La lettre du cagi Hors Série n°3 mai 2015 La transition départementale

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ETTRE LLETTRE

U DDU

AGI CCAGI Centre d’Analyse Géopolitique et Internationale Rond-Point Miquel Cagi971@orange.fr +590-590-83-4847

UMR 8053

LA TRANSITION DÉPARTEMENTALE

HORS-SÉRIE N°3 Mai 2015


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SOMMAIRE 2 - Edito 4 - Retour sur certains aspects historiques des conseils “départementaux” 6 - La loi relative à la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) 11 - Un document historique à consulter 12 - Elections départementales 15 - Éléments d’analyse du scrutin départemental 21 - Parité et “injustice démocratique” 24 - Entretien avec Pierre Reinette, Ancien DGS du Conseil Régional de la Guadeloupe 26 - Évolution statutaire ou institutionnelle en Guadeloupe, le mythe de Sisyphe 27 - La mise en place de la collectivité territoriale de Martinique 29 - La collectivité territoriale de Guyane 32 - La mise en place de la collectivité territoriale de Guyane DIRECTRICE DE PUBLICATION C. Mence-Caster • RÉDACTEUR EN CHEF F. Reno • SECRÉTAIRES DE RÉDACTION A. Petit et A. Sorin

ÉDITO

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e numéro spécial de la Lettre du CAGI n’a d’autres ambitions que de proposer une grille de lecture et un cadre de réflexion sur la question départementale dans les outre-mer à la lumière des dernières élections. En effet, les élections sont toujours un moment important de la vie politique d’un pays. Un moment privilégié pour l’observation et l’analyse politiques. Si elles expriment l’état de l’opinion et la nature des rapports de force politique, elles doivent être appréhendées dans une double perspective. Une perspective historique permettant de mettre en évidence les constantes, les évolutions et les fractures du paysage politique. Une perspective prospective destinée à saisir les stratégies et anticiper les mouvements qui se dessinent dans l’espace politique.

Les élections sont de ce fait l’un des principaux paramètres qui concourent à la structuration de la culture politique d’une communauté évoluant dans un espace démocratique.

Les élections sont un des principaux paramètres de la structuration de la culture politique Les élections départementales des 22 et 29 mars et du 02 avril 2015 en Guadeloupe n’échappent pas à la règle. Le conseil départemental n’a certes pas le poids politique du conseil général colonial des sénatus-consulte de 1854 et 1866. Il est l’héritier direct du conseil général sculpté par la loi de départementalisation du 19 mars 1946. Le Département et son Assemblée font-ils toujours aussi recette ?

Quelle perception en a l’opinion guadeloupéenne ? Il s’avère intéressant de s’attarder sur une enquête conduite, sous forme de réunion de partage par QUALISTAT en février 2015 avec un panel de personnes relativement jeunes. A la question d’imaginer les assemblées comme un lieu de fête comment définirez-vous les différentes collectivités, la réponse a été hautement expressive. Pour ces personnes, le Conseil Général / Départemental accueillerait un bal de quadrille, tandis que la Mairie serait le lieu d’un bal populaire et le Conseil régional le théâtre d’une réception sur invitation réservée à l’élite. Ces réponses avec toutes les réserves qu’imposent la rigueur scientifique, donnaient une image peut-être caricaturale mais très certainement tendancielle de l’opinion.


3 J. Merion, Membre du CAGI Elles fournissaient une indication sur l’intérêt que pouvait porter l’opinion à cette élection survenant dans un contexte de crise économique, de crise sociale et surtout de crise de confiance et de défiance vis-à-vis des Hommes politiques. Comment cela allait-il se traduire dans les urnes ? Alors que la Guyane et la Martinique étaient absentes à ce rendez-vous électoral, après avoir approuvé en janvier 2010 la transformation du Département et de la Région en Collectivité Unique, la Guadeloupe bien plantée dans le Droit commun allait-elle marcher à l’unissons de l’Hexagone ? La problématique institutionnelle a été, quoiqu’en disent certains, un des déterminants de la distribution des forces politiques sur l’échiquier politique guadeloupéen. Elle a été l’un des points d’achoppement entre le GUSR et la

Fédération Guadeloupéenne du Parti Socialiste Français. A-t-elle influencé les choix politique ? Quel en sera le devenir ? Cette élection se situant juste 12 mois après les Municipales de mars 2014 et précédant de 9 mois les Régionales de décembre 2015 pouvait être considéré comme une séquence politique de transition. Elles subissaient l’effet d’entrainement des premières et constituaient une mise en place des armées politiques pour les secondes, voire aussi pour les Sénatoriales. Les stratégies construites pour conquérir un pan du pouvoir local et conserver l’autre pan ont-elles fonctionnées ? Les vainqueurs d’aujourd’hui seront-ils ceux de demain ?


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RETOUR SUR CERTAINS ASPECTS HISTORIQUES DES CONSEILS “DÉPÂRTEMENTAUX”

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onseil “départemental” ! Un tel changement d’appellation paraît s’inscrire dans l’ordre des choses plusieurs décennies après la consécration de celle de conseil “général” qui insistait sur la centralité de cet échelon administratif créé dans les premiers temps de la Révolution. Avec l’article 1er de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, le département s’est trouvé ramené par ce biais à ce qu’il est progressivement devenu en tant que collectivité territoriale, à savoir l’une des feuilles de l’éventail des autorités décentralisées qui n’a cessé de se complexifier depuis l’”Acte I” de la décentralisation. Pour autant, il peut être utile d’apporter l’éclairage de l’histoire sur ces départements dont le

devenir apparaît aujourd’hui incertain, et ce depuis les origines des notions de conseil “général” et “départemental”, jusqu’à la singularité des liens qu’ils entretiennent avec l’État central et qui semblent interroger sur leur maintien.

Un souci du Gouvernement de faire évoluer les appellations héritées de la loi de 1871 Les travaux préparatoires à la loi de 2013 font état, dès le stade du projet initialement déposé sur le bureau du Sénat, d’un souci du Gouvernement de faire évoluer les appellations héritées de la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux. Cependant cette loi, venue moderniser l’institution départementale, doit surtout être regardée comme le premier texte républicain ayant donné une assise à des notions – “conseil général”

et “conseillers généraux” – créées soixante-douze ans plus tôt par la loi consulaire du 28 pluviôse an VIII concernant la division du territoire français et l’administration. La réalité juridique est d’ailleurs plus compliquée, puisque le Consulat peut être regardé sur le plan constitutionnel comme un régime républicain – Art. 1er de la Constitution du 22 frimaire an VIII : “La République française est une et indivisible” –, tandis que, à l’inverse, il a fallu attendre les trois lois constitutionnelles de 1875 pour que la IIIe République proclamée au lendemain de la chute du Second Empire cesse de reposer sur une base simplement législative. Au demeurant, le choix du législateur de 2013 n’est pas sans rappeler l’appellation de “conseil de département” en vigueur pendant les principales années de la Ire République (1792-1799), mais qui était née…sous la Monarchie constitutionnelle avec la loi du 22 décembre 1789 relative à la constitution des assemblées primaires et des assemblées administratives.

Au-delà des débats sur les origines de l’appellation de “conseil général”, le passage à celle de “conseil départemental” questionne plus précisément sur le futur des départements au regard de leurs relations singulières avec le triptyque national “Juridictionnel, Exécutif, Législatif”, dont ils ont historiquement constitué le pendant au niveau local. Réalité passée, les départements, échelon déconcentré, ont été pendant près de cent trente ans le ressort territorial des “conseils de préfecture”, que la loi du 28 pluviôse an VIII avait établi au côté des “conseils généraux”. Ces juridictions d’attribution, présidées par le préfet et chargées de connaître des litiges s’élevant en matière de travaux publics, bénéficièrent du passage à la justice administrative déléguée avec la loi du 24 mai 1872, qui fit du Conseil d’État la juridiction suprême de l’ordre administratif. Elles furent par la suite remplacées par les conseils de préfecture interdépartementaux, avec


5 O. Pluen, MCF en Droit à l’UAG, membre du CAGI le décret-loi du 6 septembre 1926, puis par les actuels tribunaux administratifs, avec la réforme du 30 septembre 1953, juridictions de droit commun au nombre de quarante-deux et dont l’inamovibilité des membres a été étendue à l’ensemble de leurs missions en 2012.

Les départements demeurent l’échelon par excellence de la déconcentration Réalité persistante mais néanmoins nuancée, les départements demeurent l’échelon par excellence de la déconcentration auquel donne toujours corps l’article 72 alinéa 6 de la Constitution de la Ve République selon lequel : ”Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle

administratif et du respect des lois”. Mais les préfets ne sont plus depuis la loi de décentralisation du 2 mars 1982 (Acte I) les exécutifs des “conseils généraux” de départements devenus des collectivités territoriales dès 1838, ni les “délégué(s) du Gouvernement” depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 (Acte II). Et, bien que les préfets demeurent nommés à “la décision du Gouvernement”, moins exacte apparaît aujourd’hui l’affirmation du ministre de l’intérieur qui fut chargé de défendre la loi de pluviôse an VIII devant le Corps législatif : “Le préfet, essentiellement occupé de l’exécution, transmet les ordres au sous-préfet, celui-ci aux maires des villes, bourgs et villages ; de manière que la chaîne d’exécution descend sans interruption du ministre à l’administré, et transmet la loi et les ordres du gouvernement jusqu’aux dernières ramifications de l’ordre social avec la rapidité du fluide électrique”. Réalité oubliée mais toujours d’actualité, les départements, échelon décentralisé, se sont vus confier, par

la loi “Tréveneuc” du 22 février 1872 relative au rôle éventuel des conseils généraux dans des circonstances exceptionnelles, la mission de pallier “l’absence de l’Assemblée nationale ou celles qui lui succéderont” dans l’hypothèse où elles viendraient à “être illégalement dissoutes ou empêchées de se réunir”. Texte surprenant qui revenait, sous une IIIe République jacobine et moins d’un an après les évènements de la Commune, à ériger les “conseils généraux” eux-mêmes en garants du maintien de la légalité républicaine en cas de menace pesant sur celle-ci. Une assemblée composée de deux délégués élus par chaque conseil général serait, en vertu de l’article 4 de cette loi, conduite à pourvoir “provisoirement à l’administration générale du pays” et à “prendre, pour toute la France, les mesures urgentes que nécessite le maintien de l’ordre et spécialement celles qui ont pour objet de rendre à l’Assemblée nationale la plénitude son indépendance et l’exercice de ses droits”. Conformément à l’article 1er de la loi de

2013, l’appellation de “conseil général” a été remplacée dans la “Loi Tréveneuc” par celle de “conseil départemental”. Or, dans le contexte des dernières élections départementales qui ont vu le Front National réunir un nombre de suffrage important, mais dont l’impact a finalement été amoindri par rapport aux élections européennes du fait de l’application du scrutin majoritaire, deux questions se posent : fallait-il uniquement voir dans cette échéance une élection locale relative à un échelon décentralisé et déconcentré en déclin ? ; et la République gagnerait-elle à voir cette compétence exceptionnelle transférée à des régions dont les membres du “conseil régional” sont élus au scrutin proportionnel, même corrigé par un mécanisme de prime majoritaire ?


