrontés au défi de l’adaptation au changement climatique : 1- la gestion de la ressource en eau ; 2- l’adoption d’un modèle agricole plus résilient ; 3- la protection et la mise en valeur de la biodiversité ; 4- la prévention et la gestion des risques ; 5- les énergies renouvelables (solaire, éolienne avec stockage, géothermique, énergie thermique des mers, l’éolien flottant - offshore) ; 6- l’éducation au développement durable. Dans chaque cas, nous nous sommes appuyés sur des réalisations territoriales très concrètes, qui montrent que les Outre-mer ne subissent pas passivement, les dérèglements climatiques. Citons notamment les initiatives autour des énergies renouvelables d’origine solaire ou marine, les recherches en matière de phytopharmacopée, le système de climatisation par

l’utilisation du différentiel de température entre la surface et les profondeurs de l’océan (SWAC), les techniques de dessalement d’eau de mer par osmose inverse grâce à l’énergie solaire, le bouturage du corail, ou encore l’utilisation des micro-algues dans des domaines aussi divers que l’alimentation, la cosmétique, les biocarburants, la production de charbon actif à partir des sargasses, le développement du jardin créole qui permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre, etc. Au coeur de la plupart de ces recherches, projets et réalisations, déjà parvenues au stade industriel, on retrouve la préservation de la biodiversité comme finalité ou le recours aux ressources issues de celle-ci comme levier d’action. Aussi nous avons identifié la question de la préservation et de la valorisation des biodiversités ultramarines, comme source de stimulation de la recherche et de l’innovation contre l’accélération du changement climatique, et comme moteur potentiel de développement des Outre-mer. Il est d’usage de rappeler que les Outre-mer ne doivent pas être les grands oubliés de cette grande conférence internationale car, ils possèdent d’une part 80% de la biodiversité, et d’autre part, une superficie de onze millions trente cinq mille mètres carrés (11.035.000 km2). La France possède, avec l’outre-mer, la deuxième plus grande zone économique exclusive du monde après les Etats-Unis.

J. Cornano

Sénateur de la Guadeloupe Membre de la commission “développement durable, infrastructures, équipement et aménagement du territoire Délégué sénatorial à l’Outre-mer


ENTRETIEN Avec le Docteur Henry Joseph

H

enry Joseph est pharmacien et docteur en Pharmacognosie (science étudiant les principes actifs issus des substances naturelles). Il est engagé depuis plus d’une trentaine d’années dans la valorisation de la biodiversité végétale. Il a donné de nombreuses conférences dont plusieurs en partenariat avec le CAGI. D’ailleurs, il a participé activement au cycle de conférences initié par le CAGI sur le réchauffement climatique. Il a bien voulu nous livrer un entretien sur cette thématique en Guadeloupe. 1 - Que pensez-vous de la situation en Guadeloupe face au réchauffement climatique ? En Guadeloupe, nous marchons sur la tête. Nous sommes sur une île. Or nous vivons dans notre environnement comme si nous étions sur un continent. Nous ne pensons pas correctement notre territoire en terme de “vies”. Nos comportements sont très destructeurs et mettent par la même notre existence en danger. Par exemple, ne serait ce que par les pesticides, les herbicides et nos constructions, nous détruisons notre biodiversité alors qu’elle nous fournit des aliments, des plantes médicinales, des habits, des couleurs et constitue une réserve en cas de problèmes ou d’incidents majeurs.

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2 - Que pourrait-on faire pour changer la tendance ? Il faut que les habitants de la Guadeloupe aient un comportement exemplaire, notamment en matière de développement durable. En effet, nous sommes sur une île, nous devons nous comporter différemment car notre habitat est petit et les répercussions de nos actions sont amplifiées. Nous ne pouvons pas continuer à agir comme si nous étions en France hexagonale. De même, comme nous serons les premiers touchés en cas de réchauffement climatique nous devons donc montrer l’exemple et aller beaucoup plus loin en matière de lutte contre le réchauffement et de politiques d’adaptation. 3 - Selon vous, en ce qui concerne le réchauffement climatique, quels sont les périls qui menacent le plus la Guadeloupe ? L’un des principaux défis que je vois pour nous c’est assurément l’accès à la nourriture. Comme je le rappelle souvent, nous sommes sur une île et la presque totalité de ce que nous mangeons est d’origine végétale. Ainsi en cas de graves catastrophes, les secours ne pourront peut-être pas arriver tout de suite surtout que nous nous situons à plus de 8000 kilomètres de la France. Ainsi en attendant les secours, il faudra se nourrir. Surtout que nous disposons aujourd’hui de technologies hautement sophistiquées de transformation et conservation de nos aliments locaux soit à l’état frais ou sec mais non exploitées.


