Developpement durable

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les cahiers de

supplément au numéro 3197

• 17

juin 2010

• ne peut être vendu séparément

Développement Durable

les pratiques des meilleurs

www.usinenouvelle.com



STÉPHANIE JAYET

DÉVELOPPEMENT DURABLE LES PRATIQUES DES MEILLEURS

Pierre-Olivier Rouaud

Maturité Fini les envolées lyriques. Le changement de monde promis lors du lancement du Grenelle de l’environnement en mai 2007, les appels à sauver la terre à l’approche du sommet de Copenhague l’an dernier, les fols espoirs d’une révolution énergétique éclair ne sont plus guère de mise. Les crises (financières, économiques et sociales) comme la raison sont passées par là. Si les promesses de lendemain qui chantent ne se sont pas transformées en petits matins blêmes, chacun a pris conscience que nos modes de production et d’échange ne pouvaient se voir bouleverser d’un claquement de doigts. Encore moins d’un coup de menton politique. Les réalités économiques et technologiques se rappellent à nous chaque jour. Le facteur temps, surtout. Nos vieilles sociétés ne se transforment pas

Une vaste entreprise est lancée, qui touche toutes les activités humaines, tous les recoins de la planète, toutes les dimensions des affaires. aussi facilement. Quant au travail des ingénieurs, il s’inscrit dans la durée. On peut discourir à l’infini sur la voiture électrique, nul n’a encore trouvé la recette magique pour stocker les électrons. Il n’empêche. Derrière le terme générique de développement durable une vaste entreprise a été lancée. Celle-ci touche toutes les activités humaines, tous les recoins de la planète, toutes les dimensions des affaires. Il s’agit de s’approprier des pratiques telle la RSE (Responsabilité sociale et environnementale), comme nous le rappelle dans

L’USINE NOUVELLE | SUPPLÉMENT AU N°3197 | 17 JUIN 2010

une interview Nicole Notat, d’intégrer les process de certification, de mettre en place des relations nouvelles avec son voisinage comme le montrent de passionnantes expériences à Fos-sur-Mer ou Dunkerque. Il faut aussi prendre en compte le facteur humain que ce soit en matière d’évolution de compétences, de formation initiale ou continue. Dans ce grand mouvement, chacun a pris conscience de sa responsabilité, celle de réduire les impacts de son activité, celle de s’inscrire dans une perspective de temps longue, celle de mieux respecter les hommes et la nature. Qui peut s’en plaindre, si c’est mené avec raison. N’en déplaise aux apôtres de la décroissance, le grand défi de nos sociétés est de réussir à le faire sans trop bouleverser nos modes de vie. Celui des économies émergentes, plus ardu encore, est d’y parvenir sans sacrifier leur longue et difficile marche vers la prospérité. Qui pourrait leur imposer ? Pour les entreprises en tout cas, le message est clair : le développement durable doit aller de soi. Il est désormais ce que fut leur engagement en matière de qualité durant les années 1990 : d’abord une nouveauté, ensuite une obligation, enfin une habitude. Sans compter que cette démarche est un extraordinaire stimulant pour l’innovation. C’est dans ce sens que nous avons voulu, avec ce supplément, livrer des expériences, lancer des idées, illustrer les bonnes pratiques, des contradictions parfois. En espérant vous éclairer et, surtout, vous rendre service. .

3


DéVELOPPEMENT DURABLE les pratIques des meIlleurs

Index des entreprises citées dans ce numéro

24 3

Edito

6

entretien

Nicole Notat, présidente de Vigeo : «Les entreprises qui s’engagent ne le font pas par philanthropie »

management 28

28

écologie industrielle

A Dunkerque, les entreprises montrent l’exemple photovoltaïque

Le solaire se lève en France

30

enjeu

32

pierre gadonneix, président du cme

Demain, des entreprises hyper-responsables !

Les télécoms s’activent pour consommer moins « Gérer les retombées d’une demande accrue d’énergie »

formation

Les étudiants veulent plus de vert dans leur cursus

REA

34

10

mutation

12

concertation

14

engagement

16

17

Comment Fos a implanté une usine de traitement de déchets Bâtir un projet avec une ONG marketing

Communiquer sur les produits écolos Préparez-vous à l’étiquetage environnemental

processus 18

L’écoconception, une démarche militante

MASTERFILE

Majencia, PME durable

36

mutation

38

métiers

jOEL PhILIPPON

certification

Améliorer ses performances grâce à la norme ISO 14001

Rendre ses salariés responsables

40

Emploi

42

profil

44

20

Les promesses des emplois écolos

Mieux former pour mieux recruter

A-B A.Raymond ...................8 Air liquide ...............24/28 Alcatel ........................ 30 Altran......................... 38 Altran Technologies ....... 40 Apple ...........................6 ArcelorMittal ............12/24 Areva ................ 12/16/38 Aria Technologies .......... 12 Arkema....................... 12 Ascométal ................... 24 Atol............................ 10 Becton Dickinson ............8 BP ............................ 6/8 BVC ............................ 20 C-D Carglass....................... 10 Carrefour..................... 16 Casino ........................ 16 Caterpillar......................8 Cemex ........................ 14 China Telecom .............. 30 Danone ........................6 Deutsche Telekom ......... 30 DK6 ........................... 24 E-F-G EdF ........................32/38 EdF Diversiterre............. 14 Emix .......................... 28 Ericsson ...................... 30 Evere.......................... 12 Fnac........................... 16 Fonroche Energie .......... 28 Foxconn........................6 GdF............................ 24 General Electric...............8 Google..........................8 H hama......................... 14 haworth..................... 10 hewlett-Packard.............8 huawei....................... 30

Le directeur du développement durable acquiert ses lettres de noblesse

I IBM..............................8 Ikea .............................8 Imerys TC..................... 28 IPM France................... 20

EntrEtiEn

K Koné.......................... 38

Bruno Lafont, PDG de Lafarge : «Une politique de développement durable, cela doit pouvoir se mesurer»

L-M-N L’Oréal..................... 8/14 Lafarge ....................... 44 Lafuma....................... 14 Laiterie Saint-Denis-de-l’hôtel... 14 Leclerc ........................ 16 Lesieur........................ 24 LVMh.......................... 38 LyondellBasell .............. 12 Lyonnaise des Eaux..........2 Majencia..................... 10 Monsanto.................... 16 MPO........................... 28 Nature et Découvertes .... 16 Nokia Siemens Networks .................... 30 O-P Orange ...................16/30 Patagonia......................8 Pevafersa .................... 28 Photowatt................... 28 Pilot........................... 16 Pizzorno ..................... 14 Polimeri Europa............ 24 Prologis ...................... 38 R-S-T Randstad .................... 40 Rassuen...................... 12 Renault ...............6/16/18 Samas BV .................... 10 Schneider Electric ......16/28 Semco ........................ 28 SGS ICS........................ 38 Sodexo .........................8 Solairedirect Technologies................ 28 Sony ............................6 Steelcase ..................... 10 STMicroelectronics ...........8 Sunnco ....................... 40 Telecom Italia............... 30 Tenesol....................... 28 Thales ........................ 38 Total .......................... 24 Toyota ........................ 16 U-V-W Urbaser....................... 12 Valeo Services............... 40 Veolia Eau ................... 20 Vinci.............................6 Vodafone .................... 30 Windtechnics ............... 40

Supplément à « L’Usine Nouvelle » n°3197 du 17 juin 2010 (commission paritaire n° 0712T81903). Ne peut être vendu séparément. Une publication du groupe Gisi, Antony Parc 2, 10 place du Général de Gaulle 92160 Antony. Directeur de la publication : Christophe Czajka. Impression : Roto France Impression 77185 Lognes. PhOTO DE COUVERTURE : MASTERFILE

17 juin 2010 | supplément au n° 3197 | L’usine nouveLLe


Vertaris:Mise en page 1

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PUBLI COMMUNIQUÉ

Pari gagné pour Vertaris !

Inaugurée le 21 février 2010 à Voreppe près de Grenoble, la société Vertaris franchit avec succès ses premières échéances. Son positionnement unique au cœur du développement durable et les perspectives du marché européen lui donnent tout l’élan pour atteindre une croissance rapide.

A

près quelques mois d’activité, Vertaris a réussi son double pari : redéployer un outil industriel et l’orienter sur des produits recyclés performants et haut de gamme. Vertaris se positionne aujourd’hui comme une entreprise innovante basée sur le recyclage d’un déchet familier : les papiers de récupération. A partir de ce déchet devenu matière, l’entreprise se concentre sur trois activités : la fabrication de pâte cellulosique haut de gamme, de papier haute blancheur et de matériaux d’isolation pour l’habitat. Un tour de force d’autant plus impressionnant que l’entreprise se différencie en imposant un savoir-faire unique en Europe : sa pâte et son papier de première blancheur sont produits uniquement à partir de vieux papiers de qualité commune collectés auprès des ménages, des entreprises et des collectivités locales. Ce positionnement hyperqualitatif répond parfaitement aux enjeux de la protection de l’environnement : limitation des émissions de CO2 et préservation des ressources naturelles.

Une technologie unique

Pour son papier destiné à l’écriture et à l’impression, Vertaris fabrique une pâte qu’elle propose également aux autres acteurs de

la filière. Pilier du dispositif : une usine de pâte désencrée ultra-performante élaborée avec une volonté de respecter l’environnement en utilisant des additifs chimiques ayant un faible impact environnemental comme les savons ou l’eau oxygénée. La technologie unique de l’usine permet d’atteindre les niveaux de blancheur des produits issus de pâtes de bois neuves. « Cet assemblage de plusieurs stades consécutifs d’épuration, de désencrage et de blanchiment est un procédé unique qui fait toute la puissance de Vertaris », explique François Vessière, PDG et co-fondateur de l’entreprise. De nombreux brevets ont été déposés. « Notre force est d’avoir su réaliser un montage performant à partir des meilleures machines pour chaque étape

de production », confirme Jean Carlos Fernandes, Directeur général adjoint en charge des services industriels. Dès la fin de l’année, Vertaris lancera une troisième production : la ouate de cellulose. Ce matériau est attendu pour répondre aux besoins énormes d’isolation des bâtiments, conformément à l’application des réglementations thermiques en vigueur et aux ambitions du Grenelle de l’environnement. Où Vertaris se démarque encore par de l’innovation : la ouate de cellulose sera commercialisée sous des formes nouvelles destinées à renforcer son attractivité auprès des utilisateurs finaux.

Objectifs déjà atteints

Les premiers résultats économiques de Vertaris sont à la hauteur de ses ambitions industrielles (chiffre d’affaires prévisionnel 2010 : 42 M€). La production ne cesse de monter en puissance. Elle devrait atteindre sa première cible dès septembre 2010, avec la première machine à papier en continu sept jours sur sept. A pleine capacité, l’entreprise tournera avec 2 machines à papier, une unité de pâte à papier et une unité de fabrication de matériaux d’isolation. Vertaris affiche aussi des résultats sociaux prometteurs. Plus de 100 personnes travaillent aujourd’hui dans l’entreprise.

140 collaborateurs sont prévus d’ici la fin de l’année et 200 dans deux à trois ans. Les ressources humaines ont opté pour une démarche participative moderne, par laquelle les anciens salariés du site ont contribué à l’élaboration des règles sociales. Une charte et un comité stratégique veillent à la bonne diffusion des valeurs fondatrices : écoute, respect, transparence et loyauté.

Cap sur l’avenir

Les perspectives de croissance de Vertaris s’inscrivent à plusieurs niveaux. En interne, l’entreprise veut augmenter sa capacité de production afin de satisfaire les exigences des clients pour le papier et la pâte destinés à des applications multiples : papier pour écriture, emballage, mouchoirs, etc. Vertaris s’est aussi donné pour objectif de diversifier ses approvisionnements en matière première. Traduction immédiate : l’entreprise s’est dotée de l’expertise d’AVP, spécialiste de la récupération du papier et des cartons, une compétence-clé pour un métier plus que jamais orienté vers l’avenir. Et l’avenir peut sourire à Vertaris : sur un marché européen estimé à 40 millions de tonnes, moins de 10 % du papier d’écriture et d’impression contient aujourd’hui des fibres recyclées.

http://www.vertaris.eu contact@vertaris.eu


entretien

Nicole Notat, présidente de Vigeo

Les entreprises qui s’engagent ne le font pas par philanthropie Les entreprises cotées en Bourse doivent, depuis 2001, présenter un bilan social et environnemental dans leur rapport annuel. Y a-t-il eu de vraies avancées ? La loi sur les Nouvelles régulations économiques (NRE) a créé un vrai progrès chez les entreprises. Elles ont dû rendre compte de leurs pratiques environnementales, sociales et sociétales. Le champ de la Responsabilité sociale et environnementale (RSE) est très large. Il touche à tout ce qui relève de l’attention que porte l’entreprise aux intérêts de ses parties prenantes: actionnaires, salariés, fournisseurs, sous-traitants, collectivités, environnement…. En obligeant les entreprises à communiquer, la loi les a amenées à définir leurs objectifs de RSE et à poser des systèmes de reporting qui n’existaient pas. Et, alors que cette loi n’existe pas dans tous les pays européens, il y a eu un effet d’imitation par les autres multinationales. Et les petites entreprises ? Le Grenelle II semble avoir mis de côté l’obligation de communication des entreprises de plus de 500 salariés. La loi Grenelle II prévoit d’élargir tout de même le périmètre des entreprises éligibles à l’obligation de publier des informations RSE. Ce qui est en suspens, c’est le seuil à partir duquel – en nombre de salariés ou en chiffre d’affaires – elles vont devoir le faire. Certaines PME, alors que rien ne les y contraint, sont pionnières dans la manière de se saisir de ces concepts et d’en tirer des opportunités en termes d’image et d’attractivité de leurs produits. Une autre question encore en discussion porte sur le développement d’un label RSE pour les PME. Quelles sont les motivations des entreprises ? Celles qui revendiquent des engagements de RSE ne le font pas par philanthropie. Elles y voient des atouts supplémentaires en termes de réputation, d’attractivité de leurs produits ou de leurs services, une source d’innovation et de différenciation compétitive. Les moins convaincues

p. guITTET/« L’u.n. »

La patronne de Vigeo, la principale agence de notation de l’engagement social et environnemental des entreprises, fait le bilan de la démarche à la veille de dix ans d’obligation pour les grandes entreprises.