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LOI NOTRe : Le conseil départemental devra définir un nouveau contrat social

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ux régions l’économie, aux départements la solidarité, au bloc communal les services de proximité” Les députés ont achevé, le 5 mars 2015, la discussion en première lecture du projet de loi relatif à la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) et l’ont adopté le 10 mars par 306 voix contre 238. Le texte a été discuté en seconde lecture au Sénat fin avril pour une adoption définitive avant l’été. Il s’inscrit dans le prolongement de la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 et la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite “loi MAPAM” ou “loi MAPTAM”, constituant le troisième volet de la réforme des territoires, après la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation

des métropoles et le projet de loi relatif à la délimitation des régions. I - Les effets de la loi NOTRe sur la conduite des politiques publiques 13 milliards d’euros d’économies imposées aux collectivités ! Le projet de loi sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) intervient dans un contexte particulièrement contraint pour les collectivités avec la réduction, à l’horizon de 2017, des enveloppes annuelles de concours de l’Etat aux collectivités à hauteur de 12,5 milliards d’euros (par rapport à l’année 2013). Même si la réforme de l’organisation territoriale ne saurait se réduire à un simple objectif de rationalisation administrative et d’économies budgétaires, les contraintes financières seront très structurantes sur les nouveaux mandats locaux et les évolutions institutionnelles et vont impacter les projets de mandature.

A - La réduction des dépenses publiques, un objectif gouvernemental intangible Hollande-Sarkozy, même combat ! La feuille de route élaborée par le gouvernement du président François Hollande est limpide. Elle comporte des objectifs similaires à ceux qui sont évoqués dans la réforme des collectivités territoriales. Ces mesures ne tranchent en rien avec les recommandations élaborées sous la présidence de Nicolas Sarkozy. On y retrouve la même volonté de simplification de l’organisation territoriale, la mutualisation de moyens aux différentes échelles, les capacités de coordination renforcées entre niveaux de collectivités, la réorganisation des services déconcentrés de l’Etat, l’identification des priorités stratégiques dans les politiques publiques et les choix d’investissement, réduction des surcoûts (normes techniques, etc.) imposés aux politiques locales depuis plusieurs années.


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Ainsi définis les objectifs poursuivis par ce texte nous invitent à nous poser un certain nombre de questions. Car, les mêmes causes produisant les mêmes effets, des conséquences importantes sont à prévoir sur la gestion des collectivités locales, ceci alors même que la demande sociale ne cesse de croître. En effet, il est fondamental d’engager des réformes permettant d’accroître le degré d’efficience des politiques publiques sans dégrader le niveau de service rendu. Un risque réel existe de voir des services publics essentiels ainsi que l’effort d’investissement des collectivités devenir les principales variables d’ajustement des arbitrages budgétaires, faute de disposer d’une organisation territoriale adéquate et de capacités d’optimisation dans des délais contraints. Comment faire pour répondre à la demande sociale sans accroître le montant des dépenses publiques? L’action des élus va t-elle se

réduire à gérer la misère sociale? Dans une région mono-départementale, comme la Guadeloupe, qui subit une forte crise économique avec un taux de chômage record, l’application de cette réforme ne se fera pas sans heurts. B - En Guadeloupe, des conséquences sur l’organisation territoriale. A l’horizon 2020-2025, le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a pour objet de proposer une nouvelle organisation territoriale de la République en substituant à la clause de compétence générale “des compétences précises confiées par la loi à un niveau de collectivité”. A l’évidence cela ne sera pas sans conséquences sur l’organisation institutionnelle d’une région monodépartementale comme la Guadeloupe. En Guadeloupe, la réalité budgétaire des collectivités publiques et le niveau d’endettement de l’Etat va très

certainement rattraper l’ambition des politiques. Dans ce contexte économique, comment financer sur le même POI (programme opérationnel d’investissement) l’usine de traitement multi-filières, le tramway, le plan de déplacement urbain, le réseau d’eau et d’assainissement, la remise aux normes parasismiques des écoles et des lycées, les rénovations urbaines de Pointe-Pitre et des Abymes, etc? À ce stade, une autre question reste posée. Quel avenir pour le Département?

Initialement, la réforme territoriale devait en finir avec le “mille-feuille territorial” : le gouvernement comptait simplifier l’organisation de la France, partagée entre 36.000 communes, des départements, des régions, des intercommunalités, des métropoles… L’objectif était de rendre l’ensemble plus clair. Une première étape a été franchie à la fin de l’année 2014, avec la création de 13 grandes régions (au lieu de 22 plus petites). La deuxième étape devait être la suppression des départements. Mais, sous l’impulsion des radicaux de gauche et des élus ruraux, le projet a été retiré.


8 Quelles compétences pour les départements ? Ils garderont la gestion des collèges et de la voirie. Ils pourront également accompagner financièrement des filières agricoles locales dans le cadre d’une convention avec la région. Les départements gardent également la possibilité d’intervenir dans le domaine du développement économique jusqu’au 31 décembre 2016. Cette compétence sera ensuite gérée par les nouvelles régions. Les lois Deferre engagées en 1981 reposaient sur l’absence de tutelle d’une collectivité sur une autre et consacraient le principe d’autonomie, depuis l’esprit de la décentralisation a bien évolué et consacre l’autorité supérieure de la collectivité régionale. II - Une tutelle de fait exercée par la collectivité régionale Autre point clef du texte, les régions ont désormais “ les pleins pouvoirs “ en terme de développement économique.

Ainsi, les régions agrandies, renforcées et dotées de ces nouveaux outils, sont une nouvelle “ force de frappe “ capable de se hisser au niveau des autres grandes régions européennes. Comme l’y invite la communauté européenne, l’objectif principal du législateur français est de former des régions françaises qui ressemblent aux Länder de la République fédérale d’Allemagne.

La Région risque d’exercer de fait une tutelle sur les autres collectivités territoriales A - Le renforcement des responsabilités régionales Même si la loi, n’est pas encore pleinement adoptée, la Région risque d’exercer de fait une tutelle sur les autres collectivités territoriales. Pour autant le conseil départemental continuera d’exercer des compétences importantes. En fait, c’est la commune

qui semble souffrir de la montée en puissance confirmée par la loi, des Intercommunalités. Le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat comporte 6 titres et 37 articles. Le titre Ier (articles 1er à 13) est consacré au renforcement des responsabilités régionales et à l’évolution de la carte des régions avec pour objectif le développement équilibré des territoires. Parmi les mesures de ce titre figurent : - la définition des compétences de la région aux domaines expressément prévus par la loi (logement et habitat, politique de la ville et de la rénovation urbaine) et garantit l’exercice du pouvoir règlementaire des régions dans ces domaines (article 1er) ; - la compétence de la région en matière économique (article 2), pour définir les régimes d’aides aux entreprises (article 3) ainsi qu’un renforcement de son rôle en matière de transports (article 8), pour la gestion de la voirie départementale (article 9), pour les collèges (article 12) ; - la qualité de chef de file confiée à la

région en matière de tourisme (article 4) ; - la mise en place d’un plan régional de prévention et de gestion des déchets (article 5) et d’un schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (article 6) ; Le titre II (articles 14 à 23) prévoit la rationalisation de l’organisation territoriale et vise à faciliter le regroupement de collectivités, notamment en : - proposant une nouvelle orientation de la rationalisation de la carte intercommunale (article 14); - prévoyant un nouveau dispositif de rattachement des communes qui se trouveraient en situation d’isolement ou de discontinuité avec leur établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (article 17) ; - renforçant le bloc des compétences obligatoires des communautés de communes (article 18) - complétant le champ des compétences nécessaires aux communautés de communes (article 19) et des communautés de communes (article 20)


9 pour être éligibles à une bonification de la dotation globale de fonctionnement. Le titre III (articles 24 à 29) vise à garantir la solidarité et l’égalité des territoires par diverses mesures, dont : - la compétence principale du département en matière de solidarité sociale et territoriale (article 24) ; - une compétence partagée pour les domaines de la culture, du sport et du tourisme avec la création de guichets uniques (article 28). Le titre IV (articles 30 à 34) vise à améliorer la transparence et la responsabilité financières des collectivités territoriales, par : - la participation des collectivités territoriales au paiement des amendes résultant de la reconnaissance de manquements de la France à ses obligations nées de l’application du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne lorsque ce manquement est constaté dans le cadre de l’exercice d’une compétence décentralisée (article 33) ; - la création d’un observatoire de la gestion publique locale (article 34).

B - “Une contestation du leadership régional” La région est seule compétente pour décider des interventions économiques sur son territoire. Elle détient le monopole des aides directes aux entreprises. Elle dispose d’un schéma régional prescriptif de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. Ces trois orientations gouvernementales ont été arrêtées par les députés. Les communes, leurs groupements et les départements pourront cependant continuer à agir si la région veut bien conventionner avec eux. Par ailleurs, la mise en place du schéma de développement économique, d’innovation et d’internationalisation a été reportée d’un an supplémentaire, jusqu’au 31 décembre 2016. Une résistance contre l’hégémonie de la collectivité régionale s’organise au sein des communes rurales, mais également à l’intérieur de la Haute assemblée.