Comment faire si on ne peut même pas manger une petite figue jaune ou un coco ? C’est ce qui risque de se passer si on continue de tout bétonner et qu’on laisse nos terres agricoles se transformer en parkings, routes, centres commerciaux. Regardez un peu, pas si loin de nous, la partie hollandaise de Saint Martin. Ils ont procédé à une construction effrénée sous prétexte de développer le tourisme mais ils importent 100 % de leur nourriture. Il est bon de rappeler ici que le touriste est de passage et qu’il reviendra aux autochtones d’affronter les différents problèmes. Et impossible de se nourrir d’hôtels ou de routes. On oublie souvent que l‘argent n’est pas comestible. Voilà pourquoi nous devons anticiper et planter au maximum des fruits, des légumes pour ne pas avoir à manquer de nourriture. Cela est d’autant plus important que nous importons plus de 80% de notre alimentation. Notre situation est bien plus grave que l’on imagine car nous avons été mis dans une dépendance alimentaire totale. Or un océan et des milliers de KM nous séparent. Ainsi ce n’est pas parce que l’on appartient à un pays qu’il faut se démunir sous prétexte que l’on viendra à notre secours. En effet, 195 pays lors de la COP 21 de décembre 2015 ont été unanimes pour le dire et qu’il faut bien comprendre que le futur est incertain. La France hexagonale peut se trouver aussi avec de graves catastrophes et être dans l’impossibilité de venir à nous. Que faire alors ?

“Notre situation est bien plus grave que l’on imagine” De même, l’accès à la nourriture doit comprendre une alimentation équilibrée et de qualité. Nous avons besoin pour rester en vie et en bonne santé de vitamines, de protéines, de lipides, de glucides. Or cela ne pourra pas être apporté par la monoculture de cannes et de bananes qui ne sont que des glucides. Seule la richesse de notre biodiversité nous permet d’avoir accès à tous les autres nutriments indispensable à la vie. Nous devons donc diversifier au maximum notre production alimentaire pour se préparer à un avenir très incertain. Voilà pourquoi je prône le fait d’être locavore. C’est-à-dire de manger nos produits locaux et d’encourager une production locale de qualité, diverse et respectueuse de notre nature. 4 - Vos idées sont intéressantes, mais vous semblent-elles possibles à réaliser ? A mon avis, actuellement l’autosuffisance alimentaire est impossible car nous sommes trop dépendants de l’extérieur pour notre alimentation. Toutefois, cela s’explique aussi par le changement de comportement alimentaire qui ressemble de plus en plus à ceux de la France hexagonale. Cela nous a conduits à confondre nos envies et nos besoins essentiels. Par exemple, on peut se dire

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“tiens j’aurais bien bu une boisson sucrée pour accompagner ce repas” mais cette boisson n’est pas un besoin essentiel, c’est une envie. En dépit de tout, je continue à penser que cette autosuffisance alimentaire doit être un objectif à atteindre. Par exemple, si vous partez pour longtemps et vous nous laissez en Guadeloupe avec seulement notre biodiversité il y aura des guadeloupéens en 100 ans encore. A l’inverse, si vous partez et vous nous donnez juste des voitures, des diamants, de l’or, du pétrole et des objets pour vivre alors en quelques jours nous sommes morts. Voilà pourquoi il faut que les sources de nos besoins essentiels (nos protéines, nos vitamines, nos oligo-éléments, lipides, glucides qui se trouvent dans notre biodiversité) soient avant tout sauvegardées. 5 - Quel autre problème voyez-vous en Guadeloupe face au réchauffement climatique ? L’un des autres problèmes est assurément l’accès aux soins. Il faut bien prendre conscience que le dérèglement climatique augmente le risque de maladies émergentes telles que la dengue, le chinkungunya ou le zika qui n’existaient pas avant. Il faudra donc anticiper, et pour cela il faut investir dans la recherche et aller puiser dans notre biodiversité pour trouver des solutions de soins. 6 - Pouvez-vous donner quelques pistes de solutions ? En premier lieu, il faut changer nos comportements d’assistanat en comportement de travail et de partage. Cela serait bon d’imiter la Nature tropicale qui est si abondante et si généreuse !! Alors parlons plutôt de générosité

