etats généraux le grand débat
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L’événement
e Nouvelle» e consécutive, «L’Usin uables. Pour la 6 année urs les plus remarq avec le CNISF. P. 20 récompense les ingénie é en partenariat Un trophée organis
INGÉNIEURS DE L’ANNÉE
LE PALMARÈS 2009 L’économie a besoin d’eux et pourtant la pénurie menace. Eux? Ce sont les ingénieurs! Les lauréats du Prix organisé par «L’Usine Nouvelle», «Industrie et Technologies» et le CNISF prouvent pourtant que la France est encore un incroyable réservoir de talents.
P
our relever les défis économiques des prochaines années, de qui aurons-nous le plus besoin? Des ingénieurs. Ecart de compétitivité face aux pays émergents, rareté des ressources naturelles, nécessité d’innover pour s’imposer, allongement de l’espérance de vie, respect de la planète… Leur savoirfaire est au cœur de nos problèmes d’aujourd’hui, ils sont donc au cœur de nos solutions de demain. Alors, quand des spécialistes annoncent une prochaine pénurie dans notre pays, qui ne produit que 30000diplômés par an, à comparer aux 250000 ingénieurs formés chaque année dans les universités indiennes ou aux quelque 500 000 à 600 000 ingénieurs et techniciens chinois, il y a de quoi s’inquiéter. Ingénieur est pourtant un métier passionnant. C’est justement ce qu’illus-
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tre, pour la sixième fois consécutive, le Prix des ingénieurs de l’année, organisé par «L’Usine Nouvelle», «Industrie et Technologies» et le Conseil national des ingénieurs et scientifiques de France (CNISF). Le palmarès 2009 (lire pages suivantes) se révèle une nouvelle fois surprenant, émouvant, enthousiasmant. Sont ainsi primés les inventeurs d’une fibre indéchirable, d’un robot capable d’inspecter des zones à forte radiation, d’un revêtement mural dépolluant; le concepteur d’une technologie pour insérer des composants dans un réservoir automobile thermoformé ou encore la créatrice de stations de lavage et de réparation de VTT. La rédaction de votre magazine a reçu des dizaines de candidatures, qu’elle a épluchées et expertisées avec soin. Puis un jury, constitué de patrons de R&D et de scientifiques (lire ci-contre), s’est réuni le 28octobre à Paris pour débattre et élire les lauréats. Ces ingénieurs de l’année 2009 sont primés pour leurs découvertes scientifiques, leurs développements astucieux ou un sens du service rarement reconnu à ces ambassadeurs du génie français. Formons donc ici un espoir : que leur exemple suscite des milliers de vocations. . L. G.
Le jury du Trophée Des patrons de R & D et des scientifiques ont constitué notre jury Jean-Claude Lehmann, Académie des technonologies Benoît Maistre, Alten Hubert Chameaud, Association des instituts Carnot François Blin, CNISF Xavier Fouger, Dassault Systèmes Bertrand Dupont, DBV Technology Roberto Rivoir, E2V Bernard Maillard, EdF Christophe Aufrère, Faurecia Gilles Vourc’h, Ford Motor Compagny Martine Planche, Inpi Jean-François Laval, Jacobs Nicolas Vermersch, Michael Page Jean-Michel Vacherand, Michelin Technology Center Ladoux Louis Berreur, Nodal Laure Reinhart, Oséo Ginès Martinez, Réseau CTI François Gerin, Siemens Bruno Bachimont, UTC Guillaume Devauchelle, Valeo
17 DÉCEMBRE 2009 | N° 3174 | L’USINE NOUVELLE
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Katarzyna Chuda, 33ans, a mis au point pour saint-gobain recherche, avec son collègue Benjamin Blanchard, un revêtement mural, capable de piéger les formaldéhydes.
Pour un début Prometteur Katarzyna Chuda
Une toile de maître
“L
a vie de Nicolas de Staël est une belle histoire. Ce peintre d’origine russe, qui est venu vivre à Paris, a fait beaucoup de rencontres et a peint énormément », raconte-t-elle, souriante. De là à imaginer que Katarzyna Chuda,
Son déclic
“J’ai voulu devenir chimiste à 10 ans grâce à un reportage que j’ai vu à la télé sur les grands scientifiques russes et polonais.” L’usine nouveLLe | N° 3174 | 17 décembre 2009
passionnée d’art, marche sur les traces du peintre et connaîtra elle aussi la réussite, il n’y a qu’un pas. Car de peinture, il en est beaucoup question dans le travail de cette jeune femme d’origine polonaise arrivée en France en 2001. A 33 ans, et en étroite collaboration avec son collègue Benjamin Blanchard (à gauche sur la photo), elle vient de mettre la touche finale à… une toile à peindre en fibre de verre, capable de piéger les formaldéhydes, des molécules nocives contenues dans l’air intérieur des bâtiments. Soit le fruit de deux années de travail
pour cette ingénieure enthousiaste de Saint-Gobain Recherche. La dépollution des intérieurs, c’est une problématique qui n’a rien d’abstrait. Les composés organiques volatils sont devenus en quelques années l’une des préoccupations majeures de l’Organisation mondiale de la santé. Comment une jeune femme née à Varsovie parvient-elle à s’imposer dans l’une des entreprises du CAC 40, sur un thème de recherche encore très peu répandu ? Comme pour de nombreux artistes, sa vocation naît dès son plus jeune âge, elle l’a même vérifié en relisant son journal intime ! Après cinq années d’études supérieures en chimie à l’université de Lublin (Pologne), elle gagne la France et décroche un mastère de l’Ecole Suite page 22 3
raphaël daUtigny poUr « l’Usine noUvelle »
trophée 2009
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Pour un ProJet InduStrIeL Jean-FranÇoIS bérard
3Suite de la page 21 nationale supérieure de chimie de Lille. Suivront trois années de thèse sur les polymères, toujours à Lille. « Je l’ai fait entrer dans notre équipe en 2005, explique Catherine Langlais, la directrice générale de Saint-Gobain Recherche. J’ai tout de suite été marquée par son leadership. Elle est exigeante avec les autres et avec elle-même. » Katarzyna Chuda n’est pas du genre à faire de la figuration : quand elle parle, elle dégage une autorité naturelle.