- Le rôle du Sénat Déposé au Sénat le 18 juin 2014, chambre haute, qui représente les collectivités territoriales, a adopté le 27 janvier le projet de loi, non sans l’amender profondément: les départements en ressortent renforcés sur les solidarités sociales et territoriales, tandis que les régions ont vu fondre les transferts de compétences en leur faveur, tout comme leur pouvoir d’imposer des schémas prescriptifs. Le 5 décembre 2014, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour son examen par le Parlement. Le 10 mars 2015, les députés ont adopté en première lecture, le dernier volet de la réforme territoriale. Ils ont particulièrement renforcé les compétences des intercommunalités. L’examen a été aussi marqué par l’abandon du transfert des routes départementales aux régions. La disparition programmée du conseil général à l’horizon 2020, a fragilisé l’institution et on aurait pu penser qu’il s’agissait là de la collectivité qui avait le plus à perdre à l’occasion de

cette nouvelle réforme. En fait, à l’issue du vote, le 10 mars, en première lecture à l’Assemblée, c’est surtout la commune, collectivité locale de base qui paraît menacée. D’ailleurs certains élus organisent la résistance autour du projet de loi qui “mettrait en danger l’avenir et l’existence des communes”. - La résistance des communes rurales. Les intercommunalités passeront de 5 000 à 20 000 habitants et seront organisées autour de bassins de vie, la dotation globale de fonctionnement (DGF) qui sera versée directement aux Etablissements Publics de Coopération Intercommunale, le transfert des PLU vers l’intercommunalité, l’élection au suffrage universel des conseillers communautaires. L’Association des maires ruraux (AMRF) dénonce ”ce rapport qui a terme conduirait à la désintégration des communes membres et l’éloignement des citoyens des centres de décisions”.


10 T. Bernadotte, Collaborateur parlementaire du Député Ary CHALUS En guise de conclusion En Guadeloupe, le conseil général consacre plus 60% de son budget aux financements des transferts sociaux; revenu de solidarité active, aides aux personnes âgées, aides à l’amélioration de l’habitat, aides aux personnes handicapées, financement des chantiers d’insertion, aides alimentaire, aides à la parentalité.... Le financement de l’action sociale laisse une faible marge pour investir véritablement dans l’économie locale. La dégradation du marché de l’emploi, l’augmentation du nombre d’entreprises liquidées, l’augmentation du nombre de chômeurs et de bénéficiaires du RSA ne font qu’accentuer cette tendance. Demain, si l’action sociale demeure au cœur de la politique départementale, la solidarité sera plus active. Parce que les moyens financiers se font rares, le social d’hier ne saurait être celui de demain. Etre solidaire, c’est accompagner en insufflant aux nouvelles générations l’esprit d’initiative.

“Réduire de moitié le nombre de régions dans l’Hexagone, introduire une nouvelle carte intercommunale, supprimer la clause de compétence générale pour plus d’efficacité et de simplification, débattre de l’avenir des conseils départementaux afin d’envisager leur suppression d’ici 2021”. On pourrait ainsi résumer les principaux objectifs poursuivis par le gouvernement. Les nouveaux élus auront la lourde tâche de faire vivre cette réforme territoriale qui sera bientôt mise en œuvre. De profondes adaptations seront nécessaires pour bien exercer les compétences du conseil départemental. Compte tenu des nouvelles attributions du conseil régional, notamment dans la gestion des fonds européens, le département devra s’il veut continuer à “exister” agir en bonne intelligence, cela suppose donc une très grande concertation avec la région. Si cette cohésion territoriale s’exerce au profit du développement économique et de l’aménagement des territoires, on ne peut que s’en réjouir....


11 UN DOCUMENT HISTORIQUE À CONSULTER “Le manuel du conseiller général des colonies” d’Achille René-Boisneuf J-P. Sainton, Professeur en Histoire à l’UAG, directeur du DPLSH de Camp Jacob

À

l’heure des élections départementales et de l’agonie longue mais programmée de la fin de l’institution départementale, un document historique aujourd’hui méconnu, est intéressant à rappeler à la mémoire. Le Manuel du conseiller général des colonies ; les assemblées coloniales, conseils généraux, conseils coloniaux, paru en 1922 aux Editions Larose1 est le seul ouvrage présentant l’ensemble des textes réglementant à cette date l’institution départementale dans les vieilles colonies. Son auteur, Achille René-Boisneuf était aux lendemains de la Première Guerre Mondiale l’homme fort de la politique guadeloupéenne, député, Président du Conseil Général

et maire de Pointe-à-Pitre. Plus qu’une somme documentaire ayant valeur de source de première main sur les textes régissant le Conseil général d’avant la rupture de la départementalisation (1946) puis de la décentralisation (1982) , l’ouvrage est une analyse très fine des conditions encadrant l’action politique dans les vieillies colonies et un plaidoyer pour que les responsables politiques en poste utilisent toutes les possibilités pour aménager “nos petites démocraties coloniales” pour reprendre le mot de Boisneuf. C’est sans doute là que réside tout l’intérêt de ce document. L’auteur, Achille René-Boisneuf n’est pas seulement une forte personnalité politique dont l’action marqua toute la vie politique de la période d’entrée des nègres en politique (années 1890-

1900) à celle des années 1920, il fut également un penseur, le premier sans doute, à vouloir pour la Guadeloupe une émancipation et une capacité de gestion autonome, fondée sur un droit à inventer (ou adapter) et une capacité réglementaire large. Privilégiant le pouvoir de l’assemblée locale jusqu’à vouloir l’ériger en “petit parlement” contre le pouvoir du gouverneur, représentant du pouvoir colonial central . En cela, Achille RenéBoisneuf, a été un des rares politiques guadeloupéens, avant Rosan Girard, à être en rupture avec l’assimilationnisme institutionnel et être un précurseur de l’autonomisme, meme s’il ne peut être considéré comme nationaliste. 1 - L’ouvrage original est consultable sous forme numérisé dans le bibliothèque Manioc de la BU- UAG


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ELECTIONS DÉPARTEMENTALES : Mode d’emploi ! Une campagne d’information inédite

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e mémoire de spécialiste de la communication publique, jamais consultation électorale n’avait fait l’objet d’une campagne de communication pédagogique d’une telle envergure. Il faut dire que les enjeux étaient de taille, s’agissant d’une consultation dont tous les observateurs s’accordaient à considérer que les conditions et le contexte d’organisation auguraient d’emblée d’une forte démobilisation de l’électorat guadeloupéen en raison de plusieurs facteurs conjugués : En tout premier lieu, les atermoiements gouvernementaux dans la définition du calendrier électoral de 2015 entre les régionales et les départementales, dont il a d’ailleurs été dans un premier temps question qu’elles se tiennent de façon concomitante en fin d’année.

Puis, la nouveauté et la complexité d’un mode de scrutin auquel les électeurs n’étaient pas préparés, passant du scrutin uninominal au scrutin binominal et donc, en comptant les candidats remplaçants, de deux à quatre noms figurant sur le même bulletin de vote, pour intégrer la nouvelle donne de la parité homme-femme.

21 nouveaux cantons dont la configuration ne recoupant pas les habitudes des électeurs Ensuite, l’incongruité d’un découpage électoral faisant émerger 21 nouveaux cantons dont la configuration ne recoupait que très rarement les habitudes de vie des électeurs, qui était le plus souvent en inadéquation avec le schéma départemental de coopération intercommunale, et qui allait parfois à l’encontre du bon sens avec des

communes, des sections voire même des quartiers relevant de deux cantons distincts, alors même que les électeurs étaient sensés se rendre dans leurs bureaux de vote habituels. Dans le même ordre d’idées, l’absence de claire définition des compétences relevant du périmètre de la collectivité départementale à la faveur du débat parlementaire, non achevé au moment du scrutin, sur la loi relative à la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTR), et le sentiment d’un vote peu utile s’agissant d’un échelon administratif dont de nombreux observateurs et leaders d’opinion prédisaient la disparition à l’horizon 2021. Enfin, la défiance de l’opinion publique envers la classe politique, renforcée ces derniers mois par la perception de sa relative incapacité à mener à bien des politiques publiques fondamentales pour la vie quotidienne des citoyens,


13 même lorsqu’il ne s’agissait pas de domaines relevant directement de la compétence du Conseil Général, à l’instar de la question de l’approvisionnement en eau potable.

59% observés en moyenne lorsque les cantonales étaient organisées isolément et 52% lorsqu’elles l’étaient en même temps que les élections municipales.

Au surplus, la non concomitance de l’organisation de ce scrutin avec les élections municipales, comme c’était auparavant le cas une fois sur deux lors du renouvellement triennal par moitié de l’ancienne assemblée départementale, la privait de l’effet d’entrainement mobilisateur.

Dans un contexte où le Gouvernement n’était pas en mesure d’initier une campagne pédagogique d’envergure déclinée dans chaque département, ce sont donc les collectivités elles mêmes qui ont pris l’initiative, dans tout l’ensemble français, d’informer les citoyens sur les enjeux du scrutin.