Son parcours

1970 Institutrice, secrétaire nationale du Sgen-CFDT Meuse. 1988 Secrétaire adjointe de la CFDT 1992-2002 Secrétaire générale de la CFDT. 2002 Elle fonde Vigeo. 2005-2010 Elle internationalise la société en lançant Vigeo Belgium puis Vigeo Italie, et noue des partenariats à Singapour pour couvrir l’Asie.

observent qu’à se désintéresser de ces sujets, elles risquent d’attenter à leur image. Comment se positionnent les entreprises françaises par rapport aux autres pays européens ? Les Pays-Bas restent le pays où les entreprises fournissent le plus d’informations en matière de RSE. La France est deuxième dans le système de reporting. Mais c’est aussi parce qu’il y a une contrainte législative. Quels sont les domaines dans lesquels les entreprises sont le plus avancées en matière de RSE ? C’est sur la gouvernance que les informations données par les entreprises sont les plus complètes. Il existe depuis longtemps des standards auxquels les entreprises doivent se plier. Et la gouvernance est regardée à la loupe par les acteurs financiers. Elle donne lieu à de nombreuses évaluations. C’est sur les questions sociales qu’il y a moins d’informations. Les données sur les restructurations ne courent pas les rues tout comme celles sur la promotion du dialogue social. Il n’y a aujourd’hui pas de normes pour la RSE, n’est-ce pas la raison d’un certain flou et d’une difficulté pour les entreprises ? Tout d’abord, je voudrais rappeler que ce concept a à peine dix ans, c’est peu. Il mérite encore d’être vulgarisé. Les entreprises doivent lui donner sa consistance. La normalisation se construit la plus souvent à partir d’un capital d’expérimentations. Les dirigeants doivent se saisir de la logique de la RSE et faire vivre un contenu qui soit propre à leurs activités, leurs enjeux stratégiques, leurs métiers, leurs territoires d’implantation. Une norme ISO 26000 devrait d’ailleurs voir le jour et fournir des lignes directrices sur la RSE. Mais l’engagement sans la norme suffit-il ? Il était affiché par BP et cela n’a pas évité la catastrophe du golfe du Mexique. Un accident de cette nature n’a effectivement rien d’anodin. Mais il faudra voir si la catastrophe ressort de 17 juin 2010 | supplément au n° 3197 | L’usine nouveLLe


pASCAL guITTET/« L’uSInE nouVELLE »

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l’accident que l’entreprise ne pouvait pas anticiper. Ou s’il y a eu une mauvaise maîtrise des risques et des négligences en matière de sécurité. Dans des situations comme celle-ci, chez Vigeo, nous déclenchons une alerte et revoyons nos scores en conséquence. Les entreprises opèrent sur des zones géographiques de plus en plus diversifiées, comment savoir si leurs engagements RSE sont au même niveau quel que soit le pays ? Premier élément pour évaluer la mobilisation de l’ensemble de l’organisation: existe-t-il un système de reporting qui invite les opérationnels des zones d’activités à rendre compte de leurs engagements et de leurs résultats? S’il n’existe pas, cela veut dire qu’il a des trous dans la maille. Deuxième élément: les critères d’évaluation et de rémunération des managers intègrent-t-ils des objectifs de RSE? C’est un mouvement qui s’amorce dans certaines entreprises, Danone, Vivendi, le Crédit agricole l’ont mis en place. D’autres y réfléchissent. Enfin, les dirigeants abordent-ils ces sujets au sein du conseil d’administration? L’existence d’un comité éthique ou de développement durable est un signe de maturité. Il y a une prise de conscience que la RSE doit s’exercer partout. Lors du sommet L’usine nouveLLe | supplément au n° 3197 | 17 juin 2010

Afrique-France du 1er juin, le Medef a proposé une charte d’engagement en dix points pour les multinationales opérant sur ce continent avec évaluation des progrès dans deux ans. L’affaire des suicides chez Foxconn en Chine ne montret-elle pas que la sous-traitance peut être une voie pour s’affranchir de ses responsabilités ? Non. Regardez l’impact médiatique sur les donneurs d’ordres comme Apple ou Sony. La prise en compte par les sous-traitants des principes, dont se recommandent leurs donneurs d’ordres, est de plus en plus un enjeu de RSE. Quelles sont les structures qui s’intéressent à vos services de notation et de conseil ou d’audit ? L’ensemble des banques et des assurances s’intéressent à la notation. Depuis peu, le Private Equity a aussi fait son entrée dans l’investissement socialement responsable. Ces acteurs s’intéressent aux actifs immatériels et au capital humain. Enfin, au-delà de la notation, des entreprises du secteur public, privé ou mutualiste sollicitent de l’audit ou du conseil pour engager des démarches de progrès continu. . ProPoS recueilliS Par anne-SoPhie Bellaiche, camille chandèS et Pierre-olivier rouaud


management

Réa

demain, des entreprises hyper-responsables !

Le projet de loi Grenelle II n’ira sans doute pas aussi loin que prévu en matière de Responsabilité sociale et environnementale (RSE). Mais l’approche gagne du terrain parmi les entreprises, y compris les PME. 17 juin 2010 | supplément au n° 3197 | L’usine nouveLLe


9

P

artie remise ? Le projet de loi initial Grenelle II voté par le Sénat prévoyait l’ex­ tension des obligations d’information sur des cri­ tères environnementaux, sociaux et de gouvernance à toutes les entrepri­ ses de plus de 500 salariés. Aujour– d’hui, cette obligation ne s’applique qu’aux 650 sociétés cotées. Finale­ ment, ce sera un décret ultérieur qui déterminera le périmètre d’applica­ tion, en fonction du chiffre d’affaires et de l’effectif des sociétés. Ce décret précisera aussi la nature des informa­ tions à fournir, que ce soit un tronc commun d’indicateurs sociaux et environnementaux pour toutes les entreprises ou bien des indicateurs sectoriels. C’est enfin lui qui tran­ chera sur leur éventuelle certification par un organisme tiers indépendant. Seules restent l’obligation pour les entreprises de plus de 500 salariés d’effectuer un bilan CO2 et celle de faciliter la circulation des espèces sauvages, lors de la construction d’autoroutes ou de lignes à grande vitesse pour protéger la biodiversité.

trop souvent des supports de communication

Respect. Il sera toujours obligatoire aux entreprises de faciliter la circulation des espèces sauvages lors de la construction de lignes à grande vitesse et d’autoroutes pour protéger la biodiversité.

Si la plupart des entreprises deman­ dent de choisir elles­mêmes leurs indicateurs, les bilans RSE (Res­ ponsabilité sociale et environnemen­ tale) actuels élaborés sur ce principe ressemblent souvent encore à des supports de communication plus qu’à des outils d’évaluation de la stratégie développement durable des entrepri­ ses. BP, qui édite des rapports RSE volumineux, aurait ainsi, avant le naufrage de sa plate­forme dans le golfe du Mexique, réduit son budget sécurité... Certaines entreprises n’ont toutefois pas attendu des obligations régle­ mentaires pour s’engager dans une démarche RSE. C’est notamment le

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cas de STMicroelectronics qui l’a ini­ tiée dès 1994 et assure avoir écono­ misé un milliard de dollars d’eau, d’énergie et de produits chimiques ces huit dernières années. Quant à IBM, qui applique depuis 1971 un système strict de management envi­ ronnemental, il a économisé 4,9 mil­ liards de Kwh d’électricité et réduit ses émissions de CO2 de 48 % depuis 1990. De quoi se classer cinquième en termes de politique environnemen­ tale parmi les 500 plus grandes entre­ prises mondiales, d’après le « News­ week Green Rankings » 2009.

seules deux entreprises françaises distinguées

Autres bons élèves : Patagonia, en tête du classement des groupes les plus éthiques du monde publié par l’ins­ titut Ethisphere en 2010 ; Hewlett­ Packard, premier groupe de techno­ logies de l’information à avoir comp­ tabilisé et réduit les émissions de gaz à effet de serre liées à sa chaîne logis­ tique ; ou encore General Electric, Caterpillar, Google, Ikea et Becton Dickinson. Mais seulement deux entreprises françaises, L’Oréal et Sodexo, figurent au classement. De leur côté, des entreprises de taille intermédiaire non cotées se sont aussi impliquées, comme la société iséroise A.Raymond. Ce groupe de fixation automobile a, par exemple, signé le Global Compact des Nations unies l’engageant à respecter dix principes portant sur les droits de l’homme, les normes du travail, l’environnement et la lutte contre la corruption. De fait, la plupart des dirigeants d’en­ treprise désirent aujourd’hui appli­ quer les principes de RSE, en dépit du ralentissement économique, afin d’améliorer leur image et de doper leur croissance, selon une étude menée en 2009 par l’Institute for Business Value d’IBM. . muRiel Beaudoing

la RSe, qu’est-ce que c’est? >

La RSE est un concept plus qu’une norme.

Cela signifie qu’il n’existe pas de définition précise. Le sigle RSE peut ainsi être décliné en « responsabilité sociale des entreprises » mais aussi « responsabilité sociétale des entreprises » ou « responsabilité sociale et environnementale ». >

Selon la Commission européenne, la RSE est « un concept qui désigne l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes ».


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management

Mutation

Majencia, PME durable Le fabricant de meubles a voulu participer au développement d’une économie locale en relocalisant une partie de sa production. Il veille aussi à l’impact de ses activités industrielles sur l’environnement.

Spécialiste de l’aménagement des espaces de travail >

Siège

>

Effectif

>

Actionnaires

>

Implantation

Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) 730 salariés Encadrement

Trois sites de production à Guise (Aisne), Noyon (Oise) et Bressuire (Deux-Sèvres) >

94 millions d’euros en 2009, en baisse de 10 % sur un marché en recul de 16 %

RApHAEL DEMARET/REA

Chiffre d’affaires

Reprise en main. Descaissons à prix low cost, jusque-là importés de Chine, sortent par dizaines de milliers de l’usine picarde.

C

’est peut-être parce que nous avons frôlé la disparition que nous savons à quel point la notion de durable est essentielle », sourit Vincent Gruau, le PDG de Majencia. Après avoir été placé en redressement judiciaire fin 2003, ce spécialiste de la fabrication de mobilier de bureau est aujourd’hui sorti du rouge. Avec 730collaborateurs pour 94millions d’euros de chiffre d’affaires, il affichait en 2009 un résultat opérationnel de 1,4million d’euros. Dans le trio de tête du marché français de l’aménagement d’espaces de travail, avec Steelcase (120millions d’euros de

chiffre d’affaires en France) et Haworth (50millions d’euros), il a mis ces dernières années à profit pour devenir un exemple en matière de responsabilité sociale. Sa priorité: s’imposer comme un acteur économique local solide, capable de générer des emplois et de déployer une politique industrielle compatible avec les impératifs environnementaux. Une stratégie que le groupe a accélérée depuis qu’il a pris son indépendance. En septembre 2008, il a, en effet, quitté le giron du néerlandais Samas BV, dans le cadre d’un rachat de l’entreprise par son management et s’est rebaptisée Majencia.

Pour Vincent Gruau, le développement durable ne doit pas seulement être «vert». «Il repose aussi sur deux autres piliers: le social et l’économie. Nous portons nos efforts sur chacun d’eux», explique-t-il. Son cheval de bataille : dynamiser le bassin d’emploi en renforçant son implantation industrielle. En 2006 déjà, la société avait rapatrié en France une partie de sa production. L’idée: fabriquer à nouveau sur Noyon (Oise) les caissons d’entrée de gamme jusque-là importés de Chine. Une remise à plat totale du process industriel est lancée. Au programme, amélioration de la qualité, accom-

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DeS CHoiX réSoLUS > prendre le développement durable dans toute son acception : sociale, économique et environnementale.

> etre prosélyte

sur les vertus de la responsabilité sociale auprès de ses fournisseurs et de ses clients.

> voir le développement durable comme un outil pouvant améliorer la performance de l’entreprise.

pagnement des four­nisseur­s et automatisation accr­ue du site. Un an plus tar­d, la mission est accomplie: des caissons à pr­ix low cost sor­tent par­ dizaines de millier­s de l’usine picar­de. «Nous essayons aussi de tr­availler­ avec des pr­estatair­es et des four­nisseur­s fr­ançais », pr­écise le PDG. L’entr­epr­ise a d’ailleur­s fondé avec l’opticien Atol et le spécialiste du vitr­age automobile Car­glass, le Comité des entr­epr­eneur­s pour­ un développement r­esponsable de l’économie (Cèdr­e). « Nous avons des histoir­es compar­ables et essayons de témoigner­ sur­ les bénéfices de la r­elocalisation», explique Vincent Gr­uau.

LEs saLariés ont été rEquaLifiés

Cette année, les effor­ts ont por­té sur­ la r­econver­sion de son site de Br­essuir­e (Deux-Sèvr­es), dont l’activité d’assemblage de sièges devait êtr­e stoppée. La tr­ansition industr­ielle s’est faite sans casse sociale, gr­âce à une politique de r­equalification des salar­iés. Une année a été nécessair­e pour­ adapter­ les employés à l’activité d’agencement. «L’ar­r­êt de l’atelier­ a été annoncé en début de l’année der­nièr­e. Les for­mations se sont ensuite étalées d’avr­il à décembr­e 2009. Aujour­d’hui, vingt salar­iés sur­ les vingt-quatr­e du site sont des spécialistes de l’agencement», s’enor­gueillit le dir­igeant. Pour­ y par­venir­, la société a augmenté son budget de for­mation pr­ofessionnelle. Il est passé de 3,34 %

de la masse salar­iale en 2008 à 4,5% en 2009 (l’obligation légale se situe à 1,5 %). Ce choix du « made in Fr­ance » a bien sûr­ per­mis d’amélior­er­ la per­for­mance envir­onnementale de l’entr­epr­ise. L’ar­r­êt des appr­ovisionnements de caissons chinois a per­mis en 2006 d’éviter­ l’émission de 700 tonnes de CO² par­ an. Auxquels s’ajoutent 50tonnes, gagnées gr­âce au tr­ansfer­t de l’activité d’assemblage de sièges de Br­essuir­e à Noyon. Le développement du fer­r­outage engagé en 2007 a, lui, fait économiser­ 700 tonnes de CO ² sur­ un an. Bien que modestes, compar­és aux millions de tonnes économisées par­ les gr­andes entr­epr­ises, ces scor­es témoignent d’une per­sévér­ance sur­ le long ter­me.

dEs pLans dE progrès sur tous LEs procEss

L’entr­epr­ise a, par­ ailleur­s, engagé d’autr­es actions en matièr­e de conception et de pr­oduction : utilisation de bois cer­tifié, peintur­e sans solvant, emballage r­ecyclable à 100%, chaudièr­e br­ulant les déchets sur­ le site de Br­essuir­e... Autant de démar­ches matér­ialisées par­ la nor­me NF envir­onnement validée par­ l’Institut technique, FCBA. Majencia se lançant, par­ ailleur­s, dans un pr­ocessus de cer­tification ISO 14000. La PME a également adhér­é en 2008 au pacte mondial des Nations unies (Global Compact), qui l’oblige à afficher­ chaque année une liste d’engagements chiffr­és pr­ouvant sa r­esponsabilité sociale. En matièr­e de per­for­mance industr­ielle enfin, la société a mis en place des plans de pr­ogr­ès sur­ tous ses pr­ocess. La r­ègle ? Pr­ivilégier­ la solution qui appor­te un gain de pr­oductivité si, et seulement si, elle n’entr­aîne pas de moins-value envir­onnementale. « Si c’est le cas, nous pr­éfér­ons y r­enoncer­ et tr­ouver­ une autr­e voie de pr­ogr­ès », explique Vincent Gr­uau. Un cr­edo encor­e r­ar­e. . Marion Deye

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management

ConCertation

Comment Fos a implanté une usine de traitement de déchets Le syndicat d’agglomération Ouest Provence a fait appel au BRGM pour mesurer l’état des pollutions et leur évolution. Il a analysé de multiples indicateurs sur les 350km2 du territoire. Ses conclusions ont contribué à apaiser les tensions locales liées à la construction du site.

J

La commande d’Ouest Provence confiée au BRGM débouche sur le programme Aigrette (Approche intégrée de la gestion des risques environnementaux à l’échelle d’un territoire). Le but est d’analyser les sols, l’air, l’eau, la biodiversité... Avec doigté. « Nous avons associé le plus grand nombre d’acteurs pour disposer d’un outil incontestable dans la transparence et la concertation », souligne René Raimondi, le maire de Fos­sur­Mer et vice­président d’Ouest Provence. Les industriels acceptent alors d’entrer dans le comité de pilotage, via le Groupement industriel et maritime de Fos (GMIF). Ils y côtoient les collectivités locales, l’Agence de l’eau, des bureaux d’études, etc. Le Port de Marseille­Fos, souvent critiqué par les élus pour son manque de concertation y participe aussi. « Nous avons transmis nos données

3 questions à

sans peur de révélations inattendues », explique Magali Devèze, la responsable aménagement et développement durable du Port. Au fil des mois, le BRGM pour les sols et l’eau, Aria Technologies pour l’air et Eco Med pour les milieux naturels, engrangent les chiffres existants, disséminés dans les administrations et les organismes de surveillance, et les prélèvements de terrain, parfois guidés par les associations de riverains.