toujours en mouvement, il bannit la médiocrité
BIENTÔT UN LABORATOIRE DE L’AIR INTÉRIEUR
les autres nominés p Romain Alleaume, Sequrenet p Jean-Gabriel Estève Madea Concept
le vice-président d’inergy automotive systems, Jean-François Bérard, 47ans, a piloté le projet d’un réservoir à carburant thermoformé avec peu d’ouvertures techniques.
raphaël daUtigny poUr « l’Usine noUvelle »
Ses premiers travaux de recherche portent, notamment, sur le remplacement de charges abrasives toxiques et sur l’élaboration d’un verre antigivre. En 2007, Katarzyna intègre l’activité solutions textiles. Suite aux résultats d’une étude sur les attentes du marché concernant les matériaux de construction, la jeune ingénieure se lance dans la recherche de produits capables de réduire la pollution de l’air intérieur. « Nous en avons conclu que l’absorption des formaldéhydes était la meilleure solution, précise Katarzyna Chuda. Nos travaux ont dès lors consisté à mettre au point un matériau poreux constitué d’une molécule organique de captage. » Un laboratoire dédié à la qualité de l’air intérieur devrait voir le jour en 2010. Comme Nicolas de Staël, Katarzyna pourrait très vite vouloir goûter à de nouvelles expériences. « Ses capacités de manager devraient lui ouvrir des possibilités en tant que responsable d’entité industrielle ou directrice R & D », pressent Catherine Langlais. L’œuvre de Katarzyna Chuda est loin d’être achevée. . oliVier James
“J
e ne veux pas tirer la couverture à moi ! Je ne suis que le modeste animateur de tout ça. » Ça ? C’est la conception, le développement, l’industrialisation et la production du TSBM, un réservoir à carburant thermoformé très innovant : il comprend peu d’ouvertures techniques, limitant ainsi les émissions d’hydrocarbures. « La mise au point de Suite page 24 3
Son déclic
“Enfant, je voyais sur les murs de la maison de campagne les cadres avec les brevets que déposait mon grand-père. Il y avait écrit « Ernest Bérard ». C’était un ingénieur et surtout un inventeur. J’étais fasciné.” 17 décembre 2009 | N° 3174 | L’usine nouveLLe
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3Suite de la page 22 la technologie permettant d’intégrer des accessoires du réservoir pendant le cycle de soufflage est un travail d’équipe ! », insiste Jean-François Bérard, le vice-président chargé de la R & D, de la stratégie, du marketing et de l’industrie d’Inergy Automotive Systems. Dans les couloirs du siège parisien à la porte Maillot, on l’appelle « VP tout le reste ». Pour ce projet, il lui a fallu gérer pas une, mais trois équipes. Et dans trois pays différents : la Belgique, la France et l’Allemagne. Tel est le challenge qu’a dû relever cet ingénieur des Arts et Métiers, depuis qu’il a rejoint l’entreprise en 2002. « Il a su les coordonner et faire en sorte que chaque étape soit respectée », relate Pierre-François Tardy, le chef de projet industrialisation, son collaborateur depuis quatorze ans, d’abord chez l’équipementier Valeo avant de le rejoindre chez Inergy, joint-venture entre Plastic Omnium et Solvay. Les qualités de management et surtout le tempérament de Jean-François Bérard ne sont pas étrangers à la réussite du projet. « Il sait féliciter quand le travail est bien fait, reconnaît Pierre-François Tardy. Il booste les équipes, leur insuffle son énergie, sa motivation. »
UNE HISTOIRE D’AVENTURE
Car Jean-François Bérard est un homme de passion et d’émotion. Et quand il évoque ses premiers contacts avec l’industrie dans l’usine de textile de son grand-père du côté de Saint-Etienne, on s’y croirait. Il parle, avec le geste de celui qui tâte l’étoffe, de l’odeur de l’huile, de la laine, des courroies de cuir qui
faisaient tourner d’énormes machines… Enfant, il était fasciné par les cadres accrochés aux murs de la maison familiale, qui contenaient les brevets déposés par son grandpère paternel. Aujourd’hui, c’est lui, avec ses équipes, qui en déposent. « Je marche au feeling », dit-il pour expliquer sa carrière qui l’a conduit de l’automobile (il a commencé chez Renault) aux équipementiers. « Ce n’est pas une histoire de salaire, d’entreprise cotée ou non, mais d’aventure », s’enthousiasme-t-il. Il voit l’industrie en général et l’automobile en particulier comme un univers qui n’accepte pas la médiocrité et qui doit se réinventer tous les jours. « J’aime ça car ce n’est pas statique », indique celui qui n’exclut pas, un jour, de travailler pour le ferroviaire, ou pourquoi pas l’aéronautique. « Je suis intéressé par tout ce qui est mobilité », précise-t-il. Mais sur l’étagère au pied de laquelle est posé son casque de moto, sa collection de petites voitures trahit son penchant premier