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de partage, de “L’art d’économiser sans se restreindre” au lieu toujours de parler “de faire des économies” d’argent ou de choses que nous n’avons pas essentiellement besoin. En effet, quand je vois la quantité de mangues, de malaka ou de fruits à pain dans un arbre, essentiel à la vie j’appelle cela la générosité de la Nature. À mon sens, nous devons tout faire pour que cette générosité ne soit plus gaspillée et qu’elle soit véritablement gérée et partagée. Il faut qu’il y existe un travail en retour. Nos parents, nos grands-parents, il n’y a pas si longtemps pratiquaient cela, ils faisaient du troc mais travaillaient beaucoup. Par exemple, je te donne du poisson tu me donnes des malangas. On échangeait l’essentiel tout en assurant nos besoins vitaux.

“Il faut [un] comportement de travail et de partage, aller vers les énergies propres et cesser la deforestation” Pourtant ce mode de vie simple et sain a été dénigré on nous a traité de pauvres, de sousdéveloppés, d’arriérés alors qu’en fait nous étions riches de l’abondance de la nature. De même à cette époque, notre biodiversité était préservée en important peu et n’était pas encore menacée ni détruite comme aujourd’hui où nous importons presque tous. Aujourd’hui nous devons retrouver le comportement de nos grands-parents et créer. Cela devient urgents car depuis des décennies on nous donne beaucoup (RMI ; RSA)… A l’inverse, on ne nous apprend pas à nous débrouiller par nous-mêmes. On nous donne du poisson tout le temps sans nous apprendre à pêcher. Ce comportement sur le long terme est très néfaste.


“J’éduque ma population à une nutrition locale et équilibrée” En second lieu, nous devons aller vers des énergies PROPRES qui utilisent le moins de carbone possible. En allant vers une énergie photonique, hydraulique, géothermique, là où il n’y a pas de carbone. Plus on ira vers cela notamment (géothermies, hydrauliques, vagues) où l’eau intervient, plus on va sauver des vies , la vie est faite d’eau et de lumière . Si vous voulez une image, il nous faut refroidir la planète. La meilleure façon de le faire c’est d’avoir de l’eau, pour pleuvoir et créer du vert et ainsi éviter les incendies. C’est le même processus pour le corps humain. Lorsque l’on a chaud, la sueur refroidit le corps. On devrait donc utiliser les énergies qui font appel à l’eau couplées à celle de la lumière (solaire) à l’image des plantes qui font la photosynthèse (production d’énergie chimique : sucre ) en captant du CO2 ( gaz à effet de serre), en puisant de l ‘eau dans le sol, en captant la lumière du soleil avec les feuilles et surtout en dégageant de l’oxygène , l’air que nous respirons et qui nous maintient en vie , tout est parfaitement propre . En troisième lieu, nous devons cesser la déforestation tout de suite. Nous devons arrêter de détruire les arbres et les plantes. La formation de l’oxygène a pris des milliards d’années. C’est grâce à ce processus que s’est développé la biodiversité animale. Par conséquent, plus on va couper des arbres plus on va libérer du carbone et moins nous aurons de l’oxygène. Tout cela aura de graves conséquences pour nous. C’est pourquoi, je pense que la fin du charbon et du pétrole c’est le plus beau service que l’on peut rendre à la planète.