Deux ans et Demi D’analyses

Durant deux ans et demi, des cen­ taines d’analyses sont effectuées, y compris sur des molécules que la réglementation n’oblige pas de mesurer. Quelque 195composés chimiques ont été explorés dans l’eau et les sols. Tous sont intégrés dans une base unique, un système d’information géographique

Patrick Grimaldi

Chef du service hygiène-sécurité-environnement d’Arkema à Fos

“S’adapter à un contexte local à forte sensibilité environnementale” tendre à la transparence avec les élus, les associations ou les riverains. Pour des études Son approche scientifique et globalisée futures, les industriels doivent se montrer sur des sujets polémiques ! Les résultats plus actifs, par exemple en accueillant démontrent que la situation n’est pas les chercheurs dans les usines. Il faut savoir aussi inquiétante qu’on aurait pu le croire. s’adapter à un contexte local à forte sensibilité C’est plutôt rassurant, puisque les salariés y vivent! environnementale. Mieux vaut prendre le temps Les industriels peuvent-ils s’en servir? de débattre, même si les procédures n’y Aigrette et l’Institut écocitoyen complètent les contraignent pas. Cela participe à la formation actions des commissions locales d’information pour des citoyens et à l’acceptabilité de nos activités. . Quel intérêt le programme aigrette a-t-il eu ?

D.R.

amais une étude environne­ mentale aussi poussée n’a été réalisée sur un territoire de cette ampleur», assure François Blanchard, le responsable de l’unité sites et sols pollués, au service environ­ nement et procédés du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Tout commence en 2007. Le Syndicat d’agglomération nouvelle (SAN) Ouest Provence fait appel au BRGM, afin de disposer d’un « point 0 » sur ses six communes : Fos­sur­ Mer et Port­Saint­Louis­du­Rhône, où est située la zone industrielle et portuaire, ainsi qu’Istres, Miramas, Grans et Cornillon­Confoux. Soit 350 km² situés dans les Bouches­du­ Rhône. Une première en Europe. Objectif : mesurer l’état des pollutions pour évaluer leur niveau et surtout leur évolution. Car les élus et la population de ce territoire, de près de 100000 habitants, sont inquiets. La communauté urbaine Marseille Provence métropole, le Port de Marseille­Fos et l’Etat ont validé l’implantation d’une usine de traite­ ment de déchets à Fos. Evere, la filiale de l’espagnol Urbaser, traitera les déchets de l’agglomération marseillaise par incinération (300000 tonnes) et par méthanisation (110 000 onnes). Malgré les prescriptions strictes prévues pour limiter les rejets, les riverains considè­ rent qu’Evere ajoutera des nuisances dans un paysage déjà très industrialisé, où sont situés une acierie d’Arcelor­ Mittal et une grande part de la chimie et de la pétrochimie régionales.

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Un vif débat local

GDF SUEZ/GILLES CRAMPES

«Nous n’accepterons plus aucune implantation d’industrie lourde polluante à Fos. Notre territoire subit trop souvent des dépassements de seuils sur la qualité de l’air», affirme René Raimondi, le maire de la commune. A l’heure où le Port projette de nouveaux investissements (terminal méthanier Faster de Shell et Vopak, modernisation de celui de GdF Suez…), Aigrette ralentira-t-il certains dossiers? Ce «check up» environnemental peut en tout cas éclairer les réflexions. Le Système d’information géographique (SIG) permet en quelques clics de visualiser l’état d’un secteur. Un outil à la disposition des porteurs de projets, de l’Etat, des communes ou des riverains… Ouest Provence n’exclut pas d’en faire un moyen de pression, si les élus et la population n’étaient pas écoutés. .

(SIG), avec un souci d’exhaustivité et cohérence. Un comité d’acteurs est informé de l’avancée du projet. En octobre 2009, les résultats tom­ bent. Les points noirs ne se trouvent pas forcément là où ils étaient atten­ dus, c’est­à­dire sur la zone de Fos. A la grande satisfaction des industriels. « Aigrette n’a rien révélé que nous ne savions déjà, souligne Gérard Ferréol, le représentant du GMIF. Les valeurs mesurées contribuent même à valider nos modèles de nos études de disper­ sion. Certaines pollutions des sols sont dues à des unités disparues depuis longtemps. D’autres, dans les nappes phréatiques, à l’utilisation passée par l’agriculture de produits aux effets per­ sistants, comme le lindane. Quant à la qualité de l’air, les données confirment les mesures fournies par Airfobep (1). Il devient difficile d’accuser l’Etat de dissimuler des données. » Les dioxines ne sont dénichées que dans les sédiments du golfe de Fos. Les sols de surface ne subissent pas de contamination, à l’exception d’an­ ciennes friches industrielles, telles que l’usine Rassuen à Istres, la presqu’île du Mazet à Port­Saint­Louis et le site

d’Areva à Miramas. Dans l’air, la zone de Fos est touchée par la présence de poussières. Les études des eaux de surface et souterraines fournissent des résultats contrastés, avec des lieux épargnés et d’autres pollués, pour des causes multiples. Enfin, la bio­ diversité est plutôt préservée et riche, mais fragile.

accroître les échanges entre les interlocuteurs

Et maintenant ? Le SAN Ouest Provence a, depuis, défini et engagé un plan d’action pour les sols les plus pollués et adopté un plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il a créé, en janvier, l’Institut écocitoyen pour la connaissance des pollutions (ICPE) pour réunir une grande diversité d’interlocuteurs, sous la présidence d’un chercheur en chimie de l’environnement. « Il surveillera l’incinérateur, mais devra se comporter comme un outil d’aide à la décision des élus », précise Bernard Granié, le président du SAN et ancien maire de Fos­sur­Mer. Responsable des relations extérieures de LyondellBasell à Fos, Laura Pigeard y voit une oppor­

L’usine nouveLLe | supplément au n° 3197 | 17 juin 2010

tunité d’accroître les échanges entre les parties. Quant à Jacques Carle, le président du collectif citoyen santé environnement de Port­Saint­Louis, il souhaite que l’ICPE prolonge Aigrette vers de nouveaux champs d’investigation : « L’Institut n’est pas une machine de guerre contre qui que ce soit. Il doit, à terme, se pencher sur l’impact des pollutions sur les êtres vivants.» Pour compléter le SIG, Magali Devèze suggère un suivi plus poussé du milieu marin et une intégration du Rhône dans le périmètre. Une extension qui relève d’un choix politique, vu son coût: un «diagnostic non critiquable» de la faune et de la flore avoisine 2500euros l’hectare. «La méthodologie d’Aigrette peut servir à d’autres zones en France, mais un tel projet coûte cher à une collectivité », admet François Blanchard. Subventionnée, Aigrette a coûté 800000euros. Son «point 1» est fixé pour 2011. . De notre corresponDant, Jean-christophe Barla (1) Airfobep, qui réunit les industriels, l’Etat, les communes, les syndicats et les associations de riverains, surveille la qualité de l’air autour de l’étang de Berre et de l’Ouest des Bouches-du-Rhône.


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management

EngagEmEnt

Bâtir un projet avec une ONG Les entreprises, qui s’investissent dans le développement durable, s’allient de plus en plus avec les associations. Pour que ces partenariats soient réussis, ils doivent être préparés comme tout autre projet de l’entreprise. Recettes.

>

250 fondations d’entreprise ont

été recensées en 2009, contre 120 en 2006 >

2,5 milliards d’euros ont

été consacrés au mécénat par les entreprises françaises en 2008. Les sociétés de plus de 200 personnes ont contribué pour 1,6 milliard d’euros, un montant en hausse de 60 % par rapport à 2006. > 20

% des contributions

viennent d’entreprises qui emploient moins de 100 salariés. SOURCE : ADMICAL-CSA (2008)

L

D.R.

Le mécenat en forme

e fabricant d’accessoires Hama reverse un euro à la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) à chaque clé USB vendue. Lafuma écoconçoit avec WWF des sacs scolaires aux couleurs du panda. L’Oréal finance chaque année les congés solidarité d’une vingtaine de ses salariés avec Planète Urgence. Les partenariats entre entreprises et ONG peuvent prendre des formes diverses. « Le Grenelle, notamment, a permis à ces deux mondes d’apprendre à travailler ensemble », note Benoit Faraco. Ce membre de la Fondation Nicolas Hulot dénonçait il y a quelques années une méfiance réciproque. Peu à peu, univers associatif et monde de l’entreprise cherchent à se connaître. A la Fondation Nicolas Hulot, par exemple, un collège PME a été créé. « On crée des ponts », commente Benoit Faraco. « Avant, les personnels des ONG étaient surtout des scien­ tifiques ou des humanitaires. Désor­ mais, on y trouve des communicants, des juristes, des financiers... », appuie Thierry Dutertre de la LPO. Pour s’entendre, il faut comprendre les motivations de chacun. Les associa­ tions ont besoin d’argent. Mais elles savent qu’au­delà les entreprises peu­ vent avoir un effet démultiplicateur de

leurs actions. « Dans les pays en développement, les entreprises génè­ rent parfois des nuisances mais c’est aussi d’elles que peuvent venir certai­ nes solutions », indique un expert.

1

IDENTIFIER SES BESOINS ET pRIvIlégIER lE cONcRET

L’apport des ONG aux entreprises ne se limite plus à la caution verte. Les membres d’associations ont d’excellen­ tes connaissances techniques et l’habi­ tude de monter des projets environne­ mentaux. La règle d’or, avant de se lan­ cer, est d’identifier vos besoins et envies. Il faut envisager ces partena­ riats comme de réels projets d’entre­ prises, avec une méthode rigoureuse. S’agit­il d’associer son image à celle d’une ONG reconnue ? De lancer des actions concrètes locales ? De mieux se faire accepter sur un territoire? De cette définition dépendra le choix de l’ONG qu’on choisira de préférence parmi cel­ les reconnues d’utilité publique. Il est aussi primordial d’impliquer le person­ nel. S’allier à une association est même un moyen « de rendre les salariés fiers de travailler dans leur entreprise », constate Emmanuel Vasseneix, le PDG de la Laiterie Saint­Denis­de­l’hôtel, dans le Loiret. Ce membre du Centre des jeunes dirigeants a décidé de s’as­

“Demain, les entreprises ne pourront plus communiquer sur le développement durable sans actions. Les ONG, avec leur bonne connaissance du terrain, se posent comme arbitres. En face, les entrepreneurs doivent s’organiser, et avoir une réelle réflexion sur leurs interactions avec la société civile.” Jérôme auriac,

créateur de Be-linked, spécialisée dans les relations entreprises-OnG

socier à Agrisud et de mobiliser les salariés autour d’un projet choisi par eux. Les membres de l’association sont venus dans l’entreprise pour présenter leurs programmes d’appui au dévelop­ pement d’activités maraîchères ou d’élevage dans des pays défavorisés. En décembre 2004, presque tous les sala­ riés ont été volontaires pour travailler gratuitement deux heures et d’en rever­ ser l’équivalent à un projet cambod­ gien. Un don de 20000euros renouvelé plusieurs fois. Deux ans plus tard, qua­ tre salariés tirés au sort ont rendu visite aux vingt­huit familles cambodgiennes formées par l’association. «Il est important de se lancer dans des opérations concrètes, de pouvoir se dire j’ai sauvé tant d’oiseaux… », conseille Véronique Dham, qui a créé Gondwana Biodiversity Development, une société de conseil. Une fois le choix de partenariat précisé, cela devient plus facile de cibler l’association à démarcher... encore que. « Il en existe des milliers », constate Jêrome Auriac, spécialiste dans les relations entrepri­ ses­ONG. Le choix est parfois aisé. Rechercher une association avec des aspirations proches de la raison d’être de l’entreprise crée des partenariats efficaces. Lafuma a changé de parte­ naire pour s’allier à WWF, une ONG d’envergure internationale. Mais aussi parce que cet industriel se retrouve bien dans ses actions.

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AppRENDRE à TRAvAIllER ENSEMBlE

Les partenariats sont le plus sou­ vent le fruit de rencontres. Emmanuel Vasseneix se souvient avec émotion de sa rencontre avec le fondateur d’Agri­ sud, aujourd’hui décédé. « Cela a changé ma vie. Nous avons discuté des

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P. O. ROuauD

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Au Maroc, Pizzorno soutient les exclus avec Care Solidarité. 120 familles vivaient des matériaux (plastiques, tissus, ferrailles, verres…) récupérés sur la décharge. Constituées en coopérative, Pizzorno a décidé de les intégrer à son activité plutôt que de les chasser.

Trier et revendre les ferrailles, plastiques, tissus de la décharge sauvage de Rabat à Oum Azza à 20kilomètres de la capitale marocaine faisait vivre 120familles. Quand Pizzorno, voilà deux ans, a décroché l’appel d’offres pour un centre d’enfouissement d’ordures ménagères dernier cri, ses équipes n’ont pas souhaité s’en tenir à la technique. «Nous réalisions depuis plusieurs années la mise en place de déchets sur ce site. Nous connaissions ces gens. Nous ne voulions pas les chasser»,

heures dans ma voiture. » Coup de cœur ou pas, il faut prendre le temps d’apprendre à travailler ensemble. Il est crucial de désigner dans l’entre­ prise un responsable du partenariat, qui sera l’intermédiaire permanent. Et d’insister pour avoir un interlocuteur unique aussi dans l’ONG. Car les cau­ ses d’incompréhension ne manquent pas. Les ONG n’ont pas la culture du reporting. Leur rythme est très diffé­ rent de celui de l’entreprise. « Nous voulons bien aller vite, note Julien Grouillet, le responsable des partenariats RSE de l’association de solidarité internationale Care, mais il faut le temps de comprendre comment l’autre fonctionne. » Le délai estimé

explique-t-on chez Pizzorno. L’entreprise propose alors d’ajouter un centre de tri à la décharge et d’y intégrer ces exclus. Mais comment les amener à s’organiser en système coopératif ou à leur faire accepter de nouvelles méthodes de travail? «Nous avons voulu nous associer à une ONG, qui aurait la méthode et la connaissance du terrain.» Ce sera Care, déjà installée dans la région. Le projet, cofinancé par l’ONG, coûtera 280000euros à Pizzorno. Pour l’instant tout se déroule comme prévu. .

pour passer des premiers contacts à un partenariat est d’un an. Le cimen­ tier Cemex travaille depuis cinq ans avec la LPO. Il a pris le temps de ren­ contrer les experts locaux de l’associa­ tion, de leur faire visiter leurs 42 carrières. Il finance des suivis et aménage ses carrières et falaises de façon à faciliter la migration des grues cendrées ou la reproduction des faucons pèlerins.

3

BéNéFIcIER DE l’EXpERTISE DES ASSOcIATIFS

Les formes de partenariat choisies peuvent varier. Le premier geste est sou­ vent de verser de l’argent. Le don peut être indirect, comme les 76 entreprises

L’usine nouveLLe | supplément au n° 3197 | 17 juin 2010

qui ont financé l’an dernier les projets Planète Urgence de leurs salariés. Ceux­ci partent en congés solidaires de trois semaines, choisissent un projet scientifique ou humanitaire et finan­ cent l’opération, voire le déplacement (2 000 euros au minimum). Rappel important : sur ce type d’opérations, la déduction fiscale s’élève à 60 %. Une autre méthode de soutien est de prélever une partie des ventes. L’opéra­ tion «Sauvons la planète » du fabricant d’accessoires multimédias Hama a rapporté 26000euros, versés à la Ligue pour la protection des oiseaux. Ces dons permettent les premières appro­ ches, ensuite tout est possible. Dans les deux sens. Car les associatifs peu­ vent titiller les industriels. « Avec le WWF, on ne ronronne pas », sourit Julie Blondet, en charge du partenariat pour Lafuma. Suite à ses contacts avec le WWF, l’entreprise a même aban­ donné une filière d’approvisionnement en textile bio jugée peu fiable. Cemex aussi a bénéficié de l’expertise des membres de la LPO. Ses carrières doivent s’intégrer dans la politique Natura 2000. « Ils ont fait l’audit de l’impact, ont mis en avant les bonnes pratiques à mettre en place... », détaille Véronique Esvan, chargée de mission environnement pour le groupe. Souvent ces prestations techniques sont factu­ rées. Les associations ne sont pas des consultants bénévoles.