pour ce qui a quatre roues. Sa favorite ? La BMW Z8, qu’il ne se contente pas d’avoir en miniature. Et peut-être pour s’assurer qu’elle n’est jamais trop loin, elle orne aussi le fond d’écran de son ordinateur. Entre son clavier et son écran, deux figurines détonent un peu. Le dieu éléphant Ganesh, cadeau d’une collaboratrice qui partait à la retraite, pour lui porter chance. « Ça marche ! », sourit-il. L’autre aussi est un cadeau. Elle représente l’âne du film d’animation Shreck, paré d’un grand sourire, qui dodeline du chef à chaque léger mouvement du bureau. « Mais là, je ne sais pas quel est le message », s’interroge Jean-François Bérard dans un éclat de rire. . carole lemBeZat
les autres nominés p Jacques Brosse, Eurotab p Michel Baujard Thales Aéronautique
Pour un entrePreneur ChrIStIan VaL
il intègre les composants électroniques en trois dimensions
D
ans son bureau, aucun signe ostentatoire. Pas un centimètre carré inutile. Si, à 68 ans, Christian Val n’envisage pas la retraite, c’est qu’il est animé par le plaisir de participer activement aux développements technologiques de son entreprise. Ingénieur diplômé de l’Ecole nationale supérieure de céramique industrielle de Sèvres (aujourd’hui à Limoges), auteur d’une thèse de doctorat sur la physique des
matériaux, le PDG de 3D Plus a fait une grande partie de sa carrière chez Thomson-CSF, devenu Thales. Il fut même membre de son collège scientifique. Aujourd’hui, il cumule ses fonctions de président avec celles de directeur technique. « Je suis toujours resté dans la technologie, reconnaît-il. J’ai déposé 97 brevets, dont une vingtaine chez 3D Plus. » Il lance son entreprise en 1996 avec deux collègues, Pierre Maurice et Michel
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raphaël daUtigny poUr « l’Usine noUvelle »
Christian val, le pdg de 3d plus, 68 ans, a hissé son entreprise parmi les dix leaders mondiaux de l’interconnexion 3d.
Son déclic
“A 11 ans, je lisais « Science et Vie ». Il y avait une grande part de rêve dans ces lectures où l’on pouvait s’imaginer cosmonaute, aviateur, ingénieur, inventeur… ” Leroy, « en bonne intelligence avec Thomson ». Le groupe lui octroie une licence gratuite des brevets pendant trois ans et prend 20 % du capital. « J’aurais pu rester tranquillement chez Thomson, mais les composants 3D sur lesquels je travaillais n’auraient alors pas été développés industriellement. » L’atout de l’entreprise ? Une technologie de miniaturisation des modules électroniques par empilage des composants. Sans connaître une
seule défaillance, 30 000 modules tournent ou ont tourné autour de la terre dans des satellites. Les clients sont prestigieux : le Cnes (France), l’ESA (Europe), l’Isro (Inde), le Jaxa (Japon), la Nasa (Etats-Unis)… Dès le départ, Christian Val a voulu assumer son indépendance. « L’essaimage, avec une promesse de commandes pendant quelques années, n’est pas une bonne solution. Quand les commandes s’arrêtent, c’est la catastrophe.
L’usine nouveLLe | N° 3174 | 17 décembre 2009
Au contraire, si la jeune société ne bénéficie pas de ce coup de pouce, elle ne s’endort pas ! » Pour autant, l’aventure présente forcément des risques. « Je croyais dans la technologie. Mais il faut beaucoup d’optimisme… » L’histoire de 3D Plus lui donnera raison. La première commande viendra du spatial, un secteur qui représente aujourd’hui 90 % du chiffre d’affaires. « Et 90 %, c’est également la part de notre activité à l’export », précise Christian Val. Un chiffre d’affaires qui s’élève à 11 millions d’euros, contre 7,6 millions en 2008 et 8,5 millions en 2007 pour une entreprise, qui emploie aujourd’hui 80 personnes. Christian Val, grand-père actif, fou de voyages, jardinier à ses heures, continue d’aller de l’avant : « Il faut garder une technologie d’avance ! » Pour tenir sa place dans les dix premiers mondiaux de l’interconnexion 3D, l’entreprise a établi des partenariats avec de grands laboratoires (CEA, CNRS, Fraunhofer…) et a débuté en 2002 les recherches sur une nouvelle technologie d’empilage qui réduit la taille des systèmes d’un facteur 20. Celle-ci est actuellement en phase de qualification. Elle trouvera des débouchés en particulier dans le médical, pour les pacemakers ou les neuro-simulateurs. « D’ici à trois ans, il sera possible de produire en masse, avec un marché qui pourrait atteindre un million de pièces. » Christian Val n’a pas fini d’entreprendre. . Patrice DesmeDt
l’autre nominé p Ivan Lovric, Eseco Systems
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Pour la science ex æquo Jean-luc Gach
il corrige les images des grands télescopes du Laboratoire d’astrophysique de Marseille (LAM), associée sur ce projet au Laboratoire d’astrophysique de Grenoble (LAOG), à l’Observatoire de Haute-Provence (OHP), et enfin à l’ESO (European Southern Observatory), qui jouait le rôle de donneur d’ordres.