Les observateurs prédisaient un taux d’abstention supérieur à 60%

Tous ces facteurs concouraient à ce que les observateurs prédisent un taux d’abstention supérieur à 60% à l’occasion du scrutin départemental des 22 et 29 mars, au regard des

Pour le conseil général de la Guadeloupe, cette initiative relevait d’un paradoxe intrinsèque qui confrontait la collectivité à l’obligation d’expliquer avec pédagogie une réforme qu’elle avait unanimement combattue et rejetée puisqu’elle la jugeait inadaptée à son territoire. Prenant malgré tout acte de son application, la collectivité a donc initié une campagne pédagogique inédite intitulée “Elections Départementales

: mode d’emploi”, qui devait servir l’enjeu du décryptage d’une réforme complexe dans un délai contraint de trois mois, tout en respectant les règles de communication préelectorale bannissant toute emphase ou valorisation des réalisations de la collectivité. Cette campagne pédagogique a ainsi été conceptualisée suivant trois axes stratégiques principaux : la présentation des compétences de la collectivité départementale (à quoi sert le département ?), l’explication du

nouveau mode de scrutin (élections départementales, mode d’emploi) et du redécoupage de la Guadeloupe en 21 nouveaux cantons. Elle fut en outre déclinée sur divers supports de communication alliant la communication sur les medias de masse traditionnels (Presse Papier, TV, Radio, Cinéma) à la communication web 2.0, dont notamment : • Edition en 100 000 exemplaires d’une brochure informative distribuée en boites aux lettres à l’ensemble des foyers de Guadeloupe,


14 D. Dumirier, Doctorant en Science Politique •

Mise en ligne d’un site internet dédié: www. electionsdepartementalesguadeloupe. fr, permettant notamment aux électeurs de connaitre le canton et le bureau de vote au sein desquels ils seront amenés à voter en fonction de leur lieu de résidence (plus de 20 000 pages vues, plus de 5000 sessions), avec une exploitation importante, à près de 40%, en web-mobile (consultation depuis un smartphone) • Création d’une page Facebook : elections-departementalesguadeloupe-22-29-mars-2015 (qui connut une fréquentation exponentielle avec plus de 100 000 internautes touchés, des milliers de partages et des centaines de commentaires) • Mise en ligne d’une chaine You Tube incluant des Films d’animation retraçant les compétences départementales, le mode de scrutin et présentant les 21 nouveaux cantons (plus de 1000 visionnages) • Diffusion de Modules audio et vidéo, “La Minute du Département”

dédiés aux élections départementales diffusés sur l’ensemble des télévisions et radio locales, déclinés en langue des signes et en créole (plus de 1200 diffusions de modules en trois mois) • Achat d’espaces publicitaires dans la presse écrite locale, en TV et en radio pour inciter les citoyens à se renseigner sur les modalités du nouveau scrutin (600 diffusions sur la période) • Un pack numérique élections départementales téléchargeable sur http://www. electionsdepartementalesguadeloupe. fr/espace-presse

le taux d’abstention questionne le fonctionnement de notre démocratie

Nul doute qu’au final cette campagne pédagogique inédite aura eu impact positif sur la participation lors de

ce premier scrutin départemental, avec un taux d’abstention de 55,58% au 1er tour et de 51,75% au second tour (contre respectivement 58,93% et 51 ,49% aux cantonales de 2011) qui questionne néanmoins tout à la fois le fonctionnement (ou plutôt les dysfonctionnements) de notre démocratie et la représentativité induite de nos élus.


15

ÉLÉMENTS D’ANALYSE DU SCRUTIN DÉPARTEMENTAL Des 22 et 29 mars 2015 en Guadeloupe

A

u plan de l’analyse politique le scrutin départemental des 22 et 29 mars 2015 s’avère particulièrement riche d’enseignements qui questionnent à la fois la vitalité démocratique de notre territoire, l’offre politique et l’état de l’opinion publique. I - Un scrutin frappé du sceau de l’abstention cf TABLEAU 01 Les résultats globaux des deux tours de scrutin à l’échelle du département laissent apparaître un taux moyen de participation de 55% d’abstention pour 41% de suffrages exprimés au 1er tour et de 40% d’abstention pour 57% de

suffrages exprimés au second. Mais dans le détail l’analyse qui suit démontre combien le phénomène d’abstention conjugué aux suffrages non exprimés, qui illustrent tous deux une certaine défiance de l’électorat envers la classe politique, ont eu un impact conséquent sur l’issue du scrutin. Quand l’abstention convoque la légitimité démocratique… cf TABLEAU 02 Ainsi s’agissant de l’influence du taux d’abstention sur les scrutins qui auraient pu être acquis au premier tour : 8 binômes rempliront la première condition d’une élection au premier tour en totalisant plus de 50% (plus 1 voix) des suffrages exprimés, mais pas la seconde obligation qui consiste à totaliser un nombre de suffrages supérieur au quart

des électeurs inscrits dans le canton. Dans ces 8 cantons le taux d’abstention moyen au 1er tour aura été de 58,35%. S’agissant des binômes élus dès le 1er tour l’analyse des scores obtenus conduit à différencier la légitimité du poids électoral en tenant compte non seulement du nombre de suffrages obtenus mais également du nombre d’inscrits sur le territoire concerné, de l’équivalence du score électoral en termes de pourcentage des inscrits et des suffrages exprimés. A titre d’exemple on observe dans le tableau (02) supra qu’un binôme élu avec 3604 suffrages, 30,63% des électeurs inscrits et totalisant 66,30% des suffrages exprimés dispose d’une légitimité et d’une représentativité supérieures à un autre binôme qui sera lui élu avec 4678 suffrages (et qui disposera donc d’un


16 12,5% des électeurs inscrits nécessaires pour concourir au second tour (Abymes 2 et 3, Baie Mahault 1et 2, Capesterre Belle Eau, Gosier, Moule, Pointe à Pitre, Saint François, Sainte Anne, Sainte Rose 2). “Au 1er tour on élimine, au 2ème tour, on choisit”… cf TABLEAU 03

poids électoral supérieur) mais dont le score électoral représente 26,29% des inscrits et 58,04% des suffrages exprimés. La légitimité et le poids électoral doivent également être rapportés au territoire d’élection (en fonction notamment du nombre de communes composant le canton).

Il convient en outre de porter une attention toute particulière au nombre inédit de bulletins blancs (4858 au 1er tour et 3355 au second) et nuls (8526 au 1er tour et 6038 au second) observés sur l’ensemble de la Guadeloupe à l’occasion de ce premier scrutin départemental. Insuffisamment analysés et commentés, ces bulletins blancs et/ou nuls, mis à part les erreurs commises par certains électeurs (en particulier eu égard à la

complexité et à la nouveauté de ce nouveau scrutin) constituent également un réel message de défiance envers la classe politique. En outre, dans 11 des 16 cantons dont l’élection se jouera au second tour, il faudra procéder au « repêchage » des binômes de candidats arrivés en seconde position, ces derniers ne totalisant pas un nombre de suffrages supérieur aux

Sur les 16 duels du second tour, seuls 6 ont connu une participation supérieure à 50% des électeurs inscrits (en rouge) ; et parmi ceux-ci seuls 2 avaient connu une participation supérieure à 50% dès le premier tour (Vieux Habitants et Abymes 2). 5 de ces 6 duels se soldent par un écart de voix relativement faible. La moyenne du taux d’abstention des 10 autres duels du second tour s’élève à 56,76%. On peut en conclure une tendance de l’électorat à pratiquer une forme de “pragmatisme électoral décomplexé” et à se mobiliser plus fortement lorsqu’il a le sentiment que son vote sera utile,


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lorsque l’issue du scrutin ne semble pas connue à l’avance. En somme, plus les candidats et leurs soutiens semblent de poids politique équivalent (le poids politique étant la conjugaison d’items variés : équation personnelle des candidats, exposition médiatique, soutiens politiques de la commune et extérieurs), plus l’enjeu politique de l’élection est important et l’issue du scrutin incertaine, plus l’électorat se mobilise. Par ailleurs 5 des 16 duels du second tour se soldent par la victoire d’un binôme obtenant un score inférieur au quart des électeurs inscrits sur le territoire concerné. Signalons deux cas atypiques dont les résultats induisent la légitimité des élus concernés: Capesterre Belle Eau où une mobilisation relativement forte au second tour (45,58% d’abstention)

coexiste avec un écart de voix et un pourcentage d’inscrits important (1389 suffrages d’écart et 29,7% des inscrits) et en sens inverse Pointe à Pitre où la faible mobilisation des électeurs au second tour (59,30% d’abstention) coexiste avec un écart de voix et un pourcentage d’inscrits très faibles (192 suffrages d’écart et 18,89% des inscrits). Il est également intéressant d’observer l’impact relativement faible de la question de la gouvernance de la future assemblée départementale sur la mobilisation des électeurs, s’agissant d’une élection dite “à trois tours”, au regard des scores obtenus par les trois personnalités politiques ayant ouvertement évoqué leur intention de briguer le cas échéant la présidence. En effet même si cet argument du changement de gouvernance a été par

endroits placé au cœur de la campagne électorale, il n’a pas pour autant mobilisé les électorats, probablement du fait du sentiment d’une élection jouée d’avance au regard des candidats et des forces politiques en lice sur les territoires concernés : Ainsi le binôme au sein duquel figure la présidente élue du Conseil départemental totalise 2785 suffrages avec un score inférieur au quart des électeurs inscrits sur un territoire qui a connu un taux d’abstention de 58% (Abymes 3). Le binôme au sein duquel figure le président sortant du Conseil Général totalise pour sa part 4073 suffrages avec un score également inférieur au quart des électeurs inscrits sur un territoire qui a connu un taux d’abstention de 57% (Gosier). Le binôme au sein duquel figure le chef de file de la minorité sortante du conseil général totalise 3847 suffrages avec un score représentant 26,11% des électeurs inscrits sur un territoire qui a connu un taux d’abstention de 54% (Saint François).

II - la municipalisation du scrutin : un gage de victoire ? Un scrutin fortement municipalisé S’agissant du nombre de candidats en lice dans chaque canton, au 1er tour on comptabilise: • 4 Duels : Abymes 1 / Basse Terre / Petit- Bourg / Petit Canal • 5 triangulaires : Lamentin / Marie Galante / Morne à l’eau / Trois Rivières /Vieux Habitants • 12 cantons opposant 4 concurrents et plus : Abymes 2 (4 candidats) / Abymes 3 (5)/ Baie Mahault 1 (4) / Baie Mahault 2 (4) / Capesterre Belle Eau (7) / Gosier ( 5) / Moule (5) / Pointe à Pitre (7) / Saint François (6) / Sainte Anne (4) / Sainte Rose 1 (4) / Sainte Rose 2 (4) / Dans 3 duels sur 4 la victoire est acquise au 1er tour, dans chacun de ces 3 cas le maire d’un des territoires composant le canton fait partie du binôme victorieux. On observe néanmoins que dans le 4ème cas (Abymes 1), même si le maire n’est pas candidat (mais certes largement


18 impliqué dans la campagne) l’élection au premier tour est manquée de peu. Dans le canton Petit Canal, les maires des trois territoires concernés sont candidats et/ ou fortement impliqués aux côtés du binôme qui sera victorieux dès le premier tour. Dans 2 triangulaires sur 5 la victoire est acquise dès le 1er tour, dans les deux cas le maire d’un des territoires composant le canton fait partie du binôme victorieux. Il convient également de noter le cas particulier de la triangulaire du canton Vieux Habitants où les maires des trois territoires formant le canton sont chacun candidat sur une liste. Globalement, on observe que 11 maires sont donc personnellement candidats dans 9 cantons différents, et que l’ensemble des maires de la Guadeloupe sera engagé dans la campagne électorale ; cet engagement est d’ailleurs couronné de succès même si le soutien d’un maire et de la majorité municipale n’aura pas le même impact que la candidature effective d’un maire. C’est par ailleurs,

dans les cas des cantons regroupant plusieurs territoires communaux, la capacité du binôme victorieux de mobiliser massivement son propre électorat communal qui lui permettra d’assurer la victoire. Mais dans l’immense majorité des cas, la forte mobilisation des majorités municipales en place (bénéficiant de surcroit de l’effet positif de la proximité des dernières échéances municipales) induira au second tour la mobilisation et le rassemblement des oppositions municipales et une dynamique de report de voix quasi mécanique au bénéfice du candidat de l’opposition le mieux placé au second tour (ex : Capesterre Belle Eau, Pointe à Pitre, Abymes et Gosier).