7 - Que faîtes-vous à votre échelle pour inverser la tendance ? J’éduque ma population à une nutrition locale et équilibrée, j’essaye de m’auto suffire en médicament, c’est pour cela que j’ai créé la compagnie Phytobòkaz. Ma volonté a été de créer des médicaments produits localement. Je fais tout cela en agro-écologie pour respecter la Nature. J’utilise des plantes qui couvrent le sol et fixatrice d’azote et qui apporte des nutriments. Les mots en “ide” tel que pesticide, herbicide sont ainsi bannis de mon exploitation.

Ce que je fais à la place c’est que j’encourage l’utilisation d’insectes prédateurs ou qui rendent services. Par exemple, j’ai des abeilles sauvages qui fécondent les fleurs d’indigo ; elles m’aident, me rendent service, j’ai beaucoup de fleurs qui me donneront beaucoup de graines que j’utiliserai pour faire mes semis après fécondation, cela me permettra ensuite de faire du bleu indigo avec les feuilles. Nous ne devons plus voir le monde en terme de “ide” ( mort ) mais juste en terme de vie (bio) comme biodiversité . De même, la vision de ma société s’inscrit dans une vision locale. Je ne veux pas d’un grand phytobokaz et conquérir la planète. Je préfère plutôt avoir plusieurs sociétés filles qui permettent d’embaucher d’autres chercheurs. Cela permet de mieux respecter la biodiversité et la taille du territoire. “Tou piti bèl tou bolman“, “small is beautiful”.

“Vivre en harmonie avec la nature en la respectant sans que des lois nous y obligent”


8 - pensez-vous qu’il faudrait changer nos rapports avec la nature ? Assurément ! Vous savez, la vie est une musique qui a un début et une fin. La nature a pris des siècles pour construire tout cela et nous on veut la changer souvent la détruire pour nos envies. Nous devrions nous transformer en observateur de la nature et apprendre de cette nature. D’ailleurs je pense que ce qui peut nous sauver c’est le biomimétisme. Par exemple, plusieurs chercheurs s’intéressent au fil d’araignée qui est plus résistant que l’acier. 9 - Quelles devraients -être nos priorités d’action ? L’une de priorités serait de vivre en harmonie avec la nature en la respectant sans que des lois nous y obligent. Pour cela, nous devons être disciplinés et la respecter. En effet, je remarque souvent que lorsque que l’on fait des lois c’est parce que l’homme a maltraité la nature. Et avec la loi on arrive souvent à des absurdités tout en privilégiant les intérêts d’un petit groupe.

biodiversité. Il est à craindre que ce permis bénéficie aux plus grands groupes cosmétiques et pharmaceutiques. Ensuite, il faut penser à l’échelle du territoire et non plus faire comme si nous étions sur un continent. Il faut s’inspirer de ce que l’on est et de ce que l’on a pour se développer. Je pense même, que cela pourrait créer de nombreux emplois tout en réconciliant les guadeloupéens avec leur archipel. Enfin, l’économie devrait être basée sur la notion de partage et de générosité. Par exemple, si on regarde le fruit à pain il n’a pas graines mais ces fruits permettent de nourrir les gens en tout temps. De toute façon nous sommes riches grâce à notre Nature. Selon moi être pauvre c’est de ne pas savoir gérer l’abondance. Ainsi nous pourrions mettre en place des chaînes de froid et permettre l’accès à nos produits locaux aux plus démunis de notre île. Je vous invite donc à être tous des LOCAVORES .

C’est le cas par exemple du projet de loi sur la biodiversité qui instaure un permis pour utiliser les ressources génétiques. Cela peut instaurer des rapports marchands avec notre

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Dr. Henry Joseph

Phytobòkaz


NOTRE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE Choisie (pour le meilleur) ou subie (pour le pire) ?