geoFFroy matthieu pour « l’usine nouvelle »
VÉRITABLE COOPÉRATION PLURIDISPLINAIRE
Jean-luc gach, 38ans, et son équipe du laboratoire d’astrophysique de marseille, ont conçu ocam, une caméra qui équipe le plus grand télescope du monde, celui de grantecan aux îles Canaries.
o
n appelle ça une vocation. A l’âge de 12 ans, Jean-Luc Gach visite l’Observatoire de Haute-Provence avec son père. Fasciné par le télescope, il décrète que son avenir s’écrira dans l’astronomie. Vingt-six ans plus tard, sa caméra équipe le plus grand télescope du monde (Grantecan aux îles Canaries). Il lâche alors, sobre : « C’est une satisfaction, vous savez. » Mais on peut supposer que c’est un peu plus que ça ! D’autant plus que la mise au point de la caméra Ocam est le résultat de cinq ans d’efforts, avec son équipe
Son déclic
“Très jeune, je me suis intéressé à la technologie et surtout à l’électronique. J’ai donc choisi de faire une école d’ingénieurs.”
« Pour développer cette caméra, qui est capable de prendre 1 500 images par seconde avec une sensibilité extrême, nous sommes partis du besoin des astronomes », rappelle Jean-Luc Gach. Très précisément, Ocam était destinée à équiper Sphere, l’instrument d’observation de deuxième génération du Very Large Telescope (VLT) européen, installé au Chili. Son objectif : prendre, à partir de 2011, des images de planètes hors du système solaire, en orbite autour d’étoiles proches. La difficulté, pour obtenir des images de qualité, est de corriger les défauts dus aux turbulences de l’atmosphère. C’est le rôle d’un miroir déformable du VLT, qui effectue en temps réel les corrections optiques nécessaires. Et c’est précisément le rôle de la caméra de mesurer la lumière qui arrive pour piloter la déformation du miroir (réalisée par des actionneurs piézoélectriques). Or, la caméra Ocam, elle, va permettre d’effectuer ces corrections des milliers de fois par seconde, au lieu de quelques centaines de fois avec les caméras actuelles. Et surtout, en très faible luminosité, puisqu’elle détecte des photons isolés... « Notre idée était de casser la limite
sur laquelle butaient les caméras rapides : leur baisse de sensibilité quand la vitesse augmente », raconte Jean-Luc Gach. Au cœur de la caméra, le capteur d’images CCD, développé spécifiquement par le britannique E2V, conçu pour travailler vite et amplifier le signal, afin de s’affranchir du bruit électronique (et donc améliorer la sensibilité). Mais c’est une véritable coopération pluridisciplinaire qui a permis d’obtenir les performances d’Ocam. Le laboratoire de Marseille, avec l’OHP, s’est chargé de l’électronique de la caméra, autre élément clé pour concilier vitesse et sensibilité. Les chercheurs ont aussi dû résoudre des problèmes thermiques, étudiés à Grenoble : refroidir le capteur à – 45 °C (ce qui améliore la détection) avec des modules thermoélectriques et évacuer la chaleur produite via une circulation d’eau. « Il fallait faire converger la conception du capteur, de l’électronique, et les contraintes thermomécaniques », souligne JeanLuc Gach, qui, avec une vue globale sur le projet, a été l’architecte de la caméra. Six prototypes seront fabriqués au LAM et une entreprise de production, First Light Imaging, est en cours de création. Car la caméra Ocam pourrait trouver d’autres débouchés, dans la recherche (observation de phénomènes rapides), voire dans la surveillance en conditions difficiles : un projet avec la société Aeromecanic, à Marignane, vise la détection d’objets sur les pistes d’aéroports. Mais au Lam, on pense déjà à décliner l’Ocam dans l’infrarouge et on envisage, entre autres, une version à 2 000-2 500 images par seconde. . thierrY luCAs
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delphine Keller, 32ans, du laboratoire list Cea, a mis en œuvre un robot serpent, qui se glisse dans les entrailles irradiées d’iter, conçu par yann perrot (au centre) et coordonné par laurent gargiulo, du Cea de Cadarache.
Son déclic
raphael dautigny pour « l’usine nouvelle »
“Au cours de mes études, j’ai eu la chance de rencontrer un professeur passionné qui m’a transmis sa curiosité pour les systèmes robotiques.”