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BIEN cAlcUlER SON BUDgET

Les partenariats avec les asso­ ciations peuvent coûter cher. Pour son alliance avec WWF, Lafuma débourse environ 150 000 euros par an, les pres­ tations en plus. Les grandes entreprises y consacrent parfois beaucoup d’ar­ gent, notamment via des fondations. Le budget annuel d’EdF Diversiterre s’élève à 7 millions d’euros pour des missions nature, santé ou culture. Mais les petits portefeuilles ne doivent pas abandonner l’idée : « Nous passons aussi du temps avec les entreprises qui ont peu de budget », rappelle Thierry Dutertre. Il faut ajouter à cela une enve­ loppe pour la communication des pro­ jets aux clients et aux parties prenantes. Car, même sincère, le travail avec une ONG reste pour beaucoup une question d’image. . agathe Remoué


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management

marketing

Communiquer sur les produits écolos

Les erreurs à ne pas commettre >

Payer des blogueurs influents

pour vanter ses produits. Les noms des entreprises utilisant ces méthodes finissent par être diffusés. >

Faire travailler seules des équipes R & D et mar-

keting non formées au développement durable. >

Communiquer sur un seul aspect écologique du produit. >

Présenter le produit comme vert, propre et

durable, au lieu d’insister sur l’effort fait et les progrès à réaliser. >

Se limiter au lancement d’un produit vert sans initier de démarche globale de développement durable.

L

ancer un véhicule hybride plus cher qu’une voiture classique. Voilà le défi relevé par Toyota, avec sa Prius, grâce à un marketing et une communication 100 % axée sur l’environnement. Si le contexte pour les produits « verts » est porteur, l’exercice ne peut s’improviser, un vent d’éthique ayant soufflé sur la publicité. L’Union des annonceurs a lancé, fin 2007, une charte d’engagements pour une communication responsable, notamment sur les arguments écologiques. Depuis le Grenelle de l’environnement, une stratégie de marchandisage vert mal pensée peut se retourner contre l’entreprise. Symbole de ce changement, le Bureau de vérification de la publicité –l’association des professionnels du secteur pour une publicité responsable – est devenu, en 2008, l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP). Un jury de déontologie publicitaire peut être ainsi saisi par tout citoyen pour faire stopper une publicité aux arguments écologiques jugés abusifs. Ce contexte impose de ne rien laisser au hasard. « Avant de communiquer, il faut s’assurer que son produit est vert », pose Agnès Rambaud-Paquin, coauteur de « La communication responsable » (Editions d’Organisation, 2009) et directrice associée du cabinet Des

stéPhanie jayet PouR « L’u.n. »

Pour séduire les consommateurs, il convient de plus en plus d’afficher ses vertus environnementales. Mais gare à ne pas survendre son image écologique, et à respecter un minimum de règles.

enjeux et des hommes, qui accompagne les entreprises dans leurs démarches de développement durable. «Cela passe par la mise en place d’outils de mesure des différents impacts écologiques comme les bilans carbone ou l’analyse du cycle de vie. » D’où la nécessité de former les équipes R& D, production et marketing à l’écoconception. « Il faut consulter en amont les parties prenantes : ONG, associations ou Ademe », conseille Elisabeth Laville, du cabinet Utopies.

justifier qu’un produit est vert

Dans le projet de loi Grenelle II, le gouvernement avait prévu d’imposer un étiquetage environnemental dès janvier 2011. A quelques jours du vote final, cette disposition ne semble pas devoir être finalement retenue, mais des expérimentation sont prévues par la loi qui doit être votée ces prochaines semaines. Quoi qu’il en soit, à terme, il est probable cette disposition devienne obligatoire. « Avant d’affirmer qu’un produit est vert, il faudra le justifier car la réalité chiffrée sera affichée sur l’étiquette », rappelle Hugues

Carlier, consultant du cabinet Des enjeux et des hommes. Précurseur, Casino indique déjà sur 3 000produits, la quantité de CO2 émise ou le nombre de kilomètres parcourus. Certains magasins Leclerc font, eux, figurer les émissions de CO2 sur les tickets de caisse. D’une façon générale, « il faut veiller à s’assurer de la véracité, de la clarté, de la loyauté des messages, comme l’indiquent les recommandations sur le développement durable de l’ARPP », conseille Agnès Rambaud-Paquin. Les entreprises qui se livrent au « green– washing » courent des risques en termes d’image mais aussi de brouillage du message. A cela peut s’ajouter le risque financier, lorsqu’une campagne de pub de plusieurs millions d’euros est retoquée par l’ARPP. Areva en a fait les frais, avec son message sur « L’énergie au sens propre », incompatible avec les déchets radioactifs. Sans oublier Monsanto, qui a perdu son procès contre les ONG pour publicité mensongère sur son herbicide Roundup. « Les entreprises doivent faire preuve d’humilité et communiquer sur leurs

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Mathias Ringeard, le responsable de la marque, compte vendre, cette année en France, près de 4,5millions de B2P. Le stylo est fabriqué sur le site d’allonzierla-Caille (hautesavoie), qui emploie 185salariés.

«L’intérêt du Bottle to Pen (B2P) est son aspect écologique et pédagogique. Il nous permet de montrer aux consommateurs que s’ils recyclent les bouteilles en plastique, nous en faisons de même des stylos», explique Mathias Ringeard, le responsable de la marque Pilot. Ce stylo est fabriqué avec 89% de plastique recyclé, provenant aux deux tiers de bouteilles d’eau. Sa communication est fondée sur un message simple. «Avec Pilot, c’est un plaisir de mieux respecter l’environnement.» Si la gamme Begreen, à base de plastique recyclé a été bien accueillie par les entreprises soucieuses de leur bilan environnemental, la réponse des consommateurs était plus contrastée. D’où l’effort consenti par Pilot sur le B2P: une mise en avant chez Carrefour avec une tête de gondole nationale, une campagne télé et des achats médias sur Skyrock.com, la grande plate-forme de blog à destination des adolescents. «L’organisation d’un concours sur des scénarios de publicité nous a valu 250000visites et nous a permis de connaître leurs goûts et leur niveau de connaissance.» Sans oublier des films vus 1,3million de fois sur Dailymotion. «Nous avons même sensibilisé nos clients fournituristes à notre démarche.» Un gros investissement en marketing lié à l’absence de label européen. «La gamme Begreen représente 10% des ventes. A terme, nous souhaitons que tous nos produits s’inscrivent dans cette direction.»

démarches de progrès », conseille Hugues Carlier. D’où l’intérêt de choisir une agence de pub compétente. La communication par la preuve devient la règle. Le consommateur ne croit plus aux allégations. Idéalement, des parties prenantes peuvent être associées à la conception du message. La Caisse d’épargne a ainsi joint les Amis de la Terre et l’Ademe à son projet d’étiquetage social et environnemental des produits financiers. « Ces derniers ont ensuite émis un communiqué de presse demandant aux autres banques d’adopter ce système. La meilleure communication que l’on puisse avoir ! », juge Elisabeth Laville.

Être CoHÉrent AveC Le MessAGe portÉ

Bien sûr, les labels, signes de qualité ou normes (type NF environnement) sont un atout fort en termes de communication. Leur obtention demande une démarche longue et construite. A l’inverse, les logos « maison » du type Eco2 de Renault, sont souvent dénoncés par les ONG. « Le fait de communiquer sur un produit vert conduit les consommateurs

et clients à s’interroger fortement sur la réalité de l’engagement de l’entreprise, souligne Hugues Carlier. Il est nécessaire d’inscrire cette action dans une démarche globale de développement durable. » Schneider Electric l’a bien compris, comme le montre sa démarche d’écoconception et d’efficience énergétique, avec une gamme qui s’étend d’année en année. Philips, lui, vise 30 % d’offres vertes d’ici à 2012. « Le groupe communique beaucoup à ce sujet et sa R & D est orientée dans ce sens », note Elisabeth Laville. Toyota a utilisé la Prius comme locomotive, de sorte qu’un classement, publié en 2008 en Angleterre, distinguait quatre de ses voitures parmi les dix plus écologiques du marché britannique. Enfin, il faut aussi que l’ensemble de la chaîne de communication soit en cohérence avec le message porté. Cela implique l’emballage, le mailing, l’événement, le choix d’un média ou même d’un circuit de distribution plus responsables. Des outils permettent d’ailleurs de mesurer l’empreinte écologique d’une campagne média tique. . mURIeL BeaUDOIng

L’usine nouveLLe | supplément au n° 3197 | 17 juin 2010

Préparez-vous à l’étiquetage environnemental Même si les étiquettes vertes ne sont pas obligatoires, certains distributeurs et fabricants les ont déjà adoptées.

L

es étiquettes vertes devront sans doute attendre. Le vote final du Grenelle II est attendu fin juin, mais il est probable que l’étiquetage environnemental des produits de consommation (bilan CO2, impact sur la biodiversité...) ne soit plus obligatoire comme c’était envisagé et ne fasse l’objet que d’une simple expérimentation. Il n’empêche, certains distributeurs l’ont déjà mis en place et cette mesure devrait à terme s’imposer. Casino affiche ainsi depuis juin 2008 les émissions de CO2 d’une centaine de produits propres. Orange a lancé début avril une opération sur ses portables. Pour évaluer leur consommation d’énergie, leur recyclabilité, l’emploi de substances dangereuses ou l’épuisement des ressources, l’opérateur a envoyé un questionnaire fin 2008 à 35 fournisseurs. La Fnac a, elle, établi une liste de 400 questions sur les performances de ses fabricants. Avant la fin 2010, l’enseigne devrait avoir achevé son marquage des téléviseurs. Afin de pouvoir référencer quelque 1 500 produits, Nature et Découvertes a envoyé récemment un questionnaire test à une dizaine de fournisseurs. De leur côté, l’Ademe et l’Afnor ont lancé douze groupes de travail sectoriels en janvier sur les critères à retenir et sur la procédure d’affichage. Alimentation, électronique, hygiène, Indicateurs. beauté... De nombreux Cinq nouveaux domaines sont représentés critères aideront les et les fédérations sont assoclients d’orange à choisir des terminaux ciées. Les distributeurs utiliplus écologiques. seront des bases de données existantes (Ecoinvent, ELCD...) mais les groupes de travail planchent sur des approches multicritères. Bref, quelle que soit l’échéance, vous ne couperez pas à l’analyse des flux de votre entreprise : eau, énergie, déchets ou transport. Autant s’y préparer maintenant. . agatHe RemOUÉ D.R.

Pilot privilégie un message simple


processus

JOEL PHILIPPON

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l’écoconception, une démarche militante

Une directive européenne fixe un cadre pour l’écoconception des produits consommant à l’énergie. En l’absence de réglementation plus large, cette approche relève du volontariat pour les autres produits. 17 juin 2010 | supplément au n° 3197 | L’usine nouveLLe


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i

l ne faut pas se voiler la face. Pour l’essentiel, l’écoconception reste de l’ordre de la démarche militante. Cette conception « responsable » des produits relève le plus souvent d’une volonté de la direction, d’une stratégie forte de développement durable mais rarement d’une demande de clients... à condition qu’elle ne se traduise par des surcoûts. Ce qui est le cas la plupart du temps, car elle permet par son principe d’économiser les matières premières. « Le surcoût éventuel provient surtout de la matière grise à mettre en œuvre quand on débute ce type d’approche », juge Samuel Mayer, le directeur du pôle écoconception et management du cycle de vie à la CCI de Saint-Etienne (Loire). De fait, l’écoconception ne se limite pas à concevoir des produits faciles à recycler, mais touche tout le cycle industriel et l’usage. « Cela consiste à maximiser tous les paramètres (matière première, fabrication, mode d’utilisation ou déchets produits) et, d’autre part, à mieux gérer les ressources en minimisant les impacts (énergie, effluents, déchets, empreintes au sol…) », note Paul-Joël Derian, le vice-président R & D de Rhodia.

il n’existe pas de méthodologie éprouvée pionnier. Le groupe Lafuma a mis sur le marché son premier produit écoconçu en 1993. Aujourd’hui, tous ses produits textiles et équipements, font au moins l’objet d’une analyse du cylce de vie (AVC). Il y a un an, une collection « Pure Leaf », uniquement composée de produits écoconçu, a même été lancée.

« Nous sommes passés d’un droit de l’environnement, centré sur les nuisance des activités industrielles à un droit qui se préoccupe des produits sur tout leur cycle de vie, y compris leur utilisation », observe David Desforges, avocat-associé chez Gide Loyrette Nouel. En clair, pas question d’avoir des usines impeccables si on y fabrique des produit désastreux pour l’environnement. Mais à part la norme ISO 14040 défi-

L’usine nouveLLe | supplément au n° 3197 | 17 juin 2010

nissant l’analyse du cycle de vie d’un produit, les entreprises ne disposent guère de méthodologie éprouvée d’écoconception. En revanche, l’Europe fixe un cadre pour certains produits. La directive 2009/125/CE du 21 octobre 2009 (succédant à un texte de 2005) l’établit pour les produits consommant de l’énergie. Cette directive, dite EUP (Energy Using Products), impose une démarche globale. Tous les produits consommateurs d’énergie (appareils ménagers, mo– teurs électriques, ampoules…), sauf ceux liés aux transports ayant leur propre réglementation, sont concernés. Pour les autres, les fabricants sont laissés à eux-mêmes, d’autant qu’en France, l’étiquetage « vert » initialement prévu dans le Grenelle II, n’a pas été retenu.

d’âpres discussions à bruxelles

En matière de responsabilité, la directive EUP est claire. Fabricant, distributeur ou importateur, le responsable est celui qui met le produit sur le marché européen, y compris si c’est via un site web hors d’Europe. La transposition de la directive EUP est prévue pour novembre 2010. Elle est si précise que cela ne devrait pas poser de souci. D’autres directives connexes en voie de révision, celles concernant les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) ou l’interdiction de substances dangereuses (RoHs) posent, elles, problème. On s’interroge par exemple sur l’extension de la RoHS au photovoltaïque. Ou sur le taux de collecte des DEEE ? Ces âpres discussions à Bruxelles montrent qu’en matière d’environnement, rien ne va vraiment de soi. . Aurélie BArBAux

la preuve par l’exemple >

Sur 30 entreprises

ayant entamé une démarche d’écoconception… • 56 % étaient motivées par la direction • 30 % par le marché • 18 % par la réglementation • 13% par les économies réalisées >

Et…

• 87 % ont

enregistré une augmentation de leurs ventes, dont • 53 % à marges égales • 37 % à marge supérieure • 10 % à marge inférieure Source : Pôle ecoconcePtion, Saint-etienne – étude réaliSée en 2010


processus

20

CertifiCation

Améliorer ses performances grâce à la norme ISO 14001 En France, la certification ISO 14001 sur le management environnemental est encore délaissée par les entreprises. Sa mise en place demande rigueur et implication, mais elle permet de mobiliser les salariés autour d’une démarche valorisante.