Ce scrutin départemental aura contribué à lézarder certaines unions

Des majorités municipales fragilisées Il convient en outre de constater que ce scrutin départemental aura contribué à lézarder certaines unions réalisées au sein des majorités municipales à l’occasion du scrutin municipal de 2014 (ex à Capesterre Belle Eau, Pointe à Pitre, Abymes, Marie Galante). La cause en est principalement le redécoupage cantonal allié au mode de scrutin qui outre le remplacement d’un certain nombre d’hommes pour faire droit à la parité (on passe d’une assemblée de 31 hommes et 9 femmes à une assemblée comptant

21 hommes et 21 femmes) conduira, faute d’accord préalable, les candidats sortants issus d’une même majorité municipale à devenir concurrents. Ce scrutin sera également l’occasion de prises de positions de membres de certaines majorités municipales en faveur de candidatures de l’opposition. On retiendra notamment le cas atypique de Capesterre belle Eau, le seul canton (commune-canton de surcroît) dont le binôme élu ne bénéficie pas du soutien de la majorité municipale en place.


19 III - Un scrutin porteur de questionnements politiques pour l’avenir Un renouvellement de forme et de fond ? cf TABLEAU 04 On assiste tout d’abord à un rajeunissement très relatif de l’assemblée puisque la moyenne d’âge des conseillers départementaux issus du renouvellement de mars 2015 s’établit à 56,71 années contre une moyenne d’âge de 58,45 années pour les conseillers généraux sortants, avec dans les deux cas les ¾ des élus issus de la tranche d’âge 50/70 ans. (Précisons toutefois que lorsque l’on calcule la moyenne d’âge des élus de la précédente mandature à la date de leur année d’élection on obtient une moyenne de 53,72 années). S’agissant des catégories socio professionnelles le secteur public (enseignants, fonctionnaires territoriaux, fonction publique hospitalière… 21/40élus avant mars et 24/42élus depuis mars) demeure légèrement

prédominant par rapport au secteur privé (indépendants, professions libérales, cadres du secteur privé ...19/40élus avant mars et 18/42élus depuis mars). Pour ce qui concerne la composition politique de l’assemblée, notons que 14 conseillers généraux sortants ont été reconduits, dont 2 dès le premier tour. On passe par ailleurs d’une assemblée dotée avant mars 2015 d’une “majorité” de 34/40 élus et d’une “minorité” de 6 élus, à une assemblée départementale où prévaut la notion de “majorité” et “d’opposition”. Reste cependant à observer dans les semaines à venir les contours que prendront numériquement ces notions puisque lors de sa première séance plénière, la nouvelle présidente a totalisé sur son nom 32 suffrages pour 10 bulletins blancs ; alors qu’au sein de l’assemblée sont officiellement constitués 4 groupes politiques (Groupe PS, PPDG et Apparentés : 28 élus ; Groupe GUSR et Apparentés: 9 élus ; Groupe Divers Droite 3 élus ; Groupe Jeanny Marc : 2 élus ).

Cette difficulté de définition résulte d’ailleurs de l’incongruité que constitue la consécration par la loi de la possibilité pour les membres d’un même binôme de siéger sur des bancs différents une fois élus. Par ailleurs, pour partisan que l’on soit de la nécessité de faire émerger davantage de femmes aux postes de responsabilités en politique, on ne peut que regretter la mise en place de cette parité à marche forcée, faute d’une démarche de promotion davantage naturelle au sein des formations politiques. En effet, on assiste au renouvellement mécanique de l’assemblée du fait de la loi, qui questionne néanmoins la liberté et la capacité d’action de certaines élues malheureusement reléguées au rang “d’accompagnatrices” et qui auraient eu davantage de mal à se faire élire sur leur seul nom. Plus largement se pose la question de la qualité et du renouvellement de l’offre politique en Guadeloupe, au regard des arguments avancés dans les professions de foi et autres documents de campagne

de l’ensemble des candidats, sans compter l’atonie des débats médiatiques (lorsqu’ils avaient lieu et/ou étaient organisés dans des conditions de nature à éclairer véritablement l’opinion publique). On notera simplement l’apparition d’une nouvelle organisation à vocation territoriale “Ambition Guadeloupe” (dont le score électoral demeure néanmoins anecdotique), la présence de deux binômes candidats du Front National (dont les documents de campagne étaient d’ailleurs signés de la main de la présidente du mouvement au plan national), et l’élection de 8 candidats qui seront désormais placés en situation de cumul de 3 mandats. Au stade de l’élaboration de la loi NOTRe au moment de la campagne électorale, on a en outre constaté que les arguments et projets évoqués par les 88 binômes candidats relevaient dans l’immense majorité des cas de la mise en œuvre basique de compétences départementales sur le territoire du canton (personnes âgées, insertion, collèges, routes…).


20 D. Dumirier, Doctorant en Science Politique Beaucoup de débats et d’argumentaires de campagne se sont focalisés sur des compétences qui ne relèvent pas ou plus du périmètre de compétences de la collectivité départementale (approvisionnement en eau potable, lutte contre la violence, traitement des déchets, transport interurbain) mais qui touchent au quotidien des électeurs. On regrettera en outre l’absence de débat sur les grands enjeux de société et de développement porteurs d’une vision d’ensemble de la Guadeloupe tels que la citoyenneté, le développement durable, l’évolution des institutions, la coopération régionale (ex : seules 2 professions de foi sur 88 binômes candidats évoquent la question institutionnelle). Vers une reconfiguration de l’échiquier politique ? Le premier enseignement de ce scrutin réside dans la spécificité de la sociologie politique guadeloupéenne qui aboutit à ce que les tendances observées au plan national ne se répercutent pas en

Guadeloupe, tant du point de vue du recul du principal parti de gouvernement au pouvoir le PS, que de l’émergence du Front National. Par ailleurs on peut s’interroger sur la pertinence du maintien du clivage Gauche/Droite en Guadeloupe en raison, d’une part, du nombre important de candidats traditionnellement positionnés à droite qui se sont présentés sous la bannière « sans étiquette », et des exemples répétés d’alliances transpartisanes (dans les cantons de Petit Canal, Capesterre Belle Eau, Basse Terre, Vieux Habitants, Saint François, Sainte Rose 1, Sainte Rose 2…) qui ont abouti dans 90% des cas à la victoire. Tout semble ainsi indiquer que le pragmatisme décomplexé qui caractérise l’électorat guadeloupéen est désormais intégré par les formations et personnalités politiques qui ne considèrent dès lors plus ce clivage comme une ligne infranchissable. Il est également loisible de s’interroger sur les lignes de démarcation idéologique

et programmatique (s’agissant par exemple de la question institutionnelle) entre les différents partis de gauche dont le positionnement à géométrie variable de certains leaders, d’une élection majeure à l’autre, ne semble néanmoins pas déconcerter l’électorat. A défaut de renouvellement de l’offre politique on peut donc évoquer une véritable reconfiguration de l’échiquier politique avec une droite qui, ayant du mal à exister à l’échelon global, joue un rôle d’arbitre dans ce que l’on peut qualifier de “Guerre des Gauches”. Au-delà du positionnement partisan, tout semble donc concourir à confirmer l’attachement de l’électorat à des personnalités davantage qu’à des projets politiques, avec une forte prééminence des maires en place et un renforcement manifeste de la sphère d’influence de certains édiles (Abymes, Baie Mahault, Moule, Petit Bourg) au-delà de leur municipalité. Et dans le même temps l’observation des résultats dans le détail territoire par

territoire d’une part, et le phénomène de regroupement mécanique des oppositions municipales d’autre part, semblent augurer de la confrontation de blocs d’influence politique relativement homogènes à l’orée des prochaines consultations électorales de 2015.


PARITÉ ET “INJUSTICE DÉMOCRATIQUE” Pas “d’effet femme” en Guadeloupe

À

la différence de la Guyane et de la Martinique où le département n’existe plus, on a voté en Guadeloupe les 22 et 29 mars pour désigner des conseillers départementaux. À la faveur de la parité, le conseil départemental compte autant d’hommes que de femmes. Avant 2015 cette assemblée comptait 9 femmes soit 22,5% et 31 hommes. En 2015 l’électeur n’a pas le choix du nombre. Le pourcentage de femmes (50%) est imposé par la loi au nom de la parité. En Guadeloupe, comme à la Réunion, la féminisation de cette institution s’accompagne, de l’élection d’une femme à sa présidence sans que l’on puisse pour autant observer un “effet femme” sur la composition sociologique de l’assemblée. Après une élection on est souvent interrogateur sur les motivations

de l’électeur et le sens de son choix sans que l’on puisse faire plus qu’émettre des hypothèses. Les élections départementales ne font pas exception. En réalité il est difficile de connaître l’électeur sans une étude de son comportement à partir de données fiables. Cela n’empêche pas, cependant des interprétations surprenantes, même lorsque les données sont disponibles. Par exemple on a entendu à plusieurs reprises sur un media qu’à l’occasion de ces départementales, les guadeloupéens avaient « un sens civique aigu » après une abstention de plus de 50% ! La science politique privilégie trois modèles d’explication des comportements politiques. Le premier repose sur une analyse sociologique de l’acte de vote à partir de considérations socio-économiques. L’âge, le sexe, la catégorie socio-professionnelle sont les principales variables utilisées dans cette perspective. Le second de nature

21

psycho-sociologique postule que le vote découle d’une identification de l’électeur à un parti ou à un candidat. Le troisième s’inspirant du raisonnement économique fait de l’électeur un calculateur dont les choix rationnels le conduisent nécessairement à maximiser ses gains. Le vote est dès lors perçu comme une transaction. Le bulletin devient un bien monnayable. Preuve s’il en est que le sens du vote n’est pas toujours “civique”.