Pour la science ex æquo DelPhine Keller
la charmeuse du serpent
A
vec ses deux collègues du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), elle a donné vie à un robot de 10 mètres de long, capable de se glisser dans les entrailles irradiées d’Iter… Delphine Keller, 32 ans, du laboratoire List CEA, a mis en œuvre cet étonnant projet conçu par Yann Perrot et coordonné depuis trois ans par Laurent Gargiulo, du CEA de Cadarache. Spécialiste de la mécanique des robots, la jeune femme maîtrise aussi bien l’automatique que L’usine nouveLLe | N° 3174 | 17 décembre 2009
l’informatique et les procédés de contrôle par vision. Elle se déplace à moto et pratique la boxe thaï, ce qui peut servir quand on doit travailler, avec sérénité, sur un projet de ce calibre : l’AIA – comprenez Articulated Inspection Arm – est un robot serpent qui explore des enfers technologiques inaccessibles à l’homme... Flash-back. Nous sommes en 2001. « Diplôme de l’université Pierre et Marie Curie de Paris en poche, je décide de rejoindre la prestigieuse équipe du List à Fontenay-aux-
Roses », se rappelle Delphine. Le List collabore avec l’Institut de recherches sur la fusion par confinement magnétique (IRFM) de Cadarache, un autre labo du CEA, pour développer des robots polyarticulés à grand élancement. Autrement dit, des serpents métalliques prêts à se lancer dans les entrailles d’une machine de fusion thermonucléaire comme Iter. « Pendant cinq ans, j’ai fait mes armes en accumulant un riche savoir-faire en mécanique et dans la modélisation des structures complexes », se souvient la jeune femme. En 2006, tout s’enchaîne très vite. Nommé à la direction du laboratoire de robotique de Fontenay-auxRoses, Yann Perrot, qui portait le projet AIA, décide de lui confier le bébé. Un véritable défi car pour ce type de projet, il n’existe aucun composant prêt à l’emploi. Il faut adapter, inventer, tester, réaliser l’électronique embarquée, mettre au point un système de contrôle commande en temps réel. « Dotée d’un caractère bien trempé, Delphine Keller avait les qualités humaines et scientifiques pour Suite page 28 3
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3Suite de la page 27 mener à terme ce projet, juge Yann Perrot. Il fallait des connaissances solides en mécanique et en modélisation, car les défis de conception d’un tel engin sont nombreux. » Le robot AIA est, en fait, une accumulation de… paradoxes, sa structure étant à la fois légère et élancée. Avec une douzaine de degrés de liberté, c’est un parent très éloigné des robots industriels rigides. « Heureusement, je n’étais pas seule pour affronter tous ces défis. Notre projet était très collaboratif, souligne Delphine Keller. Pas moins d’une quinzaine de spécialistes ont mis la main à la pâte et ils méritent tout autant d’être honorés par votre magazine ! » L’AIA est né dans les deux labos de robotique du CEA, à Fontenay-aux-Roses, dirigé par Yann Perrot, et à Cadarache, piloté par Laurent Gargiulo, mais aussi grâce aux techniciens et ingénieurs de Cadarache qui ont testé et aidé au déploiement du système.
lors de sa deuxième année à l’ecole centrale, dorian Colas, 23ans, et deux de ses camarades, mettent au point une configuation d’électrodes permettant de générer les vents ioniques.
LE DOUTE DÉBOUCHE SUR LA RÉUSSITE
« Ces trois ans de travail ont connu des hauts et des bas, se rappelle Laurent Gargiulo. En 2007, nous avions prévu un an de préparation et d’essais sur une maquette grandeur nature. Trois ou quatre jours avant, envahis par le doute, nous avons décidé d’annuler l’opération pour ne pas prendre de risques. C’est dans la voiture en allant à l’aéroport pour prendre l’avion vers Paris que nous avons fait le point avec Delphine et décidé de maintenir le test. L’opération a été pleinement réussie à la grande satisfaction de toutes les équipes. » Depuis quelques mois, Delphine Keller a quitté son labo de Fontenay-aux-Roses pour d’autres aventures technologiques. Elle a intégré un autre bureau d’études : celui du CEA à Cadarache. . mirel sCherer
Pour un Jeune inGÉnieur Dorian colas
relève assurée!