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a transition énergétique a de multiples définitions ; celle retenue ici est la réduction massive et durable (-5% par an pendant au moins une génération), volontairement ou non, de la quantité d’énergie primaire (tous vecteurs et usages confondus) consommée par personne , actuellement de plus de 60 kWh par jour en moyenne planétaire, et près du double pour la moyenne guadeloupéenne. L’histoire et les réflexions qui vont suivre vont montrer les limites des retours d’expérience volontaire déjà capitalisés et acter la probable nécessité de chocs externes pour nous aider à accomplir dans les temps cette redoutable mais souhaitable transition énergétique. En 2006, un jeune papa, soit disant écolo, a calculé son empreinte écologique (comme çà, juste pour voir)… et il est tombé de haut ! 5 planètes étaient nécessaires pour que l’Humanité d’alors vive comme lui. Pour sa fille de 4 ans, il se devait de trouver une sortie à cette impasse ; il est alors parti en guerre...contre ses gaspillages et conditionnements pour du (plus ou moins) superflu : objectif avoué (mais redouté), réduire méthodiquement cette empreinte de 5% par an

sur les 40 prochaines années pour revenir endeçà de la capacité de charge planétaire. Au sein de son foyer, hébergé en appartement T3 (LLS), chaque personne consommait alors chaque mois (entre autres ) 2 000L d’eau potable, 67 kWh électriques, 90L de gazole routier, et 85% d’aliments importés, notamment carnés, souvent surgelés et pas spécialement de saison ; tout çà pour 323 € par personne. Fin 2011, au sein de son foyer, alors hébergé dans une villa bioclimatique en bois, à énergie positive, avec composteur, chaque personne consommait en moyenne mensuelle (toujours entre autres) 540L d’eau potable, 23 kWh électriques, 45L de sans-plomb 95, 5L de gazole routier, 65% d’aliments importés, moins carnés et plus rarement surgelés, et davantage de produits de terroir, locaux et de saison.A ce régime, sa nouvelle empreinte écologique avait baissé de moitié en 5 ans, et à périmètre équivalent (eau potable, électricité, transport, nourriture...), ne lui coûtait plus que… 227 € par personne et par mois ! (si c’est pas beau, çà ?)

“partir en guerre contre ses gaspillages et conditionnements pour du superflu”

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D’accord, mais avec quelles mesures concrètes ? Eau : double réseau d’adduction avec citerne de 6 500 l récupérant l’eau de pluie pour double WC, lave-linge, vaisselle, ménage, jardin... Électricité : remplacement des ampoules à filament par des LBC et des LED, du chauffeeau électrique par un solaire, des réfrigérateur et congélateur par un combiné classe A+, suppression des veilles par multiprises à interrupteur... Transport : semaine de 4 (au lieu de 5) jours, 2 A/R domicile-travail en autocar par semaine, remplacement de la voiture de 1,5T à moteur 6 cylindres de 2,5L par une de 800 kg à moteur 3 cylindres de 1L, conduite souple (avec un œuf sous le pied droit) 20 km/h moins vite... Nourriture : remplacement progressif des produits à base de blé et pommes de terre par des produits à base de féculents locaux (manioc, patate douce, fruit à pain, banane...), flexitarisme (viandes non indispensables dans les menus) voire végétarisme... Fin 2013, accident de la vie : réorientation professionnelle, séparation, déménagement… et retour en appartement. Fin 2014, avec compostage en pied d’immeuble, chaque personne consommait, en moyenne mensuelle, 1 000 l d’eau potable, 19 kWh électriques, 47L de gazole routier, toujours 65% d’aliments importés, moins carnés et plus rarement surgelés, et pas davantage de produits de terroir, locaux et de saison.

“Il s’agit de nous préparer à mieux gérer les risques et les opportunités à la contrainte carbonne”