Cette parité de droit a pour premier effet de corriger l’inégalité des sexes. En revanche concernant les candidats et surtout les élus, la difficulté est moindre. D’une part, parce qu’il y a moins d’élus que d’électeurs. D’autre part parce que l’information est disponible et nous autorise une approche sociologique, même sommaire.


22 Concernant l’élection départementale et précisément la parité, les changements majeurs sont principalement d’ordre juridique et symbolique. Comparé à la situation précédente, en 2015, la loi divise par deux le nombre de cantons et instaure un mode de scrutin binominal à deux tours dont la France a pour le moment l’exclusivité. Cette parité de droit a pour premier effet de corriger l’inégalité des sexes. Le second auquel on pouvait s’attendre concerne le profil sociologique de l’assemblée. L’arrivée “massive” des femmes modifie t-elle l’ordre des classes d’âge et des catégories socioprofessionnelles ? Autrement dit y a t’il eu un “effet femme” qui aurait conforté la situation antérieure ou compensé la sous représentation des groupes sociaux défavorisés ? En réalité la féminisation du personnel politique ne dépasse pas la simple arithmétique sexuelle. Elle n’imprègne ni l’âge, ni la profession des élus.

Répartition des conseillers par classes d'âge Nombre de conseillers 45

2

40 35

3

13

70 à 79 ans

30 25

17

60 à 69 ans

20

19

15 10 5 0

1 8

50 à 59 ans 40 à 49 ans

13

11 8

7

Total jusqu'en mars 2015

1 5

Total en mars 2015

Un conseil départemental paritaire et conservateur Avant 2015, l’électeur a voté d’abord pour un homme âgé L’assemblée qui est remplacée en 2015 est composée de plus de 77% d’hommes

4

8 4

Femmes en mars 2015 Hommes en mars 2015

et de conseillers dont la moitié a plus de 60 ans. En 2015 l’électeur vote aussi pour une femme mais la moyenne d’âge des conseillers reste élevée. Certes les femmes sont dans l’ensemble plus jeunes que les hommes. 52, 3% d’entre elles ont entre 50 et 59 ans. La part d’homme appartenant à cette classe

d’âge est de 38%. La parité n’a pas eu pour effet de rajeunir, de manière significative le personnel politique départemental. Notons au passage que notre présidente est la doyenne (74 ans) des présidents de départements de France.


23 F. Reno, Professeur en Science Politique, Directeur du CAGI Autre constat, les catégories sociales dominantes sous l’ancienne mandature restent largement surreprésentées sous la nouvelle.

Avant 2015, les cadres, les enseignants, les professions libérales occupaient 65% des sièges. En 2015, le taux diminue légèrement (59,5%) sans que

la parité intervienne réellement dans cette diminution. En effet il y autant d’hommes (13) que de femmes (12) conseillers départementaux “Cadres et

Répartition des conseillers par CSP Nombre de conseillers 45 40 35

1 3 2 1

30

6 3

Non Réponse

2

Retraité Ouvriers

25 20

26

3 25

15

1 3

3 2 13

10 12 5

8

0

Total avant mars 2015

4 1

1

3 1

Total en mars 2015

Femmes en mars 2015

Hommes en mars 2015

Employés Professions intermédiaires Cadres et professions intellectuelles supérieures ArBsans, commerçants, chefs d'entreprise Agriculteurs exploitants

professions intellectuelles supérieures”. Les catégories sociales sous représentées avant 2015 au conseil général le sont encore dans le conseil départemental. L’absence des ouvriers et des chômeurs de l’hémicycle est confirmée. Le seul changement notable dans la représentation des catégories traditionnellement sous représentées est l’arrivée dans l’assemblée d’un agriculteur. L’entrée “massive” des femmes au conseil départemental n’a aucune incidence sur cette “injustice démocratique”. L’inégalité sociale se traduit par une dépossession politique. C’est comme si le droit ne faisait que cristalliser dans l’ordre politique un rapport de force social antérieur. La loi impose une égalité des sexes mais n’intervient pas sur le caractère profondément inégalitaire de la représentation politique. Les “classes dangereuses” pourtant plus nombreuses sont paradoxalement les sacrifiées de la démocratie représentative.


ENTRETIEN AVEC P. REINETTE Ancien DGS du Conseil Général de la Guadeloupe

Q

uel a été selon vous l’impact administratif de la décentralisation sur le Département de la Guadeloupe ? À la faveur de l’acte 1 de décentralisation ce département, comme ceux de l’hexagone est passé du régime de la tutelle de l’Etat à celui des “libertés et responsabilités” des collectivités locales. De ce point de vue, je considère que l’impact administratif le plus notoire s’est manifesté au travers du transfert de compétences des services extérieurs de l’Etat et de la restructuration subséquente des administrations locales. Par exemple, la direction des affaires sanitaires et sociales, service extérieur du Ministère de la santé, a fait l’objet d’une partition générant “de toutes pièces” des services sanitaires et sociaux départementaux pourvus de compétences dites de proximité.

Les communes, pour leur part, ont dû s’organiser elles aussi pour assumer les compétences qui leur étaient dévolues par la loi. Concrètement les impacts ont été très divers, en raison notamment des difficultés budgétaires limitant la remise à niveau qualitative des effectifs administratifs et techniques, bien souvent de l’absence de vision stratégique et de complémentarité territoriale, l’Etat et les collectivités qualifiées de majeures ayant souvent été considérés comme tenus à une solidarité financière obligée. Avec le recul, on peut constater, aujourd’hui qu’après plus de 30 ans d’exercice des responsabilités locales, se sont constituées des équipes administratives territoriales souvent performantes et qualifiées. On peut cependant déplorer l’insuffisante mobilité des cadres, notamment de direction, vers les communes notoirement dépourvues en la matière.

Les promotions réalisées au fil des années dans les grandes collectivités (Région et Département) permettraient aisément ce mouvement endogène si nécessaire.

Il faut se donner les moyens pédagogiques et techniques de définir les besoins Quels sont les blocages que vous avez rencontrés, en tant que responsable administratif, dans la mise en place des politiques publiques ? A vrai dire, je n’ai pas rencontré de blocages délibérés, que ce soit dans mes fonctions à l’Etat ou au Département. J’ai toujours joui d’une grande liberté d’initiative, d’une part, dans la mise en œuvre des politiques publiques nationales sous l’autorité du préfet de Région, d’autre part, dans la définition

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des objectifs à atteindre, sous l’égide de l’Exécutif départemental. À ce niveau de responsabilité, il faut se donner les moyens pédagogiques et techniques de définir les besoins, notamment pluriannuels, de convaincre les décideurs politiques de la pertinence et de la nécessité des politiques publiques que vous leur proposez. Les facteurs limitants ont la plupart du temps été d’ordre budgétaire, mais pas seulement. Il a fallu également affronter la résistance au changement, une certaine inertie, dans le corps même de l’administration, notamment d’agents ou de cadres accoutumés naguère à la seule application des circulaires ministérielles. Le dialogue permanent avec les élus, les partenaires sociaux et les agents territoriaux a toujours permis d’expliquer, et généralement de convaincre de l’opportunité et de l’utilité des politiques locales proposées. Ce qui


25 Entretien avec P. Reinette, Ancien DGS du Conseil Général de la Guadeloupe ne veut pas dire que j’ai toujours été compris et entendu, mais c’est la loi du genre. La proximité nécessaire avec les décideurs locaux permet, au contraire de la situation antérieure à la décentralisation, de définir et de mettre en œuvre des dynamiques de développement dans tous les domaines de compétences de la collectivité, en fonction des moyens mobilisables. C’est une question de volonté politique et d’intelligence des relations. Comment se sont établies les relations avec les communes de l’archipel guadeloupéen, notamment en ce qui concerne la cohésion sociale ? Traditionnellement les relations du département avec les communes concernaient essentiellement l’aide sociale et l’aide médicale. En dehors de ces secteurs, qu’on peut qualifier d’assistance, peu d’actions communes avaient été menées en matière de cohésion sociale. Les bureaux d’aide

sociale des communes et même des villes de l’archipel avaient rarement développé sur leur territoire les services de proximités nécessaires.

La fusion des collectivités régionale et départementale aurait du se faire depuis bien longtemps Le réseau très dense de dispensaires et de permanences sociales, mis en place par le département et desservant toutes les communes de l’archipel, a permis de compenser, en partie, cet état de fait..Il faut cependant reconnaître que certaines communes ont pleinement joué le jeu en mettant à disposition du département des locaux et quelquefois certains effectifs. Beaucoup reste cependant à faire dans ce domaine de la cohésion sociale. Le regroupement actuel en communautés devrait permettre de développer, sur des espaces administratifs mutualisés,

de nouvelles synergies sociales avec le département ou la nouvelle collectivité à venir. On a souvent parlé d’enchevêtrement de compétences avec la région. Qu’en a-t-il été et quelles solutions ont été trouvées ? Les compétences respectives de la Région et du Département ont été définies par la loi et bien identifiées comme complémentaires sur le même espace géographique. Néanmoins, et en vertu du principe de compétence générale en vigueur, il est arrivé que l’une ou l’autre de ces collectivités intervienne de façon volontariste dans des domaines qui ne lui étaient pas assignés. Pour autant, on ne peut pas véritablement parler d’enchevêtrement de compétences car les champs d’interventions ont globalement été respectés même si le Département agissait quelques fois dans le domaine économique quand la Région, en ce qui la concerne, menait des actions à caractère social.