T
out ce qui vole l’intéresse ! « Des ingénieurs qui travaillent autour d’une fusée, pour moi, c’est ça, le métier d’ingénieur, lance-t-il. L’aéronautique sera donc toujours présente pour moi. » Entré à Centrale Paris à la rentrée 2007, Dorian Colas s’accroche à son idée et, dès que l’occasion se présente, choisit de travailler dans son domaine de prédilection. Même s’il prend quelques détours, en se spécialisant plutôt dans
la mécanique des fluides. Il est ainsi étudiant en deuxième année lorsqu’il décide, avec deux de ses camarades, Antoine Ferret et Ignazio Sciacca, de s’intéresser aux vents ioniques, une technologie qui permet de maîtriser les flux d’air sans l’intervention d’une machine. Un choix un peu contraint, car l’école impose à ses étudiants de mener un projet scientifique pendant un an. « Je me baladais avec Antoine dans les labos de recherche de l’école pour voir ce Suite page 30 3 17 décembre 2009 | N° 3174 | L’usine nouveLLe
James leynse/rea pour « l’usine nouvelle »
e Nouvelle» e consécutive, «L’Usin uables. Pour la 6 année urs les plus remarq avec le CNISF. P. 20 récompense les ingénie é en partenariat Un trophée organis
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Son déclic
“Des ingénieurs qui travaillent autour d’une fusée, pour moi, c’est ça, le métier d’ingénieur. C’est la première vision que j’en ai eu, la plus basique peut-être, mais c’est ce qui m’a donné envie.” 3Suite de la page 28 qui s’y faisait et Christophe Laux, enseignantchercheur au laboratoire Energétique, moléculaire, macroscopique et combustion de l’école, nous a proposé de nous frotter à cette technologie, racontet-il. Tout en nous prévenant qu’un thésard avait déjà travaillé dessus et que le projet avait été un peu laissé au repos… » Défi relevé. Toute l’année scolaire 2008-2009, les trois étudiants, soutenus par Christophe Laux, vont s’affairer pour mettre au point une configuration d’électrodes permettant de générer les vents ioniques. Avec, à la clé, la possibilité de développer des technologies qui réduisent la consommation des avions. « En très peu de temps, nous avons obtenu des résultats expérimentaux qui dépassaient toutes nos espérances », s’enthousiasme l’élève ingénieur, leader du groupe. Dorian Colas se passionne tellement pour ses recherches, qu’il n’hésite pas à travailler sur son projet même pendant ses vacances d’été, alors qu’en parallèle, il effectue un stage chez Dassault Aviation. Il s’est notamment attaché à la rédaction d’un article scientifique pour la revue américaine
« Journal of Applied Physics », qu’il espère voir publier d’ici à un an. En juillet 2009, il est également distingué lors de la Conférence européenne des sciences aérospatiales, à Versailles, et reçoit le trophée du jeune ingénieur en aérospatial. Encore aujourd’hui, alors qu’il est passé haut la main en dernière année de Centrale, les vents ioniques demeurent dans ses préoccupations. « Je compte travailler dessus pendant les vacances de Noël, explique-t-il. C’est juste par intérêt scientifique, c’est de la passion. J’ai été grisé par ce projet, car tout a tout de suite très bien marché. » Il est pourtant loin d’être inactif le reste du temps : pour sa dernière année en école d’ingénieurs, il a choisi de bénéficier du programme d’échange de son établissement avec les institutions étrangères. A 23 ans, cet originaire de SaintRémy-lès-Chevreuse, dans les Yvelines, a été reçu au prestigieux Massachusetts Institute of
Technology (MIT) de Boston, aux Etats-Unis, pour y faire un master of science en deux ans. Toujours en lien avec l’aéronautique. Cette fois, il va travailler sur un projet de nouvelle génération d’avions, financé par Boeing et la Nasa, dont l’objectif est d’intégrer les turboréacteurs dans l’avion et non plus sur les ailes. De quoi faire, une fois encore, briller les yeux de ce jeune ingénieur en herbe. D’ailleurs, il l’avoue sans détours : « Même si je suis en réflexion permanente sur ce que je ferai plus tard, une chose est sûre, le projet sur les vents ioniques et mon travail au MIT me confortent dans mon idée de m’orienter vers la R & D. » Une vocation est née. . ArnAud dumAs
les Autres nominés p Jonathan Nussbaumer Polytechnique
p Julien Montard
Ecole des mines de Douai
Pour un DÉVeloPPeMenT DuraBle corinne VerDier
elle roule pour la pratique du vélo facile
e
lle en avait rêvé pendant son adolescence, elle l’a fait dès qu’elle a eu son diplôme en poche. Corinne Verdier, 30 ans, diplômée de l’Ecole centrale de Lille, s’est lancée en 2000 avec trois autres camarades de promotion, dont son futur mari Julien Lefebvre, dans la création d’une station-service pour vélos tout-terrain. « Au départ, il s’agissait d’un simple projet d’études. Nous avions constaté que l’on n’avait aucun moyen de nettoyer nos VTT une fois rentrés de nos excursions », se rappelle la
stéphanoise, qui « pédale » depuis sa plus tendre enfance. Les quatre étudiants élaborent un prototype. Il leur faut ensuite trouver un emplacement. Decathlon répond positivement à leur appel. Le directeur du magasin d’Amiens réfléchissait justement à un projet similaire. Installé sur le parking, le « Clean Bike », est inauguré au printemps 2001. Sur environ 2 mètres de hauteur et 1 mètre de largeur, il propose un poste de lavage, de gonflage et un kit de réparation. « Le projet nous a passionnés. Son excellent accueil
17 décembre 2009 | N° 3174 | L’usine nouveLLe
Coralie moulin pour « l’usine nouvelle »
trophée 2009
Son déclic
“Pour moi, être ingénieur était le gage d’avoir la formation la plus complète et la plus transverse, avec à la fois un bagage technique et économique.” nous a incités à creuser le concept pour voir s’il y avait un marché », ajoute la jeune femme. Avec Julien Lefebvre, elle obtient un « aménagement » de sa troisième année d’ingénieur pour se consacrer
pleinement à son projet. L’étude qu’ils lancent, grâce à un soutien de 25 000 euros d’Oséo, révèle la présence d’un marché « latent » auprès des collectivités locales. En avril 2003, ils créent la société Altinova, pour « l’alternative par l’innovation ». Avec le but de proposer des solutions favorisant la pratique du vélo, en ville et à la campagne. « Cela a été difficile avant de décrocher nos premiers contrats. Nous avons eu des moments de découragement », reconnaît l’ingénieure, pourtant connue pour sa persévérance. La Fédération française du cyclisme (FFC) est la première à leur tendre la main. « Elle nous a aidés à nous faire connaître pour équiper des
L’usine nouveLLe | N° 3174 | 17 décembre 2009
a peine diplômée de l’ecole centrale de lille, Corinne verdier, 30ans, se lance dans la conception d’une station-service pour vtt avec trois camarades de promotion. depuis, leur société altinova emploie huit personnes et devrait réaliser un chiffre d’affaires de 1,3 million d’euros.