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Ainsi, sa nouvelle empreinte écologique s’était au mieux stabilisée, et à périmètre équivalent (eau potable, électricité, transport, nourriture…), ne lui coûtait toujours pas plus cher que… 227 € par personne et par mois. Il n’aurait jamais imaginé pouvoir autant changer d’habitudes (même si la route est encore longue), et n’a qu’une envie : continuer de montrer aux miens qu’un autre monde est possible en pensant global et à long terme pour agir ici et maintenant, et ainsi devenir le changement que nous souhaiterions voir advenir...voilà pour le verre à moitié plein où nous avons (encore) le choix. Cependant, depuis 2004, lorsque le prix du pétrole a dépassé définitivement le seuil des 30 US $ (le prix plafond étant alors devenu du jour au lendemain un prix plancher), un accroissement indéfini de la quantité d’énergie disponible par terrien est de plus en plus improbable, voire irréaliste. Or, les gains de pouvoir d’achat des consommateurs et usagers, depuis des siècles, sont intimement liés à cette quantité d’énergie disponible dont l’augmentation exponentielle depuis deux siècles grâce aux ressources fossiles est aussi hélas la cause d’un dérèglement climatique menaçant d’effondrement au cours de ce siècle la civilisation thermo-industrielle globalisée dont nous bénéficions. Est-ce à dire que notre pouvoir d’achat est définitivement condamné ? Non, car nous pouvons de façon volontaire (même si c’est peu probable), réduire significativement un grand nombre de dépenses liées à des ressources planétaires gaspillées et donc irrémédiablement perdues pour nos enfants.


Parmi celles-ci, la biodiversité des territoires sous responsabilité européenne est concentrée à 80% en Outremer ; notre identité écologique archipélagique tropicale a besoin de temps et d’espace pour pouvoir être transmise aux générations futures. Mais il nous faut donc aussi pour cela planifier, mettre en œuvre, mesurer et évaluer la réduction de notre empreinte carbone. La stabilité et la prévisibilité du climat planétaire depuis quelques millénaires sont aussi des ressources naturelles en péril ; l’ambition affichée (mais encore insuffisante) des PRERURE, SRCAE, PCET et autres initiatives “Agir +” d’EDF Archipel Guadeloupe, est d’atténuer le dérèglement climatique en tentant de réduire les émissions de GES. Cette ambition ne pourra réellement aboutir que si nous parvenons à démontrer que l’optimisation de notre empreinte écologique et de nos dépenses contraintes est une des clés incontournables de la compétitivité de demain qui est d’anticiper la sobriété pour ne pas subir les pénuries et mieux partager.

Les discours (et surtout les actes) jusqu’à ce jour tenus sur ces sujets paraissent ancestraux par rapport à la rapidité de la dégradation de notre environnement et aux changements des modes de consommation. Les derniers rapports d’évaluation du GIEC (septembre 2013, mars et avril 2014) et d’agences environnementales tant européennes qu’américaines convergent plus que jamais pour réclamer un changement de cap urgent, profond et durable des modes de production et de consommation...Nous devons, tant qu’il en est encore temps, mettre l’accent sur l’apprentissage de l’écocitoyenneté et de tous les avantages collatéraux de la sobriété heureuse auprès de nos populations. Mais le temps presse : avan twota baré nou, fò pa nou lésé pwoblèm la bòksé adan on pli gro katégori ki tan nou… voilà pour le verre à moitié vide que nous risquons fort de subir.

Ce serait même une faute morale, voire de la non assistance à personnes en danger, de reporter encore la nécessaire et urgente prise de conscience collective que nous vivons au-dessus de nos moyens écologiques et que nous sommes en train de scier la branche sur laquelle non seulement nous mais surtout nos enfants sont assis...alors que des solutions existent pour sortir de cette impasse écologique et économique. Il s’agit d’orienter nos actions sur l’éducation à l’environnement et au développement durable pour tous mais aussi de nous préparer individuellement et collectivement à mieux gérer les risques et les opportunités liés à la contrainte carbone.

Choisie pour l’avenir…

Dr J. Flower

PhD ecology Directeur, attaché scientifique CBIG Fleur de carbone SARL


LE CAGI S’EXPORTE En République Dominicaine

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ans le cadre d’un partenariat avec la fondation dominicaine IGLOBAL (Instituto Global de Altos Estudios en Ciencias sociales), trois enseignants de l’Université des Antilles ont été sollicités pour donner des cours pour le diplôme “El Caribe y el desafío de la globalización”. Ainsi le professeur Fred Reno a donné un cours de 12H sur la coopération et l’intégration régionale. Sainte-Croix Rauzduel (MCF) a enseigné un cours de 12H sur les Caraïbes dans la mondialisation. Enfin, Paméla Obertan a donné un cours de 10H sur le développement durable et les défis du changement climatique pour les pays de la Caraïbe. Ces échanges se sont très bien passés et il est fort probable que cette expérience très enrichissante des deux côtés continue dans les années à venir.