Un bel exemple d’intelligence politique et stratégique a été la création de “Routes de Guadeloupe” pour la gestion commune par le département et la région de l’ensemble du réseau routier guadeloupéen délégué par l’Etat à ces collectivités au titre de l’amélioration de la décentralisation. Cet organisme est présidé alternativement par chacun des deux présidents. Du point de vue de la performance administrative, que pensez-vous de fusion des collectivités départementale et régionale ? En un mot, je pense qu’elle aurait dû se faire depuis bien longtemps, la nécessité d’une seule assemblée délibérante sur notre territoire étant pour moi une évidence. L’expérience des équipes respectives de la Région et du Département sera mise à profit de manière efficiente, moyennant un bon paramétrage de l’organisation administrative de la collectivité qui en sera issue, les compétences locales éprouvées ne faisant pas défaut.


26 EVOLUTION STATUTAIRE OU INSTITUTIONNELLE EN GUADELOUPE Le mythe de Sisyphe L. Bernier, Maire de Saint François, Secrétaire départemental de l’UMP

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a Martinique et la Guyane sont devenues des collectivités à statut particulier régies par l’article 73 de la constitution, dotées désormais d’une organisation particulière fondée sur la fusion du département et de la région. L’Etat garde ses prérogatives dans le cadre d’un système qui reste encore régulé par le principe d’identité législative. En ce qui concerne la Guadeloupe, une majorité des élus a préféré repousser toute modification institutionnelle ou statutaire pour des raisons de positionnement politique. Aujourd’hui nous demeurons hélas une région mono départementale qui de mon point de vue est une curiosité institutionnelle. La Guadeloupe a besoin d’un véritable développement

économique, basé sur un modèle endogène à créer. Nous ne pouvons pas rester dans cette situation de rente administrative qui s’amenuise chaque année sous nos yeux et qui tue nos collectivités à petit feu, de transferts sociaux et de surconsommation : c’est une forme d’assistanat en plus de solidarité nationale. La départementalisation a eu ses beaux jours et a permis de progresser sérieusement, mais est devenue au fil du temps obsolète et inefficace sur le plan économique, social, environnemental et éducatif. Qu’on ne me dise pas, aujourd’hui que ce système est efficace, avec plus de 30% de demandeurs d’emploi, 60 000 RSA, 1/3 de la population vivant de prestations sociales, une production locale en déclin, une balance commerciale à plus de 90% déficitaire….

Les guadeloupéens sont, comme je le suis, attachés à la République comme le sont les martiniquais et les guyanais. Notre évolution institutionnelle ou statutaire ne sera pas une première marche vers l’indépendance. La République restera “Maître” du jeu. Il faut en Guadeloupe une assemblée délibérante unique.Je suis prêt à la discussion. L’article 74 et l’article 73 de la constitution me semblent être une bonne base de travail en sachant que la loi organique du 27 juillet 2011 permet aux collectivités régies par l’article 73 d’exercer pleinement la faculté d’adaptation et de définition des normes qui leurs a été reconnues. Je m’inscris donc dans un développement harmonieux et concerté de notre archipel pour les Guadeloupéens, pour l’intérêt général, dans le cadre de la république Française.


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LA MISE EN PLACE DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE MARTINIQUE

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ouvez vous nous rappeler brièvement les temps forts de l’évolution institutionnelle de votre collectivité ? Tout a commencé par la volonté du peuple Martiniquais à travers les résultats de la consultation référendaire du 24 janvier 2010. Les électeurs ont voté à 70% en faveur de la fusion Région/Département dans le cadre de l’article 73 de la Constitution qui apporte plus une continuité qu’une rupture. Deuxio, les renouvellements électoraux ont été très favorables. La Région en 2010 et le Département en 2011 ont mis au pouvoir la même majorité politique (ticket Letchimy/Manin) qui facilite grandement les choses. Les rencontres entre exécutifs permettent de trancher toutes les questions difficiles et

notamment d’avoir un positionnement uni devant l’Etat. Chaque collectivité a institué une Commission ad hoc qui travaille en mode mixte.

Ressources humaines, l’harmonisation des systèmes informatiques, les cadres budgétaires et comptables, apportent progressivement de la visibilité sur l’avancement de la préparation.

Ensuite le choix d’associer les organisations syndicales dans les réflexions/ négociations au niveau de la Commission Tripartite (présidée par le Préfet) a constitué un excellent choix qui les responsabilise et empêche les postures revendicatives à tout crin.

Il reste beaucoup, beaucoup à faire, notamment préfigurer un organigramme de départ

Et puis, nous avons interpénétré les équipes techniques et administratives dans les “chantiers de mutualisation” tels que les routes, les lycées/collèges, la refonte du système d’aide aux étudiants devenu un dispositif unique et plus souple, le gros chantier du TCSP et d’autres encore,.., Ce qui a décloisonné les administrations et les esprits des agents à tous les niveaux, même si des difficultés et zones d’ombre existent encore…. Par ailleurs les “chantiers transversaux” tels que les

Mais il reste beaucoup, beaucoup à faire ! et notamment préfigurer un organigramme de départ pour éviter toute discontinuité du service public et rassurer les agents et les cadres qui demandent la sécurisation de leur carrière. Le dernier temps fort sera évidemment l’élection de l’Assemblée de Martinique prévue en 2 tours les 6 et 13 décembre 2015. On verra quelle tendance politique, quel leader, quel projet,…qui emportera l’adhésion des électeurs…


28 Entretien avec R. Vaugirard, Président de la commission ad hoc du Département Martinique Quel sera le schéma institutionnel de la nouvelle collectivité ? Nous avons des organes nouveaux dans la CTM que sont le Conseil Exécutifs (9 membres hors de l’Assemblée) et l’Assemblée de 51 membres. Ces 2 organes correspondent à un Gouvernement et à un Parlement. Ce schéma inédit chez nous, emprunté du modèle Corse, est censé apporter une capacité de décision et une dimension de responsabilité plus grandes dans la Gouvernance du pays-Martinique sous le contrôle de l’Etat et la vigilance démocratique de la population. Cette évolution arrive à pic avec notre engagement dans notre région Caraïbe en tant que membre de l’OECS, de AEC et du CARICOM.. C’est un Nouveau Départ pour nous… Quelle est à votre avis l’originalité de ce schéma institutionnel ? Je suis persuadé que ce schéma est en résonnance avec la volonté

de la Martinique d’avancer dans la Responsabilité et l’Identité Caraïbe. Il permet en même tempsde sortir des discours idéologiques qui ont opposé pendant des décades assimilationnistes, autonomistes et anticolonialistes. Désormais le débat politique porte sur les options de Gouvernance, la capacité de vision des dirigeants, leurs compétences dans un contexte durable de désengagement de l’Etat et donc de raréfaction des transferts publics. Nous devons apprendre à générer des ressources et à nous ouvrir à d’autres partenariats de développement dans la Caraïbe Quelles sont les avancées et contraintes de la fusion des collectivités départementale et régionale ? Je crois que la 1ère question abordait déjà les avancées et contraintes. Nous négocions avec l’Etat une « dotation d’amorçage » car le coût de cette transition est important. Ce qui devra permettre dans un 2ème

temps des économies de gestion. La difficulté vient de ce qu’il n’y avait pas de précédent dans cette expérience de fusion de 2 collectivités de nature différente. Les enjeux sont systémiques et se déclineront dans le temps dans les aspects politiques, économiques, budgétaires, sociaux, etc. La Guyane et la Martinique, nous sommes des laboratoires pour les collectivités dans le cadre de la réforme territoriale en France hexagonale… Nous en reparlerons dans 2 ans pour faire véritablement le point…


29 LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE GUYANE

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appel historique

C’est en décembre 2015 que sera mise en place la collectivité unique dénommée collectivité territoriale de Guyane, dès lors que sera élue l’Assemblée de Guyane, organe délibérant de cette nouvelle collectivité. Cette évolution institutionnelle, que nul n’ignore aujourd’hui, ne doit pas faire oublier que dès le lendemain de la départementalisation en 1946, des voix s’étaient élevées, pour revendiquer un statut particulier de la Guyane, plus adapté au contexte local et à ses problématiques propres. Plusieurs propositions ont régulièrement été présentées. Quatre d’entre-elles méritent une attention particulière du fait qu’elles revendiquent toutes une autonomie plus poussée dans le cadre de l’article 73 ou 74 :

- La première reconnaît à la Guyane un statut spécial lui conférant une compétence d’auto-gestion et une gouvernance organisée autour de deux organes : l’Assemblée régionale et le Conseil exécutif régional (août 1960) - La seconde, votée à l’occasion d’une délibération du Conseil général du 17/2/1972 (délibération portant vote d’un projet de proposition de loi relative à la réforme des institutions statutaires de la Guyane présenté par plusieurs membres du Conseil général), propose que la Guyane devienne un Territoire autonome doté d’un conseil exécutif , d’une assemblée délibérante, d’un conseil économique et social et d’un conseil mixte paritaire. - La troisième prévoit un statut particulier pour la Guyane s’inspirant du modèle Corse de 1982 ( proposition d’un statut particulier pour la Guyane déposée auprès du gouvernement par le député Elie CASTOR et le sénateur Raymond TARCY , décembre 1981 ) . - La quatrième résulte des nouvelles

possibilités offertes par les articles 72 et 73 de la Constitution suite à la révision de 2003. Dans ce cadre, le Congrès des élus départementaux et régionaux, réuni le 21 juin 2003, adopte notamment deux résolutions, l’une tendant à la création d’une nouvelle collectivité territoriale régie par l’article 73, l’autre sollicitant la consultation de la population dans les meilleurs délais . Néanmoins le Président de la République, alléguant de l’absence d’un large consensus, jugea inopportun de donner suite à ces résolutions. En 2008, sur fond de crise sociale, le débat sur l’évolution institutionnelle et statutaire de la Guyane est relancé et le 2 septembre 2009, les élus départementaux et régionaux de la Guyane, réunis en Congrès, adoptent un projet de statut prévoyant la transformation de la Guyane en une collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution. Un premier référendum organisé le


30 10 janvier 2010 rejette le projet de collectivité d’outre-mer. Un deuxième organisé le 24 janvier 2010 approuve, en revanche, la transformation du département et de la région en une collectivité territoriale régie par l’article 73 de la Constitution.

En 2008, le débat sur l’évolution institutionnelle et statutaire de la Guyane est relancé

C’est dans ce contexte que le législateur a par une double loi du 27 juillet 2011 créé la collectivité territoriale de Guyane, et défini les modalités d’’habilitation de celle-ci à exercer un pouvoir normatif aux fins d’adapter à ses caractéristiques et contraintes particulières les lois et règlements se rapportant aux domaines de compétences dont elle a la charge .