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sites de VTT », précise Corinne Verdier. Mais le déclic se fait attendre. Celui-ci intervient avec l’arrivée des vélos en libre service à Lyon en 2005. « Tout le monde s’est mis à s’intéresser aux services autour du vélo », se souvient-elle. Altinova développe alors son offre de produits et s’installe dans les centres-ville de Paris, Lyon, Strasbourg ou Dijon avec ses stations Altao. La jeune PME choisit d’orienter son offre vers des équipements écoconçus avec de l’acier galvanisé brut, de la peinture sans solvant et un éclairage à LED. Et ça marche. Altinova, qui a recruté trois personnes cette année (huit salariés au total), devrait enregistrer un chiffre d’affaires de 1,3 million d’euros, contre 450 000 euros en 2008. La société, qui travaille avec près de 150 fournisseurs, vient de signer avec la SNCF pour équiper 50 gares TER de Rhône-Alpes et avec la Ville de Valence (Drôme) pour fournir le mobilier urbain du futur vélo en libre-service pour mars 2010. « Nous commençons à avoir une réelle reconnaissance auprès des collectivités », assure Corinne Verdier. Et le privé ? « Cela fait partie de nos futurs chantiers. Nous sommes en discussions notamment avec des distributeurs pour équiper leurs parkings », explique-t-elle. Ironie du sort, Corinne Verdier, qui ne compte plus ses heures, entre sa vie professionnelle et sa vie de famille (elle a une petite fille d’un an et demi), confie faire moins de vélo qu’avant ! Elle passe désormais son temps libre à la montagne sur les pistes de ski. A quand des stationsservices pour snowboarders ? . Adrien CAhuzAC
les Autres nominés p Yann Menez
Domelys Technologies
p Anne Lavrand, Electravia p Bruno Aubert, Caripol
etats généraux le grand débat
:
al L’emprunt nation 10 à la rescousse. P.
Chaque jeudi
toute la vie de
management
reportage
A Copenhague, dans la peau r d’un entrepreneu
Les nouvelles façon d’innover p. 64
p. 14
N° 3174 - 17 décembre l’industrie -
2009 - 3,50 euros
32 les Inge´ nI´ eurs de l’annee
m www.usinenouvelle.co
l’événement
e Nouvelle» e consécutive, «L’Usin uables. Pour la 6 année urs les plus remarq avec le CNISF. P. 20 récompense les ingénie é en partenariat Un trophée organis
Pour l’innoVaTion Pascal monTès
le textile dans la peau
ulrICh leBeuF / Myop pour « l’usIne nouvelle »
du pays : le textile. « Le groupe Berlaine m’offrait la responsabilité du laboratoire de développement et des perspectives intéressantes », explique Pascal Montès, 42 ans, un accent du Sud-Ouest à couper à l’Opinel. De fait, le jeune textilien se retrouve rapidement à la tête de l’outil industriel de la PMI castraise. Tissage, filature, ennoblissement, confection… En quelques années, il effectue un apprentissage complet de toutes les techniques du métier. Il part ensuite chez Carreman, l’un des principaux groupes textiles de la région (ex-groupe Michel Thierry). Il y retrouve l’un de ses amis et ancien collègue, le directeur commercial France, Pierre-Henri Servajean.
le cofondateur d’esquad, pascal Montès, 42 ans, a créé un mode de tissage, qui rend la fibre des vêtements de moto indéchirable.
A
voir 20 ans, il y a vingt ans, dans le Tarn, ouvrait à un jeune bachelier en biochimie une voie royale : la pharmacie. Pascal Montès se serait bien vu rejoindre les Laboratoires Pierre Fabre, et rester à Castres, sa ville natale… Après un passage en classe préparatoire scientifique, il opte finalement pour l’autre important secteur industriel
Son déclic
“Etre ingénieur correspond à un degré d’excellence qui fait rêver. Pour moi qui le suis devenu par validation des acquis, c’est une reconnaissance du travail consacré à ma passion : le textile.”