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CONFÉRENCE À CUBA Sur le changement climatique

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u 7 au 11 décembre 2015 s’est tenue à l’université de la Havane la IXème conférence internationale des études caribéennes. Cette année la manifestation était consacrée au changement climatique dans la Caraïbe et singulièrement aux politiques d’adaptation et de résilience face aux dangers provoqués par ce phénomène dont les effets sont déjà manifestes dans la Caraïbe. La Conférence a réuni de nombreux chercheurs de la Caraïbe ainsi que des représentations d’organisations régionales comme le CARICOM et L’AEC. La présence du secrétaire général de l’AEC et son discours inaugural sur les défis du changement climatique dans la Grande Caraïbe, témoignent de l’intérêt que suscite dans notre région cette question.

L’état des lieux et les politiques mises en œuvre pour contrer les dommages du changement climatique sur la nature, l’activité économique et sur le développement durable ont été les thématiques dominantes de cette manifestation. Le tourisme qui est , à n’en pas douter, la ressource la plus importante pour l’ensemble des pays de la Caraïbe a fait l’objet d’une attention particulière. En marge de ces débats, une table-ronde a réuni plusieurs spécialistes des relations internationales et de la coopération régionale sur l’évolution des relations diplomatiques entre les Etats-Unis et Cuba. Le CAGI était présent à cette conférence internationale. Nous avons exposé la situation de la Guadeloupe et de la Martinique quant aux effets perceptibles du réchauffement climatique et avons également présenté les politiques de lutte qui étaient envisagées au plan local. Un des constats partagés par l’ensemble des délégations est la faible implication des populations dans les actions initiées par les autorités locales. Il est donc impératif de coopérer sur les formes originales de mobilisation contre le dérèglement climatique. Plusieurs pistes ont été dessinées à l’issu de cette conférence.

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DOCUMENT GRATUIT, NE PAS JETER CONCEPTION : FACEBOOK.COM/K2ONARTS - FACEBOOK.COM/SUGAWCOM - PRÉSENT SUR LE CAMPUS DE FOUILLOLE., LE CAGI EST LE POLE GUADELOUPE DU CENTRE DE RECHERCHE SUR LES POUVOIRS LOCAUX DANS LA CARAÏBE CNRS UMR 8053

SCIENCE POLITIQUE À LʼUNIVERSITÉ EN GUADELOUPE LA SCIENCE POLITIQUE AU CAGI

ADMINISTRATION PUBLIQUE COOPÉRATION INTERNATIONALE, GESTION DE PROJET, ORGANISATIONS ET INSTITUTIONS, POLITIQUES PUBLIQUES,

LE CENTRE DʼANALYSE GÉOPOLITIQUE ET INTERNATIONALE, CʼEST : UNE ÉQUIPE DE QUALITÉ Dynamique et pluridisciplinaire, formée d’universitaires et acteurs de terrain UN CURSUS COMPLET De la licence au doctorat DES DÉBOUCHÉS VARIÉS Des organisations privées à la fontion publique DES PARTENAIRES DE CHOIX Dans la caraïbe et le monde entier

DES PROJETS ET STAGES PORTEURS ET INTERNATIONAUX !

PARTICIPEZ AUX ACTIVITÉS DU LABORATOIRE RÉALISEZ VOTRE PROJET PROFESSIONNEL APRÈS LEUR PASSAGE AU CAGI…

AXELLE, ELOI, directrice d’un service chargé de cours à dans une collectivité l’Université des Antilles

GILLES, cadre d’une ONG et consultant à Haïti

PORTES OUVERTES

LES ABYMES Miquel

POUR RENCONTRER LʼÉQUIPE ET LES ÉTUDIANTS

CRIJ

ROND POINT MIQUEL

POINTE À PITRE

LE 11 MAI DE 9-12H

ESPE

é Rue Félix Ébou

CONTACT : CAGI97110@GMAIL.COM - 05 90 83 48 47 - FACEBOOK.COM/CAGI971


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