Nombre d’entreprises certifiées

ISO 14001 par pays

Chine

39 195

Japon Espagne Italie

35 573 16 443

12 922

royaume­Uni Corée

9 455

7 133

allemagne

5 709

Etats­Unis

4 974

Suède

4 478

roumanie

3 884 France 3 482

Source : ISo Survey 2010, chIffreS décembre 2008

o

105 %

réa

La France, un élève médiocre

btenir la norme ISO 14001, gage d’une entreprise «verte», est l’un des meilleurs moyens de se faire connaître et d’améliorer ses performances environnementales, et en tenant compte de ses moyens économiques. Selon les organismes certificateurs (Afnor, Bureau Veritas, SGS…), l’ensemble du processus prend entre six mois et deux ans. Tout dépend de la taille de l’entreprise et du degré d’avancement de sa politique de qualité et d’environnement. Et pourtant, la France est à la traîne (lire le graphique ci-contre). « Cette norme n’est pas promue. En Italie ou en Espagne, les pouvoirs publics incitent les entreprises à franchir le pas avec des aides financières », explique Alain Jounot, le responsable du développement chez Afnor Certification. Pour un site, ce sésame coûte tout de même environ 12 000 euros, voire 50 000 euros s’il est fait appel à un cabinet d’audit. Pour Bruno Labarre, le directeur général de Bureau Veritas Certification (BVC), « cette norme n’est jamais vue en termes de gain ». Pourtant, le retour sur investissement est estimé, selon l’Afnor, à douze mois dans la majorité des cas. Armelle Cariou, la responsable d’audit et référent qualité, sécurité et environnement chez SGS ICS, se veut optimiste : « La dynamique du Grenelle de l’environnement pourrait modifier positivement la situation.» Surtout, les avantages d’une telle certification ne sont pas négligeables. «En cas de mise en concurrence, elle permet de se distinguer », prévient Jean-Michel

Sésame. La norme ISO est un avantage par rapport aux concurrents. Prologis a obtenu la certi­ fication pour la gestion de projets, de l’achat du foncier jusqu’à la livraison du bâtiment (ici la plus importante plate­forme logistique française équipée de panneaux photovoltaïques). Lemius, le directeur des projets Europe du Sud chez Prologis. Ce spécialiste des plates-formes logistiques a obtenu la certification pour la gestion de projets, depuis l’acquisition du foncier jusqu’à la livraison du bâtiment, sur le territoire européen. Chez IPM France, un fabricant de pièces pour moteurs thermiques, la certification de son usine du Doubs «ouvre les portes chez les industriels. Certains n’acceptent que des entreprises certifiées», expli-

que Anne Francony, sa responsable qualité, sécurité et environnement. Mais avant d’obtenir le fameux sésame, plusieurs étapes importantes doivent être passées avec succès.

1

Mobiliser tout le personnel

La norme ISO 14001 (version 2004) est le seul référentiel reconnu pour le Système de management environnemental Suite page 22 3

17 juin 2010 | supplément au n° 3197 | L’usine nouveLLe



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processus

D.r.

“Un à deux ans de travail”

Pierre Vernot, le responsable QSE de Veolia Eau: «80% de nos sites devraient être certifiés d’ici à cinq ans.»

Dans l’Ouest (Bretagne, Pays de la Loire, Poitou-Charentes), Veolia Eau a commencé la certification en 1997. Aujourd’hui, «seuls 30 sites sur 550 possèdent la norme ISO 14001, mais ils représentent 15% de la population que nous desservons», raconte Pierre Vernot, le responsable qualité, sécurité et environnement (QSE). Ce printemps, c’est la moitié d’un département (la Vendée) qui va être certifiée. «Nous envisageons de généraliser cette démarche à l’ensemble du réseau. D’ici à trois ou cinq ans, 80% des sites devraient être certifiés», pronostique Pierre Vernot. Le processus concerne les usines, les réseaux d’eau potable et d’assainissement. La mise en place d’une telle démarche demande un à deux ans de travail et coûte 30000 à 40000 euros par site. «Le coût économique est modeste par rapport au levier de mobilisation que cela implique. Le personnel est fier et il a donc davantage envie d’avancer.» Et dans ce processus, Veolia Eau associe les riverains ou clients, goûteurs pour l’occasion et garants de la réussite de la démarche. .

3Suite de la page 20 (SME), basé sur le principe de l’amélioration continue. Ce système permet d’identifier, de vérifier et de maîtriser les aspects environnementaux dans l’entreprise et de s’inscrire dans la durée. Des dispositifs existent pour faciliter l’accès à la norme en étalant sa mise en place sur plusieurs années. L’opération s’appuie sur un document normatif Afnor (Pr FDX30-205) et concerne les PME, généralement très peu certifiées. Toutefois, la plupart des entreprises qui se lancent suivent un cursus plus court. Dans tous les cas et avant les premières analyses, la réussite d’une telle démarche passe par la mobilisation des salariés. Leur sensibilisation à l’environnement est primordiale pour pouvoir les mettre à contribution. Car « si le projet ne fédère pas le personnel, cela ne fonctionne pas », prévient Véronique Roger-Bréard, la responsable du pôle environnement chez BVC. La direction doit être en première ligne : son rôle est de s’assurer que le SME s’inscrit dans la stratégie de l’entreprise et d’allouer l’ensemble des ressources nécessaires à la mise en place du projet. Il est alors temps de constituer une équipe qui assurera la définition et la mise en œuvre du SME dans l’entreprise. Son responsable peut être le directeur environnement ou qualité, accompagné d’un chef

de projet et d’autres personnels représentatifs de secteurs du site ou de la société. Des formations doivent être assurées par des organismes spécialisés (Afnor Compétences, Cegos…).

2

Définir le périMètre

Avant d’analyser la situation de son site ou de son entreprise, il convient de définir le domaine d’application de la normalisation, qui peut se décomposer selon le périmètre géographique (sites et entités concernés) et le champ d’action (activités, produits et services). Ensuite, regarder de près les exigences de la norme et les réglementations existantes sur l’environnement, afin de mener les études adaptées. Elément essentiel du processus, l’analyse environnementale, qui peut prendre de deux à quatre mois, permet de repérer les pratiques habituelles (gestion des déchets, consommation énergie…) et de déceler les impacts environnementaux des activités de l’entreprise. Cette opération se réalise par secteur avec des groupes de travail ou éventuellement avec l’aide de cabinets extérieurs. Chez Veolia Eau, elle consiste par exemple à mener des analyses des sols ou des études des conséquences de l’épandage sur la qualité de l’eau. Ces impacts peuvent être plus ou

moins importants selon la nature de l’entreprise. L’ensemble des conséquences de l’activité doit être analysé. A l’extérieur de l’entreprise, en collectant des informations sur les populations environnantes, sur le climat local, sur la nature des sols… Et à l’intérieur, en recensant les pratiques polluantes et les situations potentiellement dangereuses, par exemple par des analyses physico-chimiques. Les résultats de ces analyses permettent de définir les axes de progrès, qui aboutissent à l’instauration du SME. Celui-ci comprend des consignes et des procédures, mais aussi une veille réglementaire (interne ou externe) pour s’assurer d’être alerté quand de nouvelles réglementations sont appliquées. Sans oublier la mise en place de la documentation qui décrit le SME, avec les tâches à mener (et par qui), les formulaires à remplir, etc.

3

réaliser Des auDits réguliers

A chaque étape, il est possible de pratiquer des audits (avec des personnes extérieures ou des membres du personnel) pour s’assurer que tout est conforme aux objectifs et éventuellement mettre en place des mesures correctives. L’entreprise peut aussi se rassurer en pratiquant un audit à blanc pour préparer l’examen final pour l’obtention de la normalisation. En fin de parcours, le jour J, un organisme certificateur indépendant mène l’audit de certification. Les échecs sont rares. Il existe tout de même des cas de non-conformité majeure qui obligent les candidats à mener une action corrective dans un délai de trois mois avant de tenter à nouveau leur chance. Une fois que l’entreprise a obtenu la certification, elle doit se soumettre à un audit de contrôle tous les ans. Véronique Roger-Bréard précise que « le premier peut être demandé après six mois afin de maintenir la motivation du personnel ». Outre les améliorations de l’environnement et de la qualité, la norme ISO 14001 engendre souvent davantage de productivité, grâce à une meilleure intégration du personnel dans la stratégie de l’entreprise. . oLivier cognasse 17 juin 2010 | supplément au n° 3197 | L’usine nouveLLe



24

processus

écologie industrielle

A Dunkerque, les entreprises montrent l’exemple A Dunkerque, les industriels, en partenariat avec les collectivités locales, n’ont pas attendu le Grenelle pour échanger leurs ressources énergétiques et leurs déchets.

>

Un pôle énergétique européen plus de 6 000 entreprises (57 000 salariés), dont 460 industries (25 900 salariés) Principaux établissements industriels

• ArcelorMittal

Dunkerque (3 400 salariés) • centrale Nucléaire de Gravelines (1 600 salariés) • ArcelorMittal Mardyck (845 salariés) • TIM sA (830 salariés) • Ascometal (720 salariés) • Aluminium Dunkerque (605 salariés) >

Troisième port maritime français 45 millions de tonnes de trafic en 2009 >

Ecopal

Sur 266 adhérents, 103 participent à au moins une collecte mutualisée de leurs déchets.

A

D.R.

un fort potentiel

vec ses treize sites industriels classés Seveso, sa centrale nucléaire et ses hauts fourneaux sidérurgiques, le dunkerquois est l’un des territoires les plus industrialisés et les plus pollués de France. Et, paradoxalement, il est aussi l’un des territoires les plus en pointe en matière d’écologie industrielle. Dès la fin des années 1960, il se dotait d’un réseau d’eau industriel indépendant du réseau d’eau potable destiné aux habitants. En 1985, Dunkerque et Saint-Pol-sur-Mer construisaient un réseau de chauffage urbain utilisant la chaleur générée par l’usine sidérurgique d’ArcelorMittal. « Vingt-cinq ans plus tard, ce réseau exploité fait encore référence», précise Yannick Vissouze, le directeur du Développement économique de Dunkerque Grand littoral communauté urbaine. En novembre 2009, ce réseau de chaleur a été primé à Copenhague par l’Agence internationale de l’énergie pour sa pertinence en matière de développement durable. Depuis 2005, DK6, une centrale à cycle combiné de 790megawatts unique en France par sa puissance, valorise les gaz sidérurgiques de l’usine d’ArcelorMittal. Née de la rencontre d’intérêts convergents entre GdF et le sidérurgiste, elle transforme en électricité ses gaz de cokerie et de hauts fourneaux en association avec du gaz naturel. Les gaz fatals sont recyclés au lieu d’être brûlés dans l’atmosphère. L’électricité produite couvre les besoins du site. Le surplus est revendu sur le marché de l’électricité. Des synergies existaient également avec la raffinerie de Total. Air liquide fournissait au pétrolier de l’oxygène et

Valorisation. DK6, une centrale à cycle combiné, transforme en électricité les gaz de cokerie et des hauts fourneaux de l’usine sidérurgique dunkerquoise d’ArcelorMittal. de l’azote. Polimeri Europa lui livrait de l’hydrogène et des coupes riches en essence. En retour, Total lui adressait des coupes riches en méthane. La raffinerie intégrait à son diesel le diester produit par Lesieur. La fermeture programmée de la raffinerie des Flandres met un terme à ses échanges.

une véritable dynamique

Même si toutes ne perdurent pas, ces premières synergies ont enclenché sur le dunkerquois une véritable dynamique d’écologie industrielle qui se diffuse aujourd’hui auprès des PME, grâce à l’association Ecopal (Economique et écologie partenaire dans l’action locale), née en 2001 sous l’impulsion d’Arcelor, d’Ascométal et de GdF. Réservée au départ aux seules entreprises de la zone industrielle de Grande-Synthe, Ecopal intervient désormais sur tout le dun-

kerquois et même jusqu’à Calais. Elle emploie huit permanents et fédère plus de 200 entreprises locales, qui coopèrent pour optimiser l’usage des ressources en faisant de leurs déchets des matières premières pour leurs voisins. La communauté urbaine de Dunkerque et la CCI l’accompagne depuis une dizaine d’année dans son action de promotion de l’écologie industrielle. «Jusqu’à présent, les synergies industrielles naissaient de manière opportuniste. Nous avons initié des collectes mutualisées de déchets, aidé à l’aménagement d’espaces verts, trouvé des solutions respectueuses de l’environnement pour l’éclairage public et réalisé des diagnostics sur le traitement de l’eau. Avec l’inventaire des flux de matières que nous venons de réaliser auprès de 150entreprises, l’écosystème industriel va pouvoir se Suite page 26 3

17 juin 2010 | supplément au n° 3197 | L’usine nouveLLe


Utiliser des papiers recyclés peut vous sembler un petit pas pour une entreprise, mais les résultats ne sont pas négligeables. En moyenne, un employé francais utilise 75 kg , de papier de bureau par an. Passer à l’utilisation d’un papier 100% recyclé, 100% blanc, 100% innovant comme Cocoon Office plutôt qu’un papier non recyclé permet à une entreprise de 2000 personnes de réduire ses impacts sur l’environnement de :

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processus

L’université et la recherche en appui L’université du Littoral Côte d’Opale (Ulco) va créer à l’automne 2010 une fondation en écologie industrielle et développer des formations supérieures en «environnement industrielle et énergie». C’est une première étape à l’élaboration d’une compétence académique régionale dans cette science pluridisciplinaire. Côté recherche, Ecopal participe au projet collectif, Conception d’outils méthodologiques et d’évaluation pour l’écologie

industrielle (Cometh), lancé par l’ANR dans le cadre du Programme de recherches écotechnol ogies et développement durable (Precodd). Le CNRS et cinq écoles et universités du NordPas-de-Calais travaillent à la constitution d’un Institut de recherche en environnement industriel (Ireni), qui devrait voir le jour en 2013. Il aura pour mission d’effectuer des recherches coopératives sur la qualité de l’air sur la zone industrielle et portuaire de Dunkerque. .

3Suite de la page 24 structurer à plus grande échelle », explique Antoine Bousseau, le président d’Ecopal et directeur régional de la Lyonnaise des Eaux. Plus de 5000flux ont été recensés dans une base de données unique en France, voire en Europe. Ont été analysés les approvisionnements et les sorties d’eau, d’énergie et de toutes sortes de matières comme le papier, le

carton, le bois, les plastiques, les métaux, les vêtements, les équipements électriques… Financé par l’ANR, la Dreal, les collectivités locales et Ecopal, cet inventaire aura duré deux ans. « Nous avons identifié une trentaine de synergies possibles entre une cinquantaine d’entreprises. Nous les testerons d’ici à fin 2011. Notre objectif est de massifier et standardiser les

solutions trouvées », indique Agnès Delamare, chef du projet inventaire des flux à Ecopal. Des chutes de rouleaux de textiles non tissés pourraient servir de solution de calage. Des résidus de vernis alimentaires pourraient intéresser des chaudronniers. Une dizaine d’entreprises de l’agroalimentaire et des restaurants d’entreprise voudraient organiser une collecte commune de leurs déchets fermentescibles qui partiraient dans l’unité de biométhanisation de Calais plutôt que d’être mis en décharge. Des déchets gras pourraient être transformés en combustible. Les idées ne manquent pas. Le conseil régional du Nord – Pas-de-Calais veut faire du dunkerquois un pôle d’excellence du développement industriel durable et en confier le pilotage à Ecopal. Le pôle devrait être entre de bonnes mains au vu des actions déjà menées. . De notre corresponDante, Geneviève Hermann

17 juin 2010 | supplément au n° 3197 | L’usine nouveLLe


Ensemble, protègeons notre planète... • L’homme et son environnement • Technologie plus ‘‘verte’’ • Recyclage réfléchi • Approvisionnement ‘‘vert’’ • Zéro gaspillage

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28

processus

Photovoltaïque

Le solaire se lève en France

D.R.

Du silicium à la fabrication des panneaux, les acteurs français du solaire cherchent à maîtriser l’ensemble de la chaîne. Le Syndicat des énergies renouvelables a recensé, dans un guide, 150 fabricants et sous-traitants dans l’Hexagone. Naissance d’une filière.

La société photowatt est le premier acteur du secteur de la production de panneaux solaires. Ici, la mise en maille de cellules photovoltaïques sur le site de Bourgoin-Jallieu (Isère).

A lire >

Annuaire des fabricants et fournisseurs de l’industrie photovoltaïque.