Quel schéma institutionnel ? Cette nouvelle collectivité aura exactement les mêmes compétences que celles du Département et de la Région réunies et les mêmes sources de financement. Elle intègrera, sans doute, les compétences nouvelles que le gouvernement envisage de transférer aux départements et aux régions dans le cadre de la réforme en cours. Elle est régie par l’article 73 de la Constitution qui la place ainsi sous le régime de l’identité législative. Elle sera dirigée par une assemblée de 51 membres élus pour six ans à la proportionnelle avec une prime majoritaire de onze sièges. La Guyane constitue une circonscription unique, divisée en huit sections d’affectation. La parité homme/femme est imposée. Contrairement à la collectivité territoriale de Martinique qui s’est vue reconnaître une gouvernance inspirée du modèle Corse de 1991 , celle de la Guyane est conforme à

l’organisation actuelle d’une région ou d’un département : un président , une commission permanente une assemblée délibérante. L’organe consultatif est principalement le Conseil économique, social , environnemental de la culture et de l’éducation et comprend : - une section économique, sociale et environnemental et une section de la culture, de l’éducation et des sports .

Le schéma choisi ne comporte aucune réelle originalité

D’autres organes sont maintenus, le Centre territorial de promotion de la santé et le Conseil territorial de l’habitat tandis qu’est intégré le Conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge créé par la loi n° 2007-1720 du 21 février 2007, art.2-II .

A vrai dire ce schéma institutionnel choisi pour la Guyane ne comporte aucune réelle originalité. Il reste à prouver que la fusion de la Région et du Département favorisera une réorganisation de l’administration territoriale, s’agissant notamment des nombreuses commissions administratives au sein desquelles siègent actuellement des élus régionaux et départementaux ( ex, conseils d’administration des lycées et collèges ) , et qui génèrent des doublons et de l’encombrement dans le processus décisionnel . Où en est-on ? Voilà cinq ans qu’a eu lieu la consultation populaire. Dans ce laps de temps, les deux collectivités se sont appliquées à préparer une mise en place en essayant d’identifier les contraintes, les obligations les procédures et les situations qui doivent être prises en compte, pour assurer sans risque la continuité du service public dans l’intérêt des personnels et des administrés .


31 M. Elfort, MCF en Droit Public à l’Université de la Guyane, CRPLC A cet effet : - Une commission mixte ad hoc, composée, à part égale de conseillers régionaux et de conseillers départementaux, travaille à la mise en convergence des deux administrations, et assure un certain arbitrage quand c’est nécessaire . Elle se réunit chaque mois mais plus fréquemment en tant que de besoin. - Les deux collectivités ont eu recours, ensemble, à une assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) de type OPC (ordonnancement, pilotage, coordination ) , sur la base d’une feuille de route strictement établie et qui permet de situer l’état d’avancement de chaque domaine, de discerner les défaillances des services concernés, d’alerter sur les situations préoccupantes. Une grande attention, en particulier, est accordée à la question du premier budget qui devra permettre la bascule des services et des compétences. - Une autre maîtrise d’ouvrage est consacrée à la conduite du changement pour le personnel. Il s’agit notamment

d’identifier toutes les problématiques en matière d’organigramme, (établir un organigramme transitoire), mais également d’harmoniser les horaires de travail, les conditions d’accueil des agents dans le cadre d’éventuels redéploiements, d’identifier les risques psycho-sociaux, de prévenir la gestion des doublons enfin de se déterminer sur la territorialisation des services. L’unification des systèmes informatiques des deux collectivités a été nécessaire, en particulier pour assurer sans rupture la rémunération des personnels ainsi que les obligations liées à l’exercice des compétences, au respect des contrats en cours et au paiement des prestataires de services . - La communication institutionnelle et interne s’organise. Un concours a été lancé pour l’adoption du futur logo de la collectivité. - Les organisations syndicales sont associées, notamment au sein d’une commission de concertation et par leur participation aux réunions de la commission mixte ad-hoc .

- Les personnels d’encadrement travaillent en étroite concertation dans leurs domaines respectifs sous la responsabilité de co-pilotes, et cela en dépit de leurs activités habituelles. Conclusion Il s’agit d’un travail complexe, fastidieux et onéreux (notamment pour l’acquisition des logiciels et le recours aux cabinets chargés des AMO ). A cet égard, l’Etat reste sourd aux sollicitations tendant à l’attribution de dotations dites d’accompagnement ou d’amorçage, dont la nécessité paraît évidente aussi bien aujourd’hui que demain pour permettre à la nouvelle collectivité de mettre en place de façon opérationnelle une nouvelle organisation administrative dès lors que l’Assemblée de Guyane sera élue .


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LA MISE EN PLACE DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE GUYANE

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ouvez-vous nous rappeler les temps forts de l’évolution institutionnelle de votre collectivité ? En 1982, François Mitterrand et Gaston Defferre, ont entamé un processus de décentralisation en France, pour transférer des compétences aux collectivités, au plus près des habitants. Le département est devenu une collectivité de plein exercice, et la région est née en 1983 comme seconde collectivité. Fort des bilans de ces collectivités et de leur exécutif, une majorité de la classe politique a considéré qu’il fallait franchir un saut qualitatif dans les rapports institutionnels avec l’Etat. Les deux consultations populaires des 10 et 24 janvier 2010 ont été la première étape des processus engagés depuis des années par les exécutifs des

régions mono-départementales de la Martinique et de la Guyane

la fusion des deux assemblées le 24 janvier.

Il s’agissait pour nos populations respectives, d’une part, de faire un choix institutionnel ou statutaire fondé sur l’article 73 de la Constitution, c’est à dire, le maintien du droit commun (identité législative) ou d’aller plus loin en choisissant l’article 74 de la Constitution (spécialité législative) qui aurait donné, à nos pays, une plus large autonomie dans le cadre de la République et de l’Union Européenne. D’autre part, la seconde question, celle du 24 janvier, avait pour objectif de fusionner le département et la région en une collectivité territoriale unique.

L’immobilisme et la peur l’ont emporté sur l’esprit d’initiative, l’audace et la modernisation de nos institutions.

Malheureusement, après une campagne de désinformation, et avec une participation de 30% de votants. En votant “non”, 70% des exprimés en Guyane ont préféré le statu-quo relatif à la première question. Par contre Les Guyanais ont voté “oui” concernant

L’immobilisme et la peur l’ont remporté sur l’esprit d’initiative, l’audace et la modernisation C’est donc la collectivité territoriale de la Guyane (article 73) qui remplacera les deux collectivités majeures actuelles au terme des élections de décembre 2015. Loi du 27 juillet 2011 prévoit un scrutin de liste à la proportionnelle majoritaire à deux tours, basé sur un principe de parité. Enfin, à notre grand regret, le congrès des élus départementaux et régionaux de Guyane a opté à une voix de majorité pour une gouvernance monocéphale.


33 Entretien avec A. Karam, Sénateur de la Guyane Quel sera le schéma institutionnel de la nouvelle collectivité ? Le schéma institutionnel de la nouvelle collectivité est conforme au fonctionnement des assemblées encore en place. Avec un président de l’assemblée et une commission permanente, contrairement à la Martinique qui a opté pour une gouvernance bicéphale. Ainsi tous les pouvoirs seront concentrés dans les mains d’un seul élu, ce qui pourrait altérer le fonctionnement démocratique au sein de cette institution. On assistera également à la fusion des deux organes consultatifs, le CESER (Conseil économique social et environnemental régional) et le CCEE (Conseil de la Culture de l’Education et de l’Environnement) en un seul conseil avec deux sections. Deux autres entités accompagneront la collectivité, à titre consultatif : le conseil des populations

amérindiennes et bushinengues, sur des points très précis, comme l’environnement, la culture et le cadre de vie; et le conseil territorial de l’habitat. Quel à votre sens l’originalité de ce schéma institutionnel ? De mon point de vue, il n’y a aucune originalité, en dehors d’une fusion de deux collectivités, des personnels et des services. Il s’agira de rationaliser les services, sans moyens supplémentaires, avec un transfert des compétences actuelles à l’euro constant. Quelles sont les avancées et les contraintes de la fusion des collectivités départementale et régionale ? Les contraintes sont d’abord financières car les collectivités arrivent, chacune, avec leurs propres difficultés, d’autant plus que depuis des années

l’Etat a considérablement réduit ses engagements financiers, alors que les compétences transférées sont de plus en plus nombreuses, notamment dans le domaine social. Ce pose déjà la question du redéploiement des personnels (environ 500 personnes à la région, dont une majorité de cadres, et 2500 agents au département, avec des personnels aux missions très spécifiques). L’éclatement géographique des services départementaux entrainera, par ailleurs, une difficile réorganisation d’un service public de proximité, nécessaire, dont l’attachement auprès de la population est reconnu. La rationalisation des personnels des collèges et des lycées permettra une meilleure complémentarité, et rendra l’action publique plus efficace.


PENDANT CE TEMPS SUR L’INTERNET…

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près presque un an d’existence, l’activité sur la page Facebook du CAGI (www.facebook. com/CAGI971) ne diminue pas : vous êtes aujourd’hui près de 400 personnes à en suivre assidument l’actualité et à la faire vivre en commentant et partageant les informations s’y trouvant. Pour ceux qui ne sont pas présents sur ce réseau social, voici quelques infos que vous pourriez avoir manqué… En février, les exposés aux étudiants de Science politique de Raoul RAMDINE, Manager sportif et consultant, et Kanelle VALTON , Chargée de mission régionale (gpe) en poste au Consulat de Miami, sur leurs parcours. En mars, la participation au séminaire sur la programmation scientifique

du CRPLC pour le prochain contrat quinquennal, sur le campus de Shoelcher En avril, la visite de Joan PURCELL, ex membre du gouvernement de Grenade de1983-1984 et ex membre du sénat grenadien 2008-2013 à l’occasion de la conférence du Groupe Biblique Universitaire sur le thème “ Quel impact de la foi en politique ?”. L’alimentation de cette page se veut de plus en plus fréquente et consistante. N’hésitez pas à partager vos avis sur le contenu !

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