L’ARMALYTH COURONNÉE PRIX DE L’INNOVATION
Ce Bordelais a deux passions, la mode et la moto. Il regrette que les tenues de motard soient aussi peu « fashion ». « Dans la confection, de nouvelles fibres avaient permis de faire des vêtements de ville plus sport. J’étais sûr qu’on pouvait faire quelque chose dans les vêtements de moto », explique Pierre-Henri Servajean. Pendant plusieurs années, les deux amis vont donc passer week-ends et temps libre à mettre au point une fibre indéchirable, pas une multicouche qui permet l’empilage de plusieurs matières pour profiter de leurs différentes propriétés, mais un nouveau mode de tissage. Pas question pour le chercheur d’utiliser l’outil industriel de son employeur. Il fait jouer son réseau de soustraitants partout en France pour mettre au point, pas à pas, son innovation. Il reçoit aussi un coup de pouce déterminant d’EADS, à Bordeaux, qui lui ouvre l’accès à des matériaux
comme de la fibre carbone. Cette dernière va rentrer dans la composition de la fibre. En 2005, l’Armalyth est officiellement brevetée et couronnée du prix de l’innovation de l’année par Oséo. Dans la foulée, les deux associés qui vont franchir la quarantaine montent Esquad, concepteur d’articles vestimentaires pour la moto et plus largement la pratique des sports à risques. Pascal Montès, marié et père de deux grands enfants, fait valider ses acquis professionnels et devient… ingénieur. Le succès d’Esquad est fulgurant. Les écrans se régalent des images de ce Hummer de quatre tonnes suspendu à dix mètres du sol par une armature en jean en Armalyth ou par ce motard de l’équipe du cascadeur Rémy Julienne, traîné sur quinze mètres par une voiture, vêtu d’Esquad de pied en cap. La marque est rapidement présente dans 80 points de vente en France et 120à l’étranger. A Castres, dans les locaux de l’entreprise, Pascal Montès continue ses recherches. Le champ d’application de la nouvelle architecture textile qu’il a mise au point est vaste. Mais avec un chiffre d’affaires encore inférieur à un million d’euros (900 000), l’entreprise manque de moyens pour financer la R & D. Elle a brûlé le cash injecté à la création, déjà mené une première restructuration douloureuse et cherche d’urgence d’autres actionnaires. Les mois qui viennent seront déterminants pour l’avenir de l’entreprise et celui de Pascal Montès. . sYlvie anDreaU
les aUTres nOMinÉs p Maurice Berenger, Protip p Manuel Hidalgo, Arkema
17 décembre 2009 | N° 3174 | L’usine nouveLLe
trophée 2009
raphael DautIgny pour « l’usIne nouvelle »
Daniel Ferbeck, 71 ans, a été à la base des transports automatisés du val jusqu’au projet de la ligne 14 du métro parisien.
Pour l’ensemble de sa carrière daniel Ferbeck
Il a révolutionné le métro
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ne carrière chez Matra, puis Siemens, pour réaliser la grande aventure de sa vie professionnelle: le VAL. Trois lettres pour un métro pas comme les autres, le Villeneuved’Ascq-Lille, devenu depuis «véhicule automatique léger». A 71 ans, Daniel Ferbeck est en pleine forme. Noël Claveloux, président du Conseil national des ingénieurs et scientifiques de France (CNISF), organisateur du Prix des ingénieurs de l’année
Son déclic
“Dans le Rouen de l’aprèsguerre, je me suis passionné pour l’aéronautique et l’automobile. Pas encore pour le ferroviaire.” L’usine nouveLLe | N° 3174 | 17 décembre 2009
avec «L’Usine Nouvelle», explique le choix du lauréat: «Daniel a été à la base des transports automatisés depuis le VAL jusqu’au projet de la ligne 14 du métro parisien. Et il est toujours très actif. C’est toujours un expert que le gouvernement consulte.» D’ailleurs, il continue à œuvrer comme conseiller chez Siemens et comme enseignant. Assis dans son fauteuil, il raconte sa vie professionnelle en distillant ses anecdotes. Ce censeur qui en Math Sup lui conseillait d’abandonner… En 1963, il était reçu dans plusieurs écoles dont Sup Aéro qui aura sa préférence. Il est vrai que c’était sa troisième tentative. En tout cas, la crainte de devoir faire la guerre d’Algérie fut un excellent stimulant… A cette époque, il est très facile de
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trouver un poste d’ingénieur. Il y a une véritable pénurie. Alors il refuse d’entrer chez Nord-Aviation et SudAviation, des «grosses entreprises, où les gens semblaient s’ennuyer». En 1965, il opte pour Matra «une PME dynamique, où son patron Jean-Luc Lagardère recrute de jeunes ingénieurs». Il travaille un peu dans l’aérospatiale, un peu dans l’exploitation pétrolière offshore et fin 1971, Matra participe à un appel d’offres pour le métro automatique de Lille. Il devient chef du projet VAL à 33 ans. «Au départ il ne s’agissait que de relier la ville nouvelle et le centre de Lille, mais le très énergique président de la communauté urbaine, Arthur Notebart, m’avait dit : “Si vous pouvez me démontrer que cela marche, vous êtes capable de faire un vrai métro”. Il a eu du mal à le faire accepter par les élus.» En 1977, la décision a été ferme et l’exploitation a commencé en 1982. Dans la foulée, la deuxième ligne du métro lillois est attribuée à Matra. Daniel Ferbeck enchaîne les succès à Chicago, à Taipei, ou à Toulouse. En 1991, c’est au tour d’Orlyval. «Ce fut une réussite technique, mais ils avaient imaginé qu’il y aurait beaucoup plus de monde.» Et il a une explication: «Le bourgeois parisien n’aime pas être mélangé avec les banlieusards dans le RER!» Mais après tous ces succès, il a quand même goûté au placard. Motif: il avait refusé de partir pour Taïwan à la demande du boss, JeanLuc Lagardère. Ce passionné d’histoire des techniques a gardé des relations avec d’anciens copains de sa promotion, mais il est peu friand «des mafias d’anciens élèves». En revanche, il conseille aux jeunes de se lancer dans cette profession. «Ingénieur reste un métier d’avenir et notamment dans les transports. Un secteur qui permet d’avoir plus rapidement des responsabilités que dans l’automobile où l’on peut passer des années sur un essuieglace ». . Olivier COgnasse