Edité par le Syndicat des énergies renouvelables. Disponible gratuitement en ligne www.enr.fr/ docs/2010181205_ annuaireindustrie­ pV2010.pdf

E

n février un ambitieux projet dans la filière solaire française était annoncé. Son nom : « PV20 », comme « photovoltaïque » et « 20 % » de rendement des cellules. Le projet est piloté par MPO, le fabricant de disques optiques, qui veut installer sur son site mayennais une ligne de fabrication d’une capacité de 100 MWc. Ses partenaires sont le fabricant de modules Tenesol, l’équipementier Semco, mais aussi le centre de recherche Ines et, en amont, le fabricant de lingots de silicium Emix. « Ce projet est emblématique de la dynamique française », commente Waël Elamine, le chef du département solaire du Syndicat des énergies renouvelables (SER). « Même les installateurs remontent vers l’amont et cherchent à produire leurs cellules », constate-t-il. Des projets qu’ils lancent seuls, comme Solairedirect Technologies,

ou en partenariat, tel Fonroche Energie. Solairedirect Technologies va implanter deux usines de panneaux début 2011, l’une en PoitouCharentes et l’autre en ProvenceAlpes-Côte d’Azur, pour une capacité totale de 36 MWc. Fonroche Energie, allié à l’espagnol Pevafersa, a, lui, inauguré un site d’assemblage de panneaux en décembre. Implanté à Roquefort, près d’Agen (Lot-etGaronne), il vise une capacité de 50 MWc d’ici à l’an prochain. Au total les capacités de production françaises de panneaux solaires ont doublé en 2009 et devraient atteindre 331 MWc cette année.

Des relais De croissance pour les inDustriels

L’effort suit la demande. En 2009, les panneaux installés en France ont représenté une puissance de 250 MWc (contre 105 MWc en 2008). La France passant ainsi de la douzième à la septième place mondiale, derrière l’Italie, mais devant la Chine, selon une étude publiée en février par PricewaterhouseCoopers. Pour mieux cerner cette industrie naissante, le SER en a

recensé les différents acteurs. Cent cinquante fabricants et sous-traitants ont été recensés. Les acteurs spécialisé comme Photowatt ou Tenesol, y figurent en bonne place, mais le guide illustre aussi l’importance que ces marchés ont pris comme relais de croissance pour certains industriels. Air liquide apporte les gaz nécessaires à la production des panneaux photovoltaïques. Même constat pour les acteurs de l’électronique, tel Schneider Electric, fournisseur de solutions de contrôle électrique clés en main. Les tarifs incitant à l’intégration des panneaux au bâti ont suscité une offre spécifique et attiré des spécialistes de la couverture, comme Imerys TC. Pour autant, pour tous ces acteurs, l’année promet d’être rude. Les tarifs de rachat garantis ont baissé. L’incertitude demeure encore sur la mise en œuvre des projets déposés fin 2009, une explosion liée à la perspective du changement de tarif. Face aussi à des difficultés de financement, cette jeune filière pourrait connaitre une recomposition accélérée. . AgAthe remoué

Des tarifs révisés Les deux arrêtés du 16mars 2010 fixant les tarifs de rachat de l’électricité ont été publiés au Journal officiel le 23mars. Très complexes, ils varient de 31,4 à 58centimes/kWh et ils visent à maintenir un tarif préférentiel de rachat, tout en effaçant l’effet d’aubaine. Fin 2009, un véritable bulle spéculative s’était emparé du marché, de nombreux opérateurs et particuliers ayant déposé des offres pour bénéficier des tarifs très attractifs en vigueur avant leur révision. Au total, 2800MWc avaient été demandés, soit plus de dix fois le marché de 2009. Les arrêtés sont consultables sur Legifrance. . 17 juin 2010 | supplément au n° 3197 | L’usinE nouvELLE



30

processus

enjeu

Les télécoms s’activent pour consommer moins Les infrastructures de réseaux de télécommunications doivent gagner en efficacité. Opérateurs et équipementiers se sont emparés du sujet, et inventent des solutions.

>

Le Centre d’études et de recherches économiques sur l’énergie (Ceren) évalue à

3 térawattheures la consomma-

tion électrique des équipements télécoms en France, dont 70 % pour les réseaux mobiles.

La consommation totale

de la France s’élève à environ 490 té-

rawattheures. >

L’arrivée prochaine de

la télévision sur mobile et les extensions de puissance nécessaires

devrait accroître fortement la consommation des télécoms.

L

explique Pierre Pelloux, le responsable du département développement de la performance des fournisseurs. Fin 2007, China Mobile appelait ses fournisseurs à réduire la quantité de matières premières utilisées dans les équipements, à diminuer le poids des pièces ou à baisser les coûts d’alimentation. Une quinzaine d’équipementiers (Alcatel, Huawei, Ericsson, Nokia Siemens Networks...) ont signé ces contrats. Les équipementiers sont donc sur tous les fronts: réduction de la consommation des stations de base, limitation des systèmes d’air conditionné, recours aux énergies renouvelables... Nokia Siemens Networks s’est ainsi engagé en 2008 à améliorer de 40 % l’efficacité énergétique des stations de ses réseaux mobiles GSM et CDMA. Les équipementiers y voient aussi de nouveaux marchés, notamment celui

peu de téléphones portables recyclés Un milliard de téléphones mobiles sont produits tous les ans dans le monde. Problème: les taux de récupération des appareils usagés sont encore très faibles. En France, alors que 25millions de terminaux sont vendus chaque année, seulement 800000 sont récupérés (4%), selon Ecosystèmes, l’un Seuls 4 % des 25 millions de terminaux des organismes en charge de la vendus chaque année sont collectés. collecte des déchets électriques et électroniques dangereux (D3E). La raison? Un attachement très fort avec le téléphone qui empêche les gens de s’en séparer même quand il ne sert plus. En outre, l’utilisation des terminaux est loin d’être optimisée. Ils sont conçus pour durer cinq à sept ans, mais servent souvent moins de dix-huit mois. .

D.R.

Des réseaux mobiles gournands en co2

’industrie des télécoms n’est responsable que de 0,7 % des émissions mondiales de CO2, mais son appétit croissant en électricité ne peut plus être ignoré. En 2007, China Telecom a consommé plus de 20milliards de kilowattheures, soit 1,5 milliard de dollars ! Les opérateurs s’intéressent donc de plus en plus à la performance énergétique de leurs réseaux. « Les cahiers des charges sont plus stricts au niveau environnemental », confirme-t-on chez l’équipementier suédois Ericsson. Ainsi, Orange, qui s’est fixé pour objectif de réduire ses consommations d’électricité de 15 % d’ici à 2020, a introduit dans ses appels d’offres, en 2009, un critère de performance énergétique. « Nous demandons à nos fournisseurs stratégiques de fournir la consommation de leurs équipements en pleine charge ou en demi-charge»,

du renouvellement des infrastructures. Les entrants, à l’image de Huawei, n’hésitent pas à avancer la carte verte comme argument. Le chinois propose un panel de solutions d’économies d’énergie (circuits spécialisés, ventilation, etc.) pour séduire des opérateurs européens comme Vodafone, Deutsche Telekom ou Telecom Italia.

un marché potentiel énorme

Les industriels espèrent aussi conquérir des marchés de téléphonie mobile dans des zones non raccordées à électricité dans les pays en voie de développement. Des centaines de millions d’abonnés potentiels y sommeillent. Les équipementiers se lancent donc dans des stations de base fonctionnant aux énergies renouvelables. Selon la Fédération mondiale des télécoms (GSMA), plus de 75 000 équipements non raccordés seront construits tous les ans d’ici à 2012. Le leader mondial Ericsson a conçu une antenne relais de téléphonie mobile d’un nouveau genre, baptisée Tower Tube. Encore au stade de prototype, elle utilise l’énergie éolienne et la ventilation naturelle. Alcatel a, quant à lui, ouvert en juin 2009 un laboratoire pilote d’énergies alternatives à Villarceaux (Essonne). Il espère ainsi accéder à un marché estimé à plus de 100 000 sites d’ici à 2012. Nokia Siemens Networks compte, lui, déjà plus de 400 sites, notamment en Asie et en Afrique, fonctionnant aux énergies renouvelables. Reste un problème de taille : l’absence de référentiels internationalement reconnus. . cAMILLe cHANDÈs

17 juin 2010 | supplément au n° 3197 | L’usine nouveLLe



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processus

Pierre Gadonneix, président du Conseil mondial de l’énergie

Gérer les retombées d’une demande accrue d’énergie

D.R.

Du 12 au 16 septembre à Montréal, se tiendra le Congrès mondial de l’énergie, organisé par le World Energy Council (WEC). Il a la volonté de s’inscrire dans Copenhague. Pierre Gadonneix, ancien président de GdF et d’EdF et président du WEC, envisage cet événement comme un outil de consensus international.

pierre Gadonneix estime que le WEC, qu’il préside depuis 2007, est un lieu de réflexion sur l’énergie au niveau mondial, où tous les pays peuvent réfléchir ensemble à leurs divergences.

Dans quel cadre va s’inscrire le congrès du Conseil mondial de l’énergie (CME) ? Il est organisé à un moment pertinent. Beaucoup de sujets d’actualité sur l’énergie préoccupent les opinions et les gouvernements du monde comme la hausse du prix de l’énergie, sa disponibilité, la relance du nucléaire. Il s’inscrit à un moment crucial du calendrier des négociations internationales sur le climat, entre deux moments clés du processus de dialogue entre les pays pour favoriser un développement durable et raisonné. En effet, il se tiendra entre la conférence de Copenhague, qui était la 15e Conférence des parties, dite «COP», et la 16e Conférence qui se tiendra au Mexique, à Cancun, en décembre 2010. Un accord a été établi à Copenhague, notifié par l’ensemble des pays, mais toutes ses modalités concrètes restent à préciser (que ce

soient sur les transferts de technologie, les financements, le pilotage des engagements nationaux de réduction des émissions de CO2 etc.). L’enjeu est de trouver les moyens concrets pour faire en sorte que la consommation accrue d’énergie n’introduise pas des conséquences inacceptables sur l’environnement. On doit développer des outils capables de répondre aux enjeux des politiques énergétiques tout en favorisant le développement durable. De plus, le congrès de Montréal suivra aussi les sommets du G8 et du G20 qui l’auront précédé en juin, au Canada. Le sommet de Copenhague n’a-t-il pas prouvé qu’un consensus pour une production durable était impossible ? Absolument pas! C’est vrai que l’Europe est arrivée avec des solutions qu’elle estimait pertinentes et que les pays émergents ont jugé qu’elles ne leur convenaient pas. Mais, en même temps, à Copenhague, et c’est remarquable, les pays en développe­ ment et les pays émergents (les Brics notamment –Brésil, Russie, Inde, Chine) ont déclaré pour la première fois depuis Kyoto que les problèmes soulevés étaient légitimes. Ils ont aussi confirmé qu’ils étaient concernés et devaient participer à la solution. Ils ont affirmé leur participation active au processus, mais ont suggéré que de nouveaux modes de gouvernance et des alternatives aux solutions mises en avant par l’Europe et l’United Nations Framework Convention on Climate

Change (UNFCCC ) devaient être mis en place. Ces pays souhaitent participer à la protection collective de l’environnement, mais pas au prix de leur croissance en plein essor et inévitablement énergivore. Quels types de préoccupations sont mises en avant ? J’en vois trois. D’abord, il y a la question de la sécurité d’approvision­ nement. D’ici à 2030, la demande d’énergie mondiale aura doublé. Et nous ne pourrons pas compter indéfiniment sur les énergies fossiles pour assurer le développement économique. Deuxièmement, il y a des problèmes en matière d’environnement. L’utilisation non optimisée d’énergie, et pas seulement d’origine fossile, donne lieu à des pollutions. Il faut donc en limiter les conséquences aux niveaux local et global, comme le réchauffement climatique. Enfin, il faut que le développement durable ne menace pas le développement économique et social d’un pays et n’entrave pas l’amélioration du niveau de vie. Le CME développe un processus pour que tous les pays puissent réfléchir ensemble à réduire les divergences de leurs politiques. Ce n’est pas facile, mais tout le monde a maintenant conscience que les problèmes ne peuvent pas se résoudre seul. Par exemple, une taxe carbone mise en place isolément dans un pays ne servira à rien. En revanche, intégrée à une politique globale, elle devient une réponse possible et pertinente. . propos recueillis par ludovic dupin

17 juin 2010 | supplément au n° 3197 | L’usine nouveLLe



formation

MAsterfile (royAlty-free Division)

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Les étudiants veuLent pLus d A la demande des entreprises et des élèves, les écoles d’ingénieurs intègrent de plus en plus l’environnement da 17 juin 2010 | supplément au n° 3197 | L’usine nouveLLe


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Coup d’accélérateur. MBA, mastères, Commission permanente sur le développement durable… les initiatives se multiplient au sein des écoles d’ingénieurs pour répondre aux besoins des entreprises.

L

a vague verte n’a pas épargné les écoles d’ingénieurs. Avant même le premier Grenelle de l’environnement, elles com­ mençaient à ajouter des mo– dules sur l’environnement aux for­ mations existantes. « Les écoles fran­ çaises ont une originalité : elles sont souvent interdisciplinaires ce qui fait des étudiants très ouverts, explique Pierre Tapie, le président de la Confé­ rence des grandes écoles (CGE). La prise en compte du développement durable dans nos programmes de for­ mation et de recherche est donc natu­ rel. » Depuis quelques mois, les éco­ les ont toutefois donné un coup d’ac­ célérateur à leurs initiatives. La CGE, qui réunit autant d’écoles d’ingé­ nieurs que d’écoles de management, s’est ainsi dotée en avril 2010 d’une Commission permanente sur le déve­ loppement durable, présidée par Stéphane Cassereau, le directeur de l’Ecole des mines de Nantes. Elle donne ainsi une reconnaissance plus grande à cette thématique, en la fai­ sant accéder au bureau de la CGE et participer aux réunions du conseil d’administration. Les établissements multiplient, de leur côté, les formations dédiées à l’environnement. Souvent à la demande des entreprises. « Les mé– tiers de l’automobile évoluent et nous devons nous y adapter », explique François Stéphan, le directeur des études de l’Estaca, l’école d’ingé­ nieurs spécialisée dans les transports.

Pour ses futurs ingénieurs automo­ biles, elle propose désormais des spé­ cialisations de dernière année en « écoconception » ou en « nouvelles énergies et environnement ». D’autres établissements préfèrent lancer des formations nouvelles. En partenariat avec Renault et EdF, quatre écoles de ParisTech (l’Ensta, les Mines de Paris, les Ponts et chaussées et les Arts et métiers) vont lancer à la rentrée 2010 un mastère spécialisé sur le véhicule électrique. Même chose pour Centrale Paris, l’ENS Cachan, Supélec et l’IFP School. L’Isep, l’école d’électronique parisienne, s’est associée avec l’Ins­ titut français du développement dura­ ble (Ifradd) pour créer un MBA en « développement durable et gouver­ nance responsable » et en « ingénierie décisionnelle et management équita­ ble ». La coloration verte des forma­ tions ne laisse pas les étudiants de marbre. « La génération actuelle est beaucoup plus sensible aux problé­ matiques environnementales, confie François Stéphan. Nous essayons donc de leur proposer des formations adaptées. »

les écoles auto-évaluent leurs actions

Outre la formation, les écoles tentent aussi de montrer le bon exemple en minimisant leur propre impact sur l’environnement. Encore un moyen de coller aux exigences des élèves en leur permettant de se former dans des campus plus verts. En partenariat avec le Réseau français des étudiants pour le développement durable (Refedd, qui fédère une cinquantaine d’associations étudiantes), la CGE et la Conférence des présidents d’uni­ versités ont établi, en octobre dernier, un référentiel commun permettant aux établissements d’auto­évaluer leurs actions en termes de dévelop­ pement durable. L’auto­évaluation ne fait que commencer, mais « certaines écoles sont déjà très avancées », assure Pierre Tapie. . arnaud dumas

La filière va tirer l’emploi Perspective d’emplois liés au développement durable en 2012 (en nombre de personnes) >

Energies renouvelables • equipement

87 000

• vente d’énergie

33 000 > Amélioration de l’efficacité énergétique • Bâtiment

216 000

• transport

105 000

sourCe : ADeMe

s de vert dans Leur cursus nt dans leurs formations.

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formation

mutation

Les promesses des emplois écolos Avant même le vote définitif du Grenelle II, le gouvernement annonçait un plan de mobilisation pour soutenir les métiers verts. Un coup de pouce nécessaire car, pour l’heure, un certain flou persiste sur les réelles perspectives d’emploi.

souvent le cœur de métier ne change pas

Définir le périmètre des emplois verts est complexe. La CFDT et la CGT ont demandé au cabinet Syndex d’explorer l’autre côté de la médaille verte: la destruction d’emplois dans les filières traditionnelles générée par le durcissement des contraintes environnementales. Dans le secteur automobile, par exemple, la montée en puissance des moteurs hybrides entraînerait la perte en France de 4 000 à 8 000 spécialistes

Trois questions à Valérie Létard

Secrétaire d’Etat chargée des Technologies vertes a quoi sert votre plan en faveur des emplois verts? Nous voulons mobiliser les filières et les territoires, car c’est à l’échelle régionale que s’effectue la mise en relation entre l’offre et la demande. Ce chantier est l’un des piliers du Pacte de solidarité écologique. Or, la solidarité passe d’abord par l’emploi. Il faut que nos jeunes, aujourd’hui sans solutions, puissent entrer dans le travail grâce à ces nouveaux emplois issus du Grenelle de l’environnement. Notre plan sert aussi à définir ces métiers de la croissance verte. Ils ne sont pas réservés aux ingénieurs. Ils concernent aussi des gens qui ont un CAP, un bac pro ou un diplôme bac + 2.

BApTISTE FENOUIL/REA

V

alérie Létard est formelle. Les 600000emplois verts promis par le Grenelle de l’environnement sont une hypothèse basse. La secrétaire d’Etat auprès du ministère de l’Ecologie ne craint pas de renchérir sur un chiffre déjà sujet à caution. En effet, en juin 2009, le Boston Consulting Group avait évalué à 600 000 emplois l’impact des 450 milliards d’euros d’investissements promis par le Grenelle à l’horizon 2020. Mais depuis, la crise s’est accentuée et la réalité du terrain a rattrapé les espérances folles placées dans cette « croissance verte ». Certes, le secteur des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique a été porteur d’espoir l’an dernier, avec une création nette de 145 000 postes, selon l’Ademe. En décembre 2009, l’organisme public évaluait la croissance de l’emploi dans les éco-activités à 3 % par rapport à 2008 alors que la moyenne des autres industries était proche de 0,9 %. Mais, contre-exemple, le bâtiment, pourtant mis en avant comme source d’embauches nouvelles a vécu une année terrible. Difficile d’évaluer la réalité des emplois créés.

Combien d’emplois seront réellement créés? aux 600000 évoqués par le cabinet BCG d’ici

le grand écart >

600 000

créations d’emplois d’ici à 2020,

selon le Grenelle de l’environnement. > 60 000 créations nettes d’emplois,

selon les estimations de la CFDT.

à 2020, certains opposent un chiffre de 60000... Vous plaisantez? Le chiffre de 600000emplois liés à la croissance verte est confirmé par plusieurs études. Nous les avons croisées et nous ferons beaucoup plus. Au-delà des chiffres, il faut comprendre que nous n’avons pas le choix. Il faut se retrousser les manches. Si nous ne nous adaptons pas à une économie décarbonnée, nous allons avoir -à la place des créations- des destructions d’emplois! Le ministère de l’Ecologie était le grand absent des groupes de travail des états généraux de l’industrie. Pourquoi? Je participe aux réunions interministérielles. Je vois donc régulièrement Christian Estrosi et je sais bien tout ce qu’il fait pour l’industrie. Chacun son travail. Nous, nous travaillons sur l’humain. .

ProPos recueillis Par l.G.

du moteur thermique à l’horizon 2020. La réglementation plus sévère dans la sidérurgie détruirait pour la filière fonte entre 3 000 et 6 000 emplois... « Résultat, le solde net de créations d’emplois pour 2020 serait plus proche des 60 000 que des 600 000 annoncés en fanfare », regrette Jean-Pierre Bompard, le délégué à l’environnement pour la CFDT. Autre question : combien de ces emplois promis sont-ils « verts » ? Peut-on en parler pour la pose des rails de tramway par exemple ? Un poste pourtant comptabilisé dans le Grenelle. Il s’agit plutôt là de soutien à l’emploi dans les filières traditionnelles par le développement de marchés liés aux politiques du Grenelle. Par ailleurs, ces activités tirées par de nouvelles nor-

mes ou de nouveaux marchés créentelles de nouveaux métiers ? Pas vraiment. « Le cœur de métier ne change pas mais la complexité des objectifs augmente. Un conducteur de ligne en chimie, par exemple, devra savoir gérer les déchets que son travail génère...», indique Gérard Pignault, le directeur de l’Ecole supérieure de chimie physique électronique de Lyon. Ce serait davantage une mutation des métiers qui se dessine. « Depuis dix ans, les cadres doivent être bilingues en anglais pour être embauchés. Dans deux ou trois ans, c’est le développement durable qu’ils devront savoir manier couramment!», lance Nicolas Vermersch, le directeur France du cabinet de recrutement Michael Page.

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De nouvelles compétences

le durcissement des normes et l’impact du Grenelle obligent à davantage de transversalité dans les fonctions et de collaboration entre différents corps de métier. si tous les profils doivent évoluer pour intégrer cette dimension, quelques compétences sont de plus en plus recherchées : > Gestionnaire énergétique des bâtiments > Ecotoxicologue > Hydrobiologiste > Environnementaliste > mécatronicien > Intégrateur territorial du développement durable > Rudologue (analyse de la gestion des déchets). précise des métiers et des besoins. « J’ai été agréablement surpris par ses conclusions: la filière électrotechnique (gestion technique du bâtiment, des réseaux électriques, de l’éclairage...) va recruter 225 000personnes d’ici à cinq ans », constate Jean-Luc Thomas. Ce titulaire de la chaire électrotechnique du Cnam est chargé de présider le comité de la filière électromécanique. L’automobile, en revanche, sera peu pourvoyeur d’emplois.

mARIO FOURNy/RéA

faire comprendre l’efficacité énergétique

Pour mieux identifier ces postes et les moyens à mettre en place pour les pourvoir, l’été dernier, Valérie Létard s’était vu confier la mission d’une sorte de « Grenelle de l’emploi vert ». Les onze filières prometteuses ont été identifiées et scrutées à la loupe par des comités composés d’experts, de syndicats professionnels, de formateurs... : transport, bâtiment, eau, assainissement, électricité, énergies renouvelables... Le 28 janvier, lors d’une conférence nationale de mobilisation des filières et des territoires, ces

onze comités ont rendu leur verdict et proposé quelques plans d’actions : incitation à la formation continue, création de bacs pros... Les mesures, alors, annoncées sont finalement assez modestes face à l’enjeu. Car il s’agit rien moins que d’imaginer l’avenir du paysage industriel français. De préparer et favoriser, nous dit-on la reconversion des entreprises et celle des salariés. Le travail réalisé par le comité de pilotage mis en place par le ministère a le mérite, en revanche, d’établir une photographie assez

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Il s’agit aussi de donner de la visibilité à des filières peu attractives comme l’électricité ou la chimie. «Si les jeunes comprenaient la dimension développement durable de ces métiers, peutêtre auraient-ils davantage envie de venir », commente Jean-Luc Thomas. Pour lancer des actions mieux coordonnées, le ministère a lancé des appels d’offres régionaux. L’objectif est de créer onze plans d’engagements entre les régions, l’Etat et les branches professionnelles pour lancer des expérimentations à l’échelle des territoires. A l’image de l’Alsace, par exemple, qui vient de former avec l’Ordre des architectes 350 d’entre eux à l’efficacité énergétique. Par ailleurs, le Comité national du développement durable et du Grenelle de l’environnement, créé le 16 avril et installé le 21 mai et qui regroupe notamment syndicats, patronat, association aura sans doute son mot à dire en termes d’emploi. Notamment après l’adoption ces prochaines semaines du Grenelle II. . aGathe remoué


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formation

métiers

Rendre ses salariés responsables Les employés de demain voués aux métiers de l’environnement se trouvent d’abord dans les activités traditionnelles. Ce qui place la formation continue au cœur de la croissance verte.

Tous les process de travail sont à inventer

réa

L

’emploi vert n’existe pas que dans des rapports ministériels. Dans les agences d’emploi et d’intérim, le téléphone sonne pour embaucher. «Les métiers de l’environnement devraient croître de 6 % par an », indique Marie-Dominique Straforini, la responsable des métiers de l’environnement de Randstad. Cette progression, sur un marché de l’emploi morose, concerne avant tout la collecte des déchets et l’hygiène, avec des profils peu qualifiés. Cependant, une demande accrue se manifeste de la part du secteur de l’eau et des énergies renouvelables. « On nous demande de nouveaux profils, comme des diplômés en génie biologie. En mécanique, nous recyclons dans l’éolien des techniciens qui travaillait pour l’aéronautique », précise encore Marie-Dominique Straforini. De son côté, Pôle emploi identifie 14000 emplois verts ou «verdis » qui ne trouvent pas preneurs. En cause, le manque de personnels formés. Or, les entreprises ne peuvent attendre qu’arrivent à maturité des générations de salariés formatés « green attitude ». Le Conseil d’orientation de l’emploi souligne que « toutes les filières indiquent qu’à l’horizon de dix ans, il aura très peu de nouveaux métiers liés à la croissance verte (...), mais cela nécessitera de former les personnes pour qu’elles acquièrent des compétences complémentaires ou de réviser l’organisation du travail. Randstad ainsi formera cette année des jeunes CAP et bac + 2 aux métiers de l’environnement. Les marchés de l’efficacité thermique du bâtiment illustrent bien les évolutions à mener. Pour assurer l’isolation extérieure, le façadier doit se faire pla-

frédéric mollet, 32 ans, responsable d’une équipe projets chez Sunnco (photovoltaïque).

«J’ai rejoint Sunnco, une entreprise d’installation photovoltaïque, en août dernier après avoir travaillé chez un fabricant d’équipements électriques puis comme consultant chez Altran Technologies. Aujourd’hui, je pilote une équipe projets grands comptes, qui coordonne tous les éléments techniques, financiers et commerciaux de l’installation photovoltaïque d’un client. J’ai une formation d’ingénieur en génie électrique. J’avais les bases pour ce qui concerne l’électricité et

quiste et vice-versa. Pour poser du photovoltaïque solaire, l’électricien doit maîtriser la charpente –l’expertise du couvreur – et le couvreur doit, de son côté, intégrer les subtilités du courant continu. Quant au chauffagiste, il lui revient de maîtriser l’ensemble du mix énergétique. Comme l’explique Alain Mahé, le directeur du département BTP à l’Afpa (Association nationale pour la formation professionnelle des adultes), « la majorité des emplois impose de recombiner des expertises éparses ».

aux branches d’identifier leurs besoins

Lorsque les marchés ne sont pas nouveaux, ce sont les processus de conception et de fabrication qui le sont. Les industries chimique ou manufacturière, impactées par l’écoconception, la sobriété énergétique, le recyclage, sont contraintes d’adapter les compé-

la gestion de projets. En revanche, j’ai dû réviser mes connaissances en matière de courant continu et me familiariser avec tout ce qui concerne la charpente et le calcul de structures. Je l’ai fait avec l’aide de l’équipe en place. Chez Sunnco, j’ai eu l’opportunité d’accéder à une fonction de management car la société se développe très vite, tous les process de travail sont à inventer. C’est beaucoup plus enthousiasmant que d’appliquer ceux créés par d’autres il y a quinze ans.» .

tences d’un grand nombre de salariés aux réglementations et certifications qui fleurissent. Valeo Services vient ainsi de lancer un plan pour former avec l’Afpa plus de 1 000 réparateurs automobiles au retraitement des fluides frigorigènes. C’est sur l’Afpa que porte, surtout, l’enjeu de la formation continue au plan national. L’an dernier, sur ses 180 000 stages (allant d’une journée à trois cents heures), 40 000 concernaient des métiers verts ou « verdis ». Mais l’efficacité de l’action de l’Afpa, comme des Greta (formation continue pilotée par l’Education nationale), est conditionnée par la réactivité des branches. A elles, en effet, d’identifier leurs besoins. Le BTP est le secteur le plus avancé. Il bénéficie en outre de dispositifs de financement comme le plan Formation aux économies d’énergies Bâtiment (FEE Bat), qui prend en charge les frais de formation.

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L’Union des industries chimiques (UIC) n’en est qu’à la phase d’analyse des besoins d’évolution de ses techniciens et ingénieurs. Elle finalise un rapport sur l’évolution des formations. « Il faudra décloisonner la chimie des matériaux et la biologie et renforcer les compétences en écotoxicologie pour le traitement de l’eau et des sols », explique Daniel Marini, son directeur des affaires économiques. Mais la reconversion est délicate. Les innovations de rupture, comme la chimie végétale ne sont qu’émergentes alors que les réductions d’effectifs sur les activités traditionnelles accélèrent. Du côté de l’automobile, on identifie bien la nécessité de convertir des spécialistes du moteur technique à l’électrotechnique mais le timing reste flou. Et suspendu au succès futur des véhicules hybrides et électriques.

créer ses propres centres de formation

Pour piloter leurs besoins, les entreprises investissent déjà dans la formation. Les plus grandes, comme Veolia, disposaient déjà de centres de formation internes qu’elles ont renforcés. Les plus petites, comme Sunnco, fonctionnent souvent avec un mix de formations théoriques courtes, internalisées ou externalisées et de compagnonnage sur le terrain entre anciennes et nouvelles générations de salariés. Pour Thibault Georges, le PDG de Windtechnics, une PME d’implantation et de maintenance d’éoliennes de 110personnes, « la formation sur le tas atteint ses limites. Nous doublerons notre effectif cette année dans la maintenance. Nous n’arrivons plus à assurer la productivité et la qualité de la formation des collaborateurs ». Son entreprise vient d’acquérir un terrain de 20 000 m 2 à Bapaume (Pas-deCalais) pour y installer son centre de formation. Elle disposera ainsi de sa propre tour d’exercice et mobilisera par sessions ses formateurs internes, comme ceux de ses fournisseurs de composants. « Sur les composants, je dois envoyer mes salariés en Espagne et cela me coûte 20 000 euros pour six jours avec le voyage et le logement », témoigne Thibault Georges. Reste la formation initiale. En la

D.r.

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Poujoulat rebondit sur l’environnement frédéric Coirier, le président du directoire de Poujoulat, a renforcé ses efforts sur la r & D pour progresser sur les rendements et la récupération d’énergie.

Rien de plus traditionnel que la fabrication de conduits de cheminée. Et pourtant, les dirigeants de Poujoulat (136millions de chiffre d’affaires) ont su saisir les opportunités liées aux énergies renouvelables et trouver des relais de croissance. Notamment en proposant du matériel à haute performance énergétique. L’entreprise de 1100salariés a ainsi recruté 60personnes l’an passé et compte augmenter ses effectifs de 10% cette année. Cet effort est destiné aux nouveaux produits techniques et à la production de granulés de

matière, de nombreuses formations ont remodelé leurs programmes pour pouvoir adjoindre à leur intitulé la mention « développement durable ». La démarche, initiée dans un premier temps pour attirer des étudiants, commence à se structurer. Les IUT réfléchissent à la mise en place de modules dédiés dans leurs cursus. Les écoles d’ingénieurs ont déjà commencé, notamment dans l’énergie. La filière de spécialisation «génie des procédés» de l’Ensta ParisTech est ainsi rebaptisée «procédés et développement durable». L’Ecole des mines de Douai ouvre

L’usine nouveLLe | supplément au n° 3197 | 17 juin 2010

bois. «Le développement de ces marchés ne crée pas de métiers. Il faut juste intégrer le travail avec des combustibles nouveaux ou des tailles d’installation différentes», souligne Frédéric Coirier, le président du directoire de l’entreprise de Saint-Symphorien (Deux-Sèvres). Le changement, pour lui, intervient surtout dans la R&D, en particulier pour progresser sur les rendements et la récupération d’énergie. L’équipe a donc été renforcée et les efforts doublés ces deux dernières années. L’entreprise y consacre désormais 2% de son chiffre d’affaires. .

cette année une spécialisation « bâtiment à énergie positive ». Quelques diplômes de techniciens apparaissent. Le lycée technique François-Bazin de Charleville-Mézières (Ardennes) propose une formation en maintenance d’éoliennes pour les bac + 2. Mais cela reste rare. Au niveau de l’enseignement comme ailleurs, il manque une réelle visibilité sur les métiers. Encore un effort pour atteindre les 600 000emplois supplémentaires promis pour 2020. . annE-SoPHiE BELLaiCHE, tHiErrY DEL JÉSUS Et arnaUD DUmaS


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FORMATION

Handicap

Mieux former pour mieux recruter La responsabilité sociale passe aussi par l’intégration des handicapés. Mais les entreprises ont souvent du mal à trouver des candidats qualifiés.

>

Depuis le 1er janvier, pour les entreprises de plus de 20 salariés n’ayant fait aucun effort pour recruter des personnes handicapées la

contribution à l’Agefiph est passée à 1 500 fois le Smic horaire

pour chaque personne handicapée manquante dans l’effectif. Soit le coût d’un salaire annuel. >

Jusque-là, la contribution allait de 400

à 600 fois le Smic horaire

selon la taille de l’entreprise.

P

cédric pasquini/réa

Ce qui change en 2010

aradoxe. Le taux de chômage des handicapés atteint plus du double de celui de la popu­ lation, soit près de 20%. Pour­ tant, embaucher un salarié handicapé relève de la gageure. L’organisation de forums, comme celle de la « semaine pour l’emploi des personnes handica­ pées » en novembre 2009, n’est pas de trop. Le comité interministériel, créé à l’automne, devrait aussi assurer une meilleure cohérence de la politi­ que en faveur du handicap. Car les entreprises sont plus que jamais pres­ sées d’atteindre l’objectif de 6 % de leur effectif. Depuis janvier, leur contribution à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (Agefiph) a triplé et approche un salaire annuel. «Dès 2008, nous avons décidé d’anticiper, remarque Jean­ Marie Faure, le président de l’Agefiph. Nous avons établi des diagnostics dans 23000entreprises à “quota zéro” pour leur proposer un accompagne­ ment.» Seules 11 000 ont mis en place un plan d’action et 6000 vont le faire. Les autres verront leur contribution exploser. Avec cette contribution majorée, beau­ coup se sont lancés dans des plans d’action, la contribution étant inver­ sement proportionnelle aux taux de personnes handicapées employées. A 6 % de l’effectif, la cotisation est nulle. Chiffre encourageant, l’Agefiph n’a collecté que 572 millions d’euros en 2009, contre 592 millions d’euros en 2008. Et la part d’entreprises employant des handicapés est passée de 53 à 56 % entre 2007 et 2008. Mais la bonne volonté se heurte à une réalité : trouver des candidats. Long­ temps, les recruteurs ne regardaient

Frein. Si beaucoup d’entreprises cherchent à améliorer leurs pratiques, les grands groupes cherchent souvent des cadres et pour certains métiers, le bac+5 est impératif. pas le CV des personnes handicapées, confie Anne Saüt, la présidente de Diversity Conseil, un cabinet de recru­ tement spécialisé dans la diversité. Aujourd’hui, ils se les arrachent. » La raison ? Trouver les CV n’est pas sim­ ple et beaucoup, surtout les PME, ne connaissent pas les bons réseaux.

rapprocher les formations des besoins

«Ce n’est pas parce que l’on décide de recruter des handicapés qu’aussitôt ils arrivent, appuie Gérald Roux, le directeur général de Koné. Il faut un travail de fond auprès des associa­ tions. » Le fabricant d’ascenseurs a signé un accord triennal avec la direc­ tion du travail, s’est engagé à recruter 40 personnes en trois ans et à réaliser des actions de communication et de formation. Certaines entreprises tentent de for­ mer des candidats. Onze groupes

(Thales, Areva, EdF, LVMH….) ont ainsi signé un partenariat avec la Fédération des associations, gestion­ naires et des établissements de réa­ daptation pour les handicapés (Fagerh) pour rapprocher les formations de leurs besoins. Areva a ainsi embauché des aides médicales via un organisme de la Fagerh. Problème, la fédération forme surtout à niveau CAP ou bac pro. Or, les grands groupes cherchent souvent des cadres. Pour certains métiers, le bac+5 est impératif. « Les SSII ont beaucoup de mal à recruter, note ainsi Marion Sebih, le responsa­ ble du développement de Hanploi, un site de petites annonces spécialisées. » Cathy Saint­Julien, la DRH de l’ingé­ nieriste Altran le confirme : « 80 % de notre personnel est ingénieur. » Or, les handicapés ne représentent que 3 % des effectifs des écoles d’ingé­ nieurs. Un autre combat. Celui de l’éducation. . ARNAud duMAs

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FORMATION

profil

Le directeur du développement durable acquiert ses lettres de noblesse Le Grenelle de l’environnement a assis la légitimité des directeurs du développement durable en entreprise. Leur mission : diffuser la culture « verte » dans tous les services.

Le portrait-robot

> Age moyen 46 ans, 40 % ayant de 50 à 60 ans. > Sexe 63 % d’hommes. > Formation 36 % de scientifiques, 30 % de sciences humaines et politiques, 30 % de sciences de gestion, 4 % de spécialistes du développement durable. > Missions Rédaction du rapport de développement durable, création d’indicateurs dans l’entreprise, communication interne et externe, animation du réseau de correspondants, élaboration et pilotage de la stratégie développement durable. > Salaire 48 000 à 130 000 euros annuels selon l’expérience. source : Michael Page

D.R.

HéLènE VALADE

n

on, ils ne sont pas les simples arguments de la bonne conscience « écolo » des grands groupes. En peu de temps – la profession est née au début des années 2000 -, les directeurs du développement durable sont devenus des incontournables. Le déclic ? Le Grenelle de l’environnement a eu un impact fort sur l’opinion et a fait envisager des méthodes de travail différentes. Les entreprises sont obligées de bouger. L’étude réalisée par Adecco, sur les sociétés du SBF 120, le prouve. « Lors de la précédente édition, en 2007, les entreprises n’avaient pas de visibilité sur cette fonction, explique Johan Titren, le responsable du pôle management de la Responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) d’Adecco. Soit elle

n’était pas mise en avant, soit elle n’existait pas. » Aujourd’hui, 78 % d’entre elles ont créé un service développement durable et 87 % des titulaires de la fonction l’exercent à temps complet. Avec des missions bien précises. « En 2007, nous n’avions pu réunir que deux descriptifs du poste, se rappelle Florence Emanuelli, jeune diplômée d’un master en management de la RSE de l’IAE Gustave-Eiffel à Paris, qui a réalisé l’étude pour Adecco. Alors qu’en 2009, plus de la moitié des directeurs du développement durable en disposaient. » Rédaction du rapport développement durable et témoignages en externe des actions de l’entreprise sont en tête de liste. Mais d’autres missions commencent à prendre davantage de

DiRectRice Du DéveLoppement DuRabLe De La Lyonnaise Des eaux et pRésiDente Du c3D, 43 ans Historienne de formation, puis diplômée de Sciences-Po, Hélène Valade est venue au développement durable par conviction. « Je travaillais à la Sofres à la fin des années 1990 et j’ai senti venir la remise en cause par l’opinion publique de la société de consommation telle qu’elle était. » Elle crée d’ailleurs un Observatoire du développement durable, qui existe toujours, avant d’être recrutée par la Lyonnaise des Eaux pour son poste actuel en 2005. Depuis, elle a vu son métier évoluer. Pour une raison simple : « On a compris qu’il y avait un lien fort entre développement durable et création de valeur, résume-t-elle. Cela commence donc à irriguer tous les métiers. »

place, comme l’élaboration et le pilotage d’une stratégie développement durable pour le groupe. Pour preuve de la légitimité reconnue de la fonction, 66 % de ces managers sont directement rattachés à la direction générale.

un animateur de réseau

En corollaire, les services s’étoffent. L’effectif moyen atteint 5,5 personnes, contre 3,5 en 2007. Et 17 % des entreprises ont des services dédiés à la RSE dépassant dix personnes. Surtout, le directeur du développement durable se mue en animateur d’un réseau de correspondants. A la Lyonnaise des Eaux, Hélène Valade dispose de chefs de projet dans les différentes directions du groupe. « Nous organisons des conseils “développement durable” mensuels, dans lesquels nous partageons nos idées, explique-t-elle. Pour le passage à l’acte, nous avons besoin de ces relais sur le terrain. » Selon l’étude, 85 % des directeurs du développement durable ont créé un tel réseau. C’est d’ailleurs là que réside le prochain défi de la profession. « On a pérennisé les équipes centrales, il faut maintenant le faire pour les correspondants, par de la formation et par l’explication plus précise de leurs missions », conclut Hélène Valade. . ARNAud duMAs

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entretien

Bruno Lafont, PDG de Lafarge

Une politique de développement durable, cela doit pouvoir se mesurer

D.R.

Tous les grands groupes entonnent le refrain de l’entreprise responsable. Quelle importance accordez-vous, réellement et concrètement, à la responsabilité sociale ? La responsabilité sociale commence par celle que nous avons vis-à-vis de nos équipes. Or, la réussite de nos collaborateurs est l’une des trois priorités de Lafarge (avec l’amélioration de la performance et l’organisation multilocale). Cela signifie que nous voulons que ceux-ci se réalisent dans leur travail, et qu’ils ne prennent pas de risque, notamment en mettant en jeu leur santé et leur sécurité. Nous voulons les meilleurs collaborateurs, ce qui dans certains pays n’est pas simple ; en effet, dans de nombreux pays émergents, dans lesquels nous sommes très présents, il y a une vraie concurrence pour recruter les meilleurs talents. Les embaucher, les développer et les fidéliser est capital car, à l’arrivée, le cash flow dégagé par le groupe est le résultat de la mobilisation de 80 000 personnes. Lafarge réunit régulièrement au sein du « Panel de parties prenantes » du groupe, un certain nombre de leurs représentants : des syndicalistes, des architectes, des ONG comme WWF ou Care, des actionnaires, un médecin, etc. Pendant ces réunions, qui se déroulent deux fois par an au siège du groupe, à Paris, nous nous faisons challenger ! Il y est question de développement durable, de santé, de transparence vis-à-vis des salariés et des actionnaires. Je suis convaincu que, dans une entreprise, si vous négligez

“Je ne suis pas gêné par le cadre réglementaire français, mais je le suis davantage par le manque de réglementation qui prévaut dans d’autres pays.“

l’une des parties prenantes, vous le payez. C’est évidemment le cas avec les salariés. Nous faisons très attention à leur satisfaction et à leur feed-back, c’est un point clé pour notre capacité d’adaptation. Il faut penser en permanence à la fin de la crise : comment faire pour être celui qui aura le plus tiré les leçons de la crise, et pour être le plus dynamique ? On peut se dire socialement responsable tout en mettant en œuvre des plans sociaux ? L’emploi n’est pas un sujet tabou. Chaque unité, lorsqu’elle est concernée, trouve des solutions, en ligne avec les principes du groupe. Ainsi, en Jordanie, 800 personnes ont dû quitter le groupe. Mais nous ne les avons pas laissées seules. En créant leur propre activité, elles ont créé 1 200 emplois. Chaque année, en juin, c’est « le mois de la sécurité » chez Lafarge. Quel est le sens de cette initiative ? La sécurité au travail est la première priorité. Pour le dire simplement, un salarié (y compris s’il travaille chez l’un de nos sous-traitants) a le droit d’être assuré qu’il rentrera chez lui, le soir, en bonne santé. Au fond, si vous avez l’ambition d’être une entreprise humaniste, qu’y a-t-il de plus important ? Si vous vous occupez de la sécurité et de la santé au travail, vous démontrez un humanisme, un respect de l’autre. Nous avons ainsi recruté un médecin pour devenir patron de la santé au sein du groupe. La sécurité et la santé sont aussi des moyens de mobiliser tout le monde. En juin, toutes nos unités et tous nos salariés participent ainsi à des activités spécifiques liées à la santé et à la sécurité au travail. Et le respect de l’environnement ? Vous y êtes-vous résolu par obligation ? Pensez-vous que les réglementations, françaises ou européennes, commencent à être insoutenables pour les industriels ? Non, pas du tout. L’Europe a été pionnière dans sa démarche environnementale. Il faut dire qu’elle en avait 17 juin 2010 | supplément au n° 3197 | L’usine nouveLLe

HAMILTON/REA

Pour Bruno Lafont, les efforts doivent être audités pour être crédibles. Une entreprise humaniste? C’est d’abord celle qui garantit la santé et la sécurité de ses collaborateurs.


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selon brunot lafont, « La contrainte a de la valeur, à la fois sur le plan de l’environnement et sur le plan du business. »

particulièrement besoin. Evoluer vers une économie verte nous garantit que l’Europe reste compétitive. C’est ce qu’il faut dire publiquement… En privé, vous ne vous plaignez donc jamais des contraintes excessives qui pèsent sur une entreprise comme la vôtre, qui obligatoirement pollue ? Je vous le répète : je ne pense pas qu’il y ait trop de réglementations environnementales. Concernant le respect de biodiversité à proximité des carrières que nous exploitons, par exemple, nous allons très au-delà de nos obligations. Je ne suis pas gêné par le cadre réglementaire français, mais je le suis davantage par le manque de réglementation qui prévaut dans d’autres L’usine nouveLLe | supplément au n° 3197 | 17 juin 2010

pays. La position du Conseil européen, lors du sommet de Copenhague, était la bonne : d’accord pour réduire les émissions de 30 %, à condition que tout le monde s’y mette. Pour reprendre une formule très juste, je dirais que le monde est aujourd’hui fragmenté, mais que l’air que nous respirons ne l’est pas. Respecter l’environnement, c’est protéger les communautés locales. Chaque fois que nous avons une décision stratégique à prendre, nous nous demandons l’impact qu’elle aura sur les personnes. La contrainte a de la valeur, à la fois sur le plan de l’environnement et sur le plan du business. Comment repérer les faux-semblants, ce que l’on appelle le « green washing » ? Il faut pouvoir mesurer ! Quand vous entendez parler de développement durable, demandez-vous s’il y a un effort de mesure et des engagements quantifiés. Et si les résultats sont audités. Dans notre cas, c’est fait par nos commissaires aux comptes. Même nos carrières sont auditées. Il en va de même pour la réduction des émissions de CO2. Nous avons créé, avec une vingtaine de grands cimentiers mondiaux, le Cement Sustainability Initiative (CSI), une organisation sectorielle en faveur de la responsabilité sociale et environnementale, que je copréside actuellement. Nous avons réalisé 70 millions de tonnes d’économies de CO2, chiffre mesuré et vérifié. A l’heure actuelle, très peu d’industriels ont pris ce genre d’initiative. De même, en ce qui concerne les collaborateurs, dans nos Ambitions Développement durable 2012, nous avons fixé chez Lafarge un objectif de 20 % de femmes dans les équipes dirigeantes. Nous suivons régulièrement l’évolution de ce chiffre, qui s’élève aujourd’hui à 13 %. Là encore, le progrès se mesure. . ProPos recueillis Par thibaut De Jaegher, laurent guez et olivier